Résumé de l'arrêt du 11 juillet 1996

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7351
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Number (Press Release, Order, etc)
1996/3
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIREREILATIVE À EAPPLItCATION DE LACONVENTIONPOURLAPRÉVEN-
TION ET LA RÉPRESSIONDZJCPiIMlEDE GENOCIDE(BOSNIE-HERZÉGOVINE

G. YOUGOSLAVIE)

Arrêd tu 11juillet1996surlesexceptionspréliminaires

Dans son arrêt,laCoui:arejetélesexceptitmsprélirni- pression du crimede génocide,pour statuersur ledif-
nair-- au'avait soulevéesla You~oslaviedans l'affaire férend;
relative à l'application tle la Coivention pour la pré-
vention et la répressiondu crime de génocide(IBosnie- "POUR: M. Bedjaoui, président; M. Schwebel,
Herzégovinec. Yougoslavie).De plus, laCour a conclu vice-président;MM. Guillaume, Shahabuddeen,
quela requêtedéposép ear la Bosnie-Herzé:>ovine tait Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi, Koroma, Ve-
recevable. reshchetin,FerKan Bravo, Parra-Aranguren, juges;
M.Lauterpacht,juge ad hoc;
"CONTRE :M.Oda,juge; M. KreCa,juge ad hoc;

"b) Par quatorze voixcontre une,
Le texte complet du dispositif de I'arrêtse Iitcomme "Ecarte les bases supplémentairesde compétence
suit : invoquéesparlaRépubliquedeBosnie-Herzégovine;
"Par ces motifs,
'%UR : M. Bedjaoui, président; M. Schwebel,
"LACOUR, vice-président;MM.Oda,Guillaume,Shahabuddeen,
"1) Ayant pris acte du retrait de la quatrikme ex- Weeramanîry, Ranjeva, Herczegh,Shi, Koroma, Ve-
ceptionpréliminairesoulevéepar laRépu'bliqi~fe dé- reshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren, juges;
rale de Yougoslavie, M.KreCa,juge ad hoc;

"Rejette "CONTRE :M.Lauterpacht,juge ad hoc;
"a) Par quatorze voix contre une, "3) Partreize voix contre deux,

"Les première, deuxième et troisième exceptions "Dit que la requêtedéposée parla Républiquede
yréliininaires; Bosnie-Herzégovinele 20mars 1993est recevable.
"POUR: M. Bedjaoui, président; M. Sclhwebel, ''POUR: M. Bedjaoui, président; M. Schwebel,
vice-président;MM.C)da,Guillaume,Shahabiiddeen, vice-président;MM. Guillaume, Shahabuddeen,
Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shii, Kloroma, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi, Koroma, Ve-
Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguiren,ju-
ges; M. Lauterpacht, juge ad hoc; reshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren,juges;
M.Lauterpacht, juge ad hoc;
"CONTRE :iM.KreCiaj,uge ad hoc; "CONTRE :M.Oda,juge; M.KreCa,juge ad hoc."
"b) Par onze voix contrequatre,
"La cinquième exce,ptionprkliminaire;

"POUR : M. Bedjaoui, président; M. Schwebel,
vice-président; MM. Guillaume, Shahabuddeen, La Cour étaitcomposéecomme suit :M. Bedjaoui,
Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Koroma, Ferrari président, M. Schwebel, vice-président; MM. Oda,
Bravo,Parra-Aranguren,juges; M.Lauterpacht,juge Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva,
ad hoc; Herczegh, Shi, Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo,
"CONTRE : MM. Cida, Shi, Vereshchetin, juges; Parra-Aranguren, juges; MM. Lauterpacht, KreCa,
M. Kreka,juge, ad hoc; juges ad hoc; M.Valencia-Ospina,greffier.

"c) Par quatorze voix contre une, M. Oda a joint une déclaratioà l'arrêtde la Cour;
"Les sixièmeet septièmeexceptionspréliminaires; MM.Shiet Vereshchetin ontjoint unedéclarationcom-
mune àl'arrêt,M.Lauterpacht, juge ad hoc, ajoint une
"POUR : M. Bedjaloui, président; M. Sbhwebel, déclaratioà l'arrêt.
vice-président;MM.Oda, Guillaume,Shahaduddeen, MM.Shahabuddeen, Weeramanîry et Parra-Arangu-
Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,K:oroimaV, e- ren ont joint à l'arrêtles exposésde leur opinion indi-
reshchetin, Ferrari Bravo, Barra-Arangiiren,juges; viduelle.
