Duplique soumise par le Gouvernement de la République française

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9001
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4. DUPLIQUE SOUMISE PAR LE GOUVERNEMENT
DE LA R~?PUBLIQUE FRANÇAISE

La réplique présentéepar le Gouvernement du Royaume-Uni
le 3 novembre 1952 tend à obtenir de la Cour le rejet des conclu-
sions du Gouvernement de la Rkpublique française ,présentées
dans le contre-mCmoire soumis à la Cour en juin 1952 et à faire
dire et juger que le Royaume-Uni a, en vertu du droit interna-
tional, la souveraineté sur les ilots et rochers des groupes des
Minquiers et des l?créhous matériellement capables d'appro-
priation.
La présente duplique, soumise en vertu de l'ordonnance de la
Cour du 29 janvier 1953 a,pour objet de démontrer que le Gouver-
nement du Royaume-Uni n'est pas fondéà soutenir que la souve-
raineté sur les ilots et rochers litigieux appartient au Royaume-
Uni et de demander à la Cour de dire et juger que lesdits îlots
et rochers litigieux relèvent, en vertu du droit internationalde
la souveraineté de la France,
Sur le fondement des mémoires précédents, lesthèses en pré-
sence semblent pouvoir se ramener aux propositions suivantes :
Le Gouvernement du Royaume-Uni estime qu'il est en mesure
de prouver qu'il a sur le territoire litigieux des titres meilleurs

que ceux de la France, ainsi qu'une possession ancienne, paisible
et continue.
Il estime d'autre part que la convention de 1839 n'a jamais
eu ni pour objet ni pour conséquence de modifier le statut terri-
torial des Minquiers et des Écréhous et que, dès lors, tant les
moyens que les conclusions fondés par le Gouvernement de la
République sur cette convention doivent être écartésdu débat.
Pour sa part, le Gouvernement de la République française
soutient qu'à la différencedu Gouvernement du Royaume-Uni il
peut exciper de titres valables et d'une possession conforme
son titre, que les faits de possessionléguéspar le Gouvernement
du Royaume-Uni sont ou bien incertains ou bien sans force, de
telle sorte que le droit du Gouvernement de la République doit
êtrereconnu préférable.
En ce qui concerne l'effet de la convention de1839, le Gouver-
nement de la République maintient qu'eue constitue un épisode
capital dans l'histoire des îlots litigieux et qu'elle a eu pour objet
et pour effet de régler leur statut territorial. Fidèle à l'interpré-
tation de la convention qu'il n'a cessé de dkfendre pendant les
cent et quelques dernières annkes et satisfait d'un arrangement
qui lui a toujours paru une Œuvre de sagesse, leGouvernement
de la République était disposéen 1952 à se contenter du maintien DUPLIQUE DU GOUVERNEBIENT FRANÇAIS (6 II53) 687

de cette situation et du partage qu'elle comporte. Cependant le
Gouvernement de la République ne voit aucun inconvénient B
ramener ses conclusions à une revendication pure et simple de
souverainet6 exclusive sur les îlots et rochers litigieux, en tant
qu'ils sont matériellement susceptibles d'appropriation. Il va de
soi que le Gouvernement de la République ne renonce nullement
ce faisant à tirer de la convention de 1839 et de toute interpré-
tation qu'il se croit fondé à en proposer tous les moyens qu'il
jugera utiIes A l'appui de ses conclusions.
Le Gouvernement du Royaume-Uni s'estefforcé de mettre un
titre à la base de sa revendication de souveraineté. Dans son
mémoire ($$ 14-15) a,rès avoir rappelé les éyénementsde 1066,
il déclare que l'Angleterre est soiiveraine des Ecréhouset des Min-
quiers depuis cette date. Dails sa réplique, le Gouvernement du

Royaume-Uni soutient toujours que le titre originelde la cou-
ronne d'Angleterre à l'ensemble des îles de la Manche serait l'avène-
ment de Guillaume, duc de Normandie, comme roi d'Angleterre
en 1066.
Au titre ainsi alléguépar le Gouvernement du Royaume-Uni,
le Gouvernement de la République peut en opposer un non moins
illustre et plus solide.Il est constant en effet que les 41esde la
Manche faisaient au xlme siècle partie du Royaume de France.
Avant, comme après 1066, Ia Normandie était une province fran-
çaise que le duc tenait du roi de France, son seigneur, auquel il
devait l'hommage et la fidélité.Celte situation trouve son principe
dans l'accord conclu en 911 à Saint-Clair-sur-Epte entre le roi
Charles III et Rollon. Toutefois, Rollon ne reçut alors que la région
de la basse Seine, ou haute Normandie. Ce fut son successeur,
Guillaume Longue Épée, qui, au moment de son hommage au roi
de France Raoul, en 933, reçut en fief pour prix de sa soumission
lesdiocèsesd'Avranches et de Coutances. Du mêmecoup ilrecevait

en fief les îles de la Manche. En 936, Guillaume Longue Epke
prêtaithommage pour l'ensemble de la Normandie au nouveau roi
Louis IV d'outremer. C'est à tort, semble-t-il, que la réplibri-
tannique (note I,p. 499) soutient que (les îles de la Manche elles-
mémes ont étéincorporkes par les ducs de Normandie dans leurs
possessions au début du xmC siècle,lorsqu'ils ont commencéàétendre
leur conqu&te vers l'ouest11.
Le mot de conquête est juridiquement impropre, et quant au
mot de possession iil est ambigu. Il serait plus clair et plus juste
de dire que les îles de la Manche elles-memes sont venues s'ajouter
aux autres fiefsque lesducs de Norm.andi tenaient du roiau début
du xmesiècle.
Il n'est donc ni contesténi contestable qu'en 1066,date à laquelle
le Gouvernement du Royaume-Uni fait remonter le principe de ses
prétentions, la France avait la souveraineté des iles de la Manche.
Tout Ie développement historique qui a abouti au statut juri-
dique actuel des territoiresinsuIairesde la baie di1 Cotentin doitêtre, par conséquent, interprété comme un démembrement de la
souveraineté française originelle.
Il n'entre dans l'esprit de personne, naturellement, de remettre
en cause les effets de ce démembrement et l'Œuvre de l'histoire en
ce qui concerne les îles incontestées.Il n'en reste pas moins que
la situation résultante dérouterait, n'était l'habitude.
A l'origine, tout l'archipel relevait des maîtres de la côte adja-
cente. Or, cet état de droit était, de toute évidence,seul conforme
à la nature des choses. Tout cet archipel, inscrit dans un quadri-
latère dont deux côtésadjacents sont forméspar descôtes françaises,
est géographiquement une dépendance de la France continentale.
Si, aujourd'hui, en 1953, cet archipel se trouve presque tout
entier soustrait au domai~ic français dont il fit partie jusque fort
avant dans le moyen âge, il ne faut chercher l'explication de ce
fait paradoxal que dans une longue succession de contingences

historiques. L'esprit lcplus rassis peut s'étonner du sort de ces
iles, situéesdansune baie française, devenues anglaises parce qu'un
baron français, un duc de Normandie, a conquis l'Angleterre en
l'an 1066. Car, en dernière analyse, telle est la cause première,
assez piquante, de ce coup du sort, véritable défiau donnégéogra-
phique. On peut bien dire, dès lors, que les îles anglo-normandes
sont normandes par nature, et anglaises seulement par l'Œuvre de
l'histoire.
On voit donc que si les vicissitudes de l'histoire ont pu séparer
ce que la nature avait uni et placer dans lc domaine de la couronne
d'Angleterre des îles situées dans une baie française, séparkede la
Grande-Bretagne par toute la largeur de la Manche, il n'y a pas
lieu,a la faveur d'une méthode dtinterprCtation extensive, d'aggra-
ver les effets de ce paradoxe géographique et, sans des raisons
absolument contraignantes, de rien soustraire encore à la souve-
raineté des maîtres de la côte continentale adjacente.
C'est pourquoi l'attention de la Cour sera attirée sur l'emploi

que le Gouvernement du Royaume-Uni a cru pouvoir faire, en
l'espèce,du terme et de la notion de cdépendance n, appliqué aux
ilots litigieux, ainsi que de l'idée toute voisine d'une «entité»,
d'une cunité naturelle indivisible n formée par les cîles de la
Manche
D'une manière générale,le Gouvernement du Royaume-Uni
affirme que les îlesde laManche forment une entitC physique
(réplique britannique, 5II~), un ensemble indivisible, que dès
lors ce qui vaut pour les principales d'entre elles vaut pour les
autres. Cet argument est longuement clkveloppédans la réplique
britannique ($3118,121, 131, 132).
Le raisonnement est, semble-t-il, que l'accessoire nc peut être
séparé du principal et que ce qui s'entend du principal vaut pour
l'accessoire, ou bien que les iles litigieuses font partie d'un tout
dont on ne saurait les distraire sans rompre une unité qui va
de soi. DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (6III53) 689

On examinera de plus près ces « postulats 1)dans la suite de
cette réplique, mais un examen généraltrouve naturellement sa
place ici.
Des mots tels que (entité P,« dépendances i)sont ambigus. Ils
devraient être invariablement précisés afinque l'on sache s'il
s'agit d'une entité naturelle ou d'une entité instituée, d'une dépen-
dance naturelle ou d'un lien dc dépendance décrété par le droit
ou convenu entre des parties.

Dans son 5 118, Ia réplique hitannique soutient en termes
générauxque les îles de la Manche forment une entité 9hysiqzre-
ment distincte de la Normandie continentale (c'est nous qui sou-
lignons). Elle tire de là immédiatement des ccinséquencesjuri-
diques relatives à l'interprétation des énumkrations incomplètes
que l'on trouve dans les textes. Pour désigner l'ensemble, il suffi-
sait de nommer les principales iles.Le Gouvernement de la R6pu-
blique est loin de refuser toute yaleur aux notions dont le Gouver-
nement du Royaume-Uni fait usage, mais l'exemple qui vient
d'êtrecité montre quelles précautions sont nécessaires.

En fait, l'ensemble naturel dont il a étéquestion ne s'est trouvé
intégrésans reste dans un ensemble juridique qu'à l'origine et
dans les périodes anciennes, au temps où une m&mesouveraineté
' s'étendait sur la côte normande et sur l'archipel de la baie rior-
mande du Cotentin. Aujourd'hui les Chausey ne font pas partie
de cet ensemble secondaire et restent rattachées à la souveraineté
primitive.
Elles n'ont pas suivi le sort du reste de l'archipel, si ce n'est
peut-être pour une courte période. La non-coïncidence actuelle,
au niveau des Chausey, de l'entiténaturelle et de l'entité juridique
est de peu dtintér&taujourd'hui parce que le droit est fixé. S'il
*
ne l'était pas, on entendrait peut-être parler d'une entité natii-
relle qui justifierait le rattachement des Chausey au reste de
l'archioel.
Si lés îles anglo-normandes étaient un archipel découvert à
cinq cent lieues des côtes, s'il s'agissait d'un groupe insulaire,
situé comme les Açores, par exemple, au milieu de l'Atlantique
et sans lien ancien avec le continent, on comprendrait que le
maitre des principales iles invoque, à défaut d'un autre moyen
pour asseoir sa souveraineté générale,l'unité de l'ensemble, mais,
en l'espèce, lescirconstances, comme il a étédit, sont toutes diffé-
rentes.

La souveraineté de la couronne d'Angleterre sur celles des iles
normandes dont la possession ne lui est pas contestée, procède
d'un démembrement de la souveraineté française. Cependant, on
ne saurait rien présumer en pareille matière et ?t ce prix éte~idre
les effets de ce démembrement à des terres qui ne sont nommées
nulle part dans les instruments juridiques dont il est fait état.
Dès lors, quand on lit dans la réplique britannique ($ 106-VI)
qu'il ((appartient au Gouvernement de la Rdpublique française de montrer que les Minquiers et Ics Écréhous ont étéexclues du
règlement gknéralde 1259 q,ui n'a pas troublé le roi d'Angleterre
dans la possession continue des iles de la Manche I),on peut se
demander si le Gouvernement du Royaume-Uni a bien pris toutes
,les précautions nécessaires avant de faire usage de la notion
d'entité ou de la notion de dépendance.
11 n'incombe nullement au Gouvernement de la République
de démontrer que les Minquiers et les ~créhous ont étéexclues
du règlement généralde 1259 eb que ces ües ne doivent pas être
comprises dans lte?zsembledes iles de la Manche. Il incombe plutôt

au Gouvernement du Royaume-Uni de démontrer que les Min-
quiers et Ies Écréhous étaient inclues dans le règlement de 1259
et qu'il existait des îles de la Manchc 1)qui auraient compris
les Minquiers et les Écréhous par l'effet d'une intégration, inévi-
table en ce qui concerne ces ilots, mais inopérante en ce qui
concerne les Chausey et le niIont St.-Michel. L'analyse fait donc
bien apparaître à la base de toute une partie de l'argumentation
britannique des notions utiles maisd'un usage délicat dont l'appli-
cation doit &tre justifiéedans chaque cas. Le Gouvernement de
la République n'aperçoit donc dans la réplique britannique aucun
argument capable d'infirmer les conclusions du contre-mémoire
français,à savoir:
I" que le Royaume-Uni n'a d'autre titre à la souveraineté des

îles anglo-normandes qu'u~~elongue possession, dont il doit flaire
la preuvepour chacuned'elles ;
2" qu'il n'a point fait cette preuve ni pour les Écréhous ni pour
les Minquiers.
C'est ce qui sera établi dans la première partie de la duplique.
Pour employer, peut-être avec plus d'exactitude ici, la notion
de «dépendance riles conclusions positives du Gouvernement de
la République reviennent à dire que les ilots litigieux constituent
des dépendances physiques du territoire français, que le lien
juridique originel conforme à cette situation naturelle n'a jamais
étérompu, qu'une possession conforme et suffisante est établie.
Dans une deuxième partie, le Gouverricment de la République
montrera d'abord comment toute l'histoire récente des îlots liti-
giev, en particulier l'épisodecapital de 2839, s'explique par cette

situation naturelle, la dépendance par rapport au continent de
ces îiots français, posésau milieude cette minuscule Méditerranée
anglo-française que sont devenus par l'opération de l'histoire ces
parages de la baie du Cotentin.
Il montrera ensuite que le lien de dépendance subsiste et que
l'appartenance physique, compte tenu en particulier des doniiées
de la géographiehumaine, est plus évidente que jamais. Les ingé-
nieurs sont capables, dâns un avenir assez proche, d'appuyer sur
les Minquiers les digues, jetées du continent, d'une installation
marémotrice de plusde vingt milliards dc KWH. annuels (annexe 1).
De pareils travaux ne feraient que coilcrétiser un peu plus ladépendance ancienne des Minquiers par rapport au continent et
montreraient combien elle est plus solidement fondéeque ldépen-
dance de même nature que le Gouvernement clu Royaume-Uni
invoque au profit de Jersey ou de l'entité physiqiie des îles cle
la blanche. PREMIERE PARTIE

Le Gouvernement de la République se propose d'Ctablir en
premier lieu :

I" Que le Gouvernement du Royaume-Uni n'a d'autre titre
à la souveraineté des îles normandes qu'une longue possession,
dont ildoit faire la preuve pour chacune d'elle ; ,
2" Qu'il n'a point fait cette preuve ni pour les Ecréhous, ~iipour
les Minquiers,

de telle sorte que le titre originel de la France ne se trouve aucune-
ment ébranlé.
Cette démonstration fera l'objet de deux sections, dont Ia pre-
mière sera consacrée à la période qui s'étend des origines à la fin
du XVIII~~ siècle,et la seconde A la périodemoderne;

Cette section sera elle-même divisée en deux sous-sections :

1. - La situation juridique des iles de la Manche jusqu'à la
fin du XVIII~~ siècle.
II. - Faits concernant les Écréhous et lesMinquiers jusqu'à
la fin du XVIII~~ siècle.

1.- Situation juridique des iles de la Ma~zche

jusqu'à la fin dzcXVIIlme siècle
A. - La réplique britannique prétend (5 107) que le titre
originel de la couronne d'Angleterre a l'ensemble des iles de la
Manche remonte à 1066. Cet argument ne laisse pas de surpren-
dre. La conquêtede l'Angleterre par le ducde Normandie en 1066
est un fait qui n'a aucune répercussion sur le lien juridique qui

unissait le duc au roi de France. Le roi de France n'est pas devenu
de ce fait suzerain de l'Angleterre et de son roi mais, d'autre part,
Ie roi d'Angleterre n'est pas devenu suzerain du duc de Normandie
à la place du roi de France.
Il est vrai que les rois d'Angleterre essayèrent à différentes
reprises, et à l'occasion des guerres interminables qu'ils menèrent
contre les rois de France, de se soustraire A cette cérémonie de
l'hommage qu'ils jugeaient humiliante. En 1109, les envoyés du
roi de France Louis VI rappelaient à Henri Ic~d'Angleterre à Gisors
sa qualité de vassal ; mais c'est en 1120 seulement qu'Henri ICP prêtaitenfin l'hommage à Louis VI pour la Normandie, par l'inter-
médiaire de son frère, Guillaume Adelin. De même,en 1137 ,us-
tache, fils aîné du roi Gtienne d'Angleterre, recevait l'investiture
de la Normandie du roi de France Louis VI1 (voir H. Prentout,
Essais sz~r les origi~zeset la fondation dzlDz~ckk de Normandie,
Paris, 1911 ; Ph. Lauer, Le règne de LoztisIV d'Ozltrenter,E'aris,
18gg ; et Robert Ier etRaoul de Bourgogrze, rois de Frawce, E'aris,
1910 ;A. Fliche,L'Europe occidentale de888 ù 1123, dans Histoire
généraleP , aris,1930).
Les rois de France étaient donc, pour la Normandie, les suzerains
deGuillaume le Conquérant et de ses successeurs, en théoriecoinme
en fait.

