Mémoire en Réplique du Gouvernement hellénique

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8969
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4. MÉMOIRE EN RÉPLIQUE

DU GOUVERNEMENT HELLÉNIQUE

I. La présente instance doit permettre la Cour, aux termes de
l'arrêt de la Cour du rorjuillet 1952, de décider si le Royaume-Uni
est tenu de soumettre à l'arbitrage, conformément à la déclaration
de 1926, ledifférend relatifàla validitéde la réclamation Ambatielos
en tant que cette réclamation est fondéesur le traité de commerce

et de navigation entre le Royaume-Uni et la Grèce signé à Athènes
le IO novembre 1886.
z. Il ne s'agit plus en l'espèce d'une question portant surla coin-
pétence de la Cour comme telle, mais bien sur la compétence de
l'organe arbitral prévu dans le protocole annexé au traité de 1886.

La Cour définit en effet expressément dans les termes suivants la
portée du nouveau débat institué par elle :
«La Cour aura à juger s'il y a un différendentre les I'arties au
sens de la déclaration de 1926. Si elle arrive la conclusion qu'un
tel différendexiste, la commission arbitrale aurà se prononcer sur
le fond du différend1)

3. Pour la facilité de la compréhension du présent document,
rappelons les termes de cette déclaration de 1926visée dans l'arrêt
de la Cour du juillet1952, ainsi que du protocole du IO novem-
bre 1886 auquel cette déclaration se réfère.

Déclarationde 1926 :

cIl est bien entendu que le traité de commerce et de navigation
entre la Grande-Bretagne et la Grècedatéde ce jour ne porte pas
préjudiceaux réclamationsau nom de personnes privéesfondéessur
les dispositions du traité commercial anglo-grec de 1886,et que tout
différendpouvant s'éleverentre nos deux gouvernements quant à
la validitéde telles réclamations seraà la demande de l'un desdeux
gouvernements, soumis à arbitrage conformément aux dispositions
du protocole du IO novembre 1886, annexéaudit traité. I)

Protocole du IO novembre1886 :
sAu moment de procéder,en ce jour, à la signature du traité de
commerce et de navigation entre la Grande-Bretagne et 1a.Grèce.
les plénipotentiaires des deux Hautes Parties contractantes ont fait
les déclarations suivantes:
Toutes controverses qui pourront s'élever ausujet de l'interpréta-
tion ou de l'exécutiondu présent traité ou des conséquencesd'une
violation quelconque de ce traité, devront être soumises, une fuis
les moyens de les réglerdirectement par un arrangement à l'amiable
épuisés, à la décisionde commissions d'arbitrage, et Icrésultat de
cet arbitrage liera les deux gouvernements.

16 236 ~~ÉI~OIRE EX REPLIQU EELLENIQUE (3 x 52)

Les membresde cescommissionsdevront êtrechoisispar les deux
gouvernementsd'uncommunaccord,faute de quoichacunedesdeux
Parties nommera un arbitre ou un nombre égald'arbitres, et les
arbitres ainsi désignéshoisiront un tiers arbitre.
La procédurede l'arbitrage devra être, dans tousles cas, déter-
minéepar les Parties contractantes, faute de quoi la commission
d'arbitrage sera chargéeelle-mêmede la fixerpréalablement.
Les plénipotentiairessoussignésont convenu que ce protocole
devra êtresoumis aux deux Parties contractantes en mêmetemps
que le traité, et que, quand le traité sera ratifié,l'accord contenu
dans le protocole sera égalementconsidérécomme approuvé, sans
qii'ilsoit besoin d'une autre ratification form1)le.
4. Qu'il y ait un différend entre le Royaume-Uni et la Grèce né
d'une réclamation faite au nom de particuliers n'a pas étécontesté
par l'agent du Gonvernemcnt britannique, ni par ses coiiseils. II
s'agit en l'espèce, comme le constate l'arrêt de la Cour, d'une
a réclamation touchant les droits d'un 'armateur hellène, Nicolas
Eustache Ambatielos, qui aurait subi une perte coiisidérable en
conséquence d'un contrat conclu par lui en 1919 avec le Gouverne-

ment du Royaume-Uni (représenté par le ministère de la Marine
marchande) pour l'achat de neuf bateaux à vapeur alorsen coiistruc-
tion et en conséquence de certaines décisions judiciaires rendues
contre lui à ce sujet par les tribunaux anglais in.
Ces derniers mots appellent un commentaire. Au cours des débats
relatifs aux exceptions préliminaires, un des conseils du Gouver-
nement hellénique fut amené à faire certaines déclarations sur la
portée desqiielles le conseil du Gouveriiement britanniquc, sir Eric
Beckett, semble s'êtrequelque peu mépris.
Sir Hartley Shawcross avait dit (p. 303 du présent volume) :
« ...1 do not in any way associate myself with the attack on the
good faith and impartiality of the English Courts in this matter.

