Mémoire du Royaume d'Espagne

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096-19950928-WRI-01-00-FR
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Date of the Document

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRE DE LA COMPETENCE

EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(ESPAGNE c. CANADA)

MÉMOIRE DU ROYAUME

D'ESPAGNE

(COMPETÉNCE)

SEPTEMBRE 1995

__________

TABLE DES MATIÈRES

NOTE IMPORTANTE

INTRODUCTION

Chapitre I: LES DÉCLARATIONS D'ACCEPTATION DE LA JURIDICTION
OBLIGATOIRE DE LA COUR PAR LES PARTIES CONFORMÉMENT A
L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 2, DU STATUT DE LA COUR Chapitre II: LES FAITS. LA LÉGISLATION CANADIENNE ET LES
CONSÉQUENCES DE SON APPLICATION À L'ÉGARD DU ROYAUME
D´ESPAGNE

I. Harcèlement et saisie de bateaux de pêche espagnols en haute mer, et autres

actions pénales postérieures.

II. La protestation officielle du Royaume d'Espagne et la réaction de la
Communauté Européenne face au Canada.

III. La législation canadienne de pêche et la législation pénale de 1994.

IV. Les débats parlementaires

V. Les règlements de pêche et leur implication pénale.

VI. Les réactions face à la législation canadienne: la protestation .

VII. La réglementation canadienne sur la pêche de 1995 et son application à
l'Espagne.

VIII. Les caractéristiques générales de la politique de pêche de la
Communauté Européenne.

IX. Négociations entre la Communauté Européenne et le Canada en matière de

gestion et d'administration de la pêche.

X. Conclusions: les faits sont contraires au droit international en vigueur.

Chapitre III: JURIDICTION DE LA COUR

I. L'allégation de l'absence de juridiction de la Cour par le Canada.

II. La preuve de l'étendue des exceptions ou des "réserves" à la juridiction de
la Cour, incombe à celui qui l'allègue.

III. L'interprétation des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire
de la Cour et de ses "réserves".

IV. L'interprétation des 'réserves' à la juridiction obligatoire de la Cour
conformément au Statut de la Cour

Chapitre IV: INTERPRÉTATION DE LA RÉSERVE CONTENUE DANS LA LETTRE D)
DU PARAGRAPHE 2 DE LA DÉCLARATION DU CANADA.

I. La déclaration de clause facultative.

A. La réserve.

B. L'ordonnance de la cour. II. Arguments concernant l'interprétation de la réserve.

A. "Signification courante"

B. "Intention".

C. "Efficacité" .

D. "Non-différend".

III. Interprétation de la réserve en général. l'interprétation de la réserve.

A . "Signification courante"

B. L'intention du Canada.

C. "L'effet utile".

D. "Non-différend"

IV. Les arguments spécifiques concernant

Chapitre V: RECEVABILITÉ DE LA REQUÉTE

I. L'existence d'un différend juridique entre le Royaume d'Espagne et le
Canada

II. Le différend avec l'Espagne concernant le droit du Canada de prendre des
mesures en haute mer n'a pas été réglé par un règlement quelconque entre le
Canada et la C.E

III. Le différend avec I´ Espagne concernant le droit du Canada de prendre des
mesures en haute mer n'a pas été réglé par l'Accord sur les stocks chevauchants
et le poissons grands migrateurs.

IV. La demande présente devant la Cour Fédérale du Canada par les armateurs
de l'ESTAI

V. Quelques considérations de procédure à propos de la recevabilité

CONCLUSION

LISTE DES ANNEXES

__________ NOTE IMPORTANTE

Dans tout le texte du présent Mémoire, tant les caractères gras que l'italique ont été ajoutés

par les auteurs.

__________

MÉMOIRE DU ROYAUME D'ESPAGNE

INTRODUCTION

1. La liberté des mers, un principe juridique plusieurs fois centenaire, est à l'origine d'une

grande partie du droit de la mer moderne. Le contenu essentiel de ce principe (liberté de
pêche, liberté de navigation, et juridiction exclusive de l'État sur les bateaux battant pavillon
national) s'élabora et se consolida au fil des siècles, et fut considéré universellement comme la
meilleure protection des intérêts de la communauté internationale dans son ensemble. En
outre, il est notoire que les noms attachés à sa formulation initiale sont associés à l'origine
même du droit international. Tel fut le cas, dès le début, de l'École espagnole de Francisco de
Vitoria et de Fernando Vázquez de Menchaca, dont les constructions doctrinales et les bases

théoriques allaient avoir une influence décisive sur le grand architecte du principe, le
hollandais Hugo Grotius. Le mare liberum de Grotius fut, des siècles durant, l'une des
pierres angulaires de la construction de l'ordre juridique international, largement accepté et
repris dans les principaux textes juridiques internationaux du XXème siècle comme l'un des
principes généralement reconnus.

2. Il est vrai qu'au cours de sa gestation tant dans la doctrine que dans la pratique des États, ce
principe fut l'objet de thèses contradictoires, tendant à rattacher les mers au pouvoir des
différents États européens. L'idée du mare clausum peaufinée dans l'oeuvre de John Selden,
préparait le terrain à la volonté expansionniste et de contrôle de la Couronne anglaise, mais se
heurta à un refus. Et, pendant des siècles, tout le droit de la mer fut imprégné de cette idée de
liberté, uniquement limitée par des espaces réduits relevant de la souveraineté ou de la
juridiction des États. Cela est tellement vrai qu'à l'occasion du processus de nationalisation

des mers qui déboucha sur l'établissement de zones économiques exclusives de deux cents
milles, quelques figures de proue agitèrent le pavillon de Selden "redivivus". Rien n'est plus
éloigné de la réalité, puisque la IIIème Conférence des Nations Unies sur le Droit de la mer et
la Convention de 1982 prouvèrent —dans un point qui fut l'objet d'un vaste consensus— que
le contenu classique essentiel de la liberté des mers restait de mise, et que personne ne
souhaitait sa disparition.

3. En effet, comme nous aurons l'occasion de le constater plus tard, tant la Convention de
Genève de 1958 sur la haute mer, que le contenu essentiel de la partie VII de la Convention
des Nations Unies sur le Droit de la Mer de 1982 ("haute mer") sont imprégnées de la vieille
notion des fondateurs du droit international et de la pratique générale et continue des États,
puisque les exceptions expresses à la liberté sont aussi justifiées et expliquées au nom desintérêts acceptés et reconnus par la société internationale. Chacun sait que pendant la Ière et la
IIIème Conférence des Nations Unies, le principe de la liberté des mers ne fut jamais
fondamentalement remis en question par les participants, pas plus que son contenu ne fut
l'objet de prises de position inconciliables.

En résumé, le consensus sur la liberté des mers consacré avant même le XVIIème siècle reste
solidement ancré aujourd'hui et constitue un exemple de principe juridique sacro-saint,
plusieurs fois centenaire qui a survécu aux profonds changements survenus dans la société
internationale.

4. Une fois posé le cadre juridique général du litige, il est important de signaler que les
autorités législatives, exécutives et judiciaires du Canada en modifiant le 12 mai 1994 la Loi

sur la protection des pêches côtières et en appliquant ses dispositions à des bateaux battant
pavillon espagnol pêchant dans la zone OPAN en haute mer, ont gravement enfreint au
détriment du Royaume d'Espagne des principes fondamentaux du droit international relevant
de la liberté de la haute mer et ont violé également de façon flagrante la norme impérative qui
interdit l'usage et la menace du recours à la force. Le Canada, a donc, de toute évidence
engagé sa responsabilité internationale vis-à-vis du Royaume d'Espagne, et c'est cette
responsabilité qui amena le Gouvernement espagnol à présenter le 28 mars 1995, la requête

introductive d'instance dans l'affaire qui nous occupe et à déposer le présent Mémoire. Les
deux documents contestent ladite législation canadienne, l'estimant contraire au droit
international.

5. Les autorités canadiennes, sans doute conscientes de cette contradiction, laissèrent sans
réponse les nombreuses notes de protestation de l'Union Européenne et du Gouvernement

espagnol motivées par la promulgation de la loi en question et par son application à des
bateaux battant pavillon espagnol. En effet, ces notes, qui accusaient le Canada de violation
flagrante de principes élémentaires de droit international ne reçurent pour toute réponse que le
silence du Canada, qui en disait long. Les autorités canadiennes sont à tel point conscientes de
l'entorse au droit international que constitue la réforme de mai 1994 en matière de pêche que,
comme nous l'expliquerons, pour protéger l'intégrité de cette législation ("to protect the
integrity of this legislation") elles ont introduit le 10 mai 1994 —c'est-à-dire deux jours avant

la promulgation de ladite loi une réserve à la déclaration unilatérale de reconnaissance de la
juridiction de la Cour établie en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut. Logiquement,
le Canada ne voulait pas que la Cour se prononce sur la compatibilité de sa réforme légale
avec le droit international. Ce fut en vain puisque, si curieux que cela puisse paraître, la
réserve ne mentionne ni se réfère à la législation que l'on prétend protéger mais uniquement
aux "mesures de gestion et de conservation adoptées par le Canada pour les bateaux pêchant
dans la zone de réglementation de l'OPAN... et l'exécution de telles mesures". Or, ce que

conteste le Gouvernement espagnol ne sont certes pas les mesures énoncées dans ladite
réserve mais la loi qu'elle passe sous silence. Il conteste également que les mesures adaptées
par le Canada puissent être considérées comme des mesures comprises dans le texte de la
réserve.

6. Dans son ordonnance du 2 mai 1995, la Cour a décidé que les pièces de la procédure écrite
portent d'abord sur la question de la compétence. Elle a en outre décidé que ce serait le

Royaume d'Espagne qui déposerait le premier son mémoire. Dans le respect de cette
ordonnance le Royaume d'Espagne présente son mémoire dans le délai établi, tout en
soulignant que l'ordre chronologique fixé par la Cour pour la présentation du mémoire et du
contre-mémoire oblige le Royaume d'Espagne à imaginer les arguments que pourrait utiliserle Canada pour défendre sa position, le risque étant que le Canada prétende dans le contre-
mémoire que la présentation espagnole est incomplète ou erronée. Si tel était le cas, le
Royaume d'Espagne se réserve le droit de réplique prévu à cet effet.

7. Le Mémoire du Royaume d'Espagne constate, au chapitre 1, que les déclarations

d'acceptation de la compétence obligatoire de la Cour déposées par les parties et en
vigueur à la date de présentation de la requête espagnole satisfont prima facie aux
conditions pour fonder la compétence de la Cour concernant la présente affaire sur
l'article 36, par.2 de son Statut.

Le chapitre II a pour objet de présenter les principaux faits de cette affaire à la Cour.
Ces faits peuvent être divisés en deux parties. D'une part, les actions des autorités

canadiennes à l'égard des bateaux de pêche espagnols, à partir du 9 mars 1995. D'autre
part, le processus d'élaboration de la législation canadienne —loi et règlements- en
matière de pêche, en vue de son application en haute mer, au-delà des 200 milles de la
zone de pêche canadienne, ainsi que les actions des autorités canadiennes dans certaines
instances de pêche bilatérales et multilatérales.

En ce qui concerne le premier aspect, ce chapitre reprend toutes les actions des garde-
côtes et navires de guerre canadiens à l'égard du bateau de pêche "Estai" et d'autres
bateaux de pêche espagnols qui opéraient, le 9 mars et les jours suivants, en haute mer,
au-delà des 200 milles de la zone de pêche canadienne. Parmi ces actions figurent les
coups de semonce, la poursuite en haute mer, l'inspection de bateaux espagnols en haute
mer, l'arrestation de leurs équipages et la déviation vers un port canadien. Après ces
faits, il y a une série d'actions des tribunaux canadiens, décrétant diverses mesures de

garantie et de sécurité contre le bateau espagnol "Estai" et son capitaine. Tous ces faits
ont provoqué une réaction immédiate de la part des autorités espagnoles, consistant,
entre autres, en l'envoi immédiat de navires de guerre espagnols dans la zone du conflit
afin de garantir la sécurité des bateaux de pêche espagnols et de leurs équipages.

En second lieu, on y examine en détail tout le processus législatif canadien en matière de
pêche, qui commence en 1994, tant du point de vue législatif que réglementaire. Ce

processus se poursuit en 1995 et prend fin avec l'annonce, cette même année, d'un
nouveau projet de loi qui poursuit l'élargissement des compétences des autorités
canadiennes sur des zones de haute mer. Pendant ce processus législatif, le
Gouvernement canadien n'a jamais justifié l'adaptation de la loi proposée au droit
international et celui-ci semblait viser les bateaux de pêche espagnols et portugais. Après
les faits, saisie et arraisonnement judiciaire du bateau espagnol "Estai", des
négociations ont été menées entre l'Union Européenne et le Canada pour régler

immédiatement les conséquences de ce fait dénoncé par l'Union Européenne, comme
cela avait déjà été fait au préalable en ce qui concerne la législation canadienne en
matière de pêche de 1994.

Dans ce même contexte, le ministre canadien des Pêches et des Océans, M. Tobin, a
essayé de justifier la législation de son pays, en 1994 et 1995, par les travaux qui avaient

lieu au sein de la Conférence des Nations Unies sur les stocks chevauchants et grands
migrateurs, malgré les différences existantes entre celle-ci et les dispositions finalement
adoptées par cette Conférence en 1995 dans le "projet d'accord".Étant donné la récusation de la compétence de la Cour par l'État défendeur et
l'ouverture d'une phase de procédure séparée pour débattre cette question, le Mémoire
du Royaume d'Espagne y consacre les chapitres 111 et IV. L'Espagne considère qu'il
aurait été pertinent, pour traiter cette question de façon ordonnée, que l'État défendeur
ait exprimé formellement et expliqué son ou ses exceptions à la compétence, au

préalable. C'est le Canada, non pas le Royaume d'Espagne, qui doit prouver que
l'interprétation correcte de ses réserves conduit à l'absence de compétence de la Cour
dans cette affaire. Nonobstant, le Royaume d'Espagne se propose de coopérer avec la
Cour en présentant certaines des raisons en vertu desquelles il y a lieu de rejeter la
prétention canadienne de dérober l'objet de cette demande à la Cour.

A cet effet, le Chapitre III du Mémoire expose les principes qui régissent l´interprétation

des déclarations d´acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour et de ses réserves.
Parmi ces considérations, il convient de souligner :

1) la tendance naturelle à donner autorité à l´interprétation qu'un auteur fait de
ses propres actes ne se justifie que quand cela répond à une intention qu'il a
cristallisée objectivement dans ceux-ci ;

2) La responsabilité de la Cour dans l´interprétation des déclarations
d´acceptation de sa juridiction est plus grande que dans toute autre instance car
l'appréciation de sa compétence est une prérogative consubstantielle à l'exercice
de la fonction judiciaire (article 36, par. 6 du Statut).

3) La distinction entre l'interprétation de ces déclarations et celle des traités est

compatible avec la large coïncidence des règles auxquelles elles se soumettent.

4) Une interprétation stricte des déclarations ne signifie pas une interprétation de
celles-ci restreignant la compétence ; au contraire, la bonne foi impose la
présomption que, en formulant une réserve, l'État déclarant prétend miner les
bases de la juridiction obligatoire en principe acceptée, de la façon la plus limité
possible permise par les règles d'interprétation ; et

5) La liberté des États pour formuler des réserves est très large, mais non
absolue. La Cour doit rejeter non seulement les réserves anti-statutaires, mais
aussi les interprétations anti-statutaires de certaines réserves à sa juridiction.

Dans le chapitre IV, l'Espagne cherche à prévoir et à répondre aux arguments du

Canada concernant le fait que sa réserve élimine la compétence dans cette affaire.

1) le Canada va dire que la signification courante des mots de sa réserve exclut cette
affaire de la compétence de la Cour. L'Espagne répondra que la signification courante
de la réserve ne couvre pas la situation en question, étant donné qu'il est impossible pou
un État quelconque de prendre des « mesures de gestion et de conservation » (en tant
que telles) en haute mer dans des zones entièrement en dehors de sa juridiction

nationale. En outre, la réserve canadienne ne comprend pas la requête espagnole selon
laquelle l'exercice fondamental de pouvoir par la loi canadienne en haute mer est
contraire au droit international. Il n'incombe pas à la Cour d'attribuer une signification
à une réserve qui ne peut pas être soutenue par la signification ordinaire des mots en fait
employés à la lumière des règles de droit international existantes. Le contraire serait, enfait, transformer une réserve en réserve "automatique" ou "subjective" et serait
contraire aux pouvoirs et devoirs de la Cour conformément à l'article 36, paragraphe 6
du Statut.

2) le Canada va dire qu'il faut donner effet à son intention au moment d'adopter la

réserve. L'Espagne répondra que l'intention exprimée par le Canada en adoptant sa
réserve était de se protéger contre une procédure judiciaire devant la Cour concernant
la mise en oeuvre des actions par les autorités canadiennes contre des bateaux
"apatrides" ou "pirates" mais non contre des bateaux d'un autre État membre de
l'OPAN. Il n'y a donc pas nécessairement contradiction entre l'intention du Canada et la
présente affaire. L'argument basé sur l'intention ne peut pas réformer ou réviser une
réserve, pour le reste, défectueuse et incomplète, et la Cour ne peut pas voir une

intention là où il n'y en a pas, ou quand elle est incorrectement exprimée, à l'époque où
la réserve a été adoptée.

3) le Canada va dire que la doctrine de l'effet utile doit être respectée afin de donner une
signification à sa réserve. L'Espagne répondra qu'il y a beaucoup de situations (autres
que la situation présente) où la réserve du Canada pourrait opérer effectivement. En
outre, il y a beaucoup de façons selon lesquelles le Canada pourrait avoir rédigé sa

réserve pour obtenir un effet plus large mais il ne l'a pas fait.

Une fois établie la compétence de la Cour dans la présente affaire, le chapitre V a pour
objet d'affirmer la recevabilité de la requête du Royaume d'Espagne. Son objet répond,
en effet, à un différend juridique réel, vivant et actuel, qui n'est absolument pas affecté
par des faits postérieurs à la présentation de la requête, que ce soit l'accord de l'Union

Européenne avec le Canada, du 15 avril 1995, ou l'adoption en août dernier du texte de
l'accord sur les stocks chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs. D'autre
part, le Royaume d'Espagne considère que c'est lors de cette phase de la procédure que
le Canada doit présenter, s'il l'estime nécessaire, des exceptions à la recevabilité de la
requête. La bonne foi et l'administration de la justice la plus correcte sont incompatibles
avec des manoeuvres dilatoires injustifiées.

__________

CHAPITRE 1

LES DÉCLARATIONS D'ACCEPTATION DE LA JURIDICTION

OBLIGATOIRE DE LA COUR PAR LES PARTIES CONFORMÉMENT

À L'ARTICLE 36, PARAGRAPHE 2, DU STATUT DE LA COUR8. Le Royaume d'Espagne, comme il l'a déjà exprimé dans sa requête du 28 mars 1995 (par.
4), fonde la compétence de la Cour dans cette affaire sur la juridiction obligatoire fixée entre
les Parties en application de l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour.

En effet, le 28 mars 1995, date du dépôt de la requête du Royaume d'Espagne contre le

Canada, les deux États avaient remis au Secrétaire général des Nations Unies, conformément
à l'article 36, paragraphe 4, du Statut, des déclarations d'acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour 2 . Les deux États disposaient donc, à la date de l'engagement de la
procédure 3 , de déclarations en vigueur et avaient —ont la condition d'États déclarants aux
fins de l'article 36, paragraphe 2, du Statut (4).

La déclaration espagnole a été déposée devant le Secrétaire Général des Nations Unies le 29

Octobre 1990 (5). La déclaration canadienne a été déposée le 10 Mai 1994 (6), deux jours à
peine avant l'approbation des amendements à la Loi sur la protection des pêches côtières
(Coastal Fisheries Protection Act) (7).

9. Ayant ainsi satisfait au principe d'engagement mutuel (principle of mutualily) qui
circonscrit le système de juridiction obligatoire prévu à l'article 36, paragraphe 2, du Statut,

sur les différends signalés, aux États parties au système pourvus des déclarations d'acceptation
valables et en vigueur, la prise en considération des déclarations espagnole et canadienne
permet également d'affirmer l'accomplissement de la condition de réciprocité, comprise dans
les deux déclarations et admise comme principe par le précepte statutaire lui-même selon
l'interprétation donnée par la Cour'. Il ne suffit pas que des déclarations d'acceptation de
juridiction de la Cour (principe d'engagement mutuel) aient été déposées par les États parties
au différend; il faut que, moyennant ces déclarations, ils aient accepté la même obligation

(principe de réciprocité) (9).

De cette façon, le principe —ou la condition— de réciprocité implique ainsi que la portée de
la juridiction obligatoire de la Cour est définie en fonction du dénominateur commun des
déclarations des Parties. La juridiction existe dans les limites personnelles, temporaires,
matérielles ou de tout autre ordre, stipulées par les deux déclarations, c'est-à-dire dans le
domaine de coïncidence (10) lors du dépôt de la requête (11). Dans la pratique cela conduit,

comme la Cour l'avait déjà remarqué il y a quelques années, à faire prévaloir la déclaration
plus restreinte 12. Il s'agit donc, d'autre part, d'une détermination qui doit toujours être faite en
fonction du cas concret (13). La condition de réciprocité est remplie lorsque le différend
faisant l'objet de la requête est compris dans le domaine de juridiction accepté, par l'une et
l'autre partie, dans leurs déclarations respectives, en prenant dûment en considération les
exceptions ou les réserves pouvant être contenues dans les déclarations d'acceptation en
question.

10. Selon le paragraphe ler. de sa déclaration, le Royaume d'Espagne:

" ... conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de
la Cour internationale de Justice, reconnaît comme obligatoire de plein droit, et
sans qu'une convention spéciale soit nécessaire, la juridiction de la Cour

internationale de Justice vis-à-vis de tout autre État ayant accepté la même
obligation, sous condition de réciprocité, en ce qui concerne les différends
d'ordre juridique autres que: a) les différends au sujet desquels le Royaume d'Espagne et l'autre partie ou les
autres parties en cause seraient convenus ou conviendraient de recourir à un
autre moyen pacifique de règlement;

b) les différends dans lesquels l'autre partie ou les autres parties en cause ont

accepté la juridiction de la Cour uniquement en ce qui concerne lesdits
différends ou exclusivement aux fins de ceux-ci;

c) les différends dans lesquels l'autre partie ou les autres parties en cause ont
accepté la juridiction obligatoire de la Cour moins de douze mois avant la date
de présentation de la requête écrite introduisant l'instance devant la Cour;

d) les différends nés avant la date de la remise de la présente déclaration au
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour qu'il en soit
dépositaire ou relatifs à des faits ou des situations survenus avant cette date,
quand bien même lesdits faits ou situations continueraient à exister ou à
produire des effets après cette date".

11. Le Gouvernement du Canada déclare, quant à lui, au paragraphe 2 de sa déclaration que:

" ... conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de
la Cour, accepte comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale,
sous condition de réciprocité, et jusqu'à ce qu'il soit donné notification de
l'abrogation de cette acceptation, la juridiction de la Cour en ce qui concerne
tous les différends qui s'élèveraient après la date de la présente déclaration, au

sujet de situations ou de faits postérieurs à ladite déclaration, autres que:

a) les différends au sujet desquels les parties en cause seraient convenues ou
conviendraient d'avoir recours à un autre mode de règlement pacifique;

b) les différends avec le gouvernement d'un autre pays membre du
Commonwealth britannique des nations, différends qui seront réglés selon une

méthode convenue entre les parties ou dont elles conviendront;

c) les différends relatifs à des questions qui, d'après le droit international,
relèvent exclusivement de la juridiction du Canada; et

d) les différends auxquels pourraient donner lieu les mesures de gestion et de

conservation adoptées par le Canada pour les navires pêchant dans la zone de
réglementation de l'OPAN, telle que définie dans la convention sur la future
coopération multilatérale dans las pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, 1978, et
l'exécution de telles mesures ».

12. Si l'on réunit les exceptions ou les réserves énoncées dans les déclarations espagnole et
canadienne, on constate que la juridiction de la Cour exige la satisfaction des conditions

suivantes :

1) Ratione personae : l'un des parties ne doit pas être membre du
Commonwealth britannique des nations. L'Espagne, bien évidemment, ne le est
pas. 2) Ratione temporis : le différend doit remonter à des faits ou des situations
postérieurs au 10 mai 1994. Le différend faisant l'objet de la requête espagnole
est, manifestement, basé sur des faits postérieurs à cette date. (14).

3) Ratione fori : il ne faut pas avoir convenu le recours à un tout autre moyen

de règlement pacifique du différend. Dans notre cas, ce recours n'a pas été
convenu.

4) Ratione causae declarationis : la déclaration d´acceptation de la juridiction
ne doit pas avoir été conçue dans le but exclusif de servir au différend soumis à
la Cour. Il n'en est point ainsi dans les déclarations espagnole et canadienne.

5) Ratione materiae :

1) Ne doivent pas faire l'objet du différend les questions qui,
selon le droit international, appartiennent à la juridiction
exclusive de l'une des parties. C'est ainsi recueilli dans la
déclaration canadienne ; il en serait tout de même ainsi en cas

d'omission puisque la juridiction de la Cour, conformément à
l'article 36, paragraphe 2, du Statut, est circonscrite aux
différends juridiques internationaux comme dans le cas
précisément du différend qui oppose l'Espagne au Canada; et,

2) l'objet du différend ne doit porter ni sur les mesures de
gestion et de conservation, ni sur leur exécution dans la mesure

où elles sont appliquées unilatéralement par les parties aux
navires de pêche dans la zone de réglementation de l'OPAN,
définie dans la Convention sur la future coopération
multilatérale dans les pêcheries de l'Atlantique Nord, 1978.
L'Espagne est fermement convaincue du fait que le différend
objet de la requête du 28 mars 1995 n'est en aucun cas
concerné, ne serait-ce que partiellement, par cette exception.

Comme, en effet, on dit dans la requête du 28 mars 1995, celle-ci

" ... ne se réfère pas exactement aux différends concernant ces mesures, sinon à
leur origine, à la législation canadienne qui est leur cadre de référence. La
requête espagnole attaque directement le titre allégué pour justifier les mesures

canadiennes et leurs actes d'exécution, une législation qui, allant beaucoup plus
loin que la simple gestion et conservation des ressources de pêche, est en soi
un fait illicite international du Canada, car elle est contraire aux principes et
normes fondamentales du Droit International; une législation, qui ne relève
donc pas non plus exclusivement de la juridiction du Canada, selon sa propre
Déclaration (point 2, lettre c, de la Déclaration); une législation, en outre, que
seulement à partir du 3 mars de l'an 1995 on a voulu élargir de façon

discriminatoire aux navires battant pavillon espagnol et portugais... La
question n'est pas la conservation et la gestion des ressources de pêche sinon le
titre pour exercer une juridiction sur des espaces de la haute mer et leur
opposabilité à l'Espagne". __________

CHAPITRE II

LES FAITS. LA LÉGISLATION CANADIENNE ET LES

CONSÉQUENCES DE SON APPLICATION À L'ÉGARD DU

ROYAUME D'ESPAGNE

I. Harcèlement et saisie de bateaux de pêche espagnols en haute mer, et autres actions
pénales postérieures

13. Le 9 mars 1995, à 4 heures 52 minutes p.m. (Heure d'Ottawa) le bateau de pêche "Estai"
battant pavillon espagnol avec un équipage espagnol, fut arrêté et arraisonné en haute mer
dans la région des Grands bancs, aux coordonnées 48º03' N, 46º26' 0, à deux cent quarante

cinq milles de la côte approximativement par le patrouilleur Leonard J. Cowley et le garde-
côte Sir Wilfred Grenffeld, après des tentatives successives d'abordage par des vedettes
rapides avec des individus munis d'armes automatiques et des manoeuvres d'intimidation avec
des tirs d'avertissement produits par un canon de cinquante millimètres par le patrouilleur
Leonard J. Cowley, après avoir obtenu, selon la note canadienne du 10 mars 1955, "les
autorisations nécessaires".

Le bateau et son équipage, dont la sécurité et l'intégrité avaient été gravement mises en danger
à cause de l'action coercitive de la flottille canadienne, ont été conduits de force et mis au
secret au port canadien de St. John's, Terre-Neuve, où le capitaine du bateau fut emprisonné et
soumis à une procédure criminelle pour avoir exercé une activité de pêche en haute mer au-
delà de la zone économique exclusive canadienne 15 , et pour résistance à l'autorité. Les
papiers du bateau et une partie des captures se trouvant à bord de celui-ci furent confisqués.
Pour obtenir sa liberté et la libération du bateau, l'armateur tout en alléguant la non

reconnaissance de la juridiction du Canada a versé les cautions de huit mille et cinq cent mille
dollars canadiens respectivement, fixées par un juge de la Provincial Court de Newfoundland
(Terre-Neuve) Judicial Center of St. John's 16 .

En fait, dans le communiqué du Ministère canadien des Affaires Étrangères et du Commerce
International du 9 mars 1995 il est dit que l'arraisonnement d'un navire espagnol aujourd'hui
ne devrait laisser de doute à personne quant à l'intention du Canada de prendre toutes les

mesures nécessaires pour protéger le turbot (17).

C'est ainsi que le 26 mars 1995, dans la zone OPAN, un patrouilleur canadien a tenté
d'aborder le bateau de pêche espagnol "Pescamaro I", en le sommant de stopper ses machines
et en utilisant des canons à eau. Finalement le patrouilleur a coupé une partie importante desfilets de pêche utilisés par le bateau espagnol, mettant en danger la vie de son équipage. Ces
faits ont fait l'objet de la Note Verbale adressée par le Ministère espagnol des Affaires
Étrangères a l'Ambassade du Canada à Madrid le 27 mars 1995 (18).

D'autre part, deux patrouilleurs canadiens se sont approchés de façon dangereuse, la nuit du 5

avril 1995, dans ladite zone OPAN, du bateau de pêche battant pavillon espagnol "Ana
Maria", en essayant de couper ses furies de chalut.

La même nuit et dans la même zone, un autre patrouilleur canadien, qui n'a pas pu être
identifié à cause du brouillard épais, s'est approché dangereusement du bateau de pêche
espagnol "Jose Antonio Nores", et a détruit une partie importante de ses engins de pêche. Ces
faits ont fait l'objet de la Note Verbale que le Ministère des Affaires Étrangères a adressée le 7

avril 1995 à l'Ambassade du Canada à Madrid"(19).

Pour faire face aux conséquences de l'application en haute mer de la législation canadienne,
notamment à la menace ou à l'emploi de la force par des garde-côtes canadiens à l'encontre
des bateaux de pêche espagnols, et afin de sauvegarder le droit à la vie et le droit à l'intégrité
physique de leurs équipages et les autres droits en cause, le Gouvernement espagnol s'est vu

obligé d'envoyer trois navires de la Marine de Guerre dans la zone en conflit". Ces navires
sont restés dans la zone presque trois mois, pendant lesquels un danger sérieux d'action navale
entre navires canadiens et espagnols a existé. Ce danger ne s'est pas matérialisé grâce à la
grande prudence de la flotte de pêche et des navires de guerre espagnols.

II. La protestation officielle du Royaume d'Espagne et la réaction de la Communauté
Européenne face au Canada

14. La réaction diplomatique du Gouvernement espagnol ne se fit pas attendre. Le jour même,
9 mars 1995, l'Ambassade d'Espagne à Ottawa a remis une Note Verbale 2' au Ministère des
Affaires Étrangères et du Commerce International du Canada lui demandant de confirmer un
message du Directeur Général du Bureau des Relations avec l'Europe de l'Ouest à

l'Ambassade espagnole, rédigé dans les termes suivants:

"1 Le Canada est prêt à prendre tous les moyens pour faire cesser la surpêche,
mentionnant, cette fois en anglais: «disabling forces on vessels»

2. Que l'on passe le message à la flotte de ne pas résister à l'application du

droit canadien.

3. La responsabilité pour tout dommage qui pourrait résulter de résister est
de l'Espagne".

La préoccupation de l'Ambassade espagnole à Ottawa était plus que justifiée vu le contenu du
message canadien, dans lequel on peut souligner trois aspects concrets: d'abord, on y trouve

une menace d'usage de la force, qui s'est concrétisée le jour même, le 9 mars, comme nous
avons déjà eu l'occasion de le mentionner au paragraphe précédent; ensuite, on y annonce
l'application du droit canadien. Cette application va au-delà "des mesures de gestion ou de
conservation" sur les pêcheries, c'est-à-dire, que l'on prévient d'une application possible du
droit pénal, procédural et judiciaire du Canada; troisièmement, les dommages résultants del'application desdites mesures du fait de la résistance des bateaux espagnols en haute mer aux
autorités canadiennes, entraînerait non seulement la responsabilité individuelle des capitaines
et de leurs équipages, mais aussi la responsabilité internationale de l'État espagnol.

Une deuxième Note Verbale de l'Ambassade d'Espagne à Ottawa de la même date, adressée

au Ministère des Affaires Étrangères et du Commerce International (Bureau du Vice-Ministre
adjoint) du Canada (22), a exprimé la réaction officielle du Gouvernement espagnol face à la
poursuite et détention du bateau "Estai". Ladite Note affirma entre autres:

"Le gouvernement espagnol condamne catégoriquement la poursuite et le
harcèlement d'un vaisseau espagnol par des vaisseaux de la Marine
Canadienne, en flagrante violation du droit international en vigueur, puisque

ces faits ont lieu au delà des 200 milles".

"Le gouvernement espagnol a formulé sa protestation la plus énergique au
gouvernement canadien exigeant la cessation immédiate de la poursuite".

Le 10 mars 1995, le Ministère des Affaires Étrangères de l'Espagne a remis une Note Verbale

à l'Ambassade du Canada à Madrid (23), où il était dit que:

"Qu'en procédant à ladite saisie [du bateau espagnol Estai], les autorités
canadiennes ont violé la norme universellement acceptée de droit international
coutumier, codifiée aux articles 92 et concordants de la Convention de 1982
sur le droit de la mer selon laquelle l'État du pavillon a juridiction exclusive sur
les bateaux en haute mer. Devant ce grave événement, qui a causé des

dommages importants aux citoyens espagnols, l'Espagne présente sa
protestation la plus énergique, et exige l'immédiate libération de l'équipage et
du bateau et se réserve le droit d'exiger les indemnisations pertinentes".

"Le Gouvernement espagnol considère que l'acte illicite commis par les navires
de la flotte canadienne ne peut en aucune façon se justifier par des soi-disant
préoccupations de conservation des pêcheries de la zone, puisque les

dispositions de la Convention de l'OPAN ont été violées, alors que le Canada
en est partie".

"La saisie du bateau est une infraction grave du droit international, qui ne
relève en rien du comportement habituel d'un État responsable, et qui a été
réalisée sur la base d'une législation unilatérale non opposable à d'autres États.

Le Gouvernement exige donc l'annulation de la législation mentionnée".

La réponse canadienne à ces notes réitérées de protestation de la part de l'Espagne fut
extrêmement éloquente: la reconnaissance des faits. Une Note du Ministère des Affaires
Étrangères et du Commerce International du Canada, adressée le 10 mars 1995 à l'Ambassade
d'Espagne à Ottawa' formule, entre autres, les affirmations suivantes:

"L'ESTAI a résisté aux tentatives d'arraisonnement que les inspecteurs
canadiens ont effectuées conformément à la pratique internationale.
L'équipage de l´ ESTAI a rejeté à la mer les échelles d'abordage, puis a
sectionné son chalut pour fuir les lieux. L'ESTAI a continué à s'éloigner
malgré les appels répétés du patrouilleur canadien qui l'enjoignit de s'arrêter. D'autres navires espagnols ont entouré les trois navires canadiens qui
poursuivaient l´ ESTAI et ont tenté de faire obstacle à l'arraisonnement.

Le patrouilleur canadien a donc dû recourir, après avoir obtenu les autorisations
nécessaires, au tir de quatre coups de semonce. Le capitaine de l´ ESTAI a alors mis un

terme à sa tentative de fuite et l'arraisonnement a pu se dérouler normalement et sans
utilisation de la force. Le capitaine a été arrêté et l´ ESTAI saisi parce qu'il y avait des
raisons de croire qu'ils avaient commis une ou plusieurs infractions en vertu de la Loi et
des Règlements sur la protection des pêcheries côtières".

"L'ESTAI est en ce moment en route pour St. John's où il est attendu entre
20h3O samedi le 11 mars et 08h30 le dimanche le 12 mars. Une fois arrivé à

St. John's, les membres de l'équipage seront libres de rentrer en Espagne.
Les procureurs de la Couronne examinent actuellement quelles accusations
seront portées contre le navire et son capitaine en vertu de la loi et du
Règlement susmentionnés".

"Le Ministère tient à assurer l'Ambassade que toutes les mesures seront prises

afin d'assurer le respect de la dignité et le bien-être du capitaine et de son
équipage".

"Le Ministère rappelle que l'arrestation de l'ESTAI a été rendue nécessaire
pour mettre fin à la surpêche du flétan du Groenland pratiquée par les pêcheurs
espagnols. Le communiqué ci-joint du 9 mars exprime la déception de
l'honorable André Ouellet, Ministre des Affaires Étrangères, quant à la position

de l'Union européenne qui a forcé le Canada à prendre des mesures
coercitives à cette fin".

"Le Ministère rappelle également que le Premier Ministre du Canada a
proposé au Président de la Commission européenne un moratoire de 60
jours sur la pêche au flétan du Groenland au-delà de la zone de 200 milles
du Canada, afin de permettre la recherche d'une solution négociée. En

signe de bonne foi, l'honorable Brian Tobin, Ministre des Pêches et des
Océans, a annoncé le 9 mars que le Canada ne permettrait pas à ses propres
pêcheurs de pêcher le flétan du Groenland pendant 60 jours, et ce, tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur de la zone de 200 milles. À l'heure actuelle le
Ministère croit comprendre qu'aucun bateau espagnol ne pêche le flétan du
Groenland dans le Nez et la Queue des Grands bancs. Le Ministère sollicite la
coopération de l'Ambassade pour que cette situation soit maintenue afin de

permettre la reprise des négociations".

Cette Note du Canada, qui garde un silence scrupuleux quant au lieu ou à espace
géographique où se déroulèrent les faits (assez loin des 200 milles, mesurés à partir de la ligne
de base du Canada), contient d'autres éléments à souligner du point du vue de l'affaire qui
nous occupe. Tout d'abord, il y est reconnu qu'il y a eu usage de la force ("quatre coups de

semonce), même si c'est pour le nier quelques lignes plus bas ("sans usage de la force"). Par
ailleurs, il y est reconnu que le capitaine fut privé de sa liberté, le bateau saisi et que des
mesures de coercition furent adoptées par les autorités canadiennes.Malgré tout, les autorités canadiennes et leurs navires de guerre, —loin de renoncer à
poursuivre, harceler et mener des opérations militaires contre les bateaux de pêche
espagnols— décidèrent d'accroître leurs activités illicites moyennant une série continue
d'actions contraires au droit international. Ces faits donnèrent lieu à une nouvelle Note
Verbale du 27 mars 1995, que le Ministère espagnol des Affaires Étrangères adressa à

l'Ambassade du Canada à Madrid 25 . Le contenu de ladite Note est le suivant;

"1) Pendant une bonne partie du 26 mars 1995, des patrouilleurs canadiens se
sont livrés à des manoeuvres de harcèlement contre divers bateaux espagnols
se trouvant dans les eaux internationales réglementées par l'OPAN".

"2) Parmi ces manoeuvres il y eut: des tentatives d'abordage des bateaux de

pêche à des fins d'inspection, des injonctions d'arrêter les machines,
l'utilisation de canons à eau et, finalement, le sectionnement des câbles de
chalutage du filet du bateau 'Pescamaro uno"'.

"Le Ministère des Affaires Étrangères, une fois de plus, protesta
énergiquement auprès de l'Ambassade du Canada contre ces faits qui n'ont

aucune justification possible et dont les conséquences préjudiciables à
l'Espagne exigent une réparation adéquate et totale".

"Il faut souligner, en premier lieu, que le Canada ne peut exercer aucun type de
juridiction sur des bateaux de pêche espagnols en eaux internationales. La
prétention du Canada d'arraisonner un bateau de pêche étranger en haute mer
en vertu de sa législation nationale viole le droit international général en la

matière, et les obligations juridiques qui découlent de sa participation à la
Convention de l'OPAN".

"Par ailleurs et ce qui est plus grave, c'est l'utilisation de canons à eau et en
particulier le sectionnement des câbles de chalutage d'un bateau en train de
pêcher, actes violents qui ont mis en danger la sécurité des bateaux eux-mêmes
et donc de leurs équipages".

"Ces actions sont contraires aux devoirs les plus élémentaires d'un État qui
s'est engagé à garantir activement la sécurité de la vie humaine en mer".

"Le Gouvernement espagnol condamne cette succession d'actes perpétrés par
des bateaux canadiens en tant que nouvelle violation flagrante du droit

international général. Il réitère aussi que, par sa conduite irresponsable, le
Canada met en danger les efforts de la Communauté internationale pour
obtenir une plus grande coopération dans la gestion et la conservation des
ressources de la pêche. Il dénonce enfin, que ces faits s'étant produits alors que
se tenaient des consultations bilatérales avec l'Union Européenne pour trouver
une solution consensuelle, il est évident que le Canada a agi de mauvaise foi,
enfreignant de nouveau ses obligations internationales".

