Résumé de l'ordonnance du 2 juin 1999

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14159
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Number (Press Release, Order, etc)
1999/5
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE RELATIVE À LALICÉITÉ DE L’EMPLOI DE LAFORCE
(YOUGOSLAVIE c. CANADA) (MESURES CONSERVATOIRES)

Ordonnance du 2 juin 1999

Danusnerdonnancreendue en l’affaire relative à la fonction de président en l’affaire, MM.Shi et Vereshchetin,
Licéité de l’emploi de la force (Yougoslaviec. Canada) la juges, et M.Kreca, juge ad hoc, y ont joint les exposés de
Cour a rejeté par douze voix contre quatre la demande en leur opinion dissidente.

indication de mesures conservatoires présentée par la *
République fédérale de Yougoslavie (RFY). En outre, la
Cour a affirmé qu’elle reste saisie de l’affaire. La suite de la * *
procédure a été réservée par quinze voix contre une.
La Cour était composée co mme suit: M. Weeramantry, Rappel des faits

Vice-Président, faisant fonctio n de président; M.Schwebel, Le 29 avril 1999, la Yougoslavie a déposé une requête
Président de la Cour; MM.Oda, Bedjaoui, Guillaume, introductive d’instance contre leCanada pour «violation de
Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, l’obligation de ne pas recourir à l’emploi de la force»,
Vereshchetin, M me Higgins, MM. Parra-Aranguren,
Kooijmans, juges; MM.Lalonde, Kreca, juges ad hoc; accusant cet État de bombarder le territoire yougoslave
M. Valencia-Ospina, Greffier. «conjointement avec d’autres États membres de l’OTAN».
Le même jour, elle a présenté une demande en indication de
* mesures conservatoires, priant la Cour d’ordonner au Canada
de «cesser immédiatement de recourir à l’emploi de la
* * force» et de «s’abstenir de tout acte constituant un recours

Le texte complet du dispositif de l’ordonnance est ainsi ou une menace de recours à la force » contre la RFY.
libellé : Pour fonder la compétence de la Cour, la Yougoslavie a
« 47. Par ces motifs, invoqué les déclarations par lesquelles les deux États ont
accepté la juridiction obligatoire de la Cour à l’égard de tout
LAOUR, autre État acceptant la même ob ligation (Art.36, par.2, du
1) Par douze voix contre quatre,
Rejette la demande en indication de mesures Statut de la Cour), ainsi quel’article IX de la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide,
conservatoires présentée par la République fédérale de adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
Yougoslavie le 29 avril 1999; 9 décembre 1948.
POU:RSc.hwebel, Président de la Cour; L’article IX de la Convention sur le génocide prévoit que
MM.Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh,
Fleischhauer, Koroma, M meHiggins, MM. Parra- les différends entre les parties contractantes relatifs à
l’interprétation, l’applica tion ou l’exécution de la
Aranguren, Kooijmans, juges; M. Lalonde, juge ad hoc; Convention seront soumis à la Cour internationale de Justice.
CONTRE: M.Weeramantry, Vice-Président, faisant
fonction de président en l’affaire; MS.hi,
Vereshchetin, juges; M. Kreca, juge ad hoc; Raisonnement de la Cour
Dans son ordonnance, la Cour souligne tout d’abord
2) Par quinze voix contre une, qu’elle est « profondément préoccupée par le drame humain,
Réserve la suite de la procédure.
POU:RW.eeramantry, Vice-Président, faisant les pertes en vies humaines et les terribles souffrances que
fonction de président en l’affaire; M. Schwebel, Présidentonnaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond» du
différend, «ainsi que par les victimes et les souffrances
de la Cour; MMB . edjaoui, Guillaume, Ranjeva, humaines que l’on déplore de façon continue dans
Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, l’ensemble de la Yougoslavie». Elle se dit également
M me Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, juges; «fortement préoccupée par l’emploi de la force en
MM. Lalonde, Kreca, juges ad hoc;
CONTRE : M. Oda, juge. » Yougoslavie» qui, «danlescirconstances actuelles ...
soulève des problèmes très graves de droit international».
* En gardant « présents à l’esprit les buts et les principes de la
Charte des Nations Unies, ainsi que lesresponsabilités qui
* * lui incombent, en vertu de lad ite Charte et [de son] Statut,
dans le maintien de la paix et de la sécurité», la Cour
M.Koroma, juge, a joint un e déclaration à l’ordonnance
de la Cour. M.Oda, M meHiggins, et MM.Parra-Aranguren « estime nécessaire de souligner que toutes les parties qui se
et Kooijmans, juges, y ont joint les exposés de leur opinionprésentent devant elle doivent agir conformément à leurs
individuelle. W. eeramantry, Vice-Président, faisant obligations en vertu de la Charte des Nations Unies et des

83autres règles du droit international, y compris du droit l’articleII de la Convention sur le génocide», que c’est la
humanitaire ». nation yougoslave tout entière, en tant que telle, qui est prise

