Réplique soumise par le Gouvernement de la République française

Document Number
8951
Document Type
Incidental Proceedings
Date of the Document

COUR INTERNATIONALE DEJUSTICE i

MÉMOIRES, PLAIDOIRI-S ET DOCUMENTS

AFFAIRE RELATIVE AUX DROITS

DES RESSORTISSANTS
DES ÉTATS-UNIS D'AMERIQUE
AU MAROC

(FRANCEC.ÉTATS-UNISDIAMERIQUE)
VOLUME II

Pieces&crites (su-tPlaidoiri-sDocuments-
Correspondance

INTERNATIONALCOURTOF JUSTICE

PLEADINGS, ORALARGUMENTS, DOCUMENTS
-

CASE CONCERNING RIGHTS OF
NATIONALS OF THE UNITED STATES

OF AMERICA IN MOROCCO
(FRANCEv,UNITED STATESOF AMERICA)

VOLUME II
Pleadin(coat.).-Orarguments.-Documents.-
Correspondence COUR INTERNATIONAI.17UE JUSTICE
--

>Il?MOIRES, PLAIDOIRIES ET DOCURiIENTS

AFFAIRE RELATIVE AUX DROITS
DES RESSORTISSANTS

DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
AU MAROC
(FRANCE cÉTATS-UNISD'AMÉRIQUE)

VOLUME II
Pi6ces &crites (s-iPlaidoiri-sDocuments-
Correspondunce INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

PLEADINGS, ORAL ARGUMENTS, DOCUMENTS

CASE CONCERNING RIGHTS OF
NATIONALS OF THE UNITED STATES

OF AMERICA IN MOROCCO

(FRANCE u.UNITED STriTES OF ARIERICA)

VOLUME II
Pleading(cent.).-OrArguments.-Documents.-
Cortespondence PREMIÈRE PARTIE (suite)

PIÈCES DE LA PROCÉDURE ÉCRITE
(suite)

PART 1 (colzt.)
-

PLEADINGS

(cont.) 9

SECTION B. - MÉMOIRES (suite)

SECTION B.-PLEADINGS (cor>t.)

5. RÉPLIQUE SOUI\.IISE,PAR LE GOUVERNEMENT
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Les autorités chérifiennesont, dans l'exercicedeleur compétence
réglementaire en matière économique et financière, pris un arrêté
du 30 décembre 1948, portant sur les importations sans devises,
applicable à tous les importateurs, marocains et étrangers, établis
au Maroc. Le Gouvernement des États-Unis d'Amérique prétend
que ses ressortissants sont exempts de plein droit de l'application

de cette réglementation pour deux raisons :
IO L'existence deKdroits économiques a des États-unis obligeant
le Maroc à recevoir toutes les importations en provenance des
États-Unis.
2" La jiiridiction absolue des États-Unis d'Amérique sur ses
ressortissants au Maroc, provenant tant de l'incompétence des

juridictions locales pour toute affaire civile ou pénaleentre eux et
dans lesaffaires où un ressortissant des États-Unis est défendeur,
que de l'exemption d'application de toute loi localà ses ressortis-
sants sans le consentement des États-Unis.
Dans son mémoire du ler mars 1951. le Gouvernement de la
République française avait répondu à l'avance à cette thèse en
se fondant sur le nncipe qu'un État ne peut opposer à la compé-

tence d'un autre tat sur son propre territoire que des limitations
formellement acceptées. En l'espèce, le seul texte liant le Maroc
vis-à-vis des États-Unis est le Traité du 16 septembre 1836 dont
le contenu limite la juridiction consulaire aux différends entre
ressortissants américains et ne permet pas aux États-Unis de
réclamerun droit de contrôle de la législation et de la réglementa-
tion de l'État chérifien. En matière de «droits économiques » le
Gouvernement de la République française avait exposé que la
réglementation des importations sans devises n'était pascontraire
aux principes généraux contenus dans l'Acte d'Algésiras.
Le différend porte donc sur un point précis :l'exercice par les
autorités chérifiennes, le 30 décembre1948, de leur pouvoir de
réglementation est-il ou non conforme aux obligations interna-
tionales de l'Empire chérifien vis-à-visdes États-Unis ?

La répliquedu Gouvernement de la République française suivra
le plan adopté par le contre-mémoire. Aprèsl'étude détaillée des
arguments du Gouvernement des États-unis, un sommaire des
deux thbes sera prkseiité. PREMIÈRE PARTIE :EXPOSE DE L'AFFAIRE
(Contre-mémoire, vol. 1, pp. 257 à 262)

Le Gouvernement de la République française ne relèvera dans
cette partie que certains passages. la plupart des observations du
Gouvernement des États-Unis se trouvant reprises et développées
dans les autres parties du contre-mémoire ;des remarques d'ordre
généralseront faites sur l'exposé desfaits du contre-mémoire à la
fin de la deuxième partie.
II faut tout d'abord signaler des erreurs dans le résumé,fait

à la page 262 du contre-mémoire,de la thèsefrançaise. En premier
lieu, le Gouvernement de la République française avait noté, dans
son mémoire,que l'affaire aurait pu êtreprésentéeà la Cour par
voie de compromis, si des difficultésn'avaient étérencontrées du
côté des États-Unis, pour des raisons d'ordre intérieur; dans
l'hypothèse d'un compromis, il eût appartenu aux États-unis de
prouver ue la compétence du Maroc était limitee par les traités
liant cet1tat aux États-Unis. Cette remarque n'avait aucunement
pour but d'éviterla charge de la preuve dans le cours du différend,
mais elle prend un certain relief, en raison de la position adoptée
par les États-Unis dans le contre-mémoire. En effet, les États-Unis
affirment que la personnalité de la loi est, au Maroc, un principe
supérieur A celui de la compétence temtoriaie, et ils se considèrent
donc comme défendeurs, non seulement parce que la requéte
émane de la France, ce qui n'est pas contesté, mais en raison de
la nature des problèmes juridiques en cause. Mêmedans l'hypothèse
d'un compromis, les États-Unis auraient donc prétendu que leur
titre juridique était supérieur à celui de l'État territorial. Le
Gouvernement de la Rép~blique française démontrera que le
fondement de la thèse des Etats-Unis n'est pas acceptable et que.
au Maroc comme dans tout État membre de la communauté inter-
nationale, le principe de la compétence de l'ktat sur son territoire
est un principe absolu auquel ne font exception que des règles de
droit positif dont les États qui les invoquent doivent justifier
l'existence et la portée. En raison des positions. prises dans le
contre-mémoire des Etats-Unis le débat porte essentiellement sur
l'étendue d'application de la compétence territoriale de l'État.
La thèse du Gouvernement de la République française est la
suivante. Les États-Unis tiennent leurs droits au Maroc d'un Traité

du 16 septembre 1836 au contenu très précis et qu'il convient
d'observer tant qu'il n'est pas dénoncé.,lusqu'en 1938 les États-
Unis ont, par le jeil de la clause de la nation la plus favorisée
contenue dans l'article 24 dudit traité, bénéficié,égimeconven-
tionnel plus large qui a disparu par la renonciation du Royaume-
Uni an Traité du 9 décembre1Sj6 qui établissait ce régime.Depuis
cette date, le Traité de 1836 et les accords multilatéraux auxquels
le Maroc et les États-Unis sont parties demeurent les seuls textes RÉPLIQUE DU GOUVERNESlEPiT 1:KAXÇAlS (13 IIj2) II
régissant la matière. Il est donc inexact de dire. page 262 du contre-
mémoire :

n Rather,, it [the French Go,vernment]advances the proposition
that new factors and circumstances have arisen which, in inter-
national law, entitle the State of I\.loroccote consider such treaty
rights as no longer in force.
Traduction : uEn revanche, il prétend quedes conditions et des
facteurs nouveaux ont surgi, qui autorisent, en droitternational,
le Maroc à considérerque de tels droits conventionnelssont frappés
de caducité.n

Cela est une représentation erronée de la thèse exposée dans la
requete du 28 octobre 1950 et dans le mémoire du xermars 1951 ;
le Gouvernement de la République française a indiqué que les
droits des États-Unis au Maroc résultent des traités en vigueur
et que le différend devait se résoudre par l'interprétation de ces
seuls textes et la recherche du contenu exact des obligations qu'ils
établissent.

DEUXIÈME PARTIE : LES FAITS

CHAPITRE 1:- TRAITÉS QUI ÉTABLISSENT LES DROITS DES
ÉTATS-UNIS AU MAROC
(Contre-mémoire, vol. 1, pp. 263 à 287)

Après une rapide énumération des traités antérieurs au x\rrrr'tln
siècle,en partant d'un traité d'alliance franco-marocain datant de
1282, le contre-mémoire conclut des traités di1 xvIIIm0 siècle que
n les marchands qui jouissaient déjà du droit de faire librement le
commerce acquirent graduellement certaines immunités fiscales qui,
à la fin du siècle, aboutirentà l'immunité complète de toute taxe 1,
(p. 266, 1rnleligne).Or, les exemplesdonnés dans les pages suivantes
sont particulièrement peu probants : notamment à la page 269,
4meparagraphe, les États-Unis citent l'article 27 du Traité avec
l'Espagne du Ier mars 1799, article qui ne concerne de toute évi-
dence que les taxes frappant les marchandises importées et auquel

on ne saurait attribuer une portée générale.De même, s'il est
incontestable que, en vertude la clause de la nation la plus favorisée,
les États-unis aient bénéficié en théorie de droits plus étendus que
ceux que spécifiait leur propre Traité du 25 janyier 1787,l'inexis-
tence de tout commerce suivi entre le Maroc et les Etats-Unis comme
l'absence de tout ressortissant des États-Unis établi au Maroc à
cette époque enlèvent à de telles affirmations toute portée.
Cesindicationsexpliquent les raisons pour lesquelles le Gouverne-
ment de la République française estime inutile de suivre, point par
point. l'exposé des faits contenu dans la IIme partie du contre-
mémoiredes États-Unis d'Amérique. Le rôle que euv ve jnuer des
traités caducs dans l'interprétation d'une situation actuelle sera12 RÉPLIQUE DU GOUVERNE31ENT FRANÇAIS (13 11 52)

étudiéen détail dans la partie de la répljqueconsacréeà l'exposé
de droit. De même,l'argumentation des Etats-Unis sur la Conven-
tion de Madrid et sur l'Acte d'Algésirassera examinéedans la dis-
cussion de l'argumentation juridique.
Le contre-mémoire indique, page 279. dernier paragraphe, et
page 280, que le Gouvernement français ne conteste pas aujourd'hui
que les États-Unis aient la capacité d'exercer le droit de protection,
dans les limites de la Convention de Madrid, sauf pour les articles 5,

II, 12, 13 et 17. Cela est exact, et les autorités chérifiennesfont en
effet des objections en ce qui concerne les employés indigènesdu
Gouvernement des États-unis dont le nombre a étéabusivement
exagéré ces dernièresannées (article 5). Quant aux articles Ir (pro-
priétéfoncière), 12 et 13 (tertib et droits de portes), 17 (clause de
la nation la plus favorisée) de la Convention de Rladrid, ce sont
des textes auxquels le Gouvernement de la République française
n'attribue pas la même portée que le Gouvernement des États-Unis

d'Amérique,mais dont l'interprétation n'est pas également néces-
saire pour le règlement du différendactuel.
Le Gouvernement des États-Unis saisit cette occasion pour
remarquer que le texte français et le texte anglais de l'intitulé de
la présente instance ne coïncident pas (p. 280, et voir aussi la notI
sous la p. 359) mais que, en l'occurrence, il n'y a pas besoin de
distinguer entre les a nationals » et les «ressortissants IILe Gou-
vernement de la République française ne peut accepter, pour la

solution du différendactuel, de considérer comme égalesla situa-
tion des nationaux et ceiie des protégés desÉtats-Unis; il fait
toutes réserves sur une assimilation de principe des deux statuts
qui ne repose pas sur les textes, ainsi qu'il sera exposé dans la
réplique à l'argumentation de droit. Les droits des protégés ne
sont pas les mêmesque ceux des nationaux des États-Unis ;l'éten-
due de certains de ces droits résultera de l'interprétation donnée
par la Cour aux textes conventionnels invoqués dans le prbent
différend.

CHAPITRE II.- TRAITÉS ET AUTRES ACTES SE
RAPPORTANT A L'ÉTABLISSEMENT DU PROTECTORAT

(Contre-mémoire, vol. 1, pp. 286 à 300)

Ce court chapitre s'efforce de prouver que l'établissement et
la reconnaissance du protectorat, tout en consacrant un contrôle

politique de la France, sont restéssans effet sur les droits, (l'ordre
économique et d'ordre extraterritorial, résultant pour les Puis-
sances étrangèresde traités antérieurs, sauf renonciations expresses
de leur part que la France s'est efforcéed'obtenir (p. 288).
Le Gouvernement de la République française croit résumer
fidèlement ce raisonnement en disant que, les négociations avec
les Gtats-unis n'ayant pas abouti, la reconnaissance du protec- IIÉPLIQUIJ DU COUVEKNEhlENT FI<AN(;AIS(131152)
I3
torat par les États-unis en 1917 n'aurait en rien modifiéla situa-
tion antérieure, sous réservede la substitution de la responsabilité
de la République française à celle de l'Empire chérifien en cequi
concerne l'application des anciens traités.

Le mémoiredu mars 1951 avait déjà fait connaître la posi-
tion du Gouvernement de la République française sur cette
question ; il y sera de nouveau répondu dans i'argumentation de
droit de la présente réplique.

CHAPITRE III. - CIRCONSTANCE QUSI SONT A L'ORIGIXE
DU PRÉSENT LITIGE

(Contre-mémoire, vol. 1, pp. 300 à 325)
Ce chapitre, divisé endeux sections: avant et après la deuxiC-
me guerre mondiale, débute par une affirmation que le Gouver-
nement de la République française ne peut laisser sans réplique,

car elle constitue iine accusation contre la politique économique
poursuivie par la France au Maroc, depuis le protectorat, -
politi ue qui aurait consistà «méconnaître les droits économiques
des 2tats-Unis et des autres Puissances étrangères au Maroc
dans la mesure où ces droits entravaient ses propres intérêts 11
(p. 300, 18m. ligne, traduction). Les États-unis négligentle témoi-
gnage de confiance, donné à la France par l'eiisemble des États,
sous la forme de leur reconnaissance des responsabilités spéciales
de la France au Maroc dès l'institution du protectorat.
Si la France avait réellementpoursuivi une telle politique d'évic-
tion économique,le commerce français, qui était déjàde l'ordre de

55 à 60 pour cent avant le Protectorat, se serait développés -ans
aucune mesure. Tout au contraire, c'est le commerce des Etats-
Unis, pratiquement inexistant au moment d'Algésiras,qui s'est
considérablement développé.
11convient, d'autre part, de rappeler quele différendporte sur le
problème actuel des importations sans devises, conséquence de la
zZr1guerre mondiale, et le contrôle des changes et non pas sur des
« manquements si nombreux qu'on n'en peut donner que des exem-
plesil(p. 301 du contre-mémoire)et dont beaucoup sontdesincidents
de la vie économiqueinternationale comme en connaissent tous les
pays, y coinpris les États-Unis.
En ce qui concerne les premières réclamations mentionnées à la

page 300, dont s'est plaint le département d'Etat au cours de la
négociation relative à la reconnaissance du protectorat et plus spé-
cialement dans sa note du 13 février 1914, le contre-mémoire ne
mentionne pas la note françaisedu 22 avril 1914 (annexeXLVII au
in6moire français) dans laquelle M.Jusserand «croit devoir rappeler
que les traités en vigiieur garantissent l'égalitééconomiqueà toutes
les Puissances ...le Gouvernement français garde la ferme inten-
tion d'examiner et réglerd'une façon tout amicale les questions
non encore résolues où sont intéressés des citoyensambricains n. l4 R~PLIQUI~ IIU GOUI'E1tSI:~lliKI~Fl<hN(;AlS(13 11 52)

Le mémoire américain cite comrnc l'une des violations notoircs
des stipulations des traités le dahir de 1933 établissant des taxes
de compensation anti-dumping. Ce texte, comme les autorités
chérifiennes en donnèrent immédiatement l'assurance à l'agence

diplomatique des États-Liriis àTanger (annexesau contre-mémoire,
p. 703). ne s'appliquait qu'aux pays non bénéficiairesde la clause
de la nation la plus favorisée.Il n'a,n fait, étéutiliséqu'à l'encontre
des importations d'origine japonaise qui mettaient, à l'époque, en
péril une branche impo~tante de l'artisanat marocain et n'a donc
jamais étéopposéaux Etats-Unis.
«L'année suivante >i,poursuit le contre-mémoire,page 303. 2g"m
ligne, <les autorités françaises tentèrent ouvertement d'abroger la
liberté d'importation instituée par les traités ; elles informèrent

l'agent diplornaticlue américain à Tanger qu'elles avaient l'intention
d'instituer prochainement au 3laroc un régimede contingentement
des importations » (traduction). Une telle présentation est incom-
plète et tendancieuse, car il s'agissait en réalité (l'une négociation
sur l'ensemble du régimedouanier du Maroc, avec toutes les Puis-
sances intéressées(le contre-mémoire reconnait cc dernier point à
la page 306, 4~1~ paragraphe), et le Gouvernement de la République
française n'avait nullement manifesté l'intention de procéder sur-
le-champ à l'établissement de ces contingents. II convient en outre
de remarquer qu'aux termes de sa lettre du II novembre 1934

(contre-mémoire, annexes, p. 716), M. hlax~vellBlake, agent diplo-
matique à Tanger, ne repoussait nullement le principe des contin-
gents, sous certaines conditions.
Le contre-mémoire mentionne (p. 307, 2LUp,aragraphe), sansciter
de cas concrets, des interventions dans l'exercice par les Etats-
Unis de leurs droits capitulaires en matière de protection et de
juridiction. eEn fait, la portée et le nombre des violations conven-
tionnelles qui eurent lieu pendant cette période ont permis tout
au moins de se demander si elles ne révélaient pasun plan prémédité

tendant à mettre à néant les droits conventionnels des Etats-Unis
au Maroc. r II s'agit évidemment d'une récapitulation de tout le
contentieux de drogmanat, pour des affaires d'importance variable.
souvent minimes, auquel a donné lieu, depuis le Protectorat, la
survivance d'un régime que rien ne justifie plus. A ces allégations
du contre-mémoire il serait aiséd'opposer des plaintes reconven-
tionnelles contre le comportement abusif de -certains protégés
américains qui, grrlce à leur patente de protection, se sont efforcés.
parfois soutenus par leur consulat, de se soustraire aux réglemen-
tations locales, en particulier aux restrictions du temps de guerre
tant que les États-Unis restèrent neutres, cela dans des matières

touchant les activités personnelles des intéressés et ne mettant
nullement en cause les intérbts américains. &faisle différend n'est
pas là, et il convient d'élever ledébat au-dessus du contentieux
quotidien. HEPI.IQUI~ DU GOUVIJKNb?>IE YKANÇAIS (13 11 j2) '5

Le co~tflitaprès lu 2lflgagerreiiiondinlz (pp. 309 à 325)

Toute cette partie du mémoire donne l'impression d'une sortc
d'acharnement des autorités du Protectorat contre les intérêts
américains. C'est ainsi que le contre-mémoire insiste sur les offrcs
de coopération des autorités consulairesaméricaines qui, enpratique,
se sont moritr6es vaines et qu'il observe que le I'rotectorat n'a pu
signaler aux autorités américaines aucune infraction au contrôle
des changes, omettant l'incident de la fraude par la base aérienne
de Port-Lyautey. Il négligeenfin d'indiquer (p. 314) que c'est à la

fois le désirde conciliation de la France et l'insistance du Gouverne-
ment des États-Unis qui sont à l'origine du régime libéralde 1948,
dont l'expérience allait bientôt montrer les graves inconvénients.

* * *

Le Gouveniement de la République française a dû noter avec
regret dans l'exposédes faits certaines interprétations erronées des
circonstances du différend et une tendance trbs subjective dans la
présentation de certains aspects du problème. Le Gouvernement
de la Képublique frapçaise aurait pu faire un tableau aussi imagé
de la situation d'un Etat qu'on prktend priver du droit de défendre
sa vie économique et sa monnaie et qui demande simplement la

reconnaissance d'une prérogative élémentaire de la compétence
btatique. Mais le Gouvernement de la République française préfère
rester sur le terrain du droit positif : les faits sont simples ct
reconnus par les États-Unis d'Amérique.
M.Boris Shishkin, chie/ labor divisio~t,O@ce O/ Special Keprese~zt-
atiue, E.C. A., Paris, a déclaré à la commission des Affaires
étrangères du Congrès des États-Unis, au mois de mars 1950
(Hearings H.R. 7378 et H.R. 7797, p. 347) :

iThis Government recognized the temporary iiecessity for the
importcontrols established by thehloroccanDecreeof December30,
1948,since such controls were iii conformance with France's com-
mitments uiider the European recovery progrnm. »
Traduction : « Ce gouvernement [le Goureriiement américain]
a admis lu nécessittemporairede contrOlesrelati/s auximportations
établispur le décretmarocuin du 30 décembrerg&, puisque des
contrbles de cet ordre étaient conformes aux engagements pris
par la France en exécutiondu programmede relkvementeuropéen D
(annexe 1 A la présenteréplique; c'estnous qui soulignons).

Af.Willard 1.. Thorp, secrétaire d'État adjoint aux Affaires éco-
nomiques, a témoigné devant une cour de justice américaine dans
une instance dirigéepar hI. Rodes contre RI.Dean Acheson, secré-
taire d'Etat (District Court of the United Statesfor the District of
Columbia, civil division, civil action No. 3756-49). Dans son affi-
davit du 4 cictobre 1949, il a fait des déclarations d'une très grande16 I&~~LIQU DU GOUVEHNEMEXT FRAKÇAIS (13 II 52)

portée dont il suffira d'indiquer la plus importante, largement déve-
loppéepar de nombreux exemples :

« This Government, liowever, has also recognized the essential
need of the Protectorate Governnient to impose import licensing
regulations to protect the French foreign exchange positiona
Traduction: uCe gouvernement, cependant, a aussi reconnu la
nécessitépour le Protectorat d'imposer des rkglements sur les
licences d'importation afin de protéger la situation du change
françaisà l'étrangeru(annexe II, p. 78 du présentvolume).

L'exposédes faits pourrait en définitive se résumer en cela. Les
États-Unis reconnaissent que les circonstances justifient l'établisse-
ment d'un contrôle des changes au Maroc et le droit des autorités
chérifiennes de l'établir. Comme une teil: réglementation relève
sans contestation de la compétence de I'Etat, sur son territoire,
le problème juridique est donc de savoir si les Etats-Unis trouvent

dans des dispositions conventionnelles le fondement d'une opposi-
tion discrétionnaire à l'exercice de cette compétence, après avoir
reconnu le bien-fondé des mesures prises.
Dans ces conditions, le Gouvernernent de la République ne relè-
vera pas dans le détail les points sur lesquels l'exposé des faits du
contre-mémoire appellerait des réserves de sa part. Se fondant sur
les documents officielsémanant desreprésentants du Gouvernement
des États-Unis, dans l'exercice de leurs fonctions, le Gouvernement
de la République française prend acte de la reconnaissance que
l'établissement de mesures telles que la réglementation du 30 décem-
bre 1948 sur les importations sans devises était fondé en droit et

justifié dans les circonstances de fait.
De quelles règles juridiques, selon le Gouvernement des États-
Unis, résulterait l'obligation pour l'Empire chérifien de ne pas
appliquer aux ressortissants des États-Unis des mesures limitant
les importations sans devises? Deux ordres de droitssont invoqués:
droits économiques, privilèges capitulaires. C'est à l'étude de
cette double prétention que sera consacréela répliquedu Gouverne-
ment de la République française. La réglementation prise par les
autorités chérifiennessur les importations sans devises n'est en effet
qu'un exemple d'un différend généralentre les États-Unis et le
Maroc portant sur l'étendue des droits que les États-Unis tirent

des traités en vigueur, et la solution du litige précisn'est possible
qu'après une analyse complète de la situation conventionnelle.

TROISIÈME PARTIE: EXPOSÉDE DROIT

CHAPITRE1. - DROITS ÉCONOMIQUES
(Contre-mémoire, vol.1, pp. 327 à 358)

Le Gouvernement des États-Unis revendique au Maroc certains
proits économiquesqui portent sur trois points : le droit d'importer HÉIJLIQUE I)U GOUVERKEllENT FI<AKÇAIS (13 11 j2) I7

librement au Maroc - le régime de 1;idéterminatioii de la valeur
en douane - l'immunité fiscale. Les deus der,niers points sont
l'objet d'une demande reconventionnelle des Etats-Unis coiitre
la recevabilité de laquelle la France n'élèvepas d'objection.
L'ensemble de ces droits est présclité par le contre-mémoire
comme cntièremeiit distinct des droits de juridiction extrateni-
tonale que les Etats-Unis possèdent ail Maroc; ceux-ci font l'objet
d'un examen ultérieur. Une remarque généraleest nécessaire à
ce sujet. La question de la valeur en douane des marchandises

importées ne soulève effectivement qu'un problème d'interprétation
d'une disposition purement écoiioiniqiic de l'Acte d'Algésiras,
l'article 95. Mais les deus autres points ne peuvent êtredétachés
complètement des privilèges extraterritoriaux. Qu'il s'agisse di1
droit d'importer librement ou de l'application des lois fiscales,
la question posée est finalement d'appliquer à des étrangers dcs
lois marocaines ;ceux-ci pourraient y échapper en vertu de priv-
lèges de juridiction extraterritoriale largement entendus. Le Goo-
vernement des États-Unis soutient que Ics étrangers peuvent y
échapper par des dispositions express-, absolument distinctes de
ces privilèges. Le Gouvernement des Etats-Unis considère qu'il va
[Lesoi que toutes les dispositions des traités anciens qui prévoieut
iine prohibition des interdictions d'importer ou une immunit&

fiscale sont absolument distinctes des privilèges de juridiction
extraterritoi-ide. Le Gouvernement de la République ne saurait
admettre ce point de vue. Les traités qui ont établi les privilèges
de juridiction extraterritoriale ont tiréimmédiatement nne consé-
quence du principe qu'ils admettaient : c'est que les lois fiscales
ou commerciales tic devaient pas s'appliquer aux étrangers en
vertu d'une conception de la personnalité de ces lois. Cette coiisé-
quence s'expliquait fort bien si l'on coiisidèrele caractère islainiquc
des impôts ancieiis et l'arbitraire général qui présidait au régime
du commerce extérieur et au systkme fiscal d'un Etat à peine
organisé.
Pour quela thèse des États-Unis soit csacte, il faut donc apporter
cas pour cas la démonstration précise et incontestable que les
traités ont entendu créer uii régime écoiioinique comportant pour

des motifs écononiiques des faveurs fiscales au profit d'uiie partie
de la population du Maroc.

Les traités qui sont en discussion sous ce titre se répartissent
en trois groupes :
1) Lc Traité du 9 <Iécïnil>rc 18j6 ciitrc le Maroc et Ic Koyauiiic-
Uni et celui du zo iiovciiibre 1861ciitrc 1'Espagiic et lc Maroc.

218 &PLIQUE DU GOUVERNEMEKT FKANÇAIS (13 II 52)

Ces deux traités contiennent certaines clauses concernant le régime
des importations.
II) L'Acte d'Algésiras:
.
III) Les traités postérieurs au deuxième conflit mondial.

1. - Les Traitds du yddcembre 1856 et du zo novembre 1861

Le Gouvernement des États-unis invoque ces deux traités en
vertu de la clause de la nation la plus favorisée qui se trouve dans
les articles 14 et 24 du Traité de 1836 (contre-mémoire. p. 330).
Le Traité de commerce du 9 décembre 1856 n'a pas étéformel-
lement abrogé. Certaines de ses dispositions ne trouvent pas matière
à application dans la mesure où d'autres traités postérieurs conclus
entre les memes parties s'y opposent.
Trois dispositions du Traité de 1856 concernent les prohibitions
d'importation :

« Article z- Le Sultan du Marocs'engage à abolir tous mono-
poles ou prohibitions sur les marchandises importées,excepté le
tabac, les pipesà fumer de toutes esphces, l'opium, le soufre, le
salpétre,le plomb, les armes de toutes sortes et les munitions de
guerre. i,
c Article6. - Les marchandises ou produits, excepté ceux
énumérés à l'articz. importésparlessujets anglais par tout navire
ou de tout pays, ne seront pas prohibésdans lesterritoiresdu Sultan
du Maroc ...a

Article5 in fine- Aucune prohibition, soit quant à l'expor-
s'appliquera aux sujets anglais,oà moins que cette prohibition ne
s'applique aux sujets de toute autre nation.

