Résumé de l'avis consultatif du 1 février 2012

Document Number
16881
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Number (Press Release, Order, etc)
2012/1
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Résumé
Document non officiel

Résumé 2012/1
Le 1 février 2012

o
Jugement n 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale
du Travail sur requête contre le Fonds international
de développement agricole

Résumé de l’avis consultatif du 1 février 2012

Historique de la procédure (par. 1-18)

La Cour commence par rappeler que les questions sur lesquelles porte la demande d’avis

consultatif sont formulées dans la résolution adoptée par le c onseil d’administration du Fonds
international de développement agricole (ci-apr ès dénommé le «FIDA» ou le «Fonds») en date du
22 avril 2010. (Le texte de cette résolution figure à l’annexe 1 du présent résumé.) La Cour retrace
ensuite brièvement l’historique de la procédure.

La compétence de la Cour (par. 19-27)

La Cour examine tout d’abord la question de savoir si elle a compétence pour répondre à la

demande d’avis consultatif. Après avoir rappelé que celle-ci lui a été soumise en vertu de
l’articleXII de l’annexe au statut du Tribunal ad ministratif de l’Organisation internationale du
Travail (ci-après dénommé le «TAOIT» ou le «T ribunal»), la Cour relève que le conseil
d’administration a dûment fait la déclaration prescrite au paragraphe5 de l’articleII du statut du
Tribunal pour reconnaître la compétence de ce dernier. Elle fait observer que le pouvoir du conseil

d’administration de demander un av is consultatif et la compétence de la Cour pour rendre un tel
avis sont fondés sur la Charte des Nations Unies et sur le Statut, et non simplement sur l’article XII
de l’annexe au statut du TAOIT. Outre cet article XII, la Cour examine l’article 96 de la Charte, le
paragraphe1 de l’article65 de s on Statut et le paragraphe2 de l’articleXIII de l’accord régissant

les relations entre l’Organisation des NationsUnies et le Fonds international de développement
agricole. (Le texte de ces dispositions figure à l’annexe 2 du présent résumé.) La Cour considère
que la demande de réformation d’un jugement présentée par le FIDA concernant son statut
d’organisation d’accueil du Mécanisme mondial et le point de savoir s’il était l’employeur de

Mme Saez García soulèvent effectivement certaines «questions juridiques» qui «se pose[nt] dans le
cadre de l’activité du Fonds». Elle note que l’au torisation accordée au Fonds par le paragraphe 2
de l’articleXIII de l’accord exclut les «questions …concernant les relations réciproques entre le
Fonds et l’Organisation des NationsUnies ou d’au tres institutions spécialisées», mais que cette
exclusion ne l’empêche pas d’ex aminer les relations du Fonds avec le Mécanisme mondial ou la

conférence des parties à la convention sur la désertification (ci-après dénommée la «conférence des
parties»), qui ne sont pas des institutions spécialisées, dans la mesure où ces relations sont - 2 -

pertinentes au regard des questions soumises à la Cour par le FIDA. En conséquence, la Cour
conclut que le Fonds a le pouvoir de soumettre, pour avis consultatif, la question de la validité de la
o
décision rendue par le TAOIT dans son jugement n 2867 et qu’elle a compétence pour examiner la
demande d’avis.

L’étendue de la compétence de la Cour (par. 28-32)

En vertu du paragraphe1 de l’articleVI du statut du TAOI T, le jugement rendu par le
Tribunal est définitif et sans appel. Cependant, les paragraphes premiers de l’articleXII dudit

statut et de l’articleXII de son annexe auto risent respectivement l’OIT et les organisations
internationales ayant fait la déclaration d’accep tation de la compétence du TAOIT à contester le
jugement du Tribunal selon les modalités prévues dans leurs dispositions. Aux termes du
paragraphe2 de ces articles, l’avis rendu par la Cour en vertu de ces dispositions a «force

obligatoire». Comme la Cour l’a déclaré dans son avis consultatif sur les Jugements du Tribunal
administratif de l’OIT sur requêtes contre l’Unesco (avis consultatif, C.I.J.Recueil1956 , p.77,
ci-après dénommé l’«avis consultatif de 1956»), cette conséquence dépasse la portée attachée par la
Charte et le Statut à un avis consultatif. Elle n’affecte pas le mode de fonctionnement de la Cour,

qui reste fixé par son Statut et son Règlement. La Cour ne peut faire droit à une demande de
réformation de jugement du TAOIT, qui lui a été adressée par une institution spécialisée autorisée à
le faire en vertu de l’article X II de l’annexe au statut du TAOIT, que pour deux motifs : soit parce
que le Tribunal a affirmé à tort sa compétence, so it parce que sa décision a été viciée par une faute

essentielle dans la procédure suivie. La Cour c ite tout d’abord le passage pertinent de l’avis
consultatif de1956 qui soulignait les limites du pr emier de ces motifs, et rappelle que, dans ce
même avis, elle a indiqué que la procédure de réformation ne constituait pas un appel quant au fond
du jugement et ne pouvait être transformée en une procédure visant la façon dont la compétence

avait été exercée ou le fond de la décision. Abordant le second motif de contestation ⎯ la faute
essentielle dans la procédure ⎯, la Cour, se référant à son avis consultatif sur la Demande de
réformation du jugementn 158 du Tribunal administratif des NationsUnies , rappelle qu’il peut

être invoqué lorsqu’a été commise dans la procé dure une erreur qui «aboutit à violer le droit du
fonctionnaire à être impartialement entendu…et, en ce sens, empêche que justice lui soit faite»
(C.I.J. Recueil 1973, p. 209, par. 92).

Le pouvoir discrétionnaire de la Cour (par. 33-48)

La Cour rappelle qu’il est clairement précisé, à l’article 65 de son Statut, qu’elle a le pouvoir

discrétionnaire de répondre à une demande d’avis c onsultatif. Lorsqu’elle l’exerce, la Cour doit
tenir compte de sa double qualité d’organe principal de l’Orga nisation des NationsUnies et
d’instance judiciaire. Dès les premières années de son existence, elle a déclaré que l’exercice de sa
compétence consultative constituait sa participation à l’action de l’Organisation et que, en principe,

une demande ne devait pas être re fusée (Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie ,
la Hongrie et la Roumanie, première ph ase, avis consultatif, C.I.J.Recueil1950 , p.71-72). Cette
position ressort également d’une déclaration qu’elle a faite quelques années plus tard, dans le seul
autre cas où un jugement du TAOIT fut contesté devant elle, selon laquelle des «raisons décisives»

devaient exister pour justifier un refus (avis consultatif de 1956, C.I.J. Recueil 1956, p. 86).

La Cour examine ensuite le principe de l’égalité devant elle entre le FIDA et le
fonctionnaire, en particulier l’égalité d’accès à la Cour et l’égalité dans la procédure se déroulant

devant elle. La Cour considère que le princi pe de l’égalité d’accès aux procédures d’appel ou
autres recours disponibles, sauf exception fond ée sur des motifs objectifs et raisonnables, doit
désormais être considéré comme partie intégran te du principe de l’égalité, qui découle des
exigences d’une bonne administration de la justice. Il est aujourd’hui permis de se demander si le

système établi en 1946 satisfait effectivement au principe moderne de l’égalité d’accès aux cours et
tribunaux. Il n’appartient pas à la Cour de réformer ce système, mais elle peut veiller à ce que - 3 -

l’égalité soit autant que possible assurée dans les procédures qui se déroulent devant elle. En la
présente espèce, la Cour a sensiblement atténué l’inégalité devant elle du fonctionnaire et de

l’institution qui l’emploie, inéga lité découlant des dispositions de son Statut, en décidant que le
président du Fonds devait lui transmettre tout e déclaration exposant le point de vue de
MmeSaezGarcía que celle-ci pou rrait vouloir porter à son attention, et qu’il n’y aurait pas de
procédure orale (son Statut ne permettant pas aux personnes physiques de participer en pareil cas à

des audiences). Nonobstant les difficultés qu’elle a rencontrées pour assurer l’égalité dans la
présente procédure, la Cour conclut que, au te rme de celle-ci, elle dispose de toutes les
informations requises pour statuer sur les questions posées ; que le Fonds et Mme Saez García ont
chacun pu présenter leurs arguments et répondre aux allégations de l’autre de manière appropriée

et, dans une large mesure, dans des conditions d’ég alité ; et que, en substance, il a été satisfait au
principe de l’égalité devant elle dans la procédure, ainsi que l’exigent sa qualité d’organe judiciaire
et la bonne administration de la justice.