M.Lauterpacht,juge ;adhoc;
"CONTRE : M.Krebs, juge ad hoc; M. Krebs,jugead hoc,ajoint àl'arrêtl'exposéde son
opinion dissidente.
"2) a) Par treize voix contre deux,
"Dit qu'eile a compétence,sur la base de l'arti-
cleIX de la Convention pour la préventiont:t la ré-Introduction de l'instance et historiqrkede I'aflaire liminairesà raison de sa longueur,.n'estpas reprodui.
(par. 1à 15) dans leprésentrésumé.)

La Cour commencepar rappeler quele20mars 1993, P.arune lettre en date du 2 février1996,l'agentde la
la Républiquede Bosnie-Herzégovine,(dénomméc ei- Yougoslaviea soumisàlaCour,"commedocumentper-
après la "Bosnie-Herzégovine")a dépos6une requête tinentaux fins de l'affaire",le texte de l'Accord-cadre
introductive d'instancecontre la Républiquefuérative g6nt!raipour la paix en Bosnie-Herzégovineet ses an-
de Yougoslavie(dénommée ci-aprèsla '"Yougoslavie") nexes (appeléscollectivement"Accord de paix"),para-
au sujet d'un différendconcernant d'unepart une série @$:s à Dayton (Ohio)le 21 novembre 1995et signésà
de violationsalléguéedselaConventionpour la préven- Paris le 14décembre1995(ci-aprèsdénommélses "Ac-
tion et la6pression du crime de génocide (dénommée cortlsdeDayton-Paris").
ci-après "Convention sur le génocide"),adoptéepar Dss audiences publiques ont ététenues entre le
l'Assemblée gén6raledes Nations Unies le 9 décembre 29avriletle 3mai 1996.
1948,etd'autrepartdiversesquestionsqui,selonlaBos-
nie-Herzégovine,seraient liéesà ces violations.La re- Cmzpktenceratione personae (par. 16à26)
quêteinvoquecommebasede compétence delaCourl'ar- Rappelantque,pour fonderla comp6tencedelaCour
ticleX dela Conventionsurlegénocide. en l'espèce,la Bosnie-Herzégovinea invoqué à titre
Le 20 mars 1993,dèsaprèsledépôtde sa requête,la principall'articIXdelaConventionsurlegénocide,la
Bosnie-Henégovinea présentéune deinande en indi- Courexamined'abordlesexceptionspréliminaires sou-
cationdemesuresconservatoiresen vertudel'article41 levdespar la Yougoslaviesur ce point. Elle prend acte
du Statut. Le 31mars 1993,l'agentde laBosnie-He&- du iretraitpar la Yoiigoslavie, au cours de la procé-
govinea déposé au Greffe,en l'invoquantcommebase durt: orale, dans sa quatrièmeexception préliminaire,
supplémentairedecompétencedelaCourenl'espèce, le qu'il n'y a doncplus lieu de traiter. Aux ternies de sa
texted'une lettren date du 8juin 1992ahs& auPd- troi!;ièmexception,la Yougoslavieacontesté,pourdif-
sidentde la corinmissiod'arbitrage& laConf6rencein- férendsmotifs,quelaConventionlielesdeuxPartiesou
ternationalepou la paix en Yougoslaviepar les khi- soit entrée enigueur entre elles; et aux termes de sa
dentsdes Républiquesdu Monténégro et de Serbie.Le cinqyièmeexception, la Yougoslaviea contesté, pour
ler avril 1993,la Yougoslaviea présentéd.es observa- des raisons diverses, que le différend soumispar la
tionsécritessur la demandede mesuresconservatoires Bosnie-Herzégovineentre dans les prévisionsde l'ar-
de la Bosnie-Herzégovine, dans lesquellleselle a à son ticle: de laConvention.