Il ressort à l'évidencede ces trois textesque se trouvent interdites
à coup sûr toutes les mesures discriminatoires et arbitraires à
l'encontre des sujets britanniques. 11 est certain également que
les parties ont voulu réduire le plus possible les mesures qui reti-

reraient des marchandises du commerce. Mais la liste de l'article z
est-eUe limitative ? Il ne le semble pas en présence de l'article 5
in fine, qui prévoit des prohibitions s'appliquant à «un article
quelconque II.Il est d'ailleurs manifeste que l'article z a visé des
pratiques qui ont dispam totalement de nos jours :la suspension
totale, sans motifs économiques valables, des relations commer-
ciales portant sur des produits déterminés.
De toute manière, s'il y a doute sur la signification du Traité
de 1856 et s'il est toujours en vigueur, les parties à ce traité sont
plus qualifiéesque quiconque pour déterminer sa portée. Le Gou-
vernement du Royaume-Uni n'a pas considéréque les dispositions
du Traité du 9 décembre 1856 s'opposaient à l'institution du
contrôle des changes au Maroc. Le Gouvernement des États-unis

revendique donc au nom de la clause de la nation la plus favorisée RÉPLIQUE DU GOUVEKSEZIEST FRANÇAIS (13 LI 52)
I9
des droits qui n'ap-.rtiennent pas aux ressortissants britanniques
au Maroc.
En ce qui concerne le Traité du 20 novembre 1861, le Gouverne-
ment de la République, dans les rapports qu'il entretient avec
l'Espagne concernant le Maroc, a toujours considéréque ce traité
était abrogé. Cette question sera discutée dans la partie de la

réplique consacrée aux privilèges extraterritoriaux des Etats-Unis.
Le contre-mémoire considère que les articles 40, 44, 45, 47. 48,
49 et jo de ce traité concernent essentieuement des droits commer-
ciaux et souligne a l'identitéi du traité espagnol avec les traités
britanniques (p. 276) ; il n'invoque d'ailleurs que l'article 49 :
sNe seront point prohibéesdans les territoires du Roi du Maroc
lesmarchandises ou productions importéesdans lesports marocains
par des sujets espagnols, quelle qu'en soit la provenance. »

Mais pour s'en tenir à l'examen littéral des textes, le Traité dc
1861 contient d'autres articles que le contre-mémoire omet de
citer, notamment les articles 44 et 45 :

u Article 44,alinéa3. - Les sujets espagnolspourront acheter
et vendre à qui ils voudront les articles non prohibé...n
n Article 45.- Les sujets de S. M. catholique et de S. M. le Roi
du Maroc jouiront d'une entiére libertéde communication avec
les places de Ceuta et de Melillaet les pays immédiats,et ils pour-
roiit acheter et vendre au détail tousles objets de consommationet
les articles dont l'introduction et l'exportation ne sont point
prohibéesdans l'Empire marocain. »

Ces textes semblent imposer la mêmeconclusion que le Traité
de 1856 mais avec plus de clarté encore : la liberté et l'égalité
sont affirmées,mais avec le droit d'édicter des prohibitions, pourvu
que celles-ci n'apparaissent pas comme des mesures discrimina-
toires ni vexatoires. Non seulement le Traité de 1861 ne donne
'aucune éiiuinération d'objets auxquels se limiteront les prohibi-
tions, mais il faut rappeler le texte de son article 4 :

r Les sujets de S. k1. catholique pourront voyager, résiderou
s'établir librementdans lesdomainesdu Roi duMarocen sesoumet-
tant aux règlements depoliceapplicables aux citoyens de la nation
la plus favorisée. n
Daiis la mesure où une prohibition d'importer n'a pas pour

effct de réaliser une discrimination, ou de restreindre indûment
le coinmerce des ktraiigers, mais doit concourir au maintien de
l'ordre public au Maroc, eue lie tombe pas sousl'interdiction prévue
dans ces traités anciens.
Si l'oii considère non plus seulement la lettre de ces traités
inais leur caractère gén-ral, une observation fondamentale doit
êtreprésentée.
Les testes invoaués Dar lc Gouvernement clcs États-Unis urohi-
beiit des mesures' doi;t souffriraient les iiatioiiaux britanhiques20 &PI.IQUE DU GOUVERXEYENT FRANÇAIS (13 1152)

ou espagnols établis au Maroc. Ces textes auraient pu concerner
les exportationsbritanniques ou espagnoles quelie que soit la natio-
nalité de la personne qui réalise l'importation au Maroc. II n'en
est rien ; les textes visent les prohibitions d'importation d'une
marchandise quelle que soit son origine; ils ne visent pas les
prohibitions de marchandises britanniques ou espagnoles quel que
soit l'importateur. Le Gouvernement des États-Unis a suivi très
logiquement cette formule en revendiquant non pas le droit pour
les producteurs américains aux États-unis d'exporter librement
vers le Maroc, mais en revendiquant pour les importateurs amén-
cains établis au Maroc le droit d'importer librement au i\laroc.
Il s'ensuit toutefois que la manière mêmedont sont formulés ces
droits dans les Traités de 1856 et de 1861 montre qu'il s'agit du

régime de certains étraiigers au Maroc plutôt que du commerce
international proprement dit. On doit tenir compte pour leur
interprétation de cette constatation. Les autorités chérifiennesn'ont
jamais « prohibé», c'est-à-dire interdit d'une manière absolue
l'importation des marchandises étrangères, spécialement améri-
caines, par des ressortissants des États-Unis : elles ont réparti
au mieux, sans discrimination ni mesures vexatoires, les moyens
de paiement en devises étrangères dont elles disposaient (cf. en
ce sens le mémoirefrançais, p. 88, vol. 1).
En conclusion, le Gouvernement de la République française
soutient
1)Que le Traité de commerce du g décembre 1856 et le Traité
du 20 novembre 1861 ne contiennent aucune prohibition générale
et absolue des interdictions d'importation. Ils interdisent simple-
ment les mesures discriminatoires ou vexatoires qui ne seraient pas
justifiées par des motifs d'ordre public.
2) Que les dispositions de ces traités ne pourraient, en aucun

cas, justifier la condamnation du contrôle des changes appliquépar
les autorités chérifienneset que les États-Unis ne peuvent invoquer .
le bénéficed'une interdiction qui ne découle pas de ces traités.
3) Le Gouvernement de la République française va d'ailleurs
démontrer que l'Acte d'Algésiras,postérieur aux Traités de 1856
et de 1861, devrait conduire à modifier l'application de ces traités,
si l'interprétation de ces traités, telle que la propose le contre-
mémoire, devait êtrereconnue valable.

II. - L'Acte d'Algdsiras

L'Acte d'Algésiras necontient aucun article visant la prohibition
des interdictions d'importer. Il contient seidement l'affirmation
d'un principe ghéral, celui de la liberté économique sans aucune
inégalité.
Ce principe est affirmédans le préambule :

8S'inspirant de l'intérêt qui s'attaàece que l'ordre,la paix et
la prospérité régnent au Maroc ct ayant recoiinii que ce but REPLIQUE DU GOUVERNE~IENT FRANÇAIS (13 1152) 21 '

précieuxne saurait êtreatteint que moyennant l'introduction de
réformesbaséessur le triple principe dela souverainetéet l'indé-
pendance de S. M. le Sultan, de l'intégritéde ses États et de la
libertééconomiquesans inégalitéo ,nt résolu...u
On retrouve le principe dans l'article 105 :

n En vue d'assurerl'applicationdu principe de la libertéécono-
mique sans aucune inégalitél,es Puissances signataires déclarent
qu'aucun des services publics del'Empire chérifien ne pourra être
aliéné au profitd'intérêts particuliers.,,

D'autres traités antérieurs ou postérieurs se réfèrentégalementà
ce principe, mais aucun texte ne contient autre chose que les for-
mules de uliberté commerciale », d'il égalitéde traitement >),de
illiberté économique ili<absence d'inégalité n,de 1porte ouverte ».
Le Gouvernement français ne prétend nullement que ces termes
soient dépourvusde signification, mais il est bien obligéde constater

que ces termes sont vagues ; le contre-mémoire américain n'a
aucunement prouvé qu'ils comportaient condamnation des mesures
de contrôle des changes. La thèse américaine consiste à combiner
ce principe avec les dispositions des Traités du 9 décembre 1856
et du 20 novembre 1861 pour affirmer que toutes les interdictions
d'importer, quels que soient leur but, leur forme et leur mécanisme,
sont interdites (contre-mémoire, p. 330 in fine)Maiscette manière
mêmed'argumenter prouve qu'à lui seul le Traité d'Algésirasne

suffit pas à justifier la thèse américaine.
Le Gouvernement français maintient la position qu'il a prise
dans son mémoire.En présencedes termes très générauxde i'Acte
d'Algésiras,il serait nécessaire,pour en faire découlerla prohibition
di1 contrôle des changes, de prouver que, dans la pratique des
nations civilis6es, et notamment dans des traités internationaux,
les expressions d'«égalité économique ilde uliberté sans discrimi-
nation N entrahent la prohibition du contrôle des changes. Or, les

grands traités internationaux qui ont cherché à établir la liberté
économiquela plus grande, en évitant les inégalitéset les discrimi-
nations, n'ont jamais entraîné une prohibition générale desmesures
de contrôle des changes. C'est pourquoi, bien que ces traités ne
soient pas applicables au Maroc, le Gouvernement français avait
cité dans son mémoire la Charte de La Havane, l'Acte de coopé-
ration économique européenne et l'Accord généralsur les tarifs
et sur le commerce (vol. 1, p. 80). Faute de s'appuyer suruue
pratique internationale qui serait favorable à son interprétation, le

Gouvernenient des Etats-Unis doit prouver que les expressions
employées par l'Acte d'Algésiras,malgré leur caractère vague et
général,entraînent interdiction du contrôle des changes.
L'Acte d'Algésirasprohibe certainement toutes les interdictions
d'importer qui seraient justifiées par le désir de défavoriser le
commerce d'une nation étrangère,de procéderà des discriminations
dkloyales à regard de ses nationaux, d'instaurer une concurrence RÉPLIQUE DU GOUVERSE~IEXT FRAKÇAIS (13 1152)
22
déloyale dans le commerce extérieur du Rlaroc. Nais toutes les
interdictions d'importer qui sont nécessairesau maintien de l'ordre
public au Maroc sont légitimes.
A cet égard, le Gouvernement français soutient mème que
l'institution de ces dernières prohibitions est obligatoire, en vertii

de l'Acte d'Algésiras,et que si les traités antérieurs, notamment
ceux du g décembre 1856 et du 20 novembre 1861, devaient être
interprétés comme comportant une prohibition générale,absoliic
et inconditionnelle de toutes les interdictions d'importation, l'Acte
d'Algésirass'opposerait à cette conséquence.
En effet, l'Acte d'Algésirasa eu pour objet essentiel d'introduire
au Maroc des réformes,de faire nu État moderne. Il est nécessaire
à cet égard de peser les termes du préambule cités plus haut :
tout l'acte est présenté commene visant qu'un seul but, assurer
ces réformes ; et dans les principes énoncéscomme fournissant
le fondement de ces réformes,la sonveraineté de l'État marocain
est citée en premier lieu, avant le principe mème de la liberté
économiquesans aucune inégalité.Il serait donc paradoxal d'inter-
dire, au nom d'un principe général et vague, d'introduire au

Rfaroc des réformes qui caractérisent tous les États modernes.
Il est facile d'indiquer de nombreuses réformes qui supposent
la mise en Œuvre d'interdictions d'importation ; très nombreux
sont les cas où le maintien de l'ordre public marocain dépend de
ces interdictions.
La défensede la santé publique au Maroc a entraîné une légis-
lation interne et l'adhésion à de nombreuses conventions inter-
nationales en matikre de vérification de denrées destinéesà la
consommation, en matière de stupéfiants, de prévention des épidé-
mies, etc. Beaucoup de ces dispositions entraînent des interdic-
tions d'importer non visées au Traité de commerce du 9 décem-
bre 1856.
La défense de la moralité a entraîné des mesures (Convention

de Genève du 12 septembre 1923) de prohibition des publications
obscènes. D'autres États ont jugé le maintien de l'ordre public
tellement essentiel qu'ils y ont trouvé une justification pour ne
pas appliquer la règle de l'égalité detraitement. On peut citer en
ce sens la décisiondu 16 juin 1934 The Yztlzb,de la Circuit Court
of Appeals, refusant l'égalitéde traitement et le bénéficede la
clause de la nation la plus favoriséeà un commerce violant la loi
de prohibition antialcoolique aux États-Unis. (Annual Digest O/
Refiortsoj fiublic international lnwca1933-1934, de Lauterpacht,
p. 454.)
L'ordre public conduirait de mème à promulguer en temps
de guerre des interdictions de commerce avec l'ennemi, ou bien
à prendre part à un système de sanctions économiques édictéà
l'initiative d'une organisation internationale. Les nécessitésde
l'ordre public sont dans ce domaine si indiscutables que le Gou-

vernement des Etats-Unis a étécontraint, au coiirs du dernier RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAlS (13 II52) 23

conflit mondial, de bloquer les avoirs chérifiensaux États-Unis,
en dépit d'une stipulation formelle de l'article 24 du Traité du
16 septembre 1836 :

rrSi une guerre éclataitentre les Puissances, il sera accordé i
leurs sujets un délai de neufmois pour se défairede leurs biens et
pour se retirer avec leur fortune.D

Il est inutile de prolonger cette énumération. Elle montre qu'il
faut choisir entre deux interprétations de l'Acte d'Algésiras.
Ou bien l'Acte d'Algésiras,par référenceà des traités antérieurs,
prohibe toutes les interdictions d'importer, quelles qu'eues soient ;
cela suppose que l'on admet que les traités antérieurs contiennent
des formules aussi absolues et que l'on prétend que l'Acte d'Algé-
siras a implicitement retiré l'État marocain le droit d'assurer
son ordre public et de devenir un État moderne. Il faut en tirer
la conséquence que c'est illégalement qu'un grand nombre de
conventions internationales ont étéétendues au Maroc.
Ou bien l'Acte d'Algésiras, saufstipulation expresse. respecte
la souveraineté chérifienne et oblige le Maroc à entreprendre des
réformesqui font de lui un Etat moderne. Dans ce cas, il est auto-

risé à établir toutes les prohibitions d'importation qui ont polir
objet de faire respecter l'ordre public. Les traités antérieurs, même
s'ily a doute sur leur portée, ne peuvent recevoir une application
qui s'opposerait à l'institution de ces réformes.
Le Gouvernement de la République considère que la seconde
interprétation est la seule conforme la lettre et à l'esprit de l'Acte
d'Algésiras.
Or, les restrictions apportées aux importations pour des motifs
financiers et monétaires sont des restrictions fondéessur un motif
d'ordre public. Le contrôle des changes n'est que l'organisation
d'une pénurie. Si la pénurie est réelle,les lus graves désordres
résulteraient d'une absence d'action de 1'lft.at Il n'est pas un
État, pas un traité, pas une organisation internationale qui n'ait
reconnu cette vérité fondamentale.

C'est le motif pour lequel le Gouvernement de la République
considère que l'Acte d'Algésirasne s'oppose pas à l'organisation
d'un contrôle des changes au Maroc.
Les textes invoqués par le Gouvernement des États-Unis sont
loin de s'opposer à cette interprétation.
L'article z du Traité du 9 décembre 1856 citéplus haut donne
une liste de produits pour lesquels les prohibitions d'importer sont
licites : tabac, pipes à fumer, opium, soufre, salpêtre,plomb, armes.
Cette énumération couvre les importations qui auraient troublé
l'ordre public marocain, avec les exigences limitées d'un État
médiéval.
A la différencedu Traité de 1856, l'Acte d'Algésiras ne contient
pas de prohibition des interdictions d'importer. Un État moderne
a iin ordre public infiniment plus complexe et plus délicat qu'unÉtat médiéval ; le Maroc doit simplemeiit respecter les priiicipes
généraux deliberté et d'égalitécommerciales qui proscrivent les
mesures discriminatoires ori vexatoires, les atteintes à une concur-
rence loyale et à l'égalitéde traitement.

Le dahir du 9 septembre 1939 édicteune prohibition absolumeiit
généraled'importer. Il est cité par le contre-inémoire américain
(p. 328) de manière à fairc apparaître sa contradiction avec les
traités anciens. En réalité, l'article 2 de ce texte fait apparaître
qu'il s'agit moins d'un régiine de prohibition absolue que d'uii
régimede contrôle admettant de très lar~es aritorisations. filais ce
te&e de base est inspirépar de pures conGdérations d'ordre public.
11est la source iAridia.e des mesures rémirnant la contr~-~nde de
guerre, le commerce avec l'ennemi, et assurant la sécuritégénérale
du Maroc après l'ouverture des hostilités. 11a permis aussi d'insti-
tuer par un autre texte qui en découle, le dahir du IO septembre
1939, le contrôle des changes. Ce dernier apparaît ainsi avec sa

véritable figure, qui est de constituer une mesure destinée 3.sauve-
garder l'ordre public dans des circonstaiices exceptionnelles.
Deux observations générales sont encore nécessaires polir
préciser la position du Gouvernement français.
En premier lieu, pour le Gouvernement français, le principe
fondamental de la liberté do commerce et dri régime de la porte
ouverte formulé dans l'Acte d'Algésiras n'est nullement abrogé.
Mais il comporte dès l'origine toutes les restrictions qu'iin État
moderne, dont la souveraiiieté demeure, peut établir pour sauve-
garder soli ordre public. La validité de ces rnesures ne tire donc pas
sa source première de maiiifestations juridiques ultérierires; elle
provient dri fait qu'aucun traité n'a privé le Maroc du droit d'as-

surer sur son territoire l'ordre public. Si des déclaratioirs uiiilaté-
rales. ori des traités bilatéraux ou collectifs. ont reconnlhle droit du
Maroc de décréter certaines prohibitions, comme on le démoritrera
plus loin au point 3, ces manifestations juridiques ont pu préciser
les conditions d'exercice de ce droit, établir des institutions qui le
régularisent, mais non pas le créer ex ~tihilo.
En deuxième lieu, le droit d'établir des interdictions d'impor-
tation est limité par les nécessitésqui le justifient,notainnient des
nécessités économiques.Tant que durent les hostilités, ces néces-
sités sont impérieuses et d'une nature dont l'évidencene prête pas
à contestatioii. Mais art lendemain de la guerre, la nécessité absolue
d'organiser dans la pénurie la satisfaction des besoins fondamen-

taux d'une population en fonction des ressources disponibles va en
s'atténuant. II arrive 4videinment un moment où les nécessités
dues à la pénurie des devises ditninuent et doivent normalement
amener un relâchement ou meme une disparition du contrôle des
changes pour les Etats qui, en vertu d'une règle juridique, sont
obligésd'admettre dans lcurs relations commerciales extérieures la
règlede la liberté sans inégalité. Une question fondamentale se pose
alors ; puisque les Etats qui sont dans ce cas ii'ont pas rine com- ISÉPLIQWEDU GOUVERNEnlENT FHANÇAIS (13 II52) 25

pétence discrétionnaire pour établir des interdictions d'importer,
quelle est l'autorité compétente pour apprécier si les nécessités
d'ordre public, les conditions de fait impérieuses qui justifient
l'établissement deces interdictions d'importer sont réunies? Pour
le Gouvernement français, la réponse de principe est simple et
s'appuie sur les règlesfondamentales du droit international public,
telles qu'il les a déjà exposéesdans son mémoire (v. p. 65, vol. 1,
et développements sur l'affaire des pêcheriesde l'Atlantique) : c'est

l'État dorit la souveraineté territoriale est en cause qui est, sauf
stipulatioii expresse et formelle des traités, compétent pour apprk-
cier si ces iiécessitésde fait sont réunies. Cette règle est valable
pour le Maroc, à moins que l'on prétende qu'envertu d'une particu-
larité du régimedes capitulations les lois et les règlements d'ordre
public doivent recueillir l'assentiment de la Puissance bénéficiaire
des capitulations. Ce n'est pas en tout cas en vertu de la règle de
l'égalitécommerciale qu'un État étranger peut revendiquer le
privilège d'apprécierdiscrétionnairement si les donnéesde droit et
de fait qui autorisent des interdictions d'importer sont ou non
réunies. Sur ce point, le contre-mémoire des États-Unis tend à
créerune évidenteconfusion qui devait etre redressée(voir notam-
ment p. 342). Les Etats-Unis, comme tout autre gouvernement, ont
parfaitement le droit de contester la légitimitéd'une interdiction

d'importer, s'ils estiment que le Maroc a porté, sur les conditions
de fait ou de droit qui la justifient, une appréciation erronée.
Ils pourront recourir, pour faire abolir cette interdiction, aux
voies de droit que le droit international leur reconnaît dans ce cas;
ils ne peuvent prétendre se substituer aux autorités marocaines.
L'attitude des autorités américaines, notamment dans les actes
qui ont reconnu la validité du contrôle des changes au Maroc,
appelle à cet égard certaines remarques.
Le Gouvernement américain a reconnu comme temporairement
et exceptionneilement applicable aux citoyens américains la légis-
lation sur le contrôle des changes par sa note du 5 septembre 1944
(annexe LXX du mémoire français). Les termes mêmesde cette
note indiquent que le Gouvernement américain s'est placé essen-

tiellement sur le terrain de la théorie de l'assentiment à la législa-
tion capitulaire ;eii effet, les mesures ne sont reconnues que tem-
poraire;iient et esccptiunncllcmciit :ipplicablcs aux res.sv~rl,ssu~rls
~z>~lc?rica.nos.,. il est clair due s'ils'3cissrrejtrictions rénéraies
au commerce on parlerait' de mes& commerciales affeCtant les
relations commerciales entre les États-unis et le Maroc.
Dans sa note du 29juillet 1949déjàcitéedans le premier mémoire
(p. 139) .e Gouvernement américain reconnaît la nécessitépour
le Maroc d'établirle contrôle des changes, mais il se réservele droit
de consentir à son application :cette prétention ne peut prendre
comme origine la légitimité,pour des motifs d'ordre public, du
contrôle des changes. Dans ce cas en effet la légitimitédu contrôle
depend de circonstances de fait, eile ne relève pas d'une compé-26 RÉPL~QUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 II52)

tence discrétionnaire du Gouvernement marocain, mais eile ne
relève pas non plus d'une compétence discrétionnaire du Gouver-
nement américain, et lorsque celui-ci a reconnu l'existence de
certaines circonstances de fait, il ne peut plus revenir sur sa recon-
naissance que pour un seul motif : la modification de ces circons-

tances de fait ;il ne peut pas «retirer son consentement » à ces
mesures parce que tel serait son bon plaisir. Or, il faut le rappeler
à plusieurs reprises, le Gouvernement américain s'est réservéle
droit de révoquer son consentement d'une manière tout à fait
arbitraire et après un préavis très bref.Ceciparce que le Gouverne-
ment américainentend justifier sa position en matière de contrôle
des changes, non pas sur labase d'un examen des droits d'un
État ii limiter ses importations, mais sur la base des droits capi-
tulaires que les États-Unis revendiquent au Maroc.
Et1 résumé,le Gouvernement de la République soutient :

1) que l'Acte d'Algésirasne contient aucune prohibition générale
des interdictions d'importation ;
2) que toutes les prohibitions d'importation nécessaires à la
transformation du Maroc en un État moderne et au maintien de
l'ordre public sont licites;

3) que le contrôle des changes en présenced'une pénurie grave
de devises correspond à une mesure de maintien de l'ordre public ;
4) qu'aucun État ne peut modifier discrétionnairement et arbi-
trairement la reconnaissance qu'il a opérée d'une situation' de
fait, en l'espèce,la pénuriegrave en certaines devises, et desconsé-
quences qui en découlent.

III. - Traités $ostériezcrsnzLdeuzième conflit mondial

Le Gouvernement de la République avait invoqué cinq traités ;
le contre-mémoire indique que seuls deux d'entre eux sont appli-
cables aux relations entre les États-unis et le Maroc. Le Gouver-
nement français est d'accord sur ce point ; comme il l'a iiidiqué
plus haut à propos de l'Acte d'Algésiras, illui semble utile, en
présence des termes vagues de ce dernier acte, de rechercher
quelles sont les tendances du droit contemporain. Cet examen
semble répugner au Gouvernement américain, encore qu'il ait
jouéun rôle fondamental d'animateur dans ces grands actes inter-

nationaux. Ce serait cependant ce gouvernement qui aiirait besoin
de chercher à préciser lecontenu de l'ségalité » et de la «liberté a
économiques. Mais ces points ayant étésuffisamment développés,
le Gouvernement français ne retiendra ici que les problèmes relatifs
aux deux traités-que le Gouvernement américain reconnaît appli-
cables dans les relations entre les Etats-Unis et le Maroc :le traité
relatif au Fonds monétaire international et le Traité bilatéral de
coopération économiquedu 28 juin 1948. RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 II 52) 27
Selon le contre-mémoire, l'accord sur le Fonds monétaire inter-
national poserait une règle généralenouvelle : l'interdiction du

contrôle des changes, avec des autorisations limitées à certains
cas spéciaux ; ne rendant pas le contrôle des changes légitime en
général,il ne pourrait autoriser le contrôle des changes dans les
pays où celui-ci est interdit. Le Gouvernement français ne prétend
pas que le contrôle des changes ne serait légitime au Maroc que
depuis la date de mise en vigueur des Accords de Bretton-Woods.
II coiisidèje que les accords de Bretton-Woods reconnaisse?~tpour
tons les Etats membres que le contrôle des changes devient Iégi-
tinie dans certaines circonstances. Cette règleest valablepour tous
les États sans exception ;s'il en était autrement, l'acte contien-

drait une réserve. une distinction entre certains territoires pour
lesquels cette règle est valable et les autres pour lesquels elle
ne l'est pas et qui joueraient le rôle d'associésmineurs dans le
cadre de cet accord. Or, il n'en est rien ;et ce n'est pas un oubli.
Le contre-mémoire omet deconsidérer le texte de l'article XX,
section 2 g), des Accords de Bretton-\Voods, citédans le mémoire
français, et qui prévoit une application formelle des accords à
des temtoires dont certains sont obligatoirement soumis au régime
de la porte ouverte et de l'égalitéde traitement, les territoires
sous tutelle.

Le Gouvernement français ne prétend nuliement que le Traité
de Bretton-Woods ait abrogé des traités antérieurs, mais, comme
le dit excellemment le contre-mémoire en commentant l'arti-
cle XIV, section 2, contre-mémoire, page 337, traduction. avant-
dernier paragraphe :

ciCette disposition se borne à reconnaître que le contrôle des
échangesexiste en réalitedéjà,et elle donne àune partie i'option,
pendant une période detransition, de maintenir ce contrôleau lieu
de le supprimer immédiatementcomme l'exige l'article \'III de
l'accord.D

Il s'agit de la reconnaissance d'une situation de fait, qui engendre
des conséquences de droit, car elle est reprise plusieurs fois dans
le traité qui en fait découler des conséquencesjuridiques. La pre-
mière de ces conséquences. celle de l'article XIIT, section 2, est
la reconnaissance du maintien pendant la périodetransitoire d'après
guerredu contrôle des changes. Elle suffit pour justifier le contrôle
des changes au Maroc.
Mais, dans son mémoire, le Gouvernement français a voulu
montrer que. m&meune fois la période transitoire terminée, cette
situation de fait pouvait entraîner, à certaines conditions, une

autorisation ou m&me une obligation d'établir le contrôle des
changes.
Cette partie de la démonstration ne peut concerner directement
ni la France ni le Maroc, car la périodetransitoire de l'article XIV
n'est pas encore, malheureusement, terminée pour ces États. Mais28 PLIQU QU DE GOUVERNE%TENTFRANÇAIS (13 II 52)

l'examen de ces hypothèses permettait de déterminer l'esprit géné-
ral des accords, et c'est pourquoi il est nécessairede faire certaines
observations sur la manière dont le contre-mémoire les interprète.
Ainsi, dans le cas de l'article VII, sectio3 b), le mémoirefran-
çais a indiqué que le contrôle des changes devenait licite si le
Fonds reconnaissait qu'une monnaie était devenue rare. Le contre-
mémoireprétend qu'il ne s'agit ici que de la raret6 de la monnaie
dans les Iessources du Fonds, et non dans ceUedes États membres,

que cette rareté n'a jamais étéformellement déclaréeet qu'elle
n'a jamais existé, et que par conséquent (p. 339) :
« Il est doncimpossibled'interpréter cettedisposition [articleVII,
section 31 comme ayant confbrbau Maroc le droit d'instituer un
contrale des changes.D

Cette analyse du traité appelle plusieurs observations.
Tout d'abord, la pénurie du Fonds en une monnaie est nécessaire-
ment précédée par une pénurie chez un État membre puisque, en
vertu de l'article, section3 a), avant de procéder à un tirage sur
le Fonds, un pays membre doit représenter que cette monnaie est A
cette époquenécessairepour effectuer des paiements danscette mon-
naie ; il est exact que le Fonds n'a pas déclaréle dollar monnaie

rare, mais il a pris une mesure beaucoup plus énergique. Aprèsavoir
reconnu une pénurie de dollars en Europe, il a, le 5 avril 1948
(annexe III), par une décision notifiée lezo avril à tous les pays
bénéficiairesde l'aide américaine, limité les achats de douars au
Fonds à des circonstances exceptionnelles et imprévues. 11a donc
considéréqu'il était nécessairede prendre une mesure plus radicale
encore que celle qui aurait consistà déclarerle dollar monnaie rare.
Ces observations sont également valables en ce qui concerne
l'interprétation de l'article VI, sectIa) (contre-mémoire,p. 339) :
le Gouvernement français n'avait jamais voulu démontrer qu'une
seule chose, c'est que les Accords de Bretton-Woods prévoyaient un
cas oh le contrôle des changes serait obligatoirepour le Maroc. Le
contre-mémoire le reconnaît, mais nie en fait que les conditions

d'application en ce cas soient réalisées.Il est exact que cet article
n'a pas étéappliqué. Mais pour quel motif ? Le contre-mémoire
laisse entendre que c'est parce que le Maroc n'a pas eu besoin d'y
recourir ;en fait, il n'en est rien. Cet article n'a pas étéappliqué
parce que le contrôle des changes existait au Maroc cn vertu de
l'articlXIV ;il serait facile de prouver que si ce contrôle des chan-
ges n'avait pas existé, il aurait faUu immédiatement recourir à
l'article VI, sectior a).
En niant le droit du Alaroc d'établir le contrôle des changes en
vertu de l'articleXIV, le contre-mémoire ne fait que prouver que
le Maroc aurait étéobligéde l'instituer en vertu de l'article VI.
En second lieu, le contre-mémoire, pour repousser l'argumenta-
tion du mémoire, soutient la thèse généraleque les Accords de
Bretton-Il'oods ne peuvent avoir autorisé un État A établir le RÉPLIQUEDU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 II52) 29
contrôle des changes, parce que les accords ne l'accordent aucun

État à titre originaire. Néanmoins, le contre-mémoire reconnaît que
dans certains cas les accords auraient cet effet, et quepar conséquent,
en ce qui concerne le Rlaroc, ils auraient pu rendre le contrôle des
changes légitime. Ainsi en serait-il si le Fonds monétaire avait
déclaréle douar monnaie rare ; ainsi en serait-il si le Maroc avait
supprimk le contrôle des changes en adhérant au Fonds monétaire,
puis avait demandé I'autorisation au Fonds monétaire de le réta-
blirl.

a The only casesin which the authority ta control excliangecould
be derired by a party directly from Section 2 of Article >;IVwould
be the hypothetical case of a State which first deprived itself of
such authority by accepting unqualifiedly the obligation of Arti-
cle VI11 and subsequently asked and obtained from the Fund per-
mission to re-exercisetlie exchangecontrol under reference in Sec-
tion 2 of Article XIV. n
[Traduction] aLe seul cas dans lequel le droit de contrdler les
changes peut découler Ourune partie directement de la section z
de l'article XIV seraitfe cas hypothétique d'un Etat qui se serait
d'abord privélui-même de cedroit en acceptantsans réservel'obliga-
tion de l'article 8 et qui par la suite demanderait et obtiendrait du
Fonds l'autorisation d'exercerà nouveau le contrôle des changes au
titre de la section de l'article XIV. »