A la lumière de l’analyse qui précède, la Cour réaffirme sa préoccupation face à l’inégalité
d’accès à la Cour et demeure préoccupée par le temps mis par le Fonds pour respecter les
procédures tendant à assurer l’égalité dans le cadre de la présente procédure. Néanmoins, compte
tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier des mesures qu’elle a prises aux

fins de réduire l’inégalité dans la procédure se déroulant devant elle, la Cour considère que les
raisons qui pourraient la pousser à refuser de donne r un avis consultatif ne sont pas suffisamment
décisives pour la conduire à le faire.

Le fond (par. 49-99)

La Cour rappelle que la demande d’avis consultatif a trait à la validité du jugement rendu par

le TAOIT au sujet du contrat erengagement de MmeSaezGarcía. Ressortissante vénézuélienne,
Mme Saez García reçut le 1 mars 2000 une offre d’engagement du FIDA d’une durée déterminée
de deux ans pour un poste d’administrateur de pr ogramme de la classe P-4 au sein du Mécanisme

mondial, entité hébergée par le FIDA. Le Mécanisme mondial ⎯créé par la convention des
Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la
sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (ci-après dénommée la «convention sur
la désertification») ⎯ a pour mission de mobiliser et d’acheminer des ressources financières au

profit des pays en développement. MmeSaezGa rcía accepta cette offre le 17mars2000. Son
contrat fut ensuite renouvelé une première fois jusqu’au 15 mars 2004 et une seconde fois jusqu’au
15mars2006, l’intitulé de son pos te devenant «chef de programme pour la région de l’Amérique
latine» à compter du 22mars2002, puis «chef de programme au bureau régional du Mécanisme

mondial pour l’Amérique latine et les Caraïbes» dans l’avis de non-renouve llement de son contrat
signé par le directeur général. Par un mémo randum en date du 15décembre2005, ce dernier
l’informa que la conférence des parties avait décidé de réduire de 15pourcent le budget du
Mécanisme pour l’exercice biennal 2006-2007 et qu’il fallait en conséquence diminuer les effectifs

émargeant au budget de base, ce qui entraî nerait la suppression de son poste et le
non-renouvellement de son contrat lorsqu’il viendrait à expiration le 15 mars 2006. Il lui offrait un
contrat de consultant de six mois du 26ma rs au 15septembre2006 dans un «effort pour la

réaffecter et lui trouver un autre emploi qui lui convienne», offre que MmeSaezGarcía déclina.
Le 10mai2006, celle-ci demanda l’ouverture d’une procédure de concertation, qui se conclut le
22 mai 2007 sans qu’un accord n’ait été trouvé. Elle contesta ensuite cette décision en introduisant
un recours auprès de la commission paritaire de recours du Fonds (ci-après dénommée la

«commission paritaire») conformément aux dispos itions du manuel de procédures relatives aux
ressources humaines du FIDA (ci-après dénommé le «manuel de procédures»). Le
13décembre2007, la commission paritaire reco mmanda à l’unanimité la réintégration de
Mme Saez García, à laquelle devrait en outre être versée une somme équivalant aux traitements,

allocations et indemnités qu’elle n’avait pas perçus. Le 4avril2008, le président du Fonds rejeta
ces recommandations. MmeSaezGarcía intr oduisit alors une requête auprès du Tribunal
le8juillet2008, le priant d’«annuler la décisi on du président du FIDA reje tant [son recours]» et - 4 -

d’ordonner sa réintégration ainsi que le versemen t de différentes indemnités. Dans son jugement
du 3février2010, le Tribunal prononça l’annul ation de «[l]a décision du président du

4 avril 2008», et ordonna le versement de dommages-intérêts et le paiement des dépens.

Pour apprécier les attributions respectives du Fonds, du Mécanisme mondial, de la
conférence des parties et du secrétariat permanent de la convention sur la désertification, ainsi que

les relations qui les unissent, la Cour examine ensuite les dispositions de la convention sur la
désertification et celles du mémorandum d’accord relatif aux modalités administratives et
opérationnelles du Mécanisme mondial, conclu entre la conférence des parties et le FIDA (ci-après
dénommé le «mémorandum d’accord»). La Cour fait observer que, bien qu’il soit rattaché à

l’Organisation des NationsUnies sur le plan institutionnel, le secrétariat permanent n’est pas
intégré pleinement dans le programme de travail et la structure administrative d’un département ou
programme particulier. La Cour rappelle que , en vertu de l’accord de siège conclu avec
l’Allemagne, le secrétariat de la convention a, dans le pays hôte, la capacité juridique de contracter,

d’acquérir et d’aliéner des biens mobiliers et immobili ers et d’ester en justice. La Cour relève que,
dans la convention sur la désertification, la confér ence des parties et le secrétariat permanent sont
expressément créés en tant qu’institutions et qu’ils sont investis de divers pouvoirs. Le Mécanisme
mondial, en revanche, n’est pas mentionné dans la partie de la convention intitulée «Institutions» ;

il n’est expressément doté ni par la convention ni par un accord de siège tel que celui relatif au
secrétariat permanent de la capacité de conclure des contrats ou des accords. Rien dans le dossier
soumis à la Cour n’indique d’aille urs qu’il l’ait jamais fait. En outre, la situation du Mécanisme

mondial se distingue de celle du FIDA, qui possède la personnalité
juridique internationale en vertu
de la section 1 de l’article 10 de l’accord portant création du Fonds et qui est doté de la capacité de
contracter, d’acquérir et de disposer de biens immobiliers et mobiliers en application de la section 3
de l’articleII de la convention sur les privilè ges et immunités des in stitutions spécialisées du

21 novembre 1947. La Cour note que la convention sur la désertification charge la conférence des
parties d’identifier une organisation pour y inst aller ledit Mécanisme et de prendre avec cette
dernière des dispositions appropriées pour les opéra tions administratives de celui-ci. C’est pour
cette raison que la conférence des parties a conclu, en1999, un mémorandum d’accord avec le

FIDA, comme il est exposé plus haut. Ni la convention ni le mémorandum d’accord ne confèrent
expressément au Mécanisme mondial la personna lité juridique ou ne lui reconnaissent, d’une
manière ou d’une autre, la capacité de conclure des arrangements juridiques. En outre, à la lumière
des différents instruments portant création du FIDA, de la conférence des parties, du Mécanisme

mondial et du secrétariat permanent, ainsi que de la pratique dont il est fait état dans le dossier
soumis à la Cour, il apparaît que le Mécanisme mo ndial n’avait nullement la faculté de conclure
des contrats, des accords ou des arrangements, sur le plan international ou national, ni n’a prétendu
exercer une telle faculté.

A. Réponse à la question 1

La Cour en vient ensuite aux questions qui lui sont soumises pour avis consultatif et note que
de telles questions doivent être libellées en term es neutres, sans impliquer de conclusions sur des
points de droit contestés. Elles ne doivent pas comprendre de raisonnement ni d’arguments. Les
questions posées en l’espèce s’éloignent de cette exig ence, qui reflète la pratique habituelle. La

Cour y répondra néanmoins.

