Exposé écrit du Royaume hachémite de Jordanie [traduction]

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1559
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E XPOSE ECRIT DU R OYAUME HACHEMITE DE JORDANIE

[Traduction]

T ABLE DES MATIERES

page

I. I NTRODUCTION ............................................................................................................................2

II. C ONTEXTE GENERAL ...................................................................................................................3

III. C ONTEXTE RECENT ....................................................................................................................16

IV. F AITS PERTINENTS .....................................................................................................................20

a) Le mur israélien ...................................................................................................................20

b) Les conséquences humaines du mur.....................................................................................22

c) Les conséquences économiques et sociales du mur .............................................................22

V. C ONSIDERATIONS JURIDIQUES PERTINENTES ............................................................................25

a) Compétence de la Cour........................................................................................................25

i) La demande soulŁve une question de nature juridique et la Cour est compØtente
pour y rØpondre.............................................................................................................25

ii) Il n’existe aucune raison dØcisive qui devrait conduire la Cour à refuser de

donner l’avis consultatif qui lui est demandØ ...............................................................28

b) Principes juridiques applicables..........................................................................................32

i) L’interdiction de l’emploi de la force et le droit à l’autodØtermination sont des
rŁgles du jus cogens......................................................................................................32

ii) Le territoire sur lequel le mur a ØtØ ou doit Œtre construit constitue un territoire
occupØ au regard du droit international ........................................................................35

iii) Le droit applicable à l’Øgard d’un territo ire occupØ limite les pouvoirs de l’Etat

occupant........................................................................................................................39
i) Un territoire occupØ ne peut Œtre annexØ par l’Etat occupant.......................................47

c) La construction du mur à la lumière des principes juridiques applicables .........................49

i) L’Etat occupant n’a pas le droit, en construisant le mur, d’annexer de facto le
territoire occupØ ou d’en modifier le statut de quelque autre maniŁre que ce soit .......49

ii) L’Etat occupant n’a pas le droit de modifier la composition dØmographique du
territoire occupØ en y implantant des colonies ØtrangŁres............................................51

iii) L’Etat occupant n’a pas le droit de construire en territoire occupØ un mur
servant à Øtablir, Øtayer ou affermir son c ontrôle illicite sur tout ou partie de ce

territoire et son annexion de fait de celui-ci .................................................................57 - 2 -

iv) L’Etat occupant n’a pas le droit, en territoire occupØ, de construire un mur qui
constitue une atteinte grave et disproportionnØe à l’exercice, par les habitants de

ce territoire, de leurs droits fondamentaux ...................................................................59

a) La protection offerte par le droit international humanitaire ...............................................59

b) La protection offerte par les règles internationales en matière de droits de l’homme ........62

c) L’incidence du mur sur les droits de l’homme: dispositions conventionnelles
pertinentes .................................................................................................................................64

v) La puissance occupante n’a pas le droit d’ Ødifier, dans le territoire occupØ, un
mur qui porte atteinte gravement et de façon disproportionnØe aux droits des

habitants dudit territoire à la propriØtØ effective de leurs biens fonciers et
immobiliers...................................................................................................................77

vi) Le droit de lØgitime dØfense d’un Etat à l’Øgard du territoire relevant de sa
propre souverainetØ ne l’autorise pas à exercer ce droit en procØdant à la
construction d’un mur

a)constituant une mesure disproportio nnØe et prise sans nØcessitØ dans un
territoire ne lui appartenant pas, tel un territoire occupØ, ou
b) pour protØger des colonies de peuplement qu’il a implantØes de façon illicite
dans un territoire occupØ...............................................................................................84

vii) Toutes violations d’obligations internationales rØsultant de la construction et de
la planification du mur doivent donner lieu à rØparation..............................................88

VI. R ESUME DE L ’EXPOSE DE LA JORDANIE ....................................................................................91

VII. C ONCLUSIONS ............................................................................................................................91

I. INTRODUCTION

1.1. Le prØsent document constitue l’exposØ Øcrit du Royaume HachØmite de Jordanie

(ci-aprŁs «la Jordanie») soumis à la Cour internationale de Justice (ci-aprŁs «la Cour») en rØponse à
l’ordonnance de cette derniŁre en date du 19 dØcembre 2003, invitant les Etats Membres des
Nations Unies à prØsenter, pour le 30 janvier 2004 au plus tard, des exposØs Øcrits sur la question
qui lui a ØtØ soumise pour avis consultatif.

1.2. Le 8 dØcembre 2003, l’AssemblØe gØnØrale de s Nations Unies a, lors de la reprise de sa
dixiŁme session extraordinaire d’urgence, adoptØ la rØsolution A/RES/ES-10/14, dans laquelle elle

a demandØ à la Cour de rendre d’urgence un avis consultatif sur la question suivante :

«Quelles sont en droit les consØquences de l’Ødification du mur qu’Israºl,
puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien occupØ, y

compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est, selon ce qui est exposØ dans
le rapport du SecrØtaire gØnØral, compte tenu des rŁgles et des principes de droit
international, notamment la quatriŁme convention de GenŁve de 1949, et les
rØsolutions consacrØes à la question par le Conseil de sØcuritØ et l’AssemblØe

gØnØrale ?» - 3 -

1.3. Lors d’une sØance prØcØdente de la re prise de sa dixiŁme session extraordinaire

d’urgence, l’AssemblØe gØnØrale avait, le 21 octobre2003, adoptØ la rØsolution ES-10/13. Au
paragraphe1 de cette rØsolution, l’AssemblØe «exige[ait] qu’Israºl arrŒte la construction du mur
dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem-Est et ses alentours, et revienne sur ce
projet, qui s’Øcarte de la ligne d’armistice de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes

du droit international».

1.4. Cette rØsolution, à son paragraphe3, pr iait Øgalement le SecrØtaire gØnØral de rendre

compte pØriodiquement de la façon dont cette rØsolution serait respectØe, son premier rapport
devant porter sur l’application du pa ragraphe 1. Le SecrØtaire gØ nØral a dßment remis ce premier
rapport le 24 novembre 2003 (Nations Unies, doc. A/ES-10/248). Au paragraphe 28 de celui-ci, le
SecrØtaire gØnØral indique Œtre «parvenu à la conclusion qu’Israºl ne se conforme pas à la demande

de l’AssemblØe gØnØrale tendant à ce qu’il «arrŒ te la construction du mur dans le Territoire
palestinien occupØ … et revienne sur ce projet»».

1.5. Ce rapport a ØtØ prØsentØ avant la repri se de la dixiŁme session extraordinaire d’urgence

de l’AssemblØe gØnØrale, en vue de son dØbat du 8 dØcembre 2003; il y a ØtØ fait expressØment
rØfØrence dans la requŒte pour avis consultatif de l’AssemblØe gØnØrale.

1.6. Traitant des questions soulevØes par la prØs ente procØdure, la Jordanie ne peut que faire
observer que le fond mŒme de la question qui fait l’objet de cette procØdure consultative soulŁve
des points de droit et de fait extrŒmement impor tants, notamment en ce qui concerne les faits
historiques remontant à plus d’un demi-siŁcle. Ces faits sont à l’origine des questions d’ordre

juridiques qui doivent Œtre examinØes dans le cadre de cette procØdure consultative. De surcroît,
ces questions juridiques sont elles-mŒmes extrŒmemen t complexes et à bien des Øgards objets de
controverses; elles exigent donc un examen des plus attentifs.

1.7. Dans le prØsent exposØ Øcrit, la Jordanie s’attachera à examiner les faits et les questions
juridiques pertinents d’une maniŁre aussi exhaustiv e que possible compte tenu des dØlais fixØs par
la Cour. Si cette derniŁre devait estimer utile un exposØ plus complet des questions de fait ou de

droit soulevØes par cette procØdure, la Jordanie serait prŒte à rØpondre du mieux qu’elle le pourrait
à toute demande en ce sens de la Cour. Si la Cour devait en outre estimer que le temps nØcessaire
pour rØpondre à une telle demande pourrait Œtre de na ture à cause un retard dans lequel, bien que
l’affaire soit pendante, la construction du mur se rait susceptible de se poursuivre, risquant ainsi

d’affecter le cours de la prØsente procØdure, e lle pourrait, conformØment aux articles41 et68 de
son Statut ainsi qu’au paragraphe 1 de l’article75 et au para graphe2 de l’article102 de son
RŁglement, envisager d’examiner proprio motu la question de savoir si les circonstances exigent

l’indication de mesures conservatoires.

II. CONTEXTE GENERAL

2.1. Depuis juin1967, c’est-à-dire depuis prŁs de trente-sept ans, le C onseil de sØcuritØ et
l’AssemblØe gØnØrale adoptent d es rØsolutions insistant sur le fait que les territoires occupØs par
Israºl aprŁs le conflit de 1967, en particulier la Cisjordanie et JØrusalem-E st, sont des «territoires

occupØs» aux fins du droit international, et que les droits et pouvoirs d’Israºl en rapport avec ces
territoires sont rØgis, et circonscrits, par le dro it international, en par ticulier par la quatriŁme
convention de GenŁve de 1949. Ces rØsolutions n’ont eu aucun effet notable sur la conduite - 4 -

d’Israºl. Aucun progrŁs n’a ØtØ enregistrØ dans le rŁglement des problŁmes surgis en rapport avec
ces territoires occupØs; en rØalitØ, la situation act uelle est probablement pire qu’elle ne l’a jamais

ØtØ.

2.2. La requŒte pour avis cons ultatif soumise par l’AssemblØe gØnØrale est principalement le

rØsultat de deux considØrations : l’occupation contin ue, par Israºl, de territoires ne lui appartenant
pas, et ce pour la trente-septiŁme annØe consØcutiv e; et la dØcision d’Israºl de construire un mur
suivant un tracØ qui laisse supposer un objectif qui dØpasse largement la lØgitime dØfense invoquØe
à titre de justification. En effet, Øtant donnØ que, en divers points, le tracØ du mur pØnŁtre

profondØment en Territoire palestinien, menaçant de placer tous les grands ensembles de colonies
juives en Territoire palestinien occupØ largement à distance de ce mur, il semblerait que l’un des
principaux objectifs de la construction de ce mur r Øside dans la volontØ du Gouvernement israØlien
de consolider ces ensembles de colonies et d’assurer leur permanence. Ainsi, plutôt que de mettre

un terme à une occupation qui dure depuis prŁs de quatre dØcennies, Israºl semble s’apprŒter à
annexer des portions substantielles de la Cisjordanie.

2.3. Ces divers ØlØments vont à l’encontre des exigences ØnumØrØes dans la «feuille de
route» pour le Proche-Orient; de fait, elles vont à l’encontre du principe mŒme qui a inspirØ tous les
efforts de paix au Proche-Orient depuis1967, le pr incipe «terre contre paix» tel qu’il fut exprimØ
pour la premiŁre fois dans la rØsolution 242 (1967) du Conseil de sØcuritØ.

2.4. Au moment oø l’AssemblØe gØnØra le a demandØ un avis consultatif, le
8dØcembre2003, la seule voie ouverte pour la repr ise de ces efforts de paix rØsidait dans la

«feuille de route» ØlaborØe par les Etats-Unis, la FØdØration de Russie, l’Union europØenne et les
NationsUnies (le «Quatuor») à l’automne2002, pui s lancØe à Aqaba, en Jordanie, le 4juin2003;
ce «plan fondØ sur des rØsultats» a ØtØ conçu pour rØpondre à la nØcessitØ de mettre un terme
immØdiat aux hostilitØs en cours, dans la perspect ive, formulØe pour la premiŁre fois dans la

rØsolution 1397 (2002) du Conseil de sØcuritØ, puis exposØe par le prØsident des Etats-Unis le
24 juin 2002, de la crØation de deux Etats, la Palestine et Israºl, vivant côte à côte dans la paix et la
sØcuritØ. C’est à cette fin que la «feuille de route» a ØnoncØ une sØrie de mesures parallŁles exigØes
des deux parties, avec comme mandat les princip es ØnoncØs lors de la confØrence de paix de

Madrid de1990, le principe «t erre contre paix», les principes ØnoncØs dans les rØsolutions du
Conseil de sØcuritØ 242 (1967), 338 (1973) et 1397 (2002), les accords prØalablement conclus entre
les parties et, enfin, l’initiative de paix arabe de 2002. La Jordanie a par ailleurs affirmØ, avec
d’autres, que la perspective de la crØation de deux Etats n’Øtait envisageable que dans le cadre d’un

retrait complet d’Israºl des territoires occupØs depuis juin 1967.

2.5. La mise en œuvre de la feuille de r oute a malheureusement ØtØ entravØe dŁs les dØbuts :

la persistance d’Israºl dans la mise en application d’une politique d’assassinats extrajudiciaires, qui
a souvent entraînØ la mort de Palestiniens innocents, ainsi que sa propension à infliger des
châtiments collectifs à des «personnes protØgØes», c’est-à-dire la population civile palestinienne ou
des groupes de celle-ci, notamment par le biai s de barrages et la dØmolition d’habitations, a

empŒchØ l’apparition d’un climat de confiance pa rmi les Palestiniens. L’Øtablissement d’un tel
climat de confiance n’a pas non plus ØtØ possible en Israºl, des attentats-suicide perpØtrØs contre la
population civile israØlienne et attribuables à des organisations extrØmistes palestiniennes s’Øtant
rØguliŁrement traduits par des pertes en vies humaines. Dans tous ces cas, le Royaume HachØmite

de Jordanie a adoptØ une position de fermetØ, en condamnant sans rØserve les actions menØes tant
par le Gouvernement israØlien que par les militants palestiniens, qui n’ont eu d’autre effet que
d’infliger peines et souffrances à la population civile des deux côtØs. - 5 -

2.6. Pourtant, et malgrØ les revers infligØs à la mise en œuvre de la «feuille de route», deux
initiatives de paix informelles ont ØtØ lancØes, les 27 juillet 2002 et 1 erdØcembre 2003

respectivement: le plan de paix Nusseibeh-Ayal on et les accords de Ge nŁve; ces deux initiatives
ont suscitØ un vif intØrŒt parmi les populations de la rØgion, provoquant ce qui sembla Œtre l’Ølan
tant attendu en vue d’une relance du processus de paix . La dØcision prise par Israºl de construire

ce mur, et le tracØ de celui-ci, ont mis un term e à ces possibilitØs. Ce mur a en effet dØjà
commencØ à mutiler les Territoires occupØs, menaçan t les aspirations nationales des Palestiniens,
voire leur propre existence sur leurs terres, et suscitant ailleurs la crainte.

2.7. Israºl, lorsqu’il a approuvØ la premiŁre ph ase de la construction du mur, le 23 juin 2002,
soit un jour avant que le prØsident GeorgeW.Bu sh ne prØsente son projet de crØation de deux
Etats, a affirmØ que ce mur, en empŒchant les atta ques des militants palestiniens, avait pour objet

de renforcer sa sØcuritØ. Nous erposerons comme nt le tracØ complet du mur, approuvØ par le
Gouvernement israØlien le 1 octobre 2003, n’est ni proportionnel aux menaces qui pŁsent sur
Israºl — compte tenu des effets nØgatifs que ce mu r entraînera pour la population palestinienne en
gØnØral —, ni justifiØ par le principe de la nØcessitØ militaire.

2.8. C’est dans ce contexte gØnØral de la s ituation actuelle que la C our souhaitera peut-Œtre
lire ce rappel de l’histoire de la rØgion aprŁs la premiŁre guerre mondiale.

2.9. A la suite de la chute de l’Empire ottoma n et de la fin de la premiŁre guerre mondiale,
un mandat pour la Palestine fut, en 1920, confiØ au Royaume-Uni par la SociØtØ des Nations;

formellement approuvØ par le Conseil de la SociØtØ des Nations le 24 juillet 1922, ce mandat entra
en vigueur le 29 septembre 1923. Alors qu’il couvrai t initialement la Palestine et la Transjordanie,
cette derniŁre fut, en1922, exclue de l’appli cation des principales dis positions du mandat pour la

Palestine. Cette derniŁre n’en continua pas moins à faire l’objet du mandat initialode1919.
L’Øtendue territoriale de la Palestine s ous mandat est indiquØe dans le croquisn 1 qui figure à la
page 6 du prØsent exposØ.

2.10. L’exclusion de la Transjordanie des prin cipales dispositions du mandat sur la Palestine
fut le rØsultat de l’aval donnØ par le Conseil de la SociØtØ des Nations à une proposition soumise le
22juillet1922 par le Gouvernemen t britannique dans un mØmorandum adressØ au Conseil, dans

lequel il Øtait indiquØ que, conformØment à l’ article25 du mandat sur la Palestine, le
Gouvernement britannique, en tant que Puissance manda taire, invitait le Conseil de la SociØtØ des
Nations à adopter une rØsolution libellØe en ces termes :

«Les dispositions suivantes du Mandat sur la Palestine ne s’appliquent pas au
territoire connu sous le nom de Transjordani e, qui comprend tous les territoires situØs
à l’est d’une ligne partant à deux milles à l’ouest de la ville d’Akaba, sur le golfe de ce
nom, pour suivre le milieu de la riviŁre Ouad i Araba, de la mer Morte et du Jourdain

jusqu’à son confluent avec la riviŁre Yarmouk, et se diriger, à partir de ce point, en
suivant le centre de cette derniŁre riviŁre, jusqu’à la frontiŁre de Syrie.»

Le 22 mars 1946, un traitØ d’alliance fut signØ en tre la Grande-Bretagne et la Transjordanie, aux
termes de laquelle celle-ci de venait indØpendante, avec pour souverain Amir Abdullah Ibn
Al-Hussain.- 6 - - 7 -

2.11. Au cours des annØes qui suivirent immØdiatement la seconde guerre mondiale, les

territoires couverts par le mandat pour la Palestin e connurent un certain nombre de troubles. Les
hostilitØs entre les communautØs arabe et juive reprir ent, s’accompagnant d’un climat de violence
anti-britannique. En1947, le Gouvernement brita nnique rechercha l’aide des NationsUnies pour
rØsoudre ce qui Øtait devenu la «question de Pal estine». Le 29 novembre de cette mŒme annØe,
l’AssemblØe gØnØrale adoptait sa rØsolution181(II), qui prenait note de la dØclaration de la

Puissanceerandataire selon laquelle celle-ci avait pr Øvu une Øvacuation complŁte de la Palestine
pour le 1 aoßt 1948, prØcisant que le mandat pour la Palestine devrait prendre fin dŁs que possible,
mais en tout Øtat de cause le 1 eraoßt 1948 au plus tard. Elle recommandait Øgalement la partition
de la Palestine en deux Etats indØpendants, arabe et juif, JØrusalem devenant une zone
internationale. Les frontiŁres des unitØs terr itoriales proposØes par ce plan de partage sont
o
reprØsentØes sur le croquis n 2 qui figure à la page 8. Selon ce plan de partage, quelque 55 % du
territoire sous mandat seraient revenus à Israºl [l’Etat juif], dont l’essentiel des meilleures terres
arables et cultivØes dans lesquelles vivait une importante population arabe; toutefois, cette
rØpartition ne respectait pas la proportion des populations arabe et juive vivant alors en Palestine.

Ce plan, inacceptable pour beaucoup des parties concernØes, fut ainsi rejetØ.

2.12. Les violences intercommunautaires et les violences antibritanniques s’intensifiŁrent
pour presque atteindre les proportions d’une guerre civile. Le Gouvernement annonça son

intention de mettre fin au mandat à compter du 15 mai 1948. Le 14 mai 1948, veille du jour oø
devait s’achever le mandat, DavidBenGurion a nnonça, par voie radiophonique, la crØation de
l’Etat d’Israºl.

2.13. Bien qu’il ne soit plus possible aujourd’hui de contester le statut actuel d’Israºl en tant
que membre de plein droit de la communautØ inte rnationale, il convient de rappeler qu’Israºl fut
crØØ au cours d’un conflit armØ contre la population autochtone (à savoir les Palestiniens), et que la
lØgitimitØ de ses origines est douteuse. Ainsi que l’a fait observer M. James Crawford, «Israºl fut
crØØ par l’usage de la force, san s le consentement d’un quelconque souverain antØrieur et d’une

maniŁre qui ne respectait en rien un quelconque acte de cession» (J. Crawford, «Israel (1948-1949)
and Palestine (1998-1999) : Two Studies in the Creation of States», in The Reality of International
Law : Essays in Honour of Ian Brownlie, Goodwin-Gill & Talmon (dir. de publ.), 1999, p. 108).

2.14. La proclamation de l’Etat d’Israºl provoqua immØdiatement l’Øclatement d’un conflit
armØ auquel furent mŒlØes les populations israØlie nne et palestinienne, ainsi que les Etats arabes
voisins cherchant à protØger la population et le s terres arabes de Pal estine. Les hostilitØs
arabo-israØliennes qui s’ensuivirent amenŁrent Israºl à assurer son existence de facto en Øtablissant

par la force son autoritØ sur le territoire qu’il contrôlait.

2.15. Ce contrôle territorial s’Øtendait sur un territoire largement supØrieur à celui qui avait
ØtØ accordØ à Israºl dans le cadre du plan de pa rtage des Nations Unies approuvØ par la rØsolution

de l’AssemblØe gØnØrale181(II)(1947). Israºl ne saurait donc invoquer cette rØsolution pour
attacher une quelconque licØitØ à l’Øtendue initiale de son territoire. En rØalitØ, l’Øtendue
territoriale de facto d’Israºl au dØbut de l’existence de cet Etat repose sur l’accord d’armistice du
3avril1949 qui a mis un terme formel aux hostilitØs jordano-israØliennes. Cet accord, qui faisait
suite au cessez-le-feu de janvier1949, Øtablissait une ligne de cessez-le-feu: bien que cette ligne

n’ait pas initialement ØtØ conçue comme une frontiŁ re internationale, elle a dans les faits servi
― pratique que le temps a confirmØe — à circonscrir e le territoire terrestre d’Israºl dans l’essentiel
de ce qui avait ØtØ le territoire de la Palestine sous mandat, laissant entre des mains arabes certaines
parties de cet ancien territoire sous mandat, à savoir JØrusalem-Est, les terres situØes sur la rive

occidentale du Jourdain (la Cisjordanie, ou «rive occidentale») ainsi que la bande de Gaza, au bord
de la MØditerranØe. La ligne de cessez-le-feu sØparant Israºl de la Cisjordanie fut dŁs lors connue
comme la «Ligne verte».- 8 - - 9 -

2.16. Toutes les nØgociations qui conduisirent a ux accords de cessez-le-feu et d’armistice se

dØroulŁrent sous l’Øgide des Nations Unies. Les lignes de cessez-le-feu s’Øcartaient
considØrablement des lignes prØvues par la rØsolution sur la partition. Il convient de noter dans ce
contexte que la GalilØe occidentale, Liddaah, Ra mleh, Jaffa et certaines parties du sud de la
Cisjordanie, qui, selon la rØsolution sur la partition, devaient toutes revenir à l’Etat arabe,

tombŁrent en rØalitØ sous le contrôle israØlien. Le front jordanien consistait dŁs lors en un certain
nombre de lignes traversant des localitØs arabes et juives. C’est ainsi que la ligne de front de
JØrusalem divisait cette ville en deux parties, est et ouest. Vers le nord, les lignes laissaient aux
mains de l’armØe iraquienne Jenin, Tulkarm, Qalqilya et l’Øtroit corridor de la plaine côtiŁre dans

lequel se trouvent WadiAara et la chaîne de co llines surplombant les territoires tenus par Israºl
vers l’est, communØment appelØ al-muthalath (le triangle). Toutefois, au cours des pourparlers qui
prØcØdŁrent les nØgociations d’armistice de Rhodes, Israºl consentit au remplacement de l’armØe
iraquienne par les forces jordaniennes. Telles Øtaient les conditions pour que les villes de Tulkarm,

Qalqilya et Jenin demeurent aux mains des Jordaniens, assorties d’un ajustement de la ligne de
front vers le sud-est de Wadi Aara, de telle so rte que l’ensemble de la route Afouleh-Hadera passe
sous contrôle israØlien. Dans le sud et le cen tre du pays, la Jordanie contrôlerait la rØgion de
HØbron, à l’exception de BeitJibrin. La ligne de dØmarcation (ou «Ligne verte») dØfinie aux

articles 5 eo 6 de l’accord gØnØral d’armistice isr aØlo-jordanien du 3 avril 1949 est reprØsentØe sur
le croquis n 3 qui figure à la page 6.

2.17. Il s’ensuit que le territoire d’Israºl, à la date d’admission de celui-ci en tant que
Membre des Nations Unies suite à la rØsolution70 du Conseil de sØcuritØ du 4mars1949 et à la
rØsolution273(III) de l’AssembØe gØnØrale du 11ma i1949, ne dØpassait pas la zone laissØe sous
son contrôle par l’accord d’armistice. Le reste de l’ancien territoire sous mandat de la Palestine

n’Øtait manifestement pas territoire israØlien ni territoire placØ sous le contrôle d’Israºl et n’Øtait
pas ouvert (pas davantage qu’il ne l’est aujourd’ hui) à la conquŒte, à l’accŁs ou à la colonisation
par Israºl, et celui-ci ne pouvait (et ne peut) a voir aucune revendication latente ou putative de
souverainetØ sur ledit territoire.

2.18. En 1948, durant les hostilitØs arabo-israØlie nnes, la seule autoritØ effective à l’Øgard de
la Cisjordanie Øtait celle de la Jordanie: en dØcembre 1949, la Cisjordanie fut placØe sous

souverainetØ jordanienne et fut formellement incorporØe à la Jordanie le 24 avril 1950 à la suite de
la signature, par le roiAbdallah, d’une rØsoluti on qui lui avait ØtØ soumise pour ratification par
l’AssemblØe nationale de Jordanie (qui comprenait des reprØsentants de la rive est et de la rive
ouest (Cisjordanie)), rØsolution qui appelait à l’un itØ des deux rives dans le cadre d’un seul Etat

nation appelØ le Royaume HachØmite de Jordanie, «sans prØjudice du rŁglement dØfinitif de la juste
cause palestinienne conformØment aux aspirations na tionales, à la coopØration interarabe et à la
justice internationale».

2.19. La signature de cette rØsolution fut le point culminant d’une sØrie de requŒtes
prØsentØes par les Arabes palestiniens dans le ca dre de confØrences auxquelles avaient participØ les
maires Ølus des principales villes et des princi paux villages de Cisjordanie (HØbron, Ramallah,

Al-Beereh, Jenin, Naplouse, Tulkarm, Qalqilya et Anabta), ainsi que des responsables religieux
(aussi bien musulmans que chrØtiens) et nombre de notables, chefs tribaux, militants, responsables
de structures Øducatives, y compris le juge suprŒme de la Shariaa et Saed-Ideen Al-Alami, mufti de
JØrusalem. A la suite de ces confØrences, le roi Abdallah consentit à un amendement

constitutionnel visant à Øtendre la composition du Parlement jordanien de façon à inclure des
reprØsentants Ølus de toutes les circonscriptions de Cisjordanie. Les Ølections à ce Parlement se
dØroulŁrent le 11 avril 1950, la moitiØ des membres Ølus de ce Parlement provenant de Cisjordanie. - 10 -

2.20. MalgrØ la crise que cela entraîna dans les relations entre la Jordanie et d’autres Etats
arabes, tout risque de problŁme sØrieux fut Øv itØ lorsque le Gouvernement jordanien dØclara

officiellement en1950 que l’unitØ du territoire palestinien Øtait «sans prØjudice du rŁglement
dØfinitif» du problŁme palestinien : cette dØclaration fut acceptØe par la Ligue des Etats arabes.

2.21. Les frontiŁres du Royaume HachØmite de oordanie telles qu’elles se prØsentaient à
l’issue de ces ØvØnements sont figurØes sur le croquis n 4 qui se trouve à la page 6. Ce fut avec
ces frontiŁres officielles et publiques que la Jordan ie devint Membre des Nations Unies en1955,
sans aucune objection quant à l’Øtendue de son te rritoire (pas mŒme d’Israºl, dØjà Membre des

NationsUnies). De surcroît, aprŁs le rattachemen t de la Cisjordanie au territoire jordanien, la
Jordanie conclut un nombre considØrable de tr aitØs bilatØraux et multilatØraux dont l’application
englobait la totalitØ du territoire jordanien, y compri s la Cisjordanie dans son intØgralitØ: aucune
des autres parties à ces traitØs ne formula de rØserve qui aurait eu pour effet d’exclure la

Cisjordanie de l’application desdits traitØs. Le Conseil de sØcuritØ partageait bien Øvidemment ce
point de vue lorsqu’il adopta sa rØsolution 228 (1 966), dans laquelle il relevait que «la grave action
militaire israØlienne qui a ØtØ menØe dans la pa rtie mØridionale de la zone d’HØbron [en
Cisjordanie] le 13novembre1966 …constitue une action militair e de grande envergure et

soigneusement prØparØe des forces armØes israØliennes en territoire jordanien » (les italiques sont
de nous).

2.22. En 1967, Israºl lança une guerre d’agression contre ses voisins et, à l’issue de combats
violents mais brefs, entre le 5 et le 11juin, la Cisjordanie et JØrusalem-Est, notamment, furent
occupØs par les forces armØes israØliennes. Etant donnØ que la licØitØ de la conduite d’Israºl dans
la conception et la construction d’un mur en Cisjordanie et à JØrusalem-Est est Øtroitement liØe au

statut de ces territoires, et dans la mesure oø ce st atut est rØgi par les circonstances dans lesquelles
ils sont devenus l’objet d’une occupation militaire par Israºl, les ØvØnements qui ont conduit au
conflit de1967 apparaissent pertinen ts au regard de la rØponse qu i doit Œtre donnØe à la question
sur laquelle un avis consultatif a ØtØ demandØ.

2.23. Ces ØvØnements eux-mŒ mes s’inscrivent dans un contexte pertinent aux fins non
seulement du conflit de1967, mais Øgalement de beaucoup d’aspects ayant prØcØdØ et suivi ce

conflit. Il est notoire que, dŁs les premiers jours de son existence, Israºl n’a eu de cesse de mettre
en œuvre une politique visant à assurer à l’Etat d’Is raºl la possession de l’ensemble de l’ancien
territoire sous mandat de la Palestine, et d’en Øcarter l’essentiel de la population arabe indigŁne de
maniŁre à faire place aux immigrants juifs. La c ohØrence de ce propos apparaît trŁs clairement à la

lecture des extraits de documents publics qui figur ent à l’annexe1 au prØsent exposØ. Sur la
politique expansionniste d’Israºl, en particulier à par tir de juin 1967, on c onsultera Øgalement, de
Nur Masalha, Imperial Israel and the Palestinian: The Politics of Expansion (2000), dont un
exemplaire a ØtØ dØposØ à la Cour.

2.24. L’origine immØdiate des hostilitØs de 1967 est toutefois à rechercher dans la
multiplication, à partir de 1965 environ, du nombre d’incursions menØes en Israºl par des groupes

de guØrillas palestiniens indØpendants, ainsi que dans les reprØsailles militaires israØliennes
massives et disproportionnØes. Quoique, en term es militaires, ces incursions n’aient guŁre ØtØ
importantes, les reprØsailles militaires israØliennes furent extrŒmement violentes. Au printemps
de 1967, la situation Øtait devenue extrŒmement tendue. - 11 -

2.25. L’Egypte et la Jordanie Øtaient l’une et l’autre parties au pacte de dØfense arabe

de1964 mais, sentant qu’une guerre Øtait dØsormai s probable, le roiHussein proposa la signature
d’un traitØ de dØfense mutuelle entre l’Egypte et la Jordanie, idØe qui fut immØdiatement acceptØe
par le prØsident Nasser. Ce traitØ fut signØ le 30 mai 1967.

2.26. Dans les jours qui prØcØdŁrent l’Øcl atement des hostilitØs le 5 juin, les positions
israØliennes sur sa frontiŁre avec la Jordanie furent renforcØes; des chars pØnØtrŁrent dans la zone
dØmilitarisØe autour de JØrusalem, en violation de l’articleIII.2 et de l’annexeII.2 de l’accord

d’armistice de 1949. Des tirs isolØs visŁrent Øgalement les positions jordaniennes à JØrusalem dans
les premiŁres heures du 5 juin.

2.27. Le 5 juin 1967, Israºl lança une attaque surprise, Øliminant la quasi-totalitØ des forces

aØriennes Øgyptiennes en un seul coup. En rØponse à l’attaque israØlienne, au renforcement des
troupes massØes à ses frontiŁres, et aux incursions israØliennes au-delà des celles-ci, les forces
jordaniennes, conformØment aux obligations de lØgitime dØfense collective qui Øtaient les leurs aux
termes du pacte conclu avec l’Egypte, lancŁrent un certain nombre de tirs de roquette sur les

installations militaires israØlienn es. Les forces israØliennes cont re-attaquŁrent en pØnØtrant en
Cisjordanie et à JØrusalem-Est, arabe. Israºl contrôlait dØsormais l’ensemble de l’espace aØrien et,
aprŁs avoir courageusement dØfe ndu JØrusalem-Est, l’armØe jordanie nne, infØrieure en nombre et

en armement, fut contrainte de se retirer. Lors que le cessez-le-feu dØfinitif des NationsUnies fut
imposØ le 11 juin 1967, Israºl contrôlait une vast e portion des terres arabes, dont le Sinaï Øgyptien,
la bande de Gaza auparavant o ccupØe par l’Egypte, le plateau du Golan en Syrie et, ce qui nous
intØresse davantage dans le prØsent contexte, ce qui demeurait de la Palestine arabe, à savoir la

Cisjordanie, y compris JØrusalem-Est.

2.28. L’utilisation de la force par Israºl a parfois ØtØ prØsentØe, compte tenu des
circonstances qui l’ont entourØe, comme un exemple de lØgitime dØfense (prØemptive). Toutefois,

aucun ØlØment de preuve convain cant ne vient appuyer —pas davantage que le moindre ØlØment
de vØritØ ne saurait fonder— l’affirmation sel on laquelle l’Egypte, la Syrie ou la Jordanie,
individuellement ou collectivement, auraient eu à ce moment là l’intention, ou auraient prØvu,

d’attaquer Israºl, ou que l’existence d’Israºl aura it ØtØ à quelque moment que ce fßt menacØe, ou
encore qu’il y aurait eu la moindre attaque armØe d’envergure ou imminente visant Israºl, et qui
aurait justifiØ que ce dernier recou rre à la force au titre de la lØg itime dØfense; l’usage de la force
par Israºl fut en tout Øtat de cause largement hors de proportion avec les circonstances. Cela a ØtØ

confirmØ par des dØclarations faites ultØrieurement par d’anciens dirigeants israØliens de l’Øpoque.
C’est ainsi que M. Menachem Begi n (ministre sans portefeuille du Gouvernement israØlien lors de
la guerre de 1967, et plus tard premier ministre), dans une allocution prononcØe devant l’acadØmie
militaire israØlienne le 8aoßt 1982, a fait observer que la guerre de1967 ne reprØsentait pas une

nØcessitØ absolue, dØclarant: «En juin 1967, nous eßmes une nouvelle fois le choix. Le fait que
l’Egypte ait alors massØ des troupes aux alentour s du Sinaï ne prouve pas que Nasser allait
effectivement nous attaquer. Il nous faut Œtre honnŒtes avec nous -mŒmes. Nous dØcidâmes de
l’attaquer lui.» (Annexe2, p.4.) De mŒme, YitzhakRabin, chef d’Øtat-major de l’armØe

israØlienne durant la guerre de 1967, puis premier ministre d’Isr aºl, a dØclarØ, dans un entretien
rapportØ par Le Monde : «Je ne pense pas que Nasser voulait la guerre. Les deux divisions qu’il
envoya dans le Sinaï le 14mai n’auraient pas ØtØ suffisantes pour lancer une offensive contre
Israºl. Il le savait et nous le savions.» - 12 -

2.29. En bref, l’invasion puis l’occupation, pa r Israºl, de la Cisjordanie ont eu lieu sans la

moindre base juridique en droit international. Elles ont constituØ une violation flagrante de l’un des
principes centraux du droit international contemporai n, lequel interdit le recours à la force armØe
dans les relations international es. Cette interdiction relŁve du jus cogens (voir plus loin par.5.39
et suiv.).

2.30. De tous les Etats qui participŁrent au conflit, la Jordanie fut celui qui eut à payer le plus
lourd tribut. En consØquence de cette guerre, des centaines de milliers d’Arabes palestiniens furent

dØplacØs et se rØfugiŁrent sur les territoires situØsà l’est du Jourdain, ou encore furent forcØs de
quitter leurs foyers et expulsØs, nombre d’entre eu x Øtant ainsi dØracinØs pour la deuxiŁme fois en
moins de vingt ans. L’Øconomie jordanienne en fut gravement affectØe. PrŁs de 70% des terres
agricoles jordaniennes se trouvaient en Cisjorda nie, qui produisait 60 à 65% de ses fruits et

lØgumes. La moitiØ des Øtablissements industrie ls de Jordanie se trouvaient Øgalement en
Cisjordanie; la perte de JØrusalem et des au tres sites religieux eut un effet dØvastateur sur
l’industrie du tourisme. Dans l’ensemble, l es zones aujourd’hui occupØes par Israºl avaient
reprØsentØ quelque 38 % du produit national brut de la Jordanie.

2.31. Une fois le cessez-le-feu assurØ, le C onseil de sØcuritØ adopta à l’unanimitØ, le
14 juin 1967, sa rØsolution 237 (1967), appelant Israºl à assurer la sßretØ , le bien-Œtre et la sØcuritØ

des habitants des zones dans lesquelles se dØroul aient des opØrations militaires, et à faciliter le
retour des personnes dØplacØes. Il fut demandØ aux gouvernements concernØs de respecter
scrupuleusement les principes huma nitaires rØgissant la protection des personnes civiles en temps
de guerre, tels qu’ØnoncØs dans la quatriŁme convention de GenŁve de 1949.

2.32. Avant la fin du mois de juin 1967, t outefois, Israºl donna une expression juridique à sa
politique expansionniste, en adoptant, le 27 juin, une loi Øtendant les li mites de JØrusalem-Est
(partie de la ville qu’il avait occupØe à l’occasi on des hostilitØs) jusqu’à inclure un certain nombre

de villages voisins. ImmØdiatement aprŁs, Israºl d Øcida d’appliquer le droit israØlien à cette zone,
annexant ainsi de facto JØrusalem-Est. Ces mesures furent condamnØes par les NationsUnies en
tant qu’elles entraînaient des modifications illØgal es au statut de JØrusalem (voir par exemple les

rØsolutions du Conseil de sØcuritØ 252(1968) —ad optØe par treize voix pour, zØro voix contre et
deux abstentions; 267 (1969), adoptØe à l’unanimitØ; 271 (1969), adoptØe par onze voix pour, zØro
voix contre et quatre abstentions; ainsi que 298 (1971), adoptØe par quatorze voix pour, zØro voix
contre et une abstention; voir Øgalement les r Øsolutions de l’AssemblØe gØnØrale 2253(ES-V)

(4 juillet 1967) et 2254 (ES-V) (14 juillet 1967)). MalgrØ ces condamnations, Israºl confirma son
annexion de JØrusalem-Est en adoptant, le 30 ju illet 1980, une «loi fondamentale» faisant de la
totalitØ de la ville de JØrusalem (à savoir JØrusal em-Ouest et JØrusalem-Est confondus) la «capitale
Øternelle» de l’Etat d’Israºl; cette mesure fut une fois de plus condamnØe par les Nations Unies, qui

la dØclara nulle et non avenue et demanda à ce qu’elle fßt immØdiatement rapportØe (rØsolution du
Conseil de sØcuritØ 478 (1980) adoptØe par quatorze voix pour, zØro voix contre et une abstention;
rØsolutions de l’AssemblØe gØnØrale 35/12 C (du 11 dØcembre 1980) et 36/120 Det
(du 10 dØcembre 1981)).

2.33. Lors de sa cinquiŁme session extraordinaire d’urgence, convoquØe en juillet 1967 aprŁs
le dØbut des hostilitØs, l’AssemblØe gØnØrale i nvita les gouvernements et les organisations

internationales à apporter leur assistance hum anitaire d’urgence aux personnes affectØes par ce
conflit. L’AssemblØe gØnØrale demanda à Israºl de rapporter toutes les mesures dØjà prises et de
s’abstenir de toute autre action susceptible de modifier le statut de JØrusalem (rØsolution de
l’AssemblØe gØnØrale 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967). - 13 -

2.34. Cette mŒme annØe, le 22 novembre 1967, le Conseil de sØcuritØ adoptait à l’unanimitØ,
aprŁs de longues nØgociations, la rØsolution242(1967), Ønonçant les principes d’un rŁglement

pacifique au Proche-Orient. Cette rØsolution souligne «l’inadmissibilitØ de l’acquisition de
territoire par la guerre» et affirme que l’instaura tion d’une paix juste et durable doit comprendre
l’application des deux principes suivants: «retra it des forces armØes israØliennes des territoires
occupØs lors du rØcent conflit», et

«cessation de toutes assertions de belligØr ance ou de tous Øtats de belligØrance et
respect et reconnaissance de la souverainetØ, de l’intØgritØ territoriale et de
l’indØpendance politique de chaque Etat de la rØgion et de leur droit de vivre en paix à

l’intØrieur de frontiŁres sßres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force».