Si la thèse américaine était exacte, elle entraînerait des singnla-
rités étonnantes. Le Maroc ne pourrait maintenir le contrôle des
changes issu des circonstances de guerre, circonstances tellement
graves et tellement caractéristiques que le Fonds monétaire a dû

prendre à l'égarddes demandes de dollars tout au moins la décision
précitéedu 5 avril 1948 ; mais en revanche, en dépit des traités
antérieurs, le Maroc pourrait établir un contrôle des changes, dans
les circonstances beaucoup moins graves qui sont prévues par
d'autres articles du traité. Dès'lors, le Maroc aurait dû suivre les
voies suivantes pour satisfaire à l'interprétation américaine : renon-
cer pendant une brève période au contrôle des changes prétendu-
ment illkgal, solliciter simultanément une autorisation d'établir le
contrôle des changes du Fonds monétaire international et établir

ainsi, avec l'autorisation du Fonds monétaire, un contrôle devenu
légal,par une interruption symbolique !
Quant à l'argumentation du contre-mémoire d'après laquelle les
accords bilatéraux, opérant la mise en Œuvre de l'aide américaine,
n'autoriseraient pas l'institution du contrôle des changes au Maroc,
ils se ramènent à un seul, c'est que l'institution du contrôle des
changes n'est pas prévue explicitement par ces accords, mais simple-
ment implicitement. Les limitations à la souveraineté ne se présu-
ment pas, et le Gouvernement des États-Unis a précisémentapporté
son aide à la condition que les États assistés usent des moyens

' II faudrait d'ailajouterBcette hypothèse celdeI'articleVI, sccti1a). 3O REPLIQU EU GOUVERNEAIENT PKANÇAIS (13 II52)

normaux dont les États disposent à notre époque, pour rétablir
leurs finances. Or. le contrôle des changes est devenu un moven
normal. Sur ce p,oint qui se rapporte à l'?nterprétation des accords
d'aide entre les Etats-Unis etle Maroc, il est intéressantde donner
quelques indications qui montrent que le contrôle des changes a
ét6considéréen principe commeune mesure normaled'exéczction du
traité bilatéral.
Voici un extrait d'une lettre de M. Hoffman, administrateur de
la oEconomic Co-operation Administration »,lue au11Committee on
Appropriationsn du Sénatdes États-unis (Hearings before the Com-
mittee on Appropriations, United States Senate, 1950 H.R. 4830,

p. 49 [annexe IV) :
"E.C.A. has on numerous occnsions urged the French Govern-
ment, pursuant to the bilateral agreement, to take measures to
encourage the flow of foreign-exchange earnings, particnlarly
dollars, intofficial channels, and to assure that these earnings are
used to the maximum forthe imports and payments most essential
to the recovery of France and of the other participating countries.
These views have been expressed to the French Government in
general terms. The E.C.A. has not, as you have on several occasions
alleged, urged specific measures for French Morocco. However, it is
E.C.A.'s view that the decree of December 30 is a reasonable
previous representationstto the French Government, take theith Our
position that the French Govemment should leave a loophole in its
exchange-control system through which a suhstantial Joss of
exchange could occur. Such a loss could only result in an increase
in France's need for E.K.P. aid>,

[Traduction]u E. C.A. a, à de nombreuses reprises,. poussé le
prendre des mesures qui canaliseraient les ressources en devises, en
varticulier en dollars, dans la voie des organismes officiels, et qui
&sureraient au maximum l'emploi + ces ressources pour l'importa-
tion et les paiements les plus essentiels au relèvement de la France
et des autres États participants. Ces vues furent exprimées au
Gouvernement français en termes généraux.E. C.A. n'a pas, comme
vous l'avezà diverses reprises allégué, imposéde mesures spkciales
au Maroc français. Toutefois,ilest d'avis que le décret du 30 dé-
cembre 1448 constitue une mesure raisonnable tendant à cette
nn.Xous'"e ~murrions,conformL(mei~ t nos rcprciseiit:itioiii prcc6-
dentes ai1(;oiivernenient franqais. adopter iiiie attituilc qiii aménz-
rait le Gou\.crnemcnt de13I<i.i>iibliqfrnncaisei,laisser dans sciii
syst&mede contrble des changes une lacune entraînant une perte
substantielle de devises.Il ne pourrait résulter d'une perte de ce
genre qu'un accroissement du recours de la France i l'aide du
Programme de relèvement européen. n
De même,M.Bons Shishkin, Chie/LnborDiuision, OficeoiSpecial
Hepresentatiue. E.C. A., Paris, a déclaré à la Coiiimission des
inois de mars 1950 (Hearings H.R. 7376
Affaires étrangères, au
et H.R. 7797, P. 347) : REPLIQUEDU GOUVERNEMENT FRANÇA~S (13II 52) 3'

ciThis Government recognized the temporary necessity for the
import controls established by theloroccan decree of December30,
1948,sincesuchcontrolswere in conformity with France's commit-
ments under the European recovery program. n
[Traduction] uCe gouvernement [le Gouvernement américain]
a admis la nécessitétemporaire de contrôles relatifs aux importa-
tionsBtablispar ledécretmarocaindu 30décembre1948,puisquedes
contrôles de cet ordre étaient conformesaux engagements pris par
la France en exécutiondu programme de relèvement européen. u
(Annexe 1.)

M. Willard L. 'ïhorp, secrétaire d'État adjoint aux Affaires
économiques, a témoignédevant une cour de justice américaine
dans l'instance dirigée par M. Rodes contre M. Dean Acheson,
secrétaire d'État. (District Court of the United States for the
District of Columbia, Civil Division, Civil action No. 3756-49.)
Dans son affidavit du 4 octobre 1949, il a fait des déclarations
auxquelles il a déjà été fait allusion dans la présente réplique
(pp. 15-16 et annexe II):

aThe Congressof the United States has expressly recognizedthe
necessity of pennitting countries whose economic recovery is a
matter of conceni to the United States to take special measures to
protect their foreignexchange position.o
[Traduction]« Le Congrèsdes États-Unisa expressémentreconnu
la nbcessitéde permettre ceux des États dont le redressement
économiqueintéresseles Etats-Unis de prendre des mesures spé-
ciales afin de protégerla situation de leur change à l'&ranger.J,

En conclusion, le Gouvernement de la République française
prétend 1) que l'Accord sur le Fond monétaire international a
reconnu pour tous les États, y compris le Maroc, le droit de main-
tenir les mesures de contrôle des changes qui y fonctionnaient à
la suite des hostilités ; 2) que le traité bilatéral de coopération
économique entre les États-unis et la France a fait une obligation
aux autorités chérifiennes d'assurer l'équilibre des paiements exté-
rieurs et la restauration financière et économique du Maroc, et
que le contrôle des changes est un des moyens indispensables pour

atteindre ce résultat.

B. - Évalz&ationdes valeurs en doilune

La demande américaine porte sur une question de pure iriter-
prétation des traités. Le Gouvernement des États-Unis propose une
interprétation de l'article 95 del'Acte d'Algésiras,et la Cour devra
trancher la question de savoir si cette interprétation est exacte en
droit.
Les arguments invoqués par le Gouvernemerit des États-Unis

pour fonder son interprétation de l'article 95 de l'Acte d'Algésiras
sont :32 PLIQU QU DUE GOUVERNEfiIEST FI<AXÇAIS (13 1152)

1) des arguments tirés du texte mêmede l'article 9j :
2) des arguments tirés des travaus préparatoires ;
3) des arguments tirés d'un rapprochement avec d'autres articles
de l'Acte d'Algésiras;
4) des arguments tirés de la pratique des autorités chérifiennes.
Il sera répondu dans l'ordreà ces arguments ; mais il n'est peut-
êtrepas inutile de présenter quelques remarques d'ordre général.
Des conflits entre les douanes chérifienneset les importateurs amé-
ricains (ou importateurs de produits américains) se sont élevés
depuis 1906 ; la plupart de ces litiges ont porté sur des questions de

fait qui, dans la pratique douanièrede tous les pays, sonà l'origine
de très nombreuses contestations. Ce n'est pas un de ces litiges qui
est soumis à la Cour mais bien une question de principe, qui n'a
étésoulevéequ'à propos de certains d'entre eus. Cette question de
principe qui porte sur la méthode théorique de détermination des
valeurs en douane selon l'article 95 de l'Acte d'Algésiras n'apas,
dans des circonstancesnormales un intérêt pratique aussi considé-
rable qu'il apparaîtrait au premier abord.
Dans une des méthodesde détermination des valeurs en douane,
celle que le Gouvernement américain considère comme seule
conforme au teste de l'article 95, on prend comme point dedépart
le prix d'achat d'une marchandise dans le pays exportateur et l'on
ajoute les frais divers qu'eue doit supporter avant d'êtreprésentée
àla douane. La difficultépratique d'appliquer une pareille méthode
résidedans la preuve de la véracitéde certains des élémentsde la
déclaration des importations.

Dans d'autres cas on recherche la valeur sur le marchélocal, tclle
qu'elle apparaît d'après les prix de gros, l'on déduit de ce prix les
droits de douane et frais accessoires et l'on obtient ainsi la valeur
en douane. La méthode est beaucoup plus simple puisqu'elle se
fonde sur un enregistrement de données observables sur un plan
local.
En fait, les méthodes aboutissent à des résultats équivalents
lorsque les circonstances économiques sont normales. Lorsque la
concurrence joue pleinement et que la marchandise lie fait pas
défaut,le prix de vente final sur le marchélocal tend à sc rapprocher
étroitement du prix d'achat à l'étranger, en ajoutant :Lcelui-ci les
frais accessoires de l'opération d'importation. Un écart trop grand
entre les prix appréciésselon l'une et l'autre méthode traduirait
simplement le fait que les importateurs font des bénéfices excessifs,
ce que l'on peut supposer impossible si la concurrence joue normale-
ment, quand il n'y a pas pénurie.Au contraire, quand cette dernière
sévit,les importateurs peuvent exiger des prix sur le marchélocal

qui sont hors de proportion avec le prix du produit sur le march6
d'origine. A ce moment la méthode qui consiste à ajouter les frais
accessoires au prix d'achat sur le marchéd'origine ne traduit plus
la valeur économiquedu produit rendu au bureau de douane. ct il
est normal de Ia calculer autrement. XEPLIQUI: IJU GOUVEHXEJIIENT FRANÇAIS (13 II52) 33
Sous le béiiéficede ces considérations préliminaires,I'argumenta-

tion américaine appelle les remarques suivantes :
I) Arguments tirés du texte même de l'article 95 de l'Acte
d'Algésiras.

Le contre-mémoire commence par certaines analyses assez
obscures (contre-mémoire. pp. 345-346). en soutenant notamment
que le terme « rendu one devrait impliquer que des référencespure-
ment spatiales, à l'exclusion de toute indication d'instant temporel.
Il semble pourtant qu'il est de la condition naturelle des hommes

comme des marchandises de ne jamais se trouver rendu à un endroit
quelconque sans se trouver à un moment précisdu temps qui carac-
térisela situation en cause autant que le lieu.
De même,selon le contre-mémoire, si l'interprétation française
était la bonne, l'article 95 n'aurait pas eu recours à l'expression
(rfranche IIde droits pour caractériserla valeur, mais se serait servie
d'une expression telle que a déduction faite des droits de douane 1).
Cetteargumentation n'est nullement convaincante ;une marchandise
qui n'aurait pas payé de droits de douane et magasinage serait dite
une cimarchandise franche de droits »,et c'est la valeur d'une telle

marchandise qui est retenue pour l'assiette des droits. Si l'on rete-
nait l'interprétation américaine,on ne comprend pas du tout pour-
quoi le texte contiendrait la précision afranche de droits u,car il est
évidentque l'onn'ajoutepasau prix d'achat etaux fraisaccessoiresle
montant des droits de douane avant de calczdercez~x-ciI.laurait donc
étéplus logique de supprimer cette expression, devenue vide desens.
La rédaction de l'article 95 est non seulement correcte, mais
elle est habile, si l'on veut considérerque l'article 95 ne s'applique
pas qu'aux droits à l'importation, mais encore aux droits à l'expor-

tation, constatation fondamentale dont la thèse américaine fait
complètement abstraction.
En effet, si l'on veut raisonner sur le sens de l'articl95, abstrac-
tion faite de toute autre considération, il convient de faire une
remarque essentielle : l'article 95 établit un mode de détermination
identique de la valeur en douane pour les droits d'entrée et les
droits de sortie ; or, il n'a jamais étéprétendu quela détermination
des valeurs pour les droits de sortie établis en vertu d'anciens
traités ou du Traité d'Algésiras (art. 65) doive ou même puisse
êtreopéréesur une autre base que celle des valeurs sur le marché

local. Il est donc iridiscutable que c'est égalementla valeur sur le
marché local qui doit êtreretenue pour les importations, sinon
toute la rédaction de cet article devrait êtrereprise et dédoublée
en deux phrases exprimant deux régimes différents.
Comme le dit le contre-mémoire américain,l'interprétation d'un
traité ne peut conduire à le vider de toute signification ;il ne serait
donc pas nécessaired'aller plus loin, mais il sera facile de démontrer
que les autres arguments américains, s'ils sont moins directs, ne
sont pas plus convaincants.

334 RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT FKAKÇAIS (13 11 52)
2) Arguments fondés sur les travaux préparatoires.

D'une manière générale,et quelle que soit l'autorité que l'on
reconnaisse à des travaux préparatoires pour interpréter le texte
d'un traité, il faut reconnaître que les travaux préparatoires
concernant l'Acte d'Algésirassont dans bien descirconstances extrê-
mement'brefs et ne permettent pas souvent de conclusions certaines.
Le contre-mémoire américain reconnaît que la pratique anté-

rieure à l'Acte d'Algésiras déterminait la valeur des marchandises
d'après leur valeur sur le marché local (contre-mémoire, p. 346).
Que nous enseignent les travaux préparatoires ?
La première version de l'article XIX (séancedu 3 février 1906.
Documents diplomatiques 1906, Protocoles et comptes rendus de
la Conférence d'Algésiras,p. 97) décidait :

délaiau bureau de douane où la liquidation aura été effectuéensL.es
droitsad ualoremseront liquidéset payésd'aprés lavaleur en gros
et au comptant de la marchandise au port de débarquementou au
bureau d'entrées'il s'agit d'importation. ii

Ilans cette première formule, l'article XIX reprend des terincs
aiialogues à ceux du Traité franco-marocain de 1892 (Recueil des
actes internationaux, ann. XXXVIII au mémoire, p. 16j. vol. 1):
ciLes marchandises seront estimées sur le pied de leur valeur
marchande, au comptant, en gros, dans les ports de débarque-
ment ...» Rien n'indique que l'on ait voulu dans la formule de
l'article XIX modifier la pratique antérieure ; les affirmations du

contre-mémoire américain ne sont étayées d'aucuii commericernent
de preuve.
C'est sur la proposition du délégué de la Grande-Bretagne, inais
sans qu'aucune explication accompagIie ce changement, que la
deuxième phrase de l'article est modifiéede la manière suivante :
u Les droits ad ualoremseront liquidéset payésd'apr&sla valeur
au comptant et en grÔs de la marchandise au bureau de douane et
franche de droits de douane. n

On peut constater que cette formule nouvelle supprinie la restric-
tion xs'il s'agit d'importation 1)et prouve surabondamment que
la valeur locale doit êtreretenue aussi bien en ce qui concerne les
iinportations que les exportations. Elle supprime également les
mots IIau port de débarquement »,ce qui est assez logique puisque
dans la formule primitive « au port de débarquement ou au bureau
d'entrée IIne pouvait avoir qu'un sens pratique : c'est à l'endroit
où est opéré ledédouanement que la valeur doit êtreappréciée.

Cette référence A la valeur locale appelait également une précision
qui sans cela aurait étéinutile ; il est nécessaire de déduire du
calcul de la valeur marchande locale la valeur des droits de douane
pour éviter une superposition abusive de droits, et c'est le sens des
mots «franche de droits de douane >IEntre la version définitive-
ment approuvée et le texte final on ne note que deux différences IZÉPLIQUE DU couv~ic~~nr~iïr FKANÇAIS (13 II 52) 35

qui ne peuvent avoir que le seiis de corrections de pure rédaction,
puisqu'elles n'ont fait l'objet d'aucun débat en séance plénière.
II s'agit de l'adjonction de l'adjectif a rendue », dans la formule
<marchandise rendue au bureau de douane 11,et de l'adjonction

de la déduction des droits de magasinage : I<franche de droits de
douane et de magasinage >i.
Ultérieurement, au cours de la séancedu zg mars 1906,le déléga-
tion allemande déposa un nouveau projet qui comportait deux
parties: dans la première il était proposé une nouvelle manière

théoriquede calculer l'assiette des droits ad valoremsur les importa-
tions: ceux-ci seraient calculéssur la valeur que l'article importé
avait au lieu de chargement ou d'achat, avec majoratioii des
frais de transport et d'assurance jusqu'au port de déchargement au
Maroc ;dans la seconde partie il était prévuune institution chargée
de procéder effectivement au calcul de la valeur en douane. Le

représentant de la France a déclaréqu'uen généra[lc'est nous qui
soulignons] l'estimation de la valeur des marchandises aura une
répercussion nécessairesur la taxe douanière, qui est précisément
ad valorem, et qu'il doit en conséquence réserver les droits des
porteurs de I'emprunt de 1904, qui ont pour gage les droits de
douane. On ne pourrait procéder à cetravail d'estimation susceptible
de modifier sérieusement le rendement des douanes sans que les

porteurs fussent appelés à y prendre part. IILe délégué de la France
a donc marqué que la modification proposée, a en généra l,modi-
fierait le droit des porteurs de l'emprunt ; il accepta, au condition-
nel : « on ne pourrait >)l'institution d'un mécanisme d'apprécia-
tion auquel participeraient les porteurs français. Le délégué français
ne se prononça ni pour ni coutre le nouveau principe théorique
généralproposépar la délégation allemande; ceci peut s'expliquer
par beaucoup de motifs qui tiennent à des considérations de tac-

tique diplomatique, d'autant plus que le déléguébritaiinique
déposa à la même séance une propositioii qui correspondait pré-
cisément à tous les désirs dela délégation française :elle ne conte-
liait aucune définition théorique ,nouvelle inettant en cause les
définitions acquises à l'article XIX, et elle donnait une place aux
porteurs de l'emprunt marocain dans la Cornmission des valeurs
douaiiières (I)ocumeiits diplomatiques 1906, I'rotocoles et comptes

rendus de la Conférence d'Algésiras, p. 233).
Le texte iiéfiiiitif de l'article XX tel qu'il fut préparépar le
coinité de rédaction fut adopté par la conférence à la séance du
31 mars 1906. 11suivait presque textuellement le projet britannique
et ne comportait plus de priiicipc géiiéralnouveau sur le mode de
calcul des valeurs en douaiie. Le projet allemand n'était pas

retenu.
Donc, la seule fois où une formule indiscutable consacrant la
tlihsc américaiiieait étél~roposéc à la conférence,aucuiie suite n'y
a Stédoniiée. R~PLIQUE DU GOUVERNEMENT FIIANÇAIS (13 II52)
36
3) Arguments tirésd'un rapprochement avec d'autres articles de
l'Acte d'Algésiras.

Le raisonnement exposépar le contre-mémoire américain consiste
à rapprocher les articles 82, 85 et 96 et à présenter Ics arguments
suivants.
Lcs articles 82 et 85 exigent la déclaration de la valeur et ils
sanctionnent cette déclaration de pénalités ; or, dit le coiitrc-
mémoire, cette disposition suppose que la déclaration de valeur
apporte un élémentd'information précieux et qu'elle peut être

l'occasion d'indications frauduleuses. Or, si cettc déclaration de
valeur devait prendre comme base la valeur sur le niarché local
(contre-mémoire, p. 351). ou ne voit pas comment une fraude
pourrait intervenir puisque cette valeur est connue des autorités
douanières. Par conséquent, il faut admettre que l'Acte d'Algésiras
a entendu que la valeur serait calculéesur la base du prix d'achat.
Ce raisonnement n'est pas convaincant. Dans tous Ics pays du
monde les lois fiscales obligent les contribuables à des déclarations
portant sur des élémentsque les autorités fiscales peuvent parfaite-

ment connaître par ailleurs. De plus, les déductions sur lesquelles
la thèse américaine est bitie ne tiennent pas compte d'un des
élémentsdu mécanisme d'évaluation créépar l'Acte d'Algésiras.
Que la base du calcul de la valeur en douane soit le prix d'achat ou
la valeur sur le marché local, cette valeur n'est pas calculée par
l'importateur, mais bien par une commission desvaleurs douanières
qui a un véritable pouvoir de taxation des valeurs, qu'elle fixe
à l'avaiicc pour des périodes d'un an ou de six mois (article 96).
Dans un systèmede ce genre, la valeur est sûre et ne peut êtrel'objet
d'une discussion ni d'une fraude. Ceci n'a pas cmpêchél'Acte

d'Algésiras d'exigersous peine de sanctions la déclaration de la
valeur (articles 82 et 85). On ne peut donc déduire des articles 82
et 85 aucune présomption favorable à un mode de calcul de la
valeur sur une base ou sur une autre.
On remarquera également que l'Acte d'Algésiras ncprévoit pas
la production des sfactures >iqui seraient un document essentiel
pour la détermination du prix d'achat si celui-ci était la base
nécessairede la valeur. La Commissiou des valeurs douanières doit
comprendre c douze à vingt membres honoraires domiciliés au
Maroc, qu'elle consultera quand il s'agira de fixer les valeurs et

toutes les fois qu'elle le jugera utile ». Pourquoi ces membres
honoraires doivent-ils êtredomiciliésau Maroc, s'il s'agit d'appré-
cier la valeur des marchandises à leur point d'origine ?
4) Arguments tirés de la pratique dcs douanes chérifiennes.

L'argumcntation est fondéesurlacitationd'unelettre dcN. Luret,
représentant les porteurs de bons du Trésor marocain, lettre
écritccn 1912,et surun extrait d'un ouvrage publiépar lesautorités
douanières au Maroc en 1928. Les deux textes indiquent que la
manière dc calculer la valeur de la marchandise est d'additionner
au prix d'achat à l'étranger les frais postérieursà l'achat. REPLIQUE DU GOUVIIRKEIIENT FIIi\NÇAIS (13 11 52) 37
Il a déjà étéindiqué que, dans des circonstances économiques
normales, la valeur sur le marchélocal pouvait en effet êtrecalculée

de cettefaçon, car le prix de la marchandise se ramène àcette valeur.
Mais il n'en est plus de mêmed?ns des circonstances exceptionnelles
et notamment en période de pénurie. Il n'y a, concernant la valeur
en douane, qu'un principe :la valeur retenue est celie que présente
la marchandise au lieu et au jour où elle est dédouanée, maisil y a
plusieurs mcides de calcul de cette valeur ; il peut être plus simple
de prendre la valeur d'achat additioiiiiée des frais accessoires, lors-
que les circonstances économiques sont iiormales ; il peut êtreplus
juste de déduire des prix locaux les frais d'importation lorsque

l'absence d'une concurrence ferme complètement le marché. La
valeur d'une voiture automobileimportée comme importation sans
devises et vendue librement hors de toute répartition était beaucoup
plus considérable sur le marché local que la valeur de la meme auto-
mobile obtenue par le mécanismehabituel des importations. Ce que
le contre-niémoire reproche aux doualies chérifiennes, c'est d'avoir
tenu compte de cette différence de valeur ;il aurait fallu qu'un
commerce, fondé assez souvent sur la fraude des devises, bénéficiât
de surcroît de l'impunité douanière. En retenant comme principe
fondamental que la valeur des marchandises importées est la valeur

sur le marché local et qu'eue peut être appréciéepar d'autres
méthodes de calcul que l'addition aux prix d'achat de frais de trans-
port et autres, l'administration des douanes n'a procédéavec aucun
arbitraire, elle a situé son action dans le cadre du texte mêmede
l'Acte d'Algésiras,tel qu'il a étéinterprété par la plus haute autorité
judiciaire française, la Cour de Cassation, dans son arrêtdu 29juil-
let 1948

irAttendu que. . . . . . . . . . . . . . . . . .
le jugement attaquése fondesur ce que la valeur à prendre comme
base de la taxation &ait non le ~rix d'achat de la marchandise au
lieu d'origine, augmentédes frais occasionnés parl'importation
jusqii'ao lieu de l'introduction, mais son cours sur le marchélocal
lors de la présentation ;
Attendu qu'à bon droit le tribunal a admis quc devait être
entendue en ce sens la disposition de I'article 95, paragraplie Ier,
de l'Acte d'Algésirasdu 7 avril 1906 posant le principe que les
droitsad valoremseront liquidéssuivant la valeur au comptant et
en gros idela marchandise « rendue iiail bureau de douane ; que
l'interprétationde ce texte ne saurait, en effet, êtreséparéede celle
de l'article 96 du mêmeacte qui, en édictantdans la détermination
des modalitésd'application de I'article précédentque la r-iileurdes
princil~ales marchandises taxées par la douane marocaine sera
que le tarif des valeurs fixépar cet organisme servira de base aux
estimations a effectuer dans chaque bureau par l'Administrat,ion

ail Maroi:s; a visénkcessairementla co~isistancedes marchandises
D'oùil suit qu'abstraction faite de motifs surabondants critiqués
par le poiirvoi, le moyen n'est pas fondé ...a38 RÉPI.~QUE DU GOUVERYE~~KNT FRAK~AIS (r3 TI52)

On peut ajouter à titre purement indicatif que les traités inter-
nationaux générauxles plus récents, bien que non applicables au
Alaroc, posent le principe que la valeur en douane est la valeur que
représentela marchandise au lieu où elle est présentée à la donaiie ;
le mode de calcul de cette valeur pouvant &treilans des condilioits
de conczwrencenormizlele prix d'achat tel qu'il résulte des factures
et des frais supplémentaires de transport (article VI1 de 1'Actc
généralsur les tarifs douaniers et le commerce, annexe LSIS au
mémoire; Convention sur la valeur des marchandises en douane du

15 décembre ~gjo signée à Bruxelles). La méthode suivie par les
autorités chérifiennes ne se présente donc nullement commc iinc
singularité dans la pratique douanière mondiale.
En résumé,le Gouvernement de la République soutient que
l'article gj de l'Acte d'Algésiras définilta valeur en dooane commc
la valeur de la marchandise au moment et au lieu où elle est pré-
sentée pour les opérations de dédouanement.

C. - Exemption des impôts

Le contre-mémoire (p. 355) affirme que le Gouvernenient français
ne conteste pas l'exemption fiscale des ressortissants américains. Il
n'en est rien. Le Gouvernement français s'est boriié à constater que
certains traités dans le passéont prévu que certaines personnes ne

paieraient pas d'impôts ou pas tous les impôts; il y a loin à
conclure de cela qu'aucun impôt ne s'applique aujourd'hui aux
ressortissants américains que du consentement des États-Unis.
Le contre-mémoire reconnaît que la question essentielle est de
savoir ce que décident les traités ; mais il n'apporte sur ce point
aucune démonstration, se bornant à invoquer l'ensemble confus et
complexe de tous les textes internationaux, les uns en vigueur, les
autres abrogés, dont il est fait une énumération historique ;or, il
ne s'acit pas essentiellement d'histoire mais du droit ~ositif actueiie-
ment in ;igueur.
Le Gouvernement des États-Unis a la charge de la preuve de
cette exemption ;mais le Gouvernement français ne rédoute pas
d'examiner les traités que le Gouvernement des États-Unis pourrait

invoquer.
Le contre-mémoire prétend justifier l'immunité fiscale sans faire
appel à aucun droit capitulaire (p. 355) : c'est un des élémentsfon-
damentaux de la thèse américaine.Le Gouvernement français pense
u'aucun des traités que pourrait invoquer le Gouvernement des
itats-Unis ne lui accorde le droit qu'il revendique, et que d'autre
part, suivant d'ailleurs une méthode qui apparaît dans tout le
développement de ses observations, le Gouvernement des États-
Unis présente un droit qui n'est que Ia conskquence de certains
traités de capitulations, comme présentant un caractère autonome
et distinct. Dans la correspondance diplomatique citée dans les
annexes du contre-mémoire, il apparaît d'une manière constante que le Gouvernement des États-Unis rattache son droit à a consen-
tir>ique ses ressortissants paient les impôts à son droit d'assenti-
ment à toute Iéeislation aui Ieur serait a~~licable (contre-mémoire.
înnexe, p. 720).- AA

Les traités qu'il convient d'examiner sont, d'une part le Traité
britannique de 1856 et le Traité espagnol de 1861, dont le Gouver-
nement des États-Unis invoaue le bénéficeDar la clause de la nation
la plus favorisée, puisque IeTraité de 1836Recontient aucune clause
d'immunité fiscale, et d'autre part la Convention de Madrid et
l'Acte d'AlgLsi'ras.
Le Traité de commerce et de navigation du g décembre 1856 n'a
pas étéexplicitement abrogé, et il contient dans son article 3 une
immunité pour les impôts qui frappent les opérations commerciales.
Celle-ci n'est qu'une application de l'immunité plus large qui est

prévue dans le traité généralde caractère capitulaire en date du
mêmejour, article 4, alinéa 2. II suffit de constater qiic, par le
Traité du 29 juillet 1937, le Royaume-Uni a modifié lestraités qui
l'unissaientau Maroc. Le traité général aétéabrogéet le traité de
commerce a étémodifiédans celles de ses dispositions qui n'étaient
plus compatibles avec le nouveau statut des citoyens britanniques
au Maroc. Les signataires ont posécertaines règlesquin'ont de sens
que si les lois fiscales s'appliquent aux ressortissants britanniques
de plein droit et sans l'assentiment du Gouvernement du Royaume-
Uni.
Ainsi en est-il des dispositions suivantes :

« Article 3, alinéa 2: Toutefois, le recouvrement des impats et
taxes qui seront dus en vertu d'une législationappliqu4e depuis
moins d'un an avant la date d'entréeen vigueur de la présente
convention et non encore rendue applicable par décisiondes auto-
ritésconsulairesbritanniques, pourra êtrepoursuivi àl'encontredes
sujets, protégéset sociétésbritanniques. D

C'est donc très logiquement que dans le Protocole de signature
les deux parties ont constaté (art. c) :

nles sujets, protégéset sociétésbritanniques jouissent en matière
fiscale di: l'égalitédetraitement avec les citoyens français et les
sociétés françaisesu.
Le Traité espagno! du zo novembre 1861 prévoirait, d'après le

Gouvernement des Etats-Unis, dans son article 5, 53, une immu-
nité fiscale pour les ressortissants espagnols. Le Gouvernement de
la République a toujours considéréque les traités ultérieurs qu'il
avait signés avec l'Espagne en ce qui concerne la reconnaissance
des zones d'influence et la suppression des capitulations avaient
entraîné l'abrogation du Traité de 1861. En tout cas la Convention
franco-espagnole du 27 novembre 1912 a expressément prévuI'abro-
gation de toute disposition des traités antérieurs contraire au nou-
veau traité (article 28). Or, l'accord secret du lerseptembre 1905, REPLIQUE DU COUVERSE>IEST FRAXÇAIS (13 II52)
40
destiné à régler le fonctionnement de la Convention secrhte clii
3 octobre 1904, a expressément prévu, pour les Français comme
pour les Espagnols dans tout le Maroc, les amemes droits et privi-

lèges,de manière que l'étatjuridique des sujets et ressortissants des
deux nations soit constamment le memc ...dans I'exercice de leurs
professions et la réalisation de leurs opérations commerciales et
industrielles n(contre-mémoire, annexes, p. 693). Il existe dans les
actes internationaux postérieurs des dispositions qui seraient d'ail-
leurs difficilement explicables, si des immunités fiscales subsistaient
encore dans les relations franco-espagnoles au Maroc ;ainsi, I'arti-
cle 17. alinéa IO, de la Conveiition prbcitéede 1912, par lequel la
France et l'Espagne prenaient l'engagement de ne pas (1assujettir
la régieou ses ayants droit à des impôts nouveaux sans s'etre prba-

lablement entendus [il s'agit de la régieCO-intéressbedes tabacs]
afin de maintenir pendant la durée du monopole l'identité du tarif
des prix de vente dans les deux zones II.Les Espagnols ne possèdent
donc plus d'exemption fiscale dans la zone française du Rfaroc;
cette solution découle autant du texte mêmedes traités que de
l'interprétation qui leur a été donnéepar les gouvernements.
Pour soutenir que le Traité de 1861 n'a pas étéabrogé,les États-
Unis déclarent que le Traité du 27 novembre 1912 et la déclaration
du 7 mars 1914 ont étéconclus entre la France et l'Espagne et ne

lient pas le Maroc. Il avait déjàétérépondu à cette objection lors
de la réponseà l'exception préliminairesoulevéepar les États-unis
(voir Observations du Gouvt français, p. 251. vol. 1), et la question
sera encore reprise avec l'examen des droits et privilèges extra-
territoriaux revendiqués par les États-Unis au Maroc. Mais, au
surplus, le parallélismeentre le Traité généraldu 9 décembre 1856
et le Traitédu 20 novembre 1861a étémis en lumièrepar le contre-
mémoired'une manière significative (p. 276) :

«The identity of the Spanish Treaty of 1861 with the Britisli
Treaty of 1856is so complete that tliere is no need to cluotcliere
the provisions of the Spanish Treaty. >i
[Traduction] iL'identité entrele Traitéespagnol de 1861et le
Traitéanglais de 1856est si complètequ'il n'est pas nécessairede
citer ici les dispositionsdu traitéespagnol.

