Mémoire présenté au nom du Gouvernement de la République de Colombie

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8957
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SECTION B. - EXPOSÉS ÉCRITS

SECTION B.-WRITTEN STATEMENTS

1. fifÉXOIRE PRÉSENTÉ AU NOM DU GOUVERNEMENT
DE LA RÉPUBLIQUE DE COLOhIBIE

LES FAITS
1.La Cour internationale de Justice, par arrêtdu 20 novembre
1950, s'est prononcée sur les demandes des Gouvernements de

Colombie et du Pérou à propos de l'asile accordé par l'ambassade
de Colombic à Lima à Ill. Victor Ra151Haya de la Torre. Dans cet
arrêt,la Cour a décidéce qui suit :
<<Sur les conclusions du Gouvernement de la Colombic.
Rejette la première conclusion en tant que celle-ci impli-
querait un droit pour la Colombie, comme pays accordant
l'asile, dc qualifier la nature du délitpar uiie décisionunilatérale,

définitive et obligatoire pour le Péro;
Rejette la deuxième conclusion ;
Sur la demande reconventionnelle du Gou\reriicment du
Pérou,
La rejette en tant qu'elle est fondée sur une violation de
l'articlepremier, paragraphe premier, de la Conventioii sur
l'asile signéàLa Havane en 1928 ;
Dit que l'octroi de l'asile par le Gouvernemeiit de la
Colombic à Victor Rad1 Haya dc la Torre n'a pas étéfait en
conforinité de l'articl2, paragraphe z, «premièrement », de
ladite convention.»

II. Le jour même oùl'arrêtfut prononcé, le Gou\rernemeiit de
Colombie formula une demancle tl'interprétation. conformément
aux articles 60 du Statut de la Cour et 79 et 80 du Règlement.
III. 12 Cour internationale de Justice, par arrêtdu 27 iiovembre
~gjo, décida que la demande d'intcrprétation. introduite par le

Gouverncmcnt de la République de Colombie, était irrece\,able.
IV. Dans les motifs de cet arret, la Cour dit que les questions
z et 3 préscntécspar la Colombie dans sa demande d'interprétation.
ayant trait l'une et l'autre la remise du réfugiéau Gouvernement
du Pérou et aux obligations évcntucllcs qui découleraient pour clle
à cet égard de l'arrêtdu 20 novembre 1950, ne pouvaient donner
lieuà aucune interprétation, étant donnéque ces questions étaient
restéesentièrement en dehors des demandes des Parties. IL'arrêt »,

dit la Cour,In'a aucunement statué sur elles et ne pouvait le faire.
C'est aux Parties qu'il apparteiiait de formulerà cet égard leurs
prétentions respectives. La Cour coiistatc qu'elles s'en sont com-
plètement abstenues. D18 J.IÉIIOIRE DU GOUVERNEJIENT COLOAIBIES (7 II 51)

V. Par note du 26 novembre 1950, adresséepar hl. le ministre
des Affaires étrangères de la République di1 Pérou au chargé
d'affaires de Colombie à Lima, le Pérou a réclaméla remise du
réfugié $1.Victor Raul Haya de la Torre, et il dit notamment: «Le
moment est venu d'accomplir la sentence prononcée par la Cour
internationale de Justice en mettant un terme à la protection

accordéeindûment par l'ambassade de Colombie à M. Victor Rab1
Haya de la Torre. L'asile ne saurait durer plus longtemps sans être
ouvertement en contradiction avec la sentence rendue par la Cour.
L'ambassade de Colombie ne peut continuer à protéger le réfugié
entravant ainsi l'action des tribunaux nationaux. Votre Excellence
doit mettre fin à l'asile indûment accordéen remettant le réfugié,
Victor Rad Haya de la Torre, afin qu'il soit mis àla dispositioii du
juge d'instruction qui l'a sommé pour le juger, conformément à ce
que je viens de rapporter. >I

VI. Le ministre des Affaires étrangèresde Colombie, par note
en date du 6 décembre ïgjo adresséeà 31.le ministre des Affaires
étrangères du Pérou, a refusé de remettre le réfugié,et il a dit
notamment :

«La Cour, partant, rejeta formellement l'accusation faite au
Gouvernement de Colombie dans la demande reconventionnelle du
Pérou,d'avoir accordé l'asile à des personnes accuséesou condam-
nées pour délits communs ».Si la Colombie remettait le réfugié,
ainsi que le demande Votre Excellence, non seulement elle inécon-
naitrait la sentence, mais elle violerait la Convention de La Havane
(paragraphe 2 de l'article ICID.

VII. Le Gouvernement du Pérou, dans une note adressée au
Gouvernement de Colombie en date du 14 décembre~gjo, a réitéré
son exigence concernant la remise de ?VIV . ictor Kaul Haya de la
Torre, et il dit :a Toute discussion directe avec le Gouvernement
de Votre Excellence est terminée.

VIII. Le Gouveriiement du Pérou, dans des déclarations
publiques, a réaffirmé ces mêmep soints de vue. La Colombie ne
saurait les partager:
IX. Commesuite à l'arrèt du20 novembre 1950,étant donnéque
la question de la remise de hl. Haya de la Torre aux autorités
péruviennes n'a pas ététraiichée, un mouvement très intense

d'inquiétudes'est inaiiifestédans tous les pays de I'Amériqiielatine.
La presse de ces pays, des organes officiels, des iiitellçctuels, des
professeurs, des juristes, des étudiants, des syndicats et d'autres
organisations ouvrières ont formulé des vŒux fervents pour que
l'asile accordéà 31. Haya de la Torre soit respecté et pour que
celui-ci ne soit pas reinis aux autorités péruvienne'.

Le mouvement d'opinion esprimé par la presse de tout le continent américain,
sans en excepter un seul pays, est tellement v2ste et unanime qu'il ne nous sera
pas possible de tradiiire et de préBela Courtous les articles de journaux
parii:1cesujet. Nousen d4poserons toutefois un grand nombre au Greffe, pour
information. II s'agit,vuesans dire. d'opinions personnelles. UÉ>IOIRE DU MUVERNEJIENT COLOMBIEN (7 II 51) 19

X. Certains gouvernements de l'Amérique latine ayant exprimé
sur cette affaire des opinions qui n'eurent pas l'heur de plaire au'
Gouvernement du Pérou, celui-ci répondit en des termes peu
mesurés. Le cas s'est produit, par exemple, à l'occasion d'une note
écrite par le Gouvernement du Salvador. Le Pérou,dans sa réponse,
employa des expressions que l'écrivain péruvien Luis Alberto
Sanchez, ancien recteur de l'université de San Marcos de Lima,

qualifia de moqueuses et d'impertinentes.
XI. Le 13 décembre 19j0, le Gouvernement de la Colombie a
introduit une nouvelle instance devant la Cour pour lui demander
de statuer :

a) A litre principal.
De dire et juger, tant en la présence qu'en l'absence du Gouver-
nement du Pérou, après les délais que, sous réserve d'un accord
entre les Parties, il appartiendra à la Cour de fixer :En exécution
de ce qui a étédisposé à l'articl7 du Protocole d'amitié et de
coopération entre la République de la Colombie et la République
du Pérou, le 24 mai 1934, de déterminer la manière d'exécuter
l'arrèt du 20 novembre 1950 ; et notamment de dire à cette fin :
Si la Colombie est ou n'est pas obligéede remettre au Gouvernement

du Pérou M. Victor Raul Haya de la Torre, réfugié à l'ambassade
de Colombie à Lima.
b) '4 titre sr~bsidiaire.

Au cas où la demande ci-dessus serait rejetée, de dire et juger,
dans l'exercice de sa compétence ordinaire, tant en la présence
qu'en l'absence du Gouvernement du Pérou et après les délais qiie,
sans préjudice d'un accord entre les Parties, il appartiendra à la
Cour de fixer, si, conformément au droit en vigueur entre les
Parties et particulièrement au droit international américain, le
Gouvernement de la Colombie est ou n'est pas obligéde remettre
hl. Victor Raul Haya de la Torre au Gouvernement du Pérou.

LE DROIT

1
Un nouveau différend a surgi entre le Pérou et la Colombie à
l'occasion de l'arrêtdu 20 novembre 1950. Le Pérou prétend qii'en
exécution de ce dernier, la Colombie cst dans l'obligation de lui
remettre M. Victor Raiil Haya de la Torre. La Colombie, de son
côté, considère que la sentence qui mit fin au litige sur le droit
d'asile ne comporte aucun devoir, ni explicite ni implicite, de

remettre le réfugiéaux autorités péruviennes.
La Colombie estime que l'arrêt du 20 novembre 1950 lui impose
deux obligations :
a) Qu'en sa qualité d'État ayant accordé l'asile, elle n'a pas la
faculté de qualifier unilatéralement et de manière définitive et
obligatoire la nature du délitpour lequel RI. Victor Rad Haya de
la Torre est poursuivi.20 YÉJIOIRE DU GOU~ERSEJIEST COLOIIBIES (7 11 51)

b) Qu'eii cette même qualité d'État ayant accordé l'asile et
tenaiit compte que cet asile n'a pas été donné en conformité de
l'article2, paragraphe 2,de la Convention de La Havane de 1928,
attendu que l'état d'urgence pour le faire n'a pas été prouvé et

considérant aussi que le Péroun'a pas demandé la sortie du territoire
iiational de l'accusé, la Colombie n'est pas autorisée à demander
au Gouvernement du Pérou un sauf-conduit pour hl. Haya de la
Torre.
La Colombie, fidèle à ses traditions légaleset respectueuse de la
décisioii de ce haut tribunal international, n'a pas insisté sur la
qualification unilatérale de la iiature du délit imputé à RI.Haya
de la Torre, remplissant ainsi la première obligation que lui impose
l'arrêt de la Cour.
Le Gouveriiement de Colombie, obéissant à la seconde partie
dc la décision de la Cour, s'est abstenu de demander derechef au
Gouveriiemeiit du Pérou un saul-conduit r)our hl. Victor RauI

Haya de la Torre.
Le Péroune poiirra donc en aucun cas faire valoir quela Colombie
ii'a pas exécuté l'arrêtde la Cour.
Alais Ic I'érou, sans le moindre fondement, et à l'encontre des
déclarations faites par la Cour elle-même,insiste pour deinander,
ainsi qu'il ressort des notes adressées par le ministère des Affaires
étrangères di1Pérou au Gourernemeiit de Colombie, que le réfugié
lui soit remis. Il invoque à cet effet la décision de la Cour, selon
laquelle cette question n'a aucunement été tranchée.
L'article7, zmealinéa, paragraphe iiiiique, du Protocole d'amitié
et de coopératioii signé entre la République de Colombie et la

Républiqiie du Pérou le 24 mai 1934, confère i la Cour, en plus de
sa cotnpétence ordinaire, les facultés nécessaires pour reiidre effcc-
tive la seiitence qui aurait déclaréle droit de l'une des Hautes
Parties contractantes.
Il lie fait pas de doute que le différendsurvenii maintenant entre
le Gouvernement de Colombie et le Gouvernement du Pérou se
rapporte à l'exécution del'arrêtdu 20 novembre 19jo. La Colombie
soutient qu'elle l'a esécutéintégralement:
I" Parce clii'ellene réclame plus le droità la qualification unila-
térale et définitive du délit commis par AI.Haya de la Torre ;
io Parce qu'elle n'a pas deniaiidé, après l'arrêt,de sauf-conduit
pour le réfugié.

Le Pérou prétend, à l'encontre du texte mêmede la sentence,
que la Colombie est tenue de remettre le réfugié.Il appartient doiic
à la Coiir de décider dans ce cas, si clair et si simple, si son arrêt
du zo noveinbre 1950 implique pour la Colombie l'obligation de
remettre le réfugié,ou si la prétention du Gouvernement du Pérou
est dénuéede fondement juridique et, par conséquent, doit être
repoussée.
D'ailleiirs, nous avons prié la Cour de déterminer de quelle
manière doit êtreexécutél'arrêtdu 20 novembre. Sur ce preinier
point de notre requête, nous nous en remettons entièrement à la
sagesse de la Cour, dans le cadre de sa compétence. Comme nous venons de le voir, la compétence spéciale dont la
Cour jouit, en vertu de l'alinéadu paragraphe unique de l'article7
du Protocole de coopération de Rio-de-Janeiro, ne parait pas
discutable pour décider dans notre cas sur l'exécution de l'arrêt.

Cependant, dans le désir de voir cette affaire terminée, et envisa-
geant l'hypothèse bien improbable où la Cour déciderait que le
différendà elle soumis ne peut êtrejugé en conformité de la com-
pétence spéciale qiie lui confère l'articledl1 même protocole, le
Gouvernement de Colombie, dans sa requête du 13 décembre 19jo.
a demandé à titre subsidiaire qu'en exercice de sa compétence
ordinaire la Coiir décidesi, conformémentau droit en vigueur entre
les Parties et particulièrement du droit internationaaméricain, le
Gouvernement de Colombie est ou n'est pas obligé de remettre
RZ.Victor 1Zai1lHaya de la Torre au Gou\~ernement du Pérou.
*
* *

La Colombie estime que cette prétendue obligation de remettre
le réfugién'existe point, et ceci pour les coiisidératioiis suiva:tes
*
* *

La Cour, daiis son arrêtdu zo novembre, se prononçant sur les
conclusions de la demande reconventionnelle du Pérou, a décidéde
manière définitive que BI. Haya de la Torre était un délinquant
politique.
Cette décision de la Cour se relie directement à ce qu'elle a
énoncésur la manière de trancher les différends qui pourraient
surgir entre deux pays sur la qualification[lu délit, en application
des dispositionsconsacrées par laConvention dc La Havane de 1928.
A cet égard, la Cour dit :<<Eucas de désaccord entre les deux
États, un différend s'élèverait qui serait susceptible d'être réglé
selon les méthodes prévues par les Parties pour le règlement dc
leu- différends. >,
Etant donné qiie daiis sa demande reco~iventionnelle le Pérou
avait prié la Cour qu'il fût déclaré que la Colombie avait violé
l'articleICIdu paragraphe rCrde la Coiiyeiition de La Havane, en
vertu duquel Kil n'est. pas permis aux Etats de donner asileà des
personnes accusées oucondamnées pour délitscommuns »,et étant
donné que cette demande fut rejetée, la Cour a dûment qualifiéla
nature politique du délitimputé à M. Haya de la Torre.
Il est évident, compte tenu des motifs et du dispositif de l'arrêt
du zo novembre 1950, qui forment un tout indivisible, que la Cour
a décidéque M. Haya de la Torre est un délinquant politique, et
que toute discussion sur ce point està jamais hors de propos. Mais

comme il est d'une importance capitale dans le présent litige, et
322 JIEIIOIHE DU WUVEKSE>IEST COLOMBIEX (7 1151)

bien que nous soyons certains de notre thèse, nous avons voulu le
soumettre à l'étudede $1. Xarcel Sibert, professeur à la Faculté de
droit de l'université de Paris. Xous ne croyons pouvoir mieux faire,
A i'appui de notre argumentation,que de transcrire ci-après l'opinion
si hanternent aiitoriséc de M. le professeur Sibert :

«La question dc l'étendnede l'alttoritéqui s'attache, en droit des
gens, à la chose jugéesoit par l'arbitre, soit par le juge international,
n'est pas nouvclle en vérité,mais demeure encore parfois discutée.

«011 en aeu un exemple il y a un demi-siècle, quand, en 1902,
on agita la question dans l'affaire des Fonds piet6.zde Californie
devant la Cour permanente d'Arbitrage (cf. Laiiterpacht, Private
Iaw sotbrcesnitr2aitalogiesof inter?tationallaw, 13245).
«Parla suite,ce ne fut que très occasionnellement que la jurisprii-
dence des tribunaux internationaux aura en à se prononcer sur ce
problème aiissi grave que délicat. On doit. à cet égard, attirer

l'attention sur l'arbitrage Allemagne-Roiintaitie (coinpromis du
IO nov. 1928) dans l'affaire relative aux droits des héritiers Jung-
hans (cf. Rec. des Senteracesarbitrales des ATatioits Unies, t. 3,
11.1889). Au sens de cette décision : Kl'opinion que le juge exprime
incidemment sans la traduire par un dispositif nc créepas toutefois,
en $rinci$e, chose jugée ».- Cette formulc appelle unc remarque
ici fondamentale. La règle présentéepar I: Lentence cst, certes, en

faveur de l'autorité s'attachant au dispositif. Mais l'arbitre a lui-
mêmesouligné que cette règlen'est pas crbsoltteet qu'elle comporte
des exceptions, dont on verra un peu plus bas la nature.
ICesvues de la jurisprudence ont étéadoptées sans difficultépar
la haute autorité do professeur Limburg dans son cours à I'Acadé-
mie de Droit international (au Reczieildes Coitrs,1929. t. \', p. 324).

quand il a constaté, sans s'éleverlà-contre, que la jurisprudence
(internationale) se prononce en ce sens que c'est le dispositif qui
seul entre en ligne de compte mais qzb'ilpeut arriver que les ?notijs
ou l'z~nd'e1c.zfassent tellement cov;bsavec ledispositif qzc'on?tepzlisse
$ps les séparer,aiiquel cas ala chose jugée s'étend, par exception, à
ces motifs '».
((Cepoint devue, essentiel dansl'affaire en cours, cst confirméavec

force et des précisions accrues dans le commentaire trés autorisé
publié dès avant la guerre de 1939 par l'lnstitz~tfiir az~slindisches
ofentliches Recht zind Volkerr<cht(Berlin, 1934). Sur le a Statut .et
Règlement de la C. P. J. 1. » (Eléments d'interprétation). p. 422 en
note I de ce très documenté exposédes princ'ipes et de la pratique
de la Cour, on lit encore ceci :ibien que les motifs d'un arrêt(ainsi
que les questions incidentes et préliminaires) ne participent pas à

'On peut tenir ce pointde vue pour corroborépar cçpassage de I'arrétn'1r
de la C. P.J. 1.(Interprdfnlio>erarrétr>co7 et8). p. r.+, il a étédecidi que-
a l'exisfendeonricstirolid'unarrt-t d'un passagequ'unecles parties interprète
comme exprimant iinï réservïper~ef de saisir valableinent In Cour du point
relatif à I'interprdtatdes vrais sens et portde de 1'arrin. ~IÉ~IOIRE DU GOUVERSE\IIJNT COLO1IBIEN (7 11 j1) 23

la force de la chose jugée, la Cozbrs'est plz6sierirsfois fortdéesrrrdes
rrtotifséno~tcé dsat~sdes arrétsantériezrrs il.
oDaris son arrêt ilo10, par exemple, la Cour a dit :(1La Cour ne
voit aucune raison pour se départir d'une interprétation découlant
de deux arrèts précédentsdont I'argumentatioii lui parait toujours
fondée. 1)- On ne force ni la logique ni le droit en adoptant le

point de vue que, puisque la Cour s'est plusieurs fois fondéesur des
tttotifs éito>ccdsans des arrêtsantériez~re st qu'elle a, cllermême,fait
bénéficierde l'autorité de la chose jugée, elle peut, tout aussi bien,
dans n'importe quelle décision, consitlércr qu'elle ait uni dans la
mêmeautorité et le dispositif et les motifs sur lesquels elle aiira
élaboréce dernier. Encore faut-il, pour clo'il en soit ainsi - et
coiiime on l'a déjàrelevé ci-dessus -, que les uns, mais aussi l'autre
fasserrtzirctozrtindissocinble.
(C'est bien ce qui apparaît au seuil mêmede la troisième phase

de cette nfaire dz~droit d'asile où tout le débat est dominé par la
nature des actes reprochés à leur auteur.
CI" Dans ses motifs la Cour a établideux constatations qu'elle a
tenues pour décisives :a) le Pérou n'a pas établi que fût crime de
droit commun le crime de rébellion reproché ail bénéficiairede
l'asile (cf. arrêt,p. 19 au bas) ni qiie criminel de droit commun fût
ce dernier (cf. arrêt,p. 19 au bas).
2" Ihns son dispositif, elle n'a pas cru nécessairede revenir sur
cet aspect de la question.
K3' Par contre, dans ce mêmedispositif elle a basésa décision

quant au caractère de l'asile sur le fait que, dans les circonstances
mêmesde son octroi, on n'avait pas trouvé cetteurgencedont parle
la Convention de La Havane à propos de l'asile aux délinquants
politiques. Si elle avait pensé que le crime reproché à Haya de la
Torre fût un crime de droit commun, aurait-elle pu songer uri seul
instaiit à faire porter (comme elle l'a fait)tout le poids de sa propre
argumentation sur la prétendue iptexistencede l'zrrgence?
sLes deus aspects du raisonnement de la Cour sont donc indisso-
lublement liés ;ils constituentun tout en deux parties - la première

dans les motifs, la seconde dans le dispositif ; aucune volonté ou
intérêtcontraires ne les peuvent dissocier : la force de la chose jugée
s'étendet à l'une et à l'autre. II a donc été à jamais jugépar la Cour
et sans qu'on puisse remettre ce point eii cause que de laTorre est
l'auteur d'actes qualifiésde crii~iespolitiqtieset, partant, un criminel
politique. II

* * *

La Convention de La Havane sur l'asile rie veut pas qu'un réfugié

dans uiie ambassade ou dans une légation qui, au moment de l'asile
n'était qu'un prévenu pour délit politique, soit remis au gouverne-
ment territorial. Il suffit, pour arriver à cette concliision, de rappeler
quel est le but et quelle est l'économiedu Traité de 1928. Toutes21 ~IÉIIOIRE DU GOUYERNI1hIEST COLOhlBIEN (7 II j1)

ses dispositions reposent sur une distinctioii. fondamentale :celle
des délinquants politiques et des criminels de droit commun. Pour
les premiers, l'asile est permis et rendu efficace. Pour lesiisièmes,
il est interdit et rendu inefficace. La convention, afin de ne laisser
aucun doute sur l'inefficacité de l'asile accordé aux délinquants
communs, établit une sanction proportionnée à la gravité de la
prohibition qu'elle fait, dans son article premier, aux termes tluquel
« il n'est pas permis aux Etats de donner asile dans les légat'ions,

navires de guerre, campements ou aéronefsmilitaires, aux personnes
accuséesou condamnées pour délits communs, ni aux déserteurs de
terre ou de mer ».La sanction à laquelle nous faisons allusion est
établie, comme il convient à la technique juridique, d'une manière
expresse : «Les personnes accusées ou condamnées pour délits
communs qui se réfugient dans l'un des endroits signalés dans le
paragraphe précédentdevront êtreremises aussitdt que l'exigera le
gouvernement local n(paragraphe 2,art. 1).Doiic, défensed'octroyer
l'asileà des criminels de droit commun, nullité de l'acte. droit pour
le gouvernement local, comme conséquence de la nullité, dl: faire

remettre la situation dans l'état où elle se trouvait avai!t l'accom-
plissement de l'acte défendu, obligation à la charge de 1'Etat accor-
dant l'asile de livrer les réfugiéspoursuivis pour délitsde droit com-
mun. Sanction, doit, pour le gouvernement local, de la déclancher,
obligation pour 1'Etat accordant l'asile aux criminels commiins de
les remettre immédiatement. On chercherait en vain, dans la
Convention de La Havane un semblable agencemeiit de moyens
techniques d'inefficacité en ce qui concerne l'asile accordé à des
prévenus politiques. Comme l'a soulignéla Cour dans son arrêtdit

zo novembre, ladite convention, qui prescrit la remise des accusés
pour délits de droit commun, nne contient aucune disposition
semblable pour les criminels politiques >i.La différence de traite-
ment s'explique par la distinction entre déliitquaitts politiques et
criminels communs, quiest à la base de la Convention de La Havane.
Cet instrument n'envisage même pasla possibilité d'iine nullité.de
l'asile accordé àdes prévenus politiques qui, au moinent du refuge,
n'étaient pas poursuivis pour des crimes de droit commiiit. Cette
omission a étévolontaire, à n'en pas douter. Les plénipotentiaires
réunis à la VIlnoConférencepanaméricaine n'ont pas établide sanc-

tion concernant l'asile donnéaux réfugiés pourdes motifs politiques;
et pourtant, ces délicates matières des saitctions et des nullités sont
de droit ,strict. Il y a plus, ils ont persisté de façon significative
dans leur omission. En effet, à la même conférence, ilsont signéune
autre convention sur les privilèges et les immunités des représen-
tants diplomatiques, privilèges et immunités dont s'inspire pour
une grande part l'institution de l'asile. A l'article 17 de cet autre
traité, ratifiépar le Pérouet par la Colombie,il est dit :«Les agents
diplomatiques sont obligésde remettre àl'autoritélocale compétente
qui le demanderait, la personne accuséeou condamnée pour délits

de droit commun, réfugiéeau siège de la mission. » Cette fois, la 'IÉIIOIRE DU GOUVERXEhlENT COLOMBIEN (7 II 51) 25
sanction qui a trait à l'asile accordé aux délinquants de droit
commun a étéréaffirméesans qu'aucune règle semblable ne fût
adoptée relativement à l'asile des accusés oucondamnés pour délits

politiques.
Dans ces conditions, d'où pourrait, donc, provenir le droit
d'exiger la remise d'un réfugié politique ; en. d'autres termes, le
droit d'obtenir l'application d'une sanction n'ayant pas étéédictée
et que, au contraire, on n'a pas voulu établir ?
Il serait pour le moins étonnant que le Gouvernement du Pérou,
dans ses efforts pour donner un semblant juridique à son exigence
de remise de M. Haya de la Torre, prétende faire valoir à l'égard
de celui-ci, simple poursuivi politique, deux dispositions édictées
à La Havane ponr les cas d'asile donné à des criminels de droit
commun. Nous ne croyons pas qu'une telle application extensive
puisse êtresoutenue. Nous ne croyons pas non plus que l'interpré-
tation par analogie pcrmette d'appliquer une norme de droit à des
cas non seulement différents, mais contraires à celui pour lequel

elle a étéprévue. Il serait banal d'insister davantage sur cet aspect
du problème. *
* *
-
La pratique latino-américaine montre bien que les gouverne-
ments territoriaux n'ont pas le droit d'exiger la remise de simples
accusés ponr délits politiques. Ce droit ne joue qu'à l'égard des
criminels communs. Nous avons cité dans notre Réplique (Affaire
colombo-péruvienne relative au droit d'asile, pp. 45 et suivantes)
les cas d'asile survenus en Amérique latine. Dans aucun de ces cas,
la question de la remise des réfugiéspolitiques aux gouvernements
locaux n'a étésoulevée.Personne n'a jamais prétendu qu'un simple
accusé politique pût être remis.
Cette unanimité, cette tradition ininterrompue tout au long d'un

siècle d'histoire latino-américaine, constitue une coutume. Voici
comment cette question est épuiséepar M. le professeur Sibert dans
sa consultation :

rA. - La remise dzi réfzigié se heurterait à la cozltzimechèreà
I'ilmévipl~elatine pue jamais zin criminel fiolitiqz~ene sazlrait faire
I'objd d'une restitzition,coutume propre à l'Amériquelatine, disons-
nous.
<iOn se tromperait si l'oninvoquait icilaprétenduenécessité d'une
coutume universelle : le Statut lui-mêmede la Cour internationale,
en son article38, lettre c, n'exige pas que la coutume applicable ait
le caractère d'universalité: il se borne à vouloir qu'elle soit, pour le
moins, générale. Ce point de vue, qui est devenu une règle essen-
tielle du droit des gens, a étéil y a bien longtemps exposépar ce
grand juriste allemand que fut Triepel dans son Droit international

et Droit interne, Paris, 1920, pp. 32 et 90, quand, parlant de la
volonté source du droit eu droit international - et la coutume est26 I\IÉ>IOIRE DU GOUVERNEMEKT COLOMBIES (7 II j~)

une volonté tacite -, il dit :« seule peut être source de droit inter-
national une volonté commune de plusieurs ou de nombreux Etats
constituant une unité de volontés au moyen d'une union de oolon-
tés ». Cette pensée de Triepel rej.oignait celle de Westlake quaiid,
vinat-cinq ans plus tôt, clans ses Etudes de droit internatio?zal(Paris,
1895, pp. 32 et go). ilévoquait la coutume en tant Rqu'accord général
de l'opi+tiondans les pays de civilisation européenne ...ii.Plusremar-
quable encore que la concordance de vues entre ces deux auteurs,

dont le temps n'a pas réussi à effacer ni le nom-ni le prestige, est leur
convictio~i que la cozctztme s'imposenzêtlz ùeI'Etat qui ue l'aztrnit $as
acceptée. I<Quand 11écrivait Westlake, aune de ces règles issues du
consentement de la société I<internationale >ieçt invoquée contl-e
un État, il n'est pas nécessairede montrer que l'Etat dont il s'agit a
reconnu la règle, soit qu'il y ait acquiescépar la voie diplomatique
soit qu'il y ait conformé sa conduite. i) Il suffit de prouver cet

« accordgénérad le l'opiniou i>dont il vient d'être fait état ....Mais,
à quoi bon citer tous ceux qui, depuis cette date jusqu'à nos jours,
ont opiné dans le mêmesens ? N'est-il pas plus décisif, en cette
troisième phase del'affaire, de citer ce qu'enseigne l'éminent auteur
dont l'intervention a assuré le succès du Pérou dans les deus
premières ? Page 577 de son Cours de droit international public
(1948), M. G. Scelle a écrit :e Ce qu'il importeàvant tout de mettre
en lumière, nous y insistons, c'est que la coutume iiiternationale,

qu'ellesoit d'origineprivéeou d'origine gouvernementaleou officielle
n'a pas Ù étrea reconnue >ou acceptée par les goltuernementspotsrleur
êtreopposable (soulignédans le texte de l'auteur). Notam,ment elle
s'applique ipso facto (soulignédans le texte) à tous les Etats et à
tous les gouvernements nouveaux soit de la sociétédu droit des
gens, soit d'une sociétéinternationale particiilière. r
«Un autre point mérite, lui'aussi, d'être espressément rappelé à

cette place. «Des abstentions aussi bien que des actes positifs,
peuvent constituer une coutume, car ils impliquent la reconnais-
sance d'une règlepuohibitive (souligné dans le texte). La C.P.J.I.
l'a reconnu dans son arrét no IX relatif au Lotus et la technique
juridique le commande. Ce qu'oii appelle R désuétude >i (entre
guillemets dans le texte) de la loi n'est rien autre qu'une abrogation
de la règle législative par une abstention coutumière répétéeet
baséesur un « consensus general »...>IIci encore celui qui s'exprime

ainsi n'est autre quele défenseurdu Pérou,jusqu'à la phase actuelle
du différendColombie-Pérou, le professeur G. Scelle, dans son livre
cité il y a quelques lignes, édit. 1948, p. 576, sous le'paragraphe
intitulé rcozitumes négatives ». De l'aveu mêmedu Pérou parlant
par la bouche de son avocat, on est fondé à dire : I" il y a des coutu-
mes négatives ;za ces coutumes négatives autant que les coutumes
positives ont force obligatoire à l'égard de ceux mêmesqui préten-

draient échapper à leur emprise.
(iNotre tâche ainsi déblayéeconsiste désorniais àprouver yu'aux
termes d'me cozitzcmenégativeon ne livre pas elz Amériqztelatine les SIÉIIOIRE DU GOUVERh'EIlEXT COLOIIBIES (7 II 51) 27

réfi~giéfsiolitiqziesréfz6giédsdntiszirie légationqiielles qiie soient les
circotzslancesdans lesqtiellesl'asile n étaccordé. - Une telle preuve
est bien facile. Il suffit de prendre à témoindocuments et auteurs ....
Ouvrez Moore, A Digest of ititernntio~ialLaw,tome II (As?~lziin iti
Atiierica, pp. 751-S~Z),où est passé enrevue le fonctionnement de
l'asile en Bolivie, au Guatemala, au Kicaragua, au Salvador, au
Chili, en Colombie, en Équateur, eii Haïti, à St. Domingue, au
>lexique, au Pérou lui-même ;ouvrez Hackworth, Digest of inter-
riational Law, t. II, Asylz~in fiolitical refzlgees,tome II, 621-628,

630-634, 646-648),consultez les Caseson international law de Browii
Scott et Jaeger (St. Paul, 1937)~ 13.497, note 32; de Hudsoii (St:
Paul, 19313,p. 809, avec la note 22 :reportez-vous à la Selectionof
cases and other readings on the Law of Nations de Edw. De Witt
llickinson, 1st edit., 1929 (p. 604, note asylzim on warshifis) ; au
Law of Nations de Herbert Briggs (New-York, 1935, pp. 387-388).
ou plus encore à ce monumental travail prélégislatifétabli par la
Harvard Researclt sous le titre Draft conventionsand cotntnentsott
diplontatic firivilegesand immz~nitiesand legalfiosition andfzinctions

of cottszils (published bp the American Society of International
Law, cf. Suppl. to the Americ. Joum. of Internat. Law ;January
and April 1932,p. 449) ;reportez-VOUS au Dictionnaire diplomatiqz~e,
t. 1,p. 205, verbo Asile (droit d'), sous la signature de lx.Nervo,
ministre plénipotentiaire du Mexique ; lisez le cours professé à
l'Académie deLa Haye en 1933 (Kec. des Cozirs, 1933, tome 1,
pp. 471 et S.,par Egidio lteale), et le livre de Carlos Bellini Shaw,
membre de l'Institut argentin de droit intemational (préfacede
J. Ruiz Moreno, paru à Buenos-Aires en 1937). sur le Devechode

asilo ; mieux encore, consultons l'article du Péruvien Alejandro
Ileustua, Derecho de Asilo (conclzision),aux pp. 109 et ss. de la
Revista fiertiatia de Derecho infernatio~zal (mayo-agosta 1945,
no 2S), nuUe part, absolument nulle part, il n'est fait état d'une
obligatioii qui incomberait à un État de refuge de rendre à l'État
national uri réfugiéune fois qu'il a étéadmis dans une légation du
premier, y eût-il été admis par l'effet d'une mauvaise interpréta-
tion du droit ou des faits. Bien pllis, l'auteur péruvien nomméà
l'instant ne cite absoli6tite1qtiie tvois cas de cessation de l'asile (cf.
article cité, p. 125 :conclusion IF' dernière phrase) : l'asile prend

fin par la liberté inconditionnelle di1réfugié offertect garantie par
le gouvernement local, par la volontéde l'asilé,ou PAR SON PASSAGE
A L'ETRAKGE RN TOUTE SECURITÉ il.- Ainsi, dans tant de térnoi-
gnagestrouve-t-on la preuve qii'il existe une abstention contzintière
de restituer, en aucun état de cause, les asilés politiques. i>

Il est évident que la Cour, dans son arrêtdu 20 novembre 1950,
dit que l'octroi de l'asile par le Gouvernement de Colombie à28 IIÉMOIRE DU GOUVERNEMENT COLO>lBIEX (7 II 51)

M. Victor Raiil Haya de la Torre n'a pas étéfait o en confo-ité 1)
de l'article z, paragraphe 2, de la Convention de La Havane.
Pendant l'instance sur le droit d'asile, la Colombie aussi bien
que le Pérou ont invoqué à l'appui de leurs prétentions l'article z
de la Convention de La Havane, la première pour fonder sa demande
en vue d'obtenir que le Pérou fût obligé d'accorder les garanties

nécessairespour que Haya de laTorresortît du pays, le second pour
qu'il fût déclaréque l'octroi de l'asile avait étéfait en violation »
de l'article z, paragraphe z, de ladite convention.
Étudiant la questionainsi posée,l'arrêtdu 20 novembres'exprime
comme suit :

nDans sa seconde conclusion, le Gouvernement de la Colombie
prie la Cour de dire et juger :

. «Que la Républiquedu Pérou,en sa qualitéd'État territorial,
est obligée,dans le cas concret matière du litige, d'accorder les
garanties nécessairespour que hl. Victor Raul Haya de la Torre
sorte du pays, l'inviolabilité desa personne étant respectée. B

iCette obligation prétendue, à la charge du Gouvernement du
Pérou, ne dépend pas entièrement de la réponse donnée à la
première conclusion de la Colombie relative à la qualification
unilatérale et définitive du délit. Des deux premiers articles de la
Convention de La Havane, il résulte que, mêmesi un tel di-oit de
qualification n'est pas admis, le Gouvernement de la Colombie est
fondé,sous certaines conditions, à demander un sauf-conduit.

qui ne sont pas accusés ou condamnés pour délits communs, et
seulement dans les cas d'urgence, et pour le temps strictement
indispensable pour que le réfugiése mette en sûreté. Ces points se
rattachent à la demande reconventionnelle du Pérou ; ils seront
donc examinés plus tard. dans la mesure nécessaireau règlem-nt de
la présente affjire.
(La seconde condition est énoncéeà l'article z de la Convention

de La Havane :
iiTroisièmement : Le Gouvernement de l'État pourra exiger que
le réfugiésoit mis hors du territoire national dans le pliis bref
délai possible; et l'agent diplomatique du pays qui aurait accordé
l'asile pourraà son tour exiger les garanties nécessairespour que
le réfugiésorte du pays, l'inviolabilitéde sa personne étant res-
pectée. »

ciSil'on tient compte, d'une part, de la structure de cette disposi-
tion qui indique un ordre successif et, d'autre part, du sens naturel
et ordinaire des,mots ià son tour »,cette disposition peut seulement
signifier que 1'Etat territorial pourra exiger que le réfugiésoit mis
liors du pays et que ce n'est que par après que l'État accordant
l'asile peut exiger les garanties nécessairescomme une condition de ~ÉIIOIRE DTJ GOU\~ERNEIIEST COLOMBIES (7 II 51) 29

cette mise hors du territoire. En d'autres termes, cette dispositioii
donne à l'État territorial l'option de demander le départ du réfugié,
cet État n'étant tenu d'accorder Lin sauf-conduit qu'après avoir
exercé ladite option.
({L'interprétationopposéeconduirait, dans le cas soiimis à laCour,
à cette conclusion qu'il appartiendrait à la Colombie de juger seule

si toutes les conditions prescrites par les articleI et2 de la conven-
tion pour la régularité de l'asile sont remplies. Ce serait là une
conséquence manifestement incompatible avec le régime institué
par la convention.
ciIIexiste assurémeiit une pratique selon laquelle l'agent dil~lonia-
tique accordant l'asile sollicite immédiatement uri sauf-conduit

sans attendre que l'État territorial demande le départ du réfugié.
Cette manière d'agir est conforme à certains besoins : l'agent
diplomatique a naturellement le désir de ne pas voir se prolonger
la présence chez lui du réfugié ;de son côté,.le gouverncmcnt du
pays a, dans un très grand nombre de cas, le désirde voir s'éloigner
l'adversaire politique qui a obtenu l'asile. Cette concordaiice de vues

suffità expliquer la prntiquc ici constatée, mais cette pratique ne
signifie pas et ne saurait signifier que l'État, auquel une tclle
demande de sauf-conduit est adressée,soit juridiqueinent tenu d'y
faire droit.
aDans la présente espèce, le Gouvernement du Pérou n'a pas
demandé que Haya de la Torre quittât le Pérou. Ce gouvernemerit

a contesté la légalitéde l'asile qui avait été accordé et il a refusé
de délivrer un sauf-conduit. Dans ces conditions, le Gouvernement
de la Colombie n'est pas foiidéà réclamer. de la part du Gouverne-
ment du Pérou, les garanties nécessairespour que Hapa de la Torre
sorte du pays, l'inviolabilité de sa personne étant respectée. »

Pour que l'asile finisse par la libre sortie dii réfugié hors du

territoire national,il faut que le réfugiécoure un danger eii restant
dans son pays, il faut qu'il y ait une «urgence », comme il est
nécessaire également qu'il s'agisse d'un délinquant politique et
que l'État territorial demaiide de lui-mêmeet en premier lieu, en
vertu d'un droit exclusif et discrétionnaire, que le réfugiésoit mis
hors du pays. Cc sont là les conditions requises pour l'octroi d'un
sauf-conduit. L'Etat accordant l'asile, dit l'arrêt, « est fondé, sous

certaines conditioris,à demander un sauf-conduit ».S'illie s'agit pas
d'un criminel politique, l'État territorial peut refuser de délivrer
un sauf-conduit, tout comme il peut, par la force d'une sanction
spéciale déjà étudiée,exiger la remise immédiate du réfugié.Si la
condition relative ail pouvoir doiit jouit 1'Etat de demander d'une *
façon discrétionnaire la mise du réfugiéhors de soi1territoire fait
défaut, c'est-à-dire si, bien que s'agissant d'un délinquant politique,
le gouvernement local s'oppose à la sortie di1réfugié,l'État accor-30 MEMOIRE DU GOUVERNEJIEST COLOMBIEN (7 II 51)

dant l'asile n'est pas fondéà demander un sauf-conduit. Mais l'asile,
néanmoins, subsiste. De même, lorsque l'urgence n'est pas prouvée,
l'État accordant l'asile n'est pas en droit d'exiger un sauf-conduit,
et le gouvernement local n'est pas tenu de le délivrer. Rlais l'asile
subsiste. Et cela, parce que la Convention de La Havane n'a établi
la sanction de l'inefficacitéde l'asile, en d'autres termes n'a imposé
l'obligation de remettre le réfugié,que lorsque ce dernier est un
criminel de droit commun.

Ici nous rencontrons l'idée maîtresse, la notion directrice, qui
marque et façonne l'économie de la Convention de La Havane, à
savoir la distinction essentielle entre délinquants politiques et'
criminels communs, distinction dont le but est de permettre la
protection des premiers au moyen de l'asile et de rendre inopérant
le refuge des criminels communs.