A la vérité,il n'y eut jamais entre la Normandie et l'Angleterre
qu'une union personnelle. Les droits de Guillaume Ie Conquérant
et de ses successeurs sur les deux pays reposaient donc sur des
titres différents; ils régnaient sur l'Angleterre par droit de
conquCte, en pleine indbpendance ; ils,tenaientlitNormandie cn
fief du roi de France à charge d'liommage.

B. - C'est en sa qualité de vassal que, en 1202, le roi ,Jean
d'Angleterre fut assignépar son seigneur, leroi dc France Philippe-
Auguste, à comparaitre devant la Cour de France, pour y répondre
de manquements à ses devoirs féodaux. Cité plusieurs fois, il
s'abstint de comparaitre ou d'envoyer un procureur. Aussi, le
28 avril 1202, (la Cour de France s'étant asseinbliiejugea queleroi
d'Angleterre devait êtrcprivé de toute la terre que, jiisqu'ici, lui
et ses prédécesseursavaient tenue du roi de France, pour Ia raison
que depuis longtemps ils avaient négligéde faire tous les services
dus pour ces terres ct ne voulaient presque en rien obéir à leur
seigneur >J.
&lle est la traduction du texte d'un chroniclileur anglais conteni-
porain des événemeiitset remarquablement bicii informé, Raoul

de Coggeshall, Chronico~n ~~tglicnizrim(Ed. Stevenson, Rolls Series,
PP- 135-136)-
La répliquebritannique ne fournit aucun argument sérieuxpour
contester la validité de cet arrêt.Elle se pIsce presque exclusive-
ment au point de vue politique, sans examiner sérieusemcntle cati:
juridique dc l'affaire. Nous n'avons pas d'ailleurs i nous occiiper
de ce qu'ont pu dire des érudits modernes, mais seulement à tenir
com~te des textes contem~orains.
~l'convient de remarclu& la forme juridique sous laquelle Raoul
de Coggeshall rapporte le jugement de la Cour de France. Pl en
indique en termes précis lesmotifs et le dispositif. Certainement
ce chronic~ueur,bien informé,avait eu sous les yeux une expédition
officiellede l'arrêt,qu'il reproduit peu près textucllcment. 011 nc
s'expliquerait pas pourquoi il en aurait aggravé la teneur au d6tri-
ment du roi Jean, dont il était iin serviteur fidèle,en lui donnant

une forme juridique qui ne se trouvait pas dans l'original. C'est sans preuve sérieuseque l'historien français Petit-Dutaiilis,
invoqué par la réplique britannique (3 rog), soutient que l'arrêt
n'a jamais étérédigépar écrit. Une mise par écrit était nécessaire
pour que Philippe-Auguste pût le notifier au roi Jean. Il ne faut
pas s'étonner que l'original soit perdu : car nous sommes loin de
posséder toutes les archives de cette kpoque.
Petit-Dutaillis remarque par ailleurs (1Mo?tarchifeéodale,p. 245,
n. 2) que le texte de Raoul de Coggeshall est d'accord avec un
acte officiel expédié, environ vingt ans après, par la chancellerie
du roi de France. Il se réfère A un mandement de Louis VI11
adresséen 1224 aux bourgeois de Limoges, où ce roi dit:(iSachez
tous que feu Jean, roi d'Angleterre a, du commun et unanime
jugement des pairs et autres barons de France, perdu legalement
à toujours toute la terre qu'il tenait de ce côtéde la mcr d'Angle-
terre de feu notre cher père Philippe, roi de France, et que dès
lors toute cette terre s'est trouvée dévolue en droit à notre dit

père. n
Comme l'indique Raoul de Coggeshall, l'arrêt de la Cour de
France était fondé sur le fait que le roi Jean et ses prédécesseurs
ne voulaient presque en rien obéir Q leur seigneur, le roi de France.
Tout particulièrement le roi Jean avait, au cours de la procédure
qui donna lieu à l'arrêt de 1202, désobéi plusieurs fois à des
« semonces », c'est-à-dire à des citations, qui lui avaient été
adressées.
Jean avait commis des torts envers la famille de Lusignan, qui
tenait de lui desfiefs en Poitou et en Aquitaine. En 1200, il enleva
Isabelle d-'Angoul&mef,rancCeà son vassal Hugues IX de Lusignan,
comte de la Marche, qu'il épousa le 30 août. C'était de la part
d'un suzerain un acte grave de déloyauté quiautorisait le vassal
à rompre son hommage. Hugues de Lusignan demanda au roi
Jean u11dédommagement pour cet affront. Il attendit en vain
jusqu'à Pâques de l'annéesuivante. N'ayant pas reçu de réponse,
il pritles armes, secondépar ça famille etune partie de la noblesse

poitevine, après avoir adressé un appel au suzerain suprême, le
roi de France. Philippe-Auguste chercha, sans y réussir,à concilier
les parties. Jean ne suivit pas ses conseils et éluda ses sommations.
Au contraire, il saisit des ch9teaux qui appartenaient aux Lusi-
gnan: Driencouri, sur Raoul d'Eu, frère d'Hugues IX; Moncon-
tour, sur Geoffroy de Lusignan, son oncle. Sur ces faits, voir
Bémont :De la condam~zatiordte Jean satrs Terre par Eu Cour des
pairs de France, dans Razte historiqzle, rSS6, XXXII, pp. 34, 39,
n. I, 53, 303 ; A. Richard, Histoire des Comtesde Poitou, pp. 378,
379, 3841386, 389,3911 393, 396, 397.
Les faits reproches au roi Jean étaient donc sérieux, tandis que
Philippe-Auguste avait agi correctement eiisa qualité de suzerain
pour tâcher d'apaiser les parties. On s'étonne que Petit-Dutaiilis,
cité par la réplique britannique (3 IoS), ait pu dire: «.Les raisons
de la brouille entre Jean et les Poitevins ne nous importent pas. i) Philippe-Auguste n'ayant pas réussi dans ses efforts de conci-
liation, cita le roi Jcan à comparaître devant la Cour de France,
qui était co~npétentepour juger le litige entre le roi Jean et les
Lusignan, Jean se retrancha deirière une séric d'échappatoires
pour ne pas répondre A l'assignation. D'après Raoul de Coggeshall,
il prétendait qu'il ne devait pas êtrecitéen dehors de la Normandie,
invoquant un usage immémorial confirmé par des écrits authen-

tiques ; mais, suivant l'expression de cet auteur, il s'agissait d'un
colloqz~iz~nrzgis, c'est-à-dire d'une conférence avec le roi et non
d'une comparution en justice. Philippe-Auguste lui fit d'ailleurs
répondre qu'il était ajourné comme comte d'Aquitaine et d'Anjou.
Malgréles multiples citations qui lui furent adressées,Jean persista
à faire défaut: il ne se présenta pas devant la cour du roi et n'y
envoya pas de procureur.
C'est ce que rappelle le paye Innocent III, dans une lettre
qu'il écrivitau roi Jeaii Ie 31 octobre 1203 (Historiens de France,

t. XIX, 1,p. 444) :((Comme tu avais enlevésans raison et arbitraire-
ment leurs chateaux et leurs terres à des hommes qui regardent
son fief,PhiIippe, comme suzerain supkrieur, poussépar la plainte
des spoliés,t'a mandé, non une seille fois, mais à maintes reprises,
que tu fisses réparation ; tu as promis, mais tu n'as rien fait et
tu as accablé davantage les accablés ; il l'a supporté plus d'un
an, demandant et attendant satisfaction. Comme ayant pris conseil
de ses barons et de ses hommes, il t'avait fixécertain terme pour
comparaître en sa présence, afin que tu fisses sans rétractation
cc quc le droit prcscnrait, tu ne t'es pas présentéau jour fixé,

bien que tu fusses soli homme lige et tu n'as envoyé aucun procu-
reur ; mais tu as complètement dédaignéson mandement. i)
Homme lige du roi de France, Jean était justiciable de sa cour.
II était tenu d'y rCpondre de toutes les plaintes portées contre
lui. Comme il avait négligéde le fairc, on s'explique l'arrêtdu
28 avril 1202. La Cour de France dPclara que, à causc de son refus
persistant d'obéir aux semoIices qui lui avaient été adressées,
Jean devait étre privé de toutes les tcrres qu'il tenait du roi de
France. Ce jugement était conforme au droit féodal,qui punissait

le vassal rebelle de la(commise 1)dc ses fiefs.
L'arrêt invoque aussi, avec les actes de désoi~éissance du roi
Jean, ceux de ses prédécesseurs.Une étude rapide de l'histoire
du xIrmesièclepermet de constater que les Plantagenéts Henri II
et Richard Ier, qui avaient précédé le roi Jean, n'avaient pas été
des vassaux exacts à remplir leurs devoirs :car coiistamment ils
avaient aspiré A l'indépendance de leurs fiefs contiiientaux.

Il est aussi vain de soutenir ($ 110) que l'arret de 1202 ne
s'appliquait pas A IaNormandie sous prétexte qut:lcs faits repro-
chés au roi Jean s'étaient passésen Aquitaine. Sans doute, comme
le dit Raoul de Coggeshall, Jean fut assigné pzcasi conzes Agtii- tania et Andegavi~. Mais, homme lige du roi de France, il répon-
dait de ses obligations vassaliques sur l'ensemble de ses fiefs ;
tenu personnellement de se justifier devant la cour de son suze-
rain, son devoir était indivisible. C'est pourquoi l'arrêt dit qu'il

doit êtreprivé de toute la terre que lui et ses prédécesseursavaient
tenue du roi de France. Raoul de Coggeçhall ne conteste pas la
légalitéde cette sentence.
Il n'est pas non plus exact de dire (5 112) que Saint-Louis,
petit-fils de Philippe-Auguste, ait eu des doutes sur la légitimité
de l'arrêt de 1202. Il suff~t de s'en rapporter au témoignage de

Joinville, ami et confident du saint Roi (Histoire de Saint-Loztis,
XXXVII, éd. Natdis de Wailly, p. 245). D'après cet auteur,
Louis IX disait à ses familiers : (Signour, je suis certains que
li devancier au roy d'Angleterre ont perdu tout par droit la
conqueste que je tieng. i>Le Menestrel dc Reims invoqué par la
réplique britanriique n'avait pas de rapports directs avec l'entou-
rage du roi : il n'apu rapporter que des racontars sans fondements

. sérieux. (Sur la valeur de cette chronique, cf. dans les Historiens
de France, t. XXIII, introd. fr. VIII et y.301.)

C. - A la suite de l'arrêtde 1202, le roi d'Angleterre n'avait
plus aucun droit sur des terres relevant de la couronne de France,
y compris le duché de Normandie. En fait, Henri III, fils du roi
Jean, réussit à reprendre la plupart des iles normandes. Dans
des lettres patentes du 21 juin 1218, confiant à Philippe d'Aubigny

la garde de ces îles, il énumèreJersey, Guernesey, Sercq, Aurigny
et Herm. Maiç aucun texte contemporain n'indique qu'il ait
retenu en sa main d'autres îles plus proches du contiricnt,, comme
le Mont Saint-Michel et leç Chausey, non plus que les Ecréhous
et les 3linqiiiersl.
Dans les traitésposthrieurs conclus entre la France et l'Angleterre,

il n'est jamais question que des îles possédéespar le roi d'Angle-
terre. Contrairement a ce que soutient la réplique britannique,
aucun acte diplomatique ne parle de l'ensemble des îles riorniandes,
ni de tout l'archipel.

r0 C'est ce que marque netternerit le traité de Paris de 1259
(Layettes da Trésordes Chartes,t. III, p. 411, nos 4416,4554 ; cf.
annexes au mémoire britannique, 1). L'article 4 parle ((des illes,
s'aucune en i a,que li rois d'Engleterre tiegne, que soient du reaume

La réplique britanniqu(§ 182)conteste la valeur de l'article du P. de Gibon
surLes iles Chausey, publiédans Le Payde Granville. t. VI et V1I. Cette étude
reposesurdes textes indiqués dans les notes.Elle est plus sérieuseque l'ouvrage
moyen kge. Les lettres patcntde 1343,ipar lesquelles PhilipVIeconfirma la
donation de ces îles faite par l'abbédu Mont St.-Michel aux fréresmincurs, ont été
délivréeà la demande des parti:elles n'avaient aucunbut politique.de France ii.11 s'agit seulement des îles que le roi d'Angleterre
« tients, c'est-à-dire: a en sa possession. La possession est .zLnfaif
dont ilappartient au roi d'Angleterrede faire la prettve. La rkplique
britannique (5127.)allègue en vain lc mandat adressé en 1258 par
Henri III 5 Drew de Barentin, pour lui enjoindre de garder les
îles de Guernesey et de Jersey et (autres îles du roi 1)II n'est pas

douteux que le roi d'Angleterre ait eu dés lors en sa possessicin
d'autres îles que Jersey et Guernesey, comme l'indiquent les lettres
patentes de 1218 citéesplus haut. Mais cette expression «les autres
îlesa ne signifie pas (toutes Ies ilesn voisines du Cotentin.
2" On peut faire des observations semblables sur l'article 6 du
traité de Calais du 24 octobre 1360 (Cosneau, Les truités de En
guerre de Cent ans, p. 43). 11 reconnait que le roi d'Angleterre

tiendra toutes les îles de L'Océan adjacentes aux pays cédéspar le
roi de France, (avecque toutes les autres îles lesquels le roi dJArigle-
terre tient à prcscnt 1)Ces autres ilcs sont, comme le reconnait la
réplique britannique (3 I~I), les (îles de la Manche 1);mais c'est
sans fondement qu'elle ajoute au texte adans leur cnsemtile ii.
Encore une fois, il ne s'agit que des îles(lcsquels le roi d'Angleterre
tient à présent 11autrement dit :en sa possession. Rien Iie prouve
qu'il ait eu alors en sa possession le Mont Saint-Xichel, les Chausey,
les Minquiers et les Écréhous.

3" De méme, le traité de Picquigny, du zg août 1475, après
avoir énuméré les îles de Guernesey, Jersey et Aurigny, parle des
<(ysles, terresct seigneuries, qui sont ou seront teriues et possédi.es
par ledit seigneur roi dtAnglcterre ou par ses sujets ii.Certes, Ic roi
d'Angleterre possède d'autres îles que les trois énumérées comme
Serk, Herm et Jethou. Mais on nc voit pas ce qui autorise le

Gouvernement du Royaume-Uni ;iprétendre (3 136) que le mot
îles se réfère évidemment à toutes ies autres ües de la Manche.
Il n'est question que des iles (tenues et possédées » par le roi
d'Angleterre ct ses sujets.
La possession est un fait dont la preuve incombe à celui qui
l'allègue. Le Gouvernement français est donc fondé à maintenir
sa précédente conciusion que le Gouvernement britannique a
l'obligation de prouver qu'il a tenu en sa possessioii les ilcs qui font
l'objet du présent litige,

Rien ne sert de dire ($5 118-119 q) e les fles de la Manche
étaient considéréescomme une entité distincte de la Normandie
continentale. Cette affirmation ne peut se soutenir que pour celles
qui étaient restées en la possession du roi d'Angleterre. De mêmc,
dans les actes qui parlent de Jersey, Guernesey et leurs dépendances,
le mot <(dépendances s ne doit s'entendre que d'iles possédées par
le roi d'Angleterre. 11. - Faits concernant les &créltouset les ~%!i+zqtciers

jzrsqzs'iEd fin ~ ZXVJJIme siècje
A. Les ÉCY~JLOIIS

Le Gouvernement de la République française continue à affirmer
que, depuis la mainmise de Philippe-Auguste sur la Normandie,
les îles Écréhous ont constamment relevéde la couronne de France
par l'intermédiaire de l'abbaye de Val Richer. La réplique britan-
nique ne produit aucun argument qui soit susceptible de faire
rejeter cette conclusion.