La Cour rappelle ensuite qu’ellen«’a pas pour cible et que le recours à certaines armes, dont on
automatiquement compétence po ur connaître des différends connaît par avance les consé quences dommageables à long
juridiques» entre États et que l’un des principes terme sur la santé et l’environnement, ou la destruction de la
fondamentaux de son Statut est qu’elle ne peut trancher un plus grande partie du réseau d’alimentation en électricité du
différend entre des États sans que ceux-ci aient consenti à sa pays, dont on peut prévoir d’avance les conséquences
catastrophiques, «témoigne[nt] implicitement de l’intention
juridiction ». Elle ne peut indiquer de mesures conservatoires de détruire totalement ou partiellement» le groupe national
sans que sa compétence en l’affaire ait été établie prima
facie. yougoslave en tant que tel. Pour sa part, le Canada soutient
Au sujet de la première base de compétence invoquée, la que le génocide, «par essence, contient deux éléments:
Cour fait observer qu’aux termes de sa déclaration, la l’intention et la destruction – la destruction de populations
Yougoslavie limite son accep tation de la juridiction entières », que le demandeur « n’a même pas tenté d’aborder
la question de l’intention» et que la notion de génocide ne
obligatoire de la Cour aux «différends, surgissant ou peut être assimilée à l’utilisation de la force ou même à
pouvant surgir après la signatur e de la présente déclaration,
qui ont trait à des situations ou à des faits postérieurs à ladite l’agression. La Cour constate que, d’après la Convention, la
signature...» La Cour indique qu’aux fins d’apprécier sa caractéristique essentielle du génocide est la destruction
compétence, il suffit de déterminer si le différend porté intentionnelle d’un groupe national, ethnique, racial ou
devant elle a «surgi» avant ou après le 25avril 1999, date religieux; elle précise que « le recours ou la menace du
de la signature de la déclaration. Elle constate que recours à l’emploi de la force c ontre un État ne sauraient en
soi constituer un acte de génocide au sens de l’article II de la
les bombardements ont commencé le 24 mars 1999 et se sont Convention sur le génocide ». Elle ajoute qu’il n’apparaît pas
poursuivis, de façon continue, au-delà du 25 avril 1999.
Il ne fait ainsi pas de doute pour elle «qu’un différend au présent stade de la procéd ure que les bombardements qui
d’ordre juridique ... a “surgi” entre la Yougoslavie et [le constituent l’objet de la requête yougoslave «comporte[nt]
Canada], comme avec les autres États membres de l’OTAN, effectivement l’élément d’intentionnalité, dirigé contre un
groupe comme tel, que requiert la disposition » sus-indiquée.
bien avant le 25avril 1999». La Cour conclut que les La Cour indique dès lors qu’elle n’est pas en mesure de
déclarations faites par les parties ne constituent pas une base conclure, à ce stade de la procédure, que les actes que la
sur laquelle la compétence de la Cour pourrait prima facie Yougoslavie impute au Canada seraient susceptibles d’entrer
être fondée en l’espèce.
Quant aux arguments du Canada selon lesquels la dans les prévisions de la Convention sur le génocide; et
l’article IX de la Convention sur le génocide ne constitue
déclaration yougoslave d’accep tation de la juridiction partant pas une base sur laquelle sacompétence pourrait
obligatoire de la Cour est manifestement entachée de nullité prima facie être fondée en l’espèce.
et la Yougoslavie n’est pas un État Membre des Nations La Cour conclut qu’elle « n’a pas prima facie
Unies vu la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité et
larésolution 47/1 (1992) de l’Assemblée générale des compétence pour connaître de la requête de la Yougoslavie »
Nations Unies, ni un État partie au Statut de la Cour, la Cour et qu’elle «ne saurait dès lors indiquer quelque mesure
considère qu’elle n’a pas à ex aminer cette question compte conservatoire que ce soit». Toutefois, les conclusions
auxquelles la Cour est parvenue «ne préjugent en rien [s]a
tenu du fait qu’elle a conclu que les déclarations ne compétence ... pour co nnaître du fond de l’affaire» et elles
constituent pas une base de compétence. «laissent intact le droit du Gouvernement yougoslave et du
À propos de l’article IX de la Convention sur le Gouvernement canadien de faire valoir leurs moyens en la
génocide, la Cour indique qu’il n’est pas contesté que tant la
Yougoslavie que le Canada sont parties à cette convention, matière ».
sans réserve, et que l’article IX semble ainsi constituer une La Cour rappelle enfin qu’il «existe une distinction
fondamentale entre la question de l’acceptation par un État
base sur laquelle sa compétence pourrait être fondée. La de la juridiction de la Cour et la compatibilité de certains
Cour estime toutefois qu’elle doit rechercher si les violations actes avec le droit internationa l». «[L]a compétence exige
de la Convention alléguées par la Yougoslavie sont le consentement; la compatibilité ne peut être appréciée que
susceptibles d’entrer dans les prévisions de cet instrument et
si, par suite, la Cour pourrait avoir compétence pour quand la Cour examine le fond, après avoir établi sa
connaître du différend ratione materiae. Dans sa requête, la compétence et entendu les deux Parties faire pleinement
valoir leurs moyens en droit». Elle souligne que «les États,
Yougoslavie indique que l’objet du différend porte qu’ils acceptent ou non la juridi ction de la Cour, demeurent
notamment sur «les actes commis par le Canada, en en tout état de cause responsa bles des actes contraires au
violation de son obligation in ternationale ... de ne pas droit international, y compris au droit humanitaire, qui leur
soumettre intentionnellement un groupe national à des seraient imputables» et que «tout différend relatif à la
conditions d’existence devant entraîner sa destruction
physique». Elle soutient que le bombardement constant et licéité de tels actes doit être réglé par des moyens pacifiques
intensif de l’ensemble de son territoire, y compris les zones dont le choix est laissé aux parties conformément à
l’Article33 de la Charte». Dans ce cadre, «les parties
les plus peuplées, constitue «une violation grave de doivent veiller à ne pas aggraver ni étendre le différend ». La

