Mémoire de la République démocratique du Congo

Document Number
8322
Document Type
Incidental Proceedings
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRE RELATIVE
AUX ACTIVITESARMÉES
SUR LETERRITOIREDU CONGO

(RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUEDU CONGO c.OUGANDA)

MÉMOIRE

DE

LA REPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

VOLUME 1

MÉMOIRE

Juill2000 TABLESDESMATIERES

INTRODUCTION GENERALE

Section1. L'objetdelarequêtede laRépubliquedémocratiquedu
Congo

Section 2. La compétencede la Cour et larecevabilitédlarequête

Section3. Lestatut juridique des qualificationsopéréespar le Conseil
de sécuritédans sesrésolution1234(1999)et1304 (2000)

Section4. Optique généraleetplan du mémoire

CHAPlTREL LECONTEXTEPOLmQUE ETDIPLOMATIQUE

Section1.Lespremières négociationsdiplomatiques
(août 1998-mars 1999)

A. Lesinitiatives sous réfzion-lLaCommunautémur le
dévelovvement de I'Afriaue australe (S.A.D.C.)

1. Lesdébutsdu processusdiplomatique sous

l'égidede la S.A.D.C.

2. L'implication dans plrocessusdes Etats
d'Afrique centrale

3. L'implication dan ls processus destats
de l'Afrique orientale

B.Les réactionsde l'OUA,de I'ONU et des Etats tiers

1. L'OUA

2. L'ONU

3. L'Unioneuropéenne

Section 2.La coordination des efforts diplomatiques (mars-avril 1999)

Section3. La signature de l'accordde paix de Syrtedans le cadre du
processus de Lusaka, sa violation et la saisine de la Courpar la
Républiquedémocratiquedu Congo Section 4.Lapoursuitede l'occupationougandaiseet l'intensification
duconflit

1. L'accord de Lusaka

2. La poursuitede l'occupationen dépitde la conclusionde
l'accordde Lusaka

3. Les réactionsdes institutions internationales,et en particulier
de l'ONU

CONCLUSION DU CHAPITRE

Section 1.Lamatérialité des faits

1. Le déclenchemend te 1'occupationet de1'agression

2. La poursuitede l'agression

Section2 L'établissemenjturidiquedesfaits

Sous-section1. Lesélémenta sttestantdel'intervention
armée del'Ouganda enRépublique démocratiqud euCongo

A. L'interventionde l'arméeougandaise en Révubliaue

démocratiauedu Congo

1. La reconnaissancedesfaits par les autorités
ougandaises

2. La reconnaissancedesfaits par les organesde l'ONU

a) LeConseilde sécurité

b) Le Secrétairegénéral
C) LeRapporteur spécialde la Commission
des droits de l'homme

3. La reconnaissancedesfaitsà traversd'autressources

a) L'OUAet le cadre régionalafricain
b) L'Unioneuropéenne

C) Les O.N.G. locales et internationales

B. Lesoutien actifàdes forcesirrémlièresen Révubliaue
démocratiauedu Congo

1. La reconnaissancepar les organesde 1'ONU

a) LeConseilde sécurité
b) Le Secrétairegénéral C) LeRapporteur spécialde la Commission
des droits de l'homme

2. La reconnaissancedesfaits à travers d'autressources

a) L'Unioneuropéenne
b) LesO.N.G.
C) La presse internationale et locale

3 .La reconnaissance desfaits par l'Ouganda

Sous-section 2 Lesélémenta sttestantdes pillages et
exactionsde l'OugandaenRépublique démocratiqud euCongo

A. Lepillage organisédes ressourcesetbiens congolais

1. Le Conseilde sécurité

2. Le Secrétaire général

3. Le Rapporteurspécial dlea Commission
des droits de l'homme

4. Autres rapportsd'organismes indépendants

5. ZA presse

B. Les exactionstouchant directement la po~ulation civile

1. Le Conseildesécurité

2. Le Secrétairegénéral

3. Le Rapporteurspécial dlea Commission
des droits de l'homme

4. Autressources

Sous-section3. L'établissemenjturidiquedesfaitsau
regarddes critèresde preuveretenusparle droit international

A. L'établissementde faits aui relevent de la
"notoriétépubiiaue"

B. La reconnaissance d'éléments de fait var 1'Etatdéfendeur

CONCLUSION DU CHAPITRE

Section 1.L'interdictiondurecours à laforce
dans les relations internationales

III Section2. Lesautresprincipesjuridiquesapplicables

A. Levrinciw du réelementvacifiauedes différends

B. Le vrinciw de non-intervention dans les affaires
relevant de la compétencenationaledes Etats

C. Le principe de l'égalisouveraine des Etats

D. Levrincive du droit des veuvleà diswser d'eux-mêmes

E. L'oblieation de respecter les droits de l'hommeet le droit
international humanitaire

F. L'obligationd'avvliauer lesrésolutionsdu Conseil de sécurité

1. La résolution1234a été adoptéeconformémen àt
la Chartedes Nations Unies

2. Leç exigenceset demandesenjoignantà 1'Ougandade
retirerses troupes constituetes "décisio"sau sensde
1'article25 de la Charte

CONCLUSION DU CHAPITRE

CHAPITRE IV. LAVIOLATIONPARL'OUGANDA

DESPRINCIPESJURIDIQUESAPPLICABLES

Section 1.Laviolationde l'interdictiondurecours àla force
énoncéedans l'article 94 de la ChartedesNationsUnies

A. La violation de l'interdictiondu recouàla force
dans les relationsinternationales

B. L'étenduede la violation de l'interdictiondu recours
à la force dans les relations internationales

1. La présence illicitesur le territoirecongolais
de l'armée ougandaic semme"forcenon invitée"

2. L'occupation illicite du territooengolaispar
les troupes ougandaises

3. Lesattaques illicites enéespar les troupes

ougandaises contrela République démocratique
du Congo

4. Le soutien militaire illiciteesforcesarmées
irrégulières

C. La ravi téde la violation de i'interdictiondu recours
à la force:la aualification d'agression Section 2 Laviolation des autresprincipes fondamentaux
de la Chartedes NationsUnies

A. La violation de l'obligationde réglervacifiauement les
différends internationaux

B. La violation de l'interdiction de l'intervention dans les

affaires qui relèventde la compétencenationale des Etats

C. La violation du vrincive du resvect de la souveraineté
de 1'Etat

D. Laviolation du droit des veuvlàdisrioserd'eux-mêmes

E. La violation de l'obligationde resveder les droits de
l'homme et le droit internationalhumanitaire

F. La violation de l'obiieation d'avvliauer les résolutions
adoptéesvar le Conseil de sécurconformément à la Charte

CONCLUSION DU CHAPITRE

CHAPITREV. L'INEXISTENCE D'EXCEPTION OSUDE
CIRCONSTANCES SUSCEPTIBLESD'EXONÉRER L'OUGANDA
DE SA RESPONSABILITÉ

Section1. Lecaractère anifestementnonfondéde l'argument
de la "légitimedéfense"

A. L'absenced'une "agression"préalable

1. L'absencedefondementjuridiquede l'éventuel
argument de la "légitimedéfense"

2. L'absencedefondementfactuelde 1'éventuel
argument de la "légitimedéfense"

B. L'absencedes autres conditions nécessairàl'établissement

d'une légitimedéfensede la part de l'Ouganda

1. La réaction ougandains'estni nécessairei
proportionnelle l'objectifde mettrefànune
hypothétique agression

2. La réaction ougandaise est incompata vlc
le respectdes prérogativsu Conseilde sécurité

conformément à l'article51 de la Charte

Section2 Lecaractèremanifestementnon fondédes autresarguments
tendant àjustifier l'actionarméeougandaise

A. Lecaractèremanifestementnon fondéde l'éventuelargument
du consentement de l'Etatlésé B. Lecaractèremanifestementnon fondéde l'éventuelargument
du "droit de suite"

C. Lecaractèremanifestement non fondéde l'éventuelargument
de 1"'autovrotection"ou de la défensedes "intérêtsvitaux"

D. Lecaractèremanifestementnon fondéde l'éventuelareument
de l'"intervention humanitaire"

E. Lecaractèremanifestementnonfondéde l'éventuelargument
de l'av~uiarmé àun mouvement de libérationnationale

F. Lecaractèremanifestementnon fondéde la référence à des
accords devaix commebaseiuridiaueautorisant l'occuuation

G. LecaractPremanifestementnon fondéde la référence au
"Protocoledu 27 avril1998"commebase iuridiaueautorisant
l'occuvation

CONCLUSION DU CHAPITRE

Section 1. L'obligationde cessationde l'acteillicite

A. Le vrincive iuridiaue de la cessation de l'acte illàcharge
de l'Ouganda

B. Les modalitésde l'oblirrationde cessation de l'acte illiàite
charge de l'Ouganda

Section 2.L'obligationde réparation

A. L'existenceet l'étenduede l'oblirrationde révaratioà charge
de l'Ouganda

1. L'obligationde réparations'appliquepourtous les actes
illicifes

2. L'obligation s'applique quellesqoifela longueurdu lien
de causalitéentre l'acte illiciteet le dommagesubi

3. L'obligationde réparation s'appliqq ueelquesoit le type
de dommagecausé

a) pertes subies (damnumemergense )t privation de
gains(lucnrrncessans)
b)dommage matérielet dommage moral
C)montant principal et intérêts B. Lesdifférentesformesde la révarationàchargede l'Ouganda

1. Les restitutionsen natuàechargede1'Ouganda

2. Les indemnisationsà chargede 1'Ouganda

3. Lasatisfactionà chargede 1'Ouganda

4. Lesassuranceset garantiesde non-répétitiàncharge

de l'Ouganda

CONCLUSION DU CHAPITRE

CONCLUSIONS

VolumeII :annexes 1-38

VolumeIII annexes39 -48

Volume IV annexes49 -85

VolumeV :annexes86 -93

VolumeVI annexes94 -149

*Lesannexe comprennentdes documents en lanfrançaiset enlanguenglaise.

VI10.01. Le 23 juin 1999, la République démocratique du Congo a introduit

une requête introductive d'instance à l'encontre de la République

d'Ouganda (ci-après l'Ouganda). Conformément aux dispositions de

l'article 38 du Règlement de la Cour, cette requête indique l'objet du

différend, la nature précise de la demande, un "exposésuccinct des faits et

moyens sur lesquels cette demande repose", et, "autant que possible, les

moyens de droit sur lesquels le demandeur prétend fonder la compétence
de la Cour".

0.02. La requête aété enregistréeau rôle de la Cour internationale de

Justice sous le Rôle généraln0116.

0.03. Le 19 octobre 1999, le Président de la Cour a tenu une réunion à

laquelle ont participé les agents et représentants de la République

démocratique du Congo et de l'Ouganda, en vue de déterminer la suite de la
procédure. L'Ouganda n'a pas, à ce stade, souhaité soulever des exceptions

préliminaires tendant à remettre en cause la compétence de la Cour ou la

recevabilité de la requête. Un accord entre les parties a même pu être

obtenu concernant les dates d'expiration des délaispour le dépôts des pièces

écrites par lesquelles chacune d'entre elles est amenée à développer son

argumentation portant sur le fond du différend.

0.04. Le 21 octobre 1999,la Cour a rendu une ordonnance par laquelle,
compte tenu de l'accord des parties, elle fixait aux 21 juillet 2000 et au 21

avril 2001 les dates d'expiration des délais pour les dépôts respectifs du

mémoire de la République démocratique du Congo et du contre-mémoire

de l'Ouganda.

0.05. Le présent document développe l'argumentation de laRépublique démocratique du Congo, en fait comme en droit, et contient des

conclusions exposant les demandes faites à la Cour. S'il ne fait que

développer et préciser les éléments déjh inscrits dans sa requête

introductive d'instance, il va de soi que cette dernière ne constitue, à

l'instar des "livres blancs" quy sont annexés, que des pièces exposées à titre

provisoire et préliminaire. Seul le présent mémoire constitue le document

pertinent permettant de déterminer précisément la position de la

République démocratique du Congo dans le cadre du différend qui l'oppose

à l'Ouganda.

0.06. Par ailleurs, la République démocratique du Congo a introduit le

19 juin 2000 une demande en indication de mesures conservatoires le 19

juin 2000. Le 20 juin, le Président de la Cour, faisant usage des pouvoirs qui

lui sont conféréspar l'article74,s 4 du Règlement, a appelé

"l'attention des deux Parties sur la nécessité d'agir de manière que
toute ordonnance de la Cour sur la demande en indication de mesures
conservatoires puisse avoir les effets voulus".

La procédure orale s'est déroulée les26 et 28 juin 2000.

0.07. La Cour a, le ler juillet 2000, rendu une ordonnance par laquelle

elle ordonnait les mesures conservatoires suivantes :

" 1) Les deux Parties doivent, immédiatement, prévenir et s'abstenir de
tout acte, et en particulier de toute action armée, qui risquerait de

porter atteinte aux droits de l'autre Partie au regard de tout arrêt que la
Cour pourrait rendre en l'affaire, ou qui risquerait d'aggraver ou
d'étendre le différend porté devant elle ou d'en rendre la solution plus
difficile;
2) Les deux Parties doivent, immédiatement, prendre toutes mesures
nécessaires pour se conformer à toutes leurs obligations en vertu du

droit international, en particulier en vertu de la Charte des Nations
Unies et de la Charte de l'Organisation de l'unité africaine (ci-après,
l'OUA), ainsi qu'à la résolution 1304 (2000) du Conseil de sécuritédes Nations Unies en date du 16juin 2000;
3) Les deux Parties doivent, immédiatement, prendre toutes mesures
nécessaires pour assurer, dans la zone de conflit, le plein respect des
droits fondamentaux de l'homme, ainsi que des règles applicables du
droit humanitaire."

0.08. Conformément au Statut et au Règlement, et à une jurisprudence

constante, la Cour a rappelé dans son ordonnance du ler juillet 2000 qu' "à

ce stade de la procédure la Cour est appelée seulement à examiner si les

circonstances portées à son attention exigent l'indication de mesures

conservatoires, et qu'elle n'est pas habilitéeà conclure définitivement sur
les faits ou leur imputabilité, sa décision devant laisser intact le droit de

chacune des Parties de faire valoir à cet égard ses moyens au fond " 1. La

République démocratique du Congo ne se rapportera doncpas directement,

dans le cadre du présent mémoire, à l'ordonnance du ler juillet, en tout cas

pas comme décision susceptible d'affecter les droits des parties la présente

étape de la procédure. Toutefois, il sera fait référenceà certains éléments

pertinents mis en évidence prim acie par la Cour dans cette ordonnance.

0.09. En guise de préalable, la République démocratique du Congo

commencera par rappeler l'objet précissa requête à ce stade de la procédure

(section 1).Il traitera ensuite brièvement de la question de la compétencede

la Cour et la recevabilité de la requête, notamment en apportant des

éléments de réponse aux observations de l'Ouganda qui, sans avoir

formellement déposéd'exceptions préliminaires, a émiscertains doute à ce
sujet lors de la procédure orale précédant l'ordonnance de la Cour en

indication de mesures conservatoires (section 2). La République

démocratique du Congo exposera ensuite brièvement quel est à son sens le

C.I.J.,affairedes Activitésasur le territoiredu Congo(Républiquedémocratiquedu
Congoc.Ouganda),ordonnancedu lerjuillet2041.statut juridique particulier de la qualification de la situation opéréepar le
Conseil de sécuritédans ses résolution 1234 (1999)du 9 avril 1999et 1304du

16 juin 2000 (section 3). Elle annoncera enfin de manière générale quelest

le plan et la logique qui guideront le présent mémoire (section 4).Section 1. L'objetde larequête delaRépubliquedémocratique du Congo

0.10. Le République démocratique du Congo a étécontrainte d'attraire

l'Ouganda devant la Cour internationale de Justice suite au refus obstiné de

cet Etat de cesser les graves violations du droit international qu'il commet

en territoire congolais. Devant l'échec de toutes les voies directes de

règlement des différends, la République démocratiquedu Congo demande à

la Cour de remplir son rôle de garante du droit, de la justice et de la paix, et

de condamner l'Ouganda pour la politique d'agression menée à son

détriment depuis le 2 août 1598. La requêtede la République démocratique
du Congo vise dans cette perspective à obtenir la cessation des faits illicites

continus, ainsi que la réparation intégrale de tous les dommages qu'elle a

subis du fait des actes illicites attribuablesuganda.

0.11. Dans sa requête introductive d'instance déposéele 23 juin 1999,la

République démocratique du Congo demande à la Cour de dire et juger que

l'Ouganda a violé diverses obligations internationales en matière de non-

recours à la force et de respect des droits de la personne et, en conséquence,

de dire et juger que

"1. toute force armée ougandaise participant à l'agression doit quitter
sans délaile territoire de la République démocratiquedu Congo;

2. l'Ouganda a l'obligation de faire en sorte que ses ressortissants, tant
personnes physiques que morales, se retirent immédiatement et sans
condition du territoire congolais;

3. la République démocratique du Congo a droit à obtenir de

l'Ouganda le dédommagement de tous les pillages, destructions,
déportations de biens et de personnes et autres méfaits qui sont
imputables à l'Ouganda et pour lesquels la République démocratique
du Congo se réserve le droit de fixer ultérieurement une évaluation
précisedes préjudices, outre la restitution des biens emportés".

Ces demandes seront préciséeset complétéesdans le cadre du

6présent mémoire, et ne visent qu'à mettre fin aux actes illicites attribuables

à l'Ouganda, et à remédier dans la mesure du possible àleurs conséquences.

0.13. A ce sujet, la République démocratique du Congo souhaite

indiquer d'emblée que la procédure suivie devant la Cour ne l'a pas

empêchée,et ne l'empêchepas, de poursuivre parallGlement la mise en

Œuvre d'autres moyens de reglement pacifique du différend. Les
développements qu'a connu ce différend sur le plan diplomatique aprGs

l'introduction de l'instance seront exposéesdans le cadre d'un chapitre du

présent mémoire (infra, chapitr1). La voie diplomatique traditionnelle

vise en partie les mêmesobjectifs que ceux qui ont motivé la saisine de la

Cour, en particulier la fin de l'agression et des exactions des autorités

ougandaises. La voie judiciaire reste cependant la seule qui soitmêmede

fournir à la République démocratique du Congo une constatation objective
de l'illicéitédu comportement de 1'Etatougandais, tout comme elle est la

seule qui permette que soit accordée une réparation au sens juridique du

terme. L'objet de la requête de la République démocratique du Congo

devant la Cour internationale de Justice ne saurait donc être confondu avec

celui des autres moyens de rGglementpacifique utilisés.

0.14. Cela étant, il faut souligner que les diverses négociations,

réunions, initiatives, y compris au niveau régional et universel, n'ont pas
fondamentalement modifié la situation telle qu'elle existait la date de

l'introduction de la requête. La République démocratique du Congo est,

aujourd'hui encore, un Etat agressé et occupé, dont la population est

quotidiennement victime d'exactions, d'humiliations et de vexations, et

dont les ressources naturelles et les biens font l'objet d'un pillage organisé.

Les progres dans la voie d'un reglement diplomatique du conflit, s'ils sont

réels, n'ont pas encore mis fin à cet état de fait. Ainsi, si la Républiquedémocratique du Congo a accepté que des Forces des Nations Unies se
rendent sur une partie de son territoire, leur arrivée n'a pas mis fin à la

présence des troupes étrangères ni à leurs activités délictueuses et

criminelles. Il subsiste donc un différend juridique entre les Parties,

différend auquel les négociations menées jusqu'à présent n'ont pas mis fin

(voir le chapitre 1).

0.15. Le présent mémoire se concentrera donc essentiellement sur la

situation qui existaità la date du dépôtde la requête, soitle 13juin 1999. Si

les événements ultérieurs seront pris en compte, c'est en vue de mieux

éclairer la situation qui existait cette date. Dans la même perspective, les

instruments et documents juridiques postérieurs à cette date ne feront pas à

ce stade l'objet d'une analyse approfondie, dans la mesure où ils n'ont pas

fondamentalement modifié ni la situation de fait, ni la situation de droit.

0.16. Bien entendu, la Cour reste libre de prendre en compte les faits

qui sont survenus ultérieurement au dépôt de la requête, comme elle l'a

clairement rappelé dans l'affaire des Activitésmilitaires:

"un autre aspect de la présente affaire est qu'elle a traià une situation
conflictuelle persistante. Pour bien circonscrire les faits de la cause, la

Cour a donc dû décider de la période à prendre en considération, et
dont le commencement est constitué par la genèse du différend. La
Cour estime que les principes généraux régissant la procédure
judiciaire exigent que les faità retenir dans son arrêtsoient ceux qui se
sont produits jusqu'à la clôture de la procédure orale sur le fond" l.

Dans le même arrêt,la Cour a du reste condamné 1'Etatdéfendeur pour des

faits qui étaient postérieursà la date de l'introduction de la requêtepar 1'Etat

C.I.J.,Recu1986 p.39,s 58.demandeur 1.

0.17. Plus récemment,la Cour a rappeléque

"selon une pratique établie, les Etats qui déposent une requête à la
Cour se réservent le droit de présenter des élémentsde fait et de droit
supplémentaires. Cette liberté de présenter de tels élémentstrouve sa
limite dans l'exigenceque le différendportédevant la Cour par requête
'ne se trouve pas transformé en un autre différend dont le caractère ne
serait pas le même" 2.

0.18. Dans notre cas d'espèce,l'Ouganda violait le droit international à

l'encontre de la République démocratique du Congo le 13juin 1999, au jour

du dépôt de la requête. Certaines de ces violations - telles l'occupation

d'une partie du territoire congolais ou le soutien à des forces irrégulières

opérant en République démocratique du Congo -, qui présentent le

caractère de faits illicites continus(infra, chapitreVI), se sont poursuivies.

D'autres - comme des attaques militaires spécifiques, souvent

accompagnées d'exactions - se sont répétées.La République démocratique

du Congo se réserve donc le droit de compléterles faits qui se rattachent au

différend qui l'oppose A l'Ouganda, et qui démontrent le caractère illicite du

comportement de celui-ci. A ce stade, la République démocratique du

Congo se prononcera toutefois de manière générale, en mettant tout

particulièrement l'accent sur la situation prévalant au jour du dépôt de sa

requête.

A ce sujet, la République démocratique du Congo tient également
0.19.

Ibid.,pp. 146-149,spécialementle0du dispositif.

C.I.J.,Activités militaires et paramilitaires au Net contre celui-ci(Nicaragua c.
E80.;v.naussi Affaire de la Frontière terrestreet maritime entre le Cameroun et le
Nigeria,xceptions préliminair,rrêtu 11juin1998,s 99.à préciser le caractère entièrement autonome et indépendant de la requête

déposée contre l'Ouganda. Cette autonomie n'est en rien entravée par la

circonstance que, le mêmejour, la République démocratique du Congo ait

déposé deuxrequêtes contredeux autres Etats. Il s'agit de requêtes séparées,

qui portent sur des faits distincts, et qui mettent en jeu des règles juridiques

différentes 1. La République démocratique du Congo ne fera donc aucune

allusion particulière, ni ne consacrera aucun développement juridique ou

factuel spécifique, relatifs ces deux autres affaires dans le cadre du présent

mémoire, qui a uniquement et exclusivement pour objet le différend

opposant la République démocratiquedu Congo à l'Ouganda.

1 Affaire des Activitésarméesen territoiredu Congo (Répubdémocratiqueu Congoc.
Burundi), rôle généralN0115; Affaire des Activitésarméesen territoiredu Congo
(Républiqueémocratiqudeu Congoc. Rwanda),rôle généNlo117.Section 2. Lacompétencede la Couretla recevabilitéde la requête

0.20. La compétence de la Cour pour juger de la présente affaire ne pose

aucun probleme juridique particulier, les deux Etats parties ayant reconnu

la compétence de la Cour en déposant une déclaration d'acceptation de sa

juridiction obligatoire conformément à l'article 36, paragraphe 2 du Statut.

0.21. Le 3 octobre 1963, l'Ambassadeur permanent de l'Ouganda aupres

de l'Organisation des Nations Unies a déposéune déclaration selon laquelle

"Au nom du Gouvernement ougandais, je déclare par la présente que
l'Ouganda reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat qui accepte la même

obligation et sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour
internationale de Justice conformément aux dispositions du
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour" 1.

La déclaration a été enregistrée au Greffe sous le numéro 6946, et publiée

dans le Recueil des Traités des Nations Unies 2. A la connaissance de la

République démocratique du Congo, elle n'a pas fait l'objet d'une

modification ou d'un retrait, et était donc en vigueur sous cette forme à la

date du dépôt de la requête 3.

0.22. Le 8 février 1989, le Représentant permanent de la république du

Zaïre auprès des Nations Unies déposait la déclaration suivante :

"D'ordre du Commissaire d'Etat (Ministre) aux Affaires étrang&res du

Texte dans Traités multilatéraudxéposés auès Secrétaire générEa, t a31 décembre
1996,New York,Nations Unies, 1997,pp23-24.

2 R.T.N.U vo.. 479p. 35.

V le site internet de la Cour internationale de Justice; http://www.icj-
cij.org/cijwww /cdocumentbase/cbasicdeclarations.htm. Zaïre, j'ai l'honneur de faire la déclaration suivante au nom du
Conseil exécutif (Gouvernement) de la République du Zaïre et

conformément à l'Article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour
internationale de Justice :
Le Conseil exécutif de la République du Zaïre reconnaît comme
obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout
autre Etat acceptant la même obligation la juridiction de la Cour
internationale de Justice pour tous les différends d'ordre juridique

ayant pour objet :
a) L'interprétation d'un traité;
b) Tout point de droit international;
c) La réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la
violation d'un engagement international;

d) La nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture
d'un engagement international.
Il est entendu en outre que la présente déclaration restera en vigueur
aussi longtemps qu'avis de sa révocation n'aura pas étédonné" l.

La déclaration a étéenregistrée au Greffe sous le numéro 26437, et publiée

dans le Recueil des Traités des Nations Unies 2. Elle n'a pas fait l'objet

d'une modification ou d'un retrait, et était donc en vigueur sous cette

forme à la date du dépôt de la requête.

0.23. Dans ces conditions, la compétence de la Cour ne saurait faire

aucun doute. Elle s'applique aux plaintes de la République démocratique

du Congo, qui estime que l'Ouganda a violé à son encontre plusieurs

principes juridiques fondamentaux inscrits notamment dans la Charte des

Nations Unies, et doit par conséquent réparation. L'Ouganda conteste de

son côté ces allégations. Il existe donc bien, conformément à la déclaration

d'acceptation de la République démocratique du Congo, un "différend

juridique" portant A la fois sur l'interprétation de traités, sur certains points

de droit international, sur la réalitéde faits constitutifs de violations, ainsi

que sur l'existence et l'étendue de la réparation. Par ailleurs, la condition de

Texte dansTraitésmultilatérauxdéposés auprdu Secrétairegénérl,p.&.,p.28.

R.T.N.U vol. 1523p.300.réciprocité énoncée dans la déclaration ougandaise est bien remplie, 1'Etat

demandeur ayant déposéune déclaration d'acceptation de la juridiction de

la Cour plus de dix ans avant l'introduction de sa requête.

0.24. Dans plusieurs arrêts,la Cour a rappeléqu'

"en ce qui concerne l'exigence du consentement comme fondement de
sa compétence et plus particuli&rement des formalités exigibles pour
que ce consentement soit exprimé conformément aux dispositions de
l'article 36, paragraphe2 du Statut, [..]la seule formalité prescrite est la
remise de l'acceptation au Secrétaire général des Nations Unies,
conformément au paragraphe 4 de l'article36 du Statut" 1.

Ces formalités ayant été remplies,la compétencede la Cour est pleinement

établie pour juger de la validité des conclusions et demandes de la

République démocratique du Congo.

0.25. Aucun problème de recevabilité ne se pose par ailleurs, qui ferait

obstacle à ce que la Cour exerce pleinement sa compétence dans le cadre du

présent litige.

0.26. La Cour est en présence d'un différend juridique, dont l'objet est

suffisamment déterminé, notamment à la suite des négociations menées

pendant de longs mois entre les parties (infra,chapitre 1).

0.27. Dans le cadre de la procédure en indication en mesures

conservatoires, un Conseil de l'Ouganda a évoqué l'existenced'un "système

d'ordre public régional" constitué par les négociations conduites dans le

cadre des accords de Lusaka, qui exclurait la compétence de la Cour en

C.I.JAffaire dela Frontièreterrestreet maritime entrele Camerounet le Narrêtdu
11 juin 1998,27; Affaire deActivitésmilitaires,Rec1984,p. 412,545; Affaire du
Temple de PréahVihéarR, ecuei1961,p.31.raison de son caractère exclusif 1. La circonstance que ces négociations se

poursuivent parallèlement à la poursuite de la présente instance ne
constitue cependant pas un obstacle
à l'exercicepar la Cour de sa juridiction.
Les accords de Lusaka n'excluent nullement la poursuite de modes

alternatifs de règlements des différends. Dans ces conditions, et comme

l'indique sa jurisprudence constante,

"[lla négociation et le règlement judiciaire sont l'une et l'autre cités

comme moyens de règlement pacifique des différends à l'article 33 de
la Charte des Nations Unies. La jurisprudence de la Cour fournit
divers exemples d'affaires pendant lesquelles négociations et
reglement judiciaire se sont poursuivies en mêmetemps [...l le fait
que des négociations se poursuivent activement pendant la procédure
actuelle ne constitue pas, en droit, un obstacle à l'exercice par la Cour
de sa fonction judiciaire" 2.

La Cour a d'ailleurs déjàeu l'occasion d'écarterun argument similaire, un

Etat défendeur ayant évoqué en vainpour s'opposer à la compétence de la

Cour l'existence d'un mode régional spécifique etexclusif 3.

0.28. Par ailleurs, à supposer que ces négociations aboutissent à une

forme de règlement qui touche tout ou partie des aspects du présent litige,

sans que cela n'aboutisse à un désistement formel de l'instance, cela ne

saurait entraver la mission de la Cour, dans la mesure où resterait entière la

question de la constatation judiciaire de l'illicéitédu comportement de

1'Etat défendeur, ainsi que de l'obligation pour ce dernier de fournir une

réparation appropriée. Il faut en tout état de cause rappeler que la date

CR 2000/23, plaidoirie de M.PaulS. Reichler.

2 C.I.JAffaire du Plateaucontinentalde la mer Ég, ecueil 1978, p.5129; Affaire des
Activités militaires,Recueil 19440,5 106.

C.I.J.,Affaire de la Frontièreterrestre et maritime,exceptions préliminaires11rrêtdu
juin 1998561 etss.(troisiemeexceptionpréliminasoulevéeparle Nigeria).critique est en l'occurrence celle de l'introduction de la requête dans la

mesure oii, "conformément à une jurisprudence constante, si la Cour était

compétente àcette date, elle l'est demeurée1.

0.29. Lors des plaidoiries au stade du débat sur les mesures

conservatoires, l'Ouganda a remis en cause la possibilité pour la Cour
d'exercer sa juridiction en raison de l'absence du Rwanda à la présente

instance, et de l'implication de ce dernier Etat dans le conflit
2. La
République démocratique du Congo a déjà amplement rencontré cet

argument lors des plaidoiries, et se permet d'y renvoyer à ce stade de la

procédure. Elle se contentera de rappeler que sa requêtene vise, dans le

cadre de la présente instance, que l'Ouganda, et qu'il n'est aucunement

demandé à la Cour de se prononcer sur les droits d'un Etat, quel qu'il soit,

tiersà l'instance. La République démocratiquedu Congo ajoute que l'on ne

se trouve nullement en Itesp&cedans un cas de figure comparable à celui

qui a prévalu dans l'affaire de l'Or monétaire,évoquépar un conseil de

l'Ouganda 3. Dans notre cas, il n'est nullement nécessaire de se prononcer

préalablement sur le comportement du Rwanda pour juger ensuite celui de

l'Ouganda. Il n'existe aucun lien logique entre l'éventuel établissement de

la responsabilité internationale du premier et l'établissement de la

responsabilité internationale du second. C'est uniquement à l'Ouganda

qu'il s'agit d'imputer des faits ou des comportements, et c'est uniquement

par rapport à sa situation particulière que peuvent être évaluées des

arguments par lesquels cet Etat tenterait de se justifier. Finalement, la

présente espèce se rapproche davantage du précédent de l'affaire de

C.I.J.,Affaire de 1'Intériende Lockerb,rrêtu 27 février1995,38.

CR20/23, plaidoiriedM. IanBrownlie.

3 CR 20/23, plaidoiriedM. IanBrownlie.Certaines terres à phosphates à Nauru, où la Cour a rejeté l'exception
préliminaire basée sur l'absence à l'instance dtEtats directement impliqués

dans les faits reprochés à 1'Etatdéfendeur 1.

0.30. Enfin, la circonstance que le Conseil de sécurité avait,dès avant le

dépôt de la requête, adopté une résolution par laquelle il se pronon~ait

clairement en faveur des theses de la République démocratique du Congo,

ne représente pas non plus un quelconque problème sur le plan de la

recevabilité. De manière générale,il est très largement admis que la Cour

puisse juger d'un différend qui fait par ailleurs l'objet d'un traitement par

le Conseil de sécurité :

"[lle Conseil a des attributions politiques; la Cour exerce des fonctions
purement judiciaires. Les deux organes peuvent donc s'acquitter de
leurs fonctions distinctes mais complémentaires à propos des mêmes
événements [...].La Cour est priéede se prononcer sur certains aspects
juridiques d'une question qui a étéaussi examinée par le Conseil, ce

qui est parfaitement conforme à sa situation d'organe judiciaire
principal des Nations Unies" 2.

0.31. Le fait que le Conseil de sécurité aitadopté des résolutions dont
une, avant la date du dépôt de la requête, contenait une condamnation

claire de l'Ouganda sur le plan juridique, constitue toutefois une

circonstance particuliere dont les conséquences juridiques méritent d'être

préciséesquelque peu.

C.I.J.,Recueil19p.261,5 55,et p268,alinéafdu dispositif.

C.I.J.,Affaire des Activitésmilifaires,p595 et 436598. Section 3. Le statut juridique des qualifications opéréespar le Conseil de

sécurité dans ses résolution1234 (1999)et 1304(2000)

0.32. Dans la résolution 1234 (1999) qu'il a adoptée le 9 avril 1999, le
Conseil de sécuritéaffirme explicitement que

"des forces d'Etats étrangers demeurent en République démocratique

du Congo dans des conditions incompatibles avec les principes de la
Charte des Nations Unies".

Le Conseil formule ensuite des exigences dont les effets juridiques seront

exposées et analysées ultérieurement (infra, chapitre III).

0.33. Dans sa résolution 1304 (2000),adoptée le 16 juin 2000, le Conseil

de sécurité

"Condamne à nouveau sans réserve les combats entre les forces
ougandaises et rwandaises àKisangani, en violation de la souveraineté
et de l'intégritéterritoriale de la@publique démocratique du Congo
[..1:

Exige également
a) Que l'Ouganda et le Rwanda, qui ont violé la souveraineté et
l'intégrité territoriale de la République démocratique du Congo,
retirent toutes leurs forces de la République démocratique du Congo
sansplus tarder [..]".

0.34. La question qui se pose d'emblée est de déterminer la portée

juridique des qualifications opérées,qui consacrent en réalité les thèsesde la

République démocratique du Congo dans le cadre de la présence espèce.

C'est en effet notamment en vue de l'entendre dire et juger que la présence
forces ougandaises demeure sur son territoire dans des conditions

incompatibles avec les principes de la Charte des Nations Unies, et

notamment avec le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale

que la République démocratique du Congo a introduit une requêtedevantla Cour.

0.35.
Dans ces conditions, on aurait pu penser que la République
démocratique du Congo prétende que la Cour serait liée par ces

qualifications, qu'elle n'aurait plus qu'à consacrer à son tour. Il s'agit là

d'une question préliminaire, qui concerne l'ensemble de l'affaire, et la

République démocratique du Congo tient d'emblée à précisersa position sur

ce point, d'autant que l'Ouganda a semblé voir dans cette circonstance

particulière un obstacle propre à empêcherla Cour d'exercer sa juridiction 1.

0.36. Selon la République démocratique du Congo, la Cour demeure

entièrement libre d'évaluer la valeur des qualifications opérées, et pourrait

donc théoriquement s'en écarter. Les qualifications opéréesen l'espècepar

le Conseil de sécurité bénéficient cependant d'une valeur juridique

déterminante, et doivent dès lors êtreprises en compte en tant qu'élément

attestant d'un accord des Etats sur une interprétation particulière de la

Charte.

0.37. La Charte confère au Conseil de sécurité des pouvoirs

considérables en tant qu'organe politique chargé du maintien de la paix et

de la sécuritéinternationales. C'est dans cette perspective que l'adoption de

décisions obligatoires peut être précédéede qualifications, soit en

application de l'article 39 de la Charte, soit de manière plus générale. Il

arrive ainsi régulièrement que le Conseil se livre à des qualifications

juridiques, par lesquelles il évalue prima facie l'incompatibilité du

comportement d'un Etat avec le droit international 2.

1CR2000/23, plaidoiriesdM. IanBrownlieet deM.PaulS.Reichler.

Vera GOWLLLAND-DEBBAS ,SecurityCouncilEnforcmentActions and Issues of State
Responsability",CL.Q. ,994pp.63et ss.0.38. Cette qualification juridique incidente ne constitue pas une

"décision" obligatoire aux termes de l'article 25 de la Charte, ni pour les

Etats, ni a fortioripour la Cour internationale de Justice. La mission du

Conseil n'est pas celle d'un organe judiciaire, et son fonctionnement est par

conséquent fort éloignéd'un tribunal ou d'une quelconque juridiction qui

s'entoure de précautions toutes particulières avant de produire une

décision bénéficiantde l'autorité de la chose jugée. C'est pourquoi

"Il est généralement admis que le Conseil de sécuritéest pleinement
compétent en vertu du chapitre VI1pour constater qu'une situation de
fait constitue une menace contre la paix et la sécuritéinternationales et

qu'il peut prendre des mesures juridiquement obligatoires nécessaires
pour parer à cette menace, mais qu'il n'est pas compétent pour dire le
droit, etl'on a contesté que le Conseil de sécuritépuisse modifier le
droit lorsqu'il l'appliqueà un ensemble de faits particuliers 1.

0.39. La Cour garde donc entier son pouvoir d'appréciation en matière

juridique. C'est à elle qu'il incombe d'analyser une situation de fait sous

l'angle des principes juridiques applicables, et d'en tirer les conséquences

avant de rendre son arrêt. Sa tâche ne saurait être entravée par une

qualification juridique incidemment opérée par le Conseil de sécurité.

Ainsi,

"[...]la Cour doit à tout moment conserver son indépendance dans
l'accomplissement des fonctions que la Charte lui confie en tant
qu'organe judiciaire principal des Nations Unies. Il est clair que, dans
bien des cas, le fait de s'acquitter de ces fonctions indépendantes
conduira la Cour à un résultat qui sera en parfaite harmonie avec les
conclusions du Conseil de sécurité. Mais il ne découle nullement de

ces propositions que la Cour, lorsqu'elle est régulièrement saisie d'un
différend juridique, doive cesser d'exercer son jugement indépendant
sur les questions de droit dont elle est légitimement saisie" 2.

C.I.J.,Affairede Lockerb,p. indiv.juge Kooijman, ecueil1998,p. 149,s 18.

C.I.J.,Affairede Lockerb,p. diss. jugeWeerarnant, ecueil1998,p58.
190.40. En l'espèce,il n'existe cependant aucune raison pour que la Cour,

en exerçant ses fonctions judiciaires, aboutisse à une conclusion qui

contredise la qualification juridique opérée par le Conseil.

0.41. Lorsque le Conseil de sécurité énonce que la présence des troupes
étrangères en République démocratique du Congo est contraire aux

principes de la Charte des Nations Unies, ou que l'Ouganda viole la

souveraineté et l'intégritéterritoriale de la République démocratique du

Congo, il procède à une qualification juridique sommaire, mais qui résulte

pourtant d'un examen suffisant des circonstances de la cause. Ce constat

s'appuie sur des élémentsde fait dont la République démocratique du

Congo a montré qu'ils relevaient de la notoriétépublique. Il suppose par

ailleurs une interprétation sommaire mais incontestable de la Charte de
l'Organisation des Nations Unies (ci-après, l'ONU). Déclarer que la

présence de troupes étrangères"non invitées"est illicite ne nécessitepas un

raisonnement juridique élaboréet complexe, et il faut rappeler à ce stade

que les deux résolutions précitéesont étéadoptées àl'unanimitédes quinze

membres du Conseil. Il semble d'ailleurs que cette déclaration n'ait pas fait

l'objet de contestations, ou d'oppositions en provenance d'autres Etats. Elle

a au contraire été régulièrement reprise comme base pertinente du

règlement du différend (infra, chapitre 1).

0.42. On se trouve donc dans un cas de figure radicalement différent

d'autres précédents,dans lesquels on a contestédes appréciations juridiques

du Conseil de sécurité,notamment lorsqu'il a interprété de manière très

particulière les règles juridiques en matière d'extradition dans le domaine

de la sécuritécivile internationale (v. l'affaire de Lockerbie,précitée).0.43. Dans notre cas d'espèce, il n'existe dès lors aucune raison de

remettre en cause l'appréciation du Conseil. On se trouve dans un cas de

figure comparable avec des précédentsoh la Cour a adopté une solution
juridique préalablement énoncée par le Conseil de sécurité, en ne

manquant pas de citer explicitement les résolutions pertinentes 1.

0.44. En réalité, l'affirmationde l'illicéde la présence en République

démocratique du Congo de troupes étrangères représente une forme

d'interprétation des principes pertinents de la Charte. Les résolutions 1234

(1999)et 1304(2000)constituent des précédents par lesquels les membres des

Nations Unies (qu'ils soient aussi membres du Conseil, où qu'il ne le soient

pas mais n'aient pas émisde protestation àce sujet) précisent le sens qu'ils

entendent donner à des grands principes tels que l'interdiction du recours à

la force, la non-intervention dans les affaires intérieures ou le droit des

peuples à l'autodétermination. Ces principes ne peuvent êtreinterprétés

comme autorisant un Etat à occuper une partie d'un autre dans des

circonstances similaires à celles qui prévalent en République démocratique

du Congo.

C.I.J.,Affairdu Personnel diplomatique etconsulaire desEtatsàUTéhéran ,ecueil
1980,p. 16,par28 e29.Section 4. Optique générale et plan dumémoire

0.45. En réalité,la position adoptée par le Conseil de sécurité,et qui

semble partagée par de très nombreux Etats membres des Nations Unies,

s'explique par le caractère extrêmement simple de la question sur le plan
juridique. L'illicéitédu comportement de 1'Etat ougandais, qui occupe

impunément une partie d'un territoire étranger depuis le 2 août 1998, ne

saurait faire aucun doute. La République démocratique du Congo se

contentera donc, dans le cadre du présent mémoire, de préciser de manière

très généralequelle est l'argumentation juridique qui le confirme. Dans

une optique constructive de collaboration à l'établissement de la vérité
judiciaire, elle rencontrera les quelques éléments de justification que

l'Ouganda serait susceptible de soulever pour tenter d'expliquer son

comportement.

0.46. Le mémoire sera divisé en six chapitres. Les trois premiers

exposeront de manière généralele contexte politique et diplomatique qui

préside au présent différend (chapitre 1), les faits pertinents qui sont
attribuables àl'Ouganda (chapitre II), ainsi que les principes juridiques qui

sont applicables entre les parties (chapitre III). La République démocratique

du Congo démontrera ensuite que ces principes juridiques ont été

gravement violés (chapitre IV), sans qu'aucune circonstance ne puisse

exonérerl'Ouganda de sa responsabilité (chapitre V). Elle précisera sur cette

base quelles sont les conséquences de l'illicéitdu comportement de 1'Etat
défendeur, notamment sur le plan de la réparation (chapitre VI). t

CHAPITRE 1

LECONTEXTE POLITIQU ETDIPLOMATIQUE1.01. La présence des forces armées ougandaises sur le territoire de la

République démocratique du Congo, de mêmeque le soutien fourni par

l'Ouganda à certains mouvements rebelles actifs en République
démocratique du Congo sont à l'origine d'un conflit qui a débutéle 2 août

1998 sur le territoire congolais 1,après que le Président de la République

démocratique du Congo ait demandé leur retrait du territoire 2.Face au

refus de l'Ouganda de retirer ses troupes du territoire de la République

démocratique du Congo, celle-ci s'est employée à trouver une solution

diplomatique dans différents cadres multilatéraux.

1.02. Depuis lors, l'action de l'Ouganda en République démocratique du

Congo n'a cesséd'êtredénoncéedans le cadre des nombreuses initiatives de

paix entreprises sur le plan régional et sous-régional, ainsi que par

l'organisation des Nations Unies. Plusieurs accords de cessez-le-feu et de

désengagement des forces ont été signéspar l'Ouganda, sans qu'il n'en

applique les dispositions. Au contraire, l'Ouganda a intensifiésa présence et

son occupation du territoire congolais et procede de plus en plus

ouvertement au pillage des ressources naturelles de la République

démocratique du Congo.

1.03. Dans un souci de simplification et pour les seuls besoins d'une

meilleure compréhension de l'évolution de la situation, le contexte

politique et diplomatique sera exposé en quatre temps reprenant les

V. par ex. le Rapport sur la situation des droits de l'homme dans la République
démocratiquedu Congo, présentépar le Rapporteur spécial,M. Roberto Garreton,
conformément à la résolution1999/56 de la Commission des droits de l'homme, Doc.
ONU,E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,p. l.AnnexeMRDC43.

V. Keesings,août 1998, p. 42426, Annexe MRDC10;Rapportsur la situatdesdroits de
l'hommedans la Républiqdémocratiqueu Congo,présentépar le Rapporteurspécial,
M.Roberto Garreton,onformémen t larésolution1998/61 de la Commissiondes droits
de l'homme,Doc.ONU,E/CN.4/1999/31,8 février1999,535,AnnexeMRDC42.différentes phases qui ont marqué son évolution :
- dans un premier temps, on se concentrera sur les premières initiatives

diplomatiques, du mois d'aoGt 1998 au mois de mars 1999 (Section 1);

- dans un deuxième temps, on montrera comment la coordination de ces

initiatives s'est accéléréau mois de mars 1999 (Section 2);

- dans un troisieme temps, on examinera le contexte de la conclusion des

accords de Syrte et en quoi leur violation a amené à la République

démocratique du Congo à saisir la Cour (Section 3);

- dans un dernier temps, on se référera à la période qui suit la saisine de la

Cour (Section 4).Section 1. Les premièresnégociations diplomatiques (août 1998-mars

1999)

1.04. Dans les jours et les mois qui suivent le déclenchement du

conflit, le 2 août 1998, et faceà la persistance de l'occupation ougandaise et

son appui aux rebelles, les initiatives sous-régionales, principalement sous

l'égide de la Communauté pour le développement de l'Afrique australe

(S.A.D.C.), se multiplient. VOUA et l'ONU, qui dès le départ condamnèrent

l'intervention ougandaise en République démocratique du Congo,

intensifieront progressivement leurs efforts en vue d'une solution

diplomatique. Sans qu'il soit nécessaire de dresser un panorama exhaustif

de ces négociations, on peut donner plusieurs exemples des tentatives
menées au niveau sous-régional et qui visaient à rétablir la paix en

République démocratique du Congo ainsi qu'à obtenir le retrait des troupes

ougandaises (A). On examinera ensuite la réaction de l'OUA et de l'ONU

(B), qui ont abouti à une coordination de toutes les initiatives diplomatiques

à partir du mois de mars 1999(C).

A. Les initiatives sous ré-gionales- La Communauté pour le développement

de l'Afri-ue australe (S.A.D.C.)

1.05. Sur le plan sous-régional, plusieurs sommets sont organisés par

les Etats de la région, sans qu'aucune solution au conflit ne soit dégagée.

C'est sous l'égide de la S.A.D.C. que sera entamée la médiation entre les

belligérants (1). Mais les chefs d'Etats d'Afrique centrale (2) ainsi que les

chefs d'Etats d'Afrique orientale (3), adopteront également des positions et

prendront des initiatives sur le plan diplomatique l.

V. Doc. OUA, Report of the Secretarygeneralon the situation in the Democratic Republiocf
Congo,Council of Ministers, Alger, CM/20(LXX)- d, 6-10juillet 19992,Annexe
MRDC 49.1. Les débutsdu processusdiplomatiquesous 1'égide de la S.A.D.C.

1.06. Au sommet de Victoria Falls 1(7-8 août 1998)'les pays membres
de la S.A.D.C., suite à l'introduction d'une requête par la République

démocratique du Congo, condamnent sans équivoque l'agression dont elle

est victime et l'occupation de certaines parties du territoire national. Ilsy

envisagent l'envoi de troupes en République démocratique du Congo aux

fins d'aider le gouvernement légal à sauvegarder l'intégritéterritoriale du

pays et d'y rétablir l'autorité administrativede'Etatcongolais'.

1.07. Le sommet de la S.A.D.C. à Pretoria (23 août 1998)vise aussi àla

mise sur pied d'un cessez-le-feu. Les principes de la sauvegarde de la

souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance de la

République démocratique du Congo y sont réaffirmés2.

1.08. Lors du sommet de Victoria Falls II (7 - 8 septembre 1998)' les

chefs d'Etat de la S.A.D.C. désignent le président zambien, Frederick

Chiluba, comme médiateur chargé de trouver une solution pacifique à la

guerre en République démocratiquedu Congo, en amenant les belligérants à

signer un accord de cessez-le-feu. Mandat est donné aux ministres de la

Défense d'élaborer les projets d'accord de cessez-le-feu, de modalités et du

calendrier de mise en Œuvre dudit accord, en étroite coopération avec

l'OUA et l'ONU. Les ministres de la Défense des Etats participant à ce

dernier sommet se réunissent quelques jours plus tard, les 10 et 11

1V.les déclarationsR. Mugabe, Présidentu Zimbabwe,relatéesdanLeMondedu 20 août
1998p.2,AnnexeMRDC 118.

LeMonde,26août 1998,p.4,AnnexeMRDC 119.septembre, à Addis Abeba et adoptent un projet d'accord de cessez-le-feu, un

mécanisme pour la mise sur pied d'une mission d'observateurs de l'OUA et

d'une mission de maintien de la paix de l'ONU, ainsi qu'une série de

recommandations adressées aux chefs d'Etats1.

1.09.
A partir du mois d'octobre, le médiateur organise une série de
rencontres, aussi connues sous le nom de "processus de Lusaka", entre les

belligérants visant à la mise sur pied d'un cessez-le-feu et au retrait des

forces ougandaises du territoire congolais. Si différents projets relatifs à

l'accord de cessez-le-feu, aux modalités et au calendrier de mise en Œuvre,

furent élaborésdans ce cadre diplomatique, ils buttèrent à de nombreuses

reprises sur l'intransigeance de l'Ouganda. Celui-ci, usant de diverses

manŒuvres dilatoires, refusera finalement toute proposition concernant le

retrait de ses troupes.

1.10. Ainsi, les26 et 27 octobre, les ministres des affaires étrangèresde

la défense se retrouvent à Lusaka (Lusaka 1),à l'invitation du président F.

Chiluba, en vue d'examiner et d'adopter les projets d'accord de cessez-le-feu,

et d'établirles modalités et le calendrier de mise en Œuvre dudit accord. Le

bon déroulement de cette réunion a étécontrarié par les divergences de

vues sur la définition du concept de belligérant. Pour l'Ouganda et le

Rwanda, la guerre en République démocratiquedu Congo est l'Œuvre d'une

rébellion interne et ne concerne que les Congolais. En revanche, pour la

République démocratique du Congo et ses Alliés,les différents pays visés,

dont particulièrement l'Ouganda, disposent de troupes régulières sur le

territoire de la République démocratique du Congo et sont bel et bien des

1 Doc. OUA, Report of the Secretarygeneralon the situation in the DemocraticRepublic of
Congo,Councilof MinistersAlgerCM/2099 (LXX)- d,6-10juillet 199p.2,Annexe
MRDC 49.belligérants. Grâce àl'arbitrage de l'ONU et de l'OUA, l'Ouganda a reconnu

la présencede ses troupes en République démocratiquedu Congo. Toutefois,

aucun accord ferme n'a pu êtreadopté. Il est convenu à Lusaka 1de la mise

sur pied d'un mécanisme des contacts de proximité, chargé notamment de

connaître les points de vue des rebelles sur les projets en discussion^.

1.11. Du 13 au 16 janvier 1999 se tient le sommet de Lusaka II,

réunissant les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, sous la

présidence du ministre zambien des affaires présidentielles, Eric Silwamba,

en vue d'un dernier examen des projets relatifs à l'accord de cessez-le-feu,

aux modalités et au calendrier de mise en Œuvre, élaborés à Addis Abeba le

10septembre 1998.Il y est décidéla créationdes deux commissions d'experts

chargés, d'une part, d'examiner les projets de modalités et du calendrier de

mise en Œuvre de l'accord de cessez-le-feu en République démocratique du

Congo, et, d'autre part, d'étudier les questions de sécurité entre la

République démocratique du Congo et ses voisins.

1.12. Le 29 janvier 1999 se tient à Lusaka (Lusaka III) la réunion des

commissions d'experts. Les travaux de la Commission chargée de l'examen

des question de sécuritéde la République démocratique du Congo et de ses

voisins a enregistré les déclarations écritesde l'Ouganda, du Rwanda et du

Burundi et de la République démocratique du Congo. En revanche, les

travaux de la Commission chargée de la finalisation des projets de

modalités et du calendrier de mise en Œuvre de l'accord de cessez-le-feu en

Composéede la Zambie(présidence),du Mozambique,de l'Afriquedu Sud et de la Tanzanie,
ainsi que des représentantsdeNU,de l'OUAet de la S.A.D.C.,la Commission des contacts
de proximité organise20 au21 novembre 1998àGaborone(Botswana)une rencontreavecles
déléguédses mouvements dits rebelles,parrainés notamment par l'Ouganda. Aprèémisoir
ses observations sur les projets en discussion, le R.C.D. y son offre de participer
directement aux principales réunions ayant traituerre en Républiquedémocratique du
Congo, rejetant par conséquent le principed'un mécanismede proximité.noter que la
Républiquedémocratiquedu Congon'apasprispartà cetterencontre.République démocratique du Congo, présidéepar le Secrétaire généraldu
ministère zambien de la Défense,le Brigadier T.J.Kazembe, furent boycottés

par la délégation de l'Ouganda qui trouvait simpliste et restrictive

l'interprétation présentée par la Commission des termes "tous les

belligérants", et exigeait la participation directe des rebelles aux travaux.

Après avoir déploré, dans un communiqué, le retrait des délégations

ougandaises et rwandaises comme obstacle à la poursuite du processus des

négociations de Lusaka, la Commission a adopté tous les points concernant

les modalités et le calendrier de mise en Œuvre de l'accord de cessez-le-feu

et le rapport destinéaux Ministres des Affaires étrangereset de la Défense.

