Memorandum présenté par la République arabe syrienne [traduction]

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1567
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E XPOSE ECRIT DE LA R EPUBLIQUE ARABE SYRIENNE

[Traduction]

La «puissance occupante» peut -elle construire un mur dans le Territoire occupé en vue de
protéger ses colonies de peuplement dans ce territoir e ? N’est-ce pas contraire aux dispositions de

l’article49 de la quatrième c onvention de Genève et de l’ar ticle85 du premier protocole
additionnel à cette convention ?

Dans le cadre de la «politique de facto» actuellement appliquée par Israël (puissance

occupante), le premier ministre israélien, M. Sharon, a récemment défié à nouveau la communauté
internationale en annonçant son intention de poursu ivre le projet d’expansion des colonies qu’il a
commencé à mettre en Œuvre le 4juin2003 dans le Territoire palestinien occupé par ses forces
armées depuis le 5 juin 1967. Le gouvernement israélien prétend cependant que, s’il est en train de

construire un mur dit «de sécurité», c’est pour protéger sa population face à la résistance
palestinienne qui se dresse fièrement contre l’occupation israélienne.

Le 21octobre 2003, lors de sa dixième sessi on extraordinaire d’urgence, l’Assemblée

générale des NationsUnies, exprimant la volont é de la communauté internationale, a adopté la
résolutionES-10/13, par laquelle elle exige qu’Is raël arrête la constr uction du mur dans le
Territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieu r de Jérusalem-Est et ses alentours, et revienne

sur ce projet. La construction de ce mur est considérée comme une violation de la ligne d’armistice
de 1949, ainsi qu’une violation de la résolution 181 (II) de l’Assembl ée générale de 1947. Elle est
également contraire aux règles du droit international et dispositions des instruments internationaux.

En application de la résolutionES-10/13 du 21octobre 2003 de l’A ssemblée générale, le
Secrétaire général a présenté un rapport (A/ES- 10/248) dans lequel il conc lut qu’Israël ne se
conforme pas à la demande de l’Assemblée tendant à ce qu’il «arrête la construction du mur dans le
Territoire palestinien occupé … et revienne sur ce projet».

L’Assemblée générale avait prié le Secrétaire général de rendre compte périodiquement de la
façon dont sa résolutionES-10/13 était respectée. Le premier rapport de vait concerner plus
particulièrement l’application du paragraphe1 de la résolution, dans lequel l’Assemblée exigeait

«qu’Israël arrête la construction du mur dans le Territoire palestin ien occupé … et revienne sur ce
projet».

Par son refus de prendre en considération le rapport du Secr étaire général, et par son

obstination et son insistance à poursuivre la constr uction d’un «mur de séparation» qui empiète sur
le Territoire palestinien occupé, Israël a c ontraint la communauté internationale à saisir
formellement la Cour internationale de Ju stice, par la résolutionES-10/14 qu’a adoptée
l’Assemblée générale à sa dixième session extrao rdinaire d’urgence, d’une demande d’avis

consultatif sur la question suivante :

«Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur qu’Israël,
puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien occupé, y

compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans
le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit
international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949, et les
résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée

générale ?» - 2 -

Avant de nous pencher sur les conséque nces juridiques du «mur» qu’Israël, puissance
occupante, est en train de construire, nous aimeri ons rappeler la lettre et l’ esprit de la Charte des

NationsUnies, en particulier le paragraphe2 de l’article1, qui appelle les nations à respecter le
principe de l’égalité de droits des peuples et le ur droit à disposer d’eux-mêmes, et les exhorte à
prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix dans le monde.

Nous souhaitons rappeler également les principes fondamentaux énoncés dans les
instruments internationaux qui protègent les dr oits de l’homme et des peuples, tels que la
Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les

accords internationaux visant à éliminer toutes les formes de discrimination raciale, aux termes
desquels les politiques de séparation et de discrimination ethniques sont des crimes flagrants contre
l’humanité.