Un tel résultat, dans le cas d'espèce, n'est que la mise en Œuvre

des règles contenue's dans la Convention de La Havane qui, par
la généralité de sesclauses - lesquelles ne souffrent point d'inter-
prétations discriminatoires à l'égard d'aucune des parties - ne
saurait jamais, dans la pratique, porter atteinte à la souveraineté
nationale des États qui l'ont signéeet ratifiée. Le Pkrou soutient
avec emphase que si la Colombie ne lui remet pas RI. Haya de la
Torre, sa souveraineté serait blessée dans le libre exercice de sa
juridiction territoriale. Nais n'oublions pas que certaines notions
périméessurla souveraineté - qui conçoivent celle-ci d'une manière

rhétorique comme étant un pouvoir sans limites permettant aux
États d'être, aprèsDieu, les seuls maîtres de leurs agissements -
ne s'adaptent pas aux besoins des relations entre Etats et, partant,
au droit international d'aujourd'hui.
En ce qui concerne la juridiction de l'Etat territorial, la protection
des délinquants politiques, assurée par la Convention de La Havane,
est tellement efficace qu'elle va jusqu'à susprendre l'action des
tribunaux en matière d'infractions politiques. non seulement
1orjqt1'ils':i<it ~I':tccu~~ii,iais ~nt:urc ([II:III(lIc,sinfr.ict<:urs sunt il?
vi.rit:,blri c~~ii~l;~in1.1;.Ciin\.(-iitioiii1tla\.;~iiiicliiiiitII:,I;i
fonction protectrice de l'asile aux simples prévenus, aux réfugiés
vaguement compris dans une instruction judiciaire ; en somme, à

des accz6sés a.u sens de la mêmeconvention, tel qu'il a étédégagépar
la Cour dans son arrêtdu zo novembre (p. 281). Le Traité de 192s
va jusqu'à permettre qu'au moyen de l'asile, les pleins effets du
mécanisme judiciaire, les conséquences normales des sentences
passées en force de chose jugée, restent également en suspens à
l'égard des réfugiéspolitiques dont la responsabilité pénale a été
définieet auxquels on a imposéune peine, c'est-à-dire quand de tels
réfugiéssont des condamnks. Parler d'atteinte à la souveraineté
nationale, devant une telle réglementation, parce qu'un simple
prévenu de délit politique, non condamné, n'est pas remis au ~IÉAIOIKE DU GOUVEKNEJIEST COLOLIBIEK (7 II j1) 31
gouvernement local aussitôt que celui-ci le réclame, est pour le

moins exagéré.

Rele\~ons,enfin, que la remise d'un simple réfugié politique serait
contraire à l'ordre public international de l'Amériquelatine. Cet
aspect fondameiital du problème a étémis en lumière de façon
magistrale dansla consultation de M. le professeur Sibert,dont nous

avons fait état à plusieurs reprises dansle présentllémoire, et dont
nous prions la Cour de bien vouloir tenir compte au moment de
rendre sa décision.

Aucun intérêt,eii dehors de la défensede l'institution de l'asile-
l'une des plus nobles et humanitaires conquêtesdu droit interna-
tional américain-, ne nous guide dans le présent litige.
Xous savons que dans ce cas, en défendant le droit d'asile, nous
.défendonsla libertéet l'intégritépersonnelle d'un homme politique
.de grand prestige. Mais la Colombie aurait pris la mêmeattitude

si le réfugié politiqueavait étéplus modeste ou moins influent.
Dans les nombreux cas d'asile accordéspar les ambassades' et
légationsde Colombie eii Ainériquelatine à desréfugiéspolitiques,
des motifs personnels n'ont jamais étépris en considératioil. Un
.devoir humanitaire, une tradition juridique, le danger pour la vie
.ou la liberth d'un homme : voilà la seule inspiration de notre
conduite.

.4un moment si trouble de l'histoire, il serait extrêmement grave
.quela Cour internationale de Justice déclaràtqu'un accusépolitique
en Amériquelatine fùt remis aux autoritéslocales dans les circons-
tances qui donnent au cas d'espèceun caractère très particulier.
Une décisionde cette nature - qui impliquerait la disparition du
.droit d'asile en Amérique - signifierait une véritable régression.

Il ne nous échappepas qu'il y a, en dehors de l'Amériquelatine,
des opinions contraires à l'asile diplomatique. On a pensé,peut-être
avec trop d'optimisme, que le degréde culture politique atteint par
.certains pays rend inutile la survivance d'une telle institution.
Nais il ne serait pas surprenant que les vicissitudes de l'époque
angoissée que l'humanité vit aujourd'hui, rendissent nécessaire
l'asile dans le monde pour les mêmesraisons que l'Amériquelatine

l'a pratiqué. Et une institution typiquement américainedeviendrait
ainsi universelle. Sur la base des considérations de fait et des motifs de droit qiii
précbdent,

Dire de quelle manière doit êtrccsécutépar la Colombie et par le
Pérou I'arrètdu zo novembre 1950 et, en plus, dire et juger que la
Colombien'est pas obligée, enesecution dudit arrêtdu 20 iioveinbre
Igjo, de remettre AI.Victor Rad Haya de la Torre aus autorités
péruviennes.

Au cas où la Cour ne statuerait pas sur la conclusion précédente,
qu'il lui plaise de dire et juger, en exercice de sa compétence
ordinaire, que la Colombie n'est pas obligéede remettre l'accusé
politique M.Victor Raiil Haya de laTorre aux autoritéspéruvicniies.

Fait à La Haye, le 7 février19j1.

L'Agent du Gouvernement colombien,
(siglfé)JOSE GABRIEL DE LA VEGA,

Envoyé estraordinaire
et AIinistre plénipotentiaire de Colonibie. LISTE DES AXNEXES

I. Note du Pérou (lu zS novembre 1950.
z. Note de la Colombie du 6 décembre ~gjo. .

3. Note du Pérou du 14 décembre 1950.
4. Déclarations du ministre des Affaires étrangères de Colonibie
du 6 décembre ~gjo.
5. Communiqué du I'érou du 16 décembre ~gjo.

6. Décret-loide la Junte militaire de gouvernement du Pérou.
7. Circulaire du Salvador et réponses du Pérou et (le la Colonibie.
S. Circulaire du Pérou nus Gouvernements américains.

g. Résolution du Congrès du Guatemala.
IO. Déclaration du iniiiistrc des Affaires étrangèresde l'Équateur.
II. Quelques opinioiis de juristes, liommes d'État ;résolutions desacadé-
mies ct autres organisatioiis américaines sur l'asile de Haya de la
Torre.

12. Quelques opinions de la presse du continent ainéricaiiirelatives au
droit d'asile.
13. Article 7 du Protocole d'amitiéde Rio-de-Janeiro.
14. Article 17 de la Conventioli sur les agents diploinatiques.

rj. Coiisultation de AI.Sibert.
16. Consultation de 31. Finch. Annexe I

TRADUCTION l.'RhNÇAISE DE LA NOTE, DATCE LE
28 XOVEhII3IZ131950. ADRESSEE FA13 SON EXCELLENCE LE.
MINISTRE DES AI'FAIRES ETRANC~I<ES ET DU CULTE
DE LA IIl?l'U131.1Q~E DU I'ÉROU AU CHAKGÉ D'AITFAIRES.

DU GOUVERNEXE NET LA COLOMBIE A LIhlA
Florisieur le Chargé d'affaires,

Le 20 de ce mois, la Cour internationale de Justice a rendu son arrét,
décidant l'affaire du droit d'asile entre le Pérou et la Ayant
la Colombie, le jour mêmede l'arrêt,iiitroduite demaiide d'interpré-
tation, le Pérou considéracessaireattendre le résultat de cette requéte.
Dans I'arrCt rendu liier, la Cour a déclaréirrecevable la demande d'inter-
prétation, demeuraiit ainsi ferme et définitifI'arrèt du zo, tel qu'il fut
rendu par la Cour.
La Cour a d4claréque la qualification du délit iinputi- au réfugiéne
peut pas Ctre faite par la Colombie de façon unil:it6rale et obligatoire
pour le I'érou,que le I'éroun'est pasligEd'accorder un sauf-conduit
pour que le rGfugi6sorte du pays et que l'asile fut octroyéet maintenu
sans se conformer aux dispositions de la Convention sihnLa Havane
en 1928,lienjuridique qu&,l'égarddel'asilediploinatique, est obligatoire
pour le I'érouet la Colombie.
Le résultat indisciitable de l'arrêtest que l'asile doit preiidre fin, et,
,comme il n'ya pas lieuà l'octroi du sauf-conduit,que le Péroua refusé
d'accorder, refus qui a étédéclaréfondé par laur, il ne reste d'autre
moyen pour y mettre fin que la remise du refugié,qui a étécitéet contre
lequel aCtElancémandat d'arrêtpar la justice nationale.
Le jiige d'instmction de la >larine' de la Zoiie navale du Callao, par
ordoniiaiic2j octobre xg@, ordonna à la police de procédàrI'arresta-
tion des personnes accusees qui n'avaient pas encore ét6 appréheiidées,
etparmi lesqiielles figurait Victor Raul Haya dlaTorre, ordonnance
rendue au cours de la procédureconcernant la rébellionmilitaire éclatée
son ordonnance o13onovembre 1948, décrétala sominatioii des accusésr
défaillants, sommation qui, publiéeans l'éditiondu 16 iiovenibrc du
journal officiel Pcrtlufacomprenait, parmi les autres, l'accus+Victor
Rad Haya de la Torre. La police ne réussit pas ii:ippréliender ledit
accusé et, seulernent le 4 janvier 1949, le Gouvernemeiit apprit que
celui-ci s'était réfugiédans l'ambassade deolombie, la nuit du 3 du
mêmemois, comme il ressort de la note que SonExcellence I'..\mbassadeur
de Colombie adressa h cette chancellerie le 4 janvier, sous le numéro
2/1g. Le momeiit est venu d'exécuter l'arrft rendu par la Cour inter-
nationale de Justice, en mettant àila protection que cette ambassade
accorde indûment à Victor Rad1 Haya de la Torre. II n'est plus possible
de prolonger davantage un asile dont le maintien est en contradiction
ouverte avec I'arrct rendu. L'ambassade de Colombie ne peut continuer
à protéger le réfugié,entravant ainsi l'action des tribunaux nationaux.
Votre Seigneurie doit faire le nécessairedans le but de mettre fin
cette protectioii indûment accordée, en livrant le réfugié VictorRahl Haya de la Torre pour qu'il soit àila disposition du juge d'instructio~i
qui l'a somméde comparaitre pour êtrejugé,conformément à ce qiie je
. viens d'exposer.
J'espèreque Votre Seigneurie voudra bien proc&der,d'accord avec mon
Gouvernement, àeffectuer la remise du réfugié,que je demande formelle-
ment par la présente.
Je saisis l'occasion pournouvelerà Votre Seigneurie, etc.

(Signé) .\IASUELG. GALLAGHER.

Le soussigné certifie que cette
traduction française est conforme
au teste qui lui a étéenvoyépar
soli Gouvernemeiit.

La Haye, le 9 décembre 19jo.
(si,$'llJ. G. DE LA \'EGA,
IIinistre de Colombie.

[L. S.]

Annexe 2

TRADVCTION FIIAXÇAISE DE LA XOTE, DATEE LE
6 DÉCEMBRE 19j0, ADRESSÉE PAR SON EXCELLENCE LE.
IIIXISTRE DES AFFAIRES ÉTR~\XGÈRES DE I..4 RÉPUI~LIQUE.

DE COLOJIBIE A SOX EXCELLEXcE LE &IIXISTIIE DES
AFFAIRES ÉTRAXGÈKES ET DU CULTE DE L.4
RÉPUULIQUE Dti I~ÉROU

Bogota, le 6 décembre 1950.

ilonsieur le Ministre,
J'ai l'honneurde me référer à la note de Votre Excellence, numéro
S.\I/6-S/23, du zS novembre 19jo. adresséeau chargéd'affairesde Colom-
bieà Lima et dont la copie a étépersonnellement remiàcette Chancel-
lerie paronsieur le Chargé d'affairesdu Péroià Uogota, avec sa note
iium6ro j-8->1/47 du 29 novembre.
Votre Excellence se fonde sur les arrèts rendu20let le 27 du mois
Ccoulépar la Cour internationale de Justice dans l'affaire colombo-
péruvienne relative au droit d'asile afin de solliciter, pour la première
foisla remise du Dr Victor Rad1Haya de In Torre, réfugiédans I'ambas-
sade de Colombie à Lima.
En étudiant dans le détailla question ainsi posée,mon Gouvernement
se permet d'observer que, dans certains passages des arrêtsla Cour
déclarece qui suitR la question de la remise éventuelle du réfugiéaux
autorités territoriales n'est aucunement poséedans la demande recon-
\rentionnelle. Elle relève que la Convention de La Havane, qui prescrit
laremise à ces autorités des personnes accusées ou condamnbes pour
délits communs, ne contient aucune disposition semblable pour les36 ASSEXES AU ~IÉZLOIRE COLOZIBIES (s" 2)

criminels politiques a(Cour internationale de Justice, Reczleildes Arréls.
Attis cotrszrlfatifset Ordonnniices.Affaire du droit d'asile (Colombie/
Pérou). Arrèt du 20 novembre xgjo, page 250) et, ailleurs, ajoute :
o le Gouvernement du Pérou ii'a pas démontré que les faits dolit le
réfugiéa étéaccuséavant les 3-4 janvier 1949 sont des délits de droit
commun. Du point de vue de l'application de la Convention de La
Havane, c'est le libelléde l'accusation, telle qu'elle a éténnuléepar les
autorités judiciaires avant l'octroi de l'asile, qui entre seul en ligiie de
compte. Or, comme il ressort de I'esposé des faits, toutes les pièces
émanant de la justice péruvienne portcnt comme unique chef d'accusa-
tion la rébellion militaire, et le Gouvernement du Pérou n'a pas établi
que la rébellion militaire constitue en soi un crime de droit coinmun.

L'article 248 du Code de justice militaire péruvien de 1939 tend inhe
à démoiitrer le coiitraire, car il établit une distinction entre la rébellioii
militaire et les crimes de droit commun en prescrivant :c Les délits de
<rdroit commun commis oendant le cours et à l'occasion de la rébellion
«seront punis en conformité des lois, indépendamment de la rébellioii. D
Ces constatations autorisent à dire oue le oremier erief adressé à l'asile
par le Gouvernement du Pérou n'est pas j;stifié etYque,sur ce point, la
demande reconventionnelle est mal fondéeet doit êtrerejetée. i>(Ibidem,
page 282.)
Dans son arret du 27 novembre ~gjo, la Cour ratifia espressément
ce au'elle avait déià affirmédans son arrèt antérieur. et le fit dans les
te&es suivants : Quant à la partie de la demande'reconventionnelle
du Gouvernement du Pérououiétait fondéesur une violation de l'article
premier, paragraphe premier; de la Convention de La Havane <le192s.
il convient de noter que, pour en décider,il a suffi que la Cour esaminit
si le Gouvernement du Pérou avait établi que Victor Raid Haya de la
Torre avait étéaccuséde délitsde droit commun avant la date à laquelle
l'asile lui avait étéaccordé,c'est-à-dire avant le 3 janvier. 194: laCour
a constaté que le Gouvernement du Pérou n'en avait pas apport6 la
preuve. La Cour n'a statué sur aucune autre question à cet égard.
«Les quejtions 2 et 3 se présentent comme alternatives et peuvent
rtre csarninéesconjointement. Elles ont trait l'une et l'autre à la reinise
du réfugiéau Gouvernement du Pérouet aux obligations éventuellesqui
découleraient à cet égard pour la Colombie de l'arrêt du 20 novembre
1950. La Cour ne peut que se référer à ce qu'elle a déclaréen terines
absolument pr6cis dans son arrèt :cette question est restéeen dehorsdes
demandes des Parties. L'arrêt n'a aucunementstatué sur elle et iie
pouvait le faire. o(Arrèt du 27 novembre ~gjo, Cour internationale de
Justice, iiecrreilxgjo,pages 402.403.)
La Coiir, par conséquent, rejeta formellement le grief adressé au
Gouverneinent de la Colombie dans la demande reconventioniielle du
Gouvernemelit du Pérou, à savoir, d'avoir accordéasile à des personnes
accuséesou condamnéespour délits communs. Si la Colombie procédait
à effectuer la remise du réfugié,que Votre Excellence demande, lion

seulement iellel méconnaîtrait I'arrCt auouel nous sommes en train de
nous rfffr& inais violerait encore l'articlépremier, paragraphe z, de la
Convention de La Havane, où il est établique :« Les personnes accusées
ou condamnées pour délits communs, qui-auraient trouvé refuge dans
une légation, devront êtrelivrées, aussitôt que le gouvernement local
l'aura demandé. n ASSEXES AU JIÉZIOIRE COLOJIBIES (s0 2) 37

La Cour elle-méme,dans ses arréts, déclara qu'il n'a pas étédémontré
que la personne dont Votre Escellence exige la remise ait étéaccusee
ou condamnée pour délitscommuns, et, par conséquent, mon Gouverne-
ment se voit dans l'impossibilité d'accéderà sa remise.
Sans doute cette affairen'aurait pas donné lieu d un différend quel-
conque entre la Colombie et le Pérou si la Cour, dans soi1 arrét du
.zo novembre, avait défini, en forme claire et catégoriqiie, le st<itude

Monsieur Haya de la Torre, tel qu'était et est eiicore le vif désirdes deux
Parties, et ce qui fut la cause essentielle de l'actioii introduite devant
elle.h'e l'ayant pas fait. la Colombie se vit contrainte de demander à la
Cour, en s'appuyant sur les précises dispositions du Statut et du Règle-
ment de celle-ci, une interprétation de son propre arrét sur le point
concret de la remise du réfugiédans le cas où le gouvernement territorial
i'aurait demandée, ce qui a étéle point crucial de ce différend.
Je dois déclarer à Votre Escellence que le seul motif qui détermina la
Colombie à demander l'interprétation de l'arrêt aétésa volonté inébran-
lable de s'y conformer, volonté qui l'anima, qui l'anime et l'animera
encore. Si la Cour décide qu'il y a pour mon Gouvernement l'obligation
de livrer leréfurrié.la Colombie fera la remise. car i~ourmon Gouverne-

ment la rigoureÜse exécution de l'arrêt est un pistulat de bonne foi,
ainsi qu'un principe inébranlable de sa politique.

Mais, dans l'occurrence, il arrive que les déclarations et les citations
de la Cour et surtout celle, décisive, que :a la question de la remise
éventuelle du réfugiéaux autorités territoriales ii'est aucunement posée
dans la demande reconventionnelle i,fontque la Colombie ne puisse pas
le livrer sans subir une tache de déshonneur.
Comment peut-on invoquer la sentence pour imposer d la Colombie
l'action de la remise, si la Cour mêmequi a rendu I'arrét affirme que
cette remise u est restée en dehors des demandes des I'arties » et que
la Cour a n'a aucunement statué sur elle et ne pouvait le faire D ?

En revanche. le Gouvernement du I'érou prétend déduire des arrèts
de la Cour l'obligation, que le Gouvernement de la Colombie iie pourrait
pas éluder, de livrer le réfugié.
Le Gouvernement de la Colombie ne l'entend j>as ainsi.
Il a donc surgi une fondamentale discordance entre les deux gouver-
nements à l'égard de I'eskution des arrêts de la Coiir internationale
de Justice.
Le Gouvernement de la Colombie, fidèle à son iiifbranlable volont<:
de trouver une solutioti h tout différend avec le Gouvernement du
Pérou, dans le cadre des traités en vigueur entre les deus pays, et de
prévenir les conflits entre eus, signa à Rio-de-Janeiro, le 24 inai 1934,
le Protocole d'amitié et de coopération entre les deus Républiques,

instrument qui est en vigueur. A l'article 7 du protocole, les deus
gouvernements, après s'étre solennellement engagés à ne pas se faire
la guerre et à ne pas employer, directement ou indirectement, la force
comme moyen pour résoudre leurs problèmes actuels et ceux, de n'im-
porte quel genre, qui pourraient surgir à l'avenir, acceptèrent la juri-
diction obligatoire de la Cour permanente de Justice internatioiiale
dans tous les cas éventuels où ils n'arriveraient pas à trouver une solu-
tion au moyen de négociations diplomatiques directes.
Le Statut de la Cour internationale de Justice, de mêmeratifié par
les deux gouvernements, établit que la nouvelle Cour internationale

43s AXSESES AG. ZIÉYOIRE COLOIIBIES(sa 2)
de Justice substitue,à cet effet, la Cour permanente de Justice iiiter-
nationale et que sa compétence s'étend à tous les cas spécialement
prévus dans les traités ou conventions en vigueur. (Article 36, para-

grLa prévoyance des deux Gouvernements et leur confiance dans cet

organisme furent tellement grandes que, dans le paragraphe unique
de l'article 7 du Protocole de Rio-de-Janeiro, ils établirent le suiv:nt
«Dans ce cas, rendue la sentence, les Hautes Parties contractantes
s'engagent à s'accorder sur les moyens d'exécution de celle-ci. Si elles
n'arrivaient pas à un accord, seront attribuées à la Cour, en dehors.
de sa compétence ordinaire, les facultés nécessaires afinqu'elle rende
effective la sentence où eue ait déclaréle droit de l'une des deux Hautes.
Parties contractantes.»
Étant de toute évidence qu'il existe un désaccord fondamental
entre la Colombie et le Pérou sur le point concret de la remise di1
réfugiél,a Colombie a pris la décisionde recouràrla Cour internationale
deJustice pour demander à ce haut tribunal de procéder,conforniémerit
au i~araeranhe uiiiaue de l'article7 du I'rotocole de Rio-de-"aiieiro.
à dinn; eiffectività sa sentence.'
Le Gouvernement de la Colombie désireréaffirmer àVotre Excelleiice.
que, en ce faisant, il agit en accord avec le désirexprimépar la Colombie
et le Pfrou en signant 1'iActe de Lima n, c'est-à-dir:u sans que cela
constitue un acte inamical envers l'autre Partie, ou un acte de nature
à porter atteinte aux bons rapports entre les deux pays".
Comme preuve de ce qui précèdeet dans le désir que le présent
différend continue d'etre réglépar des voies de mutuelle cordialité
et compréhension, mon Gouvernemeiit est prêt à chercher la solution
de ce problème non seulement à travers le Protocole de Rio-de-Janeiro,
mais aussi par n'importe quel autre moyen, acceptable pour lesI'arties,
et qui puisse mettre heureusement terme à une situation que, j'eri
suis certain, les deux pays désireritvoir se résoudreau plus tôt possible,.
sans détriment de leurs cordiales relations.
Je saisis cette occasion pour renouveler à Votre Excellence, etc.
(Signé GOXZALR OESTKEPO JXRAMILLO,,

Ministre des Affairesétrangères.

Le soussigné certifie que cette
traduction française est conforme
au texte qui lui a étéenvoyé par
son Gouvernement.

La Haye, le g décembre 19jo '
(Sigd) J. G. DE LA VEGA,
Ministre de Colombie.

[L.S.] XOTE DU AIIXISTRE DES AFFt\IllES I:TRAXGÈREÇ

DU PÉROU AU &IIXISTRE DES AFFAIRES ~TIIAXGÈRES
DE LA COLO3IHlE
'
Lima, le 14 déccinbre 19jo.
Monsieur le hlinistre,
J'ai l'honneur de donner réponse h la note no Ghl-3/orSSg, datée à
- Ijogota le 6 du mois courant, que Votre Excellence a remise au chargé
d'aff:iires du Pérou en Colombie et dont l:i copie m'a étéremise par

hl. le chargé d'affaires de Colombie à Lima.
Votre 13xcellence se réfèreà ma note du ZS novembre, adressée à
11.le cliargé d'affaires de Colombie à Lima, par laquelle je demandais
l'exécution dc la sentence rendue par la Cour internationale de Justice
le 20 du mêmemois, afin de faire cesser l'asile de L7ictorRaul Haya de
la Torre en le mettant à la disposition de I'autorit&judiciaire péruvienne
pour Etre jugé par le tribunal qui l'avaitcitE et somméde comparaître,
avant l'octroi de l'asile.
Pour donner un fondement à sa négative d'une obligation si évidente,
la note de Votre Excellence commente I'arrkt et l'interprète d'une
façon si originale qu'il intéresse à mon gouvernement de donner une
réplique :Ices appréciations.
r. - Lorsque l'asile se produisit dans l'ambassade de Colombie, les
Gou\,ernements de la Colombie et du Pérou en discutèrent l'admissi-
bilité et convinrent, par un Acte signé à Lima le 31 août 1949, de

soumettre de commun accord à la décision de la Cour internationale
de Justice le différend ainsi surgi.
II n'y a pas lieu à doute que nos deux goiiveriiemeiits se proposaient
d'obtenir que la Cour déclarât quelle était la véritable théorie, entre
les limites extrêmes soutenues par la Colombie et le I'érou dans les
notes écliarigéesjusqu'à ce moment.
2. - La Colombie introduisit une instance devant la Cour et sol-
licita que l'on déclarât son droit de qualifier l'accusation portée contre
le réfugié,de façon illimitée et obligatoire, et demanda aussi que le
Gouvernement du Pérou lui accordàt un sauf-coiiduit.
La Colombie ne demanda rien de plus. Si sa demande avait été
déclarée fondée, la question était tranchée ; et l'on doit forcément
penser que, si la demande était rejetée la question aurait étéaussi
tranchée, en mettant fin à l'asile et en effectuant la remise du réfugié
à l'autorité péruvienne.
Il n'est pas concevable que la Colombie, une foisrejetée sa demande,

prétendît maintenir l'asile, du moment que, ne pouvant pas faire sortir
du pys le réfugié,l'asile aurait dû se prolonger jusqu'à la mort de
celui-ci ou jusqu'à ce qu'il se fût produit au Pérou un changement de
gouvernement qui, pensant de façon différente, aurait permis son
départ pour l'étranger, hypothèse celle-ci que l'un des plus qualifiés
des représentants de la Colombie s'est permis d'&mettre, selon ce que
les journaux publièrent, affirmation que cc rcprtsentant du Gouver-
nement de Votre Excellence n'a pas démentie par la suite au moyen
de la presse même.
3.- ,le dois d'ores et déjà constater l:i surprise de mon gouver-
nement lorsque, dans le contre-mémoire, apr6s avoir demandé à titre ASXEXES AG >~É.~IO~KECOLO.~IBIEX (sa 3)
4O
reconveiitionnel que la Cour se prononçàt sur l'admissibilité de l'asile,
en conformité des stipulations de la Convention deLa Havane de 1928,
lien juridique obligatoire pour les pays signataires et qui avait été

invoqué par la Colombie au cours de la procédure, la Colombie même
s'opposàt à ce que la Cour se prononcât sur la reconvention péruvienne.
Cette opposition colombienne était inexplicable, étant donné que la
demande recoiiventionnelle du Pérou avait pour seul but que la Cour
se proiioncàt sur ce qui était matière de la discussion : c'est à dire
l'admissibilité ou l'inadmissibilité de l'asile.
Ce fut seulemeiit en présence de l'opposition de la Colombie que le
Pérou put nourrir le soupçon que la Colombie, en cas de jugement
contraire, eut l'intention de méconnaître la sentence et de maintenir
l'asile. Cette opposition colombienne à ce que la Cour se prononcât
sur la demande reconventionnelle du Pérou ne pouvait être que le
fruit d'un dessein délibérédu Gouvernement de Votre Excellence de
maintenir indûment I'asile, dans l'hypothèse d'un rejet pur et simple
de la demande colombienne.
4. - Le dessein d'insoumission de la Colombie se manifesta avant
mêmeque la sentence fût prononcée, lorsqu'elle envoya de nouveaux

représentants et défenseurs devant la Cour. Ce procédéindiquait que
la Colombie connut la sentence avant qu'elle lui fût notifiée: qu'elle
la considérait contraire à la thèse soutenue durant le procès et qu'elle
se préparait à se refuser à son exécution.
j.- La preuve de ce que je viens d'exposer dans le paragraphe
précédent est fournie par le fait que, aussitat prononcée la sentence,
la Colombie demandait une opinion interprétative en soutenant que
la sentence mêmeétait ambieuë et qu'elle ne tranchait pas la question.
A cette occasion s'est prése<téle c& étrange que la demande-d'inter-
prétation de la Colombie contient des questions à la Cour auxquell'escelle-
Ci devrait répoiidre. La Cour ne pouvait pas admettre ces questions. Les
juges de la Cour ont dû recevoir avec une extraordinaire surprise cette
originale requête,car aux juges on demande la déclaration d'un droit mais
il n'est pas habituel de leur poser des questions pour qu'ils y répondent.

Cette deniaiide d'iiiterprétation de la Colombie était d'autre part
trop originale, car, si la Colombie s'était opposée à ce que la Cour
s'occupe de la recoiivention péruvieniie, en soutenant que la sentence
devait se rCf6rer uiiiquement à la requête colombieiine, il était extra-
ordinaire, aussitôt connu le contenu de la senteiice contraire, de
demaiider I;Cour de se prononcer sur des demandes anibiguës, en
soutenant aussi que la juridiction de In Cour devait s'étendre, et de
beaucoup, au deli mêmedu contenu de la reconvention péruvienne.
Cette deinande d'iiiterprétation des représentants colombiens était
d'autant plus incompréhensible que le nouveau représentant venu à
La Haye déclarait dans une lettre publiée par la presse des Etats-
Unis, que les membres qui composent la Cour internationale de Justice
ne sont pas capables de comprendre et de résoudre les problèmes
latino-américaiiis tels que celui de l'asile, que la Colombie même,qu'il
représentait, avait soumis à leur décision.
Tous ces faits auxquels je viens de me référerdémontrent que la

Colombie estimait avoir perdu le procès et n'omettait aucun effort
pour éluder l'exécution de la sentence.
6.- Dans la note à laquelle je réponds, Votre Excellence com-
meiite la sentence en en citant seulement une partie, celle que, tombant ASSESBS AU ~IÉJIOIRE COLOlIBIES (s' 3)
4'
dans une profonde erreur. elle croit ètre un abri et un fondement
suffisant pour son attitude de rébellion contre I'arrèt.

Le Pérou demanda, à titre reconventionnel, que 1'011tléclaràt que
la Colombie avait agi de façon contraire à la Convention de 1.a Havane
de 1928 parce qu'elle avait accordé asile à une personne accusée de
délit commun. Daiis cette partie la Cour a rejeté la <-lemaritlerecon-
\~entionnelle péruvienne. La Cour considère que, ;LU moment où la
Colombie octroya l'asile, la sommation faite à son réfugiéconcernait
seulement le dblit de rébellioii militaire. Ce fondement du rejet de
la Cour est justifié car, étantdonné que la loi ne permet pas ail Pérou
d'instaurer un jugement criminel par contumace, pendant la durée
de l'asile ne se présenta pas l'opportunité de fixer ou de discuter la
responsabilité du réfugiépar rapport à des délits communs.

Je n'ai pas besoin de citer toutes les considérations de 1;sentence
qui ont trait à cette première question, car Votre Excellence les connait
aussi bien que moi. II me suffit de rappeler à Votre Excellence que
la Cour établit uniquement que cle Pérou n'a pas démontrf que les
faits imputés au réfugiéavant le 3 janvier 1949 sont des délits de
droit commun B.
Toutefois toutes les allégations du Gouvernement de Votre Escellence
se fondent sur I'affirmatioii erronée que la Colombie a qu;ilifiéle réfugié
comme responsable seulement de délit politique.
Le Gou\~crnemerit mème de Votre Excellence se cliiree d'ftablir
la justesse de ce que j'expose ici, prétendaiit acculer la Cour à une

position contradictoire, car, la Cour ayaiit déclaréque la Colombie
n'avait pas le droit de procbder à la qualification, rejetant ainsi la
première partie de sa retliiète, il n'était pas admissible qiie, par suite
d'une requéte d'interprétatioii. la Cour déclarât que la qualification
faite par le Gouvernement de Colombie était correcte. Si la Cour
l'avait fait en se pronon$;int sur la demande <l'interprétation, elle
aurait contredit à sa propre sentence, rendue quelques jours avant.
Ce que j'expose prouve que la Cour ii'a pas fait la qiirilification
que la note de Votre Escellence lui attribue et sur laquelle sc fonde
toute son argumentation poiir se soustraire à l'exécutiori (le I'arrèt.,
7. - Ifais il est étranee ciue la note de Votre Excellence se réfère

u41quement et exclusive<ent',i cette partie de la sentence qui rejette
la première demande coiiteiiiie dans la reconvention périivieniie. Votre
E>;'cellencesait que, pour discuter de l'exécution de la sentence, il
faut la considérer en toutes ses parties. Votre Excellence garde le
silence sur le reste de I;iseiiteiice qui est pleinement favorable à la
thèse péruvienne.
Dans la mème rcconveiitioii du Pérou on demaiide aussi 5 la Cour
de déclarer encore que l'asile était contraire à la Convention de La
Havane parce qu'il avait été accordé et était maintenu en oppositioii
aux termes de l'article 2 de ladite convention. Le Pérou soutint que,

selon l'article cité de Isr Convention de La Havane, l'asile peut ètre
oct~~vé à un clélinuuant i,oliti<iue seulement vour des raisons huma-
nitai;es et uniquemeiit pour 1; temps nécessaire à éviter le danger
dans lequel il veut se trouver,afin de sauver ainsi sa vie et soi1intégrité
physiqÙe. ~e- Pérou soutint que ces circonstances n'avaient 'pas
concouru à l'octroi de l'asile et demanda à la Cour qu'elle dtclaràt que
l'asile avait été accordé et maintenu en violation de la disposition
citée de la Convention de La Havane.42 AXXESES AU ~IÉLIOIRE COLO~IHIES (NO 3)
Eh bien, la Cour a établi, eiitre autres choses, que : aon ne peut

en déduire qii'iine personne, parce qu'elle est accusée de crimes poli-
tiques et iion de délits de droit commuii, a qualité, par cela seulernent,
pour étre asilée a. L'arrèt dit aussi : «la sûreté découlant de l'asile
ne saurait ètre entendue comme une protection contre l'application
régulièredes lois et ln juridiction des tribunaux légalement constitués.
Une protection ainsi entendue autorisernit l':igeiit diplomatique à
mettre obstacle h 1':ipplication des lois du pays alors qu'il a l'obligation
de les respecter; elle deviendrait eu fait l'équivalent d'une inimuiiité,
ce qui est évidemment en dehors des intentioiis qui ont inspiré la
Convention de La Havane B.
La sentence dit aussi : iLes considérations qui précèdent conduisent

à écarter la thèse selon laquelle la Convention de La Havane aurait
voulu assurer de façon tout à fait générale,la protection de l'asile à
toute personne poursuivie pour crimes ou délits politiques soit au
cours d'événemeiitsrévolutionnaires, soit pendant les temps plus ou
moins troublés qui les suivent, pour cette seule raison que l'ou doit
présumer que l'administration de la justice s'en trouve altérée. II
est clair que l'adoption d'un tel critère conduirait à des ingérences
é,trangères,particulièrement blessantes,,dans les affaires intérieures des
Etats. 1,

La Cour, dans cette partie de la sentence écarte et rejette les allé-
gations colonibieniies, audacieuses et injustifiées. selon lesquelles la
justice péruvienne était dominée par le pouvoir exbcutif.
La Cour étudie les conditions existant au moment de l'asile pour
savoir s'il existait aussi un danger pour la vie et l'intégrité physique
de l'ccasiléii,meme en le considérant comme un délinquant politique,
car seulement dans ce cas, conformément à la Convention de La
Havane, I'asile était admissible pour des raisons humanitaires et
seulement dans ce cas et pour le temps nécessaire à la cessation du
danger. Après avoir étudiéces circonstances, la Cour dit : «En conclu-

sion, sur la base des constatations et considératioiis énoncéesci-dessus,
la Cour estime qu'à la date des 3-4 janvier 1949 il n'existait pas un
danger constituant un cas d'urgence, au sens de l'article z, para-
graphe 2, de la Convention de La Havane. »
Une fois de plus la Cour rejette l'argumentation colombienne et
établit que l'asile fut mal octroyé.
Se référant ai maintien de l'asile la Cour dit que l'octroi de l'asile :
<,a étéprolong6 pour uiie raison que l'article z, paragraphe 2, de la
Convention de La Havane ne reconnaît pas P.
II est inutile de continuer la citation du contenu de la sentence que

Votre Excellence connait parfaitement, Mais je ne puis terminer le
point traité dans ce paragraphe sans me référer à la teneur littérale
du dispositif <-leI'arrét de la Cour où il dit : « L'octroi de I'asile par le
Gouvernement de la Colonibie à Victor KaUl Haya de la Torre n'a
pas étéfait en conformité de l'article 2, paragraphe 2, de ladite con-
vention. n
I'8niirtaii1.1jirorcciii>ii ~lonii;,Irt;fiigic doit ccssrir car ?Ili. rntnvc
I'~~(lniiriistrstioiI:iliiiticc piir Ir; Iribiiii;,iix p~rii\~i<liii iiii~tli~liit.
une intervention ayant les Caractères d'une -agression juÏidiquè que
le Pérou ne saurait admettre.

