Duplique présenté au nom du Gouvernement de la République du Pérou

Document Number
8905
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Incidental Proceedings
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4. - DUPLIQUE PRÉSENTÉE AU NOM DU

GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU PÉROU

Le Gouvernement de la République du Pérou présente cette

Duplique à la Cour internationale de Justice conformément à
l'article 41, alinéaz, du Règlement, et dans le délaifixépar l'ordon-
nance du 9 mai 1950.
La présente Duplique a pour objet de maintenir la position
juridique du Gouvernement du Pérou vis-à-vis de la requête
colombienne au sujet de l'asile accord6 à Victor Raul Haya de la
Torre, et de réfuter les arguments développésdans la Réplique.

' 1. - DE ~.4 COAIPÉTENCE

Le Gouvernement de la Colombie reconnait que la compétence
de la Cour n'a étécontestée par aucun des deux Gouvernements,
inais il allègueque celui du Pérou nefait pas mention, à ce propos,
du Protocole d'amitiéet de coopération signé eritre ces deux pays,
le 24 mai 1934, à Rio-de-Janeiro, alors que le Gouvernement

colombien y fait référencen leconsidérantcomme la base principale
de la compétence de la Cour.
De notre cdté, nous devons rappeler que nous avons fondé la
juridiction de la Cour sur le Procès-verbal (Acte) de Lima signé,
le 31août 1949, par les plénipotentiaires des deux Gouvernements,
ainsi que sur les articles 36, alin1, et 40 du Statut de la Cour,
et sur l'article32 de son Règlement. A la suite de l'affirmation
faite, aussi bien dans la requêteque dans le Mémoire,que le Procès-
verbal (Acte) de Lima a seulement fixé certains aspects de la
procédure, nous avons soutenu, et soutenons, que ledit acte fonde
la compétence mème de la Cour en mettant fin au débat
diplomatique, et en enregistrant l'accord des deux Gouvernements

de soumettre le différenà sa décision. Decette manière,on restitue
au document en question, en raison de ses origines, l'importance
et le sens qui lui correspondent dans ce procès.

II. - KEFUTATION JURIDIQUE DE ~.4 DEMANDE COLO.\IBIENNE

Du point de vue juridique, la Réplique du Gouvernement de
Colombie ne contient aucun argument de nature à ébranlerla thèse
établie par le Contre-Némoire pé~vien. Elle lui apporte même
parfois, pensons-nous, des consécrations involontaires. Auparavant, nous sommes contraints de dénoncerun procédéde

polémiquequi ne peut évidemment faire illusion à la haute juridic-
tion de la Cour, mais que nous ne pouvons cependant passer sous
silence. C'est le procédéqui consiste à faire dire à l'adversaire ce
qu'il n'a pas dit et parfois le contraire de ce qu'il a dit. Le recours
à ce procédén'est pas exceptionnel: il se répète troisfois, au moins1,
dans la Réplique.-
En premier lieu (Répl.,p. 323, par. 16), on cherche à nous faire
dire aue nous avons réfuté lathèse dc deiix auteurs (hllll. Gu~geri-

heimAet Kopelmanis) en matière de coutume, parce que ceux-ci
admettraient le droit de qualification irréfragable en matière d'asile.
Or, ces deux auteurs ne se sont occupés à anciin moment du droit
d'asile, dans les passages d'eux qui sont cités. Le Contre-Mémoire
péruvien se borne à combattre leur thèse d'après laquelle la répéti-
tion des comportements suffit à prouver la coutiime sans qu'il
soit besoin de démontrer l'opinio iziris. En outre, après avoir
déclaréque ces deux juristes ii'avaient aucun titre à défendre
les conclusions de la Colombie (ce à quoi ils n'ont jamais prétendu),

la Réplique n'hésitepas, à la page suivante (p. 325, no 19). à citer
largement l'un d'eux.
En second lieu, on essaie de nous faire dire que nous avons
mis en doute l'existence d'un droit international américain (Répl.,
p. 330, no 25). Ce serait une attitude bien étrange de la part d'un
gouvernement américain qui a pris, à la formation de ce même
droit américain, une part équivalente à celle de n'importe quel
autre. Le Contre-Mémoire péruvien (p. 124) dit exactement le

contraire. Il base son argumentation sur le postulat de l'existence
de ce droit américain en soutenant que parmi les normes coutu-
mières spécifiquement américainesil n'y en a pas qui fondent
juridiquement l'asile (v. pp. 124 et 12j). On lira également (p. 125,
ligne 21) : 1sur ce point, le droit américainne diffèrepas, du moins
dans ses fondements, du droit international général 1)L'on affirme
égalementà plusieurs reprises que la noii-intervention est une norme
spécifiquement américaine.

.La Coursera juge de cette déformationde la pensée del'adversaire
et n'aura pas de peine à en discerner les motifs.
En troisième lieu, on prétend-nous faire dire que nous avons
soutenu la nullité de l'article 18 de l'Accord bolivarien (Répl.,
p. 338, no 38 in fine, p. 340, no40. lignes 19et 28), comme s'ilétait
possible de soutenir qu'un article d'un traité ratifii: et en vigueur
soit nul alors qu'il a étépassépar les autorités compétentes. Nous
avons simplement dit que (1la portéede cet article est nuile» dans

le litige actuellement pendant, ce que nous continuons à soutenir.

Cf. egalement les deformations detexte signaleesdans la Partie III
ci-dessous, p4x7. Nous n'avons souligné ce procédé de polémiqueque parce qu'il
dénote une thèse aux abois et qu'il faüait bien retourner à son

auteur cette phrase de la Réplique (p. 323, no 16) : ILLe moins
que l'on puisse exiger dans un débat judiciaire de cet ordre est
la présentation exacte et non tendancieuse des thèses que l'on dit
êtrecelles de l'adversaire. >,

Nous avons hâte maintenant de revenir au fond du litige.
En ce qiii concerne le rôle de la coutume, nous n'aurons guère
à insister. La Réplique colombienne contredit l'assertion d'après

laquelle la codification abroge la coutume en rappelant que celle-ci
peut agir sur le droit écrit. On ne nie en aucune façon que les
diverses sources de droit puissent agir et réagir'les unes sur les

autres, et puisque la Répliquefait appel à l'autorité du professeur
Georges Scelle, nous reconnaissons bien volontiers qu'il y a là une
de ses thèses favorites, à savoir que la coutume peut modifier le
droit écrit,mêmeconstitutionnel, et que la coutume négative peut

aboutir à la désuétude d'uneloi1. Nous maintenons également ce
que nous avons dit de l'interprétation de l'arrêtdu Lotus. car ce
n'est pas une raison parce que l'arrêtn'a étérendu qu'à une majorité

de justesse pour que ce ne soit pas un élémentde la jurisprudence
dc la Cour.
Cecidit, il nous parait indiscutablequ'une codification a toujours
pour résultat d'abolir le droit positif préexistant, coutumier ou

écrit, peu importe, sauf lorsqu'elle en mentionne explicitement le

1 Cf. Scelle, Droit iniemaliotinl piiblic.3me édit., p.567 : a Ajoutons que des
abstentions aussi bien que des actes positifs peuvent constituer une coutume.
car elles impliquent la reconnaissance d'une règle prohibitive. La C. P. J. 1.i'a
reconnu dans son Arrét no g relatif au Lotrrs et la technique juridique le corn-
mande. Ce qu'on appelle la désuitude de la loi n'est rien d'autre qu'une abrogation
<le la règlc législative par une abstention couturniere ripétée et basCe sur un
concensu s g6nCral.
siNous considérons, en cflet, que toutes les règles de droit sont en principe
de meme valeur obligatoire et peuvent s'abroger les unes les autres selon la regle
lez posterior derofal prioriC.ela cst vrai surtout dans un ordre juridique où la
coutume reste prédominante.
r Ajoutons que la coutume ne cesse jamais d'stre agissante dsnçla formation
du droit positif. Mème là où la loi domine, en effet. ici où l'ordre juridique est
cdifi4. il se développe un fond dc droit coutumier qui lecalfate et le complètS.etc.
Cette 0pinion.d~ professeur Scelle nousparait correspondre à celle que Son
Excellence le juge :Alvarez a exprimée lors de sonimportant ouvrageLn Codi-
ficotioii du Droit i>rlsrnational (I'edone,1912). On y lit. pp. 143et suivantes:
.La coutume n'est pas immuable, elle peut évoluer ou disparai tre.. E.le doit
prendre finchaque fais que les circonstancqe ui lui ont donné naisance ont
changé ....La conscience et le bon sens indiquent alors aux gtatç qu'ils n'ont
plus à la suivre. piiiyu'iin'y a par de législateurpour prononcer son abrogation. D
Ici l'auteur admet implicitement quo la convention'abroge la coutume. II
ajoute. d'ailleurs: cA cause <lu caractère toujours plus mobile et complexe de

la vie moderne, les coutumes tendent à disparaitre; elles n'ont plus le temps
de s'établir elsont remplacéespar des règlesconvenlionnelles. u400 DUPLIQUE IIU GOUVERNERIENT PÉRUVIIIN (1j VI 50)

maintien. II est bien vrai que la coutume peut réagirztltérieurement
sur le droit positif, mais il faut en ce cas prouver l'existence d'une
nouvelle coutume postérieure à la codification. En l'espèce soumise
à la Cour, il faudrait démontrer l'existence d'une noiivelle coutume
postérieure au Traité de 1928 et l'ayant complétéou contredit, ce

qui serait encore beaucoup plus difficileque de démontrer l'existence
d'une coutume américaineantérieure fondant l'asile en droit positif
américain '.
Nous constatons, en effet, que le long exposé de la Réplique
(pp. 357-372) qui s'efforce de prouver l'existence d'une coutume
américaine de l'asile interne constitue en réalité un argument

à l'encontre. Il en résulte effectivement que la npratique » qui
y est minutieusement décriteprouve par sa diversité,non seulement
entre la politique des États, mais entre les politiques successives
des mêmesÉtats, qu'elle manque complètement de ce caractère
de concordance, de constance et d'acceptation du droit qui prouve

la coutume. C'est pourquoi il peut finalement sembler vain, tant
pour le Pérou lui-mêmeque pour la Colombie, de rappeler à son
adversaire qu'il a pu à tel ou tel moment adopter des attitudes
contradictoires. C'est précisémentparce qu'il n'y a pas de coutume
(acceptée comme étant de droit I),qu'il peut en ktre ainsi %. La
Réplique colombienne fournit assez curieusement sur ce point

un argument purement rédactioniiel, mais inattendu. Elle met
systématiquement entre guillemets et en italique, après le mot
itcoutume n,le mot I(ziso1,.En espagnol, comme en français, l'z1so
est l'usage et non la coutume (costzimbre). Mais il nous parait
oiseux d'insister sur ce détail et, peut-être, de susciter à nouveau

un recours au dictionnaire, toujouk si complaisant dans ses accep-
tions ~luralistes. L'usage-ne crée oas d. ~ ~it. Le fondement de
l'asileist d'ordre moral et humanitaires. Il n'existe pas de coutume,
ni générale,ni américaine,en matière d'asile. C'estàcesconstatations
qu'il faut toujours en revenir.
Nous ne voulons pas reprendre sur ce point une interminable

controverse ;nous noterons seulement que si l'asile avait eu pour
origine et pour fondement une règle de droit, il serait impossible
d'expliquer la conduite de certains gouvernements qui, à plusieurs

1 II est piquant de voir citer ici (Rhpl., p. 328) Portalis. I'iiminent conseiller
d'État, rédacteurdu Code h'apoléon.qui eiit 6th bien étonné sion lui avait prédit
que son témoignage serait invoqué quelque jour pour soutenir que le code n'avait
pasabrogé les coutumes.
Nous nous permettons de renvoyer sur ce point à notre IIIme Partie:
iObservations concernant la .rati-ue colombienne en matiere d'asile",... .16.
in fine, ess.
Bluntschli (Droit codifrd, a151let1200) etaux7 nombreux auteurs qu'il cite et
qui refusent B l'asile toute base juridique. Rappelons aussi que Calvo (vol. III.
p. 370) et Nervo (Droit diplaaligtre,vol. 1. p.207) n'attribuent egalement à
l'asile aucunautre fondement que l'humanité.Voir aussi l'articF.hlorgenstern,
dans le British Year Book de rg48, p. 247. La Répliquecolombienne( p. 353)
méconnait. bien à tort. la valeur de cet article trés précisémentdocumenté. DUPLIQUE DU GOUVERSE>IEST P~RUVIEN (~j VI jo)
401
reprises, décidèrent de révoquer z~nilatéralemen st r leur territoire
la pratique de l'asile diplomatique.
C'est ainsi que le Gouvernement du Pérou manifesta l'intention
de mettre fin à l'asile en 1867. Le représentant du Brésil ayant
réclamésur ce point l'accord des membres du corps diplomatique,

tous les États représentés à Lima acceptèrent la notification.
(V. Moore, Digest, II, p. 836.) Le Paraguay fit de mêmeen 1868
et en 1885 ; c'est le Gouvernement colombieii.qui fit savoir aux
représentants étrangers qu'il envisageait la question de savoir
s'il pourrait encore tolérerl'asile à l'avenir (Moore,op. cd., p. SOI).
Nous en conclurons que s'il n'y avait pas le Traité de 1928 qui
crée pour le Pérou une obligation conventionnelle vis-à-vis de ses
cosignataires, il n'existerait pas pour lui de règlede droit l'obligeant
à accepter la pratique de l'asile et qu'il n'y est tenu que dans les

strictes limites de ce traité.

* * *
Si maintenant nous en venons à l'interprétation des traités
en vigueur, il nous paraît inutile de chercher à suivre la Réplique
dans la discussion des a principes abstraits 11sur lesquels s'appuie
sa dissertation. On y trouve reproduites « abstraitement 11 les

opinions d'éminents auteurs qui font autorité. Mais le problème
est de savoir si l'adaptation de ces opinions à l'interprétation
« concrète » des textes qui sont en discussion devant la Cour
présente un caractère d'utilité ou mêmede vraisemblance. Prenons
simplement ces textes tels qu'ils se présentent.
Et d'abord l'article 18 de l'Accord bolivarien '.
On nous dit que la phrase :a Les États signataires reconnaissent
l'institution de l'asile, conformement aux principes du droit inter-
national )>signifie que l'asile est fondéen droit international à la
fois sur la coutume et les conventions. Nous répétons qu'iln'est

pas douteuxqu'il y ait uneinstitution de I'asile,mais que lesprincipes
de droit international qui la fondent sont les suivants : il n'y a pas
de coutume au sens juridique du mot, et le fondement de l'institu-
tion est une intervention d'humanité. Cette interprétation de
l'article 18, qui se fonde sur une analyse approfondie de «l'institu-
tion n comme telle, vaut bien, pensons-nous, une interprétatioii
purement littérale basée uniquement sur l'imprécisiondes termes
<(principes du droit international r.Ces termes n'avaient pas, dans
cet article, le sens qu'ils ont acquis dans l'article 38 du Statut de

la Cour.
* * *
Venons-en maintenant à l'interprétation de la Convention de
La Havane et de son article 2, dont la Réplique colombienne
--
L'Accord bolivarien de Caracas18juillet lgrr porte, rappelo:aRuera
de lasestipulacianes del presente Acuerdo, los Pstados signatarios reconocen
la institution del asilo. conformea los principios del Derecho internicional.402 DUPLIQUE DU GOUVERNEMENT PÉRUVIEN (15 VI 50)
s'efforce de faire sortir, au profit de 1'e asilant i>un droit de qiiali-

fication irréfragable (v. pp. 341 et S., par. iii, nos et S.).
Si nous avons bien saisi le raisonnement, d'ailleurs compliqué,
qui nous est opposé, voici en quoi il se résume.
Bien que l'article z de la Convention de 1928 ne parle nulle
part de qualification, il faut l'interpréter comme donnant néces-
sairement à l'État qui accorde l'asile le droit de qiialification, -
et de qualification définitive - ne l'oublions pas. Et cela : 1" parce

que c'est rationnellement nécessaire ; et 2e parce que cet article
comporte une obligation tacite sous-entendue par 1:s parties pour
la solution du conflit de compétence entre les deux Etats intéressés
(p. 343, no45 in fine). L'article aurait donc un sens nécessaireetqui
ressort, en outre, implicitement de l'interprétation de la volonté
des parties. A vrai dire, nous n'avons pas vu, dans la Réplique, la

démonstration de cette irnécessité I)mais seulement aux no. 46 et
47 une interprétation purement imaginaire de la volonté supposée
des parties.
Les auteursde la Convention, nous dit-on, r se sont référés
à l'ensemble du droit international du pays de refuge, à savoir
ses coutumes, 105 et conventions, en vue de fixer la portée des.

obligations de 1'Etat territorial », autrement dit, la règle de droit
international en matière de refuge serait la règlede droit de l'Etat
de refuge. Ainsi I'asile accordé conformément à cette loi interne
(isera respecté 1).Entendons, selon l'exégèse colombienne : a sera
considérécomme définitivement légalet conforme :ru droit inter-
national : irréfragable ». Cela implique que la validité de cet asile
ne pourrait plus jamais êtremise en doute et que notamment le

gouvernement territorial ne devrait jamais soulever de contestation
sur le point de savoir s'il s'agit d'un délit dedroit commun ou d'un
délit politique '.
La Réplique cherche à étayer cette prétention exorbitante en
se référantnon pas aux travaux préparatoires, car elle n'apporte
sur ceux-ci aucun document, mais à des bribes de souvenirs

relatifs à cc qu'ont bien pu être les travaux préparatoires.
On aurait voulu aller plus loin, dit-elle, et on aurait «envisagé
une réglementation, plus stricte de l'asile, mais devant l'ogposi-
tion de plusieurs Etats, parmi lesquels se trouvaient les Etats-
Unis d'Amérique, on a fini par se ranger à cette solution »(p. 343,
lignes zo et ss.) 2.
--

colombien qui tendàufaire croire que les traités non ratifiéspar le Péroul'obligent
cependant. Voir pour la réfutation le Contre-Mémoire péruvien, p. 147.
-2 Rappel de la citation de la Répliqu: nAvant que le projet ne fût discuté,
le 'rapporteur eut connaissance que quelques délégations,parmi lesquelles se
trouvait celle des Etats-Unis, avaient l'intention de s'oppoau droit d'asile.
Dans ces conditions, le rapporteur proposa, de modifier l'artiIIedu projet,
afin de déclarerque l'asile serait respecté dans la mesureil serait admiç soit
comme droit, soit par tolérance humanitaire, par l'usage ou les conventions en
vigueur, dans les pays qui l'accorderaient. Bien qsous cette forme les États DUPLIQUE DU GOUVERNEXIEXT PÉRUVIEN (15 VI j0) 403

Nous enregistrons cet aveu que la Convention de La Havane-sui
l'asile n'est qu'une tentative de réglementation, une réglementa-
tion partielle ;que devant le désaccord des délégations,il a fallu
se contenter de peu parce que les gouvernements n'étaient pas

disposésà faire de larges abandons de compétence territoriale, ni
à accepter des obligations conventionnelles précises. Qu'ils aient
consenti & se dépouillerimplicitement de leur juridiction sur leurs
ressortissants au profit d'un gouvernement étranger et dans des
circonstances imprévisibles, c'est là une pure supposition et une
hypothèse parfaitement insoutenable. La Réplique colombienne,
en parlant ici de csolution », se contente vraiment de peu.
Cette solution, à vrai dire, n'en est pas une, car elle laisse le
problème à peu près en l'état antérieur, et il est bien naturel qu'on

ait eu le désirad'aller plus loin>,l est àsupposer, en effet, en bonne
logique, que les gouvernements qui accorderont l'asile prendront
généralement enconsidération leur propre système de droit en la
matière. Ce n'est pas tout à fait sûr cependant, car l'agent diplo-
matique qui accorde l'asile, sousla pression de circonstances drama-
tiques et de considérations humanitaires, a généralement autre
chose à faire qu'à consulter le recueil des lois, coutumes et conven-

tions de son pays. 11 est impossible que les diplomates réunis à
La Havane aient pu concevoir l'idéeque la qualification hâtive, et
émotivement faite par l'agent diplomatique qui accorde l'asile,
pût être une qualification définitive et irréfragable. Ce sera vrai-
semblablement àson gouvernement qu'il incombera ultérieurement,
si l'asile est contesté par le gouvernement territorial, de vérifier
qu'il a étéaccordé conformémentaux dispositions de son droit
interne.
Est-ce à dire que l'article 2 du Traité de La Havane n'apporte

absolument rien de nouveau dans la réglementation américainedu
droit d'asile? Nous ne le croyons pas, et nous proposons une autre
interprétation qui, se basant sur le texle, apparaîtra beaucoup
moins hypoth6tique que les suppositions, soi-disant nécessaires,
de la Réplique. Cette interprétation est la suivante :
Les rédacteurs de la Convention, n'ayant pu se mettre d'accord
sur une réglementation internationale plus précisede l'asile, ainsi
qu'on vient de nous le dire, ont voulu tout au moins éviter un

abus possible et fréquentde l'asile. C'estl'octroi abusif pour motifs
politiques et dicté peut-êtrepar des pratiques de mauvais voisinage.
C!est précisément a I'abz~sde droit 11dont la Réplique affecte
de ne pas comprendre la portée (v. pp. 342 et 388) et qui consiste,
répétons-le.en un « détournement de compétence IIdans le fait
d'utiliser l'asile dans un but autre que celui pour lequel cette
institution a étéconçue et, notamment,pour entraver la souveraineté

contractants conservent la liberté de poursuivre leur politique propre en matière
d'asile, la délégatdesZtats-Unis fitune rdserve sur ce point, pour la raison
que ce pays n'admet pas ledroit d'asile comme faisant pardue droit inter-
national.404 DUPLIQUE DU GOUVERKEMEKT PÉRUVIEN (15 YI 50)

juridictionnelle locale au lieu de se borner à remplir un devoir
d'humanité. Il serait, pensons-nous, difficiled'admettre que pareille
conjoncture ne se soit jamais rencontrée, et l'ample exposéde cas
fourni par la Réplique, avec leurs méandres contradictoires,
suffirait à en suggérerla vraisemblance. On peut également penser
que les rédacteurs du Traité de 1928 ont eu en vue les octrois

inconsidéréset hâtifs de l'asile consécutifs à la niultiplicité des
troubles politiques du continent.
C'est pour remédier à cet état de choses si nuisible à la bonne
entente entre les Républiques sud-américaines que la Convention
de 1928 a voulu que désormaistout État accordant l'asile et tout
gouvernement désireux dele maintenir fussenttenus d'observer une
ligne de conduite minimum et une ligne de conduite uniforme.
C'est cette ligne de conduite que prescrit l'article 2. Désormais,
un asile ne sera pas considéré commerespectable et par conséquent
ne devra pas êtrerespecté lorsqu'il sera prouvé que le diplomate

qui l'a accordéou le gouvernement qui lui prescrit de le maintenir
n'agissent pas eu conformité, àtout le moins, des prescriptions de
leur droit interne légalcoutumier ou conventionnel.
Ainsi, l'article z du Traité de 1928 aurété écritnon pas, comme
voudraient nous le faire croire la Répliqueet le Mémoirecolombiens,
pour conférerà l'État qui accorde l'asile un pouvoir discrétionnaire,
arbitraireet définitif, mais bien au contraire pour limiter dans une
certaine mesure ce pouvoir discrétionnaire et arbitraire.
Alors seulement, le Traité de 1928 prend un sens. Il eût été
invraisemblable qu'on ait écrit l'article 2 pour dire aux gouverne-

ments : aVous avez le droit d'accorder l'asile commeil vous plaît,
et, par le seul fait que vous l'aurez octroyé, aucune contestation
légale ne pourra jamais vous êtreopposéesur la régularitéde cet
octroi. »Interpréter en ce sens le texte d'un traité, c'est presque
se moquer de ceux qui l'ont écrit. C'est le rejet d'une telle inter-
prétation qui nous paraît s'imposer comme une nécessité logique.
Il n'est nullement besoin de supposer, comme le fait la Réplique
(no 50. pp. 348 et S.), «une obligation tacite ou une clause sous-
entendue » dans l'article2, paragraphe 1,de la Convention de La
Havane. C'est là un bien mauvais principe d'interprétation et qui ne

correspond guère à la pensée des auteurs éminents que l'on
cherche à compromettre, et, encore moins, à la jurisprudence
traditionnelle de la Cour en ce aui concerne l'interwrétation des
traités.
Il est infiniment plus simple et rationnel, en se bornant à lire le
texte, de considérer qu'il a voulu dire aux gouvernements :« Vous
pouvez adopter la politique d'asile qui vous plaira, nous ne pouvons
pas vous en imposer une, mais au minimum faut-il encore qu'eue
soit conforme à votre propre système juridique, et constante. 12
C'est une garantie, si faible soit-elle.
Ce qui nous confirme dans cette interprétation modeste mais

raisonnable de la Convention, c'est que, dans l'abondante littérature DUPLIQUE DU GOUVERSEXIEST P~RUVIEN (15 VI 50) 405

dont la Conférence de La Havane a été la source, nous n'avons pu
découvrir aucune interprétation de la Convention sur l'asile qui
évoquât, mêmede loin, celle, hypertrophiée, qui apparaît pour la
première fois dans le Mémoire colombien.
Dans son beau livre Le continent américain etle droit ittternational,

écrit en 1928, consacré en grande partie aux Conventions de La
Havane, voici ce que dit, de la Convention de I'asile, l'éminent
juriste et homme d'État colombien, Francisco José Urmtia, ancien
ministre des Affaires étrangères, représentant de la Colombie au
Coiiseil de la Sociétédes Nations, membre de la Cour permanente
de La Haye, etc. :
n Cette Convention, sauf quelques modifications plutôt de rédac-
tion, est identique au projet relatifà cette mêmematière adopté
par le Congrèsde jurisconsultes réunis à Rio-de-Janeiro ; ce projet
était lui-mêmela reproduction du chapitre 12, livre IV, du projet
de Code de droit international public élaboréen 1912 par le juris-
consulte brésilien Epitacio Pess6a.
La plupart des auteurs reconnaissent aujozird'liriil'absencetotale
de base jzrridiqzieau droit d'asile, sirrtout après que la lfctioizde
l'exterritorialité a étéabandonnée : certains auteurs cependant,
Dourdes raisons d'humanité.veulent maintenir l'asiledi~lomatioue
iour les délinquants politiques....
Dans les Républiques latino-américaines,le droit d'asile pour
délinquants politiques a de vieilles racines. Son exercice a été
réglementépar la Convention sur le droit pénalinternational signée
à Montevideo, le janvier 1889, entre plusieurs Républiques
américaines....i(Op' cit., pp.329 ét S.)