Les textes qui concernent l'assujettissement aux impôts se
trouvent dans les deux traitésà des places identiques et sont rédigés
en des termes analogues. En renonçant à ses privilègesextraterri-
toriaux en 1937, la Grande-Bretagne a reconnu que les sujets bri-
tanniques ne possédaient pas de privilèges en matière fiscale. 11

n'est donc pas étonnant que l'Espagne ait pris la mêmeattitude
lorsqu'elle a supprimé ses capitulations. Tout ceci confirme le
caractère capitulaire de ce que le Gouvernement des États-unis
appelle l'immunité fiscale. II est impossible de faire dériver une
immunité fiscale d'une idéede liberté et d'égalitééconomique. Le
contre-mémoire reconnait d'ailleurs (p. 354) que la politique des I&I>LIQUE I>tGOUVERNIEllI1NT FIIANÇAIS (13 1152) 4I
Iitats-Unis a.toujours été derendre applicables aux ressortissants
américains les taxes établissant des impôts et des taxes non dis-

criminatoires. C'est reconnaitre qu'ils ont toujours iiivoqué,non pas
une immunité fiscale, mais le respect du droit d'assentiment.
En ce qui concerne la pratique de ce droit d'assentiment, le
Gouvernement de la République fait observer qu'il ii'en a jamais
reconnu l'existence, pas plus en maticre fiscale que pour la légis-
lation générale (cf.sur ce dernier point la partie de la réplique
c0nsacri.e au droit ,d'assentiment, page 65). Le système fiscal du
Maroc a étémodifiéde très nombreuses fois, soit en ce qui concerne
le taux, l'assiette ou le régime des impôts existants, soit par la
création d'impôts nouveaux, sans que le Gouvernement des Etats-

Unis ait étéconsulté. (Pour des exemples rapportés par ce dernier,
cf. contre-mémoire, annexes, pp. 719 et 726.)
Quant à la Convention de Madrid du 3 juillet 1880, elle appelle
les remarques suivantes. Elle contient une exemption fiscale
expresse pour certains <protégés »énumérés à l'article2, alinéa 1,
h l'article 3,'alinéaI,et alinéa I de l'article 4.

n Article2,alinéa 8: Ces protégésne seront soumis à a~icun droit
d'impôt ou taxe quelconque, en rleliors de ce qui est stipulé aux
articles12 et 13. »

Il était facile de stipuler la mêmeexemption pour les étrangers;
la convention se borne dans les articles 12 et 13 à prévoir que
les protégéset les étrangers paieront l'impôt agricole et la taxe
dite des portes. Cela prouve que seuls certains protégésbénéfi-
ciaient d'une exemption fiscale propreinent dite, mais non la masse
des étrangers et des protégés.
Quant à la Conférence d'Algésiras, elle a élaboréun certaiii
nombre de dispositions fiscales qui constituent le chapitre IV de
l'Acte d'Algésiras. l'eut-on en conclure qu'il ipterdit d'assujettir

à un nouvel imp6t les ressortissants d'un des Etats signataires de
l'acte qui n'aurait pas expressément renoncé à ce droit ? Il ne
parait pas que cette conclusion soit conforme ni au texte du traité
iii aux engagements postérieurs.
En effet. on observera que, pas plus quela Convention de Madrid,
l'Acte d'Algésiras ne contient le principe d'une immunité fiscale
concernant les étrangers; le contre-mémoire se déclare opposé
aux conséquences implicites tirées des traités, mais, en cette occa-
sion, le Gouvernement des Etats-Unis entend déduire l'immunité

fiscale généraledes étrangers des dispositions suivantes : le traité
envisage un certain nombre d'impôts et propos de chacun d'entre
eux prévoit une intervention assez étendue des représentants des
Puissances étrangères, d'où l'on conclut à tort au principe général
de l'immunité fiscale des étrangers. Au contraire, le texte même
du Traité d'Algésiras montre que le régime fiscal des étrangers
est étroitement mêlé à deux institutions qui n'ont rieil à voir avec
les droits économiquesdont les États-Unis voudraient faire découler42 RÉPLIQUE DU GOUVERNENENT FRANÇAIS (13 II 52)
l'immunité fiscale de leurs ressortissants : les privilèges extraterri-

toriaux et le contrôle international créésur le Maroc par l'Acte
d'Algésiras.En effet, au moment de la signature de l'Acte d'Algé-
siras, les privilèges extraterritoriaux des Puissances sont encore
en vigueur, et le jeu de la clause de la nation la plus favoriséetend
à leur donner l'extension maxima ;les Etats peuvent donc empêcher

l'application des impôts à leurs ressortissants de par leurs seuls
privilèges de juridiction entendus d'une manière extelisive. Ils
seront d'ailleurs d'autant plus enclins à le faire que l'administra-
tion fiscale marocaine est pratiquement inexistante et n'exclut
pas des abus dont l'Acte d'Algésiras porte la trace (article 59,
dbfaut d'application régulièredu tertib aux ressortissants maro-

cains ; article 62, prélèvementspersonnels des agents du fisc maro-
cain, etc.). A cet égard,une partie des interventions des Puissances
apparaît comme l'exercice collectif de leurs priviliges capitulaires ;
ainsi, il est prévu à propos du tertib (article 59) que [c'est nous
qui soulignons] «les représentants des Puissances i Tanger y
sou?~tettronlteurs ressortissants dans l'Empire II,et il est expressé-

ment stipulé que le recou\~rement est opéré par les autorités consu-
laires l. De même (article 61) [c'est nous qui soulignons], (1la
conférence recoit?tait, en principe, qu'une taxe pourra êtreétablie
sur les constructions urbaines a, mais réserve & une approbation
du corps diploinatique le taux de la taxe et ses coiiditions d'appli-
cation.

Mais, dans beaucoup de cas, les interventioiis fiscales des l'uis-
sances étrangèresau blaroc sont beaucoup trop importantes pour
relever seulement des privilèges extratenitoriaux. En effet, L'Acte
d'Algésiras décide nonseulement de l'application des impôts aux
étrangers, mais encore des points suivants :

Caractère municipal ou étatique de certains impôts qui seront
créés(art. 64).
Affectation des recettes recueillies à certaines dépenses(art. Gr ;
art. 65 e ; art. 66).
Détermination de certains impôts exclusivement payés par des

sujets marocains (art. 65 d).
Ces prévisions prennent place dans l'ensemble des mesures qui a
institué au Maroc un véritable contrôle internatioiial afin d'intro-
duire au Maroc les réformespromises par le sultan et de faire de son
empire un État moderne.

C'est pour ces motifs que le Gouvernement de la liépublique ne
peut pas reconnaître aux dispositions de l'Acte d'Algésiras le
caractère d'une immunité fiscale autonome, détachée à la fois des

' Sur le licnavec les privilhges capitulaires, cf. I'intçrvdeitDI. Perer-
Caballero à l4rrns6ancc du ~crfumier isoG (Actes de la Confdrence d'Alg6siras.
p. ho). RÉIJLIQUEDU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 II 52) 43

privilèges extraterritoriaux des Puissances et dc l'organisation du
contrôle international '.
C'est pourquoi il ne pense pas que ces dispositions soient actuelle-
ment applicables. .
Dans la mesure où elles sont liéesaux privilèges extraterritoriaux,

clles ont siibi le sort de ceux-ci ; les seuls privilèges eu vigueur
aujourd'hui sont ceux du Traité de 1836, ils ne comprennent pas
Icdroit d'assentiment aux loiset ne peuvent permettre aux citoyens
et ressortissants américainsd'échapperau paiement de tout impôt.
Dans la mesure où ces dispositions relèvent d'un contrôle
international, elles doivent êtrecombinées avec les actes qui ont
postérieurement consacré leprotectorat français.

Ans termcs du Traité de Fez, cet engagement a essentiellement
pour objet Il'établissement d'un régime régulieret l'introduction
des réformes nécessaires 1);et c'est le Gouvernement français qui est
devenu le garant que les réformes, qui étaient l'objet essentiel de
l'Acte d'Algésiras,seraient réalisées;l'instauration du protectorat
français est incompatible avec le maintien des mesures organiques
de contrôle international établies par l'Acte d'Algésiras. C'est

pourquoi les États signataires de l'Acte d'Algésirasdevaient être
sollicitésde reconnaître le protectorat français. Par la reconnais-
sance qu'elles ont reçue, les autorités françaises assument les
obligations qui appartenaient aux Etats signataires de l'acte.
Le Maroc peut donc légiférer souverainement au point de vue fiscal,
avec l'assentiment des autorités françaises, à la condition de res-

pecter scrupuleusement l'égalité detraitement.
Cette interprétation de l'Acte d'Algésiras,qui refuse de trouver
dans celui-ci les élémentsd'une immunité fiscale autonome, est
conforme à la logique mêmede cet acte.
En effet, celui-ci a voulu avant tout realiser des réformes ; or,
malheureusement les réformescoûtent cher et conduisent toujours à
des augmentations d'impôts. On ne voit pas très bien au nom de

quel principe les États civilisésauraient voulu en 1906 refuser au
Maroc le droit de financer honnêtement ses réformeset se réserver
le privilège de profiter des nouveaux services publics dont ils
demandaient la créationsans vouloir en assurer la moindre charge.
On comprend en revanche très bien le maintien des privilèges
capitulaires et du contrôle international tant que l'État marocain
ne fournissait pas les garanties de bon fonctionnement nécessaires.

C'est ainsi que la pratique a d'ailleurs interprétél'Acte d'Algé-
siras. Un certain nombre de règlements d'exécution ont étépris
par le corps diplomatique ;ainsi, un règlcment du IO janvier 1908
organise le régimede la taxe sur les constructions urbaines (art. 61

' Les dispositions de la Conférence d'Algésirassont la rhpoàsla déclaratioii
lue par le second délédehS.XI.chérifiennà la séancedu 22janvier 1906 (Proto-
cole et comptes rendus de la Conférencde'Algésiras,I39) :sNous vous prierons
également de nous aiderà rechercher la creation dnouvellesressourceqsui per-
mettront au Maghzen de cansoli<leses finatic...*de l'Acte d'Algésiras). II a étémodifié postérieurement par de
simples dahirs (24 juillet 191s et 22 mai 1919) (Rivière, p. 67) ;
mais on ne trouvera nulle trace d'une pratique qui aurait crééen
faveur des étran~ers une exemption fiscale. générale fondée sur
-
l'Acte d'Algésira<
En résumé, le,Gouvernement français estime qu'aucon traité
n'a conféréaux Etats-Unis un privilège fiscal pour leurs ressortis-
santsau Maroc, ni directement, ni par le jeu de la clause de la
nation la plus favorisée.

CHAPITR EI. - JURIDICTION EXTRATERRITORIALE
(Contre-mémoire, vol. 1, pp. 359 à 406)

La thèse des États-Uiiis est ainsi formuléedanslecontre-mémoire :

iLes États-unis estiment êtreaujourd'hui au bénéfice de tous les
droits de juridiction extraterritoriale qu'ils possédaient avant
l'établissement duprotectorat, c'est-à-dire de juridiction sur toutes
les affairesiyilcs et pénales dans lesquelles les ressortissants et
protégés desEtats-Unis sont défendeurs.Commecorollaire de cette
juridiction, les Etats-Unis revendiquent le droit pour leurs res-
sortissants d'échapper A I'application de la loi locale, sauf dans la
mesure où cette application a pu faire l'objet d'un accord par
ment du corps diplomatique ou l'approbation des Etats-Unisnsente- n

(p. 359, paragraphe, du contre-mémoire,traduction).
Pour définir l'étendue des droits conférés aux États-Unis, le
contre-mémoire invoque les dispositions du Traité de 1836 entre le
Maroc et les États-Unis et du Traité de 1856 entre le Maroc et la
Grande-Bretagne, que des usages auraient complétés. Les droits

conventionnels et coutumiers seraient toujours opposables au hlaroc,
en l'absence de toute renonciation expresse ou implicite des États-
Unis.
iLe Gouvernement des Etats-Unis conclut que:
a) en vertu du régimede juridiction extraterritoriale dont les
Ijtats-Unis bénéficientctuellement au Maroc, lesressortissants des
1Stats-Unis ne sont en principe pas soumis ,2 l'emprise des lois
marocaines ;
b) ces lois ne deviennent applicables aux ressortissants des
etats-Unis qu'après avoir étésoumises au Gouvernement des
Etats-Unis à fin d'approbation, ce gouvernement consentant à
une telle application.» (Contre-mémoire, pp.405.406, traduction.)

Le Gouvernement de la République française répondra, dans le
mêmeordre, à I'argumeiitation contenue dans le contre-ménioire.
Il examinera si~ccessivcment la question de l'application et de la
portée des droits juridictionnels accordés par les traités invoqués
par les États-Unis, et la question de l'inapplicabilité de la loi locale
aux ressortissants des États-Unis. RÉPL~QUE DU GOUVERXEXENT PRANÇAIS (13 II52) 45

A) Portée des droits juridictionnels accordés aux États-Unis
par les traités en.vigueur entre le Maroc et les États-Unis
Les États-Unis reveiidi ueut les droits établis par le Traité de

1836 entre le Maroc et les%tats-Unis et ceux que contenait le Traité
de 1856 entre le Maroc et le Royaume-Uni ;le contre-mémoire
présente une explication théorique des capitulations qui domine
l'interprétation proposéepour les traités invoqués. 11convient donc
de répondre d'abord à cette explication.
Les États-Unis opposent à la formule classique définissantl'exter-
ritorialité comme une exception au principe de la souveraineté
territoriale la thèseque les capitulations sont l'application du prin-
cipe de la personrialité de la loi et ne peuvent s'analyser par réfé-
rence au principe de la souveraineté territoriale. Le Gouvernement
de la République française n'estime pas nécessaire de discuter la
longue démonstration du principe de la personnalité des lois selon
lequel e....aujourd'hui dans le monde de l'Islam, l'étranger devrait

être tenu en dehors de la vie de la sociétélocale et de la protection
juridictionneiie offerte par celle-ci et mener son existence selon sa
propre loi >i.(Contre-mémoire, p. 362, traduction.) Personne n'a
jamais contesté en effet que la notion de personnalité de la loi ait
eu sa place dans l'histoire des institutions. Mais le Gouvernement de
la Républiquefrançaises'étonne de voir invoquer ce principe comme
ré lant eaujourd'hui dans le monde de l'Islam IIles rapports de
1'gtat et des étrangers. Aucune disposition conventionnelle. aucun
principe généralne peuvent étayer une telle doctrine, qui ne repose
que sur une simple affirmation. 11n'existe Ilas dans le droit inter-
national actuel une distinction entre les États quant au principe de
la souveraineté territoriale et à ses conséquences. La règle de la
compétence de l'État sur son territoire est une règleabsolue, sou-

vent affirméepar la jurisprudence internationale, et la prétention
des États-Unis d'Amérique ne peut s'appuyer sur aucun élément
justificatif. On remarquera d'ailleurs que le contre-mémoire des
États-unis se borne à une affirmation sans qu'une démonstration
quelconque soit tentée. Toute la jurispnrdence internationale, citée
dans le mémoire français, démontre que la thèse des États-Unis
relative au caractère spécialde la souveraineté dans un État musul-
inan n'est pas fondée.On peut ajouterque,dans l'affaire des boutres
de Mascate, la Cour permanente d'Arbitrage a jugé que la protec-
tion est une restrictionà la cornpétence'territoriale. De meme, dans
l'affaire des déserteurs de Casablanca, la Cour a considéréque la
protection consulaire devait céderle pas à la juridiction de l'armée
d'occupation, reconnaissant par là le caractère exceptionnel de la
protection par rapport à l'autorité déployant ses services publics

sur le territoire; a forliari lorsqu'il s'agit de la compétence de
l'État territorial lui-même.
Le Gouvernement des États-Unis ne conteste pas d'ailleurs que
la compétence de l'fitat sur son territoire soit la règle de droit
normale (contre-mémoire, p. 362, 2'11paragraphe), mais il soutient46 RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT FXANÇAIS (13 1152)

que, pour le Maroc et pour le IImonde de 1'Islam >, cettc règle de
droit ne s'applique pas. Le Gouvernement de la République fran-
çaise maintient entièrement les observations contenues dans son
mémoiredu lermars IgjI (pp. 65 et sqq., vol. 1) sur le principe
de la primauté de la souveraineté territoriale.

*
* *
Le mémoire français avait, pour caractériser l'évolution de la

situation des étrangers au Maroc, utiliséune distinction (p. 53 du
vol. 1) entre deux phases, juridiction consulaire, capitulations,
à seule fin de simplifier l'exposéet sans prétendre y trouver une
règle d'interprétation, d'ailleurs inutile, des traités examinés. Le
contre-mémoire commente et critique la distinction, mais sans la
reproduire exactement, ce qui enlève toute valeur à la critique
(voir l'erreur de représentation de notre thèse dans le C.-M.,
p. 369, par rapport à son exposédans le mémoire, p. 53,vol. 1).
Les Etats-Unis veulent établir que, dès les origines, les consuls
avaient compétence civile et criminelle pour leurs nationaux ;
mais la distinction proposéedans le mémoirefrançais qualifiait de
capitulaire un régime où le consul avait la juridiction civile et
pénale sur ses nationaux et sur les procès mixtes. La réponse des

États-Unis sur ce point est donc à côtéde la question.
On relèvera avec intérêt queles États-Unis, après avoir invoqué
de nombreux traités caducs depuis plus d'un sièclepour interpréter
un régime contemporain, admettent l'idéed'une transformatioii,
par le développement de rapports plus étroits, de la sociétémaro-
caine du xvrime et (lu XVIII~C sièclesqui « formait essentiellement
une communauté fermée,unie par des liens religieux et régiepar
un système de droit ecclésiastic1uedont l'étranger était nécessaire-
ment exclu i)(contre-mémoire, p. 370. dernier paragraphe). Mais
il est remarquable que ces « rapports plus fréquents entre indigènes
et étrangers n (p. 371, xe'paragraphe) aient, de l'avis du Gouver-
nement des États-unis, provoqué une séparation encore plus grande
des juridictions, surtout aujourd'hui où les tribunaux locaux ne

sont plus établis sur une base religieuse. De mêmeapparaît la
faiblesse d'une prétention à fonder la juridiction criininclle tlcs
consuls américains pour les affaires de leurs ressortissa~its siir la
notion de la vengeance priyée.
La thèse juridique des Etats-Unis est donc qu'une situatioii
doit être interprétée exclusivement selon le sens qu'elle a eu i
son origine, tout en admettant que les mŒurs de cette époque rie
sont plus celles d'aujourd'hui. Il semble que le contre-mémoire,
en acceptant l'idéeque le Maroc est transformé, maintienne que,
malgr6 cette évolution, les institutions juridiques concernant les
Etrangcrs soiit absoliiment inamovibles.
Mêmesi l'on admettait, comme le Gouveriic~~ieiitdes États-
Unis, que le Traité de 1636 comportait la juridiction consulaire K~PLIQUE DU GOUVERXEUENT FRANÇAIS (13 1152)
47
dans les affaires pénales entre citoyens des États-Unis, il resterait
à établir que ce texte exclut le droit pour l'Empire chérifien d'exer-
cer des poursuites publiques. Il faudrait alors considérer que le
Traité de 1836 a comporté de la part de l'Empire chérifien un
abandon définitifdu droit de poursuivre les délits et crimes contre

son ordre public. Or, un tel abandon ne peut résulter dhn article
qui dit : Itout litige entre citoyens ou protégésdes Etats-Unis
sera jugépar le consul r (article20 ;c'est nous qui soulignons).
Le Gouvernement de la République française maintient donc
que le Traité de 1836 ne permet au consul de juger que les litiges
d'ordre privé entre nationaux et ressortissants. Quant au Traité
de 1856, il a pris fin en 1937 entre le Royaunie-Uni et le Maroc
et ne peut servir de base à des droits quelconques en faveur des
États-Unis ; ce point sera repris en répondant au contre-mémoire
en ce qui concerne la clause de la nation la plus favorisée.

b') Argumentation relative à la clause de la nation la plus
favorisée

«Le Gouvernemeiit des États-unis reconnaît que la théorie
relative à la clause de la nation la plus favorisée, sur laquelle le
Gouvernement de la République française fonde son argumenta-
tion, est une théorie valable en droit moderne » (contre-mémoire,
p. 372, traduction). Le Gouvernement de la République française
est heureux de prendre acte de cet accord, car la question devient
simple :pourquoi la règlene s'applique-t-elle pas au Maroc ?

1.- Théoriedu Gouvernement des États-unis sur la clause de
la nation la plus favorisée dans les traités conclus avec le ilfaroc.

a. Exposéde la thèse
Le Gouvernement des États-unis poursuit, en ce qui concerne la
clause de la nation la plus favorisée, la thèse du caractère excep-
tionnel de la souveraineté dans les pays de l'Islam. En effet, la
clause aurait, seloncles États-unis, des effets différents dans les
traitéspassésentre ktats chrétienset États musulmans. Lc Gouver-
nement de la République française a déjà indiquéplus haut ce qu'il

pense de cette théorie sur l'existencc des règlesjii~idiques spéciales
aux Etats musulmans. La nouvelle affirmation n'est pas plus fondée
que la première. Toutes les citations de doctrine faites tant dans le
mémoire du 1'1 mars que dans le contre-mémoire confirment que
tous les autcurs considèrent la clause comme un moyen d'égaliser
les situations juridiques. La citatioii de Hornbeck, faite à la pa373
du contre-niémoire des États-Unis, est claire : aChaque État dési-
rait avoir la garantie des plus grands avantages possibles pour son
commerce et son industrie, et en échange desavantages qu'il obte-
nait, il était amené3 faire des concessions. » La clause a toujours 48 RÉPLIQUE I>U GOUVEKNE~IENT FIIAKÇAIS (13 II52)

été etel,lereste iin mécanismed'égalisationdes avantages accordEs
par un Etat. La thèsedu Gouvernement des Etats-Unis transforine-
rait la clause de la nation la plus favorisée, garantie coutre uii
traitement défavorable et d'exception, en une source de traitement
d'exception, défavorable pour tous 15sautres États.
La clause, dans un traité avec uii Etat musu1m;iii.avait toiijours
le mêmebut que dans les autres traités :établir une égalitéentre
les États. Aucune démonstration n'est apportée à l'appui de l'affir-
mation des Etats-Uiiis qui n'est qu'une conséquence logiquede la

thèsegénéraleque les relations avec le monde islamique ne suivent
pas les règlesdu droit des gens.
Au zma paragraphe de la page 374 du contre-mémoire, le
Gouvernement des États-Unis se contredit d'ailleurs dans sa propre
argumentation. Il reconnaît d'abord que la recherche de l'égalité
n'a cesséd'êtrela préoccupation essentielle des États adoptant la
clause de la nation la plus favorisée,puis dans le paragraphe suivant
le Gouvernement des États-unis indique que cette règle serestreint
à une apratique américano-européenneà la fin du igme siècle>,L.e
Gouvernement de la République française atteiid des preuves de
cette régionalisation des effetsde la clause que la jurisprudence
internationale et la doctrine ignorent. Il paraît, à la lecture de la
page 375 iqt fine du contre-mémoire des Etats-Unis, que la clause

de la nation la plus favoriséepermet aux États chrétiens d'obtenir
« un statut solide, tirant sa valeur de la permanence de son originn,
c'est-à-direa les différencesqui séparaient leur ordre social et leur
système juridique de ceux des États musulmans iiEn se référantà
ses remarques précédentes sur l'absence de règle d'inégalitéper-
manente entre États musulmans et États chrétiens, le Gouverne-
ment dela Républiquefrariçaise ajoutera simpleiiient qu'il lui semble
extraordinaire qu'un mécanisme, analysé comme une méthode
d'égalisation dans un temps donné, donc limité, des différentes
matières intéressant les étrangers, ait pu, dans l'indifférencegéné-
rale, devenir le moyen techniquc de création de traités perpétuels.
La logique de l'argument entraîne en effet les États-lJnisà soutenir,
page 376, z= ligne, que 1'Etat territorial ne petit, s',ils'agit d'uii

Etat musulman, mettre fin au régimeobtenu par uii Etat tiers par
l'effet de la clause de la nation la plus favorisée, en refusant de
renoiiveler le traité contenant ladite clause. L'exck dc la thèse la
condamne.
L'exemple que le contre-mémoire tente de tirer de la négociatioii
entre la France et le Brésilest particulièremept mal choisi, car il
vient à l'appui de la thèse inverse de celle des Etats-Unis. En effet,
la France a négociéavec le Brésil pour obtenir par un accord
nouveau des avantages spéciauxaccordés.par le Brésilà l'Italie ct
auxquels, précisément,la France ne pouvait prétendre directemcnt.
Cet exemple confirme la thèse exposéepar le Gouvernement dc la
République française dans son mémoire, pages61-62, vol. 1. I&PLIQUE DU GOUVEIINE!JiIEN'l' Pl<ANÇAIS (111j2)
49
Le Gouvernement des Iitats-Unis ii'a invoqué en faveur de sa
thèse sur l'effet perpétuel de la clause de la nation la plus favorisée
que deux citations : un article de Politis dans la Revue de droit
internationalrivéet de droit pénalinternational, 1906, pages 659 à
683, et neuf lignes de Nys dans Le droit internatiorzul,1912, tome II,
page 528, qui, d'ailleurs, renvoient en note, comme seule source,
à l'article de Politis dont Xys reproduit simplement l'opinion.
Mais le contre-mémoire omet d'indiquer que le passage cité(p. 680
de l'article) reproduit l'opinion de Politis sur les effetsde la clause

de la nation la plus favoriséeen génkral,et non pas sur les effets
de la clause dans un traité de capitiilations entre un État chrétien
et un État musulman ; pour Politis, la. conception du droit direct
à la jouissance des droits consentis à l'État tiers est, en 1906, la
théorie générale applicable à tous les États, pour tous les traités
contenant la clause de la nation la plus favorisée. Pour Nys égale- .
ment, il s'agit d'une théorie généraledes effets de la clause diffé-
r~nte en tous points de celle que la doctrine et la pratique des
Etats-Unis n'ont cesséde soutenir (voir notamment Charles Chency
Hyde :I?tternatiottal Law, chiefly as interpreted and applied by the
United States, Boston, 1947, tome II, pp. 1355-1356,p. 1jo4), et
qu'ils ont encore formellement acceptée en donnant leur accord à
la thèse exposée dans le mémoire français (p. 372 du contre-
mémoire, citation faite au début des présentes explications sur Irr
clause).

