Résumé de l'arrêt du 18 décembre 2003

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8224
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Number (Press Release, Order, etc)
2003/4
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Résumé
Document non officiel

Résumé 2003/3
déc8e2b03e

Demande en revision de l’arrêt du 11 septembre 1992 en l’affaire du Différend frontalier
terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))

(El Salvador c. Honduras)

Résumé de l’arrêt de la Chambre du 18 décembre 2003

Historique de la procédure et conclusion des Parties (par. 1-14)

Le 10 septembre2002, la République d’ElSa lvador (dénommée ci-après «ElSalvador») a
saisi la Cour d’une demande en revision de l’arrêt rendu le 11 septembre 1992 par la Chambre de la
Cour chargée de connaître de l’affaire du Différe nd frontalier terrestre, insulaire et maritime

(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)) (C.I.J. Recueil 1992, p. 351).

Dans sa requête, El Salvador a prié la Cour «de constituer une chambre appelée à connaître
de la demande en revision de l’arrêt en tenant compte des dispositions arrêtées d’un commun
accord par El Salvador et le Honduras dans le compromis du 24 mai 1986».

Les Parties ayant été dûment consultées pa r le président, la Cour, par ordonnance du
27novembre 2002, a décidé d’accéder à leur de mande tendant à ce qu’une chambre spéciale
soit constituée pour connaître de l’affaire; elle a déclaré que M.Guillaume, président, et
MMR . ezek et Buergenthal, juges, avaient été élus pour former ladite chambre avec

MM.SantiagoTorres-Bernárdez et Felipe H.Paolillo, juges ad hoc désignés par le Honduras et
El Salvador respectivement.

Le Honduras a déposé ses observations écrites sur la recevabilité de la requête d’El Salvador
er
le 1 avril2003, dans le délai fixé par la Cour. Des audiences ont été tenues les 8, 9, 10 et
12 septembre 2003.

*

Dans la procédure orale, les conclusions finales ci-après ont été présentées par les Parties :

Au nom du Gouvernement de la République d’El Salvador,

«La République d’ElSalvador prie r espectueusement la Chambre, rejetant
toutes revendications et conclusions contraires : - 2 -

1. de dire et juger que la demande de la République d’El Salvador est recevable au

motif qu’il existe des faits nouveaux qui, par leur nature, donnent ouverture à la
revision de l’arrêt aux termes de l’article 61 du Statut de la Cour; et

2. de procéder, une fois la demande décl arée recevable, à la revision de l’arrêt du

11 septembre 1992 aux fins de déterminer dans un nouvel arrêt la ligne frontière
dans le sixième secteur en litige de la fron tière terrestre entre ElSalvador et le
Honduras dont le tracé sera le suivant :

«A partir de l’ancienne embouchure de la rivièreGoascorán à
l’entrée du bras