Résumé de l'arrêt du 15 décembre 2004

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10557
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Number (Press Release, Order, etc)
2004/7
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Résumé
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Résumé 2004/7

Le 15 décembre 2004

Affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Italie)
Exceptions préliminaires

Résumé de l’arrêt du 15 décembre 2004

Rappel de la procédure et des conclusions des Parties (par. 1-23)

Le 29 avril 1999, le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie (devenue à
compter du 4 février 2003 la «Serbie-et-Monténégro») a déposé au Greffe de la Cour une requête
introductive d’instance contre la République italienne (ci-après dénommé l’«I talie») au sujet d’un

différend concernant des actes que l’Italie aurait commis

«en violation de son obligation internationale de ne pas recourir à l’emploi de la force
contre un autre Etat, de l’obligation de ne pa s s’immiscer dans les affaires intérieures

d’un autre Etat, de l’obligation de ne pas por ter atteinte à la souveraineté d’un autre
Etat, de l’obligation de protéger les populations civiles et les biens de caractère civil
en temps de guerre, de l’obligation de pr otéger l’environnement, de l’obligation
touchant à la liberté de navigation sur lecours d’eau internationaux, de l’obligation
concernant les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine, de l’obligation

de ne pas utiliser des armes interdites, de l’obligation de ne pas soumettre
intentionnellement un groupe national à des conditions d’existence devant entraîner sa
destruction physique».

La requête invoquait comme base de compétence de la Cour l’articleIX de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génoc ide, adoptée par l’Assemblée générale des
NationsUnies le 9décembre1948 (ci-après déno mmée la «convention sur le génocide»), et le
paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement de la Cour.

Le 29avril 1999, immédiatement après le dé pôt de sa requête, la Ré publique fédérale de

Yougoslavie a en outre présenté une demande en indication de mesures conservatoires fondée sur
l’article 73 du Règlement de la Cour.

Le même jour, dans le cadre d’autres différends ayant leur origine dans les mêmes faits, la
République fédérale de Yougoslavie a déposé d es requêtes introductives d’instance contre la

République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, le Canada, le Royaume d’Espagne, les
Etats-Unis d’Amérique, la République françai se, le Royaume des Pays-Bas, la République
portugaise et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ainsi que des demandes en
indication de mesures conservatoires. - 2 -

La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties, chacune d’elles
s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de procéder à la

désignation d’un juge ad hoc pour siéger en l’affaire: le Gouvernement yougoslave a désigné
M. Milenko Kreća, et le Gouvernement italien a désigné M.Giorgio Gaja. Se référant au
paragraphe 5 de l’article 31 du Statut, le Gouvernement yougoslave a fait objection à cette dernière
désignation. La Cour, après délibération, est parvenue à la conclusion que la désignation d’un juge

ad hoc par l’Italie se justifiait dans la phase de l’affaire relative aux mesures conservatoires.

Par dix ordonnances datées du 2 juin 1999, la Cour, après avoir entendu les Parties, a rejeté
la demande en indication de mesures conservatoires présentée dans toutes les affaires et a en outre

décidé de rayer du rôle les affaires introduites contre l’Espagne et les Etats-Unis d’Amérique.

Le 4 juillet 2000, dans le délai fixé pour le dépôt du contre-m émoire, l’Italie, se référant au
paragraphe1 de l’article79 du Règlement, a pr ésenté des exceptions préliminaires portant sur la

compétence de la Cour pour connaître de l’affa ire et sur la recevabilité de la requête. En
conséquence, la procédure sur le fond s’est trouvée suspendue.

Le 20 décembre 2002, dans le délai prescrit ainsi prorogé deux fois par la Cour à la demande

de la République fédérale de Yougoslavie, celle-ci a déposé l’exposé écrit de ses observations et
conclusions sur ces exceptions préliminaires (ci-après dénommées les «observations»), ainsi qu’un
exposé écrit identique dans les sept autres affaires pendantes.

Conformément au paragraphe1 de l’ar ticle 24 du Statut, le 25 novembre 2003, le
juge Simma a informé le président qu’il estimait ne devoir participer au jugement d’aucune de ces
affaires.

Au cours d’une réunion que le président de la Cour a tenue le 12décembre2003 avec les
représentants des Parties dans les huit affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , les
questions de la présence sur le siège de juges ad hoc dans la phase de la procédure relative aux
exceptions préliminaires et d’une éventuelle jonc tion des instances ont notamment été examinées.

Par lettre du 23décembre2003, le greffier a inform é les agents de toutes les Parties que la Cour
avait décidé, en application du pa ragraphe5 de l’article31 du St atut, que, compte tenu de la
présence sur le siège de juges de nationalité britannique, française et néerlandaise, les juges ad hoc
désignés par les Etats défendeurs ne devraient pas siéger dans la phase en cours de ces affaires.

Les agents ont également été avisés que la Cour n’avait pas jugé opportun de joindre les instances
au stade considéré.

Des audiences publiques dans toutes les affaires ont été tenues entre le 19 et le 23 avril 2004.

Après avoir exposé les demandes formulées par les Parties dans leurs pièces de procédure
(non reproduites ici), l’arrêt rappelle que, dans la procédure orale, les conclusions finales suivantes
ont été présentées par les Parties :

Au nom du Gouvernement italien,

à l’audience du 22 avril 2004 :

«Pour les raisons qui ont été indiquées dans ses exceptions préliminaires et dans
ses exposés oraux, le Gouvernement italien conclut comme il suit : veuille la Cour dire
et juger, - 3 -

A titre principal, que :

I. Il n’y a pas lieu à statuer sur la re quête déposée au Greffe de la Cour le
29 avril 1999 par la Serbie-et-Monténégro contre la République italienne pour
«violation of the obligation not to use force» [violation de son obligation de
ne pas recourir à l’emploi de la force], telle que complétée par le «Memorial»

[mémoire] déposé le 5 janvier 2000, étan t donné qu’il n’y a plus de différend
entre la Serbie-et-Monténégro et la République italienne ou que l’objet du
différend a disparu.