tour recommandé à la Cour d'indiquer à la Bosnie-
Herzégovinedes mesures conservatoirt:~.Par une or- L'instanceintroduitedevantlaCouropposedeuxEaats
donnanceen date du8avril1993,la Cour,aprèsavoiren- don~iteterritoireest situéàl'inb5rieurdel'ex-Rhubliaue
tendu les Parties,a indiquécertainesmesuresconserva- fédérativeocialistdeYougoslavie.Lorsde lapkl&-
toiresà l'effet de protégerdes droits c:onférésar la tiondelaRévubliaue fédérativeeYou~oslaviel,e27avril
Convention sur legénocide. 199;!, ned&laraGonformellea été adopt6eei son nom,
quir:xprimaitl'intentiondela Yougoslaviededemeurer
Le 27juillet 1993,la BosnieHerzégovinea présenté liéepar lesraites internationaux auxquelsl'ex-Yougo-
une nouvelle demande en indication de:mesures con- slavie étaitpartie. La Cour observe en outre qu'il n'a
servatoires; et, par une sériedeommtinicationsulté- pas'étécontestéquela Yougoslaviesoitpartie àla Con-
rieures, elle a fait savoir qu'ellendit modifier ou vention surle génocide. Ainsi, la Yougoslave taitliée
complétercette demande,ainsique,danscertainscas, la par les dispositionsde la Conventionla date du dépôt
requête,y compris la base de compétencey invoquée. de1:trequêteen laprésenteaffaire,le 20mars 1993.
Par deslettres du 6oQtet du 10aoQt1993,l'agentdela La BosnieHerzégovine,pour sa part, a communiqué
BosnieHdgovine a indiquéque son gouvernement le25)décembre1992au Secrétairegénérad lel'organisa-
entendait invoquer comme bases supplémentairesde tiondesNationsUnies,en saqualitédedépositairedela
compétencede la Cour en l'espèce, ~slxxtivement, le Conventionsur legénocide,une notificationde succes-
Traitéentre les Puissances alliéeset :associéeset le sion.La Yougoslaviea mis encause la validitéet l'effet
Royaume des Serbes, Croates et Slovèioessur la pro- juritliquedecette notification,car, pour elle,la Bosnie-
tection des minorités,signàSaint-Germain-en-Layele Herzégovinen'avait pas qualité pourêtrepartie à la
10septembre 1919,et ledroit internatiorlalde la guerre Convention.
coutumier et conventionnel ainsi que le:droit interna-
tionalhumanitaire. Le 10aoQt 1993,la Yougoslaviea L.aCour constate que la Bosnie-Herzégovine est de-
également prksentéune demande en indlicationde me- venueMembredel'Organisationdes Nations Uniesà la
sures conservatoires; et, les 10et 23 ac)Qt1993,ella suite des décisions prisesIe22mai 1992par le Conseil
déposédes observations écrites sur 1stnouvellz de- de r;écuritet l'Assembléegénéraleo , rganes compé-
mande dela Bosnie-Herzégovine,telle quemodifiéeou teiitsen vertudelaCharte.Orl'articlXI delaConven-
complétéeP .ar uneordonnanceen date dia13septembre tion siir legénocideouvre celle-ci"tout Membre des
1993,laCour,aprèsavoirentendu lesPaities,a réaffirné Nations Unies"; dèsson admission auseinde I'Organi-
les mesures indiquéesdans son.ordonnzincedu 8 avril sztion,la Bosnie-Herzégovinepouvait donc devenir
1993et a déclaré queces mesurzs devaient être imm6- partieàla Convention.La Cour estimeque les circons-
diatementet effectivementmises enaeuvre. tancesdans lesquellesla Bosnie-Hen6govine a accédé
Dans ledélaiprorogdau 30juin 1995pour led6pôtde àl'iiidépendancee,tauxquellesseréfèrela Yougoslavie
son contre-mémoire,la Yougoslavie,se référana tu pa- dan:;satroisièmeexceptionpréliminairei,mportentpeu.
ragraphe lerdel'article79du W&glment,a pr6sent6des Il ressort de ce qui précèdeque la Bosnie-Herzégo-
exceptionspréliminairesportant, resptivemenr, sur la vine pouvait devenirphe à la Convention par l'effet
recevabilitédelarequête etsurlacomp6t1:nce delaCour du mécanismede la succession dYEtats.Les Parties au
pourconnaître del'affaire.Letextedes exceptionspré- diffiirendont exprimédes opinions divergentessur lesconséquencesjuridiques quidevraients'attac:heràlasur- Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J.