"Le Ministère des Affaires Étrangères a demandé à l'Ambassade du Canada
que ses autorités cessent d'agir ainsi, réparent les dommages causés et
négocient de bonne foi des solutions pacifiques à la situation créée
unilatéralement par le Canada".Cette note espagnole souligne la gravité du comportement des navires de guerre et des
patrouilleurs canadiens qui ont attenté contre la sécurité de la vie humaine en mer. Ce
comportement était contraire aux règles générales en la matière posées par l'article 10 de la
Convention de Genève de 1958 sur la haute mer et par l'article 94 de la Convention sur le
Droit de la Mer de 1982. En effet, ces deux dispositions contiennent des règles et des

obligations qui doivent être respectées par les États membres pour éviter les accidents en mer.
Ces règles sont reprises plus concrètement dans d'autres textes internationaux en vigueur, en
particulier dans la Convention sur la Sauvegarde de la Vie Humaine en Mer de 1974,
amendée par le Protocole de Londres de 1978, et dans le Règlement international de 1972
pour prévenir les abordages en mer annexé à la Convention de Londres du 20 octobre 1972.

15. De son côté, le Conseil de la Communauté Européenne avait réagi très tôt, dès l'adoption

de la nouvelle réglementation canadienne, le 6 mars 1995 (26), avant même la saisie du
bateau "Estai". La Déclaration du Conseil contient des éléments intéressants, même d'un point
de vue formel et apparemment de conservation des espèces comme celui adopté par les
autorités canadiennes où il est tenu compte du système OPAN. En effet, le Conseil affirma
dans sa Déclaration qu'il:

"rappelle la procédure d'objection et réaffirme la position de l'Union prise en

conformité du Droit de la Mer et les activités de pêche dirigées sur le flétan noir dans
la zone NAFO. Il n'y a donc pas lieu d'accepter un moratoire pour les activités de
pêche dirigées sur le flétan noir dans la zone NAFO; confirme l'engagement de
l'Union pour une utilisation rationnelle des ressources halieutiques, pour le respect des
limitations globales de capture fixées;

prend note du fait que la Commission a répondu favorablement à la demande
canadienne d'organiser une réunion bilatérale, étant entendu que celle-ci devra se
poursuivre dans le cadre multilatéral de la NAFO et que la Communauté demandera à
cet effet une réunion des Parties Contractantes; dénonce l'action unilatérale engagée
par les autorités canadiennes en violation des règles du Droit de la Mer et les invite à
poursuivre la discussion dans le respect des règles et principes de droit. Le Conseil
rappelle à cet égard sa position à l'encontre de la législation canadienne en matière de

contrôle des activités de pêche de navires non-canadiens au-delà des 200 milles, et
demande à la Commission de lui soumettre dans les meilleurs délais une analyse
juridique des modifications apportées à celle-ci le 3 mars dernier. À la lumière de cette
analyse l'Union se réserve d'engager les démarches nécessaires".

Quelques jours plus tard, le 10 mars 1995, la délégation de la Commission de la Communauté
Européenne au Canada (conjointement avec les États membres) adresse une Note Verbale au

Ministère des Affaires Étrangères et du Commerce International du Canada (27) , dont le
contenu est du plus haut intérêt en ce qui concerne certains points cruciaux de la demande
espagnole. En effet, tant cette institution européenne que ses États membres, affirment
concernant la saisie du bateau de pêche "Estai", ce qui suit:

"In relation with the violent arrest of the fishing vessel "ESTAI", flying the

flag of Spain, by Canadian Patrol and Coast Guard vessels in international
waters on 9, March 1995, the Community and its member states wish to
express their strongest condemnation of such an illegal and totally
unacceptable act". "The arrest of a vessel in international waters by a State other than the State of
which the vessel is flying the flag and under whose jurisdiction it falls, is an
illegal act under both the NAFO Convention and customary international law
and cannot be justified by any means.

With this action Canada is not only flagrantly violating international law, but is
failing to observe normal behaviour of responsible States".

"This act is particularly unnacceptable since it undermines all the efforts of the
international community, notably in the framework of the FAO and the United
Nations Conference on Straddling Fish Stocks and Highly Migratory Fish
Stocks, to achieve effective conservation through enhanced co-operation in the

management of fisheries ressources"

"This serious breach of international law goes beyond question of fisheries
conservation. The arrest is a lawless act against the sovereignty of a member
State of the European Community. Furthermore, the behaviour of the Canadian
vessels has clearly endangered the lives of the crew and the safety of the

Spanish vessel Concerned".

"The European Community and its Member States demand that Canada
immediately release the vessel, repair any damages caused, cease and desist
from its harassment of vessels flying the flag of Community Member States
and immediately repeal the legislation under which it claims to take such
unilateral action".

"The European Community and its Member States are forced to reassess their
relationship with Canada in the light of this deplorable situation and reserve
their rights to take any action which they deem appropriate".

Les deux notes contiennent des éléments juridiques du plus haut intérêt qui, d'après le
Royaume d'Espagne, devraient être retenus par la Cour. En particulier, il faut souligner qu'un

membre éminent de l'OPAN (il s'agit d'une organisation à laquelle appartiennent quinze États)
estime que les mesures législatives canadiennes pourraient mettre en danger le système de
conservation agréé par cette organisation, c'est-à-dire qu'elles soient opposées au but que l'on
prétend rhétoriquement poursuivre pour protéger les espèces, violant donc le traité de
l'OPAN de 1978.

De plus, ces notes mettent en évidence que tant la Communauté Européenne que ses États
membres considèrent que la législation canadienne dépasse clairement le concept de
conservation et de gestion des ressources de la pêche, affectant les droits fondamentaux des
États.

C'est-à-dire, d'après l'optique d'un secteur concret du système juridique international
(conservation des ressources biologiques), les mesures législatives adoptées unilatéralement

par le Canada affectent des aspects fondamentaux et globaux de tout le droit international,
mettant son intégrité en danger.

Finalement, en ce qui concerne la dimension concrète des efforts de la société internationale
institutionnalisée pour la conservation des ressources biologiques de la mer (OPAN, FAO etConférence spécialisée des Nations Unies), on considère que la législation canadienne et ses
actions unilatérales mettent en danger tout effort collectif de solution du problème. Autrement
dit, la vocation conservationniste d'un État se révèle incompatible avec une action unilatérale,
contraire au droit et totalement étrangère aux efforts multilatéraux. Ces prémisses acceptées,
l'action canadienne serait manifestement contraire à l'exigence de négociation bona fide de la

solution du problème.

Deux autres documents communautaires, —les Conclusions de la Présidence du Conseil
communautaire de la pêche qui s'est tenu au Luxembourg le 6 avril 1995 (28), et la
déclaration de la Commission de la Communauté Européenne sur la saisie par le Canada d'un
bateau de pêche battant le pavillon d'un État membre (29) insistaient sur les points exposés ci-
dessus, en particulier sur le caractère illicite du comportement canadien, sur l'absence de

bonne foi de ce pays, sur la situation du problème de la pêche dans le cadre du système de
l'OPAN et sur les propositions de l'Union Européenne en faveur d'une solution négociée.
Toutefois, remarque l'Union Européenne, le Canada plutôt que la négociation bilatérale ou
institutionnelle "has chosen the course of unilateral aggression".

III. La législation canadienne de pêche et la législation pénale de 1994

16. Le 12 mai 1994 le Canada modifia la Loi sur la protection des pêches côtières qui
réglementait cette activité à l'intérieur de la zone des 200 milles nautiques (30). Les aspects
les plus importants de cette modification apportée par le Canada, aux fins qui nous occupent
ici sont les suivants:

a) L'article 2 de ladite Loi a été modifié par l'ajout suivant:

"«zone de réglementation de l'OPAN». La partie en haute mer
de la zone de compétence de l'Organisation des Pêches de
l'Atlantique nord-ouest, laquelle comprend d'une part, les eaux
du nord-ouest de l'océan Atlantique situées au nord du 35º de

latitude nord et à l'ouest d'une ligne s'étendant plein nord à
partir d'un point situé par 35º de latitude nord et à l'ouest d'une
ligne s'étendant plein nord à partir d'un point situé par 35º de
latitude nord et 42º de longitude ouest jusqu'à 592 de latitude
nord, puis plein ouest jusqu'à 44º de longitude ouest, et de là,
plein nord jusqu'à la côte du Groenland et, d'autre part, les eaux
du golfe du Saint-Laurent, du détroit de Davis et de la baie de

Baffin situées au sud du 78910' de latitude nord".

C'est-à-dire que le Canada envisage l'établissement d'une nouvelle zone appartenant aux
espaces de haute mer, au delà des 200 milles de la zone économique exclusive dudit pays.

b) Il est dit que les "stocks chevauchants du Grand banc de Terre-Neuve"

feront l'objet d'une protection juridique spéciale dans la législation canadienne
face aux bateaux "étrangers" pêchant dans ces eaux (article 5. 1).
Concrètement le texte dispose à cette fin: "5.2. Il est interdit aux personnes se trouvant à bord d'un bateau
de pêche étranger d'une classe réglementaire de pêcher ou de se
préparer à pêcher dans la zone de réglementation de l'OPAN,
des stocks chevauchants en contravention avec les mesures de
conservation et de gestion prévues par les règlements".

De plus, il est important de noter que cette norme différencie parfaitement la prohibition
légale de pêcher et les mesures réglementaires de conservation et de gestion, ce qui signifie
que le législateur canadien différencie expressément le titre juridique d'origine et fondamental
interdisant la pêche en haute mer (Loi canadienne) et les conséquences de cette loi en matière
de conservation et de gestion des ressources (règlements exécutifs).

c) En outre, un alinéa b) a été ajouté à l'article 6 de la Loi pour définir comme
"stock chevauchant" tous "les stocks de poissons qui se situent de part et
d'autre de la limite des eaux canadiennes", pour préciser les catégories de
bateaux étrangers et, parmi d'autres particularités (un aspect très important et
révélateur), pour "déterminer les formules à utiliser, au lieu de la partie
XXVIII du Code Criminel, dans les poursuites contre les bateaux de pêche
prévues par la présente Loi ou la Loi sur les pêches". La possibilité d'appliquer

la législation canadienne à tout bateau de pêche étranger pêchant ou se
disposant à le faire en haute mer, est donc clairement établie.

d) Par ailleurs, les articles 7 et 8 de la Loi modifiée réglementent les
compétences des "garde-côtes" canadiens dans la zone OPAN (c'est-à-dire en
haute mer au-delà des 200 milles canadiens, définis à l'article 2 déjà cité).

Concrètement les garde-côtes sont autorisés à "monter à bord du bateau
[étranger] et à procéder à la visite des lieux" et à "la fouille du bateau et de sa
cargaison", qu'ils aient ou non, en cas d'urgence, un mandat judiciaire.

De plus, l'article 8.1 de la Loi amendée (31) établit très clairement que:

(1) Le garde-pêche est fondé à employer, conformément aux

procédures et dans les limites prévues au règlement, une force
qui est soit susceptible de désemparer un bateau de pêche
étranger, soit employée dans l'intention de le désemparer, si les
conditions suivantes sont réunies:

a) il procède légalement à l'arrestation du capitaine ou du

responsable du bateau;

b) le capitaine ou le responsable s'enfuit afin d'éviter
l'arrestation;

c) lui même estime, pour des motifs raisonnables, cette force
nécessaire pour procéder à l'arrestation.

(2) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, fixer les
procédures et limites visées au paragraphe (1)C'est-à-dire que la législation canadienne envisage expressément les cas de visite,
d'inspection, de privation de liberté du capitaine ou du responsable, d'utilisation de la force
contre le bateau, le droit de poursuite de celui-ci et, bien évidemment, la saisie du bateau et de
sa cargaison pour le conduire avec son équipage dans un port canadien. Tout ceci motivé par
des activités de pêche qui se déroulent en haute mer, hors de la zone de pêche des 200 milles,

en violation flagrante du principe de la liberté des mers.

De plus, dans ces articles le législateur canadien fait à nouveau une distinction entre le titre
servant de base à l'action des autorités canadiennes (exécutives ou judiciaires), qu'il situe dans
la Loi elle-même, et les procédés concrets d'exécution ou d'application de la loi que peut
adopter le gouverneur en conseil, afin d'appliquer ou d'exécuter celle-ci, mesures d'exécution
que peut prendre cette autorité puisqu'elle dispose d'un titre juridique (la Loi) l'y autorisant et

légitimant son action.

e) Mais l'élément le plus frappant de cette législation "de pêche" canadienne de
1994, du point de vue du droit international général et du droit de la mer en
particulier, est peut-être le lien qui fonde l'application du "droit criminel" de ce
pays sur les activités des bateaux étrangers en haute mer (article 18). En ce
sens, et à l'encontre du principe général de la territorialité du droit pénal, ladite

législation qualifie d'acte illégal pénal toute violation des dispositions
juridiques dans les conditions suivantes et dans les lieux suivants:

— "soit dans la zone de réglementation de l'OPAN, à bord ou
au moyen d'un bateau de pêche étranger ayant servi à
commettre une infraction visée à l'article 5.2";

— "soit au cours d'une poursuite entamée alors que le bateau
de pêche étranger se trouvait dans les eaux de pêche
canadiennes ou dans la zone de réglementation de l´ OPAN"
(article 18.1).

— "Les pouvoirs — arrestation, visite, perquisition, saisie et

autres — pouvant être exercés au Canada à l'égard d'un fait visé
à l'article 18.1 peuvent l'être à cet égard et dans les
circonstances mentionnées à cette article:

a) à bord d'un bateau de pêche étranger;

b) en cas de poursuite entamée, dans toute partie
de la haute mer autre que la mer territoriale et les
eaux intérieures d'un État autre que le Canada"
(article 18.2.1).

Il découle des dispositions mentionnées ci-dessus que tout le droit pénal canadien contenu
dans la législation sur la pêche s'applique aux bateaux de pêche étrangers naviguant dans les

eaux de haute mer comprises dans la zone OPAN, mais peut même s'étendre à d'autres zones
de haute mer en dehors de celle-ci lorsque le bateau étranger "contrevenant" est capturé dans
tout secteur de haute mer, quelle que soit la distance de la côte canadienne, après une
poursuite continue (hot pursuit) commencée dans une partie de la haute mer, comprise ou non
dans la zone OPAN et continuée dans une autre zone de la haute mer suite à une"contravention" de la législation de la pêche du Canada. Voilà qui permet d'affirmer que le
spectre de Selden inspire tout le système législatif dudit pays.

L'application extra-territoriale in toto de la législation pénale canadienne dans les plus vastes
domaines imaginables de la haute mer (englobant tout l'espace parcouru pendant la

persécution), résulte clairement et de façon très descriptive du texte de l'article 18.5 de la Loi
modifiée en 1994 selon lequel:

"Les dispositions de la présente Loi ou de la Loi sur les pêches applicables à
des personnes relativement aux actes criminels ou aux infractions punissables
par procédure sommaire s'appliquent avec les adaptations nécessaires, aux
bateaux de pêche. Il en est de même des dispositions du Code criminel pour les

actes criminels ou les infractions punissables par procédure sommaire créées
par la présente loi ou la Loi sur les pêches".

En résumé, la modification de 1994 de la Loi sur la pêche du Canada est loin de se situer dans
le contexte de la protection de la pêche pour entrer de plain pied et sans aucun palliatif, ni
juridique, ni théorique, dans le processus —antijuridique— de la criminalisation de la haute

mer, par les mesures les plus graves —et d'ailleurs interdites— que l'on puisse imaginer:
recours à la force, poursuite, capture et tout autre mesure que les autorités canadiennes
pourraient estimer nécessaires. Ces dispositions équivalent, tout simplement, à l'extension des
compétences territoriales internes les plus sévères à un espace international de liberté. Il
semble évident que ce comportement canadien dépasse toute mesure de conservation ou de
gestion de la pêche admise et admissible en droit international.

Des mesures de cette nature qui font fi de la vie et de la liberté humaine ainsi que des droits
les plus fondamentaux des États, au nom de la conservation de stocks chevauchants, sont
incompréhensibles à tout point de vue et ne peuvent naturellement pas être qualifiées en toute
rigueur de mesures de conservation et de gestion des ressources. Si l'utilisation de la force par
un État est interdite, même pour défendre les ressources renouvelables de sa zone économique
exclusive, comment pourrait-on considérer comme mesures visant la conservation des
pêcheries celles qui permettent l'utilisation de la force contre des bateaux d'États tiers pêchant

dans un secteur de la mer où la liberté est juridiquement garantie?

IV. Les débats parlementaires

17. Certains aspects du débat parlementaire, qui eut lieu à l'occasion de l'élaboration de la Loi
canadienne de 1994, expriment les questions juridiques que son texte suscita dans les
Chambres de ce pays. Car, en vérité, lorsque le Canada engagea le débat sur les méthodes de
protection desdits stocks chevauchants, il existait déjà d'autres modèles conçus pour des
situations similaires au niveau interne des États. C'est ainsi qu'au Chili une Loi du 28 août
1991 modifia la Loi générale sur la pêche du 22 décembre 1989, pour créer une "mar
presencial" comprenant à ce titre une zone de haute mer contiguë à la zone économique

exclusive chilienne de 200 milles (32). Pour cet espace de la haute mer, la loi chilienne
prévoit l'application de ses propres dispositions aux bateaux étrangers, y compris un régime
de sanctions qui leur est applicable, consistant fondamentalement en une éventuelle
interdiction de débarquement des prises dans les ports chiliens ou même d'escale technique
dans ces ports. Par ailleurs, la Loi nº 23968 de la République Argentine, du 10 septembre1991, établit au paragraphe 3 de l'article 5 que "les normes nationales sur la conservation des
ressources s'appliqueront au delà des 200 milles marins aux espèces de caractère migratoire
ou à celles qui interviennent dans la chaîne trophique des espèces de la zone économique
exclusive argentine". Mais cette disposition ne retient aucune sanction applicable aux bateaux
de pêche étrangers qui, au cours de leurs activités en haute mer, violent les normes internes

argentines. Un autre précédent qu'il faut mentionner, dans notre contexte, est la Loi islandaise
du 24 mars 1992 relative au droit de pêche dans la zone économique exclusive dudit pays, loi
qui interdit aux bateaux étrangers de débarquer des espèces capturées hors de la zone
économique exclusive si l'Islande n'a pas négocie un accord préalable avec l'État du pavillon,
et qui plus est, oblige ces bateaux étrangers, dès qu'ils pénètrent dans la zone économique
exclusive, à notifier leur intention de mouiller dans un port islandais.

Les trois textes cités ci-dessus ont entre eux des points communs importants, et leurs
divergences avec la législation canadienne pourraient aller jusqu'à la rupture. Tout d'abord,
ces législations affectent des espaces maritimes caractérisés par l'absence de mécanismes
institutionnels de coopération pour la conservation des pêcheries, contrairement à la
législation canadienne qui s'applique à une partie de la haute mer ou, précisément, il existe
une organisation internationale de pêcheries (l'OPAN), dans un espace de coopération
multilatérale. En outre, les trois textes mentionnés contiennent de véritables mesures de

"gestion" et de "conservation" des ressources de la pêche existantes, c'est-à-dire, qu'ils traitent
du même sujet que la réserve canadienne du 10 mai 1994. Si le Canada estime que ces
législations constituent des précédents à sa propre législation, c'est qu'il considère que ces
mesures de "gestion" et de "conservation" seraient analogues à celles prévues dans les textes
cités; donc, les autres mesures contenues dans la législation canadienne (qui différent des
autres législations nationales) iraient bien au-delà de ces concepts.

Du point de vue de la pratique multilatérale, le législateur canadien ai également pu prendre
en compte les positions soutenues par certains États au sein de la Conférence des Nations
Unies sur les stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au delà
des zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et les stocks de poissons grands
migrateurs. Cette conférence, à laquelle le Canada participa activement, prétendait
précisément, aborder des questions identiques à celles traitées par le Canada dans ses

instances nationales. En marge des différentes prises de position, il convient de souligner
dans ce forum multilatéral deux aspects évidents: d'abord, la nécessité de rendre compatibles
les mesures de conservation et d'administration qui pourraient y être prises à l'avenir
(conséquence du devoir de coopération) avec la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer de 1992; ensuite, l'obligation générale d'un comportement bona fide pour tous les
participants à cette conférence.

Aucun de ces précédents n'a été retenu dans les débats parlementaires relatifs à la Loi
canadienne du 12 mai 1994, et l'on peut aussi dire que les problèmes de compatibilité des
mesures unilatérales canadiennes avec le droit international ne furent jamais correctement
prises en considération.

La présentation du projet de loi à la Chambre des communes faite par Monsieur Tobin,
Ministre des Pêches et des Océans (33) (sic), d'une dialectique délibérément vague et confuse

consiste à justifier la nécessité de la loi par les exigences de conservation des ressources des
Grands Bancs gravement menacés par des facteurs naturels et par la surpêche (en se référant
de façon imprécise tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des 200 milles), tout en reconnaissant avec
exactitude: "Il y a eu de la surpêche aux deux extrémités des Grands bancs —et, ayons lecourage, la franchise et l'honnêteté de le reconnaître, des flottes canadiennes ont aussi
pratiqué la surpêche à l'occasion— mais nous mettons un terme à cette pratique(34). Ce qu'il
convient de retenir ici, c'est l'affirmation suivante du Ministre:

"Nous avons proposé un projet de loi qui donnera au Canada la capacité et le

pouvoir non pas d'étendre notre juridiction au-delà de la limite des 200 milles,
de mettre le grappin sur un territoire plus grand, d'étendre notre zone
économique et de prendre possession d'un plus grand territoire ou d'une plus
grande étendue d'eau ...... Nous n'avons jamais eu de visées expansionnistes ni
impérialistes".

......................

"Pourquoi? Parce que nous voulons susciter des conflits en haute mer? Pas du
tout".

......................

"Nous ne voulons pas confronter qui que ce soit en haute mer. Nous ne tenons
pas à arraisonner un seul bateau. Nous ne voulons pas intervenir auprès d'un
seul équipage, quels que soient leur origine et le pavillon de complaisance que
leur bateau arbore, pas un seul. Mais nous confronterons, nous arrêterons, nous
saisirons, nous poursuivrons en justice chacun d'entre eux s'ils ne retirent pas
leur filets et ils ne quittent pas la zone" (35).

Fondamentalement, Monsieur le ministre Tobin avait conçu le contenu des dispositions
unilatérales canadiennes sur la pêche en haute mer comme un ensemble de remèdes contre les
bateaux "pirates", c'est-à-dire, dans la terminologie ministérielle (qui ne coïncide en rien
d'ailleurs, avec le concept plus rigoureux de piraterie ou de navire pirate contenu dans les
articles 101 à 105 de la Convention sur le Droit de la Mer de 1982) les bateaux sans pavillon
ou battant pavillon de complaisance, tout en menaçant confusément de les appliquer à tout
autre bateau étranger "transgresseur".

Cette prise de position initiale de Monsieur le ministre Tobin suscita quelques commentaires
de la part des parlementaires canadiens. C'est ainsi, que Monsieur Cummins, après avoir
affirmé qu'il s'agissait "d'une intervention unilatérale sur la côte est", se demandait si cela
pourrait perturber les relations avec les États Unis d'Amérique du Nord dans le cas du traité
sur le saumon. Aucun autre problème avec les autres États de la communauté internationale

n'entrait dans ses calculs. Et le ministre le tranquillisa immédiatement" (36).

Répondant à une autre intervention parlementaire, Monsieur le Ministre Tobin fit une autre
affirmation intéressante: "Je le répète, il ne s'agit pas aujourd'hui d'étendre notre compétence,
mais bien de mettre en place un régime de conservation" (37). Affirmation en tout point
cohérente avec sa conclusion finale au débat parlementaire de cette Chambre: "Ce projet de
loi vise essentiellement à donner au gouvernement le pouvoir d'agir à l'extérieur de la zone

des 200 milles de la même façon qu'il le fait à l'intérieur de cette zone... permet simplement au
gouvernement de désigner une classe ou un genre de bateau qui, selon ce que nous avons
déterminé, pratique la pêche d'une manière qui va à l'encontre des règles de conservation et
contre qui des mesures peuvent donc être prises (38).Ces deux affirmations de Monsieur le ministre Tobin sont du plus haut intérêt juridique, de
l'avis du Royaume d'Espagne, dans le cadre du présent différend.

Tout d'abord, le ministre canadien insiste pour qualifier de mesure de conservation une loi
qui, objectivement, suppose une extension de la juridiction canadienne, et même de la

juridiction interne la plus sévère quant aux États tiers, comme c'est le cas de la juridiction
criminelle (y compris l'utilisation de la force). Ensuite, parce que le ministre des Pêches et des
Océans du Canada distingue parfaitement entre la loi du 12 mai 1994, considérée en soi, et les
mesures concrètes de "conservation" des pêcheries et 1 "'application" que les autorités
exécutives et judiciaires canadiennes peuvent adopter, précisément en vertu de cet instrument
juridique principal. Ce qui est hautement intéressant, c'est l'acceptation par le ministre et le
Parlement canadiens d'une dichotomie entre la Loi et ses conséquences, alors que la Loi

constitue le soutien des actions administratives, exécutives et judiciaires des autorités
canadiennes. Or, ce que la demande espagnole attaque de façon directe, c'est la Loi de 1994,
comme nous l'expliquerons dans ce Mémoire, en nous appuyant justement sur les termes
mêmes et les circonstances d'élaboration du texte juridique et sur le débat parlementaire qu'il a
suscité.

D'autres interventions eurent le mérite d'attirer l'attention sur des aspects fondamentaux de la

Loi. Sans se montrer critiques, celles-ci ont abordé certaines questions estimées douteuses. En
ce sens, Monsieur Yvan Bemier soutint que:

"Par cette réglementation, on va accorder au ministre le pouvoir de montrer la
force, mais en même temps, —on va le voir tout à l'heure en comité plénier —
on va demander au ministre et au Cabinet de s'assurer que cet outil-là de

représailles en mer sera utilisé avec discernement".

Ce parlementaire semblait souhaiter que l'utilisation de la force soit mesurée, c'est pourquoi il
se montrait préoccupé par le contenu juridique, par des expressions "mesures que pourraient
être prises pour désemparer un bateau" et "utilisation de la force nécessaire(39). Il ajouta:

"Peu importe que le Canada ait à défendre sa cause devant une cour

internationale, parce que nous croyons avoir une bonne défense, si jamais
certain pays voulaient contester notre façon d'agir (40).

Devant ces parlementaires aussi accommodants sur la question cruciale de l'utilisation de la
force, Monsieur le ministre Tobin qui avait déjà affirmé auparavant, sans aucune pudeur (et
en contradiction avec lui-même), que "nous le ferions d'un commun accord lorsque c'est
possible et en prenant des mesures unilatérales au besoin (41), précisa encore davantage la

position du gouvernement sur ce point.

Il le fit pour tranquilliser les consciences parlementaires canadiennes bien-pensantes, car il
rejeta l'usage démesuré ou excessif de la force dans les termes suivants:

"Il est clair que, si le Canada décide de procéder à une saisie, à une arrestation

ou à une inspection, notre intention est d'utiliser la force minimale nécessaire.
Autrement dit, le Canada a clairement l'intention d'éviter que des bateaux, que
ce soit les nôtres ou d'autres, ne subissent des dommages, ou pire encore, en
haute mer. C'est là notre intention. Cette disposition signifie que nous voulons
procéder de la manière la plus pacifique possible dans les circonstances (42).Et c'est ainsi que Monsieur le ministre Tobin tranquillisa la Chambre canadienne quant à
l'usage de la force, puisqu'il n'y eut ni réplique ni considération complémentaire. Cependant,
ces arguments souffraient d'un certain "rachitisme" juridique, car ils essayaient de justifier
l'utilisation d'une force de basse ou de moyenne intensité (en tout cas ils n'en excluaient pas
l'utilisation) contre des bateaux étrangers, en l'assimilant rhétoriquement à une utilisation

quasi licite ("de la manière la plus pacifique possible"), ignorant totalement que toute
utilisation de la force est illicite, dans ce contexte, en vertu du droit international. Il passait
également sous silence que le dernier mot, en matière de force nécessaire à chaque cas et à
chaque moment, revenait au commandant des garde-côtes. Bref, de petits détails pour
Monsieur le ministre Tobin et son étrange sensibilité juridique. Il était clair que ce qui pouvait
garantir l'efficacité de la Loi canadienne serait l'utilisation de la force en haute mer contre les
bateaux étrangers, sur lesquels retomberait tout le poids du droit pénal interne. Mais, sans

l'ombre d'un doute, il s'agirait d'une force mesurée, civilisée, harmonieuse, nécessaire, bien
que, si les circonstances l'exigeaient, rien ne s'opposerait à utiliser une force plus "forte".
C'est-à-dire, c'est la force (ou la menace) interdite expressément par l'article 2.4 de la Charte
des Nations Unies, que Monsieur le ministre Tobin avait complètement oubliée.

Dans la placide Chambre des communes, personne ne semblait accorder la moindre
importance au problème de la compatibilité de ce qui n'était encore qu'un projet de loi avec le

droit international, même s'il supposait une action des autorités internes dans le vaste secteur
de haute mer à l'encontre des navires étrangers puisqu'à la fin du débat Monsieur le ministre
Tobin avait laissé tomber l'idée de départ d'application de la loi à des bateaux "pirates" (dans
la curieuse qualification ministérielle dépouillée de toute rigueur), c'est-à-dire aux bateaux
sans pavillon ou battant pavillon de complaisance, pour l'étendre à tout navire étranger en
infraction. Mais il n'allait pas encore jusqu'à affirmer que cette législation pourrait s'appliquer

à l'avenir à des bateaux appartenant à des États coopérant avec le Canada au sein de l'OPAN,
au sein de l'organisation même de la pêche.

Seul Monsieur Cummins, après avoir fait remarquer l'urgence extrême invoquée par le
gouvernement pour accélérer le processus parlementaire du projet de loi, attira l'attention sur
ses conséquences juridiques ("Nous appuierons ce projet de loi parce qu'il est urgent de passer
à l'action, mais nous sommes quelque peu réticents à le faire comme nous n'avons pas eu le

temps d'en envisager toutes les conséquences"), formula quelques doutes et posa quelques
questions, aussi élémentaires qu'essentielles:

"Cette mesure recevra-t-elle l'aval de la communauté internationale? Cette
mesure créera-t-elle un précédent, donnant ainsi à des pays qui sont peut-être
moins raisonnables que le Canada la latitude voulue pour étendre leur
juridiction dans les eaux internationales? Cette latitude est-elle dans le meilleur

intérêt du Canada?"

........................................................................

« Cette mesure unilatérale que veut prendre le Canada pourrait-elle nuire à ces
négociations? Cette mesure unilatérale encouragera-t-elle d'autres pays à faire

fi de toute prudence et à étendre leur compétence territoriale au-delà de la
limite des 200 milles? Comment le ministre peut-il garantir aux Canadiens que
le projet de loi recevra l'appui de la communauté internationale? Pour faire
respecter le projet de loi C-29, il faut compter sur la collaboration et l'appui de la communauté internationale, sinon on aurait fait beaucoup de bruit pour rien
(43).

Malheureusement, ces questions si judicieuses restèrent sans réponse de la part du ministre.
Monsieur Tobin ne prit pas la peine d'y répondre, ou ne le pût. En effet, comment aurait-il pu

nier, arguments à l'appui, qu'il s'agissait d'une extension de la juridiction sur la haute mer?
Comment expliquer l'intégration de ces concepts dans le droit international? Comment aurait-
il pu expliquer raisonnablement qu'aucun pays n'allait s'y opposer, dépourvus qu'ils étaient de
toute légalité et légitimité internationale? Comment aurait-il pu expliquer la contradiction
entre l'action unilatérale du Canada et la rhétorique de la négociation proposée dans les
forums internationaux comme celui de l'OPAN, de la FAO ou de la Conférence des Nations
Unies de 1993? Il est tout simplement impossible de le faire de façon raisonnable et

argumentée. Mais le gouvernement canadien était plus préoccupé ce jour là de l'urgence de
l'action unilatérale que du contenu des normes juridiques internationales applicables et
opposables au Canada.

L'envoi immédiat du projet de loi devant le Sénat (juste le jour suivant) est un
exemple digne d'admiration, presque un record de rapidité du processus
parlementaire (44). Il reçut, cependant, un tout autre accueil. Pour commencer,

le sénateur Beaudoin ouvrit le feu dialectique sur le champ en disant: "à titre de
juriste, je suis quelque peu préoccupé par la réputation de notre pays au niveau
international", et il ajouta immédiatement:

"J'ai lu que certains juristes ont déclaré qu'à strictement parler, il se pourrait
que l'on agisse dans l'illégalité. Évidemment, d'autres juristes feront valoir que

c'est vrai mais que nous sommes en situation de crise, ce que je crois aussi, de
sorte que, dans une certaine mesure, la doctrine de l'urgence s'applique au delà
du territoire du Canada et même au delà de la limite des 200 milles.

Vos juristes vous ont-ils donné quelque garantie que ce soit qu'il existe
effectivement des précédents et que nous avons de bons arguments pour agir
de la sorte? (45).

La réponse du Ministre des Affaires Étrangères, l'Honorable André Ouellet, fut des plus
décevantes en termes juridiques et politiques; politiquement parce qu'il ne répondit pas
directement à la question sur la légalité de la législation canadienne; juridiquement parce que
sa réponse fut la suivante: « Nous basons notre projet de loi, qui est une loi qui nous permet
d'agir, sur des bases solides de droit. Afin de protéger l'intégrité de cette loi, nous avons
présenté une réserve, comme vous le savez, auprès de la Cour internationale de justice

alléguant que, évidemment, cette réserve serait temporaire, qu'elle ne s'appliquerait que pour
la période de temps que nous jugeons nécessaire d'exercer des représailles contre ceux qui
s'adonnent à la surpêche » (46) . La phrase est digne des annales pour plusieurs raisons, mais
nous allons centrer notre attention sur une raison très spécifique: si l'objet de la réserve
canadienne était précisément de protéger l'intégrité de la législation, pourquoi le terme
"législation" ne figure-t-il pas dans la réserve du 10 mai 1994? Le texte aurait-il été rédigé de

façon trop précipitée?

En ce qui concerne les aspects antérieurs, il nous faut encore souligner deux questions
d'intérêt dans l'affaire présente. D'un côté, aucun des deux ministres canadiens ne fut capable
d'expliquer pourquoi la législation soumise à discussion était conforme au droit internationalou, si l'on préfère, pourquoi cette législation n'était pas contraire aux normes internationales.
Ce silence tout au long des débats parlementaires fut éloquent. Par ailleurs, en droit, une
réponse basée sur la présentation d'une réserve à la clause facultative de l'article 36.2 du Statut
de la Cour n'est pas convaincante; une réserve qui, d'ailleurs, ne reflète pas dans sa rédaction
le contenu du discours du Ministre canadien des Affaires Étrangères devant le Sénat.

Le sénateur St. Germain intervint sur le point crucial de l'utilisation de la force et sur l'emploi
des forces armées et des garde-côtes canadiens pour l'application de la Loi, étant donné que:
"Le ministre a en outre laissé entendre que les autres pays ne contesteront pas l'application de
la loi. Peut-il nous confirmer ce qu'il a communiqué avec les pays qui ont l'habitude de pêcher
dans cette zone pour s'assurer qu'ils respecteront cette loi?" Monsieur le ministre Tobin, sans
répondre avec exactitude et après avoir à nouveau fait référence de façon confuse aux bateaux

sans pavillon ou aux pavillons de complaisance, finit par reconnaître que les mesures de force
pourraient être appliquées aussi à d'autres bateaux, et que les autorités nationales y étaient
prêtes . (47)

Un aspect intéressant des discussions au Sénat fut évoqué par le sénateur Lynch-Staunton, qui
fit référence au volume des ressources de la zone que la législation canadienne se proposait de
protéger comparé à celui des ressources existantes dans la zone des 200 milles. Toutefois, la

réponse de Monsieur le ministre Tobin fut ambiguë. Il sembla centrer son attention sur la
morue, en affirmant: "toute la pêche à la morue sélective est pratiquée par des bateaux pirates"
(48) .

Le sénateur Jessiman, pour sa part, tenta de centrer le débat sur les aspects juridiques
internationaux de la législation canadienne, et sur son adaptation aux normes internationales.

Dans ce contexte le dialogue fut des plus instructifs, puisqu'il mit le doigt précisément sur ce
que le gouvernement canadien passait sous silence. Le dialogue fut le suivant:

"Le sénateur Jessiman:

Y a-t-il un autre pays dans le monde qui soit doté d'une loi
semblable?.

M. Tobin:

On m'a dit que c'était le cas de l'Argentine, du Chili et du Pérou.
J'ignore si le fait a été confirmé. Je suis désolé. Ces trois pays
ont adopté une mesure législative semblable —d'où mon

incertitude— qui vise à protéger les stocks qui chevauchent
leurs côtes respectives ou y sont adjacents. Je pense que ces
trois pays présentent un problème semblable: une ligne de côte
ou un plateau continental qui s'étend au-delà d'une limite de 200
milles. Tous les trois pratiquent aussi une forme de pêche
destructrice.

La différence, c'est que la loi adoptée par ces trois pays ne
prévoit pas de plan suivi pour assurer la mise en place de
règlements et leur application.

Le sénateur Jessiman: Cette loi n'a jamais été interprétée par un tribunal? M. Tobin:

Non, je ne crois pas qu'elle ait été interprétée par un tribunal.

Le sénateur Jessiman:

Je vous remercie. Monsieur, avez-vous dit tout à l'heure que
vous aviez reçu d'une firme internationale l'avis que c'était
légal?

M. Tobin:

Non.

Le sénateur Jessiman:

Vous ne disposez pas d'un tel avis?

M. Tobin:

Non" (49).

Par ailleurs, la question de la position de certaines flottes européennes fut évoquée
expressément au Sénat, et plus concrètement celle de la flotte portugaise et de la flotte

espagnole, sans que le ministre canadien des pêcheries ne manifeste d'irritation ou de
prévention expresse envers la flotte espagnole. À une question du sénateur Comeau ("Dois-je
comprendre que le Portugal et I´ Espagne, qui ont toujours été le plus réfractaires aux quotas
de l'OPANO, acceptent maintenant sans rechigner des quotas que nous considérons
conformes à une saine gestion?)" le ministre répondit:

"Votre question précise concerne l'Espagne et le Portugal, sénateur. Il faut faire

une distinction importante ici. L'Espagne et le Portugal respectent
effectivement les contingents fixés par l'OPANO. Ces deux pays participent à
part entière à titre d'États membres de l'OPANO.

Ceci dit, il est vrai que certains bateaux, surtout portugais se procurent des
pavillons de complaisance. Ils vont au Panama, au Honduras ou à la Sierra
Leona et obtiennent ces pavillons afin de se soustraire aux règlements et de

continuer à pêcher. Au Canada, cependant, nous devons prendre soin de ne pas
affirmer que, simplement parce qu'un bateau portugais se procure un pavillon
de complaisance, le Portugal est coupable".

. .....................................................

"Il est vrai qu'une trop grande proportion de ces bateaux, que nous avons tous
appellés aujourd'hui les «bateaux pirates», vient du Portugal et c'est parce
qu'ils ont dû se déplacer à cause des mesures de conservation de l'OPANO;
toutefois, il ne faut pas pour autant blâmer le Portugal, ni douter de son respect
pour les règles de l'OPANO". .....................................................

Le sénateur Comeau:

"Est-ce que les contingents des flottilles de pêche du Portugal et de l'Espagne

sont établis par ces pays respectivement ou par l'OPANO?".

M. Tobin:

"Les contingents sont effectivement établis par l'OPANO ... vers le milieu des
années 1980 ... l'Union européenne pêchait de façon tout à fait contraire aux
principes de la conservation. Voilà ce qu'a fait l'Union européenne au milieu

des années 1980. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, même si ce l'est encore pour
certain bateaux qui quittent la flottille européenne et récoltent les stocks selon
des méthodes que nous voulons justement abolir grâce à ce projet de loi" (50).

En d'autres termes, Monsieur Tobin reconnut expressément devant le Sénat de son pays qu'il
n'y avait pas de problème spécifique avec la flotte espagnole dans la partie de la haute mer

réglementée dans le cadre de l'OPAN, quant à la conservation des ressources biologiques.

Quelles conclusions tirer de l'étude de la Loi canadienne du 12 mai 1994 par le Parlement? De
l'avis du Royaume d'Espagne, les débats parlementaires soulignent quelques aspects de grand
intérêt dans l'affaire qui nous occupe. Tout d'abord, la distinction claire et nette que députés et
sénateurs faisaient entre la Loi elle même et les mesures du pouvoir exécutif ou judiciaire
prises en vertu de celle-ci, entre la Loi en tant que titre d'origine essentiel, comme cadre de

référence, source de compétence pour agir, et les mesures concrètes que les autorités
canadiennes pouvaient adopter dans le domaine spécifique de la conservation et de la gestion
des ressources de la pêche, dont les éléments concrets et les plus spécifiques devaient être
adoptés par voie réglementaire.

Ensuite, plusieurs représentants constatèrent une incompatibilité possible de la Loi avec les
normes du droit international entraînant son éventuelle inopposabilité aux navires d'États tiers,

sans même parler des mal-nommés "navires pirates". À ce point, il faut souligner que pendant
le débat aucun membre du gouvernement canadien n'expliqua la ou les raisons de la
compatibilité ou de l'incompatibilité de la Loi avec les normes internationales, car les analyses
juridiques brillèrent à tout moment par leur absence. Le seul argument juridique exposé, de
façon surprenante et incompréhensible, fut la tentative d'accommodation de la Loi au droit
international par le truchement inacceptable de la réserve à l'article 36.2 de la Cour faite le 10

mai 1994.

En troisième lieu, il y a un sentiment généralisé d'après lequel la Loi débordait les simples
mécanismes de conservation des ressources Pour devenir quelque chose de différent, quelque
chose qui supposait une extension de la juridiction canadienne sur la haute mer pour permettre
aux autorités canadiennes de recourir aux forces armées, comme expression suprême du
"conservationnisme"; en bref, quelque chose de plus que la modification de la Loi sur les

pêcheries pour s'étendre aussi au droit pénal.