1.13. Les 15 et 17 avril 1999, la Commission des experts se réunit en

Zambie, dans le cadre de Lusaka IV, avec la participation de l'Ouganda et des

rebelles. A l'issue des travaux, tous les participants ont adopté les projets de

modalités et du calendrier de mise en Œuvre de l'accord de cessez-le-feu

élaborés à Addis Abeba en septembre 1998, y compris l'Ouganda. Toutefois,

ce dernier a émis des réserves sur plusieurs points, au motif qu'ils

relèveraient du domaine politique :le retrait ordonné des Forces étrangères,

le rétablissement de l'autorité administrative de la République

démocratique du Congo sur l'ensemble du territoire, la mise à la disposition
d'informations, le désarmement des forces irrégulières, les zones de

cantonnement et de stockage, et le calendrier de mise en Œuvre de l'accord

de cessez-le-feu.

1.14. Ces diverses tentatives diplomatiques restèrent cependant vaines :

les forces armées ougandaises poursuivaient leur occupation du territoire

congolais l.

l~eesin~'smai1999,p.42927,Annexe MRDC110.

302. L'implication dans le processus des Etats d'Afrique centrale

1.15. Le 24 septembre, les chefs d'Etat d'Afrique centrale réunis à

Libreville, soulignant, dans leur communiqué final, la nécessité d'une

action concertée entre les pays d'Afrique centrale, les Etats membres de la

S.A.D.C., l'OUA et l'ONU et tout ceux qui s'emploient à trouver une

solution àla crise congolaise, déclarent :

"Sagissant de la République démocratiquedu Congo, les chefs d'Etat et
de délégations ont apporté leur appui au président Laurent-Désiré

Kabila et ont condamné l'agression contre la République démocratique
du Congo et les ingérences caractériséesdans les affaires intérieures de
ce pays. De ce fait, ils ont appelé au retrait des troupes étrangères
d'agression, à un cessez-le-feu en République démocratique du Congo,
au respect de l'intégrité territorialede la République démocratique du
Congo, à la poursuite du processus de démocratisation engagé par le

gouvernement de la République démocratique du Congo" 1.

1.16. Les chefs d'Etat décident aussi de créerun comitéde suivi et de

concertation sous la présidence du Président de la République du Gabon,

Omar Bongo, et demandent la mise en place d'une force régionale de

maintien de la paix.

1.17. Le 25 février, les chefs dfEtats et de gouvernement d'Afrique

centrale adoptent une déclaration sur la paix, la sécuritéet la stabilité en

Afrique centrale dans laquelle ils rappellent qu'ils ont lancé dans le cadre

des différentes rencontres susmentionnées un

"appel au cessez-le-feu en République démocratique du Congo, au
retrait immédiat et sans condition des forces étrangères d'agression,

1 Sommet des Chefs dfEtatd'Afrique centrale, Communiqufinal, Librevil24septembre
1998,reproduit in Documents d'actualitéinternationale (ci-apreA.I),N024, 15
décembre1998,p.952,Annexe MRDC 61. au respect de la souveraineté nationale et de l'intégritéterritoriale de
cepaysfrère [..]"1.

3. L'implication dans le processus des Etats de l'Afrique orientale

1.18. Au mois d'octobre, à Nairobi, les principes d'unité et d'intégrité

territoriale de la République démocratique du Congo furent réaffirméslors

d'un sommet consultatif des chefs dJEtat de l'Afrique orientale consacré à

l'examen de la situation en République démocratique du Congo, et auquel

était invité le Président de l'Ouganda, Yoweri Museveni. Le Sommet a

explicitement demandé

"i) la cessation immédiate des hostilités ;
ii) la négociation immédiate d'un accord de cessez-le-feu et d'une
immobilisation des troupes ;
iii) l'adoption de mesures visant 21tenir compte des préoccupations en

matiere de sécuritédes pays voisins;
iv) la sécuritédes groupes marginalisés ;
v) le retrait organiséde toutes les troupes étrangères ;
vi) le lancement d'un dialogue politique global ;
vii) la mise en place d'une force internationale neutre de maintien de
la paix sous les auspices de l'OUAet de l'ONUw 2.

1.19. Le 18 janvier 1999,le Président de la Namibie, (à la demande du

Président ougandais Museveni), organise un sommet à Windhoek, afin de

favoriser les échanges entre les pays directement impliqués dans le conflit et

d'accélérerla mise en place d'un cessez-le-feu 3.Différentesquestions y sont

Texte reproduit in D.A.L,N08,15avril 1999,pp. 314315,Annexe MRDC63.

Sommet consultatif des Chefs dJEtat de l'Afrique orientale, Communiqué final, Nairobi, 18
octobre 1998,reproduit in D.AN024, 15décembre1998, pp.952-953,Annexe MRDC62.

3 V. Doc. OUA, Report of the Secretarygeneral on the situation in the DemocraticRepublicof
Congo, Council of Ministers, Alger, CM/2099 (LXX) -d, 6-10 juillet 1999, p. 4, 514,
AnnexeMRDC49.abordées telles que la participation des rebelles aux négociations, la signature

d'un cessez-le-feu, les problemes de sécuritéde la République démocratique

du Congo et des Etats voisins, ainsi que celle du retrait des troupes

étrangèresde la République démocratiquedu Congo 1.

B.Les réactionsde l'OUA,de l'ONU et des Etats tiers

1.20. L'intervention de l'Ouganda a également étédénoncéedans le

cadre de l'OUA (l),des Nations Unies (2),mais également par d'autres Etats

tiers, notamment au sein de l'Union européenne (3). L'action de ces

différentes instances n'a cependant pu mener à un règlement pacifique du

différend susceptible de mettre fin à l'agression et à l'occupation

ougandaises.

1. L'OUA

1.21. A l'OUA, la situation en République démocratique du Congo est

très rapidement traitéedans le cadre de la procédure de l'Organe central du

Mécanisme pour la prévention, la gestion et le reglement des conflits. Des le

17 août 1998, l'Organe central réaffirme son soutien au gouvernement de la

République démocratique du Congo ainsi que la souveraineté et l'intégrité

territoriale du congo2. Dans un communiqué, l'Organe central

Doc. OUA, Report of the Secretarygeneralon the situation in the DemocraticRepublic of
Congo, Council of Ministers, Alger, CM/209(LXX) - d, 6-10 juillet 1999, p. 4, 915,
Annexe MRDC49.

V.Dcentral du Mécanisme de VOUA pour la prévention, la gestion et le règlement desrgane
conflits au niveau des ambassadeurs, Addis Abeba, 17août 1998,Annexe MRDC ;v.
également Doc. OUA, Reportof the Secretarygeneralon the situation in the Democratic
Republicof Congo,ouncil of Ministers, Alger, CM/2(LXX )d, 6-10juillet 1999,p. 2,
Annexe MRDC49. "lance un appel pour la cessation immédiate des hostilités en
République démocratique du Congo et condamne toute intervention

extérieure dans les affaires intérieures de ce pays sous quelque prétexte
que ce soit. Demande que soit mis fin immédiatement à de telles
interventions extérieures" 1.

D'autre part, l'Organe central

"soutient pleinement et approuve les initiatives et les approches

adoptées par le sommet régional tenu à Victoria Falls, Zimbabwe, en
vue de trouver un cadre approprié pour désamorcer la crise, de même
que les initiatives de suivi entreprises par les Ministres des Affaires
étrangeres et de la Défensedu Zimbabwe, de l'Angola, de la Namibie,

de la Tanzanie et de la Zambie" 2.

1.23. Réuni en sommet à Ouagadougou les 17 et 18 décembre 1998,

l'Organe central de l'OUA, réaffirmera les principes d'unité et d'intégrité

territoriale de la République démocratique du Congo conformément aux

dispositions de la Charte de l'OUA et de la résolution du Caire de 1964 3.

2. L'ONU

1.24. Dès le début du conflit, la République démocratique du Congo

s'adressera aux Nations Unies afin que celles-ci s'emploient à dégager une

solution pacifique.

Doc. OUA, Communiqué publié àl'issue de la CinquantiPme session ordinare de l'Organe
central du Mécanismede l'OUA pour la prévention, la gedstion et lelement des
conflits au niveau des ambassadeurs,s Abeba, 17août 1998,#, Annexe MRDC51.

2 Doc. OUA, Communiqué publié à l'issue de la Cinquantième session ordinaire de l'Organe
central du Mécanismede l'OUA pour la prévention, la gedstion et le règlement des
conflits au niveau des ambassadeurs, Addis Abeba, 17août6.998,s

V. Doc. OUA, Reportof the Secretay generalon thesituation in theDemocraticRepublicof
Congo,Council of Ministers, Alger, CM/2(LXX)- d, 6-10juillet 1999,pp. 2-3,Annexe
MRDC49.1.25. Le 31 août 1998,la République démocratiquedu Congo adresse un

mémorandum au Président du Conseil de sécurité dans lequel la

République démocratique du Congo

"[...]demande au Conseil de sécuritéde condamner l'agression de
l'Ouganda et du Rwanda et d'adopter des mesures en vue d'obtenir :
a) le retrait des troupes étrangères d'occupation ;
b) le respect de l'intégrité territoriale,de l'unitéet de l'intangibilité des
frontières du Congo ;
c) la cessation des violations des droits de l'homme et des règles de base

du droit humanitaire international ;
d) le dédommagement des populations congolaises victimes de
meurtres et de pillages" 1.

1.26. Quelques jours plus tard, le 23 septembre 1998, le Ministre des

Affaires étrangères de la République démocratique du Congo, s'exprimant

devant l'Assemblée générale, rappelle que

"La République démocratique du Congo a fait savoir depuis le premier
sommet de Victoria Falls du mois d'août dernier que l'application du
cessez-le-feu passait obligatoirement par le retrait immédiat et sans
conditions des troupes étrangèresde son territoire national. Je pense
que l'Assemblée généraleet le Conseil de sécuritéont l'obligation de

faire une bonne application des dispositions pertinentes de la Charte,
notamment de son chapitre VI1qui recommande une action de notre
organisation universelle en cas de menace contre la paix, de rupture de
la paix et d'acte d'agression" 2.

1.27. Le jour même,le Président du Conseil de sécurité exprime son

soutien aux différentes initiatives diplomatiques régionales destinées à la

recherche d'une solution pacifique au conflit. Le Président du Conseil de

1 Lettre datéedu 31 août 1998, adresssée au Présidentdu Conseil de sécuritépar le
Représentant permanent de la république démocratiquedu Congo auprès de
l'organisation des Nations Unies,oc. ONU, S/1998/827, 2 septembre 1998, p. 14,
Annexe MRDC27.

Discours du Ministredes affairesétrangèrsevant 1'Asembléeénérald ees Nations Unies,
le23 septembre1998,http://www.undp.org/missions/drcongo/speeches.htm.sécuritédéclare :

" Le Conseil de sécuritéréaffirme l'obligation de respecter l'intégrité
territoriale et la souveraineté nationale de la République démocratique
du Congo et des autres Etats de la région et la nécessitépour tous les
Etats de s'abstenir d'intervenir dans les affaires intérieures des autres.
Dans ce contexte, le Conseil appelle à une solution pacifique au conflit

en République démocratique du Congo, notamment un cessez-le-feu
immédiat, le retrait de toutes les forces étrangères et l'engagement
d'un processus pacifique de dialogue politique, en vue de la
réconciliation nationale" 1.

1.28. Parallèlement, le Secrétairegénéraldes Nations Unies se rend à

Durban oh il rencontre, en marge du sommet des pays non alignés, les

président de l'Ouganda et de la Républiquedémocratiquedu Congo.

1.29. Les 27 et 28 novembre 1998,lors du sommet France Afrique qui se

tient à Paris, Kofi Annan rencontre les Présidents de la République

démocratique du Congo et de l'Ouganda et, à cette occasion, ces derniers

s'engagent publiquement à mettre fin au conflit par le biais d'un cessez-le-

feu immédiat et inconditionnel 2.

1.30. Le Il décembre 1998,le Président du Conseil de sécuritédemande

une nouvelle fois la cessation immédiate des hostilités et le retrait des

troupes étrangères :

"Le Conseil réaffirme l'obligation de respecter l'intégrité territoriale,
l'indépendance politique et la souveraineté nationale de la République
démocratique du Congo et des autres Etats de la région,notamment de

s'abstenir de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre
l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique de tout Etat soit de
toute autre manière incompatibles avec les buts des Nations Unies. Il
réaffirme également la nécessitépour tous les Etats de s'abstenir de

1Doc.ONU, S/PRST/1998/26,31 août1998,s 2AnnexeMRDC 14.

V. à ce propos la déclaration du Président du Conseil de sécurité,Doc. ONU,
S/PRST/1998/36,IIdécembre 1998p.1,Annexe MRDC15. toute ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats,
conformément à la Charte des Nations Unies.
Le Conseil demande, dans ce contexte, qu'une solution pacifique soit

apportée au conflit en République démocratique du Congo, y compris
un cessez-le-feu immédiat, le retrait ordonné de toutes les forces
étrangeres, l'adoption des dispositions voulues pour assurer la sécurité
le long des frontières internationales de la République démocratique
du Congo, le rétablissement de l'autorité du gouvernement de la

République démocratique du Congo sur l'ensemble du territoire
national [..."1.

3. L'Union européenne

1.31. Devant le déclenchement de l'agression ougandaise, l'Union

européenne rappellera à plusieurs reprises les principes de l'intégrité

territoriale et du respect de la souveraineté de la République démocratique

du Congo 2,et mandatera son envoyéspécialpour la régiondes Grands Lacs

afin que celui-ci contribue à l'élaboration d'une issue pacifique agrééepar

toutes les parties.

1.32. Dèsle 27 août 1998,l'Union déclarequ'elle

" demeure disposée à faciliter le dialogue politique, qui pourrait avoir

lieu dans le cadre d'une conférence de paix pour la République
démocratique du Congo avec l'appui de la communauté
internationale, rassemblant tous les acteurs concernés. Dans ce sens,
1'UE est prête à soutenir tout programme de négociation agréé par
toutes les parties concernées, entre autre par l'intermédiaire de son

envoyéspécialpour la région desGrands Lacs" 3.

1.33. Le 17 février 1999, la Présidence de l'Union européenne fait une

1Doc.ONU,S/PRST/1998/36, Ildécembre 1998,p1.

V.les déclaratiodu 11août,Doc.UE.,Press :274-Nr 10756/98 A,nnexeMRDC 72;du 19
août,Doc.UE.,Press:277- Nr 10759/98AnnexeMRDC73;etdu 27 août1998,Doc.UE.,
Press:280-Nr :10856/98A,nnexeMRDC 74.

Communiqué depressedu 27août1998,Doc.UE.,Press:280-Nr :10856/98.déclaration par laquelle elle affirme les principes de l'intégritéterritoriale et

du respect de la souveraineté de la République démocratique du Congo et

des pays voisins :

"L'Union européenne demande l'ouverture de négociations entre les
parties concernées,l'objectif étantde trouver d'urgence au conflit une
solution politique qui comporte le retrait des troupes étrangères de la
République démocratique du Congo" 1.

1.34. On relèvera la multiplicité des sources qui attestent de la volonté

de mettre fin à l'agression ougandaise, et de la volonté de mettre fin à un

conflit qui cause alors de plus en plus de dégâts matériels et humains à la

République démocratique du Congo et à ses habitants. Ce souci allait

mener, vers le mois de mars 1999, à une plus grande coordination des

diverses initiatives diplomatiques.

Déclarationde la présidenceau nom de l'Union européennesur les efforts de paix en
Républiquedémocratiquedu Congo, 17février1999,Doc. UE., Press:39 NR:5883/99,
AnnexeMRDC 75.Section 2.Lacoordination des efforts diplomatiques (mars-avril 1999)

1.35. Les 22 et 23 mars, le Conseil des ministres de l'OUA assigne la
tâche de coordonner les efforts régionaux visant à une solution pacifique au

Président Chiluba (qui menait le processus de paix initiépar la S.A.D.C.). Il

rencontre àcet effet le PrésidentKabila le 26 mars'.

1.36. Quelques jours plus tard, le Secrétaire généraldes Nations Unies,

après avoir consulté le Secrétaire généralde l'OUA ainsi que le Président

Chiluba, nomme M. Mustapha Niasse comme envoyé spécial en

République démocratique du Congo. Le mandat de celui-ci consiste à établir

les positions des parties à l'égard du règlement pacifique du conflit et à

identifier les obstacleà la signature d'un accord de cessez-le-feu2.

1.37. Le 9 avril, le Conseil de sécuritédes Nations Unies adopte la

résolution 1234 (1999), dans laquelle il rappelle l'obligation des Etats de

respecter l'intégrité territoriale,l'indépendance politique et la souveraineté

nationale de la République démocratiquedu Congo et demande à l'Ouganda

- visé par les termes "forces non invitées" - de retirer ses troupes du

territoire congolais. Plus précisément,le Conseil,

"1.Réaffirme que tous les Etats ont l'obligation de respecter l'intégrité
territoriale, l'indépendance politique et la souveraineté nationale de la
République démocratique du Congo et des autres Etats de la région, et
qu'ils sont notamment tenus de s'abstenir de recourir à la menace ou à
l'emploi de la force soit contre l'intégritéterritoriale ou l'indépendance

politique d'un Etat, soit de toute autre maniere incompatible avec les
buts des Nations Unies, et réaffirme également que tous les Etats
doivent s'abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures des

V. Keesing'm.ars1999,p.42822.AnnexeMRDC 108.

V.Doc. ONU, S/1999/379,le' avril999Annexe MRDC 29;et Doc. ONU,S/1999/380,5
avri1999,Annexe MRDC 30. autres Etats, conformément à la Charte des Nations Unies ;

2. Déplore que les combats se poursuivent et que les forces des Etats
étrangers demeurent en République démocratique du Congo dans des
conditions incompatibles avec les principes de la Charte des Nations
Unies et demande à ces Etats de mettre fin à la présence de ces forces

non invitées et de prendre immédiatement des mesures à cet effet;

3. Exine l'arrêtimmédiat des hostilités;

4. Demande la signature immédiate d'un accord de cessez-le-feu
permettant le retrait ordonné de toutes les forces étrangères, le
rétablissement de l'autorité du gouvernement de la République
démocratique du Congo sur tout son territoire et le désarmement des
groupes armés non gouvernementaux en République démocratique du
Congo [..-11.

Le Conseil demande ensuite à toutes les parties au conflit de continuer dans

le cadre du processus de médiation régionaled'oeuvrer à la conclusion d'un

accord de cessez-le-feu et au règlement du conflit en République

démocratique du Congo (5 12).

1.38. Cette résolution est adoptée à l'unanimité des quinze membres,

sans aucune discussion officielle préalable2.

1.39. Les termes de la résolutionadoptéepar le Conseil de sécurité mais

aussi les efforts diplomatiques conjoints des Nations Unies, de l'OUA et de

la S.A.D.C. ne sont probablement pas étrangers à la signature de l'accord de

Syrte par 1'Etatougandais quelques jours plus tard.

1Doc.ONU, S/RES/1234 (1999AnnexeMRDC 1.

2 V.Doc. ONU,S/PV.3993,9 avril 1999,AnneMRDC 7. Section 3. La signature de l'accord de paix de Syrte dans le cadre du

processus de Lusaka,sa violation et la saisine de la Courparla République

démocratiquedu Congo

1.40. Les 18 et 19 avril 1999, dans le cadre du processus de paix de

Lusaka, les chefs d'Etat de l'Ouganda, du Tchad, de la République

démocratique du Congo et de lfErythréese réunissent à Syrte. Un accord de

paix est signé par les présidents Kabila et Musevenil. Dans le cadre de cet
accord, l'Ouganda s'engage à cesser immédiatement les hostilités et à retirer

ses troupes du territoire de la République démocratiquedu Congo 2.

1.41. Les 14 et 15 mai 1999,se tient un second sommet à Syrte oii sont

présents plusieurs chefs d'Etat africains ainsi que l'Envoyé spécial du

Secrétairegénéraldes Nations Unies et le Président en exercice de l'OUA, M.

Blaise Compaore. Les principes de l'accord de Syrte sont réaffirméset le

principe d'une réunion ultérieure dans le cadre du processus de Lusaka est

adopté 3.

1.42. Au cours d'un sommet tenu à Dar-es-Salaam, le ler juin,

l'Ouganda et la République démocratique du Congo réaffirment leur

volonté de mettre fin pacifiquement au conflit 4.

V.Keesing's,avril 1999, p.42879,Annexe MRDC109.

V.le texte de l'accord publiédans D.A.I.,N012,15juin 1999,pp. 493-494,Annexe MRDC65.
Les4 et 5 mai au cours de la rencontre de Dodàlaquelleparticipe M.Museveni, il est pris
bonne note de l'accord de Syrte, celui-ciétantconsidéré commeune contribution majeure au
processus de paix de Lusaka (initié par la S.A.D.C.), v. OUA, Report of the Secretary
general on the situation in the Democratic Republicof Congo, Council of Ministers, Alger,
CM/2099 (LXX )d, 6-10juillet 1999,p. 7,AnnexeMRDC 49.

3 V. Doc. OUA, Report of the Secretary generalon the situation in the Democratic Republicof
Congo,Council of Ministers, Alger,CM/2099 (LX-d, 6-10juillet 1999,p. 6,§§1S.t

4 V. Doc. OUA, Report of the Secretary generalon the situation in the Democratic Republicof
Congo,Council of Ministers, Alger,CM/2099 (LX-d,6-10juillet 1999,p.§26.1.43. Pourtant l'occupation du territoire congolais se poursuit puisque,

dans le courant du mois de mai, les troupes ougandaises achevent

l'entraînement de quelque 1500 rebelles 1.Dans le même temps, l'Ouganda

déplace ses troupes et leur matériel de Goma vers Kisangani 2.

1.44. Le 24 juin 1999, le Conseil de sécurité dénonce à nouveau la

poursuite du conflit et réaffirme la nécessitéde parvenir à un règlement

pacifique du conflit 3.

1.45. Quant à la République démocratique du Congo, elle continue à

demander le retrait total de toutes les forces non invitées 4et soumet, le 23

juin 1999, son différend avec l'Ouganda àla Cour.

1.46. Peu après, au mois de juillet, le sommet de l'OUA (tenu à Alger),

exprime sa préoccupation par rapport à la situation de conflit armé qui se

prolonge sur le territoire de la République démocratique du Congo, et

réaffirme les mêmes principes de respect de l'unité et de l'intégrité

territoriale de la République démocratique du Congo.

1.47. Les multiples initiatives diplomatiques décrites ci-dessus et leur

échec renouvelé, de même que le refus constant de l'Ouganda de se

V. Keesing'smai 1999p.42927,Annexe MRDC110.

2 V. Doc. OUA, Report of the Secretarygeneralon the situation in theDemocraticRepublicof
Congo,Council of Ministers, Alger,CM/2099 (LX-d, 6-10juillet 19p.6 et 755 20
et 22.

3 V.Doc.ONU, S/PRST /999/17,24juin1999,AnnexeMRDC16.

V. Keesingjuin 1999p.42983,Annexe MRDC111.soumettre à ses obligations internationales, suffisentà établir qu'il eût été

vain pour la République démocratique du Congo de renoncer à la saisine
des organes tiers impartiaux. Ces événementsmontrent qu'une solution

négociéeétait hautement improbable, ce qui n'a cesséd'êtreconfirmédepuis

lors.Section 4. La poursuite de l'occupation ougandaise et l'intensification

du conflit

1.48. La saisine de la Cour a rapidement étésuivie par la conclusion

d'un accord de paix à Lusaka (l), accord dont la mise en Œuvre n'aboutira

pas au retrait par l'Ouganda de ses troupes présentes sur le territoire

congolais (2), et provoquera de nouvelles réactions, en particulier de l'ONU

(3).

1. L'accordde Lusaka

1.49. Au mois de juin 1999, les consultations se poursuivent à Pretoria,

puis à Lusaka. Les experts se réuniront dans un premier temps dans le cadre

de Lusaka V préparant ainsi la réunion des Ministres des Affaires étrangères

(Lusaka VI), qui se tiendra du 28 juin au 7 juillet, afin de préparer un projet

d'accord de cessez-le-feul. Grâce aux contacts informels entre les divers

groupes concernés, des projets portant sur l'accord de cessez-le-feu, sur ses

modalités ainsi que sur le calendrier de mise en Œuvre, ont finalement pu

êtreadopté par consensus le 7 juillet 1999.

1.50. Le 10 juillet, à Lusaka (Lusaka VII), les chefs d'Etat de la

République démocratique du Congo, de l'Ouganda ainsi que d'autres Etats

africains (Angola, Namibie, Rwanda, Zambie, Zimbabwe) signent l'accord de

cessez-le-feu, dit " accord de Lusaka ", prévoyant le retrait des forces

étrangeres2. Les deux mouvements rebelles présents aux négociations, le

A cette occasion, les Présidentsde l'Afriquedu Sud et du Nigeria s'eàfournirdes
troupesdansle cadred'unemissionde maintiende la paix,une fois l'accordde cessez-le-
feu signév.Keesing'sj,uin 1999,p.42984,AnnexeMRCD111.

V.Doc.ONU,S/1999/815,23 juillet1999,AnnexeMRDC31.MLC et le RCD -soutenus par l'Ouganda-, signeront l'accord respectivement

les le' et 31 août 1999. Les représentants de l'OUA, de l'ONU et de la

S.A.D.C. signent également l'accord, de mêmeque la Zambie, en qualité de

témoins.

1.51. Les principales dispositions arrêtées à Lusaka méritent d'être
rappelées.

1.52. L'accord prévoit en particulier la cessation des hostilités entre les

forces des Parties dans un délai de 24 heures après la signature, le

désengagement des forces dans un délai de 14 jours, le déploiement de

vérificateurs de l'OUA dans les 30 jours, celui de la Mission de l'ONU pour

le maintien de la paix (MONUC) dans les 4 mois, le retrait subséquent des

forces étrangères (dans les six mois). Il est prévu la création d'une

Commission militaire mixte (composée de deux représentants de chaque
Partie à l'accord et d'un président neutre désignépar l'OUA en consultation

avec les Parties) et d'un Comité politique composédes Ministres des Affaires

étrangères et de la Défenseou de tout représentant dûment mandaté par les

Parties1. La Commission a entre autre pour mandat de vérifierle retrait des

forces étrangèreset le respect du cessez-le-feu.

1.53. L'accord prévoit également la constitution d'une force appropriée

par les Nations Unies en collaboration avec l'OUA, dont la mission sera
notamment de collaborer avec la Commission militaire mixte afin de

vérifier le retrait des forces étrangères.En attendant le déploiement de la

force de maintien de la paix des Nations Unies, la Commission militaire

Le Comité politique apour rôle de s'occuperdes questions politiques pendant la mise en
Œuvrede l'accordde cessez-le-feu etd'aiderlaCommission militai(CMM)tedans
le cadrede problèmesd'ordrepolitique.mixte assurera l'exécution de ce type d'opération, et ce des l'entrée en

vigueur de l'accord de cessez-le-feu.

1.54. Ces dispositions étant extrêmement précises, elles auraient dû

faire l'objet d'une application immédiate par l'Ouganda et les forces rebelles

soutenues par cet Etatl. C'est d'ailleurs en ce sens qu'ont réagi lesorganes

des Nations Unies en préparant activement l'envoi des premiers éléments

de la force des Nations Unies.

1.55. C'est ainsi que dans son rapport du 15 juillet 1999, le Secrétaire
général faitpart des démarches du Département des opérations de maintien

de la paix aupres des Etats potentiellement contributeurs afin de constituer

la future MONUC 2.Il recommande le déploiement de 90 officiers de liaison

militaire dans les capitales des principaux belligérants 3.

1.56. Le 6 août, le Conseil de sécuritéadopte la résolution 1258 (1999)'

dans laquelle il autorise le déploiement de 90 officiers de liaison militaire.

En outre, le Conseil ne manque pas de

"Demande(r1 à toutes les parties au conflit, en particulier aux
mouvements de rebelles, de cesser les hostilités, d'appliquer
intégralement et sans délailes dispositions de l'Accord de cessez-le-feu,
[..]"4.

V. aussi la déclaration de la Présidenceau nom de I'UEdans laquelle l'Union estime que
l'accord revêtune importance décisivepour le rétablissementde la paix etemande
égalementaux gouvernements du Rwanda et de l'Ougandad'user de leur influencees
du RCDet du MLCpour lesconvaincre de respecter immédiatement le cessez-le-feu,de
cesser leur lutte d'hégémonieet de signer cet accord sans plus tarderjuillet 1999,
Doc. UE,Press:223-NR:10131/99,AnnexeMRDC 78.

2V.Doc.ONU, S/1999/790,15 juillet 1999,AnnexeMRDC 20.

3 V.Doc.ONU, S/1999/790,15 juillet 1999§16.

Doc.ONU, S/RES/1258,6 août 1999,AnnexeMRDC2.1.57. Ces efforts ne devaient malheureusement pas êtresuivies d'effet,

les forces d'occupation ougandaises refusant obstinément de mettre fin à
leur occupation du territoire congolais.

2. La poursuite de l'occupation en dépit de la conclusion de l'accord de

Lusaka

1.58. Au cours des jours suivants, l'échecde l'accord de cessez-le-feu de

Lusaka devient patent, en particulier lors des affrontements entre forces

ougandaises et rwandaises.

1.59. Dans son rapport du le' novembre 1999,le Secrétairegénéralfait

état d'allégationsde violations du cessez-le-feu par les Parties et écritque des

confrontations entre les troupes ougandaises et rwandaises ont eu lieu dans

le courant des mois d'août et septembre 1999 l.

1.60. Le 13 novembre, le Secrétaire généralnomme M. Kamile Morjane

comme son représentant spécial en République démocratiquedu Congo 2.

1.61. Le 30 novembre 1999,dans sa résolution 1279 (1999),le Conseil de

sécurité se déclarepréoccupépar les "violations présumées du cessez-le-

feu" ainsi que par "les graves conséquences du conflit pour la sécuritéet le

bien êtrede la population civile". C'est ainsi que le Conseil

"demande à toutes les parties au conflit de mettre fin aux hostilités,
d'appliquer intégralement les dispositions de l'accord de cessez-le-feu et

1V. Doc. ONU, S/1999/1116, ler novembre 1999,913,Annexe MRDC 21.

V.Doc. ONU, S/1999/1171,16 novembre 1999,Annexe MRDC 32. de recourir à la Commission militaire mixte pour régler les différends
relatifsà des questions militaires"1,

et constitue la mission de l'organisation des Nations Unies en République

démocratique du Congo (MONUC) dont les tâches comprendront les

enquêtessur les violations du cessez-le-feu et l'élaborationdes plans en vue

de l'observation du cessez-le-feu et du désengagement des forces 2.

1.62.
Durant toute cette période, l'Ouganda n'en adoptera pas moins
une position qui, de prime abord, pourrait passer pour conciliante. On

notera par exemple que c'est sous la présidencedu Ministre d'Etat chargédes

Affaires étrangères de l'Ouganda, M. Amama Mbabazi, que le Comité

politique instauré par 1'accord de Lusaka tient sa première réunion, les 2 et

3 septembre 1999, à Lusaka3.

1.63. Pourtant, sur le terrain, aucune des échéancesprévues dans le

calendrier de l'accord de cessez-le-feu n'est respectée.

1.64. Ainsi, lors de la deuxième réunion de la Commission militaire

mixte, soit le5 novembre 1999,une décisionest adoptée dans laquelle il est

demandé aux Parties à l'accord susmentionné d'informer leurs propres

forces armées ainsi que les forces qu'elles supportent des modalités de

cessation des hostilités. Il s'agit de mesures qui, normalement, auraient dû

êtreappliquées 24 heures après la signature de l'accord.

1Doc.ONU,S/RES/1279 (1999),30 novembre1999,s 1,AnnexeMRDC 4.

2V.Doc.ONU,S/RES/1279 (1999),30novembre1999,s 4.

3 V. le rapportdu Çecrétairegénéraslurle processusde paixen Répdémocratiquedu
Congo, 23 septembre1999,Doc.OUA,CentralOrgan/MEC/AMB/3 (LIX)p,3, Annexe
MRDC 50.1.65. A la même date, la Commission militaire mixte créée différents

groupes de travail afin d'établir notamment les procédures de

désengagement 1. Il s'agit d'un autre exemple du retard pris dans le cadre de

la mise en Œuvre d'une des dispositions principales de l'accord.

Mais une fois de plus, on constate que l'Etat ougandais affiche des

positions parfaitement contradictoires en participant, d'une part, aux

réunions de la CMM - et en assumant mêmela présidence de l'un des

groupes de travail -, et, d'autre part, en poursuivant son effort de guerre sur

le sol congolais.

1.66. L'échecdu cessez-le-feu est criant, et il sera finalement décidé de

définir un nouveau calendrier. Lors de la quatrième session de la

Commission militaire mixte, tenue à Lusaka du 13au 16 janvier 2000, celle-

ci soumet au Comité politique la révision du calendrier de l'accord, et les

actions à adopter à l'encontre de ceux qui violent le cessez-le-feu. Les chefs

d'Etats se réuniront ensuite sous la présidence du président Chiluba, le 23

février, afin de fixer ce nouveau calendrier 2,.

V. Agreementfor a cease-firein the DernocraRepublicof Congo,Commission militaire
mixte, décision N02, 5 novembre 1999, Annexe MRDC 70. On se rapportera aux
disposition s de l'Accord de Lusaka concernant la définitiondes termes cessation des
hostilités (chap.), désengagement (chap. 2) et retrait des forces étrangères (4).p.
Les quatre équipes de travail sont chargées respectivement de la détermination des
corridors humanitaires et étudesde la question de prisonniers de g;du mécanisme
pour les opérations relativesla neutralisation des groupes armé;des criminels de
guerre et auteurs des crimescontre ledroit humanitaire, de l'élaborationdes mécanismes
et procédures de désengagement; du plan de retrait des forces étrangeres. La
Commission militaire mixte instaure également des Commissions militaires mixtes
locales (CMM-R). La troisieme session de la CMM tenuà Harare invite la MONUC à
visiter certaines villes et localitésainsique de se déployerau niveau des CMM-R.

2 Le 23 février 2000, les chefs d'Etat et les dirigeants des groupes (rebelles) congolais se
réunissentà Lusaka sous la présidencedF.Chiluba. Ilsadoptent un communiquédans lequel
ils réaffirment leur soutiànl'Accord de cessez-le-feu de Lusaka et établissentun nouveau
calendrier pour leprocessus de Lusaàapartir dlermars 2000;v.Doc.ONU, S/20000/330,18
avril 2000, 55.1.67. Dans le même temps, les forces d'occupation ougandaises

procedent de plus en plus ouvertement au pillage des ressources naturelles

du Congo. Ce fait est dénoncépar le Conseil de sécuritéau mois de février

2000, lorsqu'il

"17. Se déclare vivement vréoccuvé par les informations suivant
lesquelles les ressources naturelles et autres richesses de la République

démocratique du Congo sont illégalement exploitées, ce notamment en
violation de la souveraineté du pays, demande qu'il soit mis fin à ces
activités, exprime son intention de poursuivre l'examen de la question
et prie le Secrétaire généralde lui rendre compte dans les 90 jours des
moyens qui pourraient être misen Œuvre pour atteindre cet objectif 1.

1.68. Cette question sera aussi au centre des discussions entre les

Membres de la Mission du Conseil de sécurité qui se rendront en

République démocratique du Congo et en Ouganda au mois de mai 2000 et

donnera lieu, au mois de juin 2000, à la mise sur pied d'un comité d'experts

entre autre chargés de

"(...) réunir les informations sur toutes les activités d'exploitation
illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République
démocratique du Congo, ce notamment en violation de la
souveraineté du pays" 2.

1.69. La situation qui a prévalu sur le terrain ces derniers mois est

significative à plus d'un titre de la remise en cause constante de ses

engagements par l'Ouganda. Le 8 avril dernier (soit plus de huit mois apres

le délai initialement prévu par l'accord de Lusaka), celui-ci a finalement

signé un accord de désengagement des forces - l'accord de Kampala.

1 Doc.ONU,S/RES/1291(2000 2,févrie2000,s17,Annexe MRDC5.

2 Doc.ONU,S/PRST/2000/20,2 juin2000,AnnexeMRDC 19.1.70.
L'occupation, les pillages et les exactions se sont cependant
poursuivis, ce qui a engendré une réaction internationale plus ferme,

notamment de la part de l'ONU.

3. Les réactionsdes institutions internationales, et en particulier de l'ONU

1.71. En mai 2000, soit quelques semaines à peine après la conclusion

de l'accord de Kampala, le Conseil de sécuritéde l'ONU,

"gravement préoccupépar la reprise des affrontements entre les forces
ougandaises et rwandaises à Kisangani (...),estime que ces actes de
violence contreviennent directement à l'Accord de Lusaka, au Plan de
désengagement de Kampala en date du 8avril 2000,au cessez-le-feu du
14avril 2000 (...)1.

1.72. Lors d'une rencontre avec les membres de la mission du Conseil

de sécurité,le 8 mai, le Président ougandais réaffirmeêtre prêt à retirer ses

forces arméesdéployéesdans et aux alentours de Kisangani.

1.73. Il n'en a rien étépuisque les combats ont redoublé de violence

dans le courant du mois de juin.

1.74. Après avoir déploréla poursuite des affrontements armés entre

les forces armées de l'Ouganda et du Rwanda à Kinsangani, le Secrétaire

généralde l'OUA, dans un communiqué, déclare :

"The recurrring and continued fighting between the Ugandan and the
Rwandan armed forces in Kisangani is highly disturbing and, indeed,
deplorable. The fighting is in complete contravention of the

agreements that have been negociated by the Government of Uganda
and the Government of Rwanda [...Above al1it is in total violation
of the Lusaka Ceasefire Agreement. The victims of the fighting have

1Doc. ONU, S/PRÇT/2000/15 ma5i2000A,nnexeMRDC 18.

51 not only been Ugandan and Rwandan soldiers, but have also
included innocent Congolese civilians, a number of them have been
killed and many others injured. There are also reports of destruction
of infrastructure in Kisangani "1.

1.75. Le Conseil de sécuritéa alors adoptésa résolution 1304(2000),le 16

juin 2000. Dans cette résolution, le Conseil

"Condamne à nouveau sans réserve les combats entre les forces
ougandaises et rwandaises à Kisangani, en violation de la souveraineté
et de l'intégritéterritoriale de la République démocratique du Congo
[..I

Exige également
a) Que l'Ouganda et le Rwanda, qui ont violé la souveraineté et
l'intégrité territoriale de la République démocratique du Congo,

retirent toutes leurs forces de la République démocratique du Congo
sans plus tarder [..]"2;

1.76. Trois jour plus tard, la République démocratique du Congo
saisissait la Cour d'une demande en indication de mesures conservatoires

par laquelle il priait la Cour d'indiquer d'urgence les mesures

conservatoires suivantes :

"1) le Gouvernement de la République d'Ouganda doit ordonner à

son armée de se retirer immédiatement et complètement de
Kisangani;

2) le Gouvernement de la République d'Ouganda doit ordonner à son
armée d'arrêterimmédiatement tout combat ou activité militaire sur
le territoire de la République démocratique du Congo, de se retirer
immédiatement et complètement de ce territoire, et doit cesser
immédiatement de fournir, directement ou indirectement, tout appui

à tout Etat ou tout groupe, organisation, mouvement ou individu se
livrant ou se disposant à livrer des activités militaires sur le territoire

Staternentby the Secretary-Generalof the OAUon the currentfighting in Kisangani, PR.
54/2000, AnnexeMRCD60.

2 DOC.ONU,S/RES/ 1304 (2000),16juin200§4,hnexe MRDC6. de la République démocratiquedu Congo;

3) le Gouvernement de la République d'Ouganda doit prendre toutes
les mesures en son pouvoir pour que les unités, forces ou agents qui
relèvent ou pourraient relever de son autorité, qui bénéficient ou
pourraient bénéficierde son appui, ainsi que les organisations ou
personnes qui pourraient se trouver sous son contrôle, son autorité
ou son influence, cessent immédiatement de commettre ou d'inciter
à commettre des crimes de guerre ou toute autre exaction ou acte

illicità l'encontre de toutes les personnes sur le territoire de la
République démocratique du Congo;

4) le Gouvernement de la République d'Ouganda doit cesser
immédiatement tout acte ayant pour but ou pour effet d'interrompre,
d'entraver ou de gêner des actions visant à faire bénéficier à la
population des zones occupées de leurs droits fondamentaux de la
personne, en particulierà la santé età l'éducation;

5) le Gouvernement de la République d'Ouganda doit cesser
immédiatement toute exploitation illégale des ressources naturelles
de la République démocratique du Congo, ainsi que tout transfert
illégalde biens, d'équipements ou de personnes à destination de son
territoire;

6) le Gouvernement de la République d'Ouganda doit dorénavant
respecter pleinement le droit à la souveraineté, à l'indépendance

politique et à l'intégrité territorialeque possède la République
démocratique du Congo, ainsi que les droits et libertésfondamentales
que possèdent toutes les personnes sur le territoire de la République
démocratique du Congo".

1.77. Le Président de la Cour usait aussitôt des pouvoirs qui lui sont

conféréspar l'article 74, paragraphe 4 du Règlement pour inviter les parties

à se comporter d'une manière telle que les mesures conservatoires qui

pourraient être adoptéesne soient pas dépourvues d'effets. Les audiences

ont eu lieu les 26 et 28 juin 2000.

1.78 La Cour rendait, le ler juillet 2000, une ordonnance par laquelle

elle ordonnait les mesures conservatoires suivantes1 :

C.I.J.,affairedes Activitésmilitairessur le duCongo(République démocratique
du Congoc.Ouganda),ordonnancedu lerjuillet0,s 47." 1) Les deux Parties doivent, immédiatement, prévenir et s'abstenir de tout
acte, et en particulier de toute action armée, qui risquerait de porter atteinte
aux droits de l'autre Partie au regard de tout arrêt que la Cour pourrait
rendre en l'affaire, ou qui risquerait d'aggraver ou d'étendre le différend
porté devant elle ou d'en rendre la solution plus difficile;

2) Les deux Parties doivent, immédiatement, prendre toutes mesures
nécessaires pour se conformer à toutes leurs obligations en vertu du droit
international, en particulier en vertu de la Charte des Nations Unies et de la
Charte de l'organisation de l'unité africaine, ainsi qu'à la résolution 1304
(2000) du Conseil de sécuritédes Nations Unies en date du 16juin 2000;

3) Les deux Parties doivent, immédiatement, prendre toutes mesures
nécessaires pour assurer, dans la zone de conflit, le plein respect des droits
fondamentaux de l'homme, ainsi que des règles applicables du droit
humanitaire."

1.79. Sur le terrain, les forces ougandaises poursuivent cependant leur

occupation, ainsi que leur politique de pillage organisé et d'exactions.CONCLUSIONDU CHAPITRE

1.80. Ce premier chapitre visaità présenter le contexte politique et

diplomatique de la présente affaire, en expliquant comment la situation
avait évoluédepuis le mois d'août 1998, avec les débuts de l'agression

ougandaise. On a constatéque de nombreuses initiatives diplomatiques

avaient étéengagées,aux pians sous-régional, régional, et au sein de l'ONU.

Ces initiatives sont cependant restées sans effet notable, ce qui a mené la

République démocratique du Congo à saisir la Cour de sa requête, puis

d'une demande en indication de mesures conservatoires. La situation ne

s'est cependant pas fondamentalement modifiée, l'Ouganda continuant sa

politique d'agression et d'occupation, et ce en dépit des exigences avancées
par le Conseil de sécurité,en particulier dans ses résolutions234 (1999) et

1304(2000).CHAPITREII2.01. La République démocratique du Congo a déjàexposébrièvement

les faits qui sont à la base de sa requête(supra, introduction, section 1).

L'Ouganda est intervenu militairement en République démocratique du

Congo le 2 août 1998, occupe depuis lors une partie substantielle du

territoire congolais, y exploite les ressources naturelles, s'y approprie

indûment des biens et se livre àdes exactions à l'encontre de la population
civile.

2.02. Avant de développer ces élémentsplus avant, la République

démocratique du Congo rappelle qu'elle ne se livre ici qu'à un

établissement des faits nécessaires à la démonstration de la violation par

l'Ouganda des diverses obligations internationales mentionnées dans sa

requête et détaillées dans le présent mémoire. Ce n'est qu'à un stade

ultérieur de la procédure que le détail d'élémentsde fait indispensables àla
détermination exacte de l'étenduedu dommage subi sera nécessaire. C'est

pourquoi il ne s'agira pas à ce stade de reprendre les modalités précises et

détailléesde chaque action militaire et paramilitaire de l'Ouganda, ou de

chaque exaction ou pillage, mais de montrer de manière générale et

incontestable que ces actions se déroulent de manière continue depuis pres

de deux années.

2.03. A cet égard, il faut encore mentionner les particularités de la
présente affaire, qui concerne des faits qui se produisent pour la plupart sur

une partie du territoire congolais sur lequel les autorités légitimes ont

temporairement perdu l'autorité, précisémene tn raison de l'agression et de

l'occupation d'Etats étrangers, en particulier de l'Ouganda. Cette

circonstance explique le caractere sommaire d'un certain nombre de

documents probatoires présentés ci-dessous. La République démocratique

du Congo se réserve le droit de compléterles élémentsde preuve au fur et àmesure qu'elle recouvrira effectivement l'exercice de sa souveraineté sur
l'ensemble de son territoire. Tant que tel ne peut être le cas, elle se voit

contrainte de se cantonner aux éléments dont elle peut effectivement

disposer.

2.04. Par ailleurs, l'Ouganda ayant clairement admis, ou ne s'étant pas

opposé, aux versions des faits présentés ci-après par la République

démocratique du Congo, il se peut que le présent chapitre ne soit en

définitive qu'un exposédestiné à refléterun accord des parties à l'instance

sur les faitsà établir,ou du moins sur certains de ceux-ci. Il est en tout état
de cause essentiel de présenter brièvement les élémentsde preuve sur

lesquels la Cour doit, en tout état de cause et indépendamment de

l'existence ou non d'un accord des parties, se fonder pour rendre son

jugement.

2.05. La République démocratique du Congo commencera par exposer

la matérialitédes faits qui sont àla base de sa requête,en reprenant divers

incidents, actions et exactions particulières attribuablàsl'Ouganda (Section

1). Ce n'est que dans un second temps que la République démocratique du

Congo démontrera que ces faits sont juridiquement établis, eu égard aux
critères de preuve généralementadmis par la jurisprudence internationale

(Section 2).Section 1. Lamatérialité des faits

2.06. La République démocratique du Congo identifiera ci-dessous les

élémentsde fait qui sont à la base de sa requête, en expliquant comment

l'Ouganda est intervenu militairement en République démocratique du

Congo, depuis le mois d'août 1998, et comment il s'est livré à de multiples

pillages et exactions. Les exemples qui seront exposésne le sont qu'à titre

illustratif, et la République démocratiquedu Congo se réserve le droit de les

compléter dans une phase ultérieure de la procédure, en particulier dans la

mesure oh elle serait à mêmede disposer de nouveaux éléments attestant
d'événementsqui se sont déroulésdans des territoires sur lesquelles elle ne

peut exercer son autorité en raison de leur occupation par les forces

ougandaises. Certains documents complémentaires sont par ailleurs

présentés enannexe au présent mémoire, toujours à titre illustrat1.

2.07. Les faits exposés ci-dessous couvrent plusieurs aspects qui ne

seront pas distingués à ce stade. Il s'agitdes opérations militaires en tant que

telles, du soutien politique et logistique apporté par l'Ouganda aux forces

irrégulières, et des exactions et pillages qui accompagnent les activités

militaires et paramilitaires de l'Ouganda.

1. Le déclenchement de l'occupationet de l'agression

2.08. En mai 1998,le point de rupture dans les relations amicales entre

l'Ouganda, le Rwanda et la République Démocratique du Congo,

anciennement alliés, est atteint lorsque les présidents ougandais, Yoweri

Museveni, et rwandais, Pasteur Bizimungu, déclinent les invitations du

V.lesAnnexes MRDC, 143à 149.Président Kabila à participer à des rencontres internationales à Kinshasa,

dont l'une est une réunion sur la sécurité régionale(projet de Conférence

sur la paix et la sécuritédans la régions des Grands Lacs) et l'autre, une

rencontre au sommet du COMESA ',tenue au mêmemoment où se célèbre

l'anniversaire de l'indépendance de la République démocratique du congo2.

2.09. De graves griefs sont alors avancéspar le gouvernement congolais

à l'encontre de l'Ouganda, accuséde piller les richesses de la République

démocratique du Congo. Un ministre souligne à la télévision congolaise

quedes

"trafiquants ougandais, dont certains sont haut placés dans le

gouvernement, font de la contrebande de bois, d'or et de diamants
entre l'Est du Congo et le Kenya" 3.

2.10. Le 28 juillet, le président de la République démocratique du

Congo décrète qu'il est mis fin définitivement à la présence des troupes
rwandaises au Congo, ce qui concernait aussi d'éventuels éléments

ougandais.

2.11. Le texte est ainsi libellé

" Le commandant suprême des Forces armées nationales congolaises,
le Chef de l'Etat de la Républiquedu Congo et le Ministre de la Défense
nationale, informe le peuple congolais qu'il vient de mettre fin,à dater
de ce lundi 27 juillet1998,à la présence militaire rwandaise qui nous a
assistépendant la période de libération du pays. Il remercie, à travers

CommonMarketfor Eastern andÇouthernAfricacomposéede21membresdontI'Ougandal ,e
Rwandaet la RDC.

J.-C.WILLAME, L'Odyssée Kabila-Trajectoipour unCongonouveau 1,Paris, Karthala,
1999,p.1.

J.-C.WILLAMEo , p.cit.,p.213,citantVictorMpoyo. ces militaires, tout le peuple rwandais de la solidarité qu'il nous a
témoignéjusque là. Aussi félicite-t-il la grandeur d'âme du peuple
congolais démocratique d'avoir toléré,hébergéet encadré ces soldats
amis durant leur séjour passager dans notre pays. Ceci maraue la fin de
la présence de toutes forces militaires étrangèresau Congo "1.

2.12. Les membres des communautés rwandaise, burundaise et

ougandaise, saisies de panique parce que croyant ne pouvoir êtreprotégés

que par leurs troupes d'origine, y compris les officiels, se mettentCitraverser

le fleuve pour se réfugier à Brazzaville et mêmese rendre à l'Est du pays,

Goma, Bukavu, etc.. .

2.13. Le 30 juillet 1998, le Ministre de la Justice fait état d'une

"campagne de désinformation depuis le départ des coopérations militaires

étrangeres", tout en insistant sur le fait que "les congolais banyamulenge, les

burundais, les autres étrangers sont libres de vaquer à leurs occupations

quotidiennes et que le respect de leurs droits sera parfaitement garanti" 2.

2.14. Deux explications sont à la base de la décision prise. D'une part,

on avance l'éventualité d'un coup d'Etat militaire qui aurait étépréparé

pendant le séjourdu président Kabila à Cuba et qui aurait étééventépar le

Ministre de la Santé publique somji3. D'autre part, un grand

mécontentement régnait parmi les commandants d'origine tutsi qui

estimaient avoir été injustement éloignés des rangs du pouvoir. Les

services de sécurité font soupsonner un complot, notamment du fait que les

commandants d'origine ougandaise et burundaise tiennent au moins trois

Communiqué publié dans le Bulletin de l'Agence Congolaise dsiapres A.C.P.), 28
juillet 1998.

A.C.P.,0 juillet 1998.

J.C. WILLAME,op.cit.,p.217.réunions par jour pour faire face à la situation. En ce sens, selon J.-C.

Willame, "l'éloignement du chef d'Etat major, le rwando-ougandais James

Kaborehe, inquiete fortement les autres commandants de mêmeorigine" '.

2.15. Les 29, 31 juillet etle' août, les militaires présents à Kinshasa,

appartenant aux armées des Etats voisins concernés, dont l'Ouganda, sont

remerciéset rapatriés de facon tout à fait solennelle dans leur pays d'origine.

2.16. A Kinshasa, un millier de soldats ougandais et rwandais qui

s'étaient soustraitsà l'opération de rapatriement prennent alors d'assaut les
camps militaires Tshashi et Kokolo, confirmant ainsi la thèse du coup d'Etat

en préparation.

2.17. Le 2 août à Bukavu, vers 19 heures, un groupe de militaires

ougandais, rwandais et burundais, s'emparent de la radio officielle. Un

communiqué signé "le commandant militaire" annonce que le Sud Kivu se

"désolidarise du régimeKabila ".Un autre commandant proclame plus tard

"l'autonomie de la province "

2.18. Des mutineries sont alors suscitéespar les forces étrangères, à la

recherche de nouveaux alliés. On assiste ainsi aux mutineries de la 10'"' et
de la 222ème brigades, basées respectivement à Goma et à Bukavu, composées

essentiellement des militaires d'origine rwandophone ayant vécu une

bonne partie de leur vie en Ouganda et mêmeservi dans les rangs de

l'arméeet des services de sécurité ougandaise.3 Dans la nuit du 3 au 4 août,

* J.-CWILLAME, o ci.,p.216.

Rapportdu RéseauEuropéeC nongo(REC),REC- infniO8/98pp.4 et suivantes.

Voir ColettBRAECKMAN L,enjecongolaiParis, Fayard, 1999.une mutinerie éclate également àKisangani.

2.19. La rébellion est donc crééede toutes pièces bien aprh le

déclenchement des hostilités arméespar les soldats ougandais et rwandais

qui refusent le rapatriement. La logistique ougandaise et rwandaise est mise

à leur disposition. D'aprèsla reconstitution des faits, effectuée par le Réseau

des ONG européennes pour le Congo (REC),

"les troupes ougandaises, qui entrent et sortent au Nord Kivu et à
Bunia, elles, pousseront leur avance jusqu'à Kisangani, Mwenga,
Uvira et Fizi. A Kisangani, elles arrivent les 21 et 22 août par
groupes ".'

2.20. Selon le quotidien pro-gouvernemental ougandais "New Vision"

dans sa livraison du 11 novembre 1998,relayépar "LePotentiel" (no 1468 du

12 novembre 1998), les forces qui combattent dans l'Est de la République

Démocratique du Congo (entendez les troupes rwandaises, ougandaises et le

Rassemblement Congolais pour la Démocratie) étaient dorénavant placées

SOUS un "état-major conjoint" dirigé par le Chef d'Etat maior généralde

l'Armée ougandaise James Kazini, lequel était secondé par le Colonel
Kayumba de l'ArméePatriotique Rwandaise. Ce quotidien signale que cet

Etat major conjoint était composé de 32 officiers dont dix sept Ougandais,

dix Rwandais et cinq Congolais.

2.21. Le 4 août 1998,l'existence d'un plan de déstabilisation du pouvoir

en place à Kinshasa, ainsi que de conquêtedu pays, saute aux yeux lorsque

trois aéronefs de type Boeing des compagnies aériennes congolaises, Congo

Air Lines et Blue Air Lines et un cargo des Lignes Aériennes Congolaises

Groupe Justiceet Libérati, aguerre duCongà Kisanganiet les violationsdes droits de
l'homme,du2aoûtau 17septembre1998,Kisangani,18septembre1998,p.2.