S. - II reste doiic clairement établi par la Cour que l'asile a été
octroyé et mainteiiu eii violation de la Convention <-leLa Havane de rqzS Par conséquent, l'asile ne peut êtremaintenu et le Pérou ne
peut le tolérer,car son maintien n'est pas seulement contraire à la
Convention de La Havane de rgzS mais aussi parce que l'arrêt(le la
Cour l'a ainsi établi et, par cela, l'asile mème doit prendre fin.
mème pas s'appeler asile, car la Cour en a établi l'illégalitéet, pareut

consé«ucnt. l'inadmissibilité. Mairitenir l',asile s-gnifie rébellionà la
seLa note du ZSnovembre 1950 fut adresséen. à AI.le chargéd'.4ffaires
à Lima car. dans sa aualité de renrésentaiit de la Colombie il exercait
cvttc reprl'j~~iitarioiicl:Ir.local oii se irr,ti\.:.ir Ic iéfugii:.Ccttc iiutr
Iiiconiintiiiii]iinirqu'il de\,ait <loiincrc\~cii:ale centcricccn inetr:iiit
firi il:ii)rnlecti~~ii~<liiii.i~?CC<)I(I Car.ci:ttc ;irnb:ibj:iilc. Iiiicli-
quait aissi au même chargéd'affaires'que «l'ambassade de Colombie
ne peut continuer à protéger le réfugiéen entravant ainsi l'action des
tribunaux Déruviens iiElle concluait en demandant la remise du réfugié.
II n'estilus possible d'imaginer la cessation de la protection iricïue,
que la Colombie interprète comme le maintien de l'asile, sous d'autre
forme que par la remise, car il n'est pas à supposer que la Colombie
prétende que l'asile ne prenne pas fin, permettant la fuite du réfugié.
g. -,La note de Votre Excellence soutient que l'on ne peut livrer
le réfugié, la Courne l'ayant pas ordonné et parce que la Cour, en
statuant sur la demande colombienne d'interprétation, a déclaré qu'elle
ne se prononçait pas sur la remise, celle-ci n'ayant pas été matière à
discussion pendant le litige. Votre Excellence ajoute, dans la riote à
laquelle je réponds, qu'elle donnera exécution à la sentence lorsque
la Cour lui aura ordonné de remettre le réfugié.Cet argument n'a pas
de caractère légalet ie ne ~ourrais le considérerde bonne foi. Lorsau'un
tribunal dansuune kntence déclare qu'une personne est débitrice, le
débiteur ri'aura pas l'idéede se refuser au paiement en all6gu:int crue
la seritencc ne i'ordonne point. L'argumeniation colombien%e est 'de
pure forme et tient de la casuistique. 1311erappelle le temps où vint
à manquer la juridiction romaine et où, à cause de ce fait, on perdit
un procès coiicernant des cultures ou cles plantes existant sur un fond,
parce que le demandeur avait employé le mot plante au lieu du mot
arbre. Toutefois, puisque le Gouvernement colombien se refuse à faire
ce que la sentence n'a pas ordonné, il trouvera dans cette meme sen-
tence la solution pour lui donner l'exécution que le Pérou demande
et exige.
La Colombie ne veut pas effectuer la remise de l'accusécar la sentence
ne lui impose point cette obligation «de faire B.mais la senterice,
lorsqu'elle déclare que l'asile a été octroyé et maintenu contrairement
à la Convention de La Havane de 1928, lui impose clairement une
obligation de a ne pas faire ».Ici la Colombie trouve la forme pour
donner exécution à l'arrêten triomphant de ses extraordinaires scru-
vules d'internrétation. L'oblication de une Das faire u consiste à ne
pas maintenk la protection 'qu'elle a accordée jusqu2ici au réfugié.
La Colombie doit, en exécution de la partie dispositive de la sentence,
suspendre la protection qu'elle accorde jusqu'a présent au réfugiéet
alors celui-ci restera au pouvoir de la justice péru\''ienne.
IO. - Au moment où se produisit l'asile d,'une personne sommée
de comparaître devant les tribunaux de justice, la police avait le
droit de l'appréhender partout où elle l'aurait rencontrée, pour donner44 ASSEXES .*u JIÉIIOIRE COLOMBIEN (x" 3)

suite au procès que les tribunaux péruviens avaient ouvert en exercice
d'un clair et inaliénable droit de souveraineté, Mais la police s'arrêta
devant les portes de l'ambassade de Colombie parce que la Colombie
invoqua l'asile. Le Gouvernement du Pérou suspendit son évident
droit de l'appréhender et décida avec la Colombie que la Cour inter-
nationale de Justice aurait à résoudre le différend. Du moment que
la Cour, dans le dispositif de la sentence, a établi que l'asile accordé
par I'ambassadeiir de Colombie à Lima est contraire à la Convention
de La Havane de 19~8, l'asile a disparu et s'est transformé en une
protection arbitraire et inacceptable laquelle le Péroune peut consen-
tir et, dès maintenant, il se borne à exiger l'exécution de l'arrét en
demandant au Gouvernemerit de Colombie de mettre fin h cette
prII.c-ionDans la note de Votre Excellence, on soutient que le Gou-
vernement colombien procède avec le plus grand désintéressenient et
altruisme en défeiiclantle droit d'asile. Rien de plus inexact. Le droit
d'asile entre le Pérou et la Colombie est régli:par la Convention de
La Havane de 1928, que le Pérou s'honore de respecter, et ceci se
prouve par le fait mêmeque le Pérou, à partir du 3 janvier 1949
jusqu'au 20 novembre ~gjo, date de la sentence, n'a nullemeiit nié
l'asile, mais bien l'a respecté, et a soutenu seulement que les condi-
tions dans lesquelles ilvait été accordéet maintenu par la Colombie
sont contraires à la Convention de La Havane de 1928. L'attitude
de rébellion de la Colombie constitue un procédécontraire ail droit
d'asile, puisqu'elle méconnait ce qui fut clairement convenu dans la
Convention de La Havane. En violant la Con\.eiition de La Havane
sur l'asile, la Colombie agit contre le droit d'asile que le Pirou a
défenduet reconnait. Celui-là ne peut s'érigeren défenseur d'un droit,
qui est le premier à le violer.
12. - Alais cette situation obéit à un dessein du Gouvernement
colombien, distinct de la défense du droit d'asile. 1.e Gouvernement
colombien défend la personne du réfugié.Ainsi l'on explique que ses
représentants à La Haye, au moment de la discussion, se rendant
compte de la force de l'argumentation juridique du Pérou, ont dédié
une grande partie de leur péroraison à se référerà la personne alors
asilée,à soutenir avec téméritéet audace, ce que le Pbrou repousse
énergiquement, que la oie du réfugiéétait en danger et que, si l;rCour
n'accueillait pas la requête colombienne, elle condamiiait par là le
réfueié à un ass,îssinat iudiciaire. La défense oéruvieniie earda la
ligne i~iicle respect cii\.cri Ic tribunainl'rit:iit.'I>ro trerstn>sii
soiitre les ;iiliriii:ilrItI'iivoca~culoinbieirt G pri'ient le G<iri\.c.r-
neiiiciit dii I'r'rour;it<Ic.vaiiIL(;i>i~\~eriieniiitc \'otre E~CCIICIICC.
cette protestation contie l'audace de son défenseur <levant la cour:
Le I'érou rejette hautement les affirmations de cette nature, qui
implicitement soutiennent qu'il n'y a pas de justice au I'érou.J'imagine
quelle serait l'indignation de Votre Excellence si je me permettais
de qualifier l'action des conseils de guerre colombiens, qui jugent
sommairement les inculpés,selon ce qu'on lit dans les nouvelles publiées
par les mémesjournaux colombiens. La défensedu réfugié s'accrédite
également par les déclarations faites par les journaux de Colombie
et par ses représentantsàl'étranger,lorsqu'ili.déclarent que la Colombie
ne remettra pas le réfugié.Une fois de plus je suis contraint d'affirmer
que le Pérourepousse définitivement les appréciations des représentantscolombiens sur le régime intérieur du Pérou et le fonctionnement de
ses tribunaux. Ces appréciations faites devant la Cour ne peuvent
pas être acceptées, d'autant plus que le Gouvernement actuel de la
Colombie n'est Das le ~ius auaiifié Dour cela, vu les mesures excev-
tionnelles adopthes à la suit; de sa politique intérieure, mesures aux-
quelles la défensedu Pérou ne fit nullement allusion durant le procès,
6ar elle estima qu'il s'agissait d'un terrain défendu.
Je dois faire ressortir que le contenu d'une note est ou non amical, selon
ce qu'elle dit. Le fait seul de qualifier d'amicale une note, est la pour
indiquer que l'on doute que la personne à qui elle s'adresse puisse la

Excellence que je ne puis considérer amicalela note dàclaquelie je réponds,
en tant qu'elle implique une méconnaissancedu contenu de I'arrkt, uii
rejet du droit du Ptrou, qui découlede claire façon de lamémesentence.
Jusqu'ici le I'érouet la Colombie ont discuté un cas juridique et nous
avons échangédes notes diplomatiques, en soutenant chacuii sa thèse
dans unc atniosphère de cordialité. On convint amicalement d'aller :i
La Have et d6ià encours de ~rocédureles déieriseurscolombiens émirent
clesviii>si~iii;c cont~~ri:iitIL.II(I'nnlir11~11~I<:I',:TuI.I inililitc~ln~it
\'utre Esiclleiicc nie1.~.~,niciiiILIn sentcric,:. i'opl~u:~; son czCciitir.ii,
et adopte la résolution, qu'elle me communiquè,~d'abandonner toute
procédure adoptée d'un commun accord, ayaiit décidéde se présenter
immédiatement à la Cour, dont les membres avaient étéqualifiésd'inca-
pables de comprendre le droit international américain par l'un des
représentants de la Colombie.
Xotre chargi. d'affairesà Bogota cotnmunique que le Gouvernement
de Votre Excellence vient d'introduire une nouvelle instance uar-devant
laCour. Cette introduction d'instance a étéconfirméepar uAe dépèche
que la Cour a adressée à mon gouvernemerit. &Iongouvernement prend
note de cc fait. - -
14. - Cette note ne se propose nullement de rouvrir le débat :
toute discussion directe avec le Gouvernement de Votre Excellence, au
suiet de l'asile. est achevée.Le Gouvernement du Péroun'a désormais
riin à discuter'et il exigera i'exécutionde I'arrét.
Tesaisiscette occasion pour exprimer à Votre Excellence lesseritimeiits
dema haute considération

A Son Excellence Monsieur Gonzalo Restrepo JaramilIo, ministre des
Affaires étrangères de Colombie, Bogota.

Annexes 4 d 13

[A'oicveprod16itesl ARTICLE 17 DE LA CONVENTION SUR LES AGENTS
DIPLOAfATIQUES SIGNÉE A LA HAVANE EN 1928 A LA
vi.~~CONFÉRENCE PANAMÉIIICAINE

« Articl17. - Les fonctionnaires diplomatiques sont obligés de
remettreà l'autorité locale compétente qui le demanderait, la liersonne
accusée ou coiidamnée pour délit de droit commun, réfugiéedans la
missionn COXSULTATIOX DE 31. LE PROFESSEUR SIBERT

POUR LE GOUVERNE?IES TE LA COLOLIBIE COXTRE LE GOUYERXE-
~IEST DU FÉROU DANS L'AFFAIRE IIAYA DE I.A TORRE PHASE)

Lc jiirisconsulte soussigné, professeurà la Faculté de droit de
I'aris, membre de l'Institut de droit iiitcriiational, directeur de
1'Iiistitut des hautes études interriationales, chcvalicr de la Légion
d'hoiineur au titre militaire, croix de giierrc, consulté par le
Gouvernement de la Colombie sur le poirit de savoir si ceouveme-

ment est ou n'est $as obligé,à la suite de l'arrêt de la Cour inter-
nationale de Justice du 20 novembre 1950, de remettre XI. de la
Torre au Gouvernement du Pérou, émetl'avis suivant.

FAITS

Brcf sera l'exposédes faits antérieursà la discussion, en droit,
d'une affaire qui en esà sa troisième phase.- La première s'ouvre
avec l'asile que le réformateur péruvien trouve à la suite d'une
teiitative de rébellion du3 octobre 1948 contre le Gouvernement
dit I'érou,présidé alorspar M. Bustamante y Rivero. Cette tenta-
tive de rébellion ayant échoué,ce fut un autre coup militaire qui
reiiversa, le 27 octobre de la même année, Ic gouvernement de
31. Bustamante y Rivero. A la suite dc cette victoire de la force
contrc un gouvernement légal, uiie junte militaire présidéepar le

généralde brigade Manuel V. Odria s'est emparée du pouvoir au
Pérou. Érigésur les ruines du gouvernement légal, legouvernement
nouveau, tout de suite, s'en prend au réformateur sous forme d'une
« instruction» ouverte contre liii par lc juge d'instruction de la
Rlarine. Dans quelles conditions cette instruction fut-elle ouverte,
ce n'est pas le lieu ici d'y reveniA.la suite toutefois de ces faits,
de la Toire a cherché et trouvé asilà l'ambassade de Colombie à
Lima. Les circonstances dans lesquelles cet asile a étéoctroyé ont
déterminé entre la Colombie et le I'érou un litige qu'a tranché
l'arrêt de la Cour du 20 novembre 1950. Iles débats qui se sont

déroulésdevant la Cour et des termes de cet arrêt, il a étéet de-
meure acquis :
I" que la Colombie, pays accordant l'asile, n'était pas en droit
de ciualificr la nature du délitdont de la Torre fut l'auteur. aar une
déci'sionunilatérale définitive et obligatoire pour le péri;
2" la Cour (cf. p. 281 de l'arrêt)a cstimé que le Pérou n'a pas
démontré que les faits dont le réfugiéa étéaccusé fussent des
délits de droit commun ; 4s ASSEXES .4U >IÉMOIRE COLOMBIEN (NO 15)

' 3" la Cour a décidéque l'asile accordé à de la Torre l'a étécon-
trairement aux dispositions de la Convention de La Havane de
1928 (art. z, 5 z), en particulier par le motif que dans les circons-
tances du cas il n'y avait pas l'élémentd'urgenceexigépar cette
convention pour que l'asile pût êtretenu pour régulier;
4' du fait qu'elle rejeta la seconde conclusion du Pérou, la Cour
a décidéque la Colombie n'avait pas droit à obtenir les garanties
nécessaires pour que le réfugiésorte du pays, l'inviolabilité de sa
personne étant respectée.

Il est à noter que, nulle part, l'arrêtde la Cour en date du zo
?iovembre 1950 n'a fait état des effets à attacher à cette décision
mêmeni, par conséquent, de ce qu'il convient de faire de la per-
sonne du réfugié, leremettre ou ne pas le remettre au Gouverne-
ment du Pérou. En présence de cette incertitude, le zo novembre
1950, la Colombie a adressé à la Cour une dewcanded'interfirétation
de son arrêt.précité.Le zj novembre 1950, la Cour a décide que
cette demande était irreccvable motif pris, en particulier, de ce
que la requêtecolombienne ne visait pas en réalité r à faire éclaircir
le sens et la portée de ce qui a étédécidéavec force obligatoire par
l'arrêtr, mais «à obtenir la solution de points qui n'avaient pas

étéainsi décidés IIet n qu'il n'y avait pas contestation sur le sens.
et la portée de l'arrêt du seul fait que l'une des parties dhclarât
l'arrêt obscur tandis que l'autre le déclareparfaitement clair u (cf.
arrêt du zj novembre 1950, pp. 403-404).
En présence de la situation crééepar cette autre décisionde la
Cour, la Colombie s'est trouvée en présence d'un nouveau diférend
avec le Gouvernement du Pérou, sur le point de savoir comment il
convenait qu'elle procédât pour réaliserla sentence prononcke par
la Cour internationale de Justice le zo novembre 1950. En consé-

quence, elle s'est référéeau Protocole d'awzitiéet de coofiération
(art. j, paragraphe unique) qu'elle a signéavec le Pérou à Kio-de-
Janeiro le 24 mai 1934.
Ce protocole dispose qu'au cas où interviendrait, dans les rap-
ports de la Colombie avec le Pérou, un dissentiment sur les pro-
blèmes soit actuels soit susceptibles de surgir entre les deux pays.
et s'il n'y pouvait être apportéde solution par la voie des négocia-
tions diplomatiques directes, l'une quelconque des parties pourrait
faire appel à la procédure établie par l'article 36 du Statut de la
C. P.J. 1. Dans ce cas, la sentence une fois prononcée, les H. P. C.
s'engagent i<à accorder entre elles i>[sic] les moyens pour sa réa-

lisation.« Si elles n'arrivent paà un accord ilen plus de sa compé-
tence ordinaire, la Cour aura les fncztltésnécessairespour rendre
effective la sentence oii elle aurait déclaréle droit de l'une des
H. P. C.
A l'heure actuelle, le Pérou prétend que la seule manière d'exé-
cuter l'arrêt dela Cour du zo novembre 1950 est que la Colombie
mette un terme à l'asile qu'elle a accordà M. de la Torre et qu'elle
remette aux mains des autorités péruviennes le réfugiécontre lequel a étélancé un mandat d'arrêt par sa justice nationale. La
Colombie a déclaré qu'elle nepouvait pas se rallier à cette façon
de voir. Une telle opposition de points de rue constitue un diférei~d
siir l'ezécutioitd'z~narrétdont les termes se sont certes prononcés
contre le caractère régulier de l'asile accordé au réfugié,?naisqfii
n'a pas slalziészlr la remise oziln non-remise au Pérotideceréftigié.
En conséquence, le 13 décembre 19j0, le Gouvernement de Bogota,
invoquant le Protocole de Rio du 24 mai 1934, a demandé à la
Cour :
r" de déterminer la manière d'exécuter l'arrCt du 20 novembre
1950; et en plus
2" de dire à cette fin si la Colombie est ou ti'est pas obligéede

remettre au Gouvernement de Lima le rkfugié Haya de la Thre.

Le présent avis se propose de démontrer qitela Colombien'est.pas
teiit~edelivrerl'asilédela Torrean Péroiiqiii le réclame.Cette convic-
iion s'appuie sur les considérations qui suiveiit.
Mais avant d'aborder la discussion sur le fond méme du droit, il

importe de rappeler, dans une remarque préliminaire, que le réfugié
est lin criminelfiolitiqzie.Celaressort àI'é\~idere émede ce passage
emprunté aux nwtifs de l'arrêt premier en date quand la Cour a
constaté (cf. arret, 1282) : « Le Péroun'a pas établique la rébelliori
militaire constitue en soi un crime de droit commun. » Ainsi, la
chose estjligéà jamais, et jamais on n'y saurait revenir. Onobjectera,
peut-étre, que cela est dit non pas dans Ic dispositif mais dans les
motifs, et l'on pourra, du côtédu Pérou. prétendre &roquer au seuil
mémede ce nouveau débat tout le ]>roblèmede la resjttdicata, de sa
force et de son étendue.
Certes, la question de savoir quelle étendue on doit reconnaitre à
l'autorité qui s'attache, en droit des gens, à la chose jugée soit par
l'arbitre, soit par le juge international, n'est pas nouvelle et demeure

encore, parfois, discutée.
On en a eu un exemple il y a déjà un demi-siècle, quand, en 1902,
on agita la question dans l'affaire des Forids pietlx de Californie
devant la Cour permanente d'Arbitrage (cf. Lauterpacht, Priuate
I(iwsourcesand analogiesof inter>iationallaw, p. 245).
Par la suite, ce ne fut que très occasionnellement que la juris-
prudence des tribunaux internationaux aura eu à se prononcer sur
ce problème aussi grave que délicat. On doit, à cet égard, attirer
l'attention sur l'arbitrage Allemagne-Rozim(znie (compromis du
IO nov. 1928)dans l'affaire relative aux droits des héritiersJunghans
(cf. Rec. clesSentencesarbitrales des Nations Unies, t. 3, p. 1889).
Au sens de cette décision :a l'opinion que le juge exprime incidem-50 ASSESES AU YÉZIOIRE COLOZIBIES (SD 15)

ment sans la traduire par un dispositif ne crée pas toutefois, EN
PRISCIPE, chose jugée n. Cette formule appelle une remarque ici
fondamentale. La règle présentéepar la sentence est, certes, en
faveur de l'autorité s'attachant au dispositif. i\fais l'arbitre a lui-
mêmesoulignéque cette règlen'est pas absolue et qu'elle comporte

des exceptions, dont on verra un peu plus bas la nature.
Ces vues de la jurisprudence ont étéadoptbes sans difficultépar
la haute autorité du professeur Limburg dans son cours àl'Académie
de Droit international (au Keczieil des Cozirs, 1929, t. V, p. 324),
quand il a constaté, sans s'éleverlà contre, que la jurisprudence

(internationale) se prononce en ce sens que c'est le dispositif qui
seul entre en ligne de compte QU'IL PEUT ARRIVER QUE LES
ZIOTIFS OU L'US D'EUX FASSEST TELLEMEST CORPS AVEC LE DISPO-
SITIF QU'OS SE PUISSE PAS LES SÉPARER. auquel cas 11la chose
jugées'étendpar exception n à ces motifs '.

Cepoint de vue, essentiel dans l'affaire encours, est confirniéavec
force et des précisions accrues dans le commentaire très autorisé
publié désavant la guerre de 1939 par l'lnstitzctfür a~islüitdisclzes
offe'tliches Recltt ~cndVolkerr$cht (Berlin, 1934) Sur le Statut et

Règlement de la C.P. J. 1. (Eléments d'interprétation), p. 422 en
note 1, de ce trEs documenté exposédes principes et de la pratique
de la Cour, on lit encore ceci : Ibien que les motifsd'un arrêt(ainsi
que les questions incidentes et préliminaires)ne participent p;u à la
force de la chose jugée, la Cour s'est plusieurs fois fondéesur des

motifs énoncéd saizs des arrêtsantérieurs r.Dans son arrêtno IO, par
exemple, la Cour a dit : Ila Cour ne voit aucune raison pour se
départir d'une interprétation découlant de deux arrêtsprécédents
dont l'argumentation lui paraît toujours fondée 1,.On ne force ni
la logique ni le droit en adoptant le point de vue que, puisque la

Cour s'est plusieurs foisfondéesur des wzotifsénoncéd sans des arréts
antérieurset qu'elle a; elle-même,fait bénéficierde l'autorité de la
chose jugéc,ellepeut, tout aussi bien, dans n'importe quelle décision,
considérer qn'elle ait uni dans la mêmeautorité et le dispositif et
les motifs sur lesqucls clle aura élaboréce dernier. Encore est-il pour

qu'il en soit ainsi - et comme on l'a déjàrelevéci-dessus - que les
uns, mais aussi l'autre doivent faire un tout iizdissociable.
C'est bien ce qui apparaît au seuil mêmede la troisièmephase de
cette agaire du droit d'asileoù tout le débatest dominéparla nature
des actes reprochés à leur auteur.

I" Dans ses motifs, la Cour a établi deux constatations qu'elle a
tenues pour décisives :a) le Pérou n'a pas établi que fût crime de
droit commun le crime de rébellion rej~rochéau bénéficiairede

On peut tenir ce point devue pour corrobore par cc passage de l'ariIr
de laC. P.J. 1. (Interpriitation des ano*7set 8) du 16ducembre 1927.p. 14.
où ila étédecidé par la Cour que: ai'existence dans Iniotifd'unarrèt d'un
passage que l'une dcs parties interprète commc exprimant une réserveperntet de
saisivalablementla Cour du point relatàfl'interprétation des vrais sens et por-
tée del'arr8o. AXSEXES AU ~IÉ)IOIRE COLO)IBIES (sa ~j) 5 1
l'asile (cf.arrêt, p19, au bas) ni que criminel de droit commun fût
ce dernier (cf. arrêt, p.19, bas).
2" Dans son dispositif, elle n'a pas cru nécessaire de revenir sur
cet aspect de la question.

3" Par contre, dans ce meme dispositif ille a basé sa décision
quantau caractère illicite de l'asile sur le fait que, dans les circons-
tances mêmes de son octroi, on n'avait paç trouvé cette zlrgeitce
dont la Conirention de La Havane parle à propos de l'asile azlr déliit-
qttaittspolitiqites: si elle avait pensé que le crime reprochéà Haya
de la Torre fût un crime de droit commun, aurait-elle pu songer un
seul instant à faire porter (comme elle l'a fait) tout le poids de sa
propre argzlmentationsur la prétendneinexistence de l'nrgence.
Les deux aspects du raisonnement de la Cour sont donc indis-
solublement liés; ils constituent. un tout en deux parties - la
première dans les motifs, la seconde dans le dispositif :aucune

volonté ou aucun intérêt coiitraires ne les peuvent dissocier: la
force de la chose jugée s'étend et à l'une et à l'autre. II a donc
été à jamais jugé par la Coiir, et sans qu'on puisse remettre ce
point en cause, que de la Torre est l'auteur d'actes qualifiés de
crimes +olitiqzleset, partant, un criminel politique.
Laissons donc de côté une fois pour toutes ces considérations
ci voyons quelles raisons s'opposeitt ù la remise du « crimiiiel poli-
tiqzt» réfugié à l'ambassade de Colombie à Lima.
La réponse sera fournie eii fonction de ce droit international
antéricuin,si nouveau, et si différent - à l'occasion - du droit
international européen, ou de ce droit interftational commun propre
à toutes les nations, qui, tout en cherchant sa voie cil un légitime

universalisme, doit pourtant faire sa part aux inévitables parti-
cularismes. Il convient de ne pas l'oublier à auciin instant des
débats actuels. Avec ses rkglcs sur l'occupation des territoires,
leur délimitation et leur acqiiisition, sur l'interveiition, la natio-
nalité, l'immigration, la condition des étrangers, la libre navigation
des fleuves internationaux ou nationaux, la répudiation de la
force dans les relations internationales, l'ajustement des différends
par la voie de la conciliation ou de l'arbitrage et la méthode de
ia iconsultation 11entre gouvernements, le droit international
américain a étémis, par une lente et progressive élaboration en
un climat ct sous des influences sans rapport avec ceux de l'Europe,

au service .de peuples dont la psycltologie - cet ensemble de tra-
ditions héritéesdu passé, de sentiments, d'aspirations politiques,
religieuses, philosophiques et sociales - est souvent sans contact
avec celle des vieux peuples européens. C'est dans ce climat qu'il
faut insérer cette dernière phase elle-mêmede l'afaire dz~droit
d'asile qui se doit terminer par la non-remise du ré/ugié.

1. - Une première raison dicte la réponse. On la trouve dans
la Convention elle-mêmede La Havane, dont le Pérou reconnaît
l'autorité enla matière. A chacune des étapesantérieures à la phase52 ASSEXES AU 31É>161~~ COLO>lBIES (s' 15)

présente de l'affaire, on a longuement discuté du régime d'asile
qu'elle a autorisé : lieux possibles d'asile, qualification et nature
di1 délit reproché à l'accusé ou au condamné, frrgencenicessaire
pour que l'asile puisse être accordé, durée de l'asile, autorités
qualifiées polir eccorder, formalités à reniplir par ces autorités,
exigences qiie I'Ltat du réfugiépeut opposer à celui qui accorde
l'asile, obligation de l'asilé lui-même, frais entraînés par l'asile,
sortie du lieu d'asile et garanties d'inviolabilité de l'asilé en cet
instant le plus critique de tous.

En vérité, il semblerait que cette convention soit plus que
complète, que rien ne manque à ses dispositions. Et pourtant on
n'y trouve pas un des élknzentsessentiels du régime ; l'indication
de sa sanction à appliqzierau cas où l'asile viendrait à ètre accordé
contrairement aux règles auxquelles le texte a subordonné son
octroi, ce qui a étéle cas - la Cour l'a affirmé - dans l'espèce
en cours. Nous voici donc une fois de 11lusen droit des gens -
serait-il continental -, eii présence d'une situation où la sagacité
et la précisioii des auteurs d'une convention ont négligé - ou

ont tacitement refusé - de déterminer la sanction applicable à
un acte contraire au droit. Bans la Conveiition de La Havane,
aucune disposition nc prescrit I"zttitzrdeà adopter si l'asile s'avère
non conforme aux prescriptions du texte. Nulle part il n'y est
dit :cileréi~~gs iérarendfi....1)Qu'on y prcnnc garde, ici se présente
la tentation pour celui qui réclame c l'asilé>iet peut-être pour le
juge devant lequel il porte le cas, de conclnre à la restitution pure
et simple du coupable ou de l'accusé. Le droit répond : ce serait
ailer à l'encontre de la loi que constitue l'acte de La Havane e1z

ajoirtant azix rigzrezirsde cet acte. Ce serait méconnaître la cloi>r,
en deux mots :la violer. Le droit interne nous l'explique. L'esprit
des hommes, des gouvernants (et des agents leurs subordonnés)
est fertile cn imagination :il se peut qu'on viole la loi, cyniquement,
en la mettant totalement à l'écart quand on a la force pour soi et
qu'on est décidé à s'en servir aux fins d'uiie révolution iiou de
droite oii de gauche 1; mais on la peut aussi violer sans prétendre
la jeter bas, directement ou indirectement. Or, ln violation est

directe quand une d6cisioii est prise en contradiction avec le texte,
soit que la dEcision retranche quoi que ce soit au texte en se
montrant moins sévère, soitqu'elleajozrteair texte en l'alourdissant
de conditions plus graves. La violation est indirecte quand l'auteur
ou les auteurs de l'acte suppléent à un teste qui n'existe pas.
Depuis bien des annéesdéjà,ces affirmations ont pu êtreproduites,
sans qu'elles aient étédémenties, par la doctriiie et la jurisprudence
internes. Témoin en France R. Alibert dans son étude sur Le
contrôle jz~ridictionnelde l'Administration, 1926, pp. 261 et ss.

Pareilles notions ne sont pas le propre d'un droit interne plutôt
que d'un autre droit interne ; droit interne, droit international
s'inspirent, en plus d'une circonstance, de principes communs
basés sur la raison, l'équité et la justice : tel est précisément le A~j~. S-S AU ~IÉMOIRE COLOMBIES (9 ~j) 53

cas quand il y a lieu de déterminer les élémeiitsconstitutifs de la
faute qui fonde le droit à réparation. Dans notre affaire, il y aurait
faute à prétendre que la Convention de La Havane comporte des
sanctions qu'elle ne comporte pas:En prétendant l'assortir, après
coup, d'effets que ses auteurs n'ont pas voulu envisager, on mécon-
iiaîtrait le grand principe de la liberlédes corzve~ztiotson détruirait
lecaractèrecotzserzszreql ui, encore de nos jours, est à la base du

droit des gens : vitc, dans le domaine des relations interétatiques,
oii aboutirait à substituer à la volontédes parties contractantes
ce jiidge-made Law, ce droit fait par le juge qui n'a pas encore
acquis droit de cité au sein de la C. 1. J. : comment, en effet,
oublierait-on cet impératif catégorique de l'article 38 de la Cour ?
et ce serait le créer que d'attribuer des sanctions à un texte qui
n'en comporte pas. La mission de la Cour est de régler confor-
inémentau droit internatiorzal les différends qui lui sont soumis.

Comment? Par quels moyens? - En appliqziant les divers éléments
de décisionénuméréssousles lettres a, b,c, d. conventions, coutume,
principes généiauxet, sous réservede la disposition de l'article 59,
les décisions judiciaires et une certaine doctrine ; en appliqr~a7it
tozit cela et non pas en en retranchant ou en y ajozrtant: la Cour
fait respecter le droit, elle ne le crée pas.

II.- A l'encontre de cette façon de voir on aperçoit, dèsmeinte-

iiaiit, les objections de ceux qui se plaisent à transporter du droit
interne dans le droit des gens la théorie des actesnzrlset anntrlables
...Xe cachons rien de leur pensée.Ils vont dire :avec le cas de I'asilé
à l'ambassade de Colombie à Lima, on est en présence d'zrn acte
illicite, d'un asile accord- c'est la Coiir qui l'a d-t sans qti'iy ent
nrgence,alors que le texte de La Havaiie exige - en termes absolus
- l'zlrgence.D'iin acte comme celui-là et de bien d'autres de la
mêmenature, l'exécution entraîne des conséquencesque la doctrine
et la jurisprudence placent sous le sigrie d'une alternative qiie le

professeur Guggenheim a préciséede la manière suivante dans soli
cours à l'Académiede Droit international sur la validitéet la nrillité
des actesjrlridiqziesi~ztentationazrx(cf. Reczreildes Coirrs,1940, t. 1,
p. 238) : e ou bien 'LES h1017ESS A 1.A DISPOSITIOS DE L'ORDRE
JURIDIQUE INTEKSATIOSAL PERMETTEST DE « RÉTABLIR > ,.ASITUA-
TIOK telle qu'elle existait avant que l'acte illicite ait étécommis II.
Cette mesure, poursuit l'auteur cité, «coiisisteà effacer airtavitqrle
possible les conséquencesde l'acte et à obtenir ainsi le rétablissement

du statzcquo ante ».Et tout se passe comme si l'acte illicite n'avait
pas étéaccompli. « Ou bien »,dit encore Guggenheim, u l'acte illicite
est irréparable. Dans ce cas, I'Etat lésépeut exiger une compensation
pour la perte matérielle et éventuellement pour le préjudice moral
qu'il a subi. » Cette constatation du savaiit auteur ne fait que
confirmer les vues que nous produisions déjà à propos de l'affaire
de la Societa espaliolgdeMetales preciosos,en 1937 (R. 1). 1. P., 1937,
p. 536). Ces vues elles-mêmes sebornaient à faire état de la jurispru-

554 AXSEXES AU YEJIOIRE COLO\IBIEN (x0 15)

dence de la Cour permanente de Justice internationale quand, dans
son arrêt no13 (C. P. J.1.. SérieA, no 17, p. 47),elle a dit -à l'occa-
sion d'un acte illicite entraînant réparation : s Le principe essentiel
qui découlede la notion mêmed'acte illicite et qui semble se dégager
de la pratique internationale, notamment de la jurisprudence des
tribunaux internationaux, est que la réparation doit AUTAKT QUE
POSSIBLE effacer toutes les conséquencesde l'acte et rétablir l'état

qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été
commis. n Mais la Cour ajoutait aussitôt : nRestitution en nature
ou si eue K'EST PAS POSSIBI.E ...in,etc.
La Cour a doncadmis qu'il pût y avoir rtinzpossibilitéde restitziII.
En cecas, d'autres modalitésde réparation que la restitution devront
intervenir. Daïts l'aflaire en cours précisémeïzti,l y a inzpossibilitéde
restittter le réfz~giL.'impossibilité matériellen'entre pas ici en ligne
,de compte. Mais l'iïnpossibilitéjz4ridiqne devant nous surgit avec
toute sa force prohibitive. C'est ce que va établir ce qui suit.

A. - La reniise dzl rélngiése hettrterait à la cottttime chère à
1'Amériqz~elatine qiie janzais zrn criminel politiqire ne sailrait /aire
l'objetd'une restitzition, coutume propre à l'Amériquelatine, disons-
nous.
On se tromperait si l'on invoquait ici la prétendue nécessitéd'une

coutume universelle :le Statut lui-mêmede la Cour internationale,
en son article 38, lettre c, n'exige pas que la coutume applicable ait
le caractère d'unive'rsalité:il se borne à vouloir qu'elle soit, pour le
moins, générale.Cepoint de vue, qui est devenu une règle essentielle
du droit desgens, a étéil y a bien longtemps exposépar ce grand
juriste allemand que fut Triepel dans son Droit international et Droit
interne, Paris, 1920,pp. 32 et go, quand, parlant de la volontésource
du droit en droit international - et la coutume est une volonté
tacite -, il dit :« seule peut êtresource de droit internatiotial une

volonté commune de plusieurs ou de nornbreitx États constituant
une unité de volontés au moyen d'une union de volontés ». Cette
pensée de Triepel rejoignait celle de Westlake quand, vingt-cinq
ans plus tôt, dans ses Etildes de Droit i?zternational (Paris, 1895,
pp. 32 et go), il évoquait la coutume en tant Iqn'accordgénéral de
l'opinion dans les pays de civilisation européeniie ...». Plus remar-
quable encore que la concordance de vues entre ces deux auteurs,
dont le temps n'a pas réussi à effacer ni le nomqnile prestige, est leur
conviction que la cozttriines'intpose nzémeà l'lztat qui ne l'attrait pas

acceptée.« Quand »,écrivait \Vestlake, K une de ces règles issuesdu
consentement de la société r internationale est invoquée contre
un État, il n'est pas nécessairede montrer que l'État dont il s'agit a
reconnu la règle,soit qu'il y ait acquiescépar la voie diplomatique
soit qu'il y ait conformé sa conduite. » Il suffit de prouver cet
Iaccord généra dle l'opinioï11dont il vient d'êtrefait état ....Mais,
à quoi bon citer tous ceux qui, depuis cette date jusqu'à nos jours,
ont opiné dans le mêmesens ? N'est-il pas plus décisif,eii cette

troisièmephase de l'affaire, de citer ce qu'enseigne l'éminentauteur. ASSESES AU ~163101~ ~OLO>IBIES (NO 15) 55

dont l'intervention a assuré le succès du Pérou dails les deux
premières? A la page 577 de son Coiirs de droit international public
(1948),hl. G. Scellea écrit : aCequ'il importe avant tout de mettre
en lumière, nous y insistons, c'est que la coutume internationale,
qu'elle soit d'origine privéeou d'origine gouvernementale 011officielle
n'a pas à étrer reconnzie »ou acceptée par les goz~vernei~~eifitzirletir
étreopposable (soulignédans le texte de l'auteur). Notamment elle
s'applique ipso facto (sonligiiédans le texte) à tous les Etats et à

tous les gouvernements nouveaux soit de la sociétédu droit des
gens, soit d'une sociétéinternationale particulière. »
Un autre point mérite, lui aussi, d'êtreexpressément rappeléà
cette place. Des abstentions aussi bien que des actes positifs,
peuvent constituer une coutume, car ils impliquent la reconnais-
sance d'une règleprohibitive (soulignédans le texte). La C. P. J. 1.
l'a reconnu dans son arrêtno 9 relatif au Lotris et la technique
juridique le commande. Ce qu'ou appelle r désuétude » (entre
guillemets dans le texte) de la loi n'est rien autre qu'une abrogation

de la règle législative par une abstention coutumière répétéeet
baséesur un K consensus general n...Ici encore celui q~iis'exprime
ainsi n'est autre que le défenseurdu Pérou,jusqu'à la phase actiielle
du différend Colombie-Pérou, le professeur G. Scelle, dans son livre
cité il y a cluelques lignes, édit. 1948, p. 576, sous le paragraphe
intitulé a cozltzlntesnégative1).De l'aveu mêmedu Pérou parlant
parla bouche de son avocat, on est fondé àdire :IO ilyades coutumes
négatives; z0 ces coutumes négatives autant que les coutumes
positives ont force obligatoire à l'égardde ceux mèmesqui préten-
draient échapper à leur emprise.

Notre tâche ainsi déblayéeconsiste désormais à prouver qrl'ar~x
termes d'me cozltzrnze négaliveoit ne livre pas en Amériqiielatine les
réfugiéspolitiqzies réfzigiésdans nne légationqziellesprie soient les
circonstancesdans lesqiiellesl'asile a été accord é.Une telle preuve
est bien facile. II suffit de'prendrà témoindocuments et auteurs ....
Ouvrez Moore, A Digest of iitternational law, t. II (Asylzinz in
America, pp. 781-842). oii est passéen revue le fonctioiinemeiit de
l'asile en Bolivie, au Guatemala, au Nicaragua, au Salvador, au
Chili, en Colombie, en Équateur, en Haïti, à St. I)omingiie, au

Mexique, au Pérou lui-même ;ouvrez Hackxorth, Digest of i~tter-
national law, t. II, Asylz~m Political refiigees, t. II, 621-628,
630-634,646-648), consultez les Caseson international law de Br0u.n
Scott et Jaeger (St. Paul, 1937). p. 497, note 32; de Hudson (St.
Paul, 1936), p. 809, avec la note 22 ;reportez-vous à la Seleclion of
cases and other readiizgs oit the Law of Nations de Edw. De \\'itt
Dickinson, 1st edit., 1929 (p. 604, note asylzim on zoarships); au
Law of Nations de Herbert Briggs (New-York, 1938, pl'. 387-388),
ou plus encore à ce monumental travail prélégislatifétabli par la
Harvard Research sous le titre Draft conventions and cofnmerttson

diplomatic priuileges and immzdnitiesand legalposition and fzinctions
of conszils (published by the American Society of International56 ASSESES AU ~I~~ILOIRICOLO~IHIISN (x" 15)

Law, cf. Suppl. to the Americ. Jourii. of Internat. Law ; January
and AlIril 1932, p. 449) ;reportez-vous au Dictio>t>zuir deiplonratiqile,
t. 1, 1)20j, vcrbo Asile (droit d'), sous la signature de K. Nervo,
ministre plkiiipotelitiaire du Nesique ; lisez le cours professé i
l'Académie de La Haye en 1933 (Rec. des Cozirs, 1933, t. 1,
pp. 471 et S., par Egidio Reale), et le livre de Carlos Bellini Sha\v.
membre de I'liistitut argentiii de droit international (préface de
J. liuiz Moreno, paru à Buenos-Aires en 1937). sur le Derecho de
asilo ; mieus encore, consultoiis l'article du Péruvien tilejandro
lleustua, Dereclrode Asilo (concl~ision).aux pp. 109 et ss. de la

Reuisla periia>zu de Derecho i~tterr~acionul(maya-agosta 1948,
no 28) ; tiulle part, absolumetlt ilplle part, il n'est fait état d,une
obligatio~~qui incomberait à un Etat de refuge de rendre à I'Etat
national un réfugié uiie foisqu'il a étéadmis daiis uiie légation du
premier, y eût-il étéadmis par l'effet d'une mauvaise interpréta-
tion du droit ou des faits. Bieii plus, l'auteur péruvien nommé à
I'iiistant ne cite <tbsolli~neq~rtetrois cas de cess(itio>de l'asile (cf.
article cité, p.I2j :conclusion IV dernière phrase) : el'asile prend
fin par la liberté iiicoiiditioiiiicllc du réfugiéofferte et garantie par

le gouvernement local, par la voloiitéde I'asilé, ou PAU SOS PASSAGE
A I,'ÉTUASGEU ES TOUTE SÉCURITE i,.-Ainsi, dans tant de témoi-
gnages trouve-t-oii la preuve qu'il esiste une absfe~~tiorc~ ozitlimière
de restituer, eii aucuii état de cause, les asilés politiques.