Nous tenons à souligner que la construction du «mur de sép aration» dans le Territoire
palestinien occupé aura des conséquences catastro phiques pour le peuple palestinien, et aura
également pour effet d’instaurer une politique de f acto dans ce territoire, ce qui est contraire à
toutes les dispositions du droit international, en particulier celles de la quatrième convention de

Genève relative à la protection des personnes civ iles en temps de guerre, en date du 12 août 1949,
et du règlement de LaHaye de1907. C’est égal ement contraire aux termes des déclarations et
traités internationaux relatifs aux droits de l’ho mme, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
et aux droits des territoires qui ne jouissent p as du privilège de l’autonomie. La communauté

internationale a l’obligation de s’opposer avec fermeté à toutes les formes de discrimination raciale,
elle doit éliminer cette discrimin ation, la considérer comme un crime et punir tous ceux qui la
pratiquent.

i) La confiscation de terres et la destruction de biens sont illicites

1. L’article47 de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en

temps de guerre, en date du 12 août 1949, dispose que :

«[l]es personnes protégées qui se trouvent da ns un territoire occupé ne seront privées,
en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente convention, soit en vertu

d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les institutions ou
le gouvernement du territoire en question, so it par un accord passé entre les autorités
du territoire occupé et la puissance occupante, soit encore en raison de l’annexion par
cette dernière de tout ou partie du territoire occupé».

Ainsi, d’après cet article, les ordonnances militaires et la construction du mur dit «de sécurité»
constituent des violations manifestes des principes fondamentaux du droit international humanitaire
et des droits de l’homme. Israël (puissance occupante) a outrepassé les mesures permises à une

puissance occupante selon le droit international humanitaire. Il les a outrepassées en confisquant et
en détruisant, aux fins de la construction du «mur», toujours plus de terres et de maisons.

2. Israël (puissance occupante) prétend que l’ article52 du règlement de LaHaye de1907
l’autorise à confisquer les terres nécessaires à la construction du mur dit «de sécurité». Or cet
article ne lui donne pas le droit de confisquer des biens immeubles tels que des terrains ou des
bâtiments, entre autres, appartenant à des personnes protégées.

L’article 53 du Règlement de La Haye de 1907 n’autorise une armée d’occupation qu’à saisir
les biens meubles de nature à être utilisés par l’Etat pour les opérations de la guerre, notamment les
armes et les vivres, ce qui signifie qu’Israël (puissance occupante) n’a pas le droit de confisquer

des terres ou de détruire des biens pour construire le mur de séparation. - 3 -

En outre, l’article 55 du Règlement de La Haye de 1907 dispose que l’Etat occupant doit se
considérer uniquement comme «usufruitier» des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations

agricoles appartenant à l’Etat ennemi, et qu’il do it sauvegarder le fonds de ces propriétés et les
administrer conformément aux règles de l’usufru it. Et même si l’armée d’occupation déclare
confisquer et détruire les biens de l’ennemi au motif de nécessités militaires, la puissance
occupante reste civilement responsable de la conservation des terres et des biens [im]meubles. En

outre, il nous faut distinguer, dans le territoire occupé, entre biens publics et biens privés, puisque
l’article46 du même règlement interdit la c onfiscation de la propriété privée. L’armée
d’occupation a donc outrepassé en l’espèce tous les pouvoirs qui lui sont accordés par le droit
international. Par conséquent, le «mur de séparation» est illicite, et Israël (puissance occupante)

n’a donné aucun motif légitime susceptible de justifie r la destruction de biens et la confiscation de
terres dans le Territoire occupé. Il est évident que la construction du mur de séparation «israélien»
requiert la confiscation de terres et la destructi on de biens dans le Territoire occupé, ce qui aura
pour conséquence de modifier de manière permanente la structure de ce territoire, tout en ayant des

effets négatifs considérables pour les Palestiniens.