Cette rØsolution affirme la nØcessitØ de «rØaliser un juste rŁglement du problŁme des rØfugiØs». La
rØsolution242 fut renforcØe six ans plus tard pa r la rØsolution du Conseil de sØcuritØ338 du

22 octobre 1973.

2.35. L’Egypte et la Jordanie acceptŁrent la rØsolution 247 (1967), considØrant qu’un retrait

israØlien de tous les territoires occupØs en1967 constituait une c ondition prØalable aux
nØgociations. Israºl, acceptant Øgalement la rØsolu tion, indiqua que les questions du retrait et des
rØfugiØs ne pouvaient Œtre rØglØes que dans le cadre de nØgociations directes avec les Etats arabes et
de la conclusion d’un traitØ de paix global.

2.36. Loin de se retirer, ainsi que le lui dema ndaient les rØsolutions des NationsUnies, des
territoires qu’il avait occupØs lors de la guerre de 1967, Israºl commença immØdiatement à Ølaborer

un programme destinØ à encourager l’installation de colons israØliens dans les zones de Cisjordanie
qu’il occupait militairement. TrŁs peu de temps ap rŁs la cessation des hostilitØs, M.YigalAllon,
ministre du travail, prØsenta au Gouvernement isr aØlien un programme de colonisation juive de la
Cisjordanie. Bien qu’il n’eßt pas ØtØ formellement approuvØ, le «pla nAllon» fut à la base de la

politique officielle de colonisation des annØes su ivantes. En 1973, Gush Emunim (un mouvement
politique israØlien), publia son propre programme de colonisa tion, plus extrŒme que le
«plan Allon» en ce qu’il envisageait la colonisation d’ «Eretz Israel» (c’est-à-dire de l’ensemble du
territoire israØlien, lequel comprenait Øgalement le s territoires occupØs). En1977, le plan de

Gush Emunim fut dans ses grandes lignes acceptØ par le Gouvernement israØlien.

2.37. La politique menØe en consØquence par ce dernier a ØtØ dØcrite comme ayant

«planifiØ une colonisation extensive de l’ensemble de la Cisjordanie, en vue de faire
en sorte, par le simple jeu de l’avantage dØmographique et de la fragmentation des
agglomØrations palestiniennes, qu’aucun contrôle arabe ne puisse Œtre Øtabli dans la

rØgion… Cette politique, souvent dØcrite comme consistant à «crØer des faits», visait
à l’Øtablissement d’une telle prØsence de colons israØliens qu’un retrait complet
d’Israºl en devenait inenvisageable.» (Playfair in International Law and the
Administration of Occupied Territories (1992), p. 6-7.)

2.38. A cette fin, une aide du Gouvernem ent israØlien (essentiellement sous forme
d’exemptions fiscales et de subventions) fut o fficiellement accordØe pour la construction des
implantations dans les territoires occupØs, dans l esquels les colons israØliens furent encouragØs à

venir s’installer. - 14 -

2.39. Cette politique, manifestement conçue pour modifier la composition dØmographique de

la Cisjordanie, en violation flagrante des normes internationales en vigueur, fut dŁs le dØbut
renforcØe par une modification, tout aussi illØ gale, de la toponymie. Une ordonnance du
Gouvernement militaire israØlien en date du 17 dØ cembre 1967 a ainsi rebaptisØ la Cisjordanie
«rØgion de JudØe et Samarie». Cette nouvelle te rminologie est dØsormais d’usage courant dans les

dØclarations israØliennes officielles.

2.40. Le programme de colonisation d’Israºl a ØtØ systØmatiquement condamnØ pour son

illØgalitØ par la communautØ internationale, comme le montrent par exemple les rØsolutions du
Conseil de sØcuritØ 446(1979) et 465(1980). En dØpit de ces condamnations, ce programme
illØgal d’implantation de colonies de peuplement s’est poursuivi, et s’est mŒme intensifiØ.

2.41. En 1987, alors que se dØroulaient d’ intenses nØgociations diplomatiques associant
notamment l’OLP, les Etats-Unis et la Jordanie, une insurrection populaire palestinienne (Intifada)
contre l’occupation israØlienne Øcl atait dans la bande de Gaza, pour s’Øtendre à la Cisjordanie.
L’engagement arabe en faveur de l’Intifada culmina en un sommet d’urgence arabe à Alger en

juin 1988 destinØ à examiner les modalitØs d’un soutie n à l’Intifada. C’est dans ce contexte que, le
31 juillet 1988, le roi Hussein de Jordanie a nnonça sa dØcision d’entamer un «dØsengagement
administratif et juridique de la Cisjordanie». Exposant les raisons de sa dØcision, le roi dØclara :

«Une volontØ gØnØrale s’est rØcemment manifestØe dans les communautØs tant
palestinienne qu’arabe tendant à souligner l’identitØ palestinienne dans le cadre de
l’ensemble des efforts liØs à la question palestinienne et à ses dØveloppements. Une

conviction gØnØrale s’est Øgalement fait j our, selon laquelle maintenir les liens lØgaux
et administratifs avec la Cisjordanie … serait contraire à cette volontØ. Ce serait là un
obstacle à la lutte du peuple palestinien, qui cherche à obtenir le soutien de la
communautØ internationale en faveur de ce qu’il estime Œtre la juste cause nationale

d’un peuple qui lutte contre l’occupation ØtrangŁre. S’ag issant d’une orientation qui
trouve son origine dans une vØritable aspir ation palestinienne et une forte volontØ
arabe de promouvoir la cause palestinienne, il est de notre devoir de la respecter et d’y
rØpondre.» [Traduction du Greffe.]

2.42. Etant donnØ que, à l’Øpoque, la Cisjorda nie se trouvait occupØe par Israºl et que les
«liens lØgaux et administratifs» de la Jordanie avec la Cisjordanie s’Øtaient de toute maniŁre

distendus dans la pratique, il est clair que la dØcision de dØsengagement prise par la Jordanie
ouvrait la porte à la rØalisation d es aspirations palestiniennes à l’autodØtermination, dans la mesure
oø elle coïncidait avec la reconnaissance, par les Etats-Unis, de l’OLP en tant que seul reprØsentant
du peuple palestinien. Le dØsengagement de la Jordanie ne constituait en aucune façon un abandon

de la Cisjordanie à l’autoritØ israØlienne. En ce qui concerne Israºl, la Cisjordanie restait
absolument territoire non-israØlien et la prØsen ce militaire israØlienne y demeurait, comme cela
Øtait le cas depuis 1967, une pure question d’occupa tion militaire ØtrangŁre. Cela est confirmØ par
la rØfØrence persistante, dans le s rØsolutions du Conseil de sØcur itØ et de l’AssemblØe gØnØrale

postØrieures à juillet 1988, à la Cisjordanie comme territoire occupØ : le «dØsengagement» de 1988
n’a strictement rien changØ à cet Øgard — voir par exemple la rØsolution 636 (1989) du Conseil de
sØcuritØ (qui dØsigne Israºl par l’expression de « puissance occupante» et les territoires en question
comme «territoires palestiniens occupØs», et rØaffirme l’applicabilitØ de la quatriŁme convention de

GenŁve) ainsi que les rØsolutions641(1989) , 672(1990), 681(1990), 694(1991), 726(1992),
799(1992) et 904(1994), dont cinq ont ØtØ adoptØes à l’unanimitØ; voir Øgalement la rØsolution
4321 de l’AssemblØe gØnØrale du 3novembre 1988, dont les termes annoncent la rØsolution
636(1989) du Conseil de sØcuritØ prØcitØe; de nombreuses autres rØsolutions reprendront les

mŒmes termes. - 15 -

2.43. En octobre 1994, la Jordanie et Israºl conclurent un traitØ de paix qui est entrØ en
vigueur le 10 novembre 1994 (annexe 3). Ce traitØ de paix co mporte des dispositions pertinentes à

l’Øgard de la Cisjordanie. C’est ainsi que s on article3 traite de la question des frontiŁres
internationales entre la Jordanie et Israºl. Les tr ois premiers paragraphes de cet article 3 sont ainsi
rØdigØs :

«Article 3

Frontière internationale

1. La frontiŁre internationale entre Israºl et la Jordanie est dØlimitØe par
rØfØrence à la frontiŁre sous le mandat [telle que dØcrite à l’annexe I a) conformØment
aux documents cartographiques joints à celle-ci et aux coordonnØes qui y sont
prØcisØes].

2. La frontiŁre, telle qu’elle est dØcr ite en annexe Ia), est la frontiŁre
internationale permanente, sßre et reconnue entre Israºl et la Jordanie, sans prØjudice
aucun [du] statut de tout territoire plac Ø sous le contrôle du Gouvernement militaire

Israºl en 1967.

3. Les parties reconnaissent comme invi olables la frontiŁre internationale, de
mŒme que leur territoire respectif, leurs eaux territoriales et leur espace aØrien, et ils

les respecteront et les accepteront.»

2.44. L’annexe I a) à laquelle il est fait rØfØrence au paragraphe 1 de l’article3 prØcitØ

dØlimite la frontiŁre entre la Jordanie et Isr aºl selon quatre tronçons consØcutifs à savoir (du nord
au sud) le fleuve du Jourdain et la riviŁre Yarmouk, la mer Morte, le Ouadi Araba (Emek Ha’arava)
et le golfe d’Aqaba. La dØlimitation, comme le montre le texte repr oduit à l’annexe3, est
relativement technique et complexe. Une partie du premier secteur de la frontiŁre tel qu’il est

dØlimitØ à l’annexeI a) court le long de la bordure orientale de la Cisjordanie. Selon l’article3.2
du traitØ de paix, cette frontiŁre est sans prØjudice du statut de tout territoire passØ sous l’autoritØ
militaire israØlienne en1967, di sposition qui est renforcØe par les termes du paragraphe2.A.7 de
l’annexe I a), ainsi rØdigØ :

«Les cartes orthophotographiques et les spatiocartes oø est indiquØe la ligne
sØparant la Jordanie de la Cisjordanie a dopteront une prØsentation diffØrente de cette
ligne, dont la lØgende comportera la rØserve suivante: «cette ligne est la frontiŁre

administrative entre la Jordanie et le territoire passØ sous le contrôle du Gouvernement
militaire israØlien en1967. [Aucun] am Ønagement effectuØ sur cette ligne ne
devra … porter prØjudice au statut du territoire.»»

2.45. Il est clair, dŁs lors, que le traitØ de pa ix de 1994 laisse intact le statut de la Cisjordanie
en tant que territoire n’appartenant pas à Israºl ma is soumis à l’occupation militaire israØlienne et,
en tant que tel, comme relevant de la quatriŁme convention de GenŁve de 1949. Tout comme la

dØcision de «dØsengagement» prise par la Jordanie en 1988 (voir plus haut par.2.41), cette
conclusion est confirmØe par des rØfØrences constant es, dans les rØsolutions du Conseil de sØcuritØ
et de l’AssemblØe gØnØrale postØrieures à 1994, à la Cisjordanie comme territoire occupØ. En
outre, les deux confØrences des hautes parties contractantes à la quatriŁme convention de GenŁve

de1949, tenue le 15 juillet 1999 et le 5 dØ cembre 2001 sur les mesures destinØes à assurer
l’application de la convention da ns l’ensemble des Territoires occ upØs, y compris à JØrusalem, et
en particulier la dØclaration publiØe à l’issu e de ces deux rencontres, contribuent encore à
dØmontrer que le traitØ de paix de 1994 n’a introduit aucune diffØrence à cet Øgard. On pourra par

exemple consulter la rØsolution1322(2000) du Conseil de sØcuritØ, qui qualifie Israºl de - 16 -

«puissance occupante» et les territoires en question de territoires «occupØs par Israºl depuis 1967»,
et souligne une nouvelle fois la nØcessitØ de respecter la quatriŁme c onvention de GenŁve; la

rØsolution 49/132 adoptØe par l’AssemblØe gØnØrale le 19 dØcembre 1994 (soit tout juste trois jours
aprŁs l’adoption de la rØsolution49/88, dans la quelle l’AssemblØe exprimait son plein appui au
traitØ de paix) comprenait dØjà ces trois mŒmes ØlØments, ainsi que, entre autres, les
rØsolutions ES 10/7 (2000) et ES-10/9 (2001).

2.46. Pour rØsumer, à partir du moment oø les Nations Unies se sont penchØes sur la question
des suites de l’agression, par Israºl, des Etats arabes en juin 1967, le Conseil de sØcuritØ n’a eu de

cesse

 d’exprimer sa prØoccupation quant à la situation sur le terrain;

 de dØclarer nulles et non avenues les mesures prises par le Gouvernement pour modifier le
statut de JØrusalem;

 d’appeler à la cessation, par Israºl, de sa politi que d’implantation de colonies de peuplement,

dont il a conclu à l’absence de validitØ juridique;

 de rØaffirmer l’applicabilitØ de la quatriŁme c onvention de GenŁve au Te rritoire palestinien et

aux autres territoires arabes occupØs par Israºl depuis 1967, dont JØrusalem; et

 de dØsigner systØmatiquement ces territoires comme «Territoires occupØs».

2.47. L’AssemblØe gØnØrale a, dans quantitØ de rØsolutions, suivi une ligne identique.

III. CONTEXTE RECENT

3.1. C’est sur cette toile de fond à la situ ation actuelle de la Cisjordanie qu’il convient
d’examiner les ØvØnements rØcents qui ont conduit à la construction du mur objet de la requŒte pour

avis consultatif actuellement soumise à la Cour.

3.2. Le 28 septembre 2000, M.Ariel Sharon, à la tŒte du parti du Likud, alors dans
l’opposition, effectua une visite dans la zone de HaramAl-S harif à JØrusalem. Dans sa

rØsolution 1322 (2000), le Conseil de sØcuritØ «dØplor[a]» cet «acte de provocation». Les
protestations qui firent suite à cette visite pr ovocatrice dØclenchŁrent l’ intervention des forces
israØliennes qui, dans les jours suivants, y mirent un terme brutal, causant la mort de plus de

quatre-vingts palestiniens et faisant en outre de nombreux blessØs. Ces ØvØnements s’inscrivent
dans le contexte des Ølections parlementaires alors imminentes en Israºl, Ølections qui amenŁrent au
pouvoir le parti du Likud, avec pour premier ministre M.Sharon. Le processus Ølectoral Øtait à
peine achevØ que les forces israØliennes avaient pØ nØtrØ et rØoccupØ plusieurs villes et villages

palestiniens. Israºl a refusØ de se conformer aux rØsolutions de sØcuritØ l’invitant à retirer ses
troupes et à les ramener aux positions qui Øtaient les leurs avant le 28 septembre 2000 de façon à
recrØer les conditions nØcessaires à la restauration et à la reprise du processus de paix. Cette
impasse fut à l’origine de nouvelles frustrations et d’un nouveau cercle vicieux de la violence, avec

notamment des attaques-suicides visant des IsraØliens et des rØactions disproportionnØes de la part
du Gouvernement israØlien, avec notamment un re nforcement des activitØs d’implantation illØgale
de colonies en Cisjordanie occupØe, y compris à JØrusalem-Est, d’une façon mettant en danger tout
l’Ødifice du processus de paix et compromettant t oute perspective de voir se constituer un Etat

palestinien viable. - 17 -

3.3. Le 14 avril 2002, le Gouvernement is raØlien approuvait une dØcision prØvoyant la
construction, en Cisjordanie, d’un systŁme de mu rs, de clôtures, de fossØs et de barriŁres sur une

longueur de 80 kilomŁtres. Le 23 juin 2002, le Gouvernement israØlien prit une nouvelle dØcision,
approuvant la premiŁre phase de la construction d’une barriŁre «continue» dans certaines parties de
la Cisjordanie et à JØrusalem; cette dØcision indi quait que la barriŁre constituait une «mesure de

sØcuritØ» et ne reprØsentait «pas une frontiŁre politiq ue ou autre». Le tracØ prØvu pour ce mur ne
fut pas rendu public au moment de la dØcision, laque lle indiquait que «le tracØ exact et dØfinitif de
la clôture serait dØcidØ par le premier ministre et le ministre de la dØfense». D’autres dØcisions du
Gouvernement, prises notamment les 14 aoßt 2002 et 1 eroctobre 2003, Øtablissent le tracØ complet

du mur.

3.4. L’annonce de la construction de ce mur envisagØ par Israºl et les premiŁres mesures

prises pour donner effet à cette dØcision ont donnØ li eu à une large condamnation de la part de la
communautØ internationale, avec notamment une dØcl aration de l’Union europØenne en date du
18 novembre 2003 (dont le texte est reproduit à l’annexe 4).

3.5. La rØaction critique de la communautØ inte rnationale vis-à-vis de la dØcision prise par
Israºl de construire le mur envisagØ et les prem iers travaux engagØs à cet effet transparaît trŁs
clairement des dØbats tenus tant au Conseil de s ØcuritØ qu’à l’AssemblØe gØnØrale, et en particulier

des dØbats tenus par celle-ci les 21 octobre et 8 dØcembre 2003 dans le cadre de sa dixiŁme session
extraordinaire d’urgence.

3.6. Selon des documents du ministŁre de la dØfense israØlien, le tracØ envisagØ pour le mur
constituera une ligne continue s’Øt endant sur 720kilomŁtres le l ong de la Cisjordanie, soit une
longueur plus de deux fois supØrieu re à celle de l’ensemble de la Ligne verte. Un croquis de ce

tracØ, qui comporte des tronçons dØjà achevØs et d’autres envisagØs, a ØtØ publiØ par le ministŁre de
la dØfense israØlien le 23 octobr e 2003 (annexe 5). Le tracØ que doit suivre ce mur court, dans sa
presque totalitØ, sur des terres occupØes par Israºl en 1967; il suit de maniŁre gØnØrale le tracØ de la
Ligne verte, qui marquait la ligne de cessez-le-feu Øtablie par l’accord d’armistice de 1949, mais du

côtØ palestinien de cette Ligne, s’en Øcartant par endroits jusqu’à 22 kilomŁtr es vers l’intØrieur de
la Cisjordanie (donnØe qu’il convient de rapproc her du fait que la Cisjordanie elle-mŒme prØsente
une largeur variant entre 20 et 50 kilomŁtres). Dans l’ensemble, la zone comprise entre le mur et la
Ligne verte s’Øtend sur environ 975 kilomŁtres carrØs, soit 16,6 % de l’ensemble de la superficie de

la Cisjordanie.

3.7. Au moment oø le prØsent exposØ a ØtØ rØdi gØ, plus de 180 kilomŁtres de ce mur Øtaient
o
achevØs, et 25 kilomŁtres supplØmentaires devaie nt l’Œtre trŁs prochainement. Le croquis n 6, qui
se trouve à la page18 du prØsent exposØ, figure les sections achevØes, prØvues mais non encore
construites et, enfin, officiellement envisagØes de ce mur, ainsi que le tracØ de la Ligne verte

de 1949.- 18 - - 19 -

3.8. Le tracØ de ce mur prØsente plusieurs caractØristiques remarquables.

1) a) Le mur est en partie achevØ le long des limites nord et nord-ouest de la Cisjordanie (sur
une longueur totale de 142kilomŁtres); il en es t de mŒme de plusieurs autres sections au
sud de Ramallah, à l’est de JØrusalem et au nord de Bethlehem;

b) dans toutes les autres zones, la construc tion de ce mur n’est que prØvue ou envisagØe.
MŒme si certains points de dØtail doivent nØcessairement varier entre la planification et la
construction, le tracØ gØnØral de ce mur est dØjà clairement dØfini dans des rapports et des

cartes officiels publiØs par le Gouvernement d’Israºl;

c) de maniŁre trŁs gØnØrale, le mur tel qu’il a ØtØ jusqu’à prØsent construit, tel qu’il est
officiellement planifiØ et tel qu’il a ØtØ publiquement envisagØ dans des documents
officiels aura comme consØquence finale de crØer deux grandes zones totalement enclavØes

en Cisjordanie: l’une partant de JØrusalem et se dirigeant vers le nord (pour englober
Ramallah et jusqu’à Jenin), l’autre s’Øtenda nt de JØrusalem vers le sud (englobant
Bethlehem et HØbron), et un mur les reliant sur quelque 10kilomŁtres à l’est de

JØrusalem-Est.

2) a) Dans la partie centrale de la section nord de la limite de la Cisjordanie, au nord de Jenin, le
mur construit jusqu’à prØsent suit Øtroitement le tracØ de la Ligne verte;

b) à l’extrØmitØ orientale de ce secteur, le tracØ envisagØ pour le mur prend une direction
plein sud, pØnØtrant largement en territoire cisjordanien occupØ, le tracØ ensuite envisagØ
pour ce mur se poursuivant vers le sud para llŁlement au Jourdain, et à quelque

12 kilomŁtres à l’intØrieur de la Cisjordanie;

c) à l’extrØmitØ occidentale de ce secteur, le tracØ prØvu pour le mur s’enfonce de plusieurs
kilomŁtres à l’intØrieur de la Cisjordanie, bien qu’existe dØjà une section achevØe de ce
mur qui suit Øtroitement la Ligne verte.

3) a) Le long du secteur nord-ouest de la limite de la Cisjordanie (au nord de Tulkarm), le mur
tel qu’achevØ jusqu’à prØsent suit un tracØ en gros parallŁle à la Ligne verte mais plusieurs
kilomŁtres à l’intØrieur de la Cisjordanie;

b) au centre de ce secteur, le mur tel qu’achevØ aujourd’hui sera complØtØ par un mur qui
englobera une langue de terre se projetant quelque 15 kilomŁtres en territoire cisjordanien.

4) A l’ouest de Tulkarm, le mur tel qu’achevØ auj ourd’hui suit de prŁs le tracØ de la Ligne verte,
mais une extension de ce mur se dirigeant vers l’est de Tulkarm et pØnØtrant plusieurs
kilomŁtres en territoire cisjordanien est dØjà prØvue, avec apparemment pour objectif de faire de
Tulkarm une petite enclave complŁtement entourØe par le mur.

5) Entre Tulkarm et Qalqilya, le mur tel qu ’achevØ actuellement pØnŁtre jusqu’à plusieurs
kilomŁtres en territoire cisjordanien.

6) A Qalqilya, une partie du mur tel qu’achevØ au jourd’hui suit la Ligne verte, mais une autre
section de la barriŁre telle qu’achevØe se dirige ve rs l’est à partir de Qalqilya, entourant ainsi
complŁtement cette derniŁre agglomØration et en faisant une enclave.

7) Au sud de Qalqilya, le mur tel qu’achevØ aujourd’hui, pour les quelques kilomŁtres qui
achŁvent ce tracØ continu, pØnŁtre de plusieurs kilomŁtres en territoire cisjordanien. - 20 -

8) A partir du point terminal (à la date du prØsen t exposØ) du secteur continu et achevØ du mur, et
jusqu’à Ramallah, le mur n’en est encore qu’à l’Øt at de projet. De maniŁre gØnØrale, il suivra

un tracØ s’enfonçant de quelque 5 kilomŁtres en territoire cisjordanien à partir de la Ligne verte,
avec deux excroissances de forme irrØguliŁre pointant vers l’est et le nord et s’Øtendant jusqu’à
22kilomŁtres à l’intØrieur de la partie occide ntale de la Cisjordanie (en un point oø celle-ci
n’excŁde pas 52 kilomŁtres de large).

9) A Ramallah et juste au sud de cette agglomØr ation a dØjà ØtØ construite une brŁve portion du
mur; à partir de ce point, le mur tel qu’il est prØvu ou envisagØ suit un tracØ qui, en direction du
sud, doit atteindre la vaste enclave prØvue ou envisagØe de Bethlehem-HØbron, passant à

quelque 10 kilomŁtres à l’est de JØrusalem-Est (en un point oø la Cisjordanie se rØtrØcit pour ne
plus atteindre qu’une largeur de 30 kilomŁtres).

3.9. La configuration gØnØrale du tracØ que doit suivre ce mur, tel qu’achevØ, prØvu ou
envisagØ, montre qu’il ne saurait Œtre considØrØ comme ayant pour objectif exclusif celui de la
dØfense du territoire israØlien, c’est-à-dire du territoire situØ au nord, à l’ouest et au sud de la Ligne
verte. Le tracØ de ce mur, pour une bonne partie de sa longueur, est extrŒmement ØloignØ de tout ce

qui pourrait Œtre considØrØ comme constituant une «ligne de dØfense» plausible des territoires situØs
sur le côtØ israØlien de la Ligne verte. En outre , il est clair que l’intention est ici d’encercler d’un
mur les deux grandes enclaves de Ramallah-Jenin et Bethlehem-HØbron, intention qui est de toute
Øvidence incompatible avec l’idØe de «dØfendre» des terres israØliennes situØes bien à l’ouest de ces

enclaves; c’est ainsi, en particulier, que toute la partie orientale de ces murs d’encerclement est
sans rapport aucun avec l’objectif de dØfendre ces terres israØliennes. Un mur d’encerclement
pourrait contribuer à dØfendre les colonies israØlienn es (illØgales) situØes dans la zone encerclØe,
mais un tel objectif n’a rien à voir avec un quelconque droit d’Israºl à la lØgitime dØfense.

IV. F AITS PERTINENTS

a) Le mur israélien

4.1. Le rapport du SecrØtaire gØnØral en date du 24 novembre 2003 dØcrit le mur dans les
termes suivants :

«9. D’aprŁs les documents du ministŁre israØlien de la dØfense et les
observations effectuØes sur le terrain, la barriŁre est constituØe essentiellement des
ØlØments suivants: une clôture ØquipØe de dØtecteurs Ølectroniques destinØs à alerter

les forces militaires israØliennes en cas de tentative d’infiltration; un fossØ (pouvant
atteindre quatre mŁtres de profondeur); une route de patrouille asphaltØe à deux voies;
une route de dØpistage (bande de sable lisse permettant de dØtecter des empreintes de
pieds) parallŁle à la clôture; six boudins de barbelØs empilØs qui marquent le pØrimŁtre

des installations. L’ouvrage a une largeu r de 50 à 70 mŁtres en moyenne, celle-ci
pouvant atteindre 100 mŁtres à certains endroits.

10. Il est indiquØ Øgalement, dans les documents du ministŁre de la dØfense, que

«divers systŁmes d’observation sont install Øs le long de la clôture». Il s’agit
apparemment de camØras et de miradors disposØs sur certains emplacements oø la
barriŁre est constituØe de parois en bØton. Un autre ØlØment conjuguØ est prØvu : des
barriŁres dites «avancØes», c’est-à-dire des barriŁres secondaires qui forment une

boucle à l’est de la barriŁre principale. De ux barriŁres avancØes sont incluses dans le
tracØ prØvu au centre de la Cisjordanie. Trois autres barriŁres du mŒme type situØes au
nord de la Cisjordanie, qui apparaissaient sur certaines cartes officieuses, n’ont pas ØtØ
ØrigØes et ne sont pas incorporØes sur la carte officielle qui a ØtØ publiØe le 23 octobre. - 21 -

11. Les murs en bØton couvrent une distance de 8,5kilomŁtres environ sur les
quelque 180kilomŁtres de barriŁre qui ont ØtØ construits ou sont en cours de

construction. Ces parties de la barriŁr e, que les Forces de dØfense israØliennes
appellent «murs de protection contre les tirs», sont gØnØralement situØes dans des lieux
oø les agglomØrations palestiniennes sont contiguºs à Israºl, pa r exemple prŁs des
villes de Qalqiliya et de Tulkarem, et dans certaines parties de JØrusalem. Certains

sont actuellement en cours de construction, tandis que d’autres ont ØtØ planifiØs et
construits en dehors du cadre du projet act uel, par exemple une portion du mur situØ
prŁs de Qalqiliya, qui a ØtØ ØrigØe en 1996 à l’occasion de la construction d’une
route.»

4.2. Ainsi le mur, aux caractØristiques physi ques extrŒmement variØes, s’Øtendra-t-il en fin
de compte sur quelque 720 kilomŁtres le long de la Cisjordanie, sur une largeur de 50 à 70 mŁtres

en moyenne. Un tel systŁme exige une supe rficie de terre considØrable pour assurer sa
construction.

4.3. Dans le cadre de la premiŁre phase, quelque 21000dunums de terrain ont ainsi ØtØ
arasØs pour constituer le tracØ du mur, ce qui a entraînØ le dØracinement de quelque
centmillearbres. En outre, 150000dunums —soit 2% de la Cisjordanie— ont ØtØ confisquØs
dans le cadre de cette «premiŁre phase» du mur, dans la «zone de sØcuritØ» dØcrØtØe par Israºl.

4.4. Quelque 85 000 hectares — soit 14,5 % de la superficie de la Cisjordanie (hors
JØrusalem-Est) — se trouveront pris entre le mur et la Ligne verte, selon les derniŁres prØvisions du

Gouvernement israØlien concernant ce mur. Les terres nØcessaires à la c onstruction de ce dernier
sont rØquisitionnØes par ordonnance militaire en Cisjor danie et par le ministŁre de la dØfense dans
la ville de JØrusalem. La plupart de ces ordonna nces sont valides jusqu’au 31dØcembre2005 et
peuvent Œtre renouvelØes. Elles prennent gØnØraleme nt effet le jour de leur signature, et sont

valides mŒme si elles n’ont pas ØtØ personnellement remises aux propriØtaires concernØs. Elles
sont parfois placardØes sur le bien lui-mŒme ou dØlivrØes au conseil municipal, mais sans remise en
mains propres au propriØtaire. Les propriØtaires des terres concernØes ont une à deux semaines à
compter de la date de signature de l’ordonnance pour la contester devant l’organe compØtent; les

propriØtaires peuvent Øgalement saisir la Cour suprŒme d’Israºl.

4.5. Le mur lui-mŒme a ØtØ complØtØ, depui s le 2 octobre 2003, par l’Øtablissement d’une

zone fermØe dans la partie nord-ouest de la Ci sjordanie. A cette date, les Forces de dØfense
israØliennes (FDI) ont adoptØ une sØrie d’ordonnan ces Øtablissant une «zone de jointure» dans la
rØgion et crØant une zone fermØe correspondant aux terres comprises entre le systŁme de clôture et
la Ligne verte. Cette zone fermØe s’Øtend su r 73 kilomŁtres carrØs. Aux termes des ordonnances,

«personne n’est autorisØ à pØnØtrer dans la zone de jointure ou à y demeurer».

4.6. Les ordonnances des FDI ont Øgalement mis en place un nouveau statut de rØsident. Les
rØsidents de la zone fermØe peuvent y demeurer, et d’autres sont en mesure d’y avoir accŁs, mais

uniquement aprŁs dØlivrance d’un permis ou d’une car te d’identitØ par les FDI. Toutefois, les
citoyens israØliens, les rØsidents permanents en Israºl et les bØnØficiaires de la loi du retour peuvent
librement demeurer dans cette zone, s’y dØplacer, en sortir ou y entrer, sans obligation de permis. - 22 -

b) Les conséquences humaines du mur

4.7. Il est bien Øvident qu’un mur prØsentant de telles caractØristiqu es ne peut qu’avoir des
consØquences graves et dommageables pour les popu lations qui vivent, travaillent, se dØplacent ou
se rendent en visite dans les parties concernØes de la Cisjordanie.

4.8. Les rØquisitions, par l’armØe, de terr es en vue de la construction du mur affectent
indiscutablement et directement les propriØtaires c oncernØs. Les dispositio ns qui permettent de
contester ces dØcisions et de faire appel de cell es-ci sont inadØquates comme moyen de rØparation

pour les pertes et les bouleversements subis par les personnes concernØes. Les quatre cents recours
de premiŁre instance et quinze saisines de la Cour suprŒme dØjà intervenus au nom de famille ou de
villages entiers sont à comparer avec le nombre considØrable d’ordonnances de rØquisition adoptØes
à ce jour.

4.9. Une autre consØquence grave et dommageab le rØsulte de la mise en place de la zone
fermØe par les FDI et d’un nouveau systŁme de pe rmis de rØsidence. Tout d’abord, ce nouveau
systŁme opŁre une discrimination flagrante en fa veur des citoyens israØliens, des rØsidents

permanents en Israºl et des bØnØficiaires de la loi du retour, puisque tous peuvent entrer ou sortir de
la zone fermØe ou se dØplacer à l’intØrieur de celle-ci sans avoir besoin du permis imposØ aux
autres habitants. Cette discrimination est extrŒmement dØfavorable aux Palestiniens arabes.

4.10. Alors que, selon le rapport du SecrØtaire gØnØral (par. 21), la plupart des rØsidents de la
zone fermØe avaient reçu des permis, ceux-ci n’ Øtaient gØnØralement valables que pour une pØriode
limitØe, ne dØpassant pas un, trois ou six mois. S’agissant des non-rØsidents souhaitant accØder à la

zone fermØe, il semble qu’une majoritØ de ceux qui doivent ou veulent y accØder n’aient pas encore
obtenu de permis. MŒme les personnes en po ssession d’un permis dØlivrØ par les FDI ou d’une
carte d’identitØ ne bØnØficient pas d’une libertØ de mouvement illimitØe leur permettant d’entrer ou
de sortir de la zone fermØe. L’entrØe et la sor tie dØpendent du programme d’ouverture d’une sØrie

de trente-sept portes : celles-ci ne sont appare mment ouvertes que quinze à vingt minutes trois fois
par jour mais, malgrØ les horaires affichØs, les portes ne sont pas ouvertes de maniŁre rØguliŁre.
Ainsi, la porte donnant accŁs à la zone de Jayyous dans le district de Qalqilya est restØe fermØe

pendant ving-cinq jours au cours de la pØriode comp rise entre fin juin et dØbut aoßt 2003. Dans un
autre cas, la porte du village de Faroun, dans le district de Tulkarm, n’a pas ØtØ ouverte depuis le
9octobre2003, empŒchant ainsi les agriculteur s d’accØder à leurs terres. Des modalitØs aussi
limitØes et artificielles d’entr Øe et de sortie, sans rapport avec les besoins pratiques des

communautØs affectØes, ne peuvent que sØrieusem ent nuire à la situation de toutes les personnes
concernØes, qui ne peuvent ainsi bØnØficier d’un accŁs rØgulier à leurs terres, à leurs emplois, aux
services et au reste de leur famille.

c) Les conséquences économiques et sociales du mur

4.11. Un tel refus d’autoriser aux populati ons concernØes un accŁs rØgulier, notamment à
leurs terres afin de pouvoir les cu ltiver, n’encouragera guŁre les Palestiniens à demeurer dans cette

rØgion et aura mŒme pour effet de les encourager à l’abandonner. Israºl a dØjà par le passØ
expropriØ des terres au motif que celles-ci Øtaient insuffisamment cultivØes, et la possibilitØ ne peut
Œtre ØcartØe que tel soit l’objectif là encore r echerchØ par Israºl par l’ Øtablissement de ce nouveau

systŁme discriminatoire de dØlivrance de permis. - 23 -

4.12. En raison de l’encerclement complet de Qalqiliya par le mur, prŁs de 10% des
quarante-deuxmille rØsidents de cette ville ont Øt Ø contraints d’abandonner leurs foyers afin de

trouver un moyen de subsistance ou un emploi «ailleurs».

4.13. Cette consØquence de l’Ødification du systŁme de barriŁre ne doit pas Œtre vue de

maniŁre isolØe, mais dans le contexte du systŁm e de clôture imposØ par Israºl aprŁs l’Øclatement
d’hostilitØs en septembre/octobre2000. Ce systŁm e, encore en vigueur aujourd’hui, est pour
l’essentiel composØ d’une sØrie de points de contrôle et de barrages, et se trouve à l’origine de
graves dommages socio-Øconomiques. La constr uction du mur a considØrablement aggravØ le

prØjudice ainsi causØ aux communautØs situØes le long de son tracØ, principalement parce que
l’accŁs de celles-ci aux terres, aux emplois et aux marchØs d’approvisionnement a ØtØ soit
supprimØ, soit considØrablement limitØ. Des rapports rØcents de la Banque mondiale et des
Nations Unies en apportent la dØmonstration. Ainsi que l’a indiquØ le rapport du SecrØtaire gØnØral

des NationsUnies, «la barriŁre a, à ce jour , coupØ trentelocalitØs des services de santØ,
vingt-deuxdes Øtablissements scolaires, huitdes sources primaires d’eau et troisdu rØseau
Ølectrique» (par. 23). Concernant les consØquences de l’Ødification de ce mur, on pourra consulter :
«Incidences de la BarriŁre de sØparation isr aØlienne sur les populations cisjordaniennes

concernØes», rapport de la mission au groupe d es politiques d’aide humanitaire et de secours
d’urgence du comitØ local de coordination de l’ aide (LACC), 4 mai 2003; premiŁre mise à jour,
3j1uille2t003; deuxiŁme mise à jour, 30eptembr2 e003; troisiŁme mise à jour,
30novembre2003. Voir Øgalement NationsUni es, bureau de la coordination des affaires

humanitaires, TPO, «New Wall Projections», 9 nove mbre 2003; UNRWA, «Impact de la premiere
phase de la barriŁre de sØcuritØ sur les rØfugiØs enregistrØs auprŁs de l’UNRWA», 1 octobre 2003;
OCHA Humanitarian Update, Occupied Palestin ian Territories, 1-15 dØcembre 2003; UNRWA,
Reports on the West Bank Barrier, «Town Profile : Impact of the Jerusalem Barrier», janvier 2004.

4.14. La construction du mur a considØrable ment aggravØ les dommages ainsi causØs aux
communautØs situØes le long de son tracØ, principalement parce que l’accŁs de celles-ci aux terres,

aux emplois et aux marchØs d’approvisionnement a Øt Ø soit supprimØ, soit considØrablement limitØ.
Des rapports rØcents de la Banque mondiale et des NationsUnies en apportent la dØmonstration.
Ainsi que l’a indiquØ le rapport du SecrØtaire gØnØral des NationsUnies, «la barriŁre a, à ce jour,
coupØ trentelocalitØs des services de santØ, vi ngt-deuxdes Øtablissements scolaires, huitdes

sources primaires d’eau et trois du rØseau Ølectrique» (par. 23).

4.15. Le rapport du SecrØtaire gØnØral montre Øgalement que ce sont les Palestiniens vivant

dans les enclaves qui doivent subir certaines des consØquences les plus douloureuses de la
construction et du tracØ du mur. Le rapport donne comme exemples les villes de Qalqiliya et de
Nazlat Issa. Le mur entourant Qalqiliya ne comporte qu’un point d’entrØe et de sortie, contrôlØ par
un poste militaire israØlien.

«La ville est donc isolØe de pratiquement toutes ses terres agricoles, tandis que
les villages environnants sont sØparØs de leurs marchØs et des services. Un hôpital des
Nations Unies situØ dans la ville a connu une baisse de frØquentations de 40 %. Plus

au nord, la barriŁre crØe actuellement une en clave autour de la ville de NazlatIssa,
dont les zones commerçantes ont ØtØ dØtr uites, Israºl ayan t dØmoli au moins
sept habitations et cent vingt-cinq boutiques.»

4.16. De plus, les terres et les biens des rØsidents de vingt-deuxvillages du district de
Qalqiliya seront isolØs par le mur; un total de 47 000 dunums (environ 5000 hectares) seront situØs
à l’ouest du mur, alors que 7750 dunums (environ 800 hectares) seront dØtruits par le mur. - 24 -

4.17. A NazlatIssa, quelque deuxcentdix-huit bâtiments ont ØtØ dØtruits à ce jour, pour la
plupart des commerces, qui constituent une source de revenu et de survie importante pour nombre

de communautØs. Au moins soixante-quinze autres magasins, vingtusines, vingtmaisons
d’habitation et une Øcole primaire devraient Œtre dØmolis, et ce dans un proche avenir, avec pour
consØquences la destruction de l’essentiel du villa ge et de toute son infrastructure Øconomique.
Nazlat Issla sera le premier village à Œtre dØtruit le long du mur.

4.18. Les tronçons dØjà achevØs du mur ont une incidence particuliŁrement grave sur
l’agriculture. Ainsi que l’indique le paragraphe 25 du rapport du SecrØtaire gØnØral :

«En 2000, les trois gouvernorats de DjØnine, Tulkarm et Qalqiliya ont produit
pour 220 millions de dollars des Etats-Unis de denrØes agricoles, soit 45 % du total de
la production agricole de la Cisjordani e. Les terres palestiniennes cultivØes se

trouvant sur le tracØ de la barriŁre ont ØtØ rØquisitionnØes et les cultures dØtruites, et
des dizaines de milliers d’arbres ont ØtØ dØr acinØs. Les agriculteurs sØparØs de leurs
terres, et souvent Øgalement de leurs sources d’approvisionnement en eau, doivent
traverser la barriŁres par les portes contrôlØes. Les habitants de nombreux villages ont

perdu leur derniŁre rØcolte en raison des hor aires irrØguliers d’ouverture des portes et
de l’arbitraire qui semble prØsider à l’octr oi ou au refus du droit de passage. Selon
une enquŒte rØcente du Programme alimenta ire mondial, cette situation a aggravØ
l’insØcuritØ alimentaire dans la rØgion, qui compte 25000nouveaux bØnØficiaires

d’aide alimentaire par suite directe de la construction de la barriŁre.»