B. - Dans les circonstaiices où se présente le cas Haya de la
Torre, la remise du criminel politique que le Gou\rernement du
Péroii persiste à voir eii lui se heurterait à ces principes gé;térazrx
du droit que l'article 38, lettre c, de la Cour internationale de
Justice (comme le fait le Statut clela C. 1.J.) a énuméréa su nombre

des kléments sur lesquels la Cour est autorisée à se baser pour
régler les différends qui Iiii soiit soumis. On touche là à un point
~~articulièrénientdélicat, puisqu'il va conduire à mettre en cause
l'organisation judiciaire d'un État souverain,donc libre de disposer
de lui-inême et de s'organiser à sa guise dans toute la mesure,
cependant, où l'esercice de cette liberté ne va pas à l'encontre
précisémeiit des <iprincipes généraux du droit reconnus par les
nations civilisées II.
Ilans l'ordre de l'organisation juridictionnelle, quels sont donc

ces priiicipcs ?- Il serait inutile de les passer tous en revue. \Toici
le plus graiid de tous :lotitjfrgedoit réiiniren sa personne: l'indépeit-
dance qui assure son impartialité.
Daiis un livre, trop oublié peut-être, qu'il publiait en 1823
(Esprit, ori,oineet Progrèsdes i>tstittrtiortjzidiciaires des pri~zcipanz
pays de L'Elirope,Paris, 1823, t. j,II. 203). J.D. Meyer a écrit ces
lignes fortemeiit penséesque c'est Ic lieu ou jamais de reproduire à
cette place : eLe caractère du juge doit présenter l'idéede la plus
haute impartialité ; il doit étre l'esécuteur strict et sévèrede la
loi telle qu'elle existe : aucune considération générale iie doit ASSESES .4U ~IÉ~IOIKE COLO3IRlES (sO 1j) 57

influencer sa décision: coinmeiit coiiserverait-il l'impassibilité
indispensable pour l'exercice de ses fonctions s'il devait ...s'écarter
des dispositio>zsdeln loi, seules règles(le l'étenduede ses de\~oirs?....
Certes, le devoir d'impartialité interdit au juge de a prendre une
part activc dans une affaire dont il est appelé à connaître » (eod.
loco, p: 204). Nais la nécessitéde juges impartiaux ne permet pas
non plus qii'ils soient lesjoiietsdepouztoirpi firéfe>zdraienstinzposer

ieux et li leiirs décisions.Tonte intervention directe, soit du Iégisla-
teur, soit du pouvoir administratif ou exécutif, sur l'exercice des
fonctions de l'ordre judiciaire, est iiiadmissible par cela sen1 qu'iin
Etat bien constitué doit nécessairement isoler les différentspouvoirs
dont la réunion compose la sou\.eraiiieté. I~cs.é\~ocationsde causes
pendantes devant les tribunaux au Conseil di1 Prince, des instriic-
tions adressées aux tribunaux dans des affaires individuelles. cles
commissioiis spéciales, des délégations de pouvoirs, la réformation
par l'autorité siipr6me des arrêts reiitlus en dernier rcssort .... n-e
sont point indiquées par la nature du pouvoir souverain et sa

tendance naturelle ;ce sont des ressources auxquelles on se voit
contraint d'avoir recours lorsque les moyens naturels et simples
sont manqiiéset qu'on ne sait point en faire un usage convenable. >i
(Neyer, op. cil., pp. 117 et 118.)
De telles affirmations ne sont pas rêveriesde philosophes plus ou
moins renouvelées du passage célèbrede l'Esprit des Lois (livre SI,
chap. VI, édit. 1826, t. II, p.99) :K 11n'y a point de liberté si la
puissance de juger n'est pas séparéede la puissance législative et de
l'exécutrice. Sielle était jointe à la puissance législative, le pouvoir

sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge
serait lt5gislateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le
juge pourrait avoir la force d'un oppresseur. 1)- Les politiques [lui,
en France, il y a un pen plus de cent ans, s'efforçaient - à l'instar
de Tocqiieville et d'autres - d'instaurer définitivement le régne
universel de la liberté, n'ont pas peu contribué, eux aussi, à assurer
le trioinphc définitif de l'idéeque si la N justice >est une défense
admirable contre l'arbitraire des gouvernements, monarchies ou
démagogies n, cette défense même ne peut êtreassurée que par

l'indépendnizcedes nmgistrats rrtis eciL'abrides co?nplnisaibcesdégra-
dnittes>....
Peut-on vraiment croire que, dans les conditions gouverncnien-
talcs où se trouvait le Pérou, les juges y apparaissaient ces
servitezlrs de la loi que tous les juges, partout, doivent être ?1311
pourrait-il etre vraiment ainsi quaiid une jzlizte nzilitaire - aprCs
s'êtrehaussEe au pouvoir suprêmegrâce aux faveurs de la force
qui lui a permisderenverser legou\~ernernentprécédent,le27octobre
1948 - a cominencé,pour mieux asseoir son autorité,par proclamer

à son profit la coii!zisiondes poiiuoirs Iégislnfifet exécritif(décretdu
IO novembre 1948 confirmé par le communiqué officiel publié à
Lima le 6janxzier~gj~)?Puis, voici que, coup sur coup, se succédent
deux mesures par quoi est attesté sans répliquepossible leclimat qui 55 ANNESI~S AU JIÉXIOIRE COLOZIBIES (NO 15)

sévit au Pérouen ces heures pesantes. Le4novembre 1948.un décret
établit une Cotir litartinle pour juger sommai~e?~telnets responsables
des délits de rébellion, sédition et émeute, avec application de la
peiiie de mort (art.5) (cf. Rlémoirecolombien, p. 28). Lez décembre
1948, le gouvernement du généralOdria confirme le décret antérieur
de suspeusion des garanties constitutionnellt.s dans tout le terri-
toire de la République ...1).01% petit aisétttentilttaginàrqrielpoint
d'anitilrilationen est réduit,en de telles occzirrences,;bri?icipesacré
de l'indépendancedes jtiges, que ces juges figurent au siège de ces
Cours martiales instituées par le décret du 4 novembre 1945 et où
apparaît seulement l'élément militaire (cf. art. 3) tout dévouéau

- chef que le succèsa favorisé, que ces juges soient ceux de la juridic-
tioii effectivemeiit appliquée au réfugiéHaya de la Torre.
Mais, enfait, quelssont cesjuges ?- 11a étéfait état, du côtédu
Pérou, de ce que la juridiction dont de laTorreétait justiciable au
titre de la rébellion était conforme à l'organisation générale et
permanente du pouvoir judiciaire péruvien et sous le contrôh: de la
Cour siipréme. Peut-être importe-t-il d'y regarder de plus près et
de se demaiider si cette juridiction même, dans les conditioiis
présentes, offrc, eii fait, le caractère n'indépendancequ'oii doit
rencontrer chez le juge. l>e ce point de vue, une brève mais décisive
remarque suffira à établir la réalité.Inculpé du délit de rébellion,
le réfugiéHaya de la Torre, de par les articles du code périivieride

justice militaire,tombesous la compétencede la jgwidiclionmilitaire.
Or, dails l'orgaiiisation pénalede ce pays, en l'occurrence qui trou\.e-
t-on ?-D'abord le chef de zone militaire ou navale. Son rôle ? -
Faire la «dénonciation », surveiller la procédure, convoquer le
Coiiseil de guerre, s'il y a lieu...Qui est donc n ce fonctionnaire 11,
assimilable ail procureur général dans la procédure criminelle
française ? - Un homme subordonné, dans la hiérarchie militaire
ou navale à ce chef de gouvernement qui, ayant lui-mêmegrade de
géiiéral, apu, dans notre cas, vouloir et exiger que suite immédiate
fût doiinée aux poursuites contre le réfugié .... Comment en fût-il
allé autrement puisque, officier de l'armée de terre ou de mer, le

chef de zoiie tient son grade et son avancement de la volonté du
gouvernement qiii s'incarne dans ce général? ....Le juge d'instvztc-
tion ? - 1,'article 43 du Code militaire révèle qu'il est désigné
par le POUVOIR ~:XÉCUTIF> .fais qu'on ne l'oublie pas, le pouvoir
exécutif, en ces temps où, au Pérou, sévissait la confusion des pou-
voirs, c'était lajzirlte?nilitaireelle-même,c'est-à-dire 13réunion des
amiraux, généraux,colonels, lieutenants-colonels qui coiistituaient
l'appui et le soutien du a président de la Junte militaire 1,- En
préseilce de talit de «puissants >iet au lendemain d'événements
comme ceux qui se déroulèrent à Lima. le 27 octobre 1948, peut-on
vraiment faire fond sur l'indépendance avec laquelle serait conduite
« l'instructiono contre un adversaire politique ?...Quant au per-

sonneldes jriristes (persoitnlletrado) qui doivent exercer les fonctions
d'age)tts drr tsinistère ;bi~blic,il est lui aussi (art. 82 Code justice ANXEXES AU MÉMOIRE COLOlilBIEN (x' 15) 59

militaire) dans la totale dépendance de l'exécutif ....Des juges eux-
mêmes ilfaut évoquer l'image. Pour un civil (et c'est ici le cas), un
lieutenant-colonel, trois capitaines et trois lieutenants on sous-
lieutenants (art.65 du code précité) composentle tribunal. Tous,
bravessansdoute, sont façonnésau principe de l'obéissancemilitaire
totale et sans discussion. Est-ce donc là, nous le demandons, ce
« tribunal indépendant et impartial 11 qu'exige la rDéclaration

universelle des droits de l'homme >quand elle proclame en son
article 10 que chacun a droit, en pleine égalité,à ce que sa cause
soit entendue publiquement et équitablement,quand il s'agira de
décidersoit de ses droits et obligations, mais aussi n du bien-fondé
de toute accusation en matière pénale r? Quelle équité a-t-on,
partout, jamais pu espérer d'ennemis politiques mués en accusa-
ieurs et én juges

Il fallait r11~eler tout cela .... dénoncer ces vices et clamer les
anxiétésqu'elles font surgir dans l'affaire en cours ...Et puis voici,
enfin, qui couronne notre argumentation. On retrouve ici la
Déclaration universelle des droits de l'homme », ce texte qui,
depuis plus de deux ans, est plus qu'une annonce, qu'un souhait,
qu'une promesse, qui est un ensemble de prescriptions fondamen-
tales et obligatoires, au moins pour ceux qui ne rusent pas avec
les mots et ne s'efforcent pas, par une exégèsesans sincérité, de
revenir le lendemain sur ce qu'ils ont acceptéla veille. Son article XI

insiste sur le fait que toute personne accuséed'un acte délictueux
(a fortiori criminel) aura droit à ce que, au cours d'un procès
public, Rtoutes les garanties nécessaires à sa défense 1,lui soient
ciassurées n. La première, la plus indispensable de ces garanties,
ne tient-elle pas dans le libre clioix du défensez~rl,'ami et le confi-
dent, le dépositaire des secrets, des espoirs et des regrets, le res-
ponsable de la vie, de la liberté, de l'honneur de l'inculpé et de
sa famille ? - Fi des défenseurs désignésd'ufiçe dans le regard

desquels l'accuséne découvre pas le soutien mais croit apercevoir
l'alliéet de l'accusateur et du juge. Que de bouches se sont closes
devant ces a avocats en service commandé 11revêtusd'un uniforme
semblable à celui des membres du Conseil de guerre, et préféré
le risque de débats incertains à un aveu à quelqn'un qui n'avait
pas leur confiance parce que la désignation de ce quelqu'un était
issue d'un ordre ....Le Code de justice militaire applicable au
réfugiéde l'ambassade colombienne n'a pas (cf. art. 82) échappé

à la terrible tentation de juguler la défense en la remettant aux
soins d'un défenseurd'ofice qui comme tant d'autres êtres humains
aura a sa carrière à assurer 11.
En vérité, dans tout cela, une fois encore que deviennent et
«les principes généraux de droit reconnus par les nations civi-
lisées» et la 'morale elle-même?

C. - Car, en l'occurrence, la morale, alliéeet support du droit,
s'élèveen faveur de la Colombie contre la demande du Pérou qui
réclame le réfugié.60 ASSEXES .4U SIÉMOIRE COLO>IBIEN (NO 15)

Peut-être s'exclamera-t-on : « Pourquoi donc introduire la
morale dans ce débat ? Le droit n'a-t-il pas parlé ? Au surplus,
droit et morale n'appartiennent-ils pas à deux ordres différents
de règles sans rapports l'un avec l'autre ? »

Coupable erreur, en vérité,de penser ainsi. .4 ceux qui seraient
tentés de la commettre pouvonçnous rappeler ce passage de
l'Esprit des Lois de Alontesquieu (livre 1, chap. 1) : rL'homme,
comme êtrephysique, est, ainsi que les autres corps, gouverné par
des lois invariables. Un tel êtrepouvait à tons les instants oublier
son Créateur : Dieu l'a rappelé à lui par les lois de la religion. Un
tel êtrepouvait, à tous les instants, s'oublier lui-même :les philo-

sophes l'ont averti par les lois de la morale. )>D'autres après lui,
répétant l'aven, associeront intimement la morale et le droit des
gens. Au hasard de notre temps, voici des noms et des titres :
après Politis consacrant tout un livre à la Morale internationale
(édit. La Baconnière, 1943). c'est Régis Jolivet, doyen de la
Faculté (libre) de philosophie de Lyon qui, dans son Traité de

Philosofikie (IV, Morale, Lyon-Paris, 1949). consacre tout le
chapitre IV de sa troisième partie à la morale internationale. Au
lendemain de la première guerre mondiale, Olphe Gaillard écrivait
sa Morale des Nations (Paris, 1920), et l'éminent avocat du Pérou,
le professeur G. Scelle, sa Morale des Traitésde Paix. A la même
date, au tome 1 de son Traité, Fauchille produisait (p. 28) cette
affirmation péremptoire : «Il y a une morale internationale comme

il y a une morale individuelle. >IEn Italie, Fedozzi lui faisait écho
dans son Trattato di diritto i?zternnzionale. D. 22. al. 4. et allait

eux-mêmes ont du reconnaître son existence et sa force, tel AI.
Adams écrivant à Earl Russell le 26 janvier 1863 *. A son tour
le baron Beust écrivait au comte Metternich le 27 avril 1847 :

I(J'admets qu'en politique la morale n'ait point à régirla conduite
des cabinets comme elle doit gouverner les actions des hcimmes
dans la vie privée ;cependant, elle a des lois qu'on ne saurait
entièrement fouler aux pieds. a Sans doute, de la règle morale
l'existence s'avère parfois malaisée à prouver :Politis le constatait
quand il en plaçait la preuve et dans la constatation de son usage,

et plus encore dans la présomption de la conscienceque les Etats
civilisés ont de sa nécessité. Mais, quand on est sùr qu'elle soit,
sa force est indéniable. Le maître à l'instant cité,sans en dEclarer
les règles ià proprement parler obligatoires I>,a dû reconnaître
que a leur observation n'en est pas moins indispensable pour le
bon ordre, la paix et la prospérité dela communauté internatio-
nale D'autres, avec plus de raison, ont admis que la morale

--nditionne la règle de droit. Compatriote de Politis, Seferiades,
'Cf.Bruns, Fontesjr<risge+%tin,-2175,SérieB,Sect.1,tome 1,part.1fasc.2,
p. 96r.
Op. cit.p.70. ASSEXES AU ZIÉJIOIRE COLO3IBIES (s' 1j) 61

dans son Droit de la Paix ' n'a pas hésité à enseigner que : oPolir
qu'une convention piiisse être considérée comme de nature à
procréer des normes de droit international, elle doit réunir toutes
les conditions nécessaires à sa validité ; plus spécialemeiit », ajou-
tait-il, «elle doit êtreconforme aux règles suprêmesiml>osécspar
le droit naturel, c'est-à-dire la morale internationale II.

Et voilà abordée la question de l'étendue d'application qu'on
doit reconnaître à la morale internationale. 11n'est plus contesté,
désormais, qu'elle courbe sous sa règle ct les contrats que, de
Rays à pays, passent entre eux leurs nationaux, et ceux que les
Etats eux-mêmes concluent (de plus en plus souvent) dans le
cadre d'activités rappelant celles des particuliers, soit entre eus-
mêmes,soit avec les ressortissants de tel ou tel d'entre eux. Sans

distinction, le droit des gens actuel condamne les conventions
coiitrn bonos mores 2. xJamais », disait le juge Schücking (dans
son opinion dissidente sous l'arrêt de la Cour permanente de
Justice internationale le 12 décembre 1934: affaire Oscar Cliinn,
Série A/B, no 63, pp. 149-rjo). ala Cour n'appliquerait une
convention dont le contenu serait contraire aux bonnes meurs. »
Les traités eux-mêmesqui heurteraient la morale reiicontreraiciit
pour leur application et sa censure et sa condamiiatioii. Les lois

étrungères dont il ne lui est pas interdit de faire état coinine de
simples faits - si elles violaient les préceptes moraux reconnus
par les nations civilisées - ne retiendraient pas son attention :
comment en serait-il autrement alors que, depuis bien des temps,
la jurisprudence des tribunaux nationaux se refuse de donncr
effet, dans les limites de la souveraineté de leur Etat, à la loi d'un
pays qui se dresserait contre les principes essentiels de la morale ?

Sans qu'il soit nécessaire de multiplier les esemples, rappelons
à cet égard ceux que, pour l'Angleterre, on trouve relatés au
British Year Book of Internatio?zalLaw, 1931, p. IOO (Icaufman
v.Gerson, 1904. I. KU. 591. - Forbes a. Cochrane 1824, 2 B et
C 44S - Hendersoii u. Henderson 1844162 B 288). Puisqu'il en
est justement ainsi, la morale, s'il arrive qu'elle ait à condamner,
ne s'arrête ni à la qualité du sujet ni à la nature ni à la forme
de l'acte; n'y a-t-il pas lieu d'assujettir aussà ses coinmaridements

les manifestations de la vie diplomatique des États, leurs conver-
sations, leurs projets, leurs prétentions et lettrs deii~undeselles-
fiténzesc,ar c'est un des premiers préceptes moraux que 'la vérité
doive apparaître sans détours.
Venons au fait.
Ile quoi s'agit-il dans l'affaire en voie de discussion ? - Un
arrêt de la Cour a déclarécontraire à la Convention de La Havane

l'asile accordé par la Colombie à un réfugiépolitique péruvien
--cusé dans son pays de rébellion. A la suite de quoi, avec une
Rectiedes Corirde 1'Acuddniidc Brui< i,iieriiali15130.tome 1\'p.207.
Cf. Karl Riandncr,I'uctacorilvbonos niores inV~lhevvechl,dans Jnhrbtich
1937 füv Iionstilar<ihud~ri'IVionpp. 38 etsi.62 ANSEXES AU SIÉMOIRE COLOSIBIEN (NO 15)

insistance chaque jour plus pressante, l'État plaideur, nanti de
son titre, réclameà l'autre le soi-disant rebellequi prétendument a
tenté de renverser, le 4 octobre 1948, un gouvernement légalqui
fut, cil fait, renversé par la force des hommes qui aujourd'hui
exigent la remise du rebelleHaya de la Torre. Les faits ne sont-ils

pas clairs ?- Pas autant qu'ils enont l'air....Qui cst ce rebelle ? -
A Lima on répond: I<un révolutionnaire 11- Qiie veut donc cet
homme ? Quelles sont ses vues, son but, son c programme ID,d'où
vient-il ?où va-t-il ? II appartient à un pays de 7.o5o.000 habitants,
dont je ne voudrais pas hvoquer ici l'état social.
Xfaints esprits de la plus haute culture et de toute appartenance
en ont brossé le tableau : c'est un biologiste célèbre, Alejandro
Lipschutz, qui, dans son lix~reEl Endoamericanismo y el Pro-

blema Racial de las Americas lance ce cri tragique : K Le peuple
vit parce qu'il est mû par la volonté de durer qui est la forme la
plus profonde de l'espérance. » A son nom il faut ajouter ceux de
Gabriela Mistral (à qui fut décernéle prix Nobel en 1945) et de
Rfoises Saenz, qui conclut de toute cette misère :« L'Indien du
Pérou reste l'êtrele plus capable de se sauver ...lui-même. )i
Contre cet étatéconomiqtieet social de son fiays s'est, toute sa

vie- vie de lutteet d'apostolat -, élevé le réfugiéqu'on réclame
aujourd'hui à la Colombie sous prétexte d'exécuter un arrêt de
justice qui ne s'est pas prononcésur la manière d'y donner suite.
Le programme de cet homme tient en quatre points: IO action
collective des peuples latino-américains contre l'iinpérialisme:
2" unité de l'Amériquelatine ;3' nationalisation progressive de la
production de base ; 4' solidarité de tous les peuples opprimés du
moiidc. Le troisiéme de ces points - on a dit de ces postulats -

fait, ilfaut lereconnaître, deM.de la Torre un rénovateur dangereux.
En vérité,ce n'est pas le criminelfiolitiqzieque les autorités péru-
viennes réclament ;c'est le libérntewdu $aupérisme et de la misère.
Et du coup, derrière les motifs mis en avant se profilent les vrais
motifs de l'insistance péruvieniie.Ce sont ces motifs non avouésque
la moralecondamne,et c'estIci irnantreobstacle à cegale M. dela Torre
soit liuré.- Qu'on lenote bien :tout de suite, les préceptesmoraux
ici trouvent un alliédans un engagement, récent sans doute, mais

solennel et valable pour plus de cinquante nations :n'est-il pns
porté au Préambule du Pacte sorti des délibérations de San-
Fraiicisco : <Nous peuplcs des Nations Unies résolus .... (§ 4)à
favoriser le progrès social et instaurer de meilleures coiiditions de
vie Uans une liberté plus grande w? - Le réfugié à l'ambassade
de Colombie a fait sien ce programme. En le livraiit à une justice
de N lendemains de coup d'État >Ifavoriserait-on la réalisation des
espoirs dont Dumbarton Oaks fut le dépositaire ?....On ne libère

pas les peuples du malheur et de la crainte en sacrifiant ceux qui
les en veulent tirer.
D.'- Une ultime raison interdit que l'arrêtdu 20 novembre 1950
soit exécutéde la manière que le Pérou poursuit, c'est-à-dire la ASNEXES AU JIÉYOIRE COLO>lBIES (sO 1j)
63
~emise, à ses autorités nationales, de k1. de la Torre. Dans son cas

il y a plus que le drame d'un homme guetté, traqué depuis
plus de deux ans, dans un lieu d'asile qu'entoure la troupe et que
.coiitrôle, de jour et de nuit; l'armature policièredes autorités péru-
viennes. 11convient de n'en êtrepas étonné: dans le climat ethnique

et politique, traditionnaliste et sentimerital, ?ila fois, oùIIl'affaire»
se place, il était inévitablequ'elle eût sa répercussionimmédiatesur
l'ordrepublicinternational,sur lapaix etla tranqt~illité internationales,
ces constructions encore si fragiles,encore qu'elles fassent, à chaque
.étapedu Pacte de l'O. N. U., l'objet de sa constante préoccupation.

La communauté des nations est une vaste demeure où de la paix de
.chacun dépend la paiv de tous les autres. De cette vérité, qu'on
s'efforce- en nos heures d'anxiété - de faire passer dans la réalité,
Suarez. n'avait-il pas, il y a plus de quatre cents ans, la révélation
.quand il enseignait aux clercs de Grenade, de Valladolid et de Sala-

manqi~e que ciquels que soient les peuples et les royaumes entre
lesquels elle se partage, la race des hommes présente une certaine
unité et que la loi d'amour et de pitié commande ce précepte B à
tous applicable. Quatre siècles après, de fait, n'a-t-on pas vu

l'O.X. U. - en ces dernières années - se pencher en Europe et
tour à tour sur l'affaire de l'enlèvement des enfants grecs, sur la
.question espagnole, avec certains aspects sousjaceiits intéressant la
.condition humaine, sur l'exécution des traités de paix par tel ou
tel pays de l'Europe danubienne ou du Proche Orient ?En Afrique

du Sud, le traitement des Hindous dans le grand Comriionwcalth du
Cap, en Asie le traitement infligépar l'Hindoustan et le Pakistan à
leurs minorités resl~ectives (autant que les problèmes territoriaux
entre ces deux pay.ç)ont provoqué à Lake Successplus d'un pesant
souci. - Conviendrait-il donc que, pour un geste intéressant un

homme - uii seul homme-,soit ailleurs menacéecette tranquillité
intérieure des États, élément indispensablede la paix extérieure ?
Sans manquer à la déférencedue à une Cour où sont réuniesles
plus hautes sommités juridiques du monde, ne peut-on pas la prier
d'envisager les répercussions que ne manquerait d'entraîner pour

l'ordre pi~bliccotifinenlalde toute l'Amériquelatine une décisionqui
confondrait l'exécution de l'arrét du 20 novembre 1950 avec la
remise au Pérou de M. Haya de la Torre ? On ne croit pas lui
demander de sortir de son rôle en remarquant à quelle intensité
d'émotion l'opinion ;bzlbliqzce de tous les pays latino-américains a

&tédéjà portée,là-bas, par les aspects, de ce qu'on y appelle l'afaire
di^droit d'asile. En Uruguay 1,en É<luateur 2,en Bolivie =,au Nica-
ragua au Criatemala 6,au Salirador 6 au Mexique ', la presse s'est

'Voirlejournal Acciotr du21novembre iosoet le journal El Deboie du 3décem-
bre ,950. ~.
2\loile journalEl Ecuolmione du 24 novembre 19jo.
3 u n D i-ISig10du 27 novembre 1950.
r u a Fle'lccnu 2j novembre 1950.
+ D a Diario de la Havane di122 novembre rgjo.
i i r Tribiinalibre d21 novembre ,950.
n v u Excelsiordu 29novembre ,950.64 ASSEXES AU IIÉXOIRE COLO>IBIE:: (s" Ij)
fait l'échode la co~isciencede tout un continent et a défendu la

« tradition américaine 1) en faveur du K droit d'asile intégral ».
Qu'on ne dise pas :« ce sont là articles de partisans >i- La passion
politique, les préjugésnationaux n'y tiennent pas de place, même
quand les plus véhémentsd'entre eux se laissent aller, trop à la
légère, à émettre le vŒu que soit crééeune Co~irde Justice inter-

américaine '.Pour constituer de véritables dissertations juridiques 2,
plus d'un de ceséditoriaux n'en témoignepas moins d'un bouleverse-
ment profond de l'esprit chez leurs auteurs à la seule penséequ'à la
suite de l'arrêtdu 20 iiovembre I'asilépuisse étrelivréà son gouver-
nement. Ainsi déclanchédans la presse le mouvement pour le droit
d'asile et de la Torre - qiii ne font plus désormais qu'un tout-se

poursuit dans des interviews 3, dans des conféreiices 4, dans des
n apl~elsà l'Amérique 1)5...Tout cela n'équivaut pas au calme et à la
tranquillité. Que serait-ce s'il advenait qu'une nouvelle décision de
la justice internationale, mise en face du dilemme qu'olle est
aujourd'hui appelée à trancher :cirendreou ne pas rendre le réfugié a

se devait prononcer pour la restitution ? Il faut y penser: au Pérou
mêmel'ordre interne en serait perturbé. Pourrait-il en aller autre-
ment quand les quatre cinquièmes de sa population suivent le chef
de 1'Apra?Grave et pressant se révèlele risque. - Il n'intéressepas
le seul Pérou. L'histoire l'enseigne : la flamme des révolutions se
propage avec rapidité, et l'on a rarement vu ces dernières iie pas

avoir pour suivantes la guerre civile ou la guerre internationale.
Qii'en conclure, sinon qii'aii Plomde I'ordvefizrblicdes véfizibliqlied se
~ q e latine - pièce indissociable, rél~étons-le,de l'ordre
piiblic universel - M. de la Torre rie saurait êtrelivré ?
bfbrnesi d'aussi désastreusesconséquencesd'une décisioncontraire
à celle attenduede la Cour ~~oiivaicntêtreévitées,on doit êtn:d'ores

et déjàassuréque I'Orgroiisalio>d tes Nations U?~ies elle-mêmes'en
trouverait diminuée et affaiblie. On verrait les pays de I'Ariiériqiie
latiiie se détacher de cette Organisation, et, répudiant soi1principe
de base-celui de I'univers?lisme- se retrouver interse au sein des
jeunes organisations des Etats Américains ....Au lendemain de
la seconde guerre mondiale, or1 rêva d'une humanité unie, enfin

<lélivréedes «indicibles souffraiices I) des luttes fratricides B.Par
une atroce ironie du sort, et comme si une fois encore Sataii menait
le bal, l'année 19j1 s'est levéesiir un monde profondémeiit, violem-

'Voir Ic iaurnal ElEciinloriniie 24inovembre Is50 isousle titrc Amcricay

justicedu Guatemala.
'P. ex.conf6rence de Carlos Bellini Shaw (l'auteurDere~lide Asilo. Buenos-
Aires. 1937).
P.cx. <Appel des citoyens boliviensi I'.&mériquseur ldecHaya dc laTorrc8,
du 1jdécembre rggo.
aCf. Charte des Xatians Unics. Priambile, alinéI. AXSEXES AU YEZIOIKE COLOMBIES (NO ~j) 65

nient, divisé. Aux approches du 38' parallèle l'Asie et l'Europe
s'affrontent ;cil Europe le bloc de l'Est et le bloc de l'ouest s'ol~ser-
vent l'un l'autre; en Allemagne, face !I l'Allemagne de 130ni1,il y a
l'i\llemagnc de Berlin ...Acceptera-t-on d'intensifier le morcellement
et de jeter les nationslatino-américaiiics dansun autre isolationisrne
parce que l'une d'entre elles s'obstiiie à réclamer pour sa justice
vindicative un réfugié politique vaincu dans une lutte inégale ?
Potir tant de raisons le réfzigié d L'ambassadede Colombie ù Liiiin
rie doit fins êlrelivré: ù ce faire ily a imfiossibilitéde ficirle droit

ir~fernatiorzalfiositif, Les firincifies géxérauxdzi droit, la morale
iriterizatioizale,le texte et les buts de la Charte2'0. N. Ci.

III. - Puisqu'il en est de la sorte, quelles suites attacher à l'arrêt
du zo novembre, qui a déclaréet I'asilcmal fondéen droit et l'inap-
titude du Gouvernement colombien à obtenir du Gouvernement de
Lima un sazlf-coltdzritau bénéfice de hl. de la Torre pour qu'il puisse
quitter, sain et sauf, l'ambassade et le territoire du Pérou ?

A. - Un fireniierfioint nous fait retrouver ici la jurisprudence sur
la restitzitio in integrzim dont il a étéfait état plus haiit. sSi la
restitzitio n'est pas possible>I(et on vient de dfmontrer qu'clle ne
l'est pas),dans son arrêt no 13 la Cour permanente de justice inter-
nationale a dit : opaiement d'une somme correspondait à la valeur
au'aurait la restitution en nature >i'.On ne saurait vraiment nas faire
état de cette formule dans notre cas, oii il ne s'agit pas de réparer
un dommage matériel .... De quoi le Pérou se plaint-il ? - De ce

que la Colombie ait cédé à un geste (l'humanitéet indûment accordé
l'asileà un homme que le Pérou entend, envers et contre tous,
capturer. A cc préjudice immatérieldoit corrcspondrc une <[.répara-
tion »du mêmeordre. Laquelle ?...La jurisprudence la plus récente
de la Cour internationale de Justice nous fournit la réponse dans
son arrêtagaire dti canal de Corjo~i(fond) di19 asril 1949.
11n'est pas nécessaire de revenir longuement ici sur des débats
présents à la mémoire de tous. De l'aflaire canal de Corfoti nous
retiendrons seulement et les faits avcc lesquels - mzitatis mzitandis

- notre cas rlzidroit d'asile présente une analogie frappante,et les
motifs les plus saillants de la Cour et la dernière partic du dispositif
de l'arrêt. Rappelons qu'outrc Ic passage des navires dc guerre
britanniques, le zz octobre 1946, la deuxième question du compromis
c inettait >en cause les actions de la marine de guerre britannique
dans les eaux albanaises les 12 et 13 novembre 1946 Il s'est agi,
dans la circoiistance, de l'opération de déminage qui, dans la
procédure a étédésignéepar les parties sous la dénomination

<<Operation Retail 1).Cette opération K exécutéecontre la volonté
clairement exprimée du Gouverncmcnt albanais 1)constituait un
manquement ail respect de la soii\wraineté territoriale que les États
--
'Cf. p. 54.
Cf. amèt dg avril1949 (fond). 33.66 ASSESES AG LIÉXOIRE COLO>IBIEX (sa 15)

se doivent et qui, a dit la Cour, aest l'une des bases essentielles des
rapports internationaux II;il y avait « violation par l'action de la
marine de guerre britannique de la souveraineté de l'Albanie 1).
Xotons qu'en l'espèce le manquement au droit des gens était
d'autant plus grave que la règle de droit ne supportait aucune

discussion. ...
Quelle a étéla décisionde la Cour ? - La Cour a déclaréque la
Grande-Bretagne avait méconnu le droit en vigueur ' ; après quoi,
elle a ajouté que K cette constatation par la Cour IIconstituait une
iiSATISFACTIOS APPROPRIÉE ...1).
Refuserait-on de reconnaître la valeur de ce précédent dans
l'affaire qui nousest soumise ?Faisons le point : a)ily a impossibilité
d'exécuter l'arrêtde la Cour du zo novembre 1950 par restitution de

I'asilé; b) cependant. l'arrêtconstate, avec forcc de chose jugée,
que, dans les coriditioris où l'asile a étéaccordé (conditions qui sont
loin d'avoir la gravité de celles de l'affaire de Corfou). il y a eu
méconnaissance de la portée attribuée à la Convention de La
Havane ; c) pour le Pérou, cette constatation de la Cour doit
constitiier une isatisfaction appropriée i,.

B. - Un secondfioint est à examiner : qucl sort doit donc être
fait au réfugié de l'ambassade de Colombie à Lima ?
En droit, la réponse à cette question nécessite qu'on rapproche
et le paragraphe unique de l'article 7 du Protocole de Rio-de-Janeiro
du 24 mai 1934 et les principes généraux dudroit international sur
l'étendue des pou\.oirs qui caractérisent les organes de la justice

internationale.
Le Protocole de Rio envisage le cas où les parties n'arriveraient
pas à un accord entre elles-mêmes pour réaliserl'exécution d'une
sentence une fois prononcée ;précisément,c'est le cas dans l'affaire
en cours. - En vue de cette hypothèse, à Rio, les parties ont
d'avance attribué à la Cour permanente de Justice internationale,
dont la Cour internationale est le prolongement, aen plus de sa
compétence ordinaire, les facultésnécessairesfiozlrrendre efective In

sentence oii elle aurait dhclaré le droit d'une des H. P. C. r.
Dans semblable rédaction, on ne peut plus large, la Cour actuelle,
qui ne procède pas autrement que sa devancibre, trouve l'aptitude
à amplifier ce rôle juridictionnel qui consiste, à l'occasion d'un
litige entre États, à dégager avec force obligatoire la règle appli-
cable, et à dicter aux parties la ntanièremênte d'exécuterla décision.
Au reste, mêmedans l'exercice habituel de sa compétence, n'est-ce

pas ce que fait la Cour quand, à propos de la réparation, elle fixe à
l'occasion et les délais de son accomplissement, et la nature des
espèces à remettre en paiement de l'indemnité, et simplement
l'acte matériel à exécuter, par exemple dans l'affaire des Zones

'L'arrêtportc (p.36):u dit que...le Royaume-Uni a viol6 la soiivcrainrie
la Republique populaire d'Alban...a. ASXEXES AU NÉXOIRE COLOMBIEN (sO 15) 67
franches le recul des postes de douane, à tort avancés jusqu'à la
frontière politique, à l'ancienne ligne douanière. Au contact de ces

vérités,on ne doit pas s'étonnersi des parties ont, dans le Protocole-
de Rio, donné une formule très étendue à son paragraphe unique.
Les mots facultésnécessairespoz~rrendre effectivela sentencesont
le prolongement direct et ultime de la compétence juridictionnelle
de la Cour. L'erreur de droit serait grave de prétendre limiter cette
compétence aux seules questions d'interprétation des traités, aux
points de droit international, à la réalitéde tout fait qui, s'il était
établi, constituerait la violation d'un engagement international ;
à la nature ou à l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un

engagement international, toutes questions dont parle - à propos
de la « clause facultative ,> - l'article 36, alinéa z, du Statut.
D'abord et avant tout, c'est l'alinéa I de cet article qui s'impose
à l'observation :or, en vertu de ce texte - dont les termes sont
on ne peut plus catégoriques -, la coml~étence(juridictionnelle)
de la Cour «s'étendà toutes les affaires que les parties lui soumet-
tent, ainsi qu'à tous les cas spécialcinent l~réviispar la Charte des
Nations Unies Ou DANS LES TRAITES ET COII\'ENTIONS EN VIGUEURn.
Au nombre de ces «traités et conventions en vigiicur i)compte le
Protocole de Rio, avec son paragraphe unique et son contenu

attribuant à la Cour Rles facultés nécessairespour rendre effective
la sentence là où elle aurait déclaréle droit io.On ne-voit pas com-
ment la Cour pourrait écarter de son activité une mission aussi
confornie à l'articl36, alinéa I,de son Statut. A la requêtede la
Colombie tendant à ce quela Cour détermine la manière d'exécuter
l'arrêtqu'elle a rendu le 20 novembre Igjo, on n'aperçoit aucune
possibilité d'exception d'irrecevabilité.La Cour doit accueillir la
requête et dégager une solution définitive du litige, en tenant
compte et du droit telqw'ellel'adéfinidans son arrèt du 20 novembre

1950 quaiid elle a déclarél'asile illicite, mais aussi du droit qui,
comme cela est ressorti de notre exposé, interdit de restituer le
réfugié à l'État péruvien. Ainsi sont acquises les deux bases de la
décision attendue de sa sagesse : IO l'asile ne peut durer ;2" il ne
peut cesser par la remise du réfugié à son gouvernement qui le
réclame.
C'est vers la remise à un tiers qu'il faut penser. Non pas à un
particulier certes, mais à un organisme international qu'il est aisé
de découvrir. Par l'émotion qu'elle a suscitée ailleurs mêmequ'en .
Amérique, s l'affairedu droit d'asile » intéresse plus qu'un conti-

nent ; par le drame humain qu'elle évoque,elle tombe sous le coup
du chapitre 1 (Buts et Principes), article1, chif. 3, de la Charte des
Nations Unies où, parmi tant de tâches assignées à l'Organisation,
figure la mission de ((réaliser la coopération internationale en
résolvant les problèmes internationaux d'ordrr. économique, social,
intellectuel oz1hz~manitaire ...». Sur beaucoup de ces problèmes,
ou de ces cas, l'O.N. U., ou tel ou tel de ses organismes, se sont
déjàpenchés. Les souvenirs et les titres, hélas,abondent. Tragédies6s ASSESES AU &~É)IOIRE COI.O\IBIEN (NO 15)

collectives, jusqu'ici de la guerre, de la révolution, des persécutions
idéologiques,raciales, culturelles ....Un cas individz~elserait-il donc
indigne de la sollicitude officielle?
D'un des organismes à l'instant évoquésen particulier, l'éloge
n'est plus à faire. 11 a droit à ce qu'oii le nomme et qu'on pense à
loi à l'instant où le cas de la Torre va trouver son épilogue ; il
s'appelle : xl'Organisation internationale des Réfugiés ».

On doit y insister: à le prendre tel qu'il est, le Statut généralde
l'O. 1. R. ne lui offrepeut-être pas la possibilitélégalede prendre
en charge une personne qui ne tombe pas sous la définition des
termes <réfugiés 11 et e persoiines déplacées >I qu'en donnent les
sections A et B de la première partie de l'annexe 1 à l'article IS du
Statut. Mais on ne doit pas l'oublier: les lois de l'humcrnité -
au sein mêmede la guerre sont appelées à jouer un rBle supplétif
de la législation internationale ; l'avant-dernier y~aragraphe du

Préambule des deux Conventions de La Haye de 1899 ct de 1907
l'ont rappelé en termes solennels. N'est-on pas fondé d avancer
qu'au nom de ces mêmes lois,et parce que dans al'affaire du droit
d'asile la conscience pz~bliqtie 11de tout un continent l'exige, on
puisse donner une interprétation extensive aux compétences d'un
organisme international tel que l'O. 1. R. ?
Que la Cour décideque M.de la Torre soit remis à cet organisme ;
que l'O. 1.R. assume son départ et de l'ambassade de Colombie, à
Lima, et du pays où il mena la lutte pour l'émancipation sociale.

Que 1'0. 1. R. veilleà sa I<réinstallation »en quelque terre lointaine :
le droit et la justice pourroiit se dire satisfaits !

Paris, 31 janvier 1951.
(Signk) At. SIWERT. ANNEXES AU >IÉAIOIRE COLOYBIES (NO 16) 69

Annexe 16

CONSULTATION DE GEORGE A. FINCH ', \VASHINGTON, D.C.

Cette affaire a fait l'objet d'un arrêt de la Cour iiiternationale de

Justice rendu le 20 novenibre 1950 (cf. C. 1. J. Rapports, p. 226). I'oici
les faits tels qu'ils sont établis par cet arrêt.
Le 3 octobre 1948. une rébellion militaire éclata au Pérou. Elle fut
étoufféele meme joiir et des recherches furent aussitbt effectuées.
Le 4 octobre, le l'résident de la République prit un décret dont cer-
tains articles accusaient un parti politique, « I'.4lliarice révolutionnaire
du Peuple américain in,d'avoir organisé et dirigé la rébellion. Le mêiiie
décret disposait, par suite, que ce parti s'était iiiis hors la loi, qu'il lui
ser;iit désormais interdit <-l'exerceraucune sorte d';ictivité et que ses

cliefs seraient traduits en justice devant les tribunaux nationaux,
comme instigateurs de la rébellion. Simult:inémeiit, le chef du départe-
ment judiciaire de la Marine rendait une ordoiinarice demandant au
magistrat chargé de l'iiistriiction d'ouvrir immédiatement une enquête
sur les faits constituant le crime de rébellion militaire.
Le j octobre, le ministre de l'Intérieur adressa ail ministre de la
llarine une cinote de dénonciation iicontre le chef <-lel'Alliance révolu-
tionnaire américaine, Victor lia61 Haya de la Torre, et contre.d'autres

menibres du parti considéréscomme responsables <le la rébellion.
Cette e dénbnciation u fut approuvée ie mêmejour par le ministre
de la Marine, et, le 10 octobre, par le ministère public qui déclara que la
qt~alification du crime, h propos duquel.on engageait des poursuites,
était la rébellion militaire.
Le II octobre, le magistrat chargé de l'instructioii rendit une ordoii-
nance portant ouverture de poursuites judiciaires contre Haya de la

Torre, ainsi que contre d'autres individus iieii égard au crime de rébel-
lion militaire dont ils étaient accusés par la idénoiiciatioii ni,,et le
25 octobre il ordonria l'arrestation des individus R dénoncés ii qui
n'étaient pas encore déteniis.
Le 27 octobre, une junte militaire fit un coiip d'litat et s'empara du
pouvoir suprême. Cette jante militaire gouverrieineiitalc institua, par
un décret du 4 novembre, des cours martiales pour coiinaître des affaires
de rébellion, de séditioiiet d'émeute. Une procé<luresommaire, de courts
délais et de lourdes' pénalitks sans appel étaient prévus.

Ce décret ne fut pas appliqué aux poursuites judiciaires engagées
contre Haya de la Torre et les autres. Elles continuèrent à relever de la
niême juridiction que précédemment.
Le 13 novembre, le chef du service <-I'In\,estigatioiiet de Surveillance
notifia au magistrat chargé de l'instruction que Haya de la Torre et les
autres restant introuvables, ils n'avaient pu êtrearrêtés. A la mêmedate,
--
1 Membre du Barreaudu Ilistrict de Columbia, Washington, D.C., et de 1'Asso-
ciation <lu Barreaii américain ;proiesseur de droit international à I'Écolc des
Affaires etrangères de I'Universide Ceargeto\i.n: pr6sidçride 1'Academie inter-
amfricaine de droit international; r6dacteur en chef du Journal americain de
droit international. memhrc de l'Institut de droit international; membre du
Conseil cwécutifde l'Institut americain de droit internatio:amembre du Comitd
consultatif des recherches de droit internationai l'École de droit de Harvard;
ancien directeur de lu Section de droit international de la Fondation Carnegie
pour la paix internationale : membre du Curatorium de I'hcadémie de Droit
international de La Hayc.
6.le magistrat chargéde l'instruction rendit une ordonnance requérant par
sommation publiclue N les accusésdéfaillants » - Hava de la Torre et
les autres-de si présenterau bureau du magistrat chargéde l'instruc-
tion pour y répondre de l'accusation portée contre eux <Idu crime de
rébellion militairen. La sommation fut publiée dans la cGazette offi-
cielleiidu 16 novembre et des deux jours suivarits.
Haya de la Torre ne se présenta pas comme il en était requis par la
sommatioii ~ubliaue et aucune autre mesure lie fut mise contre lui.
Le 4 octobre, le'lendemain de la rébellionmilitaire, l'état <lesiègefut
proclamé,suspendant certains droits constitutionnels. Cet état de siège
fut prorogélès 2 novembre et 2 décembre rgqS, puis le 2 janvier I~&.
Le 3 janvier 1949, Haya de la Torre demand? asile à l'ambassade
de Colombie à Lima. Le lendemain, I'ambassadeur de Colombie envoya
une note au miiiistre des .Affairesétrangèreset des Cultes publics du
Pérou l'informant qu'asile avait étédonné à Haya de la Torre et lui
demandant de donner des ordres en i-ue de l'établissement du sauf-
conduit nécessaire <afin que le sieur Haya de la Torre puisse quitter
le pays avec toutes les facilitésattachées au droit d'asile diplomatiqueP.
Le 14 janvier, l'ambassadeur enroya au ministre une seconde note
pour l'informer que le Gouvernement de Colombie avait accordé au
sieur Haya de la Torre la qualité de réfugié politique.
Le Gouvernenieiit du Pérou refusa de délivrer un sauf-conduit à
l'effet de permettre au réfugiéde quitter le pays, et le sieur Hayri
de la Torre est restédans l'enceinte de l'ambassade de Colombie à Lima.
Par lin accord d'amitié signé à Lima le 31 aoiit 1949, les deux
gouvernements conviiireiit de soumettre le différend à la décision de
la Cour intcrriatioiiale de Justice.
Dans son arrêt du 20 novembre 1950. la Cour internationde de
Justice a rendu, sur les coiiclusions des Parties, les décisions suivantes:
1) La Colombie, en sa qualité de nation accordant l'asile, ii'a pas

le droit, par une décision unilatérale et définitive, obligatoire pour
le Pérou,de qualifier la nature de l'infraction doiit le réfugiéest accusé,
à savoir, de déclarer que cette infraction est d'une nature politique
propre à justifier l'exercice du droit d'asile diploniatique.
2) Le Pérou, en sa qualité d'Etat territorial, n'est pas tenu de donner
les garanties nécessaires pour permettre au réfugiéde quitter le pays.
3) La concession du droit d'asile par l'amb;issndeur de Colonibie
à Lima ne coiistitiie pas une violation de l'article sur le droit d'asile
de la Convention de La Havane de 1928. lequel interdit de donner
l'asile aux individus accusésde crimes de droit commun.
4) L'octroi, par le Gouvernement colombien, de l'asile au réfugié.
n'a pas étéfait en coiiformité de l'article susdit de la Convention de.
La Havane de 1~28, lequel dispose que l'asile ne peut êtreaccordé
aux délinquants politiq;es que dans' les cas urgeRts, et seulement
pour le délai strictement indispensable à l'individu qui a demandé
asile pour assurer sa sécuritépar un autre moyen.
Lorsque la Cour internationale de Justice rendit son arrêt le
20 novembre ~gjo, le Gouvernement colombien demanda une inter-
prétation des points suivants :
Premier $oint. La qualificationdonnéepar l'ambassadeur deColombie à
Lima à l'infraction attribuée au sieur Haya de la Torr- savoir qu'elle
étaitune infraction politique- était-elle correct? Dans cecas,acquiert-
elle, du fait de sa confirmation par la Cour, une valeur juridique ' Deuxième point. L'arrêt signifie-t-il que le Gouvernement .péruvien
n'est pas en droit d'exiger la remise entre ses mains du réfugiépolitique

et que le Gouvernement colombien n'est pas tenu de le livrer, même
s'il lui en est fait rc<]u&te?
Troisième point. Ou bien la Colombie est-elle tenue de livrer le
réfugiéaux autorités péruviennes, mênie si ces dernieres n'en font
point la demande ?