De meme, on relèvera le caractère de l'appui donné par les
États-Uiiis pour les besoins de la cause à la thèse de Politis ; en
effet, cette thèse consiste à distinguer selon que la clause est conte-
nue dans un pité postérieur ou antérieur aux avantages récla-
més.Or, les htats-Unis se refuseraient sans nul doute à appliquer
une telle doctrine de façon générale, et il leur faut, ici encore,
avoir recours au seul argument du droit spécialaux pays de l'Islam.
On remar uera enfin que la doctrine de Politis ne sert en rien la
thèsedes Ztats-Unis, carle Traitéde 1836qui leur donne le bénéfice
de la clause est antérieur aux avantages réclamés.
Ainsi, la thèse ue la clause de lanation la plus favoriséedans
les traités entre 8tats chrétiens et Etats inusulinans a un sens
spécialet des effets différents netrouve aucun soutien dans les deux
seules citations que comporte le contre-mémoire et ne repose que
sur une simple affirmation, résumée à la page 378 du contre-
mémoire : <Le Gouvernement des États-unis soutient donc que,

faute de preuves contraires, la clause de la nation la plus favo-risée
figurant dans les traités de capitulations conclus avec les Etats
musulmans, contrairement à la même clausedans la pratique
améncano-européenne, n'a pas pris la forme d'un procédédont
l'objet exclusif était de garantir à,son bénéficiai, tout moment,
une position d'égalité avecles Etats tiers et de inaiiitenir en
vigueur des droits qui avaient étéacquis par le jeu de cette clause
pour la seule période où demeureraieiit en vigucur les traités
4 KEPL~QUISLIU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 IIj2)
51
elle est insérée.Un arrèt de la Cour de cassation du 22 décem-
bre 1913 (Dalloz, 1915, 1. 1, reproduit en annexe V à la présente
réplique), rendu sur la portée de la clause de la nation la plus
favorisée dans le Traité de Francfort du IO mai 1871, décide que

la clause ne peut êtreinvoquée que si la matière du traité qui la
stipule estidentique à celle du traité dont le bénéficeest réclamé.
On trouve dans le mêmesens un arrèt de la Cour suprême de
\Vashington du zz janvier 1934 dans 1'Anttual Digest oi Pt~blzc
International Law Cases, de Lauterpacht, années 1933-34. pages
452-453 : ((La clause s'interprktc comme couvrant le champ de
la réglementation du traité. i>(Voir égalemeiit La clunse de la
nation la plzis iavoriséedans lu pratiqi~ei?tter~tatioiiade lu Szcisse,
par Henri Oppenheim, Zurich, 1945, notamment p. 68, ct les
arrèts du Tribunal fédéralsuisse cités en note.)

L'argument que le Gouverticineiit des États-unis clierçlie à
trouver dans la Conventioii fraiico-espagnole de ~goj coiitirme de
la façori la plus nette le caractère restreint de la Coiivciitioii de
Madrid. 11suffit de reprendre le texte authentique de la Coriveii-
tioii de 1905, rédigé enfrançais, et que la traduction faitedaiisle
contre-mémoire n'a pas exactemerit rendu : eLcs deux Piiissances
s'engagent à observer cet accord, mêmedans le cas oii les stipula-
tions de l'article17 de la Convention de Madrid de 1880 viendraient
iiêtreéfertdziesi toutes les questioiis d'ordre économiqu: ct fiiian-
cier II(texte à l'aiinexe 34 du contre-mémoire des Etats-Unis, .
1).640 ;c'est nous cliii soulignons). Le Gouveriiement de la Répu-

blique française iie peut suivre la déduction faite par le Gouver-
ncinent des Etats-L'iiis, selon Iequel : Kinalgré le langage pru-
dent .... il est clair que, pour les parties, la clause de la iiatio~i la
plus favoriséetelle qu'elle figurait dansla Coiivention de >Iadridpozcr-
ruit s'appliq~ceret probablement s'appliqz~eruità d'autres questions
qu'à ceUede l'exercice de la protectioii » (coiitre-niémoire,p.381 ;ce
sont Ics Etats-Unis qui souligiieiit). En matière d'interprétation
de traitCs, devant un texte dont la clarté ne laisse rien àdésirer,
les suppositioiis ii'oiit pas de place (voir notainment l'avis consul-
tatif de la Cour permanente de Justice iiiteriiatioiiale du 15 sep-

tembre 1923 sur I'acquisitioii de la nationalité poloiiaise, p. zo),
et on ne suivra pas le contre-mémoire dans ses essais de coiistruc-
tioii hypothéticluc.
La citation faite, page 381 du contre-méinoire. d'un cours élé-
ineiitaire, non iiiipriinii, de l'liistitut des Hautes Etiides inarocaines
et dont les auteurs n'ont jamais pensé faire de la technique juri-
dique, pourra utilement êtrecomplétéepar ceUe du directeur de
ce mêmeinstitut, le professeur de Laubadère, tiréede son article :
Remarqzcessur le fondement jz~ridiquedes capitulatioizs américaines
nu mar :roIc ais cette,importante convention [de Madrid] qui,
on le sait, a réglédans le détail l'exercice du droit de'protection

au Naroc, est muette sur le coiitciiu inème du privilège capitulaire
et n'est donc pour iiotre problCiiie d'aucuii secours. 1)II'. 9 dc52 KÉPLIQUE IIU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 11 52)

l'articleà la Gazette des tribz~nauxdu Maroc, 25 octobre 1948
[annexe VI à la présente réplique].)
Le point important dans la thèse du Gouvernement des États-
Unis n'est pas d'ailleurs l'applicabilitéde l'article 17 de la Conven-

tion de Madrid, inais l'effet de la clause de la nation la plus favo-
risée,car, d'après le contre-mémoire, les États-Unis ont, en 1880.
par l'effet de la clause, acquis les droits résultant du Traité de
1856 et du Traité de 1861 de façon permanente, et ces droits deve-
nus définitifs n'auraient pu disparaître avec la renonciation du
Gouvernement du Royaume-Uni au Traité de 1856. C'est plaider
l'effet perpétuel de l'acquisition desdroits contenus dans les traités
des États tiers, meme après caducité de ces traités, thèse dont le
Gouvernement de la République française n'a pu découvrir la
justification, ni dans la juris rudence, ni dans la doctrine.

z. Le Gouvernement des l?tats-Unis poursuit en déclarant que,
mêmesi la théorieexposée,par la France était admise, les droits de
juridiction acquis par les Etats-Unis ne sont pas caducs.
a) En premier lieu, le Traité de 1856 n'aurait pris fin, en ce qui
concerne le Royaume-Uni, que dans la zone françage, mais sub-
sisterait pour l'ensemble du Maroc en faveur des Etats-Unis. Le
Gouvernement de la République française ne voit pas la portée de
cet argument. Il paraît en effet contradictoire de ne pas reconnaître .
l'existence internationale de la zone espagnole, ainsi qu'il résultede
la correspondance du Gouvernement des États-Unis (v. Hackworth,
Digest ofInternational Law, tome II, 1941, pp. 508 et 509)~ct de

tirer argument pour le maintien d'un traité dans l'ensemble du
Maroc de sa survivance dans cette zone non reconnue.
Il est incontestable qu'aucun État ne peut invoquer le Traité de
1856 dans la zone française et qu'il n'y a donc plus d'État favorisé
dans cette zone ; donc, les États-Unis ne peuvent, en invoquant la
clause de la nation la plus favorisée,.lAétendre à des droits inexis-
tants.
Le Gouvernement de la République française rclève que le Gou-
vernement des États-Unis présente la théoriede l'estoppel conime
ayant la portéed'un principe généralde droit ; il se contente, pour

les besoins de la cause, d'opposer à cette affirmation que, dans les
circonstances de la présente affaire, comme dans l'affairejugéepar
la Cour permanente de Justice internationale, dans son an@t du
rz juillet 1929 (SérieA/B 34, pp. 38-39). l'estoppel ne peut recevoir
application.
b) En second lieu, les droits des États-Unis survivraient parce
que le Traité de 1861 avec l'Espagne n'est pas abrogé.
Le seul motif invoqué par les États-Unis est de pure fornie : le
Traité de 1937 abolissant les capitulations en faveur du Royaurne-
Uni a étéconclu par le Président de la République française (agis-

sant tant en son nom qu'au nom de S.RI. le Sultan du Maroc >,,
tandis que les textes entre la France et l'Espagne ne comporteiit I&I'I,TQU F: GOUVEKS>:~\II~NT I:K.ANÇAIS(13 1152) 53

pas le Maroc comme partie (Traitédu 27 novembre 1912et déclara-
tion franco-espagnole du 7 mars 1914).
Le Gouvernement de la République française espérait que ses
observations en réponse à l'exception préliminaire déposéepar le
Gouvernement des États-Unis avaient éclairéce dernier, notam-
ment sur le sens et la portée de la formule relevéedans le Traité

de 1937 entre la France et le Royaume-Uni (v. ces observations
pp. 6 et 7). Il suffira donc de répéterque les négociationsentre la
France et l'Espagne ont été prévues et autorisées par S. hl. Ic
Sultan du Maroc dans le Traité du 30 mars 1912 et que, par consé-
quent, la négociationavec l'Espagne en 1912 et en 1914 n'était que
la mise en iceuvre d'une compétence reconnue par le Maroc à la
France par le Traité du 30 mars 1912. Telle était l'explication déjà
donnéedans la lettre du 19 janvier 1917, citée page 384 du contre-
mémoiredu Gouvernement des États-Unis.
Le but du Traité du 30 mars 1912étaitprécisément de prévoir la
négociationavec l'Espagne qui fut le premier exemple de l'exercice
par la France de la compétenceinternationale du Maroc. Le Traité
entre la France et les États-unis du 28 juin 1948 (annexe LXVIII

du mémoire français), applicable au Maroc bien que cet État ne
soit pas partie au traité, est un exemple plus récent del'exercice
de cette compétence.
Enfin, le Gouvernement des États-Unis n'a pas. observe que, si
son argumentation était exacte, aucune des renonciations au régime
capitulaire faites par les Puissances après 1912 ne serait valable
puisque, dans chaque cas, la renonciation est faite par une dédara-
tion adressée à la France (v.. Reczbeil des actes internationaux
concernant leMaroc, p. 165, vol. 1à l'annexe XXXVIII du mémoire
français). Seul le Royaume-Uni aiirait donc valablement renoncé
au régimecapitulaire. Cettc erreur de jugemcnt provient, une fois
encore,,de la méconnaissancedes effets du traité de protectorat, et

il n'est pas nécessaire d'insister. Il faut cependant compléter la
démonstration de la terminaison des,effcts du Traité de 1861 entre
le Maroc et l'Espagne en rappelant que laFrance et l'Espagne, dans
la déclaration de 1914, ont étendu i la zone française du Maroc les
conventions franco-espagnoles en vigueur, de telle sorteque leTraité
de 1861, en ce qui concerne les Espagnols au Maroc, a étéremplacé
par la Convention consulaire franco-espagnole de 1862.
Il est superflu, après ces observations, de remarquer que le Gou-
vernement des Etats-Unis reconnaît (contre-mémoire, p. 384) que
le Traitéde 1861n'est pas invoquépar l'Espagne contre la France ;
mais il serait encoreplus exact de direcontre le Maroc, car l'Espagne
a institué des tribunaux espagnols dans la zone espagnole (note du
25 juillet 1917 de l'ambassadeur d'Espagne à Washington au dépar-

tement d:État, Hackworth, op. cit., tome II, pp. 507).et parconsé-
quent le régime de juridiction consulaire espagnole a pris fin dans
les deux zones du Maroc. *
* *

c. Les usages et la coiitume au AIaroc
Le Gouvernement des États-Uiiis considère qu'r ail hlaroc la
coutume et l'usage plutôt que les trait& ont crbéles droits de
juridiction extraterritoriale dont bénéficiait leconsul étranger
pour toutes les affaires mixtes civiles et criminelles dans lesquelles
son ressortissant était défendeur » (p. 386 du contre-mémoire,
traduction).
Il convient de remarquer tout d'abord que le contre-mémoire
affirme l'existence d'un usage sans en apporter la preuve. Toute la

démonstration américaine avait consisté jusqu'alors à établir que
des traités consacraient les droits d'exterritorialité, et, jusqu'en
1937.il n'est pas contestéque le traitéentre leMarocet le Koyaume-
Uni instituait un régime précisde juridiction consulaire. Pour
qu'il y ait une coutume, au sens propre du mot, il faudrait établir
que des règles spéciales,autres que celles du Traitéde 1856, étaient
appliquées, ce que le Goiivemement des États-Unis n'a pu faire.
Bien au contraire, son argumentation se résume à déclarer que Ic
Trait6 de 1856 a confirmé despratiques antérieures. TA n'est pas
la question, car ces usages ont étéincorporésdans le Trait&de 1856
et sont devenus des règles conventionneues dont le sort ne peut
différerde celui du traité. II n'existe donc au Rlaroc aucun corps de
droit coutumier, à la différence de i'Empire ottoinan, auquel
s'appliquent les citations de doctrine faites dans le contre-mémoire.
La lecture du Traité de 1856 explique facilement cette absence de
règlescoutumières, car le texte en était suffisamineiit détaillé pour
ne pas appeler de compléments coutumiers.

Comment enfin peut-on dire quela juridiction consulaire trouvait
sa source dans les traités et dans la coutume si la compétence du
consul, teUe que les États-Unis la revendiquent, s'est trouvée
résulter d'un traité en vigueur de 1856 à 1937 ! La faiblesse de
l'argumentation apparaît si clairement que le contre-mémoire
ajoute que la pratique maintenue depuis 1937 est constitutive de
droit. Il suffira de rappeler qu'un état de fait ne peut etre présenté
comme impliquant la reconnaissance d'un état de droit que s'il
existe une répétitiondes faits et une consciencejuridique commune
des États, basée sur la croyance réciproque dans l'existence
d'un règle obligatoire. La Cour a décidéà ce propos dans son
arr&t du 20 novembre 1950 (affaire du droit d'asile, p. 276) : ILa
partie qui invoque une coutume de cette nature doit prouver
qu'elle s'est constituée de telle manière qu'elle est devenue obliga-
toire pour l'autre partie. Le Gouvernement de la Colombie doit
prouver que la règle dont il se prévaut est conforme à un usage
constant et uniforme, pratiqué par les États en question, et que
cet usage traduit un droit appartenant à l'État octroyant l'asile et

un devoir incombant à l'État territorial. i,Or, le Gouvernement de RÉI'I.IQUE DU GOUVERNEhlENT FI<ANÇAIS (13II 52) 55

la République française avait formellement indiqué au Gouveme-
ment des États-Unis qu'il pouvait mettre fin au régimed'exterrito-
rialité dans la note du 26 août 1937 (annexes au contre-mémoire,
p.729), mais qu'il souhaitait négocierla terminaison de ce régime,
ainsi d'ailleurs que la proposition en avait été faitedès les débuts
du protectorat.
D'aprèsles procès-verbaux de la délégationfrançaise à la négocia-
tion de 1939 entre la France et les États-unis, les représentants
français exposèrent dès le premier jour que, depuis l'abolition des
capitulations britanniques, la compétence destribunaux consulaires

américains aurait dû êtrelimitéeaux litiges civils entre les ressor-
tissants des États-Unis ; il fut aussi indiqué expressément que,
dans l'hypothèseoù il ne serait pas possible de parvenir à un accord,
le Gouvernement français se réservait la faculté de mettre fin,
quand il le jugerait opportun, à ceux des privilèges capitulaires
auxquels les États-unis ne peuvent prétendre, indépendamment du
droit toujours ouvert par l'article zj du Traité de 1836 de mettre
fin à l'application dudit traité. A aucun moment, par conséquent,
il n'a existé entre les deux gouvernements d'accord sur les règles
de droit, et la r6ponse des États-Unis du 19 octobre 1937 refusant
d'accepter la thèse française montre bien que le différend restait
ouvert: Il serait extraordinaire de renverser les rôles et de pré-
tendre que cette réponsedu 19 octobre 1937 a subitenient clos le

litige en faveur de la thèse des États-Unis dans un différendqui,
selon le Goiivemement des États-Unis, remonte aux origines du,
Protectorat. Le Gouvernement de la République française se
contentera sur ce point de rappeler I'arrét récent de la Cour dans
l'affaire des pêcheries,du 18 décembre 1951, qui montre bien que
l'attitude d'un gouvernement doit êtreenvisagéedans l'ensemble
de ses actes officiels (voir p. 138 de l'arrêt).Déjà, dans l'arbitrage
de 1910 sur les pêcheriesde l'Atlantique nord, la Cour permanente
d'arbitrage avait dit : «1-e tribunal ...considère que de telles
expressions opposkes et contradictoires .... s'expliquent suffisam-
ment par leurs rapports avec les phases éphémèresd'une contro-
verse d'une duréeséculaireet doivent êtretenues pour sans effet
direct sur les questions litigieuses, principales et actuelles.o
Le Gouvernement de la Républiquefrançaise a déjà indiquédans

le mémoire du 1- mars 1951 qu'il avait choisi de maintenir le
litige avec le Gouvernernent des États-Unis sur le plan de la
négociation diplomatiqiie ; cette raison. et celle-là seulement,
explique que le Traité de 1836 n'ait, pas encore été dénoncé.
L'argument que le Gouvernement des Etats-Unis tente de déduire
tant de la conduite amicale du Gouvernement de la liépublique
française en cette occasion que d'une prétendue acceptation tacite
de la juridiction consulaire des États-Unis depuis 1937. n'est pas
recevable : le Gouvernement des États-Unis suggère-t-il que les
autorités françaises auraient dû créerun conflit en arrêtant systé-
inatiqiiement et en jugeant les ressortissants américains ? Dans RÉPI.IQUE DU GOUVlri?Ni~liENT FRAXÇAIS (13 1152)
s6
un différendde caractère juridique entre deux États aussi liésque
la France et les États-unis, le Gouvernement de la Répiiblique
française a estimé que la contrainte n'avait pas de place, mêmeà
l'appui du bon droit ; il avait pu croire que le Goiivemement des

Ctats-Unis avait accepté sans réservesune négociation à laquelle,
en 1917, il n'avait en somme opposéque des difficultéstouchant à
la constitution des Etats-Unis. II ne semblait pas, dans les circons-
tances génerales,opportun de revenir sur le principe de la négocia-
tion, mais la France a définitivement réservé et réserve sondroit de
dénoncerle Traité de 1836, comme l'indiquait la note du 26 août
1937. La note de 1937 montrait par ses termes mêmesque le
Gouvernement de la République française considérait que le Traité
de 1836 était le seul support d'un' « régimecapitulaire 11pour les
États-Unis :r le traité .... n'ayaiit pas étédénoncé,les États-Unis
continuent à bénéficierdu régime capitulaire ».Il eût donc suffi

de dénoncerce traité, de l'avis du Gouvernement de la République
française, polir que cessât le régime. Quant an terme « régime
capitulaire Ioù les Etats-Unis veulent voir un aveu quant à l'exten-
sion de leurs droits, iion ne saurait s'appuyer sur quelques mots
empruntés à une note isoléepour en conclure que le Gouvernement
[norvégien] seserait départi d'une attitude que ses actes officiels
antérieurs avaient nettement fixée II(arrêtdu 18 décembre 1951.
affaire des pêcheries,Royaume-Uni c. Xorvège, p. 138).
Ainsi les droits purement conventionnels des États-Unis n'ont

jamais étéconfirmésdepuis 1937 et se résument au texte du Traité
de 1836 ;aucune coutume spi.ciale ou généralen'a existéau Maroc
en matifre de capitulations sur laquelle les États-unis puissent
désormais fonder des prétentions.
Le Goiiveriiement des États-Unis veut trouver argiiment dans
la présence à Madrid, lors de la Conférencede 1880, d'États qui
$étaient pas liésau Maroc par des traités, pour établir que ces
1:tats bénéficiaientalors d'usages et coutumes capitulaires. C'est
beaucoup déduire d'une présence à une conférence qui n'a pas
porté sur les privilèges capitulaires mais sur la protection, et il

est plus exact de dire que totit Ctat était intéresséà participer
à une conférenceportant sur le statut de la protection au Maroc,
car le droit de protection appartient à tout État; de même,à
Algésiras,des États dont le commerce avec le Maroc était inexis-
tant ont pi1 participer à la Conférencede 1906. UnÉtat dépourvu
de tout intérêtactuel et qui n'invoque aucun droit conventionnel
peut participer à des co?fércncesde portéetrèsgénérale.Il faudrait,
poiir établir que ces Etats bénéficiaientd'un régime capitulaire
coutiiinier, apporter la preuve de cette coutume. II semble, au
surplus, qiie la Suède; citéepar le contre-mémoire parmi les États

sans traité, ait bénéficié d'un Traité de 1863 dont le texte n'est
pas connu.
Enfin, l'argument de la renonciation au régime capitulaire par
des États qui n'avaient pas de traité ne peut être admis,.car ces RÉPLIQUE DU GOUVERNEAlIiNT FHANÇAIS (13II j2) 57

États, en déclarant qu'ils renonçaient à invoquer tout privilhge
special, ont avant tout acceptéformellemerit la juridiction française
telle.qu'elle venait d'êtreinstituée, en meme temps que l'appli-
cation en zone française du Maroc aux ressortissants du pays
considéré destraités et conventions de toute nature passésentre
cet Etat et la France. C'est cet aspect des renonciations par les
I'uissances étrangères au régime capitulaire qui donne son véri-
table caractère i ces actes et que le Gouvernement des États-Unis
néglige entièrement. Les Puissances étrangères obtenaient ainsi
que leurs ressortissants se vissent traités au Maroc comme en

France.
Le Gouvernement de la République française maintient donc
toutes les observations faites dans le mémoire du mars 1951
sur l'étenduedes droits conventionnels que les États-Unispeuvent
encore invoquer ail Alaroc, en ce qui concerne la juridiction consu-
laire. Quant au dernier argument du contre-mémoire sur la non-
adhésion des États-Unis au traité de protectorat, il avait été
repondu à l'avance à cette thèse (mémoire, pp. 62-63 et 76-77,
vol. 1). Le contre-mémoire déclare:

c ...les États-Unis n'ont jamais adhéré auxtermes du traitéde
protectorat, leur reconnaissanceportait sur'existencdu protecloral
comme le1[c'estilousqui soulignons]et non point sur les termes du
traitéde protectorat...o(p.393. traduction).

Il suffira d'ajouter un mot aux explications déjà fournies sur
ce point par le Gouvernement de la République française : coin-
ment peut-on juridiquement reconnaître comme un protectorat
une situation qui résulte uniquement d'un traité sans, du m@me
coup, reconnaître les dispositions de ce traité, non seulement parcc
que c'est l'acte créateur de la situation qu'on reconnaît, mais
aussi parce que ce traité établit les règlesjuridiques que les États
tiers vont invoquer après avoir reconnu lasituation ?Il n'existe pas
en droit international un concept du protectorat qui soit déter-
minéet qu'on puisse reconnaître comme tel n,iitabstracto; Anzi-

lotti écrivait dans son Cozwsde droit international, 1929, pageszz8-
235 : ale protectorat a sa base dans un traité entre l'État protec-
teur et l'ptat protégé ....Si donc par protectorat on entend un
rapport de droit international, il est certain que ce rapport n'a
et ne peut avoir d'autre base que raccord entre protecteur et
protégb ....En mettant les États tiers dans la possibilité de faire
valoir leurs raisons contre le protectorat, la notification a pour
effet la reconnaissance du protectorat lui-même,c'est-à-dire de
la relation juridique constituée entre protecteur et protégé. » C) Privilège d'assentiment

Le Gouvernement français avait exposédans son mémoire .quel-
aues considérations sur le nréteiidu droit d'assentiment des États-
i'nis d'Amérique :itoutc rc:blcinciit;itiiih;.riticiine et avait conclu
:iI'iiicsistcnc~d'uii tcl droi1.econtre-in6iiioire soutient ailcoiitraire

que la loi locale n'est pas en principe applicable aux citoyens
américains et qu'elle ne le devient que si le Gouvernement des
États-Unis d'Amériquey a préalablement donnéson assentiment,
qu'il serait libre d'accorder ou de refuser discrétionnairement. La
thCse qu'il développe ainsis'appuie sur plusieurs arguments tirés
des principes, des auteurs, de la jurisprudence, des textes et de
l'usage. Ces arguments seront successivement examinés et réfutés.
1")Le Gouvemement des États-unis d'Amériquesoutient tout
d'abord - et c'est là son argument essentiel - que le point de vue
exposépar le mémoirefrançais est erroné,parce qu'il repose entière-
ment sur le principe de la souverainetéterritoriale, qui serait appli-

cable aux relations juridiques desÉtats chrétienset desÉtats musul-
mans ayant conclu des conventions capitulaires. Selon le contre-
mémoire, cesrelations seraient gouvernées par le principe de la
personnalité de la loi, à la lumière duquel les traités capitulaires
devraient étre interprétéset appliqués. C'est ce principe, consé-
quence nécessairede l'opposition existant entre les systèmes juridi-
ques des Etats chrétiens d'occident et des États inusulmans, qui
expliquerait que, à la veille du Protectorat, les étrangerscapitulaires
échappaient au Maroc à l'empire de la loi locale.
Deux remarques préalables doivent être faites. La première
concerne le principe mêmed'interprétationauquel lecontre-mémoire

fait appel. Les textes doivent êtreinterprétés eneux-mêmes,et il
n'est légitimede recourir aux travaux préparatoires ou aux règles
généralesde droit que lorsque les dispositions des textes sont
obscures ou ambiguës. Or, les traités capitulaires conclus entre le
ilaroc et les Etats chrétiens ne contiennent aucune disposition
reconnaissant aux États capitulaires un droit d'assentiment à la
Iétrislationlocale. ni aucune disoosition obscure ou ambieuë relative
à Ce prétendu droit,, On ne sairait donc admettre la pr&ention du
Gouvemement des Etats-Unis d'Amérique dedéduired'un principe
gknéral,d'ailleurs non établi, un droit qui n'est inscrit niille part
dans les traités.

La seconde remarque concerne la situation des étrangers capitu-
laires au Maroc avant 1912. 11n'est pas vrai qu'avant 1912 ces
étrangersfussent soustraitscomplètement àl'empire de la loi locale :
celle-ci leur était applicable dans tous les cas au moins où le juge
local était compétent à leur égard. Le contre-mémoire ne conteste
d'ailleurs pas ce fait.
Quoi qu'il en soit, l'argument tiré par le Gouvernement des
États-Unis d'Amérique du principe de la personnalité des lois
n'est pas fondéen lui-meme. Selon le contre-mémoire, ce principe RF:PLIQUE DU GOUVERNEalBNT FRANÇAIS (13 II 52) 59

devrait êtreadoptécomme règled'interprétation des traités conclus
entre les États chrétiens et les États musulmans, parce que, à
l'époqueoù ces traités furent passés, lesÉtats musulmans auraient
ignoré le principe de la souveraineté territoriale et n'auraient
conçu la loi que comme un lien juridique entre membres d'une
même communauté religieuse. Cette affirmation est contredite
par l'histoire. Lorsque les États musulmans, et notamment le