Il résulte de cette citation que le juge Francisco José Urmtia,
qui connaissait bien ce qui s'était passé à La Havane. n'est même
pas effleuré par l'idéequ'on aurait pu conférer à 1'«asilant 1)une
compétence de qualification irréfragable. Il affirme, au contraire,
que l'asile ne peut être accordé qu'à des délinquants politiques.
point sur lequel il peut y avoir les plus légitimes contestations, et
que la conception antérieure, qui est celle des juristes de Rio et du
Code Pessôa, n'a pas été modifiée.

Il ajoute (p.331) :
a La Convention de La Havane concernant l'asile ....est, sauf
certaines restrictions, consécration des principes générauxdéjà
adoptéspar plusieurs Etats américains au Congrhs de Montevideo,
en 1889. Ces restrictias se sont imposéesdepuis que les tendances
nouvelles, dans la situation internationale, ont abandonné la
fiction de l'exterritorial....»
Xous avons souligné ces expressions : (sauf certaines restric-
tioits »...«,ces restrictions se surit iniposées11Elles montrent bien
que l'éminent juriste considérait, comme nous, la Convention de

La Havane comme ayant restreint la compétence des États qui
octroient l'asile et non pas du tout, comme prétend la thèse colom-
bienne, élargi cette compétence jusqu'aux dimensions dc la décision
incontestable et irréfragable. Il nous faut encore projeter sur l'interprétation de la Convention
de 1928 un autre éclairagequi nous est, lui aussi, suggérépar l'étude
de F. J. Urrutia.
On aura remarqué, dans les citations précédentes, la liaison
étroite que l'éminent juriste colombien établit entre la Convention

de 1928 sur l'asile et celle de Montevideo de 1889 qui porte sur les
priviléges et immunités diplomatiques. Le chapitre où il en traite
est intitulé :a Conventions sur les agents diplomatiques et consu-
laires et sur le droit d'asile. Et le commentaire sur la Convention
sur l'asile débute ainsi :« Les stipulations de cette Convention sont
le complément de celles de la Convention relative aux agents diplo-
matiques : elles se rapportent en premier lieu à l'asile dans les
légations. )I
Un juriste aussi averti que F. J. Urrutia ne pouvait pas avoir
l'idée devouloir rapprocher la Convention de l'asile de celles sur
l'extradition et notamment de l'Accord bolivarien, dont on a fait

sigrand état dans le Mémoirecolombien. 11n'y a aucune solidarité,
nous l'avons déjà démontré,entre l'extradition et l'asile. (Voir sur
ce point le Contre-Mémoire péruvien, p. 135.) Tout au contraire, la
connexité est étroite entre les privilèges diplomatiques et l'asile,
celui-ci n'étant en fait qu'une conséquence de ceux-là. C'est pour-
quoi la référenceaux conventions sur les agents diplomatiques
apparaît comme naturelle et même nécessaire.On s'étonnerait que
le Mémoire colombien, qui s'est efforcé de réunir tous les textes
récents ou anciens qui pouvaient avoir un rapport quelconque,
voire imaginaire, avec l'asile, n'ait pas fait état de ces conventions
sur les agerits diplomatiqiies, mais l'on devine pourquoi. C'est que

ces conventions limitent assez étroitement l'octroi de l'asile et que
la thèse que nous combattons cherche à l'étendrejusqii'à l'absurde.
La Convention de Montevideo de 1889, dont parle F. J.Urrutia,
consacre son titre II à l'asile, et, après avoir dit, dans son articl16,
que l'asile est inviolable pour les individus poursuivis pour délit
politique, elle ajoute, dans son article 17 :

<iLe d~linquant de droit. commun qui se serait réfugié dans une
légationdevra étrelivré parle chef de celle-ciaux autoritéslocales,
sur demande du ministre des Affaires étrangères, à moins qu'il
ne l'ait livréspontanément.
L'asile sera respecté en ce qui concerne les individus pour-
suivis pour délits politiques, maisle chef de la légationsera obligé
de porter immédiatemeptle fait àla connaissancedu gouvernement
de 1'Etat près duquel il est accrédite, lequel poiirra exiger que
l'individu poursuivi soit conduit hors du territoire national dans
le plus bref délai possible. Le chef rle la ICgatioii pourrti esigcr. A mi tour (n si<7.c~).les

garniiiics ii<;cejs;tirespour que Ir r6fugiCsorle du territoire iintiunal.
I'inriolahilit.Jc snpersoiinc Ct;iiitrespectée '....o

Ce texte traduit encore, d'une façon précise, l'état actuel du
droit2. On remarquera qu'il suppose qu'un crimiiiel de droit com-
mun s'est réfugiédans une légation et s'est vu octroyer l'asile.

Cette situation contraire au droit doit pouvoir être coiitestéc, de
même que le refus du chef de légation de livrer le réfugié,
soit spontaiibmcnt, soit sur demande du ministre des Affaires
étrangércs. Ce n'est donc qu'à condition que I'asile soit régulière-

ment octroyé qu'il devra être respecté. F. J. Urrutia (loc. cit.,
p. 313), analysant également la Convention de La Havaiie sur les
immunités diplomatiqiies et son article 17, qui correspond celui
de la Conve~ition de Montevideo, écrit :

ciT.'article 17 de la Convention de La Havane reconnaît I'obli-
-
gation pour 1;s agents diplomatiques de livrer à l'autorité locale
comvétente, et sur la demande de celle-ci. tout individu accusé
ou c'oiidamnépour délit de droit commun.
Le projet de l'Institut américain de Droit international, tel
qu'il était rédigé,énonçait ccl'obligation (le livrer à l'autorité
alocale compétente tout individu poursuivi pour crime ou délit
ud'après la loi du pays auprès duquel il est accréditéet qui sera
R réfugiédans la maison qu'occupe I'agent diplomatique ou dans
a celle de la légation. Si I'agent diplomatique se refuse à le livrer,

u l'autorité locale a le droit de surveiller la maison de I'agent ou
<ila légation jusqu'à ce que le gouvernement dont dépend l'agent
odécidede l'attitude qu'il doit prendre. Nous préféronsl'article'
tel qu'il a étéadopté à La Havane, - continue l'éminentauteur, -
qui se coiiforme mieux aux dispositions de la Convention concer-
nant l'asile que nons étudierons après. D'autre part, chaque Etat
peut prendre les mesures de police et de sécuritéqu'il lui plaira

1 Articulo (7. - El reo de delitos camunes qiie se açilnse en una legacihn,
deber& ser entregado por el jefe de ella a las autoridades locales. previa gestihn
del hlinistorio de Relaciones Enteriores,cuandano Io efectuase espontaneamente.
Dicho asilo sera respetado con reluciun a los perseguidos por delitos politicos;
pero el jefe de la Legacidn esta obligado a poner immedatamente el hecho en
conocimienta del Gobierno del Estada ante el cual esta acreditado, quien podd
exigir que el perseguido sea puesto fuera del territorionacional, dentro del mas
breEl jefe de la Lcgacibn podra exigir a su verlas garantias necesariaspara que
el refugiado salga del territorio nacional.
' Lors de sa prochaine session, l'Institutde Droit international doit discuter
sur le rapport du professeur Peraçsi un projet de réglementation du droit d'asile
où la méme conception est inthgralement maintenue. L'asile. selon ce projet
(art. 5 par. 2).ne peut étre accorde qu'à a tout individu menace dans sa vie.
son integrite corporelle ou sa liberté, par des violences contre lesquelles les
autarites locales sont manifestement impuissantes A le defendre ou méme les
tolereiitou les provoquent n,ou encore en cas de lutte amCe intestine. Selon
i'artide 5 : rAu cas où la lutte civile armée se prolonge. l'agent diplaniatique
pourra garder ceuxd'entre eux dont la sécurité est menacée. r L'asile doit donc
cesser lorsque l'état normal sa rétablit. 408 DUPLIQUE DU GOUVERXElIEKT PÉKUVIEN (15 VI50)
en dehors de la résidencedes agents diplomatiques, et par consé-
quent il n'est pas nécessairede spécifierce droit dans une conven-
tion relative aux prérogatives diplomatiques. n

Comment peut-on soutenir, en présence d'une interprétation
si claire des deux Conventions de La Havane - celle sur l'asile et
celle sur les agents diplomatiques, laquelle fait loi entre lesParties-,
que la qualification de l'État qui octroie l'asile doit toujours
étre respectée ?Elle ne doit I'&treque si elle est respectable, c'est-
à-dire conforme au droit, et lorsqu'elle ne l'est pas, l'État territorial
est fondé à prendre les précautions de police nécessairespour annuler
les effets de cet asileirrégulio. Nous n'irons pas jiisqu'à soutenir

avec certains auteurs que 1'Etat territorial est en droit de faire
cesser par la force un asile irrégulier1. La Charte de San-Francisco
prohibe l'emploi et le recours à la menace de la force ; mais au
moins qu'on ne vienne pas prétendre que le seul octroi de l'asile,
dans un cas contestable et contesté, entraîne l'obligation de délivrer
un sauf-conduit.
Cela est d'autant moins soutenable que, s'il existe une connexité
évidente entre la pratique de l'asile et les immunités diplomatiques,
cela ne veut pas dire que le droit d'asile découle des immunités
diplomatiques. Sous le répétons,le droit d'asile découledu traité
qui le mentionne. et si la liaison est étroite entre les privilèges
diplomatiques et l'asile, c'est que l'inviolabilité de l'hôtel de la
légation s'interpose en jait entre l'exercice de la juridiction locale
et la saisie du délinquant.

Qu'il puisse naître de là une situation engendrant un conflit
'entre les deux gouvernements intéressés, ainsique cela se produit
en l'espèce soumise à la Cour, c'est sans doute regrettable, mais
c'est une conséquence du défaut de concordance entre deux règles
de droit international dans deux domaines voisins mais différents.
Le but des privilèges diplomatiques est de permettre aux représen-
tants des &ats de remplir pleinement leur mission., 1)aiis les autres
domaines, ils sont tenus de s'incliner devant les ci~mpétencesde
juridiction du gouvernement local (Hackworth, Digest,II, p.623).
L'asile se présente comme une extension, une anomalie, tout au
moins une fonction adventice desattributioris norm;iles des agents
diplomatiques.
L'éminent juriste don José Joaquin Caicedo Castilla, juge ad hoc
du Gouvernement colombien dans l'affaire actuellement soumise

à la Cour, dans son ouvrage intitulé Adminislracion internacio?ral
en Colombia, chapitre III (Droit de légation, pp. 3 et S.), écrit
excellemment en parlant des devoirs de l'agent diplomatique :
«I'armi ces dev-oirsfigure celui de respecter les droits de la
souveraineté de I'Etat où il se trouve en tonctions, et cette obli-
gation est tellement primordiale que le fait d'y manquer rend

' Fauchill(1. 3p. 77). qui cite: Bynkershoek. Wicqefort, Barbeyrac, Calvo,
de hlartens, Pradier-FodBrB. etc. DUPLIQUE DU GOUVERSE~IEST PÉKUVIEX (1j VI 50) 409

l'agent persona non grata. L'agent diplomatique est également
oblieéde ne uas se mêler à la uolitioue interne du navs et de ne
pasdevenir &taire d'aucun d& groGpesqui se disPutent la prise
du pouvoir. II(P. 56.)

Et passant ensuite à l'étude de l'asile, l'éminent auteur continue :
aCe droit d'asile n'existe pas en ce qui concerne les délits com-
muns. car il n'est nas admissible oue les diulomates deviennent
des Gotecteurs de délinquants et eApêchentles poursuites contre
eux en les dérobant à l'emprise de l'autorité territoriale, établissant

en somme une souverainet6au sein d'une autre souverainetéM . ais
lorsqu'il s'agit d'une persécution politique, lorsqu'en «asilant iiun
individu pendant quelques heures ou quelques jours on parvient
à lui sauver la vie en lui permettant d'échapper à la vengeance
d'une foule déchaînée,ou d'un gouvernement sectaire, le droit
d'asile s'impose alors, justifié bien entendu par l'humanité et la
civilisation. De telle sorte que nous admettons le droit d'asile si
les conditions suivantes se trouvent remplies: qu'il y ait une
commotion interne, que l'individu auquel l'on donne l'asile soit
poursuivi pour des raisons politiques, que l'asile ait pour objet de
lui sauver la vie et qu'il dure seulement le temps nécessairepour
atteindre ce but. »

Il y a là une expression parfaite de la thèse péruvienne, et tout
commentaire ne pourrait que i'affaiblir.

Nous n'insisterions pas davantage s'il ne fallait encore rappeler
que le Traité de 1928 non seulement n'est pas susceptible d'une
interprétation hypertrophiée,mais encorequ'il nepeut en comporter
qu'une, essentiellement restrictive.

C'est qu'il consacre, en effet, une faculté d'intervention. L'asile
est une exception flagrante à la souveraineté territoriale et à
l'exercice de la juridiction dès lors que l'on rejette la fiction
d'exterritorialité. Que l'intervention d'humanité soit légitime,
on n'y contredit pas, mais c'est une intervention, et nous constate-
rons que la Réplique colombienne s'est résignée,à contre-cŒur, à

i'admettre (p. 342, et aussi pp. 356, 357) '. Comme telle, il a fallu un
traité en bonne et due forme pour la consacrer, et c'est une juris-
prudence constante de la Cour qui veut que les traités stipulant
un abandon de souveraineté s'interprètent restrictivement e.
--
' Ce n'est, d'ailleurs, qu'une acceptatioforcée, et rCsultant dela citation
d'un article ancien(~gro)du prof. Scelle. qui a8irree caracthre d'intervention.
Sur l'interprétation constante de Cour et sa portéerestrictive, voirHudson.
Cotw permaflottedc Jusficc iniernational1936,p. 73 et p. 673 :xAucune regle
d'interprétation extensive n'a étéformuleu (par la Cour).
Voir aussiG. hlorgensternop. cit., Brilish Year Book. p. 2aC'estun principe
droit international doiventètre clairement établisnon des règles normales du
Jurisprudence de la Cour: ArrEt des Zonesfranches. Ordonnance du 6 d6c.
1930. Rec. A/2+, p.12 et p. 165 ;Juridiction territoriale de la Commission inter- *
* *

Nous en aurions terminé avec cette question d'interprétation
de la Convention de La Havane si la Répliquecolombienne ne nous
avait réservéune surprise. Peu confiante, sans doute, dans le
succès de cette interprétation, la Partie adverse nous en propose
une seconde encore plus étonnante. L'article 2 de la Convention
constituerait une règle de conflit. (Le texte parle de « conflit

juridictionnel IVce qui ne signifie rien, car il n'y a aucune compéti-
tion entre juridictions différentes,mais il faut lire Rconflit d'auto-
rités ou de compétences>)).(Voir Répl., p. 341, no 44.)
Cette argumentation inattendue est une défiguration de la tech-
nique du droit international privéen ce qui concerne les rapports

juridiques entre particuliers. On s'efforce de la transposer dans les
rapports entre gouvernements où elle n'a que faire.
Si l'on avait \,oulu conclure une convention de droit international
privé, on l'aurait dit. 11est invraisemblable que les membres de la
Conférencede La Havane qui avaient à voter le fameux Code
Bustamante, dont les dispositions sont précisémentconsacréesaux
conflits de lois et d'autorités, aient introduit subrepticement et

tacitement. dans une convention portant sur un sujet tout différent,
une nouvelle règle de conflits.
11nous faut aller au fond des choses et souligner que cette argu-
mentation, s'il fallait la prendre au sérieux, dénoterait une singu-
lière confusion des notions juridiques dans l'esprit de ses auteurs.

S'il s'agissait d'une règlede conflits de lois, elle aurait pour but
de déterminer selon quelle législationdevraient êtrejugéslesactes
délictueuxou criminels pour lesquels l'asilea ét6octroyé à l'inculpé:
la loi péruvienne ou la loi colombienne, en l'espèce. S'il sefût agi
d'un conflit d'autorités, le traité aurait eu pour but de dire par
quels tribunaux les délitseussent étépoursuivis : les péruviens ou

les colombiens. Or, tout ceci n'a rien de commun, ni de loin, ni de
près,avec les termes du traité ou l'institution de l'asile.L'ambassa-
deur colombien ne prétend certainement ni déférer l'aasilé » aux
tribunaux colombiens, ni appliquer au délinquant le code pénal
colombien. Un aasilé I)pas plus d'ailleurs qu'un réfugié,n'a pas à
êtrejugé par les tribunaux du pays qui accorde l'asile, puisque
l'institution a précisémentpour résultat de le soustraire à la juridic-

tion territorialement compétente. On constatera donc que cette
construction toute arbitraire ne peut avoir pour but que de troubler
les notions juridiques les plus claires. On s'étonneraseulement que

nationale de l'Oder:r 11 y a lieu de se prononcer pourI'interpretatiola plus
favarableA la liberté desctatsP; Arrét du LVimbledon. Rec. noI,p. 24. et opi-
nions dissidentesdans le même sens de N&f. Anrilotti. Huber et Schücking.
pp. 37 et 43; Avis consultatisur l'acchs desvaisseauxde guerre polonais dans
le port de Dantzig (Serie A/B. no 43,142) ;Avis consultatif sur I'inteipretation
du Traité de Lausanne(Série B. no 12.p. 25). DUPLIQUE DU GOU\'ERSE.\IEST PÉRUVIEN (15 VI j0)
411
ses auteurs, qui ne pouvaient se faire illusion, aient cru qu'elle
ferait illusion.
La Rénliaue colombienne- ~- aioute aue tout conflit de ~~--~ou de
r . A~~
juridictions doit avoir une solution. Xous dirons plus correctement
que tout conflit de souverainetés devrait, nous en sommes d'accord,
pouvoir être résolu. Mais nous ne pouvons accepter l'insinuation
de la Réplique d'après laquelle ces conflits de souverainetés ou de
compétences ont toujours une solution (p. 342. lignes I et 2).Il en
est malheureusement bien autrement. Il suffit, pour s'en convain-
cre, de songer que l'article Ij, paragraphe 8, du Pacte de la Société
des Nations et l'article z, paragraphe 7, de la Charte de San-
Francisco ont étéécrits, précisément,l'un et l'autre, pour prévoir
inabstraclotoute une sériede cas ou de matières dans lesquels, par

suite de la déficience 'des normes juridiques internationales, il
n'existe pas de solution des conflits de souverainetés. Ceci dit, qui
est élémentaire, constatons qu'il en est précisément ainsi dans la
matière de l'asile, lorsque le gouvernement qui l'octroie et le main-
tient et le gouvernement territorial qui le subit sont en désaccord
sur le point de savoir si l'asile a étérégulièrement accordéau fond :
par exemple, s'il s'agit d'un délinquant de droit commun ou d'un
criminel politique. La Convention de 1926 fournit un critèrc pure-
ment formel en ce qui concerne la régularitéprovisoire de l'octroi

de l'asile: l'asile n'a mêmepas à êtrerespecté si l'agent diplomati-
que ne s'est pas conformé à ce critère. Mais la Convention de 1928
ne dit pas un mot de la qualification de fond, c'est-à-dire de la
qualification juridique du délit.
II s'ensuit que le litige tel qu'il a été présentéà la Cour sur
l'initiative du Gouvernement colombien et sur la base du Protocole
du 31 août, ne comporte pas de solution sur le fond du litige.
Lorsque la Cour aura répondu que le Gouvernement colombien
n'a pas un droit de qualification irréfragable et que, par suite, le
Gouvernement péruvien n'est pas tenu de ddliurerun saz~f-conduit

fionr cette raison, entre autres, que la question de savoir s'il s'agit
d'nn délitfiolitiqzteoz6d'na crime de droit commicnn'a pas été résoli~e,
la situation demeurera exactement ce qu'elle est aujourd'hui : le
conflit de souverainetés entre les deux Gouvernements subsistera
intégralement.
Le Gouvernement péruvien;soucieux de maintenir à la requête
colombieiine sa consistance originaire, se contente de réfuter les
prétentions du Gouvernement de Bogota (abstraction faite de la
demande reconventionnelle dont nous montrerons la pertinence et

la recevabilité). Toutefois, il ne peut s'empêcher de préseuter
quelques observations propres à éclairer la portée de l'instance en
cours.
La première de ces observations, c'est que s'il devait y avoir
une préférenceentre les deux Gouvernements, celui qui octroie
l'asile et celui qui le sub~t,~au sujet de la qualification du délit,
c'est la qualification de I'Etat territorial qui devrait l'emporter

27412 DUPLIQUE DU GOUVERNENEKT PÉRUVIEN (15 VI j0)

sur celle de l'État qui octroie l'asile. Aucun péiialiste n'ignore
l'influence de la territorialité sur les attributions de compétence
cn matière de délits. 11ne s'agit pas seulement d'assurer le contrôle
des faits et l'administration de la preuve, il s'agit surtout d'assurer

l'ordre public international par une répartition des compétences.
Le réfugié setrouve toujours en territoire péruvien, puisque la
fiction d'exterritorialité a disparu du droit des gens. La procédure
pénale intentée contre lui est la procédure péruvienne. C'est la loi
péruvienne qui est la lex fori et doit s'appliquer normalement,
C'est l'ordre public péruvien, en mêmetemps que l'ordre public

international, au sens large comme au sens restreint du mot, qui
a ététroublé.C'est la nation péru\pienuequi a souffert.desdommages
causés par les actes de terrorisme et d'anarchie perpétrés. La loi
du moindre sacrifice à laquelle nous avons fait allusion dans notre
Coutre-Mémoire devrait s'appliquer ici sans conteste '.