I" Fondation de l'égliseNotre-Llatne d'Écréhou

Pierre de Préaux, qui avait reçu le fief des îles du roi Jean encore
en possession du duché de Xormandie, donna en 1203l'iled'Ecréhou
à l'abbaye de Val Richer A charge d'y construire une églisedédiée
à Notre-Dame. Cette donation faite en pure aumône av-t pour
effet dc rompre le lien féodalantérieur, en sorte que l'île dlEcrkhou
ne faisait plus partie du fief des iles. C'est ce qu'il est facile
d'établir, en dépit des dénégations de la réplique britannique

($5 145-1531.
Il suffit de s'en référeà la Szrnzmade Eegihs Nornzannie, CXV
(éd. Tardif, t. II, p. 298) : ((Elemosina autem est pura in qua
princeps nihil sibi terrene retinet jurisdictionis seu dignitatis», ce
qui doit se traduire : ((Nais l'aumône est pure quand le seigneur
(qui a fait la donation) ne retient rien pour lui de la juridiction ou
de la dignité territoriale. i) On ne s'explique pas la traduction
donnée par la réplique britannique (5 147, n. 3) (....quand le
suzerain nemconserve rien pour lui-même de la terre, excepté la
juridiction et la dignité1)Quel est dans le passage le mot latin qui
signifiei(excepté J)?
On peut dire assurément avec Blum (Les origines dzt bref de
fieflai et dJazrmô?zed,ans Semaine d'histoire du droit normand tenue
à Jersey en 1923, p. 376),que la franche aumône étaitune tenure.

Mais c'était en ce sens que le donateurretenait un service de prières.
Ainsi Pierre de Préaus indique qu'il fait sa donation (pour le
salut de l'âme du roi Jean, de lui-mêmect de tous ses ancêtres :
des messes doivent êtredites dans la nouvelle église à cette inten-
tion ».C'est un service dont le prieur d'ccréhou s'acquittait encore
en 1309, ainsi que le montre la procédure de quo warranto. En
revanche, Pierre ne retient pour lui aucune juridiction séculiére ni
aucun droit d'ordre féodal.
Idri.franche aumône, ne comportant aucun service d'ordre tem-
porel, a pu parfois étre comparée à un allcu :car le domaine
éminent du constituant avait disparu. Brissaud, Histoire dz~droit
Jrançais, p. 735. Mais ce n'est là qu'une comparaison approximative.
En effet, le seigneur supérieur (dominzrscapitalis) consenrait ses

droits : car le donateur ne pouvait donner plus de droits qu'il n'en IIUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (6IIIj3) 699

avait. Si par ta donation dc Pierre de Prbaux l'île d'Écréhou
cessait de faire partie du fief des îles, elle contirluait à relever du
duc de Normandie. Elle dépendait désormais de lui par l'intermé-
diaire de l'abbéde Val Richcr. (Cf.Blum, py. 371, n. 4, 373,ri. 2.)
A la suite de la conquête de la Normandie cn 1204, le roi de
France succéda aux droits du duc.
L'abbaye de Val Richer passa sous sa garde, ainsi que l'île
d'kcréhou dont il devint le seigneur supérieur. Le roi d'Angleterre,
restant en possession de la plupart des Iles dIa blanche, ne poiivait
plus prétendre qulEcréhou en fût une dépendance,

2" Sort du prieuré d'Écréhou
Tant que subsista l'église Notre-Dame dJÉcréhou, elle fut
desservie par des moines envoyés par l'abbé de Val Richer, dont
l'un avait la cliialitéde prieur. On ne voit pas que les autorités
britanniques aient jamais excrcéun acte de souveraineté sur I'îie,

bien que le prieur dlEcréhou ait eu avec elles de fréquentsrapports.
a) Procédure de quo warranta de 1309

hlalgré les assertions de la réplique britannique (55 154-x5g),
cette procédure ne prouve pas que l'île relevât de la souveraineté
du roi d'Angleterre.
L'abbé de Val Richer fut ajourné devant les juges itinérants
tenant un plaid à Jersey pour répondre a diverses demancies
faites au nom du roi d'Angleterre. La seule qui ait de I'intérêt
pour la présente affaire concernait l'avouerie (lu prieuré d'Écrt':hou
(et advocationem firioratus de..). Ils'agissait de savoir quel iStti
Ic seigneur temporel qui avait la garde du pricuré en qualité
d'avoué. Il est remarquable que Ic prieur, représentant son abbé,
s'abstint de répondre sur cetfe question ;c'était manifester claire-
ment qu'elle m'regardait pas le roi d'Angleterre. Et le tribunal
n'insista pas.
La réplique britannique ne donne aucune explication df: ce

défaut de réponse, qui pourtant avait étésignalé clans le contre-
mémoire français. Le plus simple est d'en conclure que, la préten-
tion du roi d'Angleterre à E'advocatiodu prieuré dJÉcréhoun'ayant
pas de fondement sérieux, les juges itinérants n'estimèrent pas
utile de discuter la question.
Il n'y a pas lieu de tirer argument, comme le fait la réplique
britannique (§ r58), de la déclaration faite par le prieur que lui
et ses frères célèbrent toujours la messe pour le roi d'Angleterre
et ses ancêtres.Les moines dlÉcréhou ne font que s'acquitter du
service de prières exigé comme condition de la franche aumône
concédéeen 1203 par Pierre de Préaux, qui avait demandé des
prières pour lui et son roi. Comme il a étédit plus haut, le service,
qui était la seule charge du bien aumôné, ne comportait aucune
juridiction au profit du bénéficiaire. Que leroi Jean, après 1-04?
eût confisquélc fief des îles sur Pierre de Préaux, cette confiscatiori700 DUPLIQUE DU GOUVEKKEMJ:NTFKANÇAIS (6 III53)

ne pouvait pas comprendre I'ile dJI?cr&hou,qui n'en faisait plus
partie depuis qu'elle avait été donnéeen franche aumône.
Le roi d'Angleterre, malgré ses prétentions à l'avouerie, n'avait
d'ailleurs pas de droit de présentation pour le prieuré d'Ecréhou.
L'abbé de Val Richer désignait librcrnent le clergéqui desservait

la chapelle de Notre-Dame. Ainsi, le jeudi avant les Rameaux
de l'annile 1338 (n. 51,alors que Ia France et l'Angleterre étaient
déjà en guerre, Gabriel, abbé de Val Kicher, envoya deux moines
pour garder et régir cette chapelle1. Il n'est pas indiqué que cet
envoi ait étéautorisé par le roi d'Angleterre.

b) Les lettres de protection cle 1337

La réplique britannique considèrc toujours que l'octroi delettres
de protection en 1337 au prieur dJÉcréhou fournit une preuve
que cette île était alors une dépendance de Jersey ($5 160-163).
11convient d'abord de remarquer que nous ne connaissons pas
la teneur exacte de ces lettres. 1311essont mentionnées briève-
ment.dans le palent rolld'Edouard III, qui n'est qu'une liste de
lettres patentes délivréespar la chancellerie d'Angleterre, sous

cette simple rybrique : ((Prior de Acrehow de itzsula de Jersey. ii
Évidemment Ecréhou, qui est un îlot distinct, ne fait pas partie
de l'ile de jersey, dont il est distant de plusieurs milles.
On ne voit pas ce « lien territorial1)dont parle la répli ue bri-
tannique. Une seule traduction est raisonnable : .Prieur d8~créhou
au sujet de l'île de Jersey, ou encore pour I'ile de Jersey. C'est
sans raison que la réplique britaniiiclue conteste cette traduction.
11suffit d'ouvrir un dictionnaire latin-français, comme Quicherat

ou Gaffiot, pour constater que souvent la préposition de a le sens
de ([à cause de », «touchant ii, quant à 1).
Il ne s'a& d'ailleurs que d'assurer la protection des biens que
le prieur d'Ecréhou possède dans l'ile de Jersey. Rappelons avec
le mémoirebritannique ($ 48) que, la veille du jour où les lettres
de protection furent délivrées, uiie commission de l'Échiquier
d'Angleterre avait ordonné la saisie des biens « de tous Français
et autres personnes relevant de la souveraineté et du pouvoir du

roi dc France, tant séculiers que réguliers, se trouvant dans le
royaume et sous Ia juridiction du roi ii.On ne voit pas dans tout
cela la preuve que l'ile d'Écréhourelevât de la souverainetébritan-
nique.

c) Procédures du xivme siècle devant les tribunaux de Jersey
et de Guernesey

Les tribunaux de Jersey ou de Guernesey ont eu à s'occuper,
au xlvlncsiècle,de diverses affaires relevéesdans le mémoirebritün-

I Le stylde Pâquess'était répanduen Norrnan<lie. dèsle débxIrImesikcle,
ainsi que l'affirme Giry. Mandediplomatique, pI15.IIn'y apas de raison de
supposerqu'à l'abbaye deValRicher on suivît un autre usage. nique. Dans aucune de ces affaires on ne voit une preuve clu'ils
exerçaient une juridiction sur l'ile dtÉcréhou.

I. - Le prieur d'acréhou fut plusieurs fois impliqué dalis
des procédures devant des juges du roi d'Angleterre à Jersey
ou à Guernesey, pour des faits qui s'étaient passés dans ces îles.
La réplique britannique ($ 168) reconnaît que (<le contrc-mémoire
français prétend (peut-être avec raison) que la juridiction des
juges anglais s'eserçait simplement parce que ces actions se diTOU-
lèrent à Jersey et non parce que le prieur était considéré comme
sujet anglais i)On ne doit donc pas conclurc de ces affaires que
l'ile d'kcréhou fût une dépendance de Jersey.
2. - Il en est de méme,de la procédure ?Llaquelle donna lieu
la noyade ,des Jersiais à Ecréhou en 1309. Comme le recorinait
la réplique britannique (3 1771,il faut y voir seulement la preuve
que, dès cette époque, des habitants de Jersey fréquentaient l'île

dJÉcréhou pour y pêcher du poisson ou y récolter du varech.
L'enquête desau torit 6s .britanniques, menée ratione personarzrm,
n'implique pas une juridiction sur l'île.

d) Confiscation des rentes d'Écréhou et destruction de l'église
de Notre-Dame
La réplique du Royaume-Uni admet (3 169), avec le contre-
mémoire français, que les rentes dues au prieuré d'Écréhou par

des tenanciers de Jersey, mentionnées clans l'extente de 3528,
avaient étéconfisquées en vertu, des mesures prises contre les
alien $riories. Ce n'était point du tout une conséquence de la
dissolution des monastères, qui ne commença en Angleterre qu'en
1535 et une douzaine d'années plus tard dans les îles ariglo-
normandes. En revanche, rien ne prouve que l'île mêmed'Écrt5hou
et la chapelle aient été l'objet d'une confiscation. La chapelle
subsista encore après la confiscstion des rentes. Herrnant, dais
une histoire du diocèse de Bayeux restée manuscrite à la Biblio-
thèque de Caen (t. II, p. 203). déclare en toutes lettres que le
prieuré d'Ecréhou fut détruit par les Anglais lorsqu'ils ,embras-
sèrent la réforme. Cc fait ne peut pas êtremis en doute. Hermant,
curé de Saint-Pierre du RIaltot, était mieux que quiconque en
état de se renseigner. Écrivant au XVII~~ siCcle,il a pu recueillir

sur place des traditions qui remontaient au siccle précédent.
Il n'est pas admissible que des Anglais se soient livrés à uiitel
acte de vandalisme dans une île anglaise. Unc destruction n'est
pas un acte de possession : ce n'est qu'un acte de guerre, cornme.
'ceux q9'accomplirent les Anglais envoyés sur le continent par La
reine Elisabeth pour y soutenir la cause protestante. Les guerres
de religion ne sévirent qu'en France. L'Angleterre eut le bonheur
d'en être exempte.
Il suffitde comparer le sort du prieuré d'~?créhouavec celui du
prieuré de 1'Islet. b%ti dans un petit îlot voisin de Saint-Hélier. Apparte~iant autrefois à une abbaye française, il est devenu la
propriétéde la couronne dJAiigleterre, qui ne l'a point fait démolir.
L'abbéde Val Richer nc fit pas reconstruire la chapelle détruite.
Nombreuses sont, en France, les églises détruites pendant les
guerres de religion qui n'ont jamais étéréédifiéesP .lusieurs raisons
expliquent que Notre-Dame d'hcréhou n'ait pas étéremise en
état, Apparemment les ruines commençaient déjà à êtreenvahies
par la nier, comme on peut le constater aujourd'hui. L'abbaye

de Val Richer n'avait pas non plus de ressources suffisantes.
3' Évérzemelztspostérieuus Ù La destrz~ctionde l'églised'Écréhozc

Rien nc prouve qu'après Ia destruction de l'église dlÉcréhou
les iles soient tombées sous la domination britannique.
a) Les Jersiais continuèrent à aller ~ècher le ois son aux Écré-
' ho&, co&e ils faisaient déjà au moien âge. Le droit de
n'est pas par lui-mème une marque de souveraineté. Des aveus de
1555 et dc 1556 ,itéspar lepère de Gibon dans son étudesur Les
iles Chnztsey (Le Pays de Granville, t. VI, p. 262) ,econnaissent
que les sujets de la baronnie de Saint-Pair en Cotentin avaient un

droit dc pêche,qui s'étendait jusqu'aux îles de Jersey et de Guer-
nesey. Le Gouvcrncment français n'en tire pas cette coriclusion
que ccs îles fussent une dépendance de la baronnie de Saint-Pair,
laquelle reIcvait du royaume de France.
Le Gouvernement britannique continue, dans sa réplique (31-78),
à se référer5 un passage de Philippe de Geyt, écriten 1692, selon
lequel les Jersiais doivent au recteur de leur paroisse la dîme des
poissons pêchésau large de Jersey et des (enclaves ».L'auteur
cite, parmi les enclaves, les Chausey, les hlinquierset les Écréhouç.
Comme il a étéprouvé par le contre-~iiémoirefrançais, le mot
(enclaves in'a jamais signifié Idépendances ): ils'agit seulement,

dans le passage cité, d'îles enfermées,enclavées, dans la même
mer que Jersey. Il est bien ccrtain que, en 1692, les Chausey
relevaient de la France et ne pouvaient pas êtreconsidérées comme
des dépendances de Jersey: plus d'un siècleauparavant, le roi de
France Henri II, mort en rjgg, y avait fait construire une forte-
resse (Pére dc Gibon, dans Le Pays de Granville, t. VII, p..209).
On ne voit pas sur quoi la réplique britannique s'appuie pour
«insinuer qiic, 5 cette époque»,les Chausey n'étaient pasfrançaises.
b) En dépit des dénégationsdc la réplique britaniiiiliie (3179))
les actes des États de Jersey en 1646 et 1692, intcrdisant aux
Jersiais d'aller aux Écréhous et aux Chaiisey sans une autorisation

.spéciale,sont une preuve que ccs îles n'étaientpas sous la souverai-
neté anglaise. itIl s'agissait simplcmcnt, dit la réplique,de mesures
extraordinaires prises en temps de guerre. 1)Évideinment, c'est
en temps dc guerre qu'un pays interdit à ses sujets d'aller en
territoire ennemi. Encore une fois, nous voyons au XVII~~ siècle
les Écréhous mises sur le mêmepied que les Chausey : c'étaient
des îles où il ne fallait pas laisser aller l«personnes suspectes 1)! *
* *
B. Les Minqtciers

On n'a pas trouvé pour les Minquiers de documents antérieurs
au XVII~~ siècle.Aucun de ceux gu'allègue la réplique britannique
ne prouve que ces îles fussent u~icdépendance de Jerscy. Les faits
invoqués n'impliquent qu'une juridiction ratione persona sur cles
habitants de Jersey qui avaient trouvé dans ces îles des épaves de
navires naufragés. ,
La réplique britannique (3 1S6)affirme (lue les Minquiers fai-
saient partie du fief de Noirrnont situé sur la cciteméridionalede
Jersey à l'ouest de Saint-Hélier, sous prétexte qiic la cour seigneu-
riale de ce manoir s'est plusieurs fois occupée d'épaves rainenées
des Minquiers par ses justiciablcç. Rlais, en 1692, nous voyons
Deborah Dumaresq faire appel d'un jugement de la Cour royde
de Jersey : cette dame agissait comme tutrice de son fils, seigneur
de Sarnarès, fief situé aussi sur ln côte méridionalee Jersey, mais
à l'est de Saint-Hélier (mémoirebritannique, fj 155) p,our réclamer
des épaves de navires français prises par des hommes de ce fief :
faut-il en conclure que les Minquiers relevaient alors de Samarès ?
Tout s'explique avec l'idée d'une juridiction personnelle : le
sujet d'un seigneur riverain de la mer avait le devoir de ramener à

son port d'attache toutes lcs épaves qu'il trouvait en mer. Qiie cc
fût le seigneur de Noirmont ou le seigneur de Samarès, il avait
droit à une part des épaves ramassées par ses hommes, qu'ils les
eussent trouvées aux Minquiers ou ailleurs. C'est pour cette raison
que, en 1617, les officiers de la cour de Eoirrnont ont reproché à
l'un de leurs ressortissants d'avoir porté à Saint-Malo une ancre
qu'il avait trouvée aux Minquiers.
Il n'cst pas, d'autre part, admissible que la couronne d'Angle-
terre ait réclamédes épaves ramenées par des habitants de Jersey
en invoquant l'article 13 d'un statut anglais du x1lrnrsiècleDe
$rerogafiva regis, qui Iiii donnait droit aux épaves de la mer sur
toute l'étendue du royaume. Les auteurs jersiais enseignent encore
au xvIIrrnEsiècleque les lois anglaises ne s'appliquent pas aux îles
normandes, qui ont leur droit propre parce qu'elles constituent ilne
entité distincte du royaume d'Angleterre (Falle, Histoire des isles
de Jersey et Gtcernesey,traduction française, pp. 128, 130). Aussi
le jugement de rbgz, par lequel In cour royale de Jersey attribue
à la couronne d'Angleterre l'épave d'un navire français ramenée
des Minquiers par clcs hommes de Samarès, ne peut se justifier
que par l'état de guerre entre la France et l'Angleterre, qui auto-
risait la couronne à s'approprier les biens de l'eiiiierni. Ileborah