One can understand that M. Ambatielos, having a real sense of
injustice, perhaps attributed the result of the case to a lack of
fairness on the part of the judges .... The gravamen of tliis case
against the United Kingdom Government is this, that the United
Kingdom Government having itself knowledge of evidence which
might havehad a vital bearing on the decision of the EnglishCourts,
failed to make that evidence known to the English Courts. It is one
thing not to produce State documents ....documents for which, as
a class, State privilege may properly be claimed ...butit is another
thing to conduct litigation on a basis which is wholly inconsistent
with evidence available from the government officiais most closely
concerned with the matter, and to do so without making known tu
the other side-the opposite party-that this evidence exists. That
is the complaint that is made in this case, and that is the matter

which causes such grave anxiety. 1A l'audience suivante, sir Eric
Beckett prit acte de 'cette déclaration dans les termes ci-après
(p. 317 du présent volume) : «Now the contention which the
United Kingdom called "false and scandalons" was the contentio~i MÉMOIRE EN RÉPLIQUE HELLÉNIQUE (3x 52)
"37
that the decision of the English Court of Appeal in 1923, refusing
M.Ambatielos's application to cal1two witnesses, was not in accord-
ance with English law and practice, was influenced by anti-foreign
prejudice and was a decision so wrong that in giving it, the Court

of Appeal fell below the minimum standard of justice required by
international law. We were very happy to see that Sir Hartley
Shawcross, on behalf of the Grcck Government, withdrew altogether
these aspersions on the English Court of Appeal .... 11
A toute évidence, la reconiiaissance personnelle de sir Hartley
Shawcross, que le Gouvernement hellénique ratifie, ne s'étend pas
à la régularitéde la procédure suivie devant les tribunaux anglais
non plus qu'à la conduitedes autorités administrativesbritanniques.

5. D'autre part, la Cour a fait bonne justice dans son arrêtdu
xerjuillet 1952 de l'objection britannique suivant laquelle les récla-
mations faites au nQm des particuliers et fondées sur le traité de
1886 n'étaient visées par la déclaration de 1926 que pour autant
qu'elles aient étéénoncéesen vertu de ce traité avant que la décla-
ration eût étésignée(pp. 44-45 de L'arrêt).

6. Ainsi, la question actuellement soumise à l'examen de la Cour
relativement à la compétence de l'organe arbitral pour statuer sur
le différend se ramène à la question de savoir si - pima facie -
la demande du Gouvernement hellénique se présente comme sus-
ceptible de trouver un fondement dans le traité de 1886.

7. Les dispositions du traité de 1886 qui ont été invoquées
par le Gouvernement hellénique à l'appui de sa demande sont les
suivantes :

« Articlefifernier
Il y aura entre les domaines et possessions des deux Hautes
Parties contractantes libertéréciproquede commerceet de naviga-
tion. Les sujets de chacune des deux Parties pourront entrer libre-
ment, avec leurs vaisseaux et cargaisons, dans toutes les places,
ports et rivièresdes domaines et possessionsde l'autre ou des sujets
indigènesont généralemeno tu peuvent avoir la permissiond'entrer,
et jouiront respectivement des mêmesdroits, privilèges,libertés,
faveurs, immunitéset exemptions en matière de commerce et de
navigation que ceux dont joiiissent ou pourront jouir les sujets
indigènes.sans avoir A payer des taxes ou des impôts supérieursi
ceux payéspar eux, et ils seront soumis aux lois et règlementsen
vigueur.1,

cArticleX

Les Parties contractantes convienneiit que, daiis toutes les ques-
tions relatives au commerceet ?Lla iiavigation, tout privilège,fav6:iir
ou immunité quelconque que I'iine des Parties contractantes a
actuellement accordésou uourra désormais accorderaux suiets et
cito).eris <l'unaiitrc lirnr.'seri>iit i:tcndus iiniiié<liatc,isans
qu'ilsoitt)csoindc dCclararicinpr(nl;il>lcnus sujttoii :ail<:iroyciis SIÉMOIRE EX RÉPLIQUEHELLÉKIQUE (3x 52)
238
del'autre Partie contractante ;leur intention étant que le commerce
et la navigation de chacun des deux pays soient traités,touségards,
par l'autre sur le pied de la nation la plus favorisé».