Comme l'affirma Monsieur le ministre Tobin lui même "cette mesure législative nous donne
vraiment beaucoup de pouvoir" (51). Une telle autorité est si disproportionnée dans le cadre
de la conservation des espèces piscicoles que ce membre du gouvernement a dû répéter àplusieurs reprises au cours de la procédure devant le Parlement que: "Nous sommes un pays
pacifique. Nous ne sommes pas expansionnistes. Nous n 1 avons jamais été impérialistes.
Nous n'avons jamais cherché à contrôler la planète" (52). Pour Monsieur le ministre Tobin, la
Loi était l'instrument juridique dont il avait besoin, le cadre juridique d'action; les mesures
concrètes de gestion, conservation et exécution seraient prises ensuite par les autorités

exécutives et seraient formulées par elles. Ce qu'il expliqua sans ambages lors du débat au
Sénat:

"Parce que sénateur, nous avons fait en sorte que le projet de loi, la mesure
habilitante la Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières, soit
suffisamment générale pour que le Cabinet puisse faire adopter un règlement,
selon la nature du problème, donnant à nos agents l'autorité de prendre des

mesures coercitives contre tout bateau, sans exception, qui s'en prend à une
espèce menacée de façon continue et irresponsable. Vous avez tout à fait
raison. C'est un pouvoir très vaste" . (53)

La Loi, en tant que titre juridique essentiel, permet aux autorités canadiennes d'agir en haute
mer au-delà des 200 milles, elle garantit la compétence interne pour agir dans les eaux
internationales, mais les mesures de gestion et de conservation des ressources, les mesures

d'exécution quant aux navires étrangers, sont adoptées dans chaque cas et à tout moment
opportun par les autorités de l'exécutif et/ou du pouvoir judiciaire canadiennes. C'est-à-dire,
les mesures sont une conséquence de l'application de la loi, et c'est donc la toi canadienne qui
doit être attaquée devant les tribunaux.

V. Les règlements de pêche et leur implication pénale

18. Après lecture du "Règlement sur la Protection des Pêcheries Côtières" —Modification du
25 mai 1994 (54) — ce qui précède ne fait plus de doute. C'est ainsi qu'en ce qui concerne
l'usage de la force, l'article 19 a été modifié en ces termes:

"19.3. Le garde-pêche ne peut employer la force qu'en application de l'article
8.1 de la Loi que lorsqu'il procède légalement et de la manière prévue aux
articles 19.4 et 19.5 à l'arrestation du capitaine ou du responsable du bateau de
pêche étranger à l'égard d'une infraction à l'article 3, à l'alinéa 4 (1) a) ou à
l'article 5.2 de la Loi ou d'une infraction visée au sous-alinéa 17 a)(ii) de la
Loi".

"19.4. Avant d'employer la force visée à l'article 19.3, le garde-pêche doit:

a) prendre en considération tous les moyens moins violents qu'il
serait raisonnable d'utiliser dans ces circonstances pour arrêter
le bateau de pêche étranger, y compris monter à bord de celui-
ci;

b) être convaincu qu'aucun de ces moyens ne peut réussir à
arrêter le bateau de pêche étranger"; "19.5. Le garde-pêche qui satisfait aux exigences de l'article 19.4 doit, avant
d'employer la force visée à l'article 19.3:

a) tirer un coup de semonce ou, s'il le juge indiqué, une série de
coups de semonce aux alentours du bateau de pêche étranger à

une distance sans danger et laisser au capitaine ou à une autre
personne à bord la possibilité d'arrêter le bateau;

b) transmettre au bateau de pêche étranger le signal SQ 1 et
laisser au capitaine ou à une autre personne à bord la possibilité
d'arrêter le bateau".

Par ailleurs, cette norme précise quels sont les "stocks chevauchants" auxquels la Loi fait
référence, et ne mentionne expressément au tableau I que 28 espèces pour les catégories 3L,
3N et 30, ne citant le flétan du Groenland que dans le tableau II pour la catégorie 3M (article
21.2 a) du Règlement).

D'autre part, sont définis dans cette norme les bateaux de pêche étrangers qui seront assujettis

à la Loi, et qui "sont respectivement les bateaux sans nationalité [bateaux décrits en détail à
l'article 21.1) et les bateaux de pêche étrangers qui naviguent sous le pavillon d'un État visé au
tableau III du présent article" [les navires de Belize, des Îles Caïman, du Honduras, du
Panama, de Saint Vincent, des Grenadines et de Sierra Leone] (article 21.2 b) du Règlement).

Enfin, l'alinéa c) de l'article 21.2 du Règlement qualifie de mesures de "conservation et de
gestion, l'interdiction de pêcher, de se préparer à pêcher ou de prendre et garder les stocks

chevauchants".

C'est-à-dire, qu'alors que la Loi du 12 mai 1994 est le titre juridique d'origine et le cadre
fondamental établissant les compétences, c'est le Règlement ici étudié qui qualifie et
concrétise les mesures, qui définit ce que sont des mesures de conservation et de gestion, qui
précise les modalités d'usage de la force, qui détermine ce que sont exactement les stocks
chevauchants, qui définit ce que sont des navires sans pavillon, et qui précise à quels États

ayant cédé un pavillon de complaisance s'appliquera la Loi. En somme, c'est lui qui conçoit
les mesures de gestion, de conservation et d'exécution effectivement adoptées par le
Gouvernement canadien pour réglementer l'action de ses autorités en haute mer contre des
bateaux étrangers. L'efficacité de la Loi, son application réelle pour la réglementation desdites
activités, exigeait de toute évidence l'adoption par voie gouvernementale de mesures de
gestion et d'exécution.

VI. Les réactions face à la législation canadienne: la protestation

19. Les doutes sur la légalité internationale exprimés par certains représentants parlementaires
canadiens sur la Loi de 1994 semblaient être justifiés compte tenu des réactions immédiates

de l'une des parties au Traité de l'OPAN de 1978 et d'autres États. Une Note Verbale du 10
juin 1994 présentée par la Communauté Européenne et ses États membres auprès du Ministère
canadien des Affaires Étrangères, protestait contre les dispositions prises par ce pays en
matière de pêche ("with reference to the Canadian Law amending the Coastal FisheriesProtection Law adopted on 12 May 1994 and the regulation implementing the latter")(55). En
particulier, cette Note constatait que tant la Communauté Européenne que ses États membres:

— «...consider that this Law and the regulation implementing it conferring as
they do on the Canadian authorities powers of intervention with regard to

foreign vessels carrying out fishing activities on the high seas, constitute a
unilateral act which is totally unacceptable ».

— « ...consider that this Law and its implementation are not only contrary to
international law, but also run counter to the efforts made by the international
community to improve the management of fisheries resources particularly on
the high seas ».

— « ... reject the spirit and the provisions of the law in question and of the
regulation implementing it. They consider, in accordance with Article 89 of the
United Nations Convention, that no State may validly purport to subject any
part of the high seas to its sovereignty".

— « ... consider that it is not for Canada to determine unilaterally a list of
stocks to be considered as straddling ».

— « ... [ les dispositions canadiennes citées) are in contradiction with both the
relevant instruments of international law and the action taken multilaterally, to
both of which Canada has, nonetheless, made an important contribution".

— « ...can only reject the implications of this Canadian law and the regulation
implementing it. They consider that the latter constitutes a precedent that is all
the more regrettable as it comes on the eve of the entry into force of the United
Nations Convention on the Law of the Sea".

Cette Note Verbale, présentée tout au début de l'affaire par la Communauté Européenne et ses
États membres, pose non seulement le principe de l'incompatibilité des dispositions

canadiennes avec le droit international en vigueur, mais souligne également la contradiction
entre l'action du Canada et les efforts déployés au sein de la FAO et de la Conférence des
Nations Unies sur les stocks chevauchants et les espèces hautement migratoires, pour résoudre
d'une manière adéquate et multilatéralement ce type de problème. Mais surtout, tout au long
de la Note en question, la distinction entre la Loi de 1994 et ses mesures d'application est
clairement établie.

VII. La réglementation canadienne sur la pêche de 1995 et son application à l'Espagne

20. Le 3 mars 1995, le Gouvernement canadien approuva un nouveau Règlement sur la pêche,
qui modifie le précédent (56), et en particulier l'article 21 (2) (b) et (c) du Règlement de 1994

est amendé de la façon suivante:

"The following classes of foreign fishing vessels are prescribed classes,
namely .....................................................

(iii) foreign fishing vessels of a class prescribed by subparagraph (b) (iii), the
measures set out in Table IV to this section are prescribed conservation and
management measures".

Finalement le Portugal et l'Espagne furent inclus dans le tableau IV en tant qu'États assujettis
à la réglementation canadienne sur la pêche. Peut-être que ce nouveau et surprenant
changement était dû à ce que, comme l'avait déjà avancé un parlementaire canadien notable
quelques jours auparavant, l'Espagne en cette occasion était considérée comme un État
"pirate" dans la très particulière terminologie canadienne (57), bien éloigné des concepts
juridiques rigoureux.

VIII. Les caractéristiques générales de la politique de pêche de la Communauté
Européenne

21. Il convient de signaler à la Cour une singularité juridique dans le domaine de la pêche qui
affecte les États membres de la Communauté Économique Européenne (aujourd'hui
Communauté Européenne, après l'entrée en vigueur du Traité de l'Union Européenne de
1992), de façon décisive. La politique commune de pêche (dorénavant PCP) est une des
politiques transférées aux institutions communautaires par les États membres".

L'ensemble des dispositions constituant l'acquis communautaire est constitué par deux types

de dispositions: par les Règlements qui déterminent tous les ans l'activité du secteur, et par les
Actes d'adhésion des nouveaux États membres qui règlent spécifiquement la situation des
nouveaux membres pendant les périodes transitoires de dix ans.

Fondamentalement, la structure interne des dispositions communautaires constituant la PCP
s'organise autour de deux questions: a) le régime juridique communautaire pour la
conservation et l'exploitation des ressources biologiques, et b) le régime juridique

communautaire pour la commercialisation des produits de la pêche. Quant à la première
question, sont à retenir les principes d'égalité d'accès des États membres aux eaux des autres
États (et, par conséquent, la non discrimination en fonction de la nationalité) 59, le principe de
l'exploitation équilibrée des ressources (60), le système des quotas de pêche à partir du
volume admissible de capture annuelle par population ou groupe de population (61) (appelé
aussi principe de stabilité relative), les mesures techniques de conservation des zones de

pêche (équipements et engins de pêche, taille des prises, types de bateaux, etc.) (62) et
l'admissibilité de régimes juridiques spéciaux pour certaines zones et populations sensibles.

Mais, dans le contexte particulier de cette affaire entre l'Espagne et le Canada, ce qui est du
plus haut intérêt dans la structure du système juridique interne de la Communauté
Européenne, c'est la compétence externe assumée par cette organisation internationale en
matière de pêche. L'arrêt du 14 juillet 1976 (63) de la Cour de Justice des Communautés

Européennes détermine les compétences communautaires internes et externes en matière de
pêche. En prenant comme point de départ l'idée des compétences implicites et de l'effet utile
des traités, la Cour affirma que les Communautés n'avaient pas seulement assumé la
compétence en matière de pêche pour réglementer les relations ad intra entre les Étatsmembres, aux seules fins de donner un cadre juridique à la pêche dans leurs zones nationales
respectives, mais aussi la compétence en matière de pêche vis-à-vis des États tiers.

En bref, les compétences externes qui à partir de ce moment passent aux mains des
institutions communautaires et donc ne peuvent plus être exercées par les États membres, sont

essentiellement de deux sortes: la conclusion des traités en matière de pêche en mer et la
participation en tant que membre des organisations internationales de pêche. Mais la
Communauté Européenne n'exerce pas la protection diplomatique au bénéfice des navires des
États membres. Cette faculté est rigoureusement réservée aux États membres, et le fait que les
bateaux de pêche des pays communautaires ne naviguent pas sous pavillon communautaire,
mais sous les pavillons respectifs de chacun des États membres en est le symbole. En résumé,
en matière de protection diplomatique, les règles générales du droit international ne sont pas

affectées par l'impact du droit communautaire européen sur ce point concret (64).

Ce qui précède explique qu'à partir du moment du transfert les États membres ont cessé de
conclure des traités de pêche et que la Communauté Économique Européenne est, par
exemple, partie à la Convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de
l'Atlantique nord-ouest établie à Ottawa le 24 octobre 1978 (65).

Il faut tenir compte, à côté des éléments précédents, que le système de contrôle des mesures
de conservation et d'exploitation des ressources de la pêche, dont le contenu essentiel fait
l'objet de réglementation communautaire, revient aux services nationaux de chacun des États
membres dans le cadre de leurs zones économiques exclusives respectives. C'est ainsi,
qu'alors que la réglementation de la pêche relève des institutions communautaires, la gestion
du contrôle effectif de son application incombe aux États membres sur trois points essentiels:

l'inspection des navires et de leurs activités, le contrôle des prises, et le contrôle des engins et
des équipements de pêche.

Ce sont les articles 151 et suivants de l'Acte relatif aux conditions d'adhésion du Royaume
d'Espagne et de la République du Portugal qui réglementent les questions de la pêche pour les
nouveaux États membres durant une période transitoire de dix ans. Donc, les relations
extérieures en matière de pêche ne relèvent plus de la compétence de l'Espagne et du Portugal

à partir du moment de l'adhésion (l janvier 1986). Ceci explique le modus operandi, dans le
cas d'espèce ayant eu lieu, aussi bien des interventions de l'Espagne que de la Communauté
Européenne auprès du Canada, à différents titres juridiques et dans différents domaines
relevant de leurs compétences respectives.

Ceci renforce aussi la thèse juridique de l'Espagne dans le différend qui l'oppose au Canada,
car s'il s'agissait d'un simple contentieux relatif à la conservation et à la gestion de la pêche

dans la zone de l'OPAN, l'intervention relèverait des institutions communautaires, car
l'Espagne n'aurait aucune compétence en la matière. Mais, la demande espagnole contre le
Canada devant la Cour met en exergue que l'objet de la controverse suscitée par l'Espagne ne
porte pas sur des mesures de conservation et de gestion des ressources biologiques ou
d'exécution de telles mesures (qui relevaient de la compétence des autorités communautaires),
mais, qui, se référant à la violation de principes juridiques aussi essentiels que l'interdiction de

la menace ou de l'usage de la force armée, ou de la liberté des mers, nous situe dans un litige
international extra muros des compétences communautaires qui affecte ses États membres. Et
que ce sont donc les États membres, et eux seuls, qui peuvent et doivent agir dans le procès
dont est saisi la Cour Internationale de Justice. En effet, les principes mentionnés ne peuvent
en aucun cas être considérés, comme nous le démontrerons dans une autre partie de cedocument, comme des mesures de gestion, de conservation ou d'exécution en matière de
ressources de pêche.

IX. Négociations entre la Communauté Européenne et le Canada en matière de gestion
et d'administration de la pêche

22. Les négociations entre la Communauté Européenne et le Canada pour résoudre le
problème de l'intervention canadienne en haute mer furent extrêmement complexes et
laissèrent croire à tout moment que le Canada pourrait accroître ses menaces d'intervention.
Ainsi, dans un communiqué du Ministère des Affaires Étrangères et du Commerce

International du Canada, du 14 avril 1995, Monsieur Gordon Smith, sous-ministre des
Affaires Étrangères, menaçait "de reprendre ses interventions en haute mer" (66) expression
qui éclaire à souhait le véritable contenu de la législation "conservationniste" du Canada.
Simultanément, la presse canadienne rendit publique la menace d'intervention militaire
contre la flotte espagnole, en précisant que les bateaux de guerre canadiens furent sur le
point d'initier des opérations militaires en haute mer, opération que l'on évita de justesse, la

nouvelle de l'accord intervenu entre la Communauté Européenne et le Canada (67) étant
arrivée 30 minutes seulement avant le début des opérations prévues.

Tel fut le climat créé par le Canada et ses gestes réitérés manifestement contraires à la bonne
foi nécessaire à la négociation. Mais tout cela eut un côté positif: la situation créée apporta la
certitude que la législation sur la "gestion" et la "conservation" des ressources de pêche du
Canada était en réalité ni plus ni moins qu'une législation pénale et répressive permettant

l'intervention armée en haute mer contre des navires étrangers. En dernier ressort, il semblait
qu'il s'agissait de protéger le flétan (au bénéfice des pêcheurs canadiens), même si cela faisait
courir un grave danger à la vie et à l'intégrité physique des équipages des bateaux de pêche
espagnols.

Finalement, la Communauté Européenne et le Canada arrivèrent à un accord le 15 avril 1995
(68) . Les clauses dudit accord portent sur les prises et les systèmes de contrôle que les deux

parties s'engageaient à porter à la connaissance des autres parties du système OPAN, dont
certains éléments intéressent directement la présente affaire. En ce sens, il est convenu que:

"1. Canada shall repeal the provisions of the Regulation of 3 March 1995
pursuant to the Coastal Fisheries Protection Act which subjected vessels from
Spain and Portugal to certain provisions of the Act and prohibited these vessels

from fishing for Greenland halibut in the NAFO Regulatory Area".

"For the European Community, any re-insertion by Canada of vessels from any
European Member State into its legislation which subject vessels on the high
seas to Canadian jurisdiction will be considered as a breach of this Agreed
Minute".

Par ailleurs, les parties conviennent que:

"1. The European Community and Canada maintain their respective positions
on the conformity of the amendment of 25 May 1994 to Canada's Coastal
Fisheries Protection Act, and subsequent regulations, with customary international law and the NAFO Convention. Nothing in this Agreed Minute
shall prejudice any multilateral convention to which the European Community
and Canada, are parties, or any Member State of the European Community and
Canada are parties, or their ability to preserve and defend their rights in
conformity with international law and the views of either Party with respect to

any question relating to the Law of the Sea".

"2. Any limitation to the NAFO Regulatory Area or any arts thereof of the
measures referred to in this Agreed Minute shall not be deemed to affect or
prejudice the position of the European Community with regard to the status of
the areas within which coastal States exercise their fisheries jurisdiction".

En troisième lieu, par des Letters of exchange" du 13 avril 1995, l'annexe au Procès Verbal
agréé pose que:

"With reference to the April 1995 Agreed Minute between the European
Community and Canada, I can confirm that the posting of a bond for the
release of the vessel 'Estai' and the payment of bail for the release of its master

cannot be interpreted as meaning that the European Community or its Member
States recognise the legality of the arrest or the jurisdiction of Canada beyond
the Canadian 200-mile zone against fishing vessels flying the flag of another
State".

"I can also confirm that, expeditiously, the Attorney General of Canada will
consider the public interest in his decision on staying the prosecution against

the vessel 'Estai' and its master is essential for the application of the said
Agreed Minute, and therefore the bond, bail and the catch or its proceeds must
be returned to the master on the date of the signature of the Agreed Minute".

Il résulte de l'ensemble de l'accord entre le Canada et la Communauté Européenne pour traiter
de la question générale soulevée par la législation sur la pêche du Canada, que la plupart de
ses dispositions se réfèrent précisément à des mesures relatives à la gestion, la conservation et

l'exécution dans le domaine de la pêche dans la zone OPAN (vid. en ce sens les points A, B et
E du Procès Verbal agréé et tout l'Annexe 1 de ce même document sur "Proposal for
improving fisheries control and enforcement").

Que signifie ceci et comment l'expliquer? C'est assez simple du point de vue juridique et de la
politique communautaire, la gestion et la conservation des ressources de la pêche étant
compétence des institutions communautaires, elles ne peuvent relever de celle des États

membres. Et, si la Communauté Européenne considère que la législation Canadienne sur la
pêche de 1994 pose des problèmes spécifiques aux États membres de la Communauté et
provoque une opposition manifeste de la part de ceux-ci, parce qu'elle affecte le droit
international général et notamment le Droit de la Mer, cela revient à une acceptation tacite des
trois parties en conflit (le Canada, la Communauté Européenne et les États membres de celle-
ci). Il est donc clair que la législation canadienne de 1994 ne se limite pas à la simple gestion,

conservation et exécution dans le domaine de la Pêche mais qu'elle met aussi en jeu certains
principes juridiques de plus vaste portée en plus de la simple conservation des ressources.

Il est aussi établi dans cet accord que les problèmes d'aménagement et de gestion de la pêche
hauturière doivent faire l'objet de réglementation, sur initiative des deux parties au sein dusystème OPAN. Or si l'accord contient des éléments ne pouvant ni ne devant être résolus dans
le système OPAN c'est qu'il s'agit de problèmes qui n'affectent ni directement ni concrètement
la simple gestion et l'aménagement de la pêche.

En relation avec ce qui précède, il faut tenir compte du fait que le 4 août 1995, la "Conférence

des Nations Unies sur les stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à
l'intérieur qu'au delà des zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et les stocks de
poisson grands migrateurs" (A/ CONF.164/32) a adopté le "Projet d'Accord aux fins de
l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer du 10
décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les
déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au delà de zones économiques exclusives
(stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs" (A/CONF.164/33).

Comme il a été souligné dans les paragraphes précédents, cette Conférence a été largement
utilisée par le ministre des Pêches et des Océans (sic), M. Tobin, pour essayer de justifier le
contenu et la portée de la législation canadienne de 1994 et de 1995.

Le Canada a participé activement à cette Conférence mais Monsieur le ministre Tobin semble
ignorer que le "Projet d'Accord" ne modifie en rien les normes internationales générales (voir
ses articles 3, 6, 7 et 21) ni celles contenues dans la Convention des Nations Unies sur le Droit

de la Mer de 1982, concernant les libertés de la haute mer. A vrai dire, ce "Projet d'Accord"
établit des mécanismes de coopération stables et institutionnels concernant les ressources
vivantes affectées qui exigent, à tout moment, le consentement expresse des États intéressés,
consentement qu'ils exprimeront en se convertissant en parties, si ledit "Projet" devenait un
jour un accord en vigueur.

En fait, l'article 4 dispose expressément que: "Aucune disposition du présent accord ne porte
atteinte aux droits, à la juridiction et aux obligations des États en vertu de la Convention [de
1982]. Le présent Accord est interprété et appliqué dans le contexte de la Convention [de
1982] et d'une manière compatible avec celle-ci". Et ses articles 7 et 8 envisagent des
"mesures de gestion et de conservation", ayant une signification et un contenu bien précis,
différents de la signification spéciale que le Canada semble leur octroyer. La liberté des mers,
en tout cas, ne s'est pas éteinte avec le "projet d'accord" de 1995, comme le ministre Tobin le

prétend. Il est donc incompréhensible que dans son allocution au nom du Canada durant la
dernière session de la dite Conférence, il ait insisté sur le fait que "until the new convention is
fully and properly implemented, the (69) Government of Canada will retain Bill C-29 » (69)

Néanmoins, concernant ce qui nous occupe maintenant, le "projet d'accord" de 1995 rappelle
l'obligation générale de régler les différends sur les pêcheries par des moyens pacifiques, ce
qui inclut logiquement le règlement judiciaire (article 27), le principe général de la bonne foi

et l'interdiction de l'abus de droit (article 34), ainsi que le principe de responsabilité (article
35).

C'est précisément dans ce cadre particulier qu'il faut évaluer et interpréter les négociations
entre le Canada et la Communauté Européenne.

Pour résumer ce qui vient d'être dit, le Canada et la Communauté Européenne considèrent,
quoique de façon directe ou indirecte, que la législation canadienne de 1994 dépasse
raisonnablement la simple gestion et conservation des ressources de la pêche.X. Conclusions: les faits sont contraires au droit international en vigueur.

23. Les principes qui régissent les activités des États en haute mer ont été codifiés par les
Conventions de Genève de 1958 sur la haute mer, et sur la pêche et la conservation des
ressources vivantes en haute mer, ainsi que par la Convention des Nations Unies sur le Droit

de la Mer de 1982. Parmi les principes universellement reconnus qui réglementent le contenu
essentiel de la liberté des mers, et les droits et obligations des États en haute mer, il faut
rappeler spécifiquement les dispositions des articles 1, 2, 4, 6, 11, 13, 22 et 23 de la
Convention de Genève de 1958 sur la haute mer; des articles 1, 2, 3 y 4 de la Convention de
Genève de 1958 sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer; et
des articles 87.1, 88, 90, 92.1, 97. 1 et 2, 100.1, 107, 110, 111 et 116 à 119 de la Convention
des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982.

Cependant, le comportement canadien à l'égard des bateaux de pêche espagnols va à
l'encontre des normes internationales en vigueur. En particulier, les actions menées par le
Canada sont contraires au principe de la liberté de navigation et de pêche en haute mer, au
principe de l'interdiction de la menace ou de l'usage de la force, au principe de la juridiction
exclusive des États sur les bateaux arborant leur pavillon en haute mer, aux règles qui
régissent le droit de visite, aux règles qui régissent le droit de poursuite, au principe de non

appropriation de la haute mer, à l'obligation de coopération pacifique pour la conservation des
ressources vivantes de la haute mer, aux normes qui protègent le droit des personnes à la vie
et à l'intégrité physique, à l'obligation du règlement pacifique des différends, ainsi qu'à
d'autres règles plus concrètes.

Tout ce qui précède implique une responsabilité internationale pour le Canada, en raison de la

violation d'obligations juridiques contenues dans des normes internationales universellement
reconnues et actuellement en vigueur.

Dans ce contexte, le Royaume d'Espagne souhaite attirer respectueusement l'attention de la
Cour sur la volonté marquée et réitérée du Canada de continuer à violer obstinément la liberté
des mers. Si la législation de 1994 est encore récente, ce pays continuera certainement à agir
illicitement dans l'avenir immédiat, car les articles 16, 17, 23, 25, 26 et autres du "Projet de

loi C-98" ("Loi concernant les Océans du Canada" [sic]), encore objet de débats au
Parlement canadien (70), prévoient expressément la possibilité pour le Canada d'exercer sa
juridiction interne sur les pêcheries existantes dans les eaux au-delà du plateau continental de
ce pays, au-delà des 200 milles. C'est-à-dire, dans les eaux de la haute mer.

Pour résumer ce qui vient d'être dit, si quelque chose est clair entre le Canada et la
Communauté Européenne, c'est que les deux parties considèrent, quoique de façon indirecte

ou incidente, que la législation canadienne de 1994 (et non seulement la réglementation de
1995 opposable expressément à l'Espagne et au Portugal) dépasse raisonnablement la simple
gestion et conservation des ressources de la pêche hauturière, pour s'inscrire dans le contexte
des normes de droit interne qui concernent et affectent des principes essentiels du droit
international en général et du droit de la mer en particulier. Bien au contraire, l'application de
la législation canadienne s'étend à des droits essentiels des États, de leurs navires et de leurs

ressortissants dans un espace de nature aussi incontestablement internationale que la haute
mer. Tout ceci étant essentiel dans la question de la compétence de Cour Internationale de
Justice. __________

CHAPITRE III

JURIDICTION DE LA COUR

I. L'allégation de l'absence de juridiction de la Cour par le Canada

24. Contester la juridiction de la Cour est une réaction naturelle de tout État défendeur en
vertu de l'article 36, paragraphe 2 de son Statut. Pour cette raison l'application de ladite
Clause Facultative, a fait l'objet de maintes controverses. Les statistiques sont le plus fidèle
reflet de cette contestation. Nous pourrions même dire que la bonne intention des

gouvernements qui, en acceptant la juridiction obligatoire de la Cour, à travers le dépôt de la
déclaration correspondante, essaient de favoriser une image de confiance positive en elle pour
régler pacifiquement les différends conformément au droit, est immédiatement conditionnée
par une recherche assoiffée de formules leur permettant de se dérober à ladite juridiction
lorsqu'ils sont défendeurs (71). Ensuite, comme l'a remarqué Sir Gerard Fitzmaurice, "by
consent, in the legal sense of the term, is not meant willingness, which may or may not exist in
the given case" (72) . En fait, chaque fois qu'une exception préliminaire à la juridiction de la

Cour peut être formulée, elle est formulée (73).

25. Apparemment, la représentation du Canada s'obstine à vouloir nier la juridiction de la
Cour sur le différend faisant l'objet de la requête du Royaume d'Espagne en invoquant la
réserve contenue à l'alinéa d) du paragraphe 2 de sa déclaration du 10 mai 1994.

Ainsi, dans sa lettre adressée le 21 avril 1995 au Greffier de la Cour par l'ambassadeur du
Canada à La Haye, M. Michael R. Bell, par laquelle il était annoncé que le Canada serait
représenté à la réunion convoquée le 27 avril par le Président de la Cour, conformément à
l'article 31 du Règlement, afin de se renseigner auprès des agents des Parties, sur les questions
de procédure en l'affaire, il est spécifié que la participation à cette réunion

« , ... ne saurait en rien porter préjudice à la position du Canada selon laquelle

la Cour n'a manifestement pas la compétence nécessaire pour se prononcer sur
la requête introduite par l'Espagne le 28 mars dernier, en raison de l'alinéa d)
du paragraphe 2 de la déclaration du 10 mai 1994 par laquelle le Canada a
accepté la compétence obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36,
paragraphe 2 de son Statut ».

26. Dans une lettre adressée au Greffier de la Cour le 1er mai 1995 le Royaume d'Espagne,

s'en tenant au contenu de l'écrit canadien du 21 avril, repris essentiellement par M. Philippe
Kirsch, représentant du Canada, lors de la réunion du 27 du même mois tenue avec le
Président de la Cour, suggère à la Cour d'inviter le Canada: "to submit in writing no later than 30 May 1995 a summary statement
containing indications in general terms of the point or points on which Canada
will rely in its contentions that the Court is without jurisdiction in this case ......

La Cour n'a pas pu prendre cette suggestion en considération car la lettre ne lui est parvenue

que le 3 mai, un jour après avoir rendu j'ordonnance décidant du calendrier de présentation
des pièces de la procédure écrite sur la question relative à la compétence de la Cour, en vue
d'être saisie du différend, tel qu'il avait été convenu à la réunion du 27 avril.

Le Greffier de la Cour a, néanmoins, envoyé au Canada la lettre de l'agent du Royaume
d'Espagne. Dans une lettre du 15 mai 1995 que M. Philippe Kirsch, représentant du Canada,
adresse au Greffier de la Cour, dans laquelle il est dit que la proposition espagnole n'est pas

acceptable, il insiste sur le fait que:

"it is Canada's considered position that the Court manifestly does not have
jurisdiction in this case, for reasons indicated in the letter of 21 April 1995
from the Ambassador of Canada, and discussed more fully at the meeting of 27
April".

Cependant, pour se soustraire à la juridiction obligatoire de la Cour, il ne suffit pas d'affirmer
que celle-ci est manifestement incompétente. Il faut le démontrer et cela incombe à celui qui
l'allègue.

II. La preuve de l'étendue des exceptions ou des "réserves" à la juridiction de la Cour,
incombe à celui qui l'allègue

27. Le Royaume d'Espagne considère qu'il aurait été bon, pour obtenir un traitement plus
ordonné de cette phase, que l'exception canadienne à la juridiction de la Cour eût été formulée
plus explicitement, avant la présentation du Mémoire espagnol. Comme État demandeur,
l'Espagne, n'a pas l'obligation de démontrer la non-pertinence in casu d'une exception qui n'a

pas encore été formellement exprimée par l'État défendeur ni étayée par celui-ci. Comme État
déclarant, il doit s'en tenir à la validité et la vigueur de sa propre déclaration conformément à
l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour, et attirer l'attention sur l'existence d'une
déclaration du défendeur en se basant sur le même précepte qui, apparemment valable et en
vigueur, implique prima facie le consentement du demandeur et du défendeur de la juridiction
obligatoire de la Cour dans leurs relations réciproques.

28. L'engagement mutuel (mutuality) est un principe inhérent au système de juridiction
obligatoire selon ladite clause facultative au point d'en être inexcusable; par contre le principe
de réciprocité ne l'est pas dans la même mesure. L'absence d'engagement mutuel rend
impossible en termes absolus l'encadrement de la juridiction de la Cour dans le système prévu
à l'article 36, paragraphe 2, du Statut (74). Il n'en est pas ainsi avec la réciprocité, car tout
déclarant peut ne pas invoquer des exceptions à la juridiction fondées sur des allégations

d'absence de réciprocité ou sur d'autres raisons. Tel que la Cour l'a remarqué:

"... un État peut renoncer à une exception d'ordre juridictionnel qu'il aurait été
en droit de soulever"(75).L'engagement mutuel (mutuality) est un principe structurel; la réciprocité ne l'est pas. Il en est
ainsi parce que ce principe ou cette condition de réciprocité n'est qu'une manifestation du
principe d'égalité des parties, un principe satisfait lorsque les déclarants, dans l'exercice de
leur souveraineté, acceptent la juridiction de la Cour.

La conséquence, dans l'ordre procédural, de ce caractère particulier de la réciprocité est que
l'on peut exiger son allégation et sa preuve à l'État déclarant —défendeur ou objet d'une
demande reconventionnelle— qui prétend l'utiliser pour dérober à la Cour la saisine du
différend ou des différends soulevés par un autre État déclarant. Autrement dit, après avoir
établi un lien juridictionnel grâce aux déclarations d'acceptation conformément à l'article 36,
paragraphe 2, du Statut, le devoir de la Cour de fixer l'étendue du consentement des Parties est
satisfait —à moins que le défendeur décide de ne pas comparaître (76) dans le cadre du débat

contradictoire de celles-ci.

En l'espèce, c'est le Canada qui doit, non seulement alléguer mais prouver aussi que, étant
correctement interprétée, la réserve de sa déclaration apparemment invoquée (alinéa d) du
paragraphe 2), comprend le différend faisant l'objet de la requête espagnole. Il ne revient pas
au Royaume d'Espagne de remplacer le Canada dans cette tâche; et à la Cour non plus (77).
Quicunque exceptio invocat, ejusdem probare debet.

29. Au vu des observations qui précèdent, le Royaume d'Espagne. a l'intention de coopérer
pour que cette phase se réalise de la manière la plus ordonnée possible, en avançant devant la
Cour certaines des raisons pour lesquelles la réserve énoncée à l'alinéa d) du paragraphe 2 de
la déclaration canadienne ne convient pas aux fins prétendues par le Canada, à savoir, exclure
la juridiction obligatoire de la Cour sur l'objet de la requête présentée par le Royaume

d'Espagne (78). Tout cela indépendamment des droits de procédure accordés au demandeur,
après avoir pris connaissance de l'étendue et des fondements de l'exception ou des exceptions
présentées par le Canada.

Cependant, avant de passer à ce qui vient d'être dit, il est bon d'établir les principes régissant
l'interprétation des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, y
compris les réserves contenues dans celles-ci.

III. L'interprétation des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour et de ses "réserves"

30. Le Royaume d'Espagne considère établie par la pratique, reconnue par la jurisprudence de
la Cour et consacrée par le texte du Statut depuis 1945, la grande liberté dont disposent les
États Parties, dans l'exercice de leur souveraineté, pour formuler, limiter, modifier, substituer
et conclure leurs déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu du
paragraphe 2 de l'article 36 du corpus statutaire, toujours dans le cadre —il est clair— des
préceptes considérés impératifs parce que c'est ainsi exigé par la nature même de la fonction
judiciaire et par l'objet et la fin propres à un système de juridiction obligatoire qui ne doit pas

être trahi (79).

31. Ce que nous venons de dire a, dans le cas qui nous intéresse, deux conséquences:
premièrement, en ce qui concerne la nature de la fonction judiciaire, il est bon de rappeler qu'
"en cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide". C'eststipulé au paragraphe 6 de l'article 36 du Statut; il en serait ainsi même si cette disposition
n'existait pas, car l'appréciation de sa compétence est une prérogative consubstantielle à
l'exercice de la fonction judiciaire. Nous le rapportons ici pour souligner l'importance de sa
prérogative lors de l'interprétation des instruments unilatéraux sur lesquels est fondée la
juridiction au vu du système établi par le paragraphe 2 et suivants de l'article 36 du Statut (80)

32. Deuxièmement puisque la déclaration est un instrument unilatéral —indépendamment de
l'effet synallagmatique causé par le chevauchement ou l'interception d'autres déclarations (81)
et dans celle-ci, les réserves qui limitent, pour différentes raisons, la juridiction auparavant
acceptée, le sont aussi, il ne faut pas confondre automatiquement son interprétation et celle
des traités (82).

Or, cela ne signifie pas que les règles juridiques et de l'art de l'interprétation des déclarations
(et des réserves) ne coïncident pas avec celles qui régissent l'interprétation des traités (83) ou
qu'on ne puisse appliquer, le cas échéant, une extension analogique desdites règles (84) . La
jurisprudence de la Cour n'offre aucun doute à ce propos.

Cela est d'autant plus vrai si nous tenons compte du jeu de l'interprétation des réserves aux

traités, qui sont elles mêmes des actes unilatéraux d'exclusion ou de limitation des effets de
certaines dispositions conventionnelles multilatérales, en particulier si elles portent sur le
règlement judiciaire (85) ou si elles se réfèrent aux clauses compromissoires (86) et, tout
particulièrement, lorsque l'on adopte à travers elles le, système de la juridiction obligatoire de
la Cour (article 36, paragraphe 2, du Statut) en lui accordant un fondement conventionnel
autonome particulièrement solide (87).

33. En tout cas, nous devons éliminer d'emblée la tendance psychologique à considérer
correcte l'interprétation que son auteur prétend donner à ses propres actes, en argumentant à
posteriori. Le message qui consiste à dire "je le connais mieux que personne puisque c'est moi
qui l'ai mis au monde" se perçoit toujours, bien qu'il ne soit pas exprimé, chaque fois qu'un
État allègue une réserve contenue dans sa propre déclaration pour "exorciser" la juridiction de
la Cour, en particulier lorsque la réserve —comme dans le cas que nous traitons —n'est pas
typique, mais singulière, c'est-à-dire, qu'elle ne correspond pas à un modèle susceptible d'en

faire un usage général, mais à des considérations particulières faites par l'État déclarant.

Si l'on essayait d'imposer une interprétation d'une réserve en s'appuyant sur une autorité
d'auteur, qu'en serait-il lorsque le défendeur, conformément au principe de réciprocité,
essaierait de protéger son exception à la juridiction dans une réserve inclue dans la déclaration
du demandeur? Est-ce que ce serait l'interprétation faite par le demandeur de sa propre réserve
—et que l'autre partie alléguait contre elle— qui devrait prévaloir? Les conséquences

négatives de cette suggestion se multiplieraient du fait que, puisque la réciprocité est
purement rhétorique en l'espèce, le principe d'égalité des parties se verrait fatalement affecté.

34. Bien sûr, l'intention de son auteur doit être bien établie. Mais elle doit être faite en
fonction des règles de la plus saine herméneutique, ce qui implique que l'intention est
objectivée dans le texte (88). Ses termes doivent être interprétés de bonne foi, conformément

au sens courant attribué dans son propre contexte, à moins qu'un sens spécial y soit
particulièrement prévu, et en tenant compte de son objet et de sa fin (89). Rien n'oblige sur ce
point à distinguer l'interprétation des déclarations de celle des traités (90).Le caractère unilatéral de l'acte —que ce soit la déclaration, ou la réserve incorporée à la
déclaration— simplifie l'opération d'interprétation dans la mesure où il ne faut pas adapter le
consensus ad idem de deux sujets ou plus, propre à l'interprétation des traités; toutefois
l'opération interprétative ne peut en aucun cas être diluée dans des approches subjectives
intéressées.

Ainsi, l'allégation de l'exception d'incompétence n'est pas la preuve indiquant que l'intention
du défendeur était précisément, en formulant une réserve, celle d'empêcher la juridiction de la
Cour, si après avoir interprété cette réserve celle-ci ne permet pas de parvenir à cette
conclusion. En fait, la Cour s'est bien gardée d'endosser, ne serait-ce que légèrement,
l'interprétation faite de leurs propres réserves par des États déclarants défendeurs, désireux de
se dérober à une juridiction en principe acceptée (91), ainsi que par des États demandeurs,

inquiets de l'effet boomerang qui découle de la réciprocité de leurs propres réserves (92) .

35. Sur ce point, l'interprétation de la réserve doit être fidèle à la nature juridique de la
déclaration qui, si elle est d'une part un acte unilatéral, crée à la fois des droits et des
obligations pour les autres États déclarants.

Au moment de sa formulation, la réserve cristallise l'intention de son auteur, elle devient
objective et crée des expectatives au sein d'autres États parties au Statut et, tout
particulièrement, pour les États déclarants qui agissent en conséquence (93). Ceux-ci ne
doivent pas subir les conséquences d'une intention frustrée suite à la manifestation
malheureuse de ceux qui réclament le maximum après avoir exprimé, pour des raisons
parfaitement imaginables, le minimum. Les États déclarants doivent s'en tenir au texte de la
déclaration qu'ils ont rédigé librement; ils ne peuvent invoquer une intention erronée, et

encore moins une intention survenue, pour se soustraire aux conséquences d'un consentement
objectivement établi à la date du dépôt de la requête (94).

Il n'y a pas de règle d'interprétation plus fermement établie que celle qui indique que
l'intention de celui qui adhère à un instrument doit être déduite de l'instrument même et non
des manifestations faites ultérieurement par son auteur.

36. Le caractère unilatéral de la déclaration —et des réserves qui en sont une composante— et
les facilités accordées pour la modifier et la retirer, donnent une importance toute particulière
à certaines règles dont le rôle est plus restreint dans l'interprétation des traités.

Ainsi, il est intéressant de signaler l'importance des travaux préparatoires pour identifier et
déterminer l'intention de l'Etat déclarant lorsqu'il dépose sa déclaration (95) et, en particulier,
du jeu de la règle contra proferentem, car comme la Grande Bretagne l'a déjà signalé dans

l'affaire de l'Anglo-Iranian Oil Co.:

"The State which makes such a declaration has the drafting of the instrument in
its own hands; it can express itself as it likes without the need for compromise
or finding a formula to meet the views of others. Surely in these circumstances
other States are entitled to insist that the author of such a declaration should be

bound by the apparent meaning of the words he has used" (96).