Maroc, iioii&rentà partir$ xvImesiècledes relations plus régulières
etpliis étroitesavec les Ltats chrétiensd'occident, ils se trouvaient
depuis longtemps en contact avec ceux-ci et ils avaient déjà CU
à résoudre le problème posépar la présence au sein de la société
islamique de communautés non musulmanes. Ils l'avaient fait en
accordant certes une large part à la loi personnelle des intéressés,
mais sans jamais abandonner cependant le principe de l'appli-
cation de la loi localeà tous ceux qui habitaient leur territoire.
Si l'on néglige lesparticularités propres à chaque rite orthodoxe,
les règles suivantes étaient appliqnées en la matière:
I.Au civil, les litiges entre non-musulmans d'une même confes-
sion relevaient du juge et de la loi de ceux-ci, ct le juge local,
qui appliquait la loi coranique, connaissait des procèsentre musul-
mans et non-musulmans et entre non-musulmans de confession

différente ainsi, éventuellement, que des procès que des non-
miisulmans de m&me confession étaient d'accord pour lui sou-
mettre.
z. Au péiial, seuls les litiges entre non-musulmans de m&me
confession relevaient du juge et de la loi de ceux-ci, mais le jiige
local connaissait des crimes les plus graves commis par un non-
musulman à l'égard d'un autre non-musulman, ainsi que de tout
fait délictueux qui, entouré de publicité, avait causédu scandale
(cf. Rechid, L'Islam et le droit des gens. Recueil des Cours de
La Haye, 1937. tome 60- Choucri Cardahi, Le droitinterizational
firivédans l'Islam, mème volume). On voit donc que si les États
musulmans faisaient une large part, en raison de la différencedes
statuts, à la loi personnelle des non-musulmans, ils connaissaient
parfaitement le principe de la souveraineté territoriale et appli-

quaient aux étrangers, notamment en matière pénale,la loi locale.
Contrairement à ce que soutient le Gouvernement des États-Unis
d'Amérique, cette application n'était nullement impossible. Si
importantes que fussent les différencesentre droit occidental et
droit musulman, il existait en effet entre eux une parenté de
conception morale et une identité d'origine qui, plusieurs siècles
plus tard, permettaient aux auteurs des textes relatifs à i'organi-
sation judiciaire du Protectorat marocain d'bcrire dans le rapport
résumant leurs travaux : Il parait étonnant, au premier abord,
qu'on ait pu en Tunisie (dont le Code servit de guide au Code
marocain) écrire, sur des matières aussi difficiles, un texte capable
de concilier les législations européennes et le droit musulman ;
ce phénomèneest pourtant facile à expliquer. Lorsque les juris-Go RÉPLIQUE DU GOUVERNE~~ENT FRANÇAIS (13 II52)

consiiltes, chargés de travailler avec la commission musulmane
de Tunis et de lui présenter l'avant-projet créépar la commission
française, se sont trouvés aux prises avec des objections et des
contradictions, ils n'ont eu qu'à recourir au droit romain du Digeste
pour y trouver des solutions acceptées par les musulmans et très
conciliables avec les législations européennesou certaines d'entre
elles, sinon tout à fait identiques. C'est que si nos codes, dans les

parties relatives aux obligations et aux contrats, sont fortement
imprégnésde droit romaiii, on a constaté alors, avec une surprise
agréable, que les premiers jurisconsultes de l'Islam, qui avaient
rencontré dans les pays conquis le droit romain du Bas-Empire,
se l'étaient assimilédans leur propre droit alors en formation, par
un adroit et ingénieuxtravail de jurisprudence. C'est cette analogie
d'origine qui a permis d'arriver autrefois à un accord et qui laisse
espérerque, demain encore, ce qui en est sorti pourra être un instru-
meut d'entente et de pbnétratioii pacifique, loin qu'on puisse le
redouter comme un élémentde mésintelligence et de division. u
(Recueil des actes internationolcx, p. 165, annexe XXXVIII au
mémoire, vol. 1.)
Les traités conclus entre le xrrmc et le x~sm*sièclespar les Puis-
sances capitulaires avec les États musulmans et notamment avec

le Haroc, ont établi en faveur des ressortissants de ces Puissances
un régimeinspiréde celui dont bénéficiaienttraditioiiuellement les
chrétiens installésen pays d'Islam. Au terme de son évolution, le
régime issude ces traités fut mêmeplus favorable aux capitulaires
que ne l'avait jamais étécelui accordé aux protégéschrétiens des
premiers sièclesde 1'Islam. Mais ce qu'ilimporte de noter, c'est que
l'attribution de privilèges aus étrangers capitulaires se fit progres-
sivement. Si le principe de la personnalité dela loi avait dominé de
nianière exclusive et dès l'origine les rapports des États chrétiens
avec le Maroc, la soustraction des &rangers capitulaires à la juridic-
tion età la législationlocale aurait dû etre complètedèsl'origine. Or,
il n'en a rien été.Les privilègesaccordéspar les premiers traités du
xvirme siècleétaient au contraire assez minces : seuls les différends

entre capitiilaires d'un mêmepays échappaient au juge et à la loi
du pays. Ce n'est que par une suite de concessions progressives que
cesmodestes privilègesinitiaux reçurent une extension qui atteignit
son plein développement avec les Traités de 1856 et de 1861. Bien
loin doiic dcsikir~s.sL.iitcrcoinnapplicatiun nl:ccss:iired'unsyirCine
de ncrsoiiii;ilitC<lialoi cxcliisii de tout<.iilC(:de terntori:ilitC. ICS
privilèges capitulaires apparaissent comme des concessions libre-
ment consenties par dérogation au principe de la souveraineté tem-
toriale, qui, au xv~m siècle comme aujourd'hui, constituait au
Maroc comme dans les autres États musulmans la règleessentielle de
l'ordre juridique. La Cour de cassation, dans un arrêtdu 18avril
18Gj. a rappelé que l'interprktation des traités capitulaires devait
êtrefaite à la lumière de ce principe : «....Attendu que s'il est
incontestable quele Français dans un pays [de capitulation] jouit de RÉPLIQUE DU GOUVERNEMEI\'T FRANÇAIS (13 1152) 61
franchises et d'immunitésplus larges que celles qui lui sont assurées

dans les États de la chrétientéet qu'il s'y trouve placéplusspéciale-
ment sous la protection des lois de la souveraineté française, ce
serait dénaturer le caractère de cette protection et en exagérerles
conséquencesque d'en induire qu'elle s'impose à lui dans toutes les
situations et ne laisse place en aucun cas à l'application du droit
commun ; que la fiction d'exterritorialité que suppose le pouvoir
n'est érigée nulle part en règle absolue ; qu'on ne.peut l'admettre
que dans la limite des concessions de la Porte, dont on l'induit, et

que, crééeseulement pour certains cas prévus et parfaitement
définis, elle laisseintacts pour les autres les principes du droit public
en matière de souveraineté. » (Dalloz, 1865, 1, 342-343.)
2") Le contre-mémoire américainfait en second lieu état de cer-
taines opinions et de décisions de jurisprndence qui établiraient
selon lui que les étrangers bénéficiantdu régimecapitulaire échall-
pent en principe à la loi locale chérifienne.
11convient tout d'abord de noter que la plupart des citations

faites par le contre-mémoire concernent les capitulations ottomanes
et ne peuvent donc êtreappliquées qu'avec réserveau Illaroc :en
l'abseiice d'un droit commun de capitulation qui n'a jamais existé.
chaque système doit être,en principe, examinéen lui-m@me.
Quoi qu'il en soit, on ne peut tirer d'aucune des citations faites
ou des référencescontenues dans le contre-mémoire la conclusion
que les étrangers bénéficiantdu régime capitulaire échapperaient
en principe au Maroc à la loi locale. Le r privilège de législation »
des capitulaires y est en effet représenté commeun simple corollaire

du privilège de juridiction, liépar suite à ce dernier dans son exis-
tence et dans son étendue. Si l'on qualifiait de riprivilège de
législation n le fait que le juge consulaire applique, en principe,
sa loi nationale, le Gouvernement français n'a jamais contesté.et
ne conteste pas ce fait :de tout temps, en pays capitulaire, le juge
consulaire a appliqué, en principe et sous les réserves qui seront
indiquées plus loin, sa loi nationale. Alaisles auteurs et les décisions
de justice citéspar le contre-mémoire n'affirment rien de plus, et

s'il est une conclusion que l'on puisse tirer de leurs opinions et de
leurs décisions,eue est exactement contraire à la thèse présentée
par le contre-mémoireet elle peut seformuler dela manièresuivante :
il n'existe pas de (rprivilège de législation » distinct et autonome,
par suite, le 1privilège de législation i)doit disparaître lorsque
disparait le u privilège de juridiction n qui lui sert de support et
il ne peut avoir plus de portée que ce dernier. L'exactitude de cette
conclusion se trouverait confirmée,si besoin était, par le fait que
toutes les Piiissances capitulaires qui ont renoncéà leurs privilèges

juridictionnels ont abandonné du même coup le cprivilège de
législation nqui s'y trouvait attaché.
Toutefois, le contre-mémoire croit pouvoir conclure de deux
citations que le « privilège de législation »serait indépendant de la
coiiipétence du juge coiisulaire et susceptible par conséquent de62
RÉPLIQUE DU GOUVEKSE~~ENT FKANÇAIS (13 II 52)
survivre à celle-ci. Ménard écrit dans son Traitéde droit inter-
national privé: « Pour obtenir que les Puissances capitulaires
renoncent à leur privilège de juridiction, il était nécessaire de ne
pas porter atteinte ou de porter atteinte le moins possib1e.à leur

privilège de législation» (t.3, p. 163), et de son côté,l'auteur d'un
discours prononcé lors de la rentrée de la Cour d'appel de Rabat
le 3 octobre 1932 déclarait: I(La Cour de Rabat pense que les
étrangers ne doivent pas être privés des immunités législatives
dont ils jouissaient sous le régimedes capitulations n (annexe VII).
Replacées dans leur contexte, ces deux phrases n'ont nullement
le sens que leur prêtele contre-mémoire. M. Nénard et M. Léris,
président de chambre à la Cour de Rabat, commentaient tous
deux, lorsqu'ils les ont écrites,le dahir du 12 août 1913 relatif à
la condition civile des Français et des étrangers au Maroc, texte
qui fait une part très large, en matière de statut personnel et de
droit des obligations et contrats, à la loi nationale des intéressés.

M. Ménardindiquait à ce propos dans la phrase précitéeque si le
Gouvernement du Protectorat avait fait, dans le dahir du 12 août
1913, une place importante à la loi nationale, c'était afin d'inciter
les États capitulaires à renoncer à leurs privilèges juridictionnels
par l'assurance qui leur était ainsi donnée de voir leurs ressor-
tissants conserver, en matière civile, mais désormais en vertu d'un
dahir chérifien, le bénéficede leur loi personnelle qui découlait
jusque-là de leurs privilègescapitulaires :la remarque de M. hlénard
ne veut rien dire d'autre, ni de plus. 11en va de mêmede l'obser-
vation faite par le président de chambre Léris : analysant devant
ses collèguesl'application que la Cour de Rabat avait faite depuis

1917 du dahir sur la condition civile des Français et des étrangers,
il indiquait que cette juridiction s'était montrée soucieuse de
donner à la loi nationale des intéresshs la plus large application
possible, maintenant ainsi en fait, mais par d'autres voies et selon
de nouveaux principes. le régime dont les étrangers jouissaient
auparavant en matière personnelle. Une lecture complète de ces
textes montre qu'ilsue visent aucunement l'existence d'un cprivilège
de législation r,distinct du privilège de juridiction et susceptible
de survivre à celui-ci (annexe VII).
Ayant ainsi réfuté l'argumenttiré dc ces deux seuls textes et de
la jurisprudence, le Gouvernement français croit utile de fixer en
quelques mots la portée exacte du privilège de législationqui, lié

au privilège dejuridiction et non susceptible d'avoir plus d'étendue
que ce dernier, ne peut cependant posséder,dans un système déve-
loppéde capitulations, une portée aussi large que la compétencedu
juge consulaire. Il le fera en analysant brièvement la jurisprudence
des tribunaux français, dont l'autorité est d'autant plus grande en
la matière que la France jouissait au XIXI~'~!iècle, au 1,cvnnt et
eu Barbarie, de larges privilèges capitulaires et possédait mtme
auprès de la Porte ottomane une situation prééminenteà cet égard.
S'ils appliquaient eii principe la loi française en vertu de l'éditde KÉPLIQUEDU GOUVERNENENT FHANÇAIS (13 11 j2)
63
1778 et de la loi de 1836, ces tribunaux n'ont jamais pousséà ses
conséquences extrêmes la fiction d'exterritorialité et ont souvent
appliqué la loi locale. Ils l'ont fait tout d'abord daiis de nombreux

cas, relevant cependant du droit privé, où la niise en Œuvre de la
loi nationale eût conduit à des solutions absurdes :c'est ainsi qu'un
arrêt de la Cour d'appel d'Aix du IO juillet 1851 a décidéque la
loi de 1807 limitant le taux d'intérêt n'étaitpas applicable aux
Français d'orient, un autre arrêt de la même cour du 16 juillet
1867 a admis qu'en pays de capitulations les conventions matri-
moniales pouvaient êtrepassées sous seing privé ; un arrèt de la
Cour de cassation du 16 juillet 1867 a considéréde mêmeque dans
une vented'immeubles conclue entreFrançais en Orient,l'article 161.7

du Code civil n'était pas applicable pour défaut de contenance
de l'immeuble veiidu et qu'il fallait suivre sur ce point les usages du
pays. D'autre part, les tribunaux consulaires ont fait application
des lois de police locales, considéréespar eux comme liant tous ceux
qui habitaient dans les pays de capitulations. Un arrèt de la Cour
d'appel d'Aix du 22 mars 1872 (Dalloz, 1873. 11,126)a ainsi appli-
qué la loi locale à un Français qui avait ouvert une imprimerie et
publié un iournal sans l'autorisation du ministère é~vptien des
:.iffaires ér&ngèrcsi~ii'iniposait la r6gleiii~ntation locale., . ... C'csr
j. bon droit oiic Ic '1'ribiin:ilcoiisi~~-~rr francais. sisi c<iiif-~--~~-~~eiit
1 , . ~ ~ ~
aux capitulations de laplainte portéeparle Gouvernement égyptien
contre un Français et reconnaissant que la plainte était fondée, a
déclaréla culpabilité du délinquant et, sans appliquer les peines
d'emprisonnement et d'amende édictéespar les lois étrangères, a
ordonné les mesures nécessaires pour faire cesser une contravention
flagrante à des lois de police qui commandent soumission à tous les
résidents, sans distinction de nationalité. II(klêmesolution, Arrêt
Cour d'appel d'Aix, 22.7.1857, confirmé par Cour de cassation le
28 novembre 1857; jurisprudence citée dans Pélissiédu Rausas,

tome II, pp. 256 etsqq.)Le sens et les raisons de cette jurisprudence
sont clairs. Lorsque les tribunauxconsulaires étaient saisis d'un
différendcivil ou d'une infraction au code pénal, leur loi nationale
leur foiirniss;iit li;it)itueUciiieIIIICsoliirioii. II ii'cn Ctait pliide
inCrilelor~riu'ils;i\.;iir.:Icoiiiiaitrc d'infi-acrioi;i<leslois (lc iiolic<:
territoriale; 1.a substitution de la loi nationale à la loi locale'était
alors impossible. Force était donc d'appliquer cette dernière, sous
peine de créer une lacune juridique inadmissible, qu'aucune dis-
position des traités capitulaires n'imposait.

3") Le contre-mémoire américain invoque en troisième lieu le
texte des traités capitulaires. En l'absence de dispositions expresses
et généralesécartant l'application de la loi locale aux étrangers
capitulaires, il fait étatà l'appui tle sa thèse de tlivcrses stipul at'ioiis64 RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 II52)
de détail et tente de réfuter les arguments tirk des mèmes textes
par le Gouvernement français.

a) Les textes citéspar le Gouvernement des États-Unis d'Amé-
rique ne permettent nullement de conclure à l'existence d'un
privilège généralde législation. La plupart des dispositions invo-
quéesont trait en effet à des cas où les traités attribuaient formelle-
ment compétence au juge consulaire (cf. art. zo et 21 des Traités
de 1787. 1836 ;art.5 et 6 du Traité de 1799). Ce juge devant alors

appliquer en principe sa loi natioiiale, la référencefaite par les
traités à cette loi constitue un simple rappel de ce principe et ne
peut fonder l'existence d'un privilège autonome de législation.
distinct du privilège de juridiction.
On ne peut davantage tirer argument des dispositions de traités
qui soumettent expressément les étrangers capitulaires à certaines
taxes ou à certaines réglementations chérifieiines.lle telles disposi-
tions trouvent leur explication naturelle dans le fait qu'il fut

nécessaire à certains moments de stipuler expressément que des
réglementations, dont l'application aux étrangers avait donné ou
était susceptible de donner lieu à difficulté.obligeaient sans contes-
tation possible tous ceux qui habitaient l'Empire cliériîieri.
b) La critique des arguments que le mémoiredu Gouvernement
français a tirés du texte des traités capitulaires n'est pas mieux
fondée.

Le Gouvernement français avait invoqué l'article 4 du Traité
anglo-marocain de 1856, selon lequel les sujets britanniques ont le
droit de voyager et de résiderdans l'Empire chérifien salisréseuue
des mesuresde $olice applicables aux sujets ou citoyens de la nation
la plus favorisée. Le contre-mémoire conteste que l'expressioii
i(precautions of police » ait étéemployéedans ce traité avec le sens
que le langage juridique coiitemporain donne aux mots « lois de
police >IMais il n'apporte aucune preuve à l'appui de cette inter-
prétation. et celle-ci ne peut &tresoutenue, car les mots IIsubject

ton qui précèdent l'expression a the same precautions of police »
indiquent avec certitude qu'il s'agissait non pas d'une protection
accordéeaux sujets britanniques, mais bien d'une réglementation
de police à laquelle ceux-ci étaient soumis dans l'intérêtgénéral.
L'argument tiré par le Gouvernement français des dispositions
accordant aux consuls des privilèges plus étendus qu'aux simples
particuliers conserve également toute sa valeur. Il prouve que les
capitulaires se trouvaient soumis en principe aux lois locales et

qu'ils n'ont échappé àleur application que progressivement et dans
la mesure où le privilège de juridiction les soustrayaità l'empire de
celles-ci.
Il convient enfin de noter que le contre-mémoire ne répond pas
à l'argument tiré par le Gouvernement français des nombreuses
dispositions des traités qui, exemptant les capitulaires d'une taxe
ou d'une réglementation déterrriiiiées,seraient iriexplicables si Icprincipe n'avait pas été leursoumission à toutes les lois qui ne
concernaient pas le statut personnel.

4") Le Gouvernement des États-unis invoque enfin à l'appui de

sa thèse le fait que depuis l'établissement du Protectorat les auto-
rités françaises ont demandé l'assentiment à la législation locale
chérifiennedes États qui avaient conservéleurs privilkges capitu-
laires.
Le Gouvernement des États-Unis voit dans cette pratique la
reconnaissance par le Gouvernement français du ilprivilège de
législation P qu'il prétend posséder.
Cette interprétation pourrait êtreprise cn considération si l'exis-
tence du privilège de législation constituait la seule explication
possible de la pratique de l'assentiment. hIais il n'en est rien. Le
mémoire a exposéla raison véritable de cette pratique. Les tribu-
naux consulaires pouvant av~ir à faire applicatioii de la loi locale,
celle-ci devait êtreportée à leur connaissarice par l'intermédiaire

des gouvernements dont ils dépendaient, et ces derniers étaient
ainsi mis en mesure de vérifierla conformit&de la réglementation
chérifienneavec les droits découlant pour eux des traités capitu-
laires. Il est d'ailleurs digne de remarque que cette procédure -
le contre-mémoire neconteste pas ce point - n'est apparue qu'après
l'établissementdu Protectorat pour les raisons qui ont étéindiquées
dans le mémoire (cf. p. 75, vol. 1). II serait singulier que le
Gouvernement des États-Unis puisse déduire un droit à l'encontre
des autorités du Protectorat d'une pratique instaurée par celui-ci
pour des nécessitéspratiques, afin de gérer au mieux les intérêts
publics et sans jamais accepter d'y voir une rkgle de droit.
Ce point a étéaperçu, au surplus, dans ce passage du coiitre-
mémoire : uToutes les fois que les lois et décrets promulgués en

violation des traités ne fiouvizienfitre eficacementappliqibésà inoins
d'une action judiciaire, les autorités du Protectorat ftcrenl obligées
d'assigner les Américains devant leurs tribunaux consulaires. Or,
ces tribunaux refusèrent de leur côtéd'zippliquerles loisparticulières
dont il s'agissait, à inoins que les Etats-Unis n'eussent, sur la
demande des autorités du Protectorat, consenti à cette application i)
(c'est nous qui soulignons ; contre-mémoire, p. 308, traduction).
Le contre-mémoire fait valoir, il est vrai, que le Gouvernement
des États-Unis a toujoiirs vu dans la pratique de l'assentiment une
confirmation de son N privilège de législatiorIIet que les autorités
françaises n'ont lainais ignoré que telle a toujours étél'interpré-
tation donnée de cette pratique par les autorités américaines. Ce
fait, à le supposer exact, ne peut avoir modifiéni la nature ni les

effets de la procédure suivie par les autorités du Protectorat : une
interprétatioti erronée et uriilatérale ne peut eiigeiidrer de droits.
566 HÉPLIQUE DU GOU\'BRNEMENT FRAXÇAIS (1311 52)

L'argument tiré-de la pratique suivie par les pays capitulaires
en Turquie et en Egypte au cours du xIxmesieclene peut davantage
être retenu. D'une part, chaque système capitulaire doit être
interprété en lui-mêmeet sur la base des textes dont il résulte ;
on ne peut donclégitimement invoquerune procédure suiviedans un
pays de capitulations au xixmc sièclepour interpréter une procédure
qu'on prétendétablieun siècleplustard dans un autre pays. D'autre

part, la procédure de l'assentiment ne parait pas avoir été en
Turquie ni en Égypte le corollaire d'un ciprivilège de législation »
qui n'existait pas plus qu'au Maroc, et la Porte ottomane s'est
toujours élevée contre une telle conception que certains États chré-
tiens oiit prétendu imposer par une interprétation abusive de leurs
privilèges capitulaires.

* * *

En résuméI,eGouvernement français estimequelecontre-mémoire
n'établit nullement que les citoyens américains échapperaient au

Maroc à l'application de la loi locale, hors les cas où celle-ci a reçu
l'assentiment du Gouvernement des États-Unis. Il persiste donc
dans les conclusions suivantes :
a) Il n'existe pas de privilège de législation ;
b) les ressortissants américains n'échappent à l'empire de la loi
locale que dans la mesure où le juge consulaire est compétent sous

réservede l'application par celui-ci des lois de police locales ;
c) l'assentiment constitue une simple pratique destinée à porter
à la connaissance des États capitulaires les lois de police locales.

QUATRIÈME PARTIE

Après avoir réfuté les observations contenues dans le contre-
mémoiredes États-unis, le Gouvernement de la République fran-
çaise croit pouvoir résumer sa propre thèse et celle du Gouverne-
ment des États-Unis de la manière suivante :
1) Lc Gouvernement de la République française estime que le

régimedes capitulations est une exception à la compétence tem-
toriale qui consiste à soustraire plus ou moins largement les étran-
gers à la compétence du souverain territorial. C'est ilne thèse qui
est généralement acceptéepar la doctrine (cf. Ahmed Rechid, «La
condition des étrangers dans la République de Turquie ». Cozirsde
I'Acadéiitiede droit internalional rg33, IV, p. 172 : e régimediamé-
tralemeiit opposéaux principes fondamentaux du droit international
public moderne ...1);- Udina, 1La succession des États quant aux
obligations internationales autres que les dettes ~)iibliques i>ibid., RÉPLIQUE DU GOU\rERiVEMliN1. I:I<ANÇAIS (1311 52)
67
1933, II, p.734: K lescapitulations représentent de véritablesrestric-
tions à la souveraineté des Etats n ;- Heyking, ccL'exterritorialité
et ses applications en Extrême-Orient 1).ibid. ~gzj, II, p. 242 :
Iexemption du pouvqir territorial a ;- Bourquin, aCriines et délits

contre la sûreté des Etats étrangers IIibid1 .,27. p. 161 :(1déroga-
tion au principe de la compéteiice territoriale B; - Cavaglieri,
IRèglesgénéralesdu droit de la paix r, ibid1 .,29, 1. p.484,y voit
un principe suivant lequel la souverainetéterritoriale est limitée >i;
- Messina, ILes tribunaux mixtes et les rapports interjiiridiction-
nels en Égypte a,ibid1 .,32. III ,p. 375 et 376). La jurispmdence
internationale considère égalementque le principe de la compétence
de1'État sur son territoire est la règlepremièredu droit international
(affaire de Palmas : ule principe de la compétence exclusive de
l'État sur son propre territoire de manière à en faire le point de
départ du règlement de la plupart des questions concernant les

relations internationales IIp. 16, et plus loin:a on ne peut admettre
que le droit international .... réduiseun droit tel quela souveraineté
territoriale auquel se rattachent presque toutes les relations inter-
nationales. à la catéao.+e d'un droit abstrait sans manifestations
concrètes IIp. 17).
Le Gouvernement des États-Unis prétend que le principe de la
compétence territoriale cède la place-dans le monde~musulman eii
généralet au Maroc en particulier au principe de la personnalité des
lois. Ce principe devient donc un principe généralde droit à effet
absolu ;l'étranger en pays musulman aurait droit à sa loi person-
nelle, telle que les traitésanciens, aujourd'hui caducs, et la coutume

considéréedans un temps donné,l'ont admise.
Ainsi la différenceentre les deux thèses est-elle claire ; 1àoù la
France voit une exception à la souveraineté territoriale limitéeau
texte de conventions applicables, les États-Unis disent : principe
généralde compétencede l'État étranger sur ses natioiiaux. à inter-
préter comme le apoint de départ du règlement IIdes questions
lit-eieuses. en dehors et au delà des textes conventionnels. Le Gou-
vcrnenicnt <lela Rcl)ublique française :idmet quc ILIcompi.teiice
tcrritorialc rlc l'État puisseCtrt!liiiiitCesur des points particuliers.
notamment sur la condition des étrangers, mais ces limitations sont
d'interprétation restrictive et se limitent aux droits établis dans

des traités en vigueur. La condition des étrangers n'est pas une
matière sacrée, intangible, et eue ne doit pas &Jretraitée différem-
iiient detoute autre limitation acceptéepar un Etat dans un accord,
qu'il s'agisse de rapports frontaliers ou de zones franches par
exemple. La limitation résultedu texte et du texte seulement. (Les
limitations de l'indépendance des Rtats ne se présument pas»
(affaire du Lotz~s,A IO, p. 18).
11) Le Gouvernement de la République française, constatant

que les rapports entre le Maroc et les États-Unis sont régléspar
le Traitéde 1836 e? ce qui conceriie la juridiction coiisulaire, estime
que Ics droits des Etats-Unis ne vont pas au delà des termes de ce68 RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13II 52)

traité. Les États-Unis invoquent le m&me principe, @ta sunt
servanda,non seulement pour assurer le respect des traités existants,
ce qui est incontesté, mais encore pour faire revivre des traités
caducs, ce qui apparaît comme une interprétation nouvelle du
principe.
Les États-Unis présentent d'une part une théoriede la clause de
la nation la plus favorisée applicable au monde musulman en
généralet au Maroc en particulier, dont l'effet est de perpétuer
des traités caducs, d'autre part une théorie sur la coutume égale-
ment spécialeaux pays musulmans, de portée comparable puisque
dans les deux cas les Etats-Unis parlent a d'incorporation perma-

nente n de règles juridiques.
La France ne croit pas possible de préconiserl'inégalitédes États
comme règle de droit positif contemporain. Il peut y avoir des
différencesde civilisation entre les États, mais il existe une égalité
juridique entre eux, ui s'oppose à la reconnaissance d'un droit
des étrangerscontre 13 tat musulman, en dehors de règles formelle-
ment acceptées. Les traités caducs restent caducs, mêmes'il s'agit
d'un État musulman. La clausc de la nation la plus favorisée n'a
pas la vertu de les faire revivre,m&medans un État musulman.
La coutume est la reconnaissance d'un bien commun rendant
utiles certaines obligations juridiques reconnues comme telles par
les parties et non pas seulement par un État qui l'invoque contre
un État musulman. a Le droit international et la justice sont
fondéssurle principe de l'égalitéentre les Étatn(Courpermanente
d'Arbitrage, Norvège contre États-Unis, p. 151) ; aucune règle
de droit n'établit d'exception à l'encontre du monde islamique,

et le droit international esa tel qu'il est en vigueur entre toutes
les nations faisant partie de la communauté internationale n
(affaire duLotus, A IO,pp. 16-17). Le Maroc ne peut pas êtreexclu
R Prio~ide la sphère d'application du droit international. Ainsi le
différendactuel prend sa place dans la suite des affairesinterna-
tionales portant sur l'interprétation des limitations de la souve-
raineté. Le Gouvernement de la République française constate
ue la souveraineté du Maroc est limitée, en ce qui concerne les
1 tats-Unis, par certaines dispositions conventionnelles qu'il faut
respecter, mais il ne peut accepter la thèse d'un statut de person-
nalité des lois qui aurait, en tant que règle de droit, une valeur
supérieure au principe de 1a.compétencede l'État territorial.«La
limitation primordiale qu'impose le droit international à l'État
est celle d'exclure, sauf l'existence d'une règle permissive contraire,

tout exercice de sa puissance sur le temtoire d'un autre Etat n
(affaireduLotus, A IO,p. 18). Il ne suffit pas de dire que la person-
nalité des lois permet cet exercice de l'autorité du Gouvernement
des États-Unis au Maroc, car cela n'est qu'une pétition de principe.
Ou est la règle permissive ?
Le Gouvernement de la République française a exposéses vues
surla thèse présentéedans le contre-mémoiresur l'effetd'incorpora- &PLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 II52) 69
tion permanente réalisépar la clause de la nation la plus favorisée;
il serait extraordinaire que cet effet s'applique précisémentau
Maroc, qui est tenu d'assurer la liberté et l'égalitééconomiques
aux États signataires de l'Acte d'Algésiras,car la thèse des États-

Unis aboutit à conserver de façon permanente des avantages que
les États-unis déclarent étrele corollaire de la libertééconomique,
notamment i'immunité fiscale. Ainsi les États-unis mettent-ils le
hfaroc dans l'obligation de choisir entre la renonciation permanente
à son droit de régler ses finances et la discrimination injustifiée
entre les États-Unis et les autres Puissances.
Enfin, la coutume, telle que l'interprètent les États-Unis, consti-
tuerait une source d'abus regrettables. Il ne suffit pas d'invoquer
l'existence d'une pratique. d'ailleurs indéterminée, pour qu'une
rbgle de droit coutumier s'impose aux parties à un différend qui
porte, comme le différend actuel, sur l'étendue de la compétence

temtoriale d'un État. La doctrine est unanime à déclarer que les
règles d'origine coutumière peuvent disparaître ou se modifier par
la formation d'une coutume générale nouvelle.M&mesi les États-
Unis avaient établi, ce qu'ils n'ont pu faire, qu'une coutumeexistait
au Maroc, liant cet État par obligation légaleet reconnue de respec-
ter les droitc capitulairesIIdes États-Unis, il suffirait de constater
que la conscience collective du caractère obligatoire de cette cou-
tume » a cessédepuis longtemps. Tous les États intéressésau pro-
blème du statut des étrangers au Maroc ont accepté une règle de
droit nouvelle, ils ont manifesté la volonté de créer une règle de

droit international se substituant au régime descapitulations. En
vérité, noussommes en présenced'un statut juridique qui a reçu
dans le tem s diverses solutions, toujours inspirées de l'intérêt
généraldes l!tats, et la thèse des États-Unis consiste à maintenir
en faveur d'un État une solution ancienne, abandonnée par tous
les autres États et remplacéepar une solution différente.Il ne s'agit
pas de savoir si une règlespécialede droit international peut déroger
à une règlegénérale,car les États-Unis ne peuvent pas invoquer de
règle spécialeentre le Maroc et les États-Unis et, bien au contraire,
toute leur thèse consiste à revendiquer une règle générale, telle que
les autres États en ont bénéficié autrefois et devenue caduque pour

ceux-ci. La question poséeest donc celle du maintien perpétuel par
un État d'une règle de droit qu'il n'a pas la possibilitéd'invoquer
comme obligation spéciale, mais qu'il invoque comme un régime
généraldont il est seul ?ivouloir demander l'application. Ni sur le
plan de la clause de la nation la plus favorisée<:rsiur le plan de la
coutume, le Gouvernement des États-Unis ne peut trouver de règle
juridique valable justifiant la perpétuité d'un ancien régimed'in-
térétgénéralqui, de toute évidence,a perdu ce caractère, et dont
ce gouvernement ne peut plus demander les avantages par aucune
technique juridique reconnue.
La réponse setrouve, de l'avis du Gouvernement de la République

française, dans les règles de droit international sur le conflit des RÉPLIQUE DU GOUVERNEIIRST FRASÇAIS (13II j2)
70
règles en vigueur à des époques différentes. Dans l'affaire de l'île
de Palmas, l'arbitre a déclaré :

des époques successivesdoit êtreappliqué dansun casquedétermin6
(ques,tiondu droit dit intertemporaire), il faut clistingucr entre la
création du droit en question et le maintien de ce droit. Le même
principe qui soumet un acte créateur de droits la loi en vigueur
l'époqueoù le droit naît, esige que l'existence dece droit, en d'au-
tres termes sa manifestation continue,suive les conditions requises
par l'évolutiondu droit.» (Recueil des sentencearbitrales,Nations
Unies, t.II, p. 845.)