Dumaresq fut d'ailleurs reçue à faire appel de ce jugement, en
soutenant que l'épaveavait ététrouvée par des sujets de son fils.
On ne voit pas dans cette affaire la preuve d'une juridiction
territoriale sur les Minquiers, qui aurait appartenu soit à la cou-
ronne d'Angleterre, soit au seigneur de Samar&. Au moment OU va s'ouvrir lexlsme siècle,la situation juridique
des îlots litigieux est la suivante:pour la plupart des îles anglo-
normandes, la couronne d'Angleterre pcut démontrer la longue
possessioii.Jusqu'au xvnic siècle la couronne de France n'avait
jamais laisse dépérirson titre. Avant comme après le traité de
Troyes, les rois d'Angleterre, indépendants dans leur royaume,
tiennent les îles mglo-normandes en fief du roi de France. Suit
une longue périodede quatre siéclesau terme de laquelle la couronne
d'Angleterre exerce sur la plupart des îles une possession incontestée
et où la France ne prétend plus aucun droit sur ces iles. Elle

reconnaît depuis longtemps, par toute sa conduite, que la couronne
d'Angleterre, partout où elle a la longue possession, est souveraine.
Dès lors, il faut distinguer trois catégories de territoires :
IOceux que Ie Royaume-Uni possède désormais en toute souve-
raineté, bien qu'il ne puisse produire aucun titre autre que la longue
possession ;
2"ceux que la France possède en toute souveraineté en vertu,
elle, de son titre originel, outre la possession, parmi lesquels il
faut distinguer :
a) les Chausey que le Royaume-Uni lie lui contestera jamais ;
b) les îlots aujourd'hui litigieux, compris dans le titre originel
de la couronne de France et que chacune des parties revendique
en pleine souveraineté.
En ce qui concerne les Écréhous, la France n'a cesséd'y exercer
à travers l'abbaye de Val Richer son droit de suzeraineté. Quant
aux Minquiers, le Gouvernement du Royaume-Uni n'a opposé au
titre originel de la France, pour les xvrImc et XVIII~~ siècles,que

des faits dont aucun n'établit l'exercice du droit de souveraineté
par l'Angleterre. .
En ce qui concerne les xlxmC et xxm< :iècles,le Gouvernement
du Royaume-Uni, reprenant les conclusions de son mémoire (3 z35),
soutient, dans sa réplique (5214) ~ue, depuis le commencement
du xlxme sièclejusqu'h nos jours, le Royaume-Uni ou bien aconservé
le titre originel qu'il possédadéjàsur lesMinquiers et les Écréhous,
ou bien (à défaut de ce titre originel) a acquis et conservuiititre
valable au cours des xlxmc et xxme siècles.
Le Gouvernement de la République en a assez dit pour qu'il
soit clair qu'il ne reconnaît pas au Gouvernement du Royaume-
Uni la possession d'un titre ancien, instrumentaire ou autre, qu'il
ait pu conserver ou consolider au xlxme et au xxme siècles.
Dans une première sous-section, le Gouvernement de la Ré-
publique examinera les conclusions, moyens et arguments du DUPLIQUE DU GOUVERNEMEKT FRANÇAIS (611153) 705

Royaume-Uni proposés au soutien de sa thèse en ce qui concerne
un titre qu'il auraitacquis et conservé au cours des xixnL Ct xxme
siècles (ré~liquebritannique, $ 2x4).
Dans une deuxième sous-section, le Gouvernement de la Répu-
blique exposera à l'appui de sa revendication de souveraineté les
moyens qu'il fonde sur les actes ou les faits juridiquesde la période
considérée.

Examen des moyens pvoposéspar le Gottverne?nend tu

Royaztjize-Uni

Les moyens proposés par le Gouvernement du Ropauine-Uni
au soutien de sa revendication de souveraineté, eii ce qui concerne
la périodeconsidérée, setrouvent dansla partie finale de sa r6plique
et dans la partie consacrée A la réfutation des conclusions di1 (;ou-
vernement de la République, à partir du paragraphe 48. Cette der-
nière série de moyens tend à prouver que le Gouvernement du
Royaume-Uni peut légitimement invoquer à l'appui de sa reven- ,
dication les conventions de 1839 et de 1867.
Ilans son mémoire (§ 82), Ie Gouvernement du Royaume-Uni
a fait état de la convention de 1867 qui devait reniplacer la con-
vention de 1839.

La convention de 1867 contient deux innovations importantes
aw moinsquant à la forme, par rapport A celle de 1839.
IO Les articles I~',2, 3 et 9 de la convention de x839 sont
remplacés par un texte unique ;
2" La convention de 1867 contient un article 38 qiii définit les
termes (îles britanniques ii figurant daris l'article premier. Ces
mots se trouvent déjA dans la convention de 1839 (art. g), mais ni
dans cet endroit ni ailleurs cette conirention ne les avait définis.
Nous rappellerons pour plus de clartésur deux colonnes les textes
des conventioris de 1839 et de 1867 (cf. mémoire britannique,

annexes A 27 et A 28) :
Convetztion de 1867

Articlepremier. - Détermine Articlepremier.- Lespêcheurs
les limites entre lesqiiclles la français jouiront du droit ex- .
cote de France, la péche des clusif de pêche dans le rayon
huîtres sera exclusivement réser- de trois miiles. à partir de la
vée ailx sujets français. C'esla laisse de basse mer, le'long de
limite ad hoc. toute l'étendue des côtes de
Article 2. - La pêche des France ; et les pêcheursbritan-
huîtres en dedans de troismiUes niques jouirontdu droit exclusif
(calculés de la laisse de basse de pêchedans un rayon de rrois
mer) de l'île de Jersey, sera milles de la laisse de bassmer.
exclusivement rkservéeaux sujets le long de tolite1'éti:ndiiedes
britanniques. côtcs des fles Britanniques. ne706 uuPLtQue uu GOUVERNEMENT FBANÇAIS (6111 53)

Article 3. - Sera commune sera dérogérl cette règle que
aux sujets des deux pays, la pour la partie descbtes de France
pêche des huitres entre les comprise entre la pointe du
limites ci-dessus désignées,et en Meinga et lecap Carteret.
dedans desquelles cette pêcheest
exclusivement rSscrvCe,soit aux
pécheursfrançais, soit ailx sujets
britanniques. .
Article 9. - Idessujets de Sa
Majesté le Roi des Franqais
jouiront du droit exclusif de
pêche dans le rayon de trois
milles à partir de la laisse de
basse mer, le long de toute
l'étendue descôtes de France, et
les sujets de Sa MajestéBritan-
nique jouiront du droit exclusif
de pêchedans un rayon de trois
milles de la laisse de basse nier,
le long de toute l'étendue des
îles Brita~iniques.
Bien entendu que sur cette
partie des cotes dc France qui se
trouve entre le cap Carteret et
la pointe du Menga, le droit
exclusif de tqute espècede pêche
n'appartiendra qu'aux si~jets
français en dedans des limites
mentionnées en l'article prcmier
de la présente convention.
Article 38. - Les termes
a Iles Britanniques 11et «Royau-
me-Uni » employés dans cette
convention comprennent lesîles
de Jersey, Guernesey, Alderney
(sic),Sark (sic),l'lle de Man, et
leurs dépendances.

La convention de 1839 avait déterminé deux limiteç~dans les
parages dont ils'agit :
x0une limite spéciale le long de la côte de France, valable pour
la pêchedes huîtres (article prcmier) et pour la pêchegknérale
(article 9, alinéa2) ;
2' une limite autour de Jersey (article 2), valable pour la pêche
aux huitres, mais dont le rayon, trois milles à partir de la laisse
de basse mer, est égalà celui de la pêchegénéralele long des côtes

des iles britanniques, déterminé à l'articleg.
L'article 3 de la convention de 1839 déclarait commune aux
pêcheurs des deux nations la pêche aux huitres dans l'intervalle
compris entre la ligne spéciale établie du côté français par l'article premier et la limite des trois milles tiréeautour de l'île dc Jersey,
basse mer.
Il est constant d'autre part que la convention de 1867 n'est
jamais entrée en vigueur et que la convention de 1839 est restéela
loi des parties.
11n'est pas contesté non plus que l'article 38 de la convention
de 1867 avait pour objet de résoudre l'ambiguïté qui résultait de
l'emploi des termes (Plesbritanniques ifigurant ciaiisl'articlgde

la convention de 1839 et dans l'article premier de la conl~entionde
1867.
Ces termes en effet, dans l'usage généralfranqais, traduisent
l'anglais (British Isles». Or, le texte anglais de la convention de
1839 porte «Briti slands » et non « Briti sses ri.
Les termes «Briti sshland ) comprennent :
I" ces îles d'outrc-Manche que l'anglais appelle Britis Iles,
parmi lesquellesl'article 38 de la convention, seloun usage anglais,
fait uri sort spéciaA l'île de Man;

z0 ces yles anglo-normandes qui relèvent de la souveraineté
britannique.
L'article 3s procède par énumération suivie d'une clausule bien
connue par les précédents historiques et chère à la pratique nota-
riale. Parmi les îles de la Manche il ne riommc que Jersey, Guer-
nesey, Alderney (qui dans le texte français aurait dû êtreAurigny)
et Sark (en français Sercq), et il ajoute ((avecleurs dépendances ri.
Outre la conventioii de 1867, le Gouvernement du lioyaumc-
Uni alléguait dans son mémoire :

IO Une convention conclue le 2 janvier 1859 entre la France et
la Grande-Bretagne, relative àl'installation de lignes télégraphiques
entre les deux pays où figurait déjà la formule de l'article8 de la
convention de 1867. Lc Gouvernement de la République a répondu
aux argumeiits fondéssurcette convention dans son contre-mémoire
(page 376). 11n'y reviendra pas.
2" L'article XVIII de la loi britannique de 1843 sur la pêche
maritime, qui contient une énumérationtoute semblable à celles
de 1859 et 1867.
Bien quela loi britannique de 1843ait été passéepour l'exécution
du règlement commun de 1843 convenu entre les parties en vt:rtu

dc l'articleII de la co~ivention de 1839, ce texte n'a pas le carac-
tère d'une convention i~iternationale. 11 relève clu droit interne
britannique et prouve seulement que, en dehors des îles nommément
citées, il en était d'autres que le Gouvernement du Royaume-Uni
considérait comme des dépendancesdes premières et sur lesquelles
il exerçait sa souveraineté. Le Gouvernement de la République
ne conteste pas qu'il existe de telles îles.
Le paragraphe 217 du mémoire britannique expose les conclu-
sions que le Gouvernement du Royaume-Uni tire de la conven1:ion
de 1867.708 DUmPLIQUE IIU COUVERNE3,Il<NT FKANÇAIS (611153)

Il semble désirable au Gouvernement de la Ré~ubiiaue d'en
soiimettre ici sa traduction :

u217. AU cours de la correspondance diplomatique ultérieure
résuméedans la section C de la premiérepartie du présentmémoire,
le Gouvernement du Royaume-Uni a soutenu à pliisieurs reprises,
sur le fondement de l'interprétation correctede certains articles et
conventions, que le Royaume-Un,i avaitun droit exclusif de pêche
dans leç eaux territoriales des Ecrélioiiset des Minquiers. Cette
interprétation étaitla conséquencede la souveraineté qu'il reven-
diquait sur les îlots, et le Gouvernement du Royaume-Uni ne
saurait admettre que le texte de l'une ou l'autre convention soit
en rien incompatible avec cette interprétation. Aiissi bien, la
définitiondes termes iles britanniqztesfiguranti t'articl35 de la
convention de 1867,qui mentionnait expressé~nentles dkyendances,
venait clairementLl'appuidela thèseçoiiteiiuepar leGouvernement
du Royaume-Uni. 1)
Le Gouvernement du Royaume-Uni considère par conséquent
que rien dans les conveiitions n'est incompatible avec sa thèse,

mais que lors de ses précédentesaffirmations de souveraineté, toutes
postérieures à 1867, il avait pu utilement opposer auGouvernement
de Ia République l'article 38 à l'appui de ses prétentions.
Sans invoquer la convciition de 1867, RI.West, chargé d'affaires
britannique à Paris, écrivant au ministre des Affaires étrangères
le 12 novembre 1869, mentionnait en effet les Minquiers en les
qualifiant de dépendaiices des fles de la blanche, d'ailleurs tout à
fait en passant (mémoire IIritannique, aniiexe A 51).
L'argument prend forme dans une dépêche de lord Salisbury
à M. Waddington du 21 novembre 1888 (mémoire britannique,

annexe A 54), où on lit que l'article 9 de la convention de 1839
donne Ie droit de pêche exclusiveaux pêcheursbritanniques dans
un rayon de trois milles le long des côtes des îles britanniques
(British Islands), à quoi il est ajouté :
(and. it was explained in the 3~th article [de la convention de
18671 thatthe terms "British Islands" employed in the Convention
should include the Islands of Jersey, Guernesey, Alderney, Sark,
and Man "with thcir dependencies", which expression could only
have reference to tlie dependencies of those Channel içlands which
were expresçly mentioned by name in the Treaty, such as the
iiiinquiera.

En 1905, l'argument se retrouve dans un mémoraiidum adressé
à l'ambassadeur de France à Londres, en date du 17 avril (mémoire
britannique, annexe A 69). Le Gouvcriiement du 'Royaume-Uni
expose de nouveau la cluestion, en termes plus exacts cette fois-ci.
Après avoir cité l'article38 de la convention de 1867, lc mérnoran-

dum poursuit :
cthe question is thus narrowed down to the point whether the
Minquiers are a dependency of Jersey or were sa considered at the
time of the conclusion of the Convention 1). «La question est ainsi ramenée& savoir si les IiIiiiquierssont une
dépendance deJersey ou si ces îlots étaientdéjàconsidérécsoinme
telsà l'époquede la conclusion de la convention.
Dans la réplique britannique ($ 48), il est soutenu, afin de
démontrer que la convention de 1839 n'avait pas régléirrdvocable-
ment le statut des Minquiers et des ficréhous de la manière exposée
dans le contre-mémoire français, que l'article 3 de la convention

de 1839 ne s'applique pas aux Minquiers et aux Écréhous parce
que ces groupes d'îles étaient des dépendances de Jersey et
rentraient dès lors dans le champ d'application de l'article z. La
pêchey &tait réservée à ce titreaux pêcheursbritanniques.
Ou bien, mêmesi ces îlots ii'étaient pas des dépendances de
Jersey, ils étaient en 1839 des îles britanniques autour desquelles
toutes les pêcheries étaient rbscrvées aux pêcheurs britanniques
en vertu de l'article g.
La méthode suivie par la réplique britannique pour démontrer
ces propositions est une conibinaison des deux méthodes dont il .
a étédonné des échantillons ci-dessus.
Pour prouver que les îlots litigieux sont des dépendances de
Jersey et, à ce titre, relèvent de l'article z de la convention de
1839, le Gouvernement du Koyauhe-Uni, çuivant eii cela l'auteur

du mémorandum de 19oj, s'efforce de dkmontrcr d'abord, sans
avoir recours aux conventions de 1839 et de 1867, que, en 1839,
lesdits îlots se trouvaient sous la souveraineté britannique à titre
de dépendances dc Jersey.
I" Le Gouvernement du Royaume-Uni renvoie aus prciives de
toute nature qu'il a déjà produites et à toutes celles qu'il produira .
encore. Le Gouvernement de la République a produit des preuves
contraires et en produira encore dans la suite de sa duplique.
2" Le Gouvernement du Royaume-Uni écrit (5 60 b),à propos
de l'habitude ancienne et traditionnelle de considérer le terme
' Jersey comme comprenant les dépendances de cette île :

uLe Gouvcrnernent du Royaume-Uni se réfèreici au paragraphe
rr8 de ladeuxiéme partie de la présenterépliqitc,où sont donnés
des détails sur l'habitude ancienne et traditionrielle cn vertu de
laquelle,dans le cas des îlesde la Manche etde leurs dépendances,
on considéraitque les références à.une ile du groupe visaient le
groupe dansson ensemble ou les dépendances de laditelîle»(notre
traduction).