ii) La sanction collective infligée aux Palestiniens est illicite

La puissance occupante israélienne prétend que des motifs de sécurité justifient la
construction du mur de séparation raciale, alors que la destruction de biens et la confiscation de
terres constituent une sanction collective qui touche en particulier ceux dont les terres et les biens

sont saisis à titre permanent. Rappelons que le droit international humanitaire interdit les sanctions
collectives. L’article53 de la quatrième convention de Genève in terdit la destruction de biens,
quels qu’ils soient, dans un territoire occupé. Et son article 33 interdit les peines collectives. Or, la
destruction de biens est une sanction collective; c’est également un acte extrajudiciaire, assimilé à

une violation de la propriété et du domicile. En tout état de cause, une telle destruction massive et
délibérée de biens, non justifiée par des nécess ités militaires, n’est autre qu’une violation de
l’article 147 de la quatrième conve ntion de Genève et, partant, un crime de guerre. L’annexion de
territoires et la confiscation de terres constituent des violations flagrantes des principes généraux du

droit international, comme l’a fait ressortir le Conseil de sécurité des NationsUnies dans sa
résolution 242 (1967).

iii) Le mur de sécurité est une forme de discrimination raciale

1. Le mur israélien dit «de sécurité» est l’un e des formes que revêt la discrimination raciale
inhérente au régime colonialiste et raciste imposé à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. La

convention internationale sur l’é limination de toutes les formes de discrimination raciale définit
cette discrimination comme un crim e contre l’humanité; et les parties à cette convention sont
tenues de poursuivre, devant une juridiction intern ationale spéciale, toute personne qui mettrait en
place une politique de discrimination.

La discrimination raciale ainsi définie au sens large est visée dans le premier protocole
additionnel aux conventions de Genè ve, dans le [statut] de la Cour pénale internationale (1998) et
dans la convention internationale sur l’élimin ation de toutes les formes de discrimination

raciale (196[5]). Ces conventions et traités définissent la discrimination raciale comme «un régime
institutionnalisé d’oppression systématique et de dom ination d’un groupe racial sur [un] autre
groupe racial».

Cette définition s’applique aux mesures et aux politiques «israéliennes», qui se traduisent
notamment par des violations du droit à la vie et à la liberté de la personne, des homicides
délibérés, des souffrances physiques et psycholog iques, des actes de torture, des traitements
humiliants, des détentions arbitraires et d’autres mesures visant à l’anéanti ssement total ou partiel

d’un peuple. Certaines de ces mesures visent à em pêcher la population de participer à la vie - 4 -

économique, politique et culturelle, au mépris de droits de l’homme fondamentaux tels le droit à
l’éducation, le droit au travail, le droit au ret our et le droit à la liberté d’expression. D’autres

mesures sont d’ordre législatif et ont pour obje t d’instaurer une discrimination raciale entre les
deux peuples, par exemple en empêchant les mariages mixtes, d’autoriser la confiscation de terres
et de biens, d’exploiter les travailleurs, ou de poursuivre et sanctionner ceux qui s’opposent à la
discrimination.

2. Le mur «israélien» dit «de sécurité» a pour obj ectif de diviser la population, en instaurant
une discrimination à l’encontre des citoyens palestiniens sur la base de considérations ethniques, en

entravant leur liberté de circulation par des couvr e-feux et des bouclages, et en confisquant des
milliers d’hectares de terres palestiniennes ainsi que d’autres biens, seuls moyens de subsistance
pour des centaines de familles palestiniennes.

En outre, la population coincée entre Israël d’une part, et le mur de sécurité et la Cisjordanie
d’autre part, est exclusivement palestinienne. Ce la prouve que des consid érations raciales ont
motivé le choix de l’emplacement du mur. En choisissant délibérément les meilleures terres
agricoles palestiniennes pour y construire son mur, Israël a créé de petites «zones de confinement»

entre, d’une part, son territoire et, d’autre part, le mur de sécurité et la Cisjordanie. Ces zones de
confinement privent les citoyens palestiniens de leurs terres et de leurs moyens de subsistance. Par
exemple, Qalqiliya a été transformée en une zone de confinement assiégée afin de satisfaire les
besoins d’un petit groupe de colons juifs qui vivent illicitement sur des terres palestiniennes