Le Gouvernement de la République française estime donc que
les États-Unis, s'ils peuvent invoquer contre le Maroc la règle spé-
ciale qu'ils tiennent du Traité de 1836, ne peuvent plus opposer au
Maroc la règle générale queconstituait lerégimedejuridiction consu-
laire définipar des traités avec des Ctats tiers, aujourd'hui caducs,
et remplacé par un régime juridique nouveau, universellement
reconnu par les États qui ont abandonné le régimerevendiqué par
les seuls États-Unis, alors que les Etats-Unis n'avaient jamais
bénéficié de ce régime directement mais seulement par l'effet de la
clause de la nation la plus favorisée.

III) Non seulement les États-Unis revendiquent, d'une manière
générale, desprivilèges extraterritoriaux, mais encore ils prétendent
avoir droit à un traitement particulier en certains domaines
4conomiques, notamment en matière d'importation et d'impôts ;
la question des valeurs en douane doit être considérée à part,
puisqu'il s'agit d'une discussion abstraite sur un article du Traité
d'Algésiras qui concerne un problème classique du droit commun
des douanes.
La thèse des États-Unis peut êtreainsi résumée.Les privilèges
revendiqués en matière d'importations et d'impositions sont
entièrement distincts de tous privilèges extraterritoriaux et sont

une application d'un principe généralde liberté et d'égalitécarac-
térisant le régime économique du Maroc. Le fondement de ces
droits est essentiellement l'Acte d'Algésiras, qui proclame les
principes d'égalitéet de liberté et constate le maintien en vigueur
des traités antérieurs et notamment du Traité de 1856, qui prévoit
l'exemption fiscale des ressortissants britanniques et prohibe, sauf
des exceptions très précises et très limitées, les interdictions
d'importer. Aucun impôt ne peut donc etre levésur les nationaux
des États-Unis, sans le consentement absolument discrétionnaire
de leur gouvernement; les autorités chérifiennes ne peuvent
procéder à aucune interdiction d'importation sauf pour les seuls
produits énumérép sar le Traité de 1856. Quant aux traités modernes

qui lient le Maroc et les États-Unis, celui portant sur le Fonds
monétaire international et celui portant sur l'aide américaine, ils
ne sont pas assez précis pour avoir modifié en quelque façon le
Traité de 1856. &PLIQUE DU GOUVERNEhIENT FRANÇAIS (13II 52) 7'

Toute étude sur les rapports juridiques entre les États-unis et
le Maroc doit prendre position sur les effets combinés d'une série
de traités qui s'échelonnent de 1836 à 1948. Dans la solution
proposée par la thèse américaine, les traités les plus anciens
l'emportent nécessairement sur les traités les plus récents; c'est
par le Traité de 1856 que les États-Unis veulent donner tout leur
sens aux principes de liberté et d'égalitééconomiques affirmés
d'une manière généralepar l'Acte d'Algésiras ; l'Acte d'AlgCsiras
ainsi interprété rétroactivement permet d'exclure le Maroc du
bénéficede l'Accord sur le Fonds monétaire de Ig4j qui, selon la
thèse américaine, a reconnu le droit d'étàblir un contrôle des
changes à tous les États, sauf au Maroc, sous prétexte du respect

de l'égalitéet de la liberté économiques. Quant au Traité d'aide
américainede 1948, il aurait pour effet d'imposer de stricts contrôles
financiers s'étendant mêmeaux importations américaines, dans
tous les États assistés,sauf au Maroc.
La thèse du.Gouvernernent de la République française est la
suivante. Elle constate que toute mesure économique setraduit
par des textes législatifs ou réglementaires qu'il faut assortir de
sanctions qu'un juge applique. Dans le présent différend, lesdroits
6conomiques ne peuvent donc pas &tredétachésa firiorides privi-
lègesextraterritoriaux, et il faut tenir compte des liens qui existent
nécessairemententre ces privilègesextraterritoriaux et les prétendus
droits économiques.
En ce qui concerne les importations, seul le Traité de 1856
contient, dans une formule qui prête à discussion, une prohibition
des interdictions d'importation avec une liste d'exceptions. Aucun
traité invoqué par les États-Unis, pas même celuide 1861' avec

l'Espagne, ne contient une formule de ce genre ; encore moins l'Acte
d'Algésiras. Le grand principe posépar l'Acte d'Algésirasest que
le hlaroc doit, pour s'ouvrir au commerce international, entre-
prendre les réformes qui feront de lui un État moderne ;la règle
solennelle de la liberté et de l'égalité detraitement préciseque ce
but doit êtreatteint sans réaliser de discriminations, sans recourir
à des mesures qui tendraient à donner une situation privilégiée
à certains gtats, sans recourir à des prohibitions vexatoires qui
créeraient une inégalitédans la concurrence internationale, Mais
l'Acte d'Algésiras, fondésur le respect de la souveraineté chhi-
fienne, n'a pas eu pour objet de priver l'État marocain du droit
et du devoir d'assurer l'ordre public. Cette règle, déjàvalable pour
interpréter le Traité de 1856, est solennellement soulignéepar le
programme de réformes dont l'Acte d'Algésirasa entendu com-
mencer la mise en Œuvre. Ces réformes pour défendre la santé,
la moralité publique, la sécurité,le respect de la propriété litté-
raire et industrielle, ont dû prévoir de nombreuses prohibitions

d'importation, établies par des mesures intérieures ou des conven-
tions internationales auxquelles l'État chérifien a souscrit. Le
contrôle des changes n'est qu'une mesure destinée à sauvegnrder. I<~PI.IQUE1)U GOUVIEI:SE>II:ST FKhXphlS(13 II j2)
7'
l'ordre public du Maroc, à éviter ces atroubles fondanientaiix et
persistants ilque la pénurieabandonnée à elle-mêmefait naître en
mêmetenips dans les systèmeséconomiqiieset politiques. Les actes
internationaiis de l'après-guerreauxquels le Iflarocet les États-unis
sont parties ont reconnu la légitimitédu contrôle des changes en
mêmetemps qu'ils s'efforçaient d'&carter les causes qui sont à
l'origine de sa nécessité. C'estpourquoi le contràle des changes
est légitime, dans la mesiire mêmedu degré de pénurie auquel

il doit faire face.
Quant aux privilèges fiscaux que réclament les États-Unis, le
Gouvernement de la République ne peut concevoir comment ils
constituent des droits économiques ou des conséquences de la
libertéet de l'égalité detraitement ;en revanche, il soutient que le
fait de ne pas percevoir d'impôts siir les &rangers trouve sa source
dans les pfivilègesextraterritoriauxque lesétrangersont pu possfder
dans un Etat primitif oh la juridiction consulaire étrangèreécartait
l'application des rares impàts à caractère religieux. Les seuls textes
qui ont étahli une immunité fiscale, le Traité général de1856 et le
Traité de 1861, sont aujourd'hui abrogés. Aucun acte plus recent
ne contient le principe d'une immiinité fiscale. En établissant des
impàts à caractère non religieux, traduction de sa souveraineté

territoriale, l'État chérifien lesa appliqués aux étrangers suivant
les principes généraux du droit ; In Convention de Madrid de 1880
a incidemment reconnii cette application en mêmetemps qu'elle
créait uiic véritable immunité fiscale de caractère diplomatique
pour une catégorie limitée de protégés L.'Acte d'Mgésiras,en m@me
temps' qu'il affirmait la nécessitédes réformes, obligeait le Sultan
à créerde iioiiveaux impàts et écartait les difficultésqui auraient
pli naître de l'exercice de certains privilèges extraterritoriaux.
L'abrogation cles privilèges capitiilaires britanniques devait sup
primer Ics difficultéspratiques de sanction qui pouvaient g@nerles
autorités chérifiennesdans l'exercice de la souveraineté territoriale
du Rlaroc en matière fiscale.
La seule règle qui subsiste donc en matière fiscale est le respect
du grand principe de l'égalitéde traitement posépar l'Acte d'Algé-

siras.
* * *

CONCLUSIONS

Le Goiiveriiement de la République française maintient, sous
réserve d'observations ct conclusioris ultérieures. les conclusions
déposéesdans sa requête introductive d'instance et reprises dans
son mémoiredu mars 19j1, .
En réponseaux demandes reconventionnelles contenues dans le
contre-mémoiredu Gouvernement des États-Unis, le Gouvernement
de la République française demande à la Coiir de dire et juger: K~PLIQUE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (13 1152) 73

Que l'articl95 de l'Acte d'Algésiras définitla valeur en douane
comme la valeur de la marchandise au moment et au lieu oùle est
présentéepour les opérations de dédouanement;
Qu'aucun traité n'a conféréaux États-Unis une immunitb fiscale

pour leurs ressortissants au Maroc, ni directement, ni par le jeu de
la clause de la nation la plus favor;sée
Que les lois et règlements en matière fiscale mis en vigueur dans
l'Empire chérifien sont applicables aux ressortissants des États-
Unis sans que l'accord préalable du Gouvemement des États-Unis
soit nbcessair;

Que les taxes de consommation établies par le dahir du 28 fbvrier
1948 ont donc étélegalement perçues sur Ics ressortissants des
États-Unis et qu'il n'y a pas lieremboursement.

L'Agent du Gouvemcment de la
République française,

(Signé A)ND& GROS.
L'Agent adjoint du Gouvemement

de la République française,
(Signé P)AUL REUTER. LISTE DES ANNEXES
-

Annexe 1. Rapport de M. Shishkin (Chief Lahor Division, Officeof
Special Representative, E.C.A., Paris) devant i,Commis-
sion des Affaires étrangeres du Congrésdes Etats-Unis,
mars 1950 (traduction en français d'un passage extrait
d'un volume en anglais dépos8au Greffe ; Kèglementde la
Cour, article 43, paragraphe 1).
Annexe II. Déposition de M. Willard L. Thorp, secrétaire d'Etat
adjoint aux Maires économiques, du 4 octobre 1949
(traduction en français; original en anglais déposéau
Greffe).

II. - ANNEXES A L'EXPOS~ DE DROIT

Annexe III. 1948(traduction en français :noriginal en anglais déposéau
Greffe).

Annexe IV. Lettre de hl.Hoffman, administrateur E. C.A., à M.Rodes
(extrait du volume intitulé Hearingbeforethe Commiltee
on Appropriations, UnitedStatesSenate, 1950, déposéen
original au Greffe).
Annexe V. Arrêtde la Cour de cassation du 22décembre1913.

Annexe 1'1. Article à la Gazettedes Tribunauxdu Maroc.25 octobre
1948 (original déposéau Greffe).
Annexe VII. Discours prononcé lors dela rentrée de la Cour d'appel de
Rabat, le 3 octobre 193z.(non reproduit ;original déposé
au Greffe). ANNEXES

Anneze 1
Jlarch ~gjo.
TO AMEND E.C.4. ACT OF 1948 AS AMENDED:

1'.346
[Traduclion]
EXTRAIT IIU RAPPORT DE M. SHISHKIN DEVANT LE CONGRÈS

rLe Gouvernement francais. aeissant au nom de la zone francaise du
Maroc et des autres territdires lesquels il a assumé desrésponsa-
bilités internationales, esconvenu, tom de la signature de l'accord
bilatéral avec les États-Unis concernant laoooérdion économiaue ....
de prendre :
«Toutes les mesures financières et monétaires nécessaireà la stabili-
sation de samonilaie, d'établirou de maintenir un taux de change légal,
d'équilibrer son budget gouvernemental aussitat que cela paraîtrait
possible, et d'une façon générale derétablir ou de maintenir la confiance
en son systémemonétaire. n

temporaire des contrales relatifs aux importations établis par le décret
marocain du 30 décembre1948, puisque des contr6lesde cet ordre étaient
conformesaux engagementspris par la Franceen exécutiondu programme

de Ce gouvernement reconnaissait néanmoins que les ressortissants
américains au Maroc avaient en mêmetemps de légitimes sujets de
plainte àl'encontre des administrateurs du Protectorat français ...Ce
problème fit donc l'objet de discussions entre autorités {françaiseset
américaines.
Dans une note du Gouvernement américain au résident général,en
date du 31 décembre 1949. donnant l'assentiment temporaire des Etats-
Unis à l'application des règlements relatifs l'importation, le gouverne-
ment déclarait :

« Mon Gouvernement considère cesréglements relatifs à l'importation
comme résultaiit des conditions économiaues excentionnelles existant
actiiellement nu 3l:~ror.et son assentimeki~'a~~~lic~tiodc ces mesures
aux ressortissants nm~~ricniriest suscr~>til>d'ctre retire souspréavis
de trente jours.»

Annexe II

DÉPOSITION DE M. WILLARD L. THORP
[Traduction]
(OPPOSITION TENDANT A ANNULER UNE SOMMATION RÉSULTANT D'UX
JUGEMENT INTERLOCUTOIRE)

M. Willard L. Thorp, ayant prêté serment,déclare : ANNEXES A LA RÉPLIQUEFRANÇAISE (No II)
76
I
Je suis le sous-secrétaire d'ctat cliargédes amaires économiques. Je
suis responsable. sous l'autoritédu secrétaire(I'ttat. du développement
de la politique bconomique étrangPre à laquelle se trouve étroitemcnt
lie le présenilitige. -

2
II est essentiAlla comprkheiision des qiicstions devant cette Cour de
donner un bref aperqu des relations des ttnts-Unis avec le hlaroc. Le
%larocest uii État souverain sous l'autoritéd'un sultan. En exécutiondu
Traité du Protectorat de Fez, signéle 30 mars 1912, de la Convention
conclue entre la France et l'Espagne le 27 novembre ~grz, et de la
Convention relative à l'organisation du statut de Tanger du 18 décem-
bre 1923, le contrble des relations extérieures du Maroc fut accordé à la
France (2 Hackworth, Di esl of Inter~ialioflalLaw, pp. 88 ff.)Par un
échangede notes (zo octo i5re rg17), le Gouvernement des États-Unis a
officiellementreconnu le protectorat de la France au Maroc (1 16Foreign
Relations of tlie United States, pp. 800-808 :1917 Foreign a.elations of
the United States. p 1093-1096).
Il s'ensuit qu'à l'!poque actuelle les relations du Gouvernement des
États-Unis avec le Gouvernement marocain se font par l'intermédiaire
du résident général français,qui traite les affaires du Sultan avec les
représentants étrangers.
3

Le Gouvernement des États-Unis entretient des relations avec le
Maroc depuis 1787, date laquelle fut conclu le premier traité de paix
et d'amitié (8 Stat.100). Un second traité de paix et d'amitiéfut signé
en 1836 (8Stat. 484) ;ce dernier est encore en vigueur. Les États-Unis
sont égalementpartie aux conventions multilatérales relatives au Maroc
conclues en 1880 (Convention de Madrid, 22 Stat. 817). et 1906 (Acte
gknérald'Algésiras, 34Stat. 2905).
4

A la suite de l'octroi nar le Sultan du hlarocàdes ressortissants am&
ricains de certains droiÎs extratcrritoriau.\en rxPcution cliiTraité de
1836, le Gouverncmcnt du Protectorat a toujours suivi l'usage qui
consistait àaviser IcGouvernement des Etnts-Cnis des dbcrets nouveaux
américains.et autres individus jouissaiit de privilhgeset protections sem-
.
blaConformémentc).à cette ligne de conduite, une coutume veut que des
décrets de cet ordre soient consid&r&scomme étant inapplicables aux
ressortissants américains à moins nue le Gouvernement des États-unis
ait préalablement accordéson assentiment h l'application (leces dbcrcts.
En 1939. le G~u\~ernemïnt du 5 I'rotectorat publia certains décrets
eiizeant des licences sur les im~ortations de marcliandises de l'étra-ger.
~e<décrets se trouvent en &xe sous la mention = Production A B.

6

Peu de problèmes concernant l'administration des règlements relatifs
aux licences d'importation devaient surgir pendant la guerre. ANNEXES A LA RÉPLIQUEPRANÇAISE (No II) 77

La gllcrrc terminée, un certain nombre d'Am6ricains qui ne s'étaient
pas auparavant livrés à des transactions commcrcialcs au Maroc y
Çlurent domicile en vue dc nrotiter dcs nrivili:ccs d'ordre commercial
accord& à des rrssortissants'<les fitais-U~S. l-;rn:i1948d ,ans le but
d'encourager les importations csscntiellcs ct Icrapatriement des capitaux,
le Gouvemement du Protectorat atténua certaines restrictions rëlatives
aux importations, supprimant i'obligation de la licence pour la majeure
partie des importations, y compris celles d'origine américaine, dès
l'instant où celles-ci n'exigeaient pour leur paiement aucune délivrance
officiellede devises.
Vers la fin de l'année1948, le Gouvernement du Protectorat estima
Sur la tenue du marché'des devises du Protectorat et de la ~ranEe (voir
l'aide-mémoircdc l'ambassade de Francc à Washington au département
d'ctat en datedu T ianvier1040. aui se trouve en annexe sous fa mention
a Production 13 ii).-devint apparent alors que si une grande partie des
marchandises importees au Maroc francais sans attribution de devises
était en fait vendue contre des sommes en francs, les montants de ces
ventes étaicnt illicitement virés sur le marché paralléle de Pans, ou
sur le marchélibre de Tanger, où ils SC trouvaient convertis en douars.
Ainsi, l'intention premikre du régimetendant à encourager le rapatrie-
ment de capitaux subissait un échec à peu près certain :il résultait de
là une puissante sollicitation à faire sortir illégalement le dollar des
voics du système du contrôle des changes français au détriment de la
reconstruction économiquede la France.

En conséquence.le Gouvemement du Protectorat promulgua un décret
le 30 dÇcembre 1948, abrogeant le décretde mars 1948 (voirdépêche 306
de la légation des États-Unis à Tanger. en date du 27 janvier 1949,
en annexe sous.la mcntion u Production Cal.
Aux tcrmcs dc nouvcaux réglcmciits pi;bli&s à cette mêmedate.
toutcs les imrortatiuns devaicnt Etrc soumiscs au réginicdc la licencc,
avec la stipilation supplémentaire que l'octroi de-licences pour les
importations sans attribution 05cieUe dc devises serait restreintà une
liste limitée de produits.
En janvier 1949, conformément à la Iignc de conduite généralement
suivic, Ic Gouvemcment du Protectorat demanda l'assentiment des
États-Unis à l'application aux ressortissants américains des rkglements
relatifsà l'octroi de liccnces d'imnortation.
Tandis quc le Guuverncrncnt désttats-Unis en\.isagcait de donner
son accord. Ics autorit& cliérifiennesmircnt en application les nouveaux
décrcts et détinrent en douane des marchaudiiês amartenant à des
rrssortissnnts amt?ricsins; le Çouvcmcmcnt dcs l?tat;-unis refusa dors
d'cxamincr plus avant la possibilitéd'accorder son assentiment. Aussi-
tôt oue lurcnt débloauÇcsces mnrcliaiidi~csvar les autoritéschérificniics.
des &iscussionsfurent entreprises afin de parvenirà une ententesur les
conditions dans lesquelles cet assentiment pourrait êtreaccordé, ces
discussions aboutissant à l'accord ~rovisoire des Etats-Unis leIO iuin
tions (voir la dépeche132de la légationaméricaine. endate du 14juin&-
1949, en annexe sous li mention i Production D n). Parmi les conditions poséesfigurait celle de garantiraux ressortissa~its
de nationalité américaine un traitement équitable dans l'obtention des
devises et des licences d'importation selon le nouveau règlement.
Durant les trois mois qui suivirent, les représentants du Gouvernement
des États-Unis poursuivirent de continuelles consultations avec les
autorités du Protectorat. Ces consultations n'ayant pas abouti à un
accord définitif le IO septembre 1949, l'accord provisoire fut prolongé
pour une période ne dépassant pas trente jours, afin de permettre aux
autorités de poursuivre l'étude des mesures proposées au cours des
négociations.

Pour déciderde l'attitude qu'adopteraitdanscette affaire le gouveme-
ment, à partir du 9 octobre 1949, date à laquelle prend fin l'accord en
question, le département d'État procéda à une enquête auprès des
ressortissants américains ayant des intérêtsau Maroc francais aiin de
leur permettre d'exposer leurs vues sur les mesures en préparation. Le
demandeur était présent et fut entendu à cette occasion.

II

En en\isngt:ant la possibili~i.rlc cloiincrson ~s~rntimcnt, Ic C;oii\.criic-
ment des Etnts-l:nis a rccoriniiiliie les clauses <les.trticlr.ctISXI\'
du Traitéde 1836concernant leiraitement de la nation la plus favorisée
étaient et sont encore en vigueur. Toutefois, ce gouvernement a en
mêmetemps reconnu la nécessité essentielle pour leGouvernement du
Protectorat d'édicter des règlements sur les licences d'importation en
vue de protéger la situation du change français à l'étranger. Comme il
a étédémontrépar de nombreux actes du Gouvernement des Etats-
Unis au cours des récentes années, cette protection apparait à ce
gouvernement comme étant d'un intérêt majeur. Les déséquilibres
financiers de l'a~rès-auerre sont trou bien connus ~our nécessiter de
plus amples déydoppëments ; parmi de nombreux eLemplcs de mesures
prises par les Etats-Unis pour remédier à cette situatioi~, il faut citer
a l'Emprunt anglais n approuvé par un acte de Congrès du 15 juillet
1946, et les divers programmes d'aide à l'étranger autoriséspar la loi
et aboutissant au Programme de relkvement européen. La situation
particulièrement critique du change français à l'étranger, situatioii
identique pour le Protectorat marocain, est démontréepar le fait même
de la participationde la France auu Programme d'aide intérimaire prévu
par l'Acte de l'aideA l'étrangernde 1947 (22U.S.C. 1411 ;61 Stat. 934).
Le Congrèsa expresskment reconnu la nécessitéde permettre àceux
des États dont le redressement économiqueintéresseles Etats-Unis dc
prendre des mesures spéciales afinde protégerla situation de leur change
à l'étranger.Par exemple, les articles de l'Accordsur le Fondsmonétaire
international (autorisé par la loi22 U.S.C. 286; 59Stat. 152),contient
une autorisation spéciale (article XIV) visant «les restrictions sur des
paiements et transferts au cours detransactionsinternationalesactuellesi
pendant la période transitoire de l'après-guerre.
Dans divers accords de commerce bilatéraux conclus avec d'autres
États, les États-Unis ont, dans un nombre de cas, recoiinii que I'imposi-
tion de restrictions quantitativessur les importations pouvait constituer
une protection légitime dela valeur du taux de chaiige de la moniinicdecet État. (Voirà cet effetl'article X, par. 2, de l'Accordavec le Mexique
de 1942, 57 Stat. 844.) De plus. le Traité commercial du z février 1948
contient un protocole additionnel autorisant certaines discriminationst,
dans l'a~~lication des limitations de I'im~ortation (8omeCongrès.
session,s Exec. E).
Dans d'autres cas, l'application d'accords de commerce bilatéraux a
étémodifiétemporairement de façon à permettre une mesure de cet
ordre (voir échange d'aide-mémoireavec le Canada, Dept. of State B,
30 novembre 1947, p. 1053). Cet accord permet mêmedans certaines
circonstances des discriminations dans l'importation (voir les accords
avec la Suède, série destraités et autres actes de caractèreinternational,
séries1711 et 1712).
Les États-Unis et les vin@-deux autres États parties àl'Accord géné-
ral sur les t+rifs et le commerce admettent que dans certaines circons-
tances ces Etats, éprouvant des difficultés à réaliser la balance de
leurs paiements, sont justifiéà édicter desmesures discriminatoires. Le
pouvoir d'autoriser d'autres Etatsà participerà cet accord a récemment
étéoctroyépar leCongrèssans restriction (Public Law 307.81st Congress)
à la suite de débats au cours desquels les stipulations de l'accord, y
compris celles ayant trait aux discriminations (article XIV), furent
étudiéesen détail. (Finance Com. Senate, Extension of Reciprocal Trade
Agreement Act ;Hearings, Vol. z, 1250Off.)

Dans la section 1x5 b) (2)de l'Acte concernant la coopération éono-
mique de 1948 (22U.S.C. 1401; 61 Stat. 137)~il est exigéque les Etats
participant au programme de relèvement européens'engageront: «A
prendre toutes les mesures financières et monétaires nécessaires à la
stabilis~~~-n de leur monnaie.~ ~tablirou àmaintenir un taux de cliau-e
I;gal.à équilibrerleur budger goii\~crneiiiéiitalaiisitSt qiic celn ~araiira
uossible. et d'une facon rct?nt?re rétablirouà maintenir la con iance cri
ieur syst&me monéiaireyu
Le Congrès a donc reconnu clairement qu'il serait peut-être néces-
saire pour les États membres de promulguer des règlements compara-
bles & ce11.xqui furent imposéspar le Gouvernement du Protectorat en
l'espèce.
Dans ce sens le Gouvernement français, agissant spécifiquement au
nom de la zone française du Maroc et des autres temtoires pour lesquels
il a assumé des responsabilités internatiop.les, est convenu. lors de la
signature de l'accord bilatéral avec les Etats-Unis, de faire tous ses
efforts pour que soient misà exécution ces règlements,« afin de parvenir
au relèvement économiquele plus élevépar l'emploi de l'aide reçue
du Gouvernement des Etats-Unis » (voir l'Accord de coopérationécono-
mique avec la France, TIAS 1783). Par son accord conditionnel aux
règlementsrelatifs aux licencesd'importation, les États'Unis ont reconnu
que des règlements de cettenature constituaient des mesures essentielles
au Droerarnme de relèvement euro~éen.
Ên :onséquence, 1e.secrétaire &État, eu accordant l'assentiment du
promouvoir le programme de relèvëment européen,ement dans le but de80 ANNEXES A LA &PLIQUE FRANÇAISE (NOIII)

13
Sisuite est doririà13requétedu demandeur. iln'y a aucune certitude
que ccliii-ci en tirerait un bér16f. i le Gouvernement des Etats-Unis
n'est pas autorisé par cette Courà accorder son assentiment provisoire
antérieurement au IO octobre 1949 à tout règlement portant sur les
importations marocaines. il n'est pas assuré que de tels règlements ne
seront pasappliqufs en dépit de ce refus, comme ce fut déjAle casau
début de cette annfe.
La poursuite du relèvement europken est un sujet de grave préoccupa-
tion pour le Gouvernement des Etats-Unis. et l'amélioration de la
position de change de la République françaiseà l'étrangerest une partie
essentielle de cette politique.
Les divers élémentsqui concourent à la formation de la plitique des
Etats-Unis dans ce domaine sont complexes et leur équilibre délicat
doit Ctre ajusté en fonction de la situation politique du moment.
Il s'ensuit que si l'on donnait suità la requêtedu demandeur, la
liberté d'action du Gouvernement des États-unis serait sérieusement
cntravfc au dCtriment de la réalisation du but mêmede notre politique
étrangere.
1
1
Les dCclarations nui ré cèdentsont à ma connaissance exactes et.
en ce qui concerne certains faits dont je n'ai pas eu personnellemeni
connaissance, le rapport qui en a 6th prisent6 est conforme Ames infor-
mations.
(Signd)\VILLARL D. THORP,
Sccrftaire d'État adjoint.

Annexe III
[Traducliois]
EMI'LOI DES RESSOURCES
DU FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL-
EFFET DU PROGRAMME DE REL~VEMENT EUROPÉEN

La décisionsuivante du Conseil d'administration, en date du 5 avril
1948. fut communiquée à tous les membres du Fonds le 20 avril 1948 :

Bien qu'il reconnaisse qu'une règle généralen'est pas une base suffi-
sante pour la solution de tous les cas, le Fonds doit, pour l'examen des
requêtesqui lui sont adressées tendant à faire appelà ses ressources.
prendre en considération le programme de relèvement (économique)
e.uropécnspécialement quand il s'agit d'États membres qui participent
à ce programme. Celui-ciétant mis enŒuvre annuellement, les prévisions
d'utilisation des ressources qu'il offre devraient êtreétablies selon le
mêmerythme. Pendant la première année. leFonds et les Etats membres
de 1'E.R. P. deyaient adopter comme principe que les demandes d'achat
de dollars des Etats-Unis ne devraient êtreadressées au Fonds qu'à
l'occasion de cas exceptionnels et imprévisibles. Le Fonds et les États
membres participant au programme de'relevement économiquedevraient
avoir comme objectif de leur politique de maintenir pendant la période
d'application du programme Icsressources du Fonds h un niveau raison-
nable etUriemarge de sbcuritésuffisante pour qu'à la fin de cette période les États membres puissent en fait faire appel aux ressources du Fonds.
Cet objectif est conforme à l'esprit $lel'article 14, section 1,selon lequel,
pendant la périodetransitoire, les Etats membres ne deviaient pas coin-
promettre la possibilité pour le Fonds de les aider ou de porter atteinte
à la possibilitéqui leur est offerte d'en appeler au Fonds apres la période
transitoire.

LETTRE DE hl. HO12Fb1AN, ADMINISTKATEUR E. C. A.,

A hl. RODES

I.Vashiizglon,D.C., May j, 19 fy.
hfr. ROBERTE~IMETRoD~:~,

IJresidant, Americun ï'rade Associalioii o/ Morocco,
IVushington, D.C.
DEAHhfiz. RODES: This \vil1ackiiowledge your two letters <ifApril 9.