Nous l'avons également signalé, en son temps, la notion de crime
politique a subi une singulière évolution depuis qu'elle s'était intro-
duite dans le droit des gens pour des raisons d'équité humanitaire
et dans le domaine de i'extradition ;elle tend de plus en plus à se
CIdisqualifier >)à mesure que des considérations de caractère inter-
national, de caractère social et enfin de caractères réalistes réagis-

sent contre le caractère sentimental du début. A mesure aussi que
les délinquants politiques abandonnent les procédures violentes,
peut-être, mais courageuses et loyales, des anciennes luttes pour !e
pouvoir, pour des pratiques cruelles, atroces et de portée il1imi:ée.
Les anciennes notions de connexité et de complexité, d'ailleurs
oleines d'imorécision. le cèdent à I'aooréciation dominante des

moyens et des buts.'
Dès 1892, 1'Institut de Droit international adopte la résolution
suivante : rNe sont Das ré~utPsdélits'~o1itioucs ....les faits délic-
tueux qui sont dirigésconire la base de touie organisation sociale
et non pas seulement contre un État déterminéou telle forme de

gouvernement. 11 Dépassant ainsi la qualification politique, les
attentats contre la sûreté extérieure de l'État, l'emploi des moyens
barbares, l'attentat contre le chef du gouvernement (loi belge du
ICI octobre 1933). etc., on arrive enfin à la notion du terrorisme qui
a fait l'objet de la Convention de 1937 élaborée à la Sociétédes

Nations et qui, si elle n'est pas entrée en vigueur, n'en couronne pas
moins pour la penséejuridique internationale l'exclusion des actes
de terrorisme, soit à l'intérieur, soit dans les relations internatio-
nales, du nombre des crimes politiques Y Le caractère terroriste

1 On pourrait méme ètre tenté de faire ici le rapprochemenavec la reglede.
l'épuisement des recours internes en matière de protection diplomatique,et
à l'épuiçe&entad;udébat.ation oréalable pala iustice péruvieiinestnécessaire
9 \loir les travaux du célèbrepénaliste français Donnedieu Vabres : TruilC
%to r79C p. 988 ; La théorie des délils de droit dcs geisset son duoIrilion DUPLIQUE DU GOUVERSEZIEST PÉRUT'IES (1 j VI j0) 413

des crimes les n dépolitise », et il n'est pas contestable que
1'Apra ne fût à la fois de caractère terroriste et anarchique.
En présence de ce caractère évolutif, et éventuellement sujet à
interprétation, des délits politiques, - en présence du fait que

seul ce caractère politique peut donner légalement lieu à l'asile,-
en présence du fait que le Gouvernement péruvien SC considère
comme fondé à contester la qualification que l'ambassadeur colom-
bien a donnée de la situation criminelle du sieur Haya de la Torre,
- enfin, en présence de l'assertion de la Réplique qui semble dire
que le Gouvernement colombien n'a eu connaissance que d'une

accusation de rébellion militaire, laquelle constitue dans la généra-
lité des législations, et notamment au Pérou, un délit de droit
commun (v. ci-après, partie V), comment peut-on soutenir que
la qualification donnée par 'un agent diplomatique ait .pu être
considérée par les rédacteurs de la Convention de 192s comme
ayant le caractère irréfragable ?
Dans le cours qu'il a professé à l'Académie de La Haye en 1937,

M. Reale, actuellement représentant de la République italienne
à Berne, écrit, à propos del'interprétation de la Convention de 1926,
page 532 :
«Dans le projet élaboré à la demande du Conseil de l'Union

panaméricaine pour servir de base aux travaux de la septihe
Conférencede Montevideo, l'Institut américain de droit inter-
national constatait que la Convention de La Havane avait rendu
de grands services pour le règlement des différends surgisentre
les gouvernements au sujet de l'asile accordépar les légations
à des révol~itionnairespolitiques ou sociaux. Mais les interpreta-
tions différentes auxquelles elle avait donné lieu avaient causé
des conflits. Les difficultésdans l'application de la Convention
avaient surtout trait à la qualification des délits politiques, aux
garanties nécessaires à l'inviolabilité des réfugiéB.s etc.

De son côté, M. L. Savelberg : Le 9roblèrne du dvoit interttatioizal
américain,op. cit., aprks avoir analysé l'article z di1 Traité de La
Havane, ajoute (1111 .82, 283) :

n Les co~iditions sous lesquelles l'asile pourra éverituellemeiit
être accordé, énuméréed sans les six paragraphes suivants de
l'article, combinent en substance les stipulations de l'article 17de
la Convention sur le droit pénalinternational de 1889siismentioniié
avec les dispositions du chapitre XII, livre ILr, du Code Pessôa
sur le mêmesujet. (V.ci-dessusceque nous avons déjàdit à cesujet,
PP. 405 et S.)
Elles ont pour but de concilier les intérêtsdu pays où l'asile
est accordéavec la sûretédes réfusiésqui sont mis soi~sla protec-

modeme. Rev. de IIroitinternationaldes Sciences,diplomatiqueset politiques.
Geneve. ,950.
Voir aussi Grivaz. L'nsile poliligite, 1895P. \Vurth. Ln répression inter-
natio>inledri ferrorirnLausanne, 1941. - \Vocierski,Le terroris>ne palili~trc,
Paris,,939, pp. 40 etS. - SottileCatirr deI'Acoddntie dLn Haye, 1939.414 DU171.1QLIE DU COU\'ERSEIIEST FERUVIES (j VI j0)
tiori de l'asile diplomatique. Quoique ces dispositioiis soient donc
la conséquence logiquedu principe de l'asile diplomatique, tel
qu'ilest reconnu par le droit des gens en générall.a reconnaissance
de cette pratique est encore trop récentepour qu'onpuisseconsta-
ter qu'elles soient également déclaratives de droit international
commuri.
........................

II iious restà signalerquela septièmeConférence panaméricaine,
qui se réunità blontevideo du 3 au 26 décembre 1g:$3 ,dopta une
Conveiition complémentairesur l'asile politique, laquelle, d'après
son préambule,avait pour but de définirles termes de la Conven-
tion adoptée à La Havane. Malgré ce préambule prometteur,
cette Conveiition complémentaire ne parait pas avoir beaucoup
contribué à combler les principales lacunes de la Conventioii de
La Havane, qui cofzsistait daus le nzanqzced'une qz~alificationdes
délitspolitiqz~eset l'absencedegaranties nécessasotsrl'i?zuiolnbi/ité
des vé/zrçi.s.n
Lcs Conveiitions de Montevideo, soit en 1933, soit en 1939,
ii'obligent pas le Pérou. Mais il a paru intéressant de citer ce
passage d'un auteur auquel la Réplique colombicnne se réfère

également et qui est particulièrement objectif. II montre que
dans l'esprit d'un juriste désintéresséil est impossible d'attribuer
à la Coiivention de 1926 le sens d'une règle de qualification, et
surtout d'uiie règle de qualification définitive.

* * *

Arrivés i ce point, nous constatons avec satisfaction que la
Réplique iie cherche plus à réalisercette identification anti-juridique
clu'avait échafaudéele Mémoireentre l'asile d'une part, le refuge
ct l'extradition de l'autre. Il est donc inutile de repreiidre la
démonstration déjà faite dans notre Contre-Mémoire du contraste
j~iridiquc eritre les deux institutions.
Nous n'en eussions point reparlé s'ilne subsistait dansla Réplique
une sécluellede la fausse assimilation (Réplique, pp. 352 et S.).
Elle consisteà dire que l'asile est le stade préliminaire qui conduit
aii refuge, et que l'octroi de l'asile doit nécessairement se terminer

par la délivrance des sauf-coiiduits. Il n'est pas besoin d'un grand
effort pour réfuter ces allégations.
Le refuge territorial résulte, le plus généralement, non pas du
tout d'un asile préalable, mais de la présence du réfugiésur le sol
de l'État qui l'accueille, résultat d'une fuite réussie qui soustrait
en fait le fugitifà la souveraineté de son État d'origine. Ce n'est
pas nous qui, dans les contingeiices politiques actuelles, chercheroris
à minimiser la valeur morale de cette institution. Elle n'est que
l'exercice normal de lasouveraiceté territoriale. L'asile diplomatique
ne lui sert de préface que si l'Etat territorial dans l'exercice de sa
souveraineté propre a consenti à accorder le sauf-coriduit réclamé DUPLIQUE DU GOU18EK.ïE>IIJST PÉRU~IES (1j VI j0)
415
par l'casilant ». Cet octroi de sauf-conduit est l'esercice de la souve-
raineté locale. Le Gouvernement de l'État territorial l'accorde

ou ne l'accorde pas; selon qu'il juge oii noii régulier l'octroi de
l'asile.Il peut aussi délivrer un sauf-conduit s'il estime qu'il y a
intérét pour des questions d'opportuiiité politique, notamment
pour se débarrasser de certains individus génants et les mettre
hors d'état de nuire en leur fermant l'accès de son territoire
(v. Converition de 1928). 'ïot~t cela, c'est l'exercice de sa compé-
tence territoriale normale, laqtielle n'a pas disparu du fait de I'asile.
tandis qu'elle se trouverait paralysée, en fait, par la fuite rFalisée
et autonome du réfugié.Le Gouvernement du Pérou avait donc

parfaitement le droit d'accorder des sauf-conduits à certains
complices du sieur Haya, et, au contraire, de le refuser à ce
dernier s'il estimeavoir un iiitérêtmajeur à continuer les poursuites
contre l'instigateur principal des délits et à les abandonner en ce
qui concerne les comparses.
Quant A l'assertion selon laquelle l'asile, par nécessité logique,
devrait se terminer par l'octroi de sauf-conduits et de garanties.
elle n'est vraisemblablement formulée que pour expliquer le

caractère anormal de l'asile fourni au sieur Haya et qui dure
depuis quinze mois (pp. 386 et S.). 11existe d'autres terminaisons
normales de l'asile, et, iiotammeiit, la reniise de 1'«asilé r à ses juges
iiaturels lorsque l'on s'aperçoit que l'octroi a étéerroné ou abusif.
L'asile doit cesser lorsqu'il n'a plus de raison d'être.ainsi que le
dit excellemmeiit RI..JoséJoaquin Caicedo Castilla dans le passage
citéci-dessus (p. 409). c'est-à-dire lorsqu'il n'y a plus de troubles
intérieurs, qu'aucune raison d'hiimanitk n'en légitime la prolonga-
tion et que le gouvernement local exerce norinalement son autorité

et assure le cours régulier de la justice. En ce cas, la remise de
l'casilé» coirstitue la fin légalede l'asile. Le Pérou, constatant I'exis-
tence de ces conditions de normalité, est fondéà réclamer la cessa-
. tion de l'asile et à refuser le sauf-conduit. Ce n'est donc pas l'atti-
tude du Pérou qui est à la base de la situation anormale devant
laquelle nous nous trouvoiis, c'est celle du Gozlvernenleiztcolom-
bien '.
C'est pourquoi nous avons produit une demande reconvention-
nelle qui, en précisant sur certaiiis points particuliers l'illégalité

de l'asile accordé au sieur Haya, est de nature, lorsqu'elle
aura étéaccueillie par la Cotir, à inoiitrer au Gouvernement de la
Colombie qu'il ne saurait persister dans son obstruction à l'exercice
de la juridiction péruvienne.

* * *

--
' Le projet soumisà I'Institide Droit internationalpar leprof. Prrassi nc
prhvoitl'octroi et le timi>ll<le l'asile qu'au caoù ale fonctionnement cles
pouvoirs publicsse trouvemanifestement dkorganisé ou maitrie4par une fac-
tion..D. (Art.3. par. 4.) DUPLIQUE DU GOUYERXEIIENT PÉRUVIEN (15 VI 50)
416

111. - OBSERVATION CONCERNANT LA PRATIQUE 1:OLOMBIENNE

EN MATIÈRE D'ASILE

Tout d'abord, la Réplique du Gouvernement colombien a cru de
son devoir de présenter une longue liste de cas d'asile octroyé à
des délinquants politiques pour en déduire que ad'une manière
générale,les États d'Amériqueont accepté le principe de la qualifi-
cation (définitive,selon la thèse colombienne!, par 1'Etat accordant
l'asile, ainsi que la règle suivant laquelle il appartiendrait 1'Etat
requérant, quand il le jugera opportun, de demander à 1'2tat

temtorial les garanties nécessaires pour que le réfugié sorte du
pays (Réplique, no 58). Comme les circonstances dans lesquelles
ces cas eurent lieu et la matière précise selon laquelle ils trouvèrent
leur solution ne sont pas mentionnées, il s'agit d'une simple énu-
mération, et nous ne concevons pas comment la Réplique arrive
à ces déductions. D'autre part, les cas où l'asile fut refusé n'ont
aucun intérêt dansl'espèce, d'autant plus que le Pérou reconnaît
l'institution de l'asile et la pratique lorsque les circonstances le
justifient pour des raisons d'humanité et dans le cadre des traités.

Quant aux cas d'asile qui eurent lieu au Pérou en 1948 et sur
lesquels la Réplique insiste de nouveau (no 59, p. 361, et annexe l),
qu'il nous suffise de répéterce qui a étédéjà dit dans le Contre-
Mémoire (p. 153) :
iXous soulignerons que toutes ces personnes cherchèrent asile
avant le 16 novembre de ladite année,date à laquelle fut publiée
la première des sommations les concernarit.
En outre, le Gouvernement péruvien, exerçant sori droit confor-
mément à l'alinéa3 de l'article2 du Traité de 1928: a examiné
chacun de ces cas en fonction des caractéristiquesdehacuu d'eus
et des exigences de l'ordre public: de cette manière, il ~i'afait
qu'exercer la facultédiscrétionnaire qui luiappartient.

Remarquons aussi que la Réplique ne présente aucune liste de
cas d'asile où l'on ait octroyé un sauf-conduit ou des garanties
nécessaires pour que l'cc asilé n sorte du territoire, après que les
tribunaux ordinaires aient étésaisis d'un procès pour délits prévus

par le Code pénal.
Les cas cités par la Réplique correspondent à l'asile octroyé à
des délinquants politiques au sens traditionnel du mot, ct non pas
à des personnes ayant encouru une responsabilité de droit commun,
pour des crimes d'une nature et d'une envergure telles qu'ils
mettaient en péril la sécuritésociale.

*
L *

Si maintenant nous passons aux x observations sur la coutume
généralement suivie par la République de Colombie en matière
d'asile n,la Réplique (H, p. 367) essaie vainement de détruire trois DUPLIQUE DU GOUI'ERSEYEST PÉRUVIES (15 \;I50) 417

'affirmations qui se trouvent dans des documents officiels de la
République de Colombie et qui ont étécitéspar le Contre-Mémoire,
à savoir :
a) que, le 16 février 188j. le secrétaire d'État anx Affaires
étrangèresde la Colombie adressa aux membres du corps diploma-
tique accrédité à Bogota une circulaire aux termes de laquelle
ail leur déniait le droit d'accorder l'asile aux personnes hostiles

au Gouvernement et compromises dans la guerre civile de l'année
d'avant » (Contre-Mémoire,p. 129) ;
b) que, le 12 mars 1892, le ministre des Affaires étrangèresde
la Colombie aurait, par une note diplomatique adresséeau chargé
d'affaires de France, expriméun avis favorable à la restriction du
droit d'asile mémepour les délinquants politiques, comme étant
contraire à la souveraineté et à l'ordre uublic (Contre-Rlémoire.

p. 129) ;
c) que, lors de la guerre civile d'Espagne et à l'occasion de
l'asile accordé dans ce pays par diverses ambassades et légations
étrangères, al'attitude du représentant diplomatique de la Colombie
en Espagne présenta des caractères singuliers, en relation avec
celle du corps diplomatique, ainsi qu'il ressort du rapport de
M. Raimundo Rivas, approuvé par la Commission consultative
du ministère des Affaires étrangèresde ce pays II(Contre-Mémoire,

P. 151).
Les trois paragraphes a),b) et c) ont étéreproduits littéralement
du texte de la Répliquecolombienne (H, p. 367).
a) Tout d'abord, nous devons signaler que. contrairement
à l'insinuation de la Réplique, ce n'est pas le Contre-Mémoire
qui a fait une allusion I(tendant à démontrer BIque la circulaire
colombienne du 16 février 1885 au corps diplomatique accréditéà

Bogota n déniait le droit d'accorder l'asile aux personnes hostiles
au Gouvernement et compromises dans la guerre civile de l'année
d'avant 1).Cette phrase, que la Réplique colombienne attribue
gratuitement au Contre-Mémoire,se trouve dans le a Rapport sur
l'asile adopté à l'unanimité par la Commission consultative du
ministère des Affaires étrangères de Colombie i> de 1937 (cf.
Contre-Mémoire,annexe no 50, premier paragraphe, p. 279) '.
Le fait que parmi les motifs qui peuvent déterminer l'asile se

trouve la persécution politiqiie sous sa forme économiquede con-
tingents euphémistiquement appelés «paiement proportioiinel
des emprunts obligatoires i,(cf. Réplique, no62, p. 369) pendant la
guerre civile colombienne, n'a aucun rapport avec les fondements
générauxde l'asile tels qu'ils sont exposés dans les documents
colombiens cités.En effet. cette conclusion ressort du texte méme
de la circulaire colombienne du 16 février 1885 :

<Telqu'il estreconnupar lessagespublicistes que ledroit d'auto-
conservation et de suprame défensedes Etats prime toute autre

1Sir ce procédéde discussion. voir Partie 1, 3gS418 DUPLIQUE DU GOUPERSE5IEST PERUVIES (1j VI j0)

considération, et mêmeles immunités dont jouissent les agents
diplomatiques, mon Gouvernemeiitagira, le cas échéant,et heureu-
sement lointain, en s'inspirant de cette règle;mais toutefois ila
pleine confiance que le respectable corps diplomatique .... ne
donnera pas lieu i l'éventualitéde réclamerdes individus réfugiés
dans leurs résidences,individus qui puissent êtrerecherchéspour
n'importequelmotif par l'autoritélégale,étant permis de supposer
que, ne s'agissantpas de protégerqui que ce soit contre des rigueurs
sauvages, il ne veuille se mêlerànosmalheureusesluttes internes. 3,
(Cf. Contre-Mémoire,annexe no 50, premier paragraphe, p. 279,
et annexe no 51, quatrième partie, p. 285.)

C'est nous qui soulignons a poiir n'importe qtiel motif11.
Si, comme l'affirme la Réplique, en mentionnant une nou\,elle
circulaire du 27 février 1885, adressée par le Gouvernement
colombieri au corps diplomatique accrédité à Bogota, ce fut un
motif économiquequi donna lieu à une déclaration aussi \''goureuse
de la part du Gouvernement du Dr Rafael Nufiez, a jortiori ces
principes doivent s'étendre aux individus K recherchés pour

n'importe quel motif par l'autorité légale », lorsque ces motifs
peuvent avoir une telle gravité qu'ils mettent en péril u la suprême
défense des Etats qui prime toute autre considération, même les
immunités dont jouissent les agents diplomatiques ».
Mais si ces considérations de logique juridique élémentaire ne
suffisaientpas, nous nous permettrons de nous reporter à l'opinion
de l'agent du Gouvernement colombien, qui, dans son ouvrage EL
Panamericanismo y el Derecho Intemacional, après avoir cité les

textes inêmesque la Réplique critique dans le Contre-Mémoire,
déclareque n la circulaire précédentedéfinitlu doctrine dela Colombie
sziv l'asileil(cf. Contre-Mémoire, annexe 51, p. 285) '.
La nouvelle circulaire du 27 février 1885 dont fait état la
Réplique avec une certaine insistance atténue, sans doute, la
vigueur de la position prise par le Gouvernement colombien envers
les immunités diplomatiques. La raison en est qu'elle était la
réponse à «plusieurs notes que lui avaient envoyées des chefs de

missions diplomatiques étrangères » (Réplique, no62, p. 368). C'est
sans doute pour cette raison que l'auteur du El Pananzericanismo
y el Derecho Internacionnl et le « Rapport sur l'asile adopté à
l'unanimité par la Commission consultative du ministère des
Affaires étrangères de Colombie 11de 1937 ont préféré baserla
position colombienne en matière d'asile sur la circulaire du
16 février,plutôt que sur celle du 27 février, qu'ilsne mentionnent

même pas.
C'est dans le but de renverser l'ordre naturel des valeurs afin
de placer l'asile interne, en i'espéce, au-dessus du « droit d'auto-
conservation et de défense des Ctats, lequel prinie toute autre
considération, y compris les immunités dont jouissent les agents

Dans l'annexe citéecettephrase du prof. Yepes apparait, à la suite d'une
erreurde frappe, comme formant partie ritextereproduitpar lui. DLTPLIQUE DU GOUVERSE\IEST PÉKUVIES (1j VI j0) 419
diplomatiques »,que la liéplique essaie vainement de dévaloriser
la citation faite par iious d'un document officiel colombien, à
savoir, la circulaire du 16 février 1885. Ce document officiel est

mentionné également,et avec le sens mêmeque nous lui attribuons
dans le Contre-mmoire, par uii autre document officielcolombien,
le Rapport sur l'asile ...11de 1937.
La Cour pourra constater qu'il n'en résulte aucune conséquence
en ce qui concerne la position prise, dans le cas d'espèce, par le
Gouvernement colombien.
b) En ce qui concerne la note du 12 mars 1892 du ministre des
Affaires étrangèresde Colombie, hl. Marco Fidel Suarez,au chargé
d'affaires de France, nous réaffirmonsde la manièrela plus formelle
qu'elle exprime une opinion officielle colombienne fa\rorable à la
restriction du droit d'asile, mêmepar rapport aux délinquants
politiques (cf. Contre-Mémoire,p. 121, et annexe Contre-Mémoire

no 50, par. 3).
Xulle part dans le Contre-Mémoire nous n'avons dit qu'elle
avait le sens d'une négation du droit d'asile, comme l'affirme avec
une légèreté excessive la Réplique colombienne (nce63, j6).Ce qui
intéresse la défensepéruvienne, c'est l'indéniablevalcur d'une opi-
nion colombienne faisant autorité parce qu'elle est celle du
ministre des Affaires étrangères deColombie, M. Marco Fidel SuArez.
L'importance que nous attachons à cette opinion provient du fait
de son inclusion dans le a Kapport sur l'asile» adopté à l'unanimité
par la Commission consultative du ministère des Affaires étrangères
de Colombie de 1937. Elle démontre «qu'en ce qui concerne
l'asile externe, c'est-à-dire celui que la Colombie offre sur son

territoire, la pratique de la Colombie a étéconstante ...et quela
méme continzlitéd'idées n'a fias existé e~t ce quiconcerne l'asile
interne D. (Contre-Mémoire,annexe no 50, par. 1.)
Cette opinion acquiert plus de poids encore lorsque la Réplique
nous découvre qu'elle constitue non seulement l'avis personnel
du ministre Suarez, mais, corntne il ledzt lzri-ntê <Ie, résumé
des idées de mon Gouveriiement sur ce sujet >I.(Cf. Réplique,
na 64, p. 370.) Nous comprenons mieux maintenant poiirquoi un
document aussi important que le e Rapport sur l'asile ....».de
1937. en fait état.
D'autre part, la défensedu Gouvernement péruvien ne prktend
nullement attribuer à la note du ministre Suirez uii caractère
autre que celui d'un avis officiel colombien dûment autorisé.

c) «Dans cet ordre d'idées, » - dit la Réplique colombienne
(no 64) - K le Contre-hlémoireprétend que l'attitude du représen-
tant diplomatique de la Colombie en Espagne présente des carac-
tères singuliers, en relation avec celle du corps diplomatique. »
On ne peut prétendre, comme le fait la Réplique,que la consta-
tation d'un fait aussi iiotoire que l'attitude du représentant diplo-
matique colombien en Espagne, au sein d'un document officiel
colombien tel que le s Kapport sur l'asile ... de 1937, constitue420 DUPI.IQUE DU GOU~ERSEYEST PÉKUYIEF (~j TI 50)

un s argument >du Contre-Mémoire. C'estlà tout simplement une ,
preuve utiliséedans le a Rapport sur l'asile ...ide 1937pour démon-
trer qu'«une continuité d'idées n'apas existé en ce qui concerne
l'asile interne» en Colombie. (Contre-Mémoire,annexe 50, par. 1.)
C'est en tenant compte de cette absence de continuité dans les
idées colombienne sur I'asile et en considérant Iqu'il n'existe pas

en Colombie une tradition notoire contre cette institution IIque la
Commission consultative du ministère des Affaires étrangères de
Colombier estime qu'il n'y a aucun inconvénientà ce que le Gouver-
nement de la Colombie accepte et signe le cas échéantla conven-
tion dont il s'agit r (projet argentin de Conveiition sur l'asile de
1937) (Cf. Réplique, no 64, p. 370.)
«Il y a lieu de.faire remarquer à la Cour 1)- dit 1:R~éplique -

«que cet argument (sic), tel qu'il a étéprésentédans le Contre-
Mémoire, semble en oppositiolt avec le texte cité dans le même
document (annexe 52), à savoir la réponse adresséepar la Répu-
blique de Coloinbie, en mêmetemps que par les autres Etats
américains, à un mémorandum du Gouvernement du Chili sur la
question du droit d'asile pendant la guerre civile d'Espagne. 1)

(Réplique, no 64, p. 370.)
Le document reproduit par le CIRapport sur l'asile....i>que nous
citons dans le Contre-Némoire porte la date du 29 juillet 1936.
Par contre, le document qui figure àl'annexe 52 du Contre-Xémoire
(annexe qui démontre l'absence d'un critériumuniforme en matière '
d'asile parmi les États américains)est daté du 23 juin 1939, c'est-
à-dire que la guerre civile espagnole était alors déjà terminée. On

pourra estimer qiie l'opposition qui « semble D,d'après la Réplique,
exister entre ces deux documents séparésl'un de l'autre dans le
temps par presque trois années,démontre le manque de continuité
dans les idées colombiennesen matière d'asile vendant ce laus de
temps.
La Cour, en étudiant le «Rapport sur l'asile....IIcolombien

de 1937, que nous avons soumis à son examen comme élémentde
preuve, pourra apprécierl'exactitude de nos citations et des conclu-
sions qui en découlent.
Dans le but de compléter l'exposéde la pratique des Gouverne-
ments sud-américains ainsi que des avis exprimés par certains
juristes au sujet de l'asile, nousavons reproduit dans notre Contre-

Mémoirecertains passages de l'important ouvrage Le Panantéri-
canisme et le Droit ittteritational dont l'éminentjuriste, le Dr Yepes,
est l'auteur. Il nous a sembléque ses opinions, publi4:esune année
après avoir signécomme délégué de son Gouvernemerit la Conven-
tion de La Havane de 1928, constituaient un élémentd'inter-
prétation important de cette convention. D'autre part, avec tous
les égardsdus à la personne et à la probitéscientifique du Dr Yepes.
-
noiii n'av~r~s psi pu 110~; emj>&clic(rIc5ign:ilcr iiiirl;igr:iiiiccoiiir;i-
(listioii eiitrc IcsthcscC.xI~~ ~ ~dans soli livrectc~llei<A~'il~utici~t
maintenant dcvaiitla Cour, en sa qualité d'agent du Gouverne- DUPLIQUE DU GOU\'EKSEZIEXT PÉRU~IES (1j VI50)
421
ment colombien. Le Dr Yepes, avec trop d'injustice envers lui-
même,s'accuse maintcnaiit d'être « mauvais prophète ».Qu'il nous
soit permis de remarquer que le Dr Yepes, en exposant ses thèses
sur l'asile. ne faisait pas de la prophétie historique, mais dévelop-

pait plutôt sa conviction juridique. Xous nous sommes donc bornés
à signaler le changement qui s'est produit dans ce qui était sa
conviction juridique en ~gzg ct ce qu'elle est maintenant, sans
vouloir rechercher les raisons de ce changement. 1)'aillcurs. le
Dr Yepes est en bonnc compagnie, car deus de ses éminents com-
patriotes, le juge Urrutia et 11.Caicedo Castilla, juge (rd hoc du
Gouvernement colombien dans le présent litige, partagent entière-
ment ce qui était sa manière de voir en rgzg.