La règle contra proferentem considère qu'en cas de doute ou d'ambiguïté, manifeste ou
latente, les textes doivent être interprétés contre celui qui les a proposés ou rédigés. D'origine
romaine, cette règle a été accueillie autant par les Droits étatiques, que ce soit la common lawou la civil law, que par le Droit International, où ses traces persistent dans la jurisprudence
judiciaire (97) et arbitrale (98). Et si l'application de cette règle est admise dans des
dispositions conventionnelles inclues à l'initiative de l'une des parties (99), elle devient, à plus
forte raison, pertinente dans le cas de textes unilatéraux.

La règle contra proferentem est l'une des conséquences nécessaires du principe de bonne foi,
dont l'importance est essentielle pour interpréter un acte unilatéral dont le contenu et la
vigueur sont largement à la merci de l'auteur. Tous les comportements étatiques susceptibles
d'être évalués conformément aux paramètres juridiques doivent être imbibés de la bonne foi
(100); mais dans notre cas il faut augmenter son effet diffuseur pour éviter la banalisation de
la juridiction obligatoire de la Cour.

37. L'autre aspect de la question, qu'il convient de souligner maintenant d'une manière
générale est l'inopportunité absolue de mettre en exergue, comme s'il s'agissait d'un postulat,
l'interprétation restrictive de tous les instruments qui limitent la souveraineté de l'Etat et, en
conséquence, l'exégèse qui consent la plus large étendue aux réserves qui nous occupent. On
ne peut absolument pas admettre une présomption ou une interprétation essentiellement
hostile à l'affirmation de la juridiction lorsque l'engagement mutuel (mutuality) a été établi
conformément au système de l'article 36, paragraphe 2 et suivants du Statut de la Cour. Les

affirmations —par ailleurs, plus que sexagénaires— de celle-ci dans le sens que "toute clause
prévoyant la juridiction de la Cour doit être interprétée strictement" (101) ne doit pas être
entendue d'une manière intéressée comme un aval de l'interprétation restrictive (102).

.

Odiosa sunt restringenda, dit le brocard latin; mais en aucun cas la Cour ne pourra traiter de
"odiosa" sa juridiction. Le juge Read l'a clairement exprimé dans son opinion dissidente dans
l'affaire de l'Anglo-Iranian Oil Co. lorsque, rejetant l'allégation iranienne qui défendait que
les déclarations d'acceptation de la juridiction de la Cour doivent être interprétées d'une
manière restrictive parce qu'elles limitent la souveraineté, il remarque:

"L'énoncé d'une déclaration est l'exercice de la souveraineté de l'Etat; il n'en

est, en aucun sens, une limitation. En conséquence, on doit l'interpréter de
manière à donner effet à l'intention de l'Etat telle qu'elle se dégage des termes
employés et non par une méthode restrictive, ayant pour objet de mettre à
néant l'intention de l'Etat qui a exercé ce pouvoir souverain ......

Après avoir écarté les obiter dicta de certaines décisions de la Cour permanente, le juge

canadien prévenait:

"je n'ai pu trouver aucune affaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces
juridictions ait appliqué une interprétation restrictive à une clause attributive de
compétence pour fonder sa décision... A vrai dire, les deux Cours ont... donné
des interprétations libérales aux clauses de juridiction, de manière à faire sortir
tous leurs effets aux intentions des parties intéressées" (103).

.

En réalité, les critères d'interprétation ne sont pas en eux-mêmes ni restrictifs ni expansifs; en
tout cas, cela ne peut être dit que des résultats de leur application, et chacun le jugera enfonction de la position qu'il occupe dans la cause, et du profit qu'il aurait pu en tirer. Quoiqu'il
en soit, s'il y a quelque chose à ajouter à ce propos c'est que, compte tenu de l'objet et la fin du
système instauré par l'article 36, paragraphe 2 et suivants du Statut, il faut présumer que les
États qui, dans le très libre exercice de leur souveraineté, déposent une déclaration en
acceptant la juridiction de la Cour, le font de bonne foi (104) , et en recherchant son efficacité

(105). Ils ne le font pas pour renforcer leur image aux dépens d'une juridiction qui, à travers
des réserves, se vide de tout contenu pour devenir purement nominale. Cela signifie que, pour
être opérationnelles, les exceptions à la juridiction doivent être prouvées d'une manière
incontestable par celui qui les allègue (106).

IV. L'interprétation des 'réserves' à la juridiction obligatoire de la Cour conformément
au Statut de la Cour

38. Le Royaume d'Espagne considère que le point polémique se centre sur l'interprétation de
la réserve, autant dans son texte que dans son contexte (107).

Ce n'est pas l'intention du Royaume d'Espagne de vouloir insinuer des limites à la faculté
souveraine du Canada pour soulever et multiplier ad infinitum les réserves à ses déclarations
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour dans la mesure où elles seraient
compatibles avec le Statut (108) Ce n'est pas, non plus, son intention d'affirmer
l'incompatibilité du Statut avec les réserves contenues dans la déclaration canadienne du 10
mai 1994, en vigueur lorsque la requête espagnole fut déposée; ni même celle énoncée à
l'alinéa d) du paragraphe 2 de la déclaration, par laquelle le Canada semble espérer qu'il

obtiendra de la Cour une reconnaissance d'absence de juridiction.

Et cela parce qu'indépendamment de l'opinion que mérite la politique canadienne en voulant
restreindre de plus en plus une juridiction que son gouvernement disait, en principe, avoir
acceptée, la réserve exprimée à l'alinéa d) du paragraphe 2 de sa déclaration est susceptible
d'avoir une interprétation —comme on le prouvera dans le prochain chapitre —qui ne met
absolument pas en cause le droit du Royaume d'Espagne de réclamer à la Cour l'exercice de sa

fonction judiciaire dans le différend faisant l'objet de sa requête du 28 mars 1995.

39. Bien que la Cour ait évité, jusqu'à présent, de se prononcer d'une manière concrète sur la
compatibilité ou l'incompatibilité, avec le Statut, de la teneur littérale de certaines réserves
(109), et sur laquelle certains juges se sont prononcés (110), en donnant lieu à un grand débat
doctrinal, la réserve à l'alinéa d) du paragraphe 2 de la déclaration canadienne ne pose pas de

problèmes de cette nature.

Il peut y avoir des réserves qui, du fait de leur rédaction, sont incompatibles avec le Statut,
mais celle du Canada ne l'est pas. Par contre, ce qui peut être incompatible avec le Statut, c'est
une certaine interprétation de celle-ci que le Canada prétendrait maintenant présenter comme
l'unique et authentique interprétation de sa réserve en vue de se dérober à la juridiction de la
Cour.

Il y a ou il peut y avoir non seulement des réserves anti-statutaires; mais il y a aussi des
interprétations anti-statutaires de certaines réserves.40. Est-ce que le Canada prétend soutenir que son intention, c'est-à-dire, son propos délibéré
en abrogeant la déclaration du 10 septembre 1985 et en la remplaçant par celle du 10 mai
1994 (qui ne se distingue de l'antérieure que par l'adjonction de la lettre d) au paragraphe 2), a
été justement de soustraire à la juridiction de la Cour les réclamations d'autres États qui
allaient être, en toute certitude, la conséquence d'une politique de violation systématique des

libertés fondamentales de la haute mer et des relations pacifiques entre les nations,
d'utilisation de la force et du manque de toute considération envers la vie humaine, l'intégrité
physique, la sécurité des personnes en mer, une politique qui prend corps dans les
amendements à la Loi sur la protection des pêches côtières (Coastal Fisheries Protection
Act), du 12 mai 1994, ainsi que dans la réforme concomitante du Code Criminel?

S'il en est ainsi, la nouvelle réserve serait alors une composante du dol canadien; ou, en

d'autres termes, la dimension procédurale de l'attitude dolosive du Canada, mise au service
d'un plan unilatéral d'élargissement des espaces marins qui est conçu et exécuté avec le plus
scandaleux et surprenant mépris des normes qui régissent la vie internationale à travers un fait
illicite continu (111)

41. Si le Canada agit ainsi et démontre que cette intention a été préalable et traduite dans la
réserve de la lettre d) du paragraphe 2 de la déclaration du 10 mai 1994 telle qu'elle a été

rédigée, déposée et notifiée aux autres Parties du Statut, la Cour devra se prononcer sur la
compatibilité d'une telle interprétation avec le Statut et, si elle la considère inacceptable
parce qu'incompatible avec le principe de la bonne foi et la nature même de la fonction
judiciaire, elle devra en tirer les conséquences logiques en ce qui concerne sa juridiction.

Selon l'avis du Royaume d'Espagne, la première desdites conséquences sera l'affirmation de

cette juridiction. Une réserve anti-statutaire peut soulever la question de la survie, malgré la
réserve, de la déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour, dont elle fait partie (112);
l'interprétation anti-statutaire d'une réserve ne pose pas, par contre, ce problème, dans la
mesure bien sûr où l'on peut faire une interprétation saine. Par contre, une réserve peut être
valable en raison précisément de son lien avec une certaine interprétation ou avec l'exclusion
d'une autre.

42. En formulant la réserve contenue dans la lettre d) du paragraphe 2 de sa déclaration, le
Canada n'a point lié son texte à une interprétation déterminée. Sans aucun doute, il ne
prétendait pas que sa réserve implique accepter la juridiction de la Cour à l'exception des
actes imputables au Canada et contraires au Droit International.

A moins de prouver le contraire dans les termes signalés aux paragraphes antérieurs, les
déclarations doivent être comprises comme animées du principe de la bonne foi, d'où

l'on peut déduire la présomption qu'en formulant des réserves, les déclarants prétendent
saper les bases de la juridiction qu'ils disent accepter sous la forme la plus limitée
permise par leur interprétation conformément aux règles générales qui inspirent
l'opération exégétique.

Le juge doit protéger, toujours dans le respect de ces règles, les interprétations les plus

conformes au respect du Droit International et à la bonne administration de la justice. Dans
l'affaire du droit de passage sur territoire indien (exceptions préliminaires), la Cour a
déclaré: "C'est une règle d'interprétation qu'un texte émanant d'un Gouvernement doit,
en principe, être interprété comme produisant et étant destiné à produire des
effets conformes et non pas contraires au droit existant". (113)

Il ne s'agit naturellement pas d'en faire une interprétation hors des limites établies par la

teneur même de la réserve. En nous tenant à ces limites, la conformité d'une interprétation
déterminée avec le Droit International et avec l'affirmation de la juridiction qui exerce —tout
en étant la raison d'être de la déclaration— une action d'irradiation, doit inspirer la tâche
exégétique.

43. Dans l'affaire qui nous intéresse, par surcroît, l'objet de la requête introduite par l'Espagne
concerne la classification et l'interprétation des actes qu'on ne peut inclure dans les

expressions "mesures de gestion et de conservation" des pêcheries ou "l'exécution de telles
mesures", utilisées dans la réserve de la lettre d) du paragraphe 2 de la déclaration canadienne.
Puisqu'il s'agit d'expressions ayant une signification courante et usuelle dans le droit de la
mer, en particulier dans le droit des pêcheries, ces actes ne peuvent être inclus, en aucune
manière, dans ce que l'on peut appeler sa sphère nucléaire, pas même sa sphère marginale,
même si elle est conçue dans un sens très large.

Le Canada pourrait invoquer des droits d'auteur sur de nouvelles significations qu'il veut
donner auxdites expressions.... mais à condition, bien sûr, d'agir comme auteur. Après avoir
dévasté les normes, les règles et les conventions du langage, le Canada pourrait réclamer,
comme principe suprême, celui du Humpty Dumpty: "when I use a word in a rather scornful
tone it means just what I choose it to mean, neither more nor less" (114). Celui qui fixe la
signification du vocabulaire, c'est-à-dire celui qui commande, détermine la signification des

mots. Cependant, le Canada n'a pas exercé au moment voulu l'autorité linguistique suprême
du souverain (115) et sa prérogative s'est effacée, comme le songe de Cendrillon, juste lors du
dépôt de la déclaration auprès du Secrétaire général des Nations Unies. Dès ce moment les
mots se sont momifiés et la Cour est seule maître de leur interprétation, qui est soumise aux
règles légales et de l'art limitant le domaine du discrétionnaire.

Et c'est la Cour qui, dans l'exercice de sa responsabilité en vertu de l'article 36, par. 6 de son

Statut, doit donner l'interprétation objective et finale à la portée des mots employés dans la
déclaration canadienne.

Le paragraphe 2 de l'article 36 du Statut emploie, tout comme les déclarations qui s'y
rapportent, les termes "juridiction" et "obligatoire" et la structure de ce texte suffit à montrer
—a remarqué la Cour dans l'affaire Nottebohm (exception préliminaire)— "que, de ces deux
termes, le second est le plus important" (116).

__________

CHAPITRE IV INTERPRÉTATION DE LA RÉSERVE CONTENUE DANS LA

LETTRE D) DU PARAGRAPHE 2 DE LA DÉCLARATION DU

CANADA

I. La déclaration de clause facultative

A. LA RÉSERVE

44. Le 10 mai 1994, l'Ambassadeur et Représentant Permanent du Canada auprès des Nations
Unies a communiqué au Secrétaire général qu'il abrogeait l'acceptation par le Canada de la
compétence obligatoire de la Cour Internationale de Justice jusque là effective, et déposait
une nouvelle déclaration.

La compétence de la Cour était donc acceptée:

" ... jusqu'à ce qu'il soit donné notification de l'abrogation de cette acceptation,
la juridiction de la Cour en ce qui concerne tous les différends qui s'élèveraient
après la date de la présente déclaration, au sujet de situations ou de faits
postérieurs à ladite déclaration, autres que:

"(d) les différends auxquels pourraient donner lieu les mesures de gestion et de

conservation adoptées par le Canada pour les bateaux pêchant dans la zone de
réglementation de l'OPANO, telle que définie dans la convention sur la future
coopération dans les pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, 1978, et l'exécution de
telles mesures".

45. Cela était l'une des quatre réserves ratione materiae qui furent inclues dans la nouvelle

déclaration canadienne d'acceptation de la compétence de la Cour, les trois autres concernant
les moyens alternatifs de règlement, les différends avec d'autres pays de la Commonwealth, et
les différends relevant exclusivement de la juridiction du Canada.

46. La réserve en question est celle qui se trouve au paragraphe (2) (d) citée ci-dessus (117) .
Elle a été notifiée au Secrétaire général des Nations Unies (118) le 10 mai 1994, le jour même
ou le projet de loi C-29, "une loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières", a été

soumis à la Chambre des communes (119). Ce projet de Loi a fait l'objet d'une seconde et
d'une troisième lecture pendant les deux jours suivants (120), et le Sénat l'a examinée le 12
(121).

B. L'ORDONNANCE DE LA COUR

47. La seule communication écrite de la position du Canada concernant la compétence de la
Cour pour résoudre cette affaire est la lettre du 21 avril 1995 adressée au Greffier par
l'Ambassadeur canadien à La Haye, M. Bell. Cette communication disait simplement que: "la Cour n'a manifestement pas la compétence nécessaire pour se prononcer sur
la requête introduite par l'Espagne ... en raison de l'alinéa d) du paragraphe 2
de la déclaration du 10 mai 1994 par laquelle le Canada a accepté la
compétence obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36, paragraphe 2 de son
Statut"(122).

48. Comme l'a ordonné la Cour le 2 mai 1995, l'instance en cours actuellement est un peu
semblable à celle récemment suivie dans l'affaire entre Qatar et Bahreïn (123) . Néanmoins, il
n'y était pas difficile pour Qatar d'élaborer un Mémoire pour montrer pourquoi, du point de
vue de Qatar, les documents et communications pertinentes constituaient un engagement
juridictionnel réel, étant donné que c'était le requérant qui avait fait valoir que la compétence
de la Cour pourrait être trouvée dans plusieurs documents et communications entre les Parties;

il n'y avait pas d'autres fondements sur lesquels la compétence de la Cour aurait pu être basée
et il était donc logique que ce soit Qatar qui ait dû élaborer sa position le premier (124).

49. Dans la présente affaire, par contre, la compétence de la Cour est fondée sur l'acceptation
par le Canada de la compétence de la Cour, le 10 mai 1994, et c'est le Canada qui se base sur
une réserve pour éviter cette compétence. L'Espagne a donc été obligée de présenter la
position du Canada à sa place, étant donné que le point à éclaircir est la réserve du Canada et

non une réserve de l'Espagne. Si l'Espagne dans ce Mémoire essayait d'attribuer plusieurs
arguments au Canada, elle courrait donc le risque que ces arguments se révèlent incomplets
ou erronés. Le Canada pourrait toujours répondre que ses arguments au sujet de l'absence de
compétence sont autres ou qu'ils seraient plus correctement formulés d'une façon différente.
L'Espagne aurait donc traité des questions non pertinentes — questions qu'il incombait au
Canada et non à l'Espagne de formuler.

50. Comme il a été dit pendant l'entretien des représentants des Parties avec le Président, le 27
avril 1995, l'Espagne n'a pas d'objection à présenter ce Mémoire la première.

Mais comme il a été esquissé dans la lettre du Greffier datée du 9 juin 1995, si le Canada dans
son Contre-Mémoire objecte que son cas concernant la compétence a été incorrectement
reflété ou mal présenté par l'Espagne dans ce Mémoire, l'Espagne se réserve naturellement le

droit de demander des allégations écrites additionnelles pour traiter cette situation. Pour le
moment, ce que l'Espagne peut faire de mieux est de présenter les seuls arguments
raisonnables qu'elle prévoit que le Canada peut présenter de bonne foi concernant la réserve et
démontrer à la Cour comment, dans les antécédents des faits, ces arguments dépassent, ou
n'englobent pas, la situation présentée.

II. Arguments concernant l'interprétation de la réserve

51. Les arguments qui, logiquement, pourront être présentés par la Canada sont au nombre de
quatre: (a) la "signification courante" de la réserve, (b) "l'intention spécifique" du Canada, (c)
la doctrine de "l'effet utile", et (d) l' "absence'' de différend réel et actuel. Ces arguments

peuvent être résumés comme suit:

A. "SIGNIFICATION COURANTE" L'argument canadien pourrait être le suivant:

52. La réserve englobe tous les aspects des différends qui peuvent surgir concernant toutes
actions adoptées par le Canada à l'égard des bateaux pêchant dans la zone de réglementation
de l'OPAN. Tout ce qui est considéré par le Canada comme étant mesure de gestion et de

conservation est donc exclu de la compétence de la Cour.

La réponse espagnole pourrait être la suivante:

53. Le sens normal des termes de la réserve, dans ce contexte et à la lumière de son objet et

but, est qu'elle comprend uniquement "les mesures de gestion et de conservation" en tant que
telles, et leur "exécution" en tant que telle. Elle ne comprend pas les actions adoptées par le
Canada qui ne peuvent pas être véritablement considérées comme "des mesures de gestion et
de conservation" ni comme des actions qui dépassent ce que le droit général international
accepterait aujourd'hui comme étant des mesures "d'exécution" adéquates.

B. "INTENTION"

L'argument canadien pourrait être le suivant:

54. En adoptant la réserve, le Gouvernement canadien a spécifiquement essayé d'interdire tout

accès à la Cour concernant tout ce qui pourrait avoir trait à la gestion et la conservation de la
pêche dans la zone de réglementation de l'OPAN. La Cour devrait donner une importance
substantielle à cette intention.

La réponse de l'Espagne pourrait être la suivante:

55. L'intention du Gouvernement canadien en adoptant la réserve était d'empêcher l'accès à la
Cour par rapport aux buts spécifiques du projet de loi pour modifier la Loi sur la protection
des pêches côtières adoptée le 12 mai 1994. Le problème est que les actes du Gouvernement
canadien en mars 1995 ont été tout à fait en contradiction avec ses buts déclarés en 1994, et ne
sont pas actuellement compris dans la réserve. A moins que l'on ne mette des limites

objectives et raisonnables à l'interprétation des réserves à une déclaration, cela risque de
devenir l'équivalent d'une réserve "automatique" ou subjective.

C. "EFFICACITE"

L'argument canadien pourrait être le suivant:

56. Lors de l'interprétation d'un instrument juridique comme la déclaration, la Cour devrait
tenir compte de "la doctrine de l'effet utile". Ainsi, toute ambiguïté dans l'interprétation del'instrument devrait être résolue en faveur de l'Etat déclarant et l'effet utile de l'instrument doit
être respecté dans son ensemble.

La réponse espagnole pourrait être la suivante:

57. Bien que le Canada pourrait avoir adopté une réserve qui aurait compris clairement et sans
ambiguïté les actions canadiennes prises à l'encontre de "l'Estai", ainsi que tout différend
concernant l'obligation du Canada de ne pas promulguer et maintenir des lois et règlements
qui constituent un exercice illégal de souveraineté en haute mer, il ne l'a pas fait. "La doctrine
de l'effet utile" doit être mise en oeuvre en tenant compte raisonnablement de la signification

et du contexte de l'instrument auquel elle s'applique; et elle ne doit pas être traitée comme si
elle n'était soumise à aucune autre interprétation que celle du jugement subjectif de l'Etat
déclarant. Il est tout à fait possible de donner un effet utile à la réserve telle qu'elle a été
rédigée, mais cette interprétation ne sera pas du tout applicable à ce qui est arrivé avec
"l'Estai" ou le différend concernant les prétentions canadiennes de souveraineté en haute mer.

D. "NON-DIFFEREND

L'argument canadien pourrait être le suivant:

58. L'affirmation par l'Espagne que le Canada a violé son obligation de ne pas exercer sa

souveraineté en haute mer n'est pas un "différend" sur lequel la Cour peut exercer une
compétence conformément à l'Article 36, paragraphe 2 du Statut ou, s'il s'agit d'un
"différend", il est compris dans la réserve.

La réponse espagnole pourrait être la suivante:

59. L'affirmation de l'Espagne, selon laquelle le Canada a violé son obligation de ne pas
prétendre promulguer des lois et des règlements qui constituent un exercice illégal de
souveraineté en haute mer, est un différend bien réel sur lequel la Cour peut exercer sa
compétence conformément à l'Article 36, paragraphe 2 du Statut. Elle n'est certainement pas
annulée par la réserve. Elle n'est pas non plus affectée ni par le règlement avec l'OPAN ni par

l'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs.

60. Nous allons traiter ces quatre points dans l'ordre.

III. Interprétation de la réserve en général

61. Les principes généraux d'interprétation qui devraient être suivis ici ont été discutés et
présentés au Chapitre 111 de ce Mémoire. Ces principes doivent maintenant être appliqués
aux faits concrets de cette affaire. Il faut arriver à une interprétation de la quatrième réserve
canadienne de telle sorte que l'on donne à la réserve une signification conforme au droitinternational et que les intentions du Canada au moment où la réserve a été adoptée prennent
effet.

62. Simultanément, l'interprétation correcte devra être cohérente et non une lecture de la
réserve qui serait inconsistante avec son intention d'être concrète. Comme dit ci-dessus,

l'approche devrait être de bon sens généralisé. Cette méthode peut être exprimée comme suit:

Premièrement: établir la "signification courante ou grammaticale des mots"
employés dans la réserve;

Deuxièmement: réviser l'intention de l'État déclarant au moment de l'adoption
de sa réserve;

Troisièmement: marier la signification courante avec l'intention présumée de
l'État déclarant; et

Quatrièmement: ne pas donner à la réserve de signification en désaccord avec
l'intention présumée du déclarant.

63. Il y a également une cinquième étape dans cette méthode, qui est le corollaire
indispensable de la quatrième. C'est la suivante:

Cinquièmement: s'assurer que l'on n'a pas donné à la réserve un sens qui, tout
en étant en accord avec l'intention présumée du déclarant, est en désaccord
avec la signification courante des mots.

64. En conclusion, la règle la plus adéquate doit être en fait une adaptation générale de la
règle énoncée dans l'affaire Société pétrolière anglo-iranienne, c'est-à-dire, la recherche de
"l'interprétation qui est en harmonie avec la manière naturelle et raisonnable de lire le texte,
eu égard à l'intention du Gouvernement de l'Iran à l'époque où celui-ci a accepté la
compétence obligatoire de la Cour" (125). Une "interprétation purement grammaticale du

texte" devrait être évitée, en faveur d'une interprétation en harmonie avec la façon naturelle et
raisonnable de lire le texte —eu égard à l'intention du Gouvernement du Canada à l'époque où
il a accepté la compétence obligatoire de la Cour— ou, dans ce cas, quand il a renouvelé sa
déclaration de clause facultative parachevée par une nouvelle réserve. Simultanément, les
intentions du Gouvernement du Canada peuvent uniquement prendre effet dans la mesure où
elles ont été clairement exprimées dans les termes véritablement employés dans la réserve, ou
si elles ne sont pas clairement en désaccord avec ces mots.

IV. Les arguments spécifiques concernant l'interprétation de la réserve

65. L'Espagne va maintenant exposer ce qu'elle considère être les arguments logiques qui
pourraient être présentés par le Canada quant à l'interprétation de la réserve (d) et répondra

ensuite, comme il convient, à chacun de ces arguments en expliquant ce qu'elle considère être
l'interprétation appropriée des clauses en question (126). Il sera nécessaire de placer chacun
des arguments dans son contexte et de voir quand et comment une partie spécifique de la
réserve peut être appliquée à une prétention quelconque de l'Espagne.A. "SIGNIFICATION COURANTE"

1. "différends auxquels pourraient donner lieu..."

66. La discussion concernant l'interprétation du texte de sa réserve doit commencer par le
début. La première phrase de la réserve définit les différends à exclure. Il s'agit des:
"différends auxquels pourraient donner lieu les mesures de gestion et de conservation
adoptées par le Canada pour les bateaux pêchant dans la zone de réglementation de l'OPAN ...
et l'exécution de telles mesures".

67. Le différend auquel ce langage pourrait être appliqué devrait être un différend créé par ou
qui a donné lieu à l'adoption de telles mesures ou leur exécution. La version anglaise de la
réserve semble plus large: quelque chose qui "arises out of our concerns" des mesures de
gestion et de conservation peut ne pas nécessairement être produit par elles. Les mesures de
gestion et de conservation peuvent ne pas "donner lieu" au différend en question et
néanmoins, dans la version anglaise de la réserve, le différend pourrait bien "concern" ces

mesures.

68. La réserve canadienne a été présentée au Secrétaire Général en français et en anglais. Il
convient donc de prendre l'interprétation la plus large suggérée ci-dessus. Le type de différend
qui est exclu du cadre de la déclaration facultative du Canada est donc tout différend pouvant
surgir concernant les mesures de gestion et de conservation prises par le Canada, et pas
seulement un différend qui est directement "créé" par ces mesures. Le Canada dirait que la

phrase "différends auxquels pourraient donner lieu" reprend tous les différends concernant
n'importe quelle partie du programme canadien de conservation des pêcheries, et donc
concernerait n'importe quel aspect de l'amendement du 12 mai 1994 de la Loi sur la protection
des pêches côtières et les règlements de mise en pratique promulgués le 3 mars 1995, ainsi
que toute action spécifique adoptée par les autorités canadiennes concernant tout navire dans
la zone de réglementation de l'OPAN. La réserve canadienne englobe donc tous les aspects de
la requête espagnole résumées dans ses allégations A) à C).

69. Cependant, cela ne peut pas être correct. La réserve canadienne est très spécifiquement
adaptée à un seul genre de différend: "les différends auxquels pourraient donner lieu les
mesures de gestion et de conservation" et non, par exemple, "les différends concernant tous
les aspects de la législation canadienne dans la matière de conservation des ressources
vivantes de la mer", ou des mots à cet effet. Il s'agit seulement de différends concernant "les
mesures de gestion et de conservation" qui sont très clairement et spécifiquement exclues de

la compétence de la Cour par la réserve (d) et rien d'autre. La réserve canadienne est limitée
par ses propres termes. Elle n'est pas limitée à des différends relatifs à la gestion et
conservation des pêcheries en général, ni à certains différends relatifs à la protection de
l'environnement en général, ni non plus au "développement soutenable" en général. Elle
s'applique seulement aux différends surgissant de ce qu'on appelle "les mesures de gestion et
de conservation", et à aucune autre espèces de différends.

2. " ... mesures de gestion et de conservation..."

70. Le terme "mesure" est un mot abstrait qui signifie un acte ou une disposition, une
démarche ou le cours d'une action, conçue dans un but précis. C'est un "means to an end" ou"an act, step or proceeding designed for the accomplishment of an object'' (127). Une "mesure
de gestion et de conservation" des pêcheries doit donc être "an act, step or proceeding
designed for the accomplishment of' la "gestion et la conservation du poisson."

71. La Convention de Genève de 1958 sur la Pêche et la Conservation des Ressources

Vivantes en Haute Mer (128), que l'Espagne a ratifiée le 25 février 1971 (mais dont le Canada
n'est pas partie) emploie les termes "mesure" ou "mesures" précisément dans cette acception
et dans ce contexte, à de nombreux endroits (129). Une simple lecture des dispositions de la
Convention de 1958 traitant des mesures de conservation ne laisse aucun doute sur le fait que
ces mesures sont des interdictions de capturer certains types de poissons, à certains endroits et
à des moments déterminés.

72. Donc, conformément à l'Article 7, paragraphe 1 de la Convention de Genève de 1958,
"tout État côtier peut, dans le but de maintenir la productivité des ressources vivantes de la
mer, adopter des mesures unilatérales de conservation adéquates concernant tout stock de
poissons ou d'autres ressources de la mer dans toute zone de haute mer adjacente à ses eaux
territoriales", ceci à condition qu'il y ait "besoin d'une application urgente de mesures de
conservation" et que "les mesures adoptées soient basées sur des découvertes scientifiques
précises" et que "ces mesures ne discriminent pas dans la forme ou dans les actes les pêcheurs

étrangers". Le bon sens conseillerait que les types principaux de "mesures de conservation"
concernées soient des interdictions ou des restrictions dans les captures ou dans certaines
méthodes ou engins de pêche.

73. Cette interprétation est corroborée par le texte de la Convention des Nations Unies de
1982 sur le Droit de la Mer (130), dans le contexte du Chapitre V qui concerne la zone

économique exclusive, dans lequel "mesures" de gestion et de conservation sont constamment
citées (131). L'Article 62, paragraphe 4 expose les lois et règlements des États côtiers
constituant "des mesures de conservation" et "autres modalités et conditions fixées par les lois
et règlements de l'Etat côtier" qui doivent être respectés par les ressortissants d'autres États
pêchant dans les zones économiques exclusives des États côtiers. Dans le contexte spécifique
des règlements dans la zone économique exclusive (mais non en haute mer), les lois et
règlements de l'État côtier "peuvent porter notamment sur les questions suivantes", après quoi

il y a une liste de onze catégories de mesures (132). On peut constater que ces dispositions
vont au delà des "mesures de gestion et de conservation" mais comprennent toutes les
mesures possibles (133).

74. La meilleure preuve serait peut-être de voir ce que le Canada lui-même considérait être
des mesures de gestion et de conservation à l'époque. Le Tableau V (joint à l'amendement du
3 mars 1995 sur les Réglementations de protection des pêches côtières) établit sept mesures

de gestion et de conservation prescrites 134 . Elles sont, très spécifiquement et précisément,
libellées comme suit:

« 1. Interdiction de pêcher ou de prendre et de garder du flétan du Groenland
dans la division 3L, la division 3M, la division 3N et la division 30 pendant la
période commençant le 3 mars et se terminant le 31 décembre de chaque

année".

"2. Interdictions de pêcher ou de prendre et de garder: a) de la plie d'Amérique dans la division 3L, la division 3N et la
division 30;

b) de la morue franche dans la division 3L, la division 3N et la
division 30;

c) du capelan dans la division 3N et la division 30;

d) de la crevette nordique dans la division 3L, la division 3N et
la division 30;

e) de la plie grise dans la division 3N et la division 30;

f) de la liande à queue jaune dans la division 3L, la division 3N
et la division 30".

"3. Interdiction, lors de la pêche de tout stock chevauchant figurant à la partie
A du Tableau 1 ou au tableau 11, d'avoir à bord du bateau de pêche ou de

pêcher avec un chalut dont le maillage, en quelque partie que se soit, est
inférieur:

a) à 120 mm, dans le cas d'un chalut en Caprolan, Dederon ou
Kapron;

b) à 130 mm, dans les autres cas".

"4. Interdiction de pêcher avec un chalut dont l'une de ses mailles est obstruée
autrement que des façons permises aux termes de l'article 31 du Règlement de
pêche (dispositions générales)".

"5. Interdiction, dans la division 3L, la division 3N et la division 30, d'avoir à

bord du bateau de pêche étranger:

a) la morue franche d'une longueur à la fourche de moins de 41
cm;

b) la plie d'Amérique ou la limande à queue jaune d'une
longueur totale de moins de 25 cm".

"6. Obligation de tenir un registre quotidien indiquant de façon précise ce qui
suit, et de le produire sur demande d'un garde-pêche:

a) toutes les prises, par espèce et par zone de capture;

b) toute la production, par espèce et par produit".

"7. Interdiction d'enlever les engins de pêche de l'eau pendant les 30 minutes
après que le signal SQ 3 a été donné au bateau de pêche étranger par un bateau
de l'État".75. Cette liste des interdictions est la meilleure des preuves de ce que le Canada "pensait"
devoir être considérées comme "mesures de gestion et de conservation" au moment de sa
réserve. Il est hors de doute que l'interdiction concernant la pêche, par exemple, du flétan du
Groenland est une "mesure" qui est une "mesure de gestion et de conservation". Il n'y a pas de
doute non plus que l'interdiction "d'avoir à bord du bateau de pêche ou de pêcher avec un

chalut dont le maillage, en quelque partie que se soit, est inférieur: ... a) à 120 mm, dans le cas
d'un chalut en Caprolan, Dederon ou Kapron; ... [et] b) à 130 mm, dans les autres cas" est de
prime abord une "mesure de gestion et de conservation" dans le cadre et dans le contexte de la
Convention de pêche de Genève de 1958 ou de la Convention sur le Droit de la Mer de 1982.

76. Cependant, il est évident que des "mesures de gestion et de conservation" ne peuvent être
considérées comme telles que quand il s'agit de mesures adoptées dans des zones où l'État

côtier peut réellement assumer la gestion et la conservation. "Les mesures" qui sont conçues
pour être appliquées autre part, comme par exemple en haute mer, ne sont pas des "mesures
de gestion et de conservation" en tant que telles. Il s'agit de mesures adoptées dans ce but,
peut-être; mais il ne s'agit pas véritablement de "mesures de gestion et de conservation", tout
comme la tentative de l'État A d'obtenir des redevances de ressortissants de l'État B sur le
territoire de l'État B, en relation avec des transactions entièrement dans l'État B, peut en fait
être qualifiée "d'impôts" de la part de l'État A. Si nous poursuivons cet argument, aucune des

actions adoptées par le Canada à l'encontre de l'Estai n'était en fait "des mesures de gestion et
de conservation", étant donné qu'il s'agit de démarches faites dans une zone, dans un endroit,
ou dans un contexte légal, où elles perdent cette qualité essentielle, et où elles se convertissent
en fait en simples exercices de juridiction non justifiée en haute mer.

77. Néanmoins, dans cette analyse, le langage de la réserve canadienne semble tourner en

rond. Le fait que ces mesures soient définies (dans la réserve elle-même) par rapport à leur
localisation en haute mer —dans la zone de réglementation de l'OPAN (135) — semble être
en contradiction dans les termes, une incohérence maritime, si ce n'était en raison de
l'existence du cadre consensuel de l'OPAN —un arrangement dans le cadre duquel,
moyennant le consentement mutuel et commun de l'État pêcheur, "les mesures de gestion et
de conservation" peuvent être véritablement adoptées par le Canada (ou par l'OPAN) dans des
zones de haute mer sous juridiction non nationale—. En outre, comme nous le verrons, à

l'époque où la législation canadienne de 1994 était amplement débattue au Parlement —
précisément au moment même où la déclaration de clause facultative canadienne était en train
d'être amendée pour inclure la réserve (d)le seul contexte dans lequel "les mesures de gestion
et de conservation" étaient envisagées comme pouvant être prises par le Canada dans la zone
de réglementation de l'OPAN étaient soit (i) en accord avec le cadre de l'OPAN, soit (ii)
contre des bateaux apatrides (136).

78. Pour savoir si certaines démarches sont "des mesures de gestion et de conservation", donc,
il faut au moins trois conditions requises:

(i) la mise en oeuvre de ces mesures doit avoir lieu dans des eaux autrement
assujetties à la juridiction canadienne, telle que dans sa zone économique
exclusive; ou

(ii) la mise en oeuvre doit avoir pris place dans un cadre existant comme
l'OPAN et conformément aux règles de son fonctionnement, ou sinon,

(iii) ces mesures doivent avoir été prises contre des bateaux apatrides.79. Étant donné qu'il est clair que dans le cas présent ni le (i), ni le (ii), ni le (iii) sont
applicables, les mesures adoptées par le Canada concernant "l'Estai", même si autrement elles
auraient été des "mesures de gestion et de conservation" si elles avaient été prises dans les 200
milles nautiques des côtes canadiennes —ou si elles avait été prises conformément au cadre
de l'OPAN en haute mer, ou concernant un navire apatride— ne peuvent être considérées

comme de telles "mesures". Par conséquent, la réserve canadienne ne peut pas récuser la
compétence de la Cour pour examiner de prétendus exercices de la juridiction canadienne en
haute mer réalisés sans aucun cadre protecteur de consentement contre des bateaux battant un
pavillon valable.

80. Cette analyse est confirmée par le projet d´ "Accord sur des stocks chevauchants et de
poissons grands migrateurs" proposé par le Président de la Conférence des Nations Unies sur

les stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au delà de zones
économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs
(137) et approuvé le 3 août 1995. Le projet d'Accord est truffé de références à "la gestion et la
conservation" (138) et aux "mesures de gestion et de conservation (139) mais la définition
clef est donnée à l'Article 1, par. b) dont la teneur est la suivante:

"On entend par 'mesures de conservation et de gestion' les mesures visant à

conserver et gérer une ou plusieurs espèces de ressources biologiques marines
qui sont adoptées ou appliquées de manière compatible avec les règles
pertinentes du droit international telles qu'elles ressortent de la Convention de
1982 et du présent Accord"

81. Il est donc extrêmement important pour cette affaire de souligner que le Canada a lui-

même accepté (en votant en faveur de la Convention sur des stocks chevauchants et de
poissons grands migrateurs) que la définition des "mesures de gestion et de conservation"
devait être basée sur l'Art. 1 b). Le Canada a accepté que ces mesures doivent être "appliquées
de manière compatible avec les règles pertinentes du droit international telles qu'elles
ressortent de la Convention et du présent Accord", c'est-à-dire, que toute démarche, toute
entreprise, toute action ou tout acte qui n'est pas "compatible avec les règles pertinentes du
droit international" ne seraient pas considérés comme "mesures de gestion et de conservation"

aux fins de l'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs.

82. Il est donc pratiquement impossible de comprendre comment des démarches, entreprises,
actions ou actes incompatibles peuvent être qualifiés de bonne foi comme étant "des mesures
de gestion et de conservation" aux fins de quelque chose d'autre, y compris spécialement aux
fins d'interpréter la réserve canadienne présentée un an seulement avant la Convention sur des
stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs.

3. « adoptées par le Canada pour les bateaux pêchant dans la zone de
réglementation de l´ OPANO ... »

83. La phrase suivante, « ... adoptées par le Canada pour les bateaux pêchant dans la zone de
réglementation de l'OPANO..." a, au fond, la même signification en anglais et en français.

Étant donné que le langage de la réserve spécifie effectivement que les mesures canadiennes
applicables doivent avoir lieu en haute mer, les mesures que le Canada pourrait qualifier
comme étant dans le cadre de sa réserve seraient: soit des mesures adoptées dans le cadre de
l'OPAN mais concernant lesquelles il pourrait y avoir certains désaccords, soit des mesuresgénérales adoptées contre des bateaux apatrides — des navire "pirates" pêchant dans le Nez et
la Queue des Grands bancs.

84. La phraséologie est cependant tout à fait en accord avec l'intention du Canada, à l'époque
de l'adoption des amendements de la Loi sur la protection des pêches côtières et de la réserve,

de viser les bateaux "apatrides" et "pirates" Il pêchant dans la zone de réglementation de
l'OPANO" en tant que telle. Il s'agit d'une action spécifique visant ces bateaux, plutôt que
l'idée plus générale de "mesures ... adoptées par le Canada dans la zone de réglementation de
l'OPANO", qui est suggérée par ce texte et effectivement confirmée par les débats
parlementaires de l'époque.

4. " ... et l'exécution de telles mesures"

85. Que pourrait-on dire alors concernant "l'exécution de telles mesures"? "Des mesures
d'exécution" par un État côtier sont mentionnées, mais non spécifiées, dans le sous-paragraphe
(k) de l'Article 52, par.4 de la Convention de 1982 sur le Droit de la Mer (dans le contexte de
l'utilisation des ressources vivantes dans la zone économique exclusive d'un État côtier).
L'article 73, par.1 de la Convention est plus explicite:

"Dans l'exercice de ses droits souverains d'exploration, d'exploitation, de
conservation et de gestion des ressources biologiques de la zone économique
exclusive, l'État côtier peut prendre toutes mesure, y compris l'arraisonnement,
l'inspection, la saisie et l'introduction d'une instance judiciaire, qui sont
nécessaires pour assurer le respect des lois et règlements qu'il a adoptés
conformément à la Convention".

86. Voici donc les "mesures d'exécution" qui peuvent être prises par un État côtier concernant
sa zone économique exclusive, afin de garantir le respect de ses lois et réglementations.
Cependant, quelles sont les dispositions pouvant être prises en dehors de la zone économique
exclusive qui peuvent être décrites légitimement comme des "mesures d'exécution"?