confisquées illicitement, au mépris de la liberté et de la vie des citoyens palestiniens. Un
observateur impartial ne peut que constater que le tracé actuel  et futur  du mur, à certains
endroits, est déterminé de façon à annexer d es groupes de colonies, pour protéger ces colonies

illicites en territoire palestinien occupé. Il vise par conséquent à consolider l’occupation, en
violation des dizaines de résolutions international es qui ont confirmé l’illicéité des colonies situées
en territoire occupé. Le mur de sécurité entrave la liberté de circulation des Palestiniens, mais pas
celle des colons juifs qui vivent dans les colonies illicites de Cisjordanie. Ainsi, le mur sépare les

deux communautés ethniques, avec des conséquen ces dramatiques pour l’une d’elles, les
Palestiniens.

Le mur de ségrégation divise aussi les familles et les communautés palestiniennes, et entrave

leur liberté de circulation, parce qu’il renforce un système de permis spéciaux qui sert à contrôler
les déplacements des citoyens palestiniens. Avec son projet de mur, «Israël» impose de manière
unilatérale des frontières entre son territoire et le futur Etat palestinien, ce qui compromet
gravement le processus de paix, va à l’encontre des résolutions pertinentes des NationsUnies et

préjuge de l’issue des négociations.

3. Le mur de ségrégation ne tient aucunement compte de la vie des Palestiniens, de leurs

terres ou de leurs sources d’approvisionnement en eau. Il montre au contraire qu’Israël (puissance
occupante) entend confisquer par des moyens illicites ces terres et ces sources d’approvisionnement
en eau. La Cour suprême israélienne n’a pas c onvaincu le Gouvernement is raélien à respecter les
obligations qui lui incombent en vertu du droit in ternational. L’armée «israélienne» a donc toute

latitude pour confisquer des terres par des moyens ill icites, et tandis que des centaines de milliers
de Palestiniens sont pris dans un étau, la comm unauté internationale ne réagit pas. Le mur de
ségrégation a deux fonctions élémen taires : il asphyxie une communauté ethnique, et l’isole de ses
sources d’approvisionnement en eau. Cela est en soi un acte de discrimination raciale, et une

violation tant de la quatrième convention de Genève que des accords conclus entre «Israël» et la
Palestine. - 5 -

4. Il nous faut rappeler ici qu’Israël, selon le droit international humanitaire fondé sur la

coutume, a l’obligation d’assurer le bien-être de la population de Cisjor danie, conformément à
l’article43 du règlement de LaHaye de1907 concer nant la guerre sur terre. Israël est également
tenu de protéger les déplacements des services de secours, de respecter les malades, de permettre
l’approvisionnement en vivres et en fournitures médicales, et de faciliter le fonctionnement des

établissements éducatifs (articles16, 20, 25, 50, 55 et59 de la quatrième convention de Genève).
En outre, le droit conventionnel interdit à Israël de procéder à la moindre modification permanente
qui serait contraire aux intérêts de la population locale de Cisjorda nie (article55 du règlement de
LaHaye de1907). Il lui interdit également de transférer sa propre population civile dans le

territoire occupé (art. 49, par. 6, de la quatrième convention de Genève).

5. Israël a ratifié plusieurs traités relatifs aux droits de l’homme qui imposent aux signataires

l’obligation de respecter et de renforcer les droits à la liberté de circulation, à l’éducation, aux soins
de santé et au travail, ainsi que le droit d’avoir accès aux sources d’approvisionnement en eau. Ces
traités sont notamment le pacte international re latif aux droits civils et politiques, le pacte
international relatif aux droits économiques, soci aux et culturels, et la convention relative aux

droits de l’enfant. En août 2003, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies a conclu
qu’Israël (puissance occupante) et ses agents étaient tenus, dans tous leurs comportements en
territoire occupé, d’appliquer en faveur de la population de ce te rritoire les dispositions du pacte
international relatif aux droits civils et politiq ues, leur conduite porta nt atteinte dans les

circonstances actuelles à la jouissance effective des droits énoncés dans ce pacte. Selon les
principes du droit international général, cela relève de la responsabilité d’«Israël».