I
f *

IV. - RÉTABLISSEMEN DES FAITS

La Réplique formule diverses observations sur les faits exposés
dans le Contre-Mémoireen alléguant tout d'abord, et d'une manière
générale,que l'ampleur qu'on leur donne dépassesans raison celle
du Mémoire.Elle s'occupe ensuite des faits énumérés comme délits
communs. en niant leur importance, ainsi que la responsabilité de
1'sasilé» et la compétence de la Cour pour s'en saisir. Elle émet
enfin des appréciations audacieuses sur la procédure judiciaire
ouverte au Pérou pour juger de tels délits, particulièrement en ce

qui concerne l'inculpation faite par M. le ministre de l'Intérieur,
pour affirmer finalement que le mandat d'amener émispar le juge
contre l'asiléII,ainsi que le séquestre de ses biens, constituent
une sentence sans procès.
Étant donné que le i1Iémoiren'exposait les faits qu'à partir du
moment où l'asile fut accordé,le Contre-Mémoireconsidéra néces-
saire d'y ajouter une exposition additionnelle et complète de ceux
qui constituent la matièrc du procès engagéavant que l'asile
n'intervînt, c'est-à-dire des délits communs en raison desquels
l'aasilén avait étécitépour présenter sa défensecontrc les accusa-
tions portéescontre lui. 11se peut que le Gouvernement de Colombie
considère cela comme une tâche laborieiise et inutile; il peut

égalementprétendre que la Cour n'a ni intérétni compétence pour
s'enoccuper.II peut même affirmerque i' «silé»n'est pasresponsable
de ces délits. &!ais le Gouvernement du Pérou, conformément à
l'article 42, alinéaz, du Règlement de la Cour, a le droit de faire une
exposition des faits qui viennent compléter ceux du Blémoire,
en y apportant l'ampleur qu'il juge convenable à éclairer le cas.
Les faits énumérés dans le Contre-Mémoirene constituent point
des faits isolés arbitrairement choisis :ils sont justifiés par des
raisons d'ordre légal.Ils constitueiit tous desdélits dedroit commun,
préparéset organisésselon uii plan de rébellion, afin de répandre
la panique et le désordre, et de déchaîner les élans incontrôlables422 DUI'LIQUE DU GOUVERSEIIEST PEKUVIES (15 VI 50)

des foules. C'est pourquoi ces faits sont compris dans le procès pour
rébelliondans lequel est inculpé Haya de la Torre. Afiii d'identifier
,chacun de ces délits, le Contre-ltémoire a présentécomme annexes
et sous forme de copies légalisées, les documcnts adéquats extraits
du dossier judiciaire congruent. La liste des docurnents remis au
Greffier de la Cour (pages 165 et suivantes du Contre-Mémoire)
permet de se rendre compte qu'en présentant chacun de ces docu-
ments, on se réfèreau folio et cahier contenant les originaux du

procès pour rébellion et autres délits, procès dans lequel, nous le
répétons.cst iiiculpé Haya de la Torre.
En présence de cette qualité judiciaire dcs docurnents présentés
dans le Contre-Mémoire, il est significatif que, pour soutenir le
mancliie de preuves de l'existence de ces délits, la Réplique du
Gouvernement de la Colombie arguc de la présentation de quelques
informations publiéesdans les journaux de Lima, et.qui, selon elle,
n'ont pas le caractère de preuves. Or, nous n'avons pas présenté
cette annexe dans le but que la défense colombienne nous attribiie,
mais comme un moyen supplémentaire pour démontrer que les
informations publiées sur les actes délictucus ainsi que l'existence

d'un procès antérieur à l'asile, prouvent que l'ambassade de
Colombie à Lima ne pouvait pas les ignorer lorsqii'elle accueillit
Haya de la Torre, et que l'asile accordé était illéga....
Ce n'est certes pas le Gouvernement de la Colombie qui a compé-
tence pour juger si son nasilé iest responsable dc ces faits délic-
tueux, et ce n'est pas lui non plus qui peut affirmer juridiquement
quc Haya de laTorre soit ou ne soit pas un magicien capabled'inter-
venir personnellement dans les divers endroits où ces faits ont été
perpétrés. Ce n'est que par l'utilisation des sciences occultes que
le Gouvernement colombien pourrait étayer de semblables affirma-
tions.

Lc Gouvernement du Pérou soutient qu'il appartient à ses
juges età ses tribunaux d'établir les responsabilités effectives une
fois qu'auront étémenées les enquètcs conformémerit à la. loi,
selon la procédure et les garanties établics par elle(:rvile d'établir
par jugement la matérialitédes délits,lcurs autcurs, leurs instigateurs
ou auteurs intellectuels, les complices, ainsi que les peines qu'il
y a lieu d'infligerà chacun d'eux.
Le Gouvernement de la Colombie est tenu, par obligation niorale
et d'ordre légalinternational, de s'abstenir d'émettre dcs apprécia-
tions subjectives sur la responsabilité juridique d'un individu
inculpé devant'les tribunaux internes du Pérou, surtout lorsque,

comme dans le cas présent, le procès a été ouvert avant que l'asile
ne se produise.
Malgré que la Réplique reconnaisse que le Contre-némoire
a exposé les garanties d'impartialité dans lesquelles se poursuit
le procès où est inculpé i'casilé» (page IIj du Contre-hfémoire),
clle apprécie tendancieusement la dénonciatioli du ministre de
I'Iiitérieiir du Pérou en affirmant que ce document est un exemple DUPLIQUE DU GOU\~ISHSB>IISS PÉKUI-IEX (1j VI j0) 423

significatif de.justice politique et d'ordres donnés aux juges quant
A la manière de conduire la procédure. La Réplique ajoute, d'une
part, que ce document lui a étérévélé par le Contre-Mémoire, et
d'autre part, qu'il constitue la preuve que depuis sa parution,
l'aasilé11était traqué par la police comme un bandit. En produisant
cette dernière affirmation pour eii déduire que l'activité judiciaire
péruvienne fait peser sur la vie ou l'intégritéphysique dc Haya de

la Torre une menace qui justifiait l'asile, la défense de la Colombie
ne se rend sans doute pas compte que le Contre-Némoire a été
présentéà la Cour le 21 mars de cette année-ci, alors que l'asile
avait étéaccordé le 3 janvier 1949, date à lnqzlellel'uinbassrirlede
Colo~izbiei Lima ne pouvait fias con?inz^trcee docz6ntent.
Le Contre-Mémoirefait état decette piècejudiciaire pour prouver
que, dès l'ouverture du procbs, l'accrisation ne portait pas seule-
ment sur le délit derébellion eii soi, mais encore sur les délitscom-
muns préparés ou perpétrés en même temps, démontrant ainsi
que la procédure judiciaire ouverte en raison de la rébellion com-

prenait aussi, dès le début, ces faits délictueux. Il n'existe pas le
inoindre doute que, de ce fait, cette mise en accusation renferme
une preuve écrasante. Les passages mêmesque la Réplique a cités
établisseiit que c'était là le but de la dénonciation, lorsqu'elle
demandait l'application d'articles précisdu Code pénal et du Code
de procédure pénale. Finalement, pour démontrer comment
1'~asiléIIsans jouir des dons de niagicien et sans êtreprésent aux
différeiits endroits où ces délits furent perpétrés, peut eiicourir,
en raison de ces délits, une responsabilité juridique d'ordre pénal,

nous citerons l'article roo du Code pénal du Pérou, qui fait men-
tion entre autres de ce qu'oii attribue à la lettre du ministre de
l'Intérieur du Pérou.

«Art. roo. - Seront punis comme auteurs de dblits ceux qui
prendront part ?I i'exécution, ou ceux qui intentionnellement
décideraientun autre à le commettre, ou ceux,qui inteiitionnel-
lement prêteraient leur concours ou coopération, sans lesquels
les délits n'auraient pu se perpétrer.
Seront punis comme complices ceiis qui, de n'importe quelle
autre façon, auraient inteiitionnellement prEté leur aide polir
commettre le délit.»

Mais que signifie, en droit, la communication du ministre de
l'Intérieur du Pérou, que la Iiéplique colombienne parait si joyeuse
d'avoir connue, et dont elle pense tirer de si utiles conséquences
pour la défeiise de son easilé )?
Il s'agit simplement de la s dénonciatioii »faite, par autorité de
la loi, devant l'autorité judiciaire compétente, des faits délictueux
qui doivent êtreéclaircis et sanctionnés en vue de l'ouverture de
la procédure judiciaire. En exposant les faits qui sont la matière

de l'infraction, en indiquant les noms des auteurs présuméset en
mentioniiant les différentes disl>ositions légalesqui poiirraient étre DUPl.IQUE DU GOUI'ERNEYEXT P~RUVIES (15 VI 50)
424 .
appliquées,le ministre a donc agi conformément aux articles perti-
nents du Code de justice militaire (annexe no 1). II y a lieu de
souligner que l'un des articles citésétablit que le dénonciateur ne

prend aucune part aux enquêtesmotivées par sa dénonciation, et
il faut observer encore que celle-ci ne peut être accueillie par le
juge que si elle est appuyée par le procureur, en l'espècel'auditeur
de la Marine, et qu'alors seulement s'ouvre le procès. Toutes ces
phases se sont dérouléeslé~alemeizta ,insi qu'il appert des annexes
36 à 41 du Contre-Némoire..
Cette dénonciation légitiméepar l'autorité de la. loi, et qui en
mêmetemps que d'autres, ayant les mêmesorigines, donna lieu
à l'ouverture et à la poursuite du procès bien avant que l'asile

ne soit accordé,c'estce quela défensedu Goiivernenient dela Colom-
bie dénoncecomme la preuvc d'une iiiterveritioti de cjustice poli-
tique 1).menée selonun plan tracé par le ministre de l'Intérieur.
Cette partie de la Réplique atteint son apogéedans la seconde
conclusion qu'elle formule, en disant que l'instruction ouverte
contre Haya de la Torre a eu un caractère sommaire, et que le
mandat d'amener ainsi que le séquestre de ses biens constituent
une sentence sans procès. Ces deux affirmations sont complète-
ment fausses, et cela est dû à une profonde ignorance de la loi qui

a étéappliquée.
L'instruction n'a pas eu un caractère sommaire. Elle a étémenée
suivant les formes prescrites par le Code, ainsi que peut s'en rendre
compte quiconque se donnera la peine de prendre connaissance
des dispositions qui s'y réfèrent.Le seul fait que la sentence ait
étéprononcée le 22 mars de cette année,c'est-à-dire un an et demi
après l'ouverture de la procédure, démontre que le caractère
sommaire que l'on veut lui attribuer est totalement dépourvu de
véracité.En outre, il a étéfait appel de cette sentence devant le
Conseil des officiers généraux, et elle sera certainement soiimise

à la Cour suprêmesur la demande du procureur ou <lescondamnés.
Le séquestre des biens, dz mêmeque l'ordre de détention provi-
soire, sont des mesures prkventives qui existent dans toutes les
législations.Le séquestre des biens existe aussi bien dans l'ordre
civil que dans l'ordre pénal!et dans ce dernier il vise3 garantir le
montant de l'indemnitépour les dommages causéspar le délit,selon
ce que fixe la sentence. La détention provisoire est ordonnée
conformémenti laloi, lorsqiie l'accuséne se présentepas 3 l'instruc-
tiori, et, comme de ce fait il s'oppose au mandat du juge, celui-ci
ordonne sa détention pour les fins de l'instruction.

En outre, la condamnation par contumace n'existe pas au Pérou,
et c'est pourquoi la procédure contre Haya de la Torre est
suspendue selon l'ordonnance du juge compétent (annexe no 2).
Pour la même raison,dans la sentence prononcée,nous le répétons,
le 22 mars de cette année (annexe no 3), I'acciisén'est ni acquitté
ni condamné, puisqu'iln'a pas été possible de poursuivre le procès DUPLIQUE DU GOUVERXE.\IEST I'ÉRUVIEX (xj VI jo) 425
contre lui, étant donné la durée de l'asile que lui a accordé le
Gouvernement de la Colombie.

La défensedu Gouvernement du Pérouregrette que le Gouverne-
ment de la Colombie ait cherché à altérer d'une manière tellement
injustifiéele sens et la portée légaled'un document dont l'origine
et les effets sont aussi conformes aux dispositionsde la loi. 11regrette
également que pour défendre l'asile accordéà Victor Raul Haya
de la Torre et protéger sa personne, cette défense érige cesintérêts
au-dessus du respect qu'il doit aux tribunaux du Pérou,à la majesté
de ses lois ainsi qu'à l'autonomie eà l'austéritéde ses magistrats.
Et il regrette encore que dans cet effort aussi peu justifié,il oublie
que ces lois, ces tribunaux et ces magistrats représentent la souve-
raineté du Pérou.

*
* x

La demande reconventionnelle présentéepar le Gouvernement

du Pérou a pour but de faire déciderpar la Cour de l'illégalitéde
l'octroi de l'asile accordéau sieur Haya de la Torre. La Réplique
colombienne discute à la fois la connexitéde cette demande recon-
ventionnelle avec la requêteet les allégations du Pérou au sujet
de l'illégalitéde l'asile. Nous reprendrons ces deux points succes-
sivement.

a) De la connexité

La demande reconventionnelle est fondée sur l'article 63 du
Règlementde la Cour, qui exige quecette demande soit en connexité
directe avec l'objet de la requête et qu'elle rentre dans la
compétence dela Cour. La compétencen'étant discutée nipar l'un
ni par l'autre des deux plaideurs, nous nous bornerons à parler de
la 'connexité.
La Partie adverse (v. Réplique,p. 3So), après une dissertation
linguistique sur le mot nconnexité », nous demande de prouver le

lieri intime et direct entre la reconvention et le contenu de la
requête. Ily a là une exigence dont le but est tendancieux, mais à
laquelle nous n'opposerons pas une fin de non-recevoir.
Nous avons constaté que l'objet du litige était en réalitéle bien
ou le mal fondéde l'asile accordéau sieur Haya de la Torre. L'acte
compromissoire du 31 août 1949confirme cette façon de voir. Son
préambule établit que les deux plénipotentiaires qui l'ont signé
avaient pour mission de nnégocier et signer un document com-
promissoire sur la base duquel doit êtresoumise à la Cour inter-
nationale de Justice la controverse née de l'initiative prise par
l'ambassade de Colombie à Lima de demander un sauf-conduit DUPLIQUE DU GOUVERSEZIEST PÉR~.\~IES (~j 1.1j~)
426
pour Victor Raid Haya de la Torre >IS'il fallait prcndre le texte
à la lettre, on aboutiraità cette déductioii que sertle la deuxième
demande de la Colombic pourrait êtresoumise à la Cour et non la
première, qui n'a point trait au sauf-conduit, mais au droit de
qualification. Nous ne le prétendons pas. L'articlepremier de l'acte
compromissoire déclareque les deux plénipotentiaires a ont examiné
dans un esprit de compréhension la controverse exi:jtante, que de

l'accord des dcux Gouvernements ils ont convcnu de soumettre à
la décision de la Cour internationale de Justice 3. C'est donc la
controverse existante dans son ensemble que vise l'acte compro-
missoire. .4u surplus, c'est seulement si le droit dc qualification de
Y« asilant>,était irréfragable que l'obligatioii de délivrer le sauf-
conduit apparaîtrait. Les deiix clioses sont connexes. Le droit de
qualification irréfragable n'existant pas, la demande de sauf-
conduit pourrait cependant êtreaccueillie si l'asile avait étéoctroyé
légalen~ent,mais nous soutenons qu'il ne l'a pas &té. Les deiix
choses sont écalementconnexes.
La Colombie aurait pu demander à la Cour de se prononcer sur
la qualification, afin de purger le litige. Ellc ne l'a pas fait, nous
n'avons pas non plus à le faire, mais nous avons le droit d'utiliser

un autre moyen pour prouver l'illégalitéde l'asile et nous I'em-
ployons. La requête colombienne n'a prfseiité à la Cour qu'un
aspect du litige, nous en présentons uii autre qui, sans l'épuiser,
est de nature à en préciser le fondement.
Quant à la preuve de la conncsité, nous la ferons en quelques
mots par déférence pourla Cour.
Ily a connexité parce que si les restrictions que la Convention
de 1928 met à l'octroi arbitrairede l'asile ont étéméconnues et,
notamment, si l'accusation pour crime de droit commun était
déjà portée et la procédureen cours contre 1' asiléi)l'ambassadeur
de Colombie n'avait pas le droit d'accéder à la demande de l'accusé.
Or, il est proiivé par ailleurs que cette accusatioii est a?ztérieserd
trois mois environ à l'octroi de l'asile. yl a coniiexité parce que

les dispositions de la Convention que nous invoquons sont conteiiues
dans le mêmedocnment dijblonzatiqzieque celui dont fait état la
Colombie dans sa requête et soulève les mêmes problèmesd'inter-
prétatioii. II y a connexité matérielle parce que les demandes de la
requête colombienne et la demande reconventionnelle péruvienne
se rapportent illa milne afnire. L'évidence est telle qu'il nous
semble inutile d'insister.
Pourtaiit, du point de vue juridique, il ne sera pas inutile de
présenter à la Cour quelques précisions supplémeiitaires.
On admet généralementque la question de savoir si la connexité
existe ou lion dépend du tribunal devant lequel elle est invoquée
et ne peut dépendre que de lui. C'est ce qu'affirment cn particulier
la doctrine ct la jurisprudence françaises que nous citons parce

qu'elles sont conformes à la nature des choses. DUPLIQUE DU GOUVERSEXENT PÉKUVIEX (1j VI j0) 427

Le professeur René 3Iorel (Traité de Procidtcre ciuile, 1932,
ncl'283, 302 et 303) nous dit :

«A la différencede la litispendance, la connexité ne suppose
pas la réuniondeconditionsprécises.C'estaux jugesqu'il appartient
d'appréciersouverainement dans quel cas il y a intérê t soumettre
les deux affaires aux mêmesjuges n (p. 343). Et (p. 325): (iIl y
a certaikementconnexité lorsque deux demandes ontun oz<plicsierrrs
élémentc sommrrrlsl,'objet et la cause juridiques, ou l'un des deux
seulement ...Mais les auteurs et les arrêts entendentla connexité
dansnnsens très large.Les demandes sont traitéescommeconiiexes
lorsqu'ellessont liéesentre elles par un rapport si étroitzc'ily a
qui seraient peut-êtreinconciliables sielles étaient jugéesséparé-

inent.B (V. égalementle grand Traite de Procédure de Glassoii et
Tissier, v.1,no 270.)
011 le voit, la connexité a pour base plutôt une questioii de
technique juridictioniielle qu'une exigence légale ou juridique.

Cependant, nous ne redoutons pas la controverse sur le point de la
connexité matérielle, entendue au sens strict.
Il semble que la Réplique commet une confusion eiitre la
connexitéet l'<iindivisibilité ». L'indivisibilité est une coniiexité
renforcée et qui rend non seulement utile mais nécessairede juger
les deux prétentions ensemble. Il en est ainsi de notre demande
reconventionnelle, puisque, nous l'avons dit, elle contrebat les
deux prétentions de la requête. Elle correspond à la notion
« indivisibiliti)telle que l'adécrite le professeur More1 (eod. loc.,
no 283) et telle que la confirme la Cour de cassation, qui décide

« qu'en l'absence d'une définition légalede la connexité. les tribu-
iiaux ont un pouvoir souverain d'appréciation II(Cass.7 mars 1904,
S. rgog, 1, 287) C'est en réalitéune question de fait.
La mêmeconception nous parait dominer le droit international
et l'article 63 du Règlement de la Cour daiis la distinction qu'il
fait entre les demandes reconventionnelles directes et iridirectes.
Dans le livre consacré par le juge A'ianley Hudson à la Cour
permanente de Justice internationale (Paris, Pedone, 1936, p. 500),
nous voyons que les demandes reconventionnelies directes sont

celles qui naissent des faits et négociations sur lesquels se fondent
les revendications du demandeur, et les indirectes celles qui
naissent d'autres circonstances. Une demande reconventionnelle
directe doit donc êtreen rapport de connexité juridique avec la
demande principale. (V. Agaire de l'usine de Cltovz61~:Public.
de la Cour, Série A, no 17, p. 38.) Si l'affaire est introduite,par
coiiiproniis, le problème des demandes reconventionnelles ne se
présentera que rarement, les deux parties s'étant mises d'accord
sur les questions soumises à la Cour. Mais si l'affaire est soumise

par requête,comme c'est précisémentle cas en l'espèce,la coinpé-
tence de la Cour s'étendà toute demande reconventionnelle directe.
C'est à elle qu'il appartieiit également d'apprécier dans quelle
28428 DUPLIQUE DU GOUVERNEMEXT PÉRUVIEN (15 VI jo)
mesure le caractère direct, c'est-à-dire l'intimité de la liaison

entre les demandes, se vérifiera. Le juge blanley Hudson admet
clue la Cour peut meme, lorsque cela est nécessaire à l'apurement
du litige, décider sur des demandes reconvetitionnelles indirectes
(op.cit., no446. V. aussi: Anzilotti, Rivista di Diritto internazionale.
1929, p. 309). Mais il s'agit ici d'une demande reconventionnelle
directe.
La Réplique colombienne, en contestant la connexité, poursuit
en réalité une prétention implicite et, avons-nous dit, tendancieuse.
II lui est impossible de soutenir sérieusement qu'il s'agisse réelle-
ment d'une e nouvelle instance» (Répl., 11.381, no 77). &fais elle
voudrait faire croire que l'acte compromissoire du 31 août conférait

au Gou~~emementcolombien le droit esclusif de fixer lui-mêmeles
termes et l'étendue du litige, et que le Gouvernement péruvien
était tenu de s'y conformer. Il n'en est rien. L'article z de l'acte
compromissoire constate, en effet, in terminis, qu'«il n'a pas été
possible aux plénipotentiaires de se mettre d'accord sur les formules
dans lesquelles le cas serait soumis à la Cour a.C'est la raison pour
laquelle ils ont convenu que la procédure pourrait i:tre introduite
devant cette haute juridiction par l'une <luelconque des parties.
Chacune d'elles reste donc maîtresse de la consistance du litige et

le demeure. La Colombie s'est montréece qu'on estconvenu d'appeler
irla partie la plus diligente », mais cette diligence ne lui confère
auctrtznzo~zopolesur la nature et l'étendue du différend. Le Pérou
conserve ici encore « son droit de qualification 1).La controverse
entre les deus Gouvernements porte fondamentalement sur la
légalité de l'intervention colombienne et l'interprétation de la
Convention de 1928. C'est sur ces deus points que'porte la présente
Duplique, et elle insiste sur un des aspects de cette interprétation
indivisible de celui qu'a soulevé la Réplique coloinbienne. Elle ne
conteste pas qu'il puisse y en avoir d'autres, mais eue estime que
celui qu'elle expose suffit à décider de la légalitéde l'asile. Sur

l'indivisibilité et le caractère de cetterecoriveiitioii, il appartient
à la Cour de juger.