1would like to take this opportunity to review at some lengtli the various
matters which you havc raised wtli us and the Departinent of Statc
before the Foreigii .&flairsCommittee oii hfarch 14, aiid with varioos
officers of ECA.
As 1 understand your positioii it coiisists of two priiicipnl points :
(1) That a chaiige iii an import regul:rtioii recently publislied by the
Frencli protectorate authorities iii hlorocco iiivolves a violation of the
treaty riglits of Ainericans doing business in French hlorocco ;
(2) That there bas beeii discriiniiiatiori against Americari importers in
Morocco by Freiicli protectorate autliorities in the allocatioii of import
licenses for iniports îiii;riiced byECA.
The iinport regulatioiis referred to iii your first point is tlic decree of
nlarch II, 1948, wliich perinitted tlie iniportation without license of a11
goods (with the esceptioii of a limitcd list of essential coinmoi-lities)by

any importer in Frencli 3forocco who did iiot request an official alloca-
tion of foreign escliangc. Ho\i.ever, nfter several months' esperieiice with
tliis regulation it bec;imc apparent (1) tliat it w,u creatirig a strong
incentive to keep doll:irs outside the Iireiicli eschange-coiitrol system,
and (2) that it was driving up the bl:rck-market price of tlie ilollar by
increasiiig the black-m;irket demand for dollars-lieiice, that it was
doing more'harm tliaii good. Accordiiigly, the Frencli protectorate
authorities in hlorocco issued the decree of December 30, rg4S. which
reiiistituted tlie liceiise reiluirement for al1 imports. whetlier with or
without an official allocation of foreig-i eschanae- and restricted imuorts
net iiivulviiig.ire<llieit for ~\cl.;~ii;10 :iiiit i,f~~jsciiti:ilcoiiiinu(iitie5.
:\s 1~iiiderst;i~itit,11 is tl~lsc~,.~il\%tltl\v~iic~y~011:Lr%~a~iic~~ll~~~.
'l'lirici.rs ~i Lii~ti:~I;LIL>,~i~~tioi.:i~ .\I,roc..i.m (Icrcriiiiiit I I,V
series ofutreaties, cominencing with the treaty of 1836. and by custoin
and usage. Particularly relevant in the present situation arethe capitii-
latory riglits of the United States pursuant to which no law or rcgulatioii

of hlorocco may legally be applied to United States nationals and pro-
tected persons without the assent of tliis Government.
6 82 ANNEXES A I.A &PLIQUE FI<ANÇAISE (NO IV)

In 1944 the United States Government gave its temporary assent to
the application of exchange controls to United States nationals and pro-
tected pcrsons in French hforocco. The United States did not assent,
however, to speciiïc import controls. Americans were therefore able to
import more or less freely if they did not request foreigri exchange to
finance the purchase of such goods.
It has become increasingly evident that many importers in Morocco
have been ohtaining foreign exchange in the following manner :
They have imported products from the United States, sold them for
francs in French hforocco, and then directly or indirectlyconverted such
francs into dollars in the free eschange market in Tangier. There were
also indications tliat near the end of 1948. because of the abnndaiice of
dollars on the Paris black market and the publicity which had been given
to certain exchange transactions at Tangier, more and more importers
in Moroccowere buying dollars in the black market in Paris.
There are varying estimates as to the magnitude and relative economic
importance of the dollar leak arising out of transactions of this type. In
any case, a greatpart of goods imported on the basis of such transactions
are purchased by the franc economy at the black-market rather than
officialfranc-dollar rate.
The immediate issue involved is the question whether the United
States Government sliould give its assent to tlie decree of December 30,
1948. This decree will not eliminate the possibility of illegal exchange
transactions but will presumably reduce such transactions substantially
and provide a means of controlling tlieir volume. ECA has on numerous
occasionsurged the French Government, pursuant to the bilateral agree-
meiit. to take measures ta encourage the flow of foreign-exchange
earnines. ~articularlv dollars. into official channels and to assure that

in general terms. The ECA has not: as you have on several occasions
alleged, urged specific ineasures for French hlorocco. However, it is
ECA's view that the decree of December 30 is a reasonable measure
toward these objectives. \ire could not, consistently with our previous
representations to tlie French Government, take tlie position that the
French Government should leave a loophole in its exchange-control
a loss could only result in an increase in France's need for ERP aid.h

United States nationals in Morocco have a number of important legiti-
mate crievances for which effective remedies should he Sound. The
grieva&es include the inequitable administration of certain exchange-
control regulations, discriminatory valnation of imports for customs
purposes. Theapplication to Americans of laws and regulatioris to which
this Government has iiot given its assent, and a number of other pro-
blems of this character.
The Department of State is disposed to consider giving this Govern-
ment's assent to the application of this decree to Amencans after the
eoods now beina held bv the hloroccan customs are released without
penalty or storage charges, and provided that an agreement can be
ioorl<cdout which will assure that Americans receive a fair share of the ANNEXES A LA KÉPLIQUE FHANÇAISE (NO IV) 83

dollars allocated for imports, aiid of licenses without exchange if tliese
are limited.
Efforts are being made to reach agreement on tliese andother measurcs
to protect American interests in French hlorocco, and conversations are
now taking place with the appropriate French authorities. It is not
possible at this time, however, to Saywhat the outcome of these conver-
sations will be.
The decree of December 30, 1948,has been strongly opposed by certain
American importers in French Moroccowho fear that its acceptance by
the United States Government will force them out of business. The
strongest opposition to the decree has come from the American Trade
Association of Morocco, of which you are the organizer and president.
According to the information available to the Department of State,
members of the American Trade Association of Moroccogenerally have
declined to give information particnlarly regarding the volume of their
business, on which World Trade Directory Reportsmight be based. Also,
most of the members of the association refused to answer a questionnaire
sent them last year by the consulate general at Casablanca, under
instruction from the Department of Staie, for the purpose of obtaining
data for the regular annual report on American citizens, interests, aiid
investments abroad. As a result of the withholding of such information,
it is difficult to determine the preciseextent to which American interests
are represented by the association.
As concerns your second point-that there has been discrimination
aeainst American im~orters in French Morocco inthe issuance of im~ort
1i:eiises for goods fiianced by ECA-it seems quite possible that tîiere
has been discrimination of this kind. We have had an investigation macle
recentlv of the onlv instance of such discrimination which vo; ha\.e so far
broiigh; to our att;mtioii:tliat conceriiirigtire itiiporrs which wns bririly
descnbed in your Icttcr of Janunry j, it)4<).ro Senator Thoinns. iviiicli
w;isfowardeil to mc bv ~eri;itor'i'homasiiti(lerdate of1:cbriiarv 1,.I2.zo.
Two investigators f&m Our Paris mission visited ~asabianca and
went over the question of the apportionment of ECA-financed tires
among importers in Moroccoby the Groupement professionnel du Caout-
chouc. According to a summary of the investigators' findings, which 1
have just received, they were unable to find clear evidence in yoiir case
of discriminatory treatment which would jiistify representatioiis by
the ECA to the French Government. \Ve understand, however, tliat the
protectorate government is withdrawiiig or curtailiiig the allocation to
re~resentatives of French tire manufacturers of ECA-financed tire ~ ~
ikports from the United States.
The policy coucerning the decree of December 30 set forth iii this

letter was framed in conjunction with the Department of State and has
its concurrence.
Sincerely yonrs,
(Sigsed) PAULG. HOFFMAN,
Administrator.8.1 ANNEXES A ].A HÉPLIQUE FHANÇAISE (K' 1')

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 22 DÉCEAIBRE 1913

CIV. 22 DECEMHRE 1913 - ÉTKANGER

(Uraunkolilen Briket Verkaufsverein Gesellschaft C. Goflart, ès qualités)

La Braunkohlen Uriket Verkaufsverein Gesellschaft s'est pourvue eii
cassation contre l'arrèt de la Cour de Paris du 27 no\,. 1908, rapporté
D. P. 1909. 2. 216, pour violatiori de l'art. 14 c. civ., par fausse interpré-
tation de l'art.II du Traité franco-allemand du IO mai 1871, et cléfaut
d'application de l'art. ICI du Traité franco-s~iissedu 15 juin 1869 ;
ensemble violation dudit art. ICI et de l'art. 1134 c. civ., par fausse
application de l'art. 420 c. pr. civ., et de l'art. 7 de la loi dur. 1810,
pour défautde motifs et manque de hase légale,en ce quel'arrêtattaqué
a décidé quela clause du Traité du 10 mai 1871, susvisé,aux ternes de
laquelle les deux gouveroeinrnts prennent pour base de leurs relations
commerciales le régimedu traitement réciproquesur le pied de la nation
la plus favorisée, notammeiit en ce qui concerne cl'admission et le
traitement des sujets des deus nations », n'entraîne pas I'applicabilité
aux nationaux allemands de l'art. Ierdu traité franco-suisse, qui prévoit
que, dans les contestations eiitre Suisses et Français, le demandeur sera
tenu de poursuivre le défendeur devant ses juges naturels, c'est-à-dire
obligatoirenient devant le tribunal de son domicile, sous prétexte qiie
ledit art.II ne contient aucune dérogation expresse h la règlegéiiérale
de l'art. 14 c. civ., et que les conventions diplomatiques contenant des
dispositions restrictives de l'art. 14 ne s'appliquent qu'aux nationaux
des gouvernements contractants, alors, d'une part, qu'un traité, qui se

réfère à une précédente convention, participe de la mêmeforce que
celle-ci, et, d'autre part, que l'art. du Traitéde Francfort est général
et s'applique à toutes les matières qui rentrent dans ses termes, notam-
ment aux questions d'aptitude à ester en justice et aux règlesde
procédure.

ARRÊT (aprèsdélib.en la ch. du coiis.)
LA COUII ;- Sur le moyeii iiiiique du pourvoi : - Attendu que, des
qualités de l'arrêt attaqué il résulte que, suivant exploit du 18 mai
1907, la société aiionymefrançaise, dite syndicat des Briquettes Uiiioii,
a assignédevant le tribunal de commerce de la Seine, en conformité
de l'art. 14c. civ., la sociallemande, dite Braunkohlen Uriket Verkaufs-

verein, dont le siègeest i Cologne, en zoo.ooo fr. de dommages-iiitérêts.
pour inexécution d'un contrat passéentre les deux parties en vue du
dépôt et de la vente h Paris et dans les départements limitrophes des
briquettes de lignite Unioii, dont la marque apparteiiait à la société
allemande ;-Attendu que celle-cia déclinéla compétencedes tribunaux
français, en se fondant sur l'art. II du Traité de Francfort du IO mai
1871, qui garantit à l'Allemagne. en ce qui concerne les relations com-
merciales, le traitement de la nation la plus favorisée,et en invoquant,
par voie de conséquence,la Conveiition franco-suisse du 15 juin 1869,
promulguée par dGcret du 19 octobre suivant, sur la coinpétence judi-
ciaire et l'exécutiondes jugements, dont l'art. rr!rdispose, par déroga-tion à l'art.14 c. civ., que, dans les contestations cn matière personnelle
et mobilière. civile ou de commerce. qui s'élèveront. soit entre Français
et Suisses. soit entre Suisses et l'raiçais, le demaiideur sera tenu.de
poursuivre son action devant les juges naturels du défendeur ; -
Attendu qu'i bon droit l'arrêt attaqué a repoussé cette exception ; -
Attendu, en effet, que les paragraplies I et 2 de l'articleII du Traité
du IO mai 1871, ratifiépar la loi du18 du même mois,sont ainsi conçus :
n Les traités (le commerce avec les différentsÉtats de I'Allemaene avant

compris dans cetté règle les dro'its d'entrée et de s'ortie, le transit. les
formalités douanières, l'admission et le traitement des sujets des deux
nations ainsi aile de leurs aeents n :- Attendu oue ces disuositions
concernent exilusivement le; relations cornmerciaies entre la France
et I'Alleinagne, envisagées au point de vue des facultés du droit des
gens, mais ;li~'elles iië visent,-ni expressément, ni implicitement les
faciiltés de droit civil et, notamment, les règles de compétence et de
procédure :ipl~licables aux litiges que les rapports commerciaux foiit
naître eiitre les sujets des deux États ; - Attendu que la. clause de 1;i
nation la plus favorisée ne peut êtreinvoquée que si la matière du trait6
qui la stipule est indentique à celle du traité, particulièrement favorable,
dont le bénéfice est réclamé ; - Qu'en conséquence, si l'art. II du
ïraité de I'rancfort permet aux sujets allemands de se prévaloir des
stipiilatioiis(le mêmenature, les plus fa\mrables, contenues dans les

traités d'établissement ou de commerce conclus par la France avec
d'autres nations, il en est autrement pour les traités qui ont un objet
çp6cial et différent, comme la Convention franco-suisse du 15 juin 1869,
relative ii la compétence judiciaire et à l'exécution des jugements, en
matière civile et commerciale ; - Attendu que la distinction qui vient
d'êtreétablie est également reconnue en Allemagne ; que, notamment,
la dispense de caution judicali$m solvi n'y peut pas êtreréclamfe par les
étrangers en vertu de la clause de la nation la plus favorisée, mais seule-
ment en cns de réciprocitédiplomatique ou législative ;qu'en particulier
cette exemption n'y est accordée aux Français que par application de
I'art.17 de la Convention de La Haye du I; juill.1905 ,t non comme
unc coiisi.rlucnce de l'artII <luTraité de Francfort ;

I'ar ces motifs, rejette.

Du 22 déc. 1913 . Ch. civ. - hIM. Baudoin, 1C.rpr.- Falcimaigne,
rap. - >lériIlon.av. gén., c. conf.- Labbé, alr.86 ANNEXES A LA RÉPLIQUEFRANÇAISE (NO VI)

Annexe VI

REMARQUES SUR LE FONDEMENT JURIDIQUE DES
CAPITULATIONS AMÉRICAINES AU MAROC

PAR AND& DE LAUBADÈRE PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE
MONTPELLIE RIRECTEUR DES CENTRES D'ÉTUDESJURIDIQUESDU MAROC'

Nul n'ignore que les citoyens américains bénéficientau Maroc d'un
privikge exorbitant connu sous le nom de « Capitulations n.
Ce privilège consiste, on ne l'ignore pas non plus, en ce que les ressor-
tissants des Etats-Unis (ou leurs protégés) nepeuvent pas, au Maroc,
êtrepoursuivis en justice, pas plus dans une instance pénaleque civile,
devant les tribunaux locaux français ou indigènes ;ils ne peuvent l'être
que devant leur cijuridiction consulaire»,c'est-à-dire en premier ressort
le consul général desÉtats-Unis h Casablanca et en appel la Cour minis-
térielle américainede Tanger.
Ce premier avantage du régimecapitulaire, qui est un «privilège de
juridiction B. en entraîne un second, plus grave encore. qui est un
a privilege delégislationa:la juridiction consulaire amkricaine n'applique
eii effeth ces ressortissants cités devant eile que ceux des dahirs et
règlements chérifiens que le Gouvernement des Etats-Unis a déclaré
préalablement accepter.
Exorbitants, de tels privilèges le sont à la fois dans leur principe,
puisqu'ils font échapper des étrangers installés sur le sol d'un État
à la souveraineté territoriale de celui-ci, et dans leur survivance, car
les États-unis demeurent actuellement le seul pays à en bénéficierau
Maroc, toutes les autres I'uissances y ayant renoncé postérieurement
à 1912.
I'ar leurs conséquences,cesprivilégessont graves. J'entends naturelle-
ment leurs conséquencespossibles.Il ne m'appartient pas de rechercher
ici quelle est en fait l'attitude du Gouvernement des États-Unis dans
l'usage qu'il fait du régimecapitulaire ; il suffit de noter qu'il détient

grâce h lui le pouvoir de soustraire librement à la législationdu Protec-
torat ses ressortissants installés au Maroc, qu'il peu- ou qu'il pourrait
- refuser de reconnaître tel impôt, telle taxe, telle rçglementation
économique, monétaire ou autre, instituée par l'État chérifien.
En présencede servitudes aussi lourdes, le juriste est iiaturellement
porté à vérifieravec un soin particulier le titre juridique sur lequel elles
reposent ;il nous paraît utile d'y procéder ici,car ce titre, nous voudrions
tenter de le montrer, est en réalitéfort discutable.
*
* *

Le régimedes capitulations constituant pour l'État ui le supporte
une limitation de souveraineté. son contenu ne Deut %idemment se
trouver diiini qiie d:ms le ut1les traités par lesiluels~cet15131l'a consenti.
Lc contciiii des capitiilatioris marocaines doit aimi étreexclu~ivement
recliercli&<\anslcs vieux trait& coiiclusavaii1412 ~>a r'Einnirec~i~rilieii.
Notons à cet égard d'une part que, selon'les principe; de méthode
juridique unanimement reconnus, les termes d'un traité consentant

I?xtrait dla GazettedesTribrinat'x dri Maroc, no 1.0du 25 octohre1948. ASNESES A LA P&PI.IQUE 1:RANÇAISE (sO VI) S7
une diminution de souveraineté doivent être interprétés Istrictement II,
d'autre part que, le vieil Empire chérifien n'ayant jamais fait partie
des n Échelles du Levant D ni reconnu la domination turque, on ne
saurait par analogie appliquer d'office aux capitulations chérifiennes
telle ou telle règle écrite ou coutumière qui a pu se rencontrer dans
l'appareil des anciennes capitulations ottomanes. Encore une fois, c'est
dans les seuls traités chérifiensque se trouve la source des capitul at'ions
du Maroc moderne.

Cette source, en ce qui concerne les États-Unis, est le Traitéde JIeknhs
signé le16septembre 1836entrecette Puissance et l'Empereur du Maroc.
C'est essentiellement dans les articles zo et21 que s'y trouvent défiriis
les privilèges capitulaires des Américains. Ils sont ainsi conçus :
n Art. zo : Tout litige entre citoyens ou protégés desÉtats-unis
sera jugé par le consul. Si celui-ci requiert l'assistance de notre
gouvernement pour faire exécuter sa scntence, cette assistance lui
sera iminbdiatement fournie. »

« Art. 21: Si un citoyen des fitats-Unis tue ou blesse,un Maure
ou si,à l'inverse, un Maure tue ou blesse un citoyen des Etats-Unis.
l'on appliquera la loi locale et justice sera faite en présence dii
consul. Si le coupable s'évade, le coiisul ne saurait étre resporisable
pour lui eii quelque façon que ce soit. D

On le voit, les privilèges que comportent ces dispositions sont fort
anodins; ils se limitent à la compétence du consul américain pour les
litiges entreses ressortissantà,sa fiésencepour les poursuites criininelles.
Ils n'impliquent absolument pas cette iiistitution essentielle qui est la
base des véritables privilèges capitulaires, à savoir la compétence du
consul étranger pour les litiges mixtes dans lesquels un étranger est
défendeur, oii encore pour les poursuites pénales intentées contre lui;
c'està la justice locale qu'appartiennent, selon le Traité de 1836, talit
les procès entre a Maures »et Américainsque les actions pénalesintro-
duites contre ces derniers.
Comment donc expliquer que sur une base aussi mince se soit édific
un régime complet de c capitulations i?
L'explication, fort simple, exige un bref rappeld'histoirediplomatique:
Lorsque l'on étudie les multiples traités conclus par le vieil Einpire
chérifien, on s'aperçoit que dans le domaine qui nous intéresse deux
formules se sont succédé :
Jusqu'à la fin du xvirrlnc siècle tous les traités se bornent, ciice qui
concerne la juridiction des consuls étrangers, à prévoir, à I'iiistar du
traité américain que nous venons de citer, la compétence des consuls
pour les litiges eiitre leurs ressortissants.
Au coiitraire,à partir du Traité hispaiio-marocain du Icr rnai 1799,
la compétence consulaire est prévue pour les litiges mixtes lorsque
l'étrangerest défendeurau civil ou pozrrsarivun pénal.C'est en particuiicr
la clause que l'on trouve, après le traité espagnol, dans le fameux
Traitéanglo-marocain de 1Sj6. C'est, pour le régimecapitulaire. la phase
d'épanouissementou plutôt mêmed'apparition, car les privilèges miiieurs
des traités précédentsne sont pas, on l'a vu, des capitulations véritables.
Seulement - et ici apparait l'explication du plein privilège américain
-, les capitulations inscrites dans les traités de la seconde périodeont
bénéficié automatiquement i toutes les I'uissances parce que toutesétaient liéesavec le hfaroc par la fameuse clause dite de n ln jzalio~ila
alr<s favorisée». Cette clause les haussait automatiouement au niveau
;lu capitulaire le plus avantagé. C'est .2 ce titre queLlesAméricainsont
bénéficié des privilègesmajeurs de juridiction et de Iégislatiori,la clause
de la nation la nliis favoriséeétant inscrite dans l'article za du Trait6
de 1836.
Maisil est clair qu'un pareil bénéfice étant indirect était, par là-tnSmc.
frappéde précarité,c'est-à-dire liéau sort de la iiation qui le procurait.
Or, précisément à l'heure actuelle tous les Etats qui avaient diredeme111
stipulé leprivikge de juridictioii y ont renoncé,le dernier en date étant,
date, les Etats-Unis ne bénéficientplus strictement, en matière deepuis cette
capitulations, que des seuls nvaittages itiscrifs diii~sleur propre fruité,
celui de 1876.Turidiauement les rétentions cadtulaires américaiiies
devraient së liGiter à're~endi~uer'pour leurs consuls le jugement des
procès entre ressorfissants américiiiiis et leur présenceaux iioursuitcs
i~énalesdoiit ceux-ci peuvent êtrel'objet.
On ajoutera - sans y insister - que ce faible avantage pourrait être
lui-mêmeassez promptement supprimé s'il était fait usage du droit que
l'article 25du Traitéde 1836coiifèrehchacuiie des deux parties contrac-
tantes de dénoncerle traité par uii simple préavisde douze inois. Mais
il apparaît superflu de souligner le risque qu'encourrait un tel gestc
d'êtreclaçséparmi ceux auxquels les vocabulaires de la diplomatie et
du droit international public réserveiitvoloiitiers l'épithètd'ccinamical 1,.
*
* *
A I'argumeiitation que nous veiions de proposer, quelles répliques
sont susceptibles d'être opposées?Uieii que nous ii'en aperca:vions
guère de dc'cisive,il convient d'examiiier celles qui auraient le plus de
chances d'Stre utiliséespour appuyer la tlièsede la survivance juridique
des capitulations américaines :
Peut-être serait-on d'abord tenté de sout~nir que la clause de la
nation la plus favoriséeayaiit procuré aux Etats-Unis au moment où
elle a jouéun certain avantage, cet avantage demeure pour eus défini-
tivement acoui, : le régime oue nous a~~el, ,ons celui des iioleines
cn~~itul;itiu~i. a~iiit éti ilr<il:c;iciileur prufit dr,mçur~~rnitdiii;iiti\,e-
iiicnt cr,ii~olitlCiiiCnit.;ipré.;que le ric.s (lui eii a i>rovotluCIt:d;cl.iiiclie-
ment en a lui-mème pekdu 16bénéfice.
Mais,unetelle interprétation de la fameuse clause ne peut êtresérieuse-
ment soutenue ;elle en dénaturerait le sens véritable. Comme son nom
que sin bériéficiaircdn,: put pas ètred61avorisépar i&iiitc, c'&t-;t-dire
clu'ilsera toiiioiirs port4 au riiveau d'un tiers plus fa\.orisCriiaisseiilcnient
dans la mesure et Üarconséauent oour la duréeoù ce dernier ~rofiterait
cl'iiiiesituatiun plus a\,anra~be. Cette iriterprttatiùn (lelx cl;iui13 sculc
lo~iquc,a toiiji,i>rkt; accept;~ 133rceux qui erioiit fait1.1tliiiiric g6iiGrali.
(cf. I<daerroir<C: I?droirt~rlcrnurru~t.le la 1'radelli.-Sibover. \'.:i:lausc
de la nation la plus favoriséeno 88, et les auteurs qui 5 sont cités,en
particulier : Lehr. La clause de la nation la plus favoriséeet la persis-
tance de ses effets. R. D. 1. 1893, p. 313).
Une autre objection que l'on pourrait êtretenté de soulever serait
tiréed'un raisonnement par analogie. Nous voulons parler de l'analogie
à laquelle on songe à première vue avec le Traité franco-allemand de 1911 011 sat qiie cet acte capital :icoriiririiCIn rrconiiniss:iricr ariticipi,r
<IIIProtectorat fr;inq;iis ;ithlaroc, <lut.It:'l'r;~iclc \'crsaillr~ a déclaré
son si&li;it;iire.I'.Allcninjinc.(ic'cti<li.totisIcs droits qii'ilIiicuiifirair
mais que, malgré cettedéchéance. les tierces Puissances sont toujoiirs
considérées comme bénéficiairesde l'accord ou liéespar lui. N'y a-t-il
pas là un exemple de survivance à l'égarddes tiers d'uii traité dont le
signataire priricipal ne bénéficie plus ?
Mais pour deus raisons une telle analogie serait trop facilement
réfutable : il faut noter en effet d'abord que, dans le cas du Traité de
Igrr, les tierces Puissarices ne soiit pas des bknéficiairesindirects, mais
des adhérents ; car le Traité de 1911 était un IItraité ouvert o auquel
les Puissances ont espressément adhéré,ces adhésioiisétant juridique-
ment équivalentes à autant de traités particuliers conclus entre elles
et la France. Mais aussi - et mieux encore - on ajoutera que -
contrairement à ce que l'on croit parfois - le Traité de Versailles n'a
nullement abroeé l'accord de 1011 dans les relations mêmesentre la
France et l'AlGmagne mais sehement enregistré la renonciation de
cette dernière à iitous droits, titres ou privilèg-s » résultant pour elle
dudit accord.
A seule fin de ne rien laisser dans l'ombre, nous ajouterons encore
une ou deux observations sur des domaines où pourrait êtretentée de
s'égarer la controverse :
Si les États-Unis ne bénéficiaientdu régime des pleinescapitulations
que par le jeu de la clause de la nation la plus favorisée, ils sont
au contraire participants et signataires de la Coiivention de 3Iadrid
de 1880.
Nais cette importante convention qui, on le sait. a réglédans le détail
l'exercice du droit de protection au Maroc, est muette sur le contenu
mêmedu privilègecapitulaire et n'est donc pour notre problémed'aucun
secours.
Pas davantage n'apporteraient d'éléments noiiveaus les considér?tioiis
que l'a? serait tenté d'émettre sur la situation d'eiisemble des Etats-
Unis dans leurs rapports avec le Maroc. Sans doute cette situation est-
elle, en comparaison <lecelle des autres Puissaiices, quelque peu particu-
lière :les États-Unis, on le sait, n'ont pas donnéleur signature ou leur
adhésion à la totalité des actes qui définissent le statut international
du Maroc moderne : c'est ainsi que, s'ils soiit signataires de l'Acte
d'Algésiras, ilsse sont abstenus, à la différence<lesautres Puissances,
d'adhérer au Traité franco-alleinand de 1911 ; de inêmeils n'ont pas
souscrit au statut de Tanser de 1923. Par contre, ils ont - tardivement
du reste, en 1917 - reconnu le Protectorat français au Maroc. Ue
l'ensemble de ces attitudes ils tirent parfois des conséquences assez
contradictoires : si, par esemple, la reconnaissarice qu'ils ont faite du
I'rotectorat les amène à accepter l'intermédiaire diplomatique de la
France dans leurs rapports avec le Sultan, leur abstention à l'égarddu
statut de Tarieer leur a ~ermis de ii'v voirit tr;iiisformer leur léaatioii
en simple coii~ulat et <le'conserver aliiç'iseuls d;riis 1'131ii11ic rlleritien
une représentation de caractère diplomaticiue.
Ifais quoi <~u'ieln soit de ces iiiaiices. &i rie saurait rien tirer de 1A
qui ~oiis~itue,'~ouriiotrc problème, un é1'6nieiin touveau. En particulier
la seule reconnaissaiice du Protectorat français au Maroc implique
reconnaissance dc l'organisation judiciaire que la Iirance y a introduite ;
c'est-à-dire que les ressortissants américains ne pourraient êtresoustraitsà cette juridiction qu'en vertu d'un privilkge conventionnel particulier.
ce qui ramènele problèmeaux termesinitiaux dans lesquels nous l'avon?
discuté.
* * *

américaines, du moins ce que l'ou pourrait appeler les capitulationstions
majeures ou pleines capitulations, ont été,selon nous, entraînéespar la
disparition des capitulations britanniques, les avantages qu'elles compor-
taient pour les ressortissants des Etats-Unis ont continué en fait de
leur être appliqués.
Leur suppression ne peut donc sans doute êtreraisonnablement espérée
que des seules négociationsdiplomatiques. De telles négociationsavaient
déjà été entreprisesen 1939 à la suite de la suppression des capitulations
britanniques.
Sur les argumentsd'ordre logique et politique qui militent pour cette
suppression, tout a étédit et depuis longtemps. Justifiées dans les
périodes et les pays où les tribunaux locaux sont considéréspar les
Etats étrangers comme n'offrant pas de garanties suffisantesou comme
appliquant des conceptions et principes juridiques trop éloignésdu
droit commun international, elles doivent logiquement disparaître
lorsque disparaissent ces circonstances elles-mêmes. 11 en est ainsi
lorsque le pays grevé de capitulations se modernise de lui-même(cas
de la Turquie et de 1'Egypte depuis les Traités de Lausanne et de
Montreux) ;ilen est de mêmelorsque, A la suite d'untraité deprotectorat,
un Etat moderne vient précisémentinstaller sur le territoire d'un pays
à capitulations son propre appareil judiciaire et y procurer ainsi aux
étrangers la garantie d'une justice analogueà la leur. La survivance des
capitulations américaines au Maroc est donc un fait isoléet anormal.
Si l'on a maintes fois souligné cette anomalie, on n'a peut-être pas
assez fait observer que dans le cas particulier du Maroc elle constitue
par certainsasoects unevéritable absurdité: on sait en effet Que.en vertu
;le l'Acte d'Al$sirz. Ic régimejuridique dii Maroc est <lo'mi~iy~:ir Ic
principe de la rigoureuse egnlitédi- tous les Ptars étrniigireiitre cette
tintiI:icontradiction cst :!.ident; en terincs plus conkets, ~''su~i~>oscrrbi-
que Ir Goii\~criienicntdcs Et;iti-Unis se rcfi3sscccptcr telle rCglemcii-
tation économique édictéepar les autorités chér'ifiennes, comment
refuser à d'autres Puissances invoquant l'égalité économiqud e'obtenir
un traitement semblable? mais comment le faire par ailleurs sans
ressusciter du même couppour tous ceux qui y avaient renoncé le
privilègecapitulairede législation?Enserrédans le réseauétonnamment
complexe des diverses conventions qui l'ont formé au cours des
siècles, le statut international du hlaroc ne peut, sauf absurdité, être
qu'indivisible.
Tout concourt ainsi àrendre à la fois logique et nécessairela dispari-
tion d'une servitude qui, depuis déjà 1912. a perdu toute justification
politique alors que ses bases juridiques - nous souhaitons du moins
l'avoir établi- sont en définitive des plus douteuses.

ANDR~ DE LAUBADÈRE,
Professeur à la Faculté de droit
de Moiitpellier, Directeur des
Centres d'Études juridiques
du Maroc. Annexe VII

DISCOURS PRONONCÉ LORS DE LA RENTRÉE DE LA COUR

D'APPEL DE RABAT LE 3 OCTOBRE 1932
[Non reprodui; original dépoau Greffe.]

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Réplique soumise par le Gouvernement de la République française

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