En d'autres termes, qui rencontre i Jersey » dans un texte
ancien doit entendre ou bien les îles de la Manche, ou bien Jersey
et ses dépendances, c'est-à-dire Jersey ainsi que les Minquiers et
les Écréhous.
Au paragraphe 118, on ne trouve rien de tel. Le seul exemple
qui se rapproche de ce que dit le paragraphe 60 6) est l'expression
« les îles de Gzternese », qui signifient Guernesey et les îles qui
entourent Guernesey, îles dont l'identité reste à définir. D'autrepart, les ràles de la chancellerie anglaise nomment sans doute
très souvent les diverses îles de la Manche, et personne ne conteste
que ces îles eussent des dépendances tenues en fief par le roi d'An-
gleterre du roi de France, sinon possédéespar le roi d'Angleterre
au sens romain du mot. Mais il reste toujours à savoir quelles
étaient ces dépendances, ainsi tenuesou possédées au sens médiéval.
Quand on a introduit dans les textes internationaux du mxme
siècle lenom de Jersey, a-t-on jamais eu l'intention dc clire Jersey
et ses dépendances, ou Jersey et les Minquiers et les Ecréhous
cn pensant à la pratique de la chancellerie de Henri VI, si tant

est que les formulesen question aient la portée qu'onleur attribue ?
Même si ces interprétations pouvaient venir naturellement à
l'esprit d'un Anglais dux1xrnssiècle,ccdont on peut douter, s'ils'agit
dc Français l'argument n'a plus rien de convaincant. Un négo-
ciateur français qui écrivaiJersey pensait àJersey et à rien de plus.
3' La réplique britannique (60 c)invoque, comme le niémoire,
l'article XVIII de la loi britannique de 1843 sur Ia pêchemari-
time destinée à l'exécutiondu règlement commun de 1843 convenu
entre les parties en vertu de "articleII de la convention de 1839.
L'article XVIII dispose pour ((tout navire ou bateau de pèche
britannique ou irlandais ainsi qhe tout navire ou bateau de pêche
appartenant à l'une quelconque des îles de Guernesey, Jersey,
Sercq,Aurigny ou l'île de Manet de toute îleappartenant àcelles-cii).
On a déjà relevé qu'il s'agit ici, en définitive, d'un texte du

droit interne britannique. Mais à supposer qu'il traduisît In pensée
commune des parties, il resterait à prouver que le Gouvcrncment
français' ait entcndu que la clausule « by any island belonging
thereto i),équivalente d'ailleurs à celle de 1867, fût applicable
aux Ninquiers et aux IÉcréhous,alors qu'il se fût agi, dans le
cas particulier, non des îlots eux-mémes, mais clebateaux leur
appartenant, ce qui eut étéde nature à surprendre les personnes
les moins instruites de la question.
En réalité,les trois arguments ne sont pas d'égale portée. Les
deux premiers, bien que non fondés,sont pertinents. Au contraire,
les termes de la Ioi britannique de 1843 ne prouvent rien ni pour,
ni contre les prétentions du Gouvernernent du Royaume-Uni.
Le Gouvernement du Royaume-Uni applique la mêmeméthode

à la deuxième branche de son moyen, à savoir que si les îlots
litigieux ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 2
de la convention de 1839 en tant que dépendances de Jersey, ils
rentrent en tout cas dans le champ d'application de I'article g
en tant qu'îles britanniques. Il renvoie encore unc fois aux argu-
ments de fait et aux arguments historiques qu'il a proposés dans
son mémoire ainsi qu'aux arguments qu'il propose dans la seconde
partie de sa réplique.
Le Gouvernement de la République renvoie aux réfutations qu'il
s'est efforcéd'opposer à cette argumentation du Royaume-Uni
et i celles qui se trouveront dans la suite de la présente duplique. En second lieu, le. Gouvernement du Royaume-Uni rappelle
'un document qu'il a déjà cité dans son mémoire, à savoir une

lettre de M. de Caraman, chargé d'affaires de France Ti .ondres,
à Lord Castleragh, datéedu 12 juin 1820.
Le Gouvernement du Royaume-Uni prétend donner un relief
particulieràce qui n'est qu'une admission accidentelle dont aucun
texte ultérieur entre les deux parties n'implique qu'il ait jarnais
été tenu compte. Il suffira, dans ces conditions, de rappeler que la
jurisprudence de la Cour permanente de Justice internationale,
comme celle de la Cour internationale de Justice, considère qii'on
ne saurait faire état de déclarations, admissions ou propositions
faites au cours de négociations directes entre les parties lorsque
ces négociations n'ont pas abouti à un accord (arrêt Usine de
Chorzo'w,26 juillet1927, compétence, SérieA, na g, p. 19; arrêt
Usine de Chorzdw,13 septembre 1928, fond, SérieA, no1-7 p. 51 ;
arrêt du 27 août 1952 dans l'affaire deDroits des ressortissa~tts
desÉtats-Unis au Maroc, p. zoo).
On en vient aux arguments tirés des conventions de 1835 )t
de 1867 et des circonstances de l'élaboration de cette dernière
convention.
Le raisonnement repose sur les allégations suivant:s
IO La convention de 1867 n'a rien changé à la convention de
1839.EIle est purement interprétative. EIle peut donc êtreinvo-
quée légitimement dans la discussion, bien qu'elle n'ait aucune

force obligatoire par elle-mêmeet que la convention de 1839 soit
restée la loi des parties.
2"La convention de 1867 a remplacé les articles premier, 2,
3 et g de la convention de 1839 par un article unique. Ceci n'est
pas contesté. Toute la question est de savoir si la substance des
textes dc 1839 se retrouve sans changement dans l'article premier
de la convention de 1867.
Il en serait bieainsid'aprks le Gouvernement du Royaume-Uni :
a) parce que les parties auraient d'un commuri accord recoiinu
que les articlesz et 3 de la convention de 1839 étaient inutiles et
quda substance des articles premier etg de 1839 se retrouvait
intégralement et même,dans une large mesure, en propres termes,
dans l'article premier de la convention d1867 ;
6) les négociateurs français d1867 n'ayant élevéaucune objec-
tion à la définition des iles britanniques donnée dans l'article 38
de la convention, définition qui englobait les «îles de jersey, cle
Guernesey, Aurigny, Sercq, l'île de Man et leurs dépendances n,
on en peut déduire,$remièrement,que les Minquiers et les Écréhous,
cr>mme dépendances de Jersey, étaient visées à l'article z de la
convention de 1839, etdez~xièfizengent 'en tout cas, elles faisaient
partie des îles britanniques et étaient comprises dans l'artgccle
cette convention. De l'une et l'autre manière l'article 3 ne leur
était pas applicable. Au paragraphe Godc sa réplique, le Gouvernement du Royaume-
Uni résumeson argumentation sous une autre forme cn tant qu'elle
s'applique aux Minquiers et aux ficréhous considérées comme
« dépendances de Jersey II.

((L'article 38 de la corivention de 1867 IIdit la répliquebritan-
nique, (donnait une bonne définition du terme (Îles britan-
niques 11,lequel couvrait cJersey, Giierncsey, Aurigny, Sark et
l'îlede Man avec leurs dépendances ».Les deux parties tombérent
d'accordpour admettrecette définitiondu terme iilesbritanniques ii,
aux fins de l'article premier du texte de 1867, qui remplaçait les
articles2 et 9 de la convention de 1839, mais reprenait textuelle-
ment les passages pertinents del'articleg,l'articl2 étantsupprimé. »

Le raisonnement de ln répliquebritannique paraît être lesuivant :
r0 L'article 38 de la convention de 1867 donne une bonnedéfinition
des termes îles britanniques, lesquels couvraient dès 1839 les îles
dénommkeset «leurs dépendances » ;
2" Dès lors, les négociateurs français de 1867, qui avaient déjà

reconnu l'inutilité des articles 2 et 3 dc la coiivention de 1839, ont,
en acceptant cette définition, admis ipso facto
a) que les Minquiers et les Écréhous rentraient dans les articles
z ou 9 de la convention de 1839 cn tant qu'ils étaient des îles bri-
tanniques, soitqu'on lesconsidérât commedes dépendancesde Jersey,
soit qu'on les considérAtcomme parties intégrantes ou dépendances
des îles de la Manche,
b) que l'article 3, d'ailleurs reconnu inutile, ne s'appliquait pas

aux ilots litigieux.
Le Gouvernement de la République ne peut admettre ni les
prémisses ni le raisonnement.

I. - L'article ., constitue une définition non Das bonne mais
imprécise des termes « îles britanniques 11.
Comme il a étédit, la définition de l'article 38 était destinée à
lever l'ambiguïté qui résultait des sens différents des ternies fran-

çais iilcs britanniques i)et des termes anglais (British Islands 1).
Le Gouvcrnernent de la Bépublique ne conteste pas quc les termes
British Islands comprennent les îles de la Manche. Mais une défi-
nition n'est pas plus précise que le plus imprécis de ses termes.
La définition de cc qu'il faut entendre par îles de la Manche (c'est
le terme que fil. Cave avait d'abord suggéré)ne résulte pas d'une
manière précise de l'article 38, les mots iet leurs dépendances 1)

étant imprécis. Quelles sont ces dépendances, le problème est
toujours là.
Pour que le raisonnement de la réplique britannique fût accep-
table, il faudrait avant tout que la définition des Iles de la Maîzche
dans l'article 38 de la convention de 1867 fût bonne. Or, elle ne
l'est évidemment pas.
Dès lors, peut-on tirer argument du silence des négociateurs
français de 1867 ? DUPLIQUE DU GOUVERNERIENT FRANÇAIS (6III53)
713
D'après le compte rendu unilatéral cité par le Gouvernement
du Royaume-Uni, l'article 2 de,la convention de 1839 a étédéclaré
inutile parce qu'il était incorpore'dans l'article premier de la con-

vention de 1867.
Comme, par hypothèse, la convention de 1839 n'a étéen rien
changée, l'article z a été incorporé dans l'article premier de la
convention de x867 tel qu'il se comportait dans la convention de
1839-
Or, dans l'article 2 de la convention de 1839, la limite tirée
autour de Jersey est définie en termes si précis qu'il est impos-

sible d'y rien faire tenir si ce n'estl'îlede Jersey et elle seule. Une
description d'hydrographe résiste à l'interprétation extensive.
Rien ne sert de dire d'ailleurs que, autour de Jersey, aucune
limite n'a ététracée sur les cartes pareilles de 1839 et de 1867. Ce
fait incontesté est sans influence sur l'interprétation de l'arti-
cle 2 comme de l'article 3. La limite résulte du texte. Il n'a rien été
porté sur les cartes de 1839 et de 1867, de part et d'autre, là où
la limite se trouvaità trois milles. Les cartes ne portent que la,ligne
ad hocqui faisait exception à la règle des trois milles. II n'y a rien

à tirer du mutisme de la carte partout ailleursni pour ni contre
l'une ou l'autre thèse.
Ceci dit, l'effet de l'incorporation dans l'article premier, sans
modification au fond, de l'article z dans la convention de 1867 n'a
pu être que le suivant. Ce qui était dit en deux articles dalis la
convention de 1839 était dhsormais dit dans le seul article premier
de la convention de 1867 :la limite de la pêche,de la pêchesans aucune
distinction quant aux natures, est réservée aux pêcheursbritan-
niques dans un rayon de trois milles autour de l'île de Jersey, mer
basse, selon la règle générale.Le Gouvernement de la Républiqiie

n'a rien dit d'autre, sur le seul fondement de la conventio~i de
1839, dans son contre-mémoire.
La définition des îles de la Manche acceptée sans objection par
les négociateurs n'a rien à voir ici. Les négociateurs français ne
pouvaient imaginer un seul instant que cette définition pût ri:agir
sur le sens de l'article2 et modifier la portée dc la con\7entio11de
1839, d'une parfaite précision, et qu'il était convenu de faire passer,
d'incorporer, dans l'article premier de la nouvelle convenl:ion,
pour faire entrer dans son champ d'application des territoires qui
en sont clairement exclus.

Aussi bien le Gouvernement du Royaume-Uni, si cette thCorie
doit être repoussée, en propose une 'seconde.
Si les Minquiers et lcs Écréhous ne sont pas des dépendances '
de Jersey, ce sont des îles britanniques au sens de l'articleg de la
convention de 1839 et des artides premier et 38 de la convention
de 1867, ce qui résulte :
I" du fait que les parties ont reconnu d'un commun accord

que l'article 3 de Ia convention de 1839 était inutile ;
48 DUPLIQUE DU COUVERKEhlENT FRANÇBIS (6III53)
7I4
2" et que les négociateurs français de 1867 ont laissé passer
sans mot dire la définitionde l'article38.
On peut se demander d'abord si les négociateurs de 1867, bien
qu'ils aient reconnu d'un commun accord que l'article 3 de la
convention de 1839 était inutile, avaient de part et d'autre abouti

à cette conclusion pour les mêmesraisons.
Étant bien entendu que la convention de 1867 ne changeait
rien à celle de1839 ct que la définitionde 1867 ne pouvait mettre
sous les mots «îles britanniques » que ce qui s'y trouvait déjà
en 1839, la véritable raison pour laquelIe les négociateurs fran-
çais n'ont élevéaucune objection contre la définition de 1867 est
qu'ils étaient persuadés que cette- définition ne réagissait nulle-
ment sur l'interprétation de la convention de 1839 pour la modifier.
Ils étaient persuadés de deux choses :
r0 que l'article 2 était incorporé dans l'article premier de la
nouvelle convention ;
2' que la nouvelle convention, qui ne changeait rien au statzc
quo, n'était pas incompatible avec le statut de la zone intermé-

diaire définieà l'article 3.
Ils croyaient qu'il était définitivement entendu que la pêche
des huîtres en vertu dc l'article 3 lui-mêmeet la p&che générale
en vertu des articles 3 et g combinés de la convention dc 1839
étaient communes dans l'&tendue de mer comprise entre la limite
de Jersey, du côtébritannique, et la limite ad hoc,du côté français.
L'article 3 ne dit pas que la pêcheaux huîtres sera conimune
aux pêcheursdes deux nations dans les parties de cet intervalle
appartenant àla haute mer et dans ces parties seulement. Le texte
est clair, il di:

aSera commune aux sujets des deux pays, la pêchedes huîtres
entre les limites ci-dessus désignée>
Tout l'effet de la convention de 1867 aux yeux des négociateurs

français était de confirmer la convention de 1839 en ce qui concer-
nait la pêche générale dans cette zone intermédiaire. Dans son
contre-mémoire, le Gouvernement de la République croit avoir
montréque l'objet de la convention de 1839 a étéfinalement d'éta-
blir des zones de pêchcbien définiesexemptes de tout chevauche-
ment. Or,
~ x0 les pêcheurs français depuis 1839, au moins, partageaient
en fait à égalitéle droit de pêche générale avec les pêcheurs
britanniques dans la zone intermédiaire ;
2" les négociateurs, qui considéraient que tel était aussi le droit,
n'ont pu voir dans la nouvelle convention que la confirmation
de cet état de fait et de droit si conforme à l'esprit de l'arrange-
ment de 1839.