63(LAC) sont arraisonnés au départ de l'aéroport de Goma par les forces

armées de pays agresseurs, dont l'Ouganda. Après avoir fait le plein de

kérosèneet pris des caisses de munitions à Kigali, ils se rendronà Kitoma,
base militaire située dans la frange occidentale du pays, à plus de 1.500

kilomètres des frontières de la République démocratique du Congo avec

l'Ouganda et l'autre pays agresseur, à côtéde Moanda, à l'embouchure du

fleuve Congo. En plusieurs rotations, ils y débarquent plusieurs contingents

de soldats étrangers,dont des ougandais. Après quelques échanges de tirs, et

moyennant promesses de rémunération et de réhabilitation, des ex-FAZ

(Forces Armées Zaïroises dechues) sont associées à l'opération. A cet égard,

le témoignage du nigérian Inyang, commandant de bord du Boeing 707

d'Air Atlantic en location par les Lignes Aériennes Congolaises, également

arraisonné, est d'une importance révélatricecapitale1. On y ajoutera des

témoignages des soldats ougandais et autres, capturés et faits prisonniers de

guerre, dans leur tentative vaine de prendre la ville de Kinshasa, capitale de
la République démocratique du Congo, à partir de Kitona, Boma et Matadi,

ainsi que de saboter le barrage hydro électriqued'Inga.

2.22. Le but poursuivi de ce détournement d'avion étaitde :

- tenter de rallierà leur complot les soldats congolais en formation à la

Base Militaire de Kitona;

- faire le blocus des voies maritimes et des ports de Banana, Boma et

Matadi et l'impraticabilité de la Route nationale nO1et des voies ferrées

Matadi-Kinshasa, de saboter et piller les installations portuaires, afin de

Intervieà la radio nationaleet reportage ducorrespondantdu JournalfrancaisLibération
dans J.-C. WILLAME,op. cit., p.222. Ici l'orthographeest Raymond Gnang, mais il
s'agitdelamême personne.bloquer la principale voie du flux (trafic) du commerce maritime

international de la République démocratique du Congo, et d'asphyxier

l'approvisionnement de Kinshasa en armes et munitions, en denrées

alimentaires, médicaments, hydrocarbures, et autres biens de première

nécessité;

- s'attaquer aux objectifs civils, notamment en investissant et en sabotant

les installations du barrage hydroélectrique dtInga. Pourtant, ce barrage

assure la fourniture en énergie électrique des villes de Kinshasa, de

Brazzaville, de la province du Bas-Congo et des exploitations minières du

Katanga ainsi que de plusieurs autres pays de l'Afrique Centrale et Australe.

Le bilan relatifà cet acte ignoble a été catastrophiqueau plan économique,
social et humanitaire.

2.23. Quelques semaines plus tard, le 2 octobre 1998, la République

démocratique du Congo, par la voie du ministre des transports et

communications, déposera une plainte contre le Rwanda et l'Ouganda

auprès de YOACIdu fait du détournement des trois aéronefs civils congolais
du 4 août 1998par les forces militaires de l'Ouganda et du Rwanda, àdes fins

militaires et de la violation de l'espace aérien congolais par lesdites forces

militaires.

2.24. Une semaine après le débarquement, les envahisseurs, dont les

Ougandais, prennent tour à tour Kitona, Boma, Matadi, Inga, pour ne citer

que ces villes, en y procédantà un pillage systématique. Le dimanche 9 août
1998, deux colonnes des soldats ougandais pénètrent dans le territoire

congolais et se dirigent versBunia, dans la province orientale. La premiere

colonne est composée de trois blindés et sept camions K.V., la seconde

comprend sept autres blindés, localisésentre Kamango et Watsa. Le même9 août, à 11 heures (9 heures GMT), un gros porteur de l'arméeougandaise

atterrità Nebbi, district ougandais, très proche de Karobo, à plus ou moins

20 kilomètres de Mahagi, en territoire congolais, et y dépose un lot

important d'armes et de munitions. Celles-ci sont distribuées aux garnisons

de Mahidi, de Juruti, de Mbo et de Mee, dans le but de servir de forces

d'appui aux troupes ougandaises opérant déjàen République démocratique

du Congo.

2.25. Les troupes ougandaises, après avoir conquis un certain nombre

de villes et localitésdu Nord, poussent leur avance jusqu'à Bunia, Mwenge,

Uvira, Fizi. Elles atteignent Kisangani les 21 et 22 août 1998. En septembre,

elles renforcent leurs positions et continuent leur progression.

2.26. En vue d'accomplir leur basse besogne à l'abri des témoins, les
troupes ougandaises chassèrent toutes les organisations humanitaires

internationales, notamment le HCR, l'UNICEF, l'OMS, les MSGF, en les

faisant transiter obligatoirement par Kigali pour une fouille systématique et

moyennant une escorte militaire, empêchant ainsi toute collecte

d'informations sur les massacres et pillages perpétrés dans les territoires

congolais sous contrôle rwandais et ougandais.

2.27. Le 26 août 1998, le gouvernement ougandais est interpellé par le
parlement de l'Ouganda sur son implication dans la guerre en république

Démocratique du Congo. Intervenant au nom du Gouvernement, le

Ministre ougandais de la Défense reconnaît la présence des troupes de

l'Armée ougandaise dans les villes congolaises de Butembo et de Beni et

prétend justifier cette présence comme stratégique pour empêcher les

rebelles ougandais de disposer d'une base arriere en territoire congolais. Les

députésopposés àcette agression ontà cette occasion demandé au PrésidentMuseveni d'accélérer le processus de cessez-le-feu afin que les soldats

ougandais quittent le territoire d'un Etat indépendant et souverain 1.

2. La poursuitede l'agression

2.28. L'agression et l'occupation du territoire congolais se sont ensuite

poursuivies, et se sont traduites par différents actes de force dont on

mentionnera quelques exemples ci-après.

2.29. Le 9 octobre 1998,les troupes ougandaises et celles des autres pays

agresseurs, attaquent et abattent un aéronef civil (Boeing 727) appartenant à

Congo Airlines, un missile air-sol le touchant trois minutes après son

décollage de l'Aéroport de Kindu à destination de Kinshasa. Cet aéronef qui

assurait un vol régulier s'est écrasé à plus ou moins 39 km de Kindu (entre

Kindu et Lodja). Le bilan étaitde 41 morts dont trois membres de l'équipage.

Aucun survivant n'a été retrouvé.

2.30. Cet acte de destruction intentionnelle s'est opéréen violation des

normes et pratiques recommandées internationales de l'Annexe 1.1 à la

Convention de Chicago de 1944, relative à l'aviation civile. A la premiere

séance de la 155'~~session du Conseil (C. - DEC 155/1), le président du

Conseil de I'ARCI, Monsieur Assad Kaitie, informe le Conseil de la

réception, le 13 octobre 1998, de communications de la République

démocratique du Congo (datée du 9 octobre) soulevant la question du

détournement de trois aéronefs civils congolais le 4 août 1998 par les forces

militaires du Rwanda et de l'Ouganda à des fins militaires, ainsi que de la

violation de l'espace aérien congolais par lesdites forces militaires. Par la

LePotentiel, 1490,28janvier1999.suite, le Président du Conseil a requ toàrtour une lettre du 20 octobre 1998
du Ministre des Transports et Communications et le 22février 1999, une

lettre de l'Ambassade de la République démocratique du Congo, avec en

annexe une autre du Ministre susmentionné, datant du 2 février1999. Le 22

février, le Conseil de 1'OACI inscrit la requête de la République

démocratique du Congo au programme de ses travaux pour la 156'~~

session.

2.31. Le 12 novembre 1998, le Doyen de la Faculté des Sciences

Politiques de l'université de Kampala, le professeur Akiki Mudjandju,

dénonce l'intervention militaire de son pays en République démocratique
du Congo, caractériséepar la nomination d'unchef d'Etat major généralde

l'armée ougandaise, le général JamesKazini, à la têtedu commandement

unique des forces d'agression qui opèrent à côtéde la rébellion congolaise.

Le professeur Akiki propose au président Museveni de revoir son analyse

du problGme de sécurité en Ouganda, soulignant que la solution à ce

problème se trouve à l'intérieur de l'Ouganda mêmeet non en République

démocratique du congo.'

2.32. Le 16 novembre 1998, on peut assister à des manŒuvres

nocturnes à Kisangani, au pillage des centres de santé Mungango dans la

commune de Kabondo et Annuarité dans la commune de Mangobo, ainsi
que du centre Simama des handicapés physiques.

2.33. Du ler au 31 janvier 1999, les combats se développent sur l'axe

Bukani - Mwenga.

A.C.P14 novembre1998.2.34.
Kamituga, dans le Sud Kivu, à 100 kilomètres de Bukavu, est
attaqué par les militaires ougandais et des autres pays agresseurs du 18 au 15

mars 1999. La population y est victime d'un massacre dénoncépar l'Agence

Catholique Misna.

2.35. Tout au long du mois de février 1999, suite au massacre de

touristes occidentaux dans le parc de Bwindi en Ouganda, une opération de

nettoyage de grande envergure a été menée par les arméesde l'Ouganda et
du Rwanda pour soi-disant rechercher les responsables de ces actes.

Plusieurs villages et lieux en ont fait les fraisoashi (11 au 13 février avec

10 personnes tuées), Ngesha, Busoro, Lushebere, Nyabiondo, Ishasha,

Rutshuru, Masisy.

2.36. Le 9 avril, intervient la signature de l'accord de paix de Syrte avec

l'Ouganda. Cet accord est suivi par la conclusion le 10juillet 1999des accords

de Lusaka avec l'Ouganda et le Rwanda (supra, chapitre 1).En dépit de la
conclusion de ces accords, les actions militaires ougandaises en territoire

congolais se sont multipliées.

2.37. Durant les mois de juillet et août 1999, de nombreuses attaques

sont lancées par les forces ougandaises, conjointement avec les rebelles du

MLC et du RCD-Goma, contre des localités congolaises. Lorsde ces attaques,

de multiples exactions sont commises à l'égard de la population civile

locale.

2.38. C'est ainsi qu'au mois de juillet les troupes ougandaises

procedent successivement àdes attaques de Yalusaka, situéepres d'Ikala, et

de Bokungu (12 juillet, attaque au cours de laquelle les troupes ougandaises

se sont adonnées au viol de plusieurs jeunes filles et femmes, ainsi qu'aumassacre des personnes les plus vulnérables - femmes, enfants, et

vieillards), de Katongola et Kabumbulu dans le Kasaï Oriental (13 et 22

juillet), de Bokola,londo, Gemena, Bomandja, Libenge, Zongo, Yekumbo et

Bongandanga dans la province de 1'Equateur (13-14-15-22-29-31 juillet),

dfIdumbe dans le Kasaïn (14 juillet), de Bokungu, de Bosumonene (29

juillet) et deusengo (31 juillet). Le17 juillet 1999,les troupes ougandaises
et leurs agents du MLC attaquent encore les convois des troupes de la SADC

alliéesaux Forces Armées Congolaises (FAC) en vertu de l'exercice du droit

de légitime défense individuelle et collective prévu par l'article 51 de la

Charte de l'ONU, transportant des rations destinées aux troupes des FAC

stationnées à Ikela.

2.39. Au mois d'août 1999, les offensives des troupes ougandaises se
poursuivent Des attaques sont encore menées contre diverses localités

congolaises.

2.40. Le 3 août 1999, la localitéde Makanza dans 1'Equateur est prise

d'assaut par les troupes ougandaises avec des tirs d'armes automatiques et

d'armement lourd. Le 6 août 1999,l'arméeougandaise conquiert la localité

d'Inkava située à 45 km àl'est de Bongandanga dans 1'Equateur.Du 14 au 17
août 1999, les troupes ougandaises et rwandaises se sont livrées à des

affrontements armés au cŒur de la ville de Kisangani. Bilan : plus de 300

morts, plusieurs centaines de blessés et disparus, d'énormes dégâts

matériels. Le 24 août, les troupes ougando-rwandaises et leurs complices

congolais intensifient leurs activités militairesà Bokungu, procèdent au

recrutement massif des jeunes congolais, renforcent leur position dans les
environs de Yakoma.

2.41 Ces offensives ougandaises ont eu des répercussions importanteset néfastes pour la population locale. Ainsi, les affrontements à l'arme

lourde des 14, 15 et 16 août 1999entre les troupes rwandaises et ougandaises

en territoire congolais ont compromis la campagne de vaccination contre la

poliomyélite dans la Province orientale. Ceci a entraîné comme

conséquence la perte de 3 millions de doses de vaccin destinées aux enfants

de Oà 5 ans, et la détérioration desstocks destinéàcette partie du territoire

national, suite de la coupure du courant électrique provoqué par ces
affrontements. Les combats entre troupes étrangeres en territoire congolais

constituent la preuve éloquente de la violation de l'accord de cessez-le-feu

de Lusaka, de l'accord de paix de Syrte ainsi que des résolutions 1234 du 9

avril 1999 du Conseil de Sécuritéqui recommandait au point 10: " Les

parties en conflit au Congo prennent l'engagement de mettre un terme aux

combats afin que puisse se dérouler une campagne de vaccination et de

prendre des mesures concretes pour mieux protéger les enfants touchés par

le conflit armédans ce pays".

2.42. Jusqu'à la fin de l'année 1999, les troupes ougandaises

poursuivent leurs attaques en territoire congolais contre les forces

congolaises et différentes localités.

2.43. Le 15 septembre, les troupes ougandaises et rwandaises attaquent

des unités de la police congolaise situées 45 km de Malemba Nkuylu, dans

le Katanga puis traversent le fleuve jusqu'à Kongolo au nord de la province.

2.44. Au cours du mois d'octobre, plusieurs localités sont encore

attaquées et occupées par les forces ougandaises: Bomongo (ler octobre),

Isambo, située à l'est de Boende (2 octobre), le centre d'Ikela (10 octobre),

Wema (22 octobre), Wanda, aux environs de Idumbe dans le Kasaï (23

octobre), Bokakwa située à 25 km au sud de Wema (Equateur) (25 octobre),Bulukulu (26 octobre), Mwanga Kadima aux environs de Beya Bwanga dans

le territoire de Demba (Kasaï) (26 octobre), d'Imese sur 1'Ubangi dans

1'Equateur et du village Mpoi situé au sud-ouest de Dimbelenge dans le

Kasaï (30octobre).

2.45. A l'occasion de ces offensives, de nombreux affrontements ont

lieu àl'égarddes forces gouvernementales congolaises et de leurs alliés.Le 3
octobre, les troupes ougandaises et rwandaises attaquent les positions des

FAC à Kileta à 17km de Kabinda, dans la province du Kasaï oriental. Dans

la nuit du 29 au 30 octobre, les troupes ougandaises, rwandaises et

burundaises coalisées,attaquent les troupes de la SADC sur l'axe Kabinda -

Mbuji Mayi et Mwamba Mitantu.

2.46. Aux mois de novembre et décembre 1999, les activités des forces

ougandaises en territoire congolais se soldent par des attaques contre les
localités de Wanda (Equateur) (5 novembre), de Lokoma et Bomeka tenues

par les FAC et Alliés(25 novembre), de Djolu et Bokakala (2 décembre), de

Benga et d'Isulu (8 décembre),de Poto, Dondo et Gwalangu (14décembre)et

Mangwala (14 décembre), de la ville de Basankusu dans 1'Equateur (30

novembre), contre les positions congolaises à Bolonga, Wema (20

novembre), Mangwala et Bokamba (21, 22 et 23 novembre), le

bombardement de la localitéde Benga sur l'axe Dekese-Kole dans le Kasaï

(26 novembre), le minage du centre de Bokungu (Equateur) (11décembre),
l'assassinat de 200 congolais par les ougandais Bulembo, l'attaque à l'arme

lourde des axes Ubangi et Boende-Ikela (21décembre).

2.47. Au début de l'année2000,les actes d'agression et les exactions de

la part des forces ougandaises n'ont pas faiblis. On peut notamment

dénombrer les actes suivants.2.48. Le 17 janvier 2000, les troupes ougandaises et le mouvement

rebelle Mbemba attaquent Imesse, Lulonga et Gwalanga.

2.49. Le 21 janvier, l'Ouganda procède à une transplantation de

populations ougandaises dans la province orientale après que les troupes de

Museveni aient chassé et dépossédé de leurs terres les éleveurs congolaià

Ariwara, Buta, Lubero et Beni.

2.50. Le 7février, 8.000personnes sont massacrées à Buta et Bunia par

des militaires ougandais oeuvrant avec Wamba dia Wamba.

2.51. Le 9 février, attaque des positions tenues par les FAC et Alliés

dans le secteur Opala et Bomongo.

2.52. Le 12 février, trois camps de concentration sont crééspar les

troupes d'agression à Mukoloka, Kihungwe et Mayimoto.

Le 7 mars, attaque des positions de FAC àIdumbe dans le Kasaï occidental.

2.53. Dans le courant du mois de mars, l'Ouganda poursuit ces

offensives contre les positions des FAC. C'est ainsi que des offensives sont

menées par les troupes ougandaises contre les FAC à Imese, Bolombo et aux

alentours de Basankusu, dans la région de l'Equateur,à Idumbe, Kabinda,
Kileta, Bomolo et aux alentours de Mituaba (11mars).

2.54. Durant cette période, il convient également de signaler une

intense activité de renforts des troupes ougandaises en personnel et

d'armements lourds (véhicules blindés, pièces d'artillerie) selon les

itinéraires ci-aprèsKisangani - Opala vers Ikela

Kisangani - Lisaka - Bondanga vers Basankusu
Kisangani - Lisala- Makanza

Goma - Bukavu - Kindu - Lodja - Bena Dibelf

Goma - Bukavu - Kasongo - Lubao - Kabinda vers Lac Munkamba

Goma - Bukavu - Manono

Bukavu - Uvira - Kamelie vers Pweto

2.55. Les mois de mai et juin se sont caractérisé par les violents

affrontements qui ont opposéles Forces de défense populaires de l'Ouganda

(UDPF) et le Front patriotique rwandais, à Kisangani. Les premiers combats

de grande ampleur ont éclatéà Kisangani début mai 2000, faisant de

nombreux morts parmi les civils congolais. Le 21 mai, suite à la déclaration
rendue publique par les Présidents ougandais et rwandais le
8 mai, à
l'occasion de la visite de la mission du Conseil de sécurité, les

commandants militaires des deux parties à Kisangani ont signé un accord

avec la MONUC en vue de la démilitarisation de la ville. Conformément à

cet accord, les unités ougandaises et rwandaises ont commencé à

abandonner leurs positions le 29 mai, afin de se replier sur des positions
situées à 100 km de la ville. C'est au milieu de ces préparatifs que les

combats ont repris le 5 juin 2000.

2.56. Ces combats ont été constaté dans le Rapport d Secrétairegénéral

des Nations Unies. Ainsi, le "Troisii?meRapport du secrétaire généralsur la

Mission de l'organisation des Nations Unies en République Démocratique
du Congo" du 12juin 2000 (S/2000,566),énoncece qui suit:

"Lors de leurs entretiens avec les Présidents Kagame et Museveni, les 7
et 8 mai 2000, les membres de la Mission du Conseil (Mission du Conseil de Sécuritéconduite par le représentant permanent des états
Unis d'Amérique, Mr. Richard Holbrooke) ont eu des échanges de

vues approfondis avec les deux Chefs d'Etat, quiont permis d'aboutir à
un accord, aux termes duquel l'Ouganda et le Rwanda ont accepté de
retirer leurs forces de Kisangani, à la suite des affrontements qui
avaient eu lieu entre les deux pays au débutdu mois de mai. Toutefois,
les combats ont repris par la suite et se sont depuis lors intensifiés];

"De violents combats n'ont cesséd'éclaterdans la ville de Kisangani
(province orientale). On estime qu'ils ont fait 150 morts parmi la
population civile et plus d'un millier de blessés, et ils ont causé de
graves dégâts matériels. Les belligérants, à savoir l'ArméePatriotique
Rwandaise (RPA) et les Forces de Défensedu Peuple ougandais (UPDF)

ont continué de se battre en dépit du mal que je me suis donné, avec
d'autres personnes, pour organiser un cessez-le-feu.

Le 8 juin, avec le Représentant permanent des Etats-Unis, Mr. Richard
Holbrooke, je me suis mis en rapport avec le Président Kagame et le
Président Museveni pour les exhorter à ordonner la cessation
immédiate des hostilités et le retrait de leurs forces respectives,
conformément à l'accord qu'ils avaient signé avec la MONUC le 21
mai 2000. Bien qu'ils aient acceptéde le faire, et quoique les combats
aient perdu de leur intensité par la suite, les deux armées ont
ultérieurement repris le combat".

2.57. Les combats à Kisangani ont été particulièrementdestructeurs, les

deux parties ayant recours à des tirs d'artillerie, de mortier et d'armes

automatiques. Outre les morts et les blessésparmi la population civile et les

nombreux soldats morts au combat, cela a eu pour effet d'endommager

gravement la centrale électrique, le barrage hydroélectriques, la cathédrale et

au moins un des hôpitaux de la ville. De nombreux logements, y compris
ceux occupés par les observateurs militaires de la MONUC, ont étédétruits

ou gravement endommagés. L'électricitéet l'eau ont étécoupées, et on

craint qu'il y ait des cas de choléra,car les habitants sont obligéde se servir

de l'eau du fleuve.

2.58. Il est donc établi que, depuis le 2 août 1998, les troupes

ougandaises ont agressé la République Démocratique du Congo et qu'ils

continuent à ce jour d'occuper le territoire congolais. Il est également bienétabli que l'Ouganda contrôle très étroitement certaines factions "rebelles",

et que cette mainmise prive ces derniers de tout réel pouvoir d'initiative.

Dans son interview accordée à la revue "le Vif/l'Express", reprisà la une

par le quotidien "Le Palmarès" de Kinshasa dans la livraison no 1863 du 19

juin 2000, le lieutenant colonel Karahwa, ancien chef militaire du MLC de

Jean-Pierre Bemba et actuellement exilé à Bruxelles, déclare que ce sont les

généraux ougandais Salim Saleh et James Kazini qui avaient mis J.-P.
Bemba en contact avec Monsieur Museveni, Président ougandais, pour

obtenir le soutien au MLC en armes, troupes et munitions, contre le régime

du Président Kabila. Il fait étatde la présencedes troupes ougandaises dans

la Province de 1'Equateur et en particulier à Gemena et à Gbadolite. Ces

informations confirment l'engagement militaire des troupes ougandaises

dans les différentes violations du cessez-le-feu par le MLC de J.-P. Bemba

dans la province de 1'Equateur.Section 2. L'établissement juridique des faits

2.59. La présente section présentera les éléments probatoires qui

permettent de conclure à l'établissement juridique des faits pour les besoins

de la cause. La preuve juridique sera établie au regard du comportement

d'ensemble de l'Ouganda, à savoir sa politique d'agression, d'occupation, de

pillages et d'exactions. Rappelons que la République démocratique du
Congo ne met pas en cause la responsabilité de l'Ouganda pour chaque

événement pris isolément, mais pour son comportement d'ensemble. C'est

pourquoi les éléments probatoires seront à ce stade exposés de manière

générale, l'identification précise des événementset l'évaluation précise des

dommages causés pouvant être détaillés à une phase ultérieure de la

procédure.

2.60. Les élémentsprobatoires pertinents seront exposés d'abord en ce
qui concerne l'intervention militaire elle-même, qu'elle soit le fait de

l'arméeougandaise elle-mêmeou d'un soutien actif àdes forces irrégulières

en République démocratique du Congo (sous-section 1). Ce sont ensuite les

modalités de l'intervention militaire ougandaise qui seront détaillées,et en

particulier l'exploitation des ressources naturelles ainsi que les exactions

commises (sous-section 2). L'ensemble de ces éléments permettra de

conclure que les faits qui sont à la base de la requête de la République
démocratique du Congo sont établis au regard des critères de preuve

généralementrequis par la jurisprudence internationale (sous-section 3). Sous-section 1. Les élémentsattestant de l'intervention arméede
l'Ougandaen Républiquedémocratiquedu Congo

2.61. Les élémentsattestant de l'intervention armée de l'Ouganda en

République démocratique du Congo sont nombreux, variés et concordants.

Ils établissent de manière irréfutable à la fois l'intervention de l'armée

ougandaise elle-même (A) et le soutien actif que l'Ouganda apporte a des

forces irrégulièresen territoire congolaisB).

A. L'intervention de l'arméeougandaise en République démocratique du

Congo

2.62. L'intervention armée ougandaise et son occupation militaire

continue du territoire congolais ne sauraient faire aucun doute. Ces faits

font l'objet d'une reconnaissance par les autorités ougandaises elles-mêmes
(l), et sont considérés comme acquis au sein de l'ONU (2) comme par

d'autres Etats ou organisations internationales(3).

1. La reconnaissance des faits par les autorités ougandaises

2.63. L'Ouganda a admis le fait de sa présence en République

démocratique du Congo dès le lendemain du décret du 28 juillet1998 par

lequel le Président Kabila ordonnait le retrait de toutes les troupes
étrang&ressituéessur le territoire de la Républiquedémocratique du Congo.

La presse internationale mentionne ainsi que, à cette époque :

"Kabila also accused Uganda, along with Rwanda, of invasion. The
Ugandan Foreign Minister, Eriya Kategaya, stated on Aug. 25 that
Uganda recognized the legitimacy of the Kabila administration and

that al1U~andan troovs within the DRC were acting against Ugandan rebels based within the DRC"1.

Sans qu'il soit nécessaireà ce stade de réfuter l'argumentation avancée par

le Ministre ougandais, on ne peut contester que sa déclaration constitue une

reconnaissance de la présence des troupes ougandaises en territoire

congolais.

2.64. Au cours du Sommet des Pays Non Alignés tenu le 3 septembre

1998 à Durban (République Sud-Africaine), le Président ougandais, Y.

Museveni a promis de "reconsidérer la position de ses troupes en territoire

congolais", ce qui constitue un aveu de l'agression. Cette position fait suite

la Conférence de presse tenue conjointement par le Secrétaire généralde

l'OUA, Mr. Salim Amed Salim et le Président Nelson Mandela, alors

président en exercice de la S.A.D.C., lesquels ont rejoint la position du

Gouvernement de la République démocratique du Congo pour "dénoncer

l'agression du Rwanda et de l'Ouganda" contre la République démocratique

du Congo et ont qualifié mêmede "légitime et raisonnable" l'intervention
de l'Angola, du Zimbabwe et de la Namibie aux côtés de la République

démocratique du Congo.

2.65. Quelques semaines plus tard, lors de la réunion de Nairobi à

laquelle participaient les Présidents du Kenya, de Tanzanie et d'Ouganda, les

chefs d'Etat ont adopté une déclaration par laquelle ils affirment avoir

examiné toutes les options visant à accélérerune solution à la crise, parmi

lesquelles

"v) le retrait organisé de toutes les troupes étrangères" (Déclarationdu

1Keesing's,oût 1998,p42426,AnnexeMRDC 101soulignéparla Républiqudémocratique
duCongo.

79 18 octobre 1998)'.

Cette option présuppose logiquement que des troupes étrangères sont

présentes en République démocratiquedu Congo.

2.66. Une des formes les plus éclatantes de la reconnaissance par
l'Ouganda de sa présence arméeen République démocratique du Congo est

évidemment constituée par l'accord informel conclu à Syrte, le 18 avril

1999. Le texte, signépar le Présidentde la Républiquede l'Ouganda, Yowere

Kaguta Museveni, énonce explicitement, parmi les décisions prises, le

"déploiement de forces de paix africaines neutres dans les zones où se

trouvent des contingents ougandais, rwandais et burundais à
l'intérieur de la République démocratique du Congo"2.

On ne saurait imaginer une manière plus explicite de reconnaître

l'occupation par l'Ouganda d'une partie du territoire congolais.

La même conclusion peut être déduite de la conclusion de
2.67.
l'accord de cessez-le-feuà Lusaka, le 10juillet 1999,et qui a notamment été

acceptépar la Républiqued'Ouganda. Le texte pertinent prévoiten effet que

"Les Parties conviennent d'un cessez-le-feu entre toutes leurs forces en
République démocratique du Congo" (art. 15 1);

"Le cessez-le-feu implique la cessation de:
a. toute attaque aérienne, terrestre et maritime ainsi que de tout acte de
sabotage;
b. toute tentative d'occupation de nouvelles positions sur le terrain et

de mouvement des forces et des équipements militaires d'un endroit à
l'autre sans l'accord des parties" (a1,5 3,3, al. a) et b)).

D.A.Z.,N024,15décembre1998,pp.952-953AnnexeMRDC 62.

Textedans D.A.Z.,N012,1jui1999,p.493AnnexeMRDC65.
80 "le retrait définitif de toutes les forces étrangèresdu territoire national
de la République démocratiquedu Congo [...](art. II5,12).

Ces termes constituent autant d'éléments supplémentaires de

reconnaissance par l'Ouganda de sa présence en République démocratique

du Congo.

2.68. Quelques jours plus tard, dès le début des combats ayant opposé

les forces ougandaises et rwandaises sur le territoire congolais dans la région

de Kisangani, l'Ouganda a encore confirmé de diverses manières sa
présence sur le terrain. Dès le mois d'août 1999, la presse internationale

rapporte que

"The Ugandan and Rwandan leadership said that the fighting had been
caused by misunderstandings between local Ugandan and Rwandan
commanders, and that the alliance between the two countries

remained intact" 1.

Ces déclarations constituent une preuve de plus de la reconnaissance

cynique par l'Ouganda de sa présence en territoire congolais.

2.69. Lors de la séance qui s'est tenue au Conseil de sécurité le 24

janvier 2000, et qui était consacrée à la situation en République

démocratique du Congo, le Président Kabila a clairement accusé l'Ouganda

d'agression et d'occupation. Le Président ougandais s'est contenté de
soulever quelques argument de nature politique, sans se référer à une

argumentation juridique précise, ni surtout sans nier les faits eux-mêmes.

Au contraire, le Président a implicitement mais clairement admis la

présence de l'Ouganda en République démocratique du Congo :

Kming's,,août 1999p.43091,Annexe MRDC 113.

81 "nous souhaitons que toutes les troupes étrangères se retirent [...].Cet
aspect implique la coopération active de toutes les partiesà l'accord de
Lusaka, notamment en ce qui concerne la garantie de la sécuritédu
personnel de l'ONU et du personnel associé. Je voudrais à cette
occasion assurer le Conseil de la coopérationtotale de l'Ougandaw l.

2.70. Dans le mêmesens, à l'occasion de la réunion qui allait mener à

l'adoption de la résolution 1304 (2000), par laquelle le Conseil de sécurité

exige le retrait des troupes ougandaises, le représentant ougandais a pris la

parole. Tout en émettant quelques considérations politiques de nature très

générale,il n'a nullement nié le fait que son pays occupait une partie du

territoire congolais, pas plus qu'il n'a émisde réserve sur les affirmations

du Conseil selon lesquelles des attaques avaient été menées contre

Kisangani, et avait touché directement la population civile2. Ce

comportement de l'Ouganda constitue indiscutablement un nouvel
élémentattestant de sa reconnaissance des faits qui lui sont reprochés.

2.71. Il faut encore mentionner dans cette même perspective la

participation active de l'Ouganda au processus politique et diplomatique

entraîné par la mise en Œuvre des accords de Lusaka, qui confirme très

clairement l'acceptation par l'Ouganda du fait de sa présence en République

démocratique du Congo. Ainsi, l'Ouganda est représentédans le cadre de la

Commission militaire mixte (CMM) et du Comité politique mis en place par

l'accord de Lusaka. A titre d'exemple, on mentionnera le fait que 1'Etat

ougandais a assumé la Présidence du Comité politique, et qu'il préside l'un

des quatre groupes de travail de la CMM. A l'issue de la réunion de la CMM

du mois de novembre, l'Ouganda s'est engagé,une fois de plus, à

Doc. ONU, S/PV.4092,24janvie2000,p.21AnnexeMRDC 10.

Doc. ONU, CS/2003,16jui2000.

82 "Inform its forces and the forces it supports or which are on the
territory under its control, on the content of the decission Nol, in
particular the provision stated in paragraph 2 relating to the modalities
of cessation hostilities [...1.

2.72. Le rapport du Secrétairegénéralde l'ONUdu 18 avril 2000fait état

de la réunion de la Commission militaire mixte à Kampala le 4 avril, qui

visait à élaborer un plan de désengagement pour les forces belligérantes et

de l'adoption subséquente de ce plan par le Comité politique (le 8 avril)2.Il

ne s'agit là que d'un exemple de plus d'une reconnaissance officielle des

faits d'occupation.

2.73. Le Rapport du 11 mai 2000 par la mission du Conseil de sécurité

qui s'est rendue en République démocratiquedu Congo du 4 au 8 mai 2000

mentionne une déclaration conjointe entre le Rwanda et l'Ouganda par

laquelle les deux pays s'engagent à retirer leurs forces de la région de

Kisangani 3,et aussi

"[tlhe acceptance by President Kagame and President Museveni of a

proposa1 to withdraw their forces from Kisangani in a mutual and
balanced manner under United Nations supervision [...]"4.

Plus loin, il préciseque

"None of the external parties to the conflict claimed a long-term
interest in remaining on the territory of the Democratic Republic of the

V. Prelirninary Reporton the second Plenary Meeting of the Joint MilitaryCommission,
Lusaka,31October-5November1999,AnnexeMRDC 68.

2V.Doc. ONU, S/2000/330,18 avril2000§§ 21-22,AnnexeMRDC24.

3DOC. ONU,S/2000/416,11 mai 20,s 54,AnnexeMRDC 25.

4 DOCO. NU, S/2000/416,11 mai2000§61.

83 Congo in either or an economic context" 1.

2.74. Le rapport du Secrétaire généraldu 12 juin 2000 fait également

référence à cet engagement de l'Ouganda en affirmant que les deux chefs

d'Etat ont abouti à un "accord, aux termes duquel l'Ouganda et le Rwanda

ont acceptéde retirer leurs forces de Kisangani, à la suite des affrontements

qui avaient eu lieu entre les deux pays au début de mai" 2.

2.75. Enfin, lors de ses plaidoiries orales en réponse à la demande de

mesures conservatoires faites par la Républiquedémocratique du Congo A la

Cour en l'affaire des Activitésarméessur le territoire du Congo, l'Ouganda

n'a nullement contesté sa présence sur le territoire congolais après que le

Congo lui ait demandé de se retirer, mais a tentéde justifier cette présence

par la nécessitéde défendre ses propres intérêts de sécurité3.

2.76. La reconnaissance par l'Ouganda de cette présence a d'ailleurs été

constatée, prima facie, par la Cour dans son ordonnance du ler juillet 2000

rendue en l'affaire des Activités armées sur le territoire du Congo

lorsqu'elle a indiqué qu'

" il n'est Das contesté qu'à ce jour des forces ougandaises se trouvent
sur le territoire du Congo, que des combats ont opposé sur ce territoire
ces forces à celles d'un Etat voisin, que ces combats ont entraîné de
nombreuses pertes civiles ainsi que des dommages matériels
importants, et que la situation humanitaire demeure profondément
préoccupante [.."]4.

Doc. ONU,S/2000/416,11 mai2000,s 77.

2Doc. ONU,S/2000/566,12 juin2000§7,AnnexeMRDC26.

3CR2000/23, audiencepublique tenuelemercredi28juin2000,plaidoiriede Mr.Katureebe.

C.I.J.,affairedes Actiarmées surle territeuCongo (Républiquedémocratiquedu

Congo c. Ouganda), ordonnance du ler juillet0,Q42; soulignépar laRépublique
84Ces documents officiels constituent autant d'exemples d'une

reconnaissance très clairement établie de la présence des troupes

ougandaises sur le territoire congolais.

2. La reconnaissancedes faits par les organes de l'ONU

2.77.
Outre 1'Etatougandais lui-même, lesorganes de l'ONU ont attesté
à de multiples reprises de l'occupation du territoire congolais. On se

contentera ci-dessous de présenter les exemples les plus saillants, en passant

en revue les documents émanant du Conseil de sécuritéet de son Président

(a), du Secrétaire général(b) et du Rapporteur spécial de la Commission des

droits de l'homme (c).

a) Le Conseil de sécurité

2.78. La République démocratique du Congo a déjà évoqué les

résolutions adoptées par le Conseil de sécuritéet qui sont pertinentes pour

notre affaire (supra, chapitre 1). Il suffiàace stade de rappeler les extraits

suivants, qui montrent que la présence des troupes ougandaises au Congo

ne saurait faire aucun doute :

-dans la résolution 1234 (1999)du 9 avril 1999,le Conseil

"déplore que les combats se
étrangers demeurent en Révubliaue démocratiaue du Coneo dans des
conditions incompatibles avec les principes de la Charte des Nations
Unies et demande à ces Etats de mettre finà la présence de ces forces
non invitées et de prendre immédiatement des mesures à cet effet"
(soulignépar la République démocratiquedu Congo);

démocratiqueuCongo.- dans la résolution 1291 (2000)du 24février2000,le Conseil

"réitér[e]son appel au retrait ordonnéde toutes les forces étrangèresdu

territoire de la République démocratique du Congo conformément à
l'accord de cessez-le-feu"

- dans sa résolution 1304 (2000),le Conseil de sécurité,agissant en vertu du

chapitre VI1 de la Charte,

"exige que l'Ouganda [...] qui [a] violé la souveraineté et l'intégrité
territoriale de la République démocratique du Congo, retire [...] toutes

[ses] forces du territoire de la République démocratique du Congo sans
plus tarder, conformément au calendrier prévu dans l'accord de cessez-
le-feu de Lusaka et le plan de désengagement de Kampala en date du 8
avril 2000" .

2.79. Quant au Président du Conseil de sécurité,on rappellera dans

cette perspective les extraits suivants:

"[...] le Conseil appelle à une solution pacifique au conflit en
République démocratique du Congo, notamment un cessez-le-feu
immédiat, le retrait de toutes les forces étran~ères"1 .

"[...] Le Conseil demande, dans ce contexte, qu'une solution pacifique
soit apportée au conflit en République démocratique du Congo, y
compris un cessez-le-feu immédiat, le retrait ordonné de toutes les
forces étrangères [..]"2.

"Le Conseil [...] réitèreson appel en faveur de la cessation immédiate
des hostilités et du retrait en bon ordre de toutes les forces étran~ères
hors du territoire de la République démocratiqu -e du Cong o
conformément à l'accord de cessez-le-feu de LusakaW3 .

1 Doc. ONU, S/PRST/1998/26,31 août 1998;soulignépar la Républiquedémocratiquedu
Congo.

2 Doc.ONU,S/PRST/1998/36,11 décembre 1998;soulignéparlaRépubliquedémocratiqudeu
Congo.

~DOC. ONU, S/PRST/2000/2, 26 janvier2000;soulignéparla Républiquedémocratiquedu
Cow2.80. Enfin, dans le rapport de la mission du Conseil de sécurité en

République démocratique du Congo, qui s'est dérouléedu 4 au 8 mai 2000,

la mission relate les efforts déployéspar le Président Chiluba afin de mettre

un terme aux combats qui sévissent à Kisangani. Le Président déclare àcette

occasion avoir tenté de joindre le Président Museveni afin d'empêcherque

celui-ci ne s'engage dans d'autres conflits 1.

b) Le Secrétairegénéral

2.81. La lecture de l'ensemble des rapports que le Secrétaire général a

consacré à la situation en République démocratique du Congo depuis deux

ans montre qu'aucun doute n'est émissur la présence continue de l'armée

ougandaise sur le sol congolais.

2.82. Dans son rapport daté du 15juillet 1999,le Secrétairegénéralaprès

avoir rappelé les dispositions de l'accord de cessez-le-feu de Lusaka, précise

les activités de la MONUC et recommande le déploiement immédiat de 90

membres du personnel militaire des Nations Unies en précisant que

"Le personnel militaire exercerait essentiellement des fonctions de

liaison auprès des capitales nationales et des postes de commandement
arrières des principaux belligérants ,en particulier [..Kampala [...2.

2.83. Le Secrétaire généray l confirme la portéede l'accord de Lusaka en

ces termes:

1 Doc. ONU, S/2000/416, 11 mai 2000,5 23,Annexe MRDC 25; v.égalementl'opinion du
PrésidentMugabe relatédansle cadredu même rapport,537.

Doc. ONU, S/1999/790, 15 juille1999, 5 16,Annexe MRDC 20;v. aussi Doc.ONU,
S/2000/330,18 avri2000,514,AnnexeMRDC 24. "Le 10 juillet 1999, LiLusaka, les chefs d'Etat de la République
démocratique du Congo, [...] de l'Ouganda [...ont signéun accord en
vue de la cessation des hostilitésentre toutes les forces belligérantes en
République démocratiquedu Congo. [...]

L'accord stipule que toutes les attaques aériennes, terrestres et maritimes, de

mêmeque les mouvements de forces militaires et tous les actes de violence

contre la population civile, doivent cesser dans les 24 heures suivant sa

signature. Le désengagement des forces doit commencer immédiatement"'.

2.84. Dans son rapport suivant, le Secrétaire général dénonce la

présence de troupes étrangères dans les régions de Mbuji Mayi et de

Kisangani et plus précisémentles combats opposant les troupes ougandaises

à d'autres forces arméesétrangères 2.

2.85. C'est en ce sens que le Rapport du 17 janvier 2000 envisage les

actions tendant à assurer le retrait des troupes étrangères :

"Possibilitésd'action des Nations Unies
[...]il faudrait envisager une opérationde maintien de la paix de grande
ampleur. Ses principaux objectifs seraient les suivants:
a) aider les belligérantsà achever le désengagement et le retrait de leurs
forces dans des conditions de sécuritésuffisantes; [...l3.

En ce sens, lorsque le Secrétaire général évoque les principales tâches

militaires de la MONUC élargie, ilprécisequ'il s'agira:

"a) [d']établir des contacts et rester en liaison permanente avec les
quartiers générauxdes forces militaires de toutes les parties sur le
terrain et avec la Commission militaire mixte

Doc.ONU, S/1999/790,15 juillet1999,s 3,AnnexeMRDC20.

2 V.Doc.ONU, S/1999/1116, ler novembre1999,s 13,AnnexeMRDC21.

3 Doc.ONU, S/2000/30,17 janvier2000,s 53,AnnexeMRDC23.

88 [...l
e) [de]vérifierle désengagement des forces des parties l.

2.86. Enfin, lorsqu'il décrit les missions de la Commission militaire

mixte - notamment la formulation de mécanismes et de procédure en vue

du désengagement et du retrait des forces étrangères -le Secrétairegénéral

n'émetaucun doute ni aucune réservequi porterait sur le fait de la présence

ougandaise en territoire congolais 2.

2.87. Quelques mois plus tard, le 12 juin 2000, le Secrétaire général

fustigeait encore les combats engagés par les troupes ougandaises à

Kisangani :

"De violents combats n'ont cesséd'éclaterdans la ville de Kisangani
(province orientale); on estime qu'ils ont fait 150 morts parmi la
population civile et plus d'un millier de blessés, et ils ont causé de
graves dégâts matériels. Les belligérants à savoir l'Armée patriotique

rwandaise (RPA) et les forces de défensedu peuple ougandais (UPDF)
ont continué de se battre en dépit du mal que je me suis donné, avec
d'autres personnes, pour organiser un cessez-le-feu" (Souligné par la
République démocratique du Congo).

Dans ses observations et conclusions, le Secrétairegénéral notait:

"Il est extrêmementinquiétant de constater que les combats ont repris à
Kisangani entre les forces armées du Rwanda et de l'Ouganda. La
population civile de Kisangani a déjà souffert suffisamment pour
s'être trouvéedans les feux croisés de ces deux armées étrangèresqui
s'opposent sur le territoire congolais. Je déplore profondément cette
reprise des affrontements ainsi que les pertes humaines et les dégâts
matériels qui en résultent" 4.

Doc.ONU, S/2000/30,17 janvier2000,s 5;v. au573.

* V. Doc.ONU, S/2000/30,17 janvier2000,s 3S.

3 Doc.ONU,S/2000/566,12 juin2000,513,v.auss5 73,AnnexeMRDC26; .Il invitait ensuite le Conseil de sécuriàéexiger, sur la base du chapitre VII,

"que le Gouvernement rwandais et le Gouvernement ougandais
ordonnent à leurs armées respectives de s'abstenir dorénavant de
combattre et de se retirer immédiatement de Kisangani puis, sans
tarder d'avantage, de la République démocratique du Congo. Ces deux

armées devraient être tenuespour responsables des pertes humaines et
des dégâts matériels qu'elles ont infligés à la population civile de
Kisangani 1.

2.88. Les Rapports du Secrétaire général, établis à partir de sources

variées et fiables, ne laissent absolument aucun doute sur la présence

continue de l'armée ougandaise en territoire congolais.

C) Le Rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme

2.89. La Commission des droits de l'homme a désignéun Rapporteur

spécial qui, avec la collaboration des autorités congolaises, s'est rendu en

République démocratique du Congo à plusieurs reprises. Il a établi des

rapports desquels il ressort sans l'ombre d'une hésitation que l'Ouganda

occupe et agresse le territoire de la République démocratiquedu Congo.

2.90. Ainsi, dans son Rapport du 8 février1999,il indique que

"Jusqu'en novembre 1998, et contre toute évidence, le Rwanda et
l'Ouganda ont niéleur participation au conflit" 2.

Doc.ONU,S/2000/566,12 juin2000,s 73.

1V. Doc.ONU, S/2000/566,12 juin200?j79.

Rapport sur la situation des droits de l'hommedans la Républiquedémodu Congo,
présentpar le RapporteurspéciaM. RobertoGarreton,conformémentà la résolution
1998/61 de la Commissiondes droitsde l'homme,Doc.ONU,E/CN.4/1999/31,8 février
1999,s 39,AnnexeMRDC42.2.91. Il dénoncera ensuite la présence et l'action des troupes

ougandaises, notamment lors du premier conflit de Kisangani :

"Les affrontements les plus sérieuxont eu lieu entre le 15 et le 18 août;
ils ont opposé des mifitaires ougandais et des Rwandais a Kisangani
[...]1.

2.92. Dans ces circonstances, il estime que le conflit est un conflit armé

international, notamment en raison des affrontements entre les armées

ougandaise et congolaise :

"il y a eu sur le territoire congolais des affrontements caractéristiques
de toute guerre entre des forces de nationalité étrangère;en outre, des
Etats non invités ont signé l'accord de paix de Lusaka, oh il est
expressément fait mention du caractère mixte du conflit. Aussi le
Rapporteur pense-t-il qu'il y a en fait conjonction de conflits internes

[..] et de conflits internationaux, comme le sont [...]les affrontements
entre les armées du Rwanda et de l'Ouganda contre les forces armées
congolaises (FAC) [..]"2.

Dans son annexe IX, le rapport énumèredes lors les "conflits armés qui se

développent sur le territoire de la République démocratique du Congo,

parmi lesquels "Gouvernement du Rwanda/Gouvernement de l'Ougandan.

On retrouve des affirmations similaires dans son rapport du 18 janvier

2000 3.

Rapport du rapporteur spécialsur la situation des droits de l'homme en République
la résolution1999/56 de la Commissiondes droitsde l'homme,Doc. ONU, A54/361,17à
septembre1999,s 39,AnnexeMRDC41.

Doc.ONU, A54/361,17 septembre1999,s 20.

3 Rapportsur la situationdes droits de l'hommedans la Républiqudémocratiqudeu Congo,
présentépar le Rapporteurspécial,M. Roberto Garreton,conformément à la résolution
1999/56 de laCommissiondes droitsdei'homrne,Doc.ONU,E/CN.4/2000/42,18 janvier
2000,s 20et annexeIX,AnnexeMRDC43.3. La reconnaissance def saits à traversd'autressources

2.93. Comme la République démocratique du Congo l'a déjàsignalé,

d'autres instances l'ont appuyé dans son combat pour recouvrir son

indépendance politique et son intégrité territoriale. Ces instances se sont
fondées sur des informations qui ne laissent aucun doute sur l'implication

de l'Ouganda dans le conflit.

a) L'OUA.et le cadre régionalafricain

2.94. C'est d'abord le cas de l'OUA., dont la République démocratique

du Congo a déjà mentionné la condamnation explicite des interventions

extérieures dans le conflit. Il fautà cet égard rappeler que le Communiqué

publié à l'issue de la cinquantième session ordinaire de l'Organe central du

Mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des

conflits au niveau des ambassadeurs a été publié "après avoir pris

connaissance du rapport de la délégation de l'OUA qui se trouve

actuellement dans la région" 1.

2.95. Le rapport du Secrétaire généralde l'OUA du 10 juillet 1999

réaffirmera les termes de l'accord de Syrte et plus précisément les

dispositions concernant le retrait des troupes ougandaises et le déploiement

de forces de maintien de la paix dans ces zones 2. Suite à la signature de

1V. Doc. OUA, Communiqué publiéàl'issue de la Cinquantièmesession ordinare de l'Organe
central du Mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des
conflits au niveau des ambassadeurs, Addis Abeba, 17août 1998,Annexe MRDC51.

2 V.Doc. OUA, Report of the Secretarygeneralon thesituation in the DemocraticRepublicof
Congo,Council of Ministers, Alger, CM/2(LXX)- d, 6-10 juillet 1999, p. 5, Annexe
MRDC 49. Report of the Secretary general on the situation in the Democraticrepublic of
Congo, CM/2099, Alger, 6-10juillet 1999, p.5,Annexe MRDC 49.l'accord de Lusaka, le Secrétaire général de l'OUAréaffirmera également les

principes posés par cet accord et en particulier, le retrait des troupes

étrangères 1.

2.96. On peut par ailleurs citer en ce sens le Communiqué final de

Libreville du 24 septembre 1998, dans lequel les chefs d'Etat d'Afrique

centrale (Gabon, Guinée équatoriale, Namibie, Tchad, République

centrafricaine, République démocratique du Congo, République du Congo,
Cameroun, Angola)

"ont condamné l'agression contre la République démocratique du

Congo et les ingérences caractériséesdans les affaires intérieures de ce
pays. De ce fait, ils ont appelé au retrait des troupes étrangères
d'agression" 2.

Les mêmeschefs d'Etat ont, dans leur Déclarationde Yaoundédu 25 février
1999, lancé un appel "au retrait immédiat et sans condition des forces

étrangèresd'agression [..]"3.

2.97. L'ensemble de ces prises de position sont émises sans qu'aucun

doute ni réserve ne soit émissur le fait de l'occupation par l'Ouganda d'une

partie substantielle du territoire congolais.

b) L'Union européenne

2.98. On peut citer encore en ce sens le cas de l'Union européenne (ci-

1 V. Rapportdu Çecrétairegénéraslurle processus de paix en Républiquedémocratiquedu
Congo,CentralOrgan/MEC/AMB/3 (LIX),23septembre1999,p.2,AnnexeMRDC50.

*TextedansD.A.I.,N024,15décembre1998,p.952,AnnexeMRDC61.

3 D.A.I.,N08, 15avril 1999,p. 315,AnnexeMRDC63.

93après U.E.), qui a toujours estimé que le conflit en République démocratique

du Congo, "auquel plusieurs pays voisins prennent part", devait êtreréglé

par un retrait des troupes 1.

2.99. Dès le Il août 1998,soit quelques jours après le déclenchement du

conflit, l'U.E.,à laquelle se sont en l'occurrence associés les pays d'Europe

centrale et orientale, ainsi que Chypre, l'Islande, la Norvège et les pays de

l'AELE, faisait d'ailleurs état des informations dont elle disposait

concernant l'implication d'Etats étrangers :

"1'U.E..est également très préoccupéepar des informations concernant
la possibilité d'ingérences étrangèresdans les affaires internes du pays

[...]2.

2.100. Le 2 juin 1999,L'Union affirme dans le cadre d'une déclaration de

la Présidence que "toutes les forces armées présentes en République

démocratique du Congo, quel que soit leur camp, doivent éviter des

opérations militaires faisant de la population civile l'otage et la victime du

conflit" 3.

2.101. Enfin, le 12 avril dernier, l'Union européenne. a appelé les parties

au conflit à cesser immédiatement toute activité militaire et à respecter

intégralement les engagements souscrits dans le cadre de l'accord de

Lusaka 4.

Déclarationde la Présidence,27 août 1998,Doc. UE, Press: 280-Nr: 10856/98, Annexe MRDC
74.

2 Déclarationde la Présidence,11août 1998,Doc.UE,Press: 2-Nr: 10756/98, Annexe MRDC
72.

3 Déclarationde la Présidence, 2juin 1999,UE,.Press:151- Nr: 8282/99, Annexe MRDC 76.

V. Déclaration de la Présidence, 12 av2000,Doc. UE, Press:105- Nr: 7537/00, Annexe
MRDC 83. c) Les ONG locales et internationales

2.102. La présence des troupes ougandaises est clairement établie par les

rapports de plusieures ONG locales de protection des droits de l'homme.

2.103. Ainsi, le Collectif des organisations et associations des jeunes du

Sud-kivu en République démocratique du Congo "COJESKI"fait état des

exactions commises par les troupes ougandaises d'occupation dans le Kivul.
Dans son rapport suivant, l'organisation relate "les affrontements entre les

arméesdu Rwanda et de l'Ouganda sur le sol congolais de Kisangani" qui se

sont déroulésen août et septembre 1999 2.

2.104. Une autre organisation constate que

"[...la plupart si pas la totalité des violations des droits de l'homme et

la misère en République démocratiquedu Congo sont les conséquences
directes de la guerre d'agression que subit ce pays dep"s le 2 août 1998.
[...En attaquant la République démocratique du Congo, les armées
rwandaises, ougandaises et burundaises ont systématiquement violéla
Charte des Nations Unies et de l'OUA sur les droits de l'homme
notamment la violation de l'intangibilitédes frontières et de l'intégrité
territoriale de la République démocratiquedu Congo [...l3.

2.105. Le Groupe LOTUS décritlui aussi, dans un rapport publié en mai

Sociétécivile Sud-Kivu-Collectif des organisations et associations des jeunes du Sud-kivu
en République démocratique du Congo "COJESKI", Tragédieshumaines dans le
Kivu/Républiquedémocrafiquedu Congo. Rapporftrimestriel des faits, Kinshasa, mai
1999,31pp., Annexe MRDC89.

2 Sociétécivile Sud-Kivu-Collectif des organisations et associations des jeunes du Sud-kivu
en République démocratiquedu Congo "COJESKI",Rapport semestriel des faits allant
du ler avril 30 septembre 1999,octobre1999,p. 58,AnnexeMRDC91.

SEJEMAASBL,ONG des droits de l'hommeet de développement, Républiquedémocratique
du Congo. La guerre, le cessez-le-feuet les droifs de l'homme,Kinshasa, août 1,99, p.
AnnexeMRDC 90.2000, les affrontements entre troupes rwandaises et ougandaises à

Kisanganil.

2.106. En définitive, des sources variées et concordantes attestent du fait

indéniable de l'occupation et de l'agression ougandaises de la République

démocratique du Congo.

B. Le soutien actifà des forces irrégulières en Républiquedémocratique du

Congo

2.107.
Il en est exactement de mêmepour ce qui concerne le soutien actif
apporté à des forces irrégulières opérant en territoire de la République

démocratique du Congo. On peut là encore pointer une reconnaissance par

divers organes de l'ONU (l),par l'intermédiaire d'autres sources (2), ainsi

que par l'Ouganda lui-même (3).

1. La reconnaissancepar les organes de 'ONU

2.108. On reprendra successivement des éléments en provenance du

Conseil de sécurité,du Secrétaire général,et du Rapporteur spécial de la

Commission des droits de l'homme.

a) Le Conseil de sécurité

2.109. Le texte des diverses résolutions du Conseil de sécurité

témoignent d'une réserve étonnante sur ce point particulier, sans aucun

doute pour des raisons politiques et diplomatiques. Il est néanmoins très

Rapport du Groupe LOTUS, Les rivalités ougando-rwandesKisangani:La prise en
otagede la populationcivile,00,Annexe MRDC 93.