Il est demandé à la Cour de donner un avis sur la compétence du TAOIT pour connaître de la
requête formée contre le FIDA par Mme Saez García le 8 juillet 2008. La compétence du Tribunal

à l’égard des requêtes introduites par les fonctionnaires d’organisations autres que l’OIT repose sur
le paragraphe5 de l’articleII de son statut, en vertu duquel «[ l]e Tribunal connaît en outre des
requêtes invoquant l’inobservation, soit quant au fo nd, soit quant à la forme, des stipulations du
contrat d’engagement des fonctionnaires ou des dispositions du statut du personnel des autres

organisations internationales satisfaisant aux cr itères définis à l’annexe» du statut du TAOIT qui
auront fait une déclaration reconnaissant sa compétence. - 5 -

Le Fonds considère que MmeSaezGarcía est un fonctionnaire du Mécanisme mondial, et
non pas du Fonds, et a donc contesté la compétence du Tribunal pour connaître de sa requête. Il a

fait valoir devant le TAOIT que son acceptation de la compétence du Tribunal ne s’étendait pas aux
entités qu’il hébergeait en application d’accords inte rnationaux. Il a soutenu que le Mécanisme
mondial n’était pas un organe du Fonds et que, même si ce dernier l’administrait, la requérante n’en
était pas pour autant un fonctionnaire du Fonds, pa s plus que les actes du directeur général du

Mécanisme n’étaient imputables au Fonds. Selon lui, en dépit du fait que les dispositions
statutaires ou réglementaires du FIDA en matière de personnel étaient appliquées à la requérante,
celle-ci n’était pas un fonctionnaire du Fonds. A l’inverse, la requérante affirmait qu’elle était bien
un fonctionnaire du Fonds durant toute la période considérée, jusqu’à sa cessation de service le

15mars2006, et que ses lettres d’engagement et do renouvellement de contrat lui offraient toutes
un poste au FIDA. Dans son jugement n 2867 du 3février2010, le Tribunal a rejeté les
exceptions d’incompétence soulevées par le Fonds et s’est déclaré compétent pour connaître de
toutes les demandes figurant dans la requête déposée par Mme Saez García. C’est cette affirmation

par le Tribunal de sa «compétence pour connaître» de la requête déposée par Mme Saez García qui
est contestée par le conseil d’administration du FI DA et qui fait l’objet de la première question
posée à la Cour. En vertu du paragraphe5 de l’ articleII de son statut, le Tribunal ne pouvait

examiner cette requête que si, d’une part, le requérant était un foncti onnaire d’une organisation
ayant reconnu sa compétence et si, d’autre part, sa requête était liée à l’inobservation des
stipulations de son contrat d’ engagement ou des dis positions du statut du personnel de cette
organisation. La première cond ition doit être examinée dans le cadre de la compétence ratione

personae du Tribunal et la seconde, dans celui de sa compétence ratione materiae . La Cour
examinera ces deux conditions ci-dessous.

1. La compétence ratione personae du Tribunal à l’égard de la requête introduite par
MmS eaez arcía

Une procédure de recours devant le TAOIT ét ant ouverte aux fonctionnaires du FIDA, la Cour
va à présent rechercher si Mme Saez García ét ait un fonctionnaire du Fonds, ou d’une autre entité

n’ayant pas reconnu la compétence du Tribunal. La Cour relève que le terme «fonctionnaire»,
employé dans le statut du personnel de l’OIT, ains i que dans le statut du Tribunal, et l’expression
«membre du personnel», utilisée dans les dispositions statutaires ou réglementaires applicables au

personnel de nombreuses autres organisations inte rnationales, peuvent être considérés comme
synonymes dans le présent contexte; elle les emploiera donc indifféremment. La politique du
FIDA en matière de ressources humaines défi nit un membre du personnel ou un fonctionnaire
comme étant une personne titulaire d’un engageme nt régulier de carrière, de durée déterminée,

temporaire ou de durée indéterminée au Fonds. Po ur bénéficier du statut de membre du personnel
du FIDA, MmeSaezGarcía devait donc être titulair e de l’un des contrats susvisés au Fonds. La
Cour note que, le 1 ermars2000, MmeSaezGarcía s’est vu proposer, dans une lettre portant
l’en-tête du FIDA, «un engagement d’une durée déterminée de deux ans au Fonds international de

développement agricole (FIDA)». Il y était sp écifié que sa nomination «[serait] régie par les
dispositions générales du manuel des politiques con cernant le personnel du FIDA…[et par] les
instructions administratives concernant l’application du manuel qui pourr[aie]nt être publiées». De
plus, le FIDA pourrait mettre fin à son engagement moyennant un préavis d’un mois et elle serait

soumise à une période d’essai en application de l’article 4.8.2 du manuel des politiques concernant
le personnel du FIDA. L’offre stipulait aussi qu’au cas où elle désirerait mettre un terme à son
emploi, elle devrait en aviser le FIDA par écrit au moins un mois à l’avance. Les lettres de
renouvellement de son contrat, jusqu’en mars 2004 et mars 2006, respectivement, lui offraient «une

prorogation de [son] engagement au Fonds international de développement agricole», en précisant
que toutes les autres conditions d’emploi deme ureraient inchangées et que son engagement
«continuera[it] à être régi pa r le manuel des politiques concernant le personnel et par les

dispositions du manuel de gestion des ressources humaines relatif à son application». - 6 -

La Cour fait observer que la signature d’un contrat d’engagement entre une personne et une
organisation internationale crée des droits et des devoirs pour les parties à ce
contrat. A cet égard,

la Cour relève que l’offre d’engagement acceptée par Mme Saez García le 17 mars 2000 a été faite
au nom du FIDA par le directeur de la division du personnel du Fonds et que les prolongations
ultérieures ont été signées par des administrateurs du personnel de cette même division. Le Fonds
ne conteste pas que ces fonctionnaires étaient habilit és à agir en son nom pour traiter des questions

de personnel. Ces offres étaient conformes aux dispositions générale s du manuel des politiques
concernant le personnel du FIDA, qui contenai t à l’époque les dispositions statutaires ou
réglementaires applicables audit personnel. Comme la Cour l’a i ndiqué dans son avis consultatif
de1956, le statut et le règl ement du personnel de l’organisatio n concernée «constituent la base

juridique sur laquelle doit s’appuyer l’inte rprétation du contrat» (C.I.J.Recueil1956 , p.94).
Il s’ensuit qu’une relation de travail, fondée sur les éléments contractuels et statutaires
susmentionnés, a été instituée entre le FIDA et MmeSaezGarcía, qui fait de cette dernière un
fonctionnaire du Fonds.

Une autre preuve du lien juridique qui unissait MmeSaezGarcía au FIDA en sa qualité de
fonctionnaire du Fonds est fournie par les conditions dans lesquelles a été instruit le recours qu’elle
a formé contre la décision de supprimer son poste et, partant, de ne pas renouveler son engagement

de durée déterminée. Elle a dans un premier temp s utilisé les procédures de recours internes mises
en place par le Fonds pour traiter les plaintes ém anant de ses fonctionnaires, à savoir la procédure
de concertation puis la saisine de la commission paritaire, qui se sont déroulées conformément aux

dispositions du manuel de procédures. Rien n’ indiquait dans le mémorandum par lequel le
président du FIDA a rejeté les recommandations de la commission paritaire, le 4avril 2008, que
MmeSaezGarcía n’était pas f onctionnaire du FIDA. Au contraire, il y était précisé que «le
non-renouvellement de [son] contrat de durée déte rminée a[vait] été [décidé conformément] aux

dispositions de l’article1.21.1 du manuel de procédures». Rien ne laisse penser non plus que le
président, lorsqu’il a rejeté les recommandations de la commission paritaire, agissait à un autre titre
que celui de président du FIDA.