84Cour réaffirme que «lorsqu’un tel différend suscite une Justice. Pour ce seul motif, la Cour aurait dû conclure à
menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte l’irrecevabilité des requêtes présentées par la République

d’agression, le Conseil de sécurité est investi de fédérale de Yougoslavie, qui de ce fait auraient dû être
responsabilités spéciales en vertu du chapitre VII de la rayées du rôle général de la Cour.
Charte ». Il examine toutefois ensuite la question de savoir si la
République fédérale de Yougoslavie aurait pu présenter les
Déclaration du juge Koroma requêtes dans ces affaires sur le fondement de certains

Dans sa déclaration, M. Koroma fait observer qu’il s’agit instruments juridiques, à supposer que celle-ci puisse être
peut-être des affaires les plus graves dont la Cour ait jamais considérée comme partie au Statut. Après avoir examiné i) le
été saisie, s’agissant de l’indication de mesures sens de la clause facultative du Statut de la Cour; ii)le
contexte des traités conclus en 1930 et 1931 avec la Belgique
conservatoires. Il relève que ces mesures, selon la et les Pays-Bas respectivement; et iii)la Convention sur le
jurisprudence, ont pour objet de prévenir la violence et le génocide de 1948, il conclut qu’aucun de ces instruments ne
recours à l’emploi de la force, de sauvegarder la paix et la confère à la Cour compétence pour connaître de l’une ou
sécurité internationales ainsi que de jouer un rôle important
dans le mécanisme de règlement des différends que prévoit l’autre de ces 10 requêtes.
la Charte des Nations Unies. Aussi l’indication de telles Tout comme la Cour, M. Oda pense que celle-ci doit,
faute de disposer d’une base de compétence, rejeter les
mesures est-elle, selon lui, l’une des fonctions les plus demandes en indication de mesures conservatoires dans les
importantes de la Cour. dix instances. La Cour ayant décidé qu’elle n’a pas
Mais l’octroi de telles mesures, souligne M.Koroma, ne
peut se faire qu’en conformité avec le Statut de la Cour. À compétence pour connaître de ces affaires, fût-ce prima
cet égard et compte tenu de sa jurisprudence, la Cour ne fera facie, cela ne peut signifier, selon lui, qu’elle n’a aucune
pas droit à une demande en indication de mesures compétence que ce soit à l’égard de ces affaires. Il s’ensuit,
selon M.Oda, que les requêtes doivent être rejetées à ce
conservatoires lorsqu’elle n’a pas compétence prima facie ou stade de la procédure non seulement dans les affaires
lorsque d’autres circonstances s’opposent à leur prononcé. concernant l’Espagne et les États-Unis où la Cour conclut à
Il estime toutefois que la Cour, organe judiciaire son incompétence manifeste, ma is aussi dans toutes les
principal des Nations Unies dont la principale raison d’être
demeure le maintien de la paix et de la sécurité autres affaires puisqu’elle a relevé qu’elle n’avait même pas
compétence prima facie.
internationales, a une obligation claire et nette de contribuer M.Oda signale aussi que la distinction opérée par la
au maintien de la paix et de la sécurité internationales et de Cour entre les requêtes –qui ont pratiquement le même
fournir le cadre judiciaire, qui doit permettre de résoudre un objet– résulte simplement des positions différentes que les
conflit juridique, tout particulièrement lorsque celui-ci non États ont pu adopter à l’égard des divers documents qu’il y a
seulement menace la paix et la sécurité internationales mais
engendre aussi des souffrances humaines énormes et des lieu d’appliquer pour déterminer la compétence de la Cour.
pertes en vies humaines qu’on ne cesse de déplorer. C’est Or cette distinction aboutira à un résultat différent pour la
suite de la procédure dans ch acune de ces instances. Pour
pourquoi il se joint aux autres membres de la Cour pour M.Oda, il s’agit là d’une situation illogique, qui étaye sa
appeler à un règlement pacifique du conflit conformément à conviction que les dix affaires au raient dû être rejetées à ce
l’Article 33 de la Charte et pour exhorter les Parties à ne pas stade de la procédure, pour la totalité de leurs éléments.
aggraver ni étendre le différe nd et à respecter le droit
international, y compris le droit humanitaire et les droits de
l’homme de tous les citoyens yougoslaves. Opinion individuelle du juge Higgins
me
Dans ses opinions individuelles, M Higgins aborde
Opinion individuelle du juge Oda deuxquestions que soulèvent les instances où la République
fédérale de la Yougoslavie invoque la compétence de la Cour
M.Oda appuie la décision de la Cour de rejeter les sur le fondement du paragraphe 2 de l’Article 36 du Statut.
demandes en indication de mesures conservatoires La première concerne les limitations ratione temporis dont
présentées par la République fédérale de Yougoslavie contre sont assorties les «clauses facultatives» et en particulier
les 10 États défendeurs. M.Oda approuve la décision de la
Cour de rayer de son rôle gé néral les affaires relatives à celle de savoir à quel moment surgit un différend et quand
l’Espagne et aux États-Unis, mais, dans les huit autres les événements en cause se s ont produits. Ces notions sont
affaires, il a voté contre le paragraphe du dispositif de analysées compte tenu de la déclaration même de la
Yougoslavie. La deuxième question est de savoir exactement
l’ordonnance par lequel la Cour a indiqué qu’elle ce qu’il faut démontrer pour que la Cour soit convaincue
« [r]éserv[ait] la suite de la procédure », car il estime que ces qu’elle a compétence prima facie , lorsqu’elle envisage
huit affaires devraient aussi être rayées du rôle général de la d’indiquer des mesures conservatoires. Certaines questions
Cour à ce stade de la procédure.
Selon M.Oda, la République fédérale de Yougoslavie de compétence sont d’une telle complexité qu’il n’est pas du
tout possible de les examiner à ce stade de la procédure. Le
n’est pas membre des Nations Unies et n’est pas en report de leur examen à un stade ultérieur ne fait pas obstacle
conséquence partie au Statut de la Cour internationale de

85à ce que la Cour détermine si elle a ou non compétence prête à controverse. La question de la validité de cette
prima facie au regard de l’Article 41. déclaration constitue une question préliminaire que la Cour

aurait dû examiner dès le départ.
Opinion individuelle du juge Parra-Aranguren Comme cette question n’est pas pertinente dans les quatre
autres affaires (contre la France, l’Allemagne, l’Italie et les
M. Parra-Aranguren rappelle que la Yougoslavie soutient États-Unis) –ces États ne r econnaissant eux-mêmes pas la
que «le bombardement ... de zones habitées yougoslaves juridiction obligatoire de la Cour–, point n’est besoin de
constitue ... une violation de l’article II de la convention sur
le génocide», ce que nie le défendeur; qu’un différend joindre l’exposé d’une opinion individuelle pour celles-ci.
d’ordre juridique s’ est élevé entre les Parties du fait de 2. Selon le texte même du paragraphe 2 de l’Article 36 du
l’existence d’«une situation dans laquelle les points de vue Statut, seuls les États qui y sont parties peuvent reconnaître
la juridiction de la Cour comme obligatoire en remettant une
des deux Parties, quant à l’exécution ou à la non-exécution déclaration d’acceptation au Secrétaire général de
de certaines obligations découlant d’[un traité], sont l’Organisation des Nations Unies. Les États Membres de
nettement opposés», comme la Cour l’a précisé dans sa
décision du 11juillet 1996 ( Application de la convention cette organisation sont d’office parties au Statut. Chacun des
pour la prévention et la répression du crime de génocide six États défendeurs a fait valoir que la déclaration
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions d’acceptation de la République fédérale de Yougoslavie n’a
pas été faite valablement étant donné que cet État n’est pas
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) ,p.614 et 615, membre des Nations Unies.
par.29); et que, selon l’article 9 de la Convention sur le
génocide, «[l]es différends en tre les Parties contractantes 3. Le 22septembre 1992, l’Assemblée générale, sur la
relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la recommandation du Conseil de sécurité, a décidé que la
présente convention» seront soum is à la Cour internationale République fédérale de Yougoslavie ne pouvait pas assumer
de Justice. Aussi estime-t-il que la Cour a prima facie automatiquement la qualité de Membre de l’Organisation des
compétence pour se pro noncer sur les mesures Nations Unies à la place de l’ancienne République fédérative
socialiste de Yougoslavie et qu’elle devrait donc présenter
conservatoires sollicitées par la Yougoslavie. une demande d’admission à l’Organisation des Nations
La Yougoslavie a demandé à la Cour d’indiquer que le
défendeur «doi[t] cesser immédiatement de recourir à Unies. Dans l’immédiat, elle ne participerait pas aux travaux
l’emploi de la force et doi[ t] s’abstenir de tout acte de l’Assemblée générale (résolution 47/1). La République
constituant une menace de recour s ou un recours à l’emploi fédérale de Yougoslavie n’a jamais présenté de demande
de la force contre la République fédérale de Yougoslavie». d’admission.
4. Dans les ordonnances qu’elle rend dans ces affaires, la
Or, la menace de recours ou le recours à l’emploi de la force
contre un État ne saurait en lui-même constituer un acte de Cour élude la question de la validité contestée de la
génocide au sens de la Convention sur le génocide. La déclaration de la Yougoslavie. Elle estime ne pas avoir à
Yougoslavie sollicite donc l’indication de mesures examiner cette question puisque la déclaration ne saurait lui
conservatoires qui ne visent pas à garantir les droits qu’elle conférer compétence prima facie sur le fondement d’autres
tient de la Convention sur le génocide, à savoir le droit de ne titres.
5. Selon M. Kooijmans, le raisonnement de la Cour manque
pas être victime d’actes qui peuve nt être qualifiés de crimes
de génocide par celle-ci. Selon M.Parra-Aranguren, il n’y a de cohérence à cet égard. Ces autres titres de compétence
donc pas lieu d’indiquer les mesures demandées par la n’entrent en ligne de compte que si la validité de la
Yougoslavie. déclaration –du moins au stade actuel de la procédure– est
acceptée. Le raisonnement de la Cour présume la validité de
Opinion individuelle du juge Kooijmans la déclaration. La Cour aurait dû le dire et aurait dû justifier
son point de vue.
1. M.Kooijmans joint à l’ordonnance de la Cour l’exposé
de son opinion individuelle dans les instances introduites par 6. Selon M.Kooijmans, il n’était certes pas nécessaire pour
la Cour de se prononcer définitivement sur l’admission de la
la Yougoslavie contre la Belgique, le Canada, les Pays-Bas, Yougoslavie à l’Organisation des Nations Unies. Il sait
le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni, respectivement. parfaitement que la résolution 47/1 est sans précédent et
Il ne partage pas le point de vue de la Cour selon lequel soulève un certain nombre de questions juridiques d’une très
la déclaration par laquelle la Yougoslavie a accepté la grande complexité qui exigeront une analyse approfondie et
juridiction obligatoire de la Cour le 25avril 1999 ne saurait
établir un titre de compétence dans la présente affaire même une évaluation rigoureuse par la Cour à un stade ultérieur de
la procédure.
prima facie du fait des réserves figurant dans les déclarations Quelle que soit la difficulté de la question, les décisions
de l’Espagne et du Royaume-Uni ainsi que de la limitation pertinentes ont été prises par les organes de l’Organisation
ratione temporis figurant dans la déclaration de la des Nations Unies (le Conseil de sécurité et l’Assemblée
Yougoslavie (il s’agit des instances introduites contre la
Belgique, le Canada, les Pays-Bas et le Portugal). Il estime générale) qui ont compétence exclusive en matière
que la Cour n’a pas compétence prima facie, parce que la d’admission, et ces décisions ne sauraient être méconnues ou
déclaration de la Yougoslavie, pour ce qui est de sa validité, ignorées.

867.Selon M.Kooijmans, les doutes que soulèvent les caractère civil en temps de guerre, de protéger
décisions prises par les organes compétents de l’Organisation l’environnement, etc.

des Nations Unies à l’égard de l’admission de la On ne saurait affirmer que le différend est né avant que
Yougoslavie et de la validité de la déclaration que celle-ci a tous les éléments constitutifs aient existé. Même si les
faite sont toutefois si sérieux que la Cour aurait dû conclure bombardements aériens du territoire de la Yougoslavie ont
que cette déclaration ne saurait constituer pour elle une base commencé quelques semaines av ant la date critique que
de compétence prima facie. La Cour ne devrait indiquer des représente la signature de la déclaration, ceux-ci, avec les
mesures conservatoires que si sa compétence pour connaître
du différend apparaît comme raisonnablement probable. Or conséquences qui les accompagnent, ne constituent pas un
différend. Certes, la Yougoslavie avait avant la date critique
cette probabilité raisonnable n’existe pas dans ces affaires, accusé l’OTAN de recourir illégalement à l’emploi de la
étant donné la validité incertaine de la déclaration. force à son encontre, mais ce grief ne constitue tout au plus
8. Si tel est le cas, les questions comme les réserves et les qu’un des nombreux éléments constitutifs du différend. En
limitations ratione temporis sur le fondement desquelles la outre, l’OTAN ne saurait être assimilée au défendeur ni ne
Cour s’est prononcée sont dénuées de pertinence puisqu’elles saurait être celui-ci, ratione personae, dans les affaires en

sont totalement subordonnées à la question préliminaire de la cause. Le différend n’a pris naissance qu’à une date
validité de la déclaration. postérieure à la signature de la déclaration.
S’agissant du second aspect de la condition relative à la
Opinion dissidente de M. Weeramantry, date, le différend porte sur la prétendue violation de diverses
Vice-Président obligations internationales par des recours à la force, sous la

M. Weeramantry a joint à l’ordonnance rendue dans cette forme de bombardements aériens du territoire de la
affaire l’exposé de son opinion dissidente, qui est fondée sur Yougoslavie, que le demandeur impute à l’État défendeur. Il
les mêmes motifs qu’il a énoncés dans son opinion dissidente est évident que la prétendue violation d’obligations par un tel
fait « continu » s’est d’abord produite au moment où ce fait a
dans Yougoslavie c. Belgique. débuté, c’est-à-dire des semaines avant la date critique. Étant
donné que les bombardements aér iens se sont poursuivis
Opinion dissidente du juge Shi bien au-delà de la date critique et se poursuivent encore, la

Dans les quatre instances introduites par la Yougoslavie période au cours de laquelle a été perpétrée la violation de
contre la Belgique, le Canada, les Pays-Bas et le Portugal, ces obligations s’étend sur la totalité du laps de temps qui
M.Shi se dit en désaccord avec la conclusion de la Cour s’est écoulé pendant que ces faits se poursuivaient et ne
selon laquelle la limitation ratione temporis figurant dans la prendra fin qu’à la cessation de ceux-ci par l’État défendeur.
déclaration d’acceptation par la Yougoslavie de la On peut conclure que la limitation ratione temporis
figurant dans la déclaration de la Yougoslavie n’empêche
compétence obligatoire de la Cour fait que celle-ci n’a pas
compétence prima facie en vertu du paragraphe 2 de absolument pas de reconnaître à la Cour, sur le fondement du
l’Article 36 de son Statut pour indiquer les mesures paragraphe 2 de l’Article 36 de son Statut, compétence
conservatoires sollicitées par la Yougoslavie. prima facie pour indiquer des mesures conservatoires dans
Par sa déclaration signée le 25 avril 1999, la Yougoslavie les affaires en cause.
En outre, pour des motifs semblables à ceux qu’il a
a reconnu la compétence oblig atoire «pour tous les
différends, surgissant ou pouvant surgir après la signature de exposés dans les déclarations relatives aux six autres affaires,
la présente déclaration, qui ont trait à des situations ou à des M.Shi regrette que la Cour, confrontée à une situation de
faits postérieurs à ladite signature...» Dans les cas où la grande urgence, se soit abstenue de faire une déclaration
Cour se trouve en présence d’une telle «formule de double générale exhortant les Parties à agir conformément aux
exclusion», il lui appartient de déterminer tant la date du obligations qui sont les leurs en vertu de la Charte des
différend que les situations ou faits ayant donné lieu à celui- Nations Unies et de toutes les règles du droit international
applicables en l’espèce et au moins à ne pas aggraver ou
ci.
S’agissant du premier aspect de la condition relative à la étendre leurs différends dès après le dépôt de la demande de
date, la Cour doit déterminer quel est l’objet du différend la Yougoslavie et indépendamment de la conclusion à
qui, dans les affaires en cause, se compose d’un certain laquelle la Cour pourrait parvenir sur sa compétence prima
nombre d’éléments constitutifs. La section «Objet du facie en attendant qu’elle rende son arrêt définitif. La Cour
s’est également abstenue d’user de la faculté que lui donne le
différend» dans chacune des requêtes présentées par la paragraphe 1 de l’article 75 de son règlement de statuer
Yougoslavie indique qu’il s’agit d’actes commis par le d’office sur les demandes bien que la Yougoslavie l’en ait
défendeur en violation de ses obligations internationales de
ne pas recourir à l’emploi de la force contre un autre État, de priée.
ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures d’un autre Pour ces motifs, M.Shi s’est vu dans l’obligation de
État, de ne pas porter atteinte à la souveraineté d’un autre voter contre le paragraphe 1 du dispositif des quatre
État, de protéger les populations civiles et les biens de ordonnances.

87 Opinion dissidente du juge Vereshchetin bombardements aériens quotidiens auxquels procédaient les
défendeurs.
M.Vereshchetin commence son opinion dissidente par
une déclaration d’ordre général, qu’il joint à toutes les Le refus de la majorité de prendre en considération les
ordonnances rendues par la Cour, dans laquelle il affirme nouveaux chefs de compétence est clairement contraire aux
que les circonstances extraordinaires et sans précédent des dispositions de l’article 38 du Règlement de la Cour et à la
jurisprudence de la Cour. Le refus de tenir dûment compte de
affaires dont la Cour a été saisie imposaient à celle-ci la l’intention d’un État qui fait une déclaration d’acceptation de
nécessité d’agir promptement, et , si nécessaire, d’office. Il
explique ensuite pourquoi il n’a aucun doute qu’il existait la juridiction de la Cour est également incompatible avec la
une compétence prima facie en vertu du paragraphe 2 de jurisprudence de la Cour et avec les règles coutumières
l’Article 36 du Statut de la Cour, en ce qui concerne les d’interprétation des instruments juridiques. De l’avis de
requêtes introduites contre la Belgique, le Canada, les Pays- MV. ereshchetin, toutes le s conditions nécessaires à
l’indication de mesures conservatoires, découlant de l’Article
Bas et le Portugal. Pour ce qui est de la Belgique et des Pays- 41 du Statut de la Cour et de sa jurisprudence bien établie,
Bas, la Cour a aussi compétence prima facie en vertu des ont été réunies, et la Cour aurait indubitablement dû indiquer
accords signés entre la Belgique et la Yougoslavie le 25 mars
1930 et entre les Pays-Bas et la Yougoslavie le 11mars de telles mesures pour ce qui concerne les quatre États
1931. susmentionnés.
M. Vereshchetin est en désaccord avec deux propositions
Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc
fondamentales sur lesquelles, à son avis, reposent les
arguments allant à l’encontre des thèses précitées et que la Dans son opinion dissidente, M.Kreca met l’accent sur
Cour a accueillis dans ses ordonnances. La première les points suivants :
proposition est que le texte de la déclaration yougoslave M.Kreca estime qu’aucune de s fonctions de l’institution
acceptant la juridiction de la Cour , et en particulier le libellé
de la réserve qui y figure, ne confère pas compétence prima du juge ad hoc visant à assurer l’égalité au sein de la Cour
facie à la Cour. La deuxième proposition est que le moment n’a été respectée dans ce cas particulier. Il découle de la
lettre et de l’esprit du paragraphe 2 de l’Article 31 du Statut
choisi pour la présentation par la Yougoslavie de bases de la Cour, si on l’appli que au cas d’espèce, que la
additionnelles de compétences ne permet pas à la Cour de Yougoslavie, en tant qu’État demandeur, aurait dû avoir le
conclure qu’elle a compétence prima facie à l’égard des droit de désigner autant de juges ad hoc pour prendre place
instances introduites contre la Belgique et les Pays-Bas.
En ce qui concerne la première proposition, sur le siège, étant donné qu’il faut assurer une égalité entre
l’État demandeur et les États défendeurs qui comptent un
M.Vereshchetin est d’avis que la Cour, en refusant de tenir juge de leur nationalité sur le siège et qui font cause
compte de l’intention explicite de la Yougoslavie, interprète commune. Le droit naturel à une représentation égale au sein
sa déclaration d’une façon qui pourrait conduire à la de la Cour, traduction du principe fondamental de l’égalité
conclusion absurde que la Yougoslavie entendait, par sa des parties, signifie concrètement que la République fédérale
déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour, exclure de Yougoslavie aurait dû avoir le droit de désigner cinq
la juridiction de la Cour à l’égard de ses requêtes
introductives d’instance contre les défendeurs. juges ad hoc car cinq des 10 États défendeurs (les États-Unis,
le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas)
En ce qui concerne la deuxième proposition, qui a trait à comptent sur le siège un juge de leur nationalité.
l’invocation de motifs de compétence additionnels, dans le Concurremment, si l’on suit la jurisprudence constante de
cas de la Belgique et des Pays-Bas, la préoccupation légitime la Cour, aucun des États défendeurs n’a le droit de désigner
de la Cour concernant le respect du « principe du un juge ad hoc (Juridiction territoriale de la commission
contradictoire et la bonne administration de la justice», de
internationale de l’Oder; Régime douanier entre
l’avis de M.Vereshchetin, ne peut être étendue au point de l’Allemagne et l’Autriche).
soustraire à priori le chef de compétence additionnel à son Point n’est besoin de souligner la très grande importance
examen, uniquement parce que les États défendeurs n’ont des questions susmentionnées, car il est évident qu’elles ne
pas eu assez de temps pour préparer leurs arguments pour y voient pas leurs effets se limiter à la procédure, mais qu’elles
répondre. Certes, on ne saur ait considérer comme normal
qu’un nouveau chef de compétence soit invoqué au peuvent aussi avoir des conséquences concrètes d’une portée
deuxième tour des exposés oraux. Toutefois, les États considérable.
Selon MK . reca, la Cour a accordé une grande
défendeurs ont eu la possibilité de présenter leur réplique à la importance au critère de l’impératif humanitaire dans sa
Cour, et ils ont fait usage de cette possibilité pour présenter jurisprudence récente relativ e à l’indication de mesures
diverses observations et objections à l’encontre du nouveau
chef de compétence. Au besoin, ils auraient pu demander une conservatoires, en particulier dans les affaires touchant
prolongation des audiences. Pour sa part, le demandeur peut directement des personnes physiques. Par sa seule force, ce
raisonnablement soutenir que l’invocation tardive des critère a permis d’écarter certaines règles pertinentes tant de
nouveaux chefs de compétence a eu pour cause la situation procédure que de fond qui s’appliquaient à l’indication de
mesures conservatoires (voir par exemple l’affaire
extraordinaire en Y ougoslavie, dans laquelle la préparation LaGrand). Ainsi, les considératio ns d’ordre humanitaire,
des requêtes s’est effectuée dans les conditions crées par les

88indépendamment des normes du droit international en peut mener à la «soumission ... du groupe à des conditions
matière de droits de l’homme et de libertés, ont d’une d’existence» qui entraînent «sa destruction physique»

certaine manière acquis une signification juridique (Convention sur le génocide, art. II).
autonome; elles ont échappé à la sphère de la morale et de la Certes, précise M.Kreca, il peut être soutenu que les
philanthropie pour pénétrer dans le domaine du droit. actes de cette nature servent à affaiblir les capacités
Dans la présente instance, il semble que l’«impératif militaires de la République fédérale de Yougoslavie. On ne
humanitaire» ait perdu la position juridique autonome qu’il saurait toutefois considérer cette explication comme un

avait ainsi acquise. Ce fait doit être souligné étant donné les argument sérieux. En effet, on risque facilement d’être
circonstances particulières de l’espèce. À la différence des amené à soutenir, si on se laisse emporter par cette
affaires jugées récemment par la Cour, l’« impératif argumentation, que la puissan ce militaire se compose après
humanitaire» dont il est question ici a pour objet le sort tout de personnes, et que le fait de tuer sur une grande
d’une nation entière, au sens littéral. La République fédérale échelle des civils peut être tenu pour une sorte de mesure de
de Yougoslavie et les groupes nationaux et ethniques qui la précaution visant à empêcher le maintien ou, en cas de
composent sont soumis depuis maintenant plus de deux mois mobilisation, l’accroissement de la puissance militaire d’un

à des attaques continues de la part d’une « armada » aérienne État.
redoutable et très organisée, commandée par les États les M.Kreca rappelle en outre que, dans le cadre de
plus puissants de la terre. De plus, l’arsenal utilisé dans les procédures incidentes, la Cour ne peut et ne doit pas se
attaques dirigées contre la Yougoslavie comprend des armes soucier d’établir s’il y a effectivement intention d’imposer à
dont les effets ne sont limité s ni dans l’espace ni dans le un groupe des conditions qui menacent sa survie. Eu égard à
temps, comme l’uranium appauvri, qui causent des
dommages irréparables et d’une portée considérable à la l’objet des mesures conservatoires, on peut dire qu’à ce stade
de la procédure il suffit de démontrer que, lors de
santé de l’ensemble de la population. bombardements à grande échelle, il existe un risque objectif
M. Kreca estime qu’en ce qui concerne l’appartenance de que soient créées des conditions dans lesquelles la survie du
la Yougoslavie à l’Organisation des Nations Unies, la Cour groupe est menacée.
est restée fidèle à sa position qui consiste à «éluder» la De l’avis de M.Kreca, la position de la Cour en ce qui
question en continuant d’affirmer «[qu’elle] n’a pas à
concerne sa juridiction ratione temporis est très contestable,
examiner cette question à l’effet de décider si elle peut ou et ce pour deux motifs fondamentaux. Premièrement, pour
non indiquer des mesures conservatoires dans le cas des raisons générales liées à la jurisprudence de la Cour en
d’espèce ». Pourtant, M. Kreca est profondément convaincu l’espèce, d’une part, et à la nature de la procédure en
que la Cour aurait dû répondre à la question de savoir si la indication de mesures conservatoires, d’autre part, et
République fédérale de Yougoslavie peut ou non, à la deuxièmement, pour des raisons particulières tenant aux
lumière de la résolution 47/1 de l’Assemblée générale et de circonstances de l’espèce. S’agi ssant de la juridiction de la
l’usage établi au sein de l’organisation universelle, être
Cour, il paraît incontestable que la Cour interprète de façon
considérée comme Membre des Nations Unies et en libérale l’élément ratione temporis de sa compétence en
particulier, comme partie au Stat ut de la Cour; en effet, le matière d’indication de mesures conservatoires. Certes, la
texte de la résolution 47/1 ne fait aucune mention du statut procédure en indication de mesures conservatoires ne vise
de la République fédérale de Yougoslavie en tant que partie pas à statuer de façon finale et définitive sur la compétence
au Statut de la Cour internationale de Justice. De même, de la Cour. Le qualificatif « prima facie » lui-même indique
M.Kreca est convaincu que la Cour aurait dû répondre à
cette question, étant donné en particulier que le texte de la qu’il ne s’agit pas d’établir la compétence définitive, mais
une compétence découlant ou censée découler normalement
résolution, qui constitue une contradictio in adjecto, et plus d’un fait juridique pertinent qui est défini comme étant le
spécialement l’usage au sein de l’organisation universelle «titre de compétence». Il peut être affirmé que le «titre de
après son adoption il y a près de sept ans, lui fournissaient compétence» suffit en soi à fonder la compétence prima
tous les arguments voulus pour se prononcer sur la question. facie, sauf lorsque l’absence de compétence sur le fond est
M.Kreca est d’avis que l’emploi de la force armée à manifeste (affaires sur la Compétence en matière de

grande échelle, particulièrement à l’encontre d’objets et de pêcheries).
moyens qui sont des éléments essentiels d’une vie normale,

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Résumé de l'ordonnance du 2 juin 1999

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