87. Les débats du Sénat canadien du 12 mai 1994 indiquent très clairement quelle sorte

"d'exécution" était visée à l'époque. A titre d'exemple, le sénateur Lynch-Staunton a posé la
question suivante au ministre des Pêches, M. Tobin:

" ... Lorsqu'un bateau d'un pays membre de l'OPANO part en mer, y a-t-il
quelqu'un à bord, comme un inspecteur, pour voir si l'on utilise le bon
équipement, si les filets sont de la taille prescrite et si la taille des prises est ce

qu'elle devrait être, ou bien est-ce que le capitaine est seul et la vérification n'a
lieu que lorsque le bateau rentre au port?" (140)

88. Le ministre a répondu comme suit:

« , ... En vertu des règles de l'OPANO, les États membres de l'Organisation —
en l'occurrence les pays de l'Union Européenne— gardent en disponibilité un

navire chargé de l'application de la réglementation. Les Européens ont dépêché
à cette fin dans les eaux extraterritoriales un navire battant pavillon allemand.
Nous avons le droit d'aborder, de visiter et d'inspecter les bateaux les uns des
autres —c'est-à-dire ceux des États membres de l'OPANO— et nous le
faisons". "Depuis janvier dernier, le Canada a délivré au total 23 citations contre des
bateaux de l'OPANO. Il s'agit de citations indiquant que ces bateaux de
l'OPANO ont violé les règles de l'OPANO. Des citations ont été délivrées pour
toute une variété de motifs. Celles auxquelles vous vous intéressez
probablement le plus, étant donné le sens de vos questions, ont trait à la taille

de l'engin de pêche et à la longueur de la maille, à la capture et à la
conservation de poisson de petite taille —c'est-à-dire au fait de faire la pêche
au poisson de petite taille".

"Les citations que nous délivrons sont envoyées au siège de l'OPANO à
Dartmouth, en Nouvelle Écosse. Le siège de l'OPANO est en effet situé au
Canada, à Dartmouth. L'information est ensuite transmise à chacun des États

membres, et une mesure d'exécution est prise. C'est à l'État membre qu'il
appartient d'appliquer la mesure d'exécution — c'est-à-dire des amendes, des
pénalités et ainsi de suite. Au ministère des Pêches et des Océans, nous
assurons un suivi des citations pour veiller à ce que la citation soit suivie de la
mesure d'exécution requise en vertu des règles de l'OPANO" (141).

89. Il est évident que les démarches pertinentes pour "faire respecter" les interdictions citées
ci-dessus (142) sont l'inspection, et peut-être la citation ou le procès verbal ou même une
sommation d'abandonner la zone OPAN. Dans notre affaire, le Canada aurait dû: sommer
l'Espagne d'interdire aux bateaux espagnols de "pêcher dans le but de capturer et garder, du
flétan du Groenland dans la zone en question (etc.)..."; sommer l'Espagne d'interdire aux

bateaux espagnols de Il pêcher pour capturer ou garder, entre autre, de la plie américaine, de
la morue atlantique, et du carrelet à queue jaune (etc.)..."; sommer l'Espagne d'interdire aux
bateaux espagnols de "pêcher avec ou en ayant à bord des chaluts avec des mailles de moins
de 120 millimètres (etc.)"; et ainsi de suite, avec la liste complète des types importants de
"mesures de gestion et de conservation".

90. Cela aurait réellement été "des mesures d'exécution appropriées" —et, en fait, cela aurait

été les seules mesures d'exécution à la disposition du Canada sans une violation de la loi étant
donné que, en droit international commun, le seul État auquel il est permis "d'exécuter"
n'importe quelles "mesures de gestion et de conservation" est en fait l'État du pavillon des
bateaux pêchant dans ces zones. Donc, dans le cas des bateaux espagnols pêchant en haute
mer, la seule "exécution'' des mesures de gestion et de conservation canadienne aurait du être
l'espagnole. Ce processus serait évidemment très facilité moyennant un accord bilatéral entre
l'Espagne et le Canada, ou un accord multilatéral contraignant pour l'Espagne et le Canada—

c'est le cas de l'accord OPAN. C'est en fait la structure et le but de la vie internationale.

91. Ce point est également confirmé par un rapide coup d'Œil à l'Accord sur des stocks
chevauchants et de poissons grands migrateurs, où les devoirs de l'Etat du pavillon sont
clairement établis au Chapitre V; il s'agit de l'Etat qui va exercer la juridiction régulatrice
visée à l'article 18, par.3. Les dispositions sur "le Respect et l'Exécution" du Chapitre VI de

l'Accord exigent que l'Etat du pavillon fasse respecter les "mesures de gestion et de
conservation" appropriées régionales et sub-régionales, et l'article 20 prévoit une coopération
internationale pour obtenir cette exécution. Conformément à l'article 21, un État partie qui est
membre d'organisations ou d'ententes régionales ou sub-régionales de gestion de la pêche peut
monter à bord et inspecter des bateaux battant le pavillon d'un autre État partie. Maisconformément au paragraphe 7, c'est l'État du pavillon qui prend (ou autorise) l'action
d'exécution.

92. Les dispositions de l'article 21, paragraphe 17 concernent les bateaux apatrides:

"Lorsqu'il existe de sérieuses raisons de soupçonner qu'un navire de pêche se
trouvant en haute mer est apatride, tout État peut saisir et inspecter ce navire.
Si les éléments de preuve le justifient, l'État peut prendre les mesures
appropriées conformément au droit international".

93. Cela reflète précisément la même pensée que celle débattue au Sénat canadien en mai
1994: si les bateaux de pêche qui commettent une violation n'ont pas de pavillon, ils peuvent

donc être assimilés aux bateaux "apatrides" et tout État —et en particulier tout État côtier
concerné personnellement par la déprédation des stocks de poissons chevauchant sa zone
économique exclusive et la haute mer— peut adopter des mesures d'exécution contre eux. (De
plus, l'exécution contre des bateaux "apatrides" a une portée beaucoup plus grande qu'elle ne
l'aurait contre des bateaux appartenant à un État de pavillon de bonne foi).

94. Cependant, ce que le Canada a fait, c'est d'aller au delà de la portée raisonnable de ces
mesures d'exécution; il a pris des mesures qui —en haute mer ou dans la zone de
réglementation de l'OPAN— n'étaient absolument pas des mesures d'exécution. En outre,
même si elles pouvaient être considérées d'abord comme des "mesures d'exécution", elles
exécutent autre chose que des mesures de "gestion et de conservation": elles exécutent la
juridiction pénale canadienne ou ses pouvoirs généraux de souveraineté.

95. En outre, même conformément à la Convention sur des stocks chevauchants et de
poissons grands migrateurs, l'arraisonnement et la détention d'un navire n'est permise que s'il
s'agit de bateaux apatrides; par l'Etat du pavillon; ou par "l'État inspecteur" s'il s'agit de
bateaux battant le pavillon d'un autre État membre (et uniquement quand "il y a des motifs
évidents de penser qu'un navire a commis une infraction grave, et l'Etat du pavillon n'a pas
répondu ou n'a pas pris les mesures prescrites aux paragraphes 6 ou 7" [de l'article 211.) C'est,
en d'autres termes, conformément au droit ou à un accord: le droit international général ou lex

specialis.

96. Donc, concernant les bateaux qui ont le pavillon approprié et qui possèdent la nationalité
d'un État, les mots employés dans la réserve canadienne ("l'exécution de telles mesures")
peuvent difficilement être interprétés raisonnablement, conformément au droit international,
comme étant que le Canada procéderait à l'exécution réelle dans le sens d'un arraisonnement
canadien d'un navire étranger et de son équipage en l'absence d'un accord tel que l'accord de

l'OPAN ou l'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs. L'idée est
absurde. Cela ne pourrait pas être plus différent de l'intention exprimée publiquement par les
représentants du Gouvernement canadien à l'époque où la législation canadienne (et la
déclaration) étaient en train d'être adoptées.

97. En fait, la première partie de la réserve spécifie clairement que "les mesures de gestion et

de conservation" doivent être celles qui sont "adoptées par le Canada". Dans la seconde
partie de la clause, quand on passe à "l'exécution de telles mesures" on ne répète pas "par le
Canada" —une précision qui aurait été symétrique et concordante avec la première partie du
paragraphe. La seule "exécution" légitime qui pourrait être réalisée par le Canada en haute
mer (c'est-à-dire, dans la zone de réglementation de l'OPAN) serait par le biais d'une plainte àl'État de pavillon respectif, ou à l'OPAN, ou à l'Union Européenne ou autre. Dans les propres
termes de M. le ministre Tobin, "Nous sommes habilités à saisir, visiter et inspecter les
bateaux les uns des autres —c'est-à-dire, des États membres de l'OPANO— et nous le
faisons."

98. Néanmoins, un différend pourrait parfaitement avoir surgi entre le Canada et un État du
pavillon quant au caractère approprié ou à propos de l'exécution concernant un navire au sujet
duquel l'exécution de "mesures de gestion et de conservation" ont été intentées par le Canada
par le truchement de l'OPAN ou autrement. Une protestation politique énergique aurait pu être
faite contre les citations délivrées par le Canada, par l'État du pavillon d'un navire assigné
conformément aux accords existants; de nouveau, les paroles de M. le ministre Tobin:
"Depuis le mois de janvier de cette année, le Canada a délivré 23 citations contre des bateaux

de l'OPAN. Il s'agit de citations indiquant que les navire de l'OPAN ont violé les règlements
de l'OPAN. Il y a une grande variété de citations" (143).

99. Des différends concernant ce genre d'activité pourraient sûrement avoir surgi et pourraient
être devenus l'objet d'une protestation de la part d'un État membre de l'OPAN. Vu les
préoccupations importantes exprimées par le Canada concernant la gestion et la conservation,
de telles protestations pourraient bien avoir eu des effets contraires, ou certainement irritants,

pour le Canada. Dans ces hypothèses, donc, une affaire introduite pour contester cette activité
serait sans doute entrée dans le cadre de la réserve canadienne et serait restée en dehors de la
compétence de la Cour.

100. Mais il était hors de doute, en 1994, que "l'action d'exécution" n'avait jamais été
envisagée comme comprenant les arraisonnements de navire, et en particulier les

arraisonnements de navire battant légalement le pavillon des États maritimes et —sans doute
a fortiori— des États tels que des membres de l'Union Européenne, avec qui le Canada avait
déjà eu de fréquents contacts dans ce contexte par le biais des relations de l'OPAN. En fait, la
loi canadienne de 1994 visait uniquement les bateaux apatrides ou "pirates". Il avait été
mentionné expressément à plusieurs reprises dans les débats du Parlement que c'était la seule
façon d'atteindre ces bateaux, étant donné qu'un appel à leur "État de pavillon" aurait été vain.
En réponse aux questions posées pendant les séances sur la loi d'amendement canadienne, le

ministre des Pêches, Brian Tobin, a déclaré au Sénat canadien:

"Quelles mesures pouvons-nous prendre à l'égard des bateaux ne faisant pas
partie de l'OPANO, qui arborent des pavillons de pays que ni le navire ni
l'équipage n'ont jamais visité? C'est un simple pavillon de complaisance. Sous
l'ancien gouvernement, nous avons institué une politique visant à empêcher les
bateaux en question d'utiliser ces pavillons de complaisance. Nous avons

découvert que, dès que nous parvenions à nous débarrasser d'un pavillon de
complaisance, un pavillon d'un autre pays prenait sa place".

"Même après avoir réussi à éliminer les pavillons, nous avons vu des bateaux
sans immatriculation et sans pavillon —des bateaux apatrides qui pêchent des
espèces menacées dans le nez et la queue des Grands bancs et qui sont, dans

tous les sens du mot, des pirates agissant pour leur seul compte".

"Comment peut-on s'entendre avec des gens qui n'appartiennent à aucune
organisation, qui changent de pavillons comme ils changent de chemise ou qui,
dans certains cas, ne battent aucun pavillon? C'est impossible. Nous pouvons, comme tous les parlementaires des deux côtés des deux chambres l'ont fait à
maintes reprises, les avertir que des mesures seront prises s'ils ne quittent pas
les lieux. Nos avertissements n'ont rien donné" (144).

101. La réserve étant précisément contemporaine de l'introduction de cette législation, il est

logique que les termes de la réserve "l'exécution de telles mesures" aient la même
signification —ou au moins une signification peu différente— de celle donnée au terme
"exécution" dans les débats du projet de loi lui-même. L'"exécution'' que les ministres et
sénateurs étaient en train de discuter était l'exécution par le Canada à l'égard "des bateaux qui
sont, dans tous les sens du mot, des pirates agissant pour leur seul compte", et non à l'égard
des bateaux —comme "l'Estai" —possédant un enregistrement parfaitement acceptable et
battant un seul pavillon parfaitement valable.

102. Après cette déclaration d'intention explicite lors des débats parlementaires canadiens,
l'expression de la réserve "l'exécution de telles mesures" doit-elle être prise comme (i)
l'exécution par le biais de l'État du pavillon du navire pêchant dans la zone en question, ou (ii)
l'exécution directe contre un navire apatride. Étant donné que le but de la législation
canadienne n'était pas de sanctionner les États de pavillon de bonne foi et les bateaux battant
un pavillon de bonne foi —mais plutôt "des bateaux qui sont, dans tous les sens du mot, des

pirates agissant pour leur seul compte"— on pourrait conclure que la signification d'
"exécution'' des mesures de gestion et de conservation dans la réserve est justement
l'exécution contre ces bateaux. Contre les bateaux arborant un pavillon correct, il ne s'agirait
pas d'une "exécution" —mais plutôt d'un abus de droit, d'une violation du droit
international— sauf, bien entendu, s'ils étaient réalisés moyennant des mesures diplomatiques
appropriées adressées aux États du pavillon. Même dans ce cas, l'exercice de base de l'autorité

de réglementation serait encore une question ouverte, mais au moins la procédure d'exécution
en tant que telle ne serait pas nécessairement soumise à la juridiction de la Cour.

103. L'effort fait par le rédacteur pour qualifier la réserve et rendre légitime le retrait de
compétence de la Cour, n'a pas englobé entièrement les actions canadiennes. Ce ne sont que
les actions qui sont réellement et véritablement des Il mesures de gestion et de conservation"
qui peuvent être défendues en dehors de la compétence de la Cour —justement car il s'agit

seulement d'actions qui sont raisonnables et pertinentes qui peuvent être considérées comme
une "exécution" réelle des mesures de gestion et de conservation, et partant en dehors de la
compétence de la Cour en vertu de la réserve canadienne de 1994.

B. L'INTENTION DU CANADA

104. Les critères d'interprétation applicables dans ce contexte doivent inclure l'examen de la
preuve la plus logique et immédiate —la "meilleure preuve"— des intentions du
Gouvernement du Canada à l'époque. Comme il a été dit, il est logique que les termes de la
réserve soient interprétés comme reflétant les significations exprimées lors des débats sur le
projet de loi lui-même. Dans le chapitre 111 de ce Mémoire (et dans la Section 111 du

Chapitre IV ci-dessus), il a été clairement démontré que la réserve canadienne doit être
interprétée conformément aux réalités à l'époque de l'adoption de la loi que la réserve était
appelée à "protéger" en tout ou en partie.105. Ceci est conforme au traitement donné par la Cour à la preuve législative et
parlementaire qui sert de base à l'intention d'un État dans la formulation de ses réserves. Ceci
a été clairement exprimé dans l'affaire Anglo-Iranian Oil en 1952 (145). La question alors
présentée à la Cour était: "de savoir si la compétence se limite à l'application des traités ou
conventions acceptés par l'Iran après la ratification de la déclaration ou si elle s'étend à

l'application de traités ou conventions acceptés par l'Iran à une date quelconque (146). La
Cour a statué assez clairement qu'à cet égard:

" ... la Cour ne saurait se fonder sur une interprétation purement grammaticale
du texte. Elle doit rechercher l'interprétation qui est en harmonie avec la
manière naturelle et raisonnable de lire le texte, eu égard à l'intention du
Gouvernement de l'Iran à l'époque où celui-ci a accepté la compétence

obligatoire de la Cour" (147).

106. Vient ensuite une longue discussion concernant la propriété de l'emploi par la Cour,
comme aide dans son interprétation de la réserve, de "la loi iranienne du 14 juin 1931 par
laquelle le Majlis a approuvé la déclaration (148). La Cour a statué ce qui suit:

" ... cette clause, qui se rapporte 'aux traités et conventions que le
gouvernement aura acceptés après la ratification de cette déclaration', est une
confirmation décisive de l'intention de Gouvernement de l'Iran, lorsqu'il a
accepté la juridiction obligatoire de la Cour..." (149)

107. C'est précisément dans une fin analogue que les Débats du Parlement canadien du 10-12
mai 1994 ont été étudiés ici. Les déclarations officielles faites par les ministres responsables

en réponse aux questions des Membres du Parlement canadien ne laissent aucun doute quant à
l'intention du Gouvernement canadien quand il était en train d'adopter la Loi d'amendement de
la Loi sur la protection des pêches côtières en 1994. Attendu que le but de la réserve était
clairement lié à l'application de cette législation, la seule conclusion appropriée est que
l'intention du Gouvernement canadien à l'époque où il a adopté la réserve était de se prémunir
contre une récusation judiciaire contre le type de "mesures de gestion et de conservation" ou
"exécution" de telles mesures, qui furent envisagées par le Parlement à l'époque où il a adopté

cette législation.

1. L'intention canadienne?

108. Il y a peu de doute quant à l'intention générale initiale du Gouvernement canadien de
dénoncer une déclaration d'acceptation et d'en présenter une nouvelle contenant la réserve. En
réponse aux questions sur le projet de loi, au Sénat, le 12 mai 1994, le ministre des Pêches et
des Océans, M. Tobin, s'est référé à l'adoption, en 1970, par le Canada de la Loi sur la
prévention de la pollution des eaux arctiques et a dit que: " ... cette loi fut adoptée après que le
Canada eut formulé, exactement comme nous l'avons fait mardi, une réserve à la Cour
Internationale de Justice (150). Dans un communiqué officiel du 27 mars 1995, le Canada a

déclaré que "En l'absence d'un système de règlement des différends et d'exécution d'ensemble,
une référence à la Cour Internationale de Justice n'aurait aucun sens et le peu de stocks de
poissons subsistants des Grands bancs seraient détruits pendant que le processus légal serait
en cours (151). (On a sans doute oublié la disponibilité des mesures conservatoires sousl'article 41 du Statut de la Cour, une procédure précisément élaborée sur mesure pour ce genre
de situation.)

109. Le jour suivant, pendant les Débats du Sénat, le ministre des Affaires Étrangères André
Ouellet a répondu à une question du Sénateur Beaudoin et a déclaré:

"Nous basons notre projet de loi, qui est une loi qui nous permet d'agir, sur des
bases solides de droit. Afin de protéger l'intégrité de cette loi, nous avons
présenté une réserve, comme vous le savez, auprès de la Cour internationale de
justice alléguant que, évidemment, cette réserve serait temporaire, qu'elle ne
s'appliquerait que pour la période de temps que nous jugeons nécessaire
d'exercer des représailles contre ceux qui s'adonnent à la surpêche (152).

110. Il n'y a donc pas de doute que l'intention générale du Gouvernement du Canada était de
concevoir la réserve comme un moyen d'empêcher que les actions du Canada concernant ces
questions en haute mer soient jugées devant la Cour. La question est la suivante: qui était visé
par de telles actions?

111. Lors de la poursuite des Débats sur la Loi à la Chambre des communes pour amender la
Loi sur la protection des pêches côtières du 11 mai 1994, le ministre Tobin a répondu comme
suit à une question concernant le pouvoir habilitant contenu dans la Loi:

"Pour répondre à la question précise posée par le député, l'expression 'bateau
d'une classe réglementaire' permet simplement au gouvernement de désigner
une classe ou un genre de bateau qui, selon ce que nous avons déterminé,

pratique la pêche d'une manière qui va à l'encontre des règles de conservation
et contre qui des mesures peuvent donc être prises".

"Par exemple, nous pourrions désigner les bateaux sans nationalité. Nous
pourrions aussi désigner les bateaux sous pavillon de complaisance. C'est tout
ce que cela veut dire. Le règlement sera mis à la disposition du député, de son
parti et du Comité des pêches" (153).

112. Le ministre canadien des Affaires Étrangères a ajouté que:

« Nous avons toutes les raisons de croire que la loi donne au Canada la
capacité d'agir contre ces bateaux pirates et que les autres pays ne
contesteront pas, d'aucune façon, la capacité du Canada d'agir » (154)

113. Le ministre a poursuivi comme suit:

« Nous avons dit dès le début, et les représentants du Canada à l'étranger dans
nos différentes ambassades ont expliqué à nos partenaires européens et
d'autres, que cette mesure s'adressait au premier chef à l'endroit de bateaux qui
n'ont pas de drapeau ou de bateaux qui ont ce que l'on appelle des drapeaux de

convenance. Par conséquent, ce sont ces gens-là qui sont de véritables pirates
irresponsables qui doivent être chassés de cette partie des Grands bancs » (155)

114. Le Sénateur St. Germain posa alors la question suivante: "Dans sa déclaration, M. Ouellet, a dit que nous avions affaire à des bateaux
pirates. N'y a-t-il que cela? Le ministre a en outre laissé entendre que les autres
pays ne contesteront pas l'application de la loi. Peut-il nous confirmer qu'il a
communiqué avec les pays qui ont l'habitude de pêcher dans cette zone pour
s'assurer qu'ils respecteront cette loi? Nos organisations d'application de la loi,

que ce soit les Forces canadiennes ou la Garde côtière, seront-elles placées
dans une position intenable, car il n'y a rien de pire que de se trouver devant
une loi impossible à appliquer".

115. Le ministre Tobin prit ensuite la parole et en réponse à la question du Sénateur, il a
déclaré explicitement:

"En ce qui concerne les autres pays, parlons de l'OPANO, l'Organisation des
pêches de l'Atlantique nord-ouest. Au nombre des pays qui sont membres d'une
organisation de gestion des pêches figurent l'Union Européenne, le Japon, la
Russie et Cuba. Tous ces pays sont membres avec le Canada d'une
organisation multilatérale de gestion des pêches. Nous tenons des réunions.
Nous discutons. Nous mettons en commun des ressources scientifiques. Nous
menons des projets de recherche conjoints. Nous échangeons des

renseignements. Nous fixons ensemble des quotas ainsi que la part de ces
quotas qui revient à chacun des pays. Nous établissons des règles de
conservation. Chacun de nos pays doit faire en sorte que ses flottes nationales
respectent les quotas fixés et les règles établies conjointement au sein de
l'OPANO" . (156)

"Advenant que des bateaux", poursuivit-il "venant d'un autre pays membre de
l'OPANO ne se conforment pas aux règles —et c'est arrivé— il incombe alors
à ce pays de les faire s'y conformer. Nous disposons d'un moyen qui permet de
faire respecter la loi dans le cadre d'une entente négociée et au sein d'une
organisation multilatérale. Ça ne marche pas toujours à merveille; à vrai dire,
les choses marchent parfois moins rondement que le Canada le souhaiterait,
mais au moins il existe une organisation. Quand nous prenons des bateaux de

nos partenaires de l'OPANO en défaut, nous demandons à ces derniers de bien
vouloir les faire se conformer. Nous pouvons intervenir auprès de ces pays; le
principe est posé (157).

116. Le ministre Tobin a ensuite défini explicitement les buts de la Loi objet de la discussion
— "des bateaux pêchant dans la zone de réglementation de l'OPANO" qui sont mentionnés
dans la nouvelle réserve (d) à la déclaration de clause facultative du Canada transmise

seulement deux jours plus tôt — comme " ... des bateaux qui n'ont pas de pavillon ou des
bateaux qui ont ce que l'on appelle des pavillons de convenance. Par conséquent, ce sont ces
gens-là qui sont de véritables pirates irresponsables qui doivent être chassés du nez et de la
queue des Grands bancs (158) et "des navires sans immatriculation et sans pavillon —des
navires apatrides— qui pêchent des espèces menacées dans le nez et la queue des Grands
bancs et qui sont, dans tous les sens du mot, des pirates agissant pour leur seul compte »

(159).

117. Plus tard dans le débat, un Sénateur demanda si " ... le Portugal et l'Espagne, qui ont
toujours été les plus réfractaires aux quotas de l'OPANO, acceptent maintenant sans rechigner
des quotas .... ? (160). Monsieur le ministre Tobin a répondu comme suit: "Il faut faire une distinction importante ici. L'Espagne et le Portugal respectent
effectivement les quotas fixés par l'OPANO. Ces deux pays participent à part
entière à titre d'États membres de l'OPANO .... Ceci dit, il est vrai que certains
bateaux, surtout portugais, se procurent des pavillons de complaisance. Ils
vont au Panama, au Honduras ou à la Sierra Leone et obtiennent ces pavillons

afin de se soustraire aux règlements et de continuer à pêcher. Il est vrai qu'une
trop grande proportion de ces bateaux que nous avons tous appelés aujourd'hui
'bateaux pirates', vient du Portugal et c'est parce qu'ils ont dû se déplacer à
cause des mesures de conservation de l'OPANO; toutefois, il ne faut pas pour
autant blâmer le Portugal, ni douter de son respect pour les règles de
l'OPANO" (161) .

118. Le Sénateur Grafstein a alors fait le commentaire suivant:

"Le ministre a signalé que le gouvernement entend limiter l'exercice de ces
pouvoirs au danger actuel, au problème actuel, c'est-à-dire les navires étrangers
qu'il considère comme des bateaux pirates".

et puis il a ajouté:

"Le ministre peut-il garantir au Sénat que si le gouvernement entend aller au-
delà de cette limite, il donnera au Parlement l'occasion au moins d'examiner
l'extension des pouvoirs conférés par ces règlements, afin de déterminer s'il
convient de le faire?" (162)

2. Ses effets

119. En bref: l'intention du Gouvernement Canadien en 1994 était de forcer les bateaux
apatrides et leurs équivalents à respecter les mesures de conservation canadiennes. Comme il
a été dit ci-dessus dans la Section B.1.b., la réserve canadienne est bien définie quant aux

termes "les bateaux pêchant" (vessels fishing), ce qui reflète donc clairement une orientation
d'exécution de mesures contre des bateaux; ces bateaux seraient ceux qui ne possèdent sans
doute pas de pavillons ou des bateaux assimilés aux bateaux "apatrides" pour des raisons de
possession de plusieurs enregistrements. Comment la Cour va-t-elle alors donner une
signification à cette intention?.

120. Premièrement, il est clair que des mesures de gestion et de conservation raisonnables
adoptées avec le consentement d'autres États auraient été englobées. En outre, des mesures
d'exécution raisonnables pourraient avoir été englobées: soit une exécution par le biais des
États du pavillon respectif ou soit une exécution directe contre les bateaux "apatrides". La
revendication de pouvoir raisonnable du Canada conformément aux règlements internationaux
pourrait avoir été comprise.

121. Néanmoins, si la réserve canadienne signifie ce qu'elle dit, elle a des limitations. Si
l'affaire actuelle sort de ces limitations, alors, la Cour exerce sa compétence sur la clause
facultative et le cas peut aller de l'avant. Mais la réserve ne peut pas signifier uniquement ce
que le Canada dit qu'elle veut dire. Cela doit être soumis aux règles d'interprétation discutées
ci-dessus et une interprétation raisonnable et objective doit être présentée et suivie (163).Sinon, la réserve est pratiquement une réserve "illimitée" ou "sur mesure" du genre le plus
pernicieux.

122. En fait, la jurisprudence de la Cour en la matière, de l'affaire Anglo-Iranian Co. en
passant par les Essais Nucléaires à l'affaire de la Mer Egée (164) démontre clairement que les

réserves doivent être soumises à une interprétation prudente. Que se passe-t-il quand un État,
comme le Canada dans le cas présent, a démontré (plus ou moins) une certaine intention mais
a rédigé sa réserve aussi maladroitement .... ?

La Cour va-t-elle laisser la réserve sans effet malgré l'intention? Va-t-elle donner effet à
l'intention du déclarant malgré sa réserve?

123. On peut penser que l'intention du Canada peut avoir un poids substantiel. Mais cette
intention ne peut pas dépasser le langage qui avait été prudemment choisi et qui semble
n'englober qu'une partie de cette intention. Si le Canada avait pu agir d'une façon différente, il
l'aurait fait et la Cour ne peut pas maintenant fournir des significations indéfinies et
supplémentaires conformément auxquelles l'intention du Canada peut être exprimée. Si le
Canada se présente maintenant et dit que son intention a toujours été d'exclure toute "mesure

d'exécution" de toute "mesure de gestion et de conservation" contre tout navire, la Cour devra
donc décider quelle "intention" du Gouvernement canadien doit être prise en compte: son
intention de 1994, ou sa présumée intention de 1995, ou peut-être même sa version de 1996. Il
n'y a pas de doute quant à l'importance permanente des mots de feu le Juge Lachs quand il dit
"en s'informant de quelle était la volonté au moment où la déclaration a été faite, on se
prémunit contre la possibilité de donner une interprétation post facto à un acte qui serait en
contradiction avec l'interprétation originale (165).

C. "L'EFFET UTILE"

124. Comment la Cour réagit-elle face à la situation où le Canada a donné son consentement à
la compétence; l'a retiré dans certaines conditions et certaines instances; mais n'a pas spécifié

de manière adéquate les conditions et les instances où ce consentement doit être retiré? Il faut
donc aborder l'interprétation quant à "l'effet utile", en tout ou en partie, de la réserve. Bien que
l'effet utile puisse être considéré comme une norme d'interprétation des traités subsidiaire
mais importante, il y a des limites nettes à son application. Comme il a été statué par la Cour
dans l'affaire de l'Interprétation des traités de paix (deuxième phase):

"Le principe d'interprétation exprimé par la maxime Ut res magis valeat quam
pereat, principe souvent désigné sous le nom de principe de l'effet utile, ne
saurait autoriser la Cour à entendre la clause de règlement des différends
insérée dans les traités de paix dans un sens qui, comme il vient d'être exposé,
contredirait sa lettre et son esprit" (166).

1. Comment la réserve peut-elle avoir un effet utile?

125. Il n'est pas difficile d'imaginer, comme nous l'avons souligné ci-dessus, comment les
différends concernant l'activité de réglementation dans le cadre de l'OPAN pourraient avoirsurgi et, si les sensibilités ont été suffisamment émoussées chez un État membre de l'OPAN,
celui-ci pourrait faire l'objet d'une protestation ou d'une instance devant la Cour. Il est
plausible de considérer la réserve canadienne comme ayant été conçue pour éviter des affaires
"dérangeantes" dans des instances où les activités d'exécution de routine étaient contestées par
d'autres États membres de l'OPAN concernant des bateaux battant leur pavillon. Il est

relativement évident, en outre, qu'étant donné que la législation canadienne avait pour objet
"les bateaux qui sont, dans tous les sens du mot, des pirates qui agissent pour leur seul
compte", selon la phrase éloquente de M. Tobin, la réserve pourrait avoir servi la but utile de
se prémunir de toute instance de la part d'États qui pourraient avoir été les États propriétaires
de bateaux "pirates" ou "apatrides" visés par la législation canadienne.

126. C'est à cette explication que son effet utile pourrait être rattachée, car elle vise l'État qui

chercherait à présenter une plainte contre l'action canadienne concernant " ... des bateaux qui
n'ont pas de drapeau ou des bateaux qui ont ce que l'on appelle des drapeaux de convenance
.... ce sont ces gens là qui sont de véritables pirates irresponsables qui doivent être chassés de
cette partie des Grands bancs" (167).

127. En fait, le Sénateur St. Germain a dit ce qui suit au Sénat canadien:

"Dans la déclaration de M. Ouellet, celui-ci a dit que nous avions affaire à des
bateaux pirates. N´y-a-t-il que cela? Le ministre a en outre laissé entendre que
les autres pays ne contesteront pas l'application de la loi. Peut-il nous
confirmer qu'il a communiqué avec les pays qui ont l'habitude de pêcher dans
cette zone pour s'assurer qu'ils respecteront cette loi?" (168).

128. Le ministre n'a pas réellement répondu à la question, mis à part qu'il a dit que "le Canada
s'est donné de larges pouvoirs, des pouvoirs élargis, dépassant la limite de 200 milles
expressément à des fins de conservation" (169) . Mais il ajouta également que: "S'il y a des
cas de bateaux membres de l'OPANO qui ne respectent pas les règles, c'est à chacun des pays
membres d'obliger individuellement ses bateaux à respecter la légalité" . (170)

129. Il était clair qu'on espérait que "les pays qui ont l'habitude de pêcher dans cette zone"

allaient "respecter la loi", et allaient "ne pas contester cette loi que nous sommes en train
d'exécuter" —ceci aurait été placé dans le cadre de l'OPAN et ne serait donc pas préoccupant.
C'était donc les autres pays, qui pourraient représenter ou prendre parti pour les "bateaux
pirates", dont il aurait été nécessaire de bloquer l'intervention. Pour un membre de l'OPAN,
avoir un de ses bateaux (pas un navire pirate ni un "navire apatride") arraisonné par les
autorités canadiennes dans l'exercice prévisible de "l'exécution de mesures de gestion et de
conservation" dans la zone de l'OPAN, ne pouvait pas être envisagé en 1994 et ne devrait pas

être toléré en 1995. Cela ne devrait sûrement pas être bloqué par une réserve conçue —et
appropriée— dans un but bien différent.

2. Comment la réserve aurait-elle pu être libellée différemment?

130. Si les rédacteurs canadiens de 1994 avaient clairement voulu obtenir le résultat
aujourd'hui recherché par le Canada de se résister à la compétence de la Cour dans cette
affaire, la question aurait été assez simple. La réserve (d) aurait pu être rédigée comme suit: ', ... les différends relatifs, surgissant de, ou concernant l'exercice de la
compétence par le Canada dans la zone de Réglementation de l'OPANO..."

Elle aurait aussi pu être rédigée comme suit:

" ... des différends relatifs à, ou surgis directement ou indirectement de,
l'adoption ou l'imposition de toute mesure de gestion et de conservation par le
Canada et toute action adoptée concernant des bateaux pêchant dans la zone de
réglementation de l'OPANO, comme définie dans la Convention sur la Future
Coopération Multilatérale dans les Pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, de
1978, ou ailleurs ......

Ou on aurait même pu la rédiger comme suit:

" ... des différends relatifs ou surgis, directement ou indirectement, de
l'exercice de tous pouvoirs par le Canada concernant ses politiques de gestion
et de conservation des pêcheries concernant tout navire pêchant ou leur État de
pavillon ......

131. Quelle que soit l'alternative qu'aurait adoptée le Canada, il était tout à fait possible pour
le Canada de "se prémunir" de toute instance quant à ses "mesures de gestion et de
conservation" en haute mer, aussi bien qu'à la législation sous-jacente, et à la revendication de
la juridiction en haute mer. Le fait est que le Canada ne l'a pas fait.

132. Le manque de "couverture" devient indiscutable quand des réserves d'autres États

actuellement existantes sont examinées.

3. Autres réserves actuelles

133. Quand on essaie de déterminer l'intention des États, en particulier en ce qui concerne
l'acceptation de la juridiction conformément au système de "c lause facultative" de l'Article
36, paragraphe (2) du Statut, il convient aussi d'analyser des exemples bien connus et publics
d'autres méthodes qui pourraient avoir été adoptées pour exprimer une réserve à la
compétence. Il est utile d'analyser d'autres exemples de réserves ratione materiae aux
déclarations à propos des questions maritimes.

134. Par exemple, la réserve (d) de la Barbade exclut:

"d) les différends auxquels peuvent donner lieu ou qui concernent la juridiction
ou les droits invoqués ou exercés par la Barbade pour ce qui est de la
conservation, de la gestion, de l'exploitation des ressources biologiques de la
mer ou pour ce qui est de prévenir ou maîtriser la pollution ou la contamination
du milieu marin dans les zones marines adjacentes à la côte barbadienne"

(171).

135. La réserve pertinente de Malte exclut: "Différends auxquels Malte est partie et concernant: b) son plateau continental
ou toute autre zone de juridiction maritime et leurs ressources;... d) la lutte
contre la pollution ou la contamination de l'environnement marin ou la
prévention de celles-ci dans les zones marines adjacentes à la côte maltaise"
(172).

136. La réserve pertinente de l'Inde exclut:

"10) les différends avec l'Inde concernant ou portant sur:

b) la mer territoriale, le plateau continental et les rebords externes, la zone
exclusive de pêche, la zone exclusive et les autres zones relevant de la

juridiction maritime nationale y compris pour ce qui concerne la
réglementation et le contrôle de la pollution des mers et l'exécution de
recherches scientifiques par des bateaux étrangers;... (173).

137. La réserve pertinente de la Nouvelle-Zélande exclut:

"II) ... 3) les différends auxquels peuvent donner lieu ou qui concernent la
juridiction ou les droits invoqués ou exercés par la Nouvelle-Zélande en ce qui
concerne l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des
ressources biologiques des zones marines situées au delà de la mer territoriale
de la Nouvelle Zélande et adjacente à celle-ci mais dans les limites d'une
distance de 200 milles à partir des lignes de base qui servent à mesurer la
largeur de la mer territoriale" (174).

138. La réserve des Philippines exclut:

« e) ... différends ayant pour cause ou concernant la juridiction ou les droits
revendiqués ou exercés par les Philippines

i) en ce qui concerne les ressources naturelles, y compris les organismes
vivants appartenant à des espèces sédentaires, du fond de la mer et du sous-sol
du plateau continental des Philippines, ou de ce qui y correspond dans le cas
d'un archipel, tel qu'il est défini dans la proclamation nº 370 du président de la
République des Philippines, datée du 20 mars 1968; ou

ii) en ce qui concerne le territoire de la République des Philippines, y compris

ses eaux territoriales et ses eaux intérieures..." (175).

139. Il aurait été tout-à-fait possible que le rédacteur des réserves canadiennes ait puisé
largement dans les éléments des cinq réserves précédentes. La déclaration canadienne n'a fait
aucune exception similaire à celle de Malte; elle aurait pu exclure:

"Différends auxquels [le Canada] est partie et concernant: ... b) son plateau

continental ou toute autre zone de juridiction maritime et leurs ressources [y
compris la zone de réglementation de l'OPANO, telle que définie dans la
convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de
l'Atlantique Nord-Ouest, 1978]".Si elle avait ainsi fait, la conclusion C) de la requête de l'Espagne et peut-être la conclusion B)
n'auraient sans doute pas survécu aux objections juridictionnelles.

140. Le Canada n'avait pas de réserve similaire à celle de l'Inde. Il aurait donc pu exclure:

', ... les différends avec [le Canada] concernant ou portant sur: ... b) ... les
autres zones relevant de la juridiction maritime nationale y compris pour ce qui
concerne la réglementation et le contrôle de la ... [pêche y compris la zone de
réglementation de l'OPANO, telle que définie dans la convention sur la future
coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest,
1978]".

141. La déclaration de clause facultative canadienne n'a pas non plus fait d'exception similaire
à celle de la Nouvelle Zélande. Dans ce cas, elle aurait pu éliminer:

" ... les différends auxquels peuvent donner lieu ou qui concernent la
juridiction ou les droits invoqués ou exercés par [le Canada] en ce qui concerne
l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des ressources

biologiques des zones marines situées au delà de la mer territoriale [du
Canada] et adjacentes à celles-ci [y compris la zone de réglementation de
l'OPANO, telle que définie dans la convention sur la future coopération
multilatérale dans les pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, 19781".

Si la réserve canadienne avait été rédigée dans ces termes, le cas espagnol n'aurait absolument
pas été présenté en 1995 étant donné que même la conclusion de la requête de l'Espagne A)

aurait été exclue.

142. La déclaration canadienne n'a pas non plus fait d'exception semblable à celle de la
Barbade. Elle aurait alors pu exclure:

" ... les différends auxquels peuvent donner lieu ou qui concernent la
juridiction ou les droits invoqués ou exercés par [le Canada] pour ce qui est de

la conservation, de la gestion, [et] de l'exploitation des ressources biologiques
de la mer".

De nouveau, si la réserve canadienne avait été rédigée dans ces termes, la requête espagnole
n'aurait pas été présentée en 1995.

143. En effet, le fait que le Canada ait adopté la réserve (d) en mai 1994 en connaissant
parfaitement l'adoption par la Barbade de sa réserve en 1980 et l'adoption par la Nouvelle
Zélande de sa réserve en 1977, semblerait impliquer que le Canada aurait parfaitement pu
adapter sa réserve (d) précisément comme nous venons de le suggérer, ce qui aurait rendu la
présente instance presque impossible à soutenir. Mais le fait que cela ne se soit pas produit
mérite réflexion. On peut en déduire que le Canada n'avait pas l'intention d'obtenir la même
sorte de résultat que celui qui fut atteint, par exemple, par la Barbade ou la Nouvelle Zélande,

par le biais de leurs réserves respectives. L'intention du Canada devrait donc être différente.

144. Les raisons de l'expression d'intention d'une façon ou de l'autre sont diverses, et sans
aucun doute évanescentes. Il est difficile de donner des raisons valables expliquant pourquoi
la politique canadienne exprimée, selon laquelle les bateaux "apatrides" étaient les cibles deses "mesures de gestion et de conservation", a changé aussi radicalement au cours de la
période de dix mois qui a suivi l'adoption de la législation canadienne. Il est tout aussi
difficile de savoir ou de dire quelles sont les raisons que ont amené le Canada à ne pas adopter
une réserve rédigée dans un sens plus large en 1994, ce qui aurait servi à exclure toutes les
parties des prétentions espagnoles actuelles de la même manière que les réserves de la

Barbade et de la Nouvelle Zélande, l'on apparemment fait. Il est possible que le Canada, en
tant qu'État hôte du siège de l'OPAN, ait considéré l'adoption publique d'une telle réserve
extrêmement embarrassante. Ou peut-être le Canada ne souhaitait-il pas révéler le fait que
certains politiques auraient eu l'intention que la politique annoncée allait bientôt changer
complètement et que leur nouvelle loi serait appliquée à des bateaux battant un pavillon
approprié appartenant à des États membres de l'OPAN au lieu de navires "pirates" ou
"apatrides" d'un genre tout à fait différent.