La Cour rejette ensuite trois autres argumen ts avancés par le FIDA pour tenter de prouver
que Mme Saez García n’était pas membre du personnel du Fonds. S’agissant du premier argument,
selon lequel une instruction administrative publiée par le FIDA sous la forme d’un bulletin du
président en date du 21janvier2004 était censé e «[préciser] et clarifier la position juridique du

personnel du Mécanisme mondial» et montrer cl airement que «si les [membres du personnel] du
Mécanisme mondial [n’étaient] pas des [membres du personnel] du FIDA, certaines règles et
réglementations du FIDA s’appliqu[ai]ent mutatis mutandis aux [membres du personnel] du
Mécanisme mondial», la Cour voit dans les s tipulations du bulletin du président du FIDA une

preuve supplémentaire de l’applicabilité aux contrats de durée déterminée de Mme Saez García des
dispositions statutaires ou réglementaires visant le personnel du Fonds, et la confirmation de
l’existence d’une relation de travail entre l’intéressée et le Fonds. S’agissant de l’argument avancé
par le Fonds selon lequel ni la conférence des parties ni le Mécanisme mondial n’avaient accepté la

compétence du TAOIT, ce qui rendait ce dernier inco mpétent, la Cour relève que le Tribunal n’a
cependant pas fondé sa compétence à l’égard de la requête formée par MmeSaezGarcía sur une
telle acceptation. S’agissant du dernier argument avancé par le Fonds, selon lequel le Tribunal
n’était pas compétent pour examiner la décision prise par le directeur général du Mécanisme

mondial de ne pas renouveler le contrat de MmeSaezGarcía car ce dernier n’était pas un
fonctionnaire du Fonds, la Cour estim e que le statut du directeur général est dénué de pertinence
aux fins de la compét ence ratione personae du Tribunal, laquelle ne dépend que du statut de

Mme Saez García.

A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que le Tribunal était compétent
ratione personae pour examiner la requête formée pa r MmeSaezGarcía contre le FIDA

le 8 juillet 2008. - 7 -

2. La compétence ratione materiae du Tribunal

En tant que fonctionnaire du Fonds, Mme Saez García avait le droit, en vertu du manuel de
procédures, d’introduire une requête auprès du Tri bunal. Or le Fonds soutient que, à supposer
même que le Tribunal ait été compétent rationepersonae à l’égard de la requérante parce que
celle-ci était un fonctionnaire du FIDA, il n’en aurait pas pour autant été compétent ratione

materiae pour connaître de la requête. Selon le F onds, en se fondant sur le texte des pièces
déposées par la requérante devant le Tribunal, il n’est manifestement pas possible de classer les
griefs de cette dernière dans l’une ou l’autre catégorie de requêtes énoncé es au paragraphe5 de
l’article II du statut du Tribunal, à savoir : 1) l es requêtes invoquant «l’inobservation, soit quant au

fond, soit quant à la forme, des stipulations du contrat d’engagement des fonctionnaires»;
et 2) celles invoquant l’inobservation «des dispositio ns du statut du personnel». Toujours selon le
Fonds, le Tribunal n’était pas compétent pour c onnaître des arguments invoqués par la requérante
sur la base du mémorandum d’accord, de la convention sur la désertification ou des décisions de la

conférence des parties, puisqu’aucun de ces textes ne relève du paragraphe 5 de l’article II de son
statut. Selon MmeSaezGarcía, à en juger pa r le grand nombre de questions relatives à la
compétence soulevées par le Fonds dans sa demande d’avis consultatif, il semble qu’en remettant
en cause la façon dont le TAOIT a exercé sa compétence ou en contestant la portée de ses

considérations, le FIDA aille effectivement au -delà des conclusions rendues par le Tribunal
concernant sa compétence.

La Cour rappelle que la décision attaquée devant le TAOIT était celle du président du FIDA,

telle qu’elle figure dans le mémo randum en date du 4avril2008 adressé à MmeSaezGarcía, par
laquelle celui-ci a rejeté les recommandations de la commission paritaire tendant à la réintégration
de la requérante. Mme Saez García a également contesté la décision du directeur général de ne pas
renouveler son contrat, alléguant qu’elle était entachée d’abus de pouvoir et que celui-ci n’était pas

habilité à définir le programme de travail du Mécanisme mondial sans en référer à la conférence
des parties et au président du FIDA. Le Fonds a contesté la compétence du Tribunal pour connaître
de ces allégations dans la mesure où, pour ce fair e, il se devait d’examiner le processus décisionnel

du Mécanisme mondial à l’égard duquel il n’était pas compétent. Le Tribunal a rejeté ces
objections au motif que «les décisions prises par le directeur général au sujet du personnel du
Mécanisme mondial [étaie]nt, en droit, des décisions du Fonds».

La Cour ne peut faire droit aux arguments du Fonds selon lesquels le Tribunal n’était pas
compétent pour examiner la décision du directeur gé néral. Tout d’abord, le directeur général du
Mécanisme mondial était un fonctionnaire du Fond s lorsque le non-renouve llement du contrat de
MmeSaezGarcía a été décidé, comme le mont rent sa lettre d’engagement et ses conditions

d’emploi. Ensuite, la requête introduite par Mme SaezGarcía devant le Tribunal entre dans la
catégorie des allégations d’inobservation des «stipulations du contrat d’engagement des
fonctionnaires», comme indiqué au paragraphe5 de l’articleII du statut du tribunal. Enfin, il est
clairement stipulé dans les lettres d’enga gement et de renouvellement de contrat de

MmeSaezGarcía que sa nomin ation était régie par les dis positions générales du manuel des
politiques concernant le personnel du FIDA et tout amendement qui y serait apporté, ainsi que par
les instructions administratives concernant l’application du manuel qui pourraient être publiées de
temps à autre. L’inobservation des stipula tions de ces instruments, ou de ceux adoptés

ultérieurement pour les remplacer, pouvait faire l’ob jet d’un recours devant le TAOIT en vertu du
paragraphe 5 de l’article II de son statut, et Mme Saez García a de fait déclaré au Tribunal que les
dispositions du manuel de procédures n’avaient pas été respectées. La Cour conclut dès lors que la
requête formée par Mme Saez García auprès du TAOIT pour contester la décision du Fonds de ne

pas renouveler son contrat entre dans la caté gorie des requêtes invoquant l’inobservation des
stipulations de son contrat d’ engagement ou des dispositions statutaires ou réglementaires
applicables au personnel du Fonds, ainsi qu’il est prescrit au paragraphe 5 de l’article II du statut du

Tribunal. La Cour considère par conséquent que le Tribunal était compétent ratione materiae pour
examiner la requête de MmeSaezGarcía concernant le non-renouvellement de son contrat par le
FIDA. - 8 -

En ce qui concerne l’affirmation du Fonds selon laquelle le Tribunal aurait examiné les
dispositions du mémorandum d’accord et le processus décisionnel de la conférence des parties pour

rendre ses principales conclusions, alors qu’il n’était pas compétent pour ce faire puisque ces textes
ne relèvent pas du paragraphe 5 de l’article II de s on statut, la Cour est d’avis que le Tribunal, pour
déterminer s’il était compétent à l’égard de la requête qui lui était soumise, ne pouvait faire

l’économie d’un examen des arrangements juridi ques régissant les relations entre le Mécanisme
mondial et le Fonds, ainsi que du statut du directeu r général du Mécanisme mondial et de l’autorité
devant laquelle il était responsable. Selon la Cour, même si, contrairement à la constatation qu’elle
a faite, le Mécanisme mondial avait effectivement une personnalité juridique distincte et la faculté

de conclure lui-même des contrats , les conclusions formulées ci-dessus seraient toujours valables,
essentiellement sur la base des documents contractuels et des dispositions statutaires ou
réglementaires applicables au personnel du FIDA. La Cour, en réponse à la première question
posée par le FIDA, conclut par conséquent que le TAOIT était compétent pour connaître de la

requête formée contre le Fonds, conformément à l’article II de son statut, étant donné que
MmeSaezGarcía était un fonc tionnaire du Fonds et que sa nomination était régie par les
dispositions statutaires ou réglementaires applicables au personnel du FIDA.