venanced'unesuccessiorid'Etats enl'espèce. Recueil 1950,p. 74)
La Cour ne considhre pas nécessaire,pour déciderde et que, du fait du rejet, par la Yougoslavie, des griefs
sa comp6tence en I'espècx,deseprononcer surlesques- formulCsil son encontre par la Bosnie-Herzkgovine, il
tionsjuridiques concernant lasuccessiond'l5tat.;enma- existe un différendd'ordrejuridique.
tièrede traitésqui ont Ctésoulevéespar lesI?arties.Que
la Bosnie-Herzégovinesoit devenue autorxiatiq,uement Four asseoir sa compétence,la Cour doit cependant
partie à la Conveiition sur le génocidA la date:de son encores'assurer qne le diffkrenden question entre bien
accession àl'indkpendaiicele 6mars 1992,ou qu'ellele dans les prévisionsdel'articlIX de la Convention sur
soit devenuepar l'effet-- rétroactifou non- desa no- le génocide.
tification desuccessisn di129 décembre1!)92,en tout La Yougoslavie le conteste. Elle exclut l'existence,
étatde cause, elle yétai partieà la date du dép"de sa en l'espèce, d'un"différendinternational" au sensde la
=quête,le20mars 1993. Convention en sefondant sur deux propositions :d'une
part, leconflit qui a eu pour théâtrecertainesparties du
La Yougoslavie a fail:valoir que, à suppose]:que la territoire du demandeur aurait étéde nature interne, la
Bosnie-Herzégovineait ktéliée parla Coiivention en Yougoslavien'y aurait pas étépartie et ellen'aurait pas
mars 1993,celle-cin'aurait pu, àcette époque,entrer en exercéde juridiction sur ce territoire l'époquecon-
vigueurentre les Parties:,car les deux Etats :nesc:recon- sidérh; et, d'autre part, la responsabilitéd'Etat telle
naissentpas et les conditions nkessaires pour conférer que viséedans les demaiides de la Bosnie-Herzégovine
une base consensuelle ii la juridiction de ].aCour fai- serait excluedu champd'application de l'articlIX.
saientpar suite défaut.Telle n'est cependant plus la si-
mation qui prévaut derbuisla sigrnatureet l'entréeen En ce qui concerne la premiere proposition formu-
vigueur, le 14décembre1995,des Accords de Ilayton- léepar la Yougoslavie,la Cotir esti~neque, quelle que
Paris, dont l'article X stipuleque les Parties "se recon- soit la nature du conflit qui serve de cadre aux actes
naissent l'une l'autrecomme Etats indépendaritssou- auxquels se rkferent les articles II et III de la Conven-
verains àl'intrsrieurde leursfrontières internationales". tion, les obligations de préventionet de répressionqui
La Cour constate que, àsupposer mêmeque laConven- sontà la charge des Etats partiesà la Convention de-
tion sur le génocide ne!$oitentréeen vigueur entre les meurent identiques.
Parties qu'à la signature.des Accords deD;iyton-Faris, Ellenoteau surplusqu'à ce stade de laprocédureelle
toutes les conditions sont àprésent réunie.pou]:fonder n'est pas en mesure de se prononcer sur la question de
la compétencede la Cour rationepersonae. Elle ajoute savoir silaYouçoslaviea été partie prenante- directe-
qu'en effet sa compétencedoit norma1emi:ntr;'appré- ment ou indirectement -- au conflit ici encause, qui re
cier à la date du dépôtde l'acte introductif'd'instance. lèveclairementdufond.Enfin, s'agissait desproblèmes
Cependant la Cour, comme sa devancière,la Cour per- territoriaux liàl'applicationde laConvention,laCour
manente de Justise internationale, atoujours eu recours est d'avisqu'ilrésultedu but et de l'objetde la Conven-
au principe selon lequel elle ne doit pas sanctionner un tion que les droits et obligations consacréspar celle-ci
d6faut qui affecterait uii acte de procédunz,auquel la sontdesdroitsetobligations ergaomines.La Courcons-
partierequérantepourrait aisémentporter remède. tate quel'obligationqu'aainsichaqueEtat depréveniret
de rkprimer le crime de génociden'est pas limitéeter-
Au vu dece qui précède,laCourestime di:voi:rrejeter ritonalement par laconvention.
la troisièmeexception pi:éliminaircde la Yougo:;lavie.