uArticleXII

Les sujets de chacunc des deux Partiescontractantes qui se confor-
meront aux lois du pays :
I.Auront pleine liberte, eux et leurs familles, d'entrer, de voyager
ou de résiderdans toutes les parties des domaines et possessions de
l'autre Partie contractante.
z. Ils pourront louer ou posséder les inaisoiis, maiiulactures,
magasins, boutiqiies et dépendancesquipeuvent leurêtreiiécessaires.
3. 11spourront exercer leur commerce en personne ou p;ir tous
agents qu'ils jugerontà propos d'employer.
4. Ils ne seront soumis pour leurs personnes ou leurs biens, ou
pour des passeports ni en ceiiiconcerneleur commerce oiiindustrie,
à des taxes généralesou locales, ou àdes impbts de quelque esldce
que ce soit, autres ou plus forts que ceiix qui sont ou pourront étrc
appliquésaux sujets iiationaus. ii

« ArticlXV, alinéa3

Les sujets de chacune des deux Parties contractantesauront dans
les domaines et possessionsde l'autre libre accèsaux cours de justice
pour la poursuite et la défensede leurs droits, sans autres restric-
tions ou taxes que celles imposéesaux sujets nationaux, et devront,
comme eux, avoir toute liberté de prendre, dans toutes les causes,
leurs avocats, avouéset agents d'affairesparmi les personnes admises
à l'exercice de ces fonctions par les lois du pans.
8. Ainsi que le Gouvernement hellénique l'a déjà fait rcmarquer,

la première de ces dispositions garantit dans le Royaume-Uni aus
sujets helléniques - et réciproquement - le traitement national en
matière de commerce, tandis que l'article XII prévoit le mème
traitement national pour la personne et les biens des ressortissants
de chaquePartiecontractante en matière fiscale et defaçon générale
les exonère de toutes obligations de quelque nature que ce soit
autres ou plus lourdes que celles qui sont ou peuvent êtreimposées
aux nationaux. L'article X leur garantit le traitement de la nation
la plus favorisée, c'est-à-dire,suivant d'autres traités cités dans les
observations helléniques (p. 223). un traitement conforme au « com-
mon right,à l'équitéet à la justice ».Enfin, la dernière disposition
invoquée, soit l'article XV, alinéa 3, se rapporte àl'accès aux tribu-

naux, et garantit aux ressortissants de l'une des Parties, de façoii
tout à fait gknérale, le traitement national dans le territoire tlc
l'autre Partie.
9. Quant à cette dernière disposition du traité de 1886, on peut
dès à présent noter une admission de laPartie défenderesse touchant

l'existence d'un lien apparent entre;elle et la réclamation hell6nique
(p. 289 du présent volume), ce 'qui nous parait suffisant pour MEDIOIRE EN RÉPLIQUE HELLÉNIQUE (3 x 52)
239
que la Cour reconnaisse la nécessitéde soumettre ce différend à la
procédure arbitrale.

IO. Il serait donc excessif de limiter le présent débat à la discus-
sion de la septiè~neobjection à la compétence de la Cour formulée
par le Gouvernement britannique dans les termes suivants au cours

des plaidoiries :
«Le traitéde 1886ne contient pas de dispositionsincorporant.au
traité les principes générauxdu droit international en matière de
traitement des étrangersdevant les tribunaux ou d'autre manière
et, en conséquence, onne peut soutenir que le prétendu dénide
justice commis en violation des principes générauxdu droit inter-
national constitue un manquement au traité de 1886, simplement
parce qu'il constituerait un manquement aux principesgénéraux du
droit international.