B. Réponse aux questions II à VIII

La Cour, ayant décidé de donner une réponse affirmative à la première question posée par le
FIDA et conclu que le Tribunal était fondé à affi rmer sa compétence, est d’avis que cette réponse
couvre également tous les points relatifs à la co mpétence que le Fonds a soulevés dans les
questions II à VIII de sa demande d’avis consultati f. Dans la mesure où les questions II à VIII

visent à solliciter l’avis de la Cour sur le rais onnement qui sous-tend les conclusions auxquelles le
Tribunal est parvenu, la Cour ra ppelle que, conformément à l’article XII de l’annexe au statut du
TAOIT, elle ne peut être saisie d’une requête pour avis consultatif que dans les cas d’une
contestation de la décision du Tribunal affirmant sa compétence ou d’une faute essentielle dans la

procédure. La Cour a déjà examiné la contesta tion par le conseil d’administration du FIDA de la
décision du Tribunal affirmant sa compétence. L’article XII de l’annexe au statut de ce dernier ne
lui donnant aucun droit de regard sur le raisonne ment du Tribunal ou sur son jugement au fond, la

Cour ne peut donner son avis sur ces questions. Comme elle l’a fait observer dans son avis
consultatif de1956, «les motifs donnés par le Tribunal pour arriver à sa décision au fond ne
peuvent légitimement servir de base à une contestation de la compétence de ce Tribunal»
(C.I.J. Recueil 1956, p. 99). Pour ce qui est de l’existence éventuelle d’une «faute essentielle dans

la procédure suivie», découlant des questions II à VIII, la Cour rappelle qu’elle a précisé oette
notion dans son avis consultatif de 1973 relatif à la Demande de réformation du jugement n 158 du
Tribunal administratif des Nations Unies, ainsi qu’il est indiqué ci-dessus. Dans ses questions II à

VIII, le FIDA n’identifie pas de faute essentielle dans la procédure que le Tribunal aurait commise
lors de son examen de la requête formée contre lui. La Cour considère donc que ces questions, soit
constituent une répétition de la question relative à la compétence à laquelle elle a déjà répondu, soit
portent sur des points plus vastes qui n’entrent pas dans le cadre de l’artic leXII de l’annexe au

statut du TAOIT que le FIDA a invoqué pour fonder sa demande d’avis consultatif.

C. Réponse à la question IX

La questionIX posée par le conseil d’administration du FIDA dans sa requête pour avis
consultatif est formulée comme suit: «[l]a déci sion rendue par le Tribunal dans son jugement
n 2867 est-elle [valide] ?» La Cour, ayant donné une réponse affirmative à la première question du

FIDA, ayant donc décidé que le Tribunal était entièrement fondé à affirmer sa compétence, et
n’ayant pas identifié de faute essentielle dans la procédure suivie par ce dernier, conclut que la
décision rendue par le TAOIT dans son jugement n 2867 est valide. - 9 -

Dispositif (par. 100)

mcoPifs,

L A C OUR ,

1) A l’unanimité,

Dit qu’elle est compétente pour répondre à la demande d’avis consultatif ;

2) A l’unanimité,

Décide de donner suite à la demande d’avis consultatif ;

3) Est d’avis :

a) concernant la question I,

A l’unanimité,

que le Tribunal administratif de l’Organisation in ternationale du Travail était compétent, en
vertu de l’articleII de son statut, pour conna ître de la requête intr oduite contre le Fonds

international de développement agricole le 8 juillet 2008 par Mme Ana Teresa Saez García ;

b) concernant les questions II à VIII,

A l’unanimité,

que ces questions n’appellent pas d’autres réponses de sa part ;

c) concernant la question IX,

l’uAanimité,

que la décision rendoe par le Tribunal administratif de l’Organisation internationale du
Travail dans son jugement n 2867 est valide.»

M.le juge CançadoTrindade joint à l’ avis consultatif l’exposé de son opinion
individuelle ; M. le juge Greenwood joint une déclaration à l’avis consultatif.

___________ A NNEXE 1

Résolution adoptée par le conseil d’administration du Fonds int
ernational
de développement agricole le 22 avril 2010

Le conseil d’administration du Fonds international de développement agricole, à sa
quatre-vingt-dix-neuvième session des 21 et 22 avril 2010 :

o
Attequeu , dans son jugement n 2867 en date du 3 février 2010, le Tribunal administratif
de l’Organisation internationale du Travail (le Tr ibunal) a affirmé sa compétence en relation avec
la requête formée par Mme A. T. S. G. contre le Fonds international de développement agricole,

Attequeu l’article XII de l’annexe [au] statut du Tribunal administratif de l’Organisation
internationale du Travail dispose que :

«1. Au cas où le conseil exécutif d’une organisation internationale ayant fait la

déclaration prévue à l’article II, paragraphe 5, du statut du Tribunal conteste une
décision du Tribunal affirmant sa compétence ou considère qu’une décision dudit
Tribunal est viciée par une faute essentielle dans la procédure suivie, la question de la

validité de la décision rendue par le Tri bunal sera soumise par ledit conseil exécutif,
pour avis consultatif, à la Cour internationale de Justice.

2. L’avis rendu par la Cour aura force obligatoire.»,

Attenque le Conseil d’administration, apr ès examen, souhaite se prévaloir des
dispositions dudit article,

Décide de soumettre à la Cour internationale de Justice, pour av is consultatif, les questions
juridiques ci-après :

I. Le Tribunal avait-il compétence, en vertu de l’article II de son statut, pour examiner la

requête dirigée contre le Fonds international de développement agricole (ci-après
dénommé le Fonds), en date du 8 juillet 2008, formée par Mm e A. T. S. G., une personne
physique qui était membre du personnel du Mécanisme mondial de la Convention des
Nations Unies sur la lutte contre la désertifi cation dans les pays gravement touchés par la

sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (ci-après dé
nommée la
Convention), vis-à-vis duquel le Fonds joue simplement le rôle d’organisation d’accueil ?

II. Etant donné qu’il ressort du dossier que les parties au litige à la base du jugement n 2867

du Tribunal sont convenues que le Fonds et le Mécanisme mondial sont des entités
juridiques distinctes et que la requérant e était membre du personnel du Mécanisme
mondial, et en considération de tous les documents, règles et principes pertinents,

l’assertion du Tribunal, en appui à sa décision affirmant sa compétence, selon laquelle «le
Mécanisme mondial doit, à toutes fins admini stratives, être assimilé aux divers services
administratifs du Fonds» et que «la conséquence en est que les décisions administratives
prises par le directeur général au sujet du pe rsonnel du Mécanisme mondial sont, en droit,

des décisions du Fonds», relevait-elle de sa compétence et/ou constituait-elle une faute
essentielle [dans] la procédure suivie par le Tribunal ? - 2 -

III. L’assertion générale du Tribunal, en appui à sa décision affirmant sa compétence, selon
laquelle «les membres du personnel du Mécan isme mondial sont des fonctionnaires du

Fonds», relevait-elle de sa compétence et/ou constituait-elle une faute essentielle [dans] la
procédure suivie par le Tribunal ?

IV.La décision du Tribunal affirmant sa co mpétence pour examiner l’argument de la

requérante selon lequel la décision du dir ecteur général du Mécanisme mondial était
entachée d’abus de pouvoir relevait-elle de sa compétence et/ou constituait-elle une faute
essentielle [dans] la procédure suivie par le Tribunal ?

V.La décision du Tribunal affirmant sa co mpétence pour examiner l’argument de la
requérante selon lequel la décision du directeur général de ne pas renouveler le contrat de
la requérante constituait une erreur de droit relevait-elle de sa compétence et/ou
constituait-elle une faute essentielle [dans] la procédure suivie par le Tribunal ?

VI.La décision du Tribunal affirmant sa compétence pour interpréter le Mémorandum
d’accord entre la Conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur la lutte
contre la désertification dans les pays gr avement touchés par la sécheresse et/ou la

désertification, en particulier en Afrique, et le FIDA (ci-après dénommé le Mémorandum),
la Convention et l’Accord portant création du FIDA relevait-elle de sa compétence et/ou
constituait-elle une faute essentielle [dans] la procédure suivie par le Tribunal ?