En acceptant.la définition de l'article 38 qui ne contenait rien
d'explicite de nature à leur faire douter de. cette interprétation,
comment pouvaient-ils imaginer - forts de la pratique suivie, DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRASÇAIS (6III53) 715
d'un texte clair, l'article 3 de 1839, du principe que rien n'était
changéau statzqito- comment pouvaient-ils imaginer quel'article 38

de la convention pût signifier que les Écréhous et les biincluiers
en tant qu'îles britanniques engendraient depuis 1839 au tnoins
une ceinture d'eaux territoriales interdites aux pêcheursfrançai?
Le Gouvernement de la République estime donc que de l'ana-
lyse m&me à laquelle le Gouvernement du Royaume-Uni a pro-
cédé,il ressort que rien dans la convention de 1839 ne permet
de dire que cette convention internationale constitueun titre dont
le Gouvernement du Royaume-Uni peut se prévaloir à I'iip~>~i
de sa revendication de souveraineté.
Toutefois, avant de clore ce chapitre on désire encore proposer
quelques remarques.
Le Gouvernement du Royaume-Uni s'est fondé sur l'élabora-.
tion de la convention de 1867. Certaines circonstances de cette
négociation méritent encore d'être relevées.
Le Gouvernement du Royaume-Uni voit dans le remaniement
de 1867 une opération de simplification qui a introduit de la clarté

dans la convention de 1839: après 1867, rien n'était changéau
fond mais tout serait devenu clair. On ne niera pas la sirriplifi-
cation, mais on se demandera si la convention de 1867 est plus
claire que celle de 1839 et si la simplicin'a pas étéobtenue aux
dépens de la clarté.La convention de 1839 est gauche, et le Gou-
vernement de la République a reconnu cette gaucherie, dont il
a expliqué les raisons dans son contre-mémoire.
Mais la convention de 1867 est-elle plus claire ? Elle est moins
explicite, et rien ne ditque si elle avait étéappliquée il n'aurait
pas faliu recourià la convention de 1839 pour l'interpréter.
Apparemment, le Gouvernement du Royaume-Uni incline à
penser que les négociateurs britanniques ont beaiicoup contribué
à l'Œuvre de clarification, mais leur principale contribution &
cette Œuvre, l'introduction de l'article 38, ne paraît guère corro-
borer cette vue.
Si les négociateurs britanniques avaient en vue d'éclaircir la
convention de 1839, ce dont elle devait avoir en effet besoin à

leurs yeux, si l'interprétation de cette convention était celle que
défend le Gouvernement du Royaume-Uni, pourquoi le plus clair
de leur Œuvre a-t-il consistéà expliquer obscuru- per obscztrizts?
Il était si facile de dire que les Minquiers et les Écréhous étaient
des îies britanniques.On aurait bien vu ce que les négociateurs
français en auraient penséet ce qu'il advenait en ce cas de l'arti-
cle 3. Le silence des négociateurs britanniques n'est pas moins
frappant que celui des négociateurs français, et il s'explique moins
bien. Les négociateurs français étaient parfaitement fondés à
penser que ni l'article premier ni l'article 38 de la nouvelle conven-
tion n'affectaient en rien l'article 3 de 1839, sauf en tant que la
nouvelle rédaction confirmait une interprétation qui était déjà la
leur,à savoir que l'article 3 et l'artiglcombinésde 1839décla-716 DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (6 II53)
raient commune la pêchegénéraleautant que la pêcheaux huîtres

dans la zone intermédiaire - ainsi que le Gouvernement de la
République ll'a soutenu dans son contre-mémoire en se for~darit
sur la convention de 1839, le but que se proposaient ceux qui
l'ont négociéeet les circonstances de son élaboration.
En second lieu, le Gouvernement du Ro-aume-Uni s'efforce, dans
les paragraphes 74 et suivants de sa réplique, d'éliminer les diffi-
cultés que soulève dans son interprétation l'article 3 de la con-
vention de 1839.
il soutient qu'il n'est nullenient besoin de supposer que si, par
l'article 3, les deux gouvernements ont corivenu de ne pas s'opposer
mutuellement leurs droits exclusifs de pêche, cela ne signifiait rien
de plus et ne pouval faire obstaclc à une revendication dc souve-
raineté parce que lJEtat souverain était en mesure de donner effet
complet à l'accord en question. Il suffisait à 1'Etat souverain, c'cst-
à-dire le Royaume-Uni, de reconnaître àl'autre partie une servitude

de pêche.
Il n'importe pas ici de'rechercher à nouveau si l'article 3, dans
l'hypothèse où il aurait eu cet effet, aurait été applicable à la pêche
générale par combinaison avec l'article g, comme le soutient le
Gouvernement de la République.
Dans la thèse britannique, l'article 3 obligeait seulement le
Gouvernement du Royaume-Uni, en cas de revendication ou
exercice de la souveraineté de sa part, à reconnaître i la France
une servitude internationale par l'effetde laquelle les pêcheurs
français d'huîtres avaient le droit d'exercerleur industrie dans les
eaux territoriales des Minquiers et des Ecréhous, britanniques dans
cette hypothèse. Le Gouvernement du Royaume-Uni n'a aucune
peine à démontrer qu'il existe par le monde des parages où se ren-
contre un tel régime. Mais il ne résulte évidemment pas du fait
qu'un pareiJ régime est connu du droit iriternational et qu'il était
déjàconnu du droit international en 1839 que l'article 3 ait eu pour
objet de le stipuler ou qu'il ait pour effet d'en permettre l'insti-

tution Ic cas échéant.
Les trois exemples cités ne sont pas pertinents. Dans les trois
cas, la souveraineté n'était pas en cause. Un Etat-dont la souverai-
neté n'était pas contestée concédait à un autre Etat des droits de
pêche dans ses eaux.
Prenons pour exemple le traité d'Utrecht, article 13. Il commence
par ces mots : (iL'Isle de Terreneuve, avec les Isles adjacentes
appartiendra désormais et absolument à la Grande-Bretagne. 1)Le
problème aurait &té résolu de mêmesi en 1839 on avait dit quelque
part que les Minquiers et les Ecréhous appartiennent au Royaume-
Uni ou même sion l'avait dit en 1867.
D'autre part, le texte de l'article 3 de la convention de 1539, s'il
n'est pas radicalement incompatible avec ce que nous appelle-
rons la théorie de la servitude, ne suggère nullement une pareille
idée, Il çugghre bien plutôt une mise en commun. Une servitude ne DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (6 III53) 717

se présume pas plus que l'établissement d'une communauté telle
qoe celle de la thèse française. Mais le langage de l'article 3 se
comprend beaucoup mieux dans la thèse française que dans la
thèse britannique.
Enfin, le Gouvernement du Royaume-Uni, par toute sa conduite,
a rendu peu plausible l'interprétation qu'il dCfend,
Le Gouvernement du Royaume-Uni a affirmé pIusicurs fois,
après 1867, ses prétendus droits souverains sur les îlots litigieux.
En revanche, il semble bien que pendant les trente premières années

d'application de la convention de 1839, les pêcheurs des deux pays
aient péchédans la zone intermédiaire sur le pied de Ia plus par-
faite égalité,sans opposition de part ni d'autre.
Le Gouvernement de la République estime quant à lui que ce
faisant les gouvernements franqais successifs n'ont fait qu'exécuter
tout simplement l'article 3 de la convention de 1839.La présencede
pêcheursbritanniques dans les eaux des Minquiers et des Écr~hous
ou sur ces îIots leur a toujours paru s'expIiquer par le droit que ces
étrangers tenaient de l'article 3. Sans avoir renoncéà ses droits de
souveraineté, la France estimait en revanche que le droit d'accès
aux eaux et aux îlots aujourd'hui litigieux, qui revenait 9 ses
propres nationaux, reposait non seulement sur le fait qu'ils étaient
chez eux, mais aussi sur l'égalité dedroitsqu'avait instituée entre les
pêcheurs des deux nations I'article 3. Les gouvernements français
successifs ne songèrent naturellement pas, pour exercer ce droit,

à se prévaloir d'une servitude A l'encontre du Royaume-Uni, pas
plus qu'ils n'eurent jamais 15 sentiment que le Royaume-Uni
exerçât à leur encontre des droits qu'il aurait tenus d'une préten-
- due servitude opposable à la France.
C'est seulement en 1869, en recevant la communication précitée
de M. IfTest (mémoire britannique, annexe A 39), que le Goilver-
nement français, s'il avait étéplus attentif, aurait dû s'apercevoir
qu'une évolution s'était produite dans la pensée du Gouvernement
du Royaume-Uni, depuis 1867 sans doute.
En ce qui concerne la période qui s'étend de 1869 à nos jours, la
situation a peu varié en réalité.
Comme l'écrivait RI. Corbin, le 5 octobre 1937 (mémoire britan-
nique, annexe A 76) :(Par un accord tacite, les pêcheurs français

et anglais n'ont jamais cesséde disposer aux &linquiers, en droit et
en fait, d'avantages identiques.11
C'était reprendre l'interprétation française traditioniiellcde
l'article 3 telle qu'elle se trouve par exemple dans la lettre de
M.Tissot au comte Granville, du 25 avril 1883 (mémoirebritannique,
annexe A 38, p. 224). M. Tissot invoque bien I'existence d'une
mer commune (aux deux nations) située entre les deux zones (de
l'article premier et de l'articlede Ia convcntion de 1839.
Au contraire, quel que fut son sentiment avant 1867 et en dépit
de la circonstance qu'en fait le Gouvernement britannique n'a.pas
fait obstacleà la présence des pêcheurs français dans les eaux en718 DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (6 III53)

cause même après 1867, le Gouvernement britannique depuis
soixante-dix ou quatre-vingts ans a pris, le parti de refuser toute
importance à l'article 3, qui est toujours en vigueur cependant et
auquel il faut bien reconriaitre un sens, pour s'appuyer sur l'arti-
cle 38 de la convention de 1867.dont il tire des précisions qui ne
s'y trouvent pas.
En ce qui concerne les Écréhous, la position du Gouvernement

du Royaume-Uni apparaît nettement en 1887.
Le 21 avril 1887 (mémoirebritannique, A 47,p. ZZ~), l'Attorney-
General et le Solicitor General de Jersey, donnant leur sentiment
sur le rapport des experts français de novembre 1866 (mémoire
britannique, annexe A 4z), énonçaient la thèse britannique avec
toute la netteté désirable.

(In our opinion, iisclear that the admission of French fishermen '
to exercise their industry within th3 mile limit from low-water
mark around the Ecrehous isentirely incompatible with the fact
that Article 1X of the Convention of 1839 has fixed the limit of
British territorial water, as regards the right of general fishey,
at 3 miles from low-\iratermark, not "from the Island of Jerscy ',
but dong the whole extent of the coasts of the British Islands.ii

Le principe est posé,L'assertion de la souveraineté britannique
emporte l'exclusion des pêcheurs français des Écréhous, nonob-
stant l'article 3 de la convention de 1839, est-il dit un peu plus
bas (5 122).
Les magistrats jersiais concèdent bien que l'article 3 pris dans son
sens naturel est en faveur des pêcheurs français, mais correcte-
ment interprété, particulièrement à la lumière de l'article 38 de
la convention de 1868, il dirait. le contraire de ce qu'il semble si

bien dire. 1-a position du Royaume-Uni ne-parait pas s'être sensi-
blement écartée, en ce qui concerne les Ecréhous, de celle que
définissaient les magistrats jersiais de 1887.
En ce qui concerne les Minquiers, l'attitude du Gouvernenient
du Royaume-Uni a étéun peu différente.
11 se prévaut dans ce cas comme daris l'autre de l'article gS
de la convention de 1867, qui lui paraît propre, malgré son
obscurité, à éclairer toute la convention de 1839.
Mais en 1905, dans un mémorandum du 17 août, le Foreign
Office, par esprit de conciliation disait-il, proposait un arrange-
ment clestinià atténuer les effets préjudiciables aux pêcheurs
français de l'exercice du droit de souveraineté prétendu par le

Royaume-Uni sur les ilots des Minquiers et des Écr6hous. Le
Gouvernement du lioyaume-Uni faisait connaître qu'il était
disposé à n'opposer son droit exclusif de pêchefondé sur sa souve-
raineté que dans des limites plus étroites que celles dont il aurait
pli réclamer le bénéfice endroit strict.
Et, bien qu'en fait les pêcheurs français eussent continué comme
par le passéà esercer leur industrie dans toute l'étendue du plateau, DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (6III53) 719

le Foreign Officerépétait,le18 juille1938, en réponse à la dépêche
précitéede M. Corbin (mémoirebritannique, annexe A 78),que pour
le moment le Gouvernement du Royaume-Uni ne prendrait aucune
mesure pour empêcher les activités des pécheurs français dans
les limites de 1905.
En premier lieu, cette note ne répondait pas au moyen de
M. Corbin :la convention de 1839. Mais il faut reconnaître que
le paragraphe de M. Corbin était très concis.
Ce qui importe beaucoup plus, c'estque le Gouvernement du
Royaume-Uni s'en tenait pour le fond au système dont on a vu
l'application en 1887 au cas des Écréhous.
L'article 3ne compte pas, Il'n'en est pas question. Le fondernent

du droit invoqué par le Royaume-Uni se trouve dans l'article38
de la convention de 1867 (et par conséquent dans l'article 9 de
,la convention de 1839).
La concession offerte par le Royaume-Uni peut être l'amorce
d'une servitude coriventionnelle d'une portéed'ailleurs restreinte.
Mais ce n'est surement pas dans l'article 3 de la convention de
1839 que le Gouvernement du Royaume-Uni a étépuiser le senti-
ment qu'il était obligé de faire quelque chose à cet égard. Pour
lui l'article 38 1867 lui confèreun droit, qu'il excrce sans chercher
plus loin.
11en propose, il est vrai, par voie de concession unilatérale, une
appiication modérée.Mais ils'agit là de quelque chose d'entièrement
nouveau. Il n'est pasimpossible que LeGouvernement britannique
fût disposé à convenir d'une servitude au profit des pêcheurs
français, mais il n'a jamais songéque l'article 3 lui en fît une obli-
gation ou que cet article 3 pût le cas échéant servir à fonder une
servitude internationale.

L'article 3 de1839 et l'article 38 d1867 lui paraissaient incom-
patibles entre eux et faisant fond comme il faisait depuis plus lie
soixante-dix ans sur l'article 38, il considérait l'article 3 cornme
lettre morte.
II parait donc invraisemblable que, dans l'intention des parties
en 1839,'l'article 3 ait eu pour objet d'instituer une servitude quel-
conque, et il n'apparaît pas vraisemblable non plus que, depuis
lors, Ies parties aient jamais considéréque l'article 3 pût servir
de fondement à l'institution ou à Iamise enŒuvre, le cas échéant,
d'une teIle servitude.
Dans ces conditions, le Gouvernement de la République estime
que le Gouvernement du Royaume-Uni n'a pas fait la preuve
que les conventions de.1839 et de 1867 appuient ses prdtentions,
Quant à l'article 3, dont il sera de nouveau question plus loin,
le Gouvernement de la République estime que Ie Gouvernement
du Royaume-Uni n'a iiullement établi l'interprétation qu'il en
propose, à savoir qu'il ne s'appIique à la zone intermédiaire qu'en
tant que celle-ci est constituée par la haute mer. Le Gouveriienient
de la République estime au contraire qu'il sJappIique pour toutes DUPLIQUE DU GOUJ7ERNERIENT FRANÇAIS (6III53)
720
les natures de pêche à tout l'espace intermédiaire, et que le droit
qu'il confère aux deux parties ne résulte pas d'une servitude
concédée (ou à concéder) par la nation souveraine à l'autre en
vertu de l'article 3, car l'article 3, tel qu'il est écrit, se concilie
beaucoup mieux avec l'idée que les deux nations se sont interdit

en 1839, d'un comrnuii accord, de s'opposer l'un à l'autre des
droits de souveraineté, dans tout l'espace intermédiaire, sans en
rien distraire.
Le Gouvernement de la République reconnaît seulement, dans
le dernier état de ses conclusions, que ce .régime n'était pas irré-
vocable.
Le Gouvernement de la République ne conteste pas que les
diplomates français au cours de négociations à bâtons rompus
n'ont pas toujours donné au texte de l'article 3 un même fonde-
ment juridique. Ilç se sont représenté différemment,selon les

moments, la catégorie juridique qui convenait le mieux pour y
enfermer le statut de la zone intermédiaire, et le Gouvernement du
Royaume-Uni n'a pas de peine Li elevcr ces variations dont le
contre-mémoire français n'a pas fait mystère, Mais ce n'est pas
cela qui importe. Ce qu'il faut retenir, ce sont les obligations qui
résultaient de l'article3,à savoir que, les deux parties ayant un
droit égalde pêcherdans toute l'étenduede la zone intermédiaire,
chacune d'elles devait s'abstenir de rien faire qui pût préjudicier
au droit de'l'autre. Or, on l'a vu, cela impliquait que les parties
renonçaient mutuellement à s'opposer les droits de souveraineté
qu'elles croiraient posséder. Cela est si vrai que, une fois muni de

l'article38de la convention de 1867, le Gouvernement du Royaume-
Uni, croyant pouvoir fonder là-dcssus des revendications de sou-
veraineté, s'estvu en quelque sorte obligéde faire litière de l'arti-
cle 3 et de lui refuser jusqu'à l'existence.
En réalité. l'articdedemeure. et il n'a cessédeI~roduire tous ses
effets jusqu'à nos jours, ceux dont il a étparlé et un autre dont il
va êtrequestion, qui est la conséquence dela renonciation mutuelle
des parties à s'opposer la souveraineté, et qui est d'une grande
importance,
Le Gouvernement du Royaume-Uni a discuté en détail de la
date critique à laquelle il faut se placer pour apprécier la receva-

bilitédes faits de possession qu'il allèguepour la périodeconsidérée
en tant qu'ils ont corroboré un titre ancien du Royaume-Uni ou
qu'ils ont crééà son profit un titreà la souveraineté. Le Gouver-
nement de la République examinera plus bas les faits de possession
all"cués Dar le Gouvernement du Rovaume-Uni. Mais il lui
appartient de faire remarquer dès maintenant que, si la Cour le
suit dans son internrétation de l'article7. ces faits se heurteront
précisément à l'article 3 et que la pé&je critique remontera
à 1839, car aucun de ces actes ne pouvait constituer des faits de
possession conduisant àla souveraineté,pas plus qu'ils ne pouvaient
constituer l'exercice d'une souverainetnée antérieurement à 1839. C'étaient des faits sans portée juridique en tant qu'ils concer-
naient les droits respectifs des deux nations sur les îlots litigieux;
Pour soutenir que la ((date critique ibdans la présente espèce
est celle mêmedu compromis, le Gouvernement du Royaumc-Uni
a pris soin de la distinguer d'autres espècesoii il a étéjugéque la
date critique devait êtrerejetée dans le passé.
Dans l'arbitrage de l'île de Palma. la question posée à bi. Max
Huber était celle de savoir si ladite île était à la date du compromis
(1925 )n territoire relevant de la souveraineté des Gtats-unis ou
de la souveraineté des Pays-Bas. L'arbitre a considéréque la date
critique remontait à 1898, date du traité de Paris qui avait trans-
férél'ile aux États-unis si l'Espagne (et non les Pays-Bas) avait eu
la souveraineté sur cette île à cette date. Comme le dit la réplique
britannique, il y avait dans ce cas un fait définiqui avait cristallisé