* * P

b) Ré/zttationdes objectio~zscolombien~zes

Au long des pages allant de la 372 à la 380, la Réplique expose
les raisons pour lesquelles le Gouvernement de la Colombie s'est
cru justifié pour accorder l'asile, et plus loin, de la page 382 à la
page 388, elle s'évertue à démontrer qu'il n'a violénil'article 1,

paragraphe 1,ni l'article 2, alinéa premier, de la Convention sur
l'asile signéeà La Havane en 1928, et que, par conséquent, notre
demande recon\~entionnelle n'est pas fondée. Malgréque ces points
de vue soient traités séparément, ce sont cependant les mèmes
faits qui sont essentiellement allégués pour les défendre. Pour DUPLIQUE DU GOUVEKSEJIEST P,EÉKUVIEX(1j TI j0) 429

rendre plus claire et plus brève notre défense, nousavons cru plus
simple de les examiner ensemble dans une mêmepartie de la
Duplique.
La défensecolombienne s'étonne tout d'abord de voir que celle
du Pérou soulèveun point qui, dit-elle, n'aurait pas ététraité dans
la correspondance diplomatique : celui de l'illégalitéde l'asile
octroyé par son ambassade à Lima, et elle ajoute que, quelles que
soient les raisons de ce qu'elle appelle un changement de notre
position, elle n'y trouve que des avantages. r\ ce propos, il est
nécessairede rappeler qu'à plusieurs reprises dans Ics notes échan-
gées, le Gouvernement du Pérou a mentionné l'existence d'un
procèspour délits communsantérieur à l'asile, ainsi que la nécessité

pour le Gouvernement colombien de procéder i une revision des
faits qui le motivaient. Mais bien que celui-ci ne veuille pas recon-
naître ces antécédents,ceci n'enlève rien à la base légalede notre
position, pas plus d'ailleurs qu'aux avantages que nous trouvons
de notre càté à ce que les divers aspects et les différentesphases
du cas qui fait l'objet de la controverse soient éclaircis depuis
leur origine.
Le Contre-Aïémoirea fondé la demande reconve~itionnelle sur
la violation de l'article2, alinéa 1, de la Convention de 1928, qui
fixe les conditions selon lesquelles l'asile peut être accordéà des
délinquantspolitiques, et surla violation de l'article, paragraphe r,

de cette même convention,qui établit qu'il n'est pas licite de l'ac-
corder à des accusés ou à des condamnés pour délits communs.
Ce mêmedocument a prouvé le bien-fondé et les bases des deux
points de la demande reconventionnelle avec des arguments solides
et irréfutables, ainsi qu'avec des documents servant de preuves à
l'appui, d'une authenticité indéniable.Mais la Répliquedu Gouver-
nement de la Colombie veut interpréter le fait que nous ayons
signalé ces deux violations comme une preuve de la faiblesse de
l'une et de l'autre, alors que, bien au contraire, chacune indé-
pendamment est dûment prouvée,et que toutes deux démontrent
que, quelle que soit la forme choisie par le Gouvernement de
la Colombie pour justifier l'asile et la qualification unilatérale de

l'aasiléN,elle se heurte à une disposition de la convention en ques-
tion qui lui barre la route vers la légitimitéde ses prétentions.
Pour démontrer qu'il n'existait ni des raisons de tolérance
humanitaire, ni des raisons d'urgence pour justifier l'asile (art. 2
de la Convention de 1928), la défense péruvienne a affirmé et
soutenu que, lorsque Haya de la Torre demanda l'asile. il n'était
l'objet d'aucune persécution par des foules qui aient pu mettre
en danger sa vie ou l'intégritéde sa personne, pas plus que de la
part du Gouvernemeiit qui ne l'a nullement pourchassé pour des
raisons politiques.
Sur ce point, la Réplique colombienne revèt une importance

extraordinaire pour la défensepéruvienlie. Elle n'affirme pas, et
elle ne saurait le faire sans aller contrela réalitédes faits, que Haya430 DUPLIQUE DU GOUVERXE3IEXT PERUVIE X1j VI50)
de la Torre s'est présentéà l'ambassade de Colombie à Lima alors
qu'il étaitpoursuiï,i ou menacépar desgroupespopulairesdéchaînés,
ce qui aurait justifié l'asilepour le sauver d'un danger immédiat.

De la sorte, le Gouvernement de la Colombiea reconnu l'affirmation
du Gouvernement du Pérou,en ce sens que l'asile fut accordésans
I'existéncedes circonstances de tolérance humanitaire, de danger
et d'urgence exigéespar ladite Convention de 1928.
Mais étant donné son besoin de justifier l'asile sous ce rapport,
la défense colombiennesoutient que le danger qui menaçait Haya
de la Torre provenait de l'action de la justice, danger auquel il
fallait le soustraire. A notre avis, en admettant cela, la défense
colombienne elle-mêmea porté une grave atteinte CI1a structure
de sa position juridique, car c'est le Contre-Mémoiredu Pérouqui,
pour démontrer l'illégalitéde l'asile accordé, a affirméque Haya
de la Torre chercha l'asile uniquement pour se soustraireà l'action
légitime de la justice du Pérou.

tlucun traité sur l'asile et nulle position doctrinale, pour autant
que nous le sachions, n'établissent que l'asile puisse êtreoctroyé
pour entraver ou paralyser l'exercice normal de la justice d'un
pays. En le soutenant, le Gouvernement de la Colombiese situerait
complètement en marge de la Convention de 1928, et aucune argu-
mentation ne peut étayer une position aussi arbitraire. Il
s'agirait là d'un nouveau principe contraire à l'essence mêmede
l'asile et sa justification humanitaire, principe qui sanctionnerait
l'intervention dans les affaires intérieures d'un autre État, avec
la circonstance aggravante de s'immiscer dans l'administration de
la justice, qui représente un des aspects fondamentaux de la souve-
raineté nationale. En aucun cas, l'action de la justice ne saurait
constituer une menace nicontre la vie ni contre l'intégritéphysique

d'une personne, et bien moins encore pourrait-elle i:onstituer un
danger pouvant justifier l'intervention d'un diplomate et le jeu
des immunités dont bénéficiel'hôtel de son ambass:rde.
Mais, comme la défense du Gouvernement de la Colombie se
rend fort bien compte de l'audace et du danger de cette affirmation,
elle essaie de la justifier en exposant les raisons pour lesquelles
elle soutient que la justice interne du Pérouconstituait, à son avis,
une menace contre Haya de la Torre. Et, dans son effort pour le
démontrer, elle veut se servir de l'accusation du ministre de 1'Inté-
rieur qu'elle qualifie de justice politique, soutenant qul' «silé»
n'est pas responsable des délitscommuns qui font l'objet du procès
antérieur à l'octroi de l'asile, que ce pracun caracthe sommaire,
et qu'aussi bien le séquestre préventif de ses biens que le mandat
d'amener décrété par le juge, constituent une sentence sans procès.

Il s'agit là d'autant d'affirmations que nous avons largement
réfutéesdans la partie de cette Duplique concernant les faits..
A ce tableau, brossé d'erreurs et d'images que l'on voudrait
effrayantes, la défense colombienneajoute le décret-loi promulgué
au Pérou,le 4 novembre 1948 ,ui établit les cours martiales pour DUPLIQUE DU GOUI'ERNE.\IEST PÉKUVIISS (1j VI j0) 431

juger le délit de rébellion, lesautorise à appliqueà chaque délit
la peine immédiatement supérieure à celles fixéespar le Code, et
établit également la peine de mort. Elle hausse encore le ton pour
affirmer que ce décret-loi s'applique au jugement de Haya de la
Torre et viole ainsi le principe nz~llnpana sine lege, insinuant par
cela qu'elle avait toutes les raisons pour accorder l'asile, puisqu'on
voulait, soi-disant, le faire juger par des cours martiales, selon une
procédiire sommaire, le condamnant sans recours, et lui infligeant
peut-être la peine de mort. Tout cela est absolument faux. Xous

ne savons pas si cette fausseté doit ètre attribuée à la simple
ignorance ou à l'intention délibéréd'impressionner la Cour.
Le décret-loi en question porte la date du 4 novembre 1948,
c'est-à-dire qu'il fut promulgiié un mois aprhs l'accomplissement
des faits qui ont causé I'oiiverture du procès contre Haya de la
Torre. Ce décret fut promulgué afin d'êtreappliqué aux délitsqui
auraient pu se perpétrer aprèssa publication, et personne au Pérou
n'aurait jamais songé i l'utiliser pour juger le cas auquel la défense
colombienne fait maladroitement allusion, puisque le principe
selon lequel les lois n'ont pas d'effets rétroactifs, surtout en matière
pénale, y est largement reconnu. Si l'affirmation lancéeen ce sens
par le Gouvernement de la Colombie avait étévraie, jamais le

Gouvernement du Pérou ne se serait permis de soumettre le cas
à la Cour internationale de Justice.
Ilans la partie relative aux faits, nous avons déjàdit que la
sentence du procès dans lequel est inclus Haya de la Torre a été
prononcée le 22 mars de cette année-ci, soit un an et six mois
après l'ouverture de la procédure, ce qui démontre qu'il n'y a pas
eu un procès sommaire, mais un procès ordinaire sous la forme
indiquée par le code applicable. 11a étédit également qu'il a été
fait appel de cette sentence par-devant le Conseil des oficiers
généraux,et qu'ensuite elle viendra certainement devant la Cour
suprêmede Justice, enfin que cette sentence n'acquitte ni ne con-
damne Haya de la Torre parce qu'au Pérou la condamnation par
défaut n'existe pas. Xous devons ajouter à présent que les peines

infligéesà divers civils qui intervinrent dans la préparation et dans
I'exécutioii de délits communs varient autour des trois ans de
prison selon le degréde responsabilité de chacun. Afin que la Cour
puisse avoir une connaissance générale de cette sentence, qui
a prononcél'acquittement de plusieurs desinculpés, nous en présen-
tons une copie légaliséeet nous y joignons comme annexe les
extraits les plus importants de ce procès (annexe no 3):Comme
nous ne pouvons pas présenter à la Cour tout le dossier (non pas
en raison de son volume matériel,mais parce qu'il se trouve encore
soumis aux instances supérieures), cette sentence, ainsi que les
piècesdu dossier présentéescomme annexesdans le Contre-hlémoire.
permettront de se rendre clairement compte que toute la procédure
a strictement observéla loi et respecté lesgaranties qu'elle étab;it DUPLIQUE DU GOUVERSE>IEST PÉRUVIES (1j VI j0)
432
et que les tribunaux et les juges ordinaires du Pérou ont procédé
en dehors de toute suggestion politique.
Il n'est pas inutile de rappeler ici à la défense colombienne
certaines dispositions en vigueur dans soli pays, contenues les

unes dans son Code de justice militaire et les autres incorporéesà
sa législatioii par des décrets ultérieurs. Le Code de justice
militaire colombieri crée ce qu'il iiititules les Coiiseils de guerre
oraux ~idestinés, entre autres choses, à foiictionner dans les cas
de troubles de l'ordre public. Pour les constituer, le Gouvernement
désigne une autorité militaire, laquelle à son tour convoque le
Conseil et nomme trois des membres qui le composent. Le Conseil
siège eii permanence. Le procureur, et à leur tour l'accuséet soi1
défenseur, disposent de quatre heures pour étudier le dossier. La

sentence peut être reviséeuniquement par l'autorité militaire qui
a désigné le personneldu Conseil, et sa décisionne peut plus faire
l'objet d'aucun recours. (Articles du Code de justice pénale
militaire de Colombie, annexe no 4.) Le IO novembre 1949 fut
publié un décret qui étendait la juridiction des a Conseils de
guerre oraux 1en question à plusieurs délitsspécifiécslansle décret.
Celui-ci portait, et1 outre, que le chef de l'état-major des Forces
militaires coiivoquerait ces Conseils lorsqu'il le jugerait nécessaire

(annexe no 5). De plus, le 14 mars 1950 fut publié un autre
décret qui augmente d'un tiers les peines fixées pour les délits
co,mmis contre le régimeconstitutionnel, la sécurité intérieurede
l'Etat, etc., laissant par surcroît la possibilité de substituer à
certaines peines des peines plus fortes (annexe no 6).La'défense
de la Colombie n'appellerait sans doute pas cela de la justice politi-
que, et ne s'inquiéterait pas davantage de l'aggravation des peines
établies pour certains délits, pour cela seul que les informations
des journaux colombiens permettent de savoir que toutes ces

dispositions sont en train de s'appliquer.
Pour essayer de démontrer que la vie, la sécuritéet l'intégrité
personnelle de Haya de la Torre étaient en danger lorsque l'asile
lui fut accordé,la Réplique dela Colombic fait égalerrientmention
d'autres faits qui, selon ce qu'elle affirme, furent pris en considéra-
tion par l'ambassade de Colombie à Lima. Ces faits auraient été
la situation politique rCgnant au Péroii à la suite de l'état de siège
décrétépar le Gouvernement du DI Bustamante y Rivero, la
prolongation de cet état de suspension des garanties décrétéepar

le Gouvernement actuel, le décret de l'ex-président Bustamante
déclarant que le Parti apriste s'était mis hors la loi ; que ses
activités étaiciit coiitraireà la structure démocratique du pays,
à sa sécuritéintérieure et à l'ordre piihlic, et la déclaration qu'il
faisait annonçant que les dirigeants de ce parti seraient traduits
devant la justice nationale comme auteurs ou instigateurs des
événements tragiques du mois d'octobre 1945
Cet ensemble dc dispositions qui, selon la défensed<:la Colombie,
coiistitiiaietit iiiic menace contre Hapa dc la Torre, fournit au DUPLIQUE DU GOUVERNEXEST PÉRUVIES (~j VIjo) 433

contraire la preuve de la nienace et du danger que l'action de son
parti et ses viséesaritidémocratiques représentaient pour l'organi-
sation sociale, constitutionnelle et politique du pays. Il semblerait
que le Gouvernement dc la Colombie ne trouve dans les dispositions

qu'il énumèreque la preuve de la haine politique etde la persécution
de deux Gouvernements du Péroucontre la personne de son a asiléII,
sans vouloir mêmeconsidérer que ces dispositions furent imposées
par le souci urgent de la sécuritésociale et de la défense colle-ti've.
11 n'aperçoit par les motifs supérieurs qui obligèrent ces deux
Gouvernements à prendre ces dispositions, mais il attribue à son
« asiléi>Haya de la Torre l'envergure nécessaireà faire supposer
que ces mesures furent adoptées uniquement dans le but de le
poursuivre arbitrairement et justifier l'asile qui lui fut octroyé.
Dans son Contre-Mémoire,le Gouvernement du Pérou a affirmé

que Haya de la Torre n'avait été,et n'est toujours pas, l'objet d'une
persécution politique, affirmation à laquelle il convient de donner
toute son importance. De ce point de vue, le Gouvernement du
Pérou aurait interprété l'asile comme la fuite d'un adversaire
politique cherchant à se rendre à l'étranger. Le Contre-Mémoire
ajoute à la page 162 :« Mais quand, sur cette personne, retombent
des responsabilités d'ordrc pénal commun, qui ont fait introduire
contre elle une action en justice avant l'asile, et qu'elle est présumée
compromise dans des actes délictueux de la gravité de ceux que

nous avons énoncés,il ne saurait etre question d'attitudes de
générosité équivalentes h l'oubli ou au pardon. Le Gouvernement
du Pérouestime de son devoir de défendre l'ordre juridique, social
et constitutionnel interne, et derespecter l'opinionpubliquegénérale,
qui voit en l'asile, interprétéet appliqué comme prétend le faire
le Gouvernement de Colombie, le manteau de l'impunitéjeté sur
tant de délits que la justice interne doit éclaircir.v
Xous ne jugeons pas à propos d'exposer la situation interne du
Pérou qui justifia la promulgation des décrets mentionnés par la

Colombie. Cependant, nous devons dire que les faits délictueux
qui se produisirent furent immédiatement dénoncés à l'autorité
judiciaire, parce que le Gouvernement voulut qu'il n'intervînt
contre leurs auteurs rien d'autre qu'une sanction légale prononcée
par la justice. C'estpour cela que, dèsle premier instant, il annonça
qu'ils seraient mis à la disposition des juges ordinaires compétents,
et il désigna Haya de la Torre comme l'un des responsables des
délits de droit commun qui avaient étéperpétrés.Le procès fut
ouvert sur l'initiative de l'ex-président RI. Bustainarite y Rivero,
et le Gouvernement actuel ii'afait que laisser se poursuivre le

cours de la justice. La continuité judiciaire de la procédure n'apas
étéaltéréepar le changement de gouvernement. Haya de la Torre
fut somméde comparaître, et comme il ne se présenta pas volon-
tairement, le mandat d'amener fut lancé.
La mention des décrets suspendant les garanties, faitc par la
défense de la Colombie, n'a aucune incidence en l'espèce. Si l'on434 DUPLIQUE DU GOÜVERSE>IEXT PÉRUVIES (~j VIj~)

voulait démontrer que leurs dispositions altéraient l'action de la
justice, il pourrait y avoir lieu à une réfutation de notre part ;
mais puisqu'ils sont cités dans le but évident d'accumuler des
charges sans fondement, et n'ont pas d'influence sur le débat, il
n'y a auciine raison de s'en occuper. La mention qu'on en fait nous
autorise toutefois à rappeler qu'en Colombie on vit depuis des mois
en état de siège, toutes garanties constitutionnelles suspendues, et
que c'est sous ce régimequ'ont eu lieu les électionspour la présidence
de la République. Nous n'affirmons pas, cependant, que ces
mesures ont étéprises en Colombie dans le but de poursuivre
certains individus.
En ce qui concerne le décret qui déclareque le Parti apriste, par
la nature mème de ses activités (annexe no 36 du Contre-hlémoire),

s'était mis hors la loi, nous pouvons dire que son but était bien
différent de celui que lui attribue arbitrairement la défense de la
Colombie, c'est-à-dire la persécution de Haya de la Torre. Cette
mesure a eu pour finalité de mettre fin aux activités du parti en
tant que tel, sans viser aucune répercussioii sur la personne de ses
dirigeants. Les responsabilités individuelles de ceux-ci restaient
assujetties aux lois généralesdu pays.
Les raisons que la défense de la Colombie expose pour justifier
l'asile, d'accord avec les circonstances exigéespar l'article z de la
Convention de 1928, non seulement ne sont pas fondées, mais
rendent encoreplus évidentela violation dela dispositicinmentionnée.

%
* *
Nous nous occuperons à présent de l'autre fondement de la

demande reconventionnelle,c'est-à-dire de la violation de l'articleI,
paragraphe 1, de la Convention de 1928, qui déclare illicite l'asile
de personnes accusées ou condamnées pour des délits communs.
La Réplique soutient que le procès contre Haya de la Torre ne
vise que la rébellionmilitaire et le délitcontre la sécuritéde l'gtat,
et qu'il n'existait, au moment où l'asile lui fut octroyé,ni accusation
ni condamnationcontre lui, de teiie sorte que l'ambassade ne pouvait
savoir qu'il s'agissait d'une personne poursuivie pour des délits
non susceptibles d'asile.
Soulignons avant tout que la défense de la Colombie a admis
qu'elle était au courant de l'existence d'un procèsantérieur à l'asile,
c'est-à-dire que la juridiction de la justice. nationale était saisie.
Eiie affirme seulement qu'il s'agissait d'un procès pour rébellion

etdélit contre la sécuritéde l'État et que, sur ces bases, ce procès
ne pouvait pas empêcher l'asile. Nousavons déjà démontréau cours
de cette Duplique comment ce procès fut ouvert dèsla dénonciation,
laquelle visait les responsabilités pour délits de droit commun. Dès
lors, il s'agirait seulement d'apprécier l'affirmation de la Colombie
selon laquelle les éditset les nouvelles publiées ne lui permettraient
pas de connaître que le procès visait d'autres délits. DUPLIQUE DU GOUVERNEYEST P~RUVIES (~j VI jo) 435

>Jais, si nous nous reportons au moment où l'asile fut octroyé,
c'est alors qu'apparaît clairement la façon toute unilatérale dont
l'ambassade de Colombie à Lima prenait connaissance des événe-
ments, selon que leurs conséquencesétaient favorables ou contraires
à la justification de son action. Tandis qu'elle contemplait les cir-
constances et les mesures prises sous un jour susceptible de colorer

d'humanitarisme et d'urgence soi1octroi de l'asile, elle ne voulait
pas connaître les différentes informations et nouvelles qui démon-
traient le contraire, et, bien entendu, elle ignorait ce que tous les
journaux publiaient à propos des accusations portées par le
Gouvernement contre Haya de la Torre en tant que responsable
présuméde délits communs.Cette attitude conventionnelle ne peut
guère favoriser la thèse de la Colombie, parce que la matière du
procès n'est pas limitée à ce que son ambassadeur à Lima a pu, ou
a bien voulu en connaître. Il constitue une évidencejuridique irré-
fragable dont les conséquences légalesne peuvent pas etre escamo-

tées. Nousiie répéterons pasici tout ce qiie nous avons dit à propos
des délits communs compris dans le procès pour rébellion, parce
que nous l'avons largement exposé et prouvé dans le Contre-
Mémoireet avec les annexes respectives, mais nous reproduirons
l'article zqS du Code de justice militaire, qui dit :

a Article245 - Les délitsde droit commun commispendant
le cours età l'occasionde la rebellion,seront punis en conformité
des lois. indépendamment dela rébellion.D
Si la Colombie ignora ce qui était en contiadiction avec l'octroi
et le maintien de l'asile, elle a pu .ensuite compléter ses coiinais-

sances lors du débat diplomatique sur cette affaire, quand le
Gouvernement du Péroului proposa, en repoussant la qualification
définitive qu'elle voulait imposer, de procéder sous une forme
cordiale et amicale à une revision des antécédentsdu cas à la lueur
objective des faits. C'est alors que le Gouvernement de la Colombie,
sous divers prétextes, refusad'accepter les éclaircissementsconcrets
et préféramaintenir sa qualification impérativebaséesur la manière
dont elle comprenait, connaissait et interprétait ces faits. Et
maintenant que, à propos du débat juridique devant la Cour, le
Gouvernement du Pérou, pour défendre sa thèse avec l'ampleur

qu'il juge nécessaire, pose la demande reconventionnelle basée
sur la démonstration des erreurs commises au départ par la Colom-
bie, la Réplique va jusqu'à nier la Irelation >iqui, selon le liègle-
ment, doit exister entre la matière de la requête et celle de la
demande reconventionnelle.
Il est impossible de nier que Haya de la Torre ait étél'objet d'un
procès pour responsabilité dans la perpétration de délitscommuns.
Le dossier même leprouve de la manière la plus évidente, et
c'est pour cela que dans le Contre-Mémoirenous avons présenté
les annexes y relatives. A plus forte raison, la sentence prononcée

dans ce procèset que nous présentons à l'annexe no3, et qui, nous436 i~tiS~i.iQti1~ 1)ti GOtiVERSE\IEPERUVIE S1j 1-1j0)

le répétons, aétérendue un an et six mois après les faits, établit
de façon irréfutable que, en mêmetemps que le délit de rébellion,
furent commis des délits communs, qui ont fait l'objet de l'enquête
et qui sont qualifiés d'une manière que l'on ne saurait contester.
Ils déterminent le degréde culpabilité de leurs auteurs et les peines
qui lui correspondent conformément aux dispositions du Code

pénal. Si donc il a étéétabli que Haya de la Torre était inclus dans
le procès et que l'accomplissement de délits communs est qualifié
dans celui-ci, il ne reste pas le moindre doutc qu'il appartient à
la justice d'établir quelle a étéla participation qui a pu échoir
à l'aasilé>i.Et il y a lieu d'ajouter, en dépit de Larépétition,que
cet asile empêchela justice de remplir ses fonctions et que le procès
fut ouvert avant que l'asile soit octroyé.
La Réplique affirme également qu'il n'y avait pas d'accusation
formelle et qu'il n'y avait pas non plus de condamnation lorsque
l'asile fut accordé. En ce qui concerne la condamnation, nous
n'avons rien à dire, puisque au Péroii la condamnation par
contumace n'existe pas, et que Haya de la Torre se trouve dans

cette situation légale. Par contre, en ce qui a trait :'l'accusation,
nous devons affirmer qu'elle s'est produite selon les exigences de
la loi et qu'elle a entraîné les effets légaux indispensables pour
l'ouverture du procès. Nous n'estimons pas nécessairede rappeler
ses fondements de fait et de droit;pour prouver sa validitéjuridique
il suffit de dire que le procureur ou auditeur de la Marine, dans
I'exercice de ses attributions légales, accueillit cette accusation et
lafit sienne, demandant au juge l'ouverture du procès. Et ce dernier,
également dans l'exercice de sa compétence, ordonna l'ouverture
de l'instruction contre, entre autres accusés, Haya de la Torre.
On pourrait discuter des effets légaux de l'accusation sur l'asile
accordé, si celle-ci était demeurée une simple accusation ; mais

dès qu'elle a étéaccueillie par les autorités judiciaires et qu'elle a
fait l'objet de I'ouverture d'un procès pour des délits précis et
contre des responsables désignés, elle revêt toutes les qualités
nécessaires pour que ses effets légaux, notamment au regard de
I'asile, soient indiscutables et inébranlables.
Soiij cro!.aiis que Ic(:litcr les argilint.i~~CSCI~ IUSiniintrc,i~f
Ic bicri-fuiidéclcla deinniidc rt:(:on\.cntioiiiielle I>as;csiir In \fiola~i<,ii
par la Colombie de l'article I, paragraphe I, de la Convention de
1928 ;et que les raisons alléguéesà l'encontre, soit di: ce chef, soit
en ce qui concerne les conditions de l'asile donné aux délinquants
politiques (art. 2 de cette même Convention de I~S), ont servi
à renforcer la thèse du Gouvernement du Péroii.