VII. La décision du Tribunal affirmant sa compétence pour déterminer que, en s’acquittant
d’un rôle d’intermédiaire et de soutien, en application du Mémorandum, le président
agissait au nom du FIDA relevait-elle de sa compétence et/ou constituait-elle une faute
essentielle [dans] la procédure suivie par le Tribunal ?

VIII.La décision du Tribunal affirmant sa compétence pour substituer à la décision
discrétionnaire du directeur général du Mécanisme mondial sa propre décision
relevait-elle de sa compétence et/ou constitu ait-elle une faute essentielle [dans] la

procédure suivie par le Tribunal ?

IX. La décision rendue par le Tribunal dans son jugement n 2867 est-elle recevable ?

___________ A NNEXE 2

Article XII de l’annexe au statut du Tribunal administratif
de l’Organisation internationale du Travail

1. Au cas où le conseil exécutif d’une organisa tion internationale ayant fait la déclaration
prévue à l’articleII, paragraphe5, du st atut du Tribunal conteste une décision du Tribunal
affirmant sa compétence ou considère qu’une décision dudit Tribunal est viciée par une faute
essentielle dans la procédure suivie, la question de la validité de la décision rendue par le Tribunal

sera soumise par ledit conseil exécutif, pour avis consultatif, à la Cour internationale de Justice.

2. L’avis rendu par la Cour aura force obligatoire.

Article 96 de la Charte des Nations Unies

1. L’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de

Justice un avis consultatif sur toute question juridique.

2. Tous autres organes de l’Organisation et institutions spécialisées qui peuvent, à un

moment quelconque, recevoir de l’Assemblée générale une autorisation à cet effet ont également le
droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se poseraient dans
le cadre de leur activité.

Article 65 du Statut de la Cour

1. La Cour peut donner un avis consultatif su r toute question juridique, à la demande de tout

organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses
dispositions à demander cet avis.

2. Les questions sur lesquelles l’avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la

Cour par une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laque lle l’avis de la Cour
est demandé. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question.

Article XIII, paragraphe 2, de l’accord régissant les relations entre l’Organisation
des Nations Unies et le Fonds international de développement agricole

L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies autorise le Fonds à demander des

avis consultatifs à la Cour internationale de Justice sur les questions juridiques qui se poseraient
dans le cadre de l’activité du Fonds, à l’exception de celles concernant les relations réciproques
entre le Fonds et l’Organisation des NationsUn ies ou d’autres institutions spécialisées. Ces
demandes peuvent être adressées à la Cour par le conseil des gouverneurs du Fonds ou par son

conseil d’administration agissant en vertu d’une dé légation d’autorité du conseil des gouverneurs.
Le Fonds informe le Conseil économique et social de toute demande de ce genre qu’il adresse à la
Cour.

___________ Annexe au résumé 2012/1

Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

1. Dans son opinion individuelle en quinzeparties, le jugeCançadoTrindade explique tout
d’abord que, bien qu’il ait voté en faveur du présent avis consultatif, il se sent tenu de d’exposer les
fondements de sa position sur certaines questions soulevées au cours de cette procédure

consultative, lesquelles touchent des points d’épistémologie juridique qui sont à la base du droit
contemporain ainsi que du droit interne des NationsUnies (partieI), comme l’accession de
l’individu au statut de sujet de droit international doté de la capacité juridiqueinternationale, et sa

volonté de voir respecter le principe de l’égalité des armes dans les contentieux administratifs
internationaux.

2. Après être revenu sur le contexte fact uel (partieII) et sur la décision du Tribunal
administratif de l’OIT (le «TAOIT» ou le «Tribunal») prescrivant au FIDA d’exécuter son
jugement n 2867 de 2010 en faveur de Mme AnaTeresa SaezGarcía (partieIII), le
juge Cançado Trindade voit l’individu, en tant que titulaire de droits en droit international, comme

se trouvant au cŒur du problème examiné par la Cour dans le présent avis consultatif. Il appelle
ensuite l’attention sur les difficultés que la requérante n’a cessé de rencontrer (partie IV), toutes ses
communications devant être transmises à la C our par l’entremise du FIDA, ce qui soulève la
question de l’application du principe de la bonne administration de la justice.

3. S’agissant de l’égalité des armes revendiquée par la requérante, le juge Cançado Trindade
indique que deux formes d’inégalité ont été mises en lumière dans la présente procédure

consultative (partieV). La première tient au fait que, selon l’articleXII de l’annexe au statut du
TAOIT, seule l’organisation internationale c oncernée —en l’occurrence, le FIDA— peut
contester une décision défavorable du TAOIT devant la Cour (question que le Tribunal a examinée
o
dans son juoement n 3003 de 2011 sur la requête du FIDA visant à faire surseoir à l’exécution du
jugement n 2867 du TAOIT, qui donnait gain de cause à la requérante, MmeSaezGarcía). La
seconde tient à la position de la requé rante dans la présente procédure devant la Cour et, plus
particulièrement, à un aspect que le TAOI T n’a pas examiné dans son jugementn o3003

de 2011 ⎯mais que MmeSaezGarcía a évoqué elle-m ême—, à savoir le fait que le FIDA (son
contradicteur en l’espèce) est le seul à pouvoir s’adresser directement à la Cour, toutes les
communications et tous les exposés de la requérante devant être communiqués par son entremise.

4. Le jugeCançadoTrindade s’arrête ensu ite sur les positions antagonistes de la requérante
et du FIDA dans la présente procédure consultative (partie VI). Il rappelle que le même problème

avait conduit l’Assemblée générale des Nations Unies à abolir, en1995, la procédure de
réformation par la Cour des décisions du Tribunal administratif des NationsUnies (le «TANU»),
par souci du principe de l’égalité des parties. Au cours de la présente procédure consultative, les
difficultés rencontrées par la requérante, MmeSaezGarcía (qui dépendait du FIDA pour

transmettre le moindre document à la Cour) ont contra int le Greffe à intervenir à deux reprises, au
nom d’une bonne administration de la justice.

5. Dans la partieVII de son opinion indivi duelle, le juge CançadoTrindade se livre à un
examen du problème récurrent de l’inégalité des ar mes dans les procédures de réformation, comme
celles qui se déroulent devant la Cour. Il signale tout d’abord que, bien qu’il s’agisse ici de
principes généraux du droit, tels que l’égalité des armes devant les cours et tribunaux ou la bonne

administration de la justice, le fait est que le problème perdure malheureusement depuis plus
d’undemi-siècle (56ans), «lésant grandement les personnes physiques, auxquelles le droit
international administratif, ou le droit des Nations Unies, reconnaît certains droits». - 2 -

6. Le juge Cançado Trindade revient ensuite sur les cinq avis consultatifs que la Cour a déjà
rendus en la matière (en 1954, 1956, 1973, 1982 et 1987), afin de nous permettre «d’apprécier les

difficultés rencontrées par la Cour lorsqu’elle s’est trouvée aux prises avec une conception du droit
international, qui avait pour vaine prétention de nier le passage du temps (à l’instar des tenants du
positivisme juridique)», à savoir l’avis consulta tif de1954 sur l’Effet de jugements du Tribunal

administratif des Nations Unies accordant indemnité ; l’avis consultatif de 1956 sur les Jugements
du Tribunal administratif de l’OIT sur requêtes contre l’Unesco ; l’avis consultatif de1973 sur la
Demande de réformation du jugementn o158 du Tribunal administratif des Nations Unies ; l’avis
consultatif de1982 sur la Demande de réformation du jugementn o 273 du Tribunal administratif
o
des Nations Unies ; et l’avis consultatif de 1987 sur la Demande de réformation du jugement n 333
du Tribunal administratif des Nations Unies.