4.19. Le mur traverse plusieurs parties de JØrusalem ainsi que la Cisjordanie. Son tracØ dans

JØrusalem aura pour consØquence, toujours selon le rapport, de

«[limiter] aussi fortement les dØplacements et l’accŁs de dizaines de milliers de
Palestiniens vivant en milieu urbain. Un mur en bØton traversant le quartier

d’AbouDis a dØjà eu des rØpercussions sur l’accŁs aux emplois et aux services
sociaux essentiels, notamment aux Øcoles et aux hôpitaux. Le tronçon nord de la
barriŁre a portØ prØjudice aux relations commerciales et sociales qui existent de longue
date entre des dizaines de milliers de personnes, phØnomŁne qui se renouvellera le

long de la majeure partie du tracØ traversant JØrusalem. Les rØsidences de certains
dØtenteurs de carte d’identitØ de JØrusalem se trouvent à l’extØrieur de la barriŁre, alors
que celles de certains dØtenteurs de carte d’identitØ de la Cisjordanie se trouvent à
l’intØrieur. Il se pose donc le problŁme du statut futur en mati Łre de rØsidence des

Palestiniens dans JØrusalem-Est occupØe au regard des lois israØliennes actuelles.»
(Rapport du SecrØtaire gØnØral, par. 26.)

4.20. Un systŁme de permis am ØliorØ permettant une circulation relativement libre de part et
d’autre du mur permettrait d’attØnuer le prØjudice socio-Øconomique qui vient d’Œtre dØcrit;
toutefois, mŒme si un tel systŁme amØliorØ deva it Œtre introduit, il ne supprimerait en rien les
souffrances de la population et les griefs de ce tte derniŁre. Ainsi que l’indique le rapport du

SecrØtaire gØnØral à son paragraphe 27 :

«Qui plus est, cet accŁs [amØliorØ] ne saurait compenser les revenus perdus par
suite de la destruction de biens, de terres et d’entreprises rØsultant de la construction

de la barriŁre. Ceci pose le problŁme des violations des droits des Palestiniens à
l’emploi, à la santØ, à l’Øducation et à un niveau de vie suffisant.» - 25 -

V. C ONSIDERATIONS JURIDIQUES PERTINENTES

a) Compétence de la Cour

i) La demande soulève une question de nature juridique et la Cour est compétente pour
y répondre

5.1. La compØtence de la Cour pour rendre un avis consultatif dØcoul e du paragraphe1 de
l’article65 de son Statut. Celui-ci dispose que la Cour «peut donner un avis consultatif sur toute
question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura ØtØ autorisØ par la Charte des

Nations Unies ou conformØment à ses dispositions à demander cet avis».

5.2. Le paragraphe1 de l’ar ticle96 de la Charte des Nati ons Unies dispose : «L’AssemblØe
gØnØrale ou le Conseil de sØcuritØ peut demander à la Cour inte rnationale de Justice un avis

consultatif sur toute question juridique.»

5.3. La compØtence de l’AssemblØe gØnØrale pour demander un avis consultatif englobe

«toute question juridique», sans restriction. MŒme s’il y avait lieu de supposer que ce paragraphe 1
de l’article96 de la Charte comporte une lim ite exigeant qu’une telle question juridique se pose
dans le cadre des activitØs de l’AssemblØe gØnØrale , cette condition serait satisfaite à l’Øgard de la
prØsente requŒte : mutatis mutandis, le raisonnement suivi par la Cour dans son avis consultatif du

8 juillet 1996 sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (C.I.J. Recueil 1996,
p. 233, par. 11 et 12) ne laisse à cet Øgard aucun doute.

5.4. On ne saurait davantage douter que la question soumise à la Cour par l’AssemblØe
gØnØrale soit une «question juridique». Dans la question ainsi posØe, il est demandØ à la Cour de se
prononcer sur les «consØquences juridiques» de certaines mesures. De plus, elle s’inscrit bien dans
le cadre de questions qui ont ØtØ «libellØes en termes juridiques et soulŁvent des problŁmes de droit

international … [et qui] sont, par leur nature mŒme, susceptibles de recevoir une rØponse fondØe en
droit…» (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15).

5.5. Afin de se prononcer sur la question dont elle est aujourd’hui saisie, la Cour doit
rechercher les principes et rŁgles de droit interna tional applicables, les interprØter et les appliquer
aux circonstances de l’espŁce, et apporter ainsi une rØponse fondØe en droit à la question posØe.

5.6. Etant donnØ que l’avis a ØtØ demandØ pa r l’AssemblØe gØnØrale, et sera donnØ par la
Cour à l’AssemblØe gØnØrale, l’absence de consentement à cette procØdure de la part d’un Etat
quelconque est sans incidence sur la compØtence de la Cour pour donner l’avis qui lui est demandØ.

Ainsi qu’elle l’a indiquØ dans son avis consultatif sur l’Applicabilité de la section 22 de l’article VI
de la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies (C.I.J. Recueil 1989) :

«La compØtence qu’a la Cour… pour donner des avis consultatifs sur des
questions juridiques permet à des entit Øs des NationsUnies de [lui] demander

conseil…afin de mener leurs activitØs conformØment au droit. Ces avis sont
consultatifs, non obligatoires. Ces avis Øtant destinØs à Øclairer l’Organisation des
Nations Unies, le consentement des Etats ne conditionne pas la compØtence de la Cour

pour les donner.» (P. 188-189, par. 31.) - 26 -

5.7. La Cour a dØjà eu l’occasion, dans le cadre de l’avis qu’elle a rendu sur l’ Interprétation

des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, (C.I.J. Recueil 1950) , de
tracer une distinction entre affaires contentieuses (dans lesquelles un consentement est nØcessaire)
et procØdures consultatives (dans lesquelles un tel consentement n’est pas nØcessaire); elle a à cette
occasion relevØ que

«il en est autrement en matiŁre d’avis, alors mŒme que la demande d’avis a trait à une
question juridique actuellement pendante entre Etats. La rØponse de la Cour n’a qu’un
caractŁre consultatif: comme telle, elle ne saurait avoir d’effet obligatoire. Il en

rØsulte qu’aucun Etat… n’a qualitØ pour empŒcher que soit donnØe suite à une
demande d’avis dont les NationsUnies, pour s’Øclairer dans leur action propre,
auraient reconnu l’opportunitØ. L’avis est donnØ par la Cour non aux Etats, mais à
l’organe habilitØ pour le lui demander; la rØponse constitue une participation de la

Cour, elle-mŒme «organe des NationsUni es», à l’action de l’Organisation et, en
principe, elle ne devrait pas Œtre refusØe.» (P. 71.)

5.8. Le fait que la question juridique sur laque lle l’avis consultatif de la Cour est demandØ
puisse Øgalement revŒtir une dimension politique ne prive pas la Cour de sa compØtence pour
rØpondre à la question juridique qui lui est posØe. Ainsi que la Cour l’a indiquØ dans son avis
consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (voir plus haut),

«Que cette question revŒte par ailleur s des aspects politiques, comme c’est, par
la nature des choses, le cas de bon nombre de questions qui viennent à se poser dans la
vie internationale, ne suffit pas à la priver de son caractŁre de «question juridique» et à

«enlever à la Cour une compØtence qui lui est expressØment confØrØe par son
Statut»… Quels que soient les aspects politiques de la question posØe, la Cour ne
saurait refuser un caractŁre juridique à une question qui l’invite à s’acquitter d’une
tâche essentiellement judiciaire, à savoir l’a pprØciation de la licØitØ de la conduite

Øventuelle d’Etats au regard des obligations que le droit international leur impose…

La Cour considŁre en outre que la na ture politique des mobiles qui auraient
inspirØ la requŒte et les implications po litiques que pourrait avoir l’avis donnØ sont

sans pertinence au regard de l’Øtablisse ment de sa compØtence pour donner un tel
avis.» (C.I.J. Recueil 1996, p. 234, par. 13; les citations ont ØtØ omises).

5.9. En adoptant cette position, la Cour a suiv i une pratique antØrieure bien Øtablie par elle.
La Cour a frØquemment ØtØ invitØe à refuser de re ndre un avis consultatif au motif que, de maniŁre
gØnØrale, la question aurait ØtØ davantage politique que juridique. Elle n’a jamais accØdØ à une telle
invitation.

5.10. Dans son avis sur la Composition du Comité de la Sécurité maritime de l’Organisation
intergouvernementale consultative de la Navigation maritime (C.I.J.Recueil1960) , la Cour a
indiquØ :

«Les exposØs prØsentØs à la Cour ont fait apparaître qu’à la question qui lui a ØtØ
soumise s’en rattachent d’autres qui ont un caractŁre politique. Cependant, en tant que
corps judiciaire, la Cour doit[,] dans l’ex ercice de sa fonction consultative[,] rester

fidŁle aux exigences de son caractŁre judiciaire.» (P. 153.)

La Cour a en consØquence rendu l’avis qui lui Øtait demandØ. - 27 -

5.11. Lors de la demande d’avis consultatif sur Certaines dépenses des NationsUnies
(C.I.J. Recueil 1962), la Cour s’est vu opposer l’argument selon lequel la question qui lui Øtait

posØe touchait Øtroitement à des considØrations po litiques et que, pour cette raison, elle devait se
refuser à donner un avis sur celle-ci. Elle a indiquØ :

«Certes, la plupart des interprØtations de la Charte des Nations Unies prØsentent

une importance politique plus ou moins grande. Par la nature des choses, il ne saurait
en Œtre autrement. Mais la Cour ne saurait attribuer un caractŁre politique à une
requŒte qui l’invite à s’acquitter d’une tâche essentiellement judiciaire, à savoir
l’interprØtation d’une disposition conventionnelle.» (P. 155.)

5.12 La dØtermination des consØquences juri diques rØsultant d’une certaine conduite n’est
rien moins qu’une «tâche essentiellement judiciaire».

5.13. A l’occasion de la demande d’avis c onsultatif concernant l’interprØtation de l’ Accord
du 25mars1951 entre l’OMS et l’Egypte (C.I.J.Recueil1980) , la Cour a de sa propre initiative
soulevØ la question de savoir si la demande en question n’Øtait rien d’autre qu’une manœuvre

politique et s’il convenait alors qu’elle refuse d’y rØpondre. AprŁs avoir relevØ que cette thŁse
«irait de toute façon à l’encontre de sa jurispr udence constante», la Cour a indiquØ que, selon cette
jurisprudence, si

«une question formulØe dans une requŒte relŁve à d’autres Øgards de l’exercice normal
de sa juridiction, la Cour n’ a pas à traiter des mobiles qui ont pu inspirer la requŒte…
En fait, lorsque des considØrations politiqu es jouent un rôle marquant[,] il peut Œtre

particuliŁrement nØcessaire à une organisa tion internationale d’obtenir un avis
consultatif de la Cour sur les princip es juridiques applicables à la matiŁre en
discussion…» (P. 87, par. 33.)

5.14 Dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compét ence et recevabilité (C.I.J. Recueil 1984) , la Cour a
indiquØ qu’elle ne s’Øtait «jamais dØrobØe devant l’examen d’une affaire pour la simple raison
qu’elle avait des implications politiques ou comporta it de sØrieux ØlØments d’emploi de la force»

(p. 435, par. 96). Cela est tout aussi vrai aujourd’hui que ce l’Øtait en 1984.

5.15 Il est tout aussi dØnuØ de pertinence au regard de la compØtence de la Cour que la

matiŁre sur laquelle porte la de mande d’avis consultatif soit ou ait ØtØ examinØe sØparØment par
l’AssemblØe gØnØrale ou le Conseil de sØcuritØ. Lorsque ce point a ØtØ soulevØ dans l’affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (voir ci-dessus), la Cour a
relevØ qu’il lui avait ØtØ demandØ de «se pronon cer sur certains aspects juridiques d’une question

qui a[vait] ØtØ aussi examinØe par le Conseil, ce qui [Øtait] parfaitement conforme à sa situation
d’organe judiciaire principal des Nations Unies» (p. 436, par. 98).

5.16 La Cour a de mŒme relevØ que «le fait qu’une question [soit] soumise au Conseil de
sØcuritØ ne doit pas empŒcher la Cour d’en co nnaître, et que les deux procØdures peuvent Œtre
menØes parallŁlement» (p. 433, par. 93).

5.17. La Cour Øtait dØjà parvenue à la mŒme conclusion dans l’affaire du Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (C.I.J. Recueil 1980), à l’occasion de laquelle
elle avait relevØ : - 28 -

«Alors que l’article 12 de la Charte interdit expressØment à l’AssemblØe
gØnØrale de faire une recommandation au su jet d’un diffØrend ou d’une situation à

l’Øgard desquels le Conseil re mplit ses fonctions, ni la Charte ni le Statut n’apportent
de restriction semblable à l’exercice des fonctions de la Cour.» (P. 22, par. 40.)

5.18. Il s’agissait dans l’un et l’autre cas d’ une affaire contentieuse, concernant une action
concurrente de la part de la Cour et du Conseil de sØcuritØ : compte tenu des effets juridiques plus
limitØs qui sont ceux d’un avis consultatif et de l’action de l’AssemblØe gØnØrale, une Øventuelle
action concurrente de la part de la Cour et de l’AssemblØe gØnØrale en la prØsente espŁce conduit à

fortiori à la mŒme conclusion.

5.19. En bref, si la Cour, ainsi qu’elle est invitØe à le faire, dØcide de donner l’avis
consultatif que l’AssemblØe gØnØrale lui a demandØ , elle s’acquittera «de sa fonction judiciaire

normale en s’assurant de l’existence ou de la non- existence de principes et de rŁgles juridiques
applicables à» la construction du mur (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis
consultatif, p. 235, par. 18).

5.20. L’AssemblØe gØnØrale a soumis une ques tion juridique à la Cour; elle est autorisØe à
demander à la Cour un avis consultatif sur cette question; la Cour a compØtence pour donner un tel
avis.

ii) Il n’existe aucune raison décisive qui devrait conduire la Cour à refuser de donner
l’avis consultatif qui lui est demandé

5.21. La Cour jouit d’un certain pouvoir discrØ tionnaire à l’Øgard de la question de savoir si
elle doit ou non exercer sa compØtence pour rendre l’avis consultatif qui lui a ØtØ demandØ. Selon
le paragraphe 1 de l’article 65 de la Cour, celle-ci «peut» donner un av is consultatif, et elle a dØjà

eu l’occasion de prØciser que ce libellØ lui laissait «le pouvoir discrØtionnaire de dØcider si elle doit
ou non donner l’avis consultatif qui lui a ØtØ dema ndØ, une fois qu’elle a Øtabli sa compØtence pour
ce faire» (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, p. 235, par. 14).

5.22. La Cour n’en a pas moins estimØ pendant plus de cinquante ans qu’elle ne devrait pas
en principe se refuser à rendre un avis consulta tif sur un point qui lui a ØtØ dßment exposØ. Ainsi
a-t-elle affirmØ, dans le cadre de la demande d’avis consultatif concernant l’ Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase

(C.I.J. Recueil 1950, p. 71) : «L’avis est donnØ par la Cour non aux Etats, mais à l’organe habilitØ
pour le lui demander; la rØponse constitue une part icipation de la Cour, elle-mŒme «organe des
Nations Unies», à l’action de l’Organisation et, en principe, elle ne devrait pas Œtre refusØe.»

5.23. Plus rØcemment, dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires (p. 235, par. 14), la Cour a citØ ce passage, pour poursuivre en ces termes :

«La Cour a toujours ØtØ consciente de ses responsabilitØs en tant qu’«organe
judiciaire principal des Nations Unies» (Chart e, art. 92). Lors de l’examen de chaque
demande, elle garde à l’esprit qu’elle ne devr ait pas, en principe, refuser de donner un
avis consultatif. ConformØment à sa juri sprudence constante, seules des «raisons

dØcisives» pourraient l’y inciter… Aucun refus, fondØ sur le pouvoir discrØtionnaire
de la Cour, de donner suite à une demande d’ avis consultatif n’a ØtØ enregistrØ dans
l’histoire de la prØsente Cour…» (Ibid.) - 29 -

5.24. MŒme la devanciŁre de la Cour ne s’est que dans une seule occasion refusØe à rØpondre
à une question qui lui avait ØtØ soumise pour avis consultatif par le Conseil de la SociØtØ des

Nations, et l’a fait pour des raisons autres que l’exercice de son pouvoir discrØtionnaire; il s’agissoit
de la demande d’avis c onsultatif concernant le Statut de la Carélie orientale (C.P.J.I. série B n 5,
1923). Les circonstances de l’espŁce Øtaient tout efois particuliŁres, notamment en ce que la
question sur laquelle un avis consultatif Øtait recherchØ concernait directement l’objet essentiel

d’un diffØrend bilatØral qui avait surgi entre les deux Etats, et en ce que l’un de ces derniers n’Øtait
pas membre de la SociØtØ des Nations, ne se trouvait donc pas liØ par les dispositions du pacte
concernant le rŁglement pacifique des diffØre nds et enfin, bien qu’en possession des faits
pertinents, ne souhaitait pas participer à la procØdure.

5.25. Les circonstances de la prØsente espŁce sont d’un ordre totalement diffØrent. Tous les
Etats concernØs sont Membres des NationsUnies et ont donc acceptØ la possibilitØ que la Cour

rØponde à une demande d’avis c onsultatif soumise à celle-ci c onformØment aux dispositions
pertinentes de la Charte et du Statut. Il n’ex iste aucun ØlØment dont la Cour aurait besoin de
disposer pour pouvoir rendre son av is consultatif mais qui ne lui serait pas accessible du fait que
l’Etat en possession de ces ØlØments ne serait pas membre des Nations Unies ou ne souhaiterait pas

participer à la procØdure. Alors que la ques tion soumise à la Cour pa r la requŒte pour avis
consultatif concerne un ensemble particulier de circonstances (à savoir la construction du mur par
Israºl), la requŒte pour avis consultatif ne touche pas à une question juridique actuellement
pendante entre les Etats concernØs, mais plutôt à la recherche, par l’AssemblØe gØnØrale, d’un avis

sur les consØquences juridiques dØcoulant de la cons truction de ce mur, de telle sorte que, grâce à
une comprØhension plus complŁte de ces consØquences juridiques, l’AssemblØe gØnØrale soit mieux
à mŒme de remplir ses fonctions. En outre, Øtant donnØ que cet avis ne sera pas seulement adressØ
à l’AssemblØe pour guider celle-ci, mais n’aura en outre qu’un car actŁre consultatif, le fait de

rendre cet avis n’aura pas davantage pour effet de trancher un quelconque diffØrend bilatØral entre
Etats. L’AssemblØe, et non les Etats, ayant recher chØ l’avis consultatif de la Cour, celui-ci, une
fois rendu, servira à assister l’AssemblØe dans l’exercice de ses fonctions, et ce sera à cette derniŁre

d’apprØcier elle-mŒme l’utilitØ de l’avis à la lumiŁre de ses propres besoins.

5.26. MŒme lorsque la demande d’avis consultatif est considØrØe comme portant sur une
question juridique pendante entre deux ou plusieurs Etats (et tel n’est pas le cas en l’espŁce), il ne

s’ensuit pas que la Cour doive se refuser à rendre l’av is en question. Dans la procØdure relative à
l’Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
(C.I.J. Recueil 1950), la Cour a conclu à l’impossibilitØ, pour quelque Etat que ce soit, d’empŒcher

que soit donnØ suite à une demande d’avis consultatif, « alors même que la demande d’avis a trait à
une question juridique actuellement pendante entre Et ats» (p.71; passage dØjà citØ plus haut, au
paragraphe 5.7; les italiques sont de nous).

5.27. S’appuyant sur ce prØcØdent, la Cour, dans l’affaire du Sahara occidental
(C.I.J. Recueil 1975), a rejetØ l’argument de l’Espagne selon lequel elle ne devrait pas rendre un tel
avis consultatif dans la mesure oø il porterait sur l’objet d’un diffØrend entre celle-là et d’autres
Etats, et dans la mesure oø l’Espagne ne consenta it pas à une telle procØdure. La Cour a continuØ

en ces termes :

«Certes[,] la Cour a affirmØ [en l’espŁce] que sa compØtence pour donner un
avis consultatif ne dØpendait pas du consen tement des Etats intØressØs, mŒme lorsque

l’affaire avait trait à une question juridique [alors] pendante entre eux. MŒme si elle a
ensuite insistØ sur son caractŁre judiciaire et la nature permissive de l’article65,
paragraphe 1, du Statut, elle ne s’en est pas tenue là; elle a examinØ aussi, ses rØfØrant

spØcialement à l’opposition de certains des Et ats intØressØs, s’il Øtait judiciairement
opportun qu’elle donne un avis cons ultatif. En outre elle a soulignØ les circonstances - 30 -

qui diffØrenciaient l’affaire dont il s’agissait de celle du Statut de la Carélie orientale
et expliquØ pour quels motifs particuliers e lle Øtait arrivØe à la conclusion qu’aucune

raison ne l’obligeait à s’abstenir de rØpondr e à la demande. La Cour a ainsi reconnu
que le dØfaut de consentement pourrait l’amen er à ne pas Ømettre d’avis si, dans les
circonstances d’une espŁce donnØe, des considØrations tenant à son caractŁre judiciaire
imposaient un refus de rØpondre. Bref, le c onsentement d’un Etat intØressØ conserve

son importance non pas du point de vue de la compØtence de la Cour, mais pour
apprØcier s’il est opportun de rendre un avis consultatif…

33. Ainsi le dØfaut de consentement d’un Etat intØressØ peut, dans certaines

circonstances, rendre le prononcØ d’un avis consultatif incompatible avec le caractŁre
judiciaire de la Cour. Tel serait le cas si les faits montraient qu’accepter de rØpondre
aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu de soumettre
un diffØrend au rŁglement judiciaire s’il n’est pas consentant…

34. La situation dans laquelle la Cour se trouve n’est cependant pas celle qui est
envisagØe plus haut. Il existe dans la pr Øsente affaire une controverse juridique mais
c’est une controverse qui a surgi lors des dØbats de l’AssemblØe gØnØrale et au sujet de

problŁmes traitØs par elle. Il ne s’agit pas d’une controverse nØe indØpendamment,
dans le cadre de relations bilatØrales…» (P. 24-25, par. 32, 33, 34.)

5.28. AprŁs avoir passØ en revue les circonstances dans lesquelles la question juridique posØe
à la Cour par l’AssemblØe gØnØrale avait surgi, la Cour a poursuivi :

«38. … Les questions juridiques dont l’AssemblØe gØnØrale a saisi la Cour se

situent donc dans un cadre plus large que celui du rŁglement d’un diffØrend particulier
et englobent d’autres ØlØments. De surcroît, ces ØlØments ne visent pas seulement le
passØ mais concernent aussi le prØsent et l’avenir.

39. Ce qui prØcŁde permet de mieux dØte rminer l’objet de la demande d’avis
consultatif. L’AssemblØe gØnØrale n’a pas eu pour but de porter devant la Cour, sous
la forme d’une requŒte pour avis cons ultatif, un diffØrend ou une controverse
juridique, afin d’exercer plus tard, sur la base de l’avis rendu par la Cour, ses pouvoirs

et ses fonctions en vue de rØgler pacifi quement ce diffØrend ou cette controverse.
L’objet de la requŒte est tout autre: il ’sag it d’obtenir de la Cour un avis consultatif
que l’AssemblØe gØnØrale estime utile pour pouvoir exercer comme il convient ses
fonctions relatives à la dØcolonisation du territoire.» (P. 26-27, par. 38 et 39.)

5.29. Les similitudes entre la situation deva nt laquelle se trouvait la Cour dans l’espŁce
prØcitØe et la situation devant laquelle elle se tr ouve aujourd’hui sont frappantes. Dans la prØsente

espŁce Øgalement, la controverse juridique est nØe durant les travaux de l’AssemblØe gØnØrale et en
rapport avec des questions sur lesquelles elle s’Øta it penchØe; elle ne s’est pas posØe de maniŁre
indØpendante dans le cadre de relations bilatØrales; les questions juridiques dont la Cour a ØtØ saisie
ne s’inscrivent pas dans le cadre du rŁglement d’un diffØrend particulier, mais plutôt dans un cadre

plus large, qui est celui de l’implication de l’A ssemblØe gØnØrale, dŁs les dØbuts de l’existence de
l’Organisation des NationsUnies, dans tous l es aspects des suites de la fin du mandat sur la
Palestine, et en particulier dans les consØquences des hostilitØs de 1967 entre Israºl et certains Etats
arabes; l’AssemblØe ne recherche pas un avis consultatif de maniŁre à ouvrir la voie à l’exercice de

ses pouvoirs et fonctions en vue du rŁglement pacifi que d’un diffØrend bilatØral; elle le fait plutôt
de maniŁre à mieux pouvoir exercer ses fonctions en rapport avec le problŁme de la Palestine. Tout
comme la Cour avait, dans l’affaire du Sahara occidental, conclu que rien dans le fait qu’elle
rØponde à la requŒte pour avis consultatif de l’AssemblØe gØnØrale n’aurait pour effet de contourner

le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu d’accepter que les diffØrends auxquels il est partie - 31 -

soit soumis à un rŁglement judiciaire sans son con sentement, et qu’une telle rØponse ne serait donc
pas contraire au principe de la conformitØ à sa fonction judiciaire, de mŒme une conclusion

identique s’impose-t-elle en l’espŁce.

5.30. Pour rØsumer, en reprenant les termes de Rosenne : «en raison de la relation organique

qui s’est Øtablie entre la Cour et les NationsUnies, celle-là considŁre comme de son devoir de
participer, dans les limites de son domaine de compØtence, à l’action de l’Organisation et aucun
Etat ne peut l’en empŒcher» ( The Law and Practice of the International Court of Justice
1920-1996, 1997, p. 1021).

5.31. Ainsi que cela a dØjà ØtØ notØ plus haut , le fait que la question juridique sur laquelle
l’avis de la Cour recherchØ risque de soulever Øgalement une question politique ne justifie en rien
que la Cour s’abstienne d’exercer sa compØtence à cet Øgard (voir plus haut, par.5.8 et5.14).

Certes, ainsi qu’elle l’a indiquØ dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires ( C.I.J. Recueil 1996, p.237, par.17), quelles que soient les conclusions
auxquelles parviendra la Cour dans l’avis qu’elle rendra en rØpon se à la demande de l’AssemblØe

gØnØrale, ces conclusions seront pertinentes non seulement au regard de la maniŁre dont
l’AssemblØe traitera les questions spØcifiques qu’e lle doit examiner dans ce cadre, mais Øgalement
au regard du dØbat consacrØ, dans l’enceinte des NationsUnies, à des questions d’une plus large
portØe touchant elles aussi à la recherche de la paix au Proche-Orient. Mais toutes incidences de la

sorte que l’avis de la Cour pourrait avoir sont une question d’apprØciation, et les opinions à cet
Øgard sont sans aucun doute trŁs variØes; en tout Øtat de cause, rien ne saurait pour l’instant
dØpasser le stade de la spØculation. Ce caractŁre incertain et hypothØtique des consØquences qui
pourraient dØcouler de l’avis de la Cour ne sau rait constituer une raison dØcisive pour celle-ci de

refuser d’exercer sa compØtence.

5.32. Le fait que les Etats aient, sur la question juridique posØe par l’AssemblØe gØnØrale, des

points de vue diffØrents en droit ne signifie pas que la Cour soit de ce fait appelØe à examiner une
question juridique actuellement pendante entre des Etats. La plupart du temps, en effet, une
demande d’avis consultatif se rappor te à une question juridique à l’Øgard de laquelle des points de
vue divergents existent ― si tel n’Øtait pas le cas, il n’y aurait nul besoin pour l’organe dont Ømane

la demande de rechercher l’avis de la Cour sur la question. C’est prØcisØment du fait de l’existence
de points de vue juridiques divergents que l’Assemb lØe gØnØrale a, en l’espŁce, jugØ nØcessaire de
rechercher un avis consultatif de la Cour quant aux consØquences juridiques de certains faits sur
des questions actuellement examinØes par l’AssemblØe.

5.33. C’est à l’AssemblØe gØnØrale, et non à la Cour, de juger dans quelle mesure elle a
besoin de l’avis consultatif recherchØ. C’est à l’AssemblØe, plutôt qu’à la Cour, de

«dØcider elle-mŒme de l’utilitØ d’un avis au regard de ses besoins propres … en outre,
la Cour ne prendra pas en considØration, pour dØterminer s’il existe des raisons
dØcisives de refuser de donner cet avis, les origines ou l’histoire politique de la

demande [ni] la rØpartition des voix lors de l’adoption de la rØsolution» ( Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 16).

5.34. Par ailleurs, le fait que la question juridique posØe par l’AssemblØe gØnØrale puisse

revŒtir des aspects politiques n’est pas une raison justifiant que la Cour refuse d’exercer sa
compØtence pour rendre l’avis qui lui a ØtØ demandØ (voir plus haut, par. 5.8-5.14). - 32 -

5.35. Il n’y a, en rØsumØ, aucune «raison d Øcisive» pour que la Cour refuse d’exercer la
compØtence qui lui a ØtØ confØrØe par la Charte et le Statut. La mission de la Cour est d’«assurer

l’intØgritØ du droit international dont elle est l’organe» ( Détroit de Corfou, fond,
C.I.J. Recueil 1949, p. 35) : cette mission concerne les pr ocØdures consultatives tout autant que les
procØdures contentieuses. La nature de la tâche judiciaire de la Cour a ØtØ rØsumØe comme Øtant

«dans la mesure du possible, et de maniŁre concrŁte, qu’il s’agisse de procØdures
contentieuses ou consultatives, de sØparer le contexte juri dique proprement dit de son
contexte politique plus large, d’examin er cette question juridique d’une façon
objective et mŒme abstraite, et de bâtir sa dØcision sur cet examen, à l’exclusion de

toute considØration non juridique. Dans l’ ensemble, cette conception de la fonction
judiciaire de la Cour a ØtØ largement acceptØe, puisque tant l’AssemblØe gØnØrale
(dans le cas d’avis consultatifs) que les Etats pris individuellement (dans le cas
d’arrŒts) ont donnØ suite [à ces avis et arrŒts].» (Rosenne, The Law and Practice of

the International Court of Justice 1920-1996, 1997, p. 178.)

5.36. En exerçant sa compØtence en la prØsente espŁce, la Cour souhaitera sans doute avoir

prØsents à l’esprit un certain nombre d’ØlØments qui sont explicites dans la question soumise à la
Cour pour avis consultatif ou dØcoulent des termes qui y sont employØs :

i) la demande recherche un avis consultatif de la Cour sur «les consØquences» «en droit» de

l’Ødification de ce mur, et en couvre donc toutes consØquences juridiques sans exception,
quels que soient les Etats, entitØs, orga nisations ou personnes concernØs par ces
consØquences;

ii) l’AssemblØe gØnØrale dØcrit Israºl comme la «puissance occupante»;

iii)l’AssemblØegØnØraledØcr it le territoire sur lequel ce mur est en train d’Œtre construit
comme «le Territoire palestinien occupØ» et considŁre celui-ci comme comprenant

«l’intØrieur» et «le pourtour» de JØrusalem-Est;

iv) cette question concerne «l’Ødification du mur [par] Israºl…selon ce qui est exposØ dans
le rapport du SecrØtaire gØnØral» et, Øtan t donnØ que ce rapport dØcrit la totalitØ du mur

―à savoir les sections de celui-ci qui ont ØtØ construites aussi bien que celles dont la
construction est prØvue ou envisagØe ―, c’est le mur dans sa totalitØ qui se trouve couvert
par la question soumise à la Cour par l’AssemblØe gØnØrale;

v) l’AssemblØe gØnØrale inclut la quatriŁme convention de GenŁve de1949 parmi les rŁgles
et principes du droit international qu’elle inv ite la Cour à examiner lorsqu’elle rØpondra à
la question qui lui est soumise; et

vi) l’AssemblØe gØnØrale considŁre «les rØsolutions consacrØes à la question par le Conseil de
sØcuritØ et l’AssemblØe gØnØrale» comme devant Œtre examinØes par la Cour en rØponse à
la question qui lui est soumise.

b) Principes juridiques applicables

i) L’interdiction de l’emploi de la force et le droit à l’autodétermination sont des règles
du jus cogens

5.37. Les circonstances qui ont dØbouchØ sur la prØsente requŒte pour avis consultatif mettent
en jeu deux principes de droit international de la plus grande importance et de la plus grande
portØe, à savoir le principe de l’interdiction du recours à la force par les Etats (sauf en des - 33 -

circonstances trŁs exceptionnelles et Øtroitement circon scrites), et le principe du droit de tous les
peuples à disposer d’eux-mŒmes. A l’un et l’autre Øgards, ces rŁgles revŒtent une importance telle

qu’elles relŁvent du jus cogens.

5.38. Cette catØgorie de rŁgles du droit internati onal occupe le niveau le plus ØlevØ dans la

hiØrarchie de ces rŁgles, Øtant donnØ que seules d’autres rŁgles prØsentant ce caractŁre de
jus cogens, au contraire des rŁgles gØnØrales du droit in ternational, autorisent à s’en Øcarter. Ces
rŁgles du droit international obØissent habituelleme nt à la formulation qui est celle adoptØe par
l’article53 de la convention de Vienne sur le droit des traitØs de1969, qui utilise l’expression

jus cogens comme synonyme de l’expression «norme impØ rative du droit international gØnØral», et
dØfinit celle-ci comme Øtant «une norme acceptØe et reconnue par la communautØ internationale
des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dØrogation n’est permise et qui ne
peut Œtre modifiØe que par une nouvelle norme du droit international gØnØral ayant le mŒme

caractŁre».

5.39. Alors que l’existence d’une telle catØ gorie de rŁgles de droit international est

aujourd’hui universellement acceptØe, la question de savoir quelles sont les rŁgles qui doivent
entrer dans cette catØgorie est davantage controve rsØe. Il n’existe tout efois actuellement aucun
dØsaccord visible quant au fait que tant l’interdic tion du recours à la force armØe que le droit à
l’autodØtermination font partie des rŁgles du jus cogens.

a) L’interdiction (sauf dans des circonstances trŁs exceptionnelles et Øtroitement circonscrites) de
l’usage de la force par les Etats est une rŁgle bien Øtablie du droit international. Il s’agit de l’un des

principes de l’Organisation des NationsUnies ØnoncØ au paragraphe4 de l’ar ticle2 de la Charte
dans les termes suivants: «les Membres de l’Or ganisation s’abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intØgritØ territoriale
ou l’indØpendance politique de tout Etat, soit de t oute autre maniŁre incompatible avec les buts des

Nations Unies».

5.40. Cette interdiction ØnoncØe par la Charte s’applique non seulement à la menace ou à
l’emploi de la force, mais Øgalement à la menace ou à l’emploi de la force «de toute autre maniŁre»

incompatible avec les buts des NationsUnies. La menace ou l’emploi de la force, dans l’une ou
l’autre de ces circonstances (ou, lorsque l’emploi de la force es t envisagØ dans le cadre de la
lØgitime dØfense, s’il viole les principes de nØc essitØ et de proportionnalitØ: voir plus loin au

paragraphe5.272), seraient illicites sel on le droit de la Charte: voir Licéité de la menace ou de
l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 247, p. 48.

5.41. Les buts des Nations Unies sont ØnoncØs à l’article 1 de la Charte. Ils comprennent en

particulier :

 le maintien de la paix et de la sØcuritØ intern ationales, aux fins de quoi les Nations Unies sont
appelØes à «rØaliser, par des moyens pacifiques, conformØment aux principes de la justice et du

droit international, l’ajustement ou le rŁglemen t de diffØrends ou de s ituations, de caractŁre
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix» (art. 1.1.);

 «dØvelopper entre les nations des relations amic ales fondØes sur le respect du principe de
l’ØgalitØ de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mŒmes» (art. 1.2); et - 34 -

 «rØaliser la coopØration internationale…en dØ veloppant et en encourageant le respect des
droits de l’homme et des libertØs fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de

langue ou de religion».

5.42. L’interdiction de l’emploi de la fo rce fait Øgalement partie des rŁgles du droit

international coutumier.

5.43. La rŁgle interdisant l’emploi de la force est depuis longtemps reconnue comme relevant

du jus cogens. Au paragraphe 1 de son commentaire sur le projet d’article50 de son projet final
d’articles sur le droit des traitØs de 1966 (qui devait plus tard devenir, avec quelques modifications,
l’article 53 de la convention de Vienne), la Co mmission du droit international fit observer que «le
droit de la Charte concernant l’interdiction de l’emploi de la force constitue en soi un exemple

frappant d’une rŁgle de droit international qui relŁve du jus cogens».

5.44. Dans son arrŒt rendu en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (C.I.J. Recueil 1986), la Cour s’est appuyØe sur ce passage (p. 100, par. 190), et a

notØ que les deux Parties à l’affaire (le Nicaragua et les Etats-Unis d’AmØrique) reconnaissaient
que l’interdiction de l’emploi de la force relevait du jus cogens (p. 101, par. 190).

5.45. On ne trouve nulle part d’indication qui amŁnerait à douter que l’interdiction de
l’emploi de la force relŁve bien du jus cogens.

b) La reconnaissance du droit à l’autodØtermination comme un ØlØment du jus cogens rØsulte d’un

dØveloppement plus rØcent. La Commission du dr oit international, au paragraphe3 de son
commentaire sur l’article 50 de son projet final d’ar ticle sur le droit des traitØs, avait relevØ que
le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mŒmes avait ØtØ mentionnØ comme un
exemple possible de rŁgle de jus cogens.

5.46. DŁs 1970, le juge Ammoun, dans son opini on sØparØe jointe à l’arrŒt rendu en l’affaire
Barcelona Traction (deuxième phase) (C.I.J. Recueil 1970), avait considØrØ le droit des peuples à

disposer d’eux-mŒmes comme l’une «des rŁgles impØratives de droit» (p. 304, par. 11) — idØe qui
serait aujourd’hui rendue par l’expression de rŁgles du jus cogens.

5.47. En 1995, le juge Cassese, prØside nt du Tribunal pØnal international pour
l’ex-Yougoslavie, a considØrØ que le droit des pe uples à disposer d’eux-mŒmes faisait partie du jus
cogens. C’est ainsi que, dans Self-Determination of Peoples: Legal Reappraisal (1995), il s’est
attentivement penchØ sur cette question (aux pages 134 à 140), pou r en conclure qu’il apparaissait

justifiØ de considØrer le droit des peuples à disposer d’eux-mŒmes comme une norme impØrative du
droit international (p. 140).

5.48. Ce point de vue a ØtØ confirmØ la mŒme annØe, lorsque la Cour elle-mŒme a relevØ que
«[l]e principe du droit des peuples à disposer d’e ux-mŒmes … [est l’]un des principes essentiels du
droit international contemporain», et a estimØ qu’ il n’y avait «rien à redire» à l’affirmation selon
laquelle le droit des peuples à dispo ser d’eux-mŒmes est un droit opposable erga omnes, avec pour

consØquence l’obligation, pour la communautØ inte rnationale dans son ensemble, de respecter
l’exercice de ce droit (Timor oriental, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29). - 35 -

5.49. ConformØment à ce point de vue, la Comm ission du droit interna tional, dØbattant des
normes de jus cogens au paragraphe 5 de son commentaire à l’article40 des projets d’articles

de2001 sur la responsabilitØ des Etats, a relevØ que «l’obligation de respecter le droit à
l’autodØtermination mØrite d’Œtre mentionnØe».

5.50. Il est clair, dŁs lors, qu’Israºl se trouve face à une obligation auquel il ne saurait se
soustraire, qui est celle de permettre l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mŒmes, le
«peuple» concernØ ici Øtant le peuple palestinien.

ii) Le territoire sur lequel le mur a été ou doit être construit constitue un territoire
occupé au regard du droit international

5.51. Les tronçons du mur dØjà construits ou prØvus par Israºl courent dans leur presque

totalitØ en territoire cisjordanien et traversent des parties de JØrusalem occupØes par Israºl aprŁs le
conflit de1967. Le contexte de ce conflit est par consØquent pertinent quant aux droits et
obligations actuels d’Israºl à l’Øg ard de la Cisjordanie et de JØrusalem-Est. Ce contexte a ØtØ
prØsentØ plus haut, à la section II.

5.52. Il en ressort trŁs clairement que, avant juin 1967, la Cisjordanie n’était pas un territoire
sur lequel Israºl avait auparavant ØtØ prØsent, qui aurait ØtØ administrØ ou contrôlØ par Israºl, et

encore moins un territoire sur lequel Israºl aura it exercØ sa souverainetØ. Au contraire, la
Cisjordanie était sans conteste un territoire sur lequel la Jordanie exerçait une prØsence paisible, qui
Øtait administrØ et contrôlØ par la Jordanie et mŒme Øtait un territoire (et ce depuis dix-sept ans)
dont la Jordanie Øtait le souverain lØgal, mŒme si sa souverainetØ Øtait exercØe sans prØjudice des

droits palestiniens lors d’un rŁglement dØfinitif de la question de Palestine. La position de la
Jordanie à l’Øgard de la Cisjordanie Øtait gØnØra lement reconnue par la communautØ internationale
et, ainsi que cela a dØjà ØtØ notØ plus haut (par. 2. 21.), c’est sur cette base mŒme que la Jordanie est
devenue Membre des Nations Unies en 1955, sans ob jection de la part d’aucun Etat; cette position

a en outre ØtØ reconnue par la rØsolution 228 (1966) du Conseil de sØcuritØ.