96clair à leur lecture que les liens entre les Etat agresseurs (dont, comme le
Conseil l'a reconnu lui-même dans sa résolution 1304 du 16 juin 2000,

l'Ouganda) et des forces irrégulières, ne font aucun doute, comme en

témoigne le passage suivant :

"notant que toutes les parties à l'accord de cessez-le-feu se sont
engagées à localiser, identifier, désarmer et regrouper tous les membres
de tous les groupes armésse trouvant en République démocratique du

Congo [...]et que tous les pays d'origine desdits groupes armés se sont
engagés à prendre les mesures nécessaires en vue de leur rapatriement
[..]"(rés.1291du 24février2000).

2.110. De façon très significative, c'est en territoire ougandais que la
mission du Conseil de sécuritéqui s'est rendue dans la région au mois de

mai 2000 tentera de rencontrer les mouvements rebelles - MLC et RCD-

Kisangani. Dans son rapport, la mission relate ces rencontres dans les

termes suivants :

"Despite having received an invitation from the Security Council
mission to meet with its members in Kampala, the leaders of MLC,
Jean-Pierre Bemba, did not appear, citing logistical difficulties"1.

Concernant le RCD-Kisangani, le rapport révèle aussique :

"The mission met with Professor Ernest Wamba dia Wamba and his
delegation at Entebe airport to update him on developments" 2.

b) Le Secrétairegénéral

2.111. Les rapports du Secrétaire généralvont dans le mêmesens. On

peut citer à titre illustratif l'extrait suiv:nt

1 Doc.ONU, S/2000/416,11 mai2000,s 57Annexe MRDC 25.

* Doc.ONU, S/2000/416,11 mai2000,s 58.
97 "Comme de lourds combats continuent d'avoir lieu autour de
Mbandaka, dans la province de 1'Equateur ,comme des indications
donnent à penser que des groupes armés désignés dans l'accord de
Lusaka ont recu des armes et une formation au combat dans le sud
Kivu, et en raison des difficultés rencontréespar la MONUC dans ses
tentatives de déploiement dans le pays, il paraît nécessaire de

demander aux parties qui ont signé l'accord de Lusaka de réaffirmer
leur volonté de tenir l'engagement qu'elles ont pris.
(...>
Les Parties doivent cependant savoir et les récents combats ont à
nouveau montré qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit dans la
République démocratique du Congo" 1.

2.112. D'ailleurs, lorsqu'il cherche à contacter les forces irrégulières

opérant en République démocratique du Congo, c'est encore en Ouganda

que se rend le Secrétaire généraladjoint aux opérations de maintien de la

paix. C'est ce qu'indique le rapport du 18 avril 2000,selon lequel il

" (...)s'est également entretenu au Rwanda et en Ouganda avec les
dirigeants ou autres responsables des deux tendances du
Rassemblement congolais pour la démocratie" 2.

C) Le Rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme

2.113. Sans doute parce qu'il n'est pas tenu aux mêmes contraintes

diplomatiques, le Rapporteur spécial, qui s'est rendu sur le terrain à

plusieurs reprises, utilise des formules plus explicites encore pour décrire

les mêmefaits.

2.114. Dans son Rapport du 8 février1999,il préciseque

1Doc.ONU, S/2000/30,17 janvier200§§ 50-51,AnnexeMRDC23.

Doc. ONU, S/2000/330, 18 avril 20005 11, Annexe MRDC 24. V. aussi Doc. ONU,
S/2000/566,1juin20005 8,AnnexeMRDC26. "Vers la fin du mois dtaoGtet A la demande de Kabila, les forces armées
du Zimbabwe, de L'Angola, du Tchad et du Soudan sont intervenues
en faveur de son régime,de sorte qu'avec la participation évidente du
Rwanda et de l'Ouganda aux côtésdes rebelles, sept pays au moins sont
désormais impliqués dans le conflit" 1.

Le même rapport comprend des titre sans équivoque, tels que "B.

Violations imputables aux forces rebelles et à leurs alliés" (mêmeformule

plus loin, IV), puis"B. Recommandations adressées aux forces rebelles et à

leurs alliés étrangers" 2. Aucune distinction n'est opéréeentre les forces

irrégulièreset leurs alliés.

2.115. Les liens entre forces irrégulières et autorités ougandaises sont

décrits avec beaucoup de clarté dans un autre passage hautement

significatif:

"La crainte et la méfiancerègnent dans la zone occupéepar les rebelles.
La seule autorité reconnaissable est celle des militaires rwandais et
ougandais, et des Congolais qui les servent var crainte"3.

Ainsi, les autorités présentes dans les zones occupées sont des autorités

étrangères, et en particulier ougandaises. Quant aux Congolais, ils ne font

que les servir, en raison de la crainte qu'elles leurs inspirent. Un lien

hiérarchique est donc établi entre l'armée ougandaise et les forces

irrégulieres.

Doc. ONU, E/CN.4/1999/31, 8 février19995 40, Annexe MRDC 42; souligné par la
Républiquedémocratiqdue Congo.

Doc. ONU, E/CN.4/1999/31,8 février 1999.

3 Doc. ONU, E/CN.4/1999/31,8 février1999,s 111;soulignéparla Républdémocratique
duCongo.2.116. Dans son rapport du 17 septembre 1999, le rapporteur spécial

présente d'ailleurs les faits comme suit :

"Le 2 aoCit 1998, une guerre éclate en République démocratique du
Congo [...]. Un parti inconnu, qui s'appellera plus tard le
Rassemblement congolais pour la démocratie (République
démocratique du Congo), attaque la République démocratique du
Congo, avec l'appui reconnu par le Rwanda et l'Ouganda [..]"1.

Il signale encore que

"Sur le territoire contrôlépar le RCD, celui-ci est le seul parti, exception
faite d'un petit parti appelé le Mouvement des réformateurs. Au mois
de janvier s'est tenue une assemblée générale, qui a établi une
Assemblée et une présidence collégialede huit membres, seul moyen

d'harmoniser les diverses composantes civiles et militaires. En mars.
la cassure est totale. lorsaue son Président Wamba dia Wamba part à
Kisangani, oh il bénéficie de l'appui de l'Ouganda [.. .2.

La même formule est reprise dans le rapport du 18janvier 2000 3.

2.117. La collaboration étroite entre le RCD et l'Ouganda ressort

également du constat opéréd'un transfert des ressources congolaises dans ce
pays :

"Plusieurs mesures adoptées par le RCD ont contribué à exacerber
l'hostilité son égard :la fuite des richesses nationales vers l'Ouganda
et le Rwanda [...]4.

La même formuleest reprise dans le rapport du 18janvier 2000 5.

Doc.ONU, A54/361,8 février1999,s 13,AnnexeMRDC41.

2 Doc. ONU, A54/361,8 février1999,s 38.

3 Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,s 42,AnnexeMRDC43.

Doc.ONU, A54/361,17 septembre1999,s 41.2.118. On retrouve encore dans la dénonciation du transfert organisé des

biens et richesses congolaises une confirmation de l'étroitesse des liens

entre les forces irrégulières et les autorités ougandaises:

"Il faut ajouter que de nombreux équipements hospitaliers ont été
déplacés vers le Rwanda et l'Ouganda et que ces deux pays ont
davantage bénéficié des richesses de la régionque leurs propriétaires" 1.

2.119. Dans son rapport du 18janvier 2000,le Rapporteur signale qu'il a

étéinvité par

"les autorités du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD),
mouvement qui occupe, avec les armées du Rwanda, de l'Ouganda et
du Burundi, près de 60%du territoire congolais" 2.

Il préciseensuite que

"Depuis le 2 août 1998,l'est de la République démocratique du Congo
connaît une guerre provoquée par un mouvement appelé
Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) - qui s'est par la
suite scindéen deux factions -mouvement qui bénéficiede l'appui des

armées du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi (pays que le Conseil
de sécurité aqualifiésde 'non invités') "3.

L'affirmation sur les origines du conflit est réitéréplus bas :

"Un parti inconnu, qui s'appellera plus tard le Rassemblement

congolais pour la démocratie (RCD), attaque la République
démocratique du Congo avec l'appui - auiourd'hui avoué du Rwanda et

--

Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,s 45.

Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,s 101.

2Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,p.5.

Ibidemet5 118.

101 de l'Ouganda, et du Burundi qui, lui, nie tout soutien" 1.

Il évoque aussi, sans plus de distinction, le "territoire occupé par les forces

'rebelles' ou 'd'agression"' 2, ou mentionne les "interventions des rebelles

appuyés par des forces étrangères" 3.

2. La reconnaissance desfaits à traversd'autressources

2.120. Les liens entre les forces irrégulièreset l'Ouganda sont par ailleurs

systématiquement établispar des sources variées et concordantes. On citera

les déclarations de l'Union européenne, de plusieurs O.N.G., et de la presse

internationale.

a) L'Union européenne

2.121. Aux lendemains de la conclusion des "accords de Lusaka",

"L'Union européenne demande également aux gouvernements du
Rwanda et de l'Ouganda d'user de leur influence auprès du RCD et du

MLC pour les convaincre de respecter immédiatement le cessez-le-feu,
de cesser leurs luttes d'hégémonieet de signer cet accord sans plus
tarder" 4.

Cette demande témoigne de la conviction que l'Ouganda exerce une

influence déterminante sur les dirigeants de mouvements rebelles,

Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,§13.

2 Doc. ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier200p.6.

3 Ibid§.,6.

4~éclarationde la Présidence,16 juillet 1999,UE,cPress: 223-Nr: 10131/99, Annexe
MRDC 78.influence qui a du reste abouti en l'occurrence à la signature du texte de

Lusaka.

b) Les O.N.G.

2.122. Les exemples sont nombreux. A titre illustratif, on citera le

rapport publié par Hurnan Rights Watch au mois de mai 2000, qui décrit

l'envoi de soldats par l'Ouganda dans l'est du Congo

"dans le but d'aider leurs alliés locaux et d'atteindre des objectifs qui
leur sont propres. Les Ougandais soutiennent à la fois Bemba et
Wemba" 1.

C) La presse internationale et locale

2.123. On reprendra essentiellement ci-dessous les comptes-rendus

synthétisés dans une source de référence,établie sur la base de nombreuses

agences de presse et de quotidiens, le Keesing's Conternporar yrchives. De

nombreuses autres sources pourraient évidemment être ajoutées mais, à ce

stade, la République démocratique du Congo se contentera de la plus

représentative d'entre elles.

2.124. Des octobre 1998,la presse signale que

"Forces of the Ueandan -and Rwandan- backed rebel Coneolese
Democratic Rallv (RCD) advanced in the east and south throughout
October, as their conflict with government forces loyal to President
Laurent-Désiré Kabila intensified" 2.

1~urnan Rights Watch, République démocratiqdue Congo.Lrestdu Congo dévasté. Civils
assassinet opposants rédtsu silence,mai 2000,p. 3, Annexe MRDC86.

Keesing's,, octobre 199p. 42539, Annexe MRDC 103; souligné par la République
démocratiqueuCongo.
103Le mois suivant, on relève que "both sides were supported by other African

countries wich had committed troops" 1.Plus précisément,

"On the other side was the rebel army, loyal to Ernest Wamba dia
Wamba, which had been joined by several battalions of former
governement soldiers, together with some 4,000 Unandans in eastern
and central areas of the DRC [..]"2.

De même,

"Africa Nol said that two coalitions were facing each other in northern
Katanga, one comprising Angolan, Namibian, Zimbabwean and
Chadian troops, the other rebel forces backed bv U~andan and

Rwandan trooris" 3.

2.125. La presse présente d'ailleurs Ernest Wamba dia Wamba comme

"drawn mainly from the Tutsi and allied tribes from the east, and from
neighbouring Burundi and Rwanda" 4.

2.126. A l'occasion de l'offensive de février-mars 1999,on rappelle que

"The rebels were backed by Uganda and Rwanda and were most active
in the north and south-east of the country" 5.

et on signale

Keesing's, ovembre1998,p.42598,AnnexeMRDC104.

Keesing's,,novembre 1998, p. 42599, Annexe MRDC 104; soulignépar la République
démocratiqudeuCongo.

3 Keesing's,1998,p.42599;soulignéparlaRépublieémocratiqudeu Congo.

Keesing', écembre1998,p.42657,AnnexeMRDC105.

5Keesing's,,février1999,p. 42767,AnnexeMRDC107.
104 "Reports of intense fighting, mainly in eastern areas, continued
throughout March between government troops loyal to President

Laurent-DésiréKabila and Congolese Rally for Democracy (RCD)rebels
backed by Rwanda and Uganda" 1.

2.127. Les liens avec l'Ouganda sont d'ailleurs reconnus par la presse

ougandaise elle-même,qui a soulignéles liens entre ses propres autorités et

certains dirigeants des forces irrégulièrescongolaises :

"A Ugandan newspaper, The Sunday Vision,reported on Jan. 31 that a
split within the RCD had led to the creation of a new rebel grouping,
the Reformers' Movement (MF). The report stated that the MF was led
by Deonratias Burreran a former Minister of State in the President's
Office who had been the RCD'shead of planning" 2.

2.128. A la suite de la conclusion des accords de Syrte, la presse explique

les réticences des forces irrégulièrescongolaises par la perte du soutien de

leurs alliésétrangers que la mise en Œuvre de cet accord impliquerait :

"Senior officials of the main rebel force, the Congolese Rally for
Democracy (RCD), led by Ernest Wamba dia Wamba, were said to be

displeased with the Sirte agreement, which would effectively end
Uganda's support [..]"3.

L'implication directe de l'Ouganda dans le soutien aux rebelles a cependant

continué à êtrepointée, dès le lendemain de la conclusion de l'accord de

Syrte :

"Uganda, which had signed a unilateral peace agreement in Libya in
April was reported on May 9 to have finished the training of 1,550
Congolese rebel troops, as a step towards withdrawing its own forces

Keesing'smars 1999,p. 42822,Annexe MRDC108.

2 Keesing'sfévrier1999p.42767;soulignéparla Républiquedémocratiqudeu Congo.

3 Keesing'savril 1999p.42878,Annexe MRDC109.
105 from the conflict" 1.

2.129. C'est à cette époque que les dissensions internes aux forces

irrégulieres congolaises, ainsi qu'entre leurs alliés respectifs, sont apparues

au grand jour, pour dégénérer assez rapidement en affrontements armés :

"Ernest Wamba dia Wamba was outsed on May 17 as leader of the
Congolese Rally for Democracy (RCD) [...].The move split the RCD,
which was supported by Uganda and Rwanda, into two distincts
factions [..] Three RCD soldiers and a Rwandan were reported to have
been killed in a gun battle with Ugandan soldiers whilst attempting to
assassinate Wamba on May 22,at Kisangani" 2.

2.130. Les accords de Lusaka seront ensuite présentéscomme liant le

gouvernement de la République démocratique du Congo et les "supporters

of the rebel forces fighting to overthrow the Kabila regime", et notamment

"representatives from Uganda and Rwanda, the backers of the two main

rebel groups" 3.

2.131. Ils n'empêchent cependant pas les combats de se poursuivre,

comme la République démocratique du Congo l'a déjàsignalé, ce qui est

expliquépar la presse de la façon suivante :

"the splitin the RCD and disagreements between Rwanda and Uganda
on which strategy to persue in the DRC conflict had been causing
friction between the two countries in recent months" 4.

La presse rapporte alors que l'Ouganda devient le soutien exclusif de Ernest

Keesing'smai 1999,p.42927,AnnexeMRDC 110.

2~eesin~'s,,mai 1999p. 42927.

3 Keesing'sjuille1999,p.43051,AnnexeMRDC 112.

Keesing'saoût 1999,p.43091,AnnexeMRDC 113.

106Wamba dia Wamba, désignécomme celui "who led the minority Ugandan-

supported faction" 1,ou encore

"the leader of the Ugandan-backed minority faction in the main rebel
movement, the Congolese Rally for Democracy (RCD), renamed his
faction the Congolese Rally for Democracy - Liberation Movement
(RCD-LM) on Oct. 1" 2.

2.132. L'implication de l'Ouganda est telle que c'est sur le territoire

ougandais que, en décembre1999,la presse rapporte que

"The RCD, the beak-away Congolese Rally for Democracy Liberation
Movement (RCD LM) and the MLC signed a joined agreement after

three days of talks in the Ugandan town of Kabale on Dec. 20 to form
an umbrella organisation to oust President Kabila" 3.

Dès les débuts de la mise en Œuvre des accords de Lusaka, et notamment

lors des réunions entourant l'activitéde la Commission Militaire conjointe,

la presse continue à présenter l'Ouganda comme soutenant les rebelles 4.

2.133. A l'occasion des combats survenus à Kisangani, la presse locale a

rappelé à quel point le mouvement rebelle étaitlié à l'Ouganda:

"L'aileWamba du RCD, p -lus exactement les Ougandais ont perdu dans
la journée de mardi des positions importantes dont le quartier général
de l'hôtel Wagenia" 5.

Keesing'sseptembre1999,p.43135,AnnexeMRDC 114.

Keesing'soctobre1999p.43185,AnnexeMRDC 115.

3~eesing'sdécembre 1999,p.43302,AnnexeMRDC 117.

Keesing'soctobre1999,p.43185.

5 ThePost, 9mai 2000,séri9-56,p.3,AnnexeMRDC 138;v.aussi Laréférencelus, N01877,
20mai 2000,pp.2-3,AnnexeMRDC 139.2.134. Les exemples sont nombreux, constants et concordants. Personne
ne remet en cause le soutien actif apporté par l'Ouganda à certaines forces

irrégulières opérant en territoire congolais, pas même l'Ouganda lui-

même.. .

3 La reconnaissance defsaits par l'Ouganda

2.135. L'Ouganda n'a pas sérieusement contesté qu'il apportait un

soutien actif aux forces irrégulières, et n'a pas, au Conseil de sécuritéou

devant d'autres organes de l'ONU, sérieusement nié son implication. On
peut donc considérer qu'il a admis le fait de ce soutien, tout en le justifiant

par ailleurs par des considérations politiques.

2.136 De même,lors de ses plaidoiries orales en réponse à la demande

de mesures conservatoires faites par la République démocratique du Congo

à la Cour en l'affaire des Activités arméessur le territoire du Congo,

l'Ouganda n'a pas particulièrement dénié son soutien aux rebelles

congolaisi.

2.137. En définitive, on ne peut contester que l'appui de l'Ouganda à des

forces irrégulières opérant en territoire congolais relève de la notoriété
publique.

CR2000/23 a,diencepublique tenuele merci8juin2000.

108 Sous-section 2. Les élémentsattestant des pillages et exactions de

l'Ouganda en RépubliquedémocratiqueduCongo

2.138. La République démocratique du Congo a déjà indiqué que

l'Ouganda occupait son territoire tout simplement en vue de s'approprier

ses richesses et ses biens. Ici encore, on se trouve devant des faits qui

relèvent de la notoriété publique, et qui sont établisà partir de sources très

variées. Par ailleurs, et comme le Rapporteur spécialde la Commission des

droits de l'homme l'explique trt-s bien dans ses rapports, la présence

étrangère et les pillages qu'elle entraîne ne peuvent se poursuivre que par

l'établissement d'un état de terreur qui se traduit par de nombreuses

exactions à l'encontre de la population civile. Les pillages (1) comme les
exactions (2) peuvent être établistr&sfacilement, même si, une fois encore,

on rappellera qu'il ne s'agit pas à ce stade de détailler chaque infraction,

mais d'établir un comportement général qui donnera lieu ultérieurement à

une évaluation plus spécifique.

A. Le pillage oranisé des ressources et biens congolais

2.139. On citera à titre illustratif des élémentsprovenant des travaux du

Conseil de sécurité (l),du Secrétairegénéra( l2)'du Rapporteur spécial de la

Commission des droits de l'homme (3), ainsi que d'autres rapports
d'organismes indépendants (4)tous confirmésdans la presse (5).

1. Le Conseil de sécurité

2.140. Le Conseil de sécuritéa dénoncé à plusieurs reprise l'exploitation

illégale des ressources naturelles du Congo en violation de sa souveraineté

dans le cadre de ses résolutions. Il a également déployédes moyens sur leterrain lui permettant d'enquêtersur cette exploitation illégale.

2.141. Le 24 février2000,le Conseil

"réaffirmant également la souveraineté de la République démocratique
du Congo sur ses ressources naturelles, et prenant note avec
préoccupation des informations faisant état de l'exploitation illégale
des ressources du vavs et des conséquences que peuvent avoir ces
activitéssur la sécuritéet la poursuite des hostilités",

"17. Se déclare vivement préoccupé par les informations suivant
lesquelles les ressources naturelles et autres richesses de la République
démocratique du Congo sont illégalement exploitées,ce notamment en
violation de la souveraineté du pays, demande qu'il soit mis fin à ces
activités, exprime son intention de poursuivre l'examen de la
question, et prie le Secrétaire généralde lui rendre compte dans les 90

jours des moyens qui pourraient être misen oeuvre pour atteindre ces
objectifs;" 1

2.142. Au mois de juin de la même année, le Conseil réaffirme sa

préoccupation et demande explicitement à toutes les parties de coopérer

avec le groupe d'experts nommés aux fins d'investigation :

"Réaffirmant également la souveraineté de la République
démocratique duVcongo sur ses ressources naturelles et prenant nôte
avec préoccuvation des informations faisant état de l'exvloitation
illégale des ressources du pavs et des conséq - uences que peuvent avoir
ces activitéssur la sécurité etla poursuite des hostilités,
Exhortant, à cet é-gard, toutes les parties au conflit dans la République

démocratique- du Cong -o et les autres intéressésà coopérer pleinement
avec le g -roupe d'experts sur l'ex -ploitation illégale des ressources
naturelles et autres richesses de la Révubliaue démocratiaue du Congo
[..,2.

2.143. Quant au Président du Conseil de sécurité,il a dénoncédès le

mois de janvier cette exploitation illégale et a demandé sur la base de ce

1 Dot. ONU,S/RES/1291(2000), 24 févri2000,AnnexeMRDC 5.

2 Doc. ONU, S/RES/1304 (2000),16juin 2000, AnnexMRDC 6; soulignépar la République
démocratiqudeuCongo.constat le retrait des troupes étrangèresdu territoire congolais:

"Le Conseil réaffirme l'inté~rité territoriale et la souveraineté
nationale de la Révubliaue démocratiaue du Congo, v compris sur ses
ressources naturelles, conformément aux princi-es énoncésdans la
Charte des Nations Unies et dans celle de l'OUA.A cet égard,il réitère
son appel en faveur de la cessation immédiate des hostilités et du
retrait en bon ordre de toutes les forces étrangèreshors du territoire de
la République démocratique du Congo conformément à l'accord de
cessez-le-feu de Lusaka" 1.

2.144. Le 2 juin 2000, le Président du Conseil de sécurité a précisé le

mandat du panel d'experts chargé de traiter la question de l'exploitation

illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo

en prévoyant expressément que les experts devraient êtreen contact avec les

capitales des Etats concernés:

"Le Conseil accueille favorablement la recommandation faite par sa
mission en République démocratique du Congo, mentionnée dans le
paragraphe 77 de son rapport du 11 mai 2000 (S/2000/416), d'agir en
vue de la constitution rapide d'un groupe d'experts pour traiter de la
question de l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratiquedu Congo.

Le Conseil demande au Secrétairegénéral de mettre en place ce groupe
d'experts , pour une période de six mois, dont le mandat sera le
suivant:
- Examiner les rapports et réunir les informations sur toutes les
activités d'exploitation illévale des ressources naturelles et autre
richesses de la Républiaue démocratiaue du Convo, ce, notamment en
violation de la souveraineté du pavs;

Le Conseil souligne que, pour mettre en oeuvre son mandat, le groupe

d'experts [..pourra procéder à des visites dans les différentspays de la
région, en prenant contact durant ces visites avec les missions
divlomatiaues des capitales concernées, ainsi que, si nécessaire, dans
d'autres pays" 2.

1Doc.ONU,S/PRST/2000/2,26 janvier 2000A, nnexeMRDC 17.

2 Doc. ONU, S/PRST/2000/20, 2 juin 2000,Annexe MRDC 19;soulignépar laRépublique
démocratiqudeuCongo.2.145. La mission du Conseil de sécurité,qui s'était rendue dans la

région au mois de mai 2000 et avait rencontré, entre autres, le Président

Museveni, déclarera dans son rapport :

"The mission raised the question of the illegal exploitation of the
ressources of the Democratic Republic of the Congo in their exchanges
and made it clear that the Security Council would return to adressing

this problem. None of the external parties to the conflict claimed a
long-term interest in remaining on the territory of the Democratic
Republic of the Congo in either a military or an economic context" 1.

2. Le Secrétaire général

2.146. Le Secrétaire général avait, des le 18 avril, suggéréla créationd'un

panel d'experts chargé d'enquêter sur la situation qu'il décrivait en

reprenant les termes de la résolution 1291(2000)du Conseil de sécuritécitée

ci-dessus 2.

3. Le Rapporteurspécialde la Commissiondes droits de l'homme

2.147. La République démocratique du Congo a déjà signalé que le

Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme avait dénoncé

" la fuite des richesses nationales vers l'Ouganda et le Rwanda [...]"3,ainsi

que le véritable pillage auquel se livre l'Ouganda à l'encontre de la

République démocratique du Congo :

"de nombreux équipements hospitaliers ont étédéplacés vers le
Rwanda et l'Ouganda et que ces deux pays ont davantage bénéficié des

Doc.ONU, S/2000/416,11 mai2000,s 77AnnexeMRDC 25.

2 V. la lettre datéedu 18 avril du Çecrétairegénéldressée au Présidentu Conseil de
sécuritéDoc.ONU, S/2000/334, AnnexeMRDC 34.

3 Doc.ONU, Rapportdu 17septembre1999,A54/361, §41,Annexe MRDC 41.

112 richesses de la régionque leurs propriétaires" 1.

4. Autres rapports d'organismes indépendants

2.148. Une étude réaliséepar l'observatoire Gouvernance-Transparence

entre le 15 octobre 1999 et le ler février 2000 s'est attachée à démontrer le

trafic illicite de richesses minières, principalement l'or et le diamant, de la

République démocratique du Congo par l'Ouganda notamment. Ce rapport

révèleque

"L'exploitation se fait dans les mines situées dans la localitéde Durba
(MMoto) par des méthodes plus ou moins artisanales. Les militaires

ougandais font sauter à la dynamite les carrières aurifères et laissent
mille à deux milles chercheurs d'Or y pénétrer chaque jour. Ceux-ci
sont obligésde déposer 60% de la quantité d'Or ramasséaux autorités
ougandaises postées à l'entrée"2.

2.149. Par ailleurs, dès le mois d'août 1999, les chefs des différentes

confessions religieuses en République démocratiquedu Congo adoptent une

"Déclarationde protestation et de solidarité"par rapport aux événementsde

Kisangani, dans laquelle ils déclarent condamner

"avec force l'exploitation [des] richesses et la destruction méchante des
vies humaines dont le pays est victime de la part de toutes les forces
armées étrangères,surtout rwandaise et ougandaise, qui [...] laisseront

un jour ou l'autre un pays exsangue, exploité, pilléet ruiné" 3.

Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,§ 101, AnnexeMRDC 43.

2 Observatoire Gouvernance-Transparence, Guerre en République démocratiqudu Congo.
Enjeux économiques:intérêtset acteurs, Rapport finKinshasa,10 avril2000, p.9,
AnnexeMRDC 92.

3 Texte publiédans LaRéférencPelus,N01662,2août 1999,v. aussi la déclarationde l'Union
pour la défensedes intérêtdse la Province orientale, publiéedLa RéférencPelus,
N01894,12 jui2000,p.3,AnnexeMRDC 141.5. Lapresse

2.150. La presse a également dénoncé le pillage des richesses du sol et du

sous-sol congolais par les troupes ougandaises 1.On pourrait ici multiplier

les sources 2.

B. Les exactions touchant directement la vovulation civile

2.151. Les exactions perpétrées parles troupes ougandaises relèvent elles

aussi de la notoriété publique, comme on l'aura déjàrelevé en parcourant

les extraits reproduits ci-dessus. On reprendra, à titre exemplatif, des

éléments supplémentaires tirés de l'activitédu Conseil de sécurité (l), du

Secrétairegénéral (2), du Rapporteur spécialde la Commission des droits de

l'homme (3) et d'autres sources encore (4).

1. Le Conseilde sécurité

2.152. Dans sa résolution 1291 (2000) du 21 février 2000, le Conseil de

sécurité :

"condamne tous les massacres perpétrés sur le territoire de la
République démocratique du Congo et alentour, et demande
instamment qu'une enquête internationale y soit consacrée en vue de
traduire les responsables en justicew(§14).

2.153. Dans sa résolution 1304(2000)du 16juin 2000,le Conseil,

ia RéférencPelus,,N01877,20 mai 20pp.2-3,AnnexeMRDC 139;Potentiel,N01941,9 juin
2000Annexe MRDC 140.

Le Monde,17novembre 1998,p.4, AnnexeMRDC 128;LeMonde, 2juin 200pp. 1-2,Annexe
MRDC 134;LeMondeDiplomatique,octobre 199pp.16-17,AnnexeMRDC 137. "Se déclarant également alarmé par les conséquences funestes de la
prolongation du conflit pour la sécuritéde la population civile sur tout
le territoire de la République démocratiquedu Congo, et profondément
préoccupépar toutes les violations des droits de l'homme et du droit
international humanitaire et les atteintes qui y sont portées, en
particulier dans l'Ouest du pays, notamment dans le Nord et le Sud-
Kivu et à Kisangani"

"demande à toutes les parties au conflit dans la République
démocratique du Congo de protéger les droits de l'homme et de
respecter le droit international humanitaire"

2.154. Quant au Présidentdu Conseil de sécurité, il déclare

"Le Conseil condamne toutes les violations des droits de l'homme et
du droit humanitaire, y compris les actes de haine et violence
ethniques et l'incitationcommettre de tels actes par toutes les parties.
Il demande instamment à toutes les parties de respecter et protéger les
droits de l'homme et le droit humanitaire, en particulier les

dispositions des Conventions de Geneve de 1949 et des Protocoles
additionnels de 1977, selon qu'ils leur sont applicables, de mêmeque
les dispositions de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocidede 1948" l.

2. Le Secrétairegénéral

2.155. Dans son rapport du 17 janvier 2000, le Secrétairegénéral estime

que la MONUC

"pourrait apporter un soutien logistique lors de l'établissement de
bilans, aider le gouvernement de la République démocratique du
Congo et les organismes des Nations Unies à mettre sur pied un plan
national de démobilisation des enfants soldats et appeler l'attention
sur les violations des droits des enfants par les diverses forces armées
présentes sur le territoire de la République démocratique du Congo"2.

1Doc.ONU,S/PRST/1998/36, dé1cembr1998A,nnexeMRDC15.

*Doc.ONU, S/2000/30, 17nvie2000,90 ,nnexeMRDC 23.

115Dans son rapport datédu 18avril 2000,le Secrétairegénéralprécise:

"Il importe de noter que toutes les parties au conflit reconnaissent
désormais ouvertement que des violations flagrantes des droits de
l'homme ont bien eu lieu et continuent de se produire dans
l'ensemble du territoire de la République démocratique du Congo, et
demandent maintenant qu'on enquête sur les allégations de
massacres" 1.

2.156. Dans son troisième rapport sur la MONUC en République

démocratique du Congo, le Secrétairegénéral dénonce les combats auxquels

se sont livrées les troupes ougandaises et rwandaises à Kisangani, pour

affirmer que

"ces deux armées devraient être tenues responsables des pertes
humaines et des dégâts matériels qu'elles ont infligés à la population
civile de Kisangani" 2.

2.157. Dans son rapport du 12 juin 2000, le Secrétaire généraldésigne

nommément l'Ouganda :

"Dans les zones tenues par les rebelles, les violents combats qui ont
récemment éclaté, notamment dans la province de l'Equateur,

auraient donné lieu à de graves violations des droits de l'homme.
Selon plusieurs rapports émanant d'ONG locales militant pour la
défense des droits de l'homme dans l'est du pays, les rebelles,
armées ougandaises et rwandaises et les groupes armés qui n'ont pas
signéles accords commettent régulièrement des actes de violence et de
banditisme, pratiquent systématiquement la torture et le viol,
restreignent la liberté de mouvement et procèdent à des déplacements
forcésde populations" 3.

Doc.ONU, S/2000/330,18 avril2000,§6û,Annexe MRDC24.

2Doc. ONU, S/2000/566,12 juin 2000,s 79,AnnexeMRCD26..

3 Doc.ONU, S/2000/566,12 juin 2000,s 49;soulignéparlaRépudémocratiqudu Congo.

1163. Le Rapporteur spécialde la Commission desdroits de l'homme

2.158. Dans son Rapport du 8 février 1999, le rapporteur spécial, apres

avoir constaté "[.1.la participation évidente du Rwanda et de l'Ouganda aux
côtés des rebelles [...]1,énumere les "Violations imputables aux forces

rebelles et à leurs alliés" (TitreB.; mêmeformule plus loin, IV, puis "B.

Recommandations adressées aux forces rebelles et à leurs alliésétrangers).

Parmi les violations des droits de l'homme identifiées par le Rapporteur

spécial, on relèvera à titre d'exemple les atteintes portées à la vie et les

exécutions sans jugement, ainsi que la torture, sans qu'aucune distinction

ne soit opéréeau sujet de l'imputation de ces actes2.

2.159. Dans son rapport daté du 17septembre 1999,le Rapporteur spécial

dénonce l'appui de l'Ouganda au RCD (§ 13) et releve parmi les violations

du droit international humanitaire

"l'attaque dont les populations civiles sans défenseont été victimesau
cours d'un conflit entre soldats des forces armées ougandaises et
rwandaises A Kisangani en août qui a fait une trentaine-de victimes
[.. 3.IV

2.160. Dans son Rapport du 18 janvier 2000, le Rapporteur spécial

signale encore explicitement que

"Les troupes ougandaises ont commis des massacres analogues à Beni
le 14 novembre faisant -bilan encore non confirmé - une soixantaine
de victimes parmi les civils"4.

Doc.ONU, E/CN.4/1999/31,8 février199§40,Annexe MRDC 42.

2 Doc. ONU, E/CN.4/1999/31, 8 février1999.

3Doc.ONU, A/54/361,17 septembre1999,s 102,AnneMRDC 41.

Doc. ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,s 112,réféosmises, AnnexeMRDC43.

117Il rappelle également qu'

"[ulne autre violation des règles du droit international humanitaire est
constituée par les attaques dont les populations civiles sans défenseont
étévictimes lors du conflit entre des soldats ougandais et rwandais à
Kisangani en août, attaques qui ont fait une trentaine de victimes
civiles, et lors d'autres attaques ultérieureàBeni et à Rutshuru" 1.

2.161. Dans son Rapport du 17 septembre 1999, le Rapporteur spécial

pointe précisément certaines violations des droits fondamentaux de la

personne perpétréespar les troupes ougandaises :

"Le viol en tant qu'instrument de guerre. Le Rapporteur spécial a été

saisi de rapports faisant état de viols commis à Kabamba, Katana,
Lwege, Karinsimbi et Kalehe. Des viols avaient également été commis
dans des villes de la province orientale par des soldats des forces
ounandaises" 2.

Par ailleurs, il signalait que

"L'attaque dont les populations civiles sans défenseont été victimesau
cours d'un conflit entre soldats des forces armées ougandaises et
rwandaises à Kisangani en août qui a fait une trentaine de victimes"
(Rapport du 17 septembre 1999) 3.

2.162. Pour le reste, le Rapporteur spécial ne fait mention d'aucune

mesure prise par l'Ouganda pour tenter de dissuader leurs alliés de

commettre les graves violations des droits de l'homme dénoncéestout au

long du rapport.

Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,s 113.

2 Doc.ONU, A54/361,17 septembre1999,s 106;soulignépar laRépubliqdémocratiquedu
Congo.

3Doc.ONU, A54/361,17 septembre1999,s 102.

1182.163. Dans son rapport du 18janvier 2000, on peut lire

"Violations des droits de l'homme sur le territoire contrôlé var le RCD

Sur le territoire occupépar les forces 'rebelles'ou 'd'agression' il règne
un climat de terreur et d'humiliation et un sentiment de reiet de ceux
qui exercent le ouvoir. Le droit à la vie est en permanence fouléaux
pieds mais toutes les libertés publiques sont également bafouées :droit
d'association, de réunion, d'expression et d'opinion. Il n'existe aucun
organe d'information indépendant, les rares qui existaient ayant été

interdits. Toute dissidence ou opposition est présentée comme une
'tentative de génocide'. L'expulsion de prisonniers vers le Rwanda
comme vers l'Ouganda est un phénomène particulièrement grave
[..]1.

L'extrait ne fait pas de distinction entre exactions des rebelles et de

l'Ouganda. L'association étroite se marque jusque dans le transfert de

prisonniers à destination de l'Ouganda. Cette pratique est encore dénoncée

lorsque le Rapporteur signale que

"[dles Maï-Maïs et d'autres personnes ont été arrêtées lorsdes
opérations et transportées vers le Rwanda et l'Ouganda oii on a perdu
leurs traces" 2.

Il précise encore, en novembre 1999, la "déportation vers l'Ouganda de

Kasereka Kihuvi, Vice-Président de la Fédération des entreprises du

Congo" 3.

2.164. En tout état de cause, le Rapporteur ne signale aucune mesure ni

même prisede position de la part des autoritésougandaises qui auraient été

122;soulignépar la République
Doc. ONU, E/CN.4/2000/42, 18 janvier2000, p.6, et
démocratiqudeuCongo.

Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,s 115.

3 Doc.ONU, E/CN.4/2000/42,18 janvier2000,p.74.
119prises pour mettre fin aux graves violations des droits de l'homme, quels

qu'en soient les auteurs.

4. Autres sources

2.165. Le Collectif des organisations et associations des jeunes du Sud-

kivu en République démocratique du Congo "COJESKI" a publié en mai

1999 un rapport sur la situation des droits de l'homme pour la période

allant du ler janvier au 31 mars 1999.Il y est fait étatde massacres par les

troupes d'occupation, de l'Ouganda notamment, qui auraient en l'espace de

trois mois fait plus de 1100tuésau Kivu 1.

2.166. Dans son rapport suivant, daté du mois de septembre 1999, la

mêmeONG rappelle en introduction

"Les province occupées de la République démocratique du Congo
continuent à subir les retombées néfastes d'une gestion calamiteuse
et/ou prédatrice de ses ressources humaines et matérielles, par les
forces armées du Rwanda, du Burundi et de l'Ouganda, envahisseurs
internationalement reconnus de la République démocratique du
CongoV(p.3).

Le rapport décritensuite les combats qui, aux mois d'août et septembre 1999,

ont opposé les forces ougandaises et rwandaises à Kisangani, faisant plus de

175 victimes parmi la population civile 2.

1 Collectif des organisations et associations des jeunes du Sud-kivu en République
démocratique du Congo "COJESKI", Tragédieshumaines dans le Kivu/République
démocratiquedu Congo. Rapport trimestriel des faits, Kinshasa, mai 1999, 31 pp.,
AnnexeMRDC89.

* Sociétécivile Sud-Kivu- Collectif des organisations et associations des jeunes du Sud-kivu
en République démocratiquedu Congo "COJESKI",Rapport semestriel des faits allant
du ler avril30septembre 1999,octobre199p.58,AnnexeMRDC91.2.167. Une autre organisation estime que les opérations des forces

ougandaises (et rwandaises) le long de la frontiere ougando-congolaise entre

janvier et mars 1999auraient fait plus de 1000victimes 1.

2.168. Enfin, le 9 juin dernier, le CICR estimait dans un communiqué de

presse que les combats entre armées ougandaise et rwandaise à Kisangani
avaient - en l'espace de quatre jours - fait plus de 50 morts et 150 blessés

parmi les civils 2.

2.169. En définitive, le fait que l'Ouganda se livre à des exactions qui

touchent directement la population civile ne saurait êtreniéen tant que tel,

tant des sources nombreuses et variées en attestent la réalité.Le caractère

incontestable de l'existence de violations massives des droits de l'homme et

du droit humanitaire attribuables à l'Ouganda sur le territoire congolais a

du reste étésouligné, prima facie,par la Cour dans son ordonnance du ler

juillet 2000 rendue en l'affaire des Activités arméessur le territoire du

Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) lorsque, après

avoir établiqu'

" il n'est pas contesté qu'à ce jour des forces ougandaises se trouvent
sur le territoire du Congo, que des combats ont opposé sur ce territoire
ces forces à celles d'un Etat voisin, que ces combats ont entraîné de

nombreuses pertes civiles [...et que la situation humanitaire demeure
profondément préoccupante ",

elle a indiqué qu'

SEJEMAASBL,ONGdes droitsde l'hommeetde développement,République démocratique
du Congo. La guerre,le cessez-le-feuet les droitsde l'homme,Kinshasa, août3,999, p.
AnnexeMRDC 90.

CICR,Communiquéde pressedu 9juin 2000,AnnexeMRDC 87;V.égalementleRapportdu
Groupe LOTUS,qui couvreles événements survenuà Kisanganiau coursde la période
août 1999mai2000A ,nnexeMRDC 93. 'il n'est pas d'avanta~e contestéque des violations graves et répétées

des droits de l'homme et du droit international humanitaire, y
compris des massacres et autres atrocités, ont été commisessur le
territoire du Congo " l.

Une fois encore, on se trouve devant des faits qui rel&ventde la notoriété

publique.

C.I.J.,affairedes Activitésarmées serritoiredu Congo (République démocratiqud eu
Congo c. Ouganda),ordonnancedu ler juillet2000,5 42;soulignépar laRépublique
démocratiqudeuCongo. Sous-section 3. L'établissement juridique des faits au regard des

critèresde preuve retenus parle droit international

2.170. L'ensemble des sources qui viennent d'êtrementionnées attestent

de la validité en fait de l'argumentation développée par la République

démocratique du Congo pour appuyer sa requête. Cettevalidité peut être
appréciée au regard des conditions juridiques posées par le droit

international, qui sont indéniablement remplies en l'espèce.

2.171. Il faut d'emblée rappeler la grande souplesse qui caractérise l'état

du droit international sur ce point. Le Statut et le Règlement de la Cour ne

prévoient que quelques règles et principes qui gouvernent la procédure,

mais laissent à la Cour une liberté d'appréciation entière sur l'évaluation

des prétentions de fait. C'est ainsi que la Cour a pu énoncer qu'elle

"dispose d'une certaine latitude pour apprécier librement la valeur des
divers moyens de preuve, étant clair par ailleurs que les principes
généraux de procédure judiciaire gouvernent nécessairement la

détermination de ce qui peut êtretenu pour établi"'.

2.172. La Cour ne faisait en l'espèce que reprendre un très ancien

principe, déjàénoncépar l'Institut de droit international dans son projet de
règlement sur la procédure arbitrale internationale de 1875,selon lequel :

"Sauf disposition contraire du compromis, le tribunal a le droit [...]

5" De statuer, selon sa libre appréciation, sur l'interprétation des
documents produits et généralement sur les mérites et moyens de
preuve présentéspar les parties" (art. 15 du Pr~jet)~.

C.I.J.Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua etcontre celui-ci,
Recueil1986,p.40,s 60.

2 A.I.D.I1877,vol.1,pp. 130-131.et repris plus tard par la Commission du droit international dans son projet

sur la procédure arbitrale (art.1 fj1)l.

2.173. Cette compétence discrétionnairede la Cour ne peut que la mener

en l'espèce à retenir comme fondées en fait les prétentions de la République

démocratique du Congo. Celles-ci peuvent en effet se targuer de relever de

la "notoriétépublique", au sens donné A cette notion par la jurisprudence

(A). Pour certains élémentsde fait, il faut égalementmentionner qu'ils font

d'autant moins de doutes qu'ils ont étéreconnus par l'Ouganda lui-même

(BI.

A. L'établissementde faits qui relèvent de la "notoriétépublique"

2.174. La plupart, sinon tous les faits qui soCila base de la requêtede la

République démocratique du Congo, relèvent de la notoriétépublique. Au-

delà des élémentsprécis,variéset concordants qui ont été exposés ci-dessus,

ils sont rapportés quotidiennement par toutes les agences de presse, radios,

télévisions etmédias du monde.

2.175. Dans cette mesure, la présente espèce présente des similitudes
avec l'affaire du Personnel diplomatique des Etats-Unis à Téhéran,pour

laquelle la Cour remarquait que

"La plupart des faits essentiels de l'affaire sont de notoriétépublique et
ont étélargement évoqués par la presse mondiale ainsi que dans des

émissions de radiodiffusion et de télévisionde l'Iran et d'ailleur[...].
Il en résulte que la Cour dispose d'une masse de renseignements de
sources diverses sur les faits et circonstances de la présente affaire, y
compris de nombreuses déclarations officielles des autorités iraniennes et américaines"'.

Dans ce contexte, la Cour releve aussi que

"les renseignements disponibles sont néanmoins d'une cohérence et
d'une concordances totales en ce qui concerne les principaux faits et
circonstances de ltaffaire"2.

2.176. Il en va de mêmedans la présente espece, où les principaux faits

et circonstances sont reproduits dans de nombreux documents, officiels ou

non, et ont du reste donné lieu à l'action de nombreuses organisations et

institutions internationales.

2.177. On se rappellera en particulier que la présence des troupes

ougandaises en République démocratique du Congo et son appui aux

rebelles ont donné lieu A l'adoption par le Conseil de sécurité d'une

résolution 1234 (1999), dans laquelle il déplorait la présence de troupes

étrangeres en République démocratique du Congo (texte supra, chapitre 1,

5 1.37et annexe MRDC l),ce qui atteste bien de la notoriétépublique de cette

présence.

B. La reconnaissance d'élémentsde fait var 1'Etatdéfendeur

2.178. La République démocratiquedu Congo a relevéplus haut que les

plus hautes autorités ougandaises avaient reconnu l'essentiel des faits

pertinents en l'espece.

2.179. Il en a d'abord été ainsipour ce qui concerne la présence même

C.I.J.,Recueil19pp.9 et10§ 12et 13.

C.I.J.,Recueil1980,105 13.

125des troupes ougandaises sur le territoire de la République démocratique du

Congo, ainsi que leur participationà des combats. La reconnaissance résulte

ici de déclarations variées, auxquelles la Cour se reportera utilement, mais

aussi de l'acceptation par l'Ouganda de plusieurs accords prévoyant la

cessation des hostilités puis le retrait de ses troupes du territoire congolais,

engagements qui impliquent incontestablement une reconnaissance de

l'occupation ougandaise.

2.180. Quant à l'appui à des forces irrégulières engagées dans des

combats avec les autorités légitimes de la République démocratique du

Congo, il a également été reconnu, d'une part, parce que plusieurs des

engagements dont il vient d'êtrefait mention prévoient la fin du soutien à

des forces rebelles situées en territoire congolais et, d'autre part, parce que

les autorités ougandaises n'ont pas sérieusement contesté leur appui aux

forces rebelles, alors que de nombreuses occasions de dénierl'existence d'un
tel appui se sont présentées. Il suffiàcet égardde se reporter aux discours

prononcés par les représentants de l'Ouganda devant les organes de l'ONU

qui ont étéamenés à traiter de la question (v. supr552.135-2.137).

2.181. La valeur probante des déclarations émanant d'autorités des Etats

parties àl'instance a déjà été reconnuepar la Cour. Ainsi, dans l'affaire des

Activités militaires, elle relève que

"Le dossier soumis à la Cour contient également des déclarations de
représentants d'Etats, parfois au plus haut niveau dans la hiérarchie
politique. Certaines de ces déclarations ont été faites devant des
organes officiels de 1'Etat ou d'une organisation régionale ou
internationale et figurent dans les comptes rendus officiels de ces
institutions. D'autres, prononcées lors de conférences de presse ou
d'interviews, ont été rapportées par la presse écrite locale ou
internationales. La Cour considere que des déclarations de cette nature,
émanant de personnalités politiques officielles de haut rang, parfois
même du rang le plus élevé, possedent une valeur probante

particulière lorsqu'elles reconnaissent des faits ou des comportements défavorables à 1'Etatque représente celui qui les a formulées. Elles
s'analysent alors en une sorte d'aveu"'.

La Cour a préciséplus loin que

"[ll'un des effets juridiques qui peuvent s'attacherà ces déclarations est
qu'elles peuvent êtreconsidéréescomme établissant la matérialitédes
faits, leurs imputabilité aux Etats dont les autorités ont fait les
déclarations et, dans une moindre mesure, la qualification juridique
desdits faits"2.

et que, dans ces circonstances, elle disposait d'une très large latitude dans le

choix des déclarations pertinentes :

"[lla Cour peut tenir compte des déclarations publiques sur lesquelles
l'une ou l'autre des Parties a spécialement appelé l'attention, et dont le

texte, ou un compte rendu y relatif, a étéproduit comme preuve
documentaire. Mais la Cour considère que, pour parvenir à la vérité,
elle peut aussi prendre acte des propos tenus par les représentants des
Parties (ou d'autres Etats) dans des organisations internationales, ainsi
que des résolutions adoptéesou discutéespar ces organisations, dans la
mesure où elles se rapportent aux faits, et cela que cette information lui
ait ou non été signalée par une Partie"3.

2.182. Les propos de la Cour sont parfaitement transposables à notre cas

d'espèce. Les représentants officiels de l'Ouganda, y compris au plus haut

niveau, admettent la présence de l'armée ougandaise en République

démocratique du Congo et sa participation à des combats, ainsi que son

soutien à des forces irrégulières. Ces déclarations sont contenues dans des

documents officiels, y compris des accords conclus avec la République

démocratique du Congo, ou sont reprises dans la presse internationale.

Juridiquement, on peut donc les analyser en une sorte d'aveu. La Cour peut

C.I.JRecuei1986,p.41,s 64.

C.I.J.,Recueil1986,p.4371

3 C.I.J.,Recueil198644,5 72par ailleurs prendre en compte toutes les déclarations et prises de position

qu'elle estime pertinentes.CONCLUSIONDU CHAPITRE

2.183. Ce deuxième chapitre visait àdésigner les faits qui sont reprochés

à l'Ouganda, et à présenter les élémentsde preuve qui attestent de leur

réalité au regard de la jurisprudence internationale. A cet stade, la

République démocratique du Congo ne sait pas si l'Ouganda remettra en

cause ces élémentsde fait, tant ils relèvent de la notoriétépubliqueIl est en

tout cas évident que les faits qui sontla base de la requêtede la République

démocratique du Congo ne sauraient être remisen cause.

2.184. Bien évidemment, il ne s'est pas agi à ce stade d'identifier et de

détailler chaque événement factuel qui a donné lieu à une violation du

droit international. Ces événements sont extrêmement nombreux, et ont

pour l'essentiel eu lieu dans des zones sur lesquelles la République

démocratique du Congo est par la force empêchée d'exercer sasouveraineté.

Ce n'est qu'au stade de l'évaluation exacte du dommage subi qu'il sera

nécessaire de produire des évaluations détaillées. CHAPITRE III

LESPRINCIPES JURIDIQUEA SPPLICABLES3.01. Dans le présent chapitre, la République démocratique du Congo

s'attachera à pointer les différents principes du droit international
applicables au présent différend, en vue de montrer ensuite qu'ils ont fait

l'objet d'une violation par la République de l'Ouganda (infra, chapitreIV

et V). Dans cette perspective, la République Démocratique du Congo

déterminera le fondement juridique de tels principes ainsi que leur

opposabilité aux parties.

3.02. Dans un premier temps, la République Démocratique du Congo

exposera le principe du non recours à la force pour, dans une deuxième
section, énoncer les autres principes juridiques applicables en l'espèceet qui

ont systématiquement étévioléspar la République de l'Ouganda. A ce titre,

la République Démocratique du Congo envisagera les principes du

règlement pacifique des différends, de la non-intervention dans les affaires

intérieures des Etats, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et de

l'égalitésouveraine des Etats.Section 1. L'interdiction du recours à la force dans les relations

internationales

3.03. La prohibition du recours à la force est garanti par l'art2c$j4 de

la Charte des Nations Unies, qui dispose :

"les membres de l'organisation s'abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourirà la menace ou à l'emploi de la force, soit
contre l'intégrité territorialeou l'indépendance politique de tout Etat,

soit de toute autre maniere incompatible avec les buts des Nations
Unies".

3.04. Le principe du non recours àla force a,àde multiples reprises, été

réaffirmédans différents instruments juridiques.

3.05. La Déclarationsur les relations amicales 2625 (XXV) du 24 octobre

1970 dispose que :

"Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à toute mesure de
coercition qui priverait les peuples mentionnés dans l'élaboration du
principe de l'égalitéde droit et de leurs droitsdisposer d'eux-mêmes,
de leur droit Ci l'autodétermination, à la privation et à
l'indépendance".

3.06. La résolution 3314 de l'assembléegénérale (XXIX) du 14 décembre

1974 réaffirme le principe en offrant une définitionà la notion d'agression.

De cette maniere, l'agression est définiecomme

"l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté,
l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat".

Par ailleurs,

"Une guerre d'agression constitue un crime contre la paix
internationale. L'agression donne lieu à responsabilité internationale ".

3.07. Bien que la Charte de l'OUA ne contient pas expressément de

dispositions relatives au non-recours à la force, on peut à l'évidence

considérer au vu de l'ensemble de ses dispositions qu'un tel principe est

applicable entre les Etats parties. Qui plus est, la Charte de l'OUA renvoie

expressément aux principes contenus dans la Charte des Nations Unies qui,
comme il a étérappelé précédemment,prohibe tres explicitement le recours

à la force. En tant que membres de l'organisation de l'UnitéAfricaine, les

parties sont donc tenues au respect des principes découlant de la Charte de

l'OUA, y compris l'interdiction du recouràla force.

308. On constate que, dans le cadre conventionnel de l'organisation

des Nations Unies et de l'Organisation de l'UnitéAfricaine, l'interdiction

de l'emploi de la force dans les relations internationales a étéreconnue
comme une norme fondamentale et fondatrice de l'ordre juridique

international, quià ce titre s'imposeà tous les Etats dans leurs relations

mutuelles.

3.09. En outre, le principe de non recours à la force a étéreconnu

comme reflétant une coutume générale à portée universelle.

3.10. La Cour, dans la célebre affaire des Activités militaires et
paramilitairesau Nicaragua a reconnu ce principe comme un principe de

droit international coutumier :

"Le principe du non emploi à la force peut êtreconsidérécomme un
principe de droit international coutumier, non conditionné par les
dispositions relatives à la sécurité collective ou aux facilités et contingents à fournir en vertu de l'article 43 de la CharteW.l

3.11
En ce sens, la doctrine est unanimeà considérerque l'article2, 5 4
de la Charte des Nations Unies

"is regarded now as a principle of customary international law and as

such is binding upon al1states in the world community. "2

3.12.
La doctrine la plus autorisée va jusqu'à considérer qu'on est en
présence d'une norme impérative, comme la Cour l'a relevé dans l'affaire

précitéedes Activités militaires :

"[lla validité en droit coutumier du principe de prohibition de
l'emploi de la force exprimé àl'articl2, paragraphe 4, de la Charte des

Nations Unies trouve une autre confirmation dans le fait que les
représentants des Etats le mentionnent souvent comme étant non
seulement un principe de droit international coutumier, mais encore
un principe fondamental ou essentiel de ce droit. Dans ces travaux de
codification du droit des traitésla Commission du droit international
a exprimé l'opinion que 'le droit de la Charte concernant
l'interdiction de l'emploi de la force constitue en soi un exemple
frappant d'une règle de droit international qui relève du jus cogens'
(paragraphe 1du commentaire de la Commission sur l'article 50 de ses

projets d'articles sur le droit des traités, Annuaire de la Commission,
1966-11,p.270)" 3.