A titre subsidiaire, que :

II. La Cour n’a pas de compétence ratione personarum pour juger de la présente
affaire, du moment que la Serbie-et-Monténégro n’était pas partie au Statut au

moment du dépôt de la requête, ni elle ne se considère partie à un «traité en
vigueur», ayant pour effet de conférer la compétence à la Cour, aux termes de
l’article 35, paragraphe 2, du Statut;

III. La Cour n’a pas de compétence ratione materiae pour juger de la présente
affaire, dès lors que la Serbie-et-M onténégro ne se considère pas liée par
l’articleIX de la convention sur le génocide, à propos duquel elle a formulé
une réserve au moment de sa notification d’adhésion en mars 2001 et que, en

tout état de cause, le différend qui résulte de la requête in troductive, telle que
complétée par le «Memorial» [mémoire ], n’est pas un différend relatif «à
l’interprétation, l’application ou l’ex écution» de la convention sur le
génocide, aux termes de l’article IX;

IV.La requête de la Serbie-et-M onténégro, telle que complétée par le
«Memorial» [mémoire], est irrecevabl e dans sa totalité, dès lors que par
celle-ci la Serbie-et-Monténégro cherche à obtenir de la Cour une décision

concernant la licéité de l’action menée par des sujets de droit international qui
n’étaient pas présents à l’instance ou qui n’y étaient pas tous présents;

V. La requête de la Serbie-et-Monténég ro est irrecevable en ce qui concerne le

onzième chef des conclusions, mentionné pour la première fois dans le
«Memorial», dès lors que par celui-ci la Serbie-et-Monténégro vise à
introduire un différend tout à fait autre que le différend originaire résultant de
la requête.»

Au nom du Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro,

à l’audience du 23 avril 2004 :

«Pour les motifs exposés dans ses pièces de procédure écrite, en particulier dans
ses observations écrites, dans la correspondance subséquente avec la Cour, et au cours
de la procédure orale, la Serbie-et-Monténégro prie la Cour

⎯ de statuer sur sa compétence ratione personae en les présentes affaires; et

⎯ d’écarter les autres exceptions préliminaires des Etats défendeurs et d’ordonner

une procédure sur le fond si elle estime qu’elle a compétence ratione personae.»

Avant de développer son raisonnement, la Cour consacre un paragraphe (par.24) au
changement d’appellation du demande ur intervenu le 4février2003, la «République fédérale de

Yougoslavie» prenant alors le nom de «Serbie-et-Mont énégro». Elle explique que, dans la mesure - 4 -

du possible, sauf dans les cas où le contexte histor ique pourrait créer une confusion, elle désignera
le demandeur sous le nom de «Serbie-et-Monténég ro», même lorsqu’il est fait référence à un acte

de procédure accompli avant le changement de nom.

Rejet de l’affaire in limine litis (par. 25-43)

La Cour commence par relever qu’elle doit tout d’abord examiner une question préliminaire
qui a été soulevée dans chacune des affaires, à sa voir la thèse présentée sous différentes formes par
les huit Etats défendeurs selon laquelle, à la suite du changement d’attitude du demandeur, exprimé

dans ses observations, en ce qui concerne la compét ence de la Cour, celle-ci n’est plus appelée à
statuer sur ces exceptions à la compétence, mais peut simplement rejeter les affaires in limine litis
et les rayer du rôle, sans aller plus avant dans l’examen des questions de compétence.

La Cour examine ensuite un certain nombre d’arguments avancés par différents défendeurs

comme moyens de droit susceptibles d’amener la Cour à statuer ainsi, à savoir, notamment, que les
arguments suivant lesquels : i) la position de la Serbie-et-Monténégro devrait être considérée en fait
comme un désistement dans les procédures introdu ites par elle ou que la Cour devrait d’office

mettre un terme à l’affaire dans l’in térêt d’une bonne administration de la justice; ii) qu’il y aurait
accord entre les Parties sur une «question de comp étence qui est déterminante dans l’affaire», et
que, dès lors, il n’existerait plus de «différend entr e les Parties quant à la compétence»; iii) que le
différend au fond concernant la convention sur le génocide aurait disparu et que, dès lors, tout

différend aurait disparu dans les affaires pour lesquelles l’unique base de compétence invoquée est
l’articleIX de ladite convention; iv)que la Se rbie-et-Monténégro, en raison de sa conduite, aurait
perdu son droit d’action en l’espèce ou qu’elle y aurait renoncé, et se trouverait à présent empêchée
de poursuivre la procédure.

La Cour estime qu’elle ne peut faire droit aux diverses assertions des défendeurs. Elle juge
qu’elle n’est pas en mesure de considérer que les observations de la Serbie-et-Monténégro ont pour
effet juridique le désistement dans les procédur es prévu aux articles88 et89 du Règlement de la

Cour et dit que l’affaire ne relève pas de la cat égorie de celles dans l esquelles elle peut, de sa
propre initiative, mettre un terme à la procédure. S’agissant de l’argument avancé par certains
défendeurs selon lequel le différend relatif à la co mpétence aurait disparu du fait que les Parties
s’accordent désormais à reconnaître que le demand eur n’était pas partie au Statut à l’époque

pertinente, la Cour souligne que la Serbie-e t-Monténégro ne l’a pas priée de se déclarer
incompétente; si elle paraît souscrire aux arguments avancés à cet égard par les défendeurs dans
leurs exceptions préliminaires, la Serbie-et-Mont énégro a expressément demandé à la Cour, dans
ses conclusions, de se prononcer sur sa compétence. Cette question est, de l’avis de la Cour, une

question de droit indépendante des points de vue des parties à son sujet. Quant à l’argument
concernant la disparition du différend au fond, il est clair que la Serbie-et-Monténégro n’a
aucunement renoncé à ses prétentions au fond. De fait, celles-ci ont été abondamment exposées et
développées en substance au cours de la procé dure orale sur la compétence, à propos de la

compétence de la Cour au titre de l’articleIX de la convention sur le génocide. Il est tout aussi
clair que lesdites prétentions sont vigoureusement rejetées par les défendeurs. Dans ces
circonstances, on ne saurait même dire que, bi en que le différend au fond subsiste, la

Serbie-et-Monténégro ne demande plus à la Cour de statuer sur ses prétentions. La
Serbie-et-Monténégro n’a pas cherché à se désister et elle a déclaré qu’elle «v[oulait] que la Cour
poursuive l’affaire et se prononce sur sa compétence ⎯et se prononce aussi sur le fond, si elle
a[vait] compétence». La Cour ne peut donc di re que la Serbie-et-Monténégro a renoncé à l’un

quelconque de ses droits au fond ou de ses droits procéduraux, ni qu’elle a adopté pour position que
le différend entre les Parties a cessé d’exister. Quant à l’argument fondé sur la doctrine de
l’estoppel, la Cour ne considère pas que la Serbie-e t-Monténégro, du fait qu’elle demande à la
Cour de «se prononcer sur sa compétence» en raison de certains «faits nouveaux» qui - 5 -

seraient intervenus concernant son propre stat ut juridique vis-à-vis de l’Organisation des
Nations Unies, doive être considérée comme ayan t perdu son droit d’action ou y ayant renoncé et

comme étant empêchée de poursuivre la présente procédure devant la Cour.