Dans un arrêt rendu le 27 novembre 1950 (C. 1. J. Rapports 1950,
p. 395), la Cour internationale de Justice jugea que son précéderit
arrêt du 20 novembre ne conférait aucune valeur juridique à la quali-
fication de l'infraction ilai l'ambassadeur de Colombie à Lima, Doiir
la raison que ce point'ii'avait pas étésoulevé (Inns les conc1u;ions
du Gouvernemeiit colombien.

rCes conclusions demandaient à la Cour de se prononcer unique-
ment sur la question posée en termes généraux et abstraits, de savoir
si la Colombie - eii sa qualité de pays accordant l'asile - &tait
compétente pour qualifier l'iiifractioii par une clécisioniinilatérale et
défiiiiti\.e, obligatoire pour le Pérou.ii

Comme il a été indiqué ci-dessus, la Cour, dans son arrêt du
20 iiovembre, décida que la Colombie n'était pas en droit de qualifier
uiiilatéralement l'iiifraction.
'l'oujours en réponse à la première question posécpar la Coloinbic,
quant à l'interprétntioii dc l'arrêt du 20 noveiiibrc, et se référant
aiix coiiclusions du Gouvernemeiit péruvien, fondées sur la prétendue
\~iolatiori de l'article de In Convention de La Havanc, qui interdit
de donner asile ails pcrsoiiiies accusées de crime de droit cominuii,
la Cour précisa, le 27 iiovembre, qu'il avait étéjugé par elle que la
preuve d'une telle violation n'avait pas été rapportée par le Gouver-
nement péruvien.
En réponse aux questions de la Colombie coiicernant la remise du

réfugiéentre les mains du Gouvernement péruvien, la Cour déclara
que son arrêt du 20 noveinbre ne décidait en aucune façon de cette
matière, car celle-ci avait été laissée complètemeiit en dehors des
coiiclusions des Parties. En considération de cc qui vient d'êtreexposé,
le Gouvernement de Colombie a saisi la Cour internationale de Justice
d'une nouvelle démarche à l'effet de faire jiiger si, oui ou non, la
Colombie est obligée de livrer le sieur Haya de la Torre aux autorités
péruviennes. La questioii sur laquelle la Cour aura à se proiioncer
est formulée ainsi par la nouvelle demande de la Colombie :le fait
que la Cour a jugé, dans son premier arrêtdu 20 novembre, que l'asile
n'a pas étéaccordéen conformité de l'article 2, alinéa z (premièrement),
de la Convention de La Havane, met-il la Colombie dans l'obligation

de livrer le réfugié?
La réponse à cette question implique une interprétation des dispo-
sitions invoquées de la Convention de La Havane de 1928 sur le droit
c1':isile.II est donc opportiin de rappeler le texte de ces dispositions.
<iArticle I. - II n'est pas permis aux ctats de donner asile
dans leurs légations, leurs navires de guerre, leurs camps ou leurs
avions militaires, à <les individus accusés de crimes de droit

commun ou condamnks de leur fait, ou à cles déserteurs de l'armée
ou de la niarine.72 AFNEXES AU MEMOIRE COLO~\IBIEN (NO 16)

Les individus accusés de crime de droit commun ou condamnés
de leur fait qui se réfugieront dans l'un quelconque des lieux
énumérés par le précédent alinéas,eront livrés sur la demande
du gouvernement intéressé.

Article 2. - L'asile accordé aux délinquants politiques dans
une légation, un navire de guerre, un camp ou un avion militaires,
sera respecté, en tant que droit ou du fait de considérations
humanitaires, dans la mesure où le permettent les usages, les
conventions ou Ics lois du pays qui donne asile, et à condition
de satisfaire aux dispositions suivantes :

Premièretnent : Asile ne peut étre donné que dans les cas urgents,
et pour la période de temps strictement nécessaire à l'individu
qui a demandé asile pour assurer sa sécurité partout autre moyen. »

LE DROIT D'.~SILE DANS LE DllOIT DES GENS

Le droit d'asile est reconnu.sous différentes formes, par à peu près tous
les pays qui se prétendent civilisés.C'cst unc institution d'origine antique.
Avant l'ère chrétieniie, elle était pratiquée en Chine au profit aussi
bien des rebelles,que des princes légitimesqui fuyaient leur propre pays '.
Elle existait en Egypte, en Grèce, en Israël et dans tout le monde antique.
Elle était en honneur dans l'Europe féodale,dans le château ou dans la

Cour du Seigneur.
Un décret du Concile dc Tolède proclama que celui qui se réfugiait
dans une églisedevait jouir de l'immunité.
L'éminent auteur dont l'ouvrage est cité ci-dessous %,ancien juge à la
Cour permanente de Justice internationale, explique aussi sque ce droit
était le produit naturel des circonstances parmi lesquelles il a pris nais-
sance ...n.

Le droit de vengeance privée était pleinement reconnu. II n'est rien
d'étrange à ce oue. daiis un régime si entièrement fondé sur la loi du
talion, ïes seritihents de religionuet d'humriiiité,aussi bien que la justice,
aient inspiréla découverte des moven. Dro..esà échapperà AAtte violence
indiscriminée.
L'institution a prrsisté jusque dans les temps modernes. Elle a été
pratiquée par les Etats européens et mahométans depuis les temps de
Hugo Grotius jusqu'au xsnlc siècle

Elle est inhérente aux pratiques et aux déclarations des fitats consti-
tutionriels modernes qui trouvent leur fondement dans les droits naturel:
de l'homme et qui offrent des Iiâvres de refuge à tous ceux qui sont
persécutés etopprimés ail iiom de leur race, de leurs croyances religieuses
oii de leurs opinions politiques.
1-'expression la plus remarquable de cette 'politique dans les temps
récents fut le us du Gouvernement nées\andais, en 1920, d'accéder à

la demande des Alliés et des Puissances associées que leur fiit livré
I'emnereur d'Allemaene. Guillaume II.Le Gouvernement néerlandais fit
valot que la ~ollande avait toujours été c considéréecomme un refuge
par ceux qui avaient étévaincus dans des conflits internationaux n et

1 Ciiinese Interstnfe I+zfeucoz<reatore 700 B.C., par Roswell S. Britten.-
Amevican Jortrnol O/International Law, Vol. 29, p. 630.
2 John Basset Moore, Digest of Infernafional Law.Vol. II, p. 756.
8 Cf. hloore.op. cif..';nruii;nof Arylum in Ewrope.Vol. II. p. 766. ASNESES AU JIEZIOIR COELO~IBIES (NO 16) 73

qu'il ne pouvait trahir la confiance de ceux qui avaient eu foi eii ses
libres institiitionn '
Nêmeavec le développement du régimemoderne d'extradition inter-
nationale, qui assure la remise [les individus accusés oii convaincus
d'infractions crimiiielles, les crimes de nature politique sont universelle-
ment exclus,des obli~ations que font naître les traités *.
Certains Etats d'lCuropc et d'Aniérique du Nord - forts de leur
confiance absolue dans la perfection d'un ordre juridique iiitcrnc, propre

à rendre, en toutes circonstances, une justice équitable, forts d'une
confiance.égale dans la stabilité éprouvéede leur réginie politique -,
certains Etats d'Europe et d'Amérique du Nord ont niaiiitenaiit décidé
d'abandonner la pratique du droit d'asile. Cette décision ne peut avoir
d'effet juridique, sinon dans les rapports de ces nations entre elles.
D'autres pays- moins sîirs de la perfectioii de leur ordrejuridique ou
de la stabilité de leur régime politique - refusent d'abandonner la
pratique du droit d'asile, pour des raisons morales ou humanitaires. Dans
ces pays, le droit d'asile conserve sa valeur juridique parmi l'ensemble

des règles qui gouvernent leurs relations internationales. Ce principe a
étéfermement oroclamé en 1825 Dar le uremier orésideiit de la Cour
suprème des Etats-unis, john ~f&Sliall, l;rsqu'il déciara que la traite
d'esclaves. à laouelle se livraieiit des suiets esp.cn-ls et portugais, était
~~'~~e~u~ ~ ~rd du droit iiiteriintional. '
<Aucun principe de droit international n'est plus généralementadmis
(lue celui de la ~arfaite ég:ilitéde tous les Davs. La I<ussie et la ville de
~ei1èi.eont des'droits égaux :de cette ékliié résulte que iiul iie peut
légitimement imposer une règleà autrui. Chacun légifèrepour !ui-méine,

mais la législation de cliacuii ne peut avoir d'effet que sur lui seiil. Un
droit, donc, qui est acquis pour tous, par le consentemeiit de tou,~,ne
peut êtreretiré que par le consentement de l'intéressé,et cette traite, à
laquelle tous ont participé, doit rester légale pour tous ceux qui ne
peuvent étreameiiés à l'abandonner de leur gré u
Selon le Dr Stowell, dont l'ouvrage sur « I'Interventipii cri matière de
droit international » est bien connu : «dans certains IStats, sujets {de
fréouentes révolutioriset iides oériodesde ~erturbation où les animosités

. .
dans les légations et coiisulats ' 1,.
Le juge John Basset Moore rapporte que asi l'on excepte les États-
Unis, il est permis de croire qu'on pourrait trouver des exemples d'nppli-
cation du droit d'asile diolomatioue dans ~ratiuu.meiit tous les Etats
11ln1iiit .\~~iriu. 1:111le li~y, ii~iii~I':II~CI~!II cu~~~iii~s
espngnol~,ion p~!iif~lir~ .lliccclte [x,riilii,.:iI't;IiCrir;~.i>IICt;iy<:celle
:~ffirinari<rii clesesenii>lcs tirCs ile ii~.riil>reii\inci<lcritsdii)loiii:iti~iu~~s
survenus en Bolivie, dais les États d'Amérique centrale, 'au Chili: en

Colombie, en Equateur, à Haïti, à Saint-Domingue, au Mexique, au
Paraguay, au Pérou et au \'enezuela. Le juge Green H. Hackworth, de
l'actuelle Cour internationale de Justice, présente des exemples supplé-

1 Anzeri~an Joirr,ralof Inleninlionol LOW. Vol. 14. p. gr.
Z Cf. PoliticalOgoices in the Law and Prndice O/ Exlraditioti.par Lova L.
Dewc. Am. ,Joiirn. IntLaw. Vol. 27. p. 247.
The Antclope. IO Whçaton 66.
' Op. cit., p24r.mentaires, et de date plus récente, dans 1; suite qu'il donne aux travaus
du juge Moore '.En dépit de l'attitude oKicielle professée, à maintes
reprises, par le Gouvernement des Etats-Unis, et selon laquelle celui-ci
n'entend exercer iii accorder le droit d'asile diolomatique, l'examen des
exemples cités par les juges Moore et ~ackwbrth réGèleque, dans un
certain nombre de cas. les Etats-Unis ont assoupli cette attitude vis-à-

vis de l'Amérique latine et que, non sans répugnance, ils ont pris une
part.active à cette pratique là où elle était consacrée par 1%coutume.
Dans des instructions envoyées à l'ambassadeur des Etats-Unis i
Haïti, et portant la date du 7 novembre 1885, le secrétaire d'Etat
Bayard écrivait : «Si, dans un pays quelconque, le droit d'asile a acquis
force de coutume, si les autorités de ce oavs reconnaissent tacitement

ou expressément qu'on peut y avoir valablkent recours dans les léga-
tions, les consulats, les habitations particulières ou les navires ressortis'
sant d'une autre nationalité, l'exercice de ce privilège coutumier par un
Américain ne saurait être considéré comme exce~tionnel. Et si. en ouel-
ques circonstances que ce soit, des réfugiésparviennent à trouver
abri dans des lieux au-dessus desquels flotte le pavillon américain, ou au

domicile de citoyens américains, il est certainement normal qu'en
contre-partie de ces privilèges, nous soient accordés des privilèges équi-
valents d'abri sous le pavillon d'une autre Puissance ou au domicile de
ses ressortissants.
aMais nous ne reconnaissons nous-mêmes aucun droit d'asile. Nous le
rejetons, au contraire, surtout dans les cas où il tendrait à faire obstacle
à l'action diverse de la loi et de la justice,»
Le 2 octobre 1930. le département d'Etat de \I'ashington envoya

une circulaire à ses agents diplomatiques en Amérique latine. Cette
circulaire précisait que l'octroi du droit d'asile ne s'inscrivait pas parmi
les fins qui sont celles d'une mission diplomatique ; que le droit d'asile
n'était qu'une coutume locale facultative reconnue dans la plupart des
pays d'Amérique latine, où règne une instabilité politique et sociale
périodique; que les conditions d'application du droit d'asile, enfin,
variaient «selon la nature de la crise et l'attitude du gouvernement,
l'état de I'opinionpublique, le caractère des réfugiés,la nature de leurs
infractions et la nationalité de la légation où l'asile était demandé B.
Les agents diplomatiques américains n'étaient autorisés à accorder

l'asile qu'à des réfugiés noninvités et en danger imminent de mort, du
fait des violences de la foule. Ils devaient refuser l'asile aux individus qui
cherchaient à se soustraire aux poursuites des représentants légitimesdu
gouvernement local.
Cette circulaire fut incorporée au ciRèglement du service des Affaires
étrangères des Etats-Unis » publié en juillet 1939 Quelques incidents
enre~istrés Dar le iu~e Hackworth. et uostérieurs à la circulaire du
2 ocrobre 14~0, montFent que la fo&ule en danger imminent de mort
du fait des violences de la fouleu a étéassouplie et qu'asile a étédonnr

« en cas de nécessitésoudaine » a en considération de l'hostilité de
certaines personnes au pouvoir 1,et cen cas de grave danger pour la
personne du réfugiépendant la présente crise n.

'Haclrworlii,Dip:eLi ofIl%ternaLio Lnaawl, VolII,pp. 624-639
Hacki.orrh. InternationLa azv DigestV.ol. II,p. 623.
" Op. rit.,p. 624, 629. 630, Les rapports réciproquesentre les traités et la loi Coutumièreen cette
matière soiit les mêmeset obéissent aux mêmesprincipes générauxdu
droit intern:itional que dans tous les doniaines de celui-ci.
Les traités peuvent reformuler la loi coutumière existante ;ils 1)euveiit
modifier la coutume ou lui conférerune force obligatoire.
Les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 sont géiiéralement
considérées commedes reformulations de la loi coutumière existante. Le
fait de ne pas modifier ces traités ne signifie pas que l'on répudie la loi
coutumière,qui existait avant la conclusion desdits traitéset qui continue
à obliger 1'Etat signataire non ratifiant qui nous conduit à examiner les
règles du droit d'asile en Améri(luedu Sud, telles qu'elles découlent des
traités.
En 1888-1889, un congrès sud-américain de droit internation:il privé
fiit tenu à hlontevideo par les Goii\~ernements de l'Argentine, de la
Bolivie, (lu Paraguay, du Pérou et de 1:Uruguay. Un traité de droit
interriatiorial pénalfut conclu, dolit le titre II étaitrelatif au droit d'asile.
11proclamait que le « droit d'asile est iiiviolablà l'égarddes persoiiiies
poursuivies pour crime politique '».

coinmuii, et auxquelles asile aurait étédonné, devaient êtreremises entreoit

les inains des autorités locales, mais, répétaitl'article, le droit d'asile
<serait respectéà l'égarddes personnes poursuivies pour crime politiqueo.
Un accord en matière d'extradition fiit signé à Caracas le 18 juillet
1911 par l'Équateur, le Pérou, la Colombie, la Bolivie et le Ircnezue!a. II
prévoyait 81qu'à cUté des stipulations du présent accord, les Etats
signataires reconnaissaient l'institution du droit d'asile, conforinément
ails principes du droit international (article 18) n.
I'uis vint, par ordre chronologique, la Convention dc La Fla\raiie sur
le droit d'asile. doiit les disnositioiis ont déià étéexuosées. II eii sera

' Il y s'désaccor <luint au but de cette convention entre le texte
anglais, d'uiie part,et les textes français, espagnol et portugais. (l'autre
part, qui, toiis, ont un caractère officiel.
Du fait <le la non-ratification par le Pérou de cette con\~eiition, la
différenceentre les textes acquiert de l'importance dans l'interprétation
au'il cori\rient de donner à la Convention de La Havane de 1028. 2
Comme le prtcise la Cour internatioiiale de Justice dans soriarrEtdu
20 novembre rqg.2,le préambulede InConvention de Montevideo [le 1036
dans les versiiris espagnole, française et portugaise porte que cétte
conventioii «modifie »la Convention de La Havane. Or, le texte :iiiglais
déclare dans son préambule que la Con\,entioii de hlonte\rideo a été
conclue pour iidéfinirles ternies » de la Convention de La Havane. Un
examen du premier projet de conveiitioii, préparépar la sous-commission
de la Conlérericede Alontelldeo, révèleque le préambuleoricinal portait
que le biit de la convention était « d'assurer les moyens nécessaires à la

' Aclns y Tralodos crle6rodos porel Congreso Itilernacianl Siid-Atnericnrro
de ~llonleuideo1852-1885.
* darerican Jozirnaiof I~ilernnlionni Ln*Supplément, vol. 29.p. 285.protection de la vie et de la libertédes délinquantspolitiques aux époques
de violence ou de troubles révolutionnaires ».

n aux individus accusés de crimes de droit commun ou condamnés de
leur faitn, ce que la Convention de Montevideo modifie pour dire saux
individus accusésd'infraction de droit commun qui ont pu êtredîtment
poursuivis ou condamnéspar des tribunaux ordinaires 11.-
b) Dans la Con\.entiou de Montevideo, un article spécial fut ajouté
qui n'était pas inclus dans la Convention de La Havane, et selon lequel
la qualification des infractioiis politiques appartient à 1'Etat qui offre
asile.
Enfin, lors'du second Congrès sud-américain de droit international
privé,tenu à Montevideo en 1939 par l'Argentine, le Pérou, l'Uruguay,
le Paraguay, la Bolivie et le Chili, un traité fut conclu sur les droits
d'asile et derefuge politiques. Cette convention proclamait qu'elle avait
pour fin « d'amplifier la Convention de 1669 et de réaffirmerla doctrine
consacrée en Amérique a. .
Elle répétaitla disposition de la Convention de 1938, selon laquelle
la~qualification des causes motivant l'octroi de l'asile est l'affaire de
1'Etat qui accorde celui-ci.

COXCLUSIOXS TIREES DE LA PLACE DU DROIT D'ASILE
DIPLOMATIQUE DAXS LE DHOIT DES GENS

De l'étude qui précède,il semble que l'on puisse conclure qu'il n'y
a jamais eu de rupture dans le caractère du droit d'asile diplomatique
en tant qu'institution juridique de l'Amérique latine ; que le droit
d'asile faisait partie du droit commun de la nation-mère : l'Espagne,
e,t qu'il fut, tour à tour, greffésur différents régimes juridiques des
Etats à mesure qu'ils se constituaient en nations indépendantes ; que
le droit d'asile oolitioue a été~ratiaué continUment dans les relations
de ces pays ehe eix; et cq;e d'&es pays qui nient maintenant
que le droit d'asile soit iine institution fondée en droit international
ont néanmoins été contraints de l'accepter et de collaborer à son
exercice dans leun relations internationales avec l'Amériquelatine.
Il semble que soit démontré, de façon concluante, que le droit
d'asile diplomatique existait en Amérique latine longtemps avant
qu'aucun traité n'ait fixéla loi de la matière. En conséquence, il ne
peut être soutenu, avec succès, que ce droit n'existe que sur la base
des dispositions formelles des traités.
Dans les cas où ces dispositions sont ambiguës ou recèlent deslacunes
quant à leur application à un cas d'espèce, ilest légitime d'avoir
recours à la loi coutumière fondée sur l'usage et la pratique pour
parvenir à une interprétation correcte des traités. On peut, enfin,
conclure que l'exercice du droit d'asile diplomatique, en vertu soit
de la coutume. soit des dis~ositions formelles d'un traité. ne constitue

cet exercice &nt eiivisagées,-de ce point de vue, insoutenables. La
--
' Projet de traité sur le droit d'asile poli-iquProjet de lape Çous.Com.
mission de la Commission. Proces-verbaux dans Recovds of the Pan-American
Union, Washington, D.C. AXSEXES AU ~~É>IOIRE cor.oai~i~s (x" 16) 77

!oi coutumière fondée sur l'usage ou la loi issue du traité qui permettent
l'exercice du droit d'asile diplomatique n'ont pas, sur le principe de
souveraineté nationale, une répercussion différente, en 'nature, de
celle de toute autre coutume ou traité dans n'importe quel domaine
des relatioiis internationales. L'argument selon lequel l'asile diplo-
matique constituerait une dérogation cxceptionnclle au principe de
la souveraineté nationale peut être valable entre des Etats qiii ont
abandonné cette pratique et qui nient maintenant qu'elle soit régle-
mentée par le droit international ; mais cet argument ne saurait avoir

aucune valeur entre des Etats qui continuent à considérer l'asile
diplomatiqye comme une institution consacrée, comme c'est le cas
pour les Etats d'Amérique latine.
II convient de noter, avant de quitter cet aspect du problème, que
I'arrét de la Cour internationale de Justice du 20 novembre établit
une distinction entre la pratique de I'extradition et celle de l'asile ;
l'une n'entrainerait aucune dérogation nu.principe de la souveraiiieté
nationale et l'autre en constituerait une pour la raisoii que, dails le
premier cas, le réfugiése trouve à l'intérieur du territoire de 1'Etat
vers lequel il a fui, tandis que dans le second cas il se trouve encore
sur le territoire <lel'Etat hors duquel il cherche à fuir.
Cette distiiictioii peut bien s'appliquer dans toute sa portée nus
États qui ont abandonné la pratique de I'asile,diplomatique, mais

elle ne saurait avoir la même valeur dans les Etats de l'Amérique
latine qui conservent cette pratique.
Dans leurs traités, les matières de I'extradition et de I'asile ont
été souventcombinées. Toutes les conventions relatives au droit d'asile
reproduisent la distiiiction de principe que l'on trouve dans les traités
d'extradition entre la remise aux autorités locales des individus acciisés
de crimes de droit commun et l'inviolabilité de l'asile accordé aux
délinquants politiques.
Dans les traités d'extradition, I'fitat vers lequel le réfugién fui
décide de la nature politique de l'infraction.
Daiis les traités relatifs au droit d'asile, c'est l'agent diplomatique
vers lequel le réfugiéa cherchéabri (lui décide de la nature politique
de l'infraction, sous réserve de l'approbation ou de la désapprobation
ultérieure de son gouvernement.
Une telle disposition se trouve expressément ou tacitement dans
tous les. traités dont il a étéquestion dans cette consultation.

-Noris sommes maintenant prêts h donner notre avis sur l'interpré-
tation de cette convention. Ilans ce dessein, nous ferons appel h la
lumière jetée sur les dispositions de la convention qui nous intéressent
par la loi coutumière de l'Amérique latine et par le rapprochement de
cette convention elle-mêmeavec les dispositions d'autres traités.
L'article I de la convention s'applique aux individus accusésde crimes
de droit commun ou condamnés de leur fait qui se réfugient dans des
lieux où l'asile peut êtreaccordé. La Cour internationale de Justice,
dans son arrêt du 20 novembre, jugeait <que le Gouvernement du
Pérou n'avait pas prouvé que les actes dont le réfugiéavait étéaccusé
avant les 3 et 4 janvier 1945 constituaient des crimes de droitconiiniiii..,i.Lc.seul clir.1c1'nc;iiiation que I'oii piiisje trouvcr dans Ics
~lociiiiieiitsérndnant dii (;uuv~,riicriit:iit~><ru\.ist celiii (le ri'brllinii
iiiilitnircct Iz Guuvcrnt~nicrirr~ïriiviriiii';ii>;is6t;ibl~IUC In r6bclliun
militaire en elle-mêmeconstike un crime'de droit commun. Cette
question peut donc êtreconsidéréecomme chosejugée.
L'article z de la convention régit l'octroi de l'asile aux délinquants
politiques. Encore que la Cour internationale de Justice se soit bornée
à dire daris son arrêtdu 27 novembre que le I'érou,lors desa première
décision. n'avait ilas urouvé oue les actes dont était accuséle réfupié
constituaient des 'crimes de droit commun tombant sous le coup de
l'article1 de la convention, elle a a forliori conféréà ces actes la valeur
juridique des crimes politiques prévus par l'article 2 de la convention
(voir plus haut).
La Cour en effet, en décidant le 20 novembre que l'octroi de l'asile
par le Gouvernement colombien n'avait pas étéfait en conformité de
l'article2 de la convention, admettait du mêmecoup que les actes
dont était accusé le réfugiéétaient des infractions politiques.
Voici ce que disait la Cour sur ce point : «II est impossible de con-
clure que .... sous prétexte qu'un individu est accuséd'infractions poli-
tiques et non de crimes de droit commun, il a, de ce seul fait, droit
à l'asil....En ~rinci~~' ,'asile ne doit Das faire obstacle à l'exercice
de la justice...1:'asiieprotège le délinquant politique contre les mesures
qui ont uii caractère manifestement extra-iuridicluc. i,(Arrêtdu zo no-
vembre, p. 284.)
La décisiondéfavorable à la Colombie rendue à ce sujet le 20 novem-
bre reposait sur l'opinion de la Cour

a) que le cas n'avait pas un caractère «urgent » ;
b) que la période de temps pendant laquelle asile avait étédonné
n'était pas strictement indispensable pour assurer la sécuritédu
refugié.
La Colombie demande maintenant si, en vertu de cette décision, elle
se trouve dans l'obligation de livrer le réfugié.I'ar suite de sa décision
du 27 novembre selon laquelle cson arrêtdu 20 novembre ne décidait
aucunement de cette question pour la raison qu'elle avait étélaissée
complètement en dehors des conclusions des Parties n (voir sfrpra), la
Cour est libre de considérer de nova sa première interprétation de
l'article2 dans la mesure où elle touche à la question de la remise du
réfugié.

Solt~tionsproposées à celte qziestion

Plusieurs solutions possibles semblent pouvoir s'offrir à la Cour pour
parvenir à la solution de la question dont elle est mainteiiant saisie.
1) La Cour peut juger superflu de considérer à nouveau des questions
qui se rapportaient aux conclusions sur lesquelles elle a déjà passé
jugement. La Cour s'est ménagéeune voie d'accèsvers cette solution
en déclarant dans son arrêtdu 20 novembre que cle droit d'asile tel
qu'il est pratiqué en Amérique latine est une iiistitution qui, dans une
tres large mesure, doit son développement à des facteurs extra-juri-
diques. Les rapports de son voisinage entre les républiques,les différents
intérèts politiqucs des gouvernements ont favorisé la reconnaissance
mutuelle du droit d'asile en marge de tout système juridique clairement ANSEXES AU >IEJIOIRE COLO~IHIES (s" 16) 79

défini. a (Arrétdu 20 novembre, p. zSG.)Cette déclaratioiifut faite après
examen de cas d'asile cités comme précédents. Dece point de vue,
la Cour trouverait des appuis sérieux à la thèse selon laquelle la
Colombie n'est pas obligéede livrer le réfugiéen acceptant pour base
d'une décision en ce sens les situations de fait. révélées par certains
avis dissidents dans l'arrêt duzo novembre. I'ar exemple :
Le juge Badawi Pacha assurait que tous les cas d'asile cités en
Arnériclue latine cse terminaient par l'octroi <le sauf-c,onduits aux
réfugiés,et qu'aucun exemple n'était rapporté de réfugies livrés aux
.;~utoritésterritoriales, pour êtresoumis à des poursuites judiciaires,)
(P. 306).
Le juge Read est catégorique sur l'unanimité(le l'habitude consacrée
.en Amériquelatine de ne pas livrer les réfugiés politiquesaux autorités
locales.
II écrit : iiLes archives constituées pour cette affaire révèlent que
pendant plus d'un siècle il y a eu des cas nombreux d'asile accordé et
donné avec pleine efficacitédans les républiques à'..\mérique latine. a
On cite, continue-t-il, u plus de cinquante affaires distinctes au cours
desquelles asile fut donné avecplein eiïet.
ciCes cas intéressent plus de cent quarante-quatre individus énumérés
nominativement et également uii certain nombre de groupements à
propos desquels aucun chiffre précisn'est indiqué.
<Au moins dix-sept Etats sud-américains ont joué un rOle dans ces
affaires. On ne trouve dans les archives aucun exemple d'un pays de
refuge du monde panaméricain ayant accédé à la demande d'un Etat
territorial aux fins de faire livrer un délinquant politique ila justice de
cet Etat. ii(P. 321.)
1.e juge Azevedo souligne dans son avis dissident que l'avis de la
maiorité fait état ad'un certain manaue de clarté ciuant aux circons-

un point en tout cas qui ne &;ait êtrecontesté, isavoir que parmi les
solutions par lesquelles ont étéréglées les différeiitesaffaires d'asilecitées,
nulle part n'apparaît la remise du réfugiéaux autorités locales sans le
.coiiseiitement de celui-ci, et cela mêrnedans le cas où la situation avait
changé du fait des circonstances. On ne connaît aucun exemple du
contraire. ,i(P. 340.)
Ces constatations de fait de trois .u,.es à la Cour internationale de
lus tic^ .loiiiii:iiiiappui iiii:oiitc.jr;il:!us coiicliisiorisdii jup, A!\.arc7.
liii;iiissi~UXL.J liiCIJII~ .I I'IIII<'les:ii~toritCs(lu droit iiilcriintiuii~illes
plus clistiiguéesde l'.Amériquelatine.
Selon ces conclusions, *du fait de l'ambiance dont est entourée en
.Amériquelatine la matière du droit d'asile et du fait de l'importance de
ce droit lui-mêmedans les pays qui se sont conformés à certaines pra-
tiques tendant à en réglementerl'institution. celle-ci est devenue partie
intégrante de ce que l'on appelle le droit international de l'Amérique
latine. » (P. zsz.)

d'être ex~oçéessous la-rubriaue . 1,.-n.e l'usae- constant en Amériaue
Iniiiic de ;oiisid;.ri.r coniint- :i)..iiiiic;iraci~\rciirgiiit toiis I<.c?s oii
1';ijilqcsr ;ic<:iiri.ii ~~l'rii,d,e rriiiililj~i~litirliie.(;l,oir iiiiilt:,int-111
<luniiiiaiitde I'intrrj~iitariun dr I'nirisl2 dcI-iCon\~ciitiuii~lc1.aHavnnc. C'est le juge Read encore qui, dans son avis dissident, prfsente la
situation de fait qui prouve la constance de I'usage. x S'il est impossible
d'examiner la liene.de conduite adootée en la matière var toutes les
~~[~t~t~li~~ ~1cissdiit~I:~ILICSA l:, Cuii\~~iiiic~i(iIc l.:i I~;I\~:IIICt:511111
f:iit~III,:iiicr~,-~I,iir~ii~tcrti(l.js?icclr ccttt- :~ii,tirIl<!SIs.,ii~XL~III~>IY
inririt Ica \.;ir:li>ih>rctsinr litir~l<>nil,i:.IIi>xr1,: I1;<ruut~li'~l~~I).I~I~c'
a la convention a'it refuié d'accorder ou de ;econnaître l'aiile diaoma-

tique à un délinquant politique en périodede troubles politiques »sous
prétexte que celui-ci cherchait à se soustraire à une arrestation ou à des
poursuites exercees du fait d'une infraction politique, par les autorités
judiciaires de 1'Etat territorial. S'il avait existé un exemple d'un tel
refus, il aurait étéinconce\.able qu'il n'eiit pas été compris daiis la
documentation volumineuse decette affaire. ii(P. 325.)
Le juge Badaiii Pacha expose avec une clarté convaincante la raison
évidente de l'uniformité de cet usage en Amérique latine. Selon lui,
l'insertion dans la Convention de La Havane de la forinulc «cas ayant

r uii caractère urgent »doit êtreentendue comme uii euphémisme destiné
à confirmer le droit de donner asile en période de révolutioii, ce qui a
toujours été larègle, et i distinguer ces cas de ceux où asile est donné
en période de pais et d'ordre, ce qui ii'a jamais été admis. II est tout à
fait hors de propos, écrit-il, d'interpréter la formiile «asile dans le cas
« ayant un caractère urgent D comine impliquant une certaine méfiance
vis-à-vis de la justice territoriale ou une certaine ingérence dans les
affaires iiitérieures d'un autre Etat.

RII s'agit en effet d'uiie situation spéciale que l'adoptioii de mesures
esceptionnelles risque encore d'aggraver. Tous les Etats, d'autre part,
qui ont jouétour à tour le rOled'JStat de refuge et celui d'État territorial,
ont accepté cette règle comine règle généralede coiiduite. » (P. 313.)
Le juge Read confirme ce point de vue que l'octroi de l'asile aux
délintluiintspolitiquesne saurait étreconsidéré commel'expressioii d'une
critique sur la manière dont l'litat territorial administre la justice, ou
coinme une ingérence daris ses affaires intérieures. Voici ce qu'il écrit à
ce propos : iLe dossier de cette affaire montre que les révolutions sont

des événements fréquents dans les pays considérés,et que par suite
l'usage s'est développéd'accorder l'asile aux délinquants politiqiies. Cet
usage 's'est tellement répandu qii'oii l'a regarde comme faisant partie
des fonctionsnormales des missions diplomatiques.
rDans les pays considérés. un Etat territorial quelconque, au cas
d'octroi de i'c~ileà un délinquant politique, n'est plus fondé à prétendre
que l'ambassadeur a dépasséles limites des fonctions spécifiquesd'une
mission diplomatique.

«L'État terntorial. en accentant de recevoir l'ambassadeur. a consenti
du mémecoup à ce <luecelui-ci exerce toutes les fonctionsdiplomatiques
habituelles. Or, dans le monde de l'Amériquelatine, par suitedu dé\,elop-
peinent de cet usage, il est admis par tout le monde que les R fonctions
« diplomatiques habituelles 1%comprennent l'octroi de l'asile aux délin-
quants politiques. » (P. 317.)
Le juge Read conclut ainsi : a Il est impossible de rie pas admettre le
fait que les parties à la convention (la Colombie et le Pérou) ont baséleur
action pendant une période de vingt-deux ans sur l'idéeacceptfe d'un

commun accord. aue I'.moloi de l'exoression ncas avant un caractère
ctiirgciit.,ii'ni-nitpas p8ii; but (lc f:ii;.: r,hstai.lc i l'octrüi dé.I'ajiL. xtix
déliii~]ii:,iitspulitiiliies cliercliiiSL.sou;tr:iire ;iclcspriiirsiirtcs c~ign:~~es ASSEXES AU \IÉ~IOIKE COLOYBIES (s' 16)
61
contre eux du fait d'une infraction politique par les autorités judiciaires
locales en période de troubles politiques. 1,

A cela, le juge Kead ajoute iiqu'il ne pouvait pas ne pas en veiiir :ila
conclusion que l'expression rcas ayant uii caractère urgent » devait &tre
interprétéecomme restreignant l'octroi de l'asile diplomatique, en ce qui
concerue les délinquants politiques, aux cas où cet octroi est fait ien
« période de troubles politiques IIi caractére révolutionnaire. et comrne
l'interdisant en période de tranqiiillité » (p. 236).
Le juge Azevedo fait mention iides traditions les plus solidemeiit
établies de l'Amériquelatinequiassurent les avantages de l'asile à toutes
les persoimes accuséesde crime ou d'infractions politiques soit au cours
des révolutions, soit au cours des périodes plus ou moins troublées qui
leur font suite n. RCes traditions n, dit-il,«vont au delà des intentions

des rédacteurs du Traité de 1926, non pour la raison que I'administratioii
de la justice doit Ctre présuméedéfectueuse,mais en considératiori di1
fait rlu'iine telle déviation est toujours possiblc dans des temps troublts,
et » - ici le juge Kead met le doigt sur la véritable raison de l'emploi
du terme icas ayant un caractère urgent n daris la Convention de 1-:i
Havane - « parce qu'il est préférableclans chaque affaire d'éviter une
enqukte qui aurait un caractère plus offensant pour le pays intéressé
qu'une disposition d'ordre général toujours applicable sur la base de I:i
plus stricte réciprocité. n
1-ejuge Azevedo donne des raisons convaincantes à l'appui de sa tlii.se
seloii laquelle la Cour internationale de Jiistice, pour arriver à une d6ci-

. sion sur la présente demande de la Colombie, devrait accorder une place
plusgrandeil'usage de l'Amériquelatine qu'à des notions prédéterminées
du droit international généralayant cours en Europe et eii Amériqiie
anglo-saxoiine. Il écrit:
RLe droit d'asile diplomatique est un exemple frappant de In iiécessitc
de tenir compte, dans la création ou l'ajustement de règles d'uiie portée
territoriale restreinte. des facteurs réo~rar~hiuues,historiques et ~0li-
tiques qui sont aux pays con<déÏésdani ie cas aux tingt
nations de l'Amériquelatine.
nEn Europe, où ies bouleversements soci:lux sont rares mais sérieux.
l'institution du droit d'asile terid i disparaitre. En Amérique 1at'ine

cependant, où. les révolutions sont moins sérieuses mais beaucoup plus
fréauentes. l'ada~tation et le déveloi~o..entde cette ~ratiuue antioue
n'ont cesséde progresser, gagnant de la force à chaque nouvelle convéii-
tion, et il est encore impossible de prévoirquel sera le point le plus Iiaut
- encore moins le point le plus bas - de 15 courbe. i{P. 333.)'
Au cours de I'examcii par la Cour des questions abstraites qui jusqu'i
présent ont étésoumises à sa dicision, la discussion et les arguments ont
porté avant tout sur les agissements mCmes du réfugié,sur le droit de la
Colombie i qualitier l'infraction et sur les qiiestions techniques soulevées
par l'interprétation d'une converitioii unique.
La ligne de conduite adoptée par le Gouvernement péruvien pour

maitriser la situation issue de la rébellion n'a étéque très rarement mise
en cause.
Cetteméthode de règlement du différendest due sans doute i la raison
indiquée par le juge Azevedo dont il a étéparlé plus haut. La Cour, dans
l'opinion de sa majorité rendue publique le 20 novembre, invoque le fait
que le réfugiéa demandé asile trois mois après que i'accusation eut été
portée contre lui, qu'il n'essayait pas de se soustraire à la foule, que laSz .ASSEXES AU YEIIOIRE COLOZIBIBS (s0 16)

protection qui lui a étédonnépar l'ambassade de Colombie s'est indûment
prolongée.D'un autre càté, la Cour a prité une grande valeur à la décla-
ration du ministre des Affaires étrangères du L'érouselon laqiielle cle
tribunal devant lequel Haya de la Torre avait été somméde comparaitre
rentrait dans le cadre de l'organisation générale et permanente de
l'organisation judiciaire et était placé sous le contrôle de la Cour
suprîime IL
Cette déclaration n'est pas sans rapport avec l'iine ou l'autre clesdeus
situations qui se présenteraient si les autorités péruviennes obtenaient
la prise en charge du réfugié.