En ce qui concerne la seconde proposition de la
Compé~ence ratione materiae (par. 27 33) Yougoslavie, relative au type de responsabilitédd'Etat
observe que, en visanti"laresponsabilitéd'unn,EtadCenr
Afin de determiner s.elle a comgétencepour con- matièrede gknocide ou de l'un quelconque des autres
naître de l'affaire surabase de l'articlIX d:e la Con- actesénrunéréà sl'article III", l'artIXln'exclut aii-
vention sur le génocide, laCour doit v6rifit:rs'ilexiste cune forme de responsabilitéd'Et&. La responsabilitrs
entre lesParties undiffkrenderitrantdans lesprkvisions d'unEtat pour lefaitde ses organesn'estpasdavantage
de cette disposition. L'articlIX de la Corivention est exclue par l'articleIV de la Convention, qui envisagela
ainsi conçu : commission d'un acte de génocide par des "gouver-
"Les différendsentre lesParties contrac:tnn:tesrela- nants" ou des "fonctionnaires".Au vudecequiprécède,
tifsà 19interprétationl,'application ou l'exéciitionde laCourestimedevoirrejeter la cinquièmeexceptionpré-
la présenteConvention, y compris ceux relatifs à la liminairedelaYougoslavie.
responsabilitéd'un Etat en matièrede gériocideou de
l'un quelconque des ;autresactes énumd;réà s I'arti- Compdtenceratione temporis (par. 34)
cle III,seront soumis 3ila Cour internationale deJus- A cet égard,la Cour se borne àobserverque la Con-
tice,àlarequêted'une Partieau différencl." vention sur le génocide - et en particulier son arti-
cleIX - ne comporte aucune clause qui aurait pour
C'est sur la compétence:ratione materiae clinsidéfinie objet ou pour conséquencede limiter de la sorte l'éten-
que porte la cinquièmee:xceptionde la Youipslavie. duede sacompétence rationetemporis et relèveque les
Parties elles-mêmesn'ont formuléaucune rkserve àcet
ka Cour constate qu'ilpersiste effet, nila Convention, ni àl'txcasion de la signature
"une situation dans laquelle les points de vue des des Accords de Dayton-Paris. La Cour constate ainsi
deux Parties, quant à l'exécutionou à la non-exécu- qu'elleacornpetenceen l'espècepour assurer l'applica-
tion de certaines obli;$atioiisd&oulant d.'[untraitk], tion de la Convention sur le génocide auxfaits perti-
sont nettement oppoz;és"(Interprbtationdes traitbs nents qui se sont déroulésdepilis le débutdu conflit
de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la dont laBosnie-Herzégovizie a 6téle théâtre.La Courestime par suite devoir rejeter les sixièmeet septième L,aCour souligneenfinqu'elle neconsidère pas pour ..
exceptions préliminairesde la Yougoslavie. autiint que la Yougoslavie aurait, en présentant ces
exceptions, abusésdesdroitqu'elletire en lamatièredu
Bases supplémentairesde compétenceinvoquéespar la paragraphe 6 de l'article 36 du Statut de la Cour et de
Bosnie-Herzégovine (par. 35à41) l'article79de son Règlement.Elle conclut que, sa com-
La Courestimequ'ellenepeutretenircommebasesde pétenceen vertu de l'article IX de la Convention sur le
compétenceen l'affaire :la lettre en datc:du 8juin 1992, génsocidée tant établieet la requêtedela Bosnie-He&-
adresséeauMident delaCommissiond'arbitragedela govineétantrecevable, elle peut désormais procéderà
Conférence internationalepour la paix (enYougoslavie l'examendu fond de l'affaire.