II. Abordant toutefois la question soulevéepar le Gouvernement
britannique, le Gouvernement hellénique maintient que l'invocation
par lui des principes généraux de droit international trouve son
fondement juridique pleinement satisfaisant dans la clause de la

nation la plus favorisée contenue dans l'article X du traité de 1886
et dans 1~sengagements souscrits par le Royaume-Uni à l'égard
d'autres Etats detraiter leurs ressortissants conformément à l'équité
et à la justice.
On comprend d'autant moins l'opposition manifestée par le Gou-
vernement britannique à cette manière de voir qu'il a lui-mêmede
manière semblable dans l'affaire dc 1'Anglo-Irania11Oil Company
prétendu se prévaloir de la clause de la nation la plus favorisée pour
réclamer Ic bénéficedes stipulations relatives à l'observation des

règles et pratiques du droit commun international, contenues diins
les traités conclus entre l'Iran et des États tiers (arrêtdu22 juillet
1952, C.1. J. RecueiZ 1952. p. 109) :uLe Royaume-Uni soutient que
l'Iran s'est trouvé tenu, par le jeu de la clause de la nation la plus
favorisée, de traiter les sujets britanniques conformément aux
principes et la pratique du droit international. >i

12. Le conseil du Gouvernement britannique a, ilest vrai, objecté
en plaidoirie qu'en l'espècela clause de la nation la plus favorisée
n'avait étéprévue qu'en matière commerciale et de navigation et
non en matière d'établissement (pp. 289 et zgo du présent volume).

Mais comme l'a répondu déjàsir Hartley Shawcross en plaidoirie
(pp. 305 et 306), la réclamation soumise à la Cour internationale
de Justice après l'avoir étéaux tribunaux anglais est précisément
« relative au commerce comme les traités dont elle se réclame 1).
Il faut en effet comprendre comme couverts par les dispositions
du traité de 1886 toutes Idifficultésnaissant de transactions com-
merciales, telles les contestations résultant de contrats commer-
ciaux 1)Or, comment refuser le caractère de transaction commerciale
à l'achat effectuéen Angleterre parun armateur helléniquedomicilié240 MEMOIR EN RÉPLIQUE HELLÉNIQUE (3x 52)

hors du territoire britannique de navires construits en Extrême-
Orient et destinésà naviguer sous le pavillon hellénique?La déné-
gation du Gouvernement britannique sur ce point est d'autant plus
malvenue qu'elle se trouve en contradiction avec ses écrits anté-
rieurs dans lesquels par deux fois le caractère commercial du litige
fut reconnu (voir les notes des 29 mai et 28 décembre 1933
du secrétaire d'État des affaires étrangèresde Grande-Bretagne,
pp. 103-105et 106 du mémoiredu Gouvernement hellénique).

13.Ayant ainsi établi le droit du Gouvernement helléniqueà se

prévaloir.dela clause de la nation la plus favorisée,il faut constater
qu'en fait il n'est pas contesté que le Royaume-Uni ait conclu les
traités citésdans les observations helléniques par lesquels des res-
sortissants étrangers se voyaient garantir un traitement conforme
au «common right I)à l'équitéet à la justice, toutes expressions
synonymes aux principes générauxde droit international.
Il ne paraît pas douteux déslors qu'un dénide justice commis en
violation des principes généraux du droitinternational constitue un
manquement au traité de 1886.

14. Ayant ainsi répondu à la préoccupation essentielle de la Cour,
soulignons à nouveau qu'indépendamment de l'article X du traité
de 1886qui, par le détourde la clause de la nation la plus favorisée,
confère aux commerçants helléniques le bénéficed'un traitement
conforme aux principes généraux du droit international et indépen-
damment de l'article XV, alinéa3, déjà cité,la demande hellénique

trouve son fondement aussi dans deux autres articles, premier et
XII, qui garantissent aux ressortissants helléniques le traitement
national britannique. La premièrede ces dispositions est, il est vrai,
limitéedans ses termes au commerce et à la navigation, mais comme
nous l'avons vu au sujet de l'article X, il n'en résulte aucunement,
bien au contraire, qu'il ne doive pas trouver application au présent
litige.