II pourrait être poursuivi devant le tribunal militaire prévu par le
Code péruvien de justice militaire de 1939, ou bien il pourrait, conformé-
ment aux dispositions rapportées dans l'arrêtde la Cour, &trepuni pour
uii crime de droit commun indépendamment de la rébellioii.
Dans un cas comme dans l'autre, le ministre des Afiaires étrangères
serait dans l'impossibilité de garantir que les tribunaux péruviens,
fonctioiinant dans les conditions constitutionnelles irrégulières qui
règnent dans ce pays, seraient disireux ou capables de rendre une justtce
impartiale Riirie personne ayant encouru l'inimitié politique desautorités

qui y contràlent le gouvernement.
C'est pour cette raisoii semblable qu'en matière d'extradition le gou-
vernement d'asile refuse de livrer les personnes accusées de crimes de
droit commun s'il est prouvé de façon satisfaisante pour ce gouvernement
que le crime présente aussi une nature politiclue. Si la décision de la
Cour internatioriale de Justice imposait à la Colombie de livrer le réfugié, .
il pourrait se présenter une situation analogue à celle dont l'arrêtoriginal
de la Cour juge qu'elle constitue une exception 5 la règle selon laquelle
l'asile ne peut faire obstacle à l'exercice de la justice, 3 savoirIIdans le
cas où I'admiriistration de la justice est viciéepar des mesures évidem-

ment inspirées par des buts politiques » (p. 284).
De plus, en ne protestant pas contre l'asile accordé à [l'autres délin-
quants politiques, compromis dans la méme rébellion, par d'autres
missions diplomatiques à Lima dans des circonstances analogues à celles '
dans lesquelles asile fut donnéà Haya de la Torre, en ne s'opposant pas
à leur départ du pays, le Péroua, par son attitude, fait ce que l'on appelle
en droit anglo-saxon un iiestoppel II,c'est-à-dire a un aveu de nature
si concluante que la partie intéresséen'est pas en droit de le répudier par
la suite ou de présenter des preuves tendant ir la contrecarrer1».

Aucune solution à la question dont est maintenaiit saisie la Cour
internationale de Justice ne devra omettre de tenir compte du fait que la
Cour est le principal organe judiciaire des Nations Unies (article i)z de
la Charte des Xations Unies) et que l'un des buts des Nations Unies est
de promouvoir et d'encourager c le respect des droits de l'homme et des
libertés foiidarnentales de tous ii(articleI de la Charte). Le premier pas
vers la réalisation decette fin fut l'approbation par l'Assembléegénérale
leIO décembre 1948 de la Déclaration universelle des droits de l'homme :
cette déclaration contient de nombreuses dispositions destinées à assurer
le droit à la vie. à la liberté et à la sécurité.
Un de ces articles dispose que « nul ne sera soumis à une arrestation,

à une détention ou à un exil arbitraires » (article9). Un autre dispose
que c 1) quiconque a le droit de chercher èt de recevoir dans un autre