la situation. Or, en l'espèce,ila bien eu en1939 un fait équivalent.
A cette date les parties ont renoncémutuellement à exciper de la
souveraineté en ce qui concerne les ilots litigieux.
Dans le cas de l'ile de Palma, la question était de savoir si les
États-unis avaient acquis ce territoire en vertu du titre qii'ils
invoquaient, le traité de Paris de 1898, car l'Espagne ne pouvait
transférer plus de droit qu'eile n'en avait elle-même.
Dans la présente espèce, le traité dc 1839 marque la date A
partir de laquelle les parties ne peuvent plus exercer une souverai-
neté antérieure à l'encontre l'une de l'autre. ,4 foriiori doit-on
conclure que les actes ou les faits postérieurà 1839 ne pourraient
venir à l'appui d'une revendication fondéesur l'occupation ou la
prescription.
D'autre part, si l'on a admis dans l'affaire de l'ile de Palma des
faits postérieursà la date critique parce qu'ils étaient de nature 2
jeter des clartés sur la périodeantérieure, c'est-à-dire surqles droits

respectifs des Pays-Bas et de l'Espagne de qui les btats-Unis
prétendaient tenir le droit qu'ils alléguaient,il n'en est pas de niême
dans la présente affaire, l'article 3 ayant eu précisément pour
effet de créer une situation de droit nouvelle et de suspendre les
effets de la situation antérieure quelle qu'elle fût.
En fait, pendant de longues années cette situation nouvelle a
étérespectée en droit ;elle a étéconfirméepar le traité de 1867,
qui n'a fait que réitérerle traité de1839.
Le Gouvernement du Royaume-Uni pouvait bien denia.nder
que la convention de 1839 fût abrogée,ce qui n'est plus contesté,
mais tant qu'elle restait en vigueur aucun acte acconipli par le
Royaume-Uni dans les aires en question après 1839 et sur les
ilots litigieux ne peut êtreinvoqué en tant que fait de possession
opposable au Gouvernement de la République.
Le Gouvernement de la République aboutit donc à la conclilsion
suivante : les faits de possession alléguéspar le Gouvernement du
Royaume-Uni, postérieurs à 1839, ne présentent aucune valeur

en tant qu'élémentsde solution du diffkrend. Cependant, si l'on examine ces faits, on s'aperçoit que tous ceux:
qui ont quelque importance ont fait l'objet de protestations par
le Gouvernement de la République et que ceux qui ont passésans
provoquer de protestations sont d'une faible portée.
En premier lieu, les seuls actes ayant un caractère législatif
ou réglementaire ont étérelevésen leur temps ; ce sont:
IOla délimitation en 1875 du port de Jersey, englobant les

ficréhous ;
2" le projet de lai, ou le prétendu projet de loi, des États de
Jersey <tendant à interdire aux pecheurs français l'accès des
Écréhous a.
Ce sont les seuls actes véritablement importants, qui constituent
une affirmation implicite mais suffisamment claire de ça souveraineté
prétendue de la part du Royaume-Uni.
Le 27 février 1576, le Gouvernement de la République protesta.
(Iil!moire britannique, annexe A31.C )orrectement, surtout si l'inter-

pretation de l'article 3 défendueci-dessus est juste, leGouvernement
de la République contesta le droit du Royaume-Uni d'agir ainsi.
La délimitation de 1875 a étéretenue par le gouvernement
de la République comme constituant le premier acte manifeste
de la part du Royaume-Uni, postérieur à 1839, qui impliquât une
prétention a la souveraineté sur les Ecréhous.
Les Minquiers n'ont jamais fait, semble-t-il, l'objet d'actes de
cette importance.

Parmi les actes qui n'ont pas donné lieu à protestation, dont les
principaux sont énumérés au paragraphe zoo de la réplique
britannique, l'un au moins, le premier, est insignifiant. Quant aux
enquêtessur des cadavres trouvésen mer dans les parages .litigieux,
il ne s'agipas de faits ayant eu lieu aux Ifinquiers et aux Ecréhous.
Il s'agit d'enquêtessur des Jersiais faitàsJersey. Seuls font excep-
tion les ossements d'inconnus trouvés aux Minquiers.
Le balisage et l'éclairage des Minquiers et des Écréhous ont
autant mais non plus de valeur que les travaux français de même
nature accomplis dans les mêmesparages.
Les travaux effectuéspour faciliter ledkbarquement sur certains

îlots s'expliquent suffisamment par le fait incontesté que les
pêcheursdes deux nations avaient accèsen vertu de la convention
de 1839 aux îlots litigieux et que le Gouvernement français n'avait
aucune raison de s'opposer à des améliorations de nature à faciliter
le travail des pêcheurset à augmenter leur sùreté.
Quant à la perception de taxes sur les maisoiis, il s'agit d'opéra-
tions qui ont étéaccomplies à Jersey et qui n'ont donnélieu sur
le territoire litigieuà aucun acte important et manifeste. Eiies ne
prouvent pas plus en elles-mêmesque l'existence sur les rochers
des maisons qui y ont donné lieu.
En réalit&,les seuls actes accomplis sur les lieux et qui puissent
avoir quelque importance sont constitués par l'érection d'un mât de pavillon aux Écréhous, remplacé en 1950, et les visites des
autorités de Jersey.
En ce qui concerne le premier de ces actes, le Gouvernement de
la République avait protesté en 1876contre l'acte beaucoup plus
important de la délimitation du port de Jersey englobant les
Écréhous. Il lui était impossible de surveiller continuellemerit le
Gouvernement du Royaume-Uni et de multiplier les démarches
contre des actes déjàcontestésdans leur principe.
Quant aux visites, ce sont des faits en eux-mêmes trop peu

caractéristiques, et ce n'estque tout à fait récemment que l'on cite
des cas où elles ont revêtu une certaine solennité. Le fait qu'au
cours de l'une d'entre elles des pécheurs français ont étéchassés
des lieux ne prouve naturellement rien ;il s'agit d'une simple voie
de fait.
Enfin, en 1937 le Gouvernement de Ia République a bien protesté
contre les seuls actes qui eussent un caractère nettement défini :
l'habitude prise de hisser le pavillon britannique aux Minquiers
au passage d'un navire français, et la construction d'un trposte »
de douane, portant les armes de Jersey.

Le Gouvernement de la Républiqueconclut que le Gouvernement
du Royaume-Uni n'est pas recevable à opposer les faits de posses-
sion postérieurs à 1839 et, subsidiairement, que ces faits ou bien
sont sans portée,ou bien sont trop rares et trop espacéspour que le
Gouvernement du Royaume-Uni puisse exciper d'une possession
continue exempte de vices.

Deuxième sous-section

iMoyens dzt Gozrveniement de la République

La discussion qui précède, dirigée contre l'argumentation du
Royaume-Uni, autorise la conclusion positive suivante : au cours
du xlxme siècle, la France n'a pas laissédépérirson titre originel
qui n'avait jusque-là subi aucune atteinte. Comme l'a dit le (;ou-
vernement du Royaume-Uni, toute la thèse franfaise tourne autour
de l'article 3, d'où les efforts du Gouvernement du Royaume-Uni
pour ôter tout effet à cct article ou ne lui laisser produire que des
effets compatibles avec son interprétation, ruineuse, de l'articl38,
lequel, à son tour, constitue le nŒud mêmede l'arguinentation
britannique.

La thèse française rend compte de tous les textes, y compris
l'article3 interprétédans son sens naturel.
Il s'étendà toutela zone intermédiaire. L'interprétation française
n'implique aucune nécessitéd'introduire des restrictions à son
application à tout l'espace auquel ils'étend selon le sens naturel
de ses termes.724 DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (6 III53)

La seule difficulté de l'interprétation française, qui épargrie
cependant à l'interprète de rccourir aux opérations violentes du
système britannique, est la suivante.
L'article 3 ne mentionne que ln pêcheaux huîtres, commune aux
deux nations dans tout l'espace qu'il régit. Vaut-il pour tolites les
natures de pêche ?
A cette question on sait que le Gouvernement de la République
répond par l'affirmative pour des raisons qui vont êtrerappelées
brièvement.
Leç négociations de 1820-7839 rna~~trent que les parties ont
voulu remédier aux graves iiico~ivéiiientçdes chevauchements de
limites. Elles ont abouti à. l'institution de trois zones, rnais ce
n'était pas pour réintroduire dans la zone intermédiaire le régime
dangereux qu'on venait d'éliminer dans la zone française. Même

si l'on accorde au Gouvernement britannique qu'il n'était pas
strictement impossible de faire Ia police de la zone intermédiaire
dans les conditions qu'il suggère, les vraisemblances sont contre
une pareille interprétation. Le Gouvernement du Royaume-Uni
soutient aussi que si l'interprétation française était la bonne, les
parties devaient rédigerautrement l'article 9.Cet argument aurait
une certaine valeur s'il n'était si bien démontré quela convention
de 1839 est une combinaison de deux testes maladroitement
raccordés. Dans le cas de la ligne nrlhoc où les difficultésétaient
criantes, on a expressément stipulé l'unitéde limites pour toutes .
les pêches.En ce qui concerne l'article :j,il a étélaisséen l'air,
c'est exact, mais le Gouvernement de la .Républiquesoutient que,
de rriêmeque l'article premier et l'article2, il doit êtrecombiné
avec l'articleg.
1' ena déjà donné uneraison dans la première sous-section. La
convention de 1867, admise aux fins d'interprétation de la conven-
tion de 1839, implique cette combinaison. L'article 3 ne devenait

inutile que si la convention de 1867 lui donnait effet malgré le
changement de rédaction. En supprimant l'article 3, tout en pro-
testant de part et d'autre ne rieri vouloir changerà l'ordre existant
et en ne laissant subsister que l'énoncéde la règledes trois milles,
les deus nations convenaient nécessairement de laisser mutuelle-
ment libre accès à tous leurs pêcheursdans toute la zone intermé-
diaire, ce qui n'était nullement incompatible avec la lettre de la
convention de 1839 et trb conforme à son esprit.
En effet, la convention de 1839 alrait un objet principal, instituer
des limites nouvelles du côté français afin de réglerla querelle des
huitres, mais elle n'était pas faite pour bouleverser le régime
immémorial de la zone intermédiaire qui se trouvait seulement
amputée ou augmentée du côté français selon les endroits. Pour
tout le reste, personnen'a parléde rien changer 5 ce qui était déjà.
La convention de 1839 est une mesure essentiellement conservatrice.
Comme auparavant, les pêcheurs desdeux nations étaient admis
à pêcher toutessortes de poissons dans toutel'étendue de la zoneintermédiaire. C'est ce qu'ils ont fait jusqu'à nos jours, et pendant
les treiitc années qui ont suivi la convention de 1839 perso~ine ne
scmblc avoir songé un seul instant qu'il pût en être utre renie rit.
On s'explique très bien dans ces conditions l'attitude des négocia-
teurs en 1867. Dans le paragraphe 57 c) de sa réplique, le Goiiver-
ncment du Royaume-U~ii remarque lui-même que l'article 16 du
règlement de 1843, élaboréen vertu de l'article II de la convention
de 1839. traite de la pêcheau chalut, alors que l'article 3 de la
conveiition traite de la pêche des huîtres, et il y voit une confir-
mation que, pour lez parties, l'articl3 ne contenait rien qu'elles

désirassent retenir. En d'autres termes, l'article 3 ne réglementait
que des espaces communs parce qu'appartenant à la haute mer.
Mais, aprWsl'accumulation de tant d'autres preuves, on aura moins
de peine que le Gouvernement du Royaume-Uni à adopter une in-
terprétation qui a au moins le mérite de donner un scns àl'article 3.
L'article 16 de 1843 iie prouve pas que l'article 3 ne s'applicluait
qu'à la haute mer, mais bicn que les pêcheurs des deus nations
étaient admis à pêchertoutes sortes de poissons dans toute l'étendue
de la zone intermédiaire. On voit donc que le Gouvernement du
Royau~ne-Uni n'a pas la vraisemblance pour lui quand il dit
(ibid. ccque les parties s'intéressaientII(en 1843) «en ce qui

concerne la zone commune non exclusive, non point ail droit d'y
pêcher (ce qui était présumé,puisqu'il s'agissait de la haute mer),
mais à la réglementation de la pêchedans ces zones ii.
Ce qui est bien plus vraisemblable, c'est que les parties consi-
déraient que l'article 3 et l'article 9 de la convention de 1839
avaient définila zone commune qui comprenait leur mer intérieure,
y compris les Minquiers et les Écréhous.
II suffit donc de remplacer la parenthèse par les mots : «(dont
la définition résultait des articles 3 et g de la convention eue-
même) a.Ceci n'ajoute qu'un argument de plus à ceux qui ont été
donnés plus haut, pour montrer que le Gouvernement du Royaume-

Uni a méconnu le sens véritable de l'article 3.
Enfin, le Gouvernement de la République invoque à nouveau un
élémentimportant de la nirgociation de 1539.
Si l'accèsouvert jusque-là ?tous les pêcheursdans toute l'éteridiie
de la zone intermédiaire avait étéclésormaisrefusécluelque part dans
cette zoiie à ceux de I'unc ou l'autre nation, ce qui en fait ne s'est
pas produit jusqu'à nos jours, les négociateurs de 1839 auraient
détruit l'équilibre qu'ils venaient d'instaurer en imliosant d'un
coté ou de l'autre un sacririce dont il ii'a jamais étéquestioii au
cours des con\~ersations (cf. crititre-mémoire français, p. 375).
Eii ce qui concerile les faits de possession, le Gouvernement de

13 Képublique invoque de nouveau les travaux hydrographiilues
dc 13eautemps-Beaupré exécutésen 1831. L'aiitérioritE de White
est: un klément négligeable. Quant à l'opinion de \Vhite sur l'appar-
tenance des Minquiers au Koyaurne-Uni, mêmetraduite par l'agréa- '
ble ornement porté sur sa carte, elle est de peu de poids (mémoire726 DUPLIQUE DU GOUVERNE3IENT FR4SÇAlS (6 II53)
britannique, annexe B 9). Les autres documents cartographiques
sont d'une utilisation délicate, et l'on peut trouver dans la

cartographie anglaise des pièces qui feraient douter que, même
assez tard, tous les cartographes eussendes idées bienclaires sur
le statut des îlots litigieux. DEUXIÈNE PARTIE
LES PLOTS LITIGIEUX ET LE CONTIXENT

De ce qui précède, ilrésulte que, par l'article 3 et l'article g
de la convention de 1839, les deux nations ont délimitél'étendue
d'un espace de mer qui leur était commun.
La véritable question qu'avait posée la (cguerre des huîtres »
était bien celle-là. Celle de la limite de la péchele long des côtes
des deux pays en était dérivée.Cela se voit bien quand on étudie
les négociations de 1820-1839, sur lesquelles le contre-mémoire
français s'est longuement étendu et qui importent beaucoup à
l'intelligence du problème.