Pour tous ces motifs, la Cour conclut qu’elle ne peut rayer du rôle les affaires relatives à la
Licéité de l’emploi de la force, ou prendre une décision qui mettrait fin à ces affaires in limine litis.

Au stade actuel des procédures, elle doit examiner la question de sa compétence pour connaître de
l’affaire.

Accès de la Serbie-et-Monténégro à la Cour en vertu du paragraphe1 de l’article35 du Statut
(par. 44-90)

La Cour rappelle que La requête déposée pa r la Serbie-et-Monténégro le 29avril1999
indique que «[l]e Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie invoque l’article IX de

la convention pour la prévention et la répression du cr ime de génocide ainsi que le paragraphe 5 de
l’article38 du Règlement de la Cour». Pour ce qui est du second chef de compétence ainsi
invoqué par le demandeur, la Cour rappelle que, au stade des mesu res conservatoires, elle avait

conclu qu’«il [était] manifeste que, en l’absence de consentement de l’Italie donné conformément
au paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement, la Cour ne saurait avoir compétence…, même prima
facie» (C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 492, par. 31). La Cour note que les Parties ne sont pas revenues
sur cette question.

La Cour relève que, dans sa jurisprudence, elle a rappelé qu’elle «rest[ait] libre dans le choix
des motifs sur lesquels elle fonder[ait] son arrêt», et que, lorsque sa compétence est contestée pour
différents motifs, elle est libre de fonder sa décision sur un ou plusieurs motifs de son choix, et en

particulier «sur le motif qui, selon elle, est plus dire ct et décisif». Il s’agissait là cependant de cas
dans lesquels les parties aux affaires soumises à la Cour étaient, à n’en pas douter, parties au Statut
de la Cour et, de ce fait, celle-ci leur était ouverte en vertu du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut.
La Cour souligne que tel n’est pas le cas en la présente espèce, dans laquelle le droit du demandeur

d’accéder à la Cour a été contesté. C’est cette question de l’accès à la Cour qui distingue la
présente affaire de toutes celles qui sont mentionnées dans la jurisprudence considérée.

La Cour observe que la question de savoir si la Serbie-et-Monténégro était ou non partie au

Statut de la Cour à l’époque de l’introduc tion des présentes instances est une question
fondamentale; en effet, si elle n’ avait pas été partie au Statut, la Cour ne lui aurait pas été ouverte
en vertu du paragraphe1 de l’ar ticle 35 du Statut. En pareille s ituation, et sous réserve d’une
possible application du paragraphe2 dudit article, la Serbie-et-Monténégro n’aurait pu saisir la

Cour de manière valable, quel que soit le titre de compétence qu’elle puisse invoquer, pour la
simple raison qu’elle n’avait pas le droit d’ester devant la Cour. La C our doit donc tout d’abord
examiner la question de savoir si le demandeur remplit les conditions énoncées aux articles 34 et 35
du Statut pour l’accès à la Cour. Ce n’est que si la réponse à cette question est affirmative que la

Cour aura à examiner les questions relatives aux conditions énoncées à l’article 36 de son Statut.

La Cour relève à cet égard qu’il ne fait auc un doute que la Serbie-et-Monténégro est un Etat
aux fins du paragraphe1 de l’ article34 du Statut. Cependant , certains défendeurs ont soulevé

l’objection selon laquelle, au moment où elle a déposé sa requête, le 29avril1999, la
Serbie-et-Monténégro ne remplissait pas les conditions posées à l’article 35 du Statut.

Ainsi l’Italie a-t-elle soutenu que le demandeur n’avait pas accès à la Cour. Elle a estimé

qu’il n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies et a conclu notamment que

«[n]’étant pas membre des Nations Unies, la Yougoslavie n’est pas non plus partie au
Statut aux termes du paragra phe1 de l’article93 de la Charte [des NationsUnies]»

(exceptions préliminaires de l’Italie, p. 27). - 6 -

La Cour récapitule alors la suite des événements concernant le statut juridique du demandeur
vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies au cours de la période comprise entre 1992 et2000.

Elle se réfère notamment à: l’éclatement de la République fédérative so cialiste de Yougoslavie
en1991-1992; la déclaration datée du 27 avril 1992 de l’Assemblée de la RFSY, de l’Assemblée
nationale de la République de Serbie et de l’Assemblée de la République du Monténégro affirmant
que la République fédérale de Yougoslavie assurait la continuité de la personnalité juridique et

politique internationale de la RFSY ; la note datée du même jour adressée au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies par la Yougoslavie affirmant que la RFY assurait la continuité de
la qualité de Membre de la RFSY au sein de l’Organisation; la résolution 777 de 1992 du Conseil
de sécurité considérant que la RFY ne pouvait pas assurer automatiquement la continuité de la

qualité de Membre de la RFSY; la résolution 47/1 de 1992 de l’A ssemblée générale déclarant que
la RFY ne participerait pas aux travaux de l’Assemblée générale; et la lettre datée du
29septembre1992 du conseiller juridique de l’ Organisation des NationsUnies concernant les
«conséquences pratiques» de l’adoption par l’Assemblée générale de la résolution 47/1.