Nous devons encore noter que la défense de la Colombie, en se
rapportant conjointement aux deux points qui sont le fondement
de notre demande reconventionnelle, ajoute que, taridis que d'un DUPLIQUE DU GOUVERSE>IEKT PÉKUVIES (1jYI 50) 437

côté nous affirmons que les faits exposés dans le Contre-Némoire
avaient causé de fortes alarmes et inquiétudes. d'un autre côté
nous disons que lorsque l'asile fut accordé il régnait à Lima un
ordre normal absolu et que le Goiivernement respectait et faisait
respecter les droits des citoyens. Elle trouve entre ces deus affir-
mations une contradiction qui lui paraît suspecte. L'explication
est facileà donner si l'on tient seulement compte des dates. Aussi
bien la rébellion que les délits communs qui répandirent l'insé-
curité et le trouble eurent lieu le 3 octobre 1948 A cette date,

cette affirmation correspond à la vérité. Ifais à partir de cette
date, jusqu'au 3 janvier 1949, qui fut le jour oii Haya de la Torre
obtint l'asile, il s'est écouléun laps de trois mois, au cours duquel
aussi bien la capitale que le reste du pays retrouvèrent la vie ~ior-
male, et le Gouvernement sut garantir l'ordre public et les droits
des citoyens. Sur ce point également, notre affirmation est exacte,
et ce n'est qu'intentionnellement que l'on peut voir là une contra-
diction.
La liéplique présente également un argument dénuéde signi-
fication lorsqu'elle dit que l'asile doit durer le temps nécessaire

pour que Y«asilé>i ise mette en sécurité a et que le Pérou, en
refusant le sauf-conduit, empêche que la Colombie accomplisse
cette intelition. Cette affirmation part de la supposition qu'il
n'existe pas d'autre moyen pour mettre fin à l'asile que le transfert
de l'aasiléIà l'étranger. Or, il y a d'autres façons d'y mettre fin,
surtout en tenant compte de la finalité humanitaire de l'asile, qui
a pour but de préserver un réfugiéd'un danger grave, immédiat
ct passager. Une fois que la menace des foules est dissipée,il peut
sortir librement. Lorsqu'un représentant diplomatique est convaincu
qu'il n'y a pas de persécution politique de la part d'un gouverne-

ment, il doit le considérer comme ayant pris fin. S'il est établi que
celui qui a demandé l'asile était l'objet d'une accusation et d'un
procès ouvert avant le fait d'asile, lediplomate doit laisser le champ
libre à l'action de la justice. 11peut se présenter aussi d'autres cas
où il n'y ait pas lieu de donner un sauf-conduit: soit quc l'on tienne
compte des raisons fournies par le gouvernemeiit territorial, ou
parce que l'ambassade même ne considère pas opportum de le
demander. Le Gouvernement colombieii n'est donc pas fondé à
affirmer que le Pérou se refuse à la seule manière possible de mettre
finà l'asile ; ce qu'il refu-e avec juste raison -, c'cst d'accepter

celle oue le Gouvernement de la Colombie veut choisir uour résoudre
le cas.
Fiiialement, la Réplique, en se référant à Irdemande reconven-
tionnelle, dit que le Contre-Mémoire comporte trois accusations
nouvelles contre Haya de la Torre, pour délits dits de terrorisme,
pour participation éventuelle à l'assassiiiat de Fraiicisco Grafia
Garland, et pour sa liaison avec le trafic de drogiies et le chef de ce
trafic, Eduardo Balarezo.438 i>UI~LrQGE DU GOUVERSE\lEST PÉRUVIES (1jVI 50)

En ce qui concerne le terrorisme, nous dirons qu'il n'y a aucune
différenceentre ce qui a étéaffirméau cours du dkbat diplomatique
et ce que nous disons dans le Contre-Mémoire.Dans les deux occa-
sions, nous avons soutenu que le terrorisme est une circonstance
aggravante des délitscommuns, quecette circonstance a fait que des
publicistes et des conclusions de conférences lescondamnent spécia-
lement ;que le terrorisme a étéla caracténstiqiie desdélits apristes
et que ces délitsne peuvent pas êtrequalifiésde politiques, comme
a prétendu le faire le Gouvernement de la Colombie. Et pour ne pas

nous étendre sans objet sur ce point, nous nous en rapportons à ce
qui a été ditsur ce sujet aux pages 1j7 et 158 du Contre-Mémoire.
Nous n'avons pas assimilé, légalement, aux dklits communs
et à la rébellion lescirconstances du procès Grafia et du trafic des
drogiies. Ceci ressort des endroits même oùnous en avons parlé.
Le procès pour délits communs, instauré avant que l'asile ne se
produise, invalide celui-ci, en fait une violation de la loi interna-
tionale, et pour cette raison il en ressort des conséquences spécifiques
dans le cas soumis à la Cour. Le procès ouvert contre Haya de la
Torre comme auteur intellectuel présumé de1'assassin:itde Francisco
Graiia Garland, est d'une date postérieure à i'asile, et c'est pour
cela que nous n'avons pas affirméqu'il ait ?lescoiiséquencesdirectes

sur son octroi. Mais comme le Némoire essaie de démontrer que
l'aasiléI)est seulement un politicien, ce qu'il veut mettre en relief
d'une manière intéressée,nous nous sommes crus obligésde notre
côté de faire savoir que la justice interne le croit responsable de
'l'assassinat de Grafia ainsi que des délits contre l'administration de
la justice et contre la foi publique, chefs pour lesquels les procès
furent ordonnés.Et pour le moins, jusqu'à ce que i'enquêtepuisse
se poursuivre et que la sentence puisse ètreprononcée, cequ'empêche
l'asile, il faut tenir moralement compte de cette situation pour se
former une opinion sur l'individu.
Quant à l'affaire du trafic des drogues, nous l'avons présentée
dans le mêmebut. Xous n'avons rien ajouté aux documents

présentéssur ce point dans le Contre-Mémoire. Les informations
des journaux, le piocès y relatif et le rapport du superviseur du
district de New-York au directeur du Bureau des narcotiques du
ministère des Finances des États-Unis, sont éloquents par eux-
mêmes.Les commentaires que la Réplique en fait lui appartiennent
en propre, puisqii'elle ne présente aucun document qui soit de
nature i diminuer - fût-ce partjellement- leur valeur probante.
Enfin, dernière observation. On aura remarqué qu'à la page 387
de la Réplique, la défense colombienneprétend que pour établir
le bien-fondéde la demande reconventionnelle, le Contre-Mémoire
aiirait dû apporter un certain nombre de preuves qu'elle énumère
en cinq paragraphes.

Sur le premier point (l'antérioritéde l'accusation et de l'ouverture
de la procédure), toutes les preuves nécessairesont étéamplement
fournies. DUPLIQUE DU GOU\~EKSE~IEST PÉRUVIES (xj VIjo) 439

Quant aux autres exigences énuméréespar la Réplique, eues
sont de teUenature que ce serait à la Colombied'apporter la preuve
des faitsallégués et non pas au Péroude fournir la preuve contraire.
En réalité,il s'agit là, purement et simplement, d'un artifice de
procédure par lequel notre adversaire cherche à déplacer à son
profit le fardeau de la preuve. C'està lui en effet de démontrer que
l'accusé ne jouissait pas des garanties constitutionnelles (iii;
qu'il n'aurait pas pu le cas échéant présentersa défense (IV) et
qu'il y avait urgence dans le sens de la Convention de 1928 à

accorder l'asile demandé (v),toutes choses que nous nions.
*
* *
. .
1'1. - OBSERVATIOS IS-*LES

Dans cette partie de la Duplique, la défensedu Gouvernement
de la Colombie essaie une fois encore de mettre le plus en relief
possible la personne de son « asiléIIElle parle de la «forte per-
sonnalité ainsi que l'intelligence bien connues de M. Victor Raul
Haya de la Torre I,et elle s'efforce de justifier le fait de lui avoir

accordél'asile, en le faisant apparaître comme poursuivi injuste-
ment par des Gouvernements arbitraires mus par des raisoiis
d'ordre politique.
Il se peut que le.Gouvernement de la Colombie ait une grande
admiration pour la personne de Haya de la Torre ; il se peut
qu'il agisse suggestionné par les qualités mentales et morales
qu'il lui suppose; il se peut, enfin, qu'il se croit tenu de faire
tout son possible pour défendre l'attitude erronéequ'elle a main-
tenue et qu'elle maintient dans ce cas d'asile. Mais ce qu'elle
ne peut pas, c'est de faire prévaloir son propre critérium par- .
dessus les faits, les raisons et les preuves aussi éloquentes qui

ont étéprésentéespar le Pérou.Et c'est pour cela qu'il est difficile
de comprendre pourquoi elle s'est placée et s'est maintenue sur
une position aussi iiitransigeante, se refusantà analyser les raisons
et les motifs qui poussèrent Haya de la Torre à chercher asile
dans son ambassade. Pas plus qu'il n'est compréhensible pourquoi
elle se refuseà juger sereinement la valeur des preuves présentées
au sujet du procès instauré avant I'asile et pourquoi elle ne veut
pas tenir compte pour apprécier dûment <<laforte personnalité BI
de son u asiléIdes procèscontre lui dont l'ouverture a étéordonnée,
l'un comme responsable ou instigateur présuméde l'assassinat
de Francisco Graiia Garland, et l'autre en raison desa participation
possible aux délits commis contre l'administration de la justice

et contre la foi publique.
Au cours de cette dernière procédure, ainsi qu'il appert du
rapport du juge d'instruction, hl. Carranza Luna, plusieurs témoins
ont déclaréque dans le système interne de I'Apra, pour adminis-
trer sa propre justice, Haya de la Torre lui-mêmea présidélçs 440 DUPLIQUE DU GOUVERSEZIEST PERUVIES (1j VI j0)

tribunaux qui ont ordonné l'application de peines diverses, y
compris celle de mort, soit contre des adversaires politiques, soit
contre des partisans qui avaient commis des fautes graves qui
touchaient à la discipline du parti (annexe no 7).
Il est cependant un point sur lequel nous sommes heureux

de nous trouver en plein accord avec la Réplique colombienne.
C'est lorsqu'elle prédit (p. 390, no83) que la décision de la Cour
aura une portée historiclue svr l'orientation de la politique de
l'asile dans les relations des Etats sud-américains et sur l'appli-
cation ultérieure de la Convention de 1928. Toutefois, au lieu
de considérerque,si le droit de qualification I(irréfragable 1)n'était
pas reconnu à I'Etat a asilant i>,l'institution de l'asile tomberait
en désuétude - ce que rien logiquement ne saurait faire prévoir -,

nous concluerons qu'il est important, au contraire, que l'asile
soit de plus eii plus précisémentréglementépour en éviter les
abus. C'est en effet du mésusage et de l'arbitraire que meurent
les institutions les plus légitimes. C'est l'aménagement juridique
qui fortifie les compétences. La véritable solution du conflit de
compétences qui divise aujourd'hui les deux Républiques sŒurs,

et pourrait demain soulever d'autres litiges entre État?, se trou-
verait dans une stipulation conventionnelle entre les Etats amé-
ricains établissant dans ce domaine la compétence obligatoire
de la Cour de Justice internationale1.

Il ne nous reste plus qu'à maintenir intégralement nos
conclusions.
En ce qui concerne le fondement de l'institution de l'asile,
rien n'a été alléguéqui le contredise. L'institution de l'asile

est une pratique, un usage, qui ne trouvent leur fondement ni
dans une norme coutumière obligatoire, ni dans iine norme de
droit international soit général,soit américain. Elle repose sur
une base morale et humanitaire.
D'autre part, elle présente un caractère interventionniste
marqué. Il en résulte :
- que son utilisation ne saurait être arbitraire et absolue,

surtout dans les rapports entre Etats américains ;
- qu'elle ne peut être reçue que dans les limites du droit
conventionnel en vigueur 'entre les parties, en l'espèce la
Convention de La Havane de 1928;

' C'est la solution recommandée par l'Institut de Droit international. Voir
l'artg du nouveau projet de résolutio:
iTout différendqui vientàsurgir au sujet de l'exercice de l'asile et qui n'aurait
pasétéréglésoit par voie diplomatique. soit une procédurearbitrale ou autre,
parties8é devant la Courinternationale de Justice par voie de rcqu5te d'unedes DUPI.IQUE DU GOUVEKSELIE~T P~RUVIES (1j VIj~)
41
- que cette Convention, qui inaugure un début de réglemen-
tation de la pratique de l'asile, a étéconçue dans un esprit de
limitation de l'arbitraire du gouvernement aasilant i;
- que l'asile étant dérogatoire aux compétences normales de
l'État territorial et comportant en fait 'un abattement de souve-
raineté, le droit conventionnel qui s'y rapporte doit s'interpréter
restnctivement ;
- que la qualification faite au moment de l'octroi de l'asile
par un agent diplomatique ne peut être qu'une qualification
firouisoire, susceptible d'être contredite par le gouvernement
territorial qui, logiquement, est le mieux à mêmede s'éclairer
sur la nature des faits délictueux et que la qualification définitive

correspond aux tribunaux nationaux de justice lorsqu'il y a
un procès instauré avant l'asile ;
- que le conflit de compétences susceptible de s'élever au
sujet de cette qualification ne peut, comme tous les conflits de
sopveraineté, être tranchéunilatéralement et que, par conséquent,
1'Etat territorial ne saurait être tenu de délivrerles sauf-conduits
et garanties réclamés pour les ~asilés ,Icomme une sorte de
conséquence automatique de l'asile ; qu'il conserve sur ce point
une liberté totale d'appréciation ;
- que le Gouvernement colombien, n'ayant pas apporté la
preuve dails son Mémoire de l'urgence requise par l'article z.
paragraphe z (inciso 9rimero). de la Convention de La Havane
de 1928, prétend maintenant justifier cette urgence en se basant,
à tort, sur le fonctionnement (supposé irrégulier) de la justice
pérnvienne;
- que l'acte compromissoire du 31 août ne confère pas au
Gouvernement colombien le droit exclusif de fixer lui-même les
termes et l'étendue du litige et, partant, que le Gouvernement
péruvien a le droit de demander à la Cour de se prononcer à
titre reconventionnel sur d'autres aspects du différend :
- que la connexité entre les circonstances dans lesquelles
l'asile a étéoctroyé et les conséquencesqui en découlent, ressort
d'une façon évidente des exposés écrits soumis à la Cour par
les deux Gouvernements, sans qu'il soit nécessaire pour le Gou-

vernement pémvien d'apporter de nouvelles preuves :
- qu'il résulte de YantSriorité de l'inculpation sur l'octroi de
l'asile et des autres erreurs commises par l'ambassadeur colombien
dans l'interprétation de la Convention de 1928, que l'octroi de
l'asile et son maintien sont illégaux. Sur la base des considérations de fait et des motifs de droit
qui précèdent, et sous réserve de tous autres argunieiàtdéve-
lopper dans la procédure orale,

PLAISE A LA COUR
Débouter le Gouvernement de la République de Colombie de
ses conclusion;

DIRE ET JUGER :
a titre reconventionnel, aux termes de l'article 63 du Rtglement
de la Cour, et par un seul et mêmearrêt, que l'octroi dc l'asile

par l'ambassadeur de Colombie a Lima à Victor Rahl Haya de
la Torre a été fait en violation de l'artiI,epara~raphe I, et
de l'article z, paragraph2,premièrement (i~rcisofirt??iero),de la
Convention sur l'asile signéà La Havane en 1928.

Fait à La Haye, le 15 juiii 1950.

(Signé CARLOS SAYAS ALVAREZ,
Agent du Gouvernement péruvien. LISTE D'ANNEXES

r. Extraits du Code de justice péruvien (document remisavec le Contre-
Mémoire).
2. Ext~aits de la résolutioii du chef de la Zone judiciaire de la Marine
qui déclare,entre autreç; Haya de la Toirc inculpédéraillant. (Folios
24 à 54 du cahier 11-C du procès pour délitde rébellionmilitaire et
autres.)
3. Extraits de Ia sentence prononcée Ie 22 mars 1950 par le tribunal
qui jugea les responsables du délit de rébellionet autres.

4. Articles du Code de justice pénale militaire de la Colombie.
5. Décretcolombien étendant la juridiction des Conseilsdeguerre oraux.
6. Décret colombien augmentant les peines fixéespar le Code pénal.

7. Extraits du rapport du juge d'instruction pour le procès contre
Victor liaul Haya de la Torie et autres pour le délit d'usuipations
de fonctions.

DOCUMENTSREMIS AU GREFFE DE LA COUR IXTER~ATIO-
NALE DE JUSTICE AVEC LA PRESENTE DZIPLIQUE

1. Folios 24 à54 du cahier II-C du procès pour délit de rébellionmili-
taiie ct autres contenant la résolution du chef de la Zone judiciaire
de la Marine qui déclare, entre autres, Haya de la Torre incul116
défaillant.
2. Copie légaliséede la sentence prononcée le 22 mars 1950 par le tribii-
na1qui jugea les responsables du délitde rébellionmilitaire et autres.

3. Exemplaire du Code de justice pénale militaire de la Colombie (loi
3 o de 1945).
4. Coupitre du Journal officielde la Colombiecontenant ledécretno3562.
de '949.
5. Exemplaire du Journal officiel de la Colombie contenant le décret
n" 957, de 1950.

6. Copie légaliséedu rapport du juge d'instruction dans le procèscontre
Victor Raiil Haya de la Torre et autres pour le délit d'usurpation
de fonctions.444 ASSEXES A LA DUPLIQUE PÉRUVIEXXE (s' 1)

EXTRAITS DU CODE DE JUSTICE MILITAlKE PERUVIEN
[Tradz~ction]
Loi no8991 111616 octobre1939

Livre 3. - De la procédure judiciaire

Titre z. - De la dénonciation

Art. 4j8. - Les membres des institutions militaires, quelle que soit
leur hiérarchie, qui seraient au courant d'une infraction siijette à la
juridiction spéciale de guerre, sont obligés de la dénoncer verbale-
ment ou par écrit à leur supérieur, qui fera suivre la dénonciation sous
sa responsabilité.
Art. 459. - Les civils pourront dénoncerles infractioris de caractère
militaire auprès de n'importe quelle autorité ou fonctionnaire du service
respectif, par écritou oralement, et dans ce second cas il sera établi un
procès-verbal.

Art. 460. - Dans le cas où le dénonciateur serait la victime et il ne
supérieures immédiates., il pourra s'adresser directement aux autorités

Art. 461. - Les autorités politiques, ainsi que celles de police, sont
obligéesde dénoncer lesinfractions militaires commises sur le territoire
sous leur commandement.
Art. 462. - La procédure pénalepeut égalements'ouvrir par ordre
du Président de la Képublique ou du Conseil des officiers généraux.

Art. 463. - La dénonciation devra contenir:
ro la narration des faits matière de l'infractioii, avec toutes les
circonstances connues ;
z0 le nom de l'infracteur, son emploi ou sa fonction ou ses signes
particuliers, dans le cas où son nom serait ignoré ;
3' les raisons que l'on a pour présumer ou affirmer que l'infraction
a été commise ;

n'étaientpas connus, ou la déclaration disant qu'il n'ya pas de témoins.
Le dénonciateur n'a aucune participation dans l'enqui!te causéepar
sa dénonciation, et il n'encourt aucune autre responsabilité, sauf celle
provenant d'une accusation fausse ou malicieuse.

Art. 464. - Dans le cas où le dénonciateur le demaiiderait, on lui
remettra un papier faisant preuve de la présentation de sa dénonciation,
en mêmetemps qu'on lui remettra une copie de celle-ci.
Art. 46j. - Il ne sera pas tenu compte des dénonciations :

résolution définitive ;apporteroiità des faits qui auront été l'objet d'une

z" lorsqu'elles serapporteront à desfaits non qualifiéspar la loicomme
délits; 446 ASSESES .ALA DUPLIQUE PÉKU\.IESSÉ (sa 3)

Annexe no 3

EXTRAITS DE LA SENTENCE PRONONCÉE LE 22 MARS 1950
PAR LE TRIBUNAL QUI JUGEA LES RESPONSABLES DU DÉLIT

DE RÉBELLION MILITAIRE ET AUTRES
[Traduction]
Lima, le vingt-deux mars mil neuf cent cinquante.