iv) Les arguments d’Israël pour justifier le mur de séparation raciale

1. «Israël» (puissance occupante) affirme que la construction du mur de séparation sert les
intérêts des Palestiniens puisque l’armée, pour préserver la sécurité d’«Israël» (puissance

occupante), n’aura ainsi plus recours à la réoccupa tion, ni à l’installation de postes de contrôle, ni
aux bouclages, ni à aucune autre sanction collectiv e portant atteinte aux droits de l’homme. Ce
même argument a servi, par le passé, à justifier la construction de rocades en Cisjordanie et dans la
bande de Gaza, sur des terres confisquées de ma nière illicite aux Palestiniens. D’après cet

argument dépourvu de sens comme de fondement juridi que, la sécurité des col ons israéliens allait
être assurée exclusivement au moyen de routes réservées à leur usage (ce qui est une forme de
discrimination raciale évidente, puisque les Palestiniens ne peuvent utiliser ces routes).

2. Or, à l’inverse de ce qu’affirme Israël, la construction de routes de ségrégation raciale
réservées exclusivement aux «Israéliens» n’a aucunement réduit la présence de l’armée israélienne
d’occupation en Cisjordanie, dans la bande de Gaza ou à Jérusalem-Est. Au contraire, l’armée a

renforcé ses effectifs et ses installations sur les terres confisquées à la Palestine après 2000.

Dès le début, il était manifeste que le mur de ségrégation raciale n’entraînerait pas une
réduction des postes de contrôle, des couvre-feux, des tirs arbitraires contre des civils ou des

bouclages; il était manifeste que toutes ces pr atiques se poursuivraient, parce qu’elles sont
imposées dans le cadre de la politique «i sraélienne» d’intimidation et d’humiliation des
Palestiniens, et non simplement pour répondre aux préoccupations «israéliennes» face aux
infiltrations. Cela explique qu’en dépit de ces mesures illicites l’armée «israélienne» se comporte

de façon de plus en plus irresponsable, sans avoi r à rendre de comptes et en toute impunité, avec le
soutien du Gouvernement «israélien» et dans l’in différence d’une bonne partie de la communauté
internationale. Les bouclages, les couvre-feux et les tirs arbitraires contre les civils se poursuivront
tant qu’«Israël» (puissance occupante) refusera de démanteler les colonies israéliennes illicites qui

sont protégées par le mur de séparation raciale. - 6 -

3. «Israël» (puissance occupante) prétend que le mur est nécessaire à sa sécurité, mais il est
évident que c’est en réalité un prétexte pour poursu ivre ses confiscations illicites de terres. En

outre, même s’il pouvait faire valoir de véritabl es préoccupations sécuritaires qui motiveraient la
construction du mur de séparation, Israël n’en ser ait pas moins tenu d’agir conformément au droit
international. Les motifs qu’«Israël» (puissance occupante) avance pour justifier la construction du
mur de séparation entre la Cisjordanie et son territoire sont comparables aux motifs de sécurité qui

ont servi à justifier d’autres mesures contraigna ntes et illicites telles que les bouclages complets.
En mars 2002, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situa tion des droits de l’homme dans
les territoires palestiniens occupés, M. John Dugard , a déclaré à propos des restrictions à la liberté
de circulation des personnes et des biens que «le but [du mur] n’[était] pas tant d’empêcher des

individus présentant un risque éventuel pour la sécu rité de franchir les postes de contrôle… que
d’humilier les Palestiniens et de faire pression su r eux pour qu’ils renoncent à toute résistance à
l’occupation israélienne». En septembre 2002, le rapporteur spécial a ajouté :