La Cour conclut que la situa tion juridique qui existait au sein des Nations Unies au cours de
la période comprise entre 1992 et 2000 au sujet du statut de la République fédérale Yougoslavie
demeura ambiguë et ouverte à des appréciations divergentes. Cette situation était due notamment à

l’absence d’une décision faisant autorité par laquelle les organes compétents de l’Organisation des
Nations Unies auraient défini de manière claire le statut juridique de la République fédérale de
Yougoslavie vis-à-vis de l’Organisation.

La Cour note que, au sein de l’Organisation des NationsUnies, trois positions différentes
furent adoptées. La première était celle des deux organes politiques concernés. La Cour
mentionne à cet égard la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité, du 19 septembre 1992, et la
résolution47/1 de l’Assemblée générale, du 22septembre1992, selon laquelle «la République

fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro ) ne p[ouvait] pas assumer automatiquement la
[continuité de la] qualité de Membre de l’Organi sation des Nations Unies à la place de l’ancienne
République fédérative socialiste de Yougoslavie» et «devrait prés enter une demande d’admission à

l’Organisation». La Cour souli gne que, s’il ressort sans ambiguïté des résultats des votes que ces
résolutions reflétaient une position adoptée par la vaste majorité des Etats Membres de
l’Organisation des NationsUnies, elles ne sauraient être interprétées comme constituant des
décisions faisant autorité quant au statut juridique de la République fédérale de Yougoslavie au sein

de l’Organisation ou vis-à-vis de celle-ci. L’incertitude entourant cette question est attestée, entre
autres, par la pratique de l’Assemblée générale en matière budgétaire dans les années qui suivirent
l’éclatement de la République fédérative socialiste de Yougoslavie.

La Cour rappelle la deuxième position, celle de la République fédérale de Yougoslavie, qui
soutenait pour sa part qu’elle assurait la continu ité de la personnalité juri dique de la République
fédérative socialiste de Yougoslavie, «y compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les
organisations internationales et sa participation à tous les traités internationaux que la Yougoslavie

a[vait] ratifiés ou auxquels elle a[vait] adhéré». Cette position fut exprimée clairement dans la note
officielle du 27avril1992 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des NationsUnies par
la mission permanente de la Y ougoslavie auprès de l’Organisation des NationsUnies. Elle fut
maintenue par le demandeur tout au long de la période comprise entre 1992 et 2000.

La troisième position était celle d’un autre or gane appelé à intervenir dans ce contexte, à
savoir le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies. En l’absence de toute décision faisant
autorité, le Secrétariat, en sa qualité d’organe admi nistratif de l’Organisation, continua simplement

à se conformer à la pratique du statu quo ante qui avait prévalu avant l’éclatement, en 1992, de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie.

La Cour précise que c’est dans ce contexte que, dans son arrêt du 3 fé vrier 2003 en l’affaire

de la Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet1996 en l’affaire relative à l’ Application de la
convention pour la prévention et la répressi on du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine - 7 -

c. ougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie cB .osnie-Herzégovine) (ci-après
dénommée l’«affaire de la Demande en revision »), elle avait évoqué e lle-même la «situation

sui generis dans laquelle se trouvait la RFY» dans la période considérée. Toutefois, en cette
affaire, aucune conclusion finale et définitive ne fut tirée par la Cour de cette formule utilisée pour
décrire le statut juridique indéterminé de la République fédérale de Yougoslavie vis-à-vis de

l’Organisation des Nations Unies, ou au sein de celle-ci, pendant cette période.

La Cour considère que, en 2000, une nouvelle évolution marqua la fin de cette situation. Le
27octobre de ladite année, la République fédérale de Yougoslavie de manda son admission à
er
l’Organisation des NationU s nies et, le 1 novembre, l’Assemblée générale, par sa
résolution 55/12, fit droit à cette demande. La Serbie-et-Monténégro a ainsi le statut de Membre de
l’Organisation des Nations Unies depuis le 1 novembre 2000. Toutefois, son admission au sein de
l’Organisation des Nations Unies n’a pas remonté et n’a pu remonter à l’époque de l’éclatement et

de la disparition de la RFSY. Il est apparu clairement que la situation sui generis du demandeur ne
pouvait donc être regardée comme équivalant à la qualité de Membre de l’Organisation.

De l’avis de la Cour, l’impor tance de cette évolution survenue en 2000 tient au fait qu’elle a

clarifié la situation juridique, jusque-là indétermin ée, quant au statut de la République fédérale de
Yougoslavie vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies.

La Cour considère que, se trouvant aujourd’hui à même d’apprécier l’ensemble de la
situation juridique, et compte tenu des conséque nces juridiques du nouvel état de fait existant
depuis le 1 novembre2000, elle est amenée à conclure que la Serbie-et-Monténégro n’était pas
membre de l’Organisation des NationsUnies, ni en cette qualité partie au Statut de la Cour

internationale de Justice, au moment où elle a déposé sa requête.

Un autre point est celui de la pertinence, aux fins de la présente instance, de l’arrêt rendu le
3février2003 en l’affaire de la Demande en revision . La Cour souligne que, compte tenu des

spécificités de la procédure prévue à l’article 61 du Statut, qui circonscrit rigoureusement les
conditions à réunir pour qu’il soit fait droit à une dema nde en revision d’un arrêt, rien ne justifie de
considérer que, dans l’arrêt qu’e lle a rendu en l’affaire de la Demande en revision , la Cour s’est

prononcée sur la question du statut juridique de la Serbie-et-Monténégro vis-à-vis de l’Organisation
des Nations Unies. Dans cet arrêt, la Cour ne s’est pas davantage prononcée sur la situation de la
Serbie-et-Monténégro au regard du Statut de la Cour.

Pour tous les motifs qui précèdent, la Cour conclut que, au moment où il a introduit la
présente instance, le demandeur en l’espèce, la Serbie-et-Monténégro, n’était pas membre de
l’Organisation des NationsUnies ni, dès lors, en cette qualité, partie au Statut de la Cour
internationale de Justice. Le demandeur n’étant devenu partie au Statut sur aucune autre base, la

Cour ne lui était pas ouverte au titre du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut.