5.53. Il s’ensuit que l’occupation, par Israºl , de la Cisjordanie dans le cadre mŒme des

hostilitØs de1967 et aprŁs ces derniŁres a constitu Ø une occupation militai re de ce territoire
non-israØlien. Lorsqu’un Etat prive, par la force armØe, un autre Etat de la facultØ d’exercer de
façon paisible son autoritØ gouve rnementale sur un territoire, pour la remplacer par sa propre
autoritØ, il devient ipso facto l’occupant militaire de ce territoire. Par dØfinition, il y a occupation

militaire lorsqu’un Etat Øtend, pa r la force armØe, la portØe terr itoriale de son autoritØ sur un
territoire qui n’est pas le sien. Une telle situa tion se produit gØnØralement lorsque cette extension
de l’autoritØ territoriale d’un Etat intervient aux dØpends de la souverainetØ d’un autre Etat sur le

territoire militairement occupØ, mais ce n’est p as là une condition nØcessaire à l’Øtablissement du
rØgime international d’occupation militaire. Le droit de l’occupation militaire est extrŒmement
souple dans son application, en fonction des diverses situations susceptibles de se produire, et ne se
limite pas à ce qui pourrait Œtre considØrØ comme le cas classique d’une occupation belligØrante par

un Etat du territoire d’un autre Etat avec lequel il est en guerre. Son application est essentiellement
fonction des faits. Lorsque ceux-ci montrent que, à la suite d’hostilitØs, un Etat, par l’intermØdiaire
de ses forces militaires, occupe un territoire qui n’est pas le sien, alors cette occupation constitue
une «occupation militaire» aux fins du droit international. - 36 -

5.54. Cela s’inscrit dans le contexte des ar ticles1 et2 de la (quatriŁme) convention de

GenŁve relative à la pr otection des personnes civiles en temps de guerre de1949 (NationsUnies,
Recueil des traités , vol.75, p.289). L’articlepremie r dispose que: «Les Hautes Parties
contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la prØsente convention en toutes
circonstances» (les italiques sont de nous).

5.55. Les deux premiers paragraphes de l’article 2 disposent que :

«En dehors des dispositions qui doivent en trer en vigueur dŁs le temps de paix,

la prØsente convention s’appliquera en cas de guerre dØclarØe ou de tout autre conflit
armØ surgissant entre deux ou plusieurs Hautes Parties contractantes, mŒme si l’Øtat de
guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles.

La convention s’appliquera Øgalement dans tous les cas d’occupation de tout ou
partie du territoire d’une Haute Partie c ontractante, mŒme si cette occupation ne
rencontre aucune rØsistance militaire.»

5.56. La convention s’applique ainsi à l’occupation militaire par Israºl de la Cisjordanie pour
au moins deux raisons. Tout d’abord, elle s’a pplique à tout conflit armØ entre deux ou plusieurs
des hautes parties contractantes: au moment oø ont ØclatØ les hostilitØs de 1967, la Jordanie et

Israºl Øtaient toutes deux parties à la convention, et ce conflit armØ est sans aucun doute un conflit
ayant surgi entre eux (et d’autres Etats). DeuxiŁmement, la convention s’applique en outre
(«Øgalement») à tous les cas d’occupation partie lle ou totale du territoire d’une haute partie
contractante et, pour les raisons ØnoncØes plus haut à la partieV b)ii), la Cisjordanie Øtait un

territoire entrant dans cette catØgorie, soit du fait que le territoire «d’»un Etat comprend les
territoires placØs sous sa souverainetØ (mŒme si cel a est sans prØjudice de certains droits d’autres
Etats), soit du fait que la particule «d’» connote au moins la prØsence paisible d’un Etat sur un
territoire ainsi que l’exercice, par cet Etat, d’une juridiction, d’un contrôle et d’une autoritØ

gouvernementale sur le territoire en question. En br ef, la convention s’applique à tous les cas dans
lesquels un territoire est occupØ au cours d’un conflit armØ, quel que soit le statut de ce territoire.

5.57. L’accent mis sur la situation de facto comme critŁre d’applicabilitØ de la convention est
confirmØ par l’article 4, lequel dispose que «[s] ont protØgØes par la convention les personnes qui, à
un moment quelconque et de quelque maniŁre que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou
d’occupation, au pouvoir d’une pa rtie au conflit ou d’une puissance occupante dont elles ne sont

pas ressortissantes.»

5.58. Force est donc de conclure que la Cisjor danie est devenue territoire occupØ par Israºl

en consØquence des hostilitØs de juin 1967. Rien ne s’est produit depuis qui modifierait cet Øtat de
fait.

5.59. De nombreuses rØsolutions du Conseil de s ØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale viennent
confirmer cette conclusion. DŁs les toutes premiŁres rØsolutions adoptØes immØdiatement aprŁs les
hostilitØs de1967, les deux organes en question des NationsUnies ont caractØrisØ la situation nØe
de ces hostilitØs à la fois comme une situation d’ «occupation» et comme une situation à laquelle

s’applique la quatriŁme convention de GenŁve, qualifiant Israºl de «puissance occupante». - 37 -

5.60. ImmØdiatement aprŁs les hostilitØs de 1967, la rØsolution237(1967) du Conseil de

sØcuritØ (adoptØe à l’unanimitØ le 14juin1967) r ecommandait de «respecter scrupuleusement les
principes humanitaires rØgissant…la protection de s civils en temps de guerre, tels qu’ils sont
ØnoncØs dans les conventions de GenŁve du 12 aoßt 1949»; quelques jours aprŁs, dans sa
rØsolution 2252 ES-V du 4 juillet 1967, l’AssemblØe gØnØrale se fØlicita de la rØsolution prØcitØe du

Conseil de sØcuritØ. En 1969, celui-ci prØcisa ce point de vue dans sa rØsolution271(1969)
adoptØe le 15 septembre 1969 (par onze voix pour, zØro voix contre et quatre abstentions), appelant
Israºl à «observer scrupuleusement les dispositi ons des conventions de GenŁve et du droit
international rØgissant l’occupation militaire». Cette rØfØrence explicite, mais gØnØrale, aux

conventions de GenŁve dans un contexte d’occupation militaire fut encore prØcisØe dans une
dØclaration faite, en1976, par le prØsident du Co nseil de sØcuritØ, dans la quelle celui-ci indiquait
que «[l]a convention de GenŁve re lative à la protection des personnes civiles en temps de guerre,
du 12aoßt1949, est applicable aux territoires arabes occupØs par Israºl depui1967»

(Nations Unies, doc. S/PV.1922, 26 mai 1976). Ce langage fut repris dans la rØsolution 446 (1979)
du Conseil de sØcuritØ adoptØe le 22mars1979 par douze voix pour, zØro voix contre et
trois abstentions, dans laquelle le Conseil «affirma[it] une fois encore que la convention de GenŁve
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 aoßt 1949, [Øtait] applicable

aux territoires arabes occupØs par Israºl depuis 1967, y compris JØrusalem» (prØambule, par. 3); le
dispositif rØitØrait quant à lui l’applicabilitØ de la quatriŁme convention de GenŁve (par. 3), le statut
«occupØ» des territoires en question (par.1, 3 et4) et le statut d’Israºl en tant que «puissance

occupante» (par.3). Ces divers points ont Øt Ø systØmatiquement rappelØs dans de nombreuses
rØsolutions adoptØes par la suite, à de larges majorit Øs, par le Conseil de sØcuritØ (voir par exemple
la rØsolution681(1990) du Conseil de sØcuritØ (a doptØe à l’unanimitØ le 20dØcembre1990) et la
rØsolution 762 (1992) du Conseil de sØcuritØ (adoptØe le 18 dØcembre 1992 à l’unanimitØ)).

5.61. A l’AssemblØe gØnØrale, la quasi-tota litØ des membres ont adoptØ une position encore
plus nette à cet Øgard. AprŁs que l’Assemb lØe, dans sa rØsolution2252(ES-V) adoptØe le
4juillet1967 par centseize voix pour, zØro voix co ntre et deux abstentions, se fut fØlicitØe de la

recommandation du Conseil de sØcuritØ invitant à «respecter scrupuleusement les principes
humanitaires rØgissant … la protection des civils en temps de guerre, tels qu’ils sont ØnoncØs dans
les conventions de GenŁve du 12 aoßt 1949», de nouvelles rØsolutions devaient bientôt adopter un

langage encore plus prØcis. C’est ainsi que la rØsolution de l’AssemblØe gØnØrale2727(XXV)
adoptØe le 15dØcembre1970 par cinquante-deux voix pour, vingt voix contre et quarante-trois
abstentions, demandait à Israºl «de remplir les obligations qui lui incombent au titre de la
protection des personnes civiles en temps de guerre du 12aoßt1949…». A partir de 1973, les

rØsolutions pertinentes de l’AssemblØe gØnØrale ont systØmatiquement rØaffirmØ l’applicabilitØ de
la quatriŁme convention de Ge nŁve, considØrØ le Territoire palestinien occupØ, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours, comme territoire «o ccupØ» et Israºl comme la puissance occupante.
Ces rØsolutions ont ØtØ adoptØes à une trŁs large ma joritØ, et mŒme parfois sans rencontrer aucune

opposition, ou avec une seule voix contre, celle d’ Israºl. Parmi ces rØsolutions figurent les
suivantes, retenues pour illustrer la cohØrence de la position de l’Assemb lØe gØnØrale sur une
longue pØriod:eAG Res. 3092A (XXVIII) (7 dØcembre 1973 : adoptØe 120-0-5),
AG Res. 3240B (XXIX) (29 novembre 1974 : adoptØe 121-0-7), AG Res. 32/5 (28 octobre 1977 :

adoptØe131-1-7), AG Res. 35/122A (11dØcembre1980: adoptØe141-1-1), AGRes.38/79B
(15 dØcembre 1983 : adoptØe 146-1-1, AG Res. 41/63B (3 dØcembre 1986 : adoptØe 145-1-6),
AG Res. 43/58B (6 dØcembre 1988 : adoptØe 148-1-4), AG Res. 46/47A (9 dØcembre 1991 :
adoptØe96-5-52), AG Res. 49/36B (9dØcembre1994: adoptØe155-3-5), AG Res.ES-10/2

(25 avril 1997 : adoptØe 134-3-11, et AG Res. 56/60 (10 dØcembre 2001 : adoptØe 148-4-2).

5.62. Il y a tout particuliŁrement lieu de relever que les rØsolu tions de l’AssemblØe

gØnØrale32/20 du 25novembre1977 et 33/29 du7 d Øcembre1978 ont expressØment caractØrisØ
d’«illØgale» l’occupation par Is raºl des territoires occupØs depuis les hostilitØs de1967. La - 38 -

premiŁre de ces rØsolutions exprimait la prØoccupation de l’AssemblØe quant au fait que «les
territoires arabes occupØs depuis 1967 demeurent depui s plus de dix ans sous l’occupation illØgale

d’israºl»; la seconde reprenait ce libellØ («dix» Øt ant remplacØ par «onze»). Ces rØsolutions furent
adoptØes à de trŁs larges majoritØs (102-4-29 et 100-4-33).

5.63. Lorsque le Conseil de sØcuritØ a dØci dØ, dØterminØ ou dØclarØ qu’une situation Øtait
contraire au droit international, et l’a donc considØrØe comme illØgale , ou lorsque la position
constante de l’AssemblØe gØnØrale sur plusieurs annØes reflŁte une opinio juris en ce sens, la Cour
ne saurait Øviter de tenir compte de ces conclusions fondØes en droit. Ainsi qu’elle l’a indiquØ dans

son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de
l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain ) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil
de sécurité (C.I.J. Recueil 1971),

«Ce serait une interprØtation insoutenable d’affirmer que, lorsque le Conseil de
sØcuritØ fait une telle dØclaration en vertu de l’article 24 de la Charte au nom de tous
les Etats Membres, ceux-ci sont libres de ne faire aucun cas de l’illØgalitØ ni mŒme des
violations du droit qui en rØsultent. En prØsence d’une situation internationalement

illicite de cette nature, on doit pouvoir co mpter sur les Membres des NationsUnies
pour tirer les consØquences de la dØclaration faite en leur nom.» (P. 52, par. 112.)

5.64. Outre cette attitude constante des orga nes compØtents des NationsUnies et de la
quasi-totalitØ de leurs membres, d’autres organisatio ns internationales ont Øgalement estimØ que la
quatriŁme convention de GenŁve de vait s’appliquer aux territoires pa lestiniens occupØs, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours. Telle a par exemple toujours ØtØ l’opinion exprimØe par le ComitØ

international de la Croix-Rouge, ainsi que le montrent la lecture de ses rapports annuels à partir
de1968, ainsi que de la dØclaration qu’il a publiØe à l’occasion du vingtiŁme anniversaire de
l’occupation (CICR, Bulletin n 137, juin 1987, p. 1).

5.65. Tout à fait indØpendamment de leurs votes sur les rØsolutions en question du Conseil de
sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale, de nombreux Etats ont individuellement pris position affirmant
que la quatriŁme convention de GenŁve s’appliquait aux territoires occupØs. Parmi ces Etats

figurent les Etats-Unis ( Digest of US Practice in International Law , 1978, p.1575-1578) et le
Royaume-Uni («United Kingdom Materials in International Law», in British Yearbook of
International Law, 69, 1998, p. 592-600).

5.66. Israºl a, s’appuyant sur des arguments variØs, cherchØ à nier que sa prØsence dans les
territoires palestiniens occupØs, y compris JØ rusalem-Est et ses alentours, constituait une
occupation militaire auquel s’appliquerait le rØgi me juridique particulier propre à l’occupation

militaire, niant Øgalement que la quatriŁme convention de GenŁve (à laquelle cet Etat est partie)
serait juridiquement valide à l’Øgard de cette occupation. Les arguments d’Israºl en ce sens ont ØtØ
longuement exposØs lors de dØbats tenus au Conse il de sØcuritØ et à l’AssemblØe gØnØrale. C’est
ainsi en particulier que, lors du dØbat du Conseil de sØcuritØ du 13 mars 1979, qui devait dØboucher

sur l’adoption de la rØsolution446 (1979) du 22 mars1979, le reprØsentant d’Israºl, M.Blum, a
prononcØ une dØclaration exposant en dØtail la posi tion d’Israºl (Nations Unies, doc. S/PV.2125,
p. 17-51). Le Conseil de sØcuritØ a rØsolument rejetØ ces arguments, pour adopter sa rØsolution 446
(1979) dans laquelle (ainsi qu’il a ØtØ relevØ plus haut) il a affirm Ø l’applicabilitØ de la quatriŁme

convention de GenŁve (prØambule, par. 3), a considØrØ que la politique et les pratiques israØliennes
consistant à Øtablir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autre territoires
arabes occupØs depuis1967 n’avaien t «aucune validitØ en droit» (paragraphe1 du dispositif), a - 39 -

qualifiØ les territoires en questions de «territoires occupØs» ( ibid., par.7) et Israºl de «puissance
occupante» (paragraphe3 du dispositif): cette rØsolution fut adoptØe par douze voix pour,

zØro voix contre et trois abstentions.

iii) Le droit applicable à l’égard d’un terri toire occupé limite les pouvoirs de l’Etat

occupant

5.67. Tout territoire occupØ à l’occasion ou à la suite d’hostilitØs  «territoire occupØ» 
est, en droit international, soumis à un rØgime juridique spØcial. Ce rØgime juridique reconnaît

l’occupation militaire comme Øtant essentiellement un Øtat de choses temporaire et provisoire,
susceptible d’Œtre modifiØ au grØ des alØas du conf lit, ou de prendre fin dans le cadre de nouvelles
dispositions convenues entre les parties concern Øes à la cessation des hostilitØs ou ultØrieurement.
L’occupation militaire n’est pas le rØsultat d’un pro cessus autorisØ par le droit : c’est le rØsultat de

l’exercice concret d’un pouvoir supposant la mise en œuvre d’une force supØrieure confØrant à
l’Etat occupant un degrØ de contrôle et de compØtence de facto sans pour autant constituer un
transfert de souverainetØ, la situation de fait ains i crØØe, d’origine extralØg ale, Øtant alors soumise
aux rŁgles du droit international.

5.68. Tout aussi important que l’interdiction d’ annexer un territoire occupØ est le principe
selon lequel le rØgime juridique spØcial rØgissan t un territoire occupØ pendant des hostilitØs ou à

l’issue de celles-ci subsiste aussi longtemps que l’occupation se poursuit. De la cessation des
hostilitØs ne dØcoule pas celle du rØgime d’occ upation. L’occupation est essentiellement une
question de fait, et le rØgime juridique inte rnational gouvernant la situation s’applique à
l’occupation aussi longtemps que le fait en question se poursuit. L’occupation dure jusqu’à ce qu’il

y soit mis fin par un retrait complet des autorit Øs de l’Etat occupant ou par tout autre processus
formel accompagnant l’Øventuel retour à la «paix» . En ce qui concerne les territoires palestiniens
occupØs, y compris JØrusalem et ses alentours, de nombreuses rØsolutions du Conseil de sØcuritØ et
de l’AssemblØe gØnØrale affirment le maintien en vigueur du rØgime d’occupation.

5.69. Le rØgime juridique spØcial est dØfi ni par les rŁgles de droit international qui
s’appliquent à un territoire occupØ. Ces rŁgles tendent à Øtablir un Øquilibre entre les besoins

militaires des forces de l’Etat occupant et le dro it de la population concernØe à continuer, autant
que possible, à mener une vie paisible dans le resp ect de sa spØcificitØ. A ux fins de la prØsente
procØdure consultative, les rŁgles de droit interna tional qui dØfinissent le rØ gime applicable sont à
rechercher dans les instruments suivants :

a) la Charte des Nations Unies;

b) le rŁglement annexØ à la convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur

terre de1907 («rŁglement de LaHaye»), au jourd’hui reconnu comme relevant du droit
international coutumier;

c) la quatriŁme convention de GenŁve de 1949, à laquelle la plupart des Etats sont parties (soit à la

date d’aujourd’hui un total de cent quatre-vingt onze y compris la Jordanie et Israºl), et qui peut
Œtre en consØquence considØrØe comme relevant sinon totalement, du moins en grande partie, du
droit international coutumier;

d) le protocole additionnel aux conve ntions de GenŁve du 12 aoßt 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armØs internationaux (protoco leI), auquel la Jordanie est partie, et qui
exige des Etats parties qu’ils s’engagent à le respecter et à le faire respecter «en toute
circonstance» (art. 1.1); ce protocole s’applique aux situations auxquelles il est fait rØfØrence à

l’article2 commun aux diffØrentes conventions de GenŁve de1949 (art .2.2) ainsi qu’aux - 40 -

«conflits armØs dans lesquels les peuples luttent contre…l’occupation ØtrangŁre et contre les
rØgimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mŒmes» (art.1.4);

certaines dispositions du protocoleI sont au jourd’hui reconnues comme relevant du droit
international coutumier;

e) les rŁgles du droit international coutumier (qualitØ à laquelle nombr e de dispositions des

instruments prØcØdemment mentionnØs peuvent Øgalement rØpondre, outre à leur qualitØ de
rŁgles conventionnelles contraignantes à l’Øgard des parties au traitØ considØrØ);

f) les rØsolutions pertinentes du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale (que la question

soumise à avis consultatif invite expressØment la Cour à examiner);

g) il existe en outre de nombreuses rŁgles de dr oit international coutumier ou ØnoncØes dans des
traitØs internationaux qui, bien qu’elles ne doi vent pas nØcessairement Œtre considØrØes comme

Øtablissant le rØgime gØnØral applicable au te rritoire placØ sous occupation militaire ØtrangŁre,
ne s’en appliquent pas moins à cette situation ainsi qu’à d’autres (pour lesquelles elles peuvent
effectivement avoir ØtØ plus spØcifiquement conçues). Il s’agit en particulier :

i) de la DØclaration universelle des droits de l’homme de 1948;

ii) du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966;

iii) du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels de1966 (ces

deux pactes constituant un dØveloppement des principes initialement affirmØs dans la
DØclaration universelle des droits de l’homme de1948 (AGRES.217A (III) (1948) dont
les termes et les principes eurent une infl uence substantielle sur les dispositions des

conventions de GenŁve conclues l’annØe suivante).

5.70. En examinant les dispositions du dro it coutumier et du dro it conventionnel qu’elle
jugera pertinentes aux fins de la situation qu e lui a exposØe l’AssemblØe gØnØrale, la Cour est

appelØe à dire et à appliquer le droit et, ce fai sant, «doit nØcessairement en prØciser la portØe et,
parfois, en constater l’Øvolution» ( Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis
consultatif, par. 18).

5.71. En ce qui concerne les rŁgles de droit international applicables en vertu des alinØas b),
c) et d) ci-dessus, il importe de rappe ler que la Cour a (s’exprimant sur le systŁme de mandats mis
en place par le Pacte de la SociØtØ des Nations) atti rØ l’attention sur la nØcessitØ d’interprØter les

institutions et les instruments à la lumiŁre de l’Ø volution internationale gØ nØrale. Ainsi la Cour
a-t-elle indiquØ :

«quand elle envisage les institutions de 1919, la Cour doit prendre en considØration les

transformations survenues dans le demi-siŁcle qui a suivi et son interprØtation ne peut
manquer de tenir compte de l’Øvolution que le droit a ultØrieurement connue grâce à la
Charte des Nations Unies et à la coutume. De plus, tout instrument international doit
Œtre interprØtØ et appliquØ dans le cadre de l’ensemble du systŁme juridique en vigueur

au moment oø l’interprØtation a lieu.» ( Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J. Recueil 1971, p. 31-32, par. 53.)

5.72. Cet aspect est particuliŁrement importa nt pour ce qui concerne le rŁglement de
LaHaye, adoptØ il y a prŁs d’un siŁcle; les conve ntions de GenŁve elles- mŒmes ont d’ailleurs ØtØ
adoptØes il y a prŁs d’un demi-siŁcle et le protocole I il y a un quart de siŁcle. - 41 -

5.73. En ce qui concerne ce que la Cour a a ppelØ le «droit de LaHaye» et le «droit de
GenŁve», elle a indiquØ, à l’occasion de l’avis consultatif qu’elle a rendu sur la Licéité de la

menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (C.I.J. Recueil 1996) :

«ces deux branches du droit applicables aux conflits armØs ont dØveloppØ des rapports
si Øtroits qu’elles sont regardØes comme ayant fondØ graduellement un seul systŁme

complexe, qu’on appelle aujourd’hui droit in ternational humanitaire. Les dispositions
du protocole additionnel de 1977 expriment et a ttestent l’unitØ et la complexitØ de ce
droit» (p. 256, par. 75).

5.74. La Cour a Øgalement attirØ l’attention sur les dispositions du paragraphe 2 de l’article 1
du protocole additionnel I de 1977 qui, s’inspirant de la «clause de Martens», est ainsi rØdigØ :

«dans les cas non prØvus par le prØsen t protocole ou par d’autres accords

internationaux, les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et
sous l’empire des principes du droit des gens , tels qu’ils rØsultent des usages Øtablis,
des principes de l’humanitØ et des exig ences de la conscience publique» (p.257,

par. 78).

5.75. La Cour a confirmØ plus loin que «l a clause de Martens…continue indubitablement
d’exister et d’Œtre applicable…» (p. 260, par. 87).

5.76. La Cour avait tout d’abord relevØ que

«un grand nombre de rŁgles du droit human itaire applicable dans les conflits armØs
sont si fondamentales pour le respect de la personne humaine et pour les
«considØrations ØlØmentaires d’humanitØ»…que la conventionIV de LaHaye et les
conventions de GenŁve ont bØnØficiØ d’une large adhØsion des Etats. Ces rŁgles

fondamentales s’imposent d’ailleurs à tous l es Etats, qu’ils aient ou non ratifiØ les
instruments conventionnels qui les exprimen t, parce qu’elles constituent des principes
intransgressibles du droit international coutumier.» (P. 257, par. 79.)

5.77. La Cour s’est en outre rØfØrØe au fait que le Tribunal milita ire international de
Nuremberg avait jugØ en1945 que «les rŁgles hum anitaires contenues da ns le rŁglement de
LaHaye de1907 Øtaient admises par tous les Etats civilisØs et regardØes par eux comme

l’expression, codifiØe, des lois et coutumes de la guerre» (p. 258, par. 80) ainsi qu’à un rapport du
SecrØtaire gØnØral des Nations Unies de 1993, a pprouvØ à l’unanimitØ par la rØsolution 827 (1993)
du Conseil de sØcuritØ, et qui incluait dans la partie du droit inte rnational humanitaire
conventionnel qui Øtait «sans aucun doute devenu pa rtie du droit internationa l coutumier» le droit

applicable aux conflits armØs tel qu’il a trouvØ son expression dans, notamment, les conventions de
GenŁve de 1949 relatives à la protection des victimes de guerre et le rŁglement de La Haye (p. 258,
par. 81).

5.78. La Cour a conclu en relevant que la large codification du droit humanitaire avait

«permis à la communautØ internationale de disposer d’un corps de rŁgles

conventionnelles qui Øtaient dØjà devenues c outumiŁres dans leur grande majoritØ et
qui correspondaient aux principes humanita ires les plus universellement reconnus.
Ces rŁgles indiquent ce que sont les c onduites et comportements normalement
attendus des Etats.» (P. 258, par. 82.) - 42 -

5.79. Depuis que la Cour a exprimØ ses c onclusions, l’Øvolution du droit humanitaire
international que la Cour ava it alors perçue s’est confirmØe et poursuivie par de nouveaux

dØveloppements, avec en particulier les articles sur la responsabilitØ des Etats, dont l’AssemblØe
gØnØrale (par sa rØsolution 56/83 de 2001) a pris note et qu’elle a recommandØs aux
gouvernements, ainsi qu’avec le statut de la Cour pØnale internationale adoptØ par la confØrence de
Rome en1998. Le point de vue tend à s’imposer chaque jour davantage selon lequel lorsqu’une

conduite emporte violation d’une rŁgle du jus cogens, particuliŁrement en cas de recours à la force
armØe, certains droits et certains avantages qui pourraient en d’autres circonstances Œtre reconnus à
l’Etat auteur de la violation sont suspendus et, pour le moins, sujets à une interprØtation restrictive
(on pourra à cet Øgard consulter Brownlie, Principles of Public International Law , 6 Ød., 2003,
e
p. 490, note de bas de page 37; Oppenheim’s International Law, col. I, 9 Ød., 1992, p. 8).

5.80. C’est une caractØristique remarquable du droit humanitaire international que celui-ci a

ØtØ expressØment conçu comme devant s’appliq uer à toutes les situations couvertes par les
instruments en question, quels que soient les ar guments juridiques qui seraient susceptibles d’Œtre
invoquØs pour limiter la protection garantie par ces instruments. C’est ainsi que, en cas de combats
ou de conflit, ou encore, au sens de la quatriŁme convention de GenŁve, d’occupation durant des

combats ou un conflit ou à leur suite, l’intention avØrØe des instruments pertinents est que les
victimes de ces combats soient protØgØes quels que soient les Øventuels arguments que la technique
juridique pourrait permettre d’invoquer quant au st atut du territoire en question avant l’occupation,
quant au statut des parties au conflit, quant à la na ture juridique de la «guerre» en cours, quant à sa

licØitØ ou quant à tout autre aspect: c’est la situation de fait qui prime aux fins du droit
humanitaire. C’est ainsi que les articles communs des conventions de GenŁve de1949 disposent
tous que chacune des conventions en question doit Œt re respectØe «en toute circonstance» (art. 1) et
qu’elle s’applique «en cas de guerre dØclarØe ou de tout autre conflit armé …, mŒme si l’Øtat de

guerre n’est pas reconnu par l’une [des Hautes Parti es contractantes]» (art. 2; les italiques sont de
nous); mŒme lorsqu’une puissance occupante entend annexer tout ou partie du territoire occupØ (ce
qu’elle n’est pas autorisØe à faire : voir plus loin, par. 5.98 et suiv.), «[l]es personnes protØgØes qui

se trouvent dans un territoire occupØ ne seront pr ivØes, en aucun cas ni d’aucune maniŁre, du
bØnØfice de la prØsente convention…en raison [d ’une telle] annexion» ( quatriŁme convention de
GenŁve, art. 47).

5.81. Quant au pacte international relatif aux dr oits civils et politiques, celui-ci s’applique à
l’Øgard de «tous les individus se trouvant sur [le] territoire [de chaque partie contractante] et
relevant de [sa] compØtence» (art. 2.1). Le ComitØ des droits de l’homme et le ComitØ des droits

Øconomiques, sociaux et culturels des Nations Uni es ont l’un et l’autre cons idØrØ que les questions
de souverainetØ territoriale ne sauraient c onstituer une condition prØalable au respect,
respectivement, du pacte international relatif aux dr oits civils et politiques et du pacte relatif aux
droits Øconomiques, sociaux et culturels. Tout rØcemment encore, en juillet2003, le ComitØ des

droits de l’homme a rejetØ les arguments avancØs par Israºl, selon lesquels les mesures prises par
celui-ci dans les territoires palestiniens occupØs ne devaient pas Œtre examinØes à la lumiŁre des
rŁgles ØnoncØes dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques (rapport du
rapporteur spØcial de la Commission des droits de l’homme, 8septembre2003, NationsUnies,

doc. E/CN.4/2004/6, par. 2).

5.82. Dans l’avis consultatif qu’ elle a rendu sur la question de la Licéité de la menace ou de

l’emploi d’armes nucléaires, la Cour a indiquØ que «la protection offerte par le pacte international
relatif aux droits civils et politiques ne cesse pas en temps de guerre, si ce n’est par l’effet de
l’article4 du pacte, qui prØvoit qu’il peut Œtre dØrogØ, en cas de danger public, à certaines des
obligations imposØes par cet instrument» (par.25). De telles dØrogations ne peuvent toutefois

intervenir à l’Øgard d’un certain nombre d’articles prØcisØs à l’article 4.2. Une question distincte se
pose bien sßr, qui est celle de savoir si tel ou te l droit particulier protØgØ par le pacte est ou non - 43 -

pertinent; l’intØrŒt à cet Øgard de certains artic les sera abordØ en temps voulu dans le prØsent
exposØ. Israºl a ratifiØ le pacte le 3 janvier 1992, sans y apporter aucune rØserve pertinente aux fins

de la prØsente requŒte.

5.83. Ainsi qu’il a ØtØ relevØ plus haut (par .5.69), le corpus gØnØral de rŁgles relatif au

rØgime spØcial d’occupation militaire cherche à cr Øer un Øquilibre entre les besoins militaires de
l’Etat occupant en rapport avec la poursuite des hosti litØs contre l’ennemi et le maintien des droits
des populations vivant sur le territoire occupØ par l’Etat en question. Il s’ensuit que, lorsqu’il s’agit
d’interprØter et d’appliquer ces rŁgles, il convien t de tenir compte du niveau gØnØral des hostilitØs

rØelles au moment pertinent. Plus le niveau gØ nØral des hostilitØs est ØlevØ, plus il sera possible de
suivre l’Etat occupant dans ses demandes tenda nt à Œtre autorisØ à adopter certaines mesures
conformes à ses besoins militaires; mais si (lorsque cela est actuellement le cas dans les territoires
palestiniens occupØs, y compris JØrusalem-Est et ses alentours) le niveau gØnØral des hostilitØs a

virtuellement diminuØ pour atteindre un degrØ qu asiment nul, les besoin s militaires de l’Etat
occupant en sont rØduits d’autant, et les di spositions qui dØfinissent ses pouvoirs doivent Œtre
interprØtØes de façon plus restrictive; les popula tions locales sont alors d’autant plus fondØes à
prØtendre au respect de leurs droits. Plus par ticuliŁrement, il est dans ces conditions davantage

nØcessaire encore et justifiØ de complØter les di spositions de la quatriŁme convention de GenŁve
(initialement conçue pour protØger les popula tions civiles durant une occupation militaire
essentiellement «hostile») à l’aide des dispositions ØnoncØes dans les instruments gØnØraux relatifs
aux droits de l’homme, dont l’objet est de protØg er les populations civiles, tant individuellement

que collectivement, à tout moment, y compris lors que les conditions en question se rapprochent de
celles qui rŁgnent en temps de paix.

5.84. Au vu du corps de rŁgles applicabl es, un certain nombre d’observations gØnØrales
s’imposent concernant les rØsolutions pertinentes du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale
que, comme nous l’avons dØjà notØ plus haut (par .5.36), la requŒte pour avis consultatif de
l’AssemblØe gØnØrale demande expressØment à la Cour d’examiner.

5.85. Tout d’abord, un certain nombre au moins de ces rØsolutions, et en particulier certaines
de celles adoptØes par le Conseil de sØcuritØ, s’ imposent aux Etats Membres des Nations Unies en

vertu de l’article25 de la Charte. A cet Øgard, la Cour a dØjà rejetØ le point de vue selon lequel
l’article25 de la Charte ne s’appliquerait qu’aux mesures d’exØcution adoptØes aux termes du
chapitreVII de la Charte, faisant observer que ce t article s’appliquait sans rØserve aux «dØcisions
du Conseil de sØcuritØ» adoptØes conformØment à la Charte, et figurait non pas au chapitreVII,

mais dans cette partie de la Charte qui traite des fonctions et des pouvoirs du Conseil de sØcuritØ en
gØnØral (Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la réso lution276 (1970) du Conseil de sécurité,
C.I.J. Recueil 1971, p.53, par.113). En ce qui concerne la question de savoir quelles sont les

rØsolutions du Conseil de sØcuritØ qui ont un effet contraignant, la Cour a poursuivi en indiquant :

«Il faut soigneusement analyser le libellØ d’une rØsolution du Conseil de
sØcuritØ avant de pouvoir conclure à son effet obligatoire. Etant donnØ le caractŁre des

pouvoirs dØcoulant de l’article25, il convi ent de dØterminer dans chaque cas si ces
pouvoirs ont ØtØ en fait exercØs, compte tenu des termes de la rØsolution à interprØter,
des dØbats qui ont prØcØdØ son adoption, des dispositions de la Charte invoquØes et en
gØnØral de tous les ØlØments qui pourraient aider à prØciser les consØquences

juridiques de la rØsolution du Conseil de sØcuritØ.» (Par. 114.) - 44 -

5.86. Appliquant ce critŁre aux rØsolutions per tinentes à l’Øgard de la procØdure en question,

la Cour en a conclu que les dØcisions prises par le Conseil de sØcuritØ l’avaient ØtØ

«conformØment aux buts et principes de la Charte et à ses articles24 et25. Ils sont
par consØquent obligatoires pour tous les Et ats Membres des NationsUnies, qui sont

ainsi tenus de les accepter et de les applique r… Ainsi, lorsque le Conseil de sØcuritØ
adopte une dØcision aux termes de l’article 25 conformØment à la Charte, il incombe
aux Etats Membres de se conformer à ce tte dØcision, notamment aux membres du

Conseil de sØcuritØ qui ont votØ contre elle et aux Membres des Nations Unies qui ne
siŁgent pas au Conseil… Quand un organe compØtent des NationsUnies constate
d’une maniŁre obligatoire qu’une situation est illØgale, cette constatation ne peut rester
sans consØquence. PlacØ en face d’une telle situation, la Cour ne s’acquitterait pas de

ses fonctions judiciaires si elle ne dØclara it pas qu’il existe une obligation, pour les
Membres des NationsUnies en particulie r, de mettre fin à cette situation.»
(Par. 115-117.)

5.87. Dans le contexte de la prØsente procØ dure consultative, la Jordanie est d’avis qu’il
dØcoule des dØcisions obligatoires prises par le C onseil de sØcuritØ conformØment à l’article 25 de
la Charte que

i)le territoire sur lequel se dØroule la c onstruction du mur par Israºl est un «territoire
occupØ», à l’Øgard duquel Israºl est la «puissance occupante»;

ii) la quatriŁme convention de GenŁve s’applique à ce territoire occupØ;

iii) la conduite d’Israºl dans ce territoire o ccupØ constitue une viola tion de ses obligations
nØes de la convention ainsi que des principes et rŁgles de droit international applicables, en

particulier pour autant que ce tte conduite touche à l’impl antation de colonies dans ce
territoire occupØ, implantation que le mur actu ellement construit par Israºl a notamment
pour but d’encourager et de dØfendre;

iv) les mesures prises par Israºl pour modifier le statut et la composition dØmographique de ce
territoire occupØ n’ont aucun fondement juridique et sont nulles et non avenues.

5.88. Il importe en outre de relever, aux fins de la prØsente procØdure, que, lorsque le Conseil
de sØcuritØ a, lors de ses 4841 et 4842 rØunions du 14 octobre 2003, dØ battu de la situation crØØe
par la construction du mur, il l’a fa it sur la base d’un projet de r Øsolution dont le dispositif Øtait

ainsi rØdigØ: «[le Conseil] décide que la construction par Israºl , puissance occupante, d’un mur
dans les territoires occupØs qui s’Øcarte de la li gne d’armistice de 1949 est illØgale au regard des
dispositions pertinentes du droit international, qu’elle doit Œtre interrompue et qu’il faut inverser le
processus». Ce projet de rØsolution n’a pu Œtre adoptØ en raison du vote nØgatif de l’un des

Membres permanents du Conseil; le rØsultat d’ensem ble du vote (dix voix pour, une voix contre et
quatre abstentions) montre qu’une large majoritØ des Membres du Conseil lui Øtait favorable; il est
en outre bien Øtabli que le fait qu’une rØso lution n’ait pu Œtre adoptØe n’implique pas

nØcessairement qu’une dØcision inverse ait ØtØ prise ( Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Na mibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J. Recueil 1971, par.69). C’est le fait que le
Conseil de sØcuritØ n’ait pu se mettre d’accord sur le projet de rØsolution le 14 octobre 2003 qui a

dØbouchØ le lendemain sur une dema nde tendant à la reprise de la dixiŁme session extraordinaire
d’urgence de l’AssemblØe gØnØrale qui, aprŁs sa rØunion du 20 octobre 2003, puis du 8 dØcembre, a - 45 -

adoptØ la rØsolution par laquelle elle demande à la Cour de re ndre un avis consultatif sur la
question (voir le dossier «Documentation rØunie conf ormØment au paragraphe 2 de l’article65 du

Statut de la Cour internationale de Justice» du 19 janvier 2004, p. 4-5, par. 5-7).

5.89. DeuxiŁmement, mŒme lorsqu’une rØsolution ne prØsente pas formellement un caractŁre

contraignant tirØ d’une disposition expresse de la Charte, elle n’en peut pas moins acquØrir force
obligatoire du fait de la rØpartition des voix lors de son adoption ou du fait qu’elle s’inscrit dans
une sØrie de rØsolutions allant dans le mŒme sens : l’une ou l’autre de ces conditions, en particulier
lorsqu’elles sont toutes deux rØunies, peuvent traduire une opinio juris à l’Øgard du principe ØnoncØ

dans la rØsolution.

5.90. La possibilitØ que l’AssemblØe gØnØra le puisse adopter des rØsolutions ayant le
caractŁre de dØcisions ou procØdant d’une inten tion d’exØcution a ØtØ acceptØe par la Cour dans

l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence
continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud- Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970)
du Conseil de sécurité (C.I.J. Recueil 1971), lorsqu’elle a expliquØ que

«[i]l serait … inexact de supposer que, parce qu’elle possŁde en principe le pouvoir de
faire des recommandations, l’AssemblØe gØnØ rale est empŒchØe d’adopter, dans des
cas dØterminØs relevant de sa compØtence, des rØsolutions ayant le caractŁre de

dØcisions ou procØdant d’une intention d’exØcution» (p. 50, par. 105).

5.91. Toutefois, la portØe juridique qu’il convi ent d’attribuer aux rØsolutions de l’AssemblØe
gØnØrale va mŒme au-delà de ce que ce dictum pourrait laisser entendre. Ainsi que la Cour l’a

indiquØ dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires :

«la Cour rappellera que les rØsolutions de l’AssemblØe gØnØrale, mŒme si elles n’ont
pas force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative. Elles peuvent, dans

certaines circonstances, fournir des ØlØments de preuve importants pour Øtablir
l’existence d’une rŁgle ou l’Ømergence d’une opinion juris. Pour savoir si cela est vrai
d’une rØsolution donnØe de l’AssemblØe gØnØra le, il faut en examiner le contenu ainsi
que les conditions d’adoption; il faut en outre vØrifier s’il existe une opinio juris quant

à son caractŁre normatif. Par ailleurs d es rØsolutions successi ves peuvent illustrer
l’Øvolution progressive de l’ opinio juris nØcessaire à l’Øtablissement d’une rŁgle
nouvelle.» (C.I.J. Recueil 1996, p. 254-255, par. 70.)