«il ne fait aucun doute que [les préoccupations d’Israël en matière de sécurité] sont
fondées…mais il faut se demander si les mesures qu’il a prises, en particulier les
couvre-feux et les bouclages, répondent toujours à un besoin de sécurité. Elles
apparaissent en effet souvent tellement disproportionnées et éloignées des

considérations de sécurité que l’on en vient à se demander si elles ne sont pas en partie
destinées à punir, humilier et asservir le pe uple palestinien. Israël [puissance
occupante] doit concilier ses besoins de sécu rité parfaitement fondés, avec les besoins

humanitaires — tout aussi fondés — du peuple palestinien. Aux yeux du Rapporteur
spécial, il semble qu’un tel équilibre n’existe pas. Les droits de l’homme ont été
sacrifiés sur l’autel de la sécurité. Il en résulte une menace plus redoutable encore
pour la sécurité des Palestiniens: le sentiment d’impuissance né du désespoir, qui

conduit inexorablement aux attentats suicid es et à d’autres actes de violence dirigés
contre les Israéliens.»

Israël (puissance occupante) affirme que l’article 52 du règlement de La Haye de 1907 l’autorise à

confisquer des terres aux fins de la construction d’un mur de sécurité . Or, cet article ne lui donne
pas le droit de confisquer des biens immeubles tels que des terres appa rtenant à des personnes
juridiquement protégées. L’article 53 du règlemen t de La Haye dispose que l’armée d’occupation

peut saisir le numéraire, les fonds et les biens mob iliers de l’Etat de nature à servir aux opérations
de la guerre, ce qui inclut les armes et les munitions. Mais même si l’armée d’occupation déclare
confisquer et détruire des biens de l’ennemi au mo tif de nécessités militaires, l’Etat occupant reste
civilement responsable de la conservation des terres et des biens immeubles. L’article55 du

règlement de La Haye de 1907 dispose que l’Et at occupant doit se considérer uniquement comme
«usufruitier» des édifices publics, i mmeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l’Etat
ennemi, et qu’il doit sauvegarder le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux
règles de l’usufruit. En outre, il nous faut distin guer entre biens publics et privés dans un territoire

occupé, puisque l’article46 du même règlement in terdit la confiscation de la propriété privée.
L’armée d’occupation a donc outrepassé en l’espèce tous les pouvoirs qui lui sont accordés par le
droit international. Elle a également outrepassé le s frontières du futur Etat palestinien, telles que
définies en 1967 et confirmées par les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité.

Dans son rapport soumis en app lication de la résolutionES-10/13 de l’Assemblée générale du
21 octobre 2003, le Secrétaire général relève à propos de Jérusalem que «[l]a barrière existante et le
tracé prévu autour de Jérusalem se trouvent au-delà de la Ligne verte et, dans certains cas, au-delà
de la limite orientale de la municipalité de Jéru salem telle qu’elle a été annexée par Israël»; il y a

donc violation manifeste de la r ésolution478 (1980) [du Conseil de sécurité], qui déclare nulle et
non avenue l’annexion de Jérusalem-Est. En outre , les résolutions pertinentes des NationsUnies
disposent que les mesures prises par Israël (pui ssance occupante) pour modifier le statut de

Jérusalem-Est et sa composition démographique sont également dépourvues de toute validité,
partant, nulles et non avenues. Il s’ensuit que le mur de séparation raciale est illicite et doit être
démantelé. «Israël» (puissance occupante) n’a pas justifié la destruction et la confiscation de terres - 7 -

et de biens dans le Territoire occupé. La constr uction du mur de séparation «israélien» requiert la
confiscation de terres et la destruction de biens da ns le territoire occupé, ce qui, à l’évidence, aura

pour conséquence de modifier de manière permanente la structure de ce territoire, tout en ayant
des effets négatifs considérables pour les Palestiniens.

v) Les limites dans lesquelles la construction du mur de séparation peut être justifiée en
tant que mesure d’urgence

La nécessité implique en général une contra diction entre deuxintérêts juridiques, dont l’un

est sacrifié au profit de l’autre. En droit intern ational, la notion de nécessité s’applique lorsqu’un
Etat existant ou en puissance voit son existence, c’est-à-dire son identité ou son indépendance,
menacée, et que cette menace ne peut être supprimée qu’au prix de la viola tion de droits protégés
par le droit international.