3.13. Le Président Nagendra Singh a développéce point de vue dans

son opinion individuelle jointe à l'arrêt:

"[eln fait, ce principe capital du non-emploi de la force dans les
relations internationales est au centre de la doctrine consacrée par le
temps qui s'est développéeau cours de ce siècle,plus particulièrement

C.I.J.Recueil1986,p.200, 188.

2 Malcom N. SHAW,InternationalLaw,4émeédition,Cambrige,Grotius,p.781.

3 C.I.J.,Recueil1986,p. 100,s 190. apres les deux guerres mondiales. ce principe a alors étédélibérément
étendu à l'illicéitédu recours aux représailles armées ou à d'autres
formes d'intervention armée n'équivalant pas à la guerre [...]. Le
raisonnement qui sous-tendait l'extension du principe du non-emploi
de la force aux représailles étaitle suivant:si l'emploi de la force était
admis non seulement comme une mesure limitée et isolée de
légitime défense mais aussi en riposte à des provocations mineures

appelant des contre-mesures, le jour ne serait plus loin où le monde
connaîtrait une troisieme guerre mondiale [..]"1.

3.14. L'Ouganda ne saurait évidemment prétendre qu'il n'est pas lié

par ce principe fondateur de l'ordre juridique international contemporain,

y compris dans la mesure où il ne permet pas de mettre en Œuvre des
mesures de représailles arméespour réagir à des provocations mineures.

3.15. - En premier lieu, l'Ouganda est lié à titre conventionnel, en sa

qualité d'Etat membre de l'ONU et de l'OUA. L'Ouganda a été admis

comme membre de l'Organisation le 25 octobre 1962, alors que la

République démocratique du Congo est membre de l'organisation depuis le

20 septembre 1960. Par ailleurs, les deux Etats parties sont membres de

l'OUA depuis sa créationle 25 mai 1963.

3.16. Enfin, le principe du non recours à la force lie l'Ouganda dans la

mesure ou il s'agit d'un principe coutumier de portée universelle, auquel

l'Ouganda lui-même n'ajamais objectéen tant que tel. La République de

l'Ouganda avait des lors bien le devoir de respecter le principe du non

recours à la force.

C.I.J.,Recueil198,. 151.Section 2. Lesautresprincipesjuridiquesapplicables

3.17. Dans la présente section, la République Démocratique du Congo

va épingler les autres principes opposables aux parties qui ont fait l'objet

d'une violation par la République de l'Ouganda. A cet égard, la République

Démocratique du Congo établira pour chaque principe analysé la nature

juridique de ceux-ci ainsi que leur opposabilité aux parties. On envisagera

ainsi les principes du règlement pacifique des différends (A), de la non-
intervention dans les affaires qui relèvent de la compétence nationale des

Etats (B), du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes(C), du respect des

droits fondamentaux de l'homme (D), et du respect des résolutions

régulièrement adoptéespar le Conseil de sécurité(E).

A. Le principe du rè -~lementpacifique des différends

3.18. L'obligation de résoudre les conflits par des moyens pacifiques,
comme corollaire de l'interdiction de l'emploi à la force, a acquis le même

caractère impératifque ce dernier. Un tel principe est affirmé par les articles

2 F,3 et 33 de la Charte des Nations Unies.

3.19. L'article2 F3 dispose que :

"Les membres de l'organisation règlent leurs différends
internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix
et la sécuritéinternationales ainsi que la justice ne soient pas mises en
danger ".

3.20. L'article33de la Charte dispose que :

"1.Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de
menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales,
doivent en chercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de reglement
judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou part
d'autres moyens pacifiques de leur choix.

2. Le Conseil de Sécurité,s'il le juge nécessaire, invite les parties à
réglerleur différendpar de tels moyens".

3.21. Ce principe est affirmé avec plus de force encore dans la

Déclaration relative aux principes du droit international touchant les

relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la

Charte des Nations Unies, votée par l'Assemblée généraledes Nations

Unies le 24 octobre 1970 :

"Tous les Etats doivent régler leurs différends internationaux avec
d'autres Etats par des moyens pacifiques, de tellemaniere que la paix et
la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en
danger".

3.22. En tant que membre de l'organisation, la République de

l'Ouganda a l'obligation de respecter ce principe tel qu'il a étéinterprété
dans les diverses résolutions de l'Assemblée généraleque l'Ouganda a

acceptées.

3.23. Le principe du règlement pacifique des différentsest affirmédans

la Charte de l'OUA qui dispose en son article 3 :

"Les Etats membres, pour atteindre les objectifs énoncés à l'Article2
affirment solennellement les principes suivants :
(. .)
4 Reglement pacifique des différends, par voie de négociations, de
médiation, de concilia lion ou d'arbitrage".

3.24. En tant que membres de l'organisation de l'Unité Africaine, il

apparaît clairement que les parties sont liéespar ce principe.3.25. Dans son arrêt sur les Activitks militaires et paramilitaires au
Nicaragua, la Cour a aussi affirmé le caractère essentiel de l'obligation

coutumière de réglerles différendsde maniere pacifique :

"La Cour a constatédans le présentarrêtque, par ses activités à l'égard
du demandeur, le défendeur a violé plusieurs principes du droit

international coutumier. Elle doit cependant aussi rappeler un autre
principe du droit international -complémentaire des principes
d'interdiction examinés plus haut- et qu'il est indispensable de
respecter dans le monde d'aujourd'hui :celui-ci veut que les parties à
un différend [...]s'efforcent d'y trouver une solution par des moyens
pacifiques" 1.

Dans ce mêmearrêt,elle affirme :

"Consacré par l'article 33 de la Charte des Nations Unies [...],ce
principe a également le caractère d'une règle de droit international
coutumier" 2.

3.26. Le principe du règlement pacifique des différends s'impose donc

aux parties et ce, tant en leur qualité de membres des Nations Unies qu'en

leur qualitéde membres de l'organisation de l'UnitéAfricaine. En outre, ce

principe s'impose à la République Démocratique du Congo et à la

République de l'Ouganda en tant que principe coutumier de droit

international auquel aucun d'entre eux ne s'est opposé.

B. Le principe de non intervention dans les affaires relevant de la

compétence nationale des Etats

3.27. L'interdiction de l'ingérence dans les affaires internes et la

* C.I.Recueil1986,p.145,n0290.

C.I.Recueil1986,p.145,n0290.prohibition du recours à la force sont la garantie et la contrepartie de
l'exclusivitédes compétencesde l'Etat sur son territoire. Elle s'exprime par

un devoir de non ingérence. Cette interdiction est également la

conséquence du principe de l'égalité souverainedes Etats.

3.28. Le principe de non ingérence et de non-intervention découle de

manière très générale des article1 et 2de la Charte des Nations Unies.

3.29. L'Assemblée Générale a également accordé une très grande

importance à la réitération solennelle du principe de non-intervention

dans les affaires relevant de la compétence nationale des Etats dans

plusieurs déclarations de principe.

3.30. A ce titre, on renverra A la Déclaration 2131 (XX) sur

l'inadmissibilitéde l'intervention dans les affaires intérieures des Etats et la
protection de leur indépendanceet de leur souveraineté,qui en précise les

contours.

3.31. La Déclaration sur les relations amicales adoptée par l'Assemblée

Généraledes Nations Unies proclame quant àelle qu'

"Aucun Etat ni groupe d'Etats n'a le droit d'intervenir directement ou
indirectement pour quelque raison que ce soit, dans les affaires
intérieures ou extérieures d'un autre Etat. En conséquence, non
seulement l'intervention armée mais aussi tout autre forme
d'ingérence ou de menace, dirigée contre la personnalité d'un Etat ou
contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont

contraires au droit international".

3.32. La résolution 31/91 du 14 décembre 1976 complète les textes

antérieurs en mettant l'accent sur l'intervention indirecte, qui consiste en

un soutien à des forces irrégulières ou subversives agissant sur le territoired'un autre Etat ou à l'encontre de celui-ci.

3.33. Enfin, il convient de rappeler comme source de droit, la
résolution 36/103 de l'Assemblée Générale du 9 décembre 1981 sur

l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires

intérieures des Etats.

3.34. L'Ouganda n'a pas émisde protestation lors de l'adoption de ces

résolutions. On ne pourrait donc pas prétendre qu'il a développé une

opinio juris qui en contredirait le contenu. En droit, il est liétant à titre

conventionnel que coutumier.

3.35. Le principe de non ingérence dans les affaires intérieures des

Etats est d'ailleurs également affirmé dans la Charte de l'organisation de

l'Unité Africaine. En son chapitre III relatif aux différents principes
s'imposant aux Etats membres dans le but du respect des objectif énoncés

par la Charte, il est établique

"les Etats membres (..) affirment solennellement les principes

suivants : (.)
2.Non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats".

3.36. Il est somme toute incontestable que le principe de non-

intervention dans les affaires des autres Etats est solidement ancré dans le
droit positif et que les Etatsy sont liés. Dans son arrêtrelatif aux activités

militaires et paramilitaires au Nicaragua, la Cour a affirmé le principe de

non-intervention dans les affaires d'un autre Etat comme un principe de

droit coutumier, indépendamment de toute invocation directe dans la

Charte des Nations Unies.'

C.I.J.Recueil198,.106etS.1-1'202tS.
1403.37.
Etant donné le caractère fondamental des régles qui précèdent,
beaucoup s'accordent à y reconnaître des normes impératives du droit

international général (jus cogens)1.

3.38. Il ressorà suffisanceque la Républiquede l'Ouganda, en tant que

membre de l'OUA, de l'ONU et de la communauté internationale des Etats

dans son ensemble, est liéepar le principe de non-intervention dans les

affaires des autres Etats.

C. Le principe de l'égalitésouveraine des Etats

3.39.
Le principe de l'égalité souveraine des Etats est présentécomme
le fondement de la coopération des Nations Unies dans l'article 2 § 1 de la

Charte qui énonceque "L'Organisationest fondée sur le principe de l'égalité

souveraine de tous ses Membres". Les Etats ont dès lors tous la même

aptitude, d'une part à acquérir età exercer des droits, d'autre parà assumer

et àexécuterdes obligations. Un auteur a pu écrireque

"C'est l'égalitésouveraine des Etats qui est à l'origine de l'obligation
pour chacun d'entre eux de respecter les droits des tiers"2.

3.40. La déclaration du 24 octobre 1970 relative aux principes du droit

international touchant les relations amicales et la coopération des Etats

(résolution 2625 (XXV) de 1'A.G.) reprend cet d'axiome du droit

international :

1 PierreMarieDUPUY,DroitInternationalPublic,4eme éd.,Dalloz, Paris,pn0106.

* PierreMarieDUPW, op.cit.,p.96n0102. "Tous les Etats jouissent de l'égalitésouveraine. Ils ont des droits et
des devoirs égaux et sont des membres égaux de la communauté
internationale, nonobstant les différences d'ordre économique, social,
politique ou d'une autre nature. En particulier, l'égalitésouveraine
comprend les éléments suivants :

a. les Etats sont juridiquement égaux,
b. chaque Etat jouit des droits inhérents à la pleine souveraineté,
c. chaque Etat a le devoir de respecter la personnalité des autres
Etats,
d. l'intégritéterritoriale et l'indépendance politique de 1'Etat sont
inviolables,

e. chaque Etat a le droit de choisir et de développer librement son
système politique, social, économiqueet culturel,
f. chaque Etat a le devoir de s'acquitter pleinement et de bonne foi
de ses obligations internationales et de vivre en paix avec les autres
Etats".

3.41. Le principe de l'égalité souveraine de Etats est également affirmé

par la Charte de l'OUA qui dispose en son article 3 que :

"Les Etats membres (...) affirment solennellement les principes

suivants :
(..)
3. respect de la souveraineté et de l'intégrité territorialede chaque
Etat et de son droit inaliénable à une existence indépendante ".

3.42. En tant qu'Etat membre de l'organisation des Nations Unies et de

l'organisation de l'Unité Africaine, l'Ouganda est lié de facon
conventionnelle par cette règle dont chacun s'accorde par ailleurs à dire

qu'elle revêtun caractère coutumier opposable à tous les Etats.

D. Le principe du droit des veuvles à disposer d'eux-mêmes

3.43. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est de nos jours

généralement considérécomme un des principes fondamentaux du droit
international et ce, au même titreque la règle du non-recours à la force oucelle du règlement pacifique des différends.

3.44. La Charte des Nations Unies comporte plusieurs référencesau

principe.

3.45. L'articlele' 52 de la Charte des Nations Unies énonce à cet égard

que l'un des buts des Nations Unies est de

"développer entre les nations des relations amicales fondées sur le
respect du principe de l'égalitédes droits des peuples et de leur droità
disposer d'eux-mêmes [...".

3.46. L'article55 de la Charte énonce les modalités du principe de

l'égalitédes droits des peuples et de leur droità disposer d'eux-mêmesdans

le cadre de ce qui deviendra un droit à l'accessionàl'indépendance.

3.47. L'Assemblée Généralea développéune pratique interprétative
par laquelle les Etats membres des Nations Unies ont reconnu que le droit

des peuples à disposer d'eux-mêmesne disparaissait pas avec la créationde

1'Etat. Une fois constitué en Etat, le peuple préservait son droit de ne pas

subir une domination étrangère visant à entraver son droit de choisir le

système politique, économique ou culturel de son choix.

3.48. La résolution 2625 sur les relations amicales et la coopération

entre Etats a consacré cette interprétation:

"En vertu du principe de l'égalitéde droit des peuples et de leur droità
disposer d'eux-mêmes,principe consacrédans la Charte des Nations
Unies, tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique,
en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur
développement économique, social et culturel, et tout Etat a le devoir
de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte.
Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d'autres Etats
ou séparément, la réalisation du principe de l'égalitédes droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes,conformément aux
dispositions de la Charte, et d'aider l'organisation des Nations Unies à
s'acquitter des responsabilités que lui a conféré laCharte en ce qui
concerne l'application de ce principe afin de :

a. favoriser les relations amicales et la coopération entre Etats,
b. mettre rapidement fin au colonialisme en tenant dûment
compte de la volonté librement expriméedes peuples intéressés ;et en

ayant présent à l'esprit que soumettre des peuples à la subjugation, à la
domination ou à l'exploitation étrangGreconstitue une violation de ce
principe, ainsi qu'un délitdes droits fondamentaux de l'homme, et est
contraireà la Charte.

Tout Etat a le devoir de favoriser conjointement avec d'autres Etats ou
séparémentle respect universel et effectif des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, conformément à la Charte.

La création d'un Etat souverain et indépendant, la libre association ou
l'intégration avec un Etat indépendant ou l'acquisition de tout autre
statut politique librement décidé par un peuple constitue pour ce
peuple des moyens d'exercer son droit à disposer de lui-même.

Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à toute mesure de
coercition qui priverait les peuples mentionnés ci-dessus dans la

formulation du présent principe de leur droit à disposer d'eux-mêmes,
de leur libertéet de leur indépendance.

Lorsqu'ils réagissent et résistent à un telle mesure de coercition dans
l'exercice de leur droit à disposer d'eux-mêmes,ces peuples sont en
droit de chercher et de recevoir un appui conforme aux buts et
principes de la Charte[...".

3.49. Par ailleurs, on sait que l'article ler des Pactes des Nations Unies

sur les droits de l'homme, auxquels l'Ouganda est partie et au sujet

desquels iln'a pas émisde réserve 1,énonceque

"1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu
de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent
librement leur développement économique, social et culturel.

L'Ougandaa adhéré le 21 janvier 1987 au Pacte surles droits économiques, sociaux et
culturels, et le 21 juin 1995au Pacte surles droitscivils et politiques, sans formulerde
réserve; v. Traités multilatéradéposés auprè dsu Secrétairegénéral, tat au 31
décembre1996,ST/LEG/SER.E/lS,New York,NationsUnies,1997. 2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer
librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans
préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique
internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel,et du droit
international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privéde ses
propres moyens de subsistance.

3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la
responsabilité d'administrer des territoire non autonomes et des
territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des

peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit,
conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies".

3.50. Cette source montre que le droit à l'autodétermination,

composante politique du droit des peuples, se double d'une composante

économique à savoir, le droit des peuples sur leurs ressources naturellesl.

C'est dans cette perspective que le droit des peuples sur leurs ressources

naturelles est également affirmé par la résolution 1803 (XVII) de

l'Assemblée Générale.

3.51. De nombreux auteurs de doctrine considerent également que ce

principe constitue une règle de jus cogens.

" Le droit à l'autodétermination figure dans la liste d'exemple de
règles " impératives " fournie par la Commission du droit
international dans son rapport sur le droit des traités.2

3.52. En tout état de cause, il ne fait aucun doute que ce principe lie

l'Ouganda à la fois en tant que partià la Charte de l'ONU et aux Pactes des

Nations Unies, et à titre coutumier. Encore une fois, 1'Etatdéfendeur ne

peut prétendre avoir développé une opiniojuris par laquelle il aurait émis
des réserves ou des objections susceptibles d'éluder l'application de ce

1 PierrMarieDUPW, op. citp.124n0126.

Annexe CDI,1966,vol Ip.270.principe dans la présente espèce.

E. L'obligation de respecter les droits de l'homme et le droit international

humanitaire

3.53. Dès son préambule, la Charte proclame la foi des Nations Unies

dans les "droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de

la personne humaine". D'autres dispositions de la Charte affirment par

ailleurs que l'organisation développera, encouragera, favorisera,

"le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue
oude religion"(articles 1,13,55, 62, 68,76).

3.54. L'obligation internationale de respecter les droits de l'homme est

fondée également sur un principe généralde caractère coutumier. La

résolution 2625 sur les relations amicales entre Etats, qui dispose que

"Tout Etat a le devoir de favoriser conjointement avec d'autres ou
séparément,le respect universel et effectif des droits de l'homme et des
libertés fondamentales conformément à la Charte".

Dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran,la Cour a considéréque la violation des "principes fondamentaux

énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme" était

incompatible avec le droit international 1.

3.55. Selon une partie de la doctrine, cette obligation revêtd'ailleurs

un caractère erga omnes 2. Reprenant la formule employée par la Cour

C.I.J.,Recueil19p.42,s 91.

G. COHEN JONATHAN, "Responsabilité pour atteinte aux droits de l'homme", iLa

146dans l'affaire de la Barcelona Traction (arrêtdu 5 février 1970)'l'Institut de
Droit International affirme que ce type d'obligation :

"incombe à tout Etat vis-à-vis de la Communauté Internationale dans
son ensemble et tout Etat a un intérêtjuridique à la protection des
droits de l'homme" 1.

Du reste, l'interdépendance entre les droits de l'homme et le droit

international humanitaire a été également affirmée par la résolution XXIII

portant " protectiondes droitsde l'hommeen casde conflitarmé", adoptée

lors de la Conférence internationale des droits de l'homme tenue à Téhéran

le 12 mai 1968.

3.56. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 28

juin 1981, à laquelle la République démocratique du Congo et l'Ouganda
sont parties, réaffirme de tels principes.

3.57. Il y a lieu également de citer l'article 2 de la Charte de l'OUA qui

dispose que :

"Les objectifs de l'organisation sont les suivants :(...)

e. favoriser la coopération internationale en tenant dûment compte de
la Charte des Nations Unies et de la déclaration universelle des droits
de l'homme".

3.58. Par ailleurs, la République démocratique du Congo comme

l'Ouganda sont parties aux instruments suivants, directement pertinents

en l'espèce :

Responsabilitédans le systèmeinternational,SFDI,Colloque du Mans, Pedone, Paris
1991, p.127-128.

A.I.D.I1,989,Çession de Saint-Jacquesde Compostelle,vo63-11.- Les Conventions de Genève sur la protection des victimes de guerre (12

août 1949), en particulier les dispositions communes aux quatre

conventions, la Convention de Genève relative à la protection des

personnes civiles, la Convention de Genève sur l'amélioration du sort des

blesséset des malades dans les forces armées en campagne et la Convention

de Genève relative au traitement des prisonniers de guerrel;

- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (16 décembre

1966) 2;

- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

(16décembre1966) 3;

- le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949

relatif Cila protection des victimes des conflits internationaux (Protocole 1)

(8 juin 1977)4 ;

- la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants (10 décembre 1984)5 ;

Républiquedémocratiquedu Congo :24février1961;Ouganda :18mai 1964

La République démocratique du Congo (anciennement Zaïre) a adhéréau Pacte le ler
novembre 1976 et l'Ouganda, le 21 juin 1995; vTraités multilatéradéposéasuprèsdu
SecrétairegénéralEtat au 31 décembre 1996, ST/LEG/SER.E/15, New York, Nations
Unies, 1997,pp. 127-128.

3 La République démocratique du Congo (anciennement Zaïre) a adhéréau Pacte le ler
novembre 1976 et l'Ouganda, le 21 janvier 1987;v.Traitésmultilatéraudéposéasuprès
du Secrétaire général,t au 31 décembre1996,ST/LEG/SER.E/15, New York, Nations
Unies, 1997,pp. 117-118.

Républiquedémocratiquedu Congo :3juin 1982;Ouganda :13mars 1991.

5 La République démocratique du Congo (anciennementZaïre)a adhéréà la Convention le 18
mars 1996 et l'Ouganda, le 3 novembre 1986;v. Traités multilatéradéposéasuprèsdu

148- La Convention relative aux droits de l'enfant (10 décembre1989)' ;

- la Charte africaine des droits et du bien-êtrede l'enfant de juillet 1990 2.

3.59. En définitive, l'Ouganda est lié par une obligation à la fois
coutumière et conventionnelle de respecter et faire respecter les droits de la

personne et le droit international humanitaire. Ainsi l'article ler commun

aux Conventions de Genève de 1949dispose que

"Les Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et à faire
respecter la présente Convention en toutes circonstances".

3.60. Nombreux sont également les droits communautaires ou

collectifs au respect desquels est tenu l'Ouganda. Il s'agit spécialement du
droit à la paix, du droit au développement et du droit à l'environnement

proclamés et garantis tant par des résolutions de l'Assembléegénéraleque

par des instruments internationaux spécifiques (Convention sur le

commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction de

1973 ou CITES3 ;Charte mondiale de la nature proclamée par la résolution

37/7 de l'Assembléegénérale du 28octobre 1982 4,.

Secrétaire général,tat au 31 décembre 1996,ST/LEG/SER.E/15, New York, Nations
Unies, 1997, pp.197-198.

La République démocratiquedu Congo (anciennement Zaïre) a ratifié la Convention le 27
septembre 1990et l'Ouganda le 17août 1990;v. Traitésmultilatérauxoséasuprèsdu
Secrétaire général,tat au 31 décembre 1996,/LEG/SER.E/15, New York, Nations
Unies, 1997,p. 214.

2~do~téepar la XXVIeConférencedes Chefs dlEtatet de Gouvernement de l'OUA,Doc.OUA
CAB/LEG/l53/Rev.2.

3 Convention àlaquelle l'Ouganda a adhéré le18juillet 1991.

Tant la République démocratique du Congo que l'Ouganda ont votéen faveur de cette
résolution.F. L'obligation d'avvlisuer les résolutions du Conseil de sécurité

3.61. En application de l'article25 de la Charte des Nations Unies,

"Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer
les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente
Charte".

3.62. A la date de l'introduction de la requête,le Conseil de sécuritédes

Nations Unies avait adopté une résolution touchant directement au

différend opposant la République démocratique du Congo à l'Ouganda. Il

s'agit de la résolution 1234 (1999), du 9 avril 1999. Trois déclarations du

Président du Conseil avaient étéadoptées antérieurement à cette date, et

plusieurs résolutions ont étéadoptées ensuite, dont la résolution 1304 (2000)
du 16 juin 2000, dans laquelle le Conseil affirme explicitement que

l'Ouganda a violéla souveraineté et l'intégrité territorialede la République

démocratique du Congo, pour exiger que les troupes ougandaises se retirent

sans délai. Il faut noter que lors de ses plaidoiries orales au cours de la

procédure en indication de mesures conservatoires dans l'affaire Activités

arméessur le territoiredu Congo(République démocratique du Congo c.

Ouganda), l'Ouganda n'a contestéla validité ni de la résolution 1234 (1999)

ni de la résolution 1304 (2000), résolutions pourtant invoquées par la

République démocratique du Congo. Dans son ordonnance en indication de
mesures conservatoires du ler juillet 2000, la Cour a opéré plusieurs

renvois à la résolution 1304 (2000), confirmant ainsi primafacie la validité

de cette résolutionl.

1 C.I.J.,Affaire des Activitésaméessur le territoiredu Congo(République démocratiquedu
Congoc.Ouganda),ordonnancedu ler juillet, 37/41et47. La République démocratique du Congo a déjàexposéle contexte

politique et diplomatique dans lequel ces déclarations et résolutions avaient
été adoptées,et la teneur généraledes prises de position du Conseil, qui a

régulierement rappelé la nécessitéde rétablir la paix dans la région sur la

base des principes les plus fondamentaux de la Charte des nations Unies.

3.63. Au-delà de sa significationet de sa valeur politiques, la résolution

1234 (1999) présente des aspects juridiques fondamentaux pour la présente

espèce, en particulier pour ce qui concerne les grands principes de la Charte

des Nations Unies. Il fautà cet égard distinguer trois aspects différents :les

exigences et demandes formulées par le Conseil de sécurité; les
qualifications juridiques opéréespar le Conseil de sécurité; lesconstats

d'ordre factuel opéréspar le Conseil de sécurité. Le second aspect a été

abordé en introduction du présente mémoire (supra, 5 0.32 et suivants).

Le second l'a étédans le cadre du chapitre consacré à l'établissement des

faits (supra, chapitreII). Seul le premier sera donc abordéici.

Dans sa résolution 1234,le Conseil de sécurité :

"...]Exprimant son inquiétude devant la nouvelle aggravation de la
situation dans la République démocratique du Congo et la poursuite
des hostilités...],
Gravement préoccupé par les mouvements illicites d'armes et de
matérieldans la régiondesgrands Lacs [..],
Soulignant que le conflit actuel en République démocratique du Congo
constitue une menace pour la paix, la sécuritéet la stabilité de la région

[..l

2. Déplore que les combats se poursuivent et que des forces d'Etats
étrangers demeurent en République démocratique du Congo dans des
conditions incompatibles avec les principes de la Charte des Nations
Unies et demande à ces Etats de mettre fin à la rése en cdee ces forces
non invitéeset de prendre immédiatement des mesures à cet effet;

3. Exige l'arrêt immédiat deshostilités;

4. Demande la sig -nature immédiate d'un accord de cessez-le-feu permettant le retrait ordonné de toutes les forces étrangères, le
rétablissement de l'autoritéde la Révubli ue démocratique du Congo
sur tout son territoire et le désarmement des groupes armés non
gouvernementaux en Républiquedémocratique du Conno [..]

6. Demande à toutes les parties au conflit en Républi ue démocratique
du Cong -o de défendre les droits de l'homme et de respecter le droit

international humanitaire [...IV(souligné par la République
démocratique du Congo).

3.65. Les termes soulignés indiquent que l'on se trouve en présence

d'exigences, de demandes et d'injonctions du Conseil de sécurité,prises
dans le cadre de son pouvoir généralde décision telle qu'il résulte de la

Charte des Nations Unies.

3.66. Comme l'a très clairement indiqué la Cour,

"lorsque le Conseil de sécuritéadopte une décision aux termes de
l'article5 conformément à la Charte, il incombe aux Etats membres de
se conformer à cette décision, notamment aux membres du Conseil de

sécuritéqui ont voté contreelle et aux Membres des Nations Unies qui
ne siègent pas au Conseil. Ne pas l'admettre serait priver cet organe
principal des fonctions et pouvoir essentiels qu'il tient de la Charte"1.

3.67. En tant que Membres des Nations Unies, et mêmes'ils ne sont

pas des Etats membres du Conseil de sécurité, l'Ouganda comme la

République démocratique du Congo ont donc l'obligation de respecter les

décisions prises par le Conseil de sécurité,et en particulier ses exigences

visant l'arrêtimmédiat des hostilités et le retrait de toutes les troupes
étrangèresdu territoire national congolais.

3.68. L'Ouganda ne saurait échapper à cette obligation en prétendant

que la résolution n'aurait pas étéadoptée "conformément à la Charte" (l),

C.I.J.,Affairede la Namibie,Rec1971p.54,3 116.

152ou encore que les demandes contenues dans cette résolution et lui

enjoignant de retirer ses troupes ne constituent pas des "décisions"

obligatoires aux termes de l'arti25 (2).

1. La résolution 1234 a été adoptée conformémen àt la Charte desNations

Unies

3.69.
La résolution 1234 (1999) a étéadoptée selon les procédures
prévues, A l'unanimité de ses membres, et sans qu'aucun membre n'ait au

demeurant expriméaucune réservelors des discussions qui ont précédé son

adoption.

3.70. Même si elle ne contient aucune mesure coercitive particulière,

on peut par ailleurs considérer que la résolution1234 (1999)a étéadoptée

dans le cadre du chapitre VI1 de la Charte des Nations Unies. On se
souviendra en effet que le Conseil y souligne explicitement l'existence

d'une "menace pour la paix, la sécuritéet la stabilité de la région", et qu'il

mentionne expressément que des forces étrangères se trouvent en territoire

congolais "dans des conditions incompatibles avec les principes de la Charte

des Nations Unies". Ces termes indiquent bien que, aux yeux du Conseil, la

situation constitueà tout le moins une menace contre la paix et la sécurité

internationales.On peut mêmeconsidérer que, mêmes'il ne le précise pas
explicitement, et ce conformément à une pratique bien établie dictée

essentiellement par des motifs politiques et diplomatiques, le Conseil peut

s'appuyer sur une "rupture de la paix" et mêmeun acte d'agression. En

tout état de cause, l'Ouganda ne peut prétendre que la résolution34 (1999)

est dépourvue de tout effet juridique parce qu'elle n'aurait pas étéadoptée

conformément à la Charte des Nations Unies. Toutes les conditions de

forme et de fond prévues ont indéniablement étérespectées.3.71.
Par ailleurs, c'est en vain que l'Ouganda prétendrait que le
Conseil n'aurait adopté aucune "décision" au sens de l'article 25 de la

Charte.

2. Les exigenceset demandes enjoignan t l'Ougandade retirerses troupes

constituent des "décisionsa "u sens del'article 25 de la Charte

3.72. L'argument ne serait guère imaginable pour le paragraphe 3 de la

résolution, par lequel le Conseil de sécurité"exige l'arrêtimmédiat des

hostilités". Comme l'indique le professeur David,

"Lorsque les dispositions de la résolution sont impératives, c'est-à-dire
lorsqu'elles sont énoncéesdans des termes qui conformément au sens
usuel relèvent de l'ordre du commandement (par ex. le fait d'utiliser
des verbes tels que 'décide','exige','ordonne', etc.), on ne risque guère
de se tromper en affirmant que la résolution s'apparente bien à une
'décision'viséepar l'article 25 de la Charte" .

3.73. Concernant les paragraphes 2 et 4 par lesquels le Conseil

"demande" le retrait des forces étrangères et la conclusion d'un cessez-le-

feu, la terminologie est sans doute moins claire, mais cela ne doit pas

empêcherde conclure au caractère obligatoire des mesures énoncées.

3.74. L'Ouganda ne pourrait en tout cas exciper de l'utilisation de ces

termes pour écarter par principe la qualification de "décision" au sens de

l'articl25 de la Charte. Cette objection a été très clairement écartée par la

Cour dans un avis de référence :

Droit des organisations internationales,volume 2, Bruxelles, Presses Universitaires de
Bruxelles,12eédition,1999-2000,p.201. "On a soutenu aussi que les résolutions pertinentes du Conseil de
sécurité sont rédigées en des termes qui leur confèrent plutôt le
caractère d'une exhortation que celui d'une injonction, et qu'en
conséquence, elles ne prétendent ni imposer une obligation juridique à
un Etat quelconque, ni toucher sur le plan juridique à l'un quelconque
de ses droits. Il faut soigneusement analyser le libelléd'une résolution

du Conseil de sécurité avant de pouvoir conclure à son effet
obligatoire. Etant donnéle caractèredes pouvoirs découlant de l'article
25, il convient de déterminer dans chaque cas si ces pouvoirs ont étéen
fait exercés,compte tenu des termes de la résolution à interpréter, des
débats qui ont précédéson adoption, des dispositions de la Charte
invoquées et en généralde tous les élémentsqui pourraient aider à
préciser les conséquences juridiques de la résolution du Conseil de
sécurité" 1.

3.75. A cet égard, une pratique abondante montre que le fait que l'on

soit en présence d'une "demande" n'a pas empêché le Conseil de sécuritéde

considérer que l'on était en présence d'une "décision" obligatoire aux

termes de l'article 25 de la Charte. Ainsi, dans sa résolution 269 (1969)du 12

août 1969, le Conseil de sécurité condamne l'Afrique du sud pour avoir

violé une résolution antérieure (rés. 264 (1969) du 20 mars 1969) dans

laquelle il demandait à cet Etat d'adopter un comportement donné. De

même,le Conseil a qualifiéde "décisions"des résolutions dans lesquelles il

demandait à l'Iran età l'Iraq d'observer un cessez-le-feu immédiat (v. les

résolutions 479 (1980),514 (1982) et522 (1982)adoptéesrespectivement les 28

septembre 1980,12juillet et 4 octobre 1982).

3.76. Dans le cas de la résolution 1234 (1999),les termes pris dans leur

contexte ne laissent aucun doute sur la portée obligatoire des demandes

formulées. C'est après avoir s'êtredéclaré "fermement résolu à préserver la

souveraineté nationale, l'intégritéterritoriale et l'indépendance politique

de la République démocratique du Congo", rappelé que "tous les Etats ont

C.I.J.,Affaire de la Namibie,R1971,p.53,§ 114.

155l'obligation de respecter l'intégritéterritoriale, l'indépendance politique et

la souveraineté nationale de la République démocratique du Congo et des

autres Etats de la région, et qu'ils sont notamment tenus de s'abstenir de
recourir à la menace ou à l'emploi de la force [et] s'abstenir de toute

ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats [...]", et constaté

expressément que la présence des forces étrangères en République

démocratique du Congo était "incompatible avec les principes de la Charte

des Nations Unies", que le Conseil "demande à ces Etats de mettre fin à la

présence de ces forces non invitées et de prendre immédiatement des

mesures à cet effet". Il ne s'agit donc ici que de formuler une obligation

secondaire de cessation de l'acte illicite, obligation qui découle directement

de la violation des règles primaires énoncéesdans la Charte, et que le

Conseil se borne donc à constater.

3.77. Les circonstances dans lesquelles la résolution a étéadoptée

confirment ce point de vue. Si aucun débat ne s'est dérouléet que le projet
de résolution a d'emblée été approuvé de manière unanime par ses quinze

Etats membres, il ne fait aucun doute que la volontédu Conseil de sécurité

étaitde faire respecter les règles élémentairesen matière de non-recours à la

force, de respect de l'intégritéterritoriale et de non-intervention dans les

affaires intérieures. La résolution 1234 (1999) rappelle d'ailleurs les

déclarations des 31 août et Il décembre 1998 du Président du Conseil de

sécurité,par lesquelles, après avoir réaffirmé lesprincipes du respect de

l'intégrité territoriale et de la souveraineté nationale de la République

démocratique du Congo, appelle à

"[...] a peaceful solution to the conflict in the Democratic Republic of
Congo, including a immediate ceasefire, the withdrawal of al1foreign
forces" l ,

MRDC 14, et Déclarationdu Il
1 Déclarationdu 31 août 1998, S/PRST/1998/26, Annexe
156 " [...]the re-establishment of the authority of the Governement of the
Democratic Republic of Congo over the whole territory of the
country " 1.

3.78. Le caractère obligatoire des demandes inscrites dans la résolution

1234 (1999) est encore confirmé par la pratique du Conseil observée

postérieurement à l'adoption de cette résolution.

3.79. Par l'intermédiaire d'une déclaration de son Président du 24 juin

1999, le Conseil de sécurité,tout en rappelant par ailleurs le principe du

respect de l'uniténationale, de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et

de l'indépendance politique de la République démocratiquedu Congo :

"réaffirme sa résolution 1234 (1999)du 9 avril 1999 sur la situation en
République démocratique du Congo et calls on al1 parties to comply
with this resolution".

De même,dans une déclaration de son président du 26 janvier

"Le Conseil réaffirme l'intégrité territoriale et la souveraineté
nationale de la République démocratique du Congo, y compris sur ses
ressources naturelles, conformément aux principes énoncés dans la
Charte des Nations Unies et dans celle de l'OUA.A cet égard,il réitère

son appel en faveur de la cessation immédiate des hostilités et du
retrait en bon ordre de toutes les forces étrangèreshors du territoire de
la République démocratique du Congo conformément à l'Accord de
cessez-le-feu de Lusaka."

3.81. Dans la résolution 1291 (2000)du 24 février 2000, et apres avoir

notamment rappelé la résolution 1234(1999),le Conseil réitère

décembre1998S,/PRÇT/1998/3 A6nexeMRDC 15.

Déclaratiodu 11décembre1998S,/PRST/1998/3 A6,nexeMRDC 15. "son appel au retrait ordonné de toutes les forces étrangères du
territoire de la République démocratique du Congo conformément à

l'accord de cessez-le-feu".

3.82. Enfin, dans la résolution 1304(2000)du 16 juin 2000, le Conseil de

sécurité

"Condamne à nouveau sans réserve les combats entre les forces
ougandaises et rwandaises à Kisangani, en violation de la souveraineté
et de l'intégrité territorialede la République démocratique du Congo
[..I

Exige également

a) Que l'Ouganda et le Rwanda, qui ont violé la souveraineté et
l'intégrité territoriale de la République démocratique du Congo,
retirent toutes leurs forces de la République démocratique du Congo
sansplus tarder [..]".

On relèvera que l'Ouganda est cette fois nommément désigné,et que le

Conseil utilise explicitement le terme "exiger".

3.83. L'ensemble de ces textes montre bien que, dans l'esprit du

Conseil, sa "demande" de retrait de toutes les forces étrangères de la

République démocratique du Congo équivalait d'emblée à la formulation

d'une obligation. Elles confirment qu'il ne s'agit ici que d'appeler les Etats

concernés à respecter les principes les plus fondamentaux de la Charte des
Nations Unies.

3.84. L'Ouganda ne saurait donc échapper àson obligation de respecter

les décisions prises par le Conseil de sécurité,et en particulier celle lui

enjoignant de retirer ses troupes du territoire de la République

démocratique du Congo conformément à la Charte.CONCLUSIONDU CHAPITRE

3.85. L'objet du présent chapitre était d'identifier les principes

juridiques pertinents pour la présente esp&ce,de souligner leur importance

et d'établir leur opposabilitéà l'Ouganda. Comme on l'aura constaté, il

s'agit de principes tellement générauxet fondamentaux qu'aucun doute ne

peut subsisterà cet égard. La République démocratiquedu Congo a en outre
souligné que l'obligation de respecter les décisions du Conseil de sécurité

inscriteà l'articl25 de la Charte s'appliquait en particulierà la résolution

1234 (1999) comme à la résolution 1304 (2000), desquelles il ressort que

l'Ouganda devait se retirer du territoire de la République démocratique du

Congo non seulement en application du droit international général,mais

aussi de décisions spécifiques. CHAPITRE IV

LAVIOLATIONPARL'OUGANDA

DESPRINCIPESJURIDIQUESAPPLICABLES4.01. La République démocratiquedu Congo a montré dans un chapitre

précédentqu'aucun doute ne subsistait sur les élémentsde fait pertinents en

la présente espèce, et en particulier sur la présencedes troupes ougandaises

sur son territoire, sur leur soutien à des mouvements armés, et sur leur

implication dans de nombreuses exactions touchant gravement la
II). Elle vient par ailleurs de détailler les
population civile (supra, chapitre
différents principes juridiques applicables qui ont été acceptsar l'Ouganda

à la fois par la voie coutumière et par la voie conventionnelle (supra,

chapitre III).Il est évident que la confrontation de ces élémentsfactuels et

juridiques ne peut mener qu'à un constat : celui de la violation par

l'Ouganda des principes les plus élémentairesdu droit international public,

tels qu'ils se retrouvent notamment inscrits dans la Charte des Nations

Unies.

4.02. Le présent chapitre détaillera la teneur, l'étendueet la gravité de

ces violations, en se prononçant à ce stade de manière générale. Les

justifications particulières auxquelles'Etatdéfendeur serait susceptible de

recourir ne seront abordées que dans le chapitre suivant. La République

démocratique du Congo établira donc dans un premier temps l'illicéité a

priori du comportement de l'Ouganda, sans préjudice des argumentations

particulières qui seront rencontrées ensuite.

4.03. En raison de son importance, la violation de l'interdiction du

recours à la force énoncéedans l'article 2 4 de la Charte sera abordée en

premier lieu, avant que ne soient exposées les violations des autres

principes juridiques pertinents tels que l'obligation de régler pacifiquement

les différends, la prohibition de l'intervention dans les affaires intérieures etextérieures des Etats, le principe du droit du peuple congolaiàdisposer de

lui-même, celui du respect des droits de l'homme et des libertés

fondamentales, ainsi que le devoir de respecter les résolutions du Conseil de

sécuritéadoptées conformément à la Charte.Section 1. Laviolation de l'interdiction du recours àla force énoncée dans

l'articl2 5 4de la Chartedes Nations Unies

4.04. La République démocratique du Congo démontrera

successivement l'existence de la violation, son étendue et sa gravité. Ces

trois éléments sont évidemment inextricablement liés, et c'estCides fins

purement didactiques qu'ils seront distingués dans les lignes qui suivent.

De même,si l'on partira dans chaque cas de l'article 25 4 de la Charte, on se

rappellera que le principe qui y est contenu constitue également une règle

de droit international coutumier opposable aux deux Etats parties (v.supra,

chapitre III).

A. La violation de l'interdiction du recours à la force dans les relations

internationales

4.05. Il ne fait guère de doute que la présence continue de l'armée

ougandaise au Congo et son soutien actifà des mouvements armés qui

combattent le Gouvernement légitime constitue une violation flagrante de

l'interdictionde recourir à la menace ou à l'emploi de la force dans les

relations internationales. C'està l'évidence en premier lieu par référence à

ce constat que le Conseil de sécuritéa pu déplorer que "des forces d'Etats

étrangers demeurent en République démocratique du Congo dans des

conditions incompatibles avec les principes de la Charte des Nations

Unies", et demander "à ces Etats de mettre fià la présence de ces forces non

invitées et de prendre immédiatement des mesures à cet effet" (rés. 1234

(1999) du 9 avril 1999) puis, quelques mois plus tard, a affirmé que

l'Ouganda avait "violé la souveraineté et l'intégrité territoriale du Congo"

et qu'il devait donc "retirer toutes [ses] forces de la République

démocratique du Congo"(rés. 1304 (2000)du 16juin 2000).4.06. En premier lieu, il est incontestable que le comportement de

l'Ouganda est constitutif d'un "emploi de la force" au sens de l'article 2 cj4

de la Charte. Si des débats ont pu êtremenés pour déterminer si des

mesures de contrainte économique ou diplomatique pouvaient être

qualifiées comme telle 1,l'utilisation de la force militaire est unanimement

considérée comme l'exemple même d'un emploi de la force. C'est en ce

sens que tous les exemples mentionnés dans les déclarations 2625 (XXV)ou

3314 (XXIX) concernent la force militaire, et s'appliquent donc directement

au présent cas d'espèce (v. ci-dessous, B.).

4.07. En second lieu, l'utilisation de la force par l'Ouganda s'effectue

bien dans les "relations internationales", et entre donc bien dans la portée

de l'interdiction telle qu'elle est énoncéedans la Charte. On sait que des

débats agitent la doctrine sur le point de savoir à quel moment on peut

considérer qu'un Etat recourt à la force contre un autre, alors même que ses

troupes n'ont pas franchi les frontières pour pénétrer sur le territoire d'un

Etat voisin. Tel n'est cependant pas le cas en la présente espèce, puisque

l'armée ougandaise est bien présente directement sur le territoire congolais.

4.08. Dans ces conditions, l'Ouganda ne pourrait pas non plus

prétendre que son recours à la force n'est pas dirigé "soit contre l'intégrité

territorialeou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre

maniGre incompatible avec les buts des Nations Unies" (art. 2 cj 4 de la

Charte, in fine). En dépit des controverses entourant le sens à donner à

cette expression, personne n'a jamais prétendu que l'occupation continue

d'une partie d'un Etat ne portait atteinte nià son intégrité territoriale nà

V. p. ex. Michel VIRALLY,"Article2, paragra4",inJ.P.Cot et A. Pellet, LuChartedes
NationsUnies,2&meéd.,1991,pp. 122et ss.

164son indépendance politique.

4.09. Dans l'affaire du Détroit de Corfou la Cour a écarté

l'argumentation du Royaume-Uni 1, selon laquelle l'intervention

britannique était justifiée puisqu'elle ne visait pas à remettre en cause

l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de l'Albanie 2. Ce qui

était valable pour une action militaire limitée dans le temps et dans

l'espace, comme l'enlèvement des mines qui faisaient obstacle à la

navigation internationale dans le détroit, l'est fortioripour une présence

militaire massive et qui se poursuit depuis près de deux ans.

4.10. L'Ouganda ne pourrait non plus prétendre que, même s'ilporte

théoriquement atteinte à l'intégrité territoriale et à l'indépendance

politique de la République démocratique du Congo, il n'enfreint pas l'article

2 § 4 de la Charte parce qu'il poursuivrait un "autre but des Nations Unies".

Outre que, comme on le constatera ultérieurement, aucun but n'est

susceptible de justifier semblable comportement, l'argument serait tout

simplement contraire à la lettre de l'interdiction, qui s'étend

indéniablement à "toute politique de force" 3.

4.11. L'article 2§ 4 de la Charte prohibe en effet toute action militaire

dirigée "soi ctntre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique",

"-oit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies".

On ne saurait donc interpréter la disposition comme justifiant de quelque

C.I.J.,Affaire du Détroitde Corfou,Mémoires,plaidoiries et documents, 1949,III,.
p.296.

C.I.J.,Recueil1949,p. 35.

Michel VIRALLY,"Panoramadu droit internationalcontemporain",R.C.A.D.I., 1983-V,
tome 183,p. 102.manière que ce soit un comportement incompatible avec un seul des

objectifs mentionnés.

4.12. Le maintien de la paix et de la sécurité internationales constitue

au demeurant un objectif essentiel des Nations Unies, de sorte que l'on ne

saurait en tout état de cause justifier un recours-àla force dans les relations

internationales en se prévalant de l'un des autres objectifs énoncésdans la
Charte elle-même. Comme l'aindiqué un commentateur,

"le but des buts apparaît bien comme étantla paix [...]. En faisant tenir

à la paix la têtede l'affiche, les Nations Unies ont répondu au souci
d'afficher d'embléeleur idéologieet leur philosophie" 1,

la Cour elle-mêmeayant énoncéqu'

"[il1 est naturel d'accorder le premier rang à la paix et à la sécurité
internationales, car les autres buts ne peuvent êtreatteints que si cette
condition fondamentale est acquise" 2.

4.13. En définitive, il importe peu de connaître le but véritable de

l'intervention militaire ougandaise. En application de la résolution 2625

(XXV), "tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à la menace ou à

l'emploi de la force pour violer les frontières existantes d'un autre Etat",
sans qu'aucun but particulier ne soit susceptible de justifier ce critère

objectif. D'ailleurs,"[alucune considération de quelque nature que ce soit,

politique, économique, militaire ou autre, ne saurait justifier une

agression" (art.5 5 1 de la définitionde l'agression,rés.3314). La mention de

l'intégritéterritoriale, de l'indépendance politique et des buts des Nations

Mohammed BEDJAOUI,in LaChartedesNations Unieso ,p.cit.,2eme édpp.24et 25.

C.I.J.,Affaire relaàiCertaines dépenses, Receil62,p168.Unies dans l'article 2 5 4 ne saurait, comme l'avaient d'ailleurs voulu les

rédacteurs de la disposition 1,servir de prétexte à un recours à la force dans

les relations internationales en dehors d'hypothèses bien particulières

(légitime défense ou autorisation du Conseil de sécurité)qui ne sont pas

présentes en l'espèce(v. infra, chapitre V). C'est d'ailleurs en ce sens que se

prononce la grande majoritéde la doctrine 2.

B. L'étendue de la violation de l'interdiction du recours à la force dans les

relations internationales.

4.14. La République démocratique du Congo a antérieurement montré

(chapitre II ci-dessus) que le comportement de l'Ouganda avait notamment

consistédans les faits en :

- une présence armée sur le territoire congolais en dépit des protestations

répétées des autorités légitimes;

- une occupation continue d'une partie substantielle du territoire congolais;

- des offensives armées dirigées contre le peuple congolais et ses autorités;

- un soutien actif à des factions armées ouvertement en lutte contre les

autorités légitimesde la République démocratiquedu Congo.

4.15. Le recours à la force de l'Ouganda constitue un exemple peut-être

sans précédentde violations des aspects les plus variés etles plus étendus de

l'interdiction énoncée à l'article2 §4 de la Charte.

U.N.C.I.O., vol. VI, not. p. 339-340.

V. p. ex. Ian BROWNLIE,International Law and the Use of Force by States,Oxford,
ClarendonPress,ed. 1968,p. 265-268;C.H.M.WALDOCK,"TheRegulationof the Use
of Forceby Individual Statesin InternationalLaw",R.C.A.D.I., 1952-11,tome 81, p. 493;
Belatchev ASRAT, Prohibitionof ForceUnder the UN Charter. A Study of Art2(4),
Uppsala, IustusForlag,1991,pp. 146-147.I. La présenceillicite sur le territoire congolaisde l'armée ougandaise

comme "force non invitée"

4.16. En premier lieu, la simple présence de l'armée ougandaise en

territoire congolais contrevient à cette règle impérative, alors mêmeque par

hypothèse les militaires ougandais ne feraient pas usage de leurs armes.

C'est en ce sens que le Conseil de sécurité a condamné la présence des

troupes étrangères en tant que "forces non invitées".

4.17. L'article 3, alinéa e)de la définition de l'agression adoptée par

l'Assemblée générale des Nations Unies et annexée à la résolution 3314

(XXIX)condamne

"l'utilisation des forces armées d'un Etat qui sont stationnées sur le
territoire d'un autre Etat avec l'accord de 1'Etat d'accueil,
contrairement aux conditions prévues dans l'accord ou toute

prolongation de leur vrésence sur le territoire en auestion au-delà de la
terminaison de l'accord [..]"(souligné par la République démocratique
du Congo).

4.18. Les termes soulignés montrent que toute présence continue de

troupe non invitée sur un territoire étranger est illicite, et ce

indépendamment de savoir si un usage effectif est opéréde la force armée.

C'est ce qu'indique clairement la doctrine :

"[alnother rudimentary illustration for the need to look beyond the
first shot relates to the circumstances in which Arcadian military forces
are stationned by permission, for a limited space of time, on Utopian
soil. When the agreed upon period comes to an end, and Utopia is

unwilling to prolong the stay within its territory of the Arcadian
troops, Arcadia must pull them out. If Arcadia fails to do so, its refusa1
to withdraw from Utopia amounts to an act of agression under Article
3(e) of General Assembly's Definition. The factual situation may be
legally analyzed as a constructive armed attack. When the armed
forces of Utopia open the fire first, with a view of compelling the evacuation of Arcadian troops from Utopian territory, they are

exercising the right of self defense"1.

4.19. Ainsi, par le seul fait de maintenir leur présence en République

démocratique du Congo au-delà de la date à laquelle le Président Kabila les a

appelé à regagner leur territoire national, les troupes ougandaises (ici

"arcadiennes") se sont en tout état de cause rendues coupables d'un acte

d'agression autorisant les troupes congolaises (ici "utopiennes") à se

défendre.

2. L'occupation illicitd eu territoirecongolaispar les troupesougandaises

4.20. Dans ces conditions, on peut considérer que le recours à la force

ougandais est constitutif d'une véritable "occupation", contraire aux

principes les plus élémentairesdu droit international contemporain.

4.21. Comme le précise la résolution 2625 (XXV) sur les relations

amicales entre les Etats,

"[lle territoire d'un Etat ne peut faire l'objet d'une occupation militaire

résultant de l'emploi de la force contrairement aux dispositions de la
Charte. Le territoire d'un Etat ne peut faire l'objet d'une acquisition
par un autre Etat à la suite du recours à la menace ou à l'emploi de la
force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l'emploi
de la force ne sera reconnue comme légale",

la définition de l'agression précitéecondamnant dans cette perspective

"[..] toute occupation militaire, même temporaire, résultant d'une telle
invasion ou d'une telle attaque, ou toute annexion par l'emploi de la

YoramDINSTEIN, War Aggressionand Self-DefenCambridge, GrotiusPub.,1988,p.178,
référenceosmises. force du territoire ou d'une partie du territoire d'un autre Etat"1,

ce qui entraîne que

"ni l'acquisition de territoire résultant de la menace ou du recours à la
force ni l'occupation de territoire résultant de la menace ou du recours
à la force en infraction au droit international ne seront reconnus

comme acquisition ou occupation légales" 2.

4.22. C'est en application de ces principes que les organes de l'ONU ont

condamné les cas exceptionnels d'occupation qui ont pu êtreobservés dans

les relations internationales depuis 1945. On rappellera à cet égard les

résolutions du Conseil de sécuritécondamnant l'occupation de certaines

parties du territoire angolais par l'Afrique du sud 3.

4.23. La présence continue des troupes ougandaises en territoire

congolais doit de mêmeêtreconsidéréecomme une violation flagrante de

la prohibition du recours à la force inscrite dans la Charte des Nations

Unies.

3. Les attaques illicites menéespar les troupes ougandaisescontre la

Républiquedémocratiquedu Congo

4.24. Comme la République démocratique du Congo l'a déjà indiqué

(supra,chapitre II),l'armée ougandaise ne se contente pas de rester sur son

territoire et de l'occuper de manière continue en dépit des appels au retrait

lancés à la fois par les autorités congolaises et par le Conseil de sécurité.

Résolution3314précitée.

Résolution42/22 adoptéeparl'Assembléegénérlaele18novembre 1987.

3 V.p. ex. la résolution545(1983)et546(1984)des 20déce1983et6janvier1984.L'Ouganda se livre aussi à des attaques militaires répétées contreles forces

gouvernementales congolaises.

4.25. Ce comportement est spécifiquement visé par la définition de

l'agression, qui s'étend à

"a)[...]l'attaque du territoire d'un Etat par les forces armées d'un autre
Etats[..];
b) Le bombardement, par les forces arméesd'un Etat, du territoire d'un
autre Etat, ou l'emploi de toutes armes par un Etat contre le territoire
d'un autre Etat [..];
d) L'attaque par les forces armées d'un Etat contre les forces armées
terrestres, navales ou aériennes, ou la marine et l'aviation civiles d'un

autre Etat[...]l.