Black's Lam Diclio$iary,zme édit.,p.442 ANKEXES AU ~ÉYOIRE COLOMBIEN (s' 16)
s3
pys asile contre la persicution »,et «2) que ce droit ne saurait etre
invoqué aux cas de poursuites réellement engagées du fait de crimes
non uolitioues» larticle 14).
~~~~écl~ration'proclame~~uela « volonté des peuples est le fondemerit
de l'autorité des gouvernements u,et que nle iondement doit s'affirmer
dans des élections réeuli6res et sincères. faites au suffraee universel et

égalitaire, au scrutinusecret, ou conformiment à toute autre procédure
equivalente de libre scrutin a (article21).
On admet que la neclaration des droits de l'homme n'est pas un traité
capable d'imposer des obligations juridiques aux Membres des Xations
Uiiies. Mais, lorsque l'un quelconque de ces hIembres en appelle au prin-
cipal organe judiciaire des Nations Unies pour faire juger des questions
mettant en jeu certains droits fondamentaux de l'homme, la décisionde
la Cour devrait s'iiispirer, autant qu'il est possible, dcs principes de la
Déclarat'ion.
Tous les doutes que In Cour pourrait avoir dans l'affaire dont elle est
maintenant saisie quant au caractére urgent de l'asile accordéau réfugié,
qiiaiit à la durée de la protection donnée ou quant à l'obligation pour
la Colombie de le livrer, devraient étre passés au crible des principes

proclamés par la Décl:iratioii des droits de l'homme des Nations Unies.
l'eut-oii prétendre sérieusement qu'en un teinps oii une junte inili-
taire s'est emparée du pouvoir suprême par uii coup d'État, où I'itat de
si6ge a étéproclamé, où les garanties constitutioiinelles de l'individu ont
étCsuspendues, où le parti politique de i'opposition a étémis hors la loi
et ses agcnts dénoncés comme criminels de droit commun - peut~on
préteiidre que pendant toiitc la durée de ces temps de trouble il n'y a
pas de caractère urgent h la demande d'asile diplomatique faite par le
chef du parti politique mis hors la loi ?
IIdevrait êtreévideiit ciu'un tel réfueiése trouve dans une situ t.011
de caractère urgent sa propre Sécurité depiiis le moment de sa
dénonciation comme crimiiiel jusqu'à ce que les coiiditions politiques
anormales de son pays aient cesséd'exister et que le gouvernement ait

étérétabli dans son statut constitutionnel.
L'arles nombreux motifs exposésdans cette coiisiiltation, il est respec-
tueusement demandé que I'arrèt de la Cour statuant surles conclusions
de ln Colombie dise qiie la Colombie n'est pas tenue de livrer le sieur
Haya de la Torre aux autorités péruviennes.
Cet avis est respectueusement soumis à la Cour.

(Signé G)EORG AE. FISCH.

Law Offices of Finch and Finch,
1422 F. Street, X.Y., \\'asliington4, U.C.

Le 22 janvier ~gjr. II paraît inutile de revenir sur Ics faits qui ont motivé le litige

pendant devant la Cour et dont elle possède une connaissance
complète et la plus objective qui soit. Noiis voudrions seulemciit,
dans iiiic première partie de ce Contrc-Mémoire, faire un certain
noinbre d'observations sur la façon dont se présente l'instance
introtluite par la Colombie dans l'affaire colombo-péruvieiine
relative au droit d'asile. Dans les deux autres parties, nous ferons
la critiquc des conclusions du AIémoirecolombien et nous nous
efforcerons d'étayer celles que le Gouvernement du PArou demaiide
à la Cour d'accepter.

* *

1

Et d'abord, comment et pourquoi cettc instance est-elle iiitro-
duite ?
Par sa rcclufte originaire du 15 octobre 1949, la Colombie deniari-
dait à la Cour de se prononcer sur deux points de droit. Savoir :
Si la République de Colombie était en droit, en tant que pays
accordant l'asile,de qualifier de façoii définitive la nature du délit
dont I'asiléétait accusé;

Si la République du Pérou, ei sa clualitéd'État territorial, était
obligée tlaris le cas concret - matière du litige - d'accorder zi
l'accus& un sauf-conduit ou, d'une façon générale, les garaiitics
néccssaires pour sortir du pays cn toute sécurité.

La Cour, par son arrét du 20 novcmbrc 1950, a répondu de la
fa<;orila plus nette en rejetant la premiere conclusion par quatorze
vois contre deux et la deuxihme par quinze voix contre une.
Le Gouvernement du 'Pérou estimait, de son côté, que l'asile
avait été accordé et maintenu contrairement aux dispositions ct
à l'esprit de la Convention de La Havane de 1928 - seul instru-
ment par lequel il fut lié juridiquement vis-à-vis de la Colombie.
Il craignait, d'autre part, etnon sans motifs - ainsi que la suite
le prouvc -, que l'arrêtde la Cour sur les deux questions de droit

poséespar la requêtecolombienne (arrêtqu'il attendait cependant
avec pleine confiance) ne permit pas de liquider définitivement
en fait la situation litigieuse, et que la Colombie ne s'obstinât,
soiis quelque prétexte, à maintenir l'asile qui durait depuis le
3 janvier 1949. C'est pourquoi il formula sa demande reconven-
tionnelle, d'abord dans le Contre-Rlémoireen datedu 21 mars 1950, COXTRE-MEMOIRE PÉRUVIEX (15 III51) 85
puis au cours de la procédure orale, afin de la préciser.Il demandait
à la Cour de se prononcer sur la légalité de l'octroiet du maintien
de l'asile, afin de créer à la charge de la Colombie l'obligation
d'y mettre fin. Conformément à l'Acte de Lima du 31août 1949,

article 1,c'était en effet la controverse existante dans son ensemble
que les deux Parties avaient convenu de soumettre à la Cour,
et l'ambiguïté de la requête colombienne était de nature à faire
craindre que la Cour ne pût se prononcer sur le fond du litige.
Le Gouvernement de Lima désirait pourtant en finir. La demande
reconventionnelle se basait à la fois sur la violation de l'article1,
paragraphe I, de la Convention de La Havane et sur celle de
l'article2, paragraphe z. La Cour rejeta délibérémentle premier
motif, mais sur le second déclarapar dix voix contre six que l'octroi
de l'asile et sa prolongation n'avaient pas eu lieu conformément
à l'article z, paragraphe 2, de ladite Convention de La Havane,
autrement dit que l'asile était illégal.
Sur ce point, le Gouvernement du Pérou n'a jamais varié. Si
l'on veut bien se reporter à son Contre-Mémoire du mois de mars
,
1950, on ij verra que ledit gouvernement, SC référantà une affir-
mation du Gouvernement de la Colombie selon laquelle la remise
de l'asilé n'aurait jamais étédemandée par lui, en donne cette
explication :
~....adresser une demande de remise [à cette époque] était sans
but, puisque le Gouvernement de Colombie avait déjà pris sa
résolution ....Le Gouvernement du Pérou n'a pas voulu discuter

de l'affaire dans un esprit d'intransigeance ....D'autre part, le
refus du Pérou d'accorder le sauf-conduit signifiait certainement
qu'il entendait maintenir son droit de demander la remise de
1'«asilé» au moment qu'il jugera opportun ...En conformité de ce
qui précède,le Gouvernement du Pérou s'abstient, dans sa défense,
de demander à la Cour elle-même d'ordonner expressément la
remise de l'aasilé »,car il entend bien que, son droit reconnu sous la
forme qu'il revêtdans le présent Contre-Mémoire, la comparution
de Y« asiléi).devant les juges et tribunaux à la juridiction desquels
il est soumis sera assurée. >I(Contre-Mémoire,p. 35.)

Ainsi, désirant obtenir de la Cour qu'elle statue sur l'illégalité
de l'asile. le Gouvernement du Pérou avait cru qu'il était inutile de
demander davantage, et notammeiit qu'elle se prononçât sur la
remise du réfugié.Celle-ci, pour lui, allait de soi, car il résultait
clairement de l'arret que l'asile devait prendre fin. Tout,sujet de
droit - tout plaideur , lorsqu'il est mis en présence d'un arrêt
ayant autorité de chose jugée et d'où il ressort qu'il s'est placé,
de son fait, dans une situation d'illégalité, est juridiquement tenu
de faire cesser cette illégalité.Faute de cette prestation, en effet,
la décision juridictionnelle n'aurait plus aucune force obligatoire
puisqu'elle serait vide de toute conséquence. Les parties sont dans . .
l'obligation de s'y conformer de bonnefoi, d'abord parce qu'elles

786 COSTRE-JIÉIIOIR EÉRUVIEN (15 III 51)

en sont convenues, ensuite parce qu'aucun sujet de droit ne saurait.
se dérober au respect de la règle de droit qui s'incarne dans le
jugement, lorsque la situation litigieuse s'est transformée en chose
jugée.
~Les Nembres de la Société s'engagentà exécuter de bonne foi.

les sentences rendues », dit l'article 13 du Pacte de la S. d. N.
Et l'article 94 de la Charte des Nations Unies: RChaque Membre
des Nations Unies s'engage à se conformer à la décisionde la Cour
internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie. Ir
«Se conformer r, en pareil cas, c'est faire des actes d'exécution
que commande, évidemment, la décision. A cet égard, il y a lieu

de reproduire la déclaration faite par l'agent du Gouverne~nent
colombien au cours de son exposé oral à la séance publique du
26 septembre 1950 : NAu nom du gouvernement qui a pris l'ini-
tiative de sonmettre à la Cour ce différerid, je déclare que, quel
que soit le résultat de vos délibérations, la sentence de la Cour
sera respectée dans toute son intégralité par la République de

Colombie. II
Aussi l'étonnement du Gouvernement péruvien fut-il gi-aiiden
apprenant que le Gouvernement colombien, feignant de ne pas.
comprendre le sens de l'arrêtdu zo novembre et liii supposant des.
lacunes, formula une demande l'interprétation le jozirniêlne ozi.
l'arrêat vaiétté prononcé.

Cette demande avait cn réalité pour but d'amener la Course àse.
prononcer sur des points qiie ni l'une ni l'autre des deus Parties.
ne lui avaient soumis, dans l'espoir que le nouvel arrêtlui permet-.
trait de se dérober à l'exécution du premier.
La lettre de l'agent de la Colombie du 20 novembre demandait
en effet à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si la qiialifi-

cation de l'asilécomme délinqiiant politique - qualification faite
par l'ambassadeur colombien à Lima - était fondée et si,par-
conséquent, s'agissant d'un délinquant politique, le Gou\zernemeiit
de Colombie avait ou non l'obligation de remettre I'asilé aus
autorités péruviennes.
La Cour, par douze vois contre une, repoussa la teiitativc,

motif pris de ce qiie : rKon seulement l'existence d'une contesta-
tion entre parties n'a pas étéportée à la connaissance de la Cour' ».
....mais a qu'il ressort clc la date même à laquelle la demande en
interprétation a été introduite, qu'une telle contestation n'a meme.
pas pu se manifester d'une manière quelconque », et surtoiit que
<iles questions poséespar le Gouverncment de la Colombie tciident
à obtenir, par la voie indirecte d'un arrêtinterprétatif, la solution

de questions dont la Cour n'a pas étésaisie par les I'arties en cause >i.
Autrement dit, la Colombie cherchait à instituer une nouvelle.

' aIl vade'soi qu'onne peut considérercomme une contestatioaux termesde
cet article s&l fait qul'unedes I'artidéclareI'arret obscurtaiidis quel'autre
partiessur depoints défin...s(.4rr*t d27inovembre,epage403.)ce de vuesentre; COSTRE-MÉMOIRE PÉRUYIEN (~j III51) 87

instance. Son but réel, caché mais visible, était d'instaurer un
«recours IIcontre l'arrêtdu zo i!ovembre, contrairement à l'arti-
cle 60 du Statut de la Cour; selon lequel l'arrêtest définitif et sans
Irecours 11.En faisant porter sa demande sur la qualification des
faits reprochés à l'asiléet non plus sur le droit de qualification en
général,elle s'efforçait, de façon subreptice, de remettre en cause

la chose jugée, puisque la Cour avait déclaréque la Colombie
n'était pas en droit d'exiger un sauf-conduit, ce que le Gouverne-
ment de Bogota eût voulu obtenir afin d'éviter la remise.
En présencede l'arrêt de rejet du 27 novembre 1950, le Gouver-
nement du Pérou était, à noii\.eau, fondé à croire que le litige
était définitivement clos et qu'il ne lui restait plus qu'à en réclamer

l'exécution. Mais il avait compté sans la fertilité d'esprit de son
adversaire.
La nouvelle requête colombienne reprend exactement, mais par
un autre biais, la tactique précédemment employée.Faisant état
de la demande du Gouvernement du Pérou en date du 28 novembre
1950 relative à la cessation de l'asile et à la remise de l'asilé,elle

demande à la Cour de déterminer la manière d:exécuter l'arrêt du
20 novembre : «Et en plus de dire à cette fin, notamment, si la
Colombie est ou n'est pas obligéede remettre au Gouvernement du
Pérou RI.Victor Raul Haya de la Torre, réfugiéà l'ambassade de
Colombie à Lima. r On notera, non sans intérêt,l'identité absolue
au fond et la similitude dans les termes de la requête du 13 décembre

1950 et de la demande d'interprétation du 20 novembre. De telle
sorte que cette demande à fin d'exécution pourrait aussi bien
passer pour une demande à fin d'interprétation. La Colombie
s'efforce d'obtenir de la Cour une déclaration d'après laquelle elle
ne serait pas dans l'obligation de livrer l'asilé,déclaration qu'elle
interpréterait immédiatement par un a contrario facile, mais lim-
pide, comme l'autorisant à le garder - ce qui lui permettrait de
prolonger indéfiniment l'octroi d'un asile jugé cependant mal

fondé -, par là-même,de persévérerdans l'illégalitéet par consé-
quent de ne pas exécuter l'arrêt di1 20 novembre.
Situation non seulement contraire à l'arrêt, mais situation sans
issue, puisque l'arrêt du zo iiovembre déclare que le Pérou n'a
aucune obligation de délivrer de sauf-conduit. Ainsi l'asile se
perpétuerait azc ~rzéfid reila chose jugée.
Xoiivelle observation.
On remarquera que la deinande de la Colombie est fondée sur
une contradiction terminologiqiie dont on s'étonne, en raison de

son énormité,comment elle a pu subsister.
D'une part la Colombie prétend avoir exécutél'arrét, et, d'autre
part, elle demande dans ses coiiclusions :n de quelle manière doit
étrc exéciitépar la Colombie etle i'éroz l'arrêt du zo novembre i>.
1le dcox chosesl'une: ou bien la Colombie a exéciitéI'arrétet, alors,
pourquoi demande-t-elle comment elle doit le faire ? Ou bien elle88 COKTRE->~ÉI\IOIRE PÉRUYIEN (15 III51)

ne l'a pas exécuté,et alors ses allégationscorrespondent à ce qu'on
est convenu d'appeler une contre-vérité.
La Colombie prétend qu'elle a exécuté l'arrêt. Icila citation
s'impose' :«La Colombie, fidèleà ses traditions légaleset respec-
tueuse de la décision de ce haut tribunal international, n'a pas

insisté sur la qzialificationzrizilatérade la nature du délitiniputé à
M. Haya de la Torre, remplissant ainsi la première obligation que
lui impose l'arrêt de la Cour.
KLe Gouvernement de Colombie, obéissant à la seconde partie
de la décision de la Cour, s'est abstenn de dentander derechef au
Gouvernement du Pérouun sauf-conduit pour M.Victor Raid Haya
de la Torre.

ILe Pérou ne pourra donc en aucun cas faire valoir que la
Colombie n'a pas exécuté l'arrêtde la Cour. 11
Le paradoxe dépasse ici les limites de la vraisemblance. La
situation est assez comparable à celle d'un occupant sans titre qui,
ayant étéjugé tel et, par suite, dans l'obligation de déguerpir,
prétendrait avoir exécutéle jugemeut parce qu'il n'a pas exigédu
véritable propriétaire les titres de propriétéet la clef de la maison.
En fait, et c'est l'évidence mêmel,a Colombie n'a pas exécz~té,

car l'exécutionexige ici un acte positif. C'estnne obligationde faire:
elle consiste à mettre fin à uii comportement illégal.Ce n'est pas
exécuter cette obligatioii que de se cantonner dans la passivité,
en aggravant encore l'illégalitépar suite de sa prolongation. 11
n'y a, répétons-le,qu'un seul moyen d'exécuterun arrêtconstatant
l'existence d'une illégalité, c'estde la faire cesser.
Par ailleurs, il y a quelque audace à demander àla Cour comment

le Péron,bénéficiairede l'arrêtet qui réclamela prestation que cet
arrêtcomporte, devrait lui-mêmel'exécuter.C'est la Colombie,qui
est en possession de l'objet du litige et qui tient en ses mains l'effi-
cacité du jugement, qui doit l'exécuter ens'exécutant.
On peut se demander encore quelle est l'explication de la curieuse
transformation qu'a subie la «requête » en devenant «conclusions I)
du Mémoire.Le contraste est frappant. La requêteporte :

IDentande ri titre principal: qu'il plaise à la Cour ...en eréczrtion
de cequi a étédisposé2 l'article 7dz~Protocoled'amitiéet decoopération
si@ entre la Répzlbliqnede Colonzbie et la Républiquedii Péroz~

le 24 ?>$air,-,. de déterminer la manière d'exécuter l'arrêt du
20 novembre ïgjo ;
Et en plus, de dire à cette fin, notamment, si la Colombie est
ou n'est Das oblieée de remettre au Gouverneme't du Pérou ~ ~
M. Victor '~ahl ~&a de la Torre ....
((Demande subsidiaire : Au cas où la demande ci-dessus serait
rejetée,
iQu'il plaise à la Cour, en l'exercicede sa compétenceordinaire

....de dire et juger si, confornzén$enatn droit en vigaiezcrentre les
' hlhoire de la Colombie, pago 20. COSTRE-MÉUOIRE PÉRUVIEN (15 III51) 89

Parties et partici~lièrement ail droit international américain, le
Gouvernement de Colombie est ou n'est pas obligé de remettre
$1. Victor Raul Haya de la Torre au Gouvernement du Pérou. »
Très différentes, les conclusions du Mémoire portent : IIPlaise
à la Cotrr dire de quelle manière doit êtreexécutépar la Colombie
et par le Pérou l'arrêtdu zo novembre 1950, et, en plus, dire et
juger que la Colombie n'est pas obligée, en exécution dudit arrêt
du 20 novembre 1950, de remettre hf. Victor Rad Haya de la Torre

aux autorités péruviennes.
s Au cas où la Cour ne statueraitpas lur la conclusion précédente,
qu'il lui plaise de dire et juger, en exercice de sa compétence
ordinaire, que la Colombie n'est pas obligée de remettre l'accusé
politique hl. Victor RaUl Haya de la Torre aux autorités péril-
viennes. 31
On remarquera qu'il ressort de la comparaison de ces deux
textes, d'abord que les concliisions du Mémoirene font plus mention

du Protocole d'amitié et de cool~érationdii 24 mai 1934. sur lequel
était principalement basée la requête. Curieuse inadvertance.
Cependant, la requêteétant reproduite intégralement à la page 19
du Némoire colombieii et le Mémoirelui-même,page zo, se basant
sur l'article 7, znie alinéa, paragraphe unique, dudit protocole, il
ne semble pas douteux que c'est bien sur la compétence que cet
article 7 confère à la Cour que la demande colombienne principale
est fondée l.Sans cela, en cffct, il n'y aurait plus aucune base à la
demande colombienne. Elle se réduirait purement et simplement à

un nouveau s recours >Iauqnel le Pérou n'aurait aucune raison de
se prêter, car il n'a coiiclu aucun compromis avec la Colombie en
vue d'instituer cette instance. Ainsi que nous le dirons ci-dessous,
c'est sur la base de l'article 7, paragraphe unique, du Protocole
d'amitié de 1934 que le Gouveriieinent du Pérou s'est considéré
comme tenu de plaider à la nouvelle instance.
En second lieu, on remarquera qu'il n'est plus parléde demande
siibsidiaire, tout an moins formcllcment, et surtout, que cette

demande, réduite à une présentation des plus modeste, renonce à
prier la Cour de juger rconforinément au droit en vigueur entre
les Parties et en particulier au droit international américain >i.
L'omission de la référence a au droit international », généralou
américain, est facile à expliquer, et pour nous précieuse.L'agent du
Gouvernement colombien a dîi s'apercevoir, entre le dépôt de sa
requêteet celui de son Mhoire, qu'une telle mention appelait une
réfotation par trop facile et découvrait dangereusement sa tactique.

Le droit international et le droit américain n'ont en effet plus rien
à faire ici;ou plutôt ils commandent de direquetouteslesquestions
de droit avant étéexaminées et tranchées par la Cour, ce qui est
jugé est jugé. Pour le Gou\;eriiement du Pérou, tout le droit en

' II fauinterpréter danle meme sens I'nllusian dans les conclusions, alinéa~.
A la compétence ordinaide laCour. 90 CONTRE-~IÉAIO ÉREUVIEN (15 III51)

l'espèce est aujourd'hui contenu dans l'arrêtqui est l'application
, de la règle de droit à l'affaire concrète en cours. Mais la mention
supprimée et surtout sa suppression permet de souligner que la
Colombie avait pour intention première de remettre en question
l'arrêt du 20 novembre et d'instituer un nouveau recours sur le
fond, contrairement à l'articl77 du Statut de la Cour. C'est le cas
de se souvenir du fameux brocard : Habernusconfitentemrezlnz.
Nous nous demandons même cc que vient faire dans le Mémoire
la discussion de l'interprétation de la Convention de 1926. Cette
interprétation, elle aussi, a désormais force de chose jugée, et toute
discussion, soit du Mémoire, soit des consultations qui y sont

jointes, sur la Convention de La Havane, ne présente pas la
moindre pertinence. La Convention de La Havane ne pourrait donc
plus êtreprise en considération qu'en ce qui concerne ce qu'elle
dit au sujet de la cessation de l'asile quand il a étérégulièrement
octroyé. Or, selon l'article premier, si l'asile a étéoctroyé à tort à
un accusé pour crime ou délit de droit commun, l'asilé doit être
remis aux autorités locales. On en pourrait déduire que tout asile
accordé illégalement a pour sanction la remise de l'asilé.D'autre
part, l'article porte que l'asile des criminels politiques serares$ecté
dans la mesure où il aura étéoctroyé d'accord avec les stipulations
de ladite convention. Or, l'arrêtdu 20 novembre déclare que ces
stipulations n'ont pas étéobservées. On en pourrait conclure, par

interprétation stricte, que le Pérou n'a pas à respecter l'asile,
d'autant plus que sa prolongation constitue une nouvelle illégalité
reposant sur la violation de l'arrêtdu zo novembre.
Une telle interprétation est toujours celle de certains juristes
internationaux. Toutefois, si le Pérou a considéré comme un
devoir de laisser subsister le fait de l'asile jusqu'au moment où
la Cour a rendu son arrêt, il n'en considère pas moins que juri-
diquement il a désormais perdu tout caractère de respectabilité.
Qu'il fut bien dans les intentions de la Colombie de s'attaquer à
l'arrêt du zo novembre et de tout mettre en Œuvre, délibérément,
pour revenir sur les décisionsde la justice, cela ressorà l'évidence

du caractère insolite de certaines annexes qui figurent à la suite
du Mémoire.On pourrait m&meleur rattacher d'autres documents
et comportements sur lesquels il nous paraît plus correct de ne
pas insister. Il convient de signaler que le décret-loi qui figure à
l'annexe 6 et qui n'est plus en vigueur n'affectait en rien le fonc-
tionnement normal et régulier du pouvoir judiciaire.
11n'est pas d'usage de chercher à mobiliser contre un arrêt cn
force de chose jugée l'opinion plus ou moins surprise ou sollicitée
d'individualités, de personnalités officieuses, ni surtout celle de
la presse. Rien n'eût empêchéle Gouvernement du Pérou de
constituer un dossier de ce genre, mais il estime qu'il est correct,

. sails plus, de s'abstenir. On notera seulement que ladite mobili-
sation paraît bien avoir étéfaite avant que l'arrêt n'ait pu être
connu des rédacteurs américains, ainsi que le prouvent les dates de CONTRE-~IÉYOI RÉERUVIEN (15 III51) 91

plusieurs de ces articles. La grande majorité d'entre eux est anté-
rieure au 27 novembre, et quelques-uns seulement sont postérieurs,
cependant que d'autres, qui ne portent pas de date, s'inspirent des
premières informations câbléesaprèslasentence. Tout ceci dénioritre
un sens certain de l'orchestration ; mais noii point un sens égaldu
respect de la justice.
Au surplus, une adjonction au Rlémoirecolombien de la plupart

de ces pièces ne parait pas êtreconforme à l'article 43 du Kègle-
nient de la Cour.
Le Mémoire colombien, dans sa partie finale (III) affirme
quc le Gouvernement de Bogota ne poursuit d'autre intérêtque
la défense tle l'institution de l'asile, d'une traclition juridique,
d'il11devoir d'humanité et de l'intégritépersoiinelle d'un homme
politique dc grand prestige. Mais on peut douter de ces affirniatioris
lorsqu'oii voit la façon dont la Colombie a essayé dc travestir le
débat juridique au lieu de chercher à exécuter l'arrêt.Elle s'est
effoicée d'attaquer la justice péruvienne dont la Cour dans son

jugement avait affirmé qu'il n'y avait aucune raison de mettre
en doute l'impartialité. Ainsi cherchait-on à désorienter l'opinion
publique américaine. Bien plus, on n'a pas hésité à attaquer la
justice internationale elle-même en la déclarant incapable de
comprendre et de juger les problèmes américains (annexe 6).
Xous nous reprocherions d'insister davantage.
Quant aux deux consultations d'éminents juristes qui figurent
aussi aux annexes, nous sommes bien obligés de les englober dans
la mêmeappréciation de non-pertinence. L'un d'eus ne fait guèrli
que reproduire les opinions dissidentes et en développer les prin-

cipaux arguments. Quel que puisse êtreleur intérêt intrinsèque,
ces opinions n'affaiblissent pas la force obligatoire de la chose
jugée. L'auteur conclut sans liaison apparente avec ses raisoiiiie-
ments antérieurs à ce que (il'arrêtde la Cour dise que la Colombie
n'est pas tenue de livrer le sieur Haya.de la Torre aux autorités
péruviennes II.
L'autre consiiltation, largement reproduite dans le Mémoire
mais dorit les conclusions n'y figurent pas, cherche à construire
un dilemme dans lequel la Cour serait enserrée : s 1' l'asile ne

peut durer ; z0 il ne peut cesser par la remise du réfugié à son
gouvernement qui le réclame. C'est donc vers la remise à un tiers
qu'il faut penser. Von pas à un particulier, certes. mais à un orga-
nisme international qu'il est aisé de découvrir. 8 Cet organisme
international - qu'il n'est pas si aiséde décou\rriret auquel nous
n'avions pas pensé -, c'est, pour le signataire de la consultation,
l'organisation internationale des Réfugiés.Cette solutioii inatten-
due constituerait peut-êtreun moyen de tenir en échecle jugement
du 20 novembre qui permet au Gouvernement de Lima de refuser
le sauf-conduit ! %Ialheureuseinent. l'auteur avoue lui-même : n .4

le prendre tel qu'il est, le statut généralde l'O. 1. R. ne lui offre
peut-étre pas la possibiiiléIdgalede prendre en charge une personneg2 CO~TRE-,~É~IOIREPÉRUVIES (15 II1 51)

qui ne tombe pas sous la défiiiition des termes a réfugié u et iper-
sonne déplacée r. »En effet, nous pensons que l'O. 1. R. n'apas
Rté instituée pour servir de refuge aux délinquatits et qu'il ne
suffit pas d'invoquer l'humanité, comme le fait l'auteur consulté,
pour l'inciter à sortir de sa compétence '.
Nous ii'aurons pas, à notre tour mais en sens inverse, I'imperti-
nence de discuter l'arrêtdu 20 novembre. Xous dirons simplement
'
que tous les juristes ne sont pas de l'avis de ceux que la délégation
colombienne a réunis en rangs serrés. Il en est qui estiment que la
Cour a fait faire un progrès considérable au droit de l'asile, notam-
ment dans les considérants où elle statue que le criminel politique
n'a pas un droit acquis - parce que tel - à l'immunité de juri-
diction, à l'instar d'un chef d'État ou d'un diplomate, et que l'asile .
répond avant tout à un but d'humanité et d'urgence ;qu'il n'est
pas fait pour donner des facilités d'intervention politique dans les

fonctions essentiellcs de l'État. Quand il est utilisé en ce sens, il
constitue un véritable abus de droit, et le déguiseinerit moral et
humanitaire dont on le recouvre va en réalité contre son but même.
Il ne saurait être permis à des politiciens, fussent-ils de la plus
haute valeur et doués du plus grand talent, de déclencher, sans
risques pour eux-mêmes, des troubles et des émeutes où de mal-
heureux citoyens, simples et innocents, seraient seiils à ne plus
jouir de la protection des droits de l'homme. En mettant ces

véritésen lumière, l'arrêt du 20 novembre - dont ltotss pensons
qzl' iltappelé à faire iz~risprzidence- contribue à la formation de
ce adroit international iiouveau » dont la caractéristique est de
rctnplacer l'arbitraire des soiiverainetés par le rcslpect de l'ordre
public. Tout cela a étédit au cours des débats oraux antérieurs.
Ccs observations faites, nous en viendrons maintenant à l'examen
des conclusions de la requête.

II

L'argument essentiel sur lequel repose le Némoire daris sa
totalité et, par conséquent, ses conclusions, est tiré d'un attendu de
la Cour selon lequel, aux dires du Gouvernement colombien, I'arrêt
du 20 novembre aurait déclaréque l'asiléest tin accusé politiqiie.
Lors inêmeque cet argument serait exact - et il ne l'est pas-, il
ne s'erisuivrait en aucune façon que la sentence se trouve par là
infirmée, que l'asile ait étéoctroyé et maintenu conformément à

la Convention de La Havane de 1928 et que par conséqiient il ne
doive point cesser. L'un des consultants du Gouvernement colom-
bieli s'approprie cet argument et, prétendant lui aussi s'appuyer
sur la chose jugée, coiisidèreque le considérant fait partie du dispo-

' SOUS nousétonnonségalementque le savant professeur auquel la consultation
qui nc pcuvent etre que l'écho des informations tendancieuses qui lui ont été
fournies parIïGouvernement colombien. COSTRE-~~ÉIOIRE PÉRUPIEN (15 11151) 93
sitif et que par conséquent l'asile a étécorrectement octroyé. L'émi-

nent consultant a mal lu l'arrêt du zo novembre. Cet arrêtne dit
rien de tel, mais. senlemeiit que le Pérou n'apas fait la preidveque
le délit derébellionfût uii délit dedroit commun. Bien qu'il ne soit
pas nécessairede remettre sous les yeux de la Cour les considérants
de son jugement, il nolis paraît difficile de ne pas reproduire celui-ci
pour montrer combien il est oséde vouloir lui faire dire ce qu'il ne
dit pas : «En revanche, la Cour estime que le Gouveriiemcnt du
Pérou n'a pas démontré que les faits dont le réfugiéa étéaccusé
avant les 3-4 janvier r949 sont des délits de droit commun. Du
point de vue de I'ap1)lication de la Conl:ention de La Havane, c'est
le libellé de l'accusation, telle qu'elle a étéformulée par les auto-

rités judiciaires avant l'octroi de l'asile, qui entre seul en ligne de
compte. Or, comme il ressort de l'exposédes faits, toutes les pièces
émanant de la justice péruvienne portent comme unique chef
d'accusation i<la rébellion militair», et le Gouvernement tlii Pérou
n'a pas établi que la rébellion militaire coiistitue cii soi un crime de
droit commun. L'article 248 du Code de justice militaire péruvien
de 1939 tend même à démoiitrer le contraire, car il établit une
distinction entre la rébellion militaire et les crimes de droit com-
mun.... Ces constatations autorisent à dire que le preniier grief
adressé à l'asile par le Gouvernement du Pérou n'est pas justifié
et oue. sur ce uoint, la demaiide reconventionnelle est mal fondée

et Ait' êtrerejetée. il'
La Cour a jugéque le premier grief n'était pasjustifié.La défense,
péruvienne, estimant (lue la question n'était pas de savoir si la
qualification faite par l'ambassadeur colombien était ou non régu-
lière, mais qu'il s'agissait de savoir si ellepouvait êtreconsidérée
comme définitive, s'était en effet bornée à esquisser la distiiiction
entre les crimes de droit comniun et les crimes politicliies. Elle
aurait pu la pousser plus loin, au lieu de se borner à indiquer que
sur ce point il y a une évolution indiscutable du droit positif et
que le caractère atroce de certaiiis crimes, mSme coinmis dans iin
but politique, est de nature à leur enlever leur caractère. Mais,

nous le répétons,ce n'était pas et ce n'est pas l'objet du litige.
Il suffit an Pérou que la deuxième base assignée A sa demaiide
reconventionnelle, c'est-à-dire la méconnaissance de l'article 2,
paragraphe 2, de la Convention de La Havane, fût de la façon
la plus nette reconnue fondée par la Cour. Elle l'a étéaprès un
examen extrêmement approfondi (pages 282 à zS7 du Recueil dont
nous extrayons les passages suivants) : rEn conclusion, sur la base
des constatatioiis et considérations énoncées ci-dessus, la Cour
estimequ'à la date des 3-4 jan~~ier 1949, il n'existait pas un daiiger
constituant un cas d'urgence, au sens de l'article z, paragraphe z,
de la Convention de La Havane >i,et plus loi: iLa Cour est amenée
ainsi à constater que l'octroi de l'asile, à partir des 3-4 janvier

1949 jnsqn'au moment où les deux Gouvernemerits sont tombés
d'accord pour lui soumettre leur différend,a étéprolongé pour une94 CONTRE-YÉXOIR PÉERUVIEX (j IIIj~)

raison quel'article z, paragraphe z, de la Convention de La Havane
ne reconnait pas I),d'où le dispositif:r La Cour ....dit que l'octroi
de l'asile par le Gouvernement de la Colombie à Victor Rail Haya
de la Torre n'a pas étéfait en conformité de l'article z, paragraphe z,
« premièrement »,de ladite convention. »

Xous nous trouvons ici d'accord avec l'un des consultants pour
estimer qu'il est des cas où les considérants d'un arrêt font corps
si intimernent avec le dispositif, qu'ils revêtent, au mêmetitre que
lui, l'autorité de la chose jugée. La seule différence entre iiotre
attitude et la sienne, c'est que nous reproduisons les considérants
tels qu'ils ont étéformulés,avec leur sens naturel, au lieu de cher-
cher à en extraire quelque chose qu'ils ne contiennent pas.
S'ilétait besoin d'insister sur ce point, nous trouverions la consé-
cration de notre affirmation dans un passage tiré, cette fois, de

l'arrêt du 27 novembre Igjo qui rejette la demande d'interpréta-
tion. On le trouvera à la page 402 du Reczreil: e La première qnes-
tion a trait àla qualification qui a étédonnéeen fait par l'ambassa-
deur de Colombie à Lima du délit imputé au réfugiéet tend à faire
déclarer par la Cour que cette qualification fut correcte et qtc'ily n
lier6de lf~ ricoia?iailrdes egets jzcridiqzres.La Cour constate que ce
point ne lui a pas étésoumis par les conclusions prises par le Gou-
vernement de la Colombie au cours de l'instance qui a coiiduit à
l'arrêt clizo novembre ïgjo. En vertu de ces conclusions, la Cour

n'a étéappelée à statuer que sur la prétention, formuléeen termes
abstraits et généraux,selon laquelle la Colombie, en tant qu'État
octroyant l'asile, a le droit de qualifier la nature du délit par une
décisionunilatérale et définitive, obligatoire pour le Pérou.
uQuant à la partie de la demande reconventionnelle du Gouver-
nement du Pérou qui était fondéesur une violation de l'article I,
paragraphe 1,de la Convention de La Havane ...la Cour a constaté
que le Gouvernement du Pérou n'en avait pas apporté la preuve.

La Coz~r n'a statzrSZ~Yatcctlneazitreqzlestionàcet éprd ....
1La Cour ne peut que se référer à ce qu'elle a déclaréen termes

statué sur elle et ne pouvait le faire..II
Ce n'est pas nous, cette fois, qui affirmons que la Cour n'a pas
tranché la question de qualification des délits reprochés à l'asilé
et que les considérants qui se réfèrent à ce point ne présentent
aucune pertinence juridique pour la signification de l'arrêt du

20 novembre : c'est la Cour elle-même.

Il convient maintenant de souligner que le Pérou,en acceptant de
plaider à cette instance, fait preuve d'une insigne bonne volonté et
d'une confiance totale en la sagesse de la Cour. Il eût pu être tenté
de soutenir l'irrecevabilitk de la requête.
Nous avons dit, en effet, qu'il s'agit pour la Colombie non pas,
comme elle le prétend, de la manière d'exécuterl'arrêt, mais bien COSTRE->IE>IOIRE PÉRUVIES (15III51) 95
de la meilleure façon de se soz~straireri son exécutio,~et de rester

dans le statu qtto et l'illégalité.De mêmeque la Cour coristatait
dans l'arrêtdu 27 novembre qu'il ne suffit pas, pour qu'il y ait un
différend d'interpriitation,que l'une des Parties se contente <le
l'affirmer, de même ellepourrait constater dans la présente instance
qu'il ne suffit pas que la Colombie prétende qu'il y a entre elle et le
Pérou un différend sur l'exécution pour que ce différend existe en
réalité.Il faudrait, pour qu'il en fût ainsi, que chacune des deux
Parties ait exprimé contradictoirement son sentimciit sur les

moyens d'exécuter. Or, il n'en est rien, puisque le I'érou seul a
proposé un mode d'esiicutioii tandis que la Colombie, sans lui en
opposer aucun autre, cherche un mode d'inexécution.
Elle prétend faire dire à la Cour que le procédéoffert par le
Goiivernemeiit de Lima n'est pas acceptable, mais elle se garde d'en
offrir aucun autre.
Xous avons dit ci-dessus que le Gouvernement du Pérou s'était
toujours réservé de faire valoir son droit, et c'est pourc~uoi il a

proposé dans sa note du 28 novembre 1950 le procédéde la remise
de l'asilé. C'est que cette façon de mettre fin à l'illégalitéque
constituent l'octroi et le maintien de l'asile luiseml~le à la fois le
plus direct, le plus naturel et le plus sûr.
Le plus direct pour un plaideur de bonne foi, c'est de se soumettre
à la sentence. La remise serait aussi ce qui correspondrait le plus
exactement aux considérants de l'arrêtqui qualifient l'attitude de
la Colombie d'interuentio,~dans l'accomplissement de la justice
péruvienne et qui impliquent que celle-ci doit reprendre son cours
régulier anormalemeiit suspendu.
Le Gouvernement péruvien estime en outre que ce mode d'esécu-
tion est également le plus sûr. Il peut, il est vrai,y avoir d'autres

façons d'exécuter l'arrêt,et de ce chef le Gouvernement de Lima
ne prétend faire preuve d'aucun exclusivisme. Il est prêt à accepter
le recours à tout procédé,pourvu que ce procédépermette à la
justice péruvienne de reprendre son cours normal arbitrairement
interrompu.
Une autre façon d'exécuter l'arrêt,plus formelle, moins parfaite
mais encore adéquate, consisterait à faire cesser l'asile, en faisant
savoir à l'asiléqu'il est désormaisimpossible à un plaideur de bonne
foi de continuer à lui en assurer la protection. puisque celle-ci est
illégale,et de l'inviterà jrmettre fin de lui-mêmeen y renonçant
librement. La situation serait ainsi rétablie dans son état primitif,
telle qu'elle était antérieurement au 3 janvier 1949 et le jugement
recevrait ainsi son exécution par une sorte de restitution in inte-

grziin. Le droit ayant ainsi reçu satisfaction, le Gouvernement
péruvien, pour permettre le fonctionnement normal de ses institu-
tions judiciaires contrarié par l'intervention, serait évidemment
obligéde s'assurer de la personne de l'accusé commeil s'y efforçait
avant l'octroi de l'asile. Leeiir Rahl Haya de la Torredoit accepter96 CONTRE-MÉMOIREPÉRUYIEN (15 III 51)
ce risquejuridique auquel il s'est lui-mêmeet volontairement exposé

en déclenchant la rébellion.
Le Gouvernement de Lima avait donc pensé et continue à
croire que la remise de l'asilé constitue la meilleure façon d'exé-
cuter l'arrêt. Il est prêtà se conformer à la décision de la Cour
si elle statue en ce sens. Cependant, il considère que la remise
de l'accusé n'étant pas le seul procédé d'exécution imaginable,
il est prêt à en accepter un autre que la Cour pourrait indiquer,
pourvu que ce procédé procure sans équivoque i'exécutiori de
l'arrêt du 20 novembre et permette à la justice péruvienne de
reprendre son fonctionnement normal.
Cette position prise, il resteevenir aux conclusioiis du Mémoire
colombien et à indiauer sur auels points nous demandons à la
Cour de les rejeter.
La conclusion principale de la requête demande à la Cour de
sur la base de l'article7 du Protocole d'amitié et de cooué-
,ueer
ration de Rio-de-Janeiro de 1934, c'est-à-dire d'accepter une com-
pétence que ce texte lui confère. Nous le lui demandons également,
mais pour des motifs assez différents.
Ledit article 7 constitue pour nous un engagement général de
résoudre tous les différends présents ou futurs par des voies paci-
fiques et en particulier en les soumettant à la Cour internationale
de Justice. En cas d'échec des négociations diplomatiqnes, ledit
article déclare que chacune des Parties $oz~rra - sans toutefois
y êtreobligée - recourir à la procédure prévue à l'articl36 du
Statut de la Cour, c'est-à-dire - pensons-nous - signer le proto-
cole prévu au paragraphe 2 dudit article, mais sans y apporter
aucune des limitations ou réserves qui peuvent accompagner cette
signature.

A notre connaissance, la déclaration spéciale à laquelle il est
fait allusion (clause facultative) a bien étéfaite par la Colombie,
mais elle ne l'a pas étépar le Pérou. L'on pourrait peut-être, en
conséquence, soutenir que la Cour n'a pas reçu de compétence
spéciale en vertu du Protocole de Rio-de-Janeiro. Mais le Pérou
n'entend pas se prévaloir de cette exception. Il estime, répétons-le,
que le Protocole de Rio comporte une obligation générale : celle
de résoudre tous les litiges par voie juridictionnelleà défaut de la
voie diplomatique et que la signature de la clause facultative n'est
qu'une modalité de cette obligation principale. Celle-ci subsiste
en tout cas.
Le paragraphe unique de cet article 7 vise, afin d'en compléter
la portée, le cas où le litige naîtrait de l'impossibilitéoù se trouvent
les Parties d'arriver à un accord sur l'exécution d'une sentence
prononcée, et il veut que ce litige subsidiaire soit lui aussi résolii

par la Cour de La Haye. Le Traité de Rio-de-Janeiro avait donc
pour but (l'assurer les deux pays contre l'éventualité de cette
inexécution d'un arrêt de la Cour, ce qui est le cas présentement.
Le Gouvernement de Lima pense que les deux pays, dans l'intérétde sa part à exclure l'un quelconque. des modes d'exécution, c'est-
à-dire la remise, car ce serait déjà répondre partiellement à la
demande conjointe qui lui est présentée dedésigner elle-niêmele
mode d'exécution.

III

Si la demaiide principale à laquelle nous venons de nous associer
soiis les conditions susdites ne devait pas ètre prise en considéra-

tion, nous demanderions à la Cour de trancher dans l'exercice de sa
compétence ordinaire une autre question de droit ; cette question
de droit pourrait ètre ainsi formulée : «Dire et juger que l'asile
octroyé au sieur Kahl Haya de la Torre depuis le 3 janvier 1949 et
prolongé depuis lors ayant étéjugé contraire à l'article2, para-
graphe z, du Traité de La Havane de 1928, aurait dû cesser immé-
diatement après le proiioiicéde l'arrêtdu 20 novembre 1950et doit
en tout cas cesser immédiatement afin que la justice péruvienne
puisse reprendre son cours normal. II
Qii'il s'agisse là d'une pure question de droit sur laquelle la Cour

est habilitée à traiter, conformément à l'article 38 de son Statut,
cela résulte de considérations qui ont déjà étéexposées inais qii'il
nous semble utile de résumer à nouveau.
L'arrêt passé en force de chose jugée le zo noveinbre 19jo est
définitif et sans recours. Sa clarté n'est pas douteuse, ainsi qu'il
ressort de l'arrêtégalement définitifet sans recours du 27 novembre
1950, Ces deux se complètent et doivent êtreexécutés debonne
foi. Toute tentative tendant à obtenir de la Cour qu'elle se déjuge
constitue en soi iine méconnaissance de l'autorité de la chose jugée
et une sorte de dédain des décisionsde justice (conle~nplof cotir/)

au sens large. C'est pourtant contre ces arrèts que s'est déployée
l'offensive politique de la Coloinbie.
Par exécution d'un arrèt, il faut comprendre lion seulement
l'exécutioii formelle des termes de l'arrêt qui, en l'espèce, sont
d'ailleurs suffisamment clairs, mais aussi toute action indispensable
à prociirer la réalisation effective de ce qui est conteiiu dans la
décision juridictionnelle, sails quoi celle-ci resterait lettre morte.
Cette r&gle d'interprétation est parallèle à celle cllie la Cour a
toujours admise en matihre de traités. Elle vaut de la mêrnefaçon
en cc qui concerne les arrêts, car il s'agit, dans I'uri et l'autre cas,
d'un instrument juridique ayant même valeur obligatoire. Le

traité est larloi des parties 1clans le sens abstrait du terme. L'arrèt
est la I<loi des parties >idans l'affaire concrète qui forinait l'objet
du litige. Lorsque l'exécution de l'arrêt comporte nécessairement
une prestation active sans laquelle la situation qui a été dbclarée
illégale iie pourrait être assainie, la partie condamnée est dans
l'obligation juridique, iitcoictestableet- qu'on nous passe ce terme
un peu trop souvent employé - éuidented'accomplir l'obligation CONTRE-MÉMOIRE PÉRUVIES (15 III51) 99

de faire sans laquelle l'autorité de la chose jugée deviendrait illu-
soire. Le prestige des arrêts de la Cour ne risque pas d'êtreterni.
Le dispositif de l'arrêtdu zo novembre porteque l'asile est contraire
à l'article z, paragraphe z, du Traité de La Havane de 1928 ;qu'il
constitue par conséquent un acte nul dans son origine et qui, par sa
prolongation, est de nature à devenir un acte illicite. La Colombie
est dans l'obligation juridique de le faire cesser, et son inaction

depuis la date de l'arrêt comportant cette obligation serait suscep-
tible de donner lieu en faveur de son adversaire à des réparations
correspondant au préjudice qui lui est causé.
Il n'est pas dans les intentions du Gouvernement du Pérou de
formuler sur ce point une demande nouvelle. Nous nous bornerons
donc, afin d'étayer nos conclusions sur le point de droit soulevé, à
choisir quelques citations parmi les nombreux auteurs qu'il nous

serait facile de citer à l'appui de notre demande.
Selon IVitenherg (L'organisation @diciaire, la procédzcreet la
sentence internatio~zales,pp. 352 et suivantes), la sentence a force
obligatoire. Les parties doivent s'y conformer et exécuter de bonne
foi(isans objection, subterfuge on retard quelconque 11.
La plupart des auteurs ont admis, il est vrai, que ce problème
de la force obligatoire de la sentence était surtout (l'ordre théorique

parce que les parties ne cherchent pas d'ordinaire à s'y dérober.
Certes, il peut naître des difficultés d'exécution : on a invoqué la
compensation ; la difficulté de déterminer la somme à payer ;de
modifier la législation, etc. Le Gouvernement colombien se refusa,
on le sait déjà,sous couleur de difficultésd'interprétation, à exécu-
ter la sentence rendue en mars 1897 par le président Cleveland dans
l'affaire Cerruti, et l'Italie n'hésita paà envoyer une flotte bombar-

der Carthagène '. On se rappelle que, à la suite de la senteiice de
l'Alabama, le Gouvernement anglais eut quelque peine à calmer
l'opinion publique. Il y parvint cependant : <rRotre devoir II,
déclara le chancelier Lowe à la Chambre des Communes, a est
d'adhérer an jugement et de payer les sommes dont il nous taxe,
sans chicanes ni commetztaires.
N. Politis dit nettement dans sa Jnstice internationale (p.,go) :
ciLe besoin d'une sanction spécialene se fait pas sentir. Les Etats

se contentent d'une exécution volontaire parce qu'en fait elle.est
suffisante. Il n'est pas d'exemple de sentence valable qui n'ait été
exécutée, quelles que fussent d'ailleurs les objections formulées
contre elle par la partie condamnée, l'engagement pris par le com-
promis de s'y soumettre loyalement est encore de trop fraîche date
quand la sentence intervient pour que l'on puisse songer à's'ysous-
traire sans jailliràI'honnezcr. 1)

Sans doute depuis lors a-t-on vu quelques exemples de refus
d'exécnterdes senteiices arbitrales, mais on rappelle qu'une sentence

R. G. D. 1P. 1412,p.273.Hambro, n L'exéci~fides sentencintevnationales u,
1936;(;rorges.SceC lolrs,La Haye,1gj3,4. p. 576.I00 COSTRE-MÉYOIRE PÉRUVIES (15 IIIj~)

ne peut rester inexécutéeque si on l'attaque pour nullité ou par
revision, en vertu de la survenance d'un fait nouveau.
Le professeur Rousseau, dans ses Principes générazixde droit
internatioital pt~blic (pp. 678 et suivantes), fait une synthèse des

grands principes qui dominent la matière et qui s'appliquent,
répétons-le, à tozrtacte jziridiqtie, aussi bienà une sentence qu'à lin
traité sans, bien entendu, que nous prétendions assimiler l'un et
l'autre. Mais tous deux édictent des règles de droit et, sur ce point
du moins, peuvent êtreassimilés.
11rappelle que la matière est dominée par trois grandes règles.
La première est celle de la bonnefoi, sur laquelle nous nous repro-

cherions d'insister.
La seconde est que l'interprétation ne saurait être tentée quand
il n'y a pas à interpréter. Il cite Vattel (livre II, chap. 17, par. 263),
où l'auteur àéclare que quand un acte est conçu en termes clairs
et précis : «aller chercher ailleurs des complications pour le res-
treindre ou pour l'étendre, c'est vouloir l'éluder ». De ce principe la

C. P. J. 1. a fait l'application à différentes reprises : «Le devoir de
la Cour est nettement tracé. Placée eii présenced'un texte dont la
clarté ne laisse rien à désirer, elle est tenue de l'appliquer tel qu'il
est, sans qu'elle ait à se demander si d'autres dispositions auraient
pu êtreajoutées ou substituées avec avantage. » (Avis consultatif
du 15 septembre 1923 sur l'interprétation de l'article 4 du Traité
de Minorités polonaises ;Série B, no 7, p. 20 '.)

Le troisième principe et le plus important, c'est celui qui a été
qualifié par le jurisconsulte Ehrich de e règlede l'eficacitéI>(Reczieil
des Cozlrs de I'Académie,1928, 4).
Anzilotti a dit de son côté(p. 113 de la traduction id el )nToute
règle doit être prise pour ce qu'elle contient rCellement sans en
étendre ou en restreindre le sens, mêmesi le contenu réel de la

norme peut sembler à l'interprète ou restreint, ou trop large. 1)
Wolf a écrit :K On ne doit pas admettre une interprétation de
laquelle il s'ensuivrait qu'on n'a rien entrepris. » Et Vattel : ciOn
ne présume pas que des personnes censées aient prétendu ne rien
faire en traitant ensemble ou en faisant totrt antre acte sériez~x.
L'interprétation qui rendrait iin acte nul et sans effet ne saurait

donc être admise. » Enfin, Calvo (5me éd., .1896, t. 3, p. 396) :
«Toute clause prêtant à un double sens doit s'interpréter et s'enten-
dre dans le sens qui peut lui faire sortir son efet zitile et non dans
celui qui la rendrait impraticable. >i
Il s'agit là d'tin $rinci$e gé~iérad le droit dont le professeur
Rousseau, pages 680-683, donne une longue liste d'applications. La
C. P. J. 1. dans une de ses ordonnances, dans l'affaire des zones
franches, a déclaré également : (1Dans le doute, les clauses d'un

'Voir aussiAvis consultatif d3r-7-22sur l'interprétatide la compétence de
1'0.1. T. Série .4/i3no2, p. 22; amet du 17-8-93 dans l'affaidrue Wimbledon.
Série A/B, no5, p.24, etc. CONTRE-MÉMOIRE PÉRUVIEN (15 III51) IO1

compromis ...doivent ...êtreinterprétéesd'une manière permet-
tant de déployer leurs effets utiles. 1)
If. Rousseau fait en outre remarquer la filiation qui existe entre
la règle de l'effet utile ou de l'efficacitéet celle de la prise en
considération de l'objet et du but de l'acte juridique (détermination
de la ratio legis). Voir également en ce sens Hudson, dans son livre
sur la Cour permanente, page 660, où il accorde la préférence
à l'interprétation qui permette à L'actede répondre effectivement

à son objet.
Nous ne voudrions pas alourdir cctte démonstration, qui peut
se résumer en deux mots. Qu'il suffise de rappeler qu'il serait .
inadmissible que la Cour ait rendu un jugement dénuéde toute
efficacitéet laisse entier le litige qu'elle est chargée de résoudre.
Un jugement est obligatoire dans tout ce que contient son texte
et dans tantcequi est nécessairefiourquele texte ait une signification.
L'exécutionconsiste non à épiloguersur ce que le jugement ordon-
nait de faire ou de ne pas faire, mais à faire tout ce qui est indis-
. pensable pour qu'il ait un effet réel correspondant aux buts du
compromis.
*
* *
C'est en se basant sur ces considérations que nous demanderons

à la Cour de bien vouloir adjuger les conclusions suivantes :
PLAISE A LA COUR :

1. Déclarerde quelle manière doit êtreexécutépar la Colombie
l'arrêtdu zo novembre 1950 ;
II. Rejeter les conclusions de la Colombie tendant à faire dire,
sans plus, que la Colombie n'est pas obligéede remettre
Victor Raiil Haya de la Torre aux autorités péruviennes ;

III. Au cas où la Cour ne statuerait pas sur la conclusion no 1,
dire et juger que l'asile octroyé au sieur Victor Raiil Haya
de la Torre le 3 janvier 1949 et maintenu depuis lors, ayant
étéjugé contraire à l'article2, paragraphe 2, du Traité de
La Havane de 1928, aurait dû cesser immédiatement après
le prononcé de l'arrêt du zo novembre 1950 et doit en
tout cas cesser désormais sans délai, afin que la justice
péruvienne puisse reprendre le cours suspendu de son
exercice normal.

Fait à La Haye, le 15 mars 1951.

(Signé) CARLOS SAPAN ALVAREZ,

Agent du Gouvernement péruvien. LISTE DES ANNEXES

1. Note du 28 novembre 1950, adressée par le ministre des Affaires
étrangères du Pérou au chargé d'affaires de la Colombie à Lima.
2. Note du 6 décembre1950, adressée par le ministre des Affairesétran-
gères de la Colombie au ministre des Affaires étrangèresdu Pérou..

3. Note du 14 décembre 1950, adressée par le ministre des Affaires.
étrangèresdu Pérouau ministre desAffairesétrangèresde la Colombie..
4. Information officielle du Gouvernement du Pérou (16 décembre.
'950).

5. Article 7 (paragraphe unique) du Protocole d'amitié et de coopéra-
tion de Rio-de-Janeiro (24 mai 1934).

6. Câblogramme adressé par le représentant de la Colombie auprès de
la Cour internationale de Justice auNew York Times (zo novembre.
1950).
7. Lettre adressée par le chargé d'affaires du Pérou enColombie au
secrétaire du Cercle des journalistes de Bogota (13 février 1951)- NOTE ADRESSÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES
ETRAXGÈRES DU PÉROU AU CHARGÉ D'AFFAIRES
DE LA COLOMBIE A LIAIA, LE 25 XOVEAIBRE 1950

[Traduction]
Lima, le 25 ~iovembre ~gjo.
No : (SM) - 6-6/23.

Monsieur le Chargé d'Affaires,
La Cour internationale de Justice a rendu le 20 courant un arrêt
qui tranchait le cas d'asile en discussion entre le Pérou et la Colombie.
Étant doiinéque le mêmejour où I'arrêtfut rendu la Colombie présenta
à la Cour une demande d'interprétation, le Pérou considéra nécessaire

d'attendre la décision qu'elle entraînerait.Par l'arrét rendu hier, la
Cour a déclaréque cette demande d'interprétation était irrecevable.
laissant ainsi à l'arrèt du20 le caractère ferme et définitif selon lequel
il fut rendu par la Cour.
La Cour a déclaréque la qualification du délit imputé au réfugié
ne peut pas étre faite par la Colombie de manière unilatérale et obli-
gatoire pour le Pérou ; que le Pérou n'est pas obligé de donner un
sauf-conduit pour que irl'asiliisorte du pays; et que l'asile a été
octroyé et mainteiiu contrairement aux dispositions de la Convention
de La Havane <le 1926 qui constitue le lien juridique obligatoire pour
le Pérou et la Colombie en matière d'asile.
La conclusion indiscutable de l'arrêt est que l'asile doit cesser, et

puisqu'il n'y a pas lieu au sauf-conduit que le Pérou a refusé d'établir
et dont le refus a étéreconnu par la Cour comme étaiit fondé, il ne
reste autre chose pour y mettre fin que la remise du réfugiéqui a été
sommé par la justice nationale et qui se trouve sous mandat d'amener.
Par une ordonnance du zj octobre 1948, le juge d'instruction de la
marine de la zone navale du Callao ordonna à la police d'avoir à
arrêter les personnes accusées qui n'avaient pas encore pii étre appré-
hendées, personnes parmi lesquelles apparaissait Victor liaul Haya de
la Torre. Cette orclonnance fut rendue au cours de la procédure ouverte
à cause de la rébellion qui se produisit au Callao, le 3 octobre de la
mêmeannée. Eiisuite, par ordonnatice du 13 novembre 1948. ce même
juge disposa que ceux deç,accusés qui faisaient défaut soient sommés

par édits qui fiirent publies dans le journal officiel El Perzrntzodans
l'édition du 16 iiovembre 1946 ;l'accuséVictor Raiil Haya de la Torre
fut ainsi convoqué et cité. La police ne parvint pas à arrêter ledit
accusé, et ce n'est que le 4 janvier 1949 que le gouvernement vint à
savoir qu'il avait été «asiléo à l'ambassade de Colombie à Lima dans
la nuit du 3 du même mois, comme il ressort de la note adressée par
Son Excellence l'ambassadeur de Colombie à cette chancellerie, note
datée du 4 janvier 1949 et portaiit le numéro 211.
Le moment cst venu d'exécuter l'arrêt rendu par la Cour inter-
nationale <le Justice, en faisant cesser la protectioii iiiclue que cette
ambassade accorde à Victor Raiil Haya de la Torre. Un asile dont le
maintien est en contradiction ouverte avec l'arrêt rendu ne saurait104 ANNEXES AU CONTRE-MEMOIRE PÉRUVIEN (No 1)

se prolonger plus longtemps. L'ambassade de Colombie ne peut conti-
nuer à protéger le réfugié,empêchant ainsi l'esercice des tribunaux
nationaux.
Votre Seigneurie doit faire cesser cette protection indue en livrant
le réfugiéVictor Rad1 Haya de la Torre afin qu'il soit àidisposition
du juge d'instruction qui l'a sommé de comparaitre pour être jugé
conformément à ce que je viens d'exposer.
J'espère que Votre Seigneurie voudra bien agir d'accord avec mon
gouvernement pour effectuer la remise du réfugiéque je demande
formellement.
Je saisis l'occasion, etc.

(Sixné)MANUEL G. GALLAGHEK. ANNEXES AU CONTRE-MÉ~IOIRE PÉRUVIEN (3' 2) 105

A911iexe z

NOTE ADRESSÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES

ÉTRANGÈIIES DE COLOMBIE AU MINISTRE
DES AFFAIRES ETRANGERE DSU PÉROU
[Tradzrction]
Bogota, le 6 décembre 1950.
Monsieur le Ministre,

J'ai l'honneur de me référer à la note de Votre Excellence, numéro
Shl/6-8/23, du 28 novembre 1950. adressée au chargé d'affaires de
Colombie à Lima et dont la copie a étépersonnellement remise à cette
chancellerie par hl. le cliargé d'affaires du Pérouà Bogota, avec sa
note numéro 5-S-h1/47 du 29 novembre.
Votre Excellerice se fonde sur les arrêts rendus par la Cour inter-
nationale de Justice le20 et 27 du mois dernier dans l'affaire colombo-
pémvienne relative au droit d'asile afin de solliciter, pour la première
fois, la remise de M. Victor Raiil Haya de la Torre, réfdans l'ambas-
sade de Colnmhie i Lima.
En étudiant dans le détailla question ainsi posée,mon gouvernement
se permet d'observer que, dans certains passages des arrêts, la Cour
déclare ce qui suit: «la question de la remise éventuelle du réfugié
aux autorités territoriales n'est aucunement uosée dans la demande
reconventionnelle. Elle relève que la Convention de La Havane, qui
prescrit la remisà ces autorités des personnes accuséesou condamnées