Possibilité d’un accès de la Serbie-et-Monténégro à la Cour en vertu du paragraphe 2 de l’article 35

du Statut (par. 91-113)

La Cour examine ensuite la question de savoir si elle pouvait être ouverte à la
Serbie-et-Monténégro en vertu du paragraphe 2 de l’article 35, lequel dispose :

«Les conditions auxquelles [la Cour] est ouverte aux autres Etats [à savoir les
Etats non parties au Statut] sont, sous réserve des dispositions particulières des traités
en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu’il puisse en

résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.» - 8 -

A cet égard, elle cite un extrait de son or donnance du 8avril1993 en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la ré pression du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) (ci-après dénommée «l’affaire relative à la
Convention sur le génocide »), où il est dit notamment qu’«une clause compromissoire d’une
convention multilatérale, te lle que l’articleIX de la convention sur le génocide, invoqué par la
Bosnie-Herzégovine en l’espèce, pourrait être considérée prima facie comme une disposition

particulière d’un traité en vigueur» (les italiques sont de la Cour).

La Cour rappelle qu’un certain nombre de défe ndeurs ont soutenu dans leurs écritures que la
mention «traités en vigueur» figurant au paragraphe 2 de l’article 35 du Statut visait uniquement les

traités qui étaient en vigueur à la date d’entrée en vigueur du Statut de la Cour, à savoir le
24octobre1945. En ce qui concerne l’ordon nance du 8avril1993 en l’affaire relative à
l’application de la Convention sur le génocide , les défendeurs ont fait valoir qu’il s’agissait là
d’une évaluation provisoire, qui laissait la question en suspens, et ont estimé qu’il «exist[ait] des

raisons convaincantes pour que la Cour reconsidèr e l’approche provisoire qu’elle a[vait] adoptée
dans l’interprétation de cette clause dans l’affaire relative à l’application de la Convention sur le
génocide».

La Cour note que le passage en question de l’ordonnance rendue en 1993 dans l’affaire
relative à la Convention sur le génocide visait le cas d’une procédure engagée contre un Etat dont
la qualité de Membre de l’Organisation des Nations Unies et de partie au Statut n’était pas certaine.
Elle observe que l’ordonnance du 8 avril 1993 a ét é rendue sur la base d’un examen du droit et des

faits pertinents dans le cadre d’une procédure incidente de demande en indication de mesures
conservatoires et conclut qu’il y a donc lieu à présen t pour la Cour, afin de trancher définitivement
la question de savoir si le paragraphe 2 de l’artic le 35 permet d’avoir accès à la Cour en l’espèce,
d’examiner plus avant la question de l’applicabilité et de l’interprétation de cette disposition.

La Cour procède donc à l’interprétation du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut, et le fait au
regard du droit international c outumier, qui a trouvé son expression dans l’article31 de la
convention de Vienne de1969 sur le droit des trai tés. Selon le paragra phe1 de l’article31, un

traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur
contexte et à la lumière de son objet et de son but. L’interprétation doit être fondée avant tout sur
le texte du traité lui-même. Il peut être fait appel à titre complémentaire à des moyens

d’interprétation tels que les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été
conclu.

La Cour fait valoir que le sens naturel et ordinaire de l’expression «traités en vigueur»,

figurant au paragraphe2 de l’artic le35, ne fournit pas d’indicatio n quant à la date à laquelle les
traités visés doivent être en vigueur, et que l’expression peut donc être interprétée de différentes
manières. On peut l’interpréter comme visant soit les traités qui étaient en vigueur à la date à
laquelle le Statut lui-même était entré en vigueur, so it les traités qui étaient en vigueur à la date de

l’introduction de l’instance dans une affaire où ces traités sont invoqués.

La Cour relève que l’article35 du Statut a pour objet et pour but de définir les conditions
d’accès à la Cour. Tandis que le paragraphe1 de cet article ouvre la Cour aux Etats parties au

Statut, le paragraphe2 vise à réglementer les conditions d’accès à la Cour pour ceux qui ne sont
pas parties au Statut. Il aurait été incompatible avec l’objet essentiel du texte que de permettre qu’à
l’avenir des Etats non parties au Statut puissent avoir accès à la Cour par la simple conclusion d’un
traité spécial, multilatéral ou bilatéral, contenant une disposition à cet effet.

La Cour note que l’interprétation du para graphe2 de l’article35, selon laquelle ce
paragraphe doit se référer aux tra ités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du Statut, est
d’ailleurs confortée par une analyse des travaux pr éparatoires du texte; la Cour considère que

l’histoire rédactionnelle du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale (ci-après dénommée la «Cour pe rmanente») montre que ses dispositions étaient - 9 -

conçues comme une exception au principe énoncé au paragraphe1, en vue de couvrir les cas
prévus par les accords conclus immédiatement aprè s le premier conflit mondial, avant l’entrée en

vigueur du Statut. Les travaux préparatoires du Statut de la présente Cour sont cependant moins
éclairants. Les discussions relatives à l’article 35 revêtirent un caractère provisoire et quelque peu
superficiel. Elles eurent lieu à un stade de la plan ification de la future or ganisation internationale
où l’on ne savait pas encore si la Cour permanente serait conservée ou remplacée par une nouvelle

cour. De fait, les comptes rendus ne font me ntion d’aucune discussion d’où il ressortirait qu’il
conviendrait de donner au pa ragraphe 2 de l’article 35 du Statut un sens différent de celui qui était
le sien dans le Statut de la Cour permanente. Il semble plutôt que le texte ait été simplement repris
du Statut de la Cour permanente ; rien n’indique que l’on ait eu l’intention d’élargir l’accès à la

Cour.

Aussi faut-il interpréter, mutatis mutandis , le paragraphe2 de l’ article35 de la même
manière que le texte correspondant du Statut de la Cour permanente, à savoir comme visant les

traités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du nouveau Statut et prévoyant la juridiction de la
nouvelle Cour. Certes, aucun de ces traités antérieu rs faisant référence à la compétence de la
présente Cour n’a été porté à l’attention de la Cour et il se peut qu’il n’en existe pas. La Cour
estime cependant que ni cette circons tance, ni l’examen de l’objet et du but du texte, pas plus que

les travaux préparatoires ne permettent d’ét ayer l’autre interprétation selon laquelle cette
disposition avait pour objet de permettre à des Etat s non parties au Statut d’ester devant la Cour
sans autre condition que l’existence d’un traité contenant une clause conférant compétence à la

Cour et pouvant avoir été conclu à tout moment ap rès l’entrée en vigueur du Statut. Ainsi qu’il a
été noté ci-dessus, cette interprétation conduirait à un résultat tout à fait incompatible avec l’objet
et le but du paragraphe2 de l’ article35, qui sont de réglemen ter les conditions d’accès à la Cour
pour les Etats qui ne sont pas parties au Statut. De l’avis de la Cour, en conséquence, la référence

faite au paragraphe 2 de l’article 35 du Statut aux «dispositions particulières des traités en vigueur»
ne s’applique qu’aux traités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du Statut et non aux traités
conclus depuis cette date.