Les négociateurs de 1839 se sont donné pour tâche de déli-
miter cet espace où les deux nations pêchaient ensemble depuis
des temps immémoriaux, mais où récemment, nori sans de funestes
conséquences,elles venaient de rompre l'ancienne égalité,la France
au nom d'un droit de propriétésur des cultures d'huîtres situées
au milieu de cette mer commune, la Grande-Bretagne, ou plutôt'
ses aventureux p@cheurs,en poussant des incursions si près de la'
côte de France, que, en tout état de cause, il ne pouvait être
contesté qu'il y eût de leur part un envahissement de la mer
territoriale française. II n'est pas facile de déterminer l'idéeexacte
que l'on se faisaitde part et d'autre du statut juridique de cette
zone intermédiaire. On n'attachait guère d'importance aux terres,
' émergées,et si la question avait étéposéeclairement à des juristes,
ils auraient peut-être reconnu qu'une bonne part des eaux en

cause appartenaient à la haute mer. Mais finalement on a bâti
sur d'autres fondements. Les hommes de 1839 ont reconnu le
véritable caractère de la zone intermédiaire, ils en ont définile
statut dans un esprit réaliste en y voyant des. eaux intérieures
de la baie du Cotentin, exploitée en commun et en tête à tête
par les deux parties, qui en faisaient ensemble la police. fividem-
ment, dans la perspective où se place la réplique britannique,
les choses apparaissent dans une lumière différente, qui n'est pas
celle de la minuscule Méditerranée anglo-françaised'entre Jersey et
Cotentin. Il ne s'agit pas cependant en l'espèce d'îlessituéeà cent
lieues de toute côte,mais d'îles côtièresposéespara naturedansune
baie à quelques milles du continent, où Franqais et Britanniques
sont entre eux. La mer libre, réelIement libre, ne s'ouvre qu'au

nord et à l'ouest des îles extérieures du groupe. A l'intérieur du
. cercle, on se trouve en présence d'eaux intérieures, et c'est ainsi
que les hommes de 1839 ont vu les choses. Entre Teszones nationales
réservées ilont vu une zone étroite,où depuis toujours les pêcheurs
des deux nations exerçaient ensemble et entre eux leur industrie.
C'est cet état de choses qu'ilsont vu et conservS et auquel s'ap-
plique l'article 3. L'article 3 peut prêter à deus difficultés, qui tournent autour
de l'expression isera commune.. ..».
L'emploi du futur peut donner à penser que tout dans l'article 3
est d'institution nouvelle. En fait, ce qui est nouveau, c'est la
précision dela délimitation, non lias l'existence d'une aire commune

à délimiter.
D'autre part, le mot ({commune iia donné naissance à l'expres-
sion cmer commune )i,souvent employée dans les discussions
relatives à cette question au prix d'une ambiguïté.
Le mot (<Iner commune iichez les auteurs et encore récemment
était synonyme de haute iner, il traduisait ({mare comrnztne a.
Dans notre cas, il faut entendre ctmare nostrlrm )ien donnant à

(?zostnt~~n un sens inclusif dont il est susceptible mais qui n'est
pas celui - exclusif - de «?tostrz~? in dans l'expression latine
classique.
Les objections que le Gouveriicmeiit du 12oyaume-Uni oppose
à ces vues sont théoriques et nc paraissent nullement décisives
, (réplique britannique, à partir du S 28).
Seloii cette argumentation, les parties ne pouvaieiit coiivenir
de mettre en commun des espaces de mer libre ouverts à tous,

et, d'autre part, elles n'ont pas institué un condominium.
En ce qui concerne l'appropriation de la haute mer, on a vu
ce qu'il faut en penser. Les parties ne se sont pas arrctées à-cette
vue. Elles ont reconnu la véritable situation de ces parages qu'elles
connaissaient bien. Autrement il n'y aurait jamais eu d'article 3,
ou bien il aurait été conçu autrement. Ici encore, le raisonriement
de la réplique britannique aboutit à refuser à l'article 3, qui a

cependant étéécrit, son sens naturel oii mêmetout sens. D'ail-
leurs, pour l'exécution de cet article ilfaut et il suffit que les
deux parties ne s'opposent pas rnutuellc~nent la souveraineté.
La convention de 1839, sauf les précisions nouvelles qilant aux
limites rciidues nécessairespar (la gucrrc des huîtres ii,a confirmé
contractuellement le statu qzio. Comme lc disait le contre-mémoire
(p. 374) : ((Les Écréhous et Minquiers ont bien étélaissées, ou
si l'on veut placées définitivement dans la mer commune ii (la

mer commune des deux nations).
Les pêcheurs français ont continué à exploiter ces espaces en
comrnun avec les pêcheursbritanniques jiisqii'à la limite désormais
certaine où ils rencontraient les droits exclusifs des pêcheurs
britanniclucs, c'est-à-dire la limite de trois milles autour de l'île
de Jersey.
C'est à cette situation que l'établissemeiit de la souveraineté
exclusive dc l'une ou l'autre nation portera atteinte. Le Goliver-
'
nenient de la République soutient cluc, puisqu'il faut en arriver
li, l'une des principales raisons de décider en faveur de la souve-
raineté française tient à ce que le lien de dépendance avec le
continent, dont la convention de 1839 respectait les effets alors
visibles, cst un facteur plus important que jamais, incornyara-blement plus important que le lièn de dépendance avec Jersey
ou les autres îles anglo-normandes, invoqué avec tant d'insistance
par le Royaume-Uni.
On a déjà dit que le démembrement de la souveraineté .fran-
çaise résultant du passage sous une souveraineté étrangère des
îles anglo-normandes extérieures ne doit pas être étendu sans
nécessitéabsolue et sans égard aux conséquences pratiques. La
baie du Cotentin cst, de notoriétk publique, un des espaces mari-
times où les marées atteignent la plus grande amplitude. Il y a
longtemps que l'on a songé i utiliser le potentiel résultant coinme
source d'énergie électrique.La carte et le rapport sommaire figu-
rant en annexe I donnent une idéeclaire dcs installations néceç-

saires. L'ouvrage comprendrait deux bassins, l'un, intérieur,
formé de deux digues jetées de la côte normande et de la côte
bretonne etvenant se rejoindre agx Chausey, le second, à l'ouest
du premier, formé d'une digue qui rejoindrait aux hlinquiers,
hlaîtresse îleune digue partie de la côte bretonne. La production
totale des turbines montées sur ces quatre digues dépasserait
très notablement vingt milliards de KLVH. annuels, production
supérieure à la production hydraulique de la France en 1952.
Il ne s'agit pas là d'un rêved'ingénieur, maisd'un projet tech-
niquement réalisable malgré les difficultéest rentable, quia déjà
donné lieu à des études préparatoires très poussées. Les études
pour une usine pilote dans l'estuaire de la Rance, capable de
produire cinq cent millions de KWH. annuels, sont terminées et
les formalités administratives sont commencées.
II y a là un fait qui montre bien que le lien avec le continent
existe, qu'il ne s'agit pas'une simple question de position, d'une
contiguïté sans effet pratique.La dépendance géographique n'est
pas réduite dans ses effets à la simple possibilité,partagée par les
deux parties, d'une pêche artisanale si utile qu'elle soit. Elle
comporte, appréciée par rapport au contincnt, des possibilités
incomparablement plus grandes que l'association avec les îles. CONCLUSIONS

Le Gouvernement de la République pense avoir démontréque
la France n'a jamais transféréni laissé dépérir son titre originel
sur les îlots litigieu; que d'autre part les titres invoqués par '
le Gouvernement du Royaume-Uni ne sont pasvalables et que
lesfaits de possession alléguéssont sans force, en particulier que
les faitse possession postérieurs à1839 ne sauraient êtreopposés
à la France.

Le Gouvernement de la République demande donc à la Cour
internationale de Justice de dire et juger :

Que les titres et lesfaits invoqués par la France entraînent
la reconnaissance de sa souveraineté sur les Minquiers et les
Écréhous.

L'Agent du Gouvernement
de la République française,
(Signé) ANDRÉ GROS. ANNEXES A LA DUPLIQUE FRANÇAISE (NO I)

ANNEXES

Annexe i

MÉ~~ORANDUM

CONCERNANT LE PROJET D'USINES XARÉMOTRICES
EN BAIE DU hlONT ST.-MICHEL
ET DANS LA RÉGION DE L'ARCHIPEL DES MINQUIERS

1. - L'accroissement incessant de la consommation en énergie
électrique,d'une part, la pénurieen charbon ou combustibles divers,
d'autre part, font apparaître, dans notre pays, un énormedéficit d'énergie
que la captation de toutes nos ressources cn houille blanche sera loin de
combler.
II semble donc opportun de mettre à profit la puissance des marées.
La France est particulièrement bien situéeà ce point de vue. Et l'équi-
pement d'importantes usines marémotrices, s'il constitue un problème

industriel entiérement neuf, fait appel à un ensemble de techniques dont
chacune est déjA fort avancée : turbines dc basse chute, travaux mariti-
mes, etc.
2. - Des considérations de rendement et de prix de revient btudiées
par la iiSociétéd'étude pqur l'utilisation des marées n aujourd'hui
rattachée à la direction cEtudes et recherches B de l'cÊlectricitéde
France n,ilressort que seules pourraient êtrerentables des usines puis-
santes installées endes sites où la marée atteint de grandes amplitudes.
C'est pourquoi le choix des techniciens s'est porté sur la région du
Mont St.-Michel où trois projets sont actuellemcnt envisagés :
Le premier - dont lesétudes sont très ~iousséeset au sujet de la
réalisation duquel une décisionsera sansdoute prise trés prochainement
- consiste dans l'installation d'un barrage sur la Rance, en amont des
villes de St.-Servan et Dinard, et d'une usirie qui fournirait annuelle-
ment environ 700 millions de KWH., soit la production actuelle de
l'usine de Kembs, ou la moitié de cellde l'usinede Génissiat cn cours
d'achèvement.
Le second projet - à l'aide d'une digue joignant Cancale A Granville
en passant par l'archipel des Chausey - permettrait de capter une

énergie annuelle de l'ordre de 25 milliards de KWH., ce qui doublerait
notre productiqn actuelle, y compris le plan Monnet.
Une usine encore plus importante pourrait êtreréalisée,qui nécessi-
terait la construction d'une digue reliant le cap Fréhel à I'archipel des
Minquiers.
(Voir sur le croquis joinle schéma d'implantation des digues prévues
pour ces divers projets. ) ANNEXES A LA DUPLIQUE FRANÇAISE (NO II)
733

DEMANDE DE CONCESSION

Dossier A. - Piéce 1
Objet : Demande de concession Électricité de France.
estuaire de la Rance Service d'Études sur
l'utilisation des Marées.
44, rue de Lisbonne,
Paris,8".

à

Monsieur le ministre de 1'Iiidustne
et de l'Énergie,
Paris.
Paris, le 26 mars 1gj2.

Monsieur le Ministre,
Depuis plusieurs années, Électricité de France étudie, en liaison
avec le Comitétechnique de l'énergiedes mers, les possibilitésd'utiliser
en France l'énergiedes marees. Ce comité, organe consultatif crééau
sein de votre département ministériel, s'est réunien séanceplénière le
mardi 15janvier dernier, sous la présidencede M.de Roiiville, inspecteur
général desPonts et Chaussées,et a émisl'avis qu'il lui paraît opportun
de procéder le plus prochainement possible à l'aménagement d'une
usine marémotrice dans l'estuaire de laRance.
Electricité de France a l'honneur de solliciter la concession de cet
aménagement destiné à la production d'énergieélectrique.
L'usine projetéeintéresseen fait uniquement l'utilisation de l'énergie
apportée par la mer. L'incidence de son implantation est strictement
limitée au domaine maritime.
Dans lesecteur de la Rance, comme sur l'ensemble des côtes nord
et ouest de France, le rythme de lamaréeest semi-diurne lunaire. Il y
a ainsi deux pleines mers au cours d'une périodede vingt-quatre heures
50environ.L'amplitude localeoscilleentre lesvaleurs extrêmes,rarement
atteintes, de treize mètres et trois métres environ.
L'usine-barrage sera implantée entre la pointe de la Briantais et la
pointe de la Brebis, en amont des villes de St.-Malo, Saint-Servan et
Dinard (Ille-et-ViIaine). Elle isolera de la mer un bassin d'une superficie
de 20 kmP & marée haute, s'étendant vers l'amont jusqu'h l'éclusedu
ChatellierA 5 kilomètres en aval de Dinan (Côtes-du-Nord).
Le niveau des plus hautes eaux ne sera pas modifié.Iln'y aura pas de
submersion de terrain.
La production théorique annuelle -sera d'environ 550 millions de
KWH. porir une puissance installée de zzo mille KVA. La variation
relative de production d'une année ;2l'autre restera inférieurà 5 %,
et la variation d'une quinzaineh l'autre inférieureA IO%.
Les travaux intéressent les communes de La Richardais et de Saint-
Servan-sur-Mer, sises toutes deux dans le département de l'Ille-et-
Vilaine. ANNEXES A LA DUPLIQUE FRANÇAISE (NO II)
734
Le seul Itablissement hydraulique producteur d'énergie situé en
amont sur la Rance est l'usine de Rophernel appartenant à Électricité
de France.
La durée probable d'exécution des travaux est d'environ sept ans.
Électricifëde France demande que l'amén~gemenstoit déclarkd'utilité
publique,afin de bénéficier1il'intérieurdu périmètre, desservitudes de
la concession, indiqué sur la carteau 1l8o.oootnojointe au dossier, de la
loi de 189z'sur les occupations temporaires et du droit d'expropri~t'n
des terrains nécessaires3 sa réalisation.
Nous vous prions d'agréer, etc.

Le Directeur des Études et Recherches,
(Signe) P. AILLERET.

I pièce jointe - Avis du Cornitétechnique de l'énergiedes mers (séance
du 15 T 52).

Ministére de l'Industrie Dossier A - Piéce 1
et du Commerce
Copie jointe
RBPUBLIQU FRANÇATSE
Direction du Gaz et de
l'electricité

Comité technique de
l'énergie desmers

Avis du comité

Le Comitétechnique de l'énergiedes mers,
Saisi d'un projet d'utilisation de l'énergie desmaréesdans l'estuaire
de la Rance, présentépar l'Électricité de 1''rance,
Aprés avoir pris connaissance de ce projet et en avoir délibéréen
présence des représentants de 1'Electricitéde France ;

Considérant :
que l'emplacement choisi, entre les pointes de la Briantais et de la
Brebis, est techniquement approp~ik au but recherché,et qu'il permet,
dans une région à fort marnage, d'isoler une superficie d'estuaire suffi-
samment grande (20kma)par un barrage assezcourt et restant notam-
ment défiléaux mies de St.-Ma10et Dinard qui peuvent légitimement
désirer de voir réserver les sites tounstiques qu'ils constituent,
que le terrain où l'implantation est prévuea étélargement reconnu
par un ensemble de travaux comportant des sondages rotatifs dans le ASNEXES A LA DUPLIQUE FRANÇAISE (NO II]
735
rocher soas-jacent, des battages de rails, des battages de palplanches,
et l'essai d'un marteau-pilonneur,
que les résultats de cette reconnaissance indiquerit, au-dessous d'une
épaisseur faible (et par endroits nulle) d'alluvions meubles, l'existence
d'un bon granit, délitésuperficiellement et sur lequel on peut fonder
un barrage stable et étanche,
qu'un projet détailléa étéétabli, concernant le plan des ouvrages
terminés et l'indication du mode de construction de ces ouvrages ;
qu'il résulte, d'un détail estimatif s'appuyant sur ce projet, que le
coût du KWN. qui serait annuellement produit par cette usine rnaré-
motrice est comparable à celui de diverses usines hydrauliquesde basse
chute dont la construction est actuellement envisagée,
que l'énergiemarémotrice présente pour la Rance une valeur non
négligeable, l'horaire de la production étant prévisiblesans aucun aléa
et la production étant réguliéreen moyenne - l'énergielivrable au
réseau en une demi-lunaison (15 joirrs) est pratiquement constante -
tous avantages de nature à compenser l'inconvénient d'un horaire
variable d'un jour à l'autre avec les phases de la lune,
que l'implantation d'une usine marémotrice de 1s puissance ainsi
prévue en Bretagne ne peut qu'amkliorer très sensiblement l'équilibre
de la répartition géographique entre moyens de production et besoins
de consommation, ce qui est favorable autant sur le pIan général que
sur le plan local,
que le projet mentionné ci-dessus comporte excIusivement des solu-
tions parfaitement réalisables dés aujourd'hui, sans aléas autres que .
ceux des chantiers ordinereç ;
que la réalisation de ce projet serait une étape indispensable vers la
construction d'une uçine marémotrice plus importante dont le besoin
peut se faire sentir dans un avenir prochain,

Émet l'avis:
Qu'il est souhaitable que les travaux de l'usine marémotrice de la
Rance soient entrepris aussi prochainement que possible.

Le Président,
(Signé DE ROUVILLE. CONTENTS - TABLE DES MATIERES

PART 1.-SPECIAL AGREEMENT AND PLEAlIINGS
PIIERIIÈRE PARTIE. - COMPROMIS ET

PIÈCES ÉCRITES

SECTION A.-SPECIAL AGREEMENT
SECTION A. - COMPROMIS
Pages
Letter from tlie British Ambassador to the Netherlands to the
Registrar of the Court (5 XII 51). - Lettre de l'ambassadeur
britannique aux Pays-Bas ai1 Greffier de la Cour(5XII 51). . 8
Special ~~reernenlt for submission to the Ititernational Court of
Justice of differences between the United Kingdom of Great
Britain and Northern Ireland and the French Republic concerning
sovereignty over the Minquiers and Ecrehos Islets (29XII 50).-
Compromis soumettant à la Cour internationale de Justice les
différends existant entrela 12épubliquefrançaiseet le Royaume-
Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant: la
souveraineté sur les îlots des Minquiers et des Écréh(29 xrI50)
9
SECTION B.-PLEADINGS

SECTION B. - PIÈCES ~CRITËS

I. Mernorialsubmittedby the Governmentof the United Kingdom
of Great Britainand Northern Ireland (3 III52) .....
[For the detailed Table of Contents, see pp. 11-18.]
Annexes tothe British Mernorial. .........

[For the detailed Table of Contents, see pp. 126-137.1
Textual Note . . . ............
Charts : Annexes B 1 to Li g ...........
Annexes C I to C 20 ..............

2. Contre-mémoiresoumis par le Gouvernement de la République
française (26VI 52) ...............
[Voir table des matières détailléep. 353.1

3. Reply submittedby the Government of the United Kingdom of
Great Britain and Northern Ireland (3 XI j~) ...:.
[For the detailed Table of Contents, sce pp. 415-420.1
Annexes to the Reply. ..............

[For the detailed Table of Contents, see p. 562.1 Pages
Additional Afinexes ............... 622
[For the detaiIed Table of Contents, set?pp. 620-621.1

4. Duplique soumise par Ie Gouvernementde la Républiquefran-
çise (6 111 53) ................. 686
Annexes à la duplique:
Annexe I .................. 732
Annexe 2 .................. 733 AGENTS FOR SALE OF THE PUBLICATIONSOF THE
INTERNATIONAL COURTOFJUSTICE

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