5.92. La Cour a poursuivi en relevant que , bien que de nombreuses rØsolutions de
l’AssemblØe gØnØrale invoquØes devant elle au cour s de cette procØdure consultative aient affirmØ
que l’emploi d’armes nuclØaires serait contraire à la Charte, «plusieurs rØsolutions dont il [Øtait]

question en l’espŁce [avaient] cependant ØtØ a doptØes avec un nombre non nØgligeable de voix
contre et d’abstentions» et que, en consØquence, elles n’Øtablissaient «pas encore l’existence d’une
opinio juris quant à l’illicØitØ de l’emploi de ces armes» (p. 257, par. 71). Mais, la Jordanie attire
l’attention sur le fait que, dans la prØsente procØdure consultative, les rØsolutions pertinentes ont au

contraire ØtØ adoptØes à une majoritØ Øcrasante, et souvent quasiment à l’unanimitØ.

5.93. Les vues exprimØes par la Cour dans son arrŒt rendu en l’affaire des Activités militaires

et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (arrêt, fond, C.I.J.Recueil1986) vont dans le
mŒme sens. La Cour y a examinØ la question de savoir dans quelle mesure la rŁgle interdisant
l’emploi de la force prØsentait un caractŁre obligatoire au regard du droit international coutumier, et
en particulier s’il existait à cet Øgard une opinio juris. La Cour a dit : - 46 -

«Cette opinio juris peut se dØduire entre autres, quoique avec la prudence
nØcessaire, de l’attitude des Parties et des Etats à l’Øgard de certaines rØsolutions de

l’AssemblØe gØnØrale … l’effet d’un consentement au texte de telles rØsolutions ne
peut Œtre interprØtØ comme celui d’un si mple rappel ou d’une simple spØcification de
l’engagement conventionnel pris dans la Charte. Il peut au contraire s’interprØter
comme une adhØsion à la valeur de la rŁgl e ou de la sØrie de rŁgles dØclarØe par la

rØsolution et prise en elles-mŒmes … la prise de position mentionnØe peut en d’autres
termes apparaître comme l’expression d’une opinio juris à l’Øgard de la rŁgle (ou de la
sØrie de rŁgles) en question, considØrØe indØpendamment dØsormais des dispositions,
notamment institutionnelles, auxquelles elle est soumise sur le plan conventionnel de

la Charte.» (P. 99-100, par. 188.)

5.94. La Cour a poursuivi, se rØfØrant à la rØsolution 2625 (XXV) de l’AssemblØe gØnØrale,

en relevant que «le fait que les Etats ont adoptØ ce texte fourni une indication de leur opinio juris
sur le droit international coutumier en question» (p. 101, par. 191).

5.95. Les nombreuses rØsolutions adoptØes, à une large ou à une Øcrasante majoritØ, par
l’AssemblØe gØnØrale au cours d’une pØriode s’ Øtendant sur trentecinq ans ont constamment
montrØ que l’ opinio juris de la communautØ internationale sur la question Øtait et c’est là le
point de vue exprimØ dans les rØsolutions du Conseil de sØcuritØ dØjà citØes  que

i)le territoire sur lequel se dØroule la c onstruction du mur par Israºl est un «territoire
occupØ», à l’Øgard duquel Israºl est la «puissance occupante»;

ii) la quatriŁme convention de GenŁve s’applique à ce territoire occupØ;

iii) la conduite d’Israºl dans ce territoire o ccupØ constitue une viola tion de ses obligations
nØes de la convention ainsi que des principes et rŁgles de droit international applicables, en

particulier pour autant que ce tte conduite touche à l’impl antation de colonies dans ce
territoire occupØ, implantation que le mur actu ellement construit par Israºl a notamment
pour but d’encourager et de dØfendre;

iv) les mesures prises par Israºl pour modifier le statut et la composition dØmographique de ce
territoire occupØ n’ont aucun fondement juridique et sont nulles et non avenues.

5.96. TroisiŁmement, la Cour «a toujours ØtØ consciente de ses responsabilitØs en tant
qu’«organe judiciaire principal des NationsUnies»» considØration qui l’a conduite à conclure
qu’elle ne devrait pas, en principe, refuser de donner un avis consultatif demandØ par un organe des
NationsUnies (voir plus haut, par.5.23). Le fait que la Cour s’inscrive dans la structure

institutionnelle des NationsUnies exige d’elle, pour cette raison mŒme, et outre les motifs qui
dØcoulent directement de l’autoritØ dont sont investis l’AssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcuritØ
par la communautØ internationale dans son ense mble, de respecter pleinement les rØsolutions
adoptØes conformØment à la Charte par les organe s avec lesquels elle pa rtage des responsabilitØs

confØrØes aux Nations Unies par la communautØ intern ationale. Un point de vue particuliŁrement
autorisØ a ØtØ formulØ sur la question :

«la Cour, dans l’exercice de sa fonction judiciaire consistant à…rendre des avis

consultatifs … doit coopØrer à la rØalisation d es buts de l’Organisation et s’efforcer de
donner effet aux dØcisions des principaux organ es de celle-ci, et non de parvenir à des
conclusions qui les rendraient sans effet» (Rosenne, The Law and Practice of the
International Court 1920-1996, 1997, p. 112). - 47 -

5.97. Compte tenu de ce qui prØcŁde, la position systØmatiquement adoptØe par la
communautØ internationale, et en particulier par le Conseil de sØcuritØ et l’AssemblØe gØnØrale,

selon laquelle la quatriŁme conven tion de GenŁve s’applique aux territoires occupØs par Israºl
en 1967, revŒt une importance et une portØe toute particuliŁre.

i) Un territoire occupé ne peut être annexé par l’Etat occupant

5.98. Une limitation particuliŁre et solidement Øtablie en droit international aux pouvoirs et à
l’autoritØ d’un Etat occupant à l’Øgard du territo ire occupØ rØside en ceci que ce dernier ne relŁve

pas de la souverainetØ de l’Etat occupant, pas davantage que celui-ci n’a le droit d’annexer le
territoire occupØ (en l’attente du moins d’un rŁ glement de paix «dØfinitif» susceptible d’Œtre
conclu). Toute annexion de la sorte serait fondamentalement incompatible avec la nature
intrinsŁquement temporaire de l’occupation, et fe rait obstacle à tout rŁglement dØfinitif susceptible

d’Œtre un jour conclu en empŒchant un Øventuel retrait du territoire occupØ: annexion et rØgime
d’occupation militaire sont deux principes qui s’excluent l’un l’autre. En1968,
M. Schwarzenberger, s’exprimant sur l’opinion selon laquelle l’annexion en temps de guerre serait
prØmaturØe, Øcrivait :

«c’est là le facteur dØcisif intervenu dans la constitution du droit relatif à l’annexion en
temps de guerre. Il a produit une rŁgle de droit coutumier qui interdit l’annexion
unilatØrale de territoires placØs sous l’ occupation d’un belligØran t. Les tentatives

d’annexion constituent par consØquent un acte illØgal de la puissance occupante à
l’Øgard de l’Etat ennemi concernØ. Il en irait de mŒme de la reconnaissance d’une
telle annexion par un Etat tiers.» ( International Law as Applied by International
Courts and Tribunals, vol II, «The Law of Armed Conflicts», 1968, p. 166-7.)

5.99. Cette position est depuis longtemps acceptØe en droit international coutumier. Elle est
aujourd’hui renforcØe par l’apparition, plus rØcente, d’une rŁgle de jus cogens interdisant le recours

à la force, car toute annexion d’un territo ire en consØquence d’une occupation militaire
constituerait une acquisition de territoires contraire à cette rŁgle du jus cogens. Il ne peut donc Œtre
mis fin au rØgime d’occupation par une annexion.

5.100. La position actuelle à cet Øgard est à rechercher dans la rØsolution 2625 (XXV) (1970)
de l’AssemblØe gØnØrale, dans la quelle celle-ci a affirmØ: «Le terr itoire d’un Etat ne peut faire
l’objet d’une acquisition par un autre Etat à la su ite du recours à la menace ou à l’emploi de la

force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue
comme lØgale.» (DØclaration relative aux principe s du droit international touchant les relations
amicales et la coopØration entre les Etats conformØment à la Charte des Nations Unies.)

5.101. La Cour a reconnu une validitØ juri dique à cette rØsolution en tant qu’expression
d’une opinio juris à l’Øgard des rŁgles qui sont ØnoncØes ( Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, C.I.J. Recueil 1986, p. 99-100, par. 188).

5.102. De plus, le Conseil de sØcuritØ et l’AssemblØe gØnØrale ont, dans de nombreuses
rØsolutions, se rapportant non seulement aux terri toires occupØs par Israºl mais Øgalement à
d’autres territoires occupØs de par le monde, rØ pØtØ à maintes reprises que l’acquisition de

territoires par la force Øtait illØgalle, nulle et non avenue. Ainsi, à titre d’exemple quant aux actions
d’Israºl à l’Øgard des territoir es occupØs depuis1967, la rØsolution242 (1967) du Conseil de
sØcuritØ a-t-elle «soulign[Ø] l’inadmissibilitØ de l’acquisition de territoires par la guerre»; la
rØsolution267 (1969) a pour sa part «rØaffirm[Ø] le principe Øtabli selon lequel l’acquisition de - 48 -

territoires par la conquŒte militaire [Øtait] inadmissible», formule re prise en substance (à quelques
variations prŁs) dans les rØsolutions du Conseil de sØcuritØ 271 (1969), 298 (1971), 478 (1980), 681

(1990) et de nombreuses autres. Nombre de rØso lutions de l’AssemblØe gØnØrale vont dans le
mŒme sens (comme par exemple la rØsolutio2 n628 (XXV) (n 4ovembr1e970),
AG Res. 3414 (XXX) (5 dØcembre 1975), AG Res. 37/86D (10 dØcembre 1982), AG Res. 42/160F
(8 dØcembre 1987 : adoptØe par 143-1-10), AG Res. 49/62D (14 dØcembre 1994 : adoptØe par

136-2-7), AG Res. 49/132 (19 dØcembre 1994) : adoptØe par 133-2-23), AG Res. 53/42
(2dØcembre1998: adoptØe par 154-2-3), et AG Res. 57/110 (3 dØcembre 2002 : adoptØe par
160-4-3).

5.103. Le droit internatio nal ne constitue pas un systŁme formaliste à outrance. Ses
catØgories reflŁtent davantage le fond et la rØalitØ que la forme et la terminologie. Ainsi en va-t-il
de l’annexion. En tant que concept de droit inte rne, celle-ci revŒt souvent telle ou telle apparence

formelle en fonction des dispositions prØvues par cel ui-ci. Le droit international a «empruntØ» ce
concept et l’a fait sien, en en faisant par exemple une rŁgle de droit international selon laquelle un
belligØrant occupant un territoire ne saurait annexe r ce dernier. Mais, pour reprendre la mise en
garde de Lord McNair à l’occasion de la procØdure consultative sur le Statut international du

Sud-Ouest africain, le droit international ne saurait importer des institutions de droit privØ «en bloc,
toutes faites et complŁtement ØquipØes» ( C.I.J. Recueil 1950, p. 148); en tant que concept de droit
international, l’annexion correspond à une gØnØralisation des rŁgles et des principes adoptØs par les
diffØrents ordres juridiques internes, et n’a p as à rØpondre aux exigences formelles qui pourraient

s’appliquer en droit interne de l’un ou l’autre Etat.

5.104. L’«annexion», aux fins de la rŁgle de dr oit international qui l’interdit vis-à-vis d’un

territoire occupØ, ne dØpend pas de l’existenc e (par exemple) d’une quelconque proclamation
formelle d’annexion, ni d’une lØgislation particuliŁre employant ce terme. Pour qu’il puisse y avoir
annexion en droit international, une exigence de fond doit Œtre respectØe, selon laquelle un Etat
doit, à l’Øgard d’un territoire qui n’est pas le sien, se conduire d’une façon qui traduise clairement

son intention d’Øtendre à ce territoire, de façon permanente, tous les ØlØments essentiels de sa
propre autoritØ Øtatique, à l’exclusion de l’autoritØ de tout autre Etat. Ce rØsultat peut Œtre atteint
par un acte formel d’annexion ne laissant aucun doute quant à cette intention, mais Øgalement de
façon indirecte lorsque cette intention est manifestØe d’une autre façon.

5.105. En outre, l’annexion n’est en rØalitØ qu’un aspect d’une catØgorie plus large de
conduites prohibØes, à savoir de conduites ayant pour effet de modifier le statut d’un territoire

occupØ. L’annexion en est l’exemple le plus parfait, puisqu’il s’accompagne de l’acquisition pure
et simple, mais illicite, d’un territoire par l’Etat occupant, ce qui entraîne manifestement une
modification du statut du territoire en question. Ma is les modifications à ce statut peuvent Œtre
apportØes par d’autres moyens. Ces autres formes de modifications du statut sont Øgalement

prohibØes pendant la pØriode oø s’a pplique le rØgime d’ occupation militaire, car elles ne sont pas
non plus compatibles avec les pouvoirs intrinsŁquement limitØs d’un Etat occupant, dont l’autoritØ
n’est que temporaire et doit s’exercer sans prØj udice d’un rŁglement de «paix» dØfinitif susceptible
d’Œtre un jour conclu. Dans le c ontexte de l’occupation par Israºl des territoires palestiniens, il est

significatif que les rØsolutions du Conseil de sØcuri tØ et de l’AssemblØe gØnØrale aient condamnØ
les tentatives faites par Israºl de «modifier le st atut» du territoire en question (voir par exemple les
rØsolutions citØes plus haut au paragraphe 2.32).

5.106. En tant que concept de droit internati onal, l’annexion et toute autre modification de
statut ne sont pas nØcessairement des ØvØnements instantanØs, prenant effet, par exemple, au
moment de la promulgation d’une proclamation d’ annexion: elles peuvent n’Œtre que le rØsultat

final d’une accumulation de faits dans le temps. En matiŁre d’expropriation de biens privØs, les - 49 -

notions d’«expropriation larvØe» ou d’«expropriation indirecte» sont bien connues, et les tribunaux
arbitraux les ont traitØes exactement comme des actes d’expropriation directe et formelle. Il

n’existe aucune raison pour que le droit interna tional traite diffØremment la prise de possession
d’un territoire par le biais d’une annexion de facto.

5.107. A partir de son annexion, le territoir e Øtranger qui en fait l’objet relŁve du systŁme
juridique propre de l’Etat auteur de l’annexion. Cette derniŁre est donc directement contraire à
l’article 43 du rŁglement de La Haye, qui inte rdit à une puissance occupante d’imposer son propre
systŁme juridique dans une zone occupØe et/ou de soumettre la population civile du territoire

occupØ à ses rŁgles de droit interne.

c) La construction du mur à la lumière des principes juridiques applicables

i)L’Etat occupant n’a pas le droit, en construisant le mur, d’annexer de facto le
territoire occupé ou d’en modifier le statut de quelque autre manière que ce soit

5.108. En termes trŁs gØnØraux, le tracØ empruntØ par les tronçons du mur dØjà construits suit

en gros la direction de la Ligne verte (quoiqu’en certains endroits il s’en Øcarte sensiblement), et ce
plusieurs kilomŁtres (jusqu’à vingt-deux) à l’intØ rieur de la Cisjordanie occupØe. Ce tracØ est
figurØ sur le croquis n 6 qui se trouve à la page18. En c onsØquence, une bande de terre d’une
superficie d’environ cent mille hectares et reprØsentant 14,5% du territoire de la Cisjordanie (à

l’exclusion de JØrusalem-Est), se trouvera situØe entr e le mur et la Ligne verte. Ce mur entourera
Øgalement cinquante-quatre colonies israØliennes peuplØes de quelque cent quarante-deux mille
colons, soit 36% de la population de colons de la Cisjordanie (voir NationsUnies, bureau de la

coordination des affaires humanitaires, TPO, New Wall Projections, 9 novembre 2003).

5.109. De par sa nature physique mŒme et du fait des contrôles liØs à son existence, le mur
aura pour effet de sØparer de fait cette bande de terres cisjordaniennes du reste de la Cisjordanie, et,

par la mŒme occasion, de la rattacher Øtroitement au territoire israØlien situØ à l’ouest de la Ligne
verte.

5.110. Ce rØsultat sera considØrablement aggrav Ø si la construction des tronçons prØvus et
envisagØs du mur est menØe à son terme. Le tracØ oriental du mur dØplacera de facto la frontiŁre
occidentale de la Cisjordanie nettement vers l’est: celle-ci sera alors constituØe par une ligne
nord-sud courant quelques kilomŁtres à peine à l’ouest du Jourdain et de la mer Morte. En

consØquence, une vaste portion des terres cisjordaniennes se trouveront de facto retranchØes du
Territoire palestinien occupØ et traitØes comme territoire israØlien.

5.111. Il ne fait guŁre de doute que le mur a pour consØquence aujourd’hui dØjà, et plus
encore lorsque sa construction aura ØtØ achevØe  de modifier le statut du territoire occupØ pour en
faire de facto un territoire annexØ par Israºl. Cela ressort clairement aussi bien du tracØ du mur que

de sa nature et de ses consØquences et de certaines considØrations d’ordre plus gØnØral.

5.112. Le mur, en effet, ne saurait Œtre considØrØ indØpendamment du contexte. Sa
construction et les expropriations de terres nØcessaires à cet effet doivent Œtre vues dans le contexte

d’une ligne de conduite constant e de la part du Gouvernement is raØlien depuis1967, et dans le
contexte juridique international qui 1)prohibe l’acquisition de terr itoires par l’usage de la force;
2)interdit à la puissance occupante de modifier le statut du territoire occupØ, que ce soit - 50 -

directement par annexion ou indirectement par coloni sation; 3)exige de tous les Etats, y compris
de la puissance occupante, qu’ils reconnaissent le droit à l’autodØtermination du peuple palestinien;

4)a Øtabli, par le biais de dØcisions du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale des
Nations Unies, les paramŁtres juridiques et territoriaux d’une solution permanente.

5.113. On ne saurait nier qu’Israºl exerce et continue d’exercer un contrôle effectif sur les
territoires palestiniens occupØs. Il ne fait au cun doute non plus que les actions des Forces de
dØfense israØliennes sont des faits de l’Etat d’Is raºl, au sens de l’article4 des articles sur la
responsabilitØ de l’Etat pour fait internationa lement illicite. L’expropriation de terres

palestiniennes arabes engage donc la responsabilitØ de l’Etat d’Israºl, sous la forme de ses organes
lØgislatifs, exØcutifs et judiciaires (voir art.4.1) dont les faits ne sont pas conformes à ce qui est
requis de lui en vertu de ses obligations, quelle que so it l’origine ou la nature de celles-ci (art. 12).
Voir Commission du droit international, «Artic les sur la responsabilitØ de l’Etat pour fait

internationalement illicite», figurant en annexe à la rØsolution de l’AssemblØe gØnØrale des
Nations Unies 56/83 du 12 dØcembre 2001.

5.114. Bien que le Gouvernement israØlien puisse soutenir que les expropriations sont sans
effet sur la question de savoir qui est juridiquement dØtenteur du droit de propriØtØ, et que tout
propriØtaire concernØ puisse contester une ordonnance d’expropriation ou faire appel de celle-ci, la
pratique administrative telle qu’elle est Øtablie par les ØlØments dont nous disposons montre que de

telles voies de droit sont inadØquates et dØnu Øes d’efficacitØ (voir Commission europØenne des
droits de l’homme, Affaire grecque, rapport, vol. II, partie 1, p. 12, par. 24 à 31).

5.115. La pratique Øtablie d’expropriation, l’ inexistence ou l’inefficacitØ des voies de droit,
l’implantation et l’extension des colonies et, à prØs ent, la confiscation de biens aux fins de la
construction d’un mur en Territoire palestinie n occupØ, la sØparation de zones contiguºs,
l’intØgration de nombreuses colonies israØliennes au territoire israØlien, alors que les communautØs

palestiniennes sont coupØes en deux ou font l’obj et d’une sØgrØgation, suffisent largement à
conclure qu’une annexion de facto est en train d’avoir lieu, avec pour but de rØduire à nØant le droit
du peuple palestinien à disposer de lui-mŒme (voir Cour europØenne des droits de l’homme,
Irlande c. Royaume-Uni, sérieA arrêts et décisions , vol.25, dØcision du 29avril1976, arrŒt du

18janvier 1978, par. 159).

5.116. Apparaissent particuliŁrement pertinents aux fins d’une juste Øvaluation du but et des

consØquences de l’Ødification du mur les rapports qu’entretient ce dernier avec les colonies
construites illØgalement en Cisjordanie occupØe, y compris JØrusalem et ses alentours (voir plus
loin sectionV c)ii), par.5.120 et suiv.). Le mur a pour fonction et telle est clairement
l’intention sous-jacente  de protØger les colonies israØliennes en territoires occupØs. Ces colonies

sont des zones placØes sous le contrôle total d’Is raºl: elles sont à toutes fins utiles territoire
israØlien. Le mur a pour but de protØger ces col onies et de consolider leur statut de territoire
israØlien, ainsi que celui des zones situØes aux alentours de ces colonies et entre celles-ci. C’est

dans ce contexte que le rapporteur spØcial de la Commission des droits de l’homme
(M. John Dugard), dans son rapport du 8 septembre 2003, a ØtØ amenØ à indiquer ce qui suit :

«La construction du mur doit Œtre analysØe à la lumiŁre des activitØs de
colonisation [examinØes plus loin à la sectionV c)ii) du prØsent exposØ] et de

l’annexion illØgale de JØrusalem-Est. L es colonies de JØrusalem-Est de la Rive
occidentale sont les premiŁres à tirer des avantages de cette mesure et on estime que
prŁs de la moitiØ des 400 000 colons vivant sur ces territoires se retrouveront du côtØ

israØlien du mur…» (Nations Unies, doc. E/CN.4/2004/6, par. 12.) - 51 -

5.117. La volontØ d’annexion s ous-jacente à l’Ødification du mur et les effets de celle-ci ont
ØtØ relevØs dans les termes suivants par le rapporteur spØcial :

«En politique, l’euphØmisme est souvent prØfØrØ à la prØcision. C’est le cas
pour le mur qu’Israºl a entrepris de construire sur la rive occidentale, qui est dØsignØ
sous les termes «zone de sØparation hermØtique», «clôture de sØcuritØ» ou encore

«mur de sØparation». Le mot «annexion» est ØvitØ car il est trop conforme à la rØalitØ
et ne tient guŁre compte de la nØcessitØ de masquer la vØritØ au nom de la lutte contre
le terrorisme. Il convient toutefois de reconnaître que nous assistons actuellement sur
la rive occidentale à l’annexion pure et simple d’un territoire sous prØtexte de sØcuritØ.

Il n’existe peut-Œtre aucun acte officiel d’ annexion concernant la portion de territoire
palestinien que la construction du mur a pour e ffet de transfØrer de fait à Israºl, mais
tout porte à conclure qu’il s’agit bien d’un acte d’annexion... (Ibid., par. 6.)

Le mur ne suit pas la Ligne verte, qui correspond à la ligne de dØmarcation
entre Israºl et la Palestin e en 1967 et qui est gØnØraleme nt acceptØe comme frontiŁre.
Son tracØ empiŁte considØrablement sur les territoires palestiniens… (Ibid., par. 9.)

Tout comme les colonies qu’elle vise à protØger, cette mesure a manifestement
pour but de crØer une situation de fait sur le terrain. Il n’existe peut-Œtre pas d’acte
d’annexion, comme ce fut le cas pour JØrusalem-Est et les hauteurs du Golan.
Pourtant l’effet est le mŒme: il s’agit d’une a nnexion. En droit international, un autre

terme est employØ pour dØsigner ce type d’ annexion, à savoir celui de conquŒte. La
conquŒte, ou l’acquisition de territoire par la force, a ØtØ proscrite [par l’interdiction de
l’emploi de la force]... L’acquisition de te rritoire par la force est interdite, qu’elle
rØsulte d’une agression ou d’un acte de lØgitime dØfense...» (Ibid., par. 14.)

5.118. En ce qui concerne le caractŁre perman ent qu’Israºl entend donner au mur, et, ainsi,
l’annexion de facto illicite que cela reprØsente, le rapporteur spØcial n’a eu aucun doute. AprŁs
avoir relevØ que les principaux bØnØficiaires du mur Øtaient les colons, il poursuit: «La

construction du mur sera trŁs coßteuse pour Israºl : on estime à 1,4milliard de dollars des
Etats-Unis le montant des dØpenses engagØes à cette fin [, ce qui suffit] à confirmer le caractŁre
permanent de cet ouvrage.» (Ibid., par. 12.)

5.119. DŁs lors qu’un Etat annexe un territoir e qui ne lui appartient pas, il modifie les
frontiŁres de son territoire souverain, de maniŁre à y inclure le territoire supplØmentaire acquis par
voie d’annexion. La conclusion du rapporteur spØci al à cet Øgard est claire: «L’affirmation du

Gouvernement israØlien selon laque lle le mur reprØsente uniquement une mesure de sØcuritØ ne
visant aucunement à modifier les frontiŁres politiq ues n’est tout simplement pas ØtayØe par les
faits.» (Nations Unies, doc. E/CN.4/2004/6, par. 16.)

ii)L’Etat occupant n’a pas le droit de modifier la composition démographique du
territoire occupé en y implantant des colonies étrangères

5.120. L’Ødification du mur par Israºl dans les territoires palestiniens occupØs, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours, morcelle la Cisjordanie en six sections discrŁtes, le passage de l’une
à l’autre ne pouvant se faire que par des points de contrôle israØliens. Comme cela a ØtØ indiquØ
plus haut, cet Øtat de fait a comme consØquen ce Øvidente, mais aussi comme intention, de

consolider et de protØger les colonies civiles juiv es construites en Cisjordanie et aux alentours de
JØrusalem-Est, avec l’aide active du Gouvernement israØlien. Selon Giorgio Giacomelli, rapporteur
spØcial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, cette politique de colonisation
a dØjà eu pour effet de dØcouper la Cisjordanie «e n soixante zones discontinues» et de «partag[er]

[la bande de Gaza] en quatre parties» (voir Comm ission des droits de l’homme des Nations Unies, - 52 -

«Question de la violation des droits de l’homme dans les territoires arabes occupØs, y compris la
Palestine  mise à jour du rapport de mission sur les violations des droits de l’homme commises

par Israºl dans les territoires palestinie ns occupØs depu1 is967», NationUsnies,
doc. E/CN.4.2001/30, par. 26).

5.121. La prØsence de ces colonies entraîne une modification illicite de la composition
dØmographique en Cisjordanie. Par consØquent, la construction du mur, en tant qu’elle favorise
cette modification illicite de la composition dØmographique, est elle-mŒme illicite.

5.122. La composition dØmographique d’un te rritoire occupØ peut Œtre affectØe par deux
processus, mis en œuvre sØparØment ou conjointemen t. D’une part, la population autochtone peut
Œtre dØportØe ou contrainte de quitter un territoir e; d’autre part, des populations extØrieures à ce

territoire, et plus spØcialement des populations provenant de la puissance occupante mŒme, peuvent
Œtre transfØrØes vers le territoire occupØ. En ce qui concerne les territoires palestiniens occupØs, y
compris JØrusalem-Est et ses alentours, ces deux processus ont ØtØ à l’œuvre; tous deux sont
contraires aux rŁgles internationales en vigueur.

5.123. Selon le concept traditionnel d’occupa tion tel qu’il a ØtØ dØfini à l’article43 du
rŁglement de LaHaye de1907, l’autoritØ d’ occupation doit Œtre considØrØe comme seulement

temporaire, comme un administrateur de facto; c’est en cela que l’occupation «se distingue…de
l’annexion» (voir Jean S. Pictet, sous la directi on de, Commentaire [à la quatriŁme] convention de
GenŁve relative à la protec tion des personnes civiles en te mps de guerre, GenŁve, CICR,
1956  «ci-aprŁs commentaire du CICR», p. 296).

5.124. L’article 47 de la quatriŁme convention de GenŁve dispose en effet que :

«Les personnes protØgØes qui se trouvent dans un territoire occupØ ne seront
privØes, en aucun cas ni d’aucune maniŁre, du bØnØfice de la prØsente convention, soit
en vertu d’un changement quelconque inte rvenu du fait de l’occupation dans les
institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passØ entre

les autoritØs du territoire occupØ et la puissance occupante, soit encore en raison de
l’annexion par cette derniŁre de tout ou partie du territoire occupØ.»

5.125. Selon le commentaire du CICR, le but de cette disposition est d’empŒcher que des

mesures prises par la puissance occupante à des fins de restauration ou de maintien de l’ordre ne
causent un prØjudice aux personnes protØgØes. L’o ccupation rØsultant d’un conflit n’implique
aucun droit à disposer du territoire occupØ: « une puissance occupante demeure tenue d’appliquer

intØgralement la convention, mŒme dans le cas oø, passant outre aux rŁgles du droit des gens, elle
prØtendrait procØder, durant le conflit, à l’annexi on de tout ou partie d’un territoire occupØ»
(commentaire du CICR, p. 275-276).

5.126. L’article49 de la quatriŁme convention de GenŁve est ici directement pertinent: cet
article est l’un de ceux dont il est expressØment i ndiquØ, au paragraphe3 de l’article6, qu’il
continue à s’appliquer «pour la durØe de l’occupation». L’article 49 est ainsi rØdigØ :

«Les transferts forcØs, en masse ou individuels, ainsi que les dØportations de
personnes protØgØes hors du territoire occupØ dans le territoire de la puissance
occupante ou dans celui de tout autre Etat , occupØ ou non, sont interdits, quel qu’en
soit le motif. - 53 -

Toutefois, la puissance occupante pourra procØder à l’Øvacuation totale ou
partielle d’une rØgion occupØe dØtermin Øe, si la sØcuritØ de la population ou

d’impØrieuses raisons militair es l’exigent. Les Øvacuations ne pourront entraîner le
dØplacement de personnes protØgØes qu’à l’in tØrieur du territoire occupØ, sauf en cas
d’impossibilitØ matØrielle. La population ai nsi ØvacuØe sera ramenØe dans ses foyers
aussitôt que les hostilitØs dans ce secteur auront pris fin.

La puissance occupante, en procØdant à ces transferts ou à ces Øvacuations,
devra faire en sorte, dans toute la me sure du possible, que les personnes protØgØes
soient accueillies dans des installations convenables, que les dØplacements soient

effectuØs dans des conditions satisfaisantes de salubritØ, d’hygiŁne, de sØcuritØ et
d’alimentation et que les membres d’une mŒme famille ne soient pas sØparØs les uns
des autres.

La puissance protectrice sera informØe d es transferts et Øvacuations dŁs qu’ils
auront eu lieu.

La puissance occupante ne pourra rete nir les personnes protØgØes dans une

rØgion particuliŁrement exposØe aux dangers de la guerre, sauf si la sØcuritØ de la
population ou d’impØrieuses raisons militaires l’exigent.

La puissance occupante ne pourra procØd er à la dØportation ou au transfert

d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupØ par elle.»

5.127. L’interdiction de transferts de popula tion s’applique donc à la fois aux transferts

internes et aux transferts externes, sauf s’ils sont te mporaires, et «si la sØcuritØ de la population ou
d’impØrieuses nØcessitØs militaires l’exigent» (art. 49, par. 2).

5.128. Le commentaire du CICR fait obser ver que cette disposition «s’oppose à des

transferts de population tels qu’en ont pratiquØ , pendant la deuxiŁme gue rre mondiale, certaines
puissances qui, pour des raisons politico-raciales ou d ites colonisatrices, ont transfØrØ des ØlØments
de leur propre population dans des territoires o ccupØs. Ces dØplacements ont eu pour effet
d’aggraver la situation Øconomique de la populatio n autochtone et de mettre en danger son identitØ

ethnique.» (Commentaire du CICR, p. 283.)

5.129. En outre, «la dØportation ou le transf ert illØgaux [et] la dØtention illØgale…[d’]une

personne protØgØe» constituent, aux termes de l’article147 de la quatriŁme convention, des
infractions graves à cette derniŁ re. De plus, l’article82) a)vii) du statut de Rome de la Cour
pØnale internationale de1998 considŁre comme crimes de guerre «les dØportations…illØgales»
entrant dans la catØgorie gØnØrale des «in fractions graves aux c onventions de GenŁve

du 12 aoßt 1949»; de mŒme, l’article 8 2) b)viii) considŁre comme crimes de guerre les actes
suivants, relevant de la catØgorie gØnØrale des «autres violations graves des lois et coutumes
applicables aux conflits armØs internationaux» : «L e transfert, direct ou indirect, par une puissance
occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la dØportation

ou le transfert à l’intØrieur ou hors du territoire occupØ de la totalitØ ou d’une partie de la
population de ce territoire.»

5.130. Bien que ce statut ne soit pas directem ent applicable dans le contexte prØsent (mŒme
si la Jordanie y est partie), le fait que ces infr actions aient ØtØ incluses dans l’article8 comme
crimes de guerre dØmontre que la communautØ internationale reconnaît que les interdictions
ØnoncØes dans ces dispositions relŁvent, pour le moins, du droit international coutumier. - 54 -

5.131. La construction du mur fait partie intØgrante des mesures prises par Israºl à l’appui de
sa politique illØgale de colonisation, et constitue en tant que telle une violation grave du droit

international de la part d’Israºl.

5.132. Concernant tout d’abord l’interdicti on faite à la puissance occupante de procØder au

transfert de ses populations civiles vers le Terr itoire occupØ, il ne fait aucun doute qu’Israºl,
puissance occupante, a mis en œuvre des pratiques entraînant «le transfert…d’une partie de sa
population civile, dans le territoire qu’elle occ upe». Les transferts de colons vers les
TerritoiresoccupØs constituent une politique pu bliquement affirmØe comme telle par le

gouvernement israØlien depuis le dØbut de l’occ upation, et se dØroulent avec le soutien et
l’encouragement actifs de ce gouvernement.

5.133. Entre 1968 et 1979, les autoritØs militaires israØliennes ont publiØ des dizaines

d’ordonnances militaires visant à la rØquisition temporaire de terres privØes en Cisjordanie au motif
que cela rØpondait à une nØcessitØ militaire urgent e; ces terres ont essentiellement ØtØ utilisØes aux
fins de l’implantation de colonies israØliennes. La Cour suprŒme israØlienne a confirmØ la lØgalitØ

de ces ordonnances au motif que les colonies jouaie nt un rôle militaire et de dØfense de premier
plan. Bien que, en 1979, la cour suprŒme ait ordonnØ le dØmantŁlement d’une colonie et ordonnØ la
restitution des terres à ses propriØtaires parce que les colons eux-mŒmes avaient, par dØclaration
sous serment, indiquØ que cette colonie Øtait perm anente et non temporaire par nature, de telles

ordonnances militaires continuent depuis à Œtre utilisØes pour la rØquisition de terres, notamment
pour la construction de voies de contournement. On estime qu’Isr aºl a ainsi fait de quelque 40 %
de la Cisjordanie des terres appartenant au domai ne public israØlien (voir Incidences de la BarriŁre
de sØparation israØlienne sur les populations cisjor daniennes concernØes», rapport de la mission au

groupe des politiques d’aide humanita ire et de secours d’urgence du comitØ local de coordination
de l’aide (LACC), troisiŁme mise à jour, 30nove mbre2003, par.52-53; voir Øgalement Conseil
Øconomique et social, «Rapport Øtabli par la Commission Øconomique et sociale pour l’Asie
occidentale sur les rØpercussions Øconomiques et sociales de l’occupation israØlienne sur les

conditions de vie du peuple palestin ien dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem,
et de la population arabe du Golan syrien o ccupØ», Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21 du
12 juin 2003, par. 31).

5.134. Israºl a continuØ à exproprier des terr es palestiniennes malgrØ l’engagement officiel
qu’il avait pris au paragraphe7 de l’artic leXXXI du chapitre5 de l’accord intØrimaire
israØlo-palestinien de1995 sur la rive occidental e et la bande de Gaza, engagement aux termes

duquel il devait s’abstenir d’entreprendre toute «mesure à mŒme de modifier le statut de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza avant que les nØgociations sur le statut permanent
n’aboutissent»; cet accord prØvoyait en outre que «l’int ØgritØ et le statut» de la Cisjordanie et de la
bande de Gaza seraient «prØservØ[s] durant la pØriode intØrimaire» (chap.2, art.XI, par.1 et

chap.5, art.XXXI, par.8). La Commission Øconomique et sociale pour l’Asie occidentale a
conclu que «la confiscation de terres et de biens [Øtait] un trait dominant de la politique israØlienne
d’occupation et de transfert de population» (voi r Conseil Øconomique et social «rapport Øtabli par
la Commission Øconomique et sociale pour l’Asie occidentale sur les rØpercussions Øconomiques et

sociales de l’occupation israØlienne sur les cond itions de vie du peuple palestinien dans le
Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem , et de la population arabe du Golan syrien
occupØ», Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21 du 12 juin 2003, par. 37).

5.135. De tels transferts en direction du Te rritoire palestinien occupØ ont ØtØ effectuØs avec
l’intention de modifier la composition dØm ographique. Le nombre de colons n’a cessØ
d’augmenter. Ainsi, en1972, on comptait huitmi llequatrecent colons juifs dans les territoires

palestiniens occupØs, chiffre qui a atteint prŁs de deux cent cinquante mille en 1992. La population - 55 -

de colons en Cisjordanie (non compris JØrusalem-Est) et dans la bande de Gaza avait, selon
certaines informations recueillies en 2003, crß de 5,7 % en 2002 (pour atteindre 220 100), alors que

la croissance moyenne dans l’ensemble du pa ys n’Øtait que de 1,9%. Compte-tenu des
180000IsraØliens rØsidant à JØru salem-Est, la population de colons atteint 400000, soit prŁs de
8 % de la population juive d’Israºl (5,1 millions)Les colons de Cisjordanie, de la bande de Gaza
et du plateau du Golan ont, en 2000, reçu du gouve rnement des prŒts hypothØcaires à un taux prŁs

de deux fois infØrieur à la moyenne nationale (voir «rapport Øtabli par la Commission Øconomique
et sociale pour l’Asie occident ale sur les rØpercussions Øconomi ques et sociales de l’occupation
israØlienne sur les conditions de vie du peuple pal estinien dans le Territoir e palestinien occupØ, y
compris JØrusalem, et de la population ar abe du Golan syrien occupØ»,vol1. 3, n o 6,

novembre-dØcembre 2003; CICR, rapport annuel pour 2002, p. 302; rapport Dugard, par. 36-40).

5.136. L’autre aspect de la modification de la composition dØmographique dans les

territoires occupØs à savoir le transfert vers d’autr es zones des populations autochtones 
ressort Øgalement trŁs clairement des pratiques d’ Israºl dans ces territoires occupØs, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours. Ces pratiques et politiques gØnØralisØes sont bien Øtablies et
relŁvent du domaine public, mais ne nous intØressent qu’en tant que la construction du mur, qui est

notre prØoccupation immØdiate dans la prØsente procØdure consultative, vise prØcisØment à les
pØrenniser.

5.137. Pour qu’il y ait «transferts forcØs, en masse ou individuels … de personnes protØgØes
hors du territoire occupØ», en violation de l’ar ticle49, point n’est besoin que la puissance
occupante promulgue officiellement des ordonnances de transfert de populations locales (bien que
de telles ordonnances, si elles existent, tombent detoute Øvidence sous le coup de l’interdiction

prØvue à l’article49 de la quatriŁme convention de GenŁve); il suffit que la puissance occupante
adopte des pratiques tendant à Øcarter les populations autochtones de leur territoire, ou dont on peut
raisonnablement prØvoir qu’elles dØboucheront sur un tel rØsultat. Compte tenu de la nature des

pratiques rØcentes de confiscations de terres et de transferts de populations, ainsi que de la mise en
œuvre d’une politique concertØe d’acquisition forcØe, des observateurs ont rØcemment fait part de
leurs prØoccupations quant à d’Øventuels flux de rØfugiØs, ainsi que cela est dØcrit plus bas.

5.138. Les transferts interdits peuvent porter aussi bien sur des individus que sur des groupes
(«transferts…en masse»); un transfert sera «forcØ» si les mesures adoptØes par la puissance
occupante sont dans la pratique telles qu’elles ne laissent aux populations autochtones concernØes
aucune autre issue rØaliste que de quitter le territo ire. MŒme si de tels mouvements de populations

autochtones ne constituent pas le but de la cons truction du mur, ils n’en constituent pas moins une
consØquence claire, et l’article49 prØcise bien que les transferts de popula tions autochtones sont
interdits «quel qu’en soit le motif ». Les consØquences de la construction du mur et des politiques

et pratiques parallŁlement mises en œuvre par Israºl en ce qui concerne les transferts forcØs et les
mouvements de rØfugiØs sont examinØes plus loin à la section V c) iv).