7. Au terme de son analyse, le juge Cança doTrindade estime que, «[p]endant 56ans, la
force d’inertie et la léthargie mentale ont régné da ns ce domaine. La Cour continue de suivre cette
procédure anormale (de réformation des jugeme nts du TAOIT), en2011 comme en1956», sur la
foi d’un

«dogme d’un autre âge selon lequel les pe rsonnes physiques ne pourraient pas se
présenter devant elle faute d’être des sujets de droit international, pérennisant ainsi

une procédure archaïque et figée qui va à l’encontre de la logique, du sens commun et
du principe fondamental de la bonne administration de la justice».

Il rappelle ensuite que, tout au long de ces 56 années, «cette situation a été critiquée à juste

titre par des juges (ainsi que des juristes) issus de systèmes juridiques et de traditions différents»,
qui avaient siégé avant lui à la Cour. Pour le j uge CançadoTrindade, «[i]l n’y a pas lieu de s’en
étonner, puisque ce sont des principes élémentaires du droit qui sont en jeu, tels que la bonne
administration de la justice et l’égalité des armes dans le cadre des procédures juridiques

(internationales)».

8. Le juge CançadoTrindade rappelle en outre (partieVIII) que, malgré ce problème

récurrent de l’inégalité procédurale (dans les affa ires qui ont donné lieu aux cinq avis consultatifs
précédents de 1954, 1956, 1973, 1982 et 1987), ou indépendamment de ce problème,

«la Cour a eu tendance à confirmer la validité des décisions du TANU et du TAOIT,

que celles-ci fussent ou non favorables au requérant. C’est ainsi qu’elle a confirmé les
décisions préalables du TANU dans ses avis consultatifs de 1973, de 1982 et de 1987,
et qu’elle a également donné raison au TAOI T dans ses avis consultatifs de1954 et

dans le présent avis de2012… Pourtant, la façon dont elle a traité le problème de
l’inégalité dans la procédure —en décida nt par exemple de ne pas tenir d’audiences
en l’espèce— demeure tout à fait insatisfaisante: au lieu de remédier à ce problème
récurrent, elle a capitulé», estime-t-il.

9. Dans ces conditions, la solution qui semble s’imposer d’elle-même aux yeux du
juge Cançado Trindade, aux fins de la présente espèce, est de remettre au premier plan «les

avancées du jusgentium contemporain, qui tendent à faire des personnes physiques des sujets de
droit international auxquels est reconnu le droit d’accès à la justice lato sensu (y compris l’égalité
dans la procédure), le locu standi in judicio et le jusstandi , dans l’espoir que, à l’avenir, les
individus seront pleinement pris en considération dans le fonctionnement des tribunaux

administratifs internationaux en général (y compris da ns le cadre de la procédure de réformation).
Telle est l’approche préconisée par le jugeCanç adoTrindade dans la suite de son opinion
individuelle. - 3 -

10. Dans la partieIX de son opinion, le jugeCançadoTrindade examine la question de
l’accession de l’individu au statut de sujet de droit international doté de la capacité juridique

internationale. Commençant par rappeler la doctrine léguée par les «pères fondateurs» du droit des
gens (Francisco deVitoria, AlbericoGentili, Francisco Suárez, Hugo Grotius, Samuel Pufendorf,
ChristianWolff et Cornelius vanBynkershoe k) concernant les sujets du jusgentium , il passe
ensuite en revue les développements intervenus depuis lors et appelle l’attention sur le fait que la
e
création de juridictions internati onales permanentes, au début du XX siècle (la première étant la
Cour de justice centraméricaine, qui a vu le jour en1907), «a en fait transcendé une conception
purement interétatique du contentieux international».

11. De nos jours, poursuit-il, la coexistence de plusieurs juridic tions internationales
spécialisées dans les droits de l’homme (les cours européenne et interaméricaine des droits de
l’homme, et, plus récemment, la cour africaine de justice et des droits de l’homme) atteste que les

personnes physiques sont désormais considérées comme des sujets de droit international «dotés de
la faculté d’engager des procédures devant des juri dictions internationales». En fait, ajoute le
jugeCançadoTrindade, les personnes physiques ont «toujours eu un lien, direct ou indirect, avec
l’ordre juridique international, comme en témoi gnent, par exemple, les systèmes de protection des

minorités et de mandat mis en place par la Société des Nations dans l’entre-deux-guerres, auxquels
ont succédé, après la création de l’Organisation des NationsUnies, les systèmes de tutelle,
complétés au fil des années par les multiples mécanismes de protection des droits de l’homme, de
nature conventionnelle ou extraconventionnelle, mis en place à l’échelle internationale».

12. Dans la partieX de son opinion indi viduelle, le jugeCan çado Trindade rappelle
également que la question de la capacité des pe rsonnes physiques d’engager une procédure devant

la Cour internationale de Justice, ou sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale, a,
de fait, été envisagée dès 1920, lors de la rédaction du projet de statut de la Cour permanente par le
comité consultatif de juristes nommé par la Société des Nations. La théorie dominante de l’époque,
selon laquelle «seuls les Etats étaient des personnes morales dans l’ordre international», reprise par

la suite dans le Statut de la C our internationale de Justice au pa ragraphe1 de l’article34, «a été
rapidement critiquée avec force par les esprits pl us clairvoyants de l’époque (dans les années20
déjà)». Selon le juge Cançado Trindade, «[l]’option retenue par les rédacteurs du Statut de la Cour
permanente, cristallisée dans le statut de la Cour internationale de Justice, est encore plus
e
critiquable si l’on considère que, dès la première moitié du XX siècle, de nouvelles voies étaient
explorées en droit international qui, de fait, conféraient aux personnes physiques la faculté
d’engager des procédures devant des juridictions internationales».

13. Cette tendance à accorder un droit de recours individuel devant les juridictions
internationales, ajoute-t-il, «s’est confirmée et généralisée après la création de l’Organisation des
NationsUnies», plusieurs traités universels et c onventions régionales de protection des droits de

l’homme prévoyant le droit d’introduire des re quêtes individuelles. La question de l’accès des
personnes physiques à la justice internationale, dans le respect du principe de l’égalité dans la
procédure, a sensiblement évolué au cours des dern ières décennies. Et le juge Cançado Trindade
d’ajouter :

«La position dogmatique qu’elle a adoptée en1920, lors de la rédaction et de
l’adoption de son Statut, n’a pas empêché la Cour permanente, dès les premières
années de son existence, de connaître d’affaires relatives au traitement de minorités ou

d’habitants de villes ou de territoires ayant un statut juridique propre. Lorsqu’elle a
examiné ces questions, la Cour permanente a développé des considérations qui allaient
bien au-delà de la dimension interétati que, prenant en compte la situation des - 4 -

personnes elles-mêmes (comme, par exemple, dans son avis consultatif sur la
Compétence des tribunaux de Dantzig, 1928). Très vite, le caractère artificiel de cette

dimension interétatique est devenu manif este et a été reconnu comme tel dans la
jurisprudence de la Cour permanente.»

14. Le jugeCançadoTrindade cite ensuite des affaires plus récentes, extraites de la
jurisprudence de la Cour elle-même, qui vont dans le même sens, à savoir: l’affaire Nottebohm
concernant la double nationalité (Liechtenstein c. Guatemala , 1955) ; celle relative à l’Application
de la convention de1902 pour régler la tutelle des mineurs (Pays-Bas c.Suède , 1958); celle

relative au Procès de prisonniers de guerre pakistanais (Pakistan c.Inde , 1973); celle des otages
(Personnel diplomatique et consulaire des Etats- Unis) à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c.Iran ,
1980) ; celle relative au Timor oriental (Portugal c. Australie , 1995) ; celle relative à l’Application
de la convention pour la prévention et la répr ession du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine

c. Yougoslavie, 1996) ; et les trois affaires successives en matière d’assistance consulaire : l’affaire
Breard (Paraguay c.Etats-Unis d’Amérique , 1998), l’affaire LaGrand (Allemagne c.Etats-Unis
d’Amérique, 2001) et l’affaire Avena et autres ressorti ssants mexicains (Mexique c.Etats-Unis
d’Amérique, 2004).