145. Il ne sert à rien de spéculer sur ces raisons et cette volte-face ni annoncée ni prévue. Le
seul point qu'il est nécessaire que la Cour considère est simplement que le Canada n'a pas
exclu de larges portions de son activité de la juridiction de la Cour. Le Canada n'a pas exclu
des actions allant au delà des mesures normales de "gestion et de conservation" ou
"d'exécution" relatives à des zones de haute mer. Le Canada n'a pas exclu ni la considération
par la Cour du fait de son adoption de la législation et la promulgation des règlements, ni la

menace continue de juridiction et de pouvoir dans des zones de haute mer contre des bateaux
et des ressortissants de l'Espagne. Le Canada n'a pas exclu " ... des différends auxquels
peuvent donner lieu ou qui concernent la juridiction ou les droits invoqués ou exercés par [le
Canada] en ce qui concerne l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des
ressources biologiques dans" l'Atlantique Nord — que ce soit ou non en haute mer.

146. La seule conclusion que l'on puisse tirer est que le Canada est encore assujetti à la
compétence de la Cour en ce qui concerne ces matières. Pourtant, bien que (comme il a été
démontré au Chapitre 11, Section Il de ce Mémoire), l'intention originale du Canada ait pu
être de "protéger l'intégrité de sa législation", son intention n'a été exécutée ou atteinte qu'en
partie.

4. L'interprétation espagnole ne prive pas la réserve de sa signification

147. Nous avons déjà exposé plusieurs arguments qui expliquent qu'il existe des fonctions qui
peuvent être couvertes par la réserve existante (d) qui sont parfaitement valables, qui
permettraient d'atteindre un but rationnel, et qui pourraient correspondre à une préoccupation
réaliste ou valable du Gouvernement canadien en 1994 et exprimée clairement à cette époque

par celui-ci.

148. Si le Canada avait appliqué une "mesure" quelconque des sept "mesures" figurant au
Tableau V concernant l'amendement du 3 mars 1995 sur la Réglementation de Protection des
pêches côtières, mentionnées ci-dessus contre des bateaux espagnols en haute mer, dans la
zone OPAN et sans l'accord spécifique de l'Espagne —ou de l'Union Européenne en tant que

membre de l'OPAN— une telle application aurait-elle violé le droit international? Comme il
sera démontré plus avant dans cette affaire, un tel exercice de pouvoir d'un État est contraire à
la liberté internationale en haute mer, et constitue une violation de l'une des normes les plus
anciennes et claires du droit international. Dans les débats de la Chambre des communes sur
la Loi pour amender la Loi sur la protection des pêches côtières du 11 mai 1994, le ministredes Pêches, M. Tobin, a répondu comme suit à une question concernant le pouvoir habilitant
contenu dans la Loi:

"... essentiellement, le projet de loi donne au Gouvernement le pouvoir
habilitant, en amendant la Loi actuelle sur la protection des pêches côtières,

d'agir en dehors des 200 milles d'une façon en accord avec la manière dont
nous agissons à l'intérieur des 200 milles" (176).

149. Ce genre d'action, en dehors des 200 milles, est une provocation quant aux principes
acceptés de la liberté internationale depuis le temps de Grotius. Si cependant, il y avait eu un
accord international (comme par exemple, entre les membres de l'OPAN ou en vertu de
l'Accord sur les stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs) pour qu'un certain

contrôle puisse être établi dans la Zone de Réglementation de l'OPAN ou autre, et mis en
oeuvre par les États côtiers, cela aurait été possible: il aurait été accepté ou convenu d'avance.

150. Mais en l'absence d'un tel accord, il y aurait violation même si l'action canadienne s'était
limitée à la réalisation d'inspections et à la prise de décision quant à plusieurs actions
interdites, suivies par des plaintes auprès du quartier général de l'OPAN ou auprès de l'Union

Européenne ou à l'Espagne. Ici, il convient de rappeler les paroles du ministre Tobin lors des
débats au Sénat canadien, quand il décrivait la procédure OPAN:

"Les citations que nous délivrons sont envoyées au quartier général de
l'OPANO... L'information est ensuite transmise à chacun des États membres, et
une mesure d'exécution est prise. C'est à l'État membre qu'il appartient
d'appliquer la mesure d'exécution — c'est-à-dire des amendes, des pénalités et

ainsi de suite" (177).

151. Bien que ce suivi (ou "activité d'exécution") aurait été tout à fait approprié
conformément au droit international, l'inspection et l'exercice initial de juridiction aurait
continué à ne pas être conforme à la liberté en haute mer sauf si bien sûr, il y avait eu accord
ou consentement de l'Etat du pavillon du navire inspecté.

5. Signification et effet de la réserve canadienne

152. Néanmoins, la signification et l'effet qui découlent de la réserve canadienne sont
substantiels. Cela serait applicable, dans les circonstances actuelles, à une gamme de

situations dans lesquelles le Canada a clairement exprimé qu'il souhaite être protégé contre les
controverses judiciaires. "L'interprétation pour l'effet utile" n'a donc pas besoin d'aller plus
loin qu'un examen des interprétations larges selon lesquelles la signification et l'effet peuvent
être raisonnablement octroyés à la réserve.

a. En ce qui concerne les navires d'un État membre de l'OPAN pêchant
dans la zone de l'OPAN

153. Les mesures de "gestion et de conservation" canadiennes qui consistent en l'inspection et
la correction ne seraient pas contraires au droit international concernant les bateaux des États
membres de l'OPAN pêchant dans la zone OPAN en haute mer, car elles seraient couvertes
par l'Accord OPAN. Il en irait de même, mutatis mutandis quant à la mise en oeuvre del'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs. Le Canada serait donc
protégé par sa réserve en ce qui concerne tout différend relatif à de telles actions, puisqu'un
"différend" relatif à ces questions surgirait ou concernerait les mesures qui seraient de vraies
"mesures de gestion et de conservation" proprement dites (178).

154. Cependant, si ces mesures de "gestion et de conservation" consistent en l'arraisonnement
et la saisie, ces actions seraient contraires au droit international et probablement à l'Accord
OPAN et également à la Convention sur des stocks chevauchants et de poissons grands
migrateurs. Le Canada ne serait donc pas protégé par sa réserve puisque ces actions iraient au
delà de ce que des " mesures de gestion et de conservation" devraient être, et qu'il ne s'agirait
donc plus de "mesures de gestion et de conservation" tombant dans le cadre de sa réserve.

155. Que pouvons nous dire de l'exécution? Les mesures "d'exécution" canadiennes consistant
en la notification et plainte ne seraient pas contraires au droit international en ce qui concerne
les bateaux de l'OPAN pêchant dans la zone OPAN en haute mer. Elles seraient aussi
comprises dans l'Accord OPAN et (éventuellement) dans l'Accord sur des stocks
chevauchants et de poissons grands migrateurs. Le Canada serait aussi protégé par sa réserve
en ce qui concerne tout différend concernant ces actions car les "mesures d'exécution" sont
valables à tous les égards (179). Cependant, si les mesures "d'exécution" consistaient en

l'arraisonnement et la saisie, ces actions seraient contraires au droit international et également
à l'Accord OPAN, et le Canada ne serait pas protégé par sa réserve, puisque ces mesures
iraient au delà de ce que des "mesures d'exécution" appropriées pourraient être, et ne sont pas
proprement dit des mesures d'exécution en haute mer. Arraisonnement, inspection et saisie
seraient permis conformément à l'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands
migrateurs, mais seulement conformément aux conditions restreintes établies à l'article 21,

par. 8 et 16, et seulement par d'autres États membres et concernant un navire battant le
pavillon d'un État membre, sur notification à l'Etat du pavillon, ou dans le cas où l'État du
pavillon ne respecte pas ses engagements conformément à la Convention.

b. En ce qui concerne les bateaux des États non-OPAN pêchant dans la
zone OPAN

156. En ce qui concerne les bateaux battant pavillon d'un État non-membre de l'OPAN
pêchant dans la zone OPAN en haute mer, même si les mesures "de gestion et de
conservation" canadiennes consistent en l'inspection et la correction, elles seraient
techniquement contraires au droit international puisqu'elles se produisent en haute mer. Les
dommages peuvent être peu importants. Cependant le Canada serait protégé par sa réserve
contre une instance concernant tout différend sur ces actions, puisqu'un "différend" relatif à
ces questions surgirait manifestement de, ou concernerait des "mesures de gestion et de

conservation" incontestablement valables dans la zone spécifiée. Cependant, si ces actions
consistent en l'arraisonnement et la saisie, elles seraient contraires au droit international et le
Canada ne serait pas protégé par sa réserve en ce qui concerne tous différends sur ces actions,
puisque ces démarches vont au delà de ce que des 44 mesures de gestion et de conservation"
appropriées devraient être, et pourtant, ne seraient pas "des mesures de gestion et de
conservation" conformément au sens de la réserve canadienne. Elle ne seraient pas non plus
"des mesures de gestion et de conservation" au sens de la définition fournie à l'article 1

paragraphe 1 b) de l'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs;
elles ne seraient en aucun cas admises, au sens de cette convention, concernant les États non
parties.157. De nouveau concernant les bateaux non OPAN pêchant dans la zone OPAN en haute
mer, si les actions "d'exécution" consistent en la notification et plainte, elles ne constitueraient
pas des violations du droit international en tant que tel, bien qu'elles ne seraient pas bien-
fondées en droit international général. Cependant, dans ce cas, le Canada serait encore protégé
par sa réserve en ce qui concerne tout différend relatif à ces actions. Néanmoins, si

"l'exécution" consiste en l'arraisonnement et la saisie, ces actions seraient contraires au droit
international et le Canada ne serait pas protégé par sa réserve, puisque ces démarches ne sont
pas des mesures d'exécution en haute mer proprement dites et vont donc au delà de ce que des
"mesures d'exécution" appropriées devraient être. (Voir commentaires précités concernant
l'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs).

c. Concernant les bateaux "apatrides" et "pirates"

158. Toutes mesures "de gestion et de conservation" canadiennes de bonne foi prises à
l'encontre de bateaux "apatrides" ou "pirates" pêchant dans la zone de l'OPAN en haute mer
ne seraient pas contraires au droit international, puisque les bateaux à "double-pavillon" ou
"pirates" sont assimilés aux bateaux sans nationalité. En tout cas, le Canada serait protégé par
sa réserve, puisqu'un "différend" concernant ces questions "surgirait ou concernerait" des
"mesures de gestion et de conservation" indiscutablement valables, sans tenir compte de la

nationalité des "bateaux pêchant dans la zone de Réglementation de l'OPANO". Même si ces
actions consistaient en l'arraisonnement et la saisie, il ne s'agirait pas d'une violation du droit
international puisque les bateaux à "double pavillon" ou "pirates" sont assimilés aux bateaux
sans nationalité et il n'y aurait donc pas de torts ou de préjudices internationaux. En plus, le
Canada serait protégé par sa réserve en ce qui concerne tout différend concernant ces actions,
car il s'agit de "mesures de gestion et de conservation" qui pourraient être appropriées à

l'égard des bateaux "apatrides" ou "pirates".

159. Si "l'exécution" par le Canada à l'encontre de bateaux "apatrides" ou "pirates" pêchant
dans la zone OPAN consiste en notification et plainte, ces actions ne seraient pas contraires au
droit international, bien qu'il s'agirait d'une question ouverte concernant le moment où la
notification ou la plainte devrait être présentés. Le résultat serait sans doute conforme à
l'article 21, par. 17, de l'Accord sur des stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs

(180). Le Canada serait protégé par sa réserve en ce qui concerne tout différend relatif à ces
actions. Même si cette "exécution" consistait en l'arraisonnement et la saisie, ces actions ne
seraient pas contraires au droit international concernant les bateaux "apatrides" ou "pirates" et
le Canada serait protégé par sa réserve en ce qui concerne tout différend concernant ces
actions puisque l'on sait quelles sont les "mesures d'exécution" appropriées à l'égard des
bateaux "apatrides" ou "pirates".

d. Conclusions

160. En conclusion: le Canada pourrait, sans violer le droit international, avoir fait appel à des
"mesures de gestion et de conservation" en haute mer à l'égard de bateaux d'États membres de
l'OPAN à condition que ces mesures aient été des démarches pertinentes d'inspection et de
correction et à condition que l'exécution ait consisté en notification et plainte. Le Canada

aurait été entièrement protégé par sa réserve dans cette hypothèse. Le Canada aurait
également agi conformément au droit international —et serait de nouveau entièrement protégé
par sa réserve— s'il avait appliqué "des mesures de gestion et de conservation" similaires et
des dispositions d'exécution à l'égard de bateaux "apatrides" ou "pirates" surpris en train de
pêcher dans la zone de Réglementation de l'OPAN. Si le Canada avait pensé avoir recours àces mesures à l'encontre de bateaux d'États non-membres de l'OPAN, il aurait encore été
entièrement protégé par sa réserve même si cela avait autrement violé le droit international.

161. Néanmoins, si le Canada avait pensé arraisonner et saisir des bateaux, aussi bien en tant
que "mesure de gestion et de conservation" que de "mesure d'exécution", cette action aurait

évidemment été contraire au droit international (sinon à l'Accord OPAN) vis-à-vis d'États
membre de l'OPAN et clairement vis-à-vis d'États non membres de l'OPAN. Dans ce cas, la
réserve du Canada de " ... différends auxquels pourraient donner lieu les mesures de gestion et
de conservation adoptées par le Canada... et l'exécution de telles mesures" n'aurait pas protégé
le Canada contre ces États.

162. Quant aux bateaux "apatrides" ou "pirates", le Canada aurait toujours été libre de les

inspecter, et même de les arraisonner et de les saisir, sans violer le droit international. En plus,
le Canada serait certainement protégé par sa réserve si ces "mesures de gestion et de
conservation" et les "mesures d'exécution" s'arrêtaient juste avant la saisie et très
probablement si ces mesures comprenaient l'arraisonnement et la saisie. Dans cette hypothèse,
ces démarches seraient plus probablement considérées comme acceptables dans le cas des
bateaux "apatrides", sans nationalité, et ainsi la réserve opérerait conformément à ses termes
même si ces mesures comprenaient l'arrestation et la saisie.

D. "NON-DIFFÉREND

163. Comme nous l'avons dit ci-avant, le Canada a rédigé sa réserve de façon restrictive. Elle

aurait pu englober un spectre d'activités beaucoup plus large qu'elle ne le fait. Le Canada n'a
pas, par sa réserve, exclu de la compétence la promulgation de la législation et la
promulgation des règlements, ou la menace continue de revendication de juridiction et de
pouvoir dans des zones de haute mer vis-à-vis des bateaux et des nationaux de l'Espagne. Le
Canada n'a pas exclu "les différends surgis de, ou qui concernent, la juridiction ou les droits
réclamés ou exercés par [le Canada] en ce qui concerne l'exploration, l'exploitation, la gestion
ou la conservation des ressources vivantes dans" l'Atlantique Nord — que ce soit en haute

mer ou pas. La seule conclusion qui peut être tirée est que, si le Canada n'avait pas voulu être
du tout assujetti à la compétence de la Cour, il n'y a pas réussi. Il est encore, en ce qui
concerne ces questions, pleinement assujetti à la compétence de la Cour.

164. La promulgation de la législation canadienne et la promulgation des règlements
concernant tous États en haute mer, n'est pas conforme au droit international: il s'agit d'une
infraction à l'obligation juridique internationale du Canada de respecter la liberté en haute mer

(avec les exceptions qui sont admises de façon restreinte dans le droit de la mer
contemporain). Le différend est incorporé dans la conclusion A) de la requête de l'Espagne).

165. La conclusion principale de l'Espagne comme il apparaît dans sa requête a la teneur
suivante: "A) que la Cour déclare que la législation canadienne, dans la mesure où elle
prétend exercer une juridiction sur les bateaux battant pavillon étranger en haute mer, au delà

de la zone économique exclusive du Canada, est inopposable au Royaume d'Espagne". (Cette
conclusion peut être appelée la conclusion de "l'inopposabilité"). Ce différend avec le Canada
reste donc une question d'actualité, un "désaccord sur un point de droit ou de fait, une
contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts (181).166. Il faut également noter que la seconde conclusion de l'Espagne dans sa requête était la
suivante: "B) que la Cour dise et juge que le Canada doit s'abstenir de réitérer les actes
dénoncés, ainsi qu'offrir au Royaume d'Espagne la réparation due, concrétisée en une
indemnisation dont le montant doit couvrir tous les dommages et préjudices occasionnés"
(182). (Cette conclusion peut être appelée la conclusion "injonctive") Aucune action du

Canada n'a affecté la validité ou l'existence de ces conclusions ou de ce différend.

167. Finalement, la troisième conclusion dans la requête de l'Espagne décrit un différend
également persistant et existant encore aujourd'hui: "C) que, en conséquence, la Cour déclare
aussi que l'arraisonnement en haute mer, le 9 mars 1995 du navire sous pavillon espagnol
Estai et les mesures de coercition et l'exercice de la juridiction sur celui-ci et son capitaine
constituent une violation concrète des principes et normes de droit international ci-dessus

indiqués" (Cette conclusion peut être appelée conclusion "déclaratoire").

168. En fait, le contenu des trois conclusions —tant celle de l'inopposabilité, la conclusion
injonctive et la conclusion déclaratoire— va bien au delà de la portée de la réserve
canadienne. Un différend concernant une position juridique importante et fondamentale va
certainement plus loin que des différends "auxquels pourraient donner lieu les mesures de
gestion et de conservation adoptées par la Canada pour les navires pêchant dans la zone de

Réglementation de l'OPANO ... et l'exécution de telles mesures."

169. Ceci ne "proviendrait" pas "d'une mesure de gestion et de conservation" quelconque; cela
ne "concernerait" pas une "mesure de gestion et de conservation" quelconque. Cela ne
proviendrait pas ou ne concernerait pas une "exécution" quelconque "de telles mesures". Cela
proviendrait plutôt ou concernerait l'adoption, la promulgation et le maintien en vigueur d'une

législation nationale de laquelle "les mesures de gestion et de conservation" elles-mêmes ont
surgi et sur lesquelles cette exécution était elle-même basée.

170. Cet argument n'est pas ouvertement en contradiction avec toute intention évidente du
Canada. Il est clair, vu ce qui vient d'être dit concernant les réserves d'autre États, que n'a pas
pu être l'intention effective du Canada d'exclure des questions de cette nature, s'agissant d'un
différend général concernant le droit du Canada d'exercer sa juridiction en haute mer et de

réclamer des droits sur la haute mer dans des buts spécifiques. Si le Canada avait souhaité
exclure ces questions, il aurait pu facilement le faire.

__________

CHAPITRE V

RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE

I. L'existence d'un différend juridique entre le Royaume d'Espagne et le Canada171. La compétence de la Cour étant établie, le Royaume d'Espagne considère que la
demande qu'il présente contre le Canada remplit toutes les conditions nécessaires pour être
reçue.

Comme il a été affirmé au paragraphe 3 de la requête du 28 mars, 1995 il existe, en effet, un

différend juridique entre le Royaume d'Espagne et le Canada . (183). Les faits décrits dans
cette même requête, ainsi que ceux signalés au chapitre Il de ce Mémoire, constituent une
violation grossière, flagrante et très grave par le Canada des normes fondamentales,
coutumières et conventionnelles.

S'appuyant sur une législation interne absolument incompatible avec les principes les plus
enracinés du droit international, l'attitude du Canada, traduite par des notes diplomatiques, des

déclarations de ses représentants politiques, et à travers les actes de ses agents, révèle une
obstination récalcitrante à vouloir défendre le recours à la force en haute mer sur des bateaux
battant pavillon étranger, et ce dans un but manifestement sans justification , en termes
juridiques de les soumettre à sa juridiction.

Il est donc établi —comme cela a déjà été dit dans la requête

" qu'il existe un différend entre le Royaume d'Espagne et le Canada, qui
dépassant le cadre de la pêche, affecte gravement l'intégrité même du mare
liberum de la haute mer et de ses libertés comme concept et catégorie de base
de l'ordre international depuis des siècles, et implique, en outre, une atteinte
très grave contre les droits souverains de l'Espagne, un précédent inquiétant de
recours à la force dans les relations inter-Etats qui, s'il n'est pas sanctionné par

l'autorité propre d'une décision de la Cour, risque de conduire à une escalade
de tension et de violence que le Royaume d'Espagne veut éviter par le biais de
sa requête, pour reconduire le débat dans le cadre du Droit International ......

Cette même requête terminait le paragraphe 3 en ces termes:

"Le recours au juge international, et non la coercition unilatérale pour imposer

à tout prix ses propres objectifs, constitue pour l'Espagne —et nous pensons
qu'il devrait en être de même pour le Canada, pays allié ayant toujours respecté
le Droit International et la juridiction de la Cour— la mesure nécessaire de
Règlement pacifique des différends entre États qui se respectent et se
conduisent de façon adéquate dans leurs relations mutuelles et avec les autres
États

172. Les faits postérieurs au dépôt de la requête n'ont pas altéré sa raison d'être.

II. Le différend avec l'Espagne concernant le droit du Canada de prendre des mesures
en haute mer n'a pas été réglé par un règlement quelconque entre le Canada et la C.E.

173. En particulier, et indépendamment de la condition des États membres de la Communauté
Européenne en ce qui concerne les accords passés entre cette Organisation et les États non
membres, nous pouvons radicalement affirmer que l'accord entre la Communauté et leCanada, du 15 avril 1995, n'a pas mis fin au différend hispano-canadien ni supprimé l'objet ou
réduit la pertinence du prononcé de la Cour.

L'accord entre la Communauté Européenne et le Canada, du 15 avril 1995, contient une
multiplicité d'instruments, à savoir, un procès-verbal agréé (Agreed Minute) avec des annexes

qui en font partie, un échange de lettres et un échange de notes. Les contenus de l'accord ont
déjà été exposés dans une autre partie de ce Mémoire (Chapitre 11, Section IX). Maintenant,
rappelons simplement que l'objet principal concerne la promotion d'un système de contrôle
renforcé de l'activité de la pêche dans la zone OPAN permettant, grâce à la coopération des
Parties, une gestion rationnelle et une conservation des pêcheries. A cet effet, la Communauté
Européenne et le Canada sont convenus de l'application immédiate et provisoire d'une série de
mesures, en espérant qu'avant le 31 décembre 1995 ces mesures inclues au procès-verbal

agréé— soient contenues dans un Protocole qui entrerait en vigueur dès la signature de la
majorité des États Parties de l'O.P.A.N.

L'accord Communauté Européenne-Canada n'aurait certainement pas été négocié avec la
célérité qu'il a eu, sans la pression des faits qui ont déclenché la requête de l'Espagne à la
Cour. Cette circonstance est reflétée dans l'échange de lettres entre la Communauté et le
Canada. "I can confirm", dit-on dans la lettre du Canada,

"that the posting of a bond for the release of the vessel <<Estai>> and the
payment of bail for the release of its master cannot be interpreted as meaning
that the European Community or its Member States recognise the legality of
the arrest or the jurisdiction of Canada beyond the Canadian 200-mile zone
against fishing vessels flying the flag of another State",

en ajoutant:

"I can also confirm that, expeditiously, the Attorney General of Canada will
consider the public interest in his decision on staying the prosecution against
the vessel 'Estai' and its master; in such case, the bond, bail and catch or its
proceeds will be returned to the master".

La lettre de la Communauté Européenne, après avoir reproduit le texte de la lettre canadienne,
exprimait son accord, entendant (understanding) que:

"for the European Community, the stay of prosecution against the « Estai » and
its master is essential for the application of the said Agreed Minute, and

therefore the bond, bail and the catch or its proceeds must be returned to the
master on the date of the signature of the Agreed Minute".

174. La satisfaction de ces conditions (184) et la conclusion de l'accord ont apaisé la situation
et évité que l'Espagne se trouve dans l'obligation de solliciter des mesures conservatoires, ce
qui semblait imminent et inévitable au début du mois d'avril. L'accord devait aussi permettre
le développement de la procédure devant la Cour dans des termes dépourvus de tensions non

souhaitées (185). Cependant, on ne peut en aucune façon prétendre que le différend hispano-
canadien n'existe plus ou que les éléments qui le configurent et qui sont traduits dans le
petitum du Royaume d'Espagne, aient été substantiellement altérés. Celui-ci est toujours en
cours puisqu'aucun point n'a encore été satisfait par le Canada.175. Tout d'abord, nous devons attirer l'attention sur la précarité de l'accord inclus dans le
procès-verbal agréé, qui comme il est prévu à l'alinéa E prendra fin, en tout cas, le 31
décembre 1995, même si l'OPAN n'est encore parvenue à adopter les mesures décrites dans
l'accord à cette date.

En deuxième lieu, nous devons souligner la faiblesse des engagements pris. En effet, pour la
Communauté Européenne (alinéa C.1, paragraphe 2 du procès-verbal agréé):

« any re-insertion by Canada of vessels from any European Community
Member State into its legislation which subjects vessels on the high seas to
Canadian jurisdiction will be considered as a breach of this Agreed Minute »
(186).

N'est-ce pas la moindre des choses? C'est la redécouverte de la màxime de Jean de la Palisse.
La violation du procès-verbal agréé ne serait à peine que le dernier grain d'un chapelet
d'infractions commises contre les normes internationales et imputables au Canada.

Le plus important est, en tous cas, que le retrait du Règlement du 3 mars 1995 qui appliquait,

en particulier, aux bateaux de pêche de l'Espagne et du Portugal les dispositions de la Loi sur
la protection des pêches côtières, du 12 mai 1994 (alinéa C.1, paragraphe 1er., du procès-
verbal agréé), est non seulement dépourvu de toute garantie de continuité et de toute sanction
en cas de non-respect, mais elle coexiste aussi avec la vigueur réaffirmée de la loi qui lui sert
de base et dont l'illégalité internationale est dénoncée par le Royaume d'Espagne.

L'accord Communauté Européenne-Canada ne signifie malheureusement pas un engagement

inconditionnel et irrévocable de la part du Canada l'empêchant de répéter toute tentative
d'exercice de sa juridiction, en ayant éventuellement recours aux moyens coercitifs, sur des
bateaux battant pavillon étranger —et en particulier des États membres de la Communauté—
qui naviguent et pêchent en haute mer, au-delà de sa zone de pêche. La Loi sur la protection
des pêches côtières est toujours en vigueur au Canada; celui-ci ne reconnaît pas avoir agi en
violant le Droit International; il n'accepte donc pas l'obligation de satisfaire la réparation
correspondante. Peu importe ce que le Canada a pu convenir avec la Communauté

Européenne dans son accord du 15 avril 1995; le différend avec le Royaume d'Espagne est
toujours intact, et le Canada persiste dans son fait illicite.

Le Canada peut réintroduire à n'importe quel moment le Règlement du 3 mars 1995 ou toute
autre mesure permettant d'en déduire des effets équivalents. Bien plus, même la Loi sur la
protection des pêches côtières est une menace constante centrée sur les bateaux battant
pavillon étranger qui naviguent et exercent l'activité de la pêche dans les Grands Bancs de

Terre-Neuve, au-delà de la zone de pêche du Canada (187). A ce propos, nous devons
rappeler que sous la qualification unilatérale et discriminatoire de pavillons de complaisance,
les bateaux de certains pays des Caraïbes et de l'Afrique sont la cible du règlement toujours en
vigueur du 25 mai 1994 (188).

La détermination du Gouvernement du Canada de poursuivre une politique d'expansion

unilatérale de juridiction sur les espaces marins internationaux annonce, sans aucun doute,
une reprise des incidents pouvant être extrêmement graves et exige impérieusement un
prononcé judiciaire qui empêche la tentation de recommencer les comportements prétendant
le changement des normes générales et coutumières de la mer à travers leur violation massive
et systématique, ainsi qu'à travers le recours continu à la force (189). L'acte unilatéral,lorsqu'il prétend s'imposer à l'exercice légitime de la souveraineté des autres, est tout
simplement un acte de domination (190).

L'accord entre la Communauté Européenne et le Canada du 15 avril 1995, last but not least,
n'avait l'intention, à aucun point de vue, de mettre fin au différend juridique entre la

Communauté Européenne —et au moins l'un de ses États membres, le Royaume d'Espagne—
et le Canada. Ce dernier s'obstine dans une politique unilatérale, impliquant l'éventuel recours
à la force en haute mer sur des bateaux battant pavillon étranger, ainsi que sur leurs
équipages, dans le but de satisfaire des objectifs d'expansion, une politique n'ayant été
ajournée que pour des raisons tactiques. Sur ce point, le procès-verbal agréé (alinéa D. 1) est
parfaitement clair:

"The European Community and Canada maintain their respective positions on
the conformity of the amendment of 25 May 1994 to Canada's Coastal
Fisheries Protection Act, and subsequent regulations, with customary
international law and the NAFO Convention. Nothing in this Agreed Minute
shall prejudice any multilateral convention to which the European Community
and Canada, or any Member State of the European Community and Canada,
are parties, or their ability to preserve and defend their rights in conformity

with international law, and the views of either Party with respect to any
questions relating to the Law of the Sea" (191).

176. Si l'accord entre la Communauté Européenne et le Canada maintient intacts les droits de
la Communauté et du Royaume d'Espagne en tant qu'État membre de l'Organisation dans les
domaines de compétence qui lui ont été transférés, cet accord n'aurait pu disposer, en aucun

cas, des droits de l'Espagne en tant qu'État souverain dans les domaines de compétence qui lui
sont propres.

La pêche —et plus concrètement la gestion et la conservation des ressources de pêche —est,
en effet, une compétence communautaire (192). C'est donc à la Communauté qu'il revient,
autant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et dans ses relations avec des États non-membres et des
Organisations internationales, de développer une politique commune. Cela est fait en adoptant

de mesures de gestion et de conservation des pêcheries ainsi que des mesures d'exécution de
celles-ci (à moins que les États membres y soient habilités à cet effet). Ceci peut également
être fait par la voie des règlements dans les espaces marins sous la juridiction des États
membres, ou encore par des accords avec d'autres États et des résolutions des Organisations
Internationales, telle que l'OPAN, dont la Communauté Européenne fait partie. L'Espagne,
comme les autres membres de la Communauté, ne fait pas partie de cette Organisation. Elle
n'y participe qu'à travers les institutions communautaires (193).

Cependant, il n'existe pas de pavillon communautaire. Les bateaux —et l'exercice sur eux de
la juridiction— relèvent toujours d'une compétence souveraine des États. Le Canada devait en
être conscient lorsque dans son Règlement du 3 mars 1995 il prétendait interdire l'activité de
la pêche aux bateaux battant pavillon espagnol et portugais eo nomine.

Voilà la ligne qui sépare ce qui fait partie de la gestion et de la conservation des pêcheries,
ainsi que de l'exécution des mesures de cette nature, de ce qui est à l'extérieur, et qui ne
faisant partie ni de la gestion ni de la conservation, revient à l'Etat.De fait, l'accord entre la Communauté Européenne et le Canada est la preuve la plus
authentique des limites de l'interprétation des mesures de gestion, de conservation et
d'exécution que le Canada semble, maintenant, vouloir étendre pour embrasser l'univers tout
entier. L'accord prouve qu'il y quelque chose d'autre. L'accord corrobore que l'étendue de la
réserve canadienne coïncide avec l'étendue des compétences transférées en matière de pêche à

la Communauté Européenne par ses États. membres. Et s'il y a encore autre chose —et il est
vrai qu'il y en a— cela reste en-dehors de l'accord et, sans aucun doute, de cette réserve.

L'objet de la requête du Royaume d'Espagne est bien concret et toujours pertinent (194). La
Cour est compétente. La requête est recevable. La Cour jugera . (195)

III. Le différend avec l'Espagne concernant le droit du Canada de prendre des mesures
en haute mer n'a pas été réglé par l'Accord sur des Stocks chevauchants et de poissons
grands migrateurs

177. Le fait que la Conférence des Nations Unies sur des Stocks Chevauchants et de Poissons

Migrateurs ait adopté l'Accord sur des Stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs
n'a aucun effet sur la recevabilité de la plainte de l'Espagne contre le Canada dans cette
instance.

178. Rien de ce que contient 'Accord adoptée n'est en désaccord avec toute position prise par
l'Espagne dans cette instance ou une autre. Comme il a été souligné ci-dessus, cependant,
beaucoup d'éléments de l'Accord sont directement contradictoires avec la position déclarée du

Canada sur l´ exercise unilatéral de la souveraineté sur les ressources des pêches en haute mer
en ce qui concerne les navires d'autres États et, en outre, éclaire la signification que l'on peut
attribuer à la réserve du Canada à la juridiction de la Cour.

179. Aucune interprétation raisonnable de la réserve du Canada ne peut se fonder sur la
signification et le contenu global à donner aux "mesures de gestion et de conservation" et aux
"mesures d'exécution" permises telles qu'elles sont décrites et envisagées dans ledit accord.

D'ailleurs, il ne faut pas oublier que le Canada lui-même a accepté la définition de "mesures
de gestion et de conservation" contenue dans la l'Accord, à savoir les mesures "... adoptées ou
appliquées de manière compatible avec les règles pertinentes du droit international telles
qu'elles ressortent de la Convention de 1982 et du présent accord" (196) .

180. Dans le présent contexte, l'élément le plus important est que rien de ce qui est contenu

dans l'Accord des Stocks chevauchants et de poisson migrateurs n'aura pas le moindre effet
sur la substance du présent différend. Tout accord ou entente englobés dans les dispositions
dudit Accord iront aussi loin que les dispositions de cet accord et pas plus loin et n'affecterait
ou ne récuserait pas, ni causerait le retrait ou la suspension de toute plainte alternative faite
auparavant par le Canada concernant la souveraineté espagnole sur des navires espagnols en
haute mer. Donc n'ont pas d'effet sur l'existence d'un "différend" aux fins de la présente
instance.

IV. La demande présentée devant la Cour Fédérale du Canada par les armateurs de
l'ESTAI.181. Le 28 juillet 1995, un "Statement of Claim" a été présenté devant "The Federal Court of
Canada Trial Division", dans lequel figurent comme "Plaintiff' José Pereira e Hijos S.A. en
tant que "a body corporate under the laws of Spain and at all times material hereto was that
owner and operator of the M.V. « ESTAI » et Enrique Dávila González as a Master Mariner
and a resident and citizen of Spain and all times material hereto was the Master of the Motor

Vessel "ESTAI"". "This action is brought against her Majesty the Queen in Right of Canada
pursuant to the provisions of the Crown Liability and Proceedings Act of Canada pursuant to
section 23 of the Crown Liability and Proceedings Act. This action is also brought against the
Attorney General of Canada in his capacity as Attorney General of Canada. The Defendant,
the Minister of Fisheries and Oceans, is the Chief Officer of the Department of Fisheries and
Oceans of the Government of Canada" (197) .

La demande consiste en la réclamation, par les demandeurs, d'une indemnité pour les
dommages et intérêts causés au navire, aux armateurs et à l'équipage du navire espagnol
"Estai", suite à l'action des garde-côtes canadiens à partir du 9 mars 1995, et aux actions
postérieures dans le port canadien et devant les tribunaux dudit pays, en incluant des
témoignages tel que "the Plaintiff Enrique Dávila González was forced to walk through a
gautlet of hostile demonstrators who had remained behind after the conclusions of the public
demonstration. During the journey, the Plaintiff Enrique Dávila González was abused, jostled

and subjected to obscenities and an assault was committed when eggs were thrown at the
Plaintiff Enrique Dávila González and Spanish, French, German and European Community
Diplomats accompanying him".

La réclamation des ressortissants espagnols n'affecte pas la requête présentée par le Royaume
d'Espagne contre la Canada devant la Cour le mars 1995. En effet, la requête espagnole

devant la Cour est présentée comme conséquence de la violation des obligations
internationales de la part du Canada concernant directement l'Etat espagnol.

Bien au contraire, ce que souligne aussi la demande individuelle présentée par les
ressortissants espagnols devant la "Federal Court of Canada" le 28 juillet 1995, est leur
conviction juridique de la façon illicite de procéder des autorités canadiennes à l'occasion des
faits qui ont commencé le 9 mars de cette année. Faits qui, pour ce motif, donnent lieu à une

demande d'indemnité pour dommages et intérêts.

V. Quelques considérations de procédure à propos de la recevabilité

182. En se référant à la lettre de l'Agent du Royaume d'Espagne du ler. mai 1995, impliquant

que, durant la réunion tenue le 27 avril entre les Parties et le Président de la Cour, on était
parvenu à un accord pour que les questions de juridiction et de recevabilité soient discutées en
premier lieu, le représentant du Canada termine sa lettre de 15 mai en remarquant que:

"However, the Order of 2 May 1995 provides, consistent with the agreement
between the Parties on 27 April, that only the question of jurisdiction should be

separately determined before any proceedings on the merits. It follows that
issues that do not involve questions of jurisdiction are not to be addressed at
this time. It is understood that the Parties retain the right to raise questions of
admissibility at an appropriate stage".Le Royaume d'Espagne souhaite souligner que dans la réunion des Parties avec le Président
de la Cour du 27 avril, le représentant du Canada ne s'est pas montré intéressé lorsqu'il a été
suggéré d'ouvrir une phase procédurale sur la juridiction et la recevabilité, ce qui laissait
entendre —du moins à l'Agent de l'Espagne— que toutes les objections préliminaires de l'Etat
défendeur étaient circonscrites à la question de la juridiction.

Cette perception a été très adéquatement traduite dans l'Ordonnance de la Cour du 2 mai
1995, dont la quatrième attendu dit:

« au cours d'une réunion que le Président de la Cour a tenu avec les
représentants des Parties le 27 avril 1995, il a été convenu qu'il serait statué
séparément, avant toute procédure sur le fond, sur la question de la

compétence de la Cour en l'espèce ... »

Le représentant du Canada constate lui-même dans sa lettre du 15 mai, lorsqu'il reconnaît
qu'au cours de cette réunion il avait été convenu que la question de la juridiction "should be
separately determined before any proceedings on the merits".

Cependant, la conclusion qu'en tire le Représentant du Canada peut conduire à des prétentions
procédurales manifestement abusives de la part de l'Etat défendeur. "It follows", dit-il, "that
issues that do not involve questions of jurisdiction are not to be addressed at this time. It is
understood that the Parties retain the right to raise questions of admissibility at an
appropriate stage".

183. Bien qu'à ce propos le Canada n'ait pas spécifié ce qu'il entend par an appropriate stage,

l'Etat défendeur ne peut prétendre à l'éventuelle instruction d'une phase procédurale séparée
de la recevabilité, dans le cas où son exception au défaut de juridiction ne prospère pas. Si le
Canada considère que la requête de l'Espagne est irrecevable, il est déjà en mesure de pouvoir
le justifier; cela ne dépend ni des contingences ni des circonstances inconnues à présent ou le
jour qu'il devra substantifier son Contre-mémoire. Que le Canada ne craigne pas d'être
contaminé par la juridiction de la Cour par le simple fait d'alléguer les motifs d'irrecevabilité
de la requête (198).

Le Canada doit répondre clairement au Royaume d'Espagne à cette phase de la procédure, en
allégeant s'il existe ou non de motifs de recevabilité dans cette affaire. Une multiplication
chronologiquement dispersée d'exceptions préliminaires ne concorde ni avec une bonne
administration de la justice ni avec la bonne foi. Et, sans aucun doute, la pratique de la Cour
n'a connu d'instance où les questions de recevabilité aient fait l'objet d'une phase procédurale

séparée.

La recevabilité a toujours accompagné la juridiction comme s'il s'agissait de sŒurs siamoises
(199), à moins que la Cour ait rattaché le traitement au fond —jusqu'à la réforme du
Règlement de 1972— ou ait considéré —après la réforme (200) — que l'exception n'avait pas
un caractère exclusivement préliminaire (201) . Ce qui, soit dit en passant, peut aussi bien
concerner une plaidoirie d'irrecevabilité que d'absence de juridiction, très souvent étoffées des

mêmes contenus ou de contenus très semblables, peut-être parce que sa distinction
conceptuelle (202) varie selon les circonstances (203).Si l'on entend que toutes les exceptions relatives à l'application et à l'interprétation des clauses
juridictionnelles relèvent essentiellement de la compétence, et de la recevabilité celles qui
reposent sur d'autres considérations (204), deux sources de confusions s'expliquent:

1) celle due à l'incorporation dans les clauses juridictionnelles d'exigences

propres à la fonction judiciaire mais existant également sans elles; et,

2) celle due au contenu hétéroclite d'une recevabilité lato sensu, qui contient,
d'une part, la considération d'office de l'existence et de l'objet du différend dans
les limites naturelles de la fonction judiciaire et les conditions formelles de
présentation d'une requête (205), et d'autre part, des exceptions purement
dilatoires (telle que le non-épuisement préalable des recours internes). Le

premier est d'un point de vue logique, préalable à l'examen de la compétence
de la Cour; le deuxième serait imprudent, en raison de son caractère, de le
traiter avant que la Cour n'ait établie sa compétence (recevabilité stricto sensu)
(206).

Toutefois, en épurant les termes, on aurait pu éviter ces confusions , mais la Cour a préféré ne

pas s'impliquer dans une tâche qu'elle a très probablement (207) considérée d'ordre secondaire
(208), fragile et inconvenable pour sa liberté d'appréciation in casu (209).

Ainsi, la logique du discours conseillant de se prononcer sur les questions de la compétence
avant de le faire sur la question de la recevabilité stricto sensu (210) a été fréquemment
compromise (211), mais cela n'a ni interféré ni perturbé la logique du calendrier conseillant
d'éviter une solution de continuité entre les différents prononcés. Il convient de constater que

selon cette logique —celle du calendrier— la pratique de la Cour a été particulièrement
persévérante (212).