5.139. Il convient de rappeler que la comm unautØ internationale s’est toujours opposØe à la

politique de colonisation et de transfert de populat ion d’Israºl. Dans sa rØsolution446 (1979), le
Conseil de sØcuritØ a

«demand[Ø] une fois encore à Israºl, en tant que puissance occupante, de respecter

scrupuleusement la convention de GenŁ ve…, de rapporter les mesure…
dØjà…prises et de s’abstenir de toute mesu re qui modifierait le statut juridique et le
caractŁre gØographique des territoires arabes occupØs depuis1967, y compris - 56 -

JØrusalem, et influerait sensiblement sur leur composition dØmographique, et, en
particulier, de ne pas transfØrer des ØlØm ents de sa propre population civile dans les

territoires arabes occupØs».

5.140. Dans sa rØsolution 465 adoptØe à l’unanimitØ en 1980, le Conseil de sØcuritØ a

«considØr[Ø] que toutes les mesures prises par Israºl pour modifier le caractŁre
physique, la composition dØmographique, la structure institutionnelle ou le statut des
territoires palestiniens et des autres territoires arabes o ccupØs depuis 1967, y compris

JØrusalem, ou de toute partie de ceux-ci n’[a vaient] aucune validitØ en droit et que la
politique et les pratiques d’Israºl consistant à installer des ØlØments de sa population et
de nouveaux immigrants dans ces territoires c onstitu[ait] une violation flagrante de la
[quatriŁme] convention de GenŁve…».

Il a appelØ au dØmantŁlement des colonies de peuplement existantes et à la cessation de
l’Ødification et de la planification d’autres col onies, demandant à tous les Etats de ne fournir à
Israºl aucune assistance qui serait utilisØe en rapport avec ces colonies. Cette position, qui se fonde

sur des ØlØments de droit, a ØtØ rØaffirmØe pa r des rØsolutionserØcentes: voir par exemple la
rØsolution465 (1980) du Conseil de sØcuritØ, adoptØe le 1 mars 1980, par. 5,6 et 7; sa
rØsolution904 (1994) du 18 mars 1994; sa rØsolution 1322 (2000) du 7 octobre 2000; sa
rØsolution1397 (2002); voir Øgalement, entre au tres, les rØsolutions suivantes de l’AssemblØe

gØnØrale: A/RES/3240 (XXIX) du 29 novembre 1974; A/RES/36/15 du 28 octobre 1981;
A/RES/55/132 du 8 dØcembre 2000; A/RES/56/ 61 du 10 dØcembre 2001; A/RES/57/126 du
11 dØcembre 2002; A/RES/58/98 du 9 dØcembre 2003.

5.141. Dans sa rØsolution2003/7, la Commissi on des droits de l’homme des NationsUnies
s’est Øgalement dØclarØe profondØment prØoccupØe

«par la poursuite des activit Øs de colonisation israØlienne , y compris l’installation

illØgale de colons dans les territoires occupØs et les activitØs connexes telles que
l’expansion des colonies de peuplement, l’expropriation de terres, la dØmolition
d’habitations, la confiscation et la destructi on de biens, l’expulsion de Palestiniens et

la construction de routes de contournement, qui modifient le caractŁre physique et la
composition dØmographique des territoires occupØs, y compris JØrusalem-Est,
et constituent une violation de la [quatriŁme] convention de GenŁve…»
(E/CN.4/RES/2003/7 du 15avril2003, adoptØe par cinquante voix pour, une voix

contre et deux abstentions).

5.142. Ces rØsolutions des organes d es NationUs nies, et en particulier du

Conseil de sØcuritØ, ne sauraient Œtre ignorØes, comme le dØmontrent certains dicta de la Cour, dans
l’avis consultatif qu’elle a rendu sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence
continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud- Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970)
du Conseil de sécurité (C.I.J.Recueil1971) . A la lumiŁre de dØclarations du ConseildesØcuritØ

selon lesquelles la situation portØe devant la Cour Øtait illicite, celle-ci a dit que :

«112. Ce serait une interprØtation ins outenable d’affirmer que, lorsque le
ConseildesØcuritØ fait une telle dØclaration en vertu de l’article24 de la Charte au

nom de tous les Etats membres, ceux-ci sont libres de ne faire aucun cas de l’illØgalitØ
ni mŒme des violations du droit qui en rØsultent…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - 57 -

116. … Ainsi, lorsque le Conseil de sØcuritØ adopte une dØcision aux termes de
l’article 25 conformØment à la Charte, il incombe aux Etats membres de se conformer

à cette dØcision, notamment aux Membres du ConseildesØcuritØ qui ont votØ contre
elle et aux Membres des NationsUnies qui ne siŁgent pas au Conseil. Ne pas
l’admettre serait priver cet organe principa l des fonctions et pouvoirs essentiels qu’il
tient de la Charte.

117. … Quand un organe compØtent d es Nations Unies constate d’une maniŁre
obligatoire qu’une situation est illØgale, cette constatation ne peut rester sans
consØquences. PlacØe en face d’une telle situation, la Cour ne s’acquitterait pas de ses

fonctions judiciaires si elle ne dØclarait p as qu’il existe une obligation, pour les Etats
Membres des Nations Unies en particulier, de mettre fin à cette situation…

118. L’Afrique du sud, à laquelle incombe la responsabilitØ d’avoir crØØ et

prolongØ une situation qui, selon la Cour, a ØtØ valablement dØclarØe illØgale, est tenue
d’y mettre fin…»

5.143. Face aux dØclarations rØpØtØes Øman ant d’organes compØtents des NationsUnies,
selon lesquelles les politiques et pratiques de coloni sation d’Israºl sont illØgales, la construction,
par Israºl, d’un mur dans le Territoire palestinien o ccupØ, y compris à l’intØrieur et sur le pourtour
de JØrusalem-Est, avec l’intention manifeste et l’effet patent de consolider et de protØger ses

colonies, reprØsente le contraire mŒme de ce qui est exigØ d’Israºl.

iii) L’Etat occupant n’a pas le droit de construire en territoire occupé un mur servant à

établir, étayer ou affermir son contrôle illicit e sur tout ou partie de ce territoire et
son annexion de fait de celui-ci

5.144. L’article43 du rŁglement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre prØvoit que l’occupant «prendra t outes les mesures qui dØpendent de lui en vue de

rØtablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf
empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays » (les italiques sont de nous). La population
d’un territoire occupØ ne peut Œtre contrainte à prŒter serment à la puissance ennemie (art.45), et

«[l]’honneur et les droits de la fa mille, la vie des individus et la propriØtØ privØe, ainsi que les
convictions religieuses et l’exercice des cultes, doivent Œtre respectØs. La propriØtØ privØe ne peut
pas Œtre confisquØe» (art. 46).

5.145. Le caractŁre nØcessairement temporaire de l’occupation est soulignØ par l’article55
du rŁglement de La Haye, qui dispose que

«[l’]Etat occupant ne se considØrera que comme administrateur et usufruitier des
Ødifices publics, immeubles, forŒts et expl oitations agricoles appartenant à l’Etat
ennemi et se trouvant dans le pays occupØ . Il devra sauvegarder le fonds de ces
propriØtØs et les administrer conformØment aux rŁgles de l’usufruit.»

5.146. L’article 56 de ce texte dispose en outre que

«[l]es biens des communes, ceux des Øtablissements consacrØs aux cultes, à la charitØ

et à l’instruction, aux arts et aux sciences, mŒme appartenant à l’Etat, seront traitØs
comme la propriØtØ privØe. Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de
semblables établissements, de monuments historiques, d’œuvres d’art et de science,
est interdite et doit Œtre poursuivie.» - 58 -

5.147. L’article47 de la quatriŁme conventio n de GenŁve souligne Øgalement le caractŁre
temporaire et de facto de l’occupation; il prØvoit que les personnes protØgØes qui se trouvent dans

un territoire occupØ ne seront privØes, en aucun ca s ni d’aucune maniŁre, du bØnØfice de ladite
convention,

«soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les

institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passØ
entre les autoritØs du territoire occupØ et la puissance occupante, soit encore en raison
de l’annexion par cette derniŁre de tout ou par tie du territoire occupØ» (les italiques
sont de nous).

5.148. Le CICR, dans son commentaire, rappelle que « [l]e pouvoir lØgislatif dont l’occupant
est investi en tant que puissance responsable de l’application de la c onvention et dØtenteur

momentané de l’autoritØ, est limitØ aux matiŁr es ci-dessous limitativement ØnumØrØes»
(commentaire du CICR, p.361; les italiques sont de nous) et, à propos de l’article70 de la
quatriŁme convention, que « [l]a rŁgle de la limitation des pouvoirs juridictionnels de l’occupant à

la pØriode pendant laquelle il occupe effectivement le territoire se fonde sur le caractŁre en principe
temporaire de l’occupation» (ibid., p. 374).

5.149. ImmØdiatement aprŁs la fin des hostilitØs de1967, Israºl a Ølargi le champ

d’application de son droit interne à JØrusalem-Est occupØe, en complØtant les 6,5 kilomŁtres carrØs
de superficie de la ville par 71 kilomŁtres carrØs de terres palestiniennes expropriØes. Pendant les
annØes qui ont suivi, Israºl a expropriØ sans indemn isation plus de soixante mille dunums de terres
palestiniennes dans JØrusalem-Est occupØe, les a ffectant exclusivement à l’usage des Juifs (voir

division des droits des Palestiniens, «Le statut de JØrusalem», Nations Unies, doc. 97-24262, 1997,
p. 22-23).

5.150. En outre, la puissance occupante a imposØ son droit interne dans la ville occupØe de
JØrusalem au moyen d’une loi adoptØe par la Knes set en1981, en violation de l’article64 de la
convention de GenŁve. Dans les autres zones occupØes, Israºl a sØlectivement remplacØ des lois en
vigueur par ses propres lois et ordonnances militaires , notamment en appliquant son droit interne

aux citoyens et institutions isr aØliens s’implantant dans les te rritoires occupØs. Les pratiques
discriminatoires sont examinØes plus loin, à l’alinØa iv).

5.151. Pour examiner la licØitØ du mur au regard du droit international applicable, il convient
de tenir compte non seulement de ses caractØristi ques matØrielles et des consØquences immØdiates
de sa prØsence, mais aussi de tout l’appareil de contrôle administratif qui accompagne son
fonctionnement. Le mur n’est pas simplement un Ødifice matØriel. Ses ØlØments principaux ont ØtØ

dØjà indiquØs auparavant, à savoir, une barriŁre d’une largeur moyenne de 50 à 70 mŁtres, la
constitution d’une «zone ferm Øe» dans la partie nord-ouest de la Cisjordanie et la mise en place
d’un nouveau rØgime de permis de rØsident discriminatoire. Par ailleurs, comme le montrent son
tracØ et ses incidences, le mur vise à fragmenter davantage la communautØ palestinienne, dØjà

constamment divisØe par les colonies illØgales et les routes d’accŁs à celles-ci. Le mur, loin d’Œtre
une simple mesure de sØcuritØ isolØe, doit dŁs lo rs Œtre considØrØ comme un instrument de la
politique d’Israºl visant à annexer la Cisjordanie ou des parties substantielles de ce territoire.

5.152. Au moins trois observations sur l’inst auration et le fonctionnement du systŁme de la
barriŁre s’imposent: en premier lieu, pour mettre en place le systŁme de la barriŁre, les autoritØs
militaires israØliennes doivent acquØrir une quantitØ considØrable de terres; en deuxiŁme lieu, le

mur entraîne certaines consØquences immØdiates su r la population vivant et travaillant à proximitØ - 59 -

de celui-ci; et, en troisiŁme lieu, le mur a des c onsØquences plus gØnØrales touchant l’ensemble de
la Cisjordanie. Les implications juridiques du systŁme de la barriŁre compte tenu de ces trois

observations sont examinØes dans les paragraphes qui vont suivre.

iv) L’Etat occupant n’a pas le droit, en territoire occupé, de construire un mur qui

constitue une atteinte grave et disproport ionnée à l’exercice, par les habitants de ce
territoire, de leurs droits fondamentaux

a) La protection offerte par le droit international humanitaire

5.153. Le rŁglement de La Haye dispose en son article42 qu’« [u]n territoire est considØrØ
comme occupØ lorsqu’il se trouve placØ de fait sous l’autoritØ de l’armØe ennemie. L’occupation

ne s’Øtend qu’aux territoires oø cette autoritØ est Øtablie et en mesure de s’exercer» et, en son
article46, que « [l]’honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriØtØ privØe,
ainsi que les convictions religieuses et l’exercice des cultes, doivent Œtre respectØs».

5.154. En vertu de la quatriŁme conven tion de GenŁve, la puissance occupante a des
responsabilitØs particuliŁres envers la population sous son contrôle. L’article 27 de ce texte prØvoit
que

«Les personnes protØgØes ont droit, en toutes circonstances, au respect de leur
personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques
religieuses, de leurs habitudes et de leur s coutumes. Elles seront traitØes, en tout

temps, avec humanitØ et protØgØes notamment contre tout acte de violence ou
d’intimidation, contre les insultes et la curiositØ publique.

Les femmes seront spØcialement protØgØes contre toute atteinte à leur honneur,

et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur.

Compte tenu des dispositions relatives à l’Etat de santØ, à l’âge et au sexe, les
personnes protØgØes seront toutes traitØes par la partie au conflit au pouvoir de

laquelle elles se trouvent, avec les mŒmes Øgards, sans aucune distinction dØfavorable,
notamment de race, de religion ou d’opinions politiques.

Toutefois, les parties au conflit pour ront prendre, à l’Øgard des personnes
protØgØes, les mesures de contrôle ou de sØcuritØ qui seront nØcessaires du fait de la

guerre.»

5.155. Selon le ComitØ international de la Croix-Rouge, l’article 27 «occupe une position clØ

dans le systŁme de la Convention. Il en est la base, Ønonçant les principes dont s’inspire tout le
«droit de GenŁve»» (commentaire du CICR, p. 215).

5.156. Le droit au respect de la personne comprend notamment le droit à l’intØgritØ physique,
morale et intellectuelle. Si le droit de libre circul ation peut faire l’objet de restrictions en temps de
guerre, «cela ne signifie point qu’il soit, d’une façon gØnØrale, suspendu... [L]e statut
d’occupation…procŁde de l’idØe que la libertØ personnelle des personnes civiles doit rester, en

principe, intacte» (commentaire du CICR, p. 217). - 60 -

5.157. Comme le prØvoit l’alinØa 4 de l’article 27, les personnes protØgØes doivent toutes Œtre

traitØes de la mŒme maniŁre et ne peuvent faire l’objet de mesures discriminatoires. Certes, la
puissance occupante a une certaine marge d’apprØciati on lorsqu’elle prend de telles mesures, mais
«[c]e qui est essentiel, c’est que les mesures de rigueur ne portent pas atteinte aux droits
fondamentaux accordØs aux personnes, droits qui …doivent Œtre respectØs, mŒme au cas oø des

mesures de rigueur seraient justifiØes» (commentaire du CICR, p. 223).

5.158. L’article29 de la quatriŁme conven tion de GenŁve met l’accent sur la responsabilitØ

de l’Etat: «La Partie au conflit au pouvoir de laquelle se trouvent des personnes protØgØes est
responsable du traitement qui leur est appliquØ par ses agents, sans prØjudice des responsabilitØs
individuelles qui peuvent Œtre encourues.»

5.159. Comme le conclut le CICR dans son commentaire, la rØparation des dommages
causØs par le fait illicite est manifestement implicite . En outre, le terme «agent» est suffisamment
gØnØral pour inclure toute personne au service d’ une Partie contractante, par exemple «les

fonctionnaires, les magistrats, les membres des forces armØes, d’organisations paramilitaires de
police, etc.» (commentaire du CICR, p. 228).

5.160. L’article 31 interdit l’exercice de la «contrainte d’ordre physique ou moral» contre les

personnes protØgØes, quel qu’en soit le but ou le motif (commentaire du CICR, p. 236).

5.161. Aux termes de l’article 32, les parties,

«s’interdisent expressØment toute mesure de nature à causer soit des souffrances
physiques, soit l’extermination des personnes protØgØes en leur pouvoir. Cette
interdiction vise non seulement le meurtre, la torture, les peines corporelles, les

mutilations et les expØriences mØdicales ou scientifiques non nØcessitØes par le
traitement mØdical d’une personne protØgØe, mais Øgalement toutes autres brutalitØs,
qu’elles soient le fait d’agents civils ou d’agents militaires.»

5.162. Le CICR rappelle dans son commentaire que c’est à dessein que la confØrence
diplomatique a employØ les mots «de nature à causer», à la place de la formule «destinØe à
provoquer». «En substituant ainsi un critŁre de causalitØ à celui d’intention, la confØrence a

entendu Ølargir la portØe de l’article.» (Commentaire du CICR, p. 239.)

5.163. Le CICR indique Øgalement dans s on commentaire que la prohibition des «autres

brutalitØs» s’apparente à celle qui vise les «actes de violence», ØnoncØe à l’article 27 et

«a pour but de couvrir un ensemble de mesure s qui, tout en ne rentrant pas dans des
cas dØterminØs, ont pour effet de causer de s souffrances aux personnes protØgØes. Il

n’y a pas lieu de distinguer si ces pratiques Ømanent d’agents civils ou militaires : dans
l’un comme dans l’autre cas, et pour t ous les actes visØs au prØsent article, la
responsabilitØ de l’agent et celle de la Puissance dont il dØpend se trouvent engagØes,
conformØment aux dispositions de l’article 29…» (Commentaire du CICR, p. 242.)

5.164. Aux termes de l’article 33 de la quatriŁme convention de GenŁve, «[a]ucune personne
protØgØe ne peut Œtre punie pour une infracti on qu’elle n’a pas commise personnellement. Les

peines collectives, de mŒme que toute mesure d’intim idation ou de terrorisme, sont interdites.» Le - 61 -

CICR souligne dans son commentaire que cette prohibition ne vise pas les sanctions prØvues par le
droit pØnal et dans le cadre d’une procØdure rØguliŁre, mais celles «de tout ordre, infligØes à des

personnes ou à des groupes entiers de personnes, au mØpris des principes d’humanitØ les plus
ØlØmentaires et ce pour des act es que ces personnes n’ont pas commis» (commentaire du CICR,
p. 242-243).

5.165. Quant à la prohibition des «mesures d’intimidation ou de terrorisme», le CICR
rappelle dans son commentaire que, lors conflits passØs,

«la pratique des peines collectives a visØ moins à la rØpression qu’à la prØvention
d’attentats; en recourant à des mesur es d’intimidation destinØes à terroriser les
populations, les belligØrants espØraient empŒcher des attentats. Contrairement à l’effet
souhaitØ, de telles pratiques ont, par leur caractŁre de sØvØritØ excessive et leur

cruautØ, entretenu la haine et renforcØ l’esprit de rØsistance. Elles frappent sans
discrimination coupables et innocents. Elles sont en opposition avec tous les principes
fondØs sur des considØrations d’humanitØ et de justice, et c’est pourquoi l’interdiction
des peines collectives est formellement comp lØtØe par l’interdiction de toute mesure

d’intimidation et de terrorisme à l’Øgard des personnes protØgØes, quel que soit le lieu
oø elles se trouvent...» (Commentaire du CICR, p. 243.)

5.166. Si tant est que l’on puisse soutenir que la construction du mur est une rØaction face
aux activitØs illicites qui nuisent aux intØrŒts d’Israºl et que c’est aux habitants touchØs de subir les
consØquences funestes de cette rØaction, l’article 50 du rŁglement de La Haye dispose toutefois que
«Aucune peine collective, pØcuniaire ou autre, ne pourra Œtre ØdictØe contre les populations à raison

de faits individuels dont elles ne pourraient Œtre considØrØes comme solidairement responsables.»

5.167. L’article147 de la quatriŁme convention de GenŁve interdit de causer
intentionnellement de grandes souffrances ou de por ter des atteintes graves à l’intØgritØ physique

ou à la santØ des personnes protØgØes, actes qu’elle qualifie d’«infractions graves». De la mŒme
maniŁre, l’alinØa a) iii) du paragraphe2 de l’article8 du Stat ut de la Cour pØnale internationale
qualifie de crime de guerre « [l]e fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de

porter gravement atteinte à l’intØgritØ physique ou à la santØ» de personnes protØgØes en territoire
occupØ.

5.168. Dans la mesure oø ses dispositions sont pertinentes dans le cadre de la requŒte pour
avis consultatif dØposØe en l’ espŁce, l’article75 du protocole additionnelI à la quatriŁme
convention de GenŁve, intitulØ «Garanties fondamentales» et c onsidØrØ gØnØralement comme
reprØsentant le droit international coutumier, se lit comme suit :

«1. Dans la mesure oø elles sont affectØes par une situation visØe à
l’articlepremier du prØsent protocole, les personnes qui sont au pouvoir d’une partie
au conflit et qui ne bØnØficient pas d’un traitement plus favorable en vertu des

conventions et du prØsent protocole seront traitØes avec humanitØ en toutes
circonstances et bØnØficieront au moins des protections prØvues par le prØsent article
sans aucune distinction de caractŁre dØfavorable fondØe sur la race, la couleur, le sexe,
la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l’origine

nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation, ou tout autre
critŁre analogue. Chacune des parties respectera la pers onne, l’honneur, les
convictions et les pratiques religieuses de toutes ces personnes. - 62 -

2. Sont et demeureront prohibØs en tout temps et en tout lieu les actes suivants,
qu’ils soient commis par des agents civils ou militaires :

a) les atteintes portØes à la vie, à la santØ et au bien-Œtre physique ou mental des
personnes, notamment :

i)eeurtre;

ii) la torture sous toutes ses formes, qu’elle soit physique ou mentale;

iii) les peines corporelles; et

iv)lesmutilations;

b) les atteintes à la dignitØ de la personne , notamment les traitements humiliants et

dØgradants, la prostitution forcØe et toute forme d’attentat à la pudeur;

c) la prise d’otages;

d) les peines collectives; et

e) la menace de commettre l’un quelconque des actes prØcitØs.»

5.169. Le CICR, dans son commentaire, fa it remarquer que la prohibition des peines
collectives a ØtØ rajoutØe par la confØrence, qui a craint que de telles peines ne soient infligØes
autrement que par une procØdure j udiciaire rØguliŁre et qu’en ce cas elles ne soient pas couvertes
par les autres paragraphes de l’article75. Il fait remarquer en outre que la notion de peine

collective doit s’entendre au sens le plus large: «elle ne couvre pas seulement les condamnations
judiciaires, mais les sanctions et brimades de tous ordres, administratives, policiŁres ou autres»
(commentaire du CICR, par. 3054 et 3055).

b) La protection offerte par les règles internationales en matière de droits de l’homme

5.170. La quatriŁme convention de GenŁve et les obligations concomitantes de la puissance

occupante deviennent applicables en cas d’occupa tion (art.2) et protŁgent les personnes qui se
trouvent sur un territoire occupØ sous le contrô le, et donc «au pouvoir», de la puissance occupante
(commentaire du CICR, art. 4, p. 53).

5.171. L’effectivitØ du contrôle est Øgalemen t un ØlØment pertinent dans le cadre de la
responsabilitØ d’Israºl pour les manquements aux obligations auxquelles ce pays est tenu en
matiŁre de droits de l’homme, tant en vertu du droit interna tional coutumier qu’en vertu des

conventions.

5.172. Les principaux instruments juridiques gØ nØraux dans ce contexte sont la DØclaration
universelle des droits de l’homme de1948, le p acte international relatif aux droits civils et

politiques de1966 et le pacte inte rnational relatif aux droits Øc onomiques, sociaux et culturels
de1966. S’y ajoutent divers instruments traitant de domaines particuliers des droits de l’homme,
par exemple la convention internationale sur l’Øl imination de toutes les formes de discrimination

raciale de 1966, la convention sur l’Ølimination de toutes les formes de discrimination à l’Øgard des
femmes de1979, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dØgradants de1984 et la convention relative a ux droits de l’enfant de1989. Tous ces - 63 -

instruments, à l’exception de la DØclaration universelle, sont des «traitØs» auxquels Israºl est partie
et auxquels ce pays n’a Ømis aucune rØserve pe rtinente à l’Øgard des questions soulevØes en

l’espŁce.

5.173. La Jordanie est Øgalement partie à ce mŒme ensemble de traitØs et elle a un intØrŒt

juridique manifeste à ce qu’ils soient appliquØs effectivement par Israºl.

5.174. La Cour a dØjà reconnu que le pacte inte rnational relatif aux droits civils et politiques
de 1966 continuait de s’appliquer dans un contexte d’occupation militaire :

«La Cour observe que la protection offert e par le pacte international relatif aux
droits civils et politiques ne cesse pas en te mps de guerre, si ce n’est par l’effet de
l’article 4 du pacte, qui prØvoit qu’il pe ut Œtre dØrogØ, en cas de danger public, à

certaines des obligations qu’i mpose cet instrument.» ( Licéité de l’utilisation des
armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé , avis consultatif, C.I.J. Recueil
1996, p. 240, par. 25.)

5.175. De la mŒme maniŁre, le ComitØ des droits de l’homme, dans ses conclusions finales
sur le rapport pØriodique soumis par Israºl en 1998 en application du pacte, a fait observer :

«10. ... le ComitØ souligne que l’applicabilitØ des rŁgles du droit humanitaire ne
fait pas obstacle en soi à l’application du pacte ni à la responsabilitØ que doit assumer
l’Etat, en vertu du paragraphe 1 de l’artic le 2 du pacte, pour les actes accomplis par
ses autoritØs. Le ComitØ estime donc que , vu les circonstances, le pacte doit Œtre

considØrØ comme applicable aux territoires occupØs et aux zones du Sud Liban et de la
Bekaa occidentale qui sont sous le contrôle effectif d’Israºl...» (NationsUnies,
doc. CCPR/C/79/Add.93, 18 aoßt 1998; les italiques sont de nous.)

5.176. Dans son rapport de 2002, le rapporteur spØcial sur la question de la violation des
droits de l’homme dans les territoires arabes occup Øs, M. John Dugard, a examinØ les liens entre le
droit international humanitaire et le droit relatif aux droits de l’homme. Se rØfØrant à l’article 27 de

la quatriŁme convention de Ge nŁve, qui oblige la puissance occupante à respecter les droits
fondamentaux des personnes protØgØes, il a relevØ :

«Les «droits de la personnalitØ» ont ØtØ proclamØs, dØcrits et interprØtØs dans de

nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier
dans les deux pactes de1966: le pacte inte rnational relatif aux droits civils et
politiques et le pacte international relatif a ux droits Øconomiques, sociaux et culturels,
ainsi que dans la jurisprudence des organes chargØs d’en surveiller l’application. Ces

instruments de dØfense des droits de l’homme complŁtent donc la quatriŁme
convention de GenŁve en dØfinissant les dro its protØgØs par l’article 27 et en Ønonçant
la teneur de ces droits. Cela est confirmØ par de multiples rØsolutions de
l’AssemblØegØnØrale.» (Rapport du rapporte ur spØcial de la Commission des droits

de l’homme, M. John Dugard, sur la situ ation des droits de l’homme dans
les territoires palestiniens occupØs pa r Israºl depuis 1967, Nations Unies,
docE. /CN.4/2002/32, 6 mars 2002, par. 9; voir Øgalement Nations Unies,
doc. E/CN.4/2004/6, 8 septembre 2003, par. 2.) - 64 -

c) L’incidence du mur sur les droits de l’homme : dispositions conventionnelles pertinentes

5.177. Comme indiquØ plus haut, Israºl est partie aux conventions internationales de
protection des droits de l’homme. La liste de di spositions pertinentes qui suit, forcØment donnØe à
titre d’illustration, n’est pas exhaustive, en raison des difficultØs Øvidentes à obtenir des
renseignements sur l’ampleur et les consØquences du mur. La sØlection ci-aprŁs a pu nØanmoins

Œtre Øtablie à la lumiŁre des rapports et projections publiØs.

5.178. Lorsqu’il a analysØ en novembre2003 les rØpercussions constatØes et probables du

mur à partir d’informations publiØes par le Gouvern ement israØlien, le bureau de la coordination
des affaires humanitaires de l’ONU a relevØ que le mur ne suivait la Ligne verte que sur 11 % de sa
longueur, et que son itinØraire projetØ s’enf onçait parfois loin (jusqu’à une distance de
22kilomŁtres) à l’intØrieur de la Cisjordanie. Environ 14,5% (soit 85000hectares) de la

Cisjordanie (hors JØrusalem-Est) se retrouveront ainsi entre le mur et la Ligne verte. Ces terres,
parmi les plus fertiles de la Cisjordanie, sont habitØes par plus de deux cent soixante-quatorze
mille Palestiniens, rØpartis dans cent vint-deuxvilles et villages. Ils vivront dØsormais soit dans
des zones fermØes entre la Ligne verte et le mur, soit dans des enclaves totalement encerclØes par

celui-ci. Se trouveront Øgalement sur ce territoire situØ entre le mur et la Ligne verte
cinquante-quatre colonies israØliennes, comptant environ cent quarante deux mille colons israØliens
(36% des colons de Cisjordanie) (voir OCHA, «New Wall Projections», territoires palestiniens
occupØs, 9novembre2003; voir Øgalement UNRWA, rapports sur la barriŁre de la Cisjordanie,

«Etude d’une ville, les incidences de la barriŁre de JØrusalem», janvier 2004).

5.179. Plus de quatrecentmillePalestiniens vivant à l’est du mur devront le franchir pour

avoir accŁs à leur exploitation agricole, à leur em ploi ou aux services; ce ux qui vivent dans une
enclave ou une zone fermØe devront franchir le mur pour accØder aux marchØs, aux Øcoles et aux
hôpitaux, ou pour garder des liens avec leur famille. Le SecrØtaire gØnØral relŁve dans son rapport
du 24 novembre 2003 que, à l’heure actuelle, le mur a «coupØ trente localitØs des services de santØ,

vingt-deux des Øtablissements scolaires, huit des sources primaires d’eau et trois du rØseau
Ølectrique» (par.23). La ville de Qalqiliya est to talement encerclØe, le seu l point d’entrØe et de
sortie Øtant contrôlØ par un barrage militaire israØlien, isolant ainsi la ville de pratiquement toutes
ses terres agricoles tandis que les villages environn ants sont sØparØs de ses marchØs et services

(par.24). Selon l’estimation de l’OCHA, environ six cent quatre-vingt millePalestiniens, soit
30 % de la population de la Cisjordanie, seront directement touchØs par le mur.

Non-discrimination

5.180. Aux termes de la convention internati onale sur l’Ølimination de toutes les formes de
discrimination raciale de1966, qu’Israºl a ratifiØe le 2fØvrier1979 sans y formuler de rØserve

pertinente aux fins de la prØsente procØdure consultative,

«Article I

1. Dans la prØsente convention, l’expression «discrimination raciale» vise toute

distinction, exclusion, restriction ou pr ØfØrence fondØe sur la race, la couleur,
l’ascendance ou l’origine nationale ou ethni que, qui a pour but ou pour effet de
dØtruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des

conditions d’ØgalitØ, des droits de l’homme et des libertØs fondamentales dans les
domaines politique, Øconomique, social et cultu rel ou dans tout autre domaine de la
vie publique. - 65 -

2. La prØsente convention ne s’appli que pas aux distinctions, exclusions,
restrictions ou prØfØrences Øtablies par un Etat partie à la convention selon qu’il s’agit

de ses ressortissants ou de non-ressortissants.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 3

Les Etats parties condamnent spØcialemen t la sØgrØgation raciale et l’apartheid
et s’engagent à prØvenir, à interdire et à Øliminer sur les territoires relevant de leur

juridiction toutes les pratiques de cette nature...

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 5

ConformØment aux obligations fondame ntales ØnoncØes à l’article2 de la
prØsente convention, les Etats parties s’engagent à interdire et à Øliminer la
discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à l’ØgalitØ

devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique,
notamment dans la jouissance des droits suivants...»

5.181. Aux termes du pacte international re latif aux droits civils et politiques de1966,
qu’Israºl a ratifiØ le 3 janvier 1992 sans y formuler de rØserve pertinente en l’espŁce,

«Article 2

1. Les Etats parties au prØsent pacte s’e ngagent à respecter et à garantir à tous
les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compØtence les droits
reconnus dans le prØsent pacte, sans dis tinction aucune, notamment de race, de

couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion,
d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 16

Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalitØ juridique.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 26

Toutes les personnes sont Øgales devant la loi et ont droit sans discrimination à
une Øgale protection de la loi. A cet Øgard, la loi doit interdire toute discrimination et
garantir à toutes les personnes une protection Øgale et efficace contre toute
discrimination, notamment de race, de c ouleur, de sexe, de langue, de religion,

d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance ou de toute autre situation.» - 66 -

5.182. Aux termes du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels

de 1966, qu’Israºl a ratifiØ le 3 janvier 1992 sans y formuler de rØserve pertinente en l’espŁce,

«Article 2

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. Les Etats parties au prØsent pacte s’engagent à garantir que les droits qui y
sont ØnoncØs seront exercØs sans discrimination aucune fondØe sur la race, la couleur,
le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine

nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.»

5.183. Aux termes de la convention relative aux droits de l’enfant de1989, qu’Israºl a

ratifiØe le 2 novembre 1991 sans y formuler de rØserve pertinente en l’espŁce,

«Article 2

«1. Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont ØnoncØs dans la
prØsente convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans
distinction aucune, indØpendamment de toute considØration de race, de couleur, de
sexe, de langue, de religion, d’opinion politiq ue ou autre de l’enfant ou de ses parents

ou reprØsentants lØgaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur
situation de fortune, de leur incapacitØ, de leur naissance ou de toute autre situation.

2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriØes pour que l’enfant

soit effectivement protØgØ contre toutes formes de discrimination ou de sanction
motivØes par la situation juridique, les activitØs, les opinions dØclarØes ou les
convictions de ses parents, de ses reprØsentants lØgaux ou des membres de sa famille.»

5.184. Les discriminations dont font l’objet les Palestiniens rØsidant dans les zones entourØes
de murs sont dØcrites plus loin. En outre, la Commission Øconomique et sociale pour l’Asie
occidentale estime que, dans l’ensemble du Territoire palestinien occupØ, les modalitØs d’utilisation

de la terre par l’armØe et les colons israØliens s’accompagnent d’une «grave discrimination» à
l’Øgard des Palestiniens pour ce qui est de l’accŁ s à l’eau (voir Conseil Øconomique et social,
«Rapport Øtabli par la Commission Øconomique et sociale pour l’Asie occidentale sur les
rØpercussions Øconomiques et soci ales de l’occupation israØlienne sur les conditions de vie du

peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem, et de la population
arabe du Golan syrien occupØ», Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21, 12 juin 2003, par. 39).

Proportionnalité

5.185. L’article 4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques est ainsi libellØ :

«Article 4

1. Dans le cas oø un danger public ex ceptionnel menace l’existence de la nation
et est proclamØ par un acte officiel, les Etats parties au prØsent pacte peuvent prendre,
dans la stricte mesure oø la situation l’ex ige, des mesures dØrogeant aux obligations

prØvues dans le prØsent pacte, sous rØserve que ces mesures ne soient pas
incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et
qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondØe uniquement sur la race, la couleur,
le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. - 67 -

2. La disposition prØcØdente n’autorise aucune dØrogation aux articles 6, 7, 8
(par. 1 et 2), 11, 15, 16 et 18.

3. Les Etats parties au prØsent pacte qu i usent du droit de dØrogation doivent,
par l’entremise du SecrØtaire gØnØral de l’Organisation des NationsUnies, signaler
aussitôt aux autres Etats parties les dispositi ons auxquelles ils ont dØrogØ ainsi que les

motifs qui ont provoquØ cette dØrogation. Une nouvelle communication sera faite par
la mŒme entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dØrogations.»

5.186. L’article4 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
est ainsi libellØ :

«Article 4

Les Etats parties au prØsent pacte re connaissent que, dans la jouissance des
droits assurØs par l’Etat conformØment au prØsent pacte, l’Etat ne peut soumettre ces
droits qu’aux limitations Øtablies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la
nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-Œtre gØnØral dans une

sociØtØ dØmocratique.»

5.187. La rŁgle de la proportionnalitØ est Øgalement inhØrente aux principes ØnoncØs dans les

instruments rØgissant le droit international humanitaire, notamment la distinction entre combattants
et non-combattants et le caractŁre limitØ du choix d es moyens. Le paragraphe 3 de l’article 57 du
protocole additionnelI à la quatriŁme convention de GenŁve donne une illust ration de cette rŁgle
dans un contexte particulier : «Lorsque le choix est possible entre plusieurs objectifs militaires pour

obtenir un avantage militaire Øquivalent, ce choix doit porter sur l’objectif dont on peut penser que
l’attaque prØsente le moins de danger pour les pe rsonnes civiles ou pour les biens de caractŁre
civil.»

5.188. En outre, l’alinØa a) du paragraphe 2 de l’article 57 de ce mŒme texte impose à ceux
qui prØparent ou dØcident une attaque de «prendr e toutes les prØcautions pratiquement possibles»
quant au choix des moyens et mØthodes d’attaque en vue d’Øviter et, en tout cas, de rØduire au

minimum les pertes en vies humaines dans la population civile.

5.189. En vertu du principe Øquivalent que l’on retrouve en droit international des droits de

l’homme, comme le montrent les extraits ci-dessus des conventions applicables, les restrictions à
l’exercice de ces droits doivent, dans le cadre d’une sociØtØ dØmocratique, Œtre licites et
nØcessaires. Dans une situation de danger public, un Etat ne peut prendre de mesures d’exception
que «dans la stricte mesure oø la situation l’ exige», sans manquer aux obligations dont il est tenu

en vertu du droit international, et sous rØserve que ces mesures ne soient pas discriminatoires.

5.190. D’autres solutions que le mur, qui pe rmettraient une protection efficace contre les

attaques terroristes tout en rØduisant au minimum les violations des droits de l’homme et du droit
humanitaire international, ne semblent pas avoi r ØtØ envisagØes. Un manque de considØration
similaire paraît avoir guidØ le choix du tracØ (voir B’tselem, «Behind the Barrier: Human Rights
Violations as a Result of Israel’s Separation Barrier», JØrusalem, mars 2003, p. 26-27 et 29-30). - 68 -

Liberté de circulation et droit de ne pas être déplacé

5.191. Aux termes de l’article 12 du pacte international relatif aux droits civils et politiques,

«Article 12

1. Quiconque se trouve lØgalement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y
circuler librement et d’y choisir librement sa rØsidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

3. Les droits mentionnØs ci-dessus ne peuvent Œtre l’objet de restrictions que si

celles-ci sont prØvues par la loi, nØcessaires pour protØger la sØcuritØ nationale, l’ordre
public, la santØ ou la moralitØ publiques, ou les droits et libertØs d’autrui, et
compatibles avec les autres droits reconnus par le prØsent pacte.

4. Nul ne peut Œtre arbitrairement privØ du droit d’entrer dans son propre pays.»

5.192. MŒme si ce droit est affirmØ à l’Øgard de l’«Etat», et si les territoires palestiniens
restent placØs sous l’occupation d’Israºl, nous estimons que le principe fondamental de la libertØ de
circulation n’en demeure pas moins applicable, compte tenu notamment de ce que la rØalisation des
autres droits protØgØs ne peut intervenir sans cette libertØ.

5.193. Les informations donnØes par le Gouve rnement israØlien sur les futures «portes
d’accŁs» sont rares, voire inexistantes (rapport du S ecrØtaire gØnØral, par. 27; rapport de la mission
o
humanitaire, mise à jour n 1, par. 6). Pour ce qui est des portes existantes, les heures d’ouverture
sont «irrØguliŁres» et les procØdures «arbitraires» (rapport de la mission humanitaire, mise à jour
n 3, par. 12 et 18 à 29).

5.194. Les Forces de dØfense israØliennes, quant à elles, ont adoptØ le 2octobre2003 des
ordonnances militaires imposant aux personnes rØsida nt actuellement dans la «zone fermØe» des

districts de DjØnine, Qalqiliya et Tulkarem de demander un permis pour continuer d’y vivre. Dans
le mŒme temps, ces forces ont ouvert le secteur à la colonisation ØtrangŁre, en soustrayant les
citoyens et rØsidents israØliens, ainsi que les personnes ayant le droit d’Ømigrer en Israºl en vertu de

la loi du retour, au systŁme du permis (voir Forces deodØfense israØliennes, ordonnance relative aux
consignes de sØcuritØ (JudØe et Samarie) (n 378), dØclaration1970 portant fermeture du
secteurs/2/03 (zone de jointure). Sur les «zones militaires fermØes», voir rapport de la mission
humanitaire, par. 16; rapport de la mission humanitaire, mise à jour n 3, par. 45 à 49.

5.195. Les restrictions à la libertØ de ci rculation sont imposØes non seulement pour des
raisons de sØcuritØ, mais aussi à titre de sanction collective: dŁs lors qu’un permis est requis, la

procØdure «donne lieu à des actes rØpØtØs d’intimid ation contre les rØsidents et se fonde sur des
critŁres arbitraires» (voir B’tselem, «Behind the Barrier: Human Rights Violations as a Result of
Israel’s Separation Barrier», JØrusalem, mars 2003, p. 13 et 14).