4.26. Dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au

Nicaraguaet contrecelui-ci,la Cour a condamné les Etats-Unis d'Amérique

notamment pour certaines attaques spécifiques et limitées menées à

l'encontre du Nicaragua. Il s'agissait essentiellement du minage de certains

ports, ainsi que d'attaques menées en territoire nicaraguayen les 13

septembre, et 14 octobre 1983 (Puerto Sandino), le 10 octobre 1983 (Corinto),

les 4 et 5 janvier1984 (Postosi), le7 mars 1984 (SanJuan del Sur), les 28 et 30

mars 1984 (Puerto Sandino) et le 9 avril1984 (San Juan del Norte) 2.

4.27. L'Ouganda ne saurait a fortiori échapper à une condamnation

dans la présente espèce, les troupes de cet Etat ayant mené des attaques

autrement plus nombreuses et massives que celles qui ont pu êtreobservées

dans le précédentqui vient d'êtrementionné.

Résolution3314(XXIX) de 1'A.G.N.U.

C.I.J.,Recueil 1986,p146-1475 4 du dispositif de l'arrêt.4. Le soutien militaire illiciàedes forces arméesirrégulières

4.28. Un autre aspect du recours à la force mené par l'Ouganda est

constitué par le soutien actif aux forces armées en lutte contre le

Gouvernement légitime de la République démocratique du Congo depuis

près de deux ans. On a déjàdémontrétoute l'étendueet l'importance de ce

soutien. L'Ouganda ne se contente pas d'appuyer économiquement et

financièrement les opposants, mais leur fournit un soutien militaire direct,

tantôt en participant àdes attaques, tantôt en apportant une contribution de
type logistique (v. supra, chapitrII).

4.29. Cet aspect particulier de recoursà la force est directement visé par

la résolution2625 (XXV) en vertu de laquelle,

"[clhaque Etat a le devoir de s'abstenir d'organiser ou d'encourager
l'organisation de forces irrégulièresou de bandes armées, notamment
de bandes de mercenaires, en vue d'incursions sur le territoire d'un
autre Etat.

Chaque Etat a le devoir de s'abstenir d'organiser ou d'encourager des

actes de guerre civile ou de terrorisme sur le territoire d'un autre Etat,
d'y aider ou d'v participer [...lu (souligné par la République
démocratique du Congo).

De même, est constitutive d'agression au sens de la définition
4.30.
annexée à la résolution3314 (XXIX),

"L'envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés,
de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de

force armée contre un autre Etat d'une gravité telle qu'ils équivalent
aux actes énumérésci-dessus, ou le fait de s'engager d'une manière
substantielle dans une telle action" (art. 3, alinéa g); souligné par la
République démocratique du Congo).

La doctrine est unanime à considérer que ces dispositions reflètent
4.31.le droit international coutumier et que, par conséquent,

"[l]'assistance, sous quelque forme que ce soit à des forces ou bandes
armées opérant contre un autre Etat, ou a fortiori, l'organisation de ces
irréguliers, est donc assimiléeà un emploi illicite de la force1.

4.32. Quant à la Cour, elle a expressément reconnu que

"[ll'accord paraît aujourd'hui généralsur la nature des actes pouvant
être considérés comme constitutifs d'une agression armée. En
particulier, on peut considérer comme admis que, par agression armée,
il faut entendre non seulement l'action des forces armées régulières à

travers une frontière internationale mais encore 'l'envoi par un Etat
ou en son nom de bandes ou de groupes armés,de forces irrégulières
ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un
autre Etat d'une gravité telle qu'ils équivalent' (entre autres) à une
véritable agression armée accomplie par des forces régulières ou [au]
fait de s'engager de manière substantielle dans une telle action'. Cette
description, qui figure à l'article 3, alinéag) de la définition de
l'agression annexée à la résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée

générale, peut être considérée comme l'expression du droit
international coutumier" 2.

4.33. C'est notamment sur cette base que le soutien militaire apporté
par les Etats-Unis à des forces irrégulières opérant au Nicaragua a été

condamné comme contraire à l'obligation de ne pas recouriràla force :

"[qluant à l'affirmation suivant laquelle les activités des Etats-Unis en

relation avec les contras constitueraient une violation du principe de
non-emploi de la force en droit international coutumier, la Cour
constate que, sous réserve de la question de savoir si leurs actes se
justifient par l'exercicedu droit de légitime défense,les Etats-Unis, par
leur assistance aux contras au Nicaragua, ont commis prima facie une
violation de ce principe en 'organisant ou encourageant l'organisation
de forces irrégulières oude bandes armées ...en vue d'incursions sur le
territoire d'un autre Etat' en 'participant des actes de guerre civile ...
sur le territoire d'un autre Etat', selon les termes de la résolutio2625

(XXV) de l'Assemblée générale. D'après cette résolution, une

1 MichelVIRALLY, in LaChartedesNations Unies,op.cit.,p. 123.

C.I.J.,Affaire des Activitésmilitaires,Recueil1985,195.03, semblable participation est contraire au principe interdisant l'emploi
de la force quand les actes de guerre civile en question 'impliquent une

menace ou l'emploi de la force"'1.

4.34. En revanche, la Cour a estimé que le simple envoi de fonds, s'il

constituait une atteinte au principe de non-intervention, ne pouvait être

assimilé à un recours à la force2. De même, ellea refusé d'assimiler à un

acte d'agression l'éventuelle responsabilité du Nicaragua pour les flux

d'armes partant de son territoire vers celui d'El Salvador 3. Ces distinctions

ont donné lieu à des débats doctrinaux portant sur la définition du seuil à

partir duquel le soutien présenterait un tel degré de gravité qu'il pourrait

êtreassimilé à une violation de l'interdiction de recourir à la force, voire à

un acte d'agression autorisant une légitime défense 4.

4.35. Ces débats sont cependant peu pertinents dans la présente espèce,

qui se caractérise par un engagement massif des troupes ougandaises en

faveur des forces irrégulieres. A l'opposé du précédent nicaraguayen, les

troupes de 1'Etatagresseur sont stationnées en permanence sur la partie du

territoire de 1'Etat agressé sur laquelle opèrent les forces irrégulières. La

collaboration active entre celles-ci et celles-là ne saurait donc faire de doute.

On se trouve en tout état de cause bien au-delà d'un simple soutien

politique ou financier accordé de l'extérieur.

4.36. Dans ces circonstances, il n'est même plus nécessaire de faire

C.I.J.,Recueil19pp.118-119,5228.

2 Ibidem,p. 119

3 Ibidem,p. 119,s 230.

V. p. ex. Rosalyn HIGGINS,Problems& Process. International Law Hdow We Use It,
Oxford,ClarendonPress,1994pp.250-251.appel à la notion doctrinale d'''agressionindirecte", tant l'appui aux forces

irrégulières est important, continu et manifeste. C'est en ce sens qu'on a pu

relever que

"It may be that the actions are isolated and sporadic, in which case they
will not meet with the requisites of extent and gravity characteristic of
military action. If these requirements are satisfied, however, it is quite
wrong to classify the sending of armed bands as indirect agression,

because it is in fact an act of direct military agression, even if carried
out by the irregular troops; if that is, it is an armed attack in thesense
of Article 51" l.

4.37. De même,il importe peu de déterminer si et dans quelle mesure

les forces irrégulières poursuivent des objectifs propres, qui pourraient en

partie différer de ceux qui sont propres à l'armée ougandaise. Le soutien

apporté objectivement par celle-ci à celles-là suffità conclure à l'usage

illicite de la force. Ce constat ressort trèsclairement du précédentde l'affaire
des Activités militaires,où comme on l'a remarqué récemment, le recours à

la force a été constaté alors que:

"[lles contras n'utilisaient pas la force exclusivement pour le compte

des Etats-Unis : il ressort des faits qu'ils l'employaient également pour
leur propre compte contre le Gouvernement du Nicaragua" *.

4.38. Enfin, la question de l'imputabilité d'actes particuliers perpétrés

par des forces irrégulières soutenues par l'Ouganda ne revêt aucune

pertinence à ce stade. Le simple soutien et encouragement à ces forces suffit

à engager la responsabilité de l'Ouganda, pour le comportement de ses
propres agents. Ce comportement consiste essentiellement en des actions

Pierluigi LAMBERT1ZANARDI, "Indirect MilitaryAgression" in A. Cassese (Ed.), The
CurrentLegalRegulatioofthe Useof Force,Dordrecht, Martinus Nijhoff,1986, p. 112.

2 Opinion individuelle du juge SHAHABUDEEN,T.P.I.Y.,Cour d'Appel Affaire Tadic,n0IT-
94-1-A,512.(appui logistique, soutien militaire, ..), mais peut être étendu à des

omissions, dans la mesure où l'Ouganda est tenu non seulement de ne pas

appuyer des forces irrégulières, mais aussi de prendre toutes les mesures en

son pouvoir pour empêcherque de telles forces n'opèrent àl'encontre d'un

autre Etat.

4.39. En définitive, l'étendue de la violation de l'interdiction du

recours à la force par l'Ouganda est considérable, puisqu'elle s'étend

pratiquement à tous les aspects que peuvent recouvrir cette interdiction. La

gravitéde l'acte illicite ne saurait dans ces circonstancesfaire aucun doute.

C. La g-ravité de la violation de l'interdiction du recours à la force : la

aualification d'agression

4.40. Comme on vient de le voir, le recours à la force perpétré par

l'Ouganda à l'encontre de la République démocratique du Congo est bien

loin de se limiter à de simples incidents frontaliers ou à des attaques

circonscrites, ou encore à un soutien occasionnel et limité à des forces
irrégulières.

4.41. On peut dès lors considérer que ce recours à la force est constitutif

d'"agression", concept juridique dont on a déjàrepris plusieurs éléments,

mais qui s'entend plus généralementcomme

"l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté,
l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou
de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies,

ainsi qu'il ressort de la présente définition".

Art. ler de la définitionannexéeAla résolution3314(XXIX).

1764.42. En dépit de la généralité de ces termes, on s'accorde généralement

à considérer que seuls les emplois de la force qui revêtent une certaine

gravité sont constitutifs d'agression 1. C'est pourquoi l'article 2 laisse au

Conseil de sécurité le soin de prendre en compte toutes les circonstances

pertinentes, "y compris le fait que les actes en cause ou leurs conséquences

ne sont pas d'une gravitésuffisante".

4.43. C'est en application de ce critère que la Cour a estimé que, à la

supposer établie,la simple fourniture d'armes par le Nicaragua à des forces

irrégulières salvadoriennes ne pouvait constituer une agression permettant

d'invoquer un droit à la légitime défense en application de la Charte 2.

4.44. On a cependant déjàrelevéque le degréde gravitédu recours à la
force effectué par l'Ouganda était sans commune mesure, en ce qu'il

dépassait de loin le recours hypothétique à la force du Nicaragua contre El

Salvador, mais aussi celui, avéré,des Etats-Unis à l'encontre du Nicaragua.

Rappelons une fois encore que c'est de manière continue qu'une partie

substantielle du territoire congolais fait l'objet d'une occupation militaire

du fait de 1'Etatdéfendeur, ce qui constitue un précédentexceptionnel dans

l'histoire des relations internationales contemporaines.

4.45. La situation de la présenteespèceest bien davantage comparable à

celle qui prévalait dans les années 1970 et 1980, lorsque l'Afrique du sud

soutenait activement des forces irrégulièresopérant en Angola. C'est cette

occasion que le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions

-

1 Bert V.A. ROLING, "The 1974 U.N. Definition of Aggression", in The Current Legal
Regulaton of the Useof Force,op.cit., p. 416.

C.I.J.,Affaire des Activitésmilitaires,Recueil 1985230.119,condamnant "énergiquement l'agression commise par l'Afrique du sud

contre la République populaire d'Angolaw 1. Cette qualification, qui

constitue en même temps une interprétation particulière de la notion

d'agression, semble avoir étépartagée par l'ensemble des Etats formant la

communauté internationale, et en particulier par les Etats africains. Elle

peut dès lors être prise en compte par la Cour au titre de pratique
interprétative de la Charte. Elle illustre la conviction juridique que

partagent les Etats que, en présence d'un soutien massif à des forces

irrégulières qui se traduit notamment par l'occupation d'une partie du

territoire de1'Etatvisé,on est bien en présenced'une agression.

4.46. A cet égard, la circonstance que le Conseil de sécuritén'ait pas

utilisé expressément l'expression pour condamner l'agression ougandaise,

si elle se comprend sur le plan diplomatique, est évidemment non

pertinente sur le plan juridique.

4.47. D'une part, la qualification d'agression se retrouve implicitement,

si on veut bien se souvenir que le Conseil, avant de déplorer la présence

illicite de forces arméesétrangèresen République démocratique du Congo, a
expressément rappelé le droit àla légitime défenseen vertu de l'article51 de

la Charte. La combinaison de ces deux affirmations peut assurément être

utilisée pour déduire du texte de la résolution 1234 (1999) une qualification

implicite d'agression visant l'action arméede l'Ouganda.

4.48. D'autre part, et en tout état de cause, la mention du Conseil de

sécuritédans la définition de l'agression acceptéepar l'Assembléegénérale

ne peut être interprétéecomme lui réservant une compétence exclusive de

-
V.e.a.larés454(1979)du 2novembre1979,s 1.

178qualification. Ceci ressort non seulement des travaux préparatoires mais

aussi du texte même,qui prévoit expressémentque

"rien, dans la présente définition, ne sera interprétécomme affectant
d'une manière quelconque la portéedes dispositions de la Charte en ce
qui concerne les fonctions et pouvoirs des organes de l'organisation
des Nations Unies".

4.49. La Cour a du reste clairement fait usage de son pouvoir de

qualification dans l'affaire desActivitésmilitairesprécitée 2. Elle reste donc

entièrement libre de tirer les conséquences juridiques de l'action militaire

de l'Ouganda pour, étant donnéla gravité des faits, la qualifier d'agression
conformément à la Charte.

4.50. En conclusion, l'Ouganda a violé,de manière continue, grave et

persistante, l'interdiction de recourirà la force contre l'intégritéterritoriale,

l'indépendance politique ou la souveraineté d'un autre Etat. Son

comportement est totalement inconciliable avec ses obligations

internationales, coutumières et conventionnelles.

BengtBROMS, 'TheDefinitionof Agression",R.C.A.D.L,1977-1,tome 15337-338.

* V. Yoram DINSTEIN,War,Aggressionand Self-Defense,p.cit.,194.Section 2. Laviolation des autresprincipes fondamentaux de la Chartedes

Nations Unies

4.51. Le comportement de l'Ouganda n'est pas seulement contraire à la

règle prohibant le recours à la force dans les relations internationales. Il

viole aussi d'autres principes fondamentaux inscrits dans la Charte des

Nations Unies. Certains sont directement liés à la prohibition de la force,

comme l'obligation de régler pacifiquement les différends internationaux

(A), ainsi que l'interdiction d'intervenir dans les affaires intérieures des

Etats (B), et du respect de la souveraineté de 1'Etat (C). D'autres ne s'y

rattachent que de manière plus indirecte, comme le principe du droit des

peuples à disposer d'eux-mêmes (D), l'obligation de favoriser le respect

universel et effectif des droits de l'homme (E), ou encore de respecter les

résolutions régulièrement adoptées par le Conseil de sécurité (F).

A. La violation de l'oblig-ation de régler pacifiquement les différends

internationaux

4.52. La République démocratique du Congo a déjà rappelé que

l'interdiction du recours à la force et l'obligation de régler pacifiquement les

différends étaient logiquement liés (v. supra, chapitre III). Les mêmes

causes produisant les mêmes effets, la violation de la première règle

entraîne la violation de la seconde. L'agression militaire ougandaise est

ainsi contraire àla fois aux articles § 4, 2 53 et 33 de la Charte des Nations

Unies, de même qu'aux autres dispositions exprimant les principes en

cause, notamment l'article 3 de la Charte de l'OUA.

4.53. L'Ouganda ne saurait rétorquer qu'il a effectivement utilisé

certains moyens de règlement pacifique en vue de régler le différend,que cesoit de manière bilatérale ou multilatérale, mais que ses tentatives sont

demeurées vaines.

4.54. Cet argument serait directement contredit par la Déclaration de

Manille sur le règlement pacifique des différends, qui prévoit notamment

que

"[tlous les Etats doivent régler leurs différends internationaux
exclusivement par des moyens pacifiques de telle manière que la paix
et la sécurité internationale ainsi que la justice ne soient pas mises en
danger [..];

[lles Etats partiesà un différend doivent continuer de respecter dans
leurs relations mutuelles les obligations qui leur incombent en vertu
des principes fondamentaux du droit international concernant la

souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale des Etats ainsi
que des autres principes et règles de droit international contemporain
généralementreconnus [..];

[nli l'existence d'un différend ni l'échecd'une procédure de règlement
pacifique d'un différend n'autorise l'un auelconaue des Etats parties à
un différend à avoir recours à la force ou à l'em-loi de la

force "(soulignépar la République démocratiquedu Congo) 1.

4.55. Dans ce contexte, la circonstance que l'organisation des Nations

Unies ne soit pas encore parvenue à assurer le règlement de la crise

n'autorise nullement l'Ouganda à recourir à la force, conformément au

dictum énoncépar la Cour dans l'affaire du Détroitde Corfoucomme dans

celle des Activitésmilitaires :

"le prétendu droit d'intervention ne peut êtreenvisagé [...que comme
la manifestation d'une politique de force, politique qui, dans le passé,a
donné lieu aux abus les plus graves et qui ne saurait, auelles aue soient

les déficiences présentes de l'organisation internationale, trouver
aucune place dans le droit international" (souligné par la République
démocratique du Congo) 2.

Résolutio37/10 adoptéele 15novembre1982.

C.I.J.,Recueil19p. 35 eRecueil1986,p.107,§202.

1814.56. Une fois encore, cette affaire se présente de façon extrêmement

claire. En occupant militairement une partie du territoire congolais, en

menant des attaques militaires répétées eten soutenant activement des

forces armées irrégulières, l'Ouganda viole de manière persistante le

principe fondamental du règlement pacifique des différends internationaux.

B. La violation de l'interdiction de l'intervention dans les affaires sui

relèvent de la compétence nationale des Etats

4.57. La République démocratique du Congo a déjà relevé que le

principe de non-intervention revêtait une portée plus large que

l'interdiction du recours à la force, dans la mesure où il prohibait tout acte

de contrainte, armée ou non armée, dirigé contre l'exercice de ses

compétences nationales par un Etat (supra,chapitre III).

4.58. Dans ces circonstances, le comportement de l'Ouganda, en ce qu'il

viole l'interdiction du recours à la force, violea fortiorle principe de non-

intervention, consacré par le droit coutumier et la Charte de l'OUA. On est

indéniablement en présence d'une politique de contrainte visant

directement l'essence des compétences nationales de la République

démocratique du Congo :le contrôle, la gestion et l'administrationde son

propre territoire, ainsi que le libre choix de son gouvernement et de son

régime politique sur toute son étendue, compétences toutes gravement

entravées par l'occupation militaire ougandaise et le soutien aux forces

irrégulières qui l'accompagne.

4.59. Ce corollaire logique entre violation de la prohibition du recoursà la force et de l'interdiction de l'intervention dans les affaires intérieures a

explicitement été reconnu par la Cour :

"[clet élémentde contrainte, constitutif de l'intervention prohibée et
formant son essence même, est particulièrement évident dans le cas
d'une intervention utilisant la force, soit sous la forme directe d'une
action militaire, soit sous celle, indirecte, du soutienà des activités
armées subversives ou terroristes à l'intérieur d'un autre Etat. Ainsi
qu'il a éténoté [.. .aIélsolution 2625 (XXV)de l'Assembléegénérale
assimile une telle assistance à l'emploi de la force par 1'Etat qui la
fournit quand les actes commis sur le territoire de l'autre Etat
'impliquent une menace ou l'emploi de la force'. Ces formes d'action

sont alors illicites aussi bienl'égarddu principe de non-emploi de la
force que de celui de non-intervention" 1.

4.60. Il a par ailleurs spécialement été misen évidence dans le cas
particulier des guerres civiles. C'est ainsi que, dans sa résolution de

Wiesbaden relative au principe de non-intervention dans les guerres civiles

(1975), l'Institut de droit international a énoncéque

" l]es Etats tiers sont tenus de s'abstenir de toute assistance aux parties
à une guerre civile sévissantsur le territoire d'un autre Etat;

[ils] s'abstiendront notamment :

a) d'envoyer ou de tolérer l'envoi ou le départ de forces armées, de
volontaires, d'instructeurs ou de techniciens militaires à l'une des
parties à une guerre civile;

b) de former ou d'entraîner, ou de tolérer la formation ou
l'entraînement de forces irrégulières en vue d'appuyer une des parties
à une guerre civile;

c) de fournir des armes, ou tout autre matérielde guerre, ou de tolérer
une telle fourniture àl'une des partiesà une guerre civile;

d) d'accorder à l'une des partiesà une guerre civile une aide financière
ou économique de nature à influencer l'issue de la guerr[.. .2.

C.I.J.,Affaire des Activitésmilitaires,Recueil1956205.108,

A.I.D.I.,1975,vol. 56546.4.61. En ce sens, la Cour a relevé que le principe de non-intervention

"perdrait assurément toute signification réelle comme principe de
droit si l'intervention pouvait être justifiée par une simple demande
d'assistance formulée par un groupe d'opposants dans un autre Etat
[...]. On voit mal en effet ce qui resterait du principe de non-
intervention en droit international si l'intervention, qui peut déjà être
justifiée par la demande d'un gouvernement, devait aussi être admise

à la demande de l'opposition à celui-ci. Tout Etat serait ainsi en
mesure d'intervenir à tout coup dans les affaires intérieures d'un autre
Etat, à la requête, tantôt de son gouvernement, tantôt de son
opposition. Une telle situation ne correspond pas, de l'avis de la Cour,
à l'état actuel du droit international"1.

4.62. Dans ces circonstances, peu importent les objectifs qui sont

précisément poursuivis par les autorités ougandaises. En se livrant à des

attaques répétées contrele territoire congolais, et en soutenant activement

des forces irrégulières qui tendent à renverser le Gouvernement, l'Ouganda

commet en tout état de cause un acte contraire au principe de non-

intervention. On peut une fois encore citer en ce sens le précédent de

l'affaire des Activitésmilitaires :

"[lla Cour considère qu'en droit international si un Etat, en vue de faire
pression sur un autre Etat, appuie et assiste, dans le territoire de celui-
ci, des bandes armées dont l'action tend à renverser le gouvernement,
cela équivaut à intervenir dans ses affaires intérieures, et cela que
l'objectif politique de1'Etatqui fournit appui et assistance aille ou non
aussi loin" 2.

4.63. Dans notre cas d'espèce, l'action militaire de l'Ouganda est

indéniablement contraire au principe de non-intervention dans les affaires

intérieures d'un autre Etat. L'affirmation peut du reste être établie

1 C.I.J.,Affaire des Activités milis,ecueil1986,p. 126,246.

C.I.J.,Recueil1986,124,s 241.indépendamment de la question de savoir si la gravité de cette intervention

doit êtrequalifiée d'agression, ou même de recours à la force. Il se peut en

effet, mêmesi tel n'est pas le cas dans la présente espèce, que des actes de

contrainte soient prohibés en vertu du principe de non-intervention même

s'ils n'équivalent pas à un véritable recours à la force.

C. La violation du principe du respect de la souveraineté de 1'Etat

4.64. Le principe du respect de la souveraineté est très étroitement lié

au principe de non-intervention, de sorte qu'une violation de celui-ci

implique logiquement une violation de celui-là.

4.65. C'est en ce sens que la Cour a condamné les Etats-Unis pour leurs

actions militaires et paramilitaires en mentionnant spécifiquement

l'atteinteà la souveraineté de 1'Etatdu Nicaragua 1.

4.66. Dans notre cas d'espèce, l'agression ougandaise constitue un

exemple particulièrement évident de violation de la souveraineté de la

République démocratique du Congo et, au-delà, du principe général du

respect de l'égalitésouveraine de tous les Etats. Il faut en effet souligner que

la politique de force que mène et assume l'Ouganda depuis plusieurs années

menace les fondements même de l'ordre juridique international. On ne

sait pas ce qui resterait du principe du respect de la souveraineté des Etats si

on admettait que l'un d'entre eux occupe et exploite impunément le

territoire d'un autre.

4.67. C'est assurément ce qui explique le rappel constant par les organes

C.I.J.,Recu1986,p. 147,§5du dispositif.

185de l'ONU ou de l'OUA du principe du respect de la souveraineté de la

République démocratique du Congo (supra, chapitre I), et en particulier de

sa souveraineté sur ses ressources naturelles, érigé en règle générale du

droit international (supra, chapitre III). La Cour ne peut manquer de

constater à son tour que le principe a étébafouépar 1'Etatdéfendeur.

D. La violation du droit des peuples Adisp-oser d'eux-mêmes

4.68. La République démocratique du Congo a déjà relevé (v. supra,

chapitre III) que le droit des peuples disposer d'eux-mêmes ne disparaissait

pas avec la création d'un Etat, mais subsistait ensuite afin de maintenir son

indépendance en poursuivant son développement économique, social et

culturel "sans ingérence extérieure" 1. En ce sens, toute intervention

empêchant un Etat d'exercer sa souveraineté, et notamment de déterminer

librement son statut politique, constitueen mêmetemps une violation du

droit de son peuple à disposer de lui-même. On se souviendra également

que ce texte énonce que

"[tlout Etat a le devoir de favoriser [...] la réalisation du principe de
l'égalitédes peuples et de leur droit Adisposer d'eux-mêmes [...] en
ayant présent à l'esprit que soumettre des peuples àla subjugation, à la
domination ou à l'exploitation étrangère constitue une violation de ce
principe, ainsi qu'un déni des droits fondamentaux de l'homme, et est
contraire à la Charte".

Dans la mesure où il s'est rendu coupable d'une ingérence, et
4.69.

même d'une ingérence armée constitutive d'agression, l'Ouganda s'est

donc également rendu coupable d'une violation de ce principe.

D'autant que, comme la République démocratique du Congo l'a
4.70.

Résolutio2625(XXV) précitée.

186démontré antérieurement, il s'est livré sur son territoire à une

appropriation éhontéeet indue des ressources naturelles et des richesses et

biens congolais (v. supra, chapitre II). Dans ces conditions, l'Ouganda a

incontestablement violé le droit du peuple congolais à disposer de lui-

même, tel qu'il est notamment énoncédans l'article ler des Pactes des

Nations Unies sur les droits de l'homme, en vertu desquels "[eln aucun cas,

un peuple ne pourra être privéde ses propres moyens de subsistance" (v.

supra, chapitre III).

E. La violation de l'obligation de respecter les droits de l'homme et le droit

international humanitaire

4.71. La République démocratique du Congo a également signalé que

l'Ouganda s'étaitlivré à des pratiques attentatoires au respect des droits les

plus fondamentaux de la personne, y compris en perpétrant des massacres

constatés par le Rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme

de l'ONU (supra, chapitre II). Rien n'indique par ailleurs que l'Ouganda ait

utilisé tous les moyens dont il disposait pour empêcher les forces

irrégulières qu'il soutient de se livrer aux exactions dont l'existence relève

pourtant de la notoriétépublique. Tout au contraire, la politique délibérée

de terreur dont se rendent coupables ces forces est visiblement entérinéepar

les autorités ougandaises.

4.72. Mêmele noyau dur ou intangible des droits de l'homme, reflété

notamment dans l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et

politiques, n'échappe pas à la furie des troupes ougandaises dans la partie

occupée du territoire national :le droità la vie, l'interdiction de la torture et

des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'interdiction de
l'esclavage et de la servitude, le droit à un procès équitable. Pourtant, laCour a jugé dans l'affaire Nicaragua c/ Etats Unis que certaines règles

applicables dans les conflits armés qui ne présentent pas un caractère

international, prévues par l'article 3 commun aux quatre Conventions de

Genève du 12 août 1949

"constituent aussi en cas de conflit armés internationaux un
minimum ... 11s'agit de règles qui (...correspondent à ce qu'elle a
appelé en 1949 des considérations élémentaires d'humanité" 1.

4.73. Il ne fait guère de toute que, dans ces conditions, l'Ouganda viole

de manière flagrante l'obligation générale de favoriser le respect universel

et effectif des droits de l'homme, inscrit à l'article 55 de la Charte de l'ONU,

à l'article 2 de la Charte de l'OUA, comme dans divers autres instruments

déjà mentionnés, dont l'article ler commun des Conventions de Genève de

1949 et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949

relatifà la protection des victimes des conflits internationaux (Protocole 1) (8

juin 1977) (supra, chapitre III).

4.74. Dans l'affaire des Activités militaires, la Cour a condamné les

Etats-Unis pour avoir encouragé des forces irrégulières à commettre des

violations du droit humanitaire, encouragement qui, dans les circonstances

de l'espèce, "avait des chances d'êtresuivi d'effet" 2.

4.75. Le cas de l'Ouganda est fort différent, dans la mesure où les

troupes ougandaises ont non seulement encouragé des forces irrégulières à

poursuivre leurs exactions alors même qu'elles ne pouvaient en ignorer

l'existence et la répétition, mais surtout ces troupes se sont rendues elles-

1 C.I.J.,Recueil 19§ 219et C.I.J.,Détroitde Corfou, Recueilp.22.

C.I.J.,Recueil 1986,p. 1256.mêmes coupables d'atteintes à l'intégritéphysique de citoyens congolais.

On est donc devant un cas typique de violation de l'obligation de favoriser

le respect universel et effectif des droits de l'homme, quelle que soit la

définition que l'on puisse donner à cette expression.

4.76. A ce sujet, la République démocratiquedu Congo préciseune fois

encore qu'il ne s'agit pas à ce stade d'attribuer directement à l'Ouganda

l'entièretédes actes perpétrés par les forces irrégulières qu'il soutient. Un

certain nombre de ces actes a été détaillpar la Républiquedémocratique du

Congo dans le Livre blanc annexé à la requêteintroductive d'instance du 23

juin 1999. Ce document a étéprésenté à des fins purement illustratives,

comme la République démocratique du Congo l'a déjà signalé, et on ne

saurait en déduire une argumentation juridique précise concernant les

violations du droit international commises par l'Ouganda. En l'espèce, ce
sont essentiellement les actions et omissions des agents ougandais eux-

mêmesqui engagent sa responsabilité internationale, dans le domaine des

droits de l'homme et du droit humanitaire comme dans celui du recours à

la force.

4.77. Il faut encore ajouterà cet égard que les personnes vulnérables

(femmes, enfants et personnes âgées) constituent la grande majorité des

victimes de la guerre d'agression. Nombreux sont les cas de tueries, de viols

massifs et systématiques des femmes, d'atteintes à l'intégritéphysique et
morale, de contrainte à la prostitution, d'enrôlement forcé des enfants et

d'abus sur les enfants, enregistrés et signalés tant par le Rapporteur spécial

de l'ONU que par des ONG indépendantes ("Les Heritiers de la Justice",

notamment).

4.78. Dans l'affaire du Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à Téhéranl ,a Cour a estimé que

"le fait de priver abusivement de leur liberté des êtreshumains et de

les soumettre dans des conditions pénibles à une contrainte physique
est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des
Nations Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme "1.

Outre les textes fondamentaux générauxprotecteurs des droits de l'homme

adoptés sous les auspices des Nations Unies, l'Ouganda a adopté un

comportement manifestement incompatible avec divers autres textes

spécifiques ou catégoriels tels que la Convention de New York contre la

torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; la

Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989. Au plan

régional et strictement africain, l'Ouganda et son corps expéditionnaire

violent non seulement la Charte Africaine des droits de l'homme et des

peuples mais également d'autres normes spécifiques telles que la Charte

africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1990. Par ailleurs,

l'Ouganda a refusé d'obtempérer à toutes les résolutions pertinentes de

l'ONU qui l'invite à respecter les principes et normes, tant du droit

international des droits élémentaires de l'homme que du droit

international humanitaire (voir les résolutions 1234 (1999)' 1291 (2000) et

1304 (2000) du Conseil de Sécurité).

4.79. Nombreux sont les droits communautaires ou collectifs violés

également par l'Ouganda. Il s'agit spécialement du droit à la paix, du droit

au développement et du droit à l'environnement proclamés et garantis tant

par des résolutions de l'Assemblée générale que par des instruments

internationaux spécifiques (Convention sur le commerce international des

C.I.J.,Rec.ueillp.42,s 91.espèces sauvages menacées d'extinction de 1973 ou CITES ;Charte mondiale

de la nature proclamée par la résolution 37/7 de l'Assembléegénéraledu 28

octobre 1982 1).

4.80. La République démocratique du Congo ignore quels sont les

arguments que l'Ouganda est susceptible d'avancer à un stade ultérieur de

la procédure pour tenter de justifier un comportement qui, en droit, est tout

simplement injustifiable. En tout état de cause, il ne saurait penser

invoquer la théorie des représailles ou des contre-mesures en la matière.

Outre qu'il serait bien difficile de percevoir quelle est la violation initiale

dont il s'estimerait victime, il va de soi que les contre-mesures ne peuvent

consister en une violation des principes les plus fondamentaux des droits de
la personne, comme l'indique une doctrine abondante et non contestée.

C'est en ce sens que l'art. 50 d) du projet d'articles sur la responsabilité

internationale provisoirement adopté par la Commission du droit

international écarte la possibilité d'adopter, à titre de contre-mesure, "tout

comportement qui déroge aux droits de l'homme fondamentaux" 2.

4.81. Comme l'a préciséun éminent membre de la Cour, aucune cause

ou situation, même la légitime défense - ce qui n'est manifestement pas le

cas pour l'Ouganda auteur d'une guerre d'agression,

"ne peut engendrer une situation dans laquelle un Etat s'exonérerait
lui-même du respect des normes intransgressibles du droit

international humanitaire" 3.

Tant la Républiquedémocratiquedu Congo que l'Ougandaont votéen faveur de cette
résolution.

2 Rapportde laC.D.Is.r les travauxde sa 48èmesess.(6 mai-26 j1996), A.G.Doc. off.,
51ème sess.Suppl.NO10(A/51/10), p. 168.

3 Avis consultatif préspar l'OMSD, éclaratide M.Bedjaoui,Annexe aucommuniquéde
presse96/23 de laCIJ,p.1.4.82. A la lumière de toutes ces considérations, il va sans dire que la

République Démocratique du Congo se trouve gravement léséeet que la

responsabilité internationale de l'Ouganda est sérieusement engagée du fait

de ses atteintes flagrantes, massives et systématiques aux droits de l'homme

et au droit international humanitaire à travers ses actes d'agression et

l'occupation illicite d'une partie substantielle du territoire de la République

Démocratique du Congo.

F. La violation de l'obligation d'appliq uer les résolutions adoptées par le

Conseil de sécuritéconformément à la Charte

4.83. On se rappellera que, dans la seule résolution en vigueur au

moment de l'introduction de la requête,le Conseil de sécurité aexigél'arrêt

des hostilités et "demandé" aux forces étrangères de retirer leurs troupes du

territoire de la République démocratique du Congo et de prendre des

mesures immédiates à cet effet. On se souviendra aussi que ces deux

prescriptions constituent des décisions obligatoires en vertu de l'article25 de

la Charte (supra, chapitre III).

4.84. La République démocratique du Congo a également déjà signalé

que, au jour du dépôt de sa requête, l'Ouganda n'avait ni retiré ses troupes,

ni arrêtéles hostilités. Tout au contraire, il poursuivait -et poursuit

toujours- son occupation et son soutien militaires aux forces irrégulieres

opérant sur le territoire congolais.

4.85. L'Ouganda a ainsi violé l'article 25 de la Charte des Nations

Unies. Indépendamment de tous les élémentsqui précèdent, cet Etat avaitl'obligation de respecter les termes d'une résolution adoptée conformément
au droit international, de retirer immédiatement toutes ses troupes des

territoires occupés. Il ne saurait se retrancher derrière aucune argutie

juridique pour s'exonérerde sa responsabilité.CONCLUSION DU CHAPITRE

4.86 . L'action militaire menée par l'Ouganda en République

démocratique du Congo viole les principes les plus élémentaires du droit

international, tels qu'on les retrouve notamment inscrits dans la Charte des

Nations Unies. En maintenant leurs troupes en territoire congolais

nonobstant les protestations du Gouvernement légitime de la République

démocratique du Congo, en occupant militairement une partie substantielle

de son territoire, et en soutenant activement les forces irrégulières qui

combattent les autorités, l'Ouganda viole gravement l'interdiction de

recourir à la force dans les relations internationales, et se rend coupable

d'un acte d'agression. Ce comportement viole également l'obligation de

régler pacifiquement tous les différends internationaux, quelle que soit leur

nature, et quelles que soient les difficultés que cela entraîne. Il est

également incompatible avec le principe de l'interdiction de l'intervention

dans les affaires intérieures et extérieures des Etats, ainsi que de celui du

droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, y compris en exer~ant leur

souveraineté pleine et entière sur leurs ressources naturelles. Enfin, les

modalités de l'action ougandaises s'avèrent incompatibles avec le devoir

fondamental qui pèse sur chaque Etat de favoriser un respect universel et

effectif des droits de l'homme, obligation incompatible avec les exactions

dont se sont rendues coupables les troupes ougandaises, ainsi qu'avec les

encouragements qu'elles apportent aux forces irrégulières qui continuent de

faire régner la terreur au détriment de nombreux citoyens congolais.t ----..-..-.-"---.* .---------------...-.---W.---,

CHAPITRE V

7
i L'INEXISTENCED'EXCEPTION OUDECIRCONSTANCES
i
j SUSCEPTIBLES D'EXONÉRER L'OUGANDA DE SA RESPONSABILITÉ
i--... --....5.01. Dans sa résolution 1234 (1999) du 9 avril 1999, le Conseil de

sécurité a déploré la présence de troupes étrangères en République

démocratique du Congo en violation des principes de la Charte des Nations
Unies. Dans sa résolution 1304 (2000) du 16 juin 2000, il affirme

explicitement que "l'Ouganda [a] violé la souveraineté et l'intégrité

territoriale de la République démocratique du Congo". Il a donc

implicitement rejeté toute cause de justification que l'Ouganda serait

susceptible d'avancer pour tenter de justifier son comportement. Ce constat

se comprend parfaitement si on se livre à une analyse, même sommaire,

des faits de la cause. Comme la République démocratique du Congo vient
de le démontrer, le comportement de 1'Etat ougandais est totalement

incompatible avec une série de principes juridiques applicables dans la

présente espèce.

5.02. La République démocratique du Congo s'emploiera néanmoins,

dans un esprit constructif de collaboration à l'établissement de la vérité

judiciaire,à réfuter les éventuels arguments que tendrait à invoquer 1'Etat

défendeur dans la suite de la présente procédure. Il s'agira essentiellement
de se prononcer sur les éventuelles justifications que l'Ouganda pourrait

avancer pour légitimer son recours à la force. Ce faisant, la République

démocratique du Congo développera évidemment un raisonnement qui

reste encore largement prospectif, tant il est vrai que l'Ouganda n'a jusqu'ici

donné que des éléments fragmentaires de réponse, en particulier lors de la

procédure en indication de mesures conservatoires 1.

Certains éléments montrent toutefois que l'Ouganda pourrait
5.03.
développer certains arguments juridiques spécifiques,le président de ce paysayant déclaré à la presse pour justifier la présence de son armée en

République démocratique du Congo que "notre intervention dans ce pays

est un acte de légitime défense [...]si la sécuritésur nos frontières est rétablie,

nous sommes prêts à retirer nos soldats" 1. Des propos similaires ont été

tenus devant la Cour, lors de l'audience orale du 28juin 2000 2.

5.04. La République démocratique du Congo envisagera donc cet

hypothétique argument de la "légitime défense", avant d'envisager

quelques autres possibilités, tout aussi hypothétiques à ce stade de la

procédure. Ce faisant, il se concentrera sur les règles régissantle recours à la

force dans les relations internationales, les autres principes dont la violation

a été démontrée antérieurement étant mutatis mutandis concernés.

JeuneAfriqueEconomie,n01978,8 au 14 décembre 1998,citédans Tshibangu KALALA,
"L'interventiodes troupesétrangeredansla guerrecivile en Républiquedémocratique
du Congo :que dit le droit internatio?",Revuede droitafricain,NOIO,avril 1999,
p. 169.Section 1. Le caractèremanifestement non fondé de l'argument de la

"légitimedéfense"

5.05. Comme l'indique l'article 34 de la première partie du projet sur la

responsabilité des Etats adopté en première lecture par la Commission du

droit international, qui ne fait qu'exprimer "l'inévitable conséquence du

droit naturel de légitime défense énoncé à l'article 51 de la Charte"1,

"[ll'illicéité d'un fait d'un Etat non conforme A une obligation
internationale de cet Etat est exclue si ce fait constitue une mesure licite
de légitime défense prise en conformité avec la Charte des Nations
Unies" 2.

5.06. Pour être une "mesure licite de légitime défense", une action

militaire doit remplir plusieurs conditions de manière cumulative. En

application de l'article 51 de la Charte des Nations Unies :

- il faut en premier lieu que l'un des Membres des Nations Unies soit l'objet

d'une "agression armée" ("armed attack");

- cette réaction doit être "nécessaire" et proportionnelle" à l'agression

préalable;

- ce droit est soumis aux "mesures nécessaires pour maintenir la paix et la

sécurité internationales" que le Conseil de sécuritéaurait adoptées.

5.07. Si on ébauche son application à notre cas d'espèce,l'argument de

la légitime défense, qui a incidemment étésoulevé lors des plaidoiries

orales ayant précédé l'adoptionpar la Cour de l'ordonnance du ler juillet 3,

Deuxième rapport sur la respondabilitédes Etats présentépar M. James Crawford,
Rapporteurspécial,0 avril1999,C.D.I.,èmesess., A.G.,A/CN.4/498/Add.2, p. 415
293.

2A.C.D.I.,1980,II2èmepartie, p.50.

CR2000/23, plaidoiriedeM.IanBrownlie.apparaît d'emblée comme profondément problématique, dans la mesure où

il est difficile de percevoir à quelle agression l'action armée ougandaise

serait censée répondre (A),mais aussi parce que toutes les autres conditions

juridiquement nécessaires à sa validité sont totalement absentes en

l'occurrence (B).

A. L'absence d'une "an -ression" préalable

5.08. Il est pour le moins difficile d'identifier l'"agression" dont

l'Ouganda aurait étél'objet, et qui motiverait une action officiellement

destinée à rétablir la sécuritéle long de sa frontiere avec la République

démocratique du Congo. Dans les faits, aucun élémentne permet d'établir

que des troupes congolaises aient franchi cette frontière, ou même aient

laissé penser qu'elles s'apprêtaient à le faire. Quant aux rebelles qui

s'opposent au Gouvernement ougandais, absolument rien n'indique qu'ils

aient pu faire l'objet d'un soutien militaire de la part des autorités de la

République démocratique du Congo (supra, chapitre II). Les organes de

l'ONU n'indiquent du reste aucun élémentqui plaiderait en ce sens, tout

comme ils ne mentionnent aucune plainte qui aurait étédéposée par

l'Ouganda sur la base de tels faits (supra, chapitre 1).

5.09. Or, pour que l'on puisse conclure à l'existence d'une agression, il

ne suffit pas d'invoquer un vague sentiment d'insécurité, qu'il soit au

demeurant fondé ou non. La définition de l'agression adoptée par

l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution 3314 (XXIX)requiert la

mise en Œuvre d'un recours à la force, direct ou indirect, mais qui doit en

tout état de cause revêtirune gravité particulière (supra, chapitre IV). Il ne

suffit donc pas de prétendre que des forces irrégulières se réfugient au-delà

de la frontière pour êtrehabilité à pénétrersur le territoire de 1'Etatvoisin,puis pour l'occuper militairement et tenter de renverser son

gouvernement.

5.10. Dans ces conditions, l'éventuel argument ougandais manque

totalement de fondement, en droit (1) comme en fait (2).

1. L'absence de fondement juridiquede 1'éventuelargument de la "légitime

défense"

5.11. Semblable argumentation a déjàétéinvoquée dans le passé pour

justifier des agressions armées. L'Afrique du sud a ainsi prétendu justifier

ses interventions militaires à l'encontre de l'Angola par une "légitime

défense" officiellement destinée à mettre fin aux activités de forces rebelles

qui se réfugiaient régulierement en territoire angolais. La Rhodésie du sud

a repris une argumentation similaire pour justifier ses actions militaires en

Zambie et au Botswana, de même qu'Israëlpour expliquer son occupation

d'une partie du territoire libanais.

On ne peut pas dire que ce type de justification ait été accepté par
5.12.
l'ensemble des Etats, tout au contraire. La République démocratique du

Congo a déjàrappelé la condamnation répétéede l'agression de l'Afrique du

sud par le Conseil de sécurité.Il faut ajouter à ce stade que les interventions

militaires de la Rhodésie du sud en Zambie 1et au Botswana et de 1'Etat

d'Israël au Liban 3 ont également fait l'objet de condamnations explicites.

Dans aucun de ces précédents, on a retenu l'argument d'une "légitime

V.les résolution424(1978)du 17mars1978,et455(1979)du 23novembre1979.

2 Résolution403(1977)du 14janvier 1977.

Résolution09(1982)du 6juin1982.défense" prétendument destinée à mettre fin à l'incursion de forces

subversives en provenance des Etats agressés.

5.13. Cet élargissement de la notion de légitimedéfense a étépour un

temps défendu au sein du Comité spécial des Nations Unies sur les
relations amicales. En 1966, un groupe d'Etat occidentaux suggéra d'insérer

une clause le consacrant dans le projet de résolution sur les relations

amicales. La proposition fut vigoureusement combattue par les Etats du

Tiers monde, qui y voyaient

"un élargissement dangereux du nombre des hypoth&ses auxquelles la
légitime défense pouvait s'appliquer selon les dispositions de la

Charte" 1.

5.14. Le texte fut en conséquence retiré par ses auteurs, ce qui fait

conclure au professeur Cassese que

"[lles travaux du Comité de l'ONU pour la définition de l'agression

s'orientent dans le même sens. Il semble donc difficile de soutenir
qu'il se soit formé une norme générale qui autorise les Etats à
invoquer la légitime défense pour repousser l'agression armée
indirecte" 2.

5.15. Le professeur Lamberti Zanardi analyse en ce sens l'élaboration de

la définition de l'agression qui devait être annexée à la résolution 3314

(XXIX),en relevant que

"A majority of States on the Committee were opposed in general to the
idea that acts of indirect agression should be counted as acts of
agression, and even after having accepted the inclusion of the sending

A/AC.l25/SR, citédans Antonio CASSESE,Article 51 in J.P.Cot et A. Pellet (Las.),
Chartedes Nations Unies,lere éd.783.

Ibidem. of armed bands in this category, opposed the inclusion of other
activities"1,

ce qui lui permet d'affirmer que

"the mere fact of assisting or acquiescing in the operations of armed
groups does not constitute an armed attack. An exception to this might
be said to hold if it could be proved - though this would not be easy
- that the assistance given by the State was so extensive that, although
acting independently, the private groups became defacto organs of the
State that assisted them, simply by virtue of assistance. If this were so it
would no longer be possible to distinguish between the assistance
given by the State and the military operations carried out by the private

groups and, so long as the latter actually took place and were of
sufficient extent and gravity, the existence of an armed attack
attribuable to the State in question could not be denied.
This conclusion does not hold, however, in situations where the State
merely tolerates the presence of armed bands in its territory, because in
this case the link between the State and actions of the private bands is
never such as to make the latter de facto agents of the State, with
which, on the contrary, they are often in conflict" 2.

5.16. C'est dans cet esprit que, dans l'affaire des Activitésmilitaires, la

Cour a préciséqu'elle

"ne pense pas que la notion duagression armée' puisse recouvrir non
seulement l'action de bandes armées dans le cas où cette action revêt
une ampleur particuliere, mais aussi une assistance à des rebelles
prenant la forme de fourniture d'armements ou d'assistance logistique

OU autre" 3.

5.17. En résumé,le droit international contemporain n'admettrait une

"IndirectMilitary Aggression" in A. Cassese (ed.), the CurrentLegalRegulationof the Use
ofForce,Dordrecht, MartinusNijhoff, 1986,pp. 114-115.

* Ibid.,p. 11v.en ce sens CasareoGUTIERREZ ESPADA,"Algunasreflexionesen tornoa la
'legitima defensa"' in La responsabilidad internacional. Aspectos de derecho
internacionalpublico y derechointernacionalprivado, Alicante, Asociacion Espaiiola
de Profesoresde Derecho Intemacionaly Relaciones Internacion,990,p. 293.

C.I.J.,Recueil1986,p. 104,s 195.légitime défense destinée à mettre fin à une agression indirecte que si les

quatre conditions suivantes sont réunies de manière cumulative :
- 1". des forces irrégulières développent contre leur propre gouvernement

une action militaire d'une gravité telle qu'elle est assimilable à une

véritable agression;

- 2". l'action de ces forces irrégulières est toléréeet mêmeencouragée par

1'Etatvisé;

- 3". celui-ci apporteà ces forces une assistance militaire et logistique;

- 4". il est impliqué de manière substantielle et active dans les activités de

ces forces.

2. L'absence de fondementfactuel de l'éventuelargument de la "légitime

défense "

5.18. Absolument rien ne permet de considérer que, dans notre cas

d'espèce, ces quatre conditions soient réunies. La République démocratique

du Congo a déjàdétailléles conditions dans lesquelles l'Ouganda a refuséde
se retirer de son territoire alors mêmeque le Président Kabila en avait

formulé la demande expresse (supra,chapitre 1).C'estce refus de retrait qui

a marqué le débutdu recours à la force de la part des troupes ougandaises, et

on est bien en mal de déceler l'"agression" préalableà laquelle ces troupes

seraient censéesrépondre.

5.19. L'Ouganda n'a nullement démontré ne fut-ce que la première des

conditions juridiques qui viennent d'êtrementionnées. En réalité,si les
éléments d'information font état de certaines forces ougandaises

irrégulières qui opèrent occasionnellement en territoire congolais, il resteà

démontrer que leurs actes aient revêtuune telle importance que l'on puisse

les assimiler à une agression.5.20. Par ailleurs, évoquer une "tolérance" de la République
démocratique du Congo à leur égard n'a rigoureusement aucun sens,

puisque ces forces agissent dans des parties du territoire congolais qui

échappent depuis plusieurs années à son contrôle. La République

démocratique du Congo ne peut en réalitépas tolérer de telles activités,

pour la bonne et simple raison qu'elle est empêchée d'exercerson autorité

sur la zone concernée en raison de son occupation par les troupes

ougandaises.

5.21. Un appui militaire et logistique substantiel est, pour les mêmes

raisons, logiquement inconcevable. Tout au plus pourrait-on imaginer

certaines formes d'appui politique ou de soutiens matériels indirects et

occasionnels. Encore faudrait-il en démontrer l'existence, ce que l'Ouganda

serait bien en mal de faire.

5.22. A fortiorine peut-on considérer que la République démocratique

du Congo participe activement à des activités subversives menées à
l'encontre de l'Ouganda. L'arméede la Républiquedémocratique du Congo

n'a plus accès au nord-est du pays depuis plusieurs années, et ne pourrait

donc pas, même si elle le souhaitait, apporter une aide à des forces

irrégulières ougandaises.

5.23. En réalité,on ne peut démontrer la réunion de ces élémentsde

fait en la présence espèce,et ce pour une raison relativement simple.Avant
le 28juillet1998, des troupes ougandaises étaientprésentes sur le territoire

de la République démocratique du Congo, avec le consentement du

Gouvernement légitime de ce pays. Il ne pouvait donc être question

d'agression de l'un des deux Etats à l'encontre de l'autre. Après ladéclaration du Président de la République démocratique du Congo

enjoignant aux troupes étrangères de regagner leurs territoires respectifs,

c'est le maintien de ses troupes par l'Ouganda qui est devenu constitutif

d'agression. Aucune légitime défensene peut donc être invoquéepar ce
dernier. C'est, juridiquement, au moment mêmeoù l'Ouganda a refusé de

donner suite à la demande de la République démocratique du Congo de

recouvrir l'entiéretéde ses prérogatives que son comportement peut être

qualifiéd'agression. Et,à ce moment même,il est indéniable que l'Ouganda

ne peut prétendre avoir étélui-mêmevictime d'une agression de la part de

la République démocratique du Congo.

5.24. Finalement, la thèse de la "légitime défense" relève de la

supposition pure et simple. On ne voit pas quel aurait étél'intérêtde la

République démocratique du Congo de soutenir une opposition armée à un
Etat voisin avec lequel, jusqu'au mois d'août 1998, il entretenait des

relations de coopération. A supposer que tel ait étéle cas, il est difficile

d'imaginer comment un soutien militaire accru aurait pu avoir lieu dans

une partie du territoire congolais qui échappait à son contrôle. Les

conditions juridiques nécessaires à l'établissement d'une agression à

l'encontre de l'Ouganda sont donc totalement absentes en l'espéce, tout

comme le sont du reste les autres conditions nécessaires la mise en Œuvre

d'une légitime défense conforme à l'articl51de la Charte.

B. L'absence des autres conditions nécessaires à l'établissement d'une
lé~itimedéfensede la part de l'Ouganda

5.25. Dans l'hypothése où l'Ouganda souhaiterait se prévaloir d'un

droit de légitime défense pour justifier son comportement, il devrait

démontrer non seulement l'existence d'une agression préalable, mais aussila réunion d'autres conditions juridiquement nécessaires, en particulier la

nécessitéet la proportionnalité de son action (l), ainsi que le respect des

prérogatives du Conseil de sécurité conformément à l'articl51 de la Charte

(2). Aucune de ces conditions n'est cependant remplie en l'espèce.

1. La réaction ougandaisn e'est ni nécessaire ni proportionnelle à l'objectif

de mettre fin à une hypothétiqueagression

5.26. Les conditions de nécessité et de proportionnalité sont

unanimement admises par la doctrine 1 et la jurisprudence 2. Elles se

ramènent toutes deux à un même principefondamental :

"le but que le comportement en question, sa raison d'être, est
obligatoirement de repousser une agression et d'empêchersa réussite,
et rien d'autre" 3.

5.27. Il appartient donc à l'Ouganda de démontrer que le seul but de sa

présence en territoire congolais, de ses attaques arméeset de son soutien aux

forces armées irrégulières en lutte contre le Gouvernement de la

République démocratique du Congo, ainsi que son exploitation intensive
des ressources naturelles congolaises, est de repousser une agression dont il

serait la victime.

5.28. Ce faisant, l'Ouganda est tenu de démontrer que l'ensemble de ces

actes constituent les seuls moyens de repousser l"'agression", comme

NGWEN QUOC DINH, Patrick DAILLIERet Alain PELLET,Droit international public,
6ème éd.,Paris, L.G.D.J.,1999, p. 952566, Joe VERHOEVEN,Droit international
public,Bruxelles,Larcier,2000,pp. 682-683.