184. Par ailleurs, l'article 79, paragraphe 1er., du Règlement de la Cour en vigueur stipule très
précisément que:

"Toute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité de la requête

ou toute autre exception sur laquelle le défendeur demande une décision avant
que la procédure sur le fond se poursuive doit être présentée par écrit dans le
délai fixé pour le dépôt du contre-mémoire..."

Voilà la limite de l'appropriate stage du right to raise questions of admissibility, dont fait
référence la lettre du Représentant du Canada et imposée par le Règlement de la Cour. Ce qui

signifie que:

1) Le Canada ne peut prétendre alléguer après le dépôt de son contre-mémoire
des exceptions à la recevabilité de la requête et concernant des questions
logiquement préalables à l'établissement de la compétence de la Cour en la
matière;

2) Le Canada ne peut prétendre alléguer après le dépôt de son contre-mémoire
des exceptions à la recevabilité de la requête qui ne constituent en fait qu'une
deuxième tentative pour essayer de compléter les exceptions, échouées ou
omises, à la compétence; et, 3) Le Canada ne peut prétendre alléguer après le dépôt du Contre-Mémoire des
exceptions à la recevabilité stricto sensu, c'est-à-dire des motifs en dehors des
déclarations d'acceptation de la juridiction de la Cour par les Parties dont la
considération logique vient immédiatement après l'établissement de la
compétence de la Cour en l'espèce.

Ce sera la Cour qui, si elle déclare éventuellement que l'exception présentée "n'a pas dans les
circonstances de l'espèce un caractère exclusivement préliminaire", décidera les délais de
poursuite de la procédure sur le fond (article 79, paragraphe 7, du Règlement de la Cour)
(213).

__________

CONCLUSION

Le Royaume d'Espagne prie la Cour de dire et juger que, nonobstant tout argument contraire,
sa requête est recevable et que la Cour a, et doit exercer, sa compétence dans cette affaire.

Signé: José Antonio Pastor Ridruejo.

Agent du Royaume d'Espagne

Le 28 septembre 1995.

__________

LISTE DES ANNEXES

VOLUME I

Annexe 1. "Documents judiciaires en rapport avec la caution déposée par le capitaine et les
armateurs de l´ESTAI'' (document en anglais).

Annexe 2. "Communiqué du Ministère des Affaires Étrangères et du Commerce International
du Canada", du 9 mars 1995.

Annexe 3. "Note Verbale du Ministère Espagnol des Affaires Étrangères a l'Ambassade du
Canada à Madrid", du 27 mars 1995.Annexe 4. "Note Verbale du Ministère Espagnol des Affaires Étrangères a l'Ambassade du
Canada à Madrid", du 7 avril 1995.

Annexe 5. "Rapports sur la participation de la Marine Espagnole dans les zones de pêche de la
zone OPAN".

Annexe 6. "Note Verbale 24/95 de l'Ambassade d'Espagne à Ottawa au Ministère des Affaires
Étrangères et du Commerce International du Canada", du 9 mars 1995.

Annexe 7. "Note Verbale 25/95 de l'Ambassade d'Espagne à Ottawa au Ministère des Affaires
Étrangères et du Commerce International du Canada", du 9 mars 1995.

Annexe 8. "Note Verbale du Ministère Espagnol des Affaires Étrangères a l'Ambassade du
Canada à Madrid", du 10 mars 1995.

Annexe 9. "Note Verbale du Ministère des Affaires Étrangères et du Commerce International
du Canada à l'Ambassade d'Espagne à Ottawa", du 10 mars 1995.

Annexe 10. "Déclaration du Conseil «Affaires Générales» de la Communauté Européenne",
du 6 mars 1995.

Annexe 11. "Note Verbale de la Communauté Européenne et ses États membres au Ministère
des Affaires Étrangères et du Commerce International du Canada", du 10 mars 1995
(document en anglais).

Annexe 12. "Déclaration du «Conseil Pêche» de la Communauté Européenne", du 6 avril
1995.

Annexe 13. "Déclaration communautaire en rapport avec l'arraisonnement d'un navire battant
pavillon d'un État membre", du 9 mars 1995.

Annexe 14. "Loi modifiant la loi sur la protection des pêches côtières du Canada",
sanctionnée le 12 mai 1994.

Annexe 15. "Débats de la Chambre des communes", volume 133, numéro 068, 1". session,
35'. législature. Compte Rendu Officiel (Hansard). Le mercredi Il mai 1994.

Annexe 16. "Débats du Sénat", volume 135, numéro 26, 1re. session, 35 e. législature.

Compte Rendu Officiel (Hansard). Le jeudi 12 mai 1994.

Annexe 17. "Règlement sur la protection des pêcheries côtières du Canada. Modification", du
25 mai 1994.

Annexe 18. "Note Verbale de la Communauté Européenne au Canada concernant la Loi

relative à la protection des pêcheries côtières, adoptée le 12 mai 1994".

Annexe 19. "Règlement sur la protection des pêcheries côtières du Canada. Modification", du
3 mars 1995.Annexe 20. "Lettre adressée par M. Ron MacDonald, MP Chair, House of Commons,
Standing Committee on Fisheries and Oceans, à l'Ambassadeur de la Commission
Européenne à Ottawa" (document en anglais).

Annexe 21. "Convention sur la Future Coopération Multilatérale dans les Pêches de

l'Atlantique Nord-Ouest", fait à Ottawa le 24 octobre 1978.

Annexe 22. "Communiqué du Ministère des Affaires Étrangères et du Commerce
International du Canada", du 14 avril 1995.

Annexe 23. "Presse canadienne".

Annexe 24. "Accord entre la Communauté Européenne et le Canada sur les pêcheries dans le
contexte de la Convention OPAN, constitué sous forme d'un Compte Rendu concerté".

Annexe 25. "Allocution de M. Tobin, Ministre des Pêches et des Océans au nom du Canada à
la dernière session de la Conférence des Nations Unies sur les Stocks de poissons
chevauchants et grands migrateurs" (document en anglais).

Annexe 26. "Projet de Loi C-98: Loi concernant les océans du Canada", première lecture le 14
juin 1995.

VOLUME II

Annexe 27. "Débats de la Chambre des communes", volume 133, numéro 067,1". session, 35'.
législature. Compte Rendu Officiel (Hansard). Le mardi 10 mai 1994.

Annexe 28. "Débats de la Chambre des communes", volume 133, numéro 069,1". session, 35'.
législature. Compte Rendu Officiel (Hansard). Le jeudi 12 mai 1994.

Annexe 29. "Convention sur la haute mer" et "Convention sur la pêche et la conservation des
ressources biologiques de la haute mer", Genève, le 29 avril 1958.

Annexe 30. "Communiqué du Gouvernement du Canada", du 27 mars 1995 (document en
anglais).

Annexe 31. "Demande présentée devant la Cour Fédérale du Canada par les armateurs de
l´ESTAI" (document en anglais).

NOTES

(1) "Les États parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer
reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout
autre État acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends
d'ordre juridique ayant pour objet: a. l'interprétation d'un traité;

b. tout point de droit international;

c. la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un

engagement international,

d. la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement
international".

(2) L'article 36, paragraphe 4, du Statut de la Cour stipule: "Ces déclarations seront remises au
Secrétaire Général des Nations Unies qui en transmettra copie aux parties au présent Statut

ainsi qu'au Greffier de la Cour". En ce qui concerne l'exigence du consentement comme
fondement de sa compétence et plus particulièrement les formalités exigibles pour que ce
consentement soit exprimé conformément aux dispositions de l'article 36, paragraphe 2, du
Statut, la Cour s'est déjà prononcée, notamment dans les affaires du Droit de passage sur
territoire indien (exceptions préliminaires), (C.I.J., Recueil, 1957, p. 146-147), et Temple de
Préah Vihéar. (C.I.J., Recueil, 1961, p. 31); également, Activités militaires et paramilitaires au

Nicaragua et contre celui-ci (compétence), (Recueil, 1984, p. 412).

(3) Il s'agit à cet égard de la date critique. Vid., par ex., C.I.J., Nottebohm (exception
préliminaire), Recueil, 1953, p. 122-123; Droit de passage sur territoire indien (exceptions
préliminaires), Recueil, 1957, p. 141-143; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (compétence), Recueil, 1984, p. 420-421; Id. (fond), Recueil, 1986, p. 28-29.

(4) L'article 36, paragraphe 2, du Statut constitue, avec les déclarations des Parties, "le droit
régissant la matière" (C.I.J., Nottebohm (exception préliminaire), Recueil, 1953, p. 122). Le
caractère propre de la juridiction obligatoire de la Cour, affirme ce même arrêt "est que, d'une
part, la juridiction obligatoire procède d'un accord préalable qui permet de saisir la Cour sans
accord spécial concernant le différend, et d'autre part, que pour les différends qui en relèvent,
la Cour peut être saisie par requête d'une des parties" (ib.).

(5) Vid. C.I.J., Annuaire 1993-1994, p. 95-96

(6) Vid. C.I.J., Annuaire 1993-1994, p. 91-92

(7) Vid. chapitre II de ce Mémoire, par...

(8) Vid. C.I.J., Droit de passage sur le territoire indien (exceptions préliminaires), Recueil,
1957, p. 144: "Il n'est pas nécessaire que 'la même obligation' soit définie de façon irrévocable
au moment du dépôt de la déclaration d'acceptation pour toute durée de celle-ci. Cette
expression signifie simplement que, dans les rapports entre États qui adhèrent à la disposition
facultative, tous et chacun sont liés par les obligations identiques qui existeraient à tout
moment tant que l'acceptation les lie réciproquement". La jurisprudence de la Cour a
indistinctement recours aux expressions principe de réciprocité (ib., p. 144, 145, 147;

Interhandel (exceptions préliminaires), Recueil, 1959, p. 23) et condition de réciprocité
(vid., par ex., C.P.J.I., Phosphates du Maroc, 1938, Série A/B, Nº 74, P.22; Compagnie
d'électricité de Sofia et de Bulgarie, 1939, Série A/B, nº 77, p. 81; C.I.J., Anglo-Iranian Oil
Co., Recueil, 1952, p.103; Certains emprunts norvégiens, Recueil, 1957, p. 23); parfois il a été
aussi fait référence au jeu de la réciprocité, au droit de réciprocité (vid. C.I.J., Droit depassage sur territoire indien (exceptions préliminaires), Recueil, 1957, p. 144, 148) et à la
notion de réciprocité (vid. C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (compétence), Recueil, 1984, p. 419; ainsi que Droit de passage sur territoire indien
(exceptions préliminaires), Recueil, 1957, p. 145). L'article 36, paragraphe 3, du Statut de la
Cour utilise, d'autre part, l'expression condition de réciprocité dans une acception différente

—comme condition qui suspend l'entrée en vigueur de la déclaration— qui est sans
importance pour notre approche qui veut déterminer le rôle de la réciprocité pour fixer in casu
la juridiction de la Cour en fonction des déclarations en vigueur des Parties.

(9) Vid., finalement, C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-
ci (compétence), Recueil, 1984, p. 398, 441; Id. (fond), Recueil, 1986, p. 142.

(10) "Par ces déclarations, compétence est conférée à la Cour seulement dans la mesure où
elles coïncident pour la lui conférer" (C.I.J., Anglo-Iranian Oil Co., Recueil, 1952, p. 103); "
... la compétence de la Cour dépend des déclarations faites par les Parties conformément à
l'article 36, paragraphe 2, du Statut sous condition de réciprocité; et que, comme il s'agit de
deux déclarations unilatérales, cette compétence lui est conférée seulement dans la mesure où
elles coïncident pour la lui conférer" (C.I.J., Certains emprunts norvégiens, Recueil, 1957,
p.23).

(11) ... quand une affaire est soumise à la Cour, il est toujours possible de déterminer quelles
sont, à ce moment, les obligations réciproques des Parties en vertu de leurs déclarations
respectives" (C.I.J., Droit de passage sur territoire indien (exceptions préliminaires), Recueil,
1957, p. 143).

(12) Vid. C.I.J., Anglo-Iranian Oil Co., Recueil 1952, p. 103; Certains emprunts norvégiens,
Recueil, 1957, p. 23-24; Interhandel (exceptions préliminaires), Recueil, 1959, p. 23. Avant,
C.P.I.J., Phosphate du Maroc, 1938, Série A/B, nº 74, p. 23.

(13) C.I.J., Droit de passage sur territoire indien (exceptions préliminaires), Recueil, 1957, p.
145: " ... il est clair que les notions de réciprocité et d'égalité ne sont pas des conceptions
abstraites. Elles doivent être rattachées à des dispositions du Statut ou des déclarations".

(14) L'expression « situations ou faits » a dit la C.P.J.I., Phosphates du Maroc, 1938, Série
A/B, nº 74, p. 23-24, embrasse dans une expression aussi large que possible tous les éléments
susceptibles de donner naissance à un différend. La Cour de La Haye a fait une claire
différence entre situations ou faits générateurs du différend et d'autres faits ou situations qui
constituent la source des droits revendiqués ) C.P.J.I., Phosphates du Maroc, p. 24, 26 ;
Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie, 1939, Série A/B, nº 77, p.82 ; C.I.J., Droit de

passage sur territoire indien (fond), Recueil, 1960, p. 33-36). D'autre part, « les faits et les
situations qui ont mené à un différend ne sauraient être confondus avec le différend même ».
(C.I.J., Interhandel (exceptions préliminaires), Recueil, 1969, p. 22)

(15) Le Canada n'a pas établi officiellement une zone économique exclusive, mais il a étendu
sa zone de pêche jusqu'à la limite des 200 milles. Désormais, toutes les références à ladite

zone économique devront être interprétées en ce sens.

(16) Vid. les documents en Annexe 1 de ce Mémoire.

(17) Cf. document en Annexe nº 2 du présent Mémoire.(18) Cette Note figure en Annexe nº 3 du présent Mémoire.

(19) Ce texte figure en Annexe nº 4 du présent Mémoire.

(20) Vid. les documents en Annexe nº 5 du ce Mémoire.

(21) Note Verbale nº 24/95, en Annexe nº 6 du présent Mémoire.

(22) La Note Verbale nº 25/95, du 9 mars 1995, est en Annexe nº 7 du présent Mémoire

(23) Vid. texte intégral de cette Note à l'Annexe 8 du présent Mémoire.

(24) Note nº JLO 0747, dont le texte figure en Annexe Nº 9 du présent Mémoire.

(25) Le texte de cette Note Verbale figure en Annexe nº 3 du présent Mémoire.

(26) Vid. texte de cette Déclaration communautaire en Annexe nº 10 du présent Mémoire.

(27) Le texte de cette Note se trouve en Annexe nº 11 du présent Mémoire.

(28) Ce document figure en Annexe nº 12 du présent Mémoire.

(29) Ce document figure en Annexe nº 13 du présent Mémoire.

(30) Vid. le texte de cette Loi à l'Annexe nº 14 du présent Mémoire. Ci-dessous toute
référence aux 200 milles de largeur de la zone de pêche canadienne, portera sur des milles
nautiques ou marins.

(31) Vid. Chapitre 12 de la Loi ayant rapport au point 8 du Chapitre 14 de cette Loi.

(32) Il est significatif que l'origine conceptuelle de cette "mar presencial" est dû à un officier

de marine chilien, l'amiral J. Martínez Bush ("La tâche fondamentale de cette génération est
l'occupation effective de notre mer", dans Mes del Mar, Viña del Mar, 4 mai 1990; et "El Mar
Presencial: actualidad, desafíos y futuro", dans Mes del Mar, Viña del Mar, 2 mai 1991), où la
construction devient plus globale et non exempte de considérations géostratégiques et
géopolitiques.

(33) Cf. Canada. Débats de la Chambre des communes, volume 133, numéro 068, Ire. session,
35e. législature. Compte Rendu Officiel (Hansard). Le mercredi Il mai 1994. Ce document
figure à l'Annexe 15 du ce Mémoire.

(34) Vid. ibid., pp. 4212 et 4213.

(35) Ibid., p. 4213.

(36) Cf. Ibid., p. 4215.

(37) Ibid., p. 4216.

(38) Ibid., p. 4222.(39) Ibid., p. 4217.

(40) Ibid., p. 4218.

(41) Ibid., p. 4216.

(42) Ibid., pp. 4221 et 4222.

(43) Ibid., p. 4220

(44) Cf. Débats du Sénat, le jeudi 12 mai 1994, en Annexe nº 16 du présent Mémoire.

(45) Ibid., p. 463.

(46) Ibid., p. 463.

(47) Cf. Ibid., pp. 463 et 464

(48) Cf. Ibid., pp. 465 et 466

(49) Ibid., pp. 468 et 469

(50) Ibid., p. 470.

(51) Ibid., p. 472.

(52) Ibid., p. 469.

(53) Ibid., p. 472.

(54) Le texte de ce Règlement fut publié dans la Gazette du Canada. Partie Il, vol. 128, nº 12,

du 15 juin 1994 et figure en Annexe Nº 17 du Présent Mémoire.

(55) Vid. le texte complet de cette Note Verbale à l' Annexe 18 de ce Mémoire.

(56) Vid. texte de ce Règlement dans la Gazette du Canada,, Partie 11, vol. 129, nº 6 du 22
mars 1995, en Annexe nº 19 du présent Mémoire.

(57) Vid. la lettre du 15 février 1995, adressée par Mr. MacDonald, MP Chair, House of
Commons Standing Committee on Fisheries and Oceans, à Mr. John R. Beck, Ambassadeur
de la Commission Européenne à Ottawa. Cette lettre figure en Annexe nº 20 du présent
Mémoire. Il est à noter qu'au cours des débats parlementaires de 1994, Monsieur Tobin s'était
abstenu de qualifier, ni de loin, ni de près, les bateaux de pêche espagnols dans des termes
pareils. Quant aux bateaux portugais on ne sait pas très bien s'ils sont considérés directement

navires "pirates" ou navires protégés par des pavillons de complaisance, comme le laisseraient
penser les affirmations de M. Tobin devant le Parlement en 1994.

(58) Son contenu essentiel se trouve dans les textes juridiques communautaires publiés in
extenso dans le Règlement (CEE) nº 2141/70 du Conseil, du 20 octobre 1970, portant
établissement d'une politique commune des structures dans le secteur de la pêche (Vid. letexte complet dans le Journal Officiel des Communautés Européennes (dorénavant J.O.C.E.),
Nº L 236/2, du 27 octobre 1970; Règlement (CEE) Nº 2142/70 du Conseil, du 20 octobre
1970 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la pêche (J.O.C.E. Nº L
236/ 5, du 27 octobre 1970); Règlement (CEE) Nº 100/76 du Conseil, du 19 janvier 1976,
portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche (J.O.C.E.

Nº L 20/1, du 28 janvier 1976); Règlement (CEE) Nº 101/76 du Conseil, du 19 janvier 1976,
portant établissement d'une politique commune des structures dans le secteur de la pêche
(J.O.C.E. Nº L 20/19, du 28 janvier 1976); Règlement (CEE) Nº 170/83 du Conseil, du 25
janvier 1983, instituant un régime communautaire de conservation et de gestion des
ressources de la pêche (J.O.C.E. Nº L 24/1, du 27 janvier 1983); Règlement (CEE) Nº 171/83
du Conseil, du 25 janvier 1983, prévoyant certaines mesures techniques de conservation des
ressources de la pêche (J.O.C.E. Nº L 24/14, du 27 janvier 1983) et Règlement (CEE) Nº

3760/92 du Conseil, du 20 décembre 1992 établissant un régime communautaire de la pêche
et de l'aquiculture (J.O.C.E. Nº L 389/1, du 31 décembre 1992).

(59) Articles 2 des Règlements 2141/70 et 101/76

(60) Vid. article 1 du Règlement 170/83.

(61) Vid. article 3 du Règlement 170/83

(62) Articles 2 et ss du Règlement 170/83.

(63) Cf. cette décision dans Recueil de la jurisprudence de la C.J.C.E, 1977, pp. 1279 et ss.

(64) Cette idée sera développée plus tard au chapitre V de ce Mémoire relatif à la
"recevabilité", Chap. V.

(65) Cette Convention fut l'objet du Règlement (CEE) nº 3179/78 du Conseil, du 28 décembre
1978, relatif à la ratification par la Communauté Économique Européenne de la Convention
sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique nord-ouest (LO.C.E. Nº
L 378/1, du 30 décembre 1978). Le texte de cette Convention figure à l'Annexe nº 21 du

présent Mémoire.

La Communauté est aussi partie à d'autres Conventions multilatérales créant ou réglementant
des organisations de pêche, comme c'est le cas de la Convention sur la future coopération
multilatérale dans les fonds de pêche de l'Atlantique nord-est (J.O.C.A.Nº L 227, du 12 août
1981), de la Convention pour la conservation du saumon dans l'Atlantique nord (J.O.C.E, Nº

L 378, du 31 décembre 1982, de la Convention sur la pêche et la conservation des ressources
biologiques en mer Baltique et les Belts (J.O.C.E. Nº L 237, du 26 août 1983) et de son
Protocole (J.O.C.E. Nº L. 237 de la même date) et de la Convention internationale pour la
conservation du thon de l'Atlantique ainsi que de l'Acte Final de la Conférence et le Protocole
adjoint (J.O.C.E Nº L 162, du 18 juin 1986), entre autres.

(66) Le texte complet de ce communiqué officiel figure en Annexe nº 22 du présent Mémoire.

(67) Les journaux canadiens qui rendirent publiques ces nouvelles sont repris à l'Annexe nº 23
du présent Mémoire.(68) Le contenu intégral de cet accord (traduit sous forme de "agreed Minute") et de ses
annexes, figure en Annexe nº 24 du présent Mémoire.

(69) Le texte de ce discours figure comme Annexe nº 25 de ce Mémoire.

(70) Le texte complet de ce Projet figure à l'Annexe 26 du présent Mémoire.

(71) Leo Gross a signalé que, dans la pratique, les États appliquent le principe "contracting",
en faisant la déclaration, et le principe "contracting-out", en formulant des réserves
(Compulsory Jurisdiction under the Optional Clause: History and Practice, dans L.F.
Damrosch, ed., The ICJ at a Crossroads, Dobbs Ferry, N.Y., 1987. pp. 21-22).

(72) Sir Gerard Fitzmaurice, The Law and Procedure of the I.C.J., II, Cambridge, 1986, p.
512. "Consent and willingness may coincide or they may not —remarque plus loin
Fitzmaurice— but they are quite distinct concepts. Probably when it comes to the point of
actual proceedings, very few States submit willingly to compulsory arbitration or
adjudication; but they may have consented to do so, and must then act accordingly. Consent
does not necessarily, and certainly in law need not imply willingness" (ib., p. 742).

(73) Vid. E. Lauterpacht, Aspects of the Administration of International Justice, Cambridge,
1991, p. 50. Il confirmait ainsi une observation qui avait été faite par H. Lauterpacht quarante
ans plus tôt pour mettre en exergue l'importance des problèmes juridictionnels à la Cour
"...with few exceptions, in all cases in which a defendant State has been brought before the
Court by unilateral application, it has pleaded to the jurisdiction of the Court" (The
Development of I.L. by the International Court, Londres, 1958, p. 94). Dans des termes

semblables s'était exprimé le juge Lauterpacht dans son op. ind. dans Certains emprunts
norvégiens (Recueil, 1957, p. 64). De même, dans son op. diss. dans l'affaire Interhandel
(exceptions préliminaires), le juge Lauterpacht remarquait "qu'il est vrai qu'une fois ce
consentement donné, la Cour n'acceptera pas qu'il soit fait obstacle à l'obligation ainsi
assumée, ou à l'efficacité de cette obligation, par des considérations d'ordre technique et des
échappatoires" (C.I.J., Recueil, 1959, p. 114).

(74) Même si la juridiction était établie sur un autre fondement (par ex. le forum
prorrogatum).

(75) C.I.J., Demande en révision et en interprétation de l'arrêt du 24 février 1982 en l'affaire
du Plateau continental, Recueil, 1985, p. 216. La Cour le rappelle dans Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond), Recueil, 1986, p. 33.

(76) Dans ce cas, il serait correct d'appliquer l'article 53 du Statut: il accorde à la Partie
présente le droit de demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions, la Cour, avant d'y faire
droit, doit s'assurer qu'elle a compétence.

(77) ... la Requête du Gouvernement français se fonde clairement et précisément sur les
déclarations de la Norvège et de la France aux termes de l'article 36, paragraphe 2, du Statut.

Dans ces conditions, la Cour ne saurait rechercher, pour établir sa compétence, un fondement
autre que celui que le Gouvernement français a lui-même énoncé dans sa Requête, et sur
lequel l'affaire a été plaidée devant la Cour par les deux Parties" (C.I.J., Certains emprunts
norvégiens, Recueil, 1957, p. 25). A ce propos, l'attitude de la Cour en ce qui concerne ladite
réserve automatique semble particulièrement illustrative. La Cour n'est pas entrée dans laconsidération ex officio de la validité de la réserve (ni de la déclaration qui la contient): bien
au contraire, elle a fait abstraction du problème et a décidé d'appliquer la réserve en
considérant que les deux parties l'acceptaient (Recueil, 1957, p. 26-27). Il en est de même
dans l'affaire Interhandel (Mesures conservatoires, Recueil, 1957, p. 105 et suivantes et dans
Exceptions préliminaires, Recueil, 1959, p. 6 et suivantes.). La Cour s'est prononcée en

faisant référence à une autre exception soulevée par le défendeur —et relative à l'irrecevabilité
de la requête— et la réserve automatique a été la seule exception dont la Cour a considéré
qu'elle ne devait pas se prononcer (Recueil, 1959, p. 26, 29).

(78) Vid. Chapitre IV de ce Mémoire.

(79) "La saisine de la Cour est une chose, l'administration de la justice en est une autre", avait

averti la Cour elle-même dans affaire Nottebohm (exception préliminaire), Recueil, 1953, p.
122. Vid. aussi op. ind. du juge H. Lauterpacht et op. diss. du juge Guerrero en l'affaire
Certains emprunts norvégiens (C.I.J., Recueil, 1957, p. 45-46 et 69).

(80) La C.I.J., a clairement établi en l'affaire Nottebohm (exception préliminaire), (Recueil,
1953, p. 119-120) que l'article 36, paragraphe 6, du Statut lui accorde la capacité de décider

sur toute question relative à sa compétence. Aussi, Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (compétence), Recueil, 1984, p. 425.

(81) Vid. C.P.J.I., Phosphates du Maroc, 1938, Série A/B, nº 74, p. 23; Compagnie
d'électricité de Sofia et de Bulgarie, 1939, Série A/B, nº 77, P. 76, 87; C.I.J., Anglo-Iranian
Oil Co., Recueil, 1952, p. 104-105; Droit de passage sur territoire indien (exceptions
préliminaires), Recueil, 1957, p. 146; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et

contre celui-ci (compétence), Recueil, 1984, p. 418.

(82) Vid C.I.J., Anglo-Iranian Oil Co., Recueil, 1952, p. 105; C.P.J.I., Phosphates du Maroc,
1938, Série A/B, nº 74, p. 22. Et aussi op. diss. des juges Jennings et Schwebel dans Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (compétence), Recueil, 1984, p. 546
et 620.

(83) "Ordinary canons of treaty interpretation ought, in principle, to apply", considérait G.
Fitzmaurice (The law and procedure of the ICJ, Il, cit., p. 503). Ce point a été exprimé avec
grande précision par le juge Read, dans son op. diss. en l'affaire Anglo-Iranian Oil Co.
(Recueil, 1952, p. 142, 145). Le juge canadien ne trouvait pas la raison pour laquelle la
rédaction unilatérale des déclarations d'acceptation de la juridiction de la Cour rendrait
inapplicables les principes du Droit International qui régissent l'interprétation des traités.

(84) En invoquant des exigences de bonne foi, la Cour a appliqué par analogie les règles du
Droit des Traités aux déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour dans
d'autres domaines, comme celui de sa dénonciation (vid. C.I.J., Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (compétence), Recueil, 1984, p.420).

(85) Vid. C.I.J., Plateau continental de la mer Egée, Recueil, 1978, p. 17 et suivantes, en

particulier p. 21-37, où la Cour raisonne sur une réserve à la juridiction de la Cour en vertu
d'un traité (articles 17 et 39 de l'Acte Général d'Arbitrage de 1928 en relation aux articles 36,
paragraphe 1 et 37 du Statut de la Cour) son raisonnement pouvant être parfaitement remplacé
par le discours que l'on aurait pu espérer si l'interprétation de cette réserve avait été posée
dans le cadre d'une déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Courconformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut; en fait, la Cour se réfère dans certains
points de son raisonnement (p. 22, 23, 29) aux deux sortes de réserves indistinctement et elle
utilise le texte des réserves du demandeur à sa déclaration d'acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, pour corroborer son
interprétation sur les réserves du demandeur qui est obligé par l'Acte, Général (p. 23-26).

(86) Vid. C.I.J., Compétence en matière de pêcheries (compétence de la Cour), Recueil, 1973,
p. 15.

(87) Vid. Op. diss. com. dans Essais nucléaires (C.I.J., Recueil, 1974, p. 350-352). En
relation, en particulier, au Pacte de Bogota du 30 avril 1948 (articles XXXI et LV, celui-ci en
relation à la formulation de réserves au Pacte y compris par conséquent l'article XXXI, qui "à

titre de réciprocité, s'appliqueront à tous les États signataires en ce qui concerne l'état qui les a
fait", Vid. C.I.J., Actions armées frontalières et transfrontalières (compétence et recevabilité),
Recueil, 1988, p. 69 et suivantes, spéc. p. 85-88. L'analogie en matière d'interprétation entre
réserves aux traités et réserves aux déclarations conformément à l'article 36, paragraphe 2, du
Statut de la Cour est, par ailleurs, parfaitement compatible avec l'indépendance de ses effets et
avec sa dynamique différente: les réserves des déclarations ne sont pas nécessairement
soumises au régime stricte de formulation et d'acceptation/objection propre aux réserves faites

aux traités. Remarque la Cour dans le cas dernièrement cité (Recueil, 1988, p. 85): "En
l'absence de dispositions procédurales spéciales, ces réserves peuvent conformément aux
règles du droit international général applicables en la matière, telles que codifiées par la
convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, être formulées seulement au moment de
la signature ou de la ratification du pacte ainsi que de l'adhésion à cet instrument". Vid. aussi
sur ce point les remarques très intéressantes contenues en l'opinion individuelle du juge

Shahabuddeen (ib., p. 138-144).

(88) Vid. dernièrement C.I.J., Délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar
et Bahreïn (compétence et recevabilité) Recueil, 1994, p. 122, où la Cour remarque, à propos
de l'intention de l'une des Parties de signer ou de ne pas signer un accord, qu': "une telle
intention, même si elle était établie, ne saurait prévaloir sur les termes mêmes de l'instrument
concerné". Et aussi, dans la même affaire: " ... quelles qu'aient pu être les motivations de

chacune des Parties, la Cour ne peut que s'en tenir aux termes mêmes du procès-verbal
traduisant leur commune intention et à l'interprétation qu'elle en a déjà donnée" (Recueil,
1995, p. 22).

(89) C.I.J., Temple de Préah Vihéar (exceptions préliminaires), Recueil 1961, p. 32: " ... la
Cour estime qu'elle doit interpréter la déclaration thaïlandaise de 1950 selon ses mérites et
sans idée préconçue ou a priori, pour déterminer quels en sont le sens et l'effet véritables,

quand cette déclaration est lue dans son ensemble et en tenant compte de son but connu, qui
n'a jamais fait de doute". "Ce faisant", ajoute l'arrêt, "la Cour doit appliquer ses règles
normales d'interprétation dont la première est, d'après sa jurisprudence bien établie, qu'il faut
interpréter les mots d'après leur sens naturel et ordinaire dans le contexte où ils figurent". Ces
règles avaient déjà été énoncées par la Cour permanente dans l'avis consultatif concernant
l'affaire du Service postal polonais à Dantzig: "C'est un principe fondamental d'interprétation
que les mots doivent être interprétés selon le sens qu'ils auraient normalement dans leur

contexte, à moins que l'interprétation ainsi donnée ne conduise à des résultats déraisonnables
ou absurdes" (C.P.J.I. Série B, Nº 11, p. 39); puis elles ont été rappelées par la Cour dans son
avis consultatif sur la Compétence de l'Assemblée générale pour l'admission d'un État aux
Nations Unies (C.I.J., Recueil, 1950, p. 8). D'autre part, en l'affaire du Sud-Ouest africain(exceptions préliminaires) la Cour a averti que quand la règle d'interprétation selon laquelle il
faut s'en remettre au sens ordinaire et naturel des mots aboutit à "un résultat incompatible
avec l'esprit, l'objet et le contexte de la clause ou de l'acte où les termes figurent, on ne saurait
valablement lui accorder crédit" (C.I.J., Recueil, 1962, p. 336).

(90) Dans Anglo-Iranian Oil Co., la Cour —ayant rejeté "une interprétation purement
grammaticale du texte" parce qu'elle estime "que les deux thèses (iranienne et britannique)
sont compatibles avec le texte"— invite à "rechercher l'interprétation qui est en harmonie avec
la manière naturelle et raisonnable de lire le texte, eu égard à l'intention du Gouvernement de
l'Iran à l'époque où celui-ci a accepté la compétence obligatoire de la Cour". Il faudrait, dit la
Cour, "des raisons spéciales et bien établies" pour s'éloigner de cette règle; puisque dans ce
cas il n'y en a pas, la déclaration "doit être interprétée telle qu'elle se présente, en tenant

compte des mots effectivement employés". Dans ce cas l'intention excluante de l'Iran était
avalisée par sa dénonciation préalable des traités relatifs au régime des capitulations: "(Dans
ces conditions) on peut donc raisonnablement admettre que, quand le Gouvernement de l'Iran
se disposait à accepter la compétence obligatoire de la Cour, il entendait exclure de cette
compétence tous les différends pouvant se rapporter à l'application des conventions
capitulaires; la déclaration a été rédigée sur la base de cette intention". La Cour analyse
l'intention de l'État déclarant pour fixer l'étendue du consentement de sa juridiction, s'en

tenant aux raisons d'exclusion que pourrait avoir un État qui ayant dénoncé lesdits traités avait
toutefois des doutes sur les effets juridiques de sa dénonciation, et elle parvient à la
conclusion que "l'intention manifeste du Gouvernement de l'Iran était d'exclure de la
compétence de la Cour les différends relatifs à l'application de tous traités ou conventions
acceptés par lui avant la ratification de la déclaration" (Recueil, 1952, p. 104-106). Le Canada
n'a, par contre, pas dénoncé les conventions en vigueur dans la zone OPAN... Vid. aussi.

C.I.J., Droit de passage sur territoire indien (exceptions préliminaires), Recueil, 1957, p. 142
où sont interprétés "dans leur sens ordinaire" les mots utilisés dans la déclaration portugaise;
de même, Temple de Préah Vihéar (exceptions préliminaires), Recueil, 1961, p. 32-33, où se
référant à l'arrêt de l'Anglo-Iranian Oil Co., la Cour rappelle que le principe d'interprétation en
fonction du sens ordinaire n'impose pas toujours l'interprétation purement littérale des mots et
des phrases, et invoquant l'avis consultatif sur le Service postal polonais à Dantzig (C.P.J.I.,
1925, Série B, nº 11), elle précise que ce principe ne s'applique pas lorsque l'interprétation

ainsi donnée conduit à des résultats déraisonnables ou absurdes: le cas d'une contradiction
entrerait clairement dans cette catégorie, conclut la Cour. Vid aussi Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond), Recueil, 1986, p. 31.

(91) « Clever drafting cannot insure against the risk that the Court might refuse to give
jurisdictional reservations their intended effect", a pu affirmé en connaissance de cause A. D.
Sofaer, Legal Adviser du Département d'Etat (dans une lettre adressée a A. D'Amato le 3

décembre 1985, et que ce dernier a cité dans "The U.S. should accept, by a new declaration,
the general compulsory jurisdiction of the World Court", A.J.I.L., 1986, p. 332).

(92) Vid. à ce propos C.I.J., Plateau continental de la mer Egée, Recueil, 1978, p. 21 et
suivantes.

(93) Vid. à ce propos C.I.J., Droit de passage sur territoire indien (exceptions préliminaires),

Recueil 1957, p. 146; et aussi, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (compétence), Recueil 1984, p. 418, où la Cour, après avoir reconnu que les
déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour sont des engagements
facultatifs, de caractère unilatéral, elle remarque que ce caractère "n'implique pourtant pas quel'Etat déclarant soit libre de modifier à son gré l'étendue et la teneur de ses engagements
solennels", en évoquant l'important dictum des arrêts dans les affaires Essais nucléaires
(Recueil, 1974, p. 267 et p. 472) sur les effets obligatoires des actes unilatéraux: " ... Quand
l'Etat auteur de la déclaration entend être lié conformément à ses termes, cette intention
confère à sa prise de position le caractère d'un engagement juridique, l'Etat intéressé étant

désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration". En fait,
ajoute la Cour en 1984, les déclarations "bien qu'étant des actes unilatéraux, établissent une
série de liens bilatéraux avec les autres États qui acceptent la même obligation par rapport à la
juridiction obligatoire, en prenant en considération les conditions, réserves et stipulations de
durée ......

(94) Vid. C.I.J., Plateau continental de la mer Egée, Recueil, 1978, p. 29, où, après avoir cité

les décisions de la Cour dans les affaires Anglo-Iranian Oil Co., Recueil, 1952, p. 104, Droits
des minorités en Haute-Silésie (écoles minoritaires), C.P.J.L., 1928, Série A, nº 15, p.22, et
Phosphates du Maroc, C.P.J.I., 1938, Série A/B, nº 74, p. 22-24, la Cour remarque ce qui suit:
"il ressort clairement de cette jurisprudence que, pour interpréter la réserve.... il convient de
prendre en considération l'intention du Gouvernement de la Grèce à l'époque où celui-ci a
déposé son instrument d'adhésion à l'Acte général".

(95) Dans l'affaire Anglo-Iranian Oil Company, la Cour a consulté les travaux préparatoires
de la déclaration de l'Iran, en particulier la loi d'autorisation de la déclaration, pour vérifier et
confirmer l'intention du déclarant. Recueil 1952, pp. 106 y 107.

(96) C.I.J., Pleadings, Anglo-lranian Oil Co., p. 525

(97) C.P.J.I., Emprunts brésiliens, 1929, Série A, nº 21, p. 114: "C'est une règle bien connue
d'interprétation des actes que, là où l'on constante une ambiguïté, il faut les prendre contra
proferentem". Et aussi op. diss. du juge Anzilotti, dans l'affaire Réforme agraire polonaise et
minorité allemande, Série A/B, Nº 58, p. 182. Très récemment, le juge Shahabuddeen, en
faisant allusion à ces préceptes a proposé qu' "un principe d'interprétation similaire à la règle
contra proferentem s'applique lorsqu'il s'agit de lever une ambiguïté. Comme les auteurs le
conseillent, ce principe doit être appliqué avec circonspection à l'interprétation des traités",

ajoute le juge, " ... pourtant, son fond de logique irréductible lui vaut de n'être pas entièrement
écarté" (op. diss. dans Délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et
Bahreïn (compétence et recevabilité), Recueil, 1995, p. 56).

(98) Vid., par exemple, T.A.M. germano-roumain, Affaire Wietzenhoffer, Recueil T.A.M.,
1926, vol. V., p. 936, et plus récemment la Sentence Arbitrale du 16 mai 1980 dans l'Affaire
de la Dette extérieure allemande, où l'on affirme que: "The contra proferentem principle is in

fact a generally accepted rule of interpretation in international law" (R.S.A., vol. XIX, p. 110).

(99) D. Anzilotti, Cours de DI, Paris, 1929, p. 113: "Une disposition d'un traité doit, en cas de
doute, être interprétée contre celle des parties qui l'a rédigée et qui aurait pu et du s'exprimer
plus clairement". Aussi Ch. Rousseau, Principes généraux du DIP, t. I, Paris, 1944, p. 744-
748; Lord Mc Nair, The law of treaties, Oxford Clarendon Press, 1961, p. 464-465; Ch. de

Visscher, op. cit., p. 110-112.

(100) "L'un des principes de base qui président à la création et à l'exécution d'obligations
juridiques, quelle qu'en soit la source, est celui de la bonne foi. La confiance réciproque est
une condition inhérente de la coopération internationale, surtout à une époque où, dans biendes domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable. Tout comme la règle du
droit des traités pacta sunt servanda elle-même, le caractère obligatoire d'un engagement
international assumé par déclaration unilatérale repose sur la bonne foi. Les États intéressés
peuvent donc tenir compte des déclarations unilatérales et tabler sur elles; ils sont fondés à
exiger que l'obligation ainsi créée soit respectée" (C.I.J., Essais nucléaires, Recueil, 1974, p.

268 et 473).

(101) C.P.J.I., Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, 1932, Série A/B, nº 46,
p. 138-139; vid. aussi, Phosphates du Maroc, 1938, Série A/B, nº 74, p. 23-24. Il faut
cependant rappeler que dans d'autres phases de la même affaire des Zones franches la Cour
permanente a considéré que "dans le doute, les clauses d'un compromis par lequel la Cour est
saisie d'un différend doivent, si cela n'est pas faire violence à leurs termes, être interprétées

d'une manière permettant à ces clauses de déployer leurs effets utiles" (Ordonnance du 19
août 1929, Série A, Nº 22, p. 13) et que s'il est possible d'interpréter le compromis de manière
à permettre à la Cour d'accomplir sa tâche, tout en respectant l'idée essentielle qui est à la base
dudit compromis, "c'est cette interprétation qui doit être préférée" (Ordonnance du 6
décembre 1930, Série A, Nº 24, p. 14).