5.196. Le risque que des familles coupØes de leurs sources de revenus et des services soient
forcØes d’Ømigrer à l’est de la Cisjordanie, voire peut-Œtre au-delà, dans d’autres Etats, a suscitØ

certaines inquiØtudes (voir Humanitarian Mission Report , par. 8 et 28, annexe II, par. II 21-II-22; - 69 -

Humanitarian Mission Report , update n 1, par.26 à44, «Impact of the Barrier on Population
Migration»; voir aussi le rapport Dugard, au pa ragraphe10: le mur «va ainsi provoquer de

nouvelles vagues de rØfugiØs ou de personnes dØplacØes»).

5.197. Pour reprendre les termes du bureau de la coordination des affaires humanitaires, «si

les ordonnances militaires qui restreignent l’entrØe dans les zones fermØes entre la Ligne verte et le
mur s’appliquent aux nouveaux tronç ons du mur, alors plusieurs milliers de Palestiniens risquent
d’Œtre contraints de quitter leur terre et leurs fo yers» (ONU, bureau de la coordination des affaires
humanitaires, Territoires palestiniens occupØs, «New Wall Projections», 9 novembre 2003, p. 3).

5.198. Quoi qu’il en soit, le droit de ci rculer librement suppose Øgalement celui de ne pas
Œtre dØplacØ, de ne pas devenir un rØfugiØ. Ai nsi l’article13 de la DØclaration universelle des
droits de l’homme Ønonce-t-il que

«1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa rØsidence à
l’intØrieur d’un Etat.

2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir
dans son pays.»

5.199. S’il est vrai que «toute personne a le dro it de chercher asile et de bØnØficier de l’asile
en d’autres pays» (DØclaration universelle des droits de l’homme, art.14, par.1), nul ne devrait
Œtre contraint à le faire.

5.200. En1997, une sØrie de principes dir ecteurs relatifs au dØplacement de personnes à
l’intØrieur de leur propre pays a ØtØ ØnoncØe dans un additif au «rapport du reprØsentant du
SecrØtaire gØnØral, M.Francis M.Deng, prØsen tØ conformØment à la rØsolution1997/39 de la

Commission des droits de l’homme» (Nations Unies, doc. E/CN.4/1998/53/Add.2). Depuis lors, la
Commission des droits de l’homme a pris acte de ces principes, l’AssemblØegØnØrale s’y est
rØfØrØe à plusieurs occasions et certains organes de l’ONU, dont le bureau de la coordination des
affaires humanitaires, les ont largement diffusØs. Bien qu’ils n’aient pas formellement force

obligatoire, ces principes s’inspirent des rŁgles en vigueur en matiŁre de droit international
humanitaire et de droit des droits de l’homme. Le s principes 5 et 6 visent la protection contre les
dØplacements :

«Principe 5

Toutes les autoritØs et tous les membres concernØs de la communautØ
internationale respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit

international, notamment les droits de l’ho mme et le droit humanitaire, et les font
respecter en toutes circonstances de façon à prØvenir et Øviter les situations de nature à
entraîner des dØplacements de personnes.

Principe 6

1. Chaque Œtre humain a le droit d’Œtre protØgØ contre un dØplacement arbitraire
de son foyer ou de son lieu de rØsidence habituel.

2. L’interdiction des dØplacements arbitraires s’applique aux dØplacements : - 70 -

a) qui sont la consØquence de politiques d’ apartheid, de politiques de «nettoyage
ethnique» ou de pratiques similaires dont l’objectif ou la rØsultante est la

modification de la composition ethnique, religieuse ou raciale de la population
touchØe;

b) qui interviennent dans des situations de conflit armØ, sauf dans les cas oø la

sØcuritØ des personnes civiles ou des raisons militaires impØratives l’exigent;

c) qui se produisent dans le contexte de pr ojets de dØveloppement de vaste envergure
qui ne sont pas justifiØs par des cons idØrations impØrieuses liØes à l’intØrŒt

supØrieur du public;

d) qui sont opØrØs en cas de catastrophe, à moins que la sØcuritØ et la santØ des
personnes concernØes n’exigent leur Øvacuation; et

e) qui sont utilisØs comme un moyen de punition collective.

3. Le dØplacement ne doit pas durer plus longtemps que ne l’exigent les
circonstances.»

5.201. Le fait que le droit de chercher asile soit «protØgØ» ne signifie pas que l’Etat qui
contrôle effectivement le territoire ait tout e libertØ ou tout pouvoir discrØtionnaire soit pour

expulser ou dØplacer la population locale, soit pour cr Øer sur le terrain des conditions qui risquent
vraisemblablement d’entraîner leur migration forcØe sur le plan interne ou externe. Le «droit de
rester» procŁde donc d’une protection suffisante et effective des droits fondamentaux des personnes
se trouvant sur le territoire et/ou re levant de l’autoritØ du souverain de jure ou de la puissance de

facto. Ainsi, aux termes du paragraphe1 de l’artic le2 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques,

«Les Etats parties au prØsent pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les

individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compØtence les droits
reconnus dans le prØsent pacte, sans dis tinction aucune, notamment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion,
d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.»

5.202. Le choix politique et les modalitØs des dØplacements rØsultant de la construction du
mur, analysØs dans le contexte historique et comp te tenu de la pratique sy stØmatique consistant à

procØder à des expropriations, à dØtruire des terres agricoles, vergers et oliveraies, à intØgrer des
terres palestiniennes au domaine de l’Etat, à s’opposer au retour des rØfugiØs, à aider et soutenir la
colonisation allochtone, permettent de conclure à l’existence de transferts forcØs permanents par
Israºl. Ces transferts ne relŁvent d’aucune exception prØvue par la quatriŁme convention de

GenŁve.

5.203. Par ailleurs, en droit international, les expulsions et transferts engagent la

responsabilitØ pØnale des personnes qui en sont les au teurs. En vertu de son statut adoptØ par le
Conseil de sØcuritØ dans sa rØsolution 827 (19 93) du 25 mai 1993 (modifiØe par sa rØsolution 1166
(1998) du 13 mai 1998), le Tribunal pØnal interna tional pour l’ex-Yougoslavie est «habilitØ à juger
les personnes prØsumØes responsables de viola tions graves du droit in ternational humanitaire

commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991». L’article5 de ce statut traite de la
rØpression des crimes contre l’humanitØ de la maniŁre suivante : - 71 -

«Le Tribunal international est hab ilitØ à juger les personnes prØsumØes
responsables des crimes suivants lorsqu’ils ont ØtØ commis au cours d’un conflit armØ,

de caractŁre international ou interne, et dirigØs contre une population civile quelle
qu’elle soit :

a) assassinat;

b) extermination;
c) rØductionenesclavage;
d) expulsion;
e) emprisonnement;

f) torture;
g) viol;
h) persØcutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses;
i) autres actes inhumains.»

5.204. Dans son arrŒt du 17 septembre 2003, la chambre d’appel en l’affaire Le Procureur c.
Milorad Krnojelac a dit :

«218. La chambre d’appel considŁre que les actes de dØplacement forcØ
sous-jacents au crime de persØcution sanctionnØ par l’article 5 h) du statut ne sont pas
limitØs à des dØplacements effectuØs au-delà d’une frontiŁre nationale. La prohibition

des dØplacements forcØs vise à garantir le dr oit et l’aspiration des individus à vivre
dans leur communautØ et leur foyer sans ingØrence extØrieure. C’est le caractŁre forcØ
du dØplacement et le dØracinement forcØ des ha bitants d’un territoire qui entraînent la
responsabilitØ pØnale de celui qui le commet, et non pas la destination vers laquelle

ces habitants sont envoyØs.»

5.205. La chambre d’appel a examinØ l’article 49 de la quatriŁme convention de GenŁve,

l’article 85 de son protocole additionnel I et l’artic le 17 de son protocole II, avant de conclure que
«[l]es conventions de GenŁve et leurs protocoles additionnels interdisent les dØplacements forcØs,
que ce soit dans le cadre d’un conflit armØ interne ou international» (par. 220).

«221. ... Le Conseil de sØcuritØ Øtait ... particuliŁrement prØoccupØ par les actes
de nettoyage ethnique et souhaitait confØrer au Tribunal la compØtence pour en juger,
qu’ils aient ØtØ commis au cours d’un conflit armØ inte rne ou international. Les
dØplacements forcØs, pris sØparØment ou cumulativement, peuvent constituer un crime

de persØcutions de mŒme gravitØ que d’autres crimes ØnumØrØs à l’article 5 du statut.
Cette analyse est Øgalement consacrØe par la pratique rØcente des Etats, telle
qu’exprimØe dans le statut de Rome, qui prØvoit que les dØplacements aussi bien à
l’intØrieur d’un Etat qu’au-delà des frontiŁ res nationales peuvent constituer un crime

contre l’humanitØ et un crime de guerre.»

5.206. La chambre d’appel en a conclu que

«222.…les dØplacements à l’intØrieur d’un pays ou au-delà d’une frontiŁre
nationale, commis pour des motifs que n’autorise pas le droit international, sont des
crimes sanctionnØs en droit international coutumier et que ces actes, s’ils sont commis

avec l’intention discriminatoire requise, sont constitutifs du crime de persØcutions visØ
à l’article 5 h) du statut... - 72 -

223....à l’Øpoque du conflit en ex-Yougoslavie [c’est-à-dire au dØbut des

annØes 90], les dØplacements aussi bien à l’intØrieur d’un Etat qu’au-delà d’une
frontiŁre nationale Øtaient considØrØs comme constitutifs de crimes en droit
international coutumier».

5.207. Les ØlØments constitutifs du crime de dØplacement forcØ ont ØtØ prØcisØs par la
chambre de premiŁre instanceI dans le jugeme nt qu’elle a rendu le 17octobre2003 en l’affaire
Simic et al. «Bosanski Samac ». Selon cette chambre, «le dØ placement de personnes n’est illicite
que s’il se fait de force, c’est-à-dire pas volontairement» (par. 125). Toutefois, elle poursuit :

«125.…Le terme «de force» ne se limite pas à la force physique et peut
comprendre la «menace de la force ou la coercition, par exemple menaces de violence,
contrainte, dØtention, pressions psychologiqu es, abus de pouvoir, ou bien à la faveur

d’un climat coercitif.» L’ØlØment essentie l rØside dans la nature involontaire du
dØplacement, dans le fait que «les personnes concernØes n’avaient pas de vØritable
choix». En d’autres termes, un civil est involontairement dØplacØ s’il «n’a pas

vØritablement eu le choix entre partir ou rester dans la zone...»

126. La chambre de premiŁre instance estime que, pour chercher à savoir si le
dØplacement d’une personne Øtait volontaire ou non, elle devrait examiner, au-delà des
apparences, toutes les circonstances dans lesquelles la personne a ØtØ dØplacØe, afin de

dØterminer ce que cette pers onne voulait rØellement… L’absence de choix rØel peut
Œtre dØduite notamment des actes de menace et d’intimidation qui ont pour objet
d’empŒcher la population d’exercer son libre choix, par exemple en bombardant des

objets civils, en incendiant des biens civils ou en commettant- ou en menaçant de
commettre d’autres crimes visant «à terrifier la population et à lui faire quitter le
secteur sans espoir de retour…»

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

...30. [L]a chambre de premiŁre instance constate que, parmi les principes
juridiques protØgØs par l’expulsion et le tran sfert de force, il y a le droit qu’a la

victime de rester au sein de son foyer ou de sa communautØ et le droit de ne pas Œtre
privØe de ses biens en Øtant dØplacØe de for ce à un autre endroit. Aussi la chambre
conclut-t-elle que le lieu vers lequel la victime est dØplacØe de force est suffisamment

ØloignØ si la victime est empŒchØe d’exercer ces droits» (citations omises [traduction
du Greffe]).

5.208. En outre, dans l’affaire Stakic, la chambre de premiŁre instance a ØcartØ l’argument
selon lequel le dØplacement doit se faire vers une d estination particuliŁre pour qu’il y ait expulsion
ou transfert illicite :

«677. Les intØrŒts protØgØs par la prohi bition de la dØportation sont le droit et
l’aspiration des individus à demeurer dans leurs foyers et dans leur communautØ sans
ingØrence de la part d’un agresseur venu de le ur propre Etat ou d’un Etat Øtranger. La
chambre de premiŁre instance estime donc que c’est l’ØlØment matØriel du

dØplacement forcØ ou plutôt du dØracinement d’individus du territoire et de
l’environnement oø ils se trouvent lØgalement, souvent depuis des dØcennies, voire des
gØnØrations, qui est source de responsabilitØ pØnale, et non la destination vers laquelle
ils sont envoyØs...

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - 73 -

681. ... Tout dØplacement forcØ implique l’abandon du foyer, la perte de biens
et le fait d’Œtre dØplacØ sous la contrainte en un autre lieu. L’interdiction de la

dØportation vise par essence à garantir lØgalement les civils contre les dØplacements
forcØs lors d’un conflit armØ et contre le dØracinement et la destruction de leur
communautØ par un agresseur ou une puissance oc cupant le territoire dans lequel ils
habitent.»

5.209. Selon les mots de la chambre de premiŁre instance en l’affaire Simic, l’expulsion et le
transfert de force sont Øtroitement liØs à la noti on de «nettoyage ethnique» (par. 133), un crime en

droit international coutumier, dont les effets ont par ailleurs ØtØ condamn Øs par le Conseil de
sØcuritØ: voir par exemple sa rØsolution819 (19 93), adoptØe le16 avril1993, dans laquelle le
Conseil, au paragraphe 5 du dispositif, « réaffirme que toute prise ou acquisition de territoire par la
menace ou l’emploi de la force, notamment par la pratique du «nettoyage ethnique», est illØgale et

inacceptable», puis, au paragraphe7, « réaffirme sa condamnation de toutes les violations du droit
humanitaire international, et plusparticuliŁrement de la pratique du«nettoyage ethnique et rØaffirme
que ceux qui commettent ou ordonnent de commettre de tels actes en seront tenus individuellement
responsables...».

Le droit à l’alimentation

5.210. L’article 11 du pacte international rela tif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
se lit :

«Article 11

1. Les Etats parties au prØsent pacte reconnaissent le droit de toute personne à
un niveau de vie suffisant pour elle-mŒme et sa famille, y compris une nourriture, un
vŒtement et un logement suffisants, ains i qu’à une amØlioration constante de ses
conditions d’existence. Les Etats prendr ont des mesures appropriØes pour assurer la

rØalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une
coopØration internationale librement consentie…»

5.211. L’article 27 de la convention relative aux droits de l’enfant se lit :

«Article 27

1. Les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie
suffisant pour permettre son dØveloppemen t physique, mental, spirituel, moral et
social…»

5.212. En application de l’article 55 la quatriŁme convention de GenŁve :

«Dans toute la mesure de ses moyens, la puissance occupante a le devoir
d’assurer l’approvisionnement de la population en vivres et en produits mØdicaux; elle

devra notamment importer les vivres, les fournitures mØdicales et tout autre article
nØcessaire lorsque les ressources du territoire occupØ seront insuffisantes.»

Si cela n’est pas possible, la puissance occupant e doit autoriser l’intervention des organisations

humanitaires (articles 23 et 59 de la quatriŁme convention de GenŁve). - 74 -

5.213. Le rapporteur spØcial sur le droit à l’ alimentation, M.JeanZiegler, a constatØ que,
«bien que le Gouvernement israØlien, en tant que puissance occupante dans les territoires ait

l’obligation juridique en vertu du droit interna tional d’assurer le droit à l’alimentation de la
population civile, il ne s’acquitte pas de cette ob ligation». De plus, «la confiscation et la
destruction continues des ressources palestinie nnes en eau et en terre…contribuent à la
dØpossession progressive du peuple palestinien». Sans mettre en cause les besoins d’Israºl en

matiŁre de sØcuritØ, le rapporteur spØcial aestimØ que les mesures de sØcu ritØ actuelles Øtaient
«totalement dØmesurØes et allaient à l’encontre du but recherchØ car elles causaient la faim et la
malnutrition parmi les civils palestiniens …d’une maniŁre qui reprØsentait un châtiment
collectif…» (Commission des droits de l’homme, «Le droit à l’alimentation», rapport du rapporteur

spØcial, JeanZiegler, additif, «Mission dans les te rritoires palestiniens occupØs», NationsUnies,
doc. E/CN.4/2004/10/Add.2, 31 octobre 2003, par. 38 et 39).

5.214. Les violations du droit à l’alimen tation rØsultent 1)du niveau sans prØcØdent des
restrictions à la libertØ de circuler; en outre l’impossibilitØ pour les Palestiniens de nourrir leurs
familles porte atteinte à leur dignitØ humaine , situation souvent exacerbØe par des actes de
harcŁlement et d’humiliation aux postes de contrôle («Le droit à l’alimentation», par. 11, 42 et 43;

voir aussi le rapport Dugard : «Les rØcits de gro ssiŁretØs, d’humiliations et de brutalitØs subies aux
postes de contrôle ne se comptent plus» (par. 17)); les postes de contrôle internes «ne protŁgent pas
les colonies de peuplement qui le sont dØjà bien pa r les Forces de dØfense israØliennes. En fait, ils
limitent les Øchanges commerciaux à l’intØrieur des territoires palestiniens occupØs et restreignent

les possibilitØs de circulation de toute la population de village à village ou de ville à ville. Ils
doivent donc Œtre considØrØs comme une forme de châtiment collectif» (par.19); 2)de
l’expropriation et de la confisca tion de «vastes superficies» de terres agricoles et de sources d’eau
(«Le droit à l’alimentation», par.16, 44-48); et 3)des restrictions imposØes à l’acheminement de

l’aide humanitaire («Le droit à l’alimentation», par. 20).

5.215. Si la puissance occupante peut prendre les mesures qu’exige sa propre sØcuritØ, ces

mesures doivent Œtre absolument nØcessaires et proportionnØes et ne doivent pas l’empŒcher de
s’acquitter de ses obligations. La construction du mur ne l’exonŁre en aucune maniŁre de ses
responsabilitØs.

Moyens de subsistance

5.216. L’article6 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels

se lit :

«Article 6

1. Les Etats parties au prØsent pacte r econnaissent le droit au travail, qui
comprend le droit de toute personne d’obten ir la possibilitØ de gagner sa vie par un
travail librement choisi ou acceptØ, et prendront des mesures appropriØes pour
sauvegarder ce droit…»

5.217. ConformØment à l’article52 de la qua triŁme convention de GenŁve: «Toute mesure
tendant à provoquer le chômage ou à restreindre les possibilitØs de travail des travailleurs d’un pays
occupØ, en vue de les amener à travailler pour la puissance occupante, est interdite.»

5.218. La construction du mur elle-mŒme a de s effets directs sur les populations locales.
Dans le premier rapport complØmentaire, il est dit à ce propos que, dans le nord du gouvernorat de

DjØnine, les consØquences Øconomiques de l’Ødification de la barriŁre sont pour l’essentiel - 75 -

imputables à l’intensification des mesures de bouc lage externe. A moins que des points d’accŁs
bien administrØs n’en attØnuent les effets, «les perspectives d’emploi en Israºl des Palestiniens de

cette zone de Cisjordanie resteront quasi-inexistantes» et les affaires continueront de pØricliter. La
pauvretØ s’est beaucoup aggravØe en2002-2003 (voi r rapport de la mission humanitaire, par.20;
premier rapport complØmentaire, 31 juillet 2003, par2 . 1; groupe de la Banque mondiale,
«Twenty-Seven Months Intifada, Closures and Palestinian Economic Crisis: An Assessment»,

avril-juin 2003).

5.219. Les ØlØments rØunis jusqu’ici sur l es incidences Øconomiques du systŁme de bouclage

suffisent amplement à tirer des conclusions quant aux consØquences effectives et probables du mur,
notamment sur le revenu rØel par habitant.

Droits de la famille et droits sociaux

5.220. L’article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques se lit :

«Article 23

1.La famille est l’ØlØment naturel et fo ndamental de la sociØtØ et a droit à la
protection de la sociØtØ et de l’Etat.»

5.221. L’article 17 se lit :

«Article 17

1. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illØgales dans sa vie privØe, sa
famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illØgales à son honneur et à
sa rØputation.

2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou
de telles atteintes.»

5.222. A propos des incidences de la constr uction du mur à JØrusalem, il est dit dans le
deuxiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire :

«Les tronçons existants de la barriŁre de sØparation du secteur de JØrusalem et

les terres qui ont ØtØ rØquisitionnØes pour le ur construction se trouvent sur la Ligne
verte et, par endroits, hors des limites de la municipalitØ israØlienne de JØrusalem. La
sØparation de familles et de collectivitØs palestiniennes est donc inØvitable, frappant
parfois les habitants d’un mŒme village ou les membres d’une mŒme famille. La

barriŁre va sØparer les enfants de leur Øcole, les femmes des cliniques obstØtricales
modernes, les travailleurs de leur lieu de tr avail et les populations de leur cimetiŁre.
On a dØjà observØ un dØplacement de populat ion imputable à la construction de la

barriŁre.» (DeuxiŁme rapport complØme ntaire de la mission humanitaire,
30septembre2003, par8 . ; ainsi qu’il a ØtØ notØ dans le troisiŁme rapport
complØmentaire, «aucun permis n’est dØliv rØ pour raisons personnelles»: troisiŁme
rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 37.) - 76 -

Services sanitaires et médicaux

5.223. L’article 12 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
se lit :

«Article12

1. Les Etats parties au prØsent pacte re connaissent le droit qu’a toute personne
de jouir du meilleur Øtat de santØ physique et mentale qu’elle soit capable
d’atteindre…»

5.224. L’article 24 de la convention relative aux droits de l’enfant se lit :

«Article 24

1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur Øtat de
santØ possible et de bØnØficier des services mØdicaux et de rØØducation. Ils s’efforcent

de garantir qu’aucun enfant ne soit privØ du droit d’avoir accŁs à ces services…»

5.225. De l’avis de la Commission Øconomique et sociale pour l’Asie occidentale, du fait des
bouclages et des couvre-feux, les centres de santØ pa lestiniens ne fonctionne nt qu’à 30% de leur

capacitØ et, presque tous les jours, 75 % des agents des services de santØ de l’UNRWA «ne peuvent
pas arriver à leur lieu de travail» (Conseil Øc onomique et social, «Rapport de la Commission
Øconomique et sociale pour l’Asie occidentale sur les rØpercussions Øc onomiques et sociales de

l’occupation israØlienne sur les conditions de vi e du peuple palestinie n dans le Territoire
palestinien occupØ, y compris JØrusalem, et de la population arabe du Golan syrien occupØ»,
Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21, 12 juin 2003, par. 48 et 49).

Education

5.226. L’article 13 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
se lit :

«Article 13

1. Les Etats parties au prØsent pacte reconnaissent le droit de toute personne à

l’Øducation. Ils conviennent que l’Øducati on doit viser au plein Øpanouissement de la
personnalitØ humaine et du sens de sa dignitØ et renforcer respect des droits de
l’homme et des libertØs fondamentales. Ils conviennent en outre que l’Øducation doit
mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une sociØtØ libre, favoriser

la comprØhension, la tolØrance et l’amitiØ entre toutes les nations et tous les groupes
raciaux, ethniques ou religieux et encourager le dØveloppement des activitØs des
Nations Unies pour le maintien de la paix…»

5.227. Dans son rapport de ja nvier 2004 sur les consØquences de la barriŁre de sØcuritØ de
JØrusalem, l’Office des secours et des travaux des Nations Unies pour les rØfugiØs de Palestine au
Moyen-Orient (UNRWA) prØvoit que «les ØlŁves et les enseignants auront beaucoup de difficultØs

à se rendre «dans les Øcoles de l’UNRWA et de l’ AutoritØ palestinienne», et que «la possibilitØ
d’assister aux cours dispensØs dans les universitØs d’Al-Quds et de BirZeit se dØtØriorera
beaucoup» (UNRWA, Reports on the West Bank Barri er, «Town Profile: Impact of the Jerusalem
Barrier», janvier 2004). - 77 -

Autodétermination

5.228. L’article premier commun au pacte international relatif aux droits civils et politique et
au pacte international relatif aux droits Øcono miques, sociaux et culturels Ønonce le droit à
l’autodØtermination dans les termes suivants :

«1. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mŒmes. En vertu de ce droit,
ils dØterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
dØveloppement Øconomique, social et culturel.

2. Pour atteindre leurs fins, tous les pe uples peuvent disposer librement de leurs
richesses et de leurs ressources naturelles, sans prØjudice des obligations qui dØcoulent
de la coopØration Øconomique internationale, fondØe sur le principe de l’intØrŒt
mutuel, et du droit international. En auc un cas, un peuple ne pourra Œtre privØ de ses

propres moyens de subsistance.»

3. Les Etats parties au prØsent pacte, y compris ceux qui ont la responsabilitØ
d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de

faciliter la rØalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mŒmes, et de respecter ce
droit, conformØment aux dispositions de la Charte des Nations Unies.»

5.229. Globalement, la construction du mur, ajoutØe à l’ensemble des politiques et pratiques

d’implantation de colonies et de morcellement dØcr ites plus haut, entraînera vraisemblablement la
destruction du potentiel qui permettrait de crØer un Et at palestinien viable rØpondant à l’objectif de
la communautØ internationale, et constitue une violation du droit du peuple palestinien à

l’autodØtermination.

v) La puissance occupante n’a pas le droit d’édifier, dans le territoire occupé, un mur
qui porte atteinte gravement et de façon disproportionnée aux droits des habitants

dudit territoire à la propriété effective de leurs biens fonciers et immobiliers

5.230. La construction du mu r a deuxincidences majeures sur les droits des habitants des
territoires palestiniens occupØs, y compris JØrusalem-Est et son pourtour, de jouir de la propriØtØ

effective de leurs biens fonciers et immobiliers. PremiŁrement, les travaux de construction exigent
qu’une bande de terre, large de 50 à 70 mŁtres en moyenne, soit retirØe à leurs propriØtaires et mise
à la disposition des autoritØs d’occupation; deuxiŁmement, l’existence du mur empŒche les
populations rØsidant d’un côtØ du mur de s’occuper des biens qu’elles possŁdent de l’autre côtØ.

5.231. Ces incidences doivent Œtre ØvaluØes au regard du rŁglement de LaHaye et de la
quatriŁme convention de GenŁve, ainsi que des principes gØnØraux du droit international rØgissant

l’expropriation de biens.

5.232. ConformØment à l’article 23 g) du rŁglement de LaHaye «[il est] notamment

interdit … g) de dØtruire ou de saisir des propriØtØs ennemies, sauf les cas oø ces destructions ou
ces saisies seraient impØrieusement commandØes par les nØcessitØs de la guerre».

5.233. Si cette rŁgle s’applique en temps de guerre, elle s’applique à fortiori en temps

d’occupation; il n’est alors pas possible de l’invoquer pour justifier la confiscation ou la destruction
de biens par les autoritØs israØliennes, car l’occ upation n’a pas encore pris fin, et l’article en
question figure au chapitre 2 du rŁglement sous l’ intitulØ «Des hostilitØs». De plus, l’article 46 du

rŁglement de La Haye Øtablit que «la propriØtØ privØe … doit Œtre respectØe. La propriØtØ privØe ne - 78 -

peut pas Œtre confisquØe», et l’article56 sti pule que les biens des communes et de certains
Øtablissements consacrØs au culte, à la charitØ et aux arts doivent Œtre traitØs comme la propriØtØ

privØe, mŒme s’ils appartiennent à l’Etat.

5.234. L’article 52 du rŁglement de La Haye prØvoit en outre :

«Les rØquisitions en nature et des se rvices ne pourront Œtre rØclamØes…des
habitants, que pour les besoins de l’armØe d’ occupation. Ils seront en rapport avec les
ressources du pays… Ces rØquisitions et ces services ne seront rØclamØs qu’avec

l’autorisation du commandant dans la loca litØ occupØ. Les prestations en nature
seront, autant que possible, payØes au compta nt, sinon, elles seront constatØes par des
reçus et le paiement des sommes dues sera effectuØ le plus tôt possible.»

5.235. L’article 53 de la quatriŁme convention de GenŁve se lit :

«Il est interdit à la puissance occupante de dØtruire des biens immobiliers ou
immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privØes,

à l’Etat ou à des collectivitØs publiques, à des organisations sociales ou coopØratives,
sauf dans les cas oø ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les
opØrations militaires.»

5.236. ConformØment à l’article 147 de la qua triŁme convention de GenŁve, «la destruction
et l’appropriation de biens non justifiØes par des nØcessitØs militaires et exØcutØes sur une grande
Øchelle, de façon illicite et arbitraire», c onstituent une «infraction grave». Dans son commentaire,

le CICR confirme que le critŁre d’«absolue nØcessitØ» s’applique aussi à cet article (p.601 [de la
version anglaise]).

5.237. MalgrØ la teneur et l’objet Øvidents des rŁgles de droit international applicables, le
Gouvernement israØlien a mis en œuvre et poursuit, d’une façon gØnØrale et pour la construction du
mur, des politiques et des pratiques d’expropriation et de destruction de biens.

5.238. AprŁs l’occupation de la Cisjordanie en 1967, les autoritØs israØliennes ont modifiØ la
lØgislation existante et promulguØ de nouveaux rŁ glements afin d’autoriser les expropriations.
Dans le cas des terres autres que celles qui se trouvent dans JØrusalem occupØ, les autoritØs

israØliennes ont recouru à des ordonnances militaire s pour donner effet aux e xpropriations. Ainsi,
l’ordonnance militaire58 (1967) permet aux autor itØs de confisquer les terres des propriØtaires
absents pendant le recensement de1967; l’ordon nance militaireS/1/96 les autorise à classer des
terres palestiniennes comme «zones militaires fermØe s», rØservØes à l’usage exclusif de l’Etat;

enfin l’ordonnance militaireT/27/96 leur perm et d’exproprier des terres palestiniennes pour
«nØcessitØ publique» (voir Conseil Øconomique et social des NationsUnies, rapport sur les
consØquences Øconomiques et soci ales des colonies de peuplement israØliennes sur le peuple
palestinien dans le territoire palestinien, y co mpris JØrusalem, occupØ depuis1967, et sur la

population arabe des hauteurs du Golan syrien, Nations Unies, doc. A/52/172 (1997), par. 14 et 15;
troisiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 51 et 55).

5.239. Les terres situØes en Cisjordanie ont Øgalement ØtØ acquises en vertu de l’ordonnance
relative aux biens abandonnØs, qui a ØtØ appliquØe aux biens «des propriØtaires absentØistes». Bien
que, thØoriquement, ces terres soient administrØes jusqu’au retour des propriØtaires, dans la
pratique, ces derniers n’ont pas pu revenir en rais on de restrictions à leur libertØ de mouvement

(voir troisiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 54). - 79 -

Le processus de réquisition des terres

5.240. Pour obtenir les terrains nØcessaires à la construction du mur et aux zones s’y
rattachant, des propriØtØs pr ivØes situØes en Cisjordanie sont rØquisitionnØes en vertu
d’ordonnances militaires signØes par le gouverneu r militaire compØtent. Ces ordonnances
prØvoient que les biens seront rØquisitionnØs ju squ’au 31dØcembre2005, les ordonnances Øtant

toutefois indØfiniment renouvelables. Tandis que le urs biens sont rØquisitionnØs, les propriØtaires
en conservent la propriØtØ lØgale et ont le droit de demander un loyer ou une compensation (rapport
de la mission humanitaire, par.34-45; deuxi Łme rapport complØmentaire, 30septembre2003,
par. 50-60, annexe 1).

5.241. Les propriØtaires ont une semaine pour faire opposition, mais les procØdures sont
Øpineuses. Les mØthodes utilisØes pour signifier les ordonnances aux propriØtaires semblent
arbitraires et, dans son rapport, la mission hum anitaire fait Øtat d’une «absence de communication

cohØrente et efficace de la part des autorit Øs israØliennes» (deuxiŁme rapport complØmentaire,
20septembre2003, par.53). Les fonctionna ires du bureau de coordination des affaires
humanitaires sur le terrain ont rapportØ un cas dans lequel «un seul des vingt agriculteurs se serait
vu signifier une ordonnance militaire de confiscati on: elle Øtait Øcrite en hØbreu, non datØe et

faisait Øtat d’une carte qui n’Øtait pas jointe» (Report of OCHA field officers, OCHA Humanitarian
Update, Occupied Palestinian Territories, 1-15 dØcembre 2003).

5.242. Il peut Œtre difficile d’obtenir les piŁces nØcessaires, et coßteux de former recours. La

commission militaire des recours n’est ni indØpend ante ni impartiale, et ses recommandations
peuvent Œtre infirmØes par le gouverneur militaire. Le nombre des recours rejetØs se compterait par
centaines et ceux, trŁs rares, qui ont ØtØ portØs de vant la Cour suprŒme israØlienne ont tous ØtØ
rejetØs. D’aprŁs les expØriences antØrieures, les propriØtaires fonciers craignent aussi que, du fait

de leur impossibilitØ de se rendre sur leurs terres, ils ne deviennent vic times de la lØgislation
permettant aux autoritØs d’exproprier les terres ag ricoles dites «inexploitØes» (voir rapport de la
mission humanitaire, par.45; deuxiŁme rapport complØmentaire, 30 septembre 2003, par. 42;
troisiŁme rapport complØmentaire, 30 novembre 2003, par. 39-44).

5.243. Les ordonnances militaires prØvoient que l’indemnisation des propriØtaires concernØs
mais aucune procØdure n’a ØtØ formellement Øtablie ; le montant de l’indemnisation ne couvre que

les propriØtØs rØquisitionnØes ou endommagØes pour la construction du mur et des «barriŁres
avancØes», mais les propriØtaires qui ne peuvent pas accØder à leurs terres ou sont dans
l’impossibilitØ de les cultiver n’ ont droit à aucune indemnisation (voir le troisiŁme rapport
complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 43).

5.244. Bien que le Gouvernem ent israØlien ait formellement soutenu que la rØquisition des
terres n’avait aucun effet sur le droit de propriØtØ, on ne saurait faire abstraction de l’historique des

expropriations de terres qui ont eu lieu par le passØ. «Compte tenu de ces pratiques passØes et du
fait qu’il existe en Cisjordanie un cadre juridique pou r la rØquisition et la confiscation de biens, on
s’inquiŁte vivement de ce que des terres pourraient Œtre confisquØes, en fait ou en droit, de maniŁre
permanente.» (TroisiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30novembre2003,

par. 50.) Comme le rapporteur spØcial, M. Duga rd, l’a fait observer : «nous assistons actuellement
sur la rive occidentale à l’annexion pure et simple d’un territoire sous prØtexte de sØcuritØ» (rapport
Dugard, par. 6). - 80 -

Dommages causés aux biens et aux alentours

5.245. Etant donnØ son caractŁre physique, le mur, tel qu’il est construit jusqu’ici et tel qu’il
est prØvu et envisagØ, fait manifestement subir une dØgradation grave et directe aux terrains qu’il
traverse. Dans son rapport, le SecrØtaire gØnØra l des NationsUnies indique que le mur s’Øtendra

finalement sur une distance d’environ 720kilomŁ tres le long de la Cisjordanie, et aura
50 à 70 mŁtres de large en moyenne (par. 6 et 9). Les terres seront rendues improductives; mŒme si
le mur se rØvŁle n’Œtre que temporaire, du fait de la nature des travaux entrepris pour le construire
(comme l’indique le SecrØtaire gØnØral dans s on rapport), elles resteront improductives pendant de

nombreuses annØes à venir. De plus, l’existe nce du mur aura inØvitablement pour consØquence
(signalØe aussi dans le rapport du SecrØtaire gØnØ ral) de compromettre sØrieusement la possibilitØ
pour les habitants de se rendre rØguliŁrement dans leurs champs, ce qui aura de graves
rØpercussions sur la culture des terres qui deviendront probablement trŁs vite infertiles.

5.246. Les avantages Øconomiques naturels et acquis de la rØgion n’ont cessØ de s’effriter
depuis la fin de 2000. Selon les estimations de la Banque mondiale, en aoßt 2002, les dommages

matØriels constatØs dans les gouvernorats de DjØnine, Tulkarem et Qalqiliya se chiffraient au total à
110millions de dollars des Etats-Unis. Environ 58% de ces dommages ont ØtØ causØs aux
infrastructures, 23 % à des biens privØs, et environ 21 % aux terres et biens agricoles (voir rapport
de la mission humanitaire, annexe I, par. 19 et 22).

5.247. Le bureau des NationsUnies pour la coordination des affaires humanitaires a prØvu
que

«Dans l’impossibilitØ de se rendre sur leurs terres pour les cultiver, de faire
paître leurs animaux ou de se rendre au trav ail pour gagner de quoi se nourrir, de plus
en plus nombreux seront ceux qui auront faim. Les dommages causØs par la
destruction de terres et de biens aux fins de la construction du mur sont irrØversibles et

compromettent la possibilitØ pour les Palestin iens de se relever un jour, mŒme si la
situation politique permet une amØlioration de leurs cond itions.» (NationsUnies,
bureau pour la coordination des affaires hum anitaires, Territoire palestinien occupØ,

«New Wall Projections», 9 novembre 2003.)

5.248. Les travaux de construction du mur ont eu des effets majeurs immØdiats : destruction
de terres et de biens agricoles et de ressources en eau; limitations supplØmentaires à la mobilitØ des

personnes et des biens et, par consØquent, augmen tation des coßts de transaction; et incertitude
quant à l’avenir, ralentissement de l’investissement dans les activitØs Øconomiques, y compris
l’agriculture (voir rapport de la mission humanitaire, par. 23).

5.249. De plus, le tracØ du mur recoupe

«certaines des meilleures zones de captage de Cisjordanie… [La construction]

compromet dØjà sØrieusement l’accŁs local à l’eau et pourrait avoir des consØquences
à long terme sur son utilisation… Les di fficultØs d’accŁs à l’eau dØjà constatØes
risquent de s’aggraver à mesure que la construction du mur avance, et se traduiront par
une rØduction considØrable de facto de l’accŁs des Palestiniens de Cisjordanie aux

ressources en eau d’irrigation.» (Rapport de la mission humanitaire, par. 29 et 30, et
annexe III.) - 81 -

5.250. Dans son rapport de juin2003, la Commission Øconomique et sociale pour l’Asie
occidentale a rappelØ qu’en novembre 2001, le comitØ contre la torture avait conclu que la politique

israØlienne de bouclage et de destruction d’hab itations pouvait constituer, dans certains cas, une
peine ou un traitement cruel, inhumain ou dØgradan t, et a demandØ à Israºl de renoncer à cette
pratique. Il a notØ cependant que «les mesures d’ex pulsion forcØe, de saisie, de destruction et de

condamnation des constructions palestiniennes mises en œuvre par les forces israØliennes dans tout
le Territoire palestinien occupØ avaient crß en intensitØ en 2002 et 2003» (voir Conseil Øconomique
et social, «rapport de la Commission Øconomique et sociale pour l’Afrique occidentale sur les
rØpercussions Øconomiques et soci ales de l’occupation israØlienne sur les conditions de vie du

peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem, et de la population
arabe du Golan syrien occupØ», NationsUnies, doc. A/58/75-E/2003/21, 12 juin 2003, par. 17).
OntØtØ dØtruit, outre des logements familiaux, des bâtiments, du matØriel et des stocks de

marchandises, des infrastructures, des biens cu lturels, des biens appartenant à l’AutoritØ
palestinienne, des vØhicules appartenant à des particuliers et à des services publics, des installations
de production et d’acheminement d’ØlectricitØ, des stations de traitement des dØchets solides et des
routes (ibid., par. 23). Au sujet des travaux de terrassement et de la destruction de biens agricoles,

voir rapport de la mission humanitaire (annexe I, par. I-23 et I-24).

5.251. L’expropriation de terres palestinienn es est illicite non seulement au regard du droit

international humanitaire et du rØgime applicable à l’occupation, mais aussi au regard des rŁgles
internationales de protection des droits et intØrŒts des propriØtaires fonciers.

5.252. L’Etat d’Israºl a engagØ sa responsabilitØ du fait qu’il exproprie des terres et en refuse
la propriØtØ effective parce qu’il exerce son contrôle sur le territoire palestinien. Israºl a parfois dit
que les mesures prises en matiŁre de biens fonciers Øtaient sans effet sur les droits de propriØtØ
mais, en pratique, les consØquences de ces mesures reviennent à refuser l’exercice de tous les droits

patrimoniaux normalement attachØs à la propriØtØ.

5.253. Tout cela ressort d’une simple comparaison entre les mesures prises par Israºl et les

rŁgles internationales rØgissant la responsabilitØ en cas d’expropriation, que ce soit en vertu du
droit international gØnØral ou au titre de rØgimes conventionnels particuliers.