15. C'est à cette double garantie conventionnelle de traitement
national et de traitement coiiforme aux principes générauxde droit
international que, suivant le Gouvernement hellénique, le Gouver-
nement britannique a manqué en ne veillant pas au respect des
délaisde livraison stipulés dans le contrat d'achat de neuf navires
du 17 juillet 1919. en prétendant liéanmoinsau paiement de l'inté-
gralitédu prix de ventc. en se refusant notamment à l'abandon du
supplément de 5oo.000 livres sterling consenti par l'acheteur en
considération des délaisde livraison obtenuspar lui, en neeconfor-

mant pas à l'acte de constitution d'hypothèques du 4 novembre
1920, en procédant à des saisies intempestives et en retenant indû-
ment la livraison des deux derniers navires.
16. Plus particulièremciit, les reprksentants de l'administration

britannique, en s'abstenant de verser au débat devant la Cour ~~ÉMOIREEN REPLIQUE HELLÉNIQUE (3X 52) 241

d'aniirauté d'Angleterre la correspondaiice échangéeau sujet de
cette affaire en juilletrgzz par le major Laiiig et sir Joseph Rlaclay
et d'en provoquer l'audition comme témoins,ont empêché le juge
de première instance de décidercette affaire en pleine connaissance
des faits et des documents. ;

17. En outre, et comme déjà exl~oséaux paragraphes 18 et 19

du mémoirehellénique,la décisionde la Cour d'appel de l'Angleterre
refusant la requêtede M. Ambatielos de produire ces documents et
l'audition de ces deux témoins essentiels, était contraire à la jiiris-
prudence de cette Cour. Mais mêmeeri supposant que le rejet de
cette requêtefût conforme au système de la procédure anglaise -
ce qui n'est pas admis par le Goii\~eriiementhellénique-, elle lie
serait pas conforme aux dispositions du droit international garaii-
tissant le traitement des étrangers. Voir dans ce seiis l'avis consul-
tatif de la Cour permanente de Justice iiiternationale dans l'affaire
du T~aitenzentdes ~iationaicxpolonais dans le territoi~ede Dantzig :
CUn Etat ne saurait invoquer vis-à-vis d'un autre Etat sa propre

constitutioii pour se soustraire aux obligations que lui imposent le
droit international et les traités en vigueur. L'application de ces
principes au cas dont il s'agit a pour effet que la question du traite-
ment de ces nationaux doitêtre résolueexclusivement sur la base
des règlesdu droit international et des dispositions conventioniielles
en vigueur. 1)(Serie A/B, no 44, 11.24.)

18. Nombreuses sont les décisionsdes tribunaux internatioiiaux
qui consacrent ces priricipes :Il suffit de citer ici trois des principales
sentences en matière d'arbitrage international :
a) Dans le GeneralClaims Comnrission,UnitedStatesundMexico
(~gzg), l'arbitre, 3I. Nielsen, a déclarétextuellement : « It would be
a strange and unfortunate decision which would have the effect of

precluding an internationaltribunal from making a final pronounce-
ment upon any'such controversy because some rule of a particular
system of local jurisprudence puts certain limitations on rights of
action under domestic law. Arbitration as the substitute for further
diplomatic exchanges or forcc would fail in its purpose. » .(Hack-
worth, Digest of International Law, vol. 6, p. 119.)
6) Dans l'affaire Schztfeld,1930 (ibid., vol. 5, p. 485), l'arbitn: a
dit : (Where a decree, passed even on the best of grounds, works

injustice ta an alien subject, the government ought to make com-
pensation for the injury inflicted and cannot invokc any municipal
law ta justify their refusa1to do so. It is a settled principle of inter-
iiational law that a sovereign cannot be permitted to set up one of
his o1i.nmunicipal laws as a bar to a claim by a foreign sovereign
for a wroiig done to the latter's subject. » (Wharton, International
Law Digest, vol. 3, p.169.)
c) De même,on trouve dans la sentence du sur-arbitre dans
l'affaire Cotesworthet Powell :CIII faut considérercomme équivalant ME~~OIRE ES RÉPLIQUE HELLÉNIQUE (3 x 52)
242
à un dénide justice absolu le refus d'entendre les parties ou encore
le fait de les empêcher de produire leurs moyens de preuve. n

(Ralstoii, Thelaw and;brocedure ofI?tternationalTribnnals, No. 115.)