Il ne fait pas de doute que le concept de m esures d’urgence représente un grand danger pour
la stabilité des relations internationales, parce que si chaque pays était autorisé à invoquer ce
concept pour justifier le non-respect de ses obligations internationales  au motif que son droit à

l’existence est menacé et qu’il doit donc protéger ses propres intérêts et se protéger lui-même ,
cela reviendrait à admettre que chaque pays peut méconnaître les règles du droit international et
justifier les violations qu’il commet par la nécessité de protéger ses intérêts. Une telle situation ne
ferait qu’aggraver le chaos mondial. Chaque pays agirait dans le sens de ses intérêts, même si c’est

en portant atteinte aux intérêts d’autres pays, so us prétexte que cette vi olation ne serait que le
corollaire de mesures d’urgence nécessaires.

Il est donc logique que l’on ne puisse pas exciper de l’état d’urgence pour commettre des

crimes internationaux et prendre les armes, en l’invoquant pour justifier une agression délibérée.
L’état d’urgence est étranger aux principes du droi t international et n’est pas conforme à ses règles
et ses dispositions.

On ne saurait accepter que les Etats invoquent d es mesures d’urgence comme justification en
droit international, pour les raisons suivantes :

A. Le droit international ne reconnaît pas les motifs et les règles qui fondent l’existence d’un état

d’urgence en droit interne: car si l’existence d’un état d’urge nce est prévue en droit interne,
c’est principalement parce que ce droit, lors qu’il fut élaboré pour ré gler la conduite des
hommes, ne pouvait exiger de ces derniers bravoure et sacrifice lorsque leurs intérêts essentiels
étaient en conflit avec les intérêts d’autrui , la tendance de l’homme à protéger ses

intérêts  lorsqu’ils sont en danger  étant une réaction naturelle qui participe de l’instinct de
survie et qui est tolérée par la loi. Mais cette généralisation ne s’étend pas aux Etats, qui sont
des entités dépourvues des instincts naturels de l’individu.

B. De plus, si l’existence d’un état de nécessité est prévue en droit interne, c’est aussi parce que ce
droit applique le principe de l’intérêt supérieur, qui consiste à sacrifier un intérêt protégé par la
loi à un autre intérêt plus important, en instaurant une hiérarchie dans la protection des intérêts

légitimes. Ce principe n’est pas applicable dans le cadre des relations internationales, parce que
le droit international protège tous les intérêts et appelle à la coexistence pacifique des peuples et
des nations; or, si le principe de l’intérêt supéri eur était appliqué, cela reviendrait à sacrifier les
droits des pays pacifiques au profit des pays agressifs. De plus, cela pourrait conduire à

l’abandon des règles du droit international elles-mêmes. - 8 -

C. En outre, la non-applicabilité de l'état de néce ssité se justifie par la crainte de voir un pays
invoquer abusivement l’état d’ urgence pour agresser les autres pays. En l’absence d’autorité

judiciaire internationale qui puisse s’assurer que les conditions requises pour proclamer l’état
d’urgence sont remplies, un Etat pourrait interpré ter ces conditions dans le sens de ses intérêts,
ce qui entraînerait chaos et confusion au sein de la communauté internationale.

D. Enfin, admettre la règle de l’urgence conduit à une situation contradictoire, car si nous
reconnaissons à un Etat le droit de comme ttre un acte d’agression contre un autre Etat
innocent au motif de l’urgence, nous devons rec onnaître d’abord à cet autre Etat le droit de
réagir à l’agression qu’il subit, au titre de la légitime défense. Autoriser une agression au

motif de l’état d’urgence puis autoriser une réaction à cette agression  en tant que moyen de
défense légitime  est non seulement contradictoire, mais aboutit en outre à une guerre entre
les deuxpays, résultat néfaste qui n’est aucunement compatible avec les objectifs du droit

international.