(102) "Si les clauses de juridiction sont de stricte interprétation, en revanche" nous dit Charles

de Visscher (Problèmes d'interprétation judiciaire en DIP, Paris, 1963, p. 201), n'est
aucunement justifiée la thèse selon laquelle leur interprétation restrictive, celle qui reste
endeça de ce qu'autorise le sens naturel des termes employés, serait de rigueur. C'est là une
proposition tendancieuse, écho attardé de la tradition des arbitrages par commission mixte du
XIXe siècle. Elle exprime moins la juste préoccupation du juge de ne jamais franchir la limite
de ses pouvoirs que les résistances politiques des gouvernements au règlement judiciaire. Le

juge international respecte une volonté qui se restreint; il est sans complaisance pour une
souveraineté qui se dérobe".

(103) C.I.J., Anglo-Iranian Oil Co., Recueil, 1952, p. 143-144. Aussi. Hackworth, (ib., p.
140): "Il ne rentre pas dans les fonctions de la Cour d'attribuer à une telle déclaration une
signification plus large ou plus restrictive que celle que l'Etat lui-même a jugé approprié de lui
donner. Notre tâche consiste à rechercher le sens ordinaire et raisonnable qui correspond le

plus étroitement aux intentions de l'Etat telles qu'elles sont traduites par la terminologie qu'il a
lui-même employée".

(104) En faisant référence aux actes unilatéraux comme source d'obligations juridiques ainsi
qu'aux expectatives qu'ils créent dans d'autres États la Cour a souligné qu'il faut respecter
dans les relations internationales les principes de bonne foi et de confiance en termes
particulièrement clairs dans les affaires Essais Nucléaires (C.I.J., Recueil, 1974, p. 268 et

473), largement évoqués dans Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (compétence), (C.I.J., Recueil, 1984, p. 418), en soulignant le role essentiel de ces
principes (vid. supra note 103).

(105) Vid. aussi sous cette perspective l'arrêt de la C.I.J. dans Temple de Préah Vihéar
(exceptions préliminaires), Recueil, 1961, p. 32-33.

(106) Vid. C.P.J.I., Usine de Chorzôw, 1927, Série A, nº 9, p. 32, qui rejette l'argument selon
lequel, en cas de doute, la Cour devra décliner sa juridiction, en allégant que lorsqu'elle
considère être en état ou pas d'exercer sa juridiction, l'objectif de la Cour consiste toujours à
vérifier l'intention des Parties à ce propos. Et aussi, C.P.J.I., Phosphates du Maroc, 1938,Série A/B nº 74, p. 23-24. Le juge De Castro (op. dissidente en l'affaire Plateau continental de
la mer Egée, Recueil, 1978, p. 70), a soutenu que: "l'interprétation stricte est en général
appropriée à toute réserve. Sa nature d'exception à une déclaration de caractère général fait
qu'on doit appliquer à la réserve la règle traditionnelle exceptio strictissimi interpretationis".

(107) C.I.J., Actions armées frontalières et transfrontalières (compétence et recevabilité),
Recueil, 1988, p. 76: "L'existence de la compétence de la Cour dans un cas particulier (est)
une question de droit qui doit être tranchée à la lumière des faits pertinents. L'établissement de
ces faits peut entraîner des problèmes de preuves. Mais en l'espèce, les faits ... ne sont pas
contestés; ce qui est en cause, ce sont les effets juridiques à attacher à ces faits".

(108) On peut appliquer aux déclarations qui se basent sur l'article 36, paragraphe 2, du Statut,

ce que le juge Kellogg prêchait des engagements de soumission d'une affaire à la Cour, à
savoir, qu'il "doit être considéré comme contenant en guise d'annexe tacitement ajoutée, tous
les articles pertinents du Statut de la Cour" (obs. Kellogg, Zones franches de la Haute-Savoie
et du Pays de Gex, Série A, Nº 24, p. 33). En ce sens, op. diss. Armand-Ugon dans
Interhandel (exceptions préliminaires), Recueil, 1959, p. 92. Dans la même affaire, le juge H.
Lauterpacht (ib., p. 104-105) prévient: "La Cour est la gardienne de son Statut... Les
gouvernements ne possèdent pas un droit illimité de formuler des réserves".

(109) La Cour s'est expressément prononcée sur la compatibilité avec l'article 36, paragraphe
2, du Statut, de la troisième condition de la déclaration portugaise du 19 décembre 1959, qui
avait été contestée par l'Inde, État défendeur sur la base de cette déclaration. L'Inde soutenait
la nullité de cette condition parce qu'elle était incompatible avec l'objet et la fin de la clause
facultative, ce qui entraînait la nullité de la déclaration et, par conséquent, l'incompétence de

la Cour à être saisie de la requête portugaise (première exception préliminaire). La Cour a
rejeté tous les motifs allégués par l'Inde, parce qu'elle considérait que la troisième condition
de la déclaration du Portugal était compatible avec le Statut; elle a donc conclu qu'elle ne
devait plus examiner si, en cas de nullité, celle-ci devait également concerner l'ensemble de la
déclaration (C.I.J., Droit de passage sur territoire indien (exceptions préliminaires), Recueil,
1957, p. 141-144). Par contre, la Cour ne s'est pas prononcée sur la réserve d'exclusion de sa
compétence dans les affaires qui correspondent exclusivement ou essentiellement à la

juridiction interne à l'Etat en fonction de la détermination faite par les autorités de l'Etat
déclarant lui-même (réserve automatique): vid. C.I.J., Certains emprunts norvégiens, Recueil,
1957, p. 9 et suivantes, où la Cour a interprété la réserve française au profit de la Norvège,
sans préjuger la question de sa compatibilité avec l'article 36, paragraphe 6, du Statut (p. 26-
27); Interhandel (mesures conservatoires), Recueil, 1957, p. 105, où la Cour a rejeté les
mesures demandées, en allégant que son adoption n'était pas justifiée en raison des
circonstances du cas; Id., (exceptions préliminaires), Recueil, 1959, p. 6, où la Cour a

considéré irrecevable la requête en acceptant une autre exception alléguée par le Statut
défendeur (le non épuisement des recours internes).

(110) Op. ind. du juge H. Lauterpacht et op. diss. des juges Guerrero et Read dans Certains
emprunts norvégiens, Recueil, 1957, p. 34-36, 42-66, 67-70 et 91-96; Déclar. du juge
Wellington Koo et op. ind. des juges Klaestad et H. Lauterpacht dans Interhandel (mesures
conservatoires), Recueil, 1957, p. 113-114, 115-116 et 117-120); op. ind. du juge Spender et

op. diss. des juges Klaestad, Armand-Ugon et, de nouveau, Lauterpacht dans Interhandel
(exceptions préliminaires), Recueil, 1959, p. 54-59, 75-78, 91-94 et 95-119). Vid. aussi op.
diss. du juge ad hoc Chagla dans Droit de passage sur territoire indien (exceptionspréliminaires), Recueil, 1957, p. 166-168); ainsi que, op. diss. De Castro, dans Essais
nucléaires (Recueil, 1974, p. 376-377).

(111) L'expansion agressive de sa juridiction sur les espaces marins et la détermination
d'entreprendre des actions unilatérales pour parvenir à ses objectifs, en ignorant —si besoin

est— le Droit International et les instances judiciaires qui le régissent, ont été énoncées par les
États Unis dans l'affaire de la Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du
Maine, (Réplique, 1 et II, par. 13-29) comme des traits marquants de la politique du Canada
en cette matière.

(112) Vid. Plateau continental de la mer Egée, Recueil, 1978, p. 33, où l'on remarque, dans un
autre contexte, "le lien étroit et nécessaire entre une clause juridictionnelle et les réserves dont

elle fait l'objet".

(113) C.I.J., Recueil, 1957, p. 142.

(114) "The question is", répliquait Alice, "whether you can make words mean so many
different things". "The question is", décrétait Humpty Dumpty, "which is to be the master.

That's all" (Lewis Carroll, "Through the looking glass and what Alice found there", dans The
Annotated Alice, Londres, Penguin Books, p. 269).

(115) L'expression est utilisée dans un autre contexte par M. Walzer, "Just and Unjust War",
Londres, Penguin Books, p. 10.

(116) C.I.J., Recueil, 1953, p. 122.

(117) On y fait référence ici en tant que "la réserve canadienne", "la réserve (d)", ou "la
quatrième réserve".

(118) Vid. Nations Unies, Division des Affaires de l'Océan et Droit de la Mer, Bureau des
Affaires Légales, Bulletin du Droit de la Mer Nº 26 d'octobre 1994, pp. 20-23; C.I.J.

Annuaire 1993-1994, Nº 48 (1994), pp. 91-92.

(119) Débats de la Chambre des communes, Vol. 133, Nº 067, 1 ère Session, 35ème Mémoire
Officiel du Parlement (Hansard) pour le mardi 10 mai 1994 qui figure comme annexe 27 de
ce Mémoire.

(120) Débats de la Chambre des communes, Vol. 133, Nº 068, 1ère Session, 35ème

Législature, Compte Rendu Officiel (Hansard) pour le mercredi Il mai 1994, qui figure
comme annexe nº 15 de ce Mémoire; Débats de la Chambre des Communes, Vol. 133, Nº
069, 1ère Session, 35ème Législature, Compte Rendu Officiel (Hansard) pour le jeudi 12 mai
1994, qui figure comme annexe 28 de ce Mémoire.

(121) Débats du Sénat sur le projet de loi C-29, pour modifier la Loi sur la protection des
pêches côtières, du 12 mai 1994, pp. 451-452, 462-476, figurant comme annexe nº 16 de ce

Mémoire.

(122) Lors de son entretien avec le Président, le 27 avril 1995, M. Philippe Kirsch a réitéré en
substance la même communication comme représentant la position canadienne concernant la
juridiction de la Cour en la matière.(123) Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn, compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 112, et l'arrêt du 15 février 1995.

(124) En fait dans l'affaire Qatar contre Bahreïn, Qatar a pu se baser sur les lettres adressées
par Bahreïn au Greffier de la Cour le 14 juillet 1991 et le 18 août 1991, dans lesquelles

Bahreïn contestait la base de la juridiction invoquée par Qatar (IL Reports 1994, p.114,
parag.4). La lettre présentée par Bahreïn le 18 août 1991 était de trois pages et était complétée
par une Annexe de 19 pages, avec neuf ajoutes supplémentaires séparées. Le Mémoire de
Qatar, présenté le 10 février 1992, contenait même un chapitre de 36 pages (Chapitre V,
OBSERVATIONS SUR LE LITIGE DE BAHREIN" qui était explicitement basé sur
l'Annexe de 19 pages présenté par Bahreïn. (Voir documents présentés à la Cour dans cette
affaire, aux archives des Greffes de la Cour)

(125) Anglo-Iranian Oil Co., arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p.93, p. 104 (voir discussion dans ce
Chapitre infra, à la Section IV.13.1).

(126) La déclaration canadienne contient aussi une qualification temporelle qui ne semble pas
pertinente dans cette affaire.

(127) WEBSTER'S NEW TWENTIETH CENTURY DICTIONARY OF THE ENGLISH
LANGUAGE (unabridged) 2nd ed., 1979, p.1115, nº 10. "mesure" signifie "démarche" ou
"arrangements", CASSELL'S FRENCH DICTIONARY, New York 1962, 1981 ed., p.484.

(128) Vid. le document en Annexe 29 du ce Mémoire.

(129) Vid. par exemple Article 1, par. 2; Article 2; Article 3; Article 4, par. 1; Article 5, pars.
1 et 2; Article 6, pars 3, 4, et 5; Article 7, pars. 1, 2, 3, et 4, Article 8, par. 1; Article 10, pars.
1 (a) (i) et (iii) et 1 (b) et par. 2; et Article 12, par. 1.

(130) Publication des Nations Unies, num. de vente E.83.V.5: vid. Article 61; Article 62, pars.
(4) et (5); Article 66, pars, (2) et (4); Article 73, par. 1; Article 117; Article 118; Article 119,
par. 1; Article 120; Article 123 (a); Article 145 (b); Article 277 (a); et Article 297, par (3) (a)

et (3) (b) (i).

(131) Vid. par exemple Article 61, pars. 2, 3, et 4; Article 62, par. 4; Article 63, pars. 1 et 2;
Article 66, pars. 2 et 4.

132 , a) délivrance de licences aux pêcheurs ou pour les navires et engins de pêche, y compris

le paiement de droits ou toute autre contrepartie";

"b) indication des espèces dont la pêche est autorisée et fixation de quotas, soit pour les stocks
ou groupes de stocks particuliers ou pour les captures par navire pendant un laps de temps
donné, soit pour les captures par les ressortissants d'un État pendant une période donnée";

"c) réglementation des campagnes et des zones de pêche, du type, de la taille et du nombre

des engins, ainsi que du type, de la taille et du nombre des navires de pêche qui peuvent être
utilisés";

"d) fixation de l'âge et de la taille des poissons et des autres organismes qui peuvent être
pêchés";"e) renseignements exigés des navires de pêche, notamment statistiques relatives aux captures
et à l'effort de pêche et communication de la position des navires";

"f) obligation de mener, avec l'autorisation et sous le contrôle de l'État côtier, des programmes
de recherche déterminés sur les pêches et réglementation de la conduite de ces recherches, y

compris l'échantillonnage des captures, la destination des échantillons et la communication de
données scientifiques connexes";

"g) placement, par l'Etat côtier, d'observateurs ou de stagiaires à bord de ces navires";

"h) déchargement de la totalité ou d'une partie des captures de ces navires dans les ports de
l'État côtier";

"i) modalités et conditions relatives aux entreprises conjointes ou autres formes de
coopération";

''j) conditions requises en matière de formation du personnel et de transfert des techniques
dans le domaine des pêches, y compris le renforcement de la capacité de recherche halieutique

de l'État côtier"; et

"k) mesures d'exécution".

"' Donc du paragraphe (b) au paragraphe (h) il s'agit sans doute de "mesures de gestion et de
conservation", tandis qu'aux paragraphes (a), (i), et (j) il s'agit de mesures administratives ou
autres qui vont au delà de la gestion et de la conservation en tant que telles. Le paragraphe (k),

"mesures d'exécution", est sui generis.

(133) Gazette du Canada, Partie 11, Vol. 129, Nº 6 (SOR/DORS/95-136) p. 652, qui figure
comme annexe 6 de ce Mémoire.

(135) « ... les mesures de gestion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires

pêchant dans la zone de réglementation de l'OPAN... »

(136) Vid. la Convention de 1982, Article 92, par.2:

"Un navire qui navigue sous les pavillons de plusieurs États, dont il fait usage
à sa convenance, ne peut se prévaloir, vis-à-vis de tout État tiers, d'aucune de
ces nationalités et peut être assimilé à un navire sans nationalité".

(137) Projet d'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des
stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au delà de zones
économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs"
(Doc. de l'ONU A/CONF.163/33 du 3 août 1995).

(138) Mentionné, entre autre, dans le titre, le préambule et à l'Art.3, par. 1; le titre du Chap.
11; l'Article 5; par.k; Art.6, pars. 1 et 3; Art.7, pars. 1 et 2; Art.8, pars. 1 et 2; Art. 11, par c);
Art.14, pars 2 b) et 3; Art.24, par.1; Art.25, par.3; Art.26, par. 2; Art.30, pars. 2 et 5, et Art.36,
pars. 1 et 2.(139) Mentionné, entre autre, à l'Art.5, par e) 1) et par.1); Art.6, pars.2, 5, 6 et 7; Art.7 titre et
par.2 et 2a) (voir aussi b),c) et f) pars.3, 5 et 6; Art.8, pars. 3, 4, 5 et 6; Art.9, par.1 a); Art. 10,
pars. a) et j); Art. 13; Art. 16, pars. 1 et 2; Art. 17, pars. 1, 2, 3 et 4; Art. 18, pars. 1 et 3 h);
Art. 19, par. 1 et 1 b); Art.20, pars. 1 et 4; Art.2 1, par. 1, par. 11 h, et pars. 14, 15, et 16,
Art.22, pars.1 a) et 2; Art.23, pars.1 et 3; et Art.24, par.2.

(140) Ibid, p.466

(141) Le Ministre Tobin lors des débats du Sénat concernant le projet de loi C-29 pour
modifier la Loi sur la protection des pêches côtières du 12 mai 1994, p.467, inclus comme
annexe 16 de ce Mémoire.

(142) Dans le tableau 5 du 3 mars 1995 de l'amendement aux Réglementations de protection
des pêches côtières qui figure comme annexe 19 de ce Mémoire.

(143) Débats du Sénat, p.467, inclus comme annexe 16 de ce Mémoire.

(144) Ibid, p.464.

(145) Vid. note 32 ci-dessus.

(146) Ibid, p. 104

(147) Anglo-Iranian Oil Co., arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p.93, Ibid, p. 104.

(148) Ibid., pp. 106-107

(149) Ibid, p. 107. La Cour a poursuivi:

"Il a été allégué que cette preuve des intentions du Gouvernement de l'Iran doit
être rejetée parce qu' irrecevable et que cette loi iranienne est un texte

purement interne, inconnu des autres gouvernements. La loi est qualifiée de
'document privé rédigé uniquement en langue persane et qui n'a pas été
communiqué à la Société des Nations, ni à aucun des autres États ayant
souscrit des déclarations',

"La Cour ne voit pas pour quelle raison elle serait empêchée de retenir pareil
élément de preuve. La loi a été publiée dans le Recueil des lois iraniennes

votées et ratifiées du 15 janvier 1931 au 15 janvier 1933. Elle a dont été
accessible à l'examen des autres gouvernements pendant environ vingt ans.
Cette loi n'est pas invoquée, et ne pouvait pas être invoquée, comme offrant
une base pour la compétence de la Cour. Elle a été produite simplement pour
apporter la lumière sur un point de fait contesté, à savoir: l'intention du
Gouvernement de l'Iran lorsqu'il a signé la déclaration".

(150) Ibid, p.465.

(151) Government of Canada News Release NR-HQ-95-34E du 27 mars 1995 qui figure
comme annexe 30 de ce Mémoire.(152) Débat du Sénat sur le projet de loi C-29, pour modifier la Loi sur la protection des
pêches côtières, 12 mai 1994, p.463, inclus comme annexe 16 de ce Mémoire.

(153) Débats de la Chambre des Communes, Vol. 133, Nº 068, 1ère Session, 35ème
Législature, Compte Rendu Officiel (Hansard) pour le mercredi, 11 mai 1994, p.4222, inclus

comme annexe 15 de ce Mémoire.

(154) Débats du Sénat sur le projet de loi C-29, pour modifier la Loi sur la protection des
pêches côtières, 12 mai 1994, p.463, inclus comme annexe 14 de ce Mémoire.

(155) Ibid.

(156) Ibid.

(157) Ibid, p.464.

(158) Ibid, p.463.

(159) Plus avant dans le débat du Sénat, Monsieur Tobin a dit " ... aujourd'hui, notre objectif
est d'adopter une loi visant à protéger un environnement fragile, c'est-à-dire le nez et la queue
des Grands bancs, qui est une frayère pour l'importante ressource, aujourd'hui menacée, que
fut la morue de l'Atlantique. Les stocks de morue ne sont pas menacés par la présence de
superpétroliers, mais plutôt par celle des prédateurs de la mer que sont les bateaux pirates."
p.465.

(160) Ibid, p.470 (Sénateur Comeau).

(161) Ibid.

(162) Ibid, p.471. A cela, M. Tobin a seulement répondu qu'il voulait "... garantir au sénateur
qu'on rendra toujours les règlements publics suffisamment à l'avance pour que la population

puisse faire connaître son opinion a ce sujet.". Ibid. les pages 471-472 contiennent un large
débat sur les questions de procédure de la promulgation des règlements envisagés à la section
6 de cette Loi.

(163) Comme noté ci-dessus, Rosenne a fait des commentaires détaillés concernant dans le
sens que les réserves doivent être assujetties à une "interprétation restrictive". Vid. par
exemple THE LAW AND PRACTICE OF THE INTERNATIONAL COURT (ed. 1965),

Vol. I, pp.405-09.

(164) Plateau continental de la mer Égée, arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p.3, pars 48-90, pp.20-37.

(165)Manfred Lachs, "The Threshold in Law-Making", in VÖLKERRECHT ALS
RECHTSORDNUNG: INTERNATIONALE GERICHTSBARKEIT, MENSCHENRECHTE-

FESTSCHRIFT FÜR HERMANN MOSLER, (Bernhardt, R., Geck, W.K., Jaenicke, G. and
Steinberger, H., eds., Berlin/Heidelberg/New York, 1983), p. 499.

(166) Interprétation des traités de paix (deuxième phase), Avis consultatif: C.I.J. Recueil
1959, pp. 221 à 229.(167) Débats du Sénat sur le projet de loi C-29, pour modifier la Loi sur la protection des
pêches côtières, 12 mai 1994, p.463, qui figure comme Annexe 16 de ce Mémoire.

(168) Ibid.

(169) Ibid.

(170) Ibid, p.464; voir discussion et matériel cité à la Section VI.B.2.a. supra.

(171) Texte français au C.I.J. Annuaire 1993-1994, Nº'48 (1994) (traduction de l'anglais)
p.87.

(172)Texte français au C.I.J. Annuaire 1993-1994, Nº 48 (1994) traduction de l'anglais)
pp.109, 110.

(173) Texte français au C.I.J. Annuaire 1993-1994, N248 (1994) (traduction de l'anglais)
pp.101, 102.

(174) Texte français au C.I.J Annuaire 1993-1994, Nº 48 (1994) (traduction de l'anglais) p.
114.

(175) Texte français au C.I.J. Annuaire 1993-1994, Nº 48 (1994) (traduction de l'anglais), pp.
117, 119.

(176) Débats de la Chambre des Communes, Vol. 133, Nº 068, Ire Session, 35ème

Législature, Compte Rendu Officiel (Hansard) pour le mercredi 11 mai, 1994, p.4222, inclus
comme annexe 15 de ce Mémoire.

(177) Le Ministre Tobin lors des débats du Sénat sur le projet de loi C-29, pour modifier la
Loi sur la protection des pêches côtières, 12 mai 1994, p. 467. qui figure comme annexe 16 de
ce Mémoire.

(178) Conformément bien entendu aux dispositions du Chapitre VIII de l'Accord sur des
stocks chevauchants et de poissons grands migrateurs concernant le règlement des différends
et bien entendu le Chapitre XV de la Convention sur le Droit de la Mer, 1982.

(179) Voir la note en pied de page immédiatement antérieure.

(180) Cité dans la Section IV.A.1.4. de ce Chapitre IV, supra.

(181) Arrêt nº 2, 1924, C.P.J.I. séries A nº 2 p. 2, 11. Vid. aussi Affaires du Sud-Ouest
africain, Exceptions préliminaires, C.I.J., Recueil 1962, p. 319, p. 328.

(182) Cette conclusion peut être appellée "la Conclusion".

(183) "La Cour, comme organe juridictionnel, a pour tâche de résoudre des différends
existants entre États. L'existence d'un différend est donc la condition première de l'exercice de
sa fonction judiciaire" (C.I.J., Essais nucléaires, Recueil, 1974, p. 270-271 et 476). Rappelons
la définition classique de la C.P.J.I. dans Concessions Mavrommatis en Palestine: "un
différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une oppositionde thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes" (1924, Série A, nº 2, p. 11); ou celle
qui, s'appuyant sur l'op. diss. du juge Morelli dans l'affaire Sud-Ouest Africain (exceptions
préliminaires), (Recueil, 1962, p. 565-568; et aussi op. ind. dans Cameroun septentrional,
Recueil, 1963, p. 133) propose le juge Fitzmaurice, et selon laquelle "un certain minimum est
requis si l'on veut établir l'existence d'un différend juridique proprement dit c'est-à-dire... d'un

différend pouvant mettre en jeu la fonction judiciaire de la Cour. Il faut au moins que l'une
des Parties formule ou ait formulé, à propos d'une action, d'une omission ou d'un
comportement présents ou passés de l'autre Partie, un grief, une prétention ou une protestation
que ladite Partie conteste, rejette ou dont elle dénie la validité, soit expressément, soit
implicitement en persistant dans l'action, l'omission ou le comportement incriminés, ou bien
en ne prenant pas la mesure demandée, ou encore en n'accordant pas la réparation souhaitée"
(op. ind. dans l'affaire du Cameroun septentrional, Recueil, 1963, p. 109-110). Cette

définition, qui contient le minimum, et qui suffit dans la grande majorité des cas, ajoute
Fitzmaurice, "ne fait toutefois pas très clairement ressortir l'élément essentiel sans lequel, à
mon avis, un différend ne peut exister, l'élément à défaut duquel on ne peut prouver de façon
objective et indiscutable qu'il existe un différend juridique proprement dit, l'élément en
l'absence duquel le soi-disant différend ne saurait être qu'une simple divergence de vues sur
des problèmes d'intérêt théorique, scientifique ou académique... (11) n'existe à proprement
parler de différend juridique (pouvant être pris en considération par un tribunal et mettant en

jeu la fonction judiciaire de celui-ci) que si l'issue ou le résultat du différend, sous forme de
décision de la Cour, peut affecter les intérêts ou les rapports juridiques des parties, en ce sens
que cette décision confère ou impose à l'une ou l'autre d'entre elles un droit ou une obligation
juridique (ou qu'elle confirme ce droit ou cette obligation), ou bien qu'elle joue le role d'une
injonction ou d'une interdiction pour l'avenir, ou encore qu'elle constitue un élément de
détermination à l'égard d'une situation juridique continuant à exister" (ib., p. 110). Vid. aussi
C.I.J., dans Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26

juin 1947 relatif au siège de l'Organisation de Nations Unies, avis consultatif, Recueil, 1988,
p. 27-30; et tout récemment dans Timor Oriental, arrêt du 30 juin 1995, p. 11 (par. 22).

(184) Sur ce point le Royaume d'Espagne doit exprimer sa réserve de droits en relation aux
conditions dans lesquelles on a remis au capitaine de l´ "Estai'' le produit des captures
confisquées, ainsi que la réparation souhaitée due à l'illégalité commise par le Canada.

(185) Précisément, le gouvernement espagnol, aux vues de la réduction des conflits dans la
zone, a décidé, dès le 3 juin, de réduire à un seul patrouilleur la présence navale de protection
de la flotte de pêche. De la même manière, quelques jours plus tard il a levé la suspension de
l'accord de suppression de visas avec le Canada.

(186) De même, à l'alinéa C.2 du procès-verbal agréé, on ajoute que: "For Canada, any

systematic and sustained failure of the European Community to control its fishings vessels in
the NAFO Regulatory Area which clearly has resulted in violations of a serious nature of
NAFO conservation and enforcement measures may be considered as a breach of this Agreed
Minute. The European Community and Canada shall consult before taking any action on the
foregoing".

(187) Il est intéressant d'attirer l'attention sur le paragraphe relatif à l'intervention du

Procureur général en demandant le classement de J'affaire contre l´ "Estai'' et son capitaine et
où il déclare "The Attorney General is satisfied that Canada has properly exercised its
jurisdiction both by amending our Federal Law to address the problem of foreign overfishing,
and by taking proceedings by way of prosecution".(188) Dans son Avis Consultatif de 1988 sur l'Applicabilité de l'obligation d'arbitrage, la Cour
a statué que " ... un différend peut naître même si la partie en cause donne l'assurance
qu'aucune mesure d'exécution ne sera prise tant qu'elle n'aura pas été ordonnée par une
décision des tribunaux nationaux", C.I.J. Recueil 1988, p. 12; p. 30, par. 42.). Auparavant,
l'Avis Consultatif avait fait référence à la communication du Secrétaire Général pour informer

à la Cour:

"qu'à son opinion un différend au sens de la section 21 de l'accord de siège a
existé entre l'Organisation des Nations Unies et les États Unis à partir du
moment où la loi contre le terrorisme a été promulguée par le président des
États Unis, et en l'absence d'assurances adéquates données à l'organisation
selon lesquelles cette loi ne serait pas appliquée à la mission d'observation de l´

OLP auprès de l'Organisation des Nations Unis" (Id. 7 p. 27-28, par. 36).

La première proposition décidée à l'unanimité par la Cour en 1988 était rédigée comme suit:

"Pour la Cour, lorsqu'une partie à un traité proteste contre une décision ou un
comportement adoptés par une autre partie et prétend que cette décision ou ce

comportement constituent une violation de ce traité, le simple fait que la partie
accusée ne présente aucune argumentation pour justifier sa conduite au regard
du droit international n'empêche pas que les attitudes opposées des parties
fassent naître un différend au sujet de l'interpretation ou de l'application du
traité" (Id. p.28, par. 38)

(189) Le 14 juin 1995 a été soumis en sa première lecture dans la Chambre des communes du

Canada un Projet de Loi sur les Océans par lequel le Parlement "désire réaffirmer le rôle du
Canada en tant que chef de file mondial en matière de gestions des océans et des ressources
marines" (Préambule, première attendu). Dans ce Projet, qui complète —entre autres
choses— la Loi sur la protection des pêches côtières (Coastal Fisheries Protection Act), on
définit les zones de pêche du Canada, d'une manière ambigüe et changeante, telles que "les
zones maritimes adjacentes à la côte canadienne qui sont désignées comme telles par
règlement" (par. 16, 25, b et 27). Le 8 juin 1995 M. Tobin, Ministre canadien de la Pêche, lors

de la présentation devant le Parlement dudit projet de loi a indiqué qu'avec la nouvelle
législation on offrait un cadre légal pour une nouvelle Oceans Management Strategy qui allait
supposer, entre autres points: "assert Canada's sovereign rights over the ocean areas and
ressources by declaring an Exclusive Economic Zone and a Contiguous Zone" et "extend
existing environmental regulations to the new Exclusive Economic Zone and the new
Contiguous Zone". Après avoir énuméré quelques prouesses canadiennes sur l'évolution du
Droit de la Mer, Tobin a remarqué que: "The federal government in the late 1980's and early

1990's no longer led Canada into the forefront of global oceans policy. Now, this government
is reclaiming Canada's role as a world leader".

(190) Charles Chaumont l'a ainsi qualifié, Cours général de D.I.P., R. des C. de l'Académie de
D.I., 1970, vol. 129, p. 468: "Faire de l'acte unilatéral", ajoutait le prof. Chaumont, "une
norme ou une manifestation d'autorité, c'est rejoindre ce qui est le péché du Droit classique: la

législation du pouvoir du fort sur le faible".

(191) Par ailleurs, le paragraphe 2 de l'alinéa D du procès-verbal agréé stipule: "Any
limitation to the NAFO Regulatory Area or any parts thereof of the measures referred to in
this Agreed Minute shall not be deemed to affect or prejudice the position of the EuropeanCommunity with regard to the status of the areas within which coastal States exercise their
fisheries jurisdiction".

(192) Vid. S. du T.J.C.E. (as. 804/79), Recueil 198 1, p. 1045 et suivantes; aussi le 14 juillet
1976 (as. 2, 4 et 6/76, Recueil, 1976, p. 1279 et suivantes).

(193) Vid. Chapitre Il de ce Mémoire.

(194) « 38... Ayant pour premier devoir de s'acquitter de sa fonction judiciaire, la Cour ne doit
pas refuser de statuer pour la simple raison que, tout en maintenant leurs positions juridiques,
les Parties ont conclu un accord ayant notamment pour objet de prévenir la continuation
d'incidents... 40... En tout cas on ne peut pas soutenir que les questions soumises à la Cour

soient devenues sans objet, car il est hors de doute qu'en l'espèce "il existe, au moment du
jugement, un litige réel impliquant un conflit d'intérêts juridiques entre les Parties*'
(Cameroun septentrional, arrêt, C.I.J., Recueil 1963, p. 34). 41. En outre, si la Cour en venait
à conclure que l'accord provisoire l'empêche de statuer ou l'oblige à rejeter, comme manquant
l'objet, la demande du requérant, le résultat inéluctable serait de décourager, dans des
différends futurs, la conclusion d'arrangements temporaires visant à réduire les frictions et à

éviter que la paix et la sécurité soient mises en danger... La Cour conclut que l'existence de
l'accord provisoire ne devrait pas l'inciter à ne pas statuer en l'espèce" C.I.J., en Compétence
Pêcheries, Royaume Uni c. Islande, fond, Recueil, 1974, p. 18-20).

(195) "Non seulement les impératifs de la fonction judiciaire mais aussi les dispositions
statutaires régissant la constitution de la Cour et ses attributions lui imposent l'obligation
essentielle de se prononcer sur les affaires qui lui sont soumises lorsqu'elle est compétente et

ne constate l'existence d'aucun motif d'irrecevabilité. Selon nous, la Cour ne peut se dispenser
de cette obligation essentielle que dans des cas tout à fait exceptionnels et lorsque les
considérations les plus impérieuses touchant ce qui est approprié à la fonction judiciaire
l'exigent" (Op. diss. com., Essais nucléaires, Recueil, 1974, p. 322).

(196) Accord sur les Stocks Chevauchants et de Poissons Migrateurs, Art. 1, par. 1 b).

(197) Le texte complet de cette demande figure comme Annexe nº 31 de ce Mémoire.

(198) Vid. C.I.J., Anglo-Iranian Oil Co., Recueil, 1952, p. 114.

(199) Au point que dans certains cas (Interhandel (exceptions préliminaires) par exemple),
Recueil, 1959, p. 6 et suivantes), la Cour, ayant évité de statuer sur l'une des exceptions

soumises à sa compétence (qui aurait dû être, probablement, attachée au fond, si la requête
avait dépassé cette phase), a admis une cause d'irrecevabilité (le non épuisement préalable des
recours internes) dont le caractère préliminaire est aussi à la merci des circonstances. Comp.
avec C.P.J.I., Ordonnance du 27 juin 1936, Losinger & Co., (Série A/B, Nº 67, p. 24).

(200) Article 67, paragraphe 7, du Règlement de la Cour amendé le 10 mai 1972 (article 79,
paragraphe 7 du Règlement de la Cour adopté le 14 avril 1978).

(201) Vid., C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(compétence), Recueil, 1984, p. 421-426; Id. (fond), Recueil, 1986, p. 29-38.

(202) Vid., C.I.J., Détroit de Corfou, exception préliminaire, Recueil 1947-1948, p. 26-27.(203) Les termes recevabilité et irrecevabilité ont reçu, dans l'usage que l'on en a fait en
maintes occasions, des sens différents, a remarqué le juge Morelli dans son op. diss. en
l'affaire du Sud-Ouest africain (exceptions préliminaires) (Recueil, 1962, p. 573-574). D'après
le juge Fitzmaurice, la distinction entre compétence et recevabilité dépendrait du fait de savoir
"si l'exception repose ou est fondée sur la clause ou les clauses juridictionnelles en vertu

desquelles on prétend établir la compétence. Si tel est le cas, l'exception porte essentiellement
sur la compétence" (op., ind. en l'affaire du Cameroun septentrional) Recueil, 1963, p. 102-
103).

Aussi Décl. Jiménez de Aréchaga dans Essais nucléaires (mesures conservatoires), Recueil,
1973, p. 107-108 et 144. De même, le juge Petrén remarque, dans l'op. ind. accompagnant
l'arrêt de la Cour dans l'affaire des Essais nucléaires (Australie e. France) qu' "il n'est pas

facile de distinguer, ainsi que la Cour a eu maintes fois l'occasion de le dire", entre la
compétence de la Cour pour connaître du différend et la recevabilité de la requête, en
suggérant que: "On pourrait même regarder la recevabilité de la requête comme une condition
à la compétence de la Cour" (Recueil, 1974, p. 301-302; et aussi Recueil, 1973, p. 126, où il
entend sous le terme recevabilité "l'examen de toutes questions qui se posent pour décider si
la Cour a été valablement saisie de l'affaire"). Aussi op. diss. Barwick dans Essais nucléaires,
Recueil, 1974, p. 396), qui avoue: "Je n'ai pas découvert dans les décisions adoptées par la

Cour, dans les opinions des juges, ni dans les ouvrages de droit international de définition de
la recevabilité qui soit universellement applicable" et constate le chevauchement entre
compétence et recevabilité (p. 422-423).

(204) Ainsi le propose le juge Fitzmaurice (op. ind. dans l'affaire du Cameroun septentrional,
Recueil, 1963, p. 102-103).

(205) Puisque la requête unilatérale est inhérente à la juridiction obligatoire de la Cour en
vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, nous n'entrons pas dans l'analyse des problèmes
spéciaux posés par la relation entre les conditions de la saisine et la question de la compétence
lorsque celle-ci a un autre fondement, une relation dernièrement mise en exergue par la Cour
dans l'affaire de la Délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn
(compétence et recevabilité) (Recueil, 1995, p. 23). Vid. aussi dans cette affaire op. diss.

Shahabuddeen, Koroma et Valticós (ib., p. 59-62, 72 et 75).

(206) Vid. dans ce sens Fitzmaurice (op. ind. dans l'affaire du Cameroun septentrional,
Recueil, 1963, p. 105).

(207) Fitzmaurice, en s'occupant de ces questions dans leur contexte doctrinal (B.Y.I.L.,
1958, p. 56-60) et judiciaire (op. ind. dans l'affaire du Cameroun septentrional, Recueil, 1963,

p. 99-103), a considéré "simpliste et peut-être trompeuse" une classification en deux
catégories qui sont réellement susceptibles de sous-divisions, et il a proposé certaines
variables terminologiques. La Cour reconnaît elle-même, dans cette dernière affaire, que
"dans des contextes différents" la recevabilité peut avoir "des sens différents", ne considérant
pas nécessaire en l'espèce d'en examiner la signification (Recueil, 1963, p. 28).

(208) Vid. C.P.J.I., affaires Concessions Mavrommatis en Palestine (Série A, Nº 2, 1924, p.
10) et Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Série A, Nº 6, 1925, p. 19).
C.I.J., dans l'affaire du Cameroun septentrional: " ... la Cour ne juge pas nécessaire d'examiner
chacune des exceptions ni de déterminer si elles portent toutes sur la compétence ou la
recevabilité ou si elles sont fondées sur d'autres motifs. Pendant les plaidoiries, les Partieselles-mêmes n'ont guère fait de distinction entre 'compétence' et 'recevabilité'..." (Recueil,
1963, p. 27).

(209) Un dernier exemple de cette indéfinition délibérée serait fourni par l'arrêt du 30 juin
1995 (affaire Timor Oriental) où la Cour a décidé qu'elle "ne saurait exercer la compétence à

elle conférée" (par. 38).

(210) Vid., par exemple, op. diss. Levi Cameiro dans Anglo-Iranian Oil Co (Recueil, 1952, p.
17 1); op. ind. Spender et Op. diss. du Président Klaestad, Armand-Ugon et H. Lauterpacht
dans Interhandel (exceptions préliminaires), Recueil, 1959, pp. 54, 78-79, 91-95 et suivantes;
décl. Koretsky, dans Cameroun septentrional, Recueil, 1963, p. 39; op. diss. Oda, dans
Délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (compétence et

recevabilité), Recueil, 1995, p. 43).

(211) "On a fait observer", a dit le Président Winiarski (op. dis. dans l'affaire du Sud-Ouest
africain (exceptions préliminaires), Recueil, 1962, p. 449), "que la question de la recevabilité
vient après celles de la compétence; examiner la question de la recevabilité présuppose la
compétence reconnue. Assurément, il y a des cas où cette observation est justifiée; mais il y

en a d'autres où pour déclarer la requête irrecevable il n'est pas nécessaire d'avoir affirmé la
compétence". Pour le juge Fitzmaurice (op. ind. dans l'affaire du Cameroun septentrional), il y
a des exceptions concernant la recevabilité qui "doivent être examinées préalablement à toute
question de compétence" (Recueil, 1963, p. 105). "Ni la pratique de la Cour permanente ni
celle de la Cour actuelle ne tend à établir de distinction tranchée entre les exceptions
préliminaires d'incompétence et celles d'irrecevabilité: l'accent est mis plutôt sur le caractère
essentiellement préliminaire ou non préliminaire de l'exception considérée que sur son

classement parmi les exceptions d'incompétence ou les exceptions d'irrecevabilité" (Op. diss.
com., Essais nucléaires, Recueil, 1974, p. 363 et 515). "On ne discerne aucune règle
universelle nettement consacrée par la Cour et qui voudrait que dans une affaire quelconque
l'une des deux questions soit résolue avant l'autre", constate le juge ad hoc Barwick dans
Essais nucléaires (Recueil, 1974, p. 396).

(212) Cela n'empêche pas que, la deuxième phase ou phase sur le fond étant déjà ouverte, une

exception d'irrecevabilité de la requête puisse être admise par la Cour (vid. C.I.J., Nottebohm,
deuxième phase, Recueil, 1955, p. 4 et suivantes; Sud-Ouest africain, deuxième phase,
Recueil, 1966, p. 6; Barcelona Traction, Light and Power Co., deuxième phase, Recueil,
1970, p. 3 et suivantes).

(213) "On peut se demander en quoi la nouvelle règle se distingue réellement de l'ancienne.
Pour ma part, je pense que, comme la précédente, la nouvelle disposition confère à la Cour le

pouvoir discrétionnaire d'apprécier au stade initial d'une affaire si telle ou telle question
préliminaire doit être réglée avant tout. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire, la Cour doit, à
mon avis, apprécier le degré de complexité de la question préliminaire par rapport à
l'ensemble des questions faisant partie du fond. Si la question préliminaire revêt un caractère
relativement simple, tandis qu'un examen au fond donnerait lieu à une procédure longue et
compliquée, la Cour se doit de trancher tout de suite la question préliminaire. Voilà ce

qu'exige l'esprit dans lequel le nouvel article... du Règlement a été rédigé" (op. ind. Petrén,
dans Essais nucléaires, Recueil, 1974, p. 304-305 et 489). Aussi Op. diss. com., dans la même
affaire, p. 363 et 515.

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Mémoire du Royaume d'Espagne

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