Et parmi lesauteurs lesplus récents,Freeman,dans l'International
Res;bonsibilityof States for Denial of Justice, déclare (p.52) : r It
does not matter how the infraction of the alien's procedural or
substantive rights is brought about, whether due to an act or omis-
sion of the legislature or whether it proceeds from the exercise of
judicial discretion. Such an infraction does not cease ta be a denial
of justice merely because it is not contrary to the local law nor
because the obligation disregarded is of "special" rather than
"
general" character. I)

19. Bien entendu, c'est à la juridiction arbitrale d'apprécierle
bien-fondé de la réclamation du Gouvernement hellénique, la
présente instance n'ayant d'autre objet que de constater que ;brima
facie elle trouve pour fondement juridique les dispositions du traité
de 1886 et les règleset la pratique du droit international.

zo. Statuant sur la compétence de l'organe arbitral pour régler
le présent différend,la Cour se bornera par conséquent à apprécier
si cette invocation par le Gouvernement hellénique du traité de
1886 est sérieuse.
On pourrait même sedemander si en bonne justice ce dernier

examen s'impose et s'il n'y aurait pas lieu pour la Cour d'apprécier
comme en droit interne la compétence ratione materile ou celle de
tout autre organe d'après l'objet et la caiise indiqués dans la
demande sauf au demandeur à s'exposer cn cas d'invocation
téméraireou frauduleuse à une condamnation à dommages-intérêts
lors de l'examen au fond.
Reconnaissons toutefois que la jurisprudence de la Cour comme
celle de la. précédenteCour permanente de Justice internationale

sont en sens contraire. Inspirées sans doute par le souci de ménager
les répugnancesdes gtats à débattre du fond des différendsdont la
cause juridique est manifestement factice, de nombreuses décisions
ont affirméle devoir de la Cour de vérifier,lorsque sa compétence
est contestée, non seulement si le fondement iuridique donné à la
dt.niaridc par I'l?t:irtquérant <:sicoinpris dans I;ii(:r.iedes caI,i,iir
leaciuclsIcsv~rtics ont ailinii comniti<)blieatoircIcr~el~nicntarhiiral
ou judiciaire des différends,mais si un premier examen fait appa-

raître ce fondement 'comme sérieux.
Nous pensons toutefois ne pas nous éloignerde l'esprit de cette
jurisprudence en l'interprétant comme ayant tendance à présumer
ce caractère sérieux,en sorte qiie,devant lejuge international comme
devant le juge national, la demande s'apprécieen principe suivant
ses données expresses, la différenceétant seulement que pour le

'Voir Correspondancenus 122 et 127. juge interne il en est toujours ainsi, tandis que pour le juge inter-
national il est dérogé à cette règle lorsque le fondement juridique,
cause déterminante de la compétence, apparaît prima facie comme
inexistant.
En d'autres mots, ce que la Cour aiira à vérifierà ce stade de la

proc&durr.ii'cst 1~;~i l>ri»l/«ci8Icsol)liçations iiritli~s iinpflCes
;IIC;~~u\~~~riiziiiI)ir.ittniiiii~iiicsiir In<IIItrait;dc iS66 sont
réelles, mais si cette thèse est sérieuse, c'est-à-dire si son manquï
de fondement n'est pas évident ou en d'autres mots, si cllc méritc
examen.

21. Or, déjà'à l'issue des premiers débats devant la Cour, M. le
juge Carneiro a relevédans son opinion individuelle (p. 49) que Ic
Gouvernement britannique a admis que la réclamation était prima
facie fondéesur le traité de 1886.
A fortiori une telle conclusion paraît-elle devoir s'imposer à la
Cour après les explications donnees par le présent mémoire en
réplique.

22. Le Gouvernement helléiiiquc ignore si à ce stade de la pro-
cédurele Gouvernement britannique fera valoir l'exception de nori-
épuisement des voies de recours interne déjàindiquéepar son conseil
en termes de plaidoirie (p. 281 du présent volume), bien que rion
reprise dans ses conclusions.
Il est en effet constant que, dans la mesure où les griefs de
M. Ambatielos pouvaient faire l'objet d'un recours devant une jtiri-
diction interne, ils firent l'objet d'une demande reconventioiiiiolle