par M.MornirBulaaovia,présidentde la.Républiquedu
Monténégroe ,tM. Slobodan Milosevia,présidentde la
Ré~ubiiauede la Serbie: le Traité entreles Puissances
alli'éest'assmiées(les~kts-unis d9Amtirique,l'Empire
britannique,laFrance, l'Italieet leJapon)et leRoyaume Déclarationde M. Oda
des ~erbêsC , roates et Slovènes,sig& àsaint-~e'main- M. Oda, quoique embarrassédans une certaine me-
en-Layele10septembre1919etentréenvigueurle 16juil-
let 1920.La Cour ne trouve pas par ailleursque ledéfen- Cotir, a déclaréqu'il devait, comme une question de la
deura expriméenl'espèceunconsentement "volontaire, consciencejuridique, expliquerpourquoi, à son avis, la
indiscutable" qui lui accorderait une coinpétenceexcé-
dant ceiie qu'elle s'est6jà reconnue aii titre de l'arti-Cotir devait rejeter la requête.M. O& a votécontre
clePXde laConvention surlegénocide.La Cour nepeut parce que la Cour n'a pascompétenceratione materia.
retenir aucune des bases suppl6mentai.resde compé- indiqué aucunevue contraire concernant l'application,
tenceinvoquéesparle demandeur.Elle n',estcompétente ou I'intelprétationde la Convention sur legénocidequi
que sur la base de l'article PXde la Convention sur le auntit pu exister au moment du dépôtde larequête, seul
génocide. élémenp touvant permettre àla Cour de dire s'ilexiste
un différendentre la Bosnie-Herzégovineet la Yougo-
Recevabilitéde la requête(par.42à45)
SelonlapremièreexceptionpréliminairedelaYougo- slavieau titre decette convention.
slavie, la requête seraitirrecevable motif pris de ce NI. Ocla estime que la Convention sur le génocide
qu'elle se réRre à des dvdnements suirvenus dans le présente la caractéristique fondamentale d'avoir été
cadre d'une guerre civile et qu'il n'existeraiten consé- adoptéepar I'Assembléegénéraleen 1948àun moment
quence aucun différendinternationalsui:lequella Cour oh, en raison du succès du procès de Nuremberg, on
pourrait se prononcer. pensait qu'il y aurait lieu d'étabiir unecour criminelle
internationale pour punir les actes criminels allantà
Cette exception est très proche di la cinquièmeex- l'en'contredesdroitsde l'homme,ycompris legénocide,
ception sur laquelle la Cour s'est déjàenchéeci-des- ce qui concerne essentiellement non pas les droits
sus. En répondant àcette dernièreexception, la Cour a et obligations entreEtatsmais la protection des droits
également,en réalité, réponduA la préseiite. Ayantcon- des individuset des groupes de personnes dont on s'est
statéqu'i! existe bien entre les Parties un différenden- accordé à reconnaître le caractère universel. Il déclare
trantdans lesprévisionsdel'article IX d~:laConvention en outre qu'il nepeut êtreremédié aufaitqu'une partie
sur le génocide-, c'est-&-aireun différend internatio- contractante n'a pas "prévenuet puni" un tel crime
nal -, la Cour ne saurait conclure au caractère irrece- qu'an recourant : i)àun organecompétentde l'organi-
vable de la requête auseul motif que, pour trancher ce sation des Nations Unies (articleVIII); ou ii)àiinecour
différend,elleserait amenée àprendre en considération crinlinelle internationale (article VI), mais nonpas en
des événementssurvenus,le cas échéant,dansun con- invc,quantla responsabilitédes Etats dansdes relations
textedeguerre civile.La premièreexceptionde laYou- entreEtats devant la Cour internationale de Justice.
goslavie doit par suite êtrerejetée.
Se référant auxtravaux préparatoires de la Conven-
.Auxtermes de la deuxième exceptioii de la Yougo- tion, M. Oda signale le caractère trèsincertain de l'ar-
slavie, la requête seraitirrecevablearc:eque M. Alija ticle:X de cet instrument. Pour saisir la Cour en la
IzetbegoviCn'aurait pas occupé lesfonctions de Prési- présenteespèce,laBosnie-Herzégovineaurait certaine-
dent delaRépublique - maisseulementcelles dePrési- ment dû, selon lui,montrer que la Yougoslaviepouvait
dent de laprésidence - au momentoù ila donnél.'auto- avoirété en effetresponsable delanon-application dela
risation d'introduire l'instance, et que cette autorisationnvention à l'égardde la Bosnie-Herzégovine,mais,
aurait de ce fait étéaccordéeen violation de règlesde plus particulièrement, la Bosnie-Herzégovine aurait
&oit interned'importance fondamentale. La Yougosla- dCinnontrerque la Yougoslavie a violéles droits de la
viea égalementsoutenu que M. Izetbegollrin'aurait pas Bosiaie-Herzégovineen tant que partie contractante
mêmeexercélégalement, à l'époque,les fonctions de (par définitionun Etat) qui auraient dû êtreprotégéen
Présidentde la présidence. vertu de la Convention. Cela ne ressort cependantpas
IdaCourobserveque, conformémentau droit interna- de larequête,et en fait laConvention n'est pas destinée
tional, il ne fait pas de doute que tout chef'Etat est A protégerles droits de la Bosnie-Herzégovineen tant
presumépouvoir agir au nom de 1'Etatdans ses rela- qu'Ebat.