* C.I.J.,Affaire des Activitésmilitaires,Recueil1985,176.4,

A.C.D.I.,1980,vol. II,lèreparp.67,s 119.l'indiquait le Rapporteur spécial de la Commission du droit international :

"[eln soulignant l'exigence du caractère nécessairede l'action armée en
état de légitime défense, on veut insister sur le point que 1'Etatagressé
(OU menacé d'agression imminente si l'on admet la légitime défense
préventive) ne doit en l'occurrence pas avoir eu de moyen autre
d'arrêter l'agression que le recours à l'emploi de la force armée.

Autrement dit, s'il avait pu atteindre ledit résultat par des mesures
n'impliquant pas l'emploi de la force armée, la justification du
comportement adopté en contradiction avec l'interdiction générale du
recours à la force armée ne pourrait pas jouer [...].On peut d'ailleurs
dire que les exigences de la 'nécessité'et de la 'proportionnalité' de

l'action menée en légitime défense ne sont que les deux faces d'une
même médaille. L'étatde légitime défense ne vaudra comme raison
d'exclusion de l'illicéitédu comportement de 1'Etatque si ce dernier ne
pouvait pas atteindre le résultat visé par un comportement différent,
n'impliquant aucun emploi de la force armée ou pouvant se réduire à

un emploi plus restreint de cette force" 1.

5.29. Ainsi, l'Ouganda devra expliquer en quoi des mesures militaires

adoptées sur son propre territoire, assortie d'une demande de collaboration

avec l'armée de la République démocratique du Congo de l'autre côtéde la

frontisre, ne constituait pas un autre moyen apte à atteindre son prétendu

objectif. A cet égard, l'Ouganda ne pourrait évidemment se contenter

d'affirmer que ces mesures auraient été vouées à l'échec. Ce n'est qu'en cas

d'échec avéréde toute action et de toute négociation tendant à faire cesser

un hypothétique soutien de la République démocratique du Congo aux

forces irrégulières que la condition aurait été remplie.

5.30. Dans l'affaire des Activités militaires, la Cour a estimé que les

conditions de nécessité etde proportionnalité ne pouvaient êtreconsidérées

comme réunies, et ce parce que

"...] quelles que soient les incertitudes existantes au sujet de

l'importance exacte de l'assistance que l'opposition armée au Salvador

A.C.D.I.,1980vol. Il&repartie,p67, F,120. a pu recevoir du Nicaragua, il est clair que [les] activités des Etats-Unis
sont sans proportion avec cette assistance" l.

5.31. Les mêmes conclusions s'appliquent, mutatis mutandis, à la

présente espèce. Les mesures adoptées par l'Ouganda, dont il faut rappeler

encore une fois qu'elles incluent une exploitation continue et un pillage

organisé des ressources naturelles du peuple congolais, sont sans commune

mesure avec l'objectif déclaréde lutter contre des forces irrégulières qui, par

hypothèse, bénéficieraient d'un soutien en provenance de la République

démocratique du Congo.

2. La réaction ougandaise est incompata ivlec le respecdtes prérogatives

du Conseilde sécurité conformément à l'articl51 de la Charte

5.32. En application de l'article 51 de la Charte, le droit de légitime

défense ne peut être invoqué pour justifier une action armée que

"jusqu'à ce que le Conseil de sécuritéait pris les mesures nécessaires
pour maintenir la paix et la sécurité internationales".

5.33. En l'espèce, on a vu que le Conseil de sécuritéavait adopté, le 9

avril 1999, la résolution 1234 (1999) par laquelle, après avoir déploré "que

des forces d'Etats étrangers demeurent en République démocratique du

Congo dans des conditions incompatibles avec les principes de la Charte des
Nations Unies", il "exige l'arrêtimmédiat des hostilités" et "demande [...le

retrait ordonné de toutes les forces étrangères" et "le rétablissement de

l'autorité du Gouvernement de la République démocratique du Congo sur

1 C.I.J.,Recueil1986,p122-123,§ 237.tout son territoire".

5.34. A partir de cette date, l'Ouganda ne pouvait en tout état de cause

plus invoquer son droit de légitime défense pour justifier son intervention.

La République démocratique du Congo a d'ailleurs déjà relevé que le

Conseil de sécurité avait réaffirmé sa position dans sa résolution 1304 (2000)

du 16 juin 2000, dans laquelle il affirme explicitement que l'Ouganda a violé

la souveraineté et l'intégritéterritoriale de la République démocratique du

Congo, et il exige en conséquence le retrait des troupes ougandaises de son

territoire. Quelles que soient les conclusions juridiques auxquelles on peut

aboutir au sujet des conditions de l'agression préalable, de la nécessitéet de

la proportionnalité, le respect de la résolution et des mesures nécessaires au

maintien de la paix et de la sécurité internationales qu'elles contiennent

s'imposait à 1'Etatougandais.

5.35. En définitive, l'argument de la légitime défense, à supposer qu'il

soit invoqué par l'Ouganda, manque totalement de fondement factuel et

juridique. En l'absence d'agression de la part de la République

démocratique du Congo, devant le caractère manifestement

disproportionné de l'action ougandaise par rapport à son prétendu objectif,

et face à une résolution du Conseil de sécuritéqui tranche clairement la

question en rejetant l'argumentation ougandaise, une seule conclusion

s'impose : c'est 1'Etatougandais qui est l'auteur d'un acte d'agression, et la

République démocratique du Congo qui se trouve en situation de légitime

défense.Section 2. Le caractèremanifestement non fondé des autres arguments

tendant à justifier l'action arméeougandaise

5.36. Rappelons que la République démocratique du Congo se trouve

actuellement dans l'incertitude la plus complète sur la question de savoir

quels pourraient être les arguments que l'Ouganda serait susceptible
d'avancer pour justifier son action armée. C'est donc dans une optique

prospective, et dans le souci de clarifier autant que possible la situation

juridique propre au présent différend, que la République démocratique du

Congo envisagera les arguments suivants :

- le consentement de 1'Etatlésé(A);

- le "droit de suite" (B);

- 1"'autoprotection" et la défense des "intérêts vitaux"(C);

- l'''intervention humanitaire" (D);

- le soutien à un peuple en lutte pour son autodétermination (E).

A. Le caractère manifestement non fondé de l'éventuel argument du

consentement de 1'Etatlésé

Rappelons que, dans notre cas d'espèce, les troupes ougandaises
5.37.
sont restée en territoire congolais avec le consentement de la République

démocratique du Congo, qui a néanmoins pris fin le 28 juillet 1998 avec le

décret du Président Kabila en appelant au retrait des troupes étrangères

(supra, chapitre 1).

5.38. Dans ces conditions, l'Ouganda ne peut invoquer l'argument du

consentement de la victime pour justifier son recours à la force, tel qu'il est

codifié à l'article 29 du projet de la Commission du droit internationale sur

la responsabilité des Etats, en vertu duquel : "1. Le consentement valablement donné par un Etat à la commission
par un autre Etat d'un fait déterminé non conforme à une obligation

de ce dernier envers le premier Etat exclut l'illicéitde ce faità l'égard
dudit Etat pour autant aue le fait reste dans les limites de ce
consentement.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas si l'obligation découle d'une
norme impérative du droit international général. Auxfins du présent
projet d'articles, une norme impérative du droit international général
est une norme acceptéeet reconnue par la communauté internationale
dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation

n'est permise et qui ne peut êtremodifiéeque par une nouvelle norme
du droit international généralayant le même caractère"(souligné par
la République démocratiquedu Congo).

5.39. Les termes soulignés indiquent que, en toute logique, le

consentement d'un Etat ne peut exclure l'illicéitédu comportement d'un

autre Etat que si et dans la mesure où ce comportement a été visé par le

consentement. Les discussions qui ont eu lieu, et qui se poursuivent, au

sein de la Commission du droit international sur l'opportunité de

maintenir l'article 29 au sein du projet 1, concernent le statut du

consentement comme circonstance excluant l'illicité, mais ne remettent
nullement en cause le principe fondamental selon lequel les effets

juridiques d'un consentement sont entièrement subordonnés non

seulement à la validité mais aussià l'étenduede celui-ci 2.

5.40. Dans notre cas, le consentement ayant cesséde produire ses effets

le 28 juillet 1998, il ne peut en aucun cas être invoquépour légitimer le

recours à la force qui a débutépostérieurement à cette date.

V. le compte-rendu dans Deuxièmrapportsur la respondabées Etatsprésentpar M.
JamesCrawford,op.cit.,p12etss.5 230etss.

V. p. ex. le nouveau texte de l'19tdu projetd'articlesadopté provisoirementpar le
Comitéde rédactionde la C.D.I.,qui l'exprimeexplicitement;C.D.I.,51èmesess., Doc.
A/CN.4/L.574, corriselonlesCorrigenda2e35.41. On se trouve au demeurant dans l'une des hypothèses, relevées

par l'ancien Rapporteur de la Commission du droit international sur la

responsabilité des Etats, celle du

"maintien d'un stationnement de troupes d'un Etat sur territoire

étranger, stationnement dont la licéité à l'origine n'était pas
contestée" 1,

avec la circonstance aggravante que les troupes ougandaises ont au surplus

mené des actions militaires offensives contre la République démocratique

du Congo et ont également apporté un soutien actif à des forces irrégulières.

5.42. En tout état de cause, les travaux de la Commission du droit

international mettent l'accent sur un certain nombre de conditions qui ne

sont pas présentes en l'espèce, et qui enlèvent donc toute crédibilité à

l'éventuel argument du consentement de 1'Etatlésé.

5.43. En premier lieu, l'ancien Rapporteur a indiqué que le

consentement doit être "valablement exprimé", et par conséquent

"clairement établi" 2. Aucun élément ne permet en l'espèce d'établir un

consentement de la République démocratique du Congo à ce que des troupes

ougandaises se maintiennent sur son territoire après le 28 juillet 1998, s'y

livrent à des attaques répétées,soutiennent des forces irrégulières et se

livrent à un pillage des ressources naturelles congolaises, sans même

évoquer les graves violations des droits de la personne observées sur le

terrain.

1A.C.D.I.,1979,vol. II,lèrepartie,p. 33,s 61.

A.C.D.I.,1979,ol. II,lèrepartie,p. 36,s 69.5.44. En second lieu,

"il va de soi que le consentement dont nous traitons doit être

attribuable à l'Etat sur le plan international, autrement dit, qu'il doit
provenir d'une personne dont la volonté est considérée, sur le plan
international, comme étant la volonté de l'Etat, et qu'il faut aussi que
cette personne ait la compétence pour manifester cette volonté dans le
cas spécifiquement considéré" 1.

L'Ouganda ne saurait dès lors se prévaloir d'un "consentement" qui aurait

étéémis par l'un ou l'autre dirigeant de forces irrégulières qui ne peuvent

prétendre représenter 1'Etat. A l'inverse, les résolutions du Conseil de

sécurité,et plus généralementle contexte diplomatique tel qu'il a été exposé

plus haut (supra, chapitre 1), montrent que le Gouvernement du Président

Kabila est considéré comme le représentant légitime de la République

démocratique du Congo. Et ce Gouvernement n'a pas accepté la présence

des troupes ougandaises sur son territoire après le 28 juillet 1998..

5.45. En troisième lieu,

"il faut préciser que le comportement de 1'Etat 'lésépeut représenter
une circonstance excluant l'illicéitédu comportement adopté par un
Etat dans un cas concret donné, àla condition que ce consentement ait
étéantérieur ou concomitant au comportement en question" 2.

L'Ouganda ne saurait des lors interpréter le comportement ultérieur de la

République démocratique du Congo, qui au demeurant n'a pas cessé de

protester contre la présence de ces troupes, comme en témoigne

l'introduction et la mise en Œuvre de la présente instance, comme une

sorte de consentement susceptible de valider a posteriori son agression

1A.C.D.I., 1979,vol. II,lèrepartie,p. 37,s 70.

A.C.D.I..,1979,vol. II,lèrepartie,p. 38,armée.

5.46. En tout état de cause, on peut fortement douter qu'un

consentement éventuel soit susceptible d'exonérer l'Ouganda de sa

responsabilité internationale pour un comportement qui, sans ce

consentement, serait incompatible avec une règle impérative de droit
international. En effet,

"[sli l'on admet l'existence en droit international de règles de jus
cogens (c'est-à-dire de règles impératives auxquelles aucune dérogation
n'est permise), on doit aussi admettre que le comportement d'un Etat
non conforme à une obligation prévue par l'une de ces règles doit
rester un fait internationalement illicite mêmesi 1'Etat'léséa' donné
son consentement à l'adoption du comportement en question [...]les
règles de jus cogens sont des règles dont l'applicabilitéà certains Etats
ne peut pas êtreécartéepar voie d'accords particuliers" 1.

5.47. Si les travaux les plus récents au sein de la Commission laissent

penser que l'on se dirige peut-être vers une suppression de ce paragraphe,

c'est pour des motifs qui ne remettent en rien en cause le principe qui y est

contenu, mais qui se ramènent à des raisons qui relèvent plutôt de la

logique juridique telle qu'elle est conçue par l'actuel Rapporteur spécial2.

5.48. En définitive, l'argument du consentement de la République

démocratique du Congo se révèle entièrement hypothétique, en fait comme

en droit. C'est ce qui peut expliquer qu'il n'a reçu aucun échoau sein du

Conseil de sécuritéqui, comme la République démocratique du Congo doit
encore le souligner, a estimé que la présence des troupes étrangères

présentes en territoire congolais était incompatible avec le respect des

1A.C.D.I.,1979,volII,lPrepartie,p. 5975.

V. Deuxièmerapportsur la respondabildes Etats présentépar M. James Crawford,
op.cit.,p. 15240, b).principes de la Charte des nations Unies. L'Ouganda ne saurait s'exonérer

de sa responsabilité internationale, sur cette base comme sur une autre.

B. Le caractère manifestement non fondé de l'éventuel arg -ument du "droit

de suite"

5.49. Les seuls éléments qui permettent de construire un semblant

d'argumentation attribuable à l'Ouganda présentent son action armée

comme destinée à mettre fin à l'activité de forces irrégulières ougandaises

qui opéreraient à partir d'une partie du territoire de la République

démocratique du Congo. Dans ces conditions, peut-être l'Ouganda sera-t-il

amené à invoquer l'argument du "droit de suite" qui, dans le passé, a

occasionnellement été avancé par certaines puissances intervenantes.

5.50. Cet argument a étéclairement rejeté par les Etats membres des

Nations Unies, notamment àl'encontre de l'Afrique du sud. Ainsi, dans sa

résolution 568 (1985) du 21 juin 1985, le Conseil de sécurité

"[dlénonce et rejette la notion du 'droit de poursuite' suivie par
l'Afrique du sud raciste pour terroriser et déstabiliser le Botswana et
d'autres pays d'Afrique australe".

5.51. Quant à la doctrine, elle adopte également un point de vue très

clair sur ce point:

"[lle franchissement de la frontière terrestre d'un Etat voisin sans son
consentement est une atteinte et une atteinte grave à la souveraineté
de cet Etat. On ne peut certainement pas faire intervenir ici la notion

d'une coutume internationale autonome, détachée, comme pour le
droit de poursuite maritime, de la notion générale de la légitime
défense. L'existence en droit d'une telle coutume ne pourrait être
démontrée que par l'assentiment donné à l'exercice de la poursuite par
un bon nombre dlEtat, ce qu'assurément bien peu seraient disposés à faire" 1.

5.52. Au demeurant, dans l'hypothèse mêmeoù l'Ouganda démontrait
un consentement de la République démocratique du Congo à l'exercice d'un

droit de poursuite, on imagine mal que ce dernier s'étende à des actions

militaires dirigées directement contre les autorités congolaises, à un soutien

aux forces irrégulières opposées à ces autorités, et au pillage des ressources

naturelles du peuple congolais. Une fois encore, l'argument manque

entièrement de fondement, en fait comme en droit.

C. Le caractère manifestement non fondé de l'éventuel argument de
1"'autoprotection" ou de la défense des "intérêts vitaux"

5.53. A première vue, le comportement de l'Ouganda s'assimile à celui

de certains Etats agresseurs, qui tendent à justifier leur occupation d'un Etat

voisin en affirmant qu'ils ne font que protéger leurs intérêtsvitaux, et qu'il

s'agirait en quelque sorte d'un moyen d'"autoprotection"

exceptionnellement admis par le droit international.

5.54. Comme la République démocratique du Congo l'a déjà signalé,

certaines interventions militaires dont on pourrait considérer qu'elles ont
été menéessous ce prétexte ont étéfermement condamnées par les Etats

membres de l'ONU, qu'il s'agisse de l'Afrique du sud, de la Rhodésie du

sud ,ou d'Israël.

5.55. Le droit international admet peut-être l'hypothèse d'une

situation extrême d'''état de nécessité", mais le projet précité de la

Charles DE VISSCHER, Problèmesde confinsen droit international public, Paris, Pedone,
1969,pp.178-179.Commission du droit international sur la responsabilité précise qu'

"[el, tout état de cause, l'étatde nécessiténe peut pas êtreinvoqué par

un Etat comme une cause d'exclusion d'illicéité
a) si l'obligation internationale à laquelle le fait de 1'Etat n'est pas
conforme découle d'une norme impérative du droit international
général [..]"1.

La Commission a à cet égard tenu àpréciserque

"[..]l'obligation dont le caract5re impératif ne saurait faire aucun doute

est celle qui interdit de porter atteinte par la force à l'intégrité
territoriale ou à l'indépendance politique d'un autre Etat. La
Commission tient à le souligner avec beaucoup de vigueur, car ce sont
les tentatives passées des Etats d'en appeler à l'étatde nécessitépour
justifier des actes d'agression, des conquêtes, des annexions réalisées

par la force qui sont le plus souvent à l'origine des craintes suscitées
par l'idée d'admettre la notion d'état de nécessité en droit
international" 2,

commentaire faisant suite aux préoccupations du Rapporteur spécial de

l'époque, selon lequel

"nous étant en dernier ressort posé la question des réactions actuelles

de l'opinio juris de la sociétéinternationale aux appels à l'idée de
'nécessité' qui se produiraient dans le domaine classique des
polémiques autour des us et abus de cette notion, à savoir dans celui
des obligations interdisant le recours à la force, nous avons pu
constater le net rejet de l'idée qu'une 'excuse de nécessité'pouvait
laver un Etat de l'illicéitéqu'entache un acte d'agression commis par

lui" 3.

5.56. Les discussions qui se sont ensuite poursuivies au sujet de

l'article 33 du projet n'ont jamais remis en cause ce principe, tout au

1 Art. 33 du projetd'articles,A.C.D.I.,1980,II,2èmepartie,p. 32.

2 A.C.D.I., 198II2èmepartie, p.49,s 37.

3 A.C.D.I., 1980,II,lèrepartp.49, 79.contraire l.

5.57. En réalité,la seule forme d"'autoprotection" admise est celle qui

équivaudrait à une mesure de légitime défense adoptée dans le plus strict

respect des conditions juridiques énuméréesci-dessus (section 1). C'est ce

qu'a précisél'ancien Rapporteur de la Commission :

"[lla légitime défense [est] aujourd'hui la seule forme d"autoprotection
armée' que le droit international admette encore, la seule exception
qu'il prévoit à l'interdiction généralede s'autoprotéger par le recours
aux armes" 2.

5.58. Dans ces conditions, on en revient à la condition d'une agression

armée préalable qui seule justifierait une riposte armée. La notion

d'''intérêtvitaux" n'est en revanche pas acceptable, comme l'indiquait le

Rapporteur de l'Institut de droit international dans son étude sur la

légitime défense :

"[lla notion d'intérêts vitaux doit êtreconsidérée comme périmée en
droit international moderne et cela d'autant plus qu'il n'existe pas de
critère pour la définir d'une manière tant soit peu exacte" 3.

5.59. L'Ouganda ne saurait des lors davantage invoquer dans cette

perspective la théorie des contre-mesures, tant il est un droit admis que "les

Etats ont le devoir de s'abstenir d'actes de représailles armées impliquant

V.le texte inchangésur cepoint, not. dans le nouveau texte de l33du projet d'articles
adopté provisoirement par le Comité de rédaction de la C.D.I., qui l'exprime
explicitement; C.D.I.,51èmesess., Doc.A/CN.4/L.574, corrigé selonles Corrigenda 2 et
3; v. aussi le Deuxièmerapport sur la respondabilitédes Etats présentépar M. James
Crawford, Rapporteur spécial, avril 1999,précité, not.p. 5286.

* A.C.D.I., 1980, II,lère partie, fi95.,

Jaroslav ZOUREK, "La notion de légitime défense en droit international", Rapport
provisoire in A.I.D.I.,tion de Wisbaeden, 1975, vol.56,p. 67.l'emploi de la force" l et qu'

"[uln Etat lésé ne doit pas recourir,à titre de contre-mesure:

a) à la menace ou à l'emploi de la force, interdits par la Charte des
Nations Unies (...)2.

5.60.
En tout état de cause, 1"'autoprotection"ou la défense des intérêts
vitaux ne constitue pas une circonstance susceptible d'exonérer la

responsabilité d'un Etat agresseur. Il ne suffit donc pas à l'Ouganda

d'évoquer la nécessitéde protéger la sécurité à ses frontières pour légitimer

son action arméeen République démocratique du Congo.

D. Le caractère manifestement non fondé de l'éventuel argument de

l'''intervention humanitaire"

5.61. Absolument rien n'indique dans les faits que les autorités

ougandaises aient prétendu agir au nom de la doctrine du "droit
d'intervention humanitaire" pour justifier leur présence en République

démocratique du Congo. Tout au contraire, on a déjàrelevéque ce sont les

troupes ougandaises qui se sont conduites de manière incompatibles avec

les exigences minimales découlant du respect des droits de la personne et du

droit humanitaire (supra, chapitre IV, section 2). Certaines allusions à des

actes "génocidaires" qui seraient commis en territoire congolais peuvent

néanmoins conduire à penser que l'argument humanitaire pourrait être

soulevépar l'Ouganda en la présenteespèce.

l Résolution2625(XXV)de l'Assemblée généradel'ONU.

* Art. 50 du projet d'articles sur la résponsades Etats de la Commission du droit
international;C.D.I.,1996,vol. 2, p. 68.5.62. Une fois encore, l'argument serait entièrement dépourvu de

fondement, en fait mais aussi en droit.

5.63. L'existence d'un droit d'intervention autorisant un Etat à agir

militairement pour assurer le respect des droits de l'homme au sein d'un

autre Etat, et ce en l'absence de toute autorisation du Conseil de sécurité,n'a

pas étéretenu par la jurisprudence internationale. Dans l'affaire des

Activités militaires,la Cour a clairement rejetésemblable possibilité :

"[dle toute manière, si les Etats-Unis peuvent certes porter leur propre
appréciation sur la situation des droits de l'homme au Nicaragua,
l'emploi de la force ne saurait êtrela méthode appropriée pour vérifier

et assurer le respect de ces droits"1.

5.64. Le droit international n'a pas véritablement évoluédepuis. La

condamnation d'un éventuel "droit d'intervention humanitaire" a au

contraire étéréaffirmée avecbeaucoup de clarté,en particulier par les Etats

du Tiers monde.

5.65. Ainsi, dans une déclaration du 24 septembre 1999 adoptée dans le
cadre du "Groupe des 77", les Ministres des affaires étrangères de 132

Etats (dont l'Ouganda et la République démocratiquedu Congo) :

C.I.J.,Recueil1986,134,s 268.

Etant donnél'importancede cette prise de position, la Républiquedémocratiquedu Congo se
permet de rappeler l'identité des Etats conce:Afghanistan, Algeria, Angola, Antigua
and Barbuda, Argentina, Bahams, Bahrain, Bengladesh, Barbados, Belize, Benin, Bhutan,
Bolivia, Bosnia and Herzegovina, Botswana, Brazil, Brunei Darussalam, Burkina Faso,
Burundi, Cambodia, Cameroon, Cape Verde, Central African Republic, Chad, Chile,
China, Colombia, Comoros, Congo, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Cuba, Cyprus, Democratic's
People's Republic of Korea, Democratic Republicof Congo, Djibouti, Dominica, Domonican
Republic, Ecuador,Egypt, El Salvador, Equatorial Guinea, Eritrea, Ethiopia, Fiji, Gabon,
Gambia, Grenada, Guatemala, Guinea, Guinea Bissau, Guyana, Haiti, Honduras, India,
Indonesia, Iran, Iraq, Jamaica, Jordan, Kenya, Kuwait, Lao People's Democratic Republic,
Lebanon, Lesotho, Liberia, Libyan Arab Jamahiriya, Madagascar, Malawi, Malaysia,
Maldives, Mali, Malta, Marshall Islands, Mauritania, Mauritius, Micronesia, Mongolia,
Morocco, Mozambique, Myanmar, Namibia, Nepal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Oman,
Pakistan, Palestine, Panama, Papua New Guinea, Paraguay, Peru, Philippines, Qatar, "[...] stressed the need to maintain clear distinctions between
humanitarian assistance and other activities of the United Nations.
Thev reiected the so-called righ- of humanitarian intervention, which
has no basis in the UN Charter or in international law. The Ministers

stressed the need fo scrupulously the Guiding Principles of
Humanitarian Assistance outlined in the Annex to the General
Assembly resolution 46/182" (soulignépar la République démocratique
du Congo) 1.

5.66. Cette position a été développéd eans une résolution adoptée le 20

août 1999 par la Sous-Commission de la protection et la protection des droits

de l'homme de l'ONU, par laquelle cette institution,

"Ayant à l'esprit les violations des normes et principes du droit
international des droits de l'homme qui se sont produites et

continuent de se produire dans différents pays et territoires, ainsi que
les opérations militaires lancées par un groupe d'Etats Membres avec
l'objectifdéclaréde mettre fin à ces types de violation [...];

Rappelant que les Membres de l'organisation ont conféréau Conseil de

sécuritéla responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales,

1. Exprime sa très ferme conviction que le prétendu 'devoir' ou 'droit'
de procéder à des 'interventions humanitaires', en particulier en

recourant à la menace ou à l'emploi de la force, est dénuéde tout
fondement juridique au regard du droit international général actuel et
ne peut en conséquence êtreconsidérécomme une justification des
violations des principes consacrés par l'Article 2 de la Charte des
Nations Unies;

2. Appelle tous les Etats à intensifier leurs efforts pour réaliser la

Romania, Rwanda, Saint Kitts and Nevis, Saint Lucia, Saint Vincent and the Grenadines,
Samoa, Sao Tome and Principe, Saudi Arabia, Senegal, Seychelles,Sierra Leone,
Singapore, Salomon Islands, Somalia, South Africa, Sri Lanka, Sudan, Suriname,
Swaziland, Syrian ArabRepublic, Thailand, Togo, Tonga, Trinidad and Tobago, Tunisia,
Turkmenistan, Uganda, United Arab Ernirates, United Republic of Tanzania, Uruguay,
Vanuatu, Venezuela, Viet Nam, Yemen, Zambia, Zimbabwe (la Yougoslavie n'est
temporairement pas admise?participer aux acivités du G 77).

Par. 69 et 70;Déclaration éàil'occasiondu 352me anniversaire de la créationdu "groupe

des 77"; consultable notamment sur le site de cette organisation
(http:/www.g77.org/Docs/Decll99 oulitmlpar la Républiquedémocratique du
Congo. coopération internationale dans la recherche de solutions pacifiques
aux problèmes humanitaires internationaux et à respecter strictement,
dans leurs actions et à cette fin, les normes et principes fondamentaux
du droit international général actuel et autres normes et règles

pertinentes du droit international des droits de l'homme et du droit
humanitaire international en particulier celles qui régissent le
fonctionnement des principaux organes de l'organisation des Nations
Unies, la responsabilité en cas de crimes de guerre, la réalisation et la
protection des droits des minorités nationales ou ethniques, et la
protection de la population civile et des installations civiles en cas
d'opérations militaires" 1.

5.67. Les réticencesdes Etats se marquent aussi à l'occasion des travaux

de la Commission du droit international relatifs à la responsabilité des Etats.

C'est notamment à partir des positions très fermes émises par certains Etats

que le Rapporteur actuel a tenu à préciser que ni l'"extrêmedétresse" ni

l'"état de nécessité"ne constituaient des circonstances propres à justifier

comme telles une intervention militaires, fusse-t-elle considérée comme

une "intervention humanitaire" 2.

5.68. Quant à la doctrine, elle reste très largement réticente à l'idée

d'admettre en droit international une nouvelle justification du recours à la

force qui laisserait aux seuls Etats intervenants le soin d'apprécier

unilatéralement si les conditions nécessaires à la mise en Œuvre d'une

action armée sont réunies 3.

Résolutionadoptée au scrutin secret par 20 voix contre 3, avec 2 abstentions; Doc. ONU,
E/~.4/sub.2/1999/L.11.

Deuxième rapport sur la respondabilité des Etats présenté par M. James Crawford,
Rapporteur spécial, 30avril 1999,op.cit.,pp5 272et 37-385286.

V.p. ex. Yorarn DINSTEIN, War Aggressionand Self-Defence,Cambridge, Grotius Pub.,
1988, p. 89.; Olivier CORTEN et Pierre KLEIN, Droit d'ingérenceou obligation de
réaction, Bruxelles, Bruylant, 2ème éd., 1996; Ian BROWNLIE, The RuleLaw in
International Affairs, The Hague, Martinus Nijhoff, 1998, pp. 205-209; Albrechts
RANDELZHOFER, Article 2(4) in Bruno Simma (Ed.), The Charter of the United
Nations, Oxford, Oxford University Press, 1994,pp. 123-1245.69. Finalement, et quellesque soient les controverses persistantes sur

ce point, il est indéniable que l'Ouganda a exprimé, notamment au sein du

"Groupe des 77", sa conviction selon laquelle tout "droit d'intervention

humanitaire" restait incompatible avec les principes de la Charte. Aucun

élément de fait ne serait par ailleurs susceptible de fonder, fut-ce à titre

d'hypothèse, un tel type d'argumentation.

E. Le caractère manifestement non fondé de l'éventuel argument de l'appui

armé à un mouvement de libération nationale

5.70. Le soutien actif apporté par l'Ouganda à des forces irrégulières

congolaises pourrait laisser penser que cet Etat prétend appuyer un

mouvement de libération nationale représentant un peuple exergant un

droit à disposer de lui-même, compris comme impliquant le droit de créer

un nouvel Etat, ce qui implique le "droit de chercher et de recevoir un

appui conforme aux buts et principes de la Charte des Nations Unies"

(résolution 2625 (XXV)de l'Assemblée généraledes Nations Unies).

5.71. A supposer qu'il soit un jour avancé, l'argument serait vain.

5.72. En premier lieu, aucune minorité située sur le territoire de la

République démocratique du Congo ne peut êtreassimilée à un "peuple"

bénéficiantd'un droit à la création d'un nouvel Etat. Le droit international

limite en effet ce droit aux hypothèses de décolonisation, d'occupation

étrangère ou de régime raciste, hypothèses dont personne n'a jamais
prétendu qu'elles s'appliquaient au cas de la République démocratique du

Congo. En dehors de ces situations, il n'existe aucun droit à la sécession au

profit des minorités, sujets de droit international auxquels ne sont audemeurant reconnus que des droits collectifs très limités 1

5.73. La République démocratique du Congo ne peut à cet égard que

rappeler les condamnations qu'a suscitéela tentative par une partie de son

territoire de se séparer avec l'appui d'une puissance étrangère,en violation

flagrante de intégritéterritoriale, et ce dès les lendemains de son accession à

l'indépendance 2.

5.74. En tout état de cause, à supposer mêmeque l'on considère par

pure hypothèse que les forces irrégulières congolaises puissent prétendre

représenter un peuple luttant pour son droit à l'indépendance, cela

n'autoriserait pas les Etats tiersà lui fournir une aide militaire substantielle.

Si les Etats sont divisés sur ce point, ils s'accordent en effet pour admettre

qu'un éventuel soutien ne saurait aller jusqu'à un envoi de troupes 3.

Finalement, l'Ouganda ne saurait justifier son intervention par
5.75.

un éventuel droit à l'autodétermination dont bénéficieraitune partie du

peuple congolais. Outre qu'il serait fondé sur une prémisse erronée (ce

droit à l'autodétermination ne peut être reconnu en l'espèce comme

impliquant un droit à la sécession),le raisonnement se heurte aux principes

juridiques existants, qui n'admettent nullement qu'un Etat en envahisse un

autre sous couvert de "libérer"une partie de sa population.

VOY. Théodore CHRISTAKIS, Le droit à l'autodéterminationen dehors des situations de
décolonisation,Paris, La documentation française, 1999, 676 p., et James CRAWFORD,
"State Practice and International Law in Relation to %cession", B.Y.B.I.L.,1999,pp. 85
et ss.

2 V.en particulier la résolution 169 (1961)adoptée par le Conseil de sécurité le24 novembre
1961.

3 Antonio CASSESE, "Ledroit international et la question de l'assistance aux mouvements de
libération nationalR.B.D.I., 1986,p. 326.F. Le caractère manifestement non fondé de la référence à des accords de

paix comme base juridique autorisant l'occupation

5.76. Lors de l'audience du 28 juin 2000 dans le cadre de la procédure en

indication de mesures conservatoires, l'Ouganda a fait référenceaux accords

de Lusaka pour justifier sa présence continue en territoire congolais.

5.77. L'argument est pour le moins étonnant, et ce àbien des égards.

5.78. D'abord, on relèvera qu'il ne peut en aucun cas justifier la

présence militaire de l'Ouganda à la date du dépôt de la requête, le 23 juin

1999. Les accords ont en effet étéconclus le 10juillet 1999 et, en l'absence de

clause particulière, ils ne peuvent en aucun cas rendre rétroactivement

licite l'occupation continue du territoire congolais par les troupes

ougandaises depuis le mois d'août 1998.

5.79. Ensuite, l'argument est totalement inconciliable avec les accords

eux-mêmes. Leur objet et leur but est notamment d'organiser le retrait des

troupes étrangères, et non de leur permettre de poursuivre indéfiniment

leur occupation. Absolument aucune disposition ne prévoit la possibilité

de demeurer en territoire congolais au-delà du calendrier prévu. Ce

calendrier précise très clairement que le retrait complet devra être opéré

dans les six mois de la signature de l'accord. Ce délai n'a indéniablement

pas été respecté. Il paraît lors totalement absurde pour l'Ouganda

d'invoquer des accords qu'il a violés et bafoués pour justifier la présence

continue de son armée en territoire congolais.

5.80. L'Ouganda semble cependant se référer à une sorte d'exceptiond'inexécution, ou de contre-mesure, en faisant remarquer que, à ses yeux,

c'est la République démocratique du Congo qui a en premier lieu violéles

accords, notamment dans son volet qui concerne la réconciliation nationale.

Cet argument ne saurait évidemment êtreretenu, et ce pour deux raisons
au moins.

5.81. En premier lieu, l'Ouganda n'apporte pas la preuve de ses

allégations. La République démocratique du Congo remplit ses

engagements aux termes des accords de Lusaka, ce qui s'est traduit

notamment par l'acceptation de l'entréesur son territoire des Forces des

Nations Unies. Si certains problemes de mise en Œuvre touchant le

processus de réconciliation nationale ont pu être constatés,cela ne constitue
pas une violation des accords. En tout état de cause, l'Ouganda n'est en

aucun cas concerné par ce volet particulier, et ne saurait se prévaloir des

difficultésinternesà 1'Etatcongolais pour agresser ce dernier.

5.82. En second lieu, aucune contre-mesure ni exception d'exécution

ne peut justifier des actes d'agression et d'exactions touchant directement la

population civile. La République démocratiquedu Congo l'a déjàsignaléci-

dessus l,et la conclusion découle de l'artic60 de la Convention de Vienne

sur le droit des traités. La procédure à suivre concernant la suspension de

l'application d'un traité,prévue à l'articl65 de cette même convention, n'a
du reste pas été suivie. Il est donc totalement exclu de se prévaloir d'une

hypothétique violation préalable des accords de paix par la République

démocratique du Congo pour justifier l'agression, l'occupation et les

exactions perpétréespar l'Ouganda.

V.supra5 5.59.5.83. Mais peut-être l'Ouganda prétendra-t-il que les accords eux-

mêmes autoriseraient implicitement le maintien des troupes étrangères en

territoire congolais tant que la République démocratique du Congo ne

remplit pas entièrement ses obligations aux termes de l'accord. L'argument

se heurterait d'abord au texte même de ces accords, qui ne prévoit

absolument rien de tel. Il reviendrait par ailleurs à interpréter le texte en

aboutissant à un résultat manifestement absurde et déraisonnable. Il est en

effet difficile d'imaginer que la République démocratique du Congo ait

accepté que l'Ouganda maintienne ses troupes sur son territoire aussi

longtemps que, aux yeux des autorités ougandaises, la partie congolaise n'a

pas rempli ses obligations. Il ne faut pas oublier que le retrait des troupes

ougandaises était, et est restéun droit que la République démocratique du

Congo tire des normes les plus impératives du droit international. En

aucun cas cette obligation ne peut êtresuspendue par un accord. En tout

état de cause, si les accords devaient être interprétés comme conférant à

l'Ouganda un droit de maintenir ses troupes tant qu'il estime que la

République démocratique du Congo n'a pas rempli ses propres obligations,

les plus sérieux doutes pourraient être émis au sujet de la validité des

"accords de Lusaka". De tels engagements ne pourraient en effet avoir été

obtenu que sous la contrainte c'est-à-dire, aux termes de l'article 52 de la

Convention de Vienne, que par la "menace ou l'emploi de la force en

violation des principes du droit international incorporés dans la Charte des

Nations Unies".

5.84. Mais, bien évidemment, la République démocratique du Congo

estime qu'il convient d'interpréter les accords tout autrement. La

République démocratique du Congo a pris des engagements particuliers

dans un esprit de coopération et de pacification à l'égard, d'une part, de

certains Etats voisins, dont l'Ouganda, d'autre part, de composantes internesde 1'Etat congolais. C'est dans ce contexte que les modalités du retrait des

troupes étrangères ont fait l'objet de négociations. Il n'a en revanche jamais

étéquestion de transiger avec le principe même de l'obligation de se retirer

dans les plus brefs délais, conformément aux règles les plus essentielles du

droit international. Il s'agit là de la seule facon logique et raisonnabde lire

ces accords. L'Ouganda ne peut en aucun cas se prévaloir de ces accords

pour justifier la poursuite de son agression en violation de la Charte des

Nations Unies dont, au demeurant, l'article 103 prévoit qu'elle est amenée à

prévaloir sur tout autre accord international. Dans son ordonnance du ler

juillet 2000 rendue en l'affaire des Activitésmilitaires surle territoire du

Congo, la Cour, après avoir "pris note de l'accord de Lusaka", a considéré

"que cet accord constitue un accord international liant les Parties" 1. Le fait

que la Cour ait tenu primafacie l'accord de Lusaka pour valide suppose que

l'on ne puisse l'interpréter en lui donnant un sens qui irait à l'encontre des

règles fondamentales du droit international en matière de non-recours à la

force.

5.85. En dernier lieu, on relèvera que le Conseil de sécurité a

clairement écarté toute interprétation des accords de Lusaka tendant à

conférer à l'Ouganda un droit de subsister en République démocratique du

Congo tant que, à son seul jugement, sa sécurité n'estpas garantie.

5.86. Dans sa résolution 1304 (2000)du 16 juin 2000, on se rappellera en

effet qu'il

"Condamne à nouveau sans réserve les combats entre les forces

ougandaises et rwandaises à Kisangani, en violation de la souveraineté

C.I.J.,affaire des Activitésmilitairessur le territoiredu Congo(Républiquedémocratique
du Congo c. Ouganda),ordonnance duler juil2000,s 37soulignéparla République
démocratiqudu Congo. et de l'int-gritéterritoriale de la Révubliaue démocratiaue du Congo
[..j

Exige également
a) Que l'Ouganda et le Rwanda, aui ont violé la souveraineté et
l'intégrité territorialede la Révubliaue démocratiaue du Con~o,
retirent toutes leurs forces du territoire de la République démocratique
du Congo sans plus tarder, conformément au calendrier prévu dans
l'accord de cessez-le-feu et le Plan de désengagement de Kampala en
date du 8 avril 2000 [...](Soulignépar la République démocratique du
Congo).

Les termes soulignés montrent que, aux yeux du Conseil, les attaques de

Kisangani comme, plus généralement,la présence des troupes ougandaises

en République démocratique du Congo, sont illicites, alors mêmeque sont

mentionnés les accords de Lusaka.

5.87. En d'autres termes, toute l'argumentation soutenue par

l'Ouganda lors de la procédure orale ayant précédé l'ordonnance de la Cour

sur l'indication des mesures conservatoires est contredite par la Conseil de

sécurité. Celui-ci ne laisse en aucune manière entendre que la présence

continue des troupes ougandaises en République démocratique du Congo

peut s'appuyer sur les accords de Lusaka et sur son calendrier de retrait. Au
contraire, il affirme très clairement que l'Ouganda viole la souveraineté de

la République démocratique du Congo, et écartedonc tout type d'excuse ou

de justification. Dans cette perspective, la formule selon laquelle les troupes

doivent se retirer "sans plus tarder", conformément au calendrier prévu par

les accords, signifie que le retrait immédiat découledu calendrier lui-même,

comme la République démocratiquedu Congo l'a signaléplus haut. Le sens
ordinaire de l'expression ne saurait faire de doute. A cet égard, onrappellera

que dans son ordonnance du ler juillet 2000, la Cour a elle-même opéré

prima facie un renvoi à la résolution 1304 (2000) du Conseil de sécurité,notamment pour l'indication des mesures conservatoiresl.

G. Le caractère manifestement non fondé de la référenceau "Protocole du

27 avril 1998" comme base iuridisue autorisant l'occuvation

5.88. Lors de ses plaidoiries orales précédent l'ordonnance de la Cour

en indication de mesures conservatoires, l'Ouganda a soudainement

invoqué un "Protocol between the Democratic Republic of Congo and

Republic of Uganda on Security along the Common Border", conclu le 27

avril 1998, pour justifier son occupation du territoire congolais. La

République démocratique du Congo s'étonne qu'un "Protocole" qui n'a, à sa

connaissance, pas étéenregistré aux Nations Unies, soit invoqué devant un

organe de l'ONU en dépit de l'article 102 de la Charte. En tout état de cause,

ce texte ne saurait à l'évidence constituer une base juridique quelconque

pour justifier le comportement adopté par l'Ouganda à partir du mois

d'août 1998.

5.89. Selon le document annexé par l'Ouganda à ses plaidoiries,

l'accord énonce que

"Concernina the Militarv

The two parties recognised the existence of ennemy groups which
operate on either side of the common border. Consequently, the two
armies agreed to CO-operatein order to insure security and peace along
the common border".

5.90. L'Ouganda n'a pas expliqué comment il pouvait déduire de ce

passage un droit de demeurer en territoire congolais contre la volonté de

C.I.J.,affaire des Activitésmilitairessur le territoiredu Congo(République démocratique
du Congoc.Ouganda),ordonnancedu lerjuillet0,s41et47.

230son gouvernement, ce qui correspond pourtant àla réalitédepuis le mois

d'aofit 1998. La seule obligation mentionnée renvoie à un devoir de
coopération qui n'est pas autrement précisé,mais dont on imagine mal

qu'il implique un droit à l'agression,àl'occupation, au pillage des biens et

ressources et aux exactions. Absolument rien dans le texte ne laisse

entendre que l'armée de l'une des parties peut traverser la frontière de

l'autre partie sans autorisation, ni a fortior sationner de manière

permanente sur le territoire de cette autre partie, alors même que les

autorités officielles ont ordonné un retrait immédiat.

5.91. En définitive, si un Etat a violé ledevoir de coopération énoncé

dans ce texte, c'est bien évidemment l'Ouganda, qui a refusé de retirer ses

troupes lorsque les autorités congolaises le lui ont demandé.CONCLUSIONDU CHAPITRE

5.92. Dans un esprit constructif de collaborationà l'établissement de la

véritéjudiciaire, la République démocratique du Congo a passé en revue

tous les arguments qui seraient susceptibles d'êtreavancés par l'Ouganda en

vue de justifier son agression. Aucun de ces arguments n'est recevable, de

sorte qu'on ne peut que conclure à l'illicéidu comportement de cet Etat. Il

en va d'abord ainsi pour la seule exception juridiquement admise à

l'interdiction du recours à la force, la légitime défense. L'exception est en

effet inapplicable en l'espèce, en l'absence d'une agression préalable mais

aussi des autres conditions juridiquement nécessaires. Quant aux autres

causes de justifications potentielles,comme le consentement de 1'Etat lésé,

le "droit de suite", l"'autoprotection", l'''intervention humanitaire" ou le

soutien à un mouvement de libération nationale, elles sont manifestement

dénuéesde tout fondement, en fait comme en droit.

5.93. Enfin, rappelons qu'aucune des excuses ou justifications qui ont

été avancées ci-dessus ne sauraient, en aucun cas, justifier les violations des

droits de l'homme dont se sont rendues coupables les autorités ougandaises,

que ce soit par leurs actions propres ou par leur soutien actif et substantiel

aux forces irrégulières coupables d'exactions. En d'autres termes, à supposer

même que l'on admette - par impossible et pour les besoins de la

démonstration - , que le principe d'une occupation militaire d'une partie
du territoire congolais soit justifié, cela n'exclurait en rien l'illicéité

découlant des violations des droits de la personne et du droit humanitaire.5.94. Le constat est clair pour ce qui concerne la légitime défense,

comme l'a récemment souligné le rapporteur spécial actuel de la

Commission du droit international :

"[cle qui importe ici, c'est que certaines obligations ne doivent jamais

êtreviolées, mêmedans l'exercice du droit de légitime défense. C'est
dans le domaine du droit international humanitaire et de la protection
des droits de l'homme que l'on en trouve les exemples les plus
éloquents" l,

ce qui l'a amené à suggérer qu'il soit explicitement prévu dans le texte de la

disposition relative à la légitime défense qu'elle

"ne s'applique pas aux obligations internationales qui sont,
expressément ou implicitement, des obligations d'abstention totale [...]

en particulier aux obligations à caractère humanitaire relatives à la
protection de la personne humaine en période de conflit armé ou
d'état d'urgence national" 2.

5.95. Il l'est également pour les autres circonstances analysées plus

haut, qu'il s'agisse du consentement de llEtat, du droit de suite, de

l'autoprotection, ou de l'intervention humanitaire, ...

5.96. C'est donc à plusieurs titres que l'Ouganda engage sa

responsabilité internationale pour la violation des principes de la Charte des

Nations Unies exposée dans le chapitre précédent. Il resteà la République

démocratique du Congo à préciser quelles sont les conséquences juridiques

qui découlent de la mise en Œuvre de cette responsabilité.

Deuxième rapportsur la respondabilitédes Etats présenté par M. James Crawford,
Rapporteurspécial30 avril 1999,op.cit.43,§ 298.

* Ibidem,p. 71,propositiond'unnouvelarticle29ter). - -CHAPITREVI
r- 16.01. La République démocratique du Congo est aujourd'hui un Etat

occupé, et est quotidiennement et continuellement victime des violations

les plus graves des principes les plus essentiels et fondamentaux du droit

international contemporain. La République démocratique du Congo a

montré que, en particulier, l'Ouganda s'étaitrendu coupable de nombreuses

violations du droit international (supra, chapitre IV), et qu'il ne pouvait se

prévaloir d'aucune circonstance excluant l'illicéité de son comportement

(supra, chapitre V).

6.02. La première conséquencejuridique qui en découle est que l'on est

en présence de faits internationalement illicites, au sens donné à cette

expression par I'article 3 du projet d'article adopté en première lecture par la

Commission du droit international :

"Ily a fait internationalement illicite de 1'Etatlorsque :

a) un comportement consistant en une action ou en une omission est
attribuable d'après le droit international à 1'Etat;et

b) ce comportement constitue une violation d'une obligation
internationale de 1'Etat" 1.

6.03. Il y a dès lors lieu d'appliquer le principe coutumier codifié à

l'article premier de ce mêmeprojet :

"Resvonsabilité de 1'Etat~our ses faits internationalement illicites

Tout fait internationalement illicite d'un Etat engage sa responsabilité
internationale" 2.

1 Texte dans Rapport de la Commissiondu droit internationalsur les travaux de sa 48ème
session, 6mai-26 juillet1A.G., Doc. off., 51èsess.Suppl. NoIo (A/51/10),p.149.

Ibidem,p.148.

2356.04. L'Ouganda voit donc sa responsabilité engagée pour les nombreux

actes illicites qu'il a commis, et qu'il commet encore, à l'encontre de la

République démocratique du Congo

6.05. L'objet du présent chapitre est de préciser les conséquences

juridiques qui découlent de l'établissement de cette responsabilité. La

République démocratique du Congo précisera ainsi quels sont en l'espèce les

"droits de 1'Etat lésé et les obligations de 1'Etat auteur du fait

internationalement illicite"1.

6.06. Les conséquences juridiques découlant de l'établissement de la

responsabilité internationale de l'Ouganda seront exposées en distinguant

l'obligation de cessation du comportement illicite (section 1) et l'obligation

de réparation (section 2), celle-ci prenant elle-même plusieurs formes

(restitution en nature, indemnisation, satisfaction et assurances et garanties

de non-répétition). La République démocratique du Congo précisera dans

cette perspective dans quelle mesure les principes juridiques énoncés

s'appliqueront de maniere différenciéeen fonction des différentes catégories

d'actes illicites attribuables l'Ouganda.

Çelon la formuledu chapitIIde la25rnepartiedu projetprécité aCommissiondu droit
international.Section 1. L'obligationde cessationdel'acteillicite

6.07. Un certain nombre de violations du droit international

attribuables à l'Ouganda ont commencé à la fin du mois de juillet 1998, mais

se poursuivent toujours au jour du dépôt du présent mémoire. Il s'agit

essentiellement de l'occupation militaire d'une partie substantielle du

territoire de la République démocratique du Congo, ainsi que l'exploitation

continue des ressources naturelles congolaises et du pillage de ses biens qui

l'accompagne (supra, chapitre II).

6.08. Juridiquement, on est là en présence de la "violation d'une

obligation internationale réaliséepar un fait de 1'Etat s'étendant dans le

temps" 1,violation réaliséepar ce que la Commission a défini comme un

"fait continu", expression qui elle-mêmedésigne

"[ ...un comportement de 1'Etat - à savoir une action ou omission
attribuable à 1'Etat[...]qui s'étale, toujours le même, sur un laps de
temps plus ou moins long : autrement dit un fait qui, apres s'être
produit, continue d'exister en tant que tel et non pas seulement dans
ses effets et dans ses conséquences" 2.

Tel est indéniablement le cas d'une occupation illicite, au demeurant

explicitement désignédans le commentaire, qui cite notamment

"l'occupation illégitime d'une partie du territoire d'un autre Etat, le
maintien dans cet autre Etat, sans son consentement, de contingents
armés [..]"3.

Article 25 du projet d'articles de la Commission du droit international précitésur la
responsabilité de1'Etat.

2 A.C.D.I.1978,II2&mepartie, p. 101.

ibidem.6.09. C'est précisément pour couvrir ce type de situation que le droit

international prévoit l'obligation de cessation de l'acte illicite. La

République démocratique du Congo commencera par exposer la teneur de

ce principe juridique (A), avant de détailler les modalités qu'il peut

recouvrir (B).

A. Le princip e juridique de la cessation de l'acte illicite à char~-e de

l'Ouganda

6.10. L'article 41 du projet d'articles de la Commission du droit

international sur la responsabilité de 1'Etat est intitulé "cessation du

comportement illicite", et prévoit que

"Tout Etat dont le comportement constitue un fait internationalement
illicite ayant un caractère de continuité est tenu de l'obligation de
cesser ce comportement, sans préjudice de la responsabilité qu'il a déjà

encourue" 1.

6.11. Dans le commentaire précisant le sens et la portée de cette

disposition, la Commission regrette que l'on minimise souvent

l'importance de cette exigence spécifique, notamment parce que

"même lorsque les parties comparaissent devant un organe
international à un moment où le comportement incriminé se
poursuit, 1'Etatdemandeur présente ses demandes moins en termes de

cessation du comportement illicite l'illicéitéelle-même étant à ce
stade controversée - qu'en termes de mesures provisoires ou
conservatoires que le juge peut indiquer ou peut-être imposer à 1'Etat
auquel est imputée la violation" 2.

Rapport de la Commissiondu droit internationalsur les travaux de sa 48èmesession, 6 mai-
26juillet 1996,op.cit.164.

A.C.D.I.1993,II, 2èmepartie, p.573.6.12. Sans exclure aucunement la possibilité de recourir à l'institution
des mesures conservatoires s'il s'avère que les circonstances l'exigent et ne

lui laissent plus que ce seul choix, la République démocratique du Congo

entend en tout état de cause insister d'emblée sur l'importance d'une

cessation immédiate des actes illicites résultant de l'occupation de son

territoire et de l'exploitation continue de ses ressources naturelles.

6.13. L'obligation de cessation exprimée dans l'article 41 précité découle

incontestablement d'une règle coutumière bien établie du droit

international contemporain.

6.14. Elle a éténotamment mise en Œuvre par le Conseil de sécurité

qui, dans des cas d'occupation, a énoncéexpressément le devoir de cessation
de l'acte illicite. Pour ne reprendre qu'un exemple, dans sa résolution 545

(1983)du 20 décembre 1983,après avoir constaté l'illicéité du comportement

de l'Afrique du sud, il

"3. Exigeque l'Afrique du sud retire immédiatement et sans condition
toutes ses forces d'occupation du territoire angolais, cesse toutes
violations contre cet Etat et respecte désormais scrupuleusement la
souveraineté et l'intégritéterritoriale de l'Angola;
4. Considère, en outre, que l'Angola a droit à une indemnisation
appropriée pour tous les dommages matériels qu'il a subis" (souligné
par la République démocratiquedu Congo).

L'expression soulignée montre bien que l'obligation de cessation s'impose

préalablement et indépendamment de la question de la réparation.

6.15. Cette pratique non contestée a aussi été consacrée par la

jurisprudence internationale, en particulier de la Cour internationale de
Justice. C'est ainsi que, dans l'affaire du Personnel diplomatique,la Cour "Décideque le Gouvernement de la République islamique d'Iran doit

prendre immédiatement toutes mesures pour remédier à la situation
qui résulte des événements du 4 novembre 1979 et de leurs suites
[..]"1.

De même, et dans une affaire dont les faits se rapprochent davantage de

notre cas d'espèce, la Cour

"Décide que les Etats-Unis d'Amérique ont l'obligation de mettre
immédiatement fin et de renoncer à tout acte constituant une

violation des obligations juridiques susmentionnées;
Décideque les Etats-Unis d'Amérique sont tenus envers la République
du Nicaragua de l'obligation de réparer tout préjudice causé A celle-ci
par la violation des obligations imposées par le droit international
[..]" 2.

Les deux paragraphes montrent une fois encore que l'obligation de cessation

constitue un préalable à celle qui porte sur la réparation.

6.16. Il faut d'ailleurs relever que, à la différence de cette dernière qui

met en jeu l'existence de règles secondaires qui se rattachent directement

aux droits de 1'Etat lésé,l'obligation de cessation de l'acte illicite existe

indépendamment de toute action ou de toute demande, mais découle tout

simplement de la persistance des obligations découlant des règles primaires

violées :

"[à]la différence des articles relatifs à la réparation qui le suivent,
l'article [devenu l'article 411 impose une obligation à 1'Etat auteur et
ce, conformément à l'opinion de la Commission selon laquelle la

cessation ne constitue pas une forme de réparation, mais une
obligation découlant de la conjonction et d'un comportement illicite
en cours et de l'action normative de la règle primaire à laquelle le
comportement illicite contrevient. Alors que, pour les différents

C.I.J.,Recueil1980,p. 43,du dispositif de l'arrêt.