L’expropriation dans le droit international général

5.254. En droit international, l’expropriation Øvoque le fait de priver une personne de l’usage
et de la jouissance de son bien, soit par un acte fo rmel ayant cette consØquence, soit par d’autres

actions ayant de facto cet effet. L’expropriation suppose «l a privation par des organes Øtatiques
d’un droit de propriØtØ, soit en tant que tel, soit pa r transfert dØfinitif du pouvoir de gestion et de
contrôle» attachØ à ce droit (Brownlie, Principles of Public International Law , 6 Ød., 2003,
p.508-509; voir aussi Oppenheim’s International Law , 9 Ød., vol. I, p. 916-917 : l’expropriation

revŒt de multiples formes, y compris le fait d’«imposer d’importantes restrictions au contrôle
effectif d’un bien par un Øtranger ou à l’exercice de s droits normalement attachØs à la propriØtØ»;
Christie, British Year Book of International Law , vol.38, 1962, p.307-38). Comme un tribunal

arbitral Øtabli dans le contexte de l’ALENA l’a dit dans l’affaire S. D. Myers c. Canada,
«l’expropriation revient habituellement à priver de façon durable le propriØtaire d’un bien de la
possibilitØ d’exercer ses droits patrimoniaux» (sentence partielle, 13 novembre 2000, par. 283).

5.255. Dans l’affaire Amoco, le Tribunal des rØclamations Etats-Unis/Iran a dØfini
l’expropriation comme «un transfert obligatoi re des droits attachØs à la propriØtØ»
(sentence n 31-56-3, 14 juillet 1987, Amoco International Finance Corporation v. The - 82 -

Government of the IslamicRepublic of Iran , 15 Iran-U.S. C.T.R.189, 220). Selon la dØfinition
donnØe dans l’affaire Dames and Moore , «[l]a prise de possession unilatØrale d’un bien et le fait

d’en dØnier l’usage à ses propr iØtaires lØgitimes peut Øquivaloir à une expropriation» (sentence
n 97-54-3, 20 dØcembre 1983, Dames and Moore v. The Islamic Republic of Iran ,
4 Iran-U.S. C.T.R. 212, 223).

5.256. Israºl a affirmØ que la propriØtØ des terres ne changeait pas de mains, qu’une
indemnisation Øtait octroyØe en dØdommagement de l’utilisation de la te rre, de la production

vivriŁre ou des dØgâts causØs à la terre, et que le s rØsidents pouvaient s’adresser à la Cour suprŒme
pour obtenir qu’il soit mis fin aux travaux de c onstruction ou que des modifications y soient
apportØes (rapport du SecrØtaire gØnØral, Nations Unies, doc. A/ES-10/248, 24 novembre 2003,
annexeI, par.8). Or, les ØlØments d’inform ation disponibles ne vont pas dans le sens de ces

affirmations. Les terres requises pour l’Ødifica tion du mur sont rØquisitionnØes en application
d’ordonnances militaires (rapport du SecrØtaire gØnØra l, par.16-17). De plus, les Palestiniens se
voient refuser l’accŁs aux terres palestiniennes situØes en tre le mur et la Ligneverte s’ils ne sont
pas en possession du permis ou de la carte d’iden titØ nØcessaires dØlivrØs par les Forces de dØfense

israØliennes, ce qui contraste avec le traitement prØfØrentiel accordØ aux citoyens israØliens, aux
rØsidents permanents en Israºl et aux personnes admises à immigrer en Israºl en vertu de la loi du
retour (rapport du SecrØtaire gØnØral, par.19-22 ). MŒme les Palestiniens en possession d’un

permis ou d’une carte d’identitØ se voient couram ment refuser l’accŁs du fait de l’horaire limitØ
d’ouverture des portes d’accŁs.

5.257. Le fait qu’il n’y ait sans doute pas eu expropriation formelle et que les actes
administratifs israØliens dØcrØtant la prise de possession des biens n’utilisent pas le mot «prise»
(taking) ou n’indiquent pas que la propriØtØ change de mains ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu
expropriation au sens du droit international. Le Tribunal des rØclamations Etats-Unis/Iran a

reconnu que

«L’absence d’acte formel d’expropriation n’exclut pas qu’il puisse y avoir
privation du bien ou confiscation de celui-ci. Il est bien Øtabli dans la pratique de ce

Tribunal «qu’il peut y avoir confiscation d’un bien en droit international mŒme en
l’absence de nationalisation ou d’expropriation formelle, si un gouvernement s’est
ingØrØ dØraisonnablement dans l’usage du bien».» (Sentence n o 569-419-2,

6 mars 1996, Rouhollah Karubian o. The Government of the Islamic Republic of Iran ,
par.105, citant la sentence n 18-98-2, 30 dØcembre 1982, Harza Engineering Co.
v. The Islamic Republic of Iran, 1 Iran-U.S. C.T.R. 499, 504.)

5.258. Il est possible de conclure à l’expropr iation sans qu’il y ait eu annulation formelle du
titre de propriØtØ lØgal ni aucune autre atte inte formelle à ce titre (voir sentence n o 97-54-3,
20 dØcembre 1983, Dame and Moore v. The Islamic Republic of Iran, 4 Iran-U.S. C.T.R.. 212, 223;

voir aussi l’article10, paragraphe3 a), du projet de convention de Harvard sur la responsabilitØ
internationale des Etats à raison des dommages causØs à des Øtrangers :

«La «confiscation» d’un bien ne comprend pas seulement la prise de possession

directe de celui-ci mais aussi toute i ngØrence dØraisonnable quant à son usage, sa
jouissance ou sa cession permettant de conclure que son propriØtaire ne pourra pas en
avoir l’usage ou la jouissance ni le cØder dans un dØlai raisonnable.» (L.B.Sohn&

R.R.Baxter, «Responsibility of States for Injuries to the Economic Interests of
Aliens», American Journal of International Law, vol. 55, 1961, p. 545, 553.) - 83 -

5.259. Ce qui compte, c’est l’effet et l’impact des mesures prises, de sorte que si l’ingØrence

dans l’exercice du droit de propriØtØ est si im portante que ce droit en perd son utilitØ, on doit
considØrer qu’il y a eu expropriation. Le droit de propriØtØ devient «inutile» quand le propriØtaire
est privØ de l’usage effectif, de la maîtri se et des fruits de son bien (voir sentence n o 258-43-1,

8 octobre 1986, Oil Fields of Texas, Inc. v. The Governmont of The Islamic Republic of Iran ,
12 Iran-U.S. C.T.R.308, 318; sentence interlocutoire n ITL32-24-1, 19 dØcembre 1983, Starrett
Housing Corporation v. The Islamic Republic of Iran , 4 Iran-U.S. C.T.R. 122, 154; sentence
o
n 220-37/231-1, 10 avril 1986, Foremost Tehran, Inc. v. The Goveroment of The Islamic Republic
of Iran , 10 Iran-U.S. C.T.R. 228, 248; sentence n 519-394-1, 19 aoßt 1991, Merrill
Lynch & Co.Inc. v. The Government of The Islamic Republic of Iran , 27 Iran-U.S. C.T.R. 122,
148).

5.26’0.propriation de facto peut aussi revŒtir de multiples formes, ainsi qu’il ressort de

conclusions analogues formulØes par d’autres juri dictions sur la base de la juoisprudence
internationale (voir, par exemple, Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce , requŒte n 25701/94, Cour
europØenne des droits de l’homme, arrŒt, 28 novembre 2002, par. 75-76). Dans l’affaire Elia S.r.l.
c. Italie, requŒte n 37710/97, la mŒme Cour a soulignØ qu ’en l’absence de transfert de propriØtØ,

«la Cour doit regarder au-delà des apparences et analyser la rØalitØ de la situation…» (arrŒt,
2 aoßt 2001, par. 55). Dans l’affaire Papamichalopoulos et autres c. Grèce, la Cour a tenu compte
d’une expropriation de facto irrØguliŁre (occupation de terrains par la marine grecque depuis 1967)

qui, à la date considØrØe, se prolongeait depuis plus de vingt-cinq ans. Elle a dØclarØ que

«le caractère illicite de pareille dØpossession se rØperc ute par la force des choses sur

les critŁres à employer pour dØterminer la rØparation due par l’Etat dØfendeur, les
consØquences financiŁres d’une expropriation licite ne pouvant Œtre assimilØes à celles
d’une dØpossession illicite…

45. La Cour estime que la perte de toute disponibilitØ des terrains en cause,
combinØe avec l’Øchec des tent atives menØes jusqu’ici pour remØdier à la situation
incriminØe, a engendrØ des consØquences as sez graves pour que les intØressØs aient

subi une expropriation de fait inoompatible av ec leur droit au respect de leurs biens.»
(ArrŒt, 24 juin 1993, série A n 260-B, p.59, par.36, 45; au par.36; les italiques sont
de nous.)

5.261, Dans l’affaire Loizidou c. Turquie, la Cour a dØclarØ : «du fait qu’elle se voit refuser
l’accès à ses biens…, l’intØressØe a en pratique perdu toute maîtrise de ceux-ci ainsi que toute
o
possibilitØ d’usage et de jouissance» ( Loizidou c. Turquie, requŒte n 15318/89, arrŒt,
18 dØcembre 1996, par. 63).

5.262. L’atteinte aux droits des Palestiniens sur leurs biens ne se situe pas dans un contexte
purement «civil», comme le serait la simple e xpropriation sans indemnisation, mais dans un
contexte délictuel, comportant en particulier une occupati on illicite et l’emploi de la force en

violation de la Charte des Nations Unies et du droit international gØnØral.

5.263. Dans l’affaire de l’ Usine de Chorzów (1927, C.P.J.I.sérieA, n o9), l’acte

d’expropriation Øtait illicite parce qu’il violait une disposition conve ntionnelle; dans le cas des
terres palestiniennes, la dØpossession est illicite, entre autres raisons, parce qu’elle viole les droits
d’individus et de groupes  y compris une «entitØ» dont il a ØtØ reconnu qu’elle est «dotØe du droit

à disposer d’elle-mŒme»  à la propriØtØ et à un territoire. - 84 -

vi) Le droit de légitime défense d’un Etat à l’égard du territoire relevant de sa propre
souveraineté ne l’autorise pas à exercer ce dr oit en procédant à la construction d’un

mur a)constituant une mesure disproportionnée et prise sans nécessité dans un
territoire ne lui appartenant pas, tel un t erritoire occupé, ou b)pour protéger des
colonies de peuplement qu’il a implantées de façon illicite dans un territoire occupé

5.264. Pour les raisons indiquØes dans le pr Øsent exposØ Øcrit, il est clair que la construction
du mur implique de la part d’Israºl, à l’intØrieur d’un territoire occupØ, un comportement par lequel
il viole les obligations internationales qui lui incombent en sa qualitØ d’Etat occupant.

5.265. Nous avons montrØ da ns le cours du prØsent exposØ Øcr it que certaines circonstances
particuliŁres susceptibles d’Œtre invoquØes pour c onclure à la licØitØ du comportement d’Israºl
n’offrent en fait aucune justification lØgitime à la construction du mur. Israºl, d’autre part, a fait

savoir publiquement qu’à ses yeux l es mesures qu’il avait prises con cernant la construction de ce
mur se justifiaient par des motifs sØcuritaires et relevaient de l’exercice licite de son droit de
lØgitime dØfense (voir le paragra phe 6 de l’annexe I du rapport du S ecrØtaire gØnØral de l’ONU du
24novembre2003). Quoiqu’il ne soit pas encore possible de savoir comment Israºl dØveloppera

cet argument au cours de la procØdure, il appelle d’ores et dØjà certaines observations prØliminaires.

5.266. Un droit de lØgitime dØfense est reconnu aux Etats à la fois par le droit international

coutumier et, à l’article 51 de la Charte des Nations Unies, par le droit international conventionnel.
Les deux conceptions du droit de lØgitime dØfen se se recoupent en partie mais ne sont pas
identiques. Pour notre propos, nous n’Øvoquerons ici que le droit de lØgitime dØfense individuelle.

5.267. L’article51 de la Charte Øtablit une dØrogation aux obligations imposØes par les
autres dispositions de cet instrument: «Aucune dis position de la prØsente Charte ne porte atteinte
au droit de lØgitime dØfense…individuelle.» En pratique, donc, l’article51 n’entre en jeu que
dans les cas oø, si cet article n’existait pas, l es mesures prises par l’Etat invoquant la lØgitime

dØfense seraient interdites par quelque autre disposition de la Charte

5.268. De plus, l’article 51 ne s’applique que dans une situation particuliŁre : «dans le cas oø

un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armØe».

5.269. Enfin, l’article 51 fixe deux limites à l’exercice du droit de lØgitime dØfense au titre de

cet article: premiŁrement, le droit de lØgitim e dØfense n’est prØservØ que «jusqu’à ce que le
Conseil de sØcuritØ ait pris les mesures nØcessa ires pour maintenir la paix et la sØcuritØ
internationales» et, deuxiŁmement, «[l]es mesures prises par des membres dans l’exercice de ce
droit de lØgitime dØfense sont immØdiatement portØes à la connaissance du Conseil de sØcuritØ».

5.270. Dans le cas prØsent de la construction du mur dans le Territoire palestinien occupØ, y
compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem, on peut douter que l’article 51, stricto sensu,

ait une quelconque application. Il n’y a pas eu d’«agression armØe» contre Israºl au sens oø
l’entend cet article; et, en tout cas, Israºl n’a pas portØ à la connaissance du Conseil de sØcuritØ le
fait qu’il prenait la mesure de construction du mur dans l’exercice de son droit de lØgitime dØfense. - 85 -

5.271. Cela, toutefois, n’exclut pas complŁtement que le droit de lØgitime dØfense puisse Œtre

pertinent, car il convient Øgalement de prendre en considØration le droi t parallŁle de lØgitime
dØfense qui existe en droit international coutumier. Les ØlØments essentiels de ce droit sont inclus
dans l’exercice de la lØgitime dØfense au titre de l’article 51, puisque cet article parle du droit
«naturel» de lØgitime dØfense, Øvoquant par là un droit prØexistant en dehors du cadre de la Charte.

5.272. La Cour a eu l’occasion de souligne r que les deux critŁres essentiels de licØitØ des
mesures prises dans l’exercice du droit de lØgitim e dØfense sont la nØcessitØ et la proportionnalitØ

(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis
d’Amérique), C.I.J. Recueil 1986, p.94; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires,
C.I.J. Recueil 1996, 2p. 5; Plates-formes pétrolières, C.I.J. Recueil 2003, arrŒt du
6 novembre 2003). Dans cette derniŁre affaire, la Cour a dØclarØ (au paragraphe 76) :

«Les conditions rØgissant l’exercice du droit de lØgitime dØfense sont bien
Øtablies: comme l’a relevØ la Cour da ns son avis consultatif relatif à la Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , «[l]a soumission de l’exercice du droit de

lØgitime dØfense aux conditions de nØcessitØ et de proportionnalitØ est une rŁgle du
droit international coutumier» ( C.I.J. Recueil 1996 (I), p.245, par.41); en outre, la
Cour a ØvoquØ, en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, la rŁgle spØcifique «selon laquelle la lØgitime dØfense ne justifierait

que des mesures proportionnØes à l’agression armØe subie et nØcessaires pour y
riposter» comme Øtant «bien Øtablie en droit international coutumier»
(C.I.J. Recueil 1986, p. 94, par. 176).»

5.273. En l’espŁce, la Cour a jugØ que les Et ats-Unis n’avaient Øtabli ni que leurs actions
fussent nØcessaires (par. 76) ni qu’elle fussent proportionnØes (par. 77).

5.274. En outre, la Cour a jugØ dans l’affaire des Plates-formes pétrolières que «l’exigence
que pose le droit international, selon laquelle des mesures prises au nom de la lØgitime dØfense
doivent avoir ØtØ nØcessaires à cette fin, est rigoureuse et objective, et ne laisse aucune place à «une
certaine libertØ d’apprØciation» [de la part de l’Et at prenant lesdites mesures]» (par.73). Il n’y a

aucune raison de douter que la mŒme considØration s’applique à l’exigence de proportionnalitØ.

5.275. Ces critŁres de «rigueur» et d’«objectivitØ» doivent Œtre appliquØs à la construction du

mur a)dans les lieux oø on le construit et b)dans les circonstances concomitantes de sa
construction. Lorsque c’est le cas, on s’aperçoit que la construction du mur n’est :

 ni nØcessaire pour permettre à l’Etat d’Israºl d’assurer sa lØgitime dØfense (puisque le mur

pourrait Œtre construit le long ou au voisinage de la Ligne verte et à l’intØrieur du territoire
israØlien, sans s’Øtendre sur des kilomŁtres au-d elà de ce territoire et sans crØer d’enclaves
autour de certaines agglomØrations ou enfermer dans son tracØ de grandes surfaces de terre
situØes bien à l’est du territoire d’Israºl;

 ni, compte tenu des consØquences et des incide nces de la construction du mur, une rØponse
proportionnØe aux dangers auxquels Israºl estime Œt re exposØ. Le rapporteur spØcial de la

Commission des droits de l’homme, dans s on rapport du 8 septembre 2003 (NationsUnies,
doc.E/CN.4/2004/6), a Ømis l’avis que, mŒme en reconnaissant à Israºl une certaine marge
d’apprØciation dans le choix des mesures à pr endre pour rØpondre à la violence, «au vu des - 86 -

faits exposØs dans le prØsent rapport…les mesu res prises par Israºl sont disproportionnØes.
Son action dans les territoires pale stiniens occupØs est parfois si ØloignØe des seuls impØratifs

de sØcuritØ qu’elle revŒt un caractŁre [de punition,] d’humiliation et de conquŒte.» (Par. 5.)

5.276. Ce rapport a ØtØ rØdigØ avant que la Cour ne rende son arrŒt en l’affaire des

Plates-formes pétrolières , arrŒt dans lequel elle a jugØ non pertinente la notion de marge
d’apprØciation : ce prononcØ de la Cour ne donne que plus de force aux c onclusions du rapporteur
spØcial.

5.277. De surcroît, à supposer mŒme qu’un mu r d’une sorte ou d’une autre (et mŒme un mur
ayant les caractØristiques physiques de celui qui est en train d’Œtre ØdifiØ) doive Œtre considØrØ
comme un acte nØcessaire de lØgitime dØfense (ce que nous contestons), la construction de ce mur
dans le Territoire palestinien occupØ, y compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est

 c’est-à-dire dans un territoire se trouvant en dehor s du territoire appartenant à l’Etat d’Israºl —,
est illicite. Il est en principe loisible à Is raºl (sous rØserve de toutes rØglementations
Øventuellement applicables) de prendre des mesures de lØgitime dØfense à l’intérieur de ses propres

frontiŁres, mais non d’allØguer la lØgitime dØfense pour Ødifier une structure permanente (ou mŒme
semi-permanente) telle que le mur dans un territoire situØ au-delà de celles-ci. Comme on l’a
montrØ plus haut, le mur s’Øt end par endroits sur plusieurs kilomŁtres au-delà des frontiŁres
d’Israel: un tel empiØtement sur un territo ire nonisraØlien rend manifestement illicites la

construction et la planification de ce mur par Israºl.

5.278. Aux arguments fondØs sur la lØgitime dØ fense sont associØs des arguments similaires

tendant à justifier la construction du mur en la prØsentant comme un acte de nØcessitØ militaire
motivØ par des impØratifs de sØcuritØ. Ces arguments ne tiennent pas. Ils ne sont pas recevables, et
ce à peu prŁs pour les mŒmes raisons que celles que nous avons fait valoir à propos de la lØgitime
dØfense : ils ne satisfont ni au critŁre de nØcessitØ , ni au critŁre de proportionnalitØ. Ils tendent en

outre à faire prØvaloir la sØcuritØ de la puissan ce occupante sur son propre territoire (et pas
seulement sa prØsence en territoire occupØ) sur l es besoins humanitaires des habitants du territoire
occupØ, ce qui est en totale contradiction avec l es caractŁres essentiels du rØgime de l’occupation
militaire.

5.279. A supposer qu’il faille nØanmoins prendre en considØration de tels arguments, le droit
humanitaire moderne prescrit d’interprØter de façon restrictive les exceptions telles que la nØcessitØ

militaire; comme la Cour l’a d it rØcemment dans l’affaire des Plates-formes pétrolières (citØe plus
haut), la considØration de «nØcessitØ» doit faire l’ objet d’une interprØtation rigoureuse et objective,
ne laissant aucune libertØ d’apprØciation à l’Etat qui prend les mesures considØrØes. Quand les
opØrations militaires gØnØrales ont cessØ, les nØ cessitØs militaires doivent inØvitablement Œtre

moindres.

5.280. Les considØrations de nØcessitØ doive nt bien entendu Œtre ØvaluØes relativement au

mur particulier qui est en train d’Œtre construit, aux lieux particuliers oø il est construit et aux
consØquences particuliŁres que ce mur, en ces lieux, engendre. Le mur particulier actuellement en
construction sur un territoire assujetti au rØgime in ternational spØcial de l’occupation militaire ne
saurait rØpondre à une nØcessitØ militaire. Il est à noter que là oø un mur similaire est en

construction dans la rØgion de la bande de Gaza, il se construit entiŁrement en territoire israØlien :
si cela est possible à cet endroit, il n’y a aucune «nØcessitØ» d’agir diffØremment dans le territoire
occupØ de la Cisjordanie. - 87 -

5.281. De plus, la nØcessitØ militaire ne peut Œtre invoquØe en tant qu’exception à
l’application d’une rŁgle du droit humanitaire que si la possibilitØ mŒme d’une telle exception est

prØvue dans l’ØnoncØ de la rŁgle (de telles exce ptions expresses liØes aux nØcessitØs militaires sont
par exemple prØvues dans les articles 49, 53, 55 et 143 de la quatriŁme convention de GenŁve) : ce
n’est qu’ainsi qu’une exception de nØcessitØ militaire peut Œtre comp atible avec la disposition de
l’article premier commun aux quatre conventions de GenŁve de 1949, qui stipule que le respect des

dispositions de ces instruments doit Œtre assurØ «e n toutes circonstances», expression qui ne laisse
nulle place à la nØcessitØ militaire, sauf lorsque cel le-ci est expressØment prØvue. Le commentaire
de Pictet sur les conventions de GenŁve, qui fait au toritØ, est trŁs clair sur ce point (p. 106-107 [de
la version anglaise]).

5.282. Les observations qui prØcŁdent rØponde nt aux affirmations selon lesquelles la
construction du mur constituerait une mesure de lØgitime dØfense contre ce que leurs auteurs

considŁrent comme des agressions armØes visant Isra ºl, ou tout au moins une mesure dictØe par la
nØcessitØ militaire face aux menaces auxquelles sera it exposØe la sØcuritØ d’Israºl sur son propre
territoire. Il y a cependant une autre dimens ion à prendre en compte, qui rend encore plus
manifeste l’impossibilitØ de voir dans la constr uction du mur une mesure se justifiant par la

lØgitime dØfense ou la nØcessitØ militaire.

5.283. MŒme à supposØ admis, arguendo, certains faits qui tendraient à montrer qu’Israºl a

besoin de se dØfendre contre ce qu’il considŁre comme des incursions illicites en construisant un
mur du genre de celui qui est actuellement en c onstruction ou en projet, le tracØ prØvu pour ce mur
opposerait un dØmenti à une telle justification. Ains i qu’on peut le constater sur la carte qui figure
à la page18, le tracØ d’un mur destinØ à dØfendre Israºl contre ces prØtendues incursions illicites

n’avait nullement besoin de crØer des enclaves autour de localitØs comme Qalqiliya, ni de former
de longs «doigts» pØnØtrant sur des kilomŁtres en Cisjordanie et enfermant de grandes Øtendues de
terre, ni de se prolonger vers le sud parallŁlement au Jourdain de maniŁre à Øtablir une barriŁre
orientale supplØmentaire plusieurs kilomŁtres à l’est du mur dØjà construit dans la partie

occidentale de la Cisjordanie. Comme le rappor teur spØcial de la Commission des droits de
l’homme l’a indiquØ dans son rapport du 8sep tembre 2003 «[l]’affirmation du Gouvernement
israØlien selon laquelle le Mur reprØsente uniquement une mesure de sØcuritØ ne visant aucunement
à modifier les frontiŁres politiques n’est tout simplement pas ØtayØe par les faits» (par. 16).

5.284. En fait, ces ØlØments du mur servent un dessein tout autre que celui invoquØ de la
dØfense d’Israºl. Ils constituent, et sont claire ment destinØs à constituer, un moyen de protØger les

colonies de peuplement israØliennes dans les territoires palestiniens occupØs, y compris à l’intØrieur
et sur le pourtour de JØrusalem-Est. Le tracØ suivi par le mur par rapport à l’emplacement des
colonies le dØmontre. Or, comme on l’a dØjà Øt abli, ces colonies sont illicites: et non seulement
elles sont illicites, mais les colons eux-mŒmes ne peuvent prØtendre au bØnØfice de la protection de

la quatriŁme convention de Ge nŁve, dont l’article 4 dØfinit les personnes protØgØes par la
convention comme Øtant celles qui «se trouvent, en cas d’….occupation, au pouvoir
d’une…puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes». Aucun droit de lØgitime
dØfense, son exercice fßt-il par ailleurs licite (ce qui n’est pas le cas en l’occurrence), ne saurait Œtre

invoquØ pour dØfendre ce qui en soi est illicite, su rtout dans un cas comme celui de ces colonies
dont l’implantation constitue une infraction grave à la quatriŁme convention de GenŁve et un crime
de guerre au regard du statut de la Cour pØnale internationale de 1998. - 88 -

vii) Toutes violations d’obligations internatio nales résultant de la construction et de la
planification du mur doivent donner lieu à réparation

5.285. Pour les raisons indiquØes ci-dessus, la suite de faits qui a abouti à la planification et à
la construction du mur par Israºl comporte la vi olation par Israºl de diverses obligations lui
incombant en vertu du droit international.

5.286. Dans les avis consultatifs qu’elle a donnØs dans d’autres affaires, la Cour n’a pas
manquØ, lorsqu’il y avait lieu, de se prononcer sur la licØitØ ou l’illicØitØ du comportement de tel ou

tel Etat. Ainsi, dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) ( C.I.J. Recueil 1971,
p.17), la Cour a jugØ que la prØsence continue de l’Afrique du Sud dans ce territoire Øtait illicite
(par. 117-118, 133.1).

5.287. Il serait appropriØ que la Cour agisse de mŒme dans la prØsente procØdure. En effet, il
dØcoule implicitement du libellØ de la questi on posØe par l’AssemblØe gØnØrale à la Cour que
celle-ci devrait indiquer dans son avis si elle considŁre ou non co mme licite le comportement dont

il s’agit (c’est-à-dire «l’Ødification du mur qu’Isr aºl…est en train de construire…etc.»), car ce
n’est qu’aprŁs avoir apprØciØ ce point que la Cour pourra, comme e lle en est priØe, examiner les
consØquences juridiques de ce comportement. La conclusion selon laquelle la construction du mur

par Israºl est illicite emporte certaines consØquences juridiques, dont la Cour ne doit pas manquer
de traiter. MŒme si, dans un avis consultatif , la Cour n’est pas appelØe à se prononcer sur le
bien-fondØ de conclusions spØcifiques affirmant qu’ il y a eu violation du droit international, il
convient qu’elle se penche sur certaines questions de principe soulevØes par la possibilitØ que des

violations du droit international aient ØtØ commises ou le soient à l’avenir.

5.288. Il ne fait aucun doute qu’en droit international la violation d’une obligation
internationale entraîne l’obligation de rØparer dans une forme adØquate.

5.289. Lorsque les violations du droit international ne se situent pas seulement dans un
contexte qu’on peut qualifier de «civil» (c omme lorsqu’il s’agit d’une expropriation sans

indemnisation), mais dans un cont exte dØlictuel, comportant notamment l’emploi de la force en
violation de la Charte des NationsUnies et des rŁgles impØratives du droit international
(jus cogens), la nature de la rØparation requise doit tenir compte de cette responsabilitØ plus lourde.

5.290. D’autre part, lorsque la violati on du droit international s’est accompagnØe de
l’intention de nuire, la rŁgle normale, selon la quelle la rØparation est due seulement pour les
consØquences normales et raisonnablement prØvisibles de l’acte illicite, est Øtendue Øgalement à ces

consØquences intentionnelles. C’est ainsi qu’à propos de consØquences exceptionnelles voulues par
l’auteur d’un tel acte, le professeur Bin Cheng a fait observer :

«Ces consØquences, si elles ont ØtØ voulues par l’auteur, sont considØrØes

comme des consØquences de l’acte qui entraînent obligation de rØparer, qu’il s’agisse
ou non de consØquences normales ou raisonnablement prØvisibles… [L]’obligation de
rØparer s’applique seulement aux dommages qui sont considØrØs en droit comme des
consØquences de l’acte illicite. Ce sont les dommages qui dØcoulent normalement

d’un tel acte, ou qu’une personne raisonnable se trouvant dans la situation de l’auteur
de l’acte dommageable au moment oø il l’a commis aurait prØvus comme devant - 89 -

vraisemblablement en rØsulter, ainsi que tous les dommages causØs
intentionnellement.» ( General Principles of Law as applied by International Courts

and Tribunals (1953, rØimpression 1987), p. 252, 253.)

5.291. Il est possible de donner effet de diver ses façons au grand principe de la rØparation

effective. Le paragraphe 1 de l’article 31 des ar ticles sur la responsabilitØ de l’Etat adoptØs par la
Commission du droit international en 2001 et annexØs à la rØsolution56/83 de l’AssemblØe
gØnØrale en date du 12 dØcembre 2001 dispos e: «L’Etat responsable est tenu de rØparer
intégralement le prØjudice causØ par le fait internationalement illicite.»

5.292. L’article 34 prØcise ensuite: «La rØparation intégrale du prØjudice causØ par le fait
internationalement illicite prend la forme de restitution, d’inde mnisation et de satisfaction,
sØparØment ou conjointement, conformØment aux dispositions du prØsent chapitre.» (Les italiques

sont de nous dans les deux cas.)

5.293. En 1928, dans l’affaire de l’ Usine de Chorzów (C.P.J.I. sérieA n°17) , la Cour

permanente de Justice internationale, à propos d’ une question d’expropriation, a soulignØ que la
rØparation devait «autant que possible, effacer toutes les consØquences de l’ac te illicite et rØtablir
l’Øtat qui aurait vraisemblablement existØ si ledit acte n’avait pas ØtØ commis» (p. 47).

5.294. La Cour a ensuite indiquØ que cela pouva it se faire par la restitution en nature ou, si
celle-ci n’Øtait pas possible, le «paiement d’une somme correspondant à la valeur qu’aurait la
restitution en nature», ou par le paiement de dommages-intØrŒts pour les pertes subies qui ne

seraient pas couvertes par la restitution en nature. La Cour, dans cette affaire, a ainsi donnØ la
prioritØ à la restitution (restitutio in integrum); ce n’est que lorsque celle-ci n’est pas possible que
l’obligation devient celle de payer le montant co rrespondant à la valeur du bien et une indemnitØ
pour les pertes subies. En outre, la Cour a fait une distinction, qui occupe une place centrale dans

son raisonnement, entre l’expropriation lØgitime, devant donner lieu à une juste indemnisation, et la
«mainmise sur des biens, droits et intØrŒts qui ne pouvaient Œtre expropriØs mŒme contre
indemnitØ»: l’acte d’expropriation auquel la Cour avait affaire Øtait illicite car il violait une
disposition conventionnelle. La prØsente procØdure consultative concerne un comportement de la

seconde sorte, comprenant des actes qui violent, notamment, des rŁgles du jus cogens.

5.295. S’agissant plus particuliŁrement de la restitution, l’article35 des articles de la

Commission du droit international sur la responsabilitØ de l’Etat dispose :

«L’Etat responsable du fait internationalement illicite a l’obligation de procØder
à la restitution consistant dans le rØtablissement de la situation qui existait avant que le

fait illicite ne soit commis, dŁs lors et pour autant qu’une telle restitution :

a) n’est pas matØriellement impossible;

b) n’impose pas une charge hors de toute pr oportion avec l’avantage qui dØriverait de
la restitution plutôt que de l’indemnisation.»

5.296. Lorsqu’il n’est pas possible d’opter pour la premiŁre forme de rØparation de l’acte

illicite (la restitution), le principe de rØparation effective impose une large indemnisation. Une fois
posØs l’obligation de rØparation «intØgrale» et le fait que le prØjudice pour lequel il est dß
rØparation «comprend tout dommage, tant matØriel que moral, rØsultant du fait internationalement

illicite de l’Etat» (art. 31, par. 2), l’article 36 des articles sur la responsabilitØ de l’Etat prØcise : - 90 -

«1. L’Etat responsable du fait interna tionalement illicite est tenu d’indemniser
le dommage causØ par ce fait dans la mesure oø ce dommage n’est pas rØparØ par la

restitution.

2. L’indemnitØ couvre tout dommage susceptible d’Øvaluation financiŁre, y
compris le manque à gagner dans la mesure oø celui-ci est Øtabli.»

5.297. Pour reprendre les termes employØs par la Cour permanente de Justice internationale
dans l’affaire de l’ Usine de Chorzów , l’indemnisation s’entend du «paiement d’une somme

correspondant à la valeur qu’aurait la restitution en nature» (p. 47).

5.298. Quant aux chefs d’indemnisation possibl es, ils varient selon la portØe de l’obligation
internationale qui a ØtØ violØe, mais incluent en principe tout dommage susceptible d’Øvaluation

pØcuniaire. Cela comprend, avant tout, la mort ou les dommages aux personnes qui seraient causØs
par le fait internationalement illicite, ainsi que les souffrances morales et l’angoisse. La
dØpossession de biens mobiliers ou immobiliers est un autre exemple patent de dommage
indemnisable et, mŒme lorsqu’il n’y a pas dØ possession directe mais seulement trouble de la

jouissance au point d’ôter toute utilitØ au droit de propriØtØ (par privation de l’usage effectif et de la
maîtrise du bien ainsi que des bØnØfices et avan tages attachØs à sa possession), ce trouble est
considØrØ, aux fins de l’indemnisati on, comme Øquivalant à une dØpossession ( Tippets v.

TAMS-ATTA (1985) 6 Iran-U.S. CTR 219, 225). Une indemnitØ est Øgalement due pour les pertes
ou dommages concernant des biens incorporels, la perte de bØnØfices commerciaux et la perte par
une personne de ses moyens d’existence ou l’atteinte qui leur a ØtØ portØe. La gØnØralitØ du champ
des dommages indemnisables est illustrØe par le libe llØ du paragraphe 2 de l’article 31 des articles

sur la responsabilitØ de l’Etat, aux termes duquel le prØjudice pour lequel la rØparation est due
«comprend tout dommage, tant matériel que moral , rØsultant du fait internationalement illicite de
l’Etat» (les italiques sont de nous).

5.299. Comme la Commission du droit interna tional l’a indiquØ au paragraphe5) de son
commentaire concernant cet article, cette formul ation englobe «le dommage tant matØriel que
moral entendu au sens large». Le commentaire prØcise ensuite :

«Par dommage «matØriel», on entend le dommage causØ à des biens ou à
d’autres intØrŒts de l’Etat ou de ses nationa ux susceptible d’Œtre ØvaluØ en termes
pØcuniaires. Par dommage «moral» on vise les souffrances causØes à l’individu, la

perte d’Œtres chers ou une injure personnelle associØe à une intrusion dans le domicile
ou une atteinte à la vie privØe.»

5.300. Lorsqu’il est conclu à l’illicØitØ d’un comportement, et en particulier lorsque cette

conclusion est fondØe sur des dØcisions d’organes co mpØtents des Nations Unies, les consØquences
juridiques de ce comportement doivent embrasser celles qui en dØcoulent pour des Membres de
l’Organisation des Nations Unies. Une dØcision d Øclarant telle ou telle situation illicite ne saurait
demeurer sans consØquence. En particulier, l es Membres de l’Organisation des Nations Unies ont

l’obligation de se conformer aux dØcisions obligat oires des organes compØtents, mŒme s’ils ont
votØ contre ces dØcisions ou se sont abstenus, et ont Øgalement l’obligation de mettre fin à la
situation illicite (cf. Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique

du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain), C.I.J. Recueil 1971, par. 117, citØ ci-dessus, par. 5). Ces
obligations comportent des aspects positifs et des aspects nØgatifs : les Membres de l’Organisation
des Nations Unies ont d’une part l’obligation pos itive de reconnaître l’illicØitØ de la situation dont
il s’agit et de prendre toutes les mesures licites qui s’offrent à eux pour y mettre fin, et l’obligation

nØgative de ne rien faire qui implique une reconnaissance de la situation dØclarØe illicite. - 91 -

VI. R ESUME DE L ’EXPOSE DE LA J ORDANIE

6.1. Pour les raisons indiquØes dans le prØsen t exposØ Øcrit, la Jordanie estime appropriØ que
la Cour fonde sa rØponse à la demande d’avis c onsultatif de l’AssemblØe gØnØrale sur les motifs
indiquØs ci-aprŁs.

6.2. PremiŁrement, la Cour est compØtente po ur donner un avis consultatif sur la question
juridique qui lui a ØtØ posØe et il n’existe pas de raisons impØratives justifiant que la Cour n’exerce
pas cette compØtence.

6.3. La Cour est invitØe à fonder sa rØponse à la question juridique au sujet de laquelle un
avis consultatif lui est demandØ sur les considØrations suivantes : l’interdiction du recours à la force

et le droit à l’autodØterm ination sont des rŁgles du jus cogens, le territoire sur lequel le mur est en
construction est un territoire occupØ et les droits et pouvoirs qui sont ceux de l’Etat occupant en
territoire occupØ sont limitØs par les rŁgles et pr incipes du droit international, et notamment par
ceux qu’Ønoncent le rŁglement de LaHaye et la quatriŁme convention de GenŁve. Une limite

particuliŁre mise aux droits et pouvoirs de l’Etat occupant est qu’il n’est pas permis à cet Etat
d’annexer un territoire occupØ ni d’en modifier autrement le statut.

6.4. Eu Øgard à ces considØrations, et compte tenu des rØsolutions pertinentes du Conseil de
sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale, la Cour est invitØe à conclure que «l’Ødification du mur
qu’Israºl, puissance occupante, est en train de cons truire dans le Territoire palestinien occupØ, y
compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØr usalem-Est», a comme c onsØquence juridique la

violation, à plusieurs Øgards, par Israºl de ses obligations internationales. Tel est le cas en
particulier de l’annexion (de jure ou de facto) de portions de ce territoire occupØ ou de toute autre
forme illØgitime de mainmise exercØe à leur endroit, de l’implantation dans ce territoire occupØ de
colonies de peuplement que le mur est destinØ à protØger, et de l’atteinte aux droits de l’homme des

habitants, y compris à la propriØtØ effective de leur s terres et de leurs biens. Ces violations ne se
justifient pas par des considØrations de lØgiti me dØfense ou par celle que la construction du mur
constituerait une mesure de sØcuritØ adoptØe par nØcessitØ militaire.

6.5. Cette consØquence juridique (à savoir, que la construction du mur se traduit par des
violations du droit international) en emporte d’autres, à savoir qu’une rØparation appropriØe est due
et que la communautØ internationale ne doit ri en faire qui suppose une reconnaissance de la

situation qui a donnØ lieu à ces violations.

VII. C ONCLUSIONS

7.1. Pour les raisons indiquØes ci-dessus, la Jordanie (tout en se rØservant le droit de
prØsenter, s’il y a lieu, de nouveaux exposØs oraux ou Øcrits dans la suite de la procØdure) a
l’honneur de conclure que la Cour devrait :

i) se dØclarer compØtente pour donner suite à la demande d’avis consultatif que l’AssemblØe
gØnØrale lui a prØsentØe et dØcider d’exercer cette compØtence, et

ii) adresser à l’AssemblØe gØnØra le, à titre consultatif, l’avis que la construction du mur par Israºl
dans le Territoire palestinien occupØ, y compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est,
comporte les consØquences juridiques suivantes : a) la construction de ce mur implique à plusieurs Øgards la violation par Israºl des obligations
qui lui incombent en vertu du droit international et, dans cette mesure, est illicite;

b) la construction par Israºl du mur en territoire occupØ Øtant contraire au droit international,
Israºl a l’obligation de dØmolir les parties du mu r qu’il a dØjà construites, de rØtablir dans
leur Øtat antØrieur les terres sur lesquelles le mur a ØtØ construit, de cesser tous efforts

tendant à la construction de nouveaux tronç ons de mur projetØs ou envisagØs mais non
encore construits et de s’abstenir de toute rØpØtition de ses actes illicites;

c) Israºl a en outre l’obligation de rØtablir les habitants du territoire occupØ dans leurs droits

personnels et rØels lØsØs par la construction du mur et d’indemniser les habitants de toute
perte, tout dommage ou tout autre prØjudice qu’ils auraient subis de ce fait;

d) les Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies ont l’obligation de reconnaître que

le mur construit ou projetØ par Israºl et les actes accomplis par Israºl en relation avec ce
mur sont illicites, et de s’abstenir de tous act es et en particulier toutes transactions avec le
Gouvernement israØlien qui impliqueraient r econnaissance de la licØitØ de l’existence du
mur ou qui conforteraient ou favoriseraient cette

territoire palestinien qu’enferme le tracØ du mur.

Le 30 janvier 2004

Jordanie de hachØmite

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Exposé écrit du Royaume hachémite de Jordanie [traduction]

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