tions internationales et que, auoment du dépôtde la Aprèstout, laBosnie-Herzégovinene semblepas, de
requête,M. IzetbegoviCavait étéreconnu, en particulier l'avisde M.Oda,prétendrequ'elle aitun différendavec
par l'organisation des Nations Unies, conime étantle la Yougoslavieau sujetdel'interprétationou de l'appli-
chef d'Etat de la BosnieHerzégovine. Elle rejette en cationdelaConvention sur Iegénocide,bienqueseulun
conséquencela deuxième exception préliminairede la tel différen-- et non pas la perpétrationd'un génocide
Yougoslavie. oud'actes degénocidequisontcertainement considéréscommedes crimesendroitinternational - puissecons- cet instniment de considérerque les Etats successeurs
tituer une base de compC!tenpour la Cour au.titde assumerit,dèsleur indépendance,le statut que 1'Etat
la Coiivention. prédécesseur avait etant que partie à la Convention.
M. tend àdouter que lacour internatiolndede Le lien consensuelnécessaireest assur6 lorsque 1'Etat
~~~~i~~soit l'instanceappmpn kour des successeur décidede tirer lui-mêmeprofit de cet en-
questions de g6nocide ou d'actes de g6na:ide que la gagementen seconsidérantparPieàlaConvention.
Bosnie-Herzbgovinea soulevésdans la préserite ins- Opinionindividuellede M. Weerarnuntry
tance et que le droit international, la Cour os al-m Dans son opinion individuellM. Weaamantry dit
heureux individusconcernéspuissent en fin de compte que la surle génorideest une
tirer profit de l'examend'affairesde cette niam par la multilatéldepour laquelleiya
COUP. automatiquelorsqia'unEtat partieBladite Convention
M, 0th ajoute que la Cour devrait adopter uniepsi-faitl'objetd'uneséparationd'Etats.
tionplutôt stric2l'égarddesquestionsdecom~&Pence selon WeeFamantry, ce découlede nom-
étantdonnéquele csrnsa2susd'letatssouverainsendif-
férendconstitue essentic:llementla base de sa (mm@- breuses cons~d~rationset fait partie du drinterna-
tence. Si l'on assouplit les conditions de base, Id.Oterque 1, conventionly aapas centpéesur lesintérêts
craint qiiYuneavalanche:de muête ns s'abatte sur individuelsdes Ebts et dépassele concept de sauve-
cette institutionjudiciaire,quiaprincipalemc:ntpur tâ-ne té des E~~~ .~~ droits nsimpo-
che de réglerlesdifftsrentisinternationaux. sent aucune charge à 1'Etatet les obligations qu'elle
Déclaration commund eeMM. Shiet Vereslachetin pr6voit existent indépendarnmentdes obligationscon-
ventionnelles.Elleconsacreenoutredes rEglesdudroit
Jhs lem dklaration tmmmune, MM. Shiet Ve=h- inknlationd coummier et con~hue à la stabilimon-
chetin précisentque, conme l'articIX de la Conven- diale.Un autreélément retenir lecaracttre
tion sur le génocidefournit une base juridiqsoute inOppmn d,une intemPtion de à l'6garo
nable la comNtence diela Cour, dans la mesure de la sur legénocide, tenu de l,im-
l'objet du différendconcerne l'interpréOation,l'appli- @nilitre de la proteftion des de
Fatio1'-u l''xc~P"~onf"@ ldu par'~~''n, "9'9de sonfe lthomme contrelegenocidedursnt les de--
dispositif. Ils expriment néanmoinsleur inquidtude à sition. Les ~~éfi~ii~ de la convention sur le géno-
l'égardde certains é1éme:nis portants de l'affaire.Ilside ne sont pasdestiems parties auxquelles s,appli-
'0" '' ~~~lier~r~u@ parla d~laration Quef't querait le principe res interalios acta. Les droits con-
la Cour, au paragraphe 32, de l'arrêt, selonlaquelle féds parlaConventionnepeuventfairel'objetdedére
l'article IX de la Converitionsur le génocide"n'exclutation.