Ainsi qu'il appert des ordonnances : dès que la zone judiciaire de
la Marine eut connaissance de la rébellionmilitaire du 3 octobre 1948.
elle ordonna automatiquement l'ouverture des enquêtes préliminaires
de l'investigation judiciaire; aussitôt après, en date du 4 de ce même
mois, avec l'approbation de l'auditeur, elle ordonna l'ouverture du
procès militaire correspondant pour flagrant délit de rébellionmilitaire,
eu raison des enquêtesmenéeset étant donné les dénonciations.faites
par M. le ministre de l'Intérieur, communiquée> par M. le ministre
de la Manne, et par le contre-amiral, chef de l'Etat-Major généralde
la Manne ; comme les délais réglementaires furent atteints sans que
du 9 octobre de la même annéel.a zone judiciaire de la Marine ordonna
que le procéssoit suivi selon la procédure ordiiiaire en fixant les délais
de l'enquête selon l'article 515du Code de justice militaire, faisant
apparaître ensuite, par ampliation de la procédure, les délits connexes
d'insulte au supérieur et ceux relatifs au terrorisme sous la forme
prévue par le Code pénal comme sdélits contre la sécuritépublique I)
et délits contre les communications publiques et contre l'Etat et la
défensenationale, accumulant les procès pour abandon de poste, pour
insulte et pour désertion, ainsi qu'il est indiqué dans les diverses
ordonnances : qu'après les sommations par édits et apras avoir réitéré
I'ordre d'arrestation, ainsi qu'il appert des ordonnances, ont étédécla-
rés défaillants : Victor Raul Haya de la Torre ....(suivent soixante
et un noms), dont le procès a étérenvoyé; il en est de même pour
les malades empéchésde se présenter aux débats, et par conséquent
les accusés présents mentionnés plus loin devront être jugés selon
. les délits qui leur sont attribués :
...La rébellion à bord des navires de la flotte et dans les dépen-
dances navales de la cate fut coordonnée avec les nombreux actes
ou faits terroristes préparéset perpétréspar des apnstes dans différents
secteurs de cette capitale ou qui devaient êtrecommis dès l'obtention
du succès local au CaUao.Ceci-est encore démontréDar la conversation
soutenue entre le lieutenant Ontaneda et le Arévalo
sur la passereue de commandement de l'Almirante Villar, qui confirme
l'idéologiedu mouvement de rébellion.Cette conversation fut entendue
par l'officierde mer Eugenio Cbuna Sanjinez, et figure aux folios 533
et suivants du cahier 3-A ; au cours de celle-ci, Arévalo demanda à
Ontaneda :u Comment doit êtreLima à cette heure-ci? u,et le lieute-
nant lui répondit : aSùrement qu'à dix heures ils leur ont fait sortir
la langue et qu'a onze heures et demie nous arborerons le drapeau de
la victoire.» Il appert des pièces qu'un fort groupe de civils appar-
tenant tous au Parti apriste, convoqués par Juan Augusto Montoya,
prirent connaissance qu'un mouvement subversif allait avoir lieu aux
premières heures du 3 octobre 1948, et qu'ils devaient y coopérer par .~ses~s A LA D~PLIQUE PERUVIE&.NE (x" 3)
447
la prise de la centrale téléphonique de Lima et de quelques autres
centrales comme celle de Magdalena ; en raison de cela, le z de ce
méme mois d'octobre, ils se réunirent .au siège du sixième secteur du
Parti du Peuple, d'où ils se rendirent ensuite chez Alfredo Becema
Mesarina; et de là ils sortirent par groupes pour s'emparer de la centrale
téléphonique,ce qu'ils parvinrent à faire; le groupe qui s'était réuni
chez Marquina dans le but de s'emparer de la centrale de Aiagdalena
ne parvint pas àintervenir, car il reçut opportunément le contre-ordre.
Quelques jours après le 3 octobre, la police découvrit au no120 de la
rue Luna Pizarro, dans le district de San Isidro, 1.078 pétards ou
bombes explosives de différentes dimensions, toutes munies de déto-
nateurs et de mèches, qui furent examinées par les experts ainsi qu'il
appert des folios 196 et 197 du même cahier.Leurs effets dangereux
sur les personnes et les constructions sont prouvés. Le locataire de
cette maison était HipCilito Alfaro, trésorier du Parti apriste, dans
le bureau duquel, au siège central du parti, le juge d'instiuction
suppléant, commandant Tudela, trouva zoo cartouches brîilées pour
fusil du calibre 7,65. ainsi qu'un rouleau de cordeau Bickford (folio 27
du cahier IO-A et note de la sous-préfecture et intendance de Police
adressée à lin des juges d'instniction su pléants, no 48, du13 octobre
1948). Nipblito Alfaro, fanatique affil&é Parti du Peuple, est compris
dans ce procès, mais il a étédéclaré défaillant,et de ce fait a lieu le
renvoi de son jugement, non seulement à cause des faits précédents,
mais encore en raison de sa responsabilité pour les ordres qu'il donna
de fabriquer des bombes explosives. Le 4 octobre, toujours de la mémeur,
année, un pétard fut trouvé dans le jardin de la maison du secrétaire
de la Compagnie des téléphones, maison siseau no 13j de l'avenue
El Rosario, selon la note du commissaire de San Isidro qui figure
au folio ZOGdu mêmecahier ; et ce même jour,dans le taxi no 37802,
cinq individus, qui prirent la fuite au moment où ils furent surpris
par la police, abandonnèrent trois bombes explosives et un revolver.
Toujours ce même4 octobre, le commissaire du huitième commissariat
(folio 216) dénonça la trouvaille d'un pétard placésur la partie arrière
d'un poste distributeur d'essence situé au coin de la place Bolognesi
et de l'avenue Guzman-Blanco, ainsi que l'explosion d'un pétard, au
mêmeendroit, qui endommagea le poste. La note qui figure aux folioszrg
et zzo do mêmecahier informa sur les explosions de plusieurs bombes
sur les toits d'immeubles de Lima, sis au no 1046 du JirOn Carabaya
et au no 280 du I'asajc Encarnacibn ; dans la méme note, il est fait
mention de la trouvaille d'une autre bombe, avec la mèche éteinte,
au no 296 du Pasaje Encarnacion.
Une cartouche de gélinite fut trouvée sur la porte du quotidien
La Prensn (pièce des folios zzg à 232 du cahier mentionné), et ce
4 octobre,encore, un attentat terroriste au moyen de bombes et de
bouteilles incendiaires fut commis contre la succursale de la Banque
populaire sise au parc El Porvenir dans le district de La Victoria,
attentat par lequel on chercha à détruire et à piller la banque, ainsi
qu'il appert du communiqué qui figure aux folios 501 à 508 du même
cahier.
Par la note qui figure aux folios 512 et 513, le commandant gbnéral
de la Garde républicaine informa sur la trouvaille d'une bombe de
dynamite avec détonateur et mèche, au pied de la tour Villacampa ASSEXES A I.A DUPLIQUE PÉKUYIESSE (s0 3)
448
de la caserne sous ses ordres ;et le capitaine commissaire du quatrisime
commissariat dénonça dans son rapport no 756, qui figure aux folios 516
A 518, la découverte de quinze bombes de dynamite ancastrées, à la
rue Villacampa, dans le mur mitoyen d'une fabrique de verre.
Le 3 octobre 1948, à 22 heures, ainsi qu'il appert des documents
figurant aux folios 514 et 515, une bombe avec la mèche allumée fut
lancée dans le jardin de la maison du lieutenant-colonel Alejandro
Villaliz Vélez.habitant au no 482 de la rue Pichincha ;et le 4, une
bombe fut trouvée rue Arzopisbo, près du palais de l'Archevêché ; et
ce même jour, rue de la Penitencia, face au no 170, une bombe qui
ayait étélancéed'une automobile qui circulait phares éteints fit esplo-
sion, et à la rue Trinitarias une autre fit explosion et blessa quatre
personnes.
Selon les piècesqui apparaissent aux folios 203 et suivants du cahier
mentionné, le 7 octobre, on trouva contre les rails du tramway de la
ligne Lima-Magdalena, à la 24"~~rue de l'avenue du Brésil.une bombe
explosive automatique, marque nBeug-Band » no 1104(iz : le 16 de ce
même mois,on trouva, sur le toit de la chambre no 14de l'hôtel Palacio,
deux boîtes de carton contenant chacune quatorze bombes du même
type et ayant les mêmescaractéristiques, selon l'expertise, que celles
qui furent découvertes lors de la rébellion du 3 octobre.
Par la piècequi figure au folio 700 du mêmecahier, le commandant
généralde la Garde républicaine informe de la découverte de dix
bombes de dynamite avec leurs mèches respectives, trouvées sur le
toit de la maison voisine de l'atelier de réparations de la Compagnie
péruvienne des téléphonessise au no 1341 de la rue Chota ; le jour
même dela révolution, c'est-à-dire le 3 octobre, on trouva. à 22 h. 15.
une bombe et une bouteille incendiaire dans une épiceriesise au no 399
de la rue de la Libertad.
Le commandant de la division blindéequi occupe la caserne rMariscal
Castilla~ découvrit sept bombes explosives placées de manière à
endommager la caserne, ainsi qu'il est indiqué sur le plan adjoint au
folio146 du cahier II-A. et lus tard (au mêmeendroit) l'on découvrit
six bymbes de plus.
L'accusé Alfredo Becerra Mesarina a avoué au'il avait utilisé les
ateliers de la fabrique de fourneaux de cuisine ;Cuba n pour souder
au chalumeau des tubes de verre contenant une substance qu'il déclare
ignorer; et que, pour ce laire, il passa par la communication existant
entre la fabrique mentionnée et le siège du sixième secteur du Parti
du Peuple, sis au no 1434 de la rue Washington ; pou!. réaiiser ce
travail, il était accompagné d'autres civils apristes. Ceci appert du
folio 104 du cahier 8-A.
Dans un entrepôt sis nu no 2342 de l'avenue Petit-Thouars et dans
l'appartement 51 du no 421 de l'avenue Bolognesi, la police a trouvé
de grandes quantités d'armes, de munitions, dc bombes, de cordeaux
Bicklord, de nombreux poignards et autres armes blanches, ce matériel
appartenant entièrement à des affiliésapristes, ainsi qu'il appert des
piècesqui figurent aux folios 189à 197et 232 et suivants du cahier II-A.
Selon la déclaration qui figure au folio 847, le propriétaire d'un
atelier de fontes, sis au no 954 de l'avenue Luna Pizarro, à Barranco,
fut sollicitépar des dirigeants apnstes afin qu'il fondit dans son atelier
des revêtements pour bombes explosives, ce à quoi il se refusa. ASXEXES A LA DUPLIQUE PÉKUVIEXKE (NO 3) 449

Tous ces faits. ainsi aue beau cou^ d'autres oui sont révélésvar
les pibccs ct qiie iiinis cbniid~ions iniitili: d'cnum&rer, cuiistitiirii; Ic
qrnvc. clclidc tcrrorisnic avrr scs suites trnfiiqu~.~f;titc~~l'iiitiniidntioni,
de niciirtrcs d't;lt!iiientj ci\.ilj et <I't?irt:s5;ins JCfviisc. ilc dfg:dcs et
<lcstructioiis inutil~s rt 3;iiis rnisoii dc ]>ru]~ri;!t;i~'ul~liquesct jiriv4r.s.
étrnnghres :iiiiobjectif qiielc~>n<liir(.l,;iiis lc but c~iii<l:iiil'établir
le c1i;ioî ct dc dcrouter. et i,ouvant dr'sinti-rvr toiil ~rinciuc d'~r~':tiii-
sation et d'ordre social; et .CONSIDEKANT :

Que ces faits ont été la suite d'une propagande active montrée par
les documents qui, sous forme d'originaux ou de reproductions photo-
graphiques, figurent parmi les pièces remises par la police ou par
diverses autorités chargées du maintien de l'ordre public ;
Que la propagande est licite lorsqu'elle est dirigée vers le bien,
mais qu'elle est délictueuse lorsqu'elle cherche à propager et à faire
accepter des vrinci~es dissolvants et malsaiiis. surtout lorsou'elle ~rofite
avec' une inientiok mauvaise et malicieuse'de l'ingénuit'édu Peuple
pour empoisonner son esprit en répandant la haine des classes et en
i'escitani contre ceux oui. nour -n'imoorte ouelle raison. occu~ent
des positions de dirigeants'; A
Que la campagne d'incitation à la rébellion menéependant longtemps
Dar les dirieeants et leaders de l'Aura. aussi bien dans leurs discours
que dans l& colonnes du journal officiel du parti La Tribzozaoù l'on
exalta le délit politique sous un démisement d'apparente..octrine,
est de notoriétéepubl&pe ;
Qu'en exprimant verbalement devant le Conseil de guerre ce qu'ils
ont cru favorable à leur décharge ainsi que les arguments mêmesde
leurs avocats, dans les recours écrits qui figurent dans les pièces ou
dans leurs arguments verbaux, beaucoup des accusés apristes ont
maintenu cette position en essayant de justifier la rébelliondu 3 octobre
en raison des actes du gouvernement précédent qu'ils qualifient d'anti-
constitutionnels et d'illégaux ;
Que cette incitation s'est faite également au moyen de brochures
et de tracts aue l'on a fait circuler varmi le ~ersonnel subalterne des
institutions militaires, inculquant a; soldat Ca haine contre le supé-
~ieur hiérarchique et préconisant des systèmes et des actes d'une
sauvagerie répÜgnante-comme moyen de reconquérir de prétendus
droits ignorésarbitrairement par leurs supérieurs, en faisant de fausses
piomesses d'avancement et offresde situations en dehors de la loi et
des règles des institutions militaires. Dans les cahiers IO-A et II-A
figurent de nombreux documents qui étaient destinés à circuler unique-
faire passer avec beaucoup de circonspection et de se tenir sur le qui-
vive dans l'attente de l'heure zérooù seraient donnéesles instructions
precises et décisives pour agir. Ces brochures, qui encensent Haya
de la Torre, ainsi que Les troupiers et marins apristes. traitent de
a glorieux a les faits qui eurent lieu à Trujillo et adoptent comme cri
de guerre l'expression : A la (manière) bolivienne ! c'est-&-dire, de
massacrer les chefs et officiers. <iLes réverbères des rues de Lima »,
dit l'un d'eux, rattendeut avec impatience que nous leurs donnions
du travail. Rendons-les glorieux. Rendons-les héroïques pour que
l'histoire de la patrie enregistre un exploit de plus de l'aprisme triom-
phant et éternel » ;. Que les attentats contre les communications téléphoniques de la
capitale, et que les nombreuses bombes et pétards de dynamite préparés
et placés en divers point de la ville, au moment précis où avait lieu
le soulèvement du Callao, tout en favorisant l'intention révolutionnaire.
maintiennent leur caractère d'infractions communes adjacentes, qui
n'étaient pas, surtout en ce qui-concerne l'usage d.s exi>losifs,absolu-
ment nécessaires à ce but :
Que la propagande organisée et persistante de 1'Apr;rou Parti du
Peuple, en se servant de ses meilleurs élémentsainsi que de son iournal
et Gautres publications, ne saurait êtreconsidérée comnieune éspres-
sion isolée et personnelle, sinon comme étant l'exécution d'un plan
tracé par le groupement ;
Que le mouvement révolutionnaire du 3 octobre 11948, considéré
ainsi sous ses deux aspects, le militaire et le commun, eut un caractère
apriste ;
Que ce concept se justifie, en plus des raisons déjàexprimées,par
les suivantes :

A. - En raison des déclarations de la majorité des conjurés qui
n'ont cachk ni leur affiliation apriste ni les intentions qui les poussaient.
Il faut tenir compte, à ce propos, de la déclaration du dirigeant apriste
De las Casas Grieve, qui manifesta au cours de l'instniction que cile
mouvement fut considéréapriste à partir du premier moment »: de
la déclaration au cours de l'instructio? de l'officier de mer Hipblito
Kecavarren Valdivia, appartenant à I'Ecole navale ; de la déclaration
du lieutenant Ontaneda, qui figure à la page 12 et verso du cahier 3-A,
où il est dit: Cla révolution avait toutes les apparences de la révolution
apriste ou communiste n ; de la déclaration du lieutenant Romero.
qui se manifeste comme sympathisant avec le parti apriste ; de la
déclaration de l'officier de mer Erazo, figurant au folio 168, et qui dit
que le commandant Aguila lui fit savoir. qu'il avait engagésa parole
au parti et qu'il devrait être apriste, car c'est le seul qui s'appelle
parti ; de la déclaration de l'officier de mer Augusto Vicente Cuzcano.
était apristea;de l'officierde mer Calvo, qui dit que le manifeste rédigé

disait entre autres choses, qu'après le triomphe du mouvement, lea machine,
Parti du Peuplc mouterait au pouvoir ....et qu'il le fit devenir membre
de ce parti ; du machiniste SilvinoCornejo, qui déclare que lorsque

conférence, ils dirent textuellementte Viiinous allons nous réunir, tous
ceux de la cellule parlementaire apriste » ;de l'officierde mer Kamirez,
arrêté apres le mouvement, qui déclaraqu'il vaudrait mieux les transférer
à la prison parce que, là, le parti leur fournissait de tout, regrettant
seulement d'avoir laissé soncarnet d'apriste chez lui, der~ièrele tableau
du Sacré-CŒurde Jésus ; de l'officier de mer Miranda, qui se déclara
sympathisant de 1'Apra ; de l'officier de mer Pablo Arias. qui esprime
qu'au cours d'une réunion préalable à laquelle il participa, il put se
rendre compte que celle-ci avait une tendance politique «à gauche»
et que l'on s'y traitait de u compagnons n, et beaucoup d'autres accusés
déclarent dans le meme sens, et, de leurs déclarations, il ressort que
beaucoup de civils qui n'avaient rien à voir avec la flotte participèrent
à des réunions antérieures au mouvement. ASXESES A LA DUPLIQUE PÉRUVIESSE (s0 3) 45 1

Au cours de la révolte, un drapeau que l'on disait apriste fut fabriqué
à YEcole navale ; au cours des réunions préalables que les conjurés
tenaient dans un but de préparation, on fit observer l'urgence d'obtenir
la liste de tous les membres du personnel subalterne de la flotte affiliés
an Parti apriste ou Parti du Peuple, ainsi que le besoin de connaître
porterent un brassard pour se reconnaître entre apristes;t à la rpresquen
tous ceux qui furent faits prisonniers au uReal Felipe Isont des apristes
inscrits et des militants actifs de ce parti;la prise du local de la Com-
pagnie des téléphonesdans la rue Washington, de Lima, fut accomplie
par un groupe de civils appartenant tous au Parti apriste ;la tentative
pour s'emparer de la sous-station téléphonique de Magdalena fut
égalementl'Œuvre d'un groupe de civils apristes ; de même,la tentative
pour s'emparer de la caserne iiMariscal Castillan, où se trouve la
division blindée, fut également l'Œuvred'un groupe de civils apristes,
et ce furent également des civils apristes qui préparèrent les bombes
et les explosifs à la fabrique de fourneaux de cuisine CICuba O,où ils
s'étaient introduits par la porte de communication avec le siège du
Parti du Peuple.
........................

C. - Eii raison de la lettre qui figure au folio 624 du cahier IO-B,
écrite aen mer », le 14 avril 1948. et adressée à Victor Raul Haya de
la Torre par le capitaine de frégate Enrique Aguila Pardo, lettre dans
laquelle il lui manifeste qu'il a eu une conversation avec le major
Rodriguez et il lui annonce que, dès soli arrivée à Lima, il parlera
avec Villanueva et Cuadros afin de préparer le personnel de la Marine
et d'étre prêts à répondre au premier appel. En outre, il suggère à
Haya de la Torre de se trouver au Pérou pour «mettre la dernière
main aux plans finals et donner les ordres pour que tous les membres
du parti reconnaissent un seul chef du mouvement in.Finalement,
il lui écrit qu'il désire parler avec luià sou arrivée au Pérou et que
cette conversation ait lieu «avant que le coup ne se fasse ». Cette
lettre est authentifiée par les études comparatives effectuées par les
notaires publics JIM. Nanuel R. Chepote et Gaston Rada.
D. - En raison de la lettre que le dirigeant apriste, Luis Alberto
Bamos Llona, adresse à son chef, Victor Raul Haya de la Torre, lettre
qui figure au folio 626 du cahier IO-B et dans laquelle il l'informe sur
différentes démarches faites par lui et par d'autres affiliésdu parti
en rapport avec le mouvement qu'ils pré araieut. Ce document est
également authentifié par le même procéd l et par les mêmesexperts,
les notaires publics RIM.Manuel R. Chepote et Gaston Rada ;
........................

Que l'instigation décisive entraîne la responsabilité en tant que
aux actes matériels qui constituentrce, mla perpétration du délit, ainsi
qu'il est établi par les articles 163 et 164 du Code de justice militaire,
en vertu desquels sont auteurs non seulement ceux qui commettent
personnellement le fait cnminel, mais également ceux qui décident
son exécution et la réalisent en se servant de tiers ou en les induisant
à commettre Ie fait criminel ;

........................ AKi\'ESI:S A LA DUPI.IQUI? I'ÉIIUI'IEKKE (s' 3) 453

devait avoir lieu à Lima dès que serait annoncé le succès local de la
première; que Ramiro Prialé Pnalé participa aux activités du per-
sonnel dirigeant de 1'Apra ou Parti du Peuple, le 3 octobre 1948, en
et contrôler la révolutioni; qu'aussi bien dans son exposéserbal devant
le Conseil de guerre que dans sa défense. Prialé Prialé a rat'fi' son
accord avec le chef du parti ou commando suprême, essayant de
justifier le mouvement ré\-olutionnaire à cause d'actes soi-disant anti-
constitutionnels et illégaux du gouvernement d'alors, prétendant
cependant sa non-culpabilité pour n'avoir pas eu de participation
matérielle dans les faits ;qu'à la suite mêmedes événementsrévolu-
tionnaires dont il s'agit, Ramiro Prialé Prialé, après avoir préparé
son alibi, se cacha pour échapper à la police. C'est ce qui appert de
la déclaration faite en cours d'instruction et qui apparaît au folio 595
du cahier IO-B de l'exposéverbal fait par l'accusédevant le Conseil
de guerre, des termes de sa défenseécrite,de la procédure et des pièces
pertinentes du cahier supplémentaire II-.A, ainsi que des autres actes
figurant dans le reste des cahiers.

135". - Attendu qu'il est prouvé que les civils Carlos Manuel Cos
et Luis Heysen Inchaustegui, en leur qualité de députés, faisaient
partie dès avant le 3 octobre 1948 du comité exécutif de 1'Apra ou
Parti du Peuple et de la cellule parlementaire apnste : que 1'Apra
ou Parti du Peuple a joué le 18le d'incitateur et d'organisateur du
mouvement subversif de cette date du 3 octobre 1948 ; que tous deux.
en tant que dirigeants de YApra ou Parti du Peuple, furent d'accord
avec la aro~aeande et l'incitation décisives auant au mouvement
subversif >nzq;estion ; que ce mouvement subGersif a eu une partie
militaire constituée par le soulèvement des navires de la flotte et dans
les dépendances najales du Callao, et une autre partie terroriste en
raison de l'emploi de bombes et d'explosifs qui devait avoir lieu à
Lima dès que serait annoncé le succès local de la premi6re ;que tous
deus participèrent également aux activités du personnel dirigeant
de I'Apra ou Parti du Peuple, le 3 octobre 1948, en jouant le rôle qui
leur alrait étéfixédans les mouvements Dour connaître et contrôler
la révolution :qu'aussi bien dans ~'ex~osé'verbalqu'ils firent devant
le Conseil de guerre que dans leur défense, ils ont ratifié leur accord
avec le chef du partiou commando suprême, essayant de justifier le
mouvement révolutionnaire à cause d'actes soi-disant anticonstitution-
nels et illégaux du gouvernement d'alors, prétendant cependant leur
non-culpabilité pour n'avoir pas eu de participation matérielle dans
les faits ; qu'à la suite mêmedes événements révolutionnaires dont
il s'agit, ils se cachèrent pour échapper ?i la police, non sans avoir au
préalable préparéleur alibi. C'est ce qui appert des déclarations faites
en cours d'instruction et qui figurent respectivement au folio 298 du
par tous deux devant le Conseil de guerre. des termes de leur défense,its
des documents pertinents figurant dans le cahier supplémentaire II-A,
aiiisi que des autres actes apparaissant dans les autres cahiers.

........................
144'. - Qu'il est prouvéque le civil Juan Augusto Montoya Garcia,
affiliéau Parti apriste et secrétaire généraldu syndicat des travailleurs454 ASSEXES .4LA DUPLIQUE PÉHU~IESSE (sa :l)

de la Compagnie des téléphones,profitant de cette fonction, convoqua
plusieurs membres du syndicat à une réunion au cours de laquelle
il les informa qu'un mouvement révolutionnaire devait se produire
au petit matin du 3 octobre 1948, et qu'ils devaient y coopérer en
s'emparant de la centrale téléphoniquede Lima et des qiielques autres
centrales comme celle de Magdalena :qu'une fois que Montoya Garcia
la nuit du samedi azepoctobre, au siège du sixieme secteui- du Parti du

de là, ils sortirent par groupes pour s'emparer de la centrale télépho-,
nique de la rue \\'ashington. Ceci figure dans sa déclaration consignée
au folio 180 et verso du cahier 8-A, ainsi que des autres actes figurant
dans ce même cahier.

145'.- Qu'il est prouvé que les civils Luis Montoya Garcia, Victor
Sanchez Sanjinez, Justiniano Castamin Gaytin et Sinfronio Kuiiez
Ayala, tous affiliésau Parti apriste, prirent part à la réunion chez
Alfredo Becerra hlesarina qui suivit celle tenue au siège du sixième
secteur du Parti du Peuple et qu'ils prirent partà la prise de la centrale
téléphoniquesise à la rue \Vashington, à Lima. C'est ce qui appert
des déclarations figurant aux folios 151, 177, 173, 18j et des autres
actes figurant dans le cahier S.A.

146'.- Qu'il est prouvé que le civil Alfredo Hecerra Mesarina,
affiliéau Parti apriste, fut informé avec anticipation di1 mouvement
révolutionnaire qui allait éclater aux premières heures du 3 octobre
1948, et que, dans ce but, il facilita l'accèsaux ateliers(le la fabrique
de fourneaux de cuisine aCubau, où il travaillait comme ouvrier, à
un groupe de civils apristes pour qu'ils soudassent au chalumeau des
ampoules contenant des explosifs qui devaient étre employées pour
la prise de la centrale téléphoniquede la me \\'ashingtoii, collaborant
ainsi ail mouvement subversif prêt à éclater ce matin-là ; qu'après
cela, un groupe de conjurés se rendit chez lieceira hlesarina, dont
la maison était situéetrès près de la centrale téléphoniqueen question,
et que, de là, ils sortirent par groupes pour accomplir leur projet;
que les civilsqui sortirent de chez Becerra Alesarinaréussirenth occuper
l'immeuble de la centrale téléphoniquede la rue \\"asliington et qu'ils
commençaient i débrancher les lignes lorsqu'ils furent surpris, ce
faisant, par l'intervention des autorités de police. C'est ce qui appert
des déclarations figurant au folio 159 du cahier 8-.4et des autres actes
pertinents apparaissant dans le mêmecahier, ainsi que dans les pièces
contenues dans les folios 413 et 418 du cahier supplémentaire II-.A.

147' . Qu'il est prouvé que les civils Koberto Ruiz Kavarro et
Koberto Caii Cuellar, tous deux affiliésau Parti apriste, collaborèrent
à la fabrication d'explosifs dans les ateliers de la fabrique de fourneaus
de cuisine <iCuba n, et que, de plus, le premier iiomméprit part à la
réunion qui eut lieu chez Alfredo Becerra Mesarina ainsi qu'à la prise
de la centrale téléphonique de la rue Washington. C'est ce qui appert
cahier 8-A, en plus-des actes figurant a;# folioi 54, 8; et autres pièces
pertinentes du même cahier. 146". - Qu'il est prouvé que les civils Guillermo Rosenkranz et

.-..-~ ~ -~-~~e~ ~uerra. affiliéstous deus au Parti aoriste. travaillaient
comme ouvriers dans les ateliers de la fabrique «Copemacal D, où,
selon des ordres donnés Dar Hioblito Alfaro Romero, au cours d'heures
supplémentaires ils fabriQuaient'des revêtementsde fer et des couvercles
d'aluminium pour les bombes explosives qui devaient &tre euiployées
au cours de la rébellionqui a fait l'objet de la procédure. C'estce qui
appert de leurs déclarations qui figurent aux folios 277 et 170 et verso
du cahier 8--4,ainsi que des autres actes du mêmecahier se rapportant
aux accusés.