de la part de l'intéresséassignépar l'administration britannique, et
qu'ayant perdu son procès en première instance, il interjeta appel
contre le jugement rendu. II est vrai que cette instance ne fut pas
poursuivie après que, par un premier arrêt, la Cour d'appel oîit
refuséd'admettre l'audition de nouveaux témoins et d'ordonner la
production des documents dont l'existence avait été cachée au
tribunal. De l'avis des conseils de M. Ambatielos, il n'y avait dès
lors plus aucune chance sérieuse de réformation. Le Gouvernement
britannique reproche toutefois à M. Ambatielos de ne pas s'être
pourvu devant la juridiction suprêmede la Chambre des Lords, à

quoi sir Hartley Shawcross a déjà répondu qu'en fait pareil recours
ne pouvait êtreexercé utilement, la décision de la Cour d'appel
étant considéréeen Angleterre comme relative à une question de
procédure échappant à la censure de la Chambre des Lords (p. :$03
du présent volume). Comme l'a aussi dit l'arbitre dans le diffé-
rend anglo-finlandais, RI.Bagge, u théoriquement ouverte aux inté-
ressés, la voie de l'appel (ultérieur) ne pouvait leur être d'aucun
secours pratique x.M. Ambatielos ne pouvait donc êtreastreint de
se valoir d'un recours qui s'avérait inefficace a priori. (Voir aussi
Ch. de Visscher, Le dénide jnstice en droit international, a Reciieil

des Cours de l'Académie de La Haye JI,1935, II, p. 428. et para-
graphe IO du mémoirehellénique.) MÉMOIRE EN R~PLIQUE HELLÉXIQUE (3x j2)
244
Ainsi, de ce côténon plus rien ne s'oppose à ce que le différend
soit soumis à la procédure arbitrale prévue par le traité le 1886.

23. Si la Cour, faisant droit aux conclusions qui seront libellées
à la fin du présentdocument, décideque la réclamation Ainbatielos
est fondéesurle traité de 1886et que le Royaume-Uni est en consé-
quence tenu de soumettre ce différend, conformémentaux stipula-
tions de la déclaration du 16 juillet 1926, à l'arbitrage prévu dans

le protocole du IO novembre 1886, il restera à déterminer l'organe
qui sera chargédc cet arbitrage.
La Cour a relevé à ce sujet dans son arrêtdu juillet1952
(pp. 38-39 de l'arrêt) qu'à diverses reprises et dans des termes
variés, à vrai dire pas exactement équivalents ou synonymes, le
conseil du Royaume-Uiii a marqué l'accord de son gouvernement
pour que,dans l'éventualitéoh la Cour estimerait qu'il yaobligatioii
d'arbitrage, elle remplact: la «commission d'arbitrage » indiquée
dans le protocole de 1866 et traite l'affaire au fond «de la m@me
manière et dans la même mesureque la acommission »eût cilà en
traiter si elle avait étéconstitué».

Quelles que soient les nuances que la Cour a pu relever entre Ics
diverses manières dont fut libelléela conditioiià laquelle était sub-
ordonnée cette acceptation de sa compétence, il ne parait pas
douteux que les déclarations britanniques et celles conformes du
Gouvernement hellénique auront pour effet d'attribuer 5 la Cour
les fonctions d'un tribunal arbitral statuant sur le fond de cette
rbclamation exactement comme la a commission d'arbitrage prévuc
dans le protocole du IO novembre 1886 aurait statué.

POUR CES ~~OTIFS,le Goiiverncment hellénique conclut à ce qu'il
plaise à la Cour :
I. De dire pour droit que la réclamation Ambatielos, fondéesiir
les dispositions du traité de 1886, n'apparaît pas firinzafacie comme

étrangèreauxdites dispositions.
2.En conséquence,de déciderque le Royaume-Uni est tenu dc
soumettre à l'arbitrage, conforménient à la déclaration de 1926, le
différend relatifà la validitéde la réclamation Ambatielos.
3. De déclarerque la Cour assumera en la cause les fonctioiis de
tribunal arbitral au cas où les Parties accepteraient sa juridiction

par leurs conclusions finales.
4. De fixer aux Parties les délais pour le dépôtde ki réplique ct
de la duplique visant le fond du différend.

Le 3 octobre 1952.
Pour l'agent du
Gouvernement hellénique,
(Signé) E. VERGHIS,

Chargéd'affaires a. i.

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Mémoire en Réplique du Gouvernement hellénique

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