aucune formede responsabilitéd'Etat". Pour toutes ces raisons, la conclusion qui s'impose
est que la successionautomatique s'appliquela Con-
Selon MM. Shiet Vercshchetin,laConveiotioiisur le ventions
minme instrument visant à punir les persorinpe@-ue Dans son opinion individuelleM. Weeramantry est
trant uiigénocideoudes ,actesd'ung6noci&et àpréve- d'autrepart d'avisqueleprincipedecontinuitéàl'égard
nu la pehpémtionde Pelscrimes par des iridividus,et de la Conventionsur le génociderevêutne importance
laditeConventionconservece caractère.La détermina- particulière en droit international contemporain,étant
tien de laëornmunaue initmationale pour ce quiest de donnélesséparationd s'Etats intervenuesdans denom-
traduire enjustice lesau~!eundividuelsd'rictesclegé- breuses parties du monde. C'est préciséinetans des
nocide,qudle que soit leur origineethnique ou 1.aposi-poquestroublks que les populations de ces Etats ont
Pionqu'ils occupent,indiquelavoielaplusalppctpriéà particulierement besoin d'êtreprotégéespar la Con-
suivre. On peut donc soutenir, sdoeux, que la Cour vention.
internationale de Justice n'est pasnstanceadléquate opinion deM. pa,.,.a-~Panguren
pour statuer sur les plaintes que le requéranta fornia-
léesdans laprésente instance. Bien qu'il ait approuvé le dispositif de l'arrêt,
B)éclarationde M.Lauterpacht,juge adhoc M. Parra-Arangurena tenu àinsister,dans son opinion
individue:lesurlesdeuxpoints suivants : 1)enprésen-
M. Lauteapacht ajoint:une déclaratioA pour tanth la Cour, le 10aoat 1993,une demandeen indica-
explliquerque, afin d'évitertouk con@adic:ti~raippa- tion de mesuresconservatoires,la Yougoslavieaadmis
rente aveclesremarquesqu'ilavaitfaitessurleprincipe que la Bosnie-Heridgovine étaitpartie à la Conven-
deforum prorogatumdans son opinionindividtlellede tion sur le g6~ioci, ont l'artilxerelatif àla Corn-
septembre 1993,iln'a pas votépour ]'alinkab du para- pétence,etait ainsi applicable; et 2) la Bosnie-He&-
graphe 2 du dispositifde l'met&y)s la mesure oa et succ6de1&-laConventionaveceffet compterdu6 démarse
alin& excluttoutecompktenmdelaCourallant;au-delà 1992,date à laquelle elle était devenue indépendante.
de cellequi luirevient au.titre de l'artde ].aCon- Selon M. Parra-hnguren, la Cour aurait dû releveret
vention surle génocide. développerlefaitquecette dkl~dtion est corüormeau
Opinionindividuellede d4.Shahabuddeen caracthrehumaïiitairedelaConventionsur legénucide,
Dans son opinion iniclividudle,M. Shahabladdeen dontl'inexécutionpourraitporter préjudiceàlapopula-
s'est déclarn'avisquele:scaractéristiquesp.artic:ulièresndelaBosnie-Herzégovineo ;bservationquelaCour
de la Convention sur Ie génocidefont res,sort.r l'op-a déjàfaiteans son avisconsultatidu21juin 1971sur
portunitéd'éviterune interruption dans la !ruccession.es Conséquencejsuridiques pourles Etats de la pré-
Cela justifie que l'on interprètela Conventi.ont:ommesence continuede l'Afriquedu Sud en Namibie (Sud-
impliquant l'engagementunilatéralde chaque F'artieà Ouest africain) nonobstant la résolution (6970)du

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Résumé de l'arrêt du 11 juillet 1996

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