pour délits communs, ne contient aucune disposition semblable pour
les criminels politiquesu (Cour internationale de Justice, Reczbeildes
Arréts,Auis conszrltatifset Ordoattnnces.Affaire du droit d'asile (Colom-
bie/Pérou). Arrêt du 20 novembre 1950. p. 280), et, ailleurs, ajoute :
n le Gouvernement du Pérou n'a pas démontré que les faits dont le
réfugiéa étéaccuséavant les 3-4 janvier 1949 sont des délits de droit
commun. Du point <le vue de l'application de la Convention de La
Havane, c'est le libelléde l'accusation, telle qu'elle a étéformuléepar
les autorités judiciaires avant l'octroi de l'asile, qui entre seul en ligne
de compte. Or, comme il ressort de l'exposédes faits, toutes les pièces
émanant de la justice péruvienne portent comme unique chef d'accu-
établi oue la rébellion militaire constitue en soi un crime de droit

commu~. L'article 248 du Code de justice militaire péruvien de 1939
la rébellion militaire et les crimes de droit commun en prescrivantn :ntre
n Les délits de droit commun commis pendant le cours et à l'occasion
«de la rébellionseront punis en conformité des lois, indépendamment
«de la rébellion.ilCes coristatations autorisentà dire que le premier
grief adresséà l'asile par le Gouvernement du Pérou n'est pas justifié
et que, sur ce point, la demande reconventionnelle est mal fondée et
doit êtrerejetée.» (Ibidem, pp. 281-282.)
Dans son arrêt du 27 novembre 1950, la Cour ratifia expressément
ce qu'elle avait déjà"affirmédans son arrét antérieur, et le fit dans les
termes suivants : rQuant à la partie de la demande reconventionnelle
du Gouvernement du PErou qui était fondéesur une violation de l'article106 ASXEXE~ AU COSTRE-~\IÉ>IOIR PEÉRUYIEX(NO 2)
premier, paragraphe premier, de la Convention de La Havane de 1928.
il convieiit de noter que, pour en décider,il a suffique la Cour examinât

si le Gouvernement du I'érou avait établi que Victor Raul Haya de
la Torre avait étéaccuséde délits de droit commuii avant la date à
laquelle l'asile lui a étéaccordé, c'est-à-direavant le 3 janvier 1949 :la
Cour a constaté que le Gouvernement du Pérou n'enavait pas apporté
la preuve. La Cour n'a statué sur aucune autre questiori à cet égard.
o Les <]uestioiis z et 3 se présentent comme alternatives et peuvent
être examiiiées conjointement. Elles ont trait l'une et l'autre à la
remise du réfugiéau Gouvernement du Pérouet aux obligations éven-

tuelles qui décoiileraient à cet égard pour la Colombie de l'arrêtdu
zo novembre 1a;o. La Cour ne Deut aue se référer à ce m'elle a déclaré
en termes absoiurnent précisdans sÔn arrêt : cette est restée
entièrement en dehors des demandes des Parties. L'arrêt n'a aucunement
statué sur elle et lie pouvait le faire. n (Arr&tdu 27 novembre 19jo ;
Cour iiiternationale de Justice, Reciieil 1950, pp. 402-403.)
La Cour. oa.,conséouent. reieta formellement le erief adressé au
Goiivi:rtienieiit (le 1;i~;loiiil',ic j.ini In iIi:innnclerecv~veiiti~>riiicllc <III
~ou\~eiiitincitt di1 I'éroii,d'a\.oir iiic(>r(ié RSIICi! ([CF.I>eriOlllles~ICCLI~~CS
oti cutirl;lriiiiCcspour <I;lits curnniiiiis. .Si Icii<iloinbic piuc&l.iit :i riicc-
Illerl:t rcniisr-(IIIr<>fiigiCCIIIC\'<,trcl~~c~.ll~~i(iI ccciii:iii~liitjt~viiIcni~:iat
c.11~iiiiri>nn;<itr:iitI':tir;t :iii<iuclit<>iiuiiiiii<:<:II~r;tiitCI< isiii r;fl:rvr.
mais violerait eiicore I'arti~le~remier. paragraphe 2, (lela Convention de
La Havane, où il est établi que :a Les persorines accuséesou condamnées
pour délits cominuns, qui auraient trouvé refuge dans une légation,

devrontêtre livréesaussitôt que legouvernement local l'aura demande. 3)
La Cour elle-mème,dans ses arrêts,déclaraqu'il n'a pas été démontré
que la personiie dont Votre Excellence exige la remise ait étéaccusée ou
condamnée pour délitscommuns,et,par conséquent,mon gourernement
se voit dans l'impossibilitéd'accéder à sa remise.
Sans doute cette affaire n'aurait pas doniiélieu à un différendquel-
connue entre la Colombie et le Pérou si la Coiir. dans son arrêt du
20 ti(>\~cnii)rea,\,ail dcfini, ~~'liticlii,iiii~~rc~liilre cl (l~clsivcIVS1:itut II<!
.\1.1I:iy.î rlc I:i'i'oric. rd i11i't;t:iit't c.;t t~itcorcIc \.ifd6sii des ileiix
1'..t't.s1.1 cc (111fut In<.;iii;~c,~scitti~~llcILI'.nciii~tiiiilroiliiirc.ilcv;iiir cllt:.
Sc I'n!,;titt11:~s.~it LiCtilt~iiibicSC,vil cuiitr;iiitIc ~ICc!Ici~i;iti(.i la Cuiir,
?ris'.îl'l>ii\:,iirsiir Ic:.pr;<:isc>iliip~iiiii<,(Iii31,itiit et ,111l'<c~l<.iliiide

ccllc-ci, iiiic tiirerl~i~r:irioii ,uii l~.il)r<:trrct siir IL.p~iiit CVI~CL~.~ili I:i
rc-tt>isccl11rC:fit&t;<I,,IIs IV ca.2 <,II IL,~oiiv~:rii~~~icttietrrit~iiinl I':iui?it
(Icniniirl)c,cc <~ii;, Cté Ii:~~uiiircrii..i.i<Ic ce ~liii~rctiil.
Je dots ~ICclnrer :C \'otie I<\cellciii:i.iltic le s<:tilniotif {liiicI.'teriiiiit:i
1.1Culoiiil)ic {i (leiii:~tidcrI'iiit<~ri>r>rntio( iiIr. l'nrrèr n tir<:;:i !.olo~.ti:
inébraiilable(le l'esécuter. volon& oui l'a.ima. aui I'a.i.ie et l'animera
encore. Si la Cour décide qu'ily a pour mon gouveriierneiit l'obligation
de livrer le réfugie,la Colombie fera la remise, car pour inoii gouverne-
ment la rieoureuse exécution de l'arrêt est un ~ostulat de bonne foi.
ainsi principe inébranlable de sa politiqué.
Mais il arrive ouc les déclarationset les citations de la Cour et surtout
celle, décisive,que :iila question dela remise 6veiituelle du réfugiéaux

autorités territoriales ii'est aucunement poséedans la demaiide reconven-
tionnelle i,font que la Coloinbie ne puisse pas le livrer sans souffrir
dans son hoiineur. ASXEXES AU CONTRE-IIÉYOIRE PÉRUVIEX (s0 2) 107
Comment peut-on invoquer la sentence pour imposer à la Colombie

l'action de la remise, si la Cour mêmequi a rendu l'arrêtaffirme que
cette remise «est restée en dehors des demandes des Parties iet que la
Cour o n'a aucunement statué sur elle et ne pouvait le faire ,?
En revanche, le Gouvernement du Pérou prétend déduiredes arrêts
de la Cour I'obligatiori, que le Gouvernement de la Colombie ne pourrait
pas éluder, de livrer le réfugié.
Le Gouvernement de la Colombie ne l'entend pas ainsi.
Il a donc surgi une fondamentale discordance entre les deus gouver-

nements quant à l'exécution desarrêtsde la Cour.
Le Gouvernement de la Colombie, fidèleà son inébranlable volontéde
trouver une solution à tout différend avec le Gouvernement du Pérou,
dans le cadre des traités en vigueur entre les deus pays, et d'einpécher
les conflits entre eus, signa à Rio-de-Janeiro, le 24 mai1934 le I'rotocole
d'amitiéet de coopération entre les deux républiques. iiistrument qui est
en vigueur. A l'article 7 du protocole, les deux gouvernements. après
s'être.solennellement engagés à ne pas se faire la guerre et à ne pas
employer, directement ou indirectement, la force comme moyen pour
résoudre leurs problèmes actuels ou n'importe quels autres qui pour-
raient se préseiiter dorénavant, acceptèrent face à n'importe quelle
é~e~ ~alité la iuridictioii ob1ia:itoire de la Cour permanente de lustice
internationale au cas où ils n'arriveraient pas à &ouver une solufion au
moyen de négociations <-liplomatiquesdirectes.

Le Statut de la Cour, ratifié également par les deux gouvernements,
établit que la nouvelle Cour internationale de Jiistice se substitue à
cet effet à la Cour permaneiite de Justice intematioiiale et qiie sa com-
pétence ss'étend à tous les cas spécialement prévus dans les traités ou
Conventions en vigueur a. (Articles36 et 37.)
La prévoyance des deux gouvernements et leur confiance dans cet
organisme furent tellement grandes que, dans le paragraplie unique
de l'article7 du Protocole de liio-de-Janeiro, ils établirent ce qui suit:
«Dans ce cas, une fois pronoiicéela sentence, les Hautes Parties contrac-
tantes s'engagent à se mettre d'accord entre elles sur les inoyens de

la rendre effective. Si elles n'arrivaient pàsun accor<l,seront attribuées
à cette mêmeCour, en plus de sa compétence ordinaire, les facultés
nécessaires pour qu'elle rendc effective la sentence dans laquelle le droit
de l'une des Hautes l'arties contractantes a étédécl:ir& .,
Comme il est évident qu'il csiste un désaccord foiidamcntal entre
la Colombie et le Pérou sur le point concret de la remise du réfugié,
la Colombie a décidéde recourir à la Cqur pour demaii<ler à ce haut
tribunal de procéder conformément au paragraphe uriique de l'article 7
du Protocole de Rio-de-Janeiro, pour rendre effective la sentence.
Le Gouvernement de la Colombie confirme à Votre Excellence qu'en
agissant de la sorte il procède selon le désir exprimé par le Pérou et
la Colombie dans l'Acte de Lima, c'est-à-dire : «sans que cela constitue

un acte inamical envers l'autre partie, ou de nature à altérer les bons
rapports entre les deux pays n.
Comme meuve de ce oui »ré. .e. et désirant sinckrement que le
présent différend entre les deus gouvernements soit résolu par des
voies de mutuelle cordialité et compréhension, mon gouveriiement est
. disposé à chercher la solutioii <lece-problème, non seülemeiit à travers
le Protocole de Rio-de-Janeiro, mais par n'importe quel aiitre moyenacceptable pour les Parties, et qui puisse mettre un terme heureux à
une situation dont je suis persuadé que les deux pays veulent la voir
résolue leplus tôt possible sans porter préjudiceà leurs relations cor-
diales.
Je saisis l'occasion, etc.
(Signé)GONZALO RESTREPO J.,

Ministre des Affaires étrangeres. Annexe 3

NOTE DU MIXISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU PEROU

AU MINISTREDESAFFAIRES ÉTRAXGRRES DE LA COLOMBIE

Lima, le 14 décembre 1950.

Monsieur le Ministre,
J'ai i'honneur de répondre à votre note no Ghl-3/01889, datée du 6
courant à Bogota, et remise par Votre Excellence au chargéd'affaires
rlii-'~ ~ ~en Colombie. et dont hl. le chareé d'affaires de la Colombie
à Lima m'a remis une copie. u
Votre Excellence se réfère à ma note dq zS novembre dernier, adressée
à II. le chargé d'affairesde la Colombie à Lima, lui demandant d'exé-

cuter l'arrét rendu par la Cour internationale de Justice, le20 du même
mois, en faisant cesser l'asile octroyé à Victor Raul Haya de la Torre
et en le mettant à la disposition des autorités péruvieniies afin qu'il
puisse êtrejugépar le tribunal quil'avait requis et sommédecomparaître
avant aue l'asile rie se nroduisit.

-
nale que mon gouvernement a intérêt à répondre à ces appréciations.
Lorsque l'asile fut octroyé à l'ambassade de Colombie à Lima, les
Gouvernements du Pérouet de la Colombie entamèrent une discussion
sur son bien-fondé,et, par l'Actesigné àLima le 31aoiit 1949,cesgouver-
nements s'engagèreiit par un compromis à soumettre B la décisionde
-~ C-~r internationale de .,stice, Dar un accord établi exnressément.
la controverse existante.
Il n'y a pas lieu de mettre en doute que l'intention de nos gouverne-
ments était d'atteiiidre que la Cour, en son arrêt,déclarât quelle était
la théorie exacte parmi les deux extrêmes soutenus par le Pérou et la
Colombie dans les notes échaiigéesjusqu'alors.

2. - La Colombie déposasa requéte auprès de la Cour et demanda
que son droit de qualifier l'accusation contre iil'asil» sous ilne forme
absolue et obligatoiresoit reconnu, et demanda égalementque le Gouver-
nement péruvien octroyât un sauf-conduit à «l'asilén.
La Colombie ne demanda rien d'autre. Si le bien-fondé desa requête
était reconnu, l'affaire était terminée; et l'on est forcéde penser que
si cette demande était rejetée l'affaire prenait égalemeiit fiilpar la
cessation de l'asile et la mise de rrl'asil» à disposition des autorités
péruviennes. Ou ne peut concevoir que la Colombie ait préteiidu main-
tenir l'asile une fois sa demande rejetée, étantdonnéque si u I'asil» ne
pouvait pas étre emmenédu pays, son asile devait se prolonger jusqu'à
ce au'il meure ou bien iusciu'à ce au'il se produisit un changement de
goubernement au Pérou:Encore faidrait-il que ce pensât
différemment et octroyât le sauf-conduit. Selon ce qui a étépubliédans
les journaux. cette de;ni$re hypothèse a étéémisepar un des représen-
tants les plus qualifiésde laColombie, ce qu'il n'a nullement démenti. 3. - Qu'il soit pris acte dès à présent de l'étonnement que causa
a mon gouvernement l'attitude de la Colombie lorsque, à la demande
reconventionnelle présentée à la Cour pour qu'elle se prononce sur le
bien-fondé de l'asile conformément aux stipulations de la Convention
de La Havane de 1928, qui est le lien juridique eii vigueur entre les
deux pays, et qui a étéinvoquée par la Colombie au cours du procès,
celle-ci fit uneppositioii formelle à ce que la Cour reçoive la demande
reconventionnelle péruvienne.
Cette opposition de la part de la Colombie ne s'expliquait pas, étant
objet que la Cour se pronoiiçât sur ce qui était la matière de la discus-
sion: si l'asile était ou non bien fondé.
Ce n'est que <levant L'oppositionde la Colombie que le Pérou aurait
pu avoir des soupçons qu'en cas de perte du procèselle aurait I'intention
de passer outre a L'arrêtet de maintenir l'asile. Cette opposition de la
part de la Colombie a ce que la Cour se prononçât sur la demande recon-
ventionnelle du Péroune pouvait êtreque le fruit de L'intentionmarquée
qu'au cas où la demande colombienne soit plcinement rejetée, legouver-
nement de Votre lSscellence ait eu à ce moment déjà l'intention de
maintenir indûment l'asile.

4. - L'intention rebelle de la Colombie se révélaavant mêmeque
l'arrêtiie soit rendu,lorsqu'elle envoya des représentants et des défen-
seurs nouveaux auprès de la Cour. Ce procédé laissait voir que la
Colombie coiiiiaissait l'arrêtavant qu'il iie lui soit notifié;qii'elle le
considérait contraire illa thèse qu'elleavait soutenue au cours dii procès
et qu'elle se préparait à en refuser l'exécution.
j.- La preuve de ce que j'ai esposé dans le paragraphe précédent
est que, immédiatement après que l'arrêtfut rendu, la Colombie en
demandait une inter~rétation en affirmant ou'il était ambieu et ou'il

des auestioiis nosees à la Cour et au6 celle-ci doit réoondre alors même
qu'elie ne pou;ait pas les idmettri. Les juges de la kour doivent avoir
reçu avec une surprise estraordinaire cette demaiide originale, puisqu'on
demande Iiabituellement aux juges de se prononcer sur des points de
droit, et qu'iln'cst pas coutume de leur poser des questions pour qu'ils
y apportelit Urie solution.
Cette demancle d'interprétation de la Colombie était également par
trop originale, car, alors qu'elle s'étaitopposéece que la Cour s'occupât
de la dcmancle reconventioiinelle du Pérou et se prononçât sur celle-ci
eii soutenant que l'arrêt devait porter uniquement sur la demande
colombienrie, ilse produisit le cas estraordinaire que, aussitôt qu'elle
connut le texte de l'arrêtdéfavorable à sa tlièse, elle demaiidaità la
Cour de se pronoiicer sur des questions ambigiiës, prbtendant ainsi que
la juridictioii de la Cour s'étend bien au delà de ce qui était compris
dans la demaiide reconventionnelle péruvienne.
Cette demande d'interprétation posée par les reprksentants colom-
biens était d'autant moins compréhensible étant doiinéque le nouveau
représentant qui se présenta à La Haye,déclarait en mêmetemps, dans
une lettre publiée dans la presse des Etats-Unis d'Am&rique, que les
prendre et deoinrésoudrc des problèmes latino-américains, comme celui- ANNEXES AU CONTRE-YÉMOIRE PERUVIES (NO 3) III

de l'asile, qui avait étésoumisà leur décisionpar la Colombie elle-même
dont il était le représentant.
Tous ces faits, auxquels je me réfère,démontrent que la Colombie
se rendit compte qu'elle avait perdu le litige et qu'elle faisait tous ses
efforts pour se soustraire à l'exécutionde l'arrêt.
6. - Dans la note à laquelle je réponds, Votre Excellencecommente
l'arrêten n'en citantqu'une partie, partie qu'au reste elle croit favorable,

suffisante pour justifier son attitude rebelle vis-à-vis de l'arrêt,.aison
Dans sa demande reconventionnelle, le Pérou demanda qu'il soit

déclaréque la Colombie avait agi contrairement à la Convention de
La Havane de rqzS, car elle avait octroyéasile à une personne accusée
pour délitscommuns. Sur ce point, la Cour a rejeté la demande recon-
ventionnelle péruvienne. 1.a Cour considère que, au moment où la
Colombie accorda l'asile, Ics sommations judiciaires faites à c l'asilii
portaient seulement sur le délit de rébellionmilitaire. Cette raison du
rejet fait Dar la Cour est conforme étant donné au'au Pérou la loi ne

en ce qui concerne les délits communs.
Je n'ai pas besoin de mentionner tous les considérants de l'arrêtqui
se rapportent à cette premièrequestion, car Votre Escellence les connait
aussi bien que moi. Il .nie suffit de rappeler h Votre Excellence que la
Cour établit uiiiqueinent que le I'érou ~in'a pas démontréque les faits
dont le réfugiéa étéaccuséavant les 3-4 janvier 1949sont des délits
de droit commun ».
Cependant, toute I'allégation,dii gouvernement de Votre Excellence
est baséesur l'affirmation erronéeque la Cour a qualifië11l'asil» comme
étant seulement responsable d'un délit politique.
C'est le gouvernement mêmede Votre Excellence qui se charge
d'établir l'exactitude de ce qiie j'espose, en prétendant placer la Cour
dans une position contradictoire,car, celle-ci ayant déclaré,par le rejet
de la première partie de la re<luêtede la Colombie, que ce pays n'avait
pas le droit de qualifier, il n'était pas admissible que sur une simple
demande d'iriterprétatioii la Cour déclaràt que la qualification faite
par le Gouvernement de la Colombie était correcte. Si la Cour eut agi
de la sorte, en se proiionçant sur la demande d'interprétatioii elle aurait
contredit soli propre arrtt rendu peu de jours auparavant.
Ce qui est exposéprouve pleiiiement que l'arrêt n'apas fait la quali-
fication que lui attribue la iiote de Votre Excellence et sur laquelle est
basée toute son argumentation pour se refuser d'appliquer l'arrêt.
7.- Mais il est étraiige que la iiote de Votre Excellence se réfère
uniquement et esclusivenient h la partie de l'arrêtdans laquelle la Cour
rejette le premier point de la demande reconventionnelle péruvienne.
Votre Excellence sait fort bien que, pour discuter sur l'exécution de
l'arrêtet sur son coiitenu, il est nécessaire de l'examiner dans son
ensemble. Votre Excellence passe sous silence le reste de l'arret qui est
entièrement favorable à la thèse péruvienne.
Par la milne deniande recoiiventionnelle, le Pérou demanda égale-
meiit à la Cour qu'elle déclarât que l'asile octroyé était contraire aux
stipulations de la Convention de La Havane de 1928,parce qu'il avaitétéaccordé et qu'il se mainteriait contrairement aux dispositions de
l'article 2 de ladite convention. Le Pérou soutint Que. conformément
à l'article mentionrié de la Convention de La ~avâne; l'asile pouvait
être octroyé à un délinquant politique seulement pour des raisons
humanitaires et uniquement pour le temps indispensable pour échapper
à un danger pour sa vie ou son intégritéphysique. Le Pérou soutint
que I'asile fut octroyé sans êtreaccompagné de 'ces circonstances, et
demanda à la Cour que, pour cette raison, elle déclarât que l'asile avait
étéoctroyé et maiiitenu en violant la disposition meiitionnée de la
Convention de La Havane de 19~8.

Or, la Cour établit, entre autres choses, qu'«oii ne peut en déduire
qu'une personne, parce qu'elle est accuséede crimes politiques et non
de délits de droit commuii, a qualité, par cela seulement. pour étre
asilée n.L'arrêtdit également : la siiretédécoulant de l'asile ne sa-~~i~
Ctrc ~~iitcii~liit;uniiiie iitie protecti~,ii coiitrc I'np~~li~:~iiui,gi~IiC,c,c~
lui; et ln jii~i~lictiu~(ile, tr~bli~inttxI~~g:ilciiici~~IISIIII~~;l'tic l~rui~c-
titgii:iitisi ciit~.iicliit::~iitr,rist:r;iirI'ngciii (Iil)lo:Iiiii,trrc <>l>stncl?
3 I'a~~~~I~c~ictlieosI~II(IIIp:iy. ;ilors qii'i:iI'ul~lig~tioiilcIca rc.jpcctc.r;
ellr <I~ticii~lr.iitcnf:iirI'Çiiui\~:ilciitd'iiniriiiiiiiiiicc:titiest ;\.i,Ivi1i-
ment en dehors des inteiitions qui ont inspiré la Conbention de La
Havane. »
L'arrtt dit encore : iiles coiisidérations qui précèdent conduisent à
écarter la thèse selon laquelle la Convention de La Havane aurait voulu
assurer, de façon tout à fait gériérale, la protection de I'asile à toute
personne poiirsuivie pour crimes ou délitspolitiques soit au cours d'évé-
nements révolutionnaires, soit peiidant les temps plus ou moins troublés
qui les suivent, pour cette seule raison que l'on doit présumer que
l'administration de la justices'en trouve altérée.Ilest clair que l'adoption
d'un tel critère conduirait à des ingérenceséJrangères,particulièrement
blessantes, dans les affaires intérieures des ktats. »
Dans cettepartie de soli arrêt,la Cour détruit et rejette les allégations
colombiennes audacieuses et iiijustifiées,selon lesquelles la justice péru-
vienne était dominéepar le pouvoir exécutif.
La Cour étudie les conditions existantes au moment de l'asile, pour
savoir s'il existait un danger pour la vie et l'intégrité physique de
« l'asilén, même considéré commedélinquant politique, parce que
dans ce cas seulement. en conformitéavec la Convention de La Havane.
I'niiltc:t hicii Iuit~lCpolir cles rniwiij 1iumnnitnirt.j er jrul~~n~eiitpolir
IC tt'liiliii;ccss;iire p~iir qiie Ic.(Iniigcr cIisl>araijse..Aprt:havoir l:ru<lit;

ce, circoii,i:tncc.s, l:t Coi1(lit: sEt1c~~~iclitsiu~ s~r, la 1)nsc{le; CC)~I;I;I-
tations et consi<lérationsénoncées ci-dessus,.ia Cour estime qu'à la
date des 3-4 janvier 1949, il n'existait pas un danger constituant un
cas d'urgence, au sens de l'article z, paragraphe z, de la Convention
de La Havane. » La Cour.rejette une fois de plus l'argumentation colom-
bienne et établit que l'asile fut mal octroyé.
Seréférantau maintien de l'asile,la Cour dit quel'asile ia été prolongé
pour une raison que l'article z,paragraphe z, de la Conventioii de La
Havane ne reconnaît pas ».
Il est inutilede continuer à citer le contenu de I'arrét que VotreExcel-
lence connaît parfaitement. hlais je ne puis mettre fin au point traité
dans cette section salis faire rkférenceau texte mêmede la partie dis-
positive dc I'arrét dela Cour, CL où il est btabli que « l'octroi de I'asile
par le Gouvernement de I;i Colombie à Victor Rad Haya de la Torren'a pas été faiten conformité de l'article 2, paragraphe 2,u première-
ment u.de ladite convention a fil s'aeit de la Convention de La Havane
cie19is).
Par conséquent, la protection du réfugiédoit cesser, car elle empêche
l'administration de la justice par les tribunaux péruviens. C'est là un
fait qui implique une intervention qui revêt le caractère d'une agression
juridique que le Pérou ne saurait admettre.
8. - Il reste donc ainsi clairement établi par la Cour que l'asile a
étéoctroyé et maintenu en violant la Convention de La Havarie de
1928. Par conséquent, l'asile ne peut êtremaintenu, pas plus que le
Pérou ne peut le tolérer, parce que non seulement son maintien est
contraire à la Convention de La Havane de 1928, ainsi que l'a soutenu
le Pérou, mais encore parce que l'arrêt l'établitainsi, et que par consé-
quent l'asile doit cesser.
La Colombie ne peut continuer à protéger le réfugié.On lie peut
même plus letraiter « d'asile» parce que la Cour a établi l'illégalitéet
r---rons-.uent le cmal-fondé nde l'asile. Le maintien de l'asile est une
rébellion contre l'arrêt. dont le Pérou exige l'exécution.
Ma note du 28 novembre fut adressée à AI.le chargé d'affaires dela
Colombie à Lima parce que, dans sa condition de rëprésentaiit diplo-
matique de ce pays, il en exerçait la représentation en l'hôtel de I'ambas-
sade où se trouvait le réfugiéD. ans cette note, il lui étaitdit qu'il devait
exécuter l'arrêt «en mettant fin à la protection indue que doline cette
ambassade ». Il était également indiqué à M. le chargé d'affaires en
question que <il'ambassade de Colombie ne saurait continuer sa protec-
tion au réfugié,empêchantainsi l'action des tribunaux péruviens n.Je
concluais en faisant la demande de la remise du réfugié.
Il n'est pas possible d'imaginer la cessation de la protection indue
que la Colombie interprète comme un maintien de l'asile, si ce n'est
par la remise du réfugié,parce qu'il n'est pas permis de supposer que
la Colombie prétende que l'asile cesse en permettant la fuitedu réfugié.
g. -,La note de Votre Excellence affirme qu'elle ne peut remettre
le réfugié parceque la Cour ne l'a pas ordonné et parce que la Cour,
lorsqu'elle résolutlademande d'interprétation présentée parla Colombie,
a déclaré qu'ellene se prononçait pas sur la remise du réfugié parce
que cela n'avait pas étéune matière de discussion au cours du litige.
Votre Excellence ajoute dans la note i laquelle je répondsque, lorsque
la Cour lui ordonnera la remise du réfugié,elle respectera l'arrêt.Cet
argument n'a pas un caractère légal,pas plus que je ne peux le considérer
de bonne foi. Lorsqu'un tribunal, par un arrêt,déclarequ'une personne
est débitrice, celle-ci n'aura pas l'idéede se refuser au paiement en
~~---uant aue l'arrêtne l'ordonne as. L'areumentation colombieniie est
essentiellement de casuistique et de pure forme. Elle rappelle les temps
de la décadence de la iuridiction romaine où l'on perdait un procès sur
les cultures ou les plintes d'un terrain parce le demandeur avait
employéle mot plante au lieu du mot arbre. Maispuisque le Gouverne-
ment colombien se refuse à faire ce que l'arrêtne lui a pas ordonné
expressément, il possèdedans ce mêmearrêtla solution pour l'exécuter
comme le lui demande et exige le Pérou.
La Colombie ne veut pas remettre l'accuséparce que l'arrêtne lui
impose pas cette obligation de faire. Mais comme l'arrêt déclare que
l'asilea étéoctroyé et maintenu contrairement à la Convention de LaHavane de 1928, il lui impose clairement une obligaliol~de ne pas faire'.
C'est li pour la Colombie la manière d'exécuter l'arrêt domiiiant ses
extraordinaires scmpules d'interprétation. L'obligation de ne pas faire
consiste dans le fait de ne pas mai~zlenir la protection qu'elle donne
jusqu'à ce moment au réfugie. La Colombie doit donc, pour accomplir
la partie dispositive de l'arrêt,mettre fin à la protection qu'elle exerce
jusqu'à présent en faveur du réfugié,et alors la justice du l'érou s'en
emparera.

ID. - Lorsque l'asile d'un individu sommé par les tribuiiaux de
iustice eut lieu. la nolice avait le droit de I'arréter n'imoorte où au'elle
I'eiit irou\,;., :ttiii dc,dniiiicr siiite ;tu ~)ri>ci'osuvert 1x11lc~;rihiinaux'~)érii-
\.ieiis qui cicr(;iiviit un droit de soii\vrsincti ;iujji clair tlii'in;~lii~n;iblc.
>I:iijIripulice s'airi.1:itiis portes (le I';imhasia<le CI,lolonihie parcc clut.
la Col<,iiiliieinvotlii;l';i,ili1.c(;oiii.eriit~ni~~1111I'cruu lnissa eii j~ijp,-iij
soi1ilroit Lvicli.ntpolir ;irr:ter l'accu.;;. :ii:i.i,rclaiitnvec I;,Coloinl>ieciiie1,.
cas soit résoluna; la Cour internationale de Iustice. A vartir du moment

où, daiis son digpositif, la Cour riétablique l'asile accordépnrl'ambassaàe
de Colombie à Lima est contraire à la Convention de La Havanede 1~28.
l'asile a disparu pour se traiisformer en une protection arbitrairé et
inacceptable que le Pérou ne peut consentir; et jusqu'à maintenant
il se borne à exiger I'accoinplissement de l'arrèt demandant au Gouver-
nement de la Colombie qu'il mette fin à la protection.
II. - Dans la note de Votre Excellence, il est soutenu que le Gouver-

nement colombien agit avec le plus grand désintéressemelitet altruisme
en défendant le droit d'asile. Rien n'est plus inexact. Le droit d'asile
entre le Pérou et la Colombie est régipar la Convention de La Havane
de 1928. que le Pérou est soucieiix de respecter, et la preuve en est que
depuis le 3 janvier 1949 jiisqu'au 20 novembre 1950, date à laquelle
l'arrêtfut rendu, le Pérou n'a pas iiiél'asile et il l'a respecté. 11a seule-
ment affirméoue les coiiditio~is dans lesauelles il fut accordé et main-
tenu par la Coîombie sont coritrnires à In C'onvention de 1928. L'attitude
rebelle de la Colombie représente un procédécontraire au droit d'asile,
étant donnéuu'elle est eii'traiii d'ignorer ce oui a étéclairement <i»actisé»
dans la ~onGention de La ~ava';ie. Eii v:olant la ~onventio; de La

Havane sur l'asile, la Colombie est en train d'agir contre le droit d'asile
que le Péroudéfend et reconiiait. Celui qui est lepremier i l'enfreindre
peut difficilement devenir le défeiiseur d'un droit.
i?. - Ilais cette situation répond à une intention du Gouvernement
colombien fort différente de la défense du droit d'asile. Le Gouverne-
ment colombien défend In persoiiiie du réfugié. C'estainsi que peut
s'expliquer qu'au cours de Iri défense orale, les représentants de la

Colombie à La Haye, compreiiant In force de l'argumentation juridique
dii l'érou, aieiit consacré une grande partie de leurs péroraisons a
mentionner celui qui était alors l'asilé», affirmant avec autant de
témérité qued'audace, ce que le Pérou rejette énergiquement, que la
vie de « l'asilé» était en daiiger et que, si la Cour iie recevait pas la
demaiide colombienne. elle le condamnait à un assassinat iudiciaire.
1.2difcnsi: péru\~iciiiit:artl:~la <Iigiiiique, Iiiiiinlwj~it IVrcsl>fct ciivcri
IV triliiiii.il. locii piutc,triiit contre cc qiii aiait itC dit plr I'avocrit
iulonibit~ii.et iii:iinreiinnt le C.iiiivrrn~.niililI'i,roiiratifie céttc i>r<,tei-
tation auprès du gouvernement de Votre Excellence pour l'aud'ace de
son défenseur auprès de la Cour. Le Pérou rejette. avec hauteur, de

semblables affirmations, qui veulent signifier qu'il n'y a pas de justice au Pérou. T'-magine quelle serait l'indignation de Votre Excellence
si IL. nit: [xrmeft:iii dc qunliiïcr I';tcrioii (Ici, coiiseildr glieire
coloinhicns <luijuynr sommnirciiierit Ici iiiculp6s celoiiles noiivellcs
dtj iourii:~us coli)mbii.ns ~.us-nii;riic1.2 cl;ft.nje (lu rt?fiici;-hicnine
une offense pour les tribunaux péruviens. que le gouver-
nement que je représente doit repousser énergiquement. Cette défense
du réfugiéest confirmée également par les déclarations que font les
journaux colombiens et les représentants de la Colombie à l'étranger
lorsqu'ils déclarent que la Colombie ne livrera pas le réfugié. Une fois
de plus, je suis obligéde rejeter de façon coiicluante les appréciations
des représentants colombiens sur le régime interne du Pérou et sur le
fonctionnement de ses tribunaux, Ces appréciations ne peuvent être
acceptées auprès de la Cour, surtout alors que le Gouvernement colom-
bien n'est pas le mieux placé pour cela, étant donné les mesures

d'exception adoptéescomme conséquence de sa politique interne, mesures
auxquelles la défensedu Pérou n'a pas fait référenceau cours du procès,
parce qu'elle estima qu'il s'agissait d'un domaine interdit.
13. - La note de Votre Excellence dit que son contenu était amical.
Je désire qu'il soit pris acte que le contenu d'une note est ou n'est pas
amical selon ce qui y est dit. Le seul fait de qualifierd'amicale une note
indique que l'on n'est pas sîir que la personne à qui elle est adressée
lui trouve ce caractère. Je me vois dans l'obligation de déclarer à Votre
Excellence que je ne peux pas considérer amicale la note à laquelle je
ré~onds. car elle sienifie une méconnaissance du teste de l'arrêt. et
un'e négation des droits du Pérou découlant clairement de ce méme
arrêt. Jusqu'à présent; le Pérou et la Colombie discutaient un cas iuri-
dique,-et nous-échangions des ilotes diplomati<lues soutenant chacun
une thèse dans une atmosphère de cordialité. II fut décidéamicalement ,
de se rendre i La Haye, et déjh au cours du procès les défenseurs de

la Colombie émirent des concepts en rien amicaux pour le Pérou, et
maintenant le gouvernement de Votre Excellence nie le contenu de
l'arrêt, s'oppose à son exécution et adopte la décision, dont elle me
fait part, de s'écarter de tonte procédure adoptée de commun accord,
ayant résolu de se présenter immédiatement par-devant la Cour inter-
nationale de Justice, dont les membres ont étéqualifiés comme étant
incapables de comprendre le droit international américain, ainsi que
l'a déclaré un desreprésentants de la Colombie.
Notre chargé d'affaires h Bogota communique que le gouvernement
de Votre Excellence a présentéune ~iuuvellerequête auprès de la Cour
internationale de Justice. Ceci a étéconfirmé par un câble que mon
gouvernement a reçu de la Cour. Le Gouvernement du Pérou prend
note de ce fait.
14. - II n'est pas de l'intention de cette communication d'ouvrir ?I
nouveau le débat. Toute discussion directe sur l'asile avec le gouver-
uement de Votre Excellence est terminée. Il n'y a plus rien à discuter
pour le Gouvernement du Pérou, qui exigera l'exécution de l'arrtt.
-
Je saisis l'occasion pour exprimer à Votre Excellence les sentiments
de ma considération la plus haute et la plus distinguée.

-.
A S. Esc. hl. Gonzalo Restrepo Jaramillo,
Alinistre des Affaires étrang-res de la Colombie,
Bogota. Annexe 4
[Non refirodirite]

Annexe 5

ARTICLE 7 DU PROTOCOLE D'ANITIÉ ET DE
COOPÉRATION ENTRE LA COLOhIBIE ET LE PÉROU
SIGXÉ A RIO-DE-JANEIRO LE 24 MAI 1934

[Traductioiz]
Article 7

La Colombie et le Pérous'eneaeent solennellement à ne Das se faire
la guerre età ne pas recourir àÏauforce, directement ou indkectement,
comme un moyen pour résoudre leurs problèmes actuels ou n'importe
auels autres aui pourraient se ré se nidrrénavant. Si. face à une
&entualité quélco;ique.ils ne pa;venaient pai les résoudre au moyen
de négotiations diplomatiques directes, n'importe laquelle des Hautes
Parti& contractantes ~ouÎra avoir recours i la ~rocédure établie Dar
l'article 36 du Statut de la Cour permanente de justice internationale,
sans que la juridiction de celle-ci puisse êtreexclue ou limitéepar les
réserves que n'importe laquelle d'entre elles ait pu faire lors de la
signature de la clause facultative.
Paragraphe zc~riqf-. Dans ce cas, une fois prononcée la sentence,
les Hautes Parties contractantess'eneaaentà se mettre d'accord entre
elles sur les moyens de la rendre effective. Si elles n'arrivaient pas
à un accord. seront attribuéesà cette méme Cour,en plus de sa com-
pétence ordinaire, les facultés nécessaires pour qu'elle rende effective
la sentence dans laquelle le droit de l'une des Hautes Parties contrac-
tantes a étédéclaré.
-

Annexe 6
[Non reprodî~ite] SECTION C. - DÉCLARATION D'INTERVENTION

DU GOUVERNEMENT DE CUBA
TRAXSlIISE A LA COUR LE 13 NARS 1951

SECTION C.-DECLARATION OF INTERVENTION

BY THE GOVERNMENT OF CUBA
THANShlITTEDTO THE COURT ON Il:\RCH 13th, 1951

1. LETTER FROM THE I\IINISTER OF STATE

OF CUBA TO THE REGISTRAR OF THE COURT
Havana, Cuba,
. February 15, 19j1.
$Ir. Secretary,
1 have the honour to acknowledge the receipt of Your Excel-
leiicy's note Xo. 12668, dated the 26th of last January, with
refereiice to the claim submitted to the Court, uiider date of
December qth, 1950, by the Gorerrimeiit of Colombia against the
Government of Peru, conceming the Haya de la Torre case.
Your Excellency reports that, as Colombia's claim is predicated

on the Asylum Convention, signcd iii Havana the 20th of February,
1928,and since the Cuban Governmeiit was a party to said Conven-
tion, Article 63 of the Court's Statute, \\,hich grants the right of
the States, parties to a coriventiori, to interveiie in the litigations
1)yreason of the same, is applicable, with the understanding that
if said right is exercised, the construction giveii by the judgement
will be eqiially binding for the State intcrveiiing in the procedure.
-4sn reply, 1 am sending Your Excellency, as ari annex to this
ilote, a R.Iemoranduml addressed to the Interiiational Court of
Justice, which contains the vielrs of the Goveriiment of Cuba
concerniiig the construction of the 1928 Coiivention of Havana,
as well as this Government's general criterion in regard to the
right of asylum.
Jly Government hopes that the principles set forth in said
hlemorandum malz help the International Court of Justice to fonn
a defiiiite criterion in regard to the right of asylum in America and
the importance that its true interprctationd efficient mainte-
nance has in the Inter-American regional systcm.
1 avail myself of this opportunity, etc.
(Signed) ERNESTODIHIGO,
Miiiister of State of Cuba.

Seep. 118.
9 STATEMENT SUBMITTED BY THE CUBAN GOVERN3IEXT
TO THE INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

SUBJECT : Claim sz~bmitted by the Governmentof Colombia i:oncenz-
ing the Hayn de la Torre caseand cottslniction O/the 1928
Convention on Asylum O/ Havana

. . . . . . . . . . . . . , . . . . .
(1) Generalprinciples. The right of asylum in America constitutes

a procedure, inspired by a high humanitarian sentiment, tending to
solve difficulties in the politicalife of the peoples and to eliminate
-harshness and passions which, otherwise, would lead to violence
and disorder.
Thishumanitarian tradition, inspired by broad liberal principles,
was incorporated in the juridical life of America through practice
and custom, being recognized initially by common law and, later,
submitted to American international organizations, who deter-
mined its juridical structure.
Conseqiiently, a humanitanan and juridical tradition in the
matter of asylum has existed for many years in America. predicated
on certain principles which should be considered fundamental and
immovable. Those principles, which have been practised and upheld
by Cuba and the majority of the countries of Arnerica at al1times,
are the following :

(a) The judgement of the political delinquency concerns, in al1
cases, the State granting the asylum ;

(b) the delivery of the proper safe-conducts, by the territorial
State, is the inevitable conseqiience and natural solution of
the asylum granted.

(2) Cuba's attitude in cases O/ asylum. The Cubai] Government,
for the piirpose that its position in the cases of asylum granted
within its territory be known to the International Court of Justice,
sets forth below a brief account of said cases and the procedurc
followed to terminate thern in accordance with the principles upheld
by Cuba.
First: Whenever a Cuban citizen has received asylum in any
diplornatic mission accredited in Cuba, the Cuban Governrnent has
honored the asylurn since, in al1cases, the condition of persecuted
politician has been invoked in favor of the refugee and at the time
of granting the asylum no court proceedings for a common crime
existed against the refugee. 7he main cases in which the asylum
of Cuban citizens in embassies or legations accredited in Havana. STATEhlENT BY CUBAX GOVERNMENT (15 IIj1) II9
have occurred, have been in the diplomatic missions of Panama,

Brazil and Mexico.
Second; As to the form of terminating the asylum, Cuba has
deemed that, in accordance with American international law,
no American State has the right to demand the surrender of a
political refugee who has found himself in the judicial conditions

set forth in the foregoing paragraph, even in cases in which the
urgency of asylum has not been fully demonstrated and, conse-
'quently, it is of the opinion that the manner of terminating the
asylum-should there be no volnntary act of desisting on the part
of the refugee-is the issuance of the proper safe-conduct for said
refugee to leave the territory.

Third : It has so happened in Cuba in the follo\\ring cases: (a)
Jorge Alfredo Belt y Ramirez; (b) Pedro Cue Abreu and Carlos
Afanuel de la Cruz; (c) Domingo Ramos and Gustavo Cuervo
Rubio; (d) Martin Menocal and Pedro hfartinez Fraga; and (e)
Fausto Menocal, Elicio .4rgüelles and Ricardo Dolz. In the cases
enumerated, the Cuban governmenl at the time in Iiower, although
considering that the refugces ran nu risk of being the object of
unjust or arbitrary persecutions, honored, for the reasons set forth
in the foregoing paragraphs, each and al1cases of asylum.

(3) ~nterpretatiorzof the Convention O/ Havana, 1928, inthe light
O/ these principles: (a). The 1928 Convention of Havana clearly
establishes the legitimacy of the asylum granted to political delin-
quents, and does not contain in any of its rules or provisions any
reference that may impair the fundamental argument that the
judgement of the political delinquency should be made by the
country granting the asylum. On the contrary, this modiis operandi
is unavoidable in order that the asylum may proceed normally,
since it is not logical to entrust to the territorial State, at times
interested in circumstances of political excitement, the right to

charged with the preparatory work for the Convention on Political
Asylum, signed in Montevideo in 193.7 b,re in mind to determine
expressly in said Convention that "the judgement of political delin-
qiiency concerns the State which offers asylum".
In effect, the Sub-Commission appointed to consider the right of
asylum and draft the Montevideo Convention deemed tliat the
spirit of theHavana Convention might be misrepresentcd as said
Convention did not contain explicitly the provision which was
implicit in it concerning the right to judge the character of the
delinquency. Consequently, the territorial State in many cases seek-

ing to frustrate the purpose of the asylum, might charge the refugee
with pre-existing common crimes, knowing, as asscrtedby the Sub-
Commission itself, that the refugee then would have to remain STATEMENT BY CUBAX GOVERS'IEKT (15 II 51) 121

(2) The right of the diplomatic agent of the countrygranting the
asylum to require the guaranties necessary in order that the
refugee may leave the territorial State with due regard to
his inviolability, or in other ~vords,the diity of the territorial
State to issue the proper safe-conducts.

Aside from the foregoing legal technical reasons, the Cuban
Government considers that to admit the opposite thesis, namely,
that the territorial State is not bound, as a consequence of the
asylum, to issue the safe-conduct in faior of the refugee, wonld
practically carry with it the annulment of said institution of asy-
lum, inasmuch as, in that case, a procednre of an exceptional
character would be started, the termination of which would be at
the will of only one of the parties thercto and precisely the one
probably less interested in terminating it.

On the other hand, the indefinite permanence of the refugee in
a diplomatic mission, which might be drawn from the territorial
State's non-recognition of its obligation to issue the safe-conducts,
might cause the transformation cf the legation's or embasssy's seat
into a real prison, with al1the serious implications wliich such fact
means in the international relations. Furthermore, inter--4merican
practice has confirmed that the delivery of the safe-conduct, in
cases of asylum granted in accordance with the 1928 Convention,
is inorder.
These arguments show, in the opinion of the Cuban Government,
that the territorial State has the juridical obligation to issue the

safe-coiiducts applied for by the State granting the asylum, within
a discreet term, inasmuch as this is the only legal, logical and moral
solution of the asylum granted.
Havana, ~ebruar; 15, 1951.

(Signed) ERNESTO DIHIGO,
Ninister of State 2.LETTRE DE L'AGENT DU GOUVERNEMENT DE LA
COLOhIBIE .4U GREFFIER DE LA COU12

La Haye, le 28 mars 1951.
Monsieur le Greffier,

s'ai l'honneur d'accuser la réception de votre lettre en date du
15 courant et es deux documents y joints, soune lettre de S. Exc.
le ministre d'l'tat de Cuba datée dïj février1951 et un exposé
du même,portant la méme date. Ces deux documents concernent
l'interprétation qiie le Gouvernement de Cuba donne de la Conven-
tion sur l'asile signéeLa Havane le 20 février1928 ainsi que le
critérium généraludit gouvernement sur le droit d'asile.
En réponse à votre communication ci-dessus mentionnée, j'ai
l'honneur de porter à votre connaissance que le .Gouvernement
colombien ne formule aucune opposition à l'intervention annoncée
du Gouvernement de Cuba, étant donnéque, si celui-cia décidéde
prendre partà l'affaire pendante entreColombie et le Pérou avec
lescons&queiicesqui en découlent pour lui, il ne fait qu'exercer uii
droit espressErnent reconnu par l'article 63 du Statut de la Cour.
Quant an fond des ohservations que, conformément au para-
graphe 4 de l'articl66 du Règlement de la Cour, le Gouvernement
de Cuba pourrait soumettre àcette dernière, j'attendrai qu'elles me
soient communiquées afin de pouvoir lesétudier.
17euillezagréer,etc.

(Signé osÉ GABRIEL DE LA VEGA. 3. LETTRE DE L'AGENT DU GOUJ'ERKEMENT
DU PÉROU AU GREFFIER DE LA COUR

La Haye, le 2 avril 1951.

Monsieur le Greffier,
Par lettredo 15 mars 1951 (13093). VOUS avez bien voulu me
transmettre copie certifiéeconformed'une lettre datée le 15 février

1951 de S. Exc. le ministre d'Etat de Cuba, ainsi que d'un exposé
portant la mêmedate qui était joint à cette lettre.
Comme vous le signalez vous-même, cesdeux lettres se réfèrent
à la note du 26 janvier 1951 par laquelle, en citant l'article 63 du.
Statut de la Cour, vous avez fait connaître aux gouvernements des
États signataires de la Convention sur l'asile, signéà La Havane
le 20 février 1928, que l'agent di1 Gouvernement de la Colombie
avait l'intention, dans l'affaire actuellement pendante, d'invoquer
les dispositions de cettecoiivention.
Vous avez bien voulu également porter à ma connaissance que
le Président de la Cour a fixéau2 avril 1951 le délaidans lequel les
deus Parties en cause peuvent se prononcer sur l'admissibilité de

l'intervention du Gouvernement de Cuba et'au IO avril 1951
le délaidans lequel elles peuvent, si l'admissibilité n'est pas contes-
tée, soumettre leurs observations écrites à ce sujet.
hle prévalant de ce droit, j'ai l'honneur. d'ordre de mon gouver-
nement, de formuler les observations suivantes en ce qui concerne
l'admissibilité de l'intervention du Gouvernement de Cuba :

1. - Selon ce qu'il est dit dans l'arrêtrendu par la Cour dans
cette affaire lezo novembre 1950, la requête du Gouvernement
colombien, se fondant sur la Convention relative au droit d'asile
signée à La Havane, ainsi que sur l'Accord sur l'extradition signé
à Caracas le 18 juillet 1911, la notification prévu: à l'article 63,
paragraphe 1, du Statut de la Cour, fut faite aux Etats autres que
les Partiesqui-avaient participé aux actes précités.
Aucun des Etats ayant reçu cette notification, et notamment le
Gouvernement cubain, n'ont fait connaîtreà aucun moment leur
intention d'exercer la faculté d'intervenirà l'instance aux termes
dudit article 63.

Le Gouvernement de Cuba a seulement exprimé le désirde rece-
voir communication de la ~rocédure écrite. Le Gouvernement du
Pérou a fait connaître qu'ii n'avait pas d'objectionà ce que Suite
fùt donnée à cette demande.
II. - La nouvelle communication aux États tiers aux fins

d'intervention, aux termes de l'articl63 du Statut, n'a pas eu lieu
sur la base de la requête du Gouvernement colombien déposéeau
Greffe de la Cour le13 décembre1950 - requêtequi ne fait aucune
mention particulière de la Convention de La Havane, - mais bien124 LETlRE DE L'AGEST DU P~ROU (2 IV 51)

à la suite de la lettre de l'agent du Gouvernement colombien datée
du 22 janvier 1951, et sur laquelle l'oppnrtunité de fournir des
observations n'a pas étédonnée à l'ageiit du Gouvernemeiit du
Pérou.
La nouvelle requête coloinbienne porte uniquement sur I'exécu-
tion de L'arrêtdu zo novembre 19jo et est basée sur l'article 7,
paragraphe unique, du Protocole d'amitié et de coopération du
24 mai 1934 entreles deux seuls Etats du Pbrou et de la Colombie.
La lettre de l'agent du Gouvernement colombien du
22 janvier
19j1 a donc introduit dans l'instance iiinouvel élément sur lequel
le Gouvernement du Pérou aurait eu intérêt à faire connaître soi1
sentiment.

III. -De l'avis de mon gouvernement, l'intervention du Gouver-
nement de Cuba est tardive et ce caractère tardif résulte selon lui
des considérations suivaiites :

a) II cst clair en effet qu'il s'agit toujours de la même affaire
relative au droit d'asile entre les Gouvernements du Pérou et de
la Colombie, affaire qui a déjà fait l'objet des arrèts des 20 et
27 novembre 1950.
Qu'il s'agisse toujours de la même affaire,c'est ce que prou\rent :
I" l'identité des Parties ; 2" l'identité d'objet : la validité de
l'asile accordé par la Colombie au sieur Raiil Haya de la Torre ;
3' le fait mêmequ'il s'agit de l'exécution du jugement rendu. Xous

pensons en effet avoir démontré dans notre Contre-3Iémoire (3nie
partie) que ce qui fait l'objet de nos conclusions (III) est implicite-
ment conteiiu dans le dispositif de l'arrêt du 20 novembrc. c'est-
à-dire que l'obligation juridique de se conformer à l'arrêt implique
nécessairement cessation de l'asile. faute de nuoi ledit arrét ii'aurait
pas d'effet utile.
Ainsi que nous y avons insisté dans ledit Contre-Mémoire, la
demande à fins d'exécution de la Colombie doit êtremise sur le
même piedexactement que sa précédentedemande en interpréta-
tion du 20 novembre 1950. S'il n'yavait pas eu l'arrêtdu zo novem-

bre 1950 qui met fin au litige, il n'aurait pas pu se produire de
demande sur la façon de l'exécuter. Demander comment doit
s'exécuter un arrêt c'est constater d'abord qu'il est rendu et pro-
clamer qu'on l'accepte. C'est donc moins encore qu'une demande
d'interprétation sur le sens de l'arrêt: c'est une requête sur la
suite directe qui doit y êtredonnée. Ceci iious parait l'évideiice
mêmeet n'avoir pas besoin de démonstration. En l'absence d'une
nouvelle affaire il n'y avait donc pas lieu à inviter une secoiide fois
les gouvernements signataires de la Convention de 1928 à intervenir
sur la base de l'article 63 du Statut. Celui de Cuba est d'ailleurs le

seul à avoir manifesté l'intention de le faire.
b) Qu'elle soit baséesur l'article 62 OU sur l'article 63 du Statut,
l'intervention dans les deux cas est un incident de procédure. Les décisionsde la Cour qui peuvent intervenir à son sujet, soit sur le
point de l'admissibilité, soit sur le fond, sont ce que la procédure

française - qui sur ce point est analogue à la plupart des autres -
désigned'une terminologie depuis longtemps fixéeet parfaitement
expressive : elle les appelle des cijugements d'avant dire droit >'.
Cela signifie que le tribiinal saisi doit statuer siir l'incident, en
l'espèce l'intervention, avant d'avoir statué sur le principal. Or
c'est précisément l'inversequi se produit dans l'affaire en cours,

le jugement surle princip:ll et sur le fond a étérendu le 20 novembre
19jo. Il a acquis autorité de chose jugée. Il est donc impossible
que le ïj février 1951, près de trois mois après ledit jugement,
aucune intervention se produise. C'est pourquoi nous demandons
à la Cour de déclarer que l'intervention cubaine est désormais

irrecevable.
c) On ne saurait arguer à l'encontre de ce qui précCdede la diffé-

rence souvent soulignée entre l'intervention de l'article 62 et celle
de l'article 63. C'est la différenceselon laquelle la Cour est appelée
à se prononcer sur le caractère jiiridique de l'intérêt invoquépar
I'intervenant lorsqu'il se base sur l'article 62 et sa légitimité,tandis
que l'intervenant lorsqu'il se base sur l'article 63 invoclncrait un

droit absolu en tant que signataire d'une convention multilatérale.
Son intérêt à intervenir en ce dernier cas serait fondésur une pré-
somption jzrris et de jure. Cette opposition ne peut jouer en l'espèce,
car dans les deux cas il s'agit d'un incident de procédure qu'on a
toujours considérécomme devant se produire aussi vite que pos-
sible 2, que l'on pensait même originairement devoir intervenir'

avant les procédures orales et qui en tout cas ne salirait intervenir
après le jugement sur le fond. II serait en vérité trop commode à
l'intervenant d'attendre le jugement sur le fond pour apprécier son
intérêt à intervenir et surtout vour mesurer les chances de son
intervention.

On trouve d'ailleurs dans votre lettre même, endate du I j mars
1951, conformément à l'article 66 du Règlement, la preuve que
l'on n'a pas songé à considérer l'intervention du Gouvernement
cubain comme bénéficiantd'un caractère de recevabilité irréfra-
eable ~uisaue ladite lettre nous invite elle-même à contester la
recevai>ilitg de l'intervention en nous fixant à cet effet la date

limite du 2 avril.

IV. - La note à fins d'jnterr,ention de Cuba est en outre irrece-
vable parce qu'en réalité eue constitue non pas une intervention

' Voir leTraiié de ProrCdtrrede Glasson Tissier et XIorel.tome III.
Voir W. AI. Farag, L'i>rleruentiorideua>itCour fierrnanenfde Jt'dice itrfer-
ndionole, Paris. igz7;Publicatioiis de laC.P. 1.1.. sérieD, ifcies ef doct<irte?ris,
16me séance;J. C. \Vittenberg.L'Organisatijoun d'ciairle,procEdr<reci la scritorco
internationalesy. 1g7;A. Harnmarskjold, Revi'ede Droit i>zfernnlion<deeLéris-
lationcornparde. rg27,p.357 ; enfinles débats dans l'affaire duIViwbledon, cas
unique où la Cour aitçu i rïiiclrc un arrM en rnatiere.126 LETTRE DE L'AGEST DU PÉROU (2 IV 51)

dans l'affaire en cours mais bien une tentative de recours contre
un jugement et présentéepar un tiers qui n'avait pas cru devoir
intervenir à l'instance.
On remarque en effet que la note jointe à la demande d'iriter-
ventioii contredit le jugement du 20 novembre sur tous les points.
Toute la note du Gouvernement de Cuba porte sur deux points
qui ont autorité de chose jugée: nJ la qualification définitive par
l'asilant de la nature du délitqui a motivél'asile;b) l'obligation de
délivrer le sauf-conduit. La note fait aussi état de la Convention
de Rlontevideo de 1933. dont l'iiistrument de ratification par le
Gouvernement de Cuba porte la date du 20 décembre 1950, posté-

rieure d'un mois à l'arrêt, et déposb i l'organisation des États
américains le 17 février dernier. Si mon gouvernement &tait amené
à formuler ses observations écritessur ces deux poiiits, ainsi que sur
la pertinence d'invoquer la Convention de Montevideo, il ne pour-
rait que reprendre les considérations développéesdans l'arrêt de
la Cour du 20 novembre 1950, considérations qiii l'ont amenée à
rejeter la requête colombienne sur le premier poiiit par 14 voix
contre 2, et sur le second par rj voix contre une.

V. - Sur la base desallégations de droit et de fait qui précèdent,
mon gouvernement estime que la présente affaire ne saurait donner
ouverture à l'interprétation d'une convention aux termes de I'arti-
cle 63 du Statut de la Cour et notamment de la Convention de La
Havane sur le sens de laquelle LaCour s'est proiioncéele zo novem-
bre Igjo. Tout le droit pour le Gouvernement péruvien réside
aujoiird'hui dans le dispositif dudit arrêt. II demande donc à la
Cour de décider que l'intervention du Gouvernement de Cuba
n'est pas admissible.

En outre, nous considérons utile de porter i votre connaissance
les faits suivants qui disqualifient l'intervention duouvernement
dc Cuba.
Le représentant diplomatique du Gouvernement de Cuba à Lima
donna asile le29 décembre 1948 à deus citoyens péruviens accus&
par devant les tribunaux ordinaires du Pérou et sommésde com-
paraitre pour se justifier du même chef d'accusation et par la
mêmecitation que le sieur Raiil Hap.de la Torre.

La régularitéde cet asile fut discutée par le Gouvernement péru-
vien sur la base des dispositions de laCon\~entioiide La Havane de
1928, qui était, comme dans le cas de la Colombie, le seul traité
en matière d'asile en vigueur entre le Pérou et la République de
Cuba.
Le Gouvernement du Pérou proposa alors à celiii de Cuba de
soumettre leur différend à la décisionde la Cour internationale de
Justice. En effet,dans le mémorandum adresséau chargé d'affaires
de Cuba à Lima par le ministre des Affairesétrangères du Pérou,
le 12 juillet 1949. il était d:t LETTRE DE L'AGENT DU PÉROU (2 IV 51) 127

« Le Gouvernement du Pérou, en accord avec la théorie
exposéedans sa note du 9 mars de l'annéeen cours et en accord
également avec sa thèse sur l'asile octroyé par l'ambassade
de Colombie, considère que cet asile ne se justifie pas, et
qu'il n'y a pas lieu d'octroyer un sauf-conduit. Le Gouverne-
ment du Pérou est convaincu que le Gouvernement de Cuba,
en harmonie avec la cordialité des relations qui existent et
ont toujours existéentre les deux pays, acceptera de soumettre
le différendà la solution juridique de la Cour internationale de

Justice.I>
Cette proposition du Gouvernement du Pérou fut réitéréele
6 août 1949 dans les termes suivants :

Y En plus, je dois rappeleràVotre Excellence que la soumis-
sion de ce cas à la juridiction de la Cour internationale de
Justice, eri raison du fait décisifqu'il existait dans le cas de
al'asilé» à l'ambassade de Colombie un procks antérieur à
l'octroi de l'asile, s'applique au cas des asilésdans votre ambas-
sade.

Dans un cas comme dans l'autre, ils ont étéinclus au même
procès dont la juridiction nationale a été saisie. L'unité du
procès de droit pénal détermine l'identité juridique des cas
en question.
Le Gouvernement de Cuba n'a pas cru devoir accepter cette

proposition et pendant que la discussion se poursuivait par 6change
de notes, les deux asilés ont pris la fuite dans des circonstances
assez singulières, munis de faux passeports cubains, et se sont
rendus à Cuba où ils continuent à bénéficierde la protection du
Gouvernement.
Cet incidentqui met en lumière l'esprit dans lequel le Gouverne-
ment de Cuba entend interpréter la Convention de La Havane de
1928 a déterminémon Gouvernement à rompre les relations diplo-
matiques avec ce Gouvernement, situatiori qui existe encoreà ce

jour. Le chargé d'affaires de l'époque, de retour dans son pays
après la rupture des relations diplomatiques, a étédécorépar son
gouvernement, lequel a ratifié ainsi une attitude peu conforme
au respect dû aux traités et au droit international.
Je tiens à la disposition de la Cour le texte des notes échangéeà
ce sujet, au cas où celle-ci voudrait en prendre connaissance.
Veuillezagréer, etc.

(Szgné)FELIPE TUDELA.

Document file FR
Document
Document Long Title

Mémoire présenté au nom du Gouvernement de la République de Colombie

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