C.I.J.,Affaire des Activités milita, ecueil 1986, p. 15§,12 et13 du dispositif de
l'arrêt. modes de réparation, il est justifié de donner la préférence à une
formulation reposant sur.les droits de 1'Etat lésé, carc'est par une
décision dudit Etat qu'un ensemble secondaire de rapports juridiques
est mis en branle, la situation est différente dans le cas de la cessation,
où même si une initiative de 1'Etatléséest à la fois juridiquement
fondée et normale, l'obligation de faire cesser le comportement illicite

doit être considérée non seulement comme présente, mais aussi
comme effective sur la seule base de la règle primaire,
indépendamment de toute représentation ou demande de 1'Etatlésé" l.

6.17. Dans la même perspective, il faut du reste souligner que

l'obligation à charge de l'Ouganda de cesser immédiatement les violations

de règles aussi essentielles que l'interdiction du recours à la force, le
principe de non-intervention, la souveraineté des Etats ou le droit des

peuples à disposer d'eux-mêmes apparaît comme une nécessité non

seulement pour la République démocratique du Congo mais, au-delà, pour

la préservation de l'ordre juridique lui-même. Comme l'a relevé la

Commission du droit international,

"[lla nécessitéde prévoir la cessation parmi les conséquences du fait
internationalement illiciteà caractère continu découlait, selon le

Rapporteur spécial, du fait que tout comportement illicite d'un Etat,
outre qu'il causait des dommages à un autre Etat, constituait une
menace pour la règle que 1'Etat auteur avait violée par son
comportement illicite. Dans un système où l'élaboration, la
modification et l'abrogation des règles reposaient sur la volonté des
Etats, tout fait d'un Etat qui n'était pas conforme à une règle existante
représentait une menace, non seulement pour l'efficacitéde la règle
enfreinte, mais aussi pour sa validité et, partant, pour son existence

même [...]. Une règle sur la cessation était donc souhaitable, non
seulement dans l'intérêtde 1'Etatou des Etats lésés maisaussi dans
l'intérêtde tout autre Etat qui pourrait vouloir tabler sur la règle
enfreinte, et dans l'intérêt générd al la sauvegarde de la primauté du
droit" 2.

1 Commentaireadoptéprovisoirementparla Commissiondu droit internationàlsa 45Pme
sess., A.C.D.L, 1II,2eme partie,60,5 15.

Rapport de la Commissiondu droit internationalsur les travaux de sa 40èmesession(9 mai-
29juillet 1988),A/43/10, A.C.D.I.,II2Pmepartie,p.111,§537.6.18. Ces considérations montrent que l'obligation de cessation ne

saurait en aucun cas être éludée, entravée ou minimisée en raison de

difficultés éventuelles concernant les modalités de la réparation. Ce point a

étésouligné tout particulièrement par l'ancien Rapporteur spécial, le

professeur Arangio-Ruiz :

"[alucune des difficultés susceptibles d'entraver ou d'empêcher la
restitution en nature ne saurait affecter l'obligation de faire cesser le
comportement illicite".

6.19. La première et inéluctable conséquence juridique de

l'établissement de la responsabilité internationale de l'Ouganda est son

obligation de cesser immédiatement tout acte illicite qui se poursuit à la date

de l'arrêt quela Cour sera amené àprononcer en la présente espèce.

B. Les modalités de l'oblig -ation de cessation de l'acte illicite à char-e de

l'Oug-nda

6.20. L'obligation de cessation concerne tous les faits illicites continus,

et en particulier l'occupation du territoire congolais, l'appui donné aux

forces irrégulières opérant sur ce territoire, et l'exploitation des ressources

naturelles de la République démocratique du Congo.

La première mesure obligatoire concerne donc le retrait immédiat
6.21.

de tous les soldats ougandais qui se trouvent actuellement en territoire

congolais. Cette obligation a du reste étéexplicitement énoncée par le

Conseil de sécurité dans sa résolution 1234 (1999) du 9 avril 1999, par

laquelle il demande aux Etats étrangers "demeurant en République

Rapport préliminaireur la responsabildes Etats, 18 27mai 1988, A.C.D.I.,1988,vol.
II2Gmepartie, p.20,s 57.

242démocratique du Congo dans des conditions incompatibles avec les

principes de la Charte des Nations Unies"

"...]de mettre fin à la présencede ces forcesnon invitées et de prendre

immédiatement des mesures à cet effet"(§ 2 de la résolution).

De même,le Conseil "exige"que l'Ouganda, qui ."[a]violéla souveraineté et

l'intégrité territoriale de la République démocratique du Congo", retire

"toutes [ses] forces de la République démocratiquedu Congo sans plus tarder

[...]"(résolution1304(2000)du 16juin 2000).

6.22. Une deuxième mesure assurant la fin d'une violation continue
du droit international est le retrait immédiat de l'appui conféréaux forces

irrégulières qui tentent de renverser par la force le Gouvernement légitime

de la République démocratique du Congo. L'Ouganda a l'obligation de

mettre fin à toutes les formes d'appui, militaire, logistique, économique,

financier ou autres, qu'il apporte à ces forces. Il doit également prendre

toutes les mesures en son pouvoir pour que ces forces n'opèrent pas à partir

de son territoire, conformément aux obligations internationales qui sont à
sa charge, et en particulier du principe de non-intervention dans les guerres

civiles.

6.23. Une troisième mesure qui s'impose est la libération immédiate de

toutes les personnes, militaires ou civiles, qui ont été enlevées en territoire

congolais, et qui sont encore détenues par les autorités ougandaises.

Une quatrième mesure impérieuse est l'arrêt immédiatde toute
6.24.
forme d'exploitation des ressources naturelles en territoire congolais, en

particulier les ressources minières du nord-est du pays qui font l'objet d'un

véritable pillage organisédepuis de longues années.6.25. Ces mesures sont énoncées à titre illustratifLe principe de la

cessation de l'acte illicite couvre en tout état de cause toutes les

conséquences avérées des violations continues du droit international

perpétréespar l'Ouganda.

6.26. Celui-ci est d'ailleurs tenu d'obligations de faire (obligations de

retrait, de libération de personnes détenues, de prendre toutes les mesures

visant à empêcher que des forces irrégulières agissent à partir du territoire

ougandais) mais aussi de ne pas faire (fin de l'occupation, du soutien aux

forces irrégulières et de l'exploitation des ressources naturelles). C'est en ce

sens que la Commission du droit international a préciséque

"[ ..la cessation s'applique à tous les faits illicites qui se prolongent

dans le temps, que le comportement de 1'Etatauteur soit une action ou
une omission, puisqu'il peut y avoir cessation dans une abstention
d'agir- cas du soutien accordé aux contras, par exemple - ou dans
une conduite positive, comme la libération des otages des Etats-Unis à
Téhéran" 1.

Rapportde la Commissiondu droit internatiolur les travauxde sa 45èmesession,op.cit.,
p.60,s 16.

244Section 2. L'obligation de réparation

6.27. Les actes internationalement illicites attribuablàsl'Ouganda ont

causé à la République démocratiquedu Congo des dommages considérables,

et de plusieurs ordres. Il s'agit en effet d'abord des dommages matériels

résultant de l'agression et de l'occupation, qui couvrent tous les dégâts
causés aux bâtiments, voies de communication et infrastructures de la

République démocratique du Congo. Il s'agit aussi des dommages humains

considérables qui découlent de l'usage de la force et des violations des droits

de la personne. Il s'agit enfin du dommage moral entraîné par l'occupation

insolente d'une partie du territoire de la République démocratique du

Congo par les forces ougandaises.

6.28. L'ensemble de ces dommages donnent évidemment lieu à une

obligation de réparation, et on donnera dans les lignes qui suivent un

aperçu de leur importance et de leur ampleur. La République démocratique

du Congo étant toujours dans une situation exceptionnelle de guerre et

d'occupation, ne peut évidemment prétendre à ce stade exposer le détaildes
nombreux préjudices qu'ellea subis et qui sont attribuables àl'Ouganda. A

fortior ne cherchera-t-elle pas à évaluer avec précision les montants

permettant de chiffrer ces préjudices en vue d'une réparation pécuniaire.

La Cour trouvera en annexe un mémorandum faisant état d'estimations

qui couvrent certaines parties du conflit1. C'està titre purement illustratif

et indicatif que ce mémorandum est fourni. C'est à une phase ultérieure de

la procédure judiciaire que la République démocratiquedu Congo se réserve

le droit de produire des éléments précis et complets tendant à appuyer une

demande en réparation.

1 AnnexeMRDC 145bis.6.29. Cette démarche ne pose aucun problème particulier eu égard à la

jurisprudence existante. Dans l'affaire des Activités militaires, 1'Etat

demandeur se trouvait dans une situation relativement similaire à celle

que connaît la République démocratique du Congo aujourd'hui, ce qui a

menéla Cour à considérer qu'elle

"juge[ait] appropriée la requêtedu Nicaragua tendant à ce que la nature
et le montant de la réparation qui lui est due soient déterminésdans
une phase ultérieure de la procédure [...]. L'occasion devrait être

donnée au Nicaragua de démontrer et d'établir l'étendue exacte du
préjudice subi à raison de chaque acte des Etats-Unis que la Cour aura
jugé contraire au droit international" 1.

C'est en ce sens que la Cour s'étaitdéjàprononcée quelques annéesplus tôt,

en refusant d'accorder une indemnité sans avoir pu analyser les éléments

de preuve pertinents, mais en admettant que ces élémentslui soient fournis

à un stade ultérieur de la procédure en vue d'une évaluation appropriée :

"[il1 est assurément possible de demander une déclaration générale
posant en principe qu'une indemnité est due, mais à condition de prier
aussi la Cour d'examiner les preuves et de fixer, lors d'une phase
ultérieure de la même instance,le montant de cette indemnité" 2.

Les mêmes principes ont été suivis dans l'affaire du Personnel

diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran 3.

6.30. C'est dans cette perspective que la République démocratique du

Congo commencera par établir le principe même de l'obligation de

C.I.J.,Recueil1986,pp. 142-143,s v.aussip. 149,s 15du dispositifde l'arrêt.

2 C.I.J.,Affairede la Compétenen matièrede pêcherie(sR.F.A.c. Islande),Rec1974,p.
204,s76.

3 C.I.J.,Recueil1980,p. § 6du dispositifde l'arrêt.réparation qui est à charge de l'Ouganda (A),avant d'établir les formes que

cette réparation sera amenée à recouvrir (B) e tout en vue de demander

une déclaration générale posant en principe qu'une indemnité est due, la
détermination du montant exact de la réparation étantreportée à une phase

ultérieure de la procédure.

A. L'existence et l'étendue de l'obligation de réparation à char-e de

l'Oug-anda

6.31. L'obligation de réparation est énoncéedans l'article 42 du projet

précitéde la Commission internationale sur la responsabilité de l'Etat, selon

lequel

"1. L'Etat léséest en droit d'obtenir de 1'Etatqui a commis un fait
internationalement illicite une réparation intégrale, sous une ou
plusieurs formes de réparation :restitution en nature, indemnisation,
satisfaction ou assurances et garanties de non-répétition[...]"1.

6.32. Cette disposition reflète la pratique internationale, telle que la

République démocratique du Congo l'a déjà exposé en mentionnant
certaines résolutions du Conseil de sécurité,ainsi qu'une jurisprudence

internationale bien établie. On la retrouve notamment dans l'arrêt de

l'Usine de Chorzow, rendu par la Cour permanente du Justice

internationale le 13 septembre 1928 :

"la Cour constate que c'est un principe de droit international, voire
une conception générale du droit, que toute violation d'un
engagement comporte l'obligation de réparer" 2.

1Rapportprécité p,164.

* C.P.J.Séri A,n017,p.29.6.33. Cette obligation vise tous les dommages causés par des actes

illicites attribuableà l'Ouganda. A cet égard,peu importe la nature de l'acte

illicite(l),de même que la longueur du lien de causalité que l'on peut

établir entre le dommage et l'acte illicite(2),ou encore le type de dommage

causé(3).

1. L'obligationde réparation s'appliqp ueur tous les actesillicites

6.34. Contrairement au cas spécifique de l'obligation de cessation de
l'acte illicite, l'obligation de réparation est l'exemple même d'une règle

secondaire, qui ne trouve à s'appliquer que comme conséquence de la

violation préalable d'une règle primaire déterminée.

6.35. Par conséquent, l'obligation de réparation s'applique quel que soit

le type de fait illicite générateurde la responsabilité, que ce fait soit continu,

instantané, ou complexe, et que le fait visé recouvre une action ou une

omission. La seule condition juridique à son établissement est que l'acte

illicite soit effectivement réalisé au moment où la demande en réparation

est formulée. La réparation concerne donc cette fois l'ensemble des actes

illicites perpétrés par l'Ouganda, sans distinction conceptuelle ou pratique

particulières.

2. L'obligation s'appliqu qeuelle que soitla longueurdu lien de causalité

entre l'acteilliciteet le dommage subi

6.36. Conformément à l'article 42 du projet de la Commission du droit

international, l'indemnisation consécutive aux faits illicites perpétrés par

l'Ouganda couvrira les "dommages causés par ces faits". L'existence d'unlien de causalité ne pose évidemment aucun problème pour tous les

dommages causés immédiatement par des agents de 1'Etatougandais, et en

particulier pour tous les dégâts, matériels, humains ou autres, résultant du

recours à la force. La question se pose toutefois de déterminer dans quelle

mesure l'indemnisation couvre également les dommages causés

immédiatement par les forces irréguliGres congolaises soutenues

activement par les forces ougandaises. On peut aussi se demander dans

quelle mesure les dépenses contractées par la République démocratique du

Congo elle-même pour faire face à l'agression ougandaise peuvent être

concernées par l'indemnisation. Sans vouloir à ce stade se prononcer de

manière détaillée sur des dommages singularisés, la République

démocratique du Congo tient d'emblée à préciser que, par principe,

l'obligation d'indemnisation à charge de l'Ouganda s'étend à tous les

dommages causés par ses actes illicites, quelle que soit la longueur du lien

de causalité entre ceux-ci et ceux-là.

6.37. Le critère juridique déterminant est en effet l'existence d'un lien

de causalité entre le fait illicite et le dommage causé, tel que, si ce fait illicite

n'avait pas eu lieu, le dommage n'aurait pas été occasionné. Aucune

exigence juridique ne concerne en revanche la longueur du lien de
causalité, où le caractère "direct" du dommage causé. Comme l'indique la

Commission du droit international,

"[pllus que le caractère direct du dommage, le critère est donc la
présence d'un lien de causalité clair et ininterrompu entre l'acte illicite
et le préjudice pour lequel des dommages-intérêts sont réclamés" 1.

6.38. Il ne saurait donc être question pour l'Ouganda d'exclure par

Rapportde la Commissiondu droit internationles travaux de sa 45èmesession,op.cit.,
p.71,s 7.principe de l'objet de l'indemnisation les dommages qui sont dus à son acte

illicite, mêmes'ils s'expliquent égalementpar d'autres facteurs. C'est en ce

sens que s'est prononcée la Commission mixte de réclamations germano-

américaine, dans une décision citée par la Commission du droit

international :

"[..1 Peu importe le nombre des anneaux qui lient l'une à l'autre dans
la chaîne des relations de cause à effet, pourvu qu'il n'y ait aucune
brisure dans cette chaîne et que le dommage puisse être relié
clairement, indiscutablement et définitivement à l'acte de l'Allemagne
[...].Lorsque le dommage est éloignéd , ans la suite des causes, de l'acte
dont on se plaint, ce tribunal n'est pas qualifiépour chercher àdémêler
un réseau enchevêtréde causes et d'effets ou pour suivre, à travers un

infernal labyrinthe de pensées confuses, diverses chaînes connexes et
collatérales, dans le but de rattacher l'Allemagne à un dommage
particulier. Toutes les pertes indirectes sont couvertes, à la condition
toutefois qu'au point de vue juridique l'acte de l'Allemagne fût la
cause directe et efficiente d'où elles ont découlé".

6.39. Il n'existe donc absolument aucun obstacle de principe à prendre

en compte les dommages qui sont dus à des actes de forces irrégulières

soutenues par l'Ouganda, tout comme on ne peut exclure la prise en compte

d'une partie des dépenses encourues par la République démocratique du

Congo elle-même pour mettre fin à l'agression de l'Ouganda. Tout au

contraire, le droit international existant permet en principe de prendre en
compte tous les événementspréjudiciables qui n'auraient pas eu lieu sans

la survenance des actes illicites attribuablesl'Ouganda.

6.40. La seule atténuation admise par le droit international coutumier

concerne l'hypothèse où certains dommages sont survenus de manière

totalement imprévisible pour l'auteur de l'acte illicite générateur. C'est

ainsi que, dans l'affaire du Naulilaa, le tribunal arbitral a étéamené à

Ibid p.72,s 8etnote 129.exclure

"...] les dommages qui ne se rattachent à l'acte initial que par un
enchaînement imprévu de circonstances exceptionnelles et qui n'ont
pu se produire que grâce au concours de causes étrangères à l'auteur et
échappant à toute prévision de sa part" 1.

6.41. Dans notre cas d'espèce, on ne peut évidemment prétendre qu'il

est imprévisible que le fait de soutenir militairement des forces irrégulières

qui ont pour objectif avoué de mener des attaques contre le Gouvernement

légitime, et dont les exactions à l'encontre de la population civile sont

systématiques et notoires, a pour conséquence que des dommages soient

causés, y compris à la population civile. On peut d'ailleurs appliquer par

analogie la solution rendue dans l'arrêtqui vient d'êtrecité,la Commission

du droit international remarquant à ce sujet que

"[lles dommages causés au Portugal par la révolte de la population
autochtone dans ses colonies avaient étéimputés à l'Allemagne parce
qu'on avait alléguéque la révolte avait été déclenchée par l'invasion
allemande. Le tribunal avait donc considéré que 1'Etat responsable
était tenu de réparer les dommages qu'il aurait pu prévoir, mêmesi ce

lien entre le fait illicite et les dommages effectifs n'était pas réellement
'direct"'2.

6.42. Il est en effet intéressant de signaler que le tribunal a admis la

prise en compte des dommages causéspar une révolte dont il admettait par

ailleurs qu'elle n'avait été ni organisée, ni même soutenue par

l'Allemagne, et qui s'expliquait par ailleurs en partie par l'attitude de 1'Etat

défendeur lui-même. Cette prise en compte se justifiait cependant pour la

raison suivante :

1 Décisiondu 31 juillet 1928(Portugalc.Allemagne),R.S.A.,vp..1031.

Rapport de la Commissiondu droit internationalsur les travaux de sa 45èmesession,op.cit.,
p.72,§ 7. "[...] il est certain qu'en elle-même l'agression allemande était de
nature à amener des troubles dans la population indigène, qu'il était
dans l'ordre naturel des choses que les noirs, soumis depuis bien peu
d'années, en profitassent pour se révolter. Sans doute, les Allemands
ne pouvaient prévoir l'extension que cette révolte a prise en raison des
circonstances particulières qui viennent d'être rappelées, mais ils

devaient compter que leur action militaire, dans une contrée tout
récemment pacifiée, entraînerait des conséquences redoutables pour
l'autorité portugaise" 1.

6.43. Les dommages résultant d'une rébellion non seulement

prévisible, mais aussi soutenue activement par l'Ouganda, doivent donc a

fortio êrire pris en compte. La République démocratique du Congo ne va

évidemment pas jusqu'à prétendre que l'Ouganda doit indemniser tous les

dommages causés à son égard par la guerre, y compris l'entièreté de ceux

infligés par les forces irrégulières ainsi que des dépenses engagées pour y

mettre fin. Il s'agit plutôt,à ce stade, de n'exclure aucunement le principe

de la prise en compte de l'ensemble de ces préjudices, à charge de

déterminer, dans une phase ultérieure de la procédure, la proportion exacte

qui devra être attribuée àl'Ouganda.

6.44. Sur ce dernier point, la République démocratique du Congo

estime que la distinction opérée par la Commission du droit international

mérite d'êtreprise en compte comme principe directeur de départ dans

l'appréciation des cas particuliers qui seront amenés à êtretraités. Cette

distinction a été énoncéc eomme suit :

"La Commission aurait donc tendance à considérer que le critère du

lien de causalité devrait jouer comme suit :

a) Il devraiy avoir dédommagement intégral pour les préjudices dont
la cause immédiate et exclusive est le fait illicite;

DécisionprécitéR,.S.Avol. Ip.1032. b) Il devrait y avoir dédommagement intégral pour les préjudices dont

le fait illicite est la cause exclusive, mêmesi ces préjudices sont liés à
l'acte non de façon immédiate, mais par une série d'événements dont
chacun est lié à l'autre de manière exclusive par une relation de cause
à effet. Le lien de causalité doit donc être présumé non seulement
lorsqu'on est en présence d'une relation de 'causalitéimmédiate', mais
aussi chaque fois que le dommage est lié à l'acte illicite par une chaîne

d'événements qui, pour longue qu'elle soit, est ininterrompue;

C) Il faut envisager les cas où les préjudices ne sont pas causés
exclusivement par un acte illicite, mais résultent également de causes
concomitantes, parmi lesquelles l'acte illicite joue un rôle décisif mais
non exclusif [...Dans ce cas, ] la solution devrait consister à verser des

dommages-intérêts, proportionnels à l'importance du préjudice
susceptible d'être imputé à l'acte illicite eà ses effets, le montant à
accorder devant êtredéterminésur la base des critères de normalité et
de prévisibilité" 1.

6.45. En appliquant ces critères à notre cas d'espèce, on peut dire de

manière provisoire, et sous réserve d'une adaptation aux circonstances

particulières propres à chaque préjudice, que :

- les dommages causés par le fait mêmedes agents ougandais relèvent de la

première catégorie, et entraînent donc une obligation de dédommagement

intégral;

- les dommages qui ont étéle fait de forces irrégulières congolaises, mais qui

n'auraient pas pu être causés sans l'appui de l'Ouganda, relèvent en

principe de la deuxième catégorie, et nécessitent donc un dédommagement

intégral;

- les dommages occasionnés par les dépenses encourues par le

Gouvernement de la République démocratique du Congo pour faire face à

l'agression de plusieurs Etats étrangers relèvent de la troisième catégorie, et

doivent donc donner lieu à une indemnisation proportionnelle aux faits

illicites attribuables l'Ouganda.

Rapport dela Commissiondu droit internatiolur les travauxde sa 45èmesession,op.cit.,
pp.72-73,§11 à13.3. L'obligation deréparations'applique quel que soit le type de dommage

causé

6.46. Bien entendu, et conformément à une jurisprudence

internationale bien établie, les principes qui viennent d'être énoncés

devront amener, pour chaque réparation, à une prise en compte, des

différents types de dommages occasionnés.

a) pertes subies (darnnum emergens) et privation de gains (lucrum

cessans)

6.47. Il s'agira d'abord de réparer non seulement la perte subie

(damnum emergens), mais le gain manqué (lucrum cessans) en raison de

l'acte illicite.Il suffira ici de rappeler les propos de l'arbitre dans l'affaire

relative au Cape Horne Pigeon :

"le principe généraldu droit civil d'après lequel les dommages intérêts
doivent contenir une indemnité non seulement pour le dommage
qu'on a souffert, mais aussi pour le gain dont on a étéprivé, est
également applicable aux litiges internationaux et [..]pour pouvoir

l'appliquer, il n'est pas nécessaire que le montant du fait dont on a été
privé puisse êtrefixéavec certitude, mais [..]il suffit de démontrer que
dans l'ordre naturel des choses on aurait pu faire un gain dont on se
voit privé par le fait qu'il donne lieu A la réclamation" l.

6.48. En l'espèce, on prendra donc en compte les pertes de gains

encourues par la République démocratique du Congo, notamment à la suite

du pillage des ressources naturelles dont elle est la victime de la part de

l'Ouganda.

Sentencedu 29novembre1902,R.G.D.I.P.,1903,docts.4.. b) dommage matériel et dommage moral

6.49. Par ailleurs, on intégrera également dans le calcul de

l'indemnisation le dommage moral occasionné par les actes illicites

attribuables à l'Ouganda, que ce dommage soit subi directement par 1'Etat

lui-même, ou qu'il le soit par l'intermédiaire de ses ressortissants. Dans le

premier cas, le mode de réparation approprié est la satisfaction, comme on

le constatera ci-dessous. Dans le second, c'est une indemnisation

essentiellement pécuniaire qui est requise.

6.50. Le principe a été très clairement exprimépar la Commission du

droit international :

"Les faits internationalement illicites les plus fréquents sont ceux qui

causent un dommage à des personnes physiques ou morales ayant un
lien avec ltEtat, qu'il s'agisse de simples ressortissantou d'agents de
cet Etat. Ce dommage, qui atteint internationalement 1'Etatde manière
directe, même si le préjudice est subi par ses ressortissants ou ses agents
en tant qu'êtres humains, n'est pas toujours exclusivement matériel.
Au contraire, il arrive souvent qu'il soit aussi, voire exclusivement,

moral - et c'est un dommage moral dont l'indemnisation peut être
légitimement demandée, au même titre que celle du dommage
matériel" 1.

La Commission s'appuie notamment sur le précédent de l'affaire du

Lusitania, dans laquelle la Commission mixte de réclamations germano-

américaine relevait au sujet des dommages moraux que

"[...]le seul fait qu'ils sont difficilAmesurer ou A estimer en valeurs
monétaires ne les rend pas moins réels et ce n'est pas une raison qui
puisse empêcher une victime d'être indemnisée sous la forme de

Rapportde la Commissiondu droit internationales travauxde sa 45èmesession,op.cit.,
p.74,s 17. dommages et intérêts" 1.

6.51. Dans notre cas d'espèce,la Républiquedémocratique du Congo se

réserve donc le droit de demander réparation pour tous les dommages
causés par les actes illicites de l'Ouganda, qu'ils soient immédiats ou non,

qu'ils relèvent d'une perte subie ou d'un gain manqué, et qu'il s'agisse d'un

dommage matériel ou d'un dommage moral.

6.52. Dans l'affaire qui vient d'êtrecitée,le surarbitre a tenu compte,

dans le cas d'un décès,de la perte des sommes

"a) que le décédé, s'il n'avaip tas été tuéa ,urait probablement versées
au réclamant; "

en y ajoutant:

"b) la valeur pécuniaire qu'auraient représentée pour ce réclamant les

services personnels du décédé dans le soin, l'éducation ou la direction
du réclamant
C) une indemnisation raisonnable pour la souffrance morale ou la
commotion, s'il y a lieu, causée par la rupture violente d'affections de
famille, souffrances que cette mort a pu effectivement causer au
réclamant" 2.

Ces modalités sont reconnues comme reflétantle droit coutumier :

"la mort d'un particulier ressortissant de 1'Etat concerné en est un
exemple typique. La jurisprudence semble indiquer que, dans un tel
cas, l'indemnitéaccordée est destinée à compenser la perte économique
subie, du fait du décès,par la ou les personnes qui étaient en quelque

sorte en droit de considérer l'existencedu défunt comme une 'source'
de biens ou de services susceptibles d'une évaluation économique" 3.

Citédans ibid5,18.

2 Ibidem.

3 Ibidp. 75,522.C'est en ce sens que, dans l'affaire du Détroitde Corfou,la Cour a accordéau

Royaume-Uni une somme représentant

"les dépenses résultant des pensions et indemnités allouéespar lui aux
victimes ou à leurs ayant droit, ainsi que des frais d'administration, de
traitement médicaux, etc." 1.

6.53. Tel doit également êtrele cas pour chaque vie humaine perdue en

raison de l'agression de l'Ouganda et de ses suites. L'Ouganda doit subir

toutes les conséquences de la perpétration des actes illicites qu'il a commis et

qu'il commet toujours à l'encontre de la République démocratique du

Congo. Ce qui supposera également le paiement d'intérêts, conformément

à l'étatdu droit international positif.

C) montant principal et intérêts

L'allocation d'intérêtsne revêt nullement un caractère répressif,
6.54.
mais est destinée à compenser la perte du préjudice spécifiqueconstitué par

l'immobilisation temporaire du capital comme conséquence de l'acte

illicite. A ce titre, elle est très largement admise par la jurisprudence

internationale 2.

6.55. Il y a dès lors lieu d'établirle montant correspondant aux revenus

de la somme dont la République démocratique du Congo a étéprivée en

raison des faits illicites attribuablesà l'Ouganda. Les intérêts couvriront

ainsi non seulement le damnum emergens, mais aussi le lucrum cessans,

C.I.J.,artu 15décembre1949,Recueil1949,p244.

Rapportde la Commissiondu droit internationalsur les travauxde sa45èmesession,op.cit.,
p. 76§ 25.étant entendu que dans ce dernier cas ils ne seront pas en sus calculés sur le

montant correspondant àla perte subie. En effet, et comme la Commission

du droit international l'a relevé,

"[eln cas d'indemnisation pour manque à gagner, il ne semble pas que,
pour la mêmepériode, des intérêts puissent êtreversés sur le capital
auquel se rapporte le manque à gagner, pour la simple raison que le

capital ne peut pas être au même moment producteur d'intérêts et
théoriquement employé à produire des bénéfices. Toutefois, des
intérêtsseraient dus sur les bénéficesque le propriétaire initial aurait
gagnés, mais dont il a été privés 1.

6.56. La réparation de l'ensemble des dommages subis par la

République démocratique du Congo en raison des faits illicites perpétréspar

l'Ouganda supposera donc l'évaluation de tous les types de préjudices, et

par conséquent le calcul d'un montant principal augmenté d'un intérêt, le

tout selon des modalités qui dépendront des circonstances particulières qui

seront analysées à un stade ultérieur de la procédure.

B. Les différentes formes de la réparation à char-e de l'Ouganda

6.57. Selon l'article 42 précitédu projet de la Commission du droit

international, la réparation peut prendre comme forme :

- la restitution en nature;

- l'indemnisation;

- la satisfaction;

- des assurances en garantie de non répétition.

6.58. La réparation due par l'Ouganda peut, selon les dommages causés,

Rapportde la Commissiondu droit internatilur les travauxde sa 45èmesession,op.cit.,
p. 76,s27.recouvrir chacune d'entre elles.

1. Les restitutions en nature à charge de l'Ouganda

6.59. Selon l'article 43 du projet de la Commission du droit
international,

"L'Etat léséest en droit d'obtenir de 1'Etat qui a commis un fait

internationalement illicite la restitution en nature, c'est-à-dire le
rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne
soit commis, dès lors et pour autant qu'une telle restitution en nature :

a) n'est pas matériellement impossible;

b) n'entraîne pas la violation d'une obligation découlant d'une
norme impérative de droit international général;

C) n'impose pas une charge hors de toute proportion avec
l'avantage que 1'Etatléségagnerait en obtenant la restitution en nature
plutôt que l'indemnisation; ou

d) ne menace pas sérieusement l'indépendance politique ou la
stabilité économique de 1'Etatqui a commis le fait internationalement
illicite, alors que 1'Etatléséne serait pas affectédans la mêmemesure

s'il n'obtenait pas la restitution en nature"1.

Ce texte vise à codifier l'étatdu droit international coutumier, dégagépar la

C.P.J.I. dans l'affaire précitéede l'Usinede Chorzow :

"Le principe essentiel, qui découlede la notion mêmed'acte illicite et
qui semble se dégager de la pratique internationale, notamment de la

jurisprudence des tribunaux arbitraux, que la réparation doit, autant
que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir
l'étatqui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été
commis" 2.

Rapportde laCommissiondu droit international sulres travauxde ça48èmesess.,op.cit., p.
165.

C.P.J.I.,SéA, 11'17,p.47.6.60. Si, en tant qu'obligation secondaire, la restitution en nature est

conceptuellement distincte de l'obligation primaire de cessation de l'acte

illicite, les deux notions sont parfois difficiàedistinguer, le résultat de l'un

équivalent en certaines occasions à celui de l'autre 1. On peut penser en
particulier à l'obligation de "rendre un territoire illégalement occupé ou

annexé", ou à celle de "rendre la libertéà une personne illégalement arrêtée

ou détenue", toutes deux citées par la Commission du droit international

comme exemples de restitution en nature 2, alors qu'elles relèvent

manifestement en premier lieu de la cessation de l'acte illicite.

6.61. Dans notre cas d'espèce, outre les obligations de se retirer du

territoire congolais et de libérer les personnes illégalement enlevées ou

détenues par ses autorités, l'Ouganda est également tenu de restituer les

ressources naturelles résultant de l'exploitation illégale du territoire

congolais, si et dans la mesure où ces ressources pourraient encore être

matériellement récupéréespar la République démocratique du Congo.

6.62. Bien entendu, la restitution en nature n'épuise pas l'obligation de

réparation à la charge de l'Ouganda pour ces seuls actes illicites, dans la

mesure où cette restitution doit s'accompagner d'une indemnité

complémentaire couvrant les pertes de profits occasionnés à la République

démocratique du Congo. Comme l'a indiqué la Commission du droit

international,

"1'Etatléséest en tout état de cause en droit d'obtenir 'une réparation

Rapport de laCommissiondu droit internationalsur les travaux de sa 45èmesess.,op.cit., p.

58,58.

Ibid.,67, §7. intégrale' pour le préjudice subi par suite d'un fait internationalement
illicite[..] la restitution en nature et l'indemnisation peuvent être
combinées. En d'autres termes, la Commission considère que la
restitution devrait se limiter au rétablissement du statu quoante (qui

peut être clairement déterminé), sans préjudice d'une éventuelle
indemnité pour le lucrum cessans" 1.

2. Les indemnisations à chargede l'Ouganda

6.63. Aux termes de l'article 44 du projet de la Commission du droit

international,

"1. L'Etat lésé esten droit d'obtenir de 1'Etat qui a commis un fait
internationalement illicite une indemnisation pour le dommage causé
par ce fait si, et dans la mesure où, le dommage n'est pas réparé par la
restitution en nature.

2. Aux fins du présent article, l'indemnisation couvre tout dommage
susceptible d'évaluation économique subi par 1'Etat lésé et peut
comprendre des intérêts et,le cas échéant, lemanque à gagner" 2.

6.64. En tant qulEtat lésé,la République démocratique du Congo a le

droit d'obtenir une réparation intégrale, dont elle a déjà précisé qu'elle

devait couvrir tous types de dommages causés par tous types d'actes illicites

attribuables à l'Ouganda, et ce quelle que soit la longueur éventuelle du lien

de causalité entre le dommage et l'acte illicite.

6.65. Pour rappel, l'indemnisation couvrira les dommages qui ne sont

pas susceptibles d'êtreréparés par une restitution en nature, qu'il s'agisse, à

titre purement illustratif :

Rapportde la Commissiondu droit international es travauxde sa45èmesess.,op.cit.,p.
64, §2.

* Rapportde la Commissiondu droit internationaslur les travauxde sa 48èmesess.,op.cit.,p.
16.5.- des dégâts matériels occasionnés par les actions armées de l'Ouganda ou

par le soutien apporté par l'Ouganda à des forces irrégulières, telles que les

destructions de matériel militaire, de bâtiments ou d'équipements publics, y

compris les éléments de voies de communication routière, ferroviaire ou

fluviale; les exploitationset pillages de nombreuses ressources nationales;

- les pertes et manques à gagner qui en ont résulté pour la République

démocratique du Congo, notamment en raison de la suspension ou de

l'abandon d'activités économiques, commerciales ou financières, y compris
l'exploitation minière - en particulier diamantaire- , l'agriculture,la

pêche et l'élevage, ainsi que les pertes de recettes d'exportation et le coût

accru des importations qui en a résulté;

- dans une mesure qui devra êtredéterminée ultérieurement, les dépenses

encourues par la République démocratique du Congo pour mettre fin à

l'agression ougandaise et à ses conséquences, et notamment l'augmentation

du budget militaire, ainsi que les paiements effectués pour assurer la

défense du territoire, y compris en vue de l'obtention d'une aide militaire

extérieure;

- les dommages humains résultant des violations des droits de l'homme

entraînées par les exactions des forces armées ougandaises et par le soutien

qu'elles apportent à des forces irrégulières opérant sur le territoire de la

République démocratique du Congo; les coûts occasionnés par ces

violations, notamment dans le domaine sanitaire et médical, en ce compris

le préjudice moral subi par les ayants droits des personnes touchées;

- plus généralement, le préjudice causéau potentiel de développement de la

République démocratique du Congo, du fait àla fois des pertes économiques

directes évoquées ci-dessus et de la baisse des investissements, à court et

moyen terme, causée par l'état d'insécurité qui règne sur le territoire
congolais à la suite de l'agression ougandaise, et par le sentiment

d'insécurité que cela risque d'entraîner à plus long terme, mêmeaprès quela paix soit rétablie;

- les intérêtssur le montant principal couvrant les revenus de la somme
que la République démocratique du Congo n'a pu utiliser en raison de

l'ensemble des dommages susmentionnés.

3. La satisfaction à chargede l'Ouganda

6.66. En application du principe juridique codifié à l'article 45 du projet

de la Commission du droit international,

"1. L'Etat léséest en droit d'obtenir de 1'Etatqui a commis un fait
internationalement illicite satisfaction pour le dommage, notamment
moral, causépar ce fait si, et dans la mesure où, c'est nécessaire pour
que la réparation soit intégrale.

2. La satisfaction peut prendre une ou plusieurs des formes suivantes :

a)des excuses;

b) des dommages-intérêtssymboliques;

c) en cas d'atteinte grave aux droit de 1'Etatlésé,des dommages-
intérêtscorrespondant à la gravitéde l'atteinte;

d) si le fait internationalement illicite résulte de fautes graves
d'agents de 1'Etatou d'agissements criminels d'agents de 1'Etatou de
personnes privées, une action disciplinaire à l'encontre des

responsables ou leur châtiment.

3. Le droit de 1'Etat léséd'obtenir satisfaction ne l'autorise pas à
formuler des exigences qui porteraient atteinte à la dignitéde 1'Etatqui
a commis le fait interna tionalement illicite" 1.

6.67. L'institution de la satisfaction présente des spécificitésqui en font

une forme de réparation particulierement adéquate dans notre cas d'espèce.

La République démocratique du Congo est donc d'avis qu'elle s'avère

Rapportde la Commissiondu droit internatilur les travauxde sa 48èrnesess.,op.cit., p.
166.indispensable pour que "la réparation soit intégrale".

6.68. Il faut d'abord relever que la satisfaction vise un type très

particulier de dommage moral, celui causé non pas aux ressortissants de

1'Etatlésé mais à sa personne même. La Commission du droit international

a relevé que, de manière significative,

"ce type de préjudice est également qualifié de 'dommage politique',

l'expression étant utilisée, de préférence en conjonction avec celle de
'dommage moral' [...comme désignant une] atteinte à la dignité, à
l'honneur, au prestige et/ou à la sphère juridique de 1'Etat victime
d'un acte internationalement illicite. L'expression consacrée est
'dommage moral et politique', dans laquelle il paraît difficile d'isoler
l'aspect 'politique' de l'aspect 'moral'. L'adjectif 'politique' a

probablement pour but de souligner le caractère 'public' qu'acquiert le
dommage moral lorsqu'il touche plus directement 1'Etat dans son
caractère souverain (et son égalitésouveraine) et dans sa personnalité
internationale" 1.

La Commission a donné comme exemples, à partir de la pratique

internationale existante, les éléments suivants :

"outrage à des emblèmes de 1'Etat tels que le drapeau national,

violation de la souveraineté ou de l'intégrité territoriale, attaques
contre des navires ou des aéronefs, mauvais traitements ou agressions
contre des chefs d'Etat ou de gouvernement ou contre des
représentants diplomatiques ou consulaires ou d'autres personnes
protégéessur le plan diplomatique, [..]"2.

6.69. On aura immédiatement relevé que ce sont précisémentces types

de violations dont s'est rendu coupable l'Ouganda à l'encontre de la

République démocratique du Congo. Celle-ci a donc droit à une satisfaction

comme mode spécifique de réparation du dommage moral et politique subi

Rapport dela Commissiondu droit internationaslur les travauxde sa 45èmesess.,p..cit.,
80,s4.

Ibid.,p. 8§8.par 1'Etatcongolais, et ce indépendamment des autres formes de réparation

destinées à couvrir d'autres types de dommage.

6.70. La nécessitéd'une satisfaction comme élémentpropre à assurer

une réparation intégrale du dommage s'impose d'autant plus que l'on se
trouve en l'espèce devant des violations extrêmement graves des règles les

plus élémentairesdu droit international contemporain. Cette possibilité de

moduler la réparation en fonction de la gravitédes faits internationalement

illicites a été reconnueexpressément par la Commission, lorsqu'elle

"estime d'autant plus important de reconnaître les fonctions positives
de la satisfaction dans les relations entre Etats que c'est précisémenten

recourant à une ou plusieurs des diverses formes de satisfaction que
l'on peut moduler les conséquences du comportement illicite de 1'Etat
offenseur en fonction de la gravitédu fait illicite"1.

6.71. Cette spécificitéde la satisfaction comme réponseappropriée à des

violations graves du droit international ne la rend pas pour autant

assimilable à une sanction de type pénal, qui reste étrangère aux
mécanismes de responsabilité internationale. C'est encore ce que précise la

Commission :

"[ulne partie de la doctrine, des décisions de jurisprudence et des

élémentsde la pratique tendent à attribuer àla satisfaction, en tant que
mode de réparation, un caractèreafflictif, qui la distingue des modes de
réparation compensatoires comme la restitutio et l'indemnisation.
Bien entendu, la distinction n'est pas absolue. Mêmeun procédé
comme la réparation par équivalent (sans parler de la restitution en
nature) joue, dans les relations ente Etats comme dans les rapports
entre les individus, un rôle qui ne saurait être considéré comme
purement compensatoire. S'il ne s'agit assurément pas d'un rôle

punitif, elle remplit bien cependant une fonction très générale de
dissuasion et de prévention pour ce qui est de la commission de faits
illicites"2.

1Ibid.,p.84,s24.

Ibid.p. 83,§18.6.72. Ces considérations renforcent la nécessité de prévoir une
satisfaction en l'espèce, tant il est évident que cette forme de réparation

s'impose à la fois pour assurer une réparation intégrale au bénéficede la

République démocratique du Congo et, plus généralementet dans l'intérêt

de l'ensemble de la communauté internationale, dissuader l'Ouganda de

récidiver dans sa politique d'agression.

6.73. Dans ces circonstances, la République démocratique du Congo
estime qu'elle est en droit d'obtenir les formes de satisfaction prévues au

paragraphe 2, alinéasa),c) etd) de l'artic45 précité.

6.74. L'obtention d'excuses est évidemment le minimum que l'on

puisse concevoir comme réponse aux offenses dont a été - et est encore -

victime 1'Etat congolais. C'est peu dire que les emblèmes de 1'Etat font

l'objet d'outrages de la part de l'Ouganda, dans la mesure où ils sont

purement et simplement enlevés ou détruits dans les zones occupées.
L'occupation continue et cynique d'une partie du territoire national est au

demeurant la forme la plus outrageante de violation du droit international

que l'on puisse imaginer pour un Etat souverain. La République

démocratique du Congo demande donc que, outre la constatation de toutes

les violations du droit international par la Cour internationale de Justice

elle-même, les autorités ougandaises présentent des excuses publiques et

officielles au peuple età 1'Etatcongolais.

6.75. En sus, la gravité des faits illicites mentionnés justifie amplement

l'octroi, au titre de satisfaction, de "dommages-intérêtscorrespondant à lagravité de l'atteinte" 1. Dans l'affaire du Rainbow Warrior, le Secrétaire

généralde l'ONU a accordé une somme considérable à la Nouvelle-Zélande

en raison de l'outrage subi par cet Etat en tant que victime d'une action

violente de la part de force armées d'un pays traditionnellement allié2. A

fortiori doit-il en êtreainsi dans le cas de la République démocratique du

Congo, occupé et agressé par un Etat qui était encore son allié il y a peu de

temps. Dans notre cas d'espèce, ce n'est pas une attaque isoléequi a eu lieu,

sur une partie limitée du territoire national, mais un nombre indéterminé

d'actions militaires qui se développent à partir d'une occupation d'une

grande partie du territoire congolais. Une autre circonstance aggravante est

certainement constituée par le comportement arrogant et cynique d'un Etat

agresseur qui, loin de la regretter, revendique et assume cette occupation.

C'est à une véritable humiliation qu'est soumise la République

démocratique du Congo, réduite à rechercher des appuis militaires dlEtats

qui sont prêts à le défendre pour assurer la survie. Aucune somme d'argent

ne pourra jamais entièrement réparer cette humiliation, mais il y a à

l'évidence tout lieu d'infliger une satisfaction exemplaire pour réprimer des

actes qui, au titre de violations graves du droit international, le sont tout

autant.

6.76. A cet égard, rien n'interdità la Cour de fixer une somme globale

qui recouvre à la fois l'indemnisation des différents dommages subis et la

satisfaction exemplaire qui est requise. La Commission du droit

international a ainsi préciséque

"[slon caractère autonome n'empêche pas non plus la satisfaction

l Article 4c).

R.S.A.,volXIX,pp.202 et 213. d'apparaître souvent comme absorbée dans les procédés plus
rigoureusement compensatoires, voire confondue avec eux. Cela a

peut-être étéle cas, par exemple, dans l'affaire du Rainbow Warrior, où
tant la somme réclaméepar la Nouvelle-Zélande que celle qui lui a été
accordée par le Secrétaire général de l'ONU dépassaient de loin la
valeur du dommage matériel" 1.

6.77. Dans notre cas , autrement plus grave et offensant, ily a a fortiori

lieu d'accorder un montant "qui dépasse de loin la valeur du dommage

réel", que ce montant soit global ou plus clairement décomposé en une

indemnisation couvrant les dommages stricto sensu et une satisfaction

comprennent des dommages-intérêts correspondant à la gravité des

violations, de manière à compenser l'atteinte à l'honneur de la République

démocratique du Congo mais aussi de dissuader l'Ouganda de récidiver à

l'avenir.

6.78. Enfin, la République démocratique du Congo considère que

l'engagement d'actions disciplinaires à l'encontre des agents ougandais

s'étant rendus coupables de fautes graves et d'agissements criminels, tant

pour ce qui concerne l'agression que pour les atteintes au droit de la

personne qui en ont résulté, est une forme de satisfaction qui s'impose tout

particulièrement étant donné les circonstances de l'espèce. La forme de ces

poursuites disciplinaires importe peu, de même que les modalités des

sanctions ou peines qui en résulteront. Il est toutefois essentielque ces

poursuites soient mises en Œuvre à l'égard de tous les agents concernés,

quelle que soit leur place et leur fonction au sein de l'appareil étatique et

administratif ougandais. En d'autres termes, elles doivent aussi - et même

surtout - viser les personnes les plus haut placées, précisément parce

qu'elles sont les premières responsables de la politique d'agression et

Rapportde la Commissiondu droit internationalsur les travaux de sa 45èmesession,op.cit.,
p.84,s20.d'exactions menée à l'encontre de 1'Etatet du peuple congolais.

4. Les assuranceset garanties de non-répétition à charge del'Ouganda

6.79. L'article 46 du projet précité de la Commission du droit

international prévoit que

"L'Etat léséest en droit, le cas échéant,d'obtenir de 1'Etatqui a commis

un fait internationalement illicite des assurances ou garanties de non-
répétition dudit fait" '.

6.80. La Commission a expliqué la logique qui préside à cette forme

particulière de réparation :

"les assurances et garanties remplissent une fonction distincte et
autonome. A la différence d'autres formes de réparation qui tentent de
rétablir une situation passée, elles sont tournées vers l'avenir. Elles
ont ainsi une fonction de prévention plus que de réparation. En outre,

elles supposent qu'il existe un risque que le fait illicite ne se
reproduise" 2.

Ainsi,

"[cle type de garanties pourrait présenter un intérêtparticulier dans le
cas de violations d'obligations dérivées de normes impératives de droit
international" 3.

6.81. Les mêmesraisons qui ont été exposéset qui requièrent que soit

accordée à la République démocratique du Congo une satisfaction

Rapport de la Commissiondu droit intert~atilur les travaux de sa 48èmesessi6nmai-
26juillet 1996,op.cit.166.

Rapport de la Commission du droit internatislur les travaux de sa 45èmesession,op.cit.,
p.85,§ 1.

3 Ibidem.exemplaire justifient également que l'Ouganda fournisse des assurances et

garanties de non-répétition.

6.82. Quant aux formes que peuvent revêtirces assurances et garanties,

la Commission releve elle-même qu'une satisfaction, en particulier si elle

comprend des dommages-intérêts correspondant à la gravité de la violation

ainsi que des poursuites contre les individus responsables, constitue en

même temps une première forme adéquate de garantie de non-répétition.

6.83. Conformément à la pratique internationale existante 1, la

République démocratique du Congo demande en outre à l'Ouganda une

déclaration solennelle selon laquelle il renonce à renouveler une politique

attentatoire à la souveraineté de la République démocratique du Congo et

aux droits de sa population; il requiert par ailleurs que des instructions

spécifiques en ce sens soient données par les autorités ougandaises à leurs

agents.

Rapportde la Commissiondu droit internationalsur les travauxde sa45èmesession,op.cit.,
pp.85-86,s4.CONCLUSIONDU CHAPITRE

6.84. Les nombreuses violations du droit international dont s'est rendu

coupable l'Ouganda entraînent l'engagement par ce dernier de sa

responsabilité internationale. Par conséquent, l'Ouganda est d'abord tenu

de cesser immédiatement tout fait internationalement illicite qui se
poursuit de facon continue, et en particulier son occupation du territoire

congolais, son soutien aux forces irrégulières opérant en République

démocratique du Congo, sa détention illégalede ressortissants congolais et

son exploitation des ressources naturelles congolaises. Des obligations

secondaires de réparation pèsent par ailleurs sur l'Ouganda, qui est tenu de

réparer tous les types de dommages causés par tous les types d'actes illicites

qui lui sont imputables, et ce quelle que soit la longueur du lien de causalité

existant entre ces actes et ces dommages. La réparation s'effectuera en
nature lorsque cela s'avère encore matériellement possible, ce qui peut

notamment impliquer une restitution des ressources naturelles ou des

richesses congolaises encore détenues par l'Ouganda. A défaut, l'Ouganda

est tenu de fournir une somme couvrant l'intégralitédes dommages subis,

ce qui couvre notamment les exemples mentionnés au paragraphe 6.60.ci-

dessus. Il est par ailleurs, et en tout état de cause, obligé d'accorder

satisfaction pour les outrages infligés à la République démocratique du
Congo, à la fois sous la forme d'excuses officielles, de l'octroi de dommages-

intérêts correspondant à la gravité des violations, et de poursuites dirigées

contre tous les individus responsables. L'Ouganda est enfin tenu de fournir

des garanties et assurances spécifiques tendantà ce qu'il ne renouvelle plus

sa politique d'agression.6.85. Conformément à une jurisprudence constante, la République

démocratique du Congo se réservepar ailleurs le droit de préciserdans une
phase ultérieure de la procédure les élémentspermettant d'identifier et

d'évaluer l'intégralitédes dommages subis.CONCLUSIONS

La République démocratique du Congo, tout en se réservant le droit de

compléter ou de modifier les présentes conclusions, et de fournir à la Cour
de nouvelles preuves et de nouveaux arguments juridiques pertinents dans

le cadre du présent différend, prie la Cour de dire et juger:

1) Que la République de l'Ouganda, en se livrant àdes actions militaires et

paramilitaires à l'encontre de la République démocratique du Congo, en

occupant son territoire, et en soutenant activement, sur les plans militaire,

logistique, économique et financier des forces irrégulières qui y opèrent, a

violé les principes conventionnels et coutumiers suivants :

- le principe du non-recours à la force dans les relations internationales, y

compris l'interdiction de l'agression;

-l'obligation de régler les différends internationaux exclusivement par des

moyens pacifiques de telle manière que la paix et la sécurité internationale

ainsi que la justice ne soient pas mises en danger;

- le respect de la souveraineté des Etats et du droit des peuples à disposer

d'eux-mêmes et donc de choisir librement et sans ingérence extérieure leur

régime politique et économique;

- le principe de non-intervention dans les affaires qui relèvent de la

compétence nationale des Etats, y compris en s'abstenant de toute assistance

aux parties à une guerre civile opérant sur le territoire d'un autre Etat;

2) Que la République de l'Ouganda, en se livrant à une exploitation illégale

des ressources naturelles congolaises, et en spoliant ses biens et ses richesses,

a violé les principes conventionnels et coutumiers suivants :
- le respect de la souveraineté des Etats, y compris sur ses ressourcesnaturelles;

- le devoir de favoriser la réalisation du principe de l'égalitédes peuples et

de leur droit à disposer d'eux-mêmes,et par conséquentde ne pas soumettre

des peuples à la subjugation, à la domination ou à l'exploitation étrangères;

- le principe de non-intervention dans les affaires qui relèvent de la
compétence nationale des Etats, y compris dans le domaine économique;

3) Que la République de l'Ouganda, en se livrant à des exactions à l'encontre

des ressortissants de la République démocratique du Congo, en tuant,

blessant, enlevant ou spoliant ces ressortissants, a violé les principes

conventionnels et coutumiers suivants :
- le principe conventionnel et coutumier de l'obligation de respecter et faire

respecter les droits fondamentaux de la personne, y compris en période de

conflit armé;

- les droits des ressortissants congolais à bénéficierdes droits les plus

élémentaires en matière civile et politique, comme en matière économique,

sociale et culturelle;

4) Que, du fait de toutes les violations énoncées ci-dessus,la République de

l'Ouganda est tenue, dans la mesure et selon les modalités préciséesau

chapitre VI du présent mémoire, et conformément au droit international

coutumier :
- de cesser immédiatement tout fait internationalement illicite qui se

poursuit de façon continue, et en particulier son occupation du territoire

congolais, son soutien aux forces irrégulières opérant en République

démocratique du Congo, sa détention illégalede ressortissants congolais et

son exploitation des ressources naturelles et des richesses congolaises;

- de réparer tous les types de dommages causés par tous les types d'actes
illicites qui lui sont imputables, et ce quelle que soit la longueur du lien decausalité existant entre ces actes et ces dommages,

- par conséquent, d'effectuer une réparation en nature lorsque cela s'avère

encore matériellement possible, en particulier en ce qui concerne les

ressources, les biens et les richesses congolaises qui seraient encore en sa

possession;

- à défaut, de fournir une somme couvrant l'intégralitédes dommages
subis, et qui couvre notamment les exemples mentionnés au paragraphe

6.65.du présent mémoire;

- par ailleurs, et en tout état de cause, d'accorder satisfaction pour les

outrages infligésà la République démocratique du Congo, à la fois sous la

forme d'excuses officielles, de l'octroi de dommages-intérêtscorrespondant
à la gravitédes violations, et de poursuites dirigées contre tous les individus

responsables;

- de fournir des garanties et assurances spécifiques tendant à ce qu'il

n'adopte plus à l'avenir l'une quelconque des violations mentionnées ci-

dessus à l'encontre de la République démocratiquedu Congo.

Le 6 juille2000

Michel Lion,

Agent de la République démocratiquedu Congo

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Mémoire de la République démocratique du Congo

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