15. Dans ces affaires, précise-t-il, «l’un des éléments essentiels était justement la situation
concrète des personnes directement concernées, et non pas simplement des questions abstraites

touchant exclusivement aux relations mutuelles d es Etats en litige». Il rappelle en outre qu’en
l’affaire des Activités armées sur le territo ire du Congo (République démocratique du Congo
c. Ouganda, 2000), la Cour était préoccupée par «les grav es violations des droits de l’homme et du
droit international humanitaire», et dans celle de la Frontière terrestre et maritime entre le

Cameroun et le Nigéria (1996), elle se souciait des «victimes des affrontements armés». Parmi les
instances plus récentes dans lesquelles «les préoccupations de la Cour sont allées au-delà de la
conception interétatique», figurent celle relativ e à des Questions concernant l’obligation de
poursuivre ou d’extrader (Belgique c.Sénégal , 2009), qui a trait au principe de la compétence

universelle en vertu de la Conven tion des Nations Unies contre la torture ; l’avis consultatif sur la
Déclaration d’indépendance du Kosovo (2010); l’affaire A.S.Diallo (Guinée c.République
démocratique du Congo, 2010) sur la détention et l’expulsion d’un ressortissant étranger ; celle des
Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie, demande reconventionnelle, 2010) ; celle

relative à l’Application de la convention interna tionale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie, 2011) ; et celle du Temple de Préah Vihéar
(Cambodge c. Thaïlande , 2011).

16. «La nature même de plusieurs affaires dont la Cour a eu à connaître» révèle le «caractère
artificiel de la conception exclusivement interéta tique des procédures se déroulant devant elle»,
conception qui méconnaît par ailleurs l’évolution du droit international. La procédure de

réformation, qui fait l’objet de la présente demande d’avis consultatif soumise à la Cour, en est une
illustration. Cette procédure appartient à un au tre âge en ce qu’elle insiste sur l’absence de
locus standi in judicio des personnes physiques devant la Cour, principe devenu obsolète
(partie XII de l’opinion). A cet égard, le juge Cançado Trindade rappelle que, dès la 10 session de

l’Assemblée générale des Nation Usnies, en955, le secrétaire général d’alors,
Dag Hammarskjold, avait présenté à l’Assemblée un mémoire intitulé «Participation des individus
à la procédure devant la Cour internationale de Justice», dans lequel il soulignait la nécessité de

mettre en place une procédure équitable dans ce domaine en devenir, en prévoyant «la participation
éventuelle des individus à la procédure devant la Cour internationale de Jus tice» en tant que sujets
de droit. Aussi, poursuit le juge Cançado Trindade, - 5 -

«Dès le milieu du XXesiècle, le statut juridique des personnes physiques
devant les tribunaux internationaux et la n écessité de leur garantir un procès équitable

(également consacrée dans les instruments élaborés par les organisations
internationales) étaient déjà reconnus.»

17. Dans la partieXIII de son opinion individuell e, le juge CançadoTrindade se déclare
résolument partisan de «l’obligation impérieuse d’ assurer l’égalité des parties dans le cadre de la
procédure judiciaire internationale» devant la Cour internationale de Justice, en tant qu’elle fait
«partie intégrante du droit d’accès à la justice lato sensu ». Après avoir passé en revue les apports

de la jurisprudence pertinente des cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme en la
matière, il affirme qu’

«[i]l est fermement établi, en droit international procédural contemporain, que les

parties en litige doivent, dans le cadre de la procédure, se voir reconnaître la même
faculté de présenter leur cause, ainsi que de prendre connaissance des moyens avancés
par la partie adverse, et de les commenter»,

et que «le principe du contradictoire a marqué de son empreinte les juridictions internationales
contemporaines les plus diverses».

18. Le juge CançadoTrindade consacre la partieXIV de son opinion individuelle à la

«nécessité de garantir aux personnes physiques le locus standi in judicio et le jus standi devant les
juridictions internationales, Cour internationale de Justice comprise», afin d’assurer l’égalité des
parties au procès (en tant que partie inté grante du droit d’accès la justice lato sensu ), dans le cadre

de procédures de réformation telles que celle dont la Cour est saisie en l’espèce. Un «dogme
obsolète, imposé à la Cour depuis ses origines», empêche les personnes physiques, parce qu’elles
ne sont toujours pas considérées comme des sujets de droit international, d’ester devant celle-ci.
En conséquence, déplore le juge Cancado Trindade, «seule l’organisation in ternationale concernée

(l’employeur) jouit du jusstandi et du locus standi in judicio devant la Cour internationale de
Justice, la personne physique (l’employé) dépenda nt de la décision de l’employeur (de saisir la
Cour) et n’ayant pas la faculté, si la Cour est effectivement saisie, de se présenter devant elle.
C’est là assurément une double inégalité dans la procédure devant la Cour mondiale».

19. En conclusion (partieXV), le jugeCa nçadoTrindade estime que la compétence
consultative de la Cour internationale de Justice semble offrir le cadre voulu pour envisager

d’éventuelles avancées dans ce domaine permettant , tout particulièrement en «cette époque de
règne de l’Etat de droit aux niveaux national et international », de dépasser la perspective purement
interétatique et venant sonner le glas d’un «dogme totalement caduc». Si cette question revêt une
telle importance, c’est parce qu’elle semble aller au-delà d’une perspective interétatique bien peu

satisfaisante, suivant en cela les évolutions qu ’ont récemment connues divers domaines du droit
international contemporain. Cet aspect, selon le juge Cançado Trindade, ne saurait rester méconnu,
ni inexploré, par une juridiction mondiale telle que la Cour internationa le de Justice. La
participation de personnes physiques aux pro cédures de réformation soumises à la Cour

préserverait, d’après le juge Cançado Trindade, un principe du contradictoire «essentiel à la quête
de la vérité et à la réalisation de la justice, engarantissant tout au long de la procédure devant la
Cour l’égalité des armes indispensable à la bonne administration de la justice». - 6 -

20. Pour le juge Cançado Trindade, c’est là une évolution

«logique, puisque, à la personnalité juridi que internationale des parties doit
correspondre leur pleine capacité juridique de fa ire valoir leurs droits devant la Cour.
En outre, leur participation publique à la procédure devant celle-ci emportera

reconnaissance du droit à la liberté d’expressi on des parties en litige elles-mêmes, en
leur conférant la faculté d’agir en véritables sujets de droit. Les personnes qui se
sentent victimes et veulent que justice leur soit rendue trouveront une forme de
réparation dans la contribution directe qu’elles apporteront — par leur participation —

à la patiente reconstitution et détermination des faits par la Cour elle-même.»

Aussi la question ici en cause lui semble-t-elle mériter dorénavant un examen approfondi et
minutieux. Et le juge CançadoTrindade de c onclure que, «la Cour de vant s’acquitter de ses

fonctions face aux plus grands défis de notre temps, el le ne pourra, en sa qualité de Cour
internationale de Justice, que reconnaître enfin que les personnes physiques sont des sujets de droit
international, du droit des gens contemporain».

Déclaration de M. le juge Greenwood

Le juge Greenwood fait siennes les réponses formulées par la Cour et souscrit au
raisonnement qui les sous-tend. Il exprime néan moins de sérieuses réserves quant au contenu de

l’articleXII de l’annexe au statut du Tribunal ad ministratif de l’Organisation internationale du
Travail, qui réserve la possibilité de saisir la Cour à une seule des parties, créant ainsi une inégalité
entre l’organisation et le fonctionnaire qu’elle emploie, à laquelle il est difficile de remédier. Il ne

fait aucun doute à ses yeux que MmeSaezGarcía était fonctionnaire du FIDA. Il aurait été
partisan d’ordonner à celui-ci de régler au moins une partie des dépens e ngagés par l’intéressée si
elle en avait fait la demande.

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Résumé de l'avis consultatif du 1 février 2012

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