Cette question fut soulevée à maintes reprises devant la Commission du droit international;
ainsi, l’article 3 du projet de déclaration des droits et devoirs des Etats présenté à l’académie

du droit international en 1970 excluait la possib ilité d’invoquer l’urgence (déclarant qu’aucun
Etat ne peut prendre de mesures à l’encontre un autre Etat ni le menacer, même si c’est pour se
préserver d’un péril qui le menace lui-même).

La question fut également abordée par la Commission du droit international en1980, lorsque
celle-ci adopta des projets d’articles sur la responsabilité des Etats ; l’article33 tel qu’adopté
en 1980 disposait ainsi que :

«1. L’état de nécessité ne peut pas être invoqué par un Etat comme une cause
d’exclusion de l’illicéité d’un fait de cet Et at non conforme à une de ses obligations
internationales, à moins que :

a) ce fait ait constitué le seul moyen de sauvegarder un intérêt essentiel dudit
Etat [contre un péril grave et imminent] ; et que

b) ce fait n’ait pas gravement porté atteinte à un intérêt essentiel de l’Etat [à l’égard

duquel l’obligation existait].

2. En tout état de cause, l’état de néce ssité ne peut pas être invoqué par un Etat
comme une clause d’exclusion d’illicéité :

a) si l’obligation internationale à laquelle le fait de l’Etat n’est pas conforme découle
d’une norme impérative du droit international général ; ou

b) si l’obligation internationale à laquelle le fait de l’Etat n’est pas conforme [est]

prévue par un traité qui, explicitement ou implicitement, exclut la possibilité
d’invoquer l’état de nécessité en ce qui concerne cette obligation; ou

c) si l’Etat en question a contribué à la survenance de l’état de nécessité.»

Il semble, à la lecture de cet article, que la Commission du droit international soit convaincue de
la nécessité d'admettre la notion d’état d’urgence en droit international. - 9 -

Ce que nous entendons montrer, dans le cadre de cette analyse, c’est que la Commission a
catégoriquement exclu la possibilité d’invoquer l’ urgence pour justifier une agression ou un crime

international comme ceux qu’Israël est en train de commettre en construisant le mur de séparation.
C’est ce qu’il faut déduire de l’article 33, en deux endroits :

Premièrement, aux termes de l’alinéa b) du paragraphe1 , l’existence de l’urgence ne peut

être véritablement reconnue, et acceptée en tant que justification, que si le fait  illicite  commis
par l’Etat au titre de cet état d’urgence ne porte pas gravement atteinte à un intérêt essentiel de
l’Etat victime dudit fait illicite. Or, cette condition n’est auc unement remplie dans le cas
d’«Israël» (puissance occupante) puisque l’intérêt auquel il est porté atteinte en l’espèce n’est

autre que la souveraineté et l’indépendance de l’Et at visé, autrement dit, l’un des intérêts les plus
importants que les pays s’efforcent de sauvegarder, la moindre atteinte à ces intérêts leur étant très
préjudiciable.

Deuxièmement, le paragraphe 2 énumère trois autres exceptions à la possibilité, pour un
Etat, d’invoquer l’état d’urgence. La premiè re est qu’il n’est pas permis d’invoquer l’état
d’urgence pour violer une règle impérative du droit international. Une règle de cette sorte ne peut
être enfreinte sous aucun prétexte. Par conséquent, nous affirmons qu’en l’espèce l’acquisition du

territoire d’autrui par la force, l’implantation de colonies, l’imposition d’une politique de
sanctions collectives et l’adopti on d’une politique de séparation ra ciale ont pris le pas sur des
règles internationales impératives qu’un Etat ne saurait violer ou enfreindre sous prétexte de

sauvegarder son existence.

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Memorandum présenté par la République arabe syrienne [traduction]

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