149'. - Qu'il est prouvé que les civils Rufino Castro Ulloa et Elias
Chirez Zegarra ont caché des armes de i'Etat qui furent employées
au cours de la rébellionmilitaire qui fait I'objet de la procédure, ainsi
qu'il en appert des déclarations qui apparaissent aux folios III du
cahier 6-B. et 119 du cahier 6-D, respectivement.

~jo". - Qu'il est prouvéque les civils Braulio Rodriguez Huapaya,
Jeronimo Limas Galarza Pelaez, tous deux affiliésau I'arti apriste,
furent arrêtésvers minuit, dans la nuit du samedi 2 octobre 1948,
dans les parages du promontoire El Asta près de la caserne aMariscal
Castilla P. siège de la division blindée ; aucun d'eux ne fournit une
explication satisfaisante au sujet de leur présence sur les lieus où ils
furent arrêtés,car le prétexte invoqué d'avoir étéconvoqués à une
réunion culturelle est inadmissible étant donné l'endroit, l'heure et
les circonstances ; que la présence de nombreux affiliésapristes, car
en plus de ceux arrêtésun grand nombre parvint à s'enfuir, au mSme
endroit, à la même heureet dans les mêmes circonstances mentionnées
plus haut, précisément pendant le développement de la rébellion
militaire du Callao, fait présumer avec raison qu'ils cherchaient à
s'emparer de la caserne <Mariscal CastiUa »,si&e de la division blindée,
et que cette tentative fut déjouéepar la police. C'est ce qui appert
des déclarations figurant aux folios 142,14j et 147 du cahier 9-A,

ainsi que des autres actes pertinents consignésdans le même cahier.

1jro. - Qu'il est prouvé que le civil Jorge Wong Chivez, afilié
au Parti apriste, a détenu des armes et des munitions sur l'origine
desquelles il n'a pas fourni d'explication satisfaisante, et que la police
l'a dénoncé comme présumé responsable de la rébellion en cours de
proc&s, bien que l'investigation ne révélâtaucune preuve qu'il y ait
participé. C'est ce qui appert de sa déclaration consignéeau folio 323
du cahier II-A, et dans les autres actes du méme cahier.

a 16S". - Que les faits sur lesquels portent les points 146~et 147~
constituent, en plus du délit de rébellionmilitaire, celui de délitsimul-
tané ou intégrant contre la sécurité publique sons la forme prevue
par les articles 264 et 265 du Code pénal commun.

171". - Que les faits prouvés dont il est fait mention au 14S"
constituent le délit contre la sécurité publique sous la forme prévue456 ASSEXES A LA DUPLIQUE PÉKUTIESXE (x" 3)
par l'article 265 du Code pénal commun, applicable au cas d'espèce,
puisqu'il n'y a pas de disposition spécifiquedans le Code de procédure.
........................

173'.- Que les faits prouvés qui sont mentionnés an 134' consti-
tuent le délit de rébellion sous son double aspect de délit militaire,
selon le sens des articles 240 et 241 du Code de justico militaire, et
de délitcommun de terrorisme sous les formes prévuespar la loi pénale
commune sous la dénomination de délits contre la sécurité publique,
contre les c?mmunications publiques, contre la tranquillité publique
et contre 1'Etat et la défense nationale; autant d'aspects qui sont
compris dans l'action incitatrice et organisatrice du mouvement auquel
l'accusé Ramiro Prialé Prialé, étant donné son rôle important au
spéciale.arti responsable, a contribué efficacement et d'une manière

174'. - Que les faits prouvés auxquels se réfèrent lespoints du
136" constituent le délit de rébellionsous son double aspect, de délit
militaire selon le concept des articles 240 et 241 du Code de justice
militaire. d'une part, et de terrorisme prévu par le Code pénalcommun
sous la dénomination de délit contre la sécurité publique, délitcontre
la tranquillité publique et contre l'Etat et la défensenationale, ù'autre
part, ces deux aspects étant com ris daris l'action incitatrice et orga-
nisatnce du mouvement subversif étant, dans cet ordre, d'accord avec
le parti et avec son chef ou haut commando, qui apparaissent comme
responsables.
........................
177'. - Que les militaires et les civils qui ont commis le délit de
rébellion militaire sont également complices du délit commun de
terrorisme prévu par la loi pénale commune sous les dénominations
de délits contre la sécurite publique et contre la tranquillité publique
ainsi que délits contre 1'Etat et la défense nationale, parce que les
actes accomplis en raison du soul&vemeritout permis la perpétration
de ces délits.
........................

179'. - Que de la sorte, après jugement des responsables présents,
le jugement du chef de 1'Apra ou Parti du Peuple, Victor liacl Haya
de la Torre, reste réservéet suspendu, ainsi que celui des autres diri-
geants qui se trouvent dans cette situation juridique d'accusésdéfail-
lants, pour les délits de rébellioh militaire et pour le délit commun
de terrorisme, selon les formcs prévues par les a....les zGq, 265, 270.
281, 282 et zgj du Code pénal commun.

Le Conseil de guerre administrant la justice au nom de la nation.
condamne les accusés dont les noms suivent en fixant les peines
imposées : José Estremadoyro Navarro, à 3 ans de prison. et aux
réparations furées par la loi, en déduisant la prison préventive, de
sorte que la peine prendra fin le 5 octobre IgjI ; José hfosto y Mosto,
à 14 ans de pénitencier, avec les effets de la loi, l'expulsant des forces ASSESES .4 LA DUPLIQUE ~ÉHUI'IESSE (SO 3) 457
armées, mettant fin à toute charge ou emploi public, entraînant la
suspension pendant la durée de la sentence des droits municipaux
et politiques, ainsi que des droits civils, d'administrer des biens et
de disposer des siens par des actes entre vivants ;avec déduction de
la prison préventive subie, de sorte que la peine prendra fin le 4 octobre
1962 ;
.........................

Luis Heysen Inchaustegui, à 3 ans de prison avec les effets de la loi
et déduction faite de la prison préventive subie ; de sorte que la peine
prendra fin le 4 octobre 1951 ;Carlos Manuel Cox, à 3 ans de prison
avec les effets de la loi et déduction de la prison préventive subie,
de sorte que la peine prendra fin le avril 1952; Armando Villanueva
del Campo, à 3 ans de prison avec les effets de la loi et avec déduction
de la prison préventive subie, de sorte que la peine prendra fin le
Ir novembre 1951 ;
.........................
Alfredo Becerra Mesarina, à 3 ans de prisoii avec les mêmeseffets de
la loi déjà indiqués et avec déductioii de la prison préventive subie,
de sorte que la peine prendra fin le 5 octobre 1951 ; Roberto Ruiz
Navarro, à 3 ans de prison avec les effets de la loi déjà indiqués et
avec déduction de la prison préventive subie, de sorte que la peine
prendra fin le 4 octobre 19j1 ; Roberto Can Cuellar, à 3 ans de prison
avec les msmes effets de la loi déjà indiqués et avec déduction de la
peine préventive subie, de sorte que la peine prendra fin le 8 octobre
19jr ;Juan Augusto hlontoya Garcia, à 3 ans de prison avec les effets
de la loi déjà indiqués et avec déduction de la prison déjà subie, de
sorte que la peine prendra fin le 4 octobre 1951 ;
.........................

à un an de réclusionmilitaire, les suivants :Luis F. Solis Rosas, Alcides
Spelucin Vega, Gustavo Lannatta Lujin, Justo Debarbieri liioja,
MoisésRubifios Rioja, Carlos Valencia Valencia, Tulio Fiestas Quevedo,
Hermogenes Flores Deresain, Ramon Reyes Valdivia, Rufino Castro
Ulloa, Elias Chivez Zegarra, Jorge \Vong Chavez, Juan Calderon
ceux mentionnés en raison du temps de prison préventive qu'ils ont
subi ; acquitte les accuséssuivants: Magda Portal Moreno ; Eduardo
Goicochea de la Reguera, Fortunato Jara Rondon, Gumercindo Cal-
derOn Càceres, Artnro Sabroso Montoya, José Sandoval Morales, Eddy
Chaney Parr&, Leopoldo Pita Verde, Ulises Colina Lozano et Efigenio
Zamudio Loyaga.
Eii ce qui concerne les accusés : Luis F. de las Casas Grieve, Cirilo
Corne'o, Jeronirno y Edmundo Fidel Cuba Saravia, le Conseil de guerre
considèr'esuffisantes, pour punir leur responsabilité dans les événements
qui se jugent, les peines infligéespar les tribunaux de police qui les
ont jugés, et conformément à ce qui a étédit dans la partie considé-
rative de cette sentence. l'on renvoie à celle-ci dans le sens que ces
peines doivent produire leurs effets respectifs.
Le Conseil de guerre, tenant compte des dommages soufferts à cause
du mouvement subversif qui fait la matière de ce jugement, par les
tank de l'arm&e,par.les canons et navires de la flotte, par les bâtimentsmilitaires du Callao, par les armes abîméesou perdues, par la munition
consommée, par les avions, par le combustible brU1é.etc., etc., fixe
la réparation civile à la somme de huit miilions de soles qui seront
chargés proportionnellement aux responsables.

Annexe 7z04

ARTICLES DU CODE DE JUSTICE PÉXALE AIILITAIRE DE
LA COLOAIBIE
~ïrndzrdioirj

Titre IS. - Des Conseilsde guerreorazla:

ilrt.122.-En cas de guerre extérieureou intérieure, de conflit armé
ou de perturbation totale ou partielle de l'ordre public, le Conseil ou
les Conseils de guerre oraux chargésde juger les militaires ou les civils
coupables des délits prévuspar ce Code selon les règlesktablies par les
en jugera la nécessité.nt convoquéspar le Gouvernement quand celui-ci

Paragraphe. - Ces mêmesConseils de guerre oraux connaîtront
également des infractions mentionnées dans l'alinéa précédentet qui
auront étécommises antérieurement à l'état de guerre, (le conflit amné
ou de perturbation de l'ordre public, et qui seraient en relation avec
les faits qui furent à l'origine de cette situation.
Art. 123. - Le Gouvernement doit désigner l'autorité militaire
chargée de convoquer les Conseils de guerre oraux.

Art. 124. - L'autorité militaire mentionnée dans l'article précédent
procédera immédiatement à l'arrestation du coupable s'il y a lieu et
s'il n'est pas déjà détenu, et désignera trois assesseurs militaires du
mêmegrade ou d'un grade plus élevéque l'inculpé, pour qu'ils com-
les officiers de n'importe quel grade qui assumeront &gales fonctions dr:
procureur et de secrétaire, ainsi que le juge mentionné à l'article 13,
qui intervient comme assesseur juridique et dirige l'enqiiéte.

.........................
Art. 129. - Après que l'accuséaura fait sa déclaration, s'il a été
détenu, ou bien avant qu'il la fasse, aussi bien le procureur que l'accusé
ou son défenseur auront le droit de demander des preuves, qui seront
fournies à condition que. selon l'avis de l'assesseur juridique, elles soient
concluantes et puissent êtreprésentées immédiatement.
.........................

Art. 132.- Tandis que le procureur et le défenseurou l'accuséétudie-
ront le dossier,- et pour ce faire il leur sera accordé un délaiallant
jusqu'à quatre heures pour chacun, - la séancesera suspendue sans
qu'il soit permis aux assesseurs de se retirer de l'endroit où elle a lieu.
.........................commis en connexitéavec I'un quelconque de ceux nommés précédem-
ment, et qui sont compris dans le Code pénal commun, délits commis
sur le territoire national au cours de la mise en vigueur de ce décret.

Paragraphe. - Lorsqu'un autre délit quelconque sera commis qui
ne soit pas spécifdans l'alinéa précédent,n connexité avec l'un quel-.
conque de ceux qui y sont mentionnés,sa connaissance et son jugement
seront également dela compétencede la justice pénalemilitaire.
Article2.- Ces mêmesCoiiseils de guerre oraux jugeront et sanc-
tionneront, selon l'article 128 de la 3ai de 1945. les personnes non
militaires aui ré~andront de fausses alarmes. ainsi aue tout ceux aui
tenteraientA ou >oudraient tenter les or c ae ées pour qu'elies
désertent, qu'elles conspirent, se souMvent ou commettent I'un quel-
conque des-faitsprévus par la loi en question.
Article3.- Conformément aux dispositions légales en vigueur, le
chef de l'état-major des Forces militaires convoquera las Conseils de
guerre oraux qu'il jugera nécessaire pour que, selon la procédureétablie
dans le livre2,titre g, du Code de justice pénalemilitaire, soient jugés
les délits sur lesquels porte ce décret, qui entre en vigueur partir
de la date où il est rendu.
Que I'on communique et que I'on publie.

Fait à Bogota, leIO novembre 1949.

(Signé AIARIANO OSPINAPEREZ.

Le ministre de l'Intérieur. LUIS IGNACIOANDRADE . Le ministre.
des Affaires étrangères,ELISEOARANGO -. Le ministre de la Justice,
général MIGUES LANJUAN. - Le ministre des Finances et du Crédit
public, HERNAN JARMILLO OCAMPO -. Le ministre de la Guerre, lieute-
nant généralRAEA~IS . ANCHEA ZMAYA . Le ministre du Travail, EVA-.
ministre du Commerce et de l'Industrie,nJUANORGUILLERMOLIERESTREPOe
JAIIAMILLO. - Le ministre d,es Mines et Pétroles, Jos13 ELA~AS DEL
HIERRO. - Le ministre de 1'Education nationale, MANUEL MOSQUERA
GARCES . Le ministre des, Postes et Télégraphes,chargé du porte-
feuille d'Agriculture et de I'Elevage, JosÉ VICENTEDAVILA TELLO. -
Le ministre des Travaux publics, Vfao~ ARCHILA BRICILNO.DÉCRET COLOMBIEN AUGMENT-4NT LES PEINES FIXÉES
PAR LE CODE PÉNAL
[Traductioiz]

Décretnunzérogj7 de ~gjo (14mars), établissafitcertaines dispositions
en matièrepénale
LE ~'RÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE COLOMBIE,

usant des facultésqui lui sont conféréespar l'articl121 de la Constitu-
tion nationale ; accomplissant ce qui est ordonné par l'article 120.
alinéa7, de cette mémeconstitution, et
CONSIDÉRAN :T

Que les peines établiespar les titres II et V du livre z0du Code pénal
ne correspondent pas, en raison de leur bénignité, aux circonstances
actuelles de troubles de l'ordre public;
Que, dans des circonstances telles, on doit soigneusement prévoir et
réprimer d'une façon spécialeles délitscontre le régimeconstitutionnel
et la sécurité intérieure,et
Que les sanctions applicables à la radiodifIusion clandestine, et, en
général,aux infractionsquipeuvent êtrecommisesau moyen des stations
de radiodiffusion, se sont avéréesinefficaces,
DÉCRÈTE :

Article premier.- Les peines établies aux titres II et V du Code
pénal pour les F délits contre le régime constitutionnel et la sécurité
au délit etdà l'apologie du délitsnseront augmentées d'un tiers. Lestion
peines établies aux titres mentionnés seront aggravées en suhsti-
tuant celle d'arrestation par celle de prison, et celle d'incarcération
par l'arrestation, respectivement.

Article second. - Les personnes qui feront usage de stations de
radiodiffusion fonctionnant sans le permis correspondant du ministère
des Postes et Télégraphes, seront passibles de la peine de un à deux
ans de prison.
Paragraphe. - Les autres délits qui seront commis au moyen de
l'emploi de la radiodiffusion recevront les sanctions respectives appli-
quées d'une manière cumulative.
Article trois- Ce décret entre en viweur à partir de sa date de
publication.
Que l'on communique et que l'on publie.

Fait à Bogota, le 14mars 1950.

(Signé)MARIANO OSPINAPEREZ.

Le ministre de l'Intérieur, LUIS Icx.\cro A'IDRADE . Le ministre
des Affaires étrangères, chargé du portefeuille [le Justice, EVARISTO
SOURDIS. - Le ministre des Postes et Télégraphes, généraG l usr~voROJASPIXILI.A. - Le ministre des Finances et du Crédit public,
HI~RNAN JARAMILLO OCAMPO -. Le ministre de la Guerre, lieutenant-
généralRAFAFLSANCHEZ AMAYA -. Le ministre de l'Agriculture et de
l'Élevage,GUILLER~IR OESTRISP JARAMILLO. - Le ministre du Travail,
Le ministre du Commerce ct de l'liidustrie, CÉSAIITULIOI~ELGADO.-
- Le ministre des Mines et I'étroles. TosÉEL~ASDEL HIBRRO. - Le
ministre d'Éducation nationale. RIA~ÜEL ~IOSQUERA GARCÉS. - Le
ministre des Travaux publics, V~CTOR ARCHILA BRICESO.

EXTRAITS DU RAPPORT DU JUGE D'INSTRUCTION 11tlKSLE

PROCÈS CONTRE VfCTOR RAUL HAYA DE LA TORRE ET
AUTRES POUR LE DELIT D'USURPATION DE I.'ONCTIONS
[Trndzcction]

Rlonsieur le Président,
A la suite de la dénonciation du procureur qui figure au folio 92, et
en raison de l'autorité du premier Tribunal correctionnel apparaissant
dans les copies aux folios 66 et suivants, en dat20dseptembre 1949,
fut dictée l'ordonnance qui figure au folio 97, par laquelle fut ouverte
cette instruction contre Victoraul Haya de la Torre, liamiro Pnalé,
Luis Heysen, CésarPardo Mancebo ,..(suivent quarante noms), pour le
délit d'usurpation de fonctions. Après que le Tribunal eût remis les
copies du procèsGraiia afin d'établirl'origine ainsi que la responsabilité
des auteurs du document dit de Kaiicagua, l'instruction fut ouverte
contre Victor Raul Haya de la Torre, Andrés Townseiid Escurra et
autres qui apparaîtraient responsables du délit contre l'administration
de la justice et contre la foi publique; Alfredo Tel10 Salavarria et
Manuel Lbpez Obeso furent inclus postérieurement dans ce procès pour
s'êtreservis auprès des tribunaux de justice de ce document dont le
de l'kstruction ayant étérendue et comme il y av2t connexité en cere
qui concerne l'inculpéHaya de la Torre, les deus procèsfurent cumulés.

Les inculpés qui composèrent les tribunaux qui jugèrent les cas
exposés antérieurement, admettent avoir éténommés soit par le chef
du parti, Victor Rahl Haya de la Torre, soit par le comité exécutif
national du parti pour exercer ces fonctions. Par exemple, au folio
104 et verso, l'inculpéMedardo Revilla Alva déclare que les nomina-
tions des membres des tribunaux étaient faites par le comité exécutif
national du parti sous la présidencede Victor Rahl Haya de la Torre.
Dans sa déclaration en cours d'instruction, folio 108 et verso, Victor
Ricardo Elias Isla expose que, après avoir assisàéunc assemblée, il
fut informé par Haya de la Torre qu'il avait étédésignépour faire
partie d'un tribunal disciplinaire. Dans les déclarationsàfl'instruc-
tion et qui apparaissent aux folios7, 173. 174 et 30j, respectivement. ASSEXES A LA DUPLIQUE PÉRUVIESXE (SO7) 463

Juan I<squi\~elEsquivel, Victor Castillo, Tom& del Piélagoet Agustin
BardeIlini admettent que les membres des tribunaux étaient nommés
par le comité exécutifnational du parti ; Castillo et del Piélagoajouté-
reut de leur côtéqu'avant d'exercer leurs fonctions ilsprêtèrent serment
devant Haya de la Torre. Ainsi qu'il apparaît au folio 151. Julio Vargas
déclare que l'installation des tribunaux donna lieu à une cérémonie
solennelle à laquelle assista le chef du parti, qui prit les serments pour
l'eLes inculpés affirment également que les sentences qu'ils pronon-
<aient étaient reviséesdans certains cas par Haya de la Torre et dans
d'autres par le comité exécutif national du parti. C'est ainsi qu'il appert
des déclarationsfaites à l'instruction et qui figurent au folio 113et verso
par Juan Esquivel ; au folio 131 et verso par Julio Chinchay ;au folio
135 par Fermin Avila; au folio 163 par Casimiro la Rosa Rueda; au
folio zor et verso par Carlos Emanuel Cox; au folio 213 par LuisFelipe
de las Casas ;au folio 227 par Camilo Kon~eroChinchay ; au folio271
et verso par Fernando Tapia Cruz ; au folio 132 et verso par Julio Lus-
quifios :au folio 134 par Juan Alvarez, que les sentences prononcées
par eux étaient reviséespar le comité exécutif national du parti.
13n outre, d'autres, comme Juan Esquivel et Carlos Manuel Cox,
dans leurs déclarations à l'instruction qui figurent aux folios 126 et
verso et zor et verso, ajoutent concrètement que ces sentences étaient
reviséespar le comité exécutif national dii parti sous la présidencede
Victor Kaitl Haya de la Torre.
.........................

Ilans sa déclaration qui apparaît au folio 257. Cornelio Mina Mafaldo
expose que, par des référencesqu'il a recueillies parmi les élémentsdu
Parti apriste, il est informé que la mort de Arancibia, Magin, Marcial
liossi, Corsi Pinillos et d'autres compagnons, fut d6cidi.e par des tribu-
naux disciplinaires de 1'Apra.Dans sa <Iéclarationcliiifigure au folio 267,
Aiiselmo Cubillas Ramirez expose qu'un tribunal présidépar Haya
de la Torre et composé,entre autres, par Manuel \'isquez Diaz et José
de la l'uente, condamna Bernal, accuséd'êtreun confident de la direc-
tion de l'Intérieur, et d'avoir dévoiléun inouvement ré\~olutionnaire,
i la peine de mort. Le secrétaire de défense, Irisquez Diaz, désigna
Cubillas et deux autres apristes, dolit l'un était membre de la
F. A. J.,pour exécuter la peine. Accomplissaiit cette mission, ils ten-
dirent une embûche à Bernal; Cubillas tira sur lui, et, comme Bernal
s'écroula, ses attaquants s'erifuirent, le croyant mort.
.........................

Que, lors d'une autre occasion, le secrétariat de défenseayant établi
que Salornon Arancibia avait trahi le parti en révélantun moux7ement
iévolutionnaire, un tribunal disciplinaire siégeà Trujillo et lecondamna
à mort. Ce tribunal fut présidépar Manuel Arév~ilo,mais sa sentence
dut étrcapprouvéepar un tribunal de Lima présidé à son tour par Haya
de la Torre et composéde Leon de Vivcro et Holguin Urriola, et que
Aiigelmiro Montoya fut chargé d'exécuter la peine.
Il'aprhs l'euquéte menée jusqu'à ce inomeiit, le juge d'instruction
soussi né est parvenu aux conclusions suivantes :
1) &'nu sein du Parti apriste ou Parti du Peuple fonctionnaient
dcs tribunaux de justice composéspar des membres qui s'attribuaientles titres de juge d'instruction et procureurs ou assesseurs de tribu-
naux suprémes.
2) Qu'ils se saisirent de cas qui auraient dû être dénoncéasu pouvoir
judiciaire, car ils constituaient 'des délits communs considéréspar le
Code pénal, et
3) Que parmi les pièces figurela copie du Code de justice de l'Avant-
Garde apriste qui établit depuis les peiiies les plus simples, telle la
remontrance, jusqu'aux plus graves, telles la inarque et la mort ; s'il
est vrai que les inculpés ne reconnaissent pas expressément l'existence
de ce code, par contre ils admettent l'application des peines qui y sont
établies,à l'exception de la marque et de la mort, mais selon les décla-
rations de témoins comme Napoléon Tel10 qui déclare que Juvénal
Pinillos lui fit part trois jours avant son assassinat qu'il avait étécon-
Ramirez qui admet avoir étécelui chargé d'assassiner Berna1 selon ces
qui fut déterminépar un tribunal de l'Apra auquel il prit part, il est
clairement établi que la peine de mort a étémise en pratique, appli-
quant ainsi le Code sur l'existence duquel le témoin Vélez Raygada
fournit des détails complets, laissant établi par conséquent que des
particuliers se sont attribué des facultés qu'ils n'ont pas, comme il
en est de l'administration de la justice,et que de ce fait, Victor Rab1
Haya de la Torre, Ramiro Prialé, Luis Heysen, CésarPardo Mancebo
....(suivent quarante noms) sont compris dans l'article 320 du Code
pénal.
.........................

A ce procès s'est accumuléel'instmction ouverte contre Victor Rahl
Haya de la Torre, AndrésTo~nsend Escurra, Alfredo Tello Salavarria
et Manuel Lbpez Obeso, pour le délit contre la foi publique et contre
l'administration de la justice.
.........................
En exécution de la disposition impérative contenue daiis l'article 203
du Code de procédurepénale,je présentece rapport, Monsieur le Prési-
dent, en ordonnant les dispositions de loi contre les inculpés déclares
défaillants.

Lima, le 22 avril 1950.

(Sigiié)CARLOS CARF~XZA LUNA,
Juge d'instmctioii.

Document file FR
Document
Document Long Title

Duplique présenté au nom du Gouvernement de la République du Pérou

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