La Cour conclut donc que, même à supposer que la Serbie-et-Monténégro ait été partie à la
convention sur le génocide à la date pertinente, le paragraphe 2 de l’article 35 ne lui donne pas pour
autant accès à la Cour, sur la base de l’article IX de cette convention, puisque celle-ci n’est entrée
en vigueur que le 12 janvier 1951, après l’entrée en vigueur du Statut. Dès lors, la Cour n’estime

pas nécessaire de décider si la Serbie-et-Monténég ro était ou non partie à la convention sur le
génocide le 29 avril 1999, lorsque la présente instance a été introduite.

Nul besoin que la Cour examine les autres exceptions préliminaires (par. 114)

La Cour ayant conclu que la Serbie-et-Montén égro n’avait, au moment de l’introduction de
l’instance, qualité pour ester devant la Cour ni en vertu du paragraphe 1 ni en vertu du paragraphe 2
de l’article 35 du Statut, elle déclare qu’il n’est pas nécessaire qu’elle examine les autres exceptions

préliminaires à sa compétence soulevées par les défendeurs.

*

Pour finir, la Cour rappelle (par.115) que, qu’elle ait ou non compétence pour connaître
d’un différend, les parties «demeurent en tout état de cause responsables des actes portant atteinte

aux droits d’autres Etats qui leur seraient imputables».

* - 10 -

Le texte du dispositif est libellé comme suit :

mcoPifs,

CoLuar,

l’uAanimité,

Dit qu’elle n’a pas compétence pour c onnaître des demandes formulées par la
Serbie-et-Monténégro dans sa requête déposée le 29 avril 1999.»

___________ Annexe au résumé 2004/3

Déclaration commune de M. le juge Ranjeva, vice-président, et de M.le juge Guillaume, de
Mme le juge Higgins et de MM. les jugesKooijmans, Al-Khasawneh, Buergenthal et
Elaraby

1. Le vice-président Ranjeva et les juges Guillaume, Higgins, Kooijmans, Al-Khasawneh,
Buergenthal et Elaraby ont voté en faveur du dispositif des arrêts parce qu’ils estiment qu’en droit
la Cour ne saurait passer à l’examen au fond de ces affaires. Toutefois dans leur déclaration

commune, ils ont ajouté qu’ils étaient en désaccord profond avec la motivation retenue par la Cour.

2. Ils ont rappelé que, lorsque dans une affaire la Cour estime que, sur deux terrains ou plus,
sa compétence n’est pas établie ratione personae, ratione materiae ou ratione temporis, elle est libre

de choisir le terrain le plus approprié pour fonder sa décision d’incompétence. Ils ont précisé que
ce choix doit être guidé par trois critères: cohére nce de la solution retenue avec la jurisprudence
antérieure; degré de certitude de cette solution; implications éventuelles dans les autres affaires
pendantes.

3. En l’espèce, selon les arrêts de la Cour, la Serbie-et-Monténégro n’était pas membre de
l’Organisation des Nations Unies en 1999 et de ce fait n’ était pas alors partie au Statut de la Cour.
Les arrêts en déduisent que la Cour n’était pas à cette époque ouverte au demandeur au titre du

paragraphe 1 de l’article 35 du Statut. Ils se poursuivent en précisa nt que le paragraphe 2 du même
article ne permet à des Etats non Parties au Statut d’ester devant la Cour que sur la base de
décisions du Conseil de sécurité ou de traités conclus antérieurement à l’entrée en vigueur du

Statut. Ils constatent que la convention des NationsUnies sur le génocide était entrée en vigueur
seulement en 1951. Ils en déduisent que le paragr aphe 2 de l’article 35 du même Statut ne donne
pas davantage accès à la Cour à la Serbie-et-Monténégro.

4. Pour les sept juges, auteurs de la décl aration commune, cette so lution est incompatible

avec plusieurs décisions antérieures de la Cour et tout particulièrement avec l’arrêt rendu le
3février2003 dans une affaire opposant la Bosn ie-Herzégovine à la Yougos lavie dans laquelle il
avait été jugé que la Yougoslavie pouvait ester devant la Cour entre 1992 et 2000 et que son

admission aux Nations Unies en 2002 n’avait rien changé à cette situation. Par ailleurs, les auteurs
de la déclaration soulignent qu’au fond il était lo in d’être évident que la Yougoslavie n’était pas
membre de l’Organisation des Nations Unies à cette époque. Enfin, ils regrettent que l’arrêt laisse
planer le doute sur la question de savoir si la Yougoslavie était partie entre 1992 et 2000 à la

convention des NationsUnies sur le génocide et puisse ainsi conduire à remettre en cause les
solutions adoptées par la Cour dans l’affaire opposant la Bosnie-Herzégovine à la
Serbie-et-Monténégro. Ainsi, l’arrêt de la C our ne répond à aucun des trois critères de choix
dégagés au paragraphe 2 ci-dessus.

5. Les sept juges soulignent enfin que la Cour aurait pu aisément fonder son arrêt
d’incompétence sur les terrains qu’elle avait rete nus en 1999 lors de l’examen des demandes en
indication de mesures conservatoires. En effet, à cette époque, elle s’était déclarée incompétente

ratione temporis en ce qui concerne la déclaration de juridiction obligatoire de la Cour qui avait été
déposée par la Serbie-et-Monténégro plusieurs semaines après le début des opérations militaires au
Kosovo. Elle s’était en outre déclarée incompétente ratione materiae pour ce qui est de la
convention des NationsUnies sur le génocide, auc une intention génocidaire n’étant établie. Ces

solutions auraient aisément pu être confirmées. - 2 -

Déclaration de M. le juge Koroma

Dans sa déclaration, le juge Koroma, tout en souscrivant à la décision de la Cour, estime
nécessaire de souligner ce qui suit. La question qu’il était demandé à la Cour de trancher dans cette
phase de la procédure ⎯et qu’elle a effectivement tranchée ⎯ était celle de sa compétence,
c’est-à-dire celle de savoir si elle pouvait connaître de l’affaire au fond. Lorsque la Cour exerce la

compétence de la compétence, c’est afin de déterm iner si elle est habilitée à examiner une affaire
au fond et à statuer sur celui-ci. Cette attributi on étant à la fois prescrite par le droit et énoncée
dans le Statut, l’auteur de la déclaration estime que la Cour ne saurait se dispenser de l’exercer.
Ainsi en est-il dans le présent arrêt, et c’est dans cette limite que celui-ci doit être compris. Il ne

saurait être interprété comme une prise de position de la Cour sur les questions de fond qui lui
étaient soumises.

Résumé de l’opinion inviduelle de Mme le juge Higgins

Tout en reconnaissant que la Serbie et Montén égro ne s’est pas désistée de l’instance, le

jugeHiggins réfute la conclusion à laquelle la Cour est appare mment parvenue, à savoir qu’une
affaire ne pourrait être rayée du rôle que s’il y a désistement de la part du demandeur ou des
parties, si le demandeur n’a indiqué aucun titre de compétence existant, ou si la Cour n’a

manifestement pas compétence (voir par.32 de l’arrêt). Pour le jugeHiggins, le droit qu’a la Cour de
rayer exceptionnellement une affaire du rôle relève de ses pouvoirs intrinsèques, qui ne se limitent
pas à des catégories prédéfinies.

Le juge Higgins estime que la présente affaire aurait dû être rayée du rôle au motif que le
demandeur s’est placé, par sa propre conduite, dans une situation incompatible avec le
paragraphe 2 de l’article 38 du Règlement de la Cour. La manière dont il a répondu aux exceptions
préliminaires constitue une autre raison de ne pas poursuivre l’examen de l’affaire.

Enfin, le juge Higgins regrette profondément que la Cour ait prêté autant d’attention au
paragraphe2 de l’article35, ce tte disposition ne revêtant de pe rtinence, selon elle, que dans une
autre affaire en cours.

Résumé de l’opinion individuelle de M. le juge Kooijmans

Le jugeKooijmans a joint à l’arrêt une opini on individuelle et la déclaration commune de
sept membres de la Cour, dont il est cosignataire, pour deux raisons.

Premièrement, il tient à expliquer pourquoi, à s on avis, la Cour n’aurait pas dû trancher la
question de la compétence en se fondant sur le motif que la Cour n’était pas ouverte à la
Serbie-et-Monténégro, alors que, en1999, lorsque la Cour a rejeté la demande en indication de
mesures conservatoires présentée par la Yougoslavie, il était partisan de cette démarche. Selon lui,

la Cour n’a pas élucidé de manière convaincante et claire la question du statut juridique qu’avait la
République fédérale de Yougoslavie vis-à-vis de l’Organisation des NationsUnies avant son
admission au sein de l’Organisation, en 2000. Par aill eurs, il est indéniable que l’arrêt de la Cour a
des conséquences sur d’autres affaires pendantes, en particulier l’affaire du Génocide

(Bosnie-Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro) , ce qui aurait aisément pu être évité si une autre
démarche avait été adoptée. Enfin, l’arrêt est in compatible avec des déci sions antérieures de la
Cour, ce qui met en péril le principe de la c ohérence du raisonnement. Cette cohérence avec la
jurisprudence doit primer sur les doutes éprouvés act uellement ou dans le passé par tel ou tel juge,

pour autant qu’une démarche respectant cette cohérence n’aboutisse pas à des résultats
juridiquement indéfendables. - 3 -

Deuxièmement, le jugeKooijmans énonce les raisons pour lesquelles il eût été préférable
que la Cour rejetât les affaires in limine litis . En1999, le demandeur a invoqué deux chefs de

compétence, qu’il a abandonnés de manière explicite dans ses observations écrites du
20décembre2002 sans en faire valoir d’autres à la place. Néanmoins, il ne s’est pas désisté de
l’instance, mais a demandé à la Cour de déterminer si oui ou non elle avait compétence. Les
requêtes n’ont donc plus satisfait à la conditi on énoncée au paragraphe2 de l’article38 du

Règlement de la Cour, selon lequel la requête indique autant que possible les moyens de droit sur
lesquels le demandeur prétend fonder la compét ence de la Cour. La Cour ayant le pouvoir
intrinsèque de rayer une affaire du rôle afin de préserver l’intégrité de la procédure, elle aurait dû

en faire usage, étant donné que le demandeur n’a pas démontré ⎯ni même tenté de le faire ⎯
qu’il existait un chef de compétence valide.

Résumé de l’opinion inviduelle de M. le juge Elaraby

Le juge Elaraby a voté en faveur du dispositif, mais se trouve en désaccord tant avec les

motifs sur lesquels la Cour a décidé de fonder son arrêt — les paragraphes 1 et 2 de l’article 35 du
Statut de la Cour — qu’avec les conclusions auxquelles la Cour est parvenue à chacun de ces titres.
Les raisons pour lesquelles la Cour aurait dû, selon lui, fonder sa décision sur d’autres bases sont
exposées dans la déclaration commune, qu’il a cosignée. Dans son opinion individuelle, il explique

pourquoi il ne peut s’associer aux conclusions principales de la Cour.

Concernant tout d’abord la question de l’ accès à la Cour en vertu du paragraphe1 de
l’article 35, le juge Elaraby énonce les raisons qui l’ont amené à conclure que, au moment du dépôt

de sa requête en l’affaire, la République fédérale de Yougoslavie était Membre de l’Organisation
des Nations Unies. Il souligne que, bien qu’exclue de la participation aux travaux de l’Assemblée
générale et de ses organes subsidiaires, la République fédérale de Yougoslavie est demeurée
membre sui generis entre 1992 et 2000, ainsi que l’a précéd emment dit la Cour. La République

fédérale de Yougoslavie a de la so rte, relève le juge Elaraby, c ontinué de se prévaloir de nombre
d’attributs de membre de l’Organisation des Nations Unies et n’a été ni suspendue ni exclue de
l’Organisation aux termes des dis positions pertinentes de la Charte des NationsUnies. Le juge
Elaraby en conclut que, lors du dépôt de sa re quête, en 1999, la République fédérale de

Yougoslavie était Membre de l’Organisation des Nations Unies; il ne peut par conséquent se rallier
à la conclusion de la Cour selon laquelle celle-ci n’était pas «ouverte» à la République fédérale de
Yougoslavie en vertu du paragraphe1 de l’article 35 du Statut.

Le juge Elaraby, à supposer que la République fédérale de Yougoslavie n’ait pas été membre
de l’Organisation des NationsUnies, est égalem ent en désaccord avec la conclusion de la Cour
selon laquelle celle-ci ne lui était pas non plus ouverte en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 du
Statut. Selon lui, en interprétant les termes de celui-ci comme visant «les traités en vigueur à la

date de l’entrée en vigueur du Statut», la Cour donne de l’expression «traités en vigueur» qui y est
employée une interprétation par trop restrictive. Tout comme la Cour, le juge Elaraby a analysé les
travaux préparatoires pertinents, mais en a dédu it, à la différence de la Cour, que l’expression

«traités en vigueur» devait s’interpréter comme couvrant tous les traités en rapport avec le
règlement de paix intervenu au lendemain de la Seconde guerre mondiale, que leur entrée en
vigueur ait été antérieure ou postérieure à celle du Statut de la Cour: tel serait ainsi le cas de la
convention sur le génocide, traité dont l’élaboration, sous les auspices de l’Organisation des

Nations Unies, a été la conséquence directe des tragiques événements ayant marqué ce conflit. A
titre subsidiaire, le juge Elabaray déclare que, quand bien même l’interprétation donnée par la Cour
de l’expression «traités en vigueur» deviendrait la règle générale, une exception devrait être faite
s’agissant des traités destinés à remédier à des violations du jus cogens . Ceux-ci, note-t-il,

devraient faire l’objet d’une interprétation plus larg e, de telle sorte que tout Etat désireux d’ester
devant la Cour sur la base d’un traité portant sur une violation du jus cogens pourrait le faire sous
réserve que ledit traité ait été en vigueur à la date du dépôt de la requête. - 4 -

Le juge Elaraby étant parvenu à la conclusion que, en vertu de l’article35, la Cour était
ouverte à la République fédérale de Yougoslavie au moment du dépôt de sa requête, en 1999, il

poursuit en cherchant à déterminer si la Cour est compétente ratione personae au titre de
l’article IX de la convention sur le génocide. Il conclut par l’affirmative, la République fédérale de
Yougoslavie ayant succédé à l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie en

matière d’obligations conventionnelles, notamment celles prévues par la convention sur le
génocide. A l’appui de cette conclusion, il invoque la règle coutumière énoncée à l’article 34 de la
Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités, qui veut que, lorsque des
parties du territoire d’un Etat s’en séparent pour former un ou plusieurs Etats, le nouvel Etat

succède automatiquement aux traités en vigueur sur le territoire de son prédécesseur. Il souligne
qu’il n’en est que plus important pour la Cour de reconnaître et d’a ppliquer cette règle dans le cas
d’un traité fondamental relatif a ux droits de l’homme tel que la convention sur le génocide. Le
juge Elaraby conclut ainsi que la République fédé rale de Yougoslavie était partie à la convention

sur le génocide sur la base de la succession — et non de sa prétendue adhésion, et de sa réserve,
ultérieure— et, partant, que la Cour est compétente ratione personae. Il estime toutefois que la
Cour n’est pas compétente ratione materiae au titre de la convention, si bien qu’en définitive il

convient avec la Cour que celle-ci n’est pas compétente pour procéder à un examen au fond de la
cause de la République fédérale de Yougoslavie.

Résumé de l’opinion individuelle de M. le juge Kreća

M. le juge Kre ća constate que le défendeur, tout comme le demandeur, attachent une

importance déterminante à la question de la qualité de la Serbie-et-Monténégro pour ester devant la
Cour.

En la présente affaire, cette question est très étroitement, et même intrinsèquement, liée à la
qualité de Membre de l’Organisation des Nations Unies de la Serbie-et- Monténégro, d’une part
parce que celle-ci ne peut être considérée comme ayant été partie au Statut de la Cour sauf à avoir
été membre de l’Organisation, d’autre part, pa rce que les dispositions du paragraphe2 de

l’article 35 du Statut ne sauraient fonder sa qualité pour ester devant la Cour.

A cet égard, l’auteur de l’opinion estime que, à la fin de l’année 2000, le demandeur a :

i)renoncé à sa prétention à la continuité et accepté la qualité d’Etat successeur de
l’ex-RFSY; et,

ii)agissant sur une base juridique nouvelle ⎯à savoir sa qualité d’Etat successeur ⎯,

présenté une demande d’admission comme Membre de l’Organisation des Nations Unies.

L’admission de la RFY en tant que Memb re de l’Organisation des NationsUnies le
1 novembre 2000 a, dans les circonstances de la présente espèce, deux conséquences principales :

i)en ce qui concerne l’admission de la Yougoslavie en tant que Membre le
1 novembre 2000, ce qui est en cause est l’admission en tant que nouveau Membre; et

ii) elle définit en soi le statut de la Yougosl avie vis-à-vis de l’Organisation avant cette date.
Il appert des décisions prises par les organes compétents des NationsUnies que la
Yougoslavie ne pouvait alors avoir le statut de Membre. En effet, si tel avait été le cas,
er
elle n’aurait pas pu être admise en tant que Membre le 1 novembre 2000.

L’auteur de l’opinion estime égalemen t qu’il aurait été plus opportun, au vu des
circonstances de la présente espèce et du ra isonnement de la Cour, que le dispositif fît

explicitement référence au défaut de qualité de la Serbie-et-Monténégro pour ester devant la Cour.

___________

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Résumé de l'arrêt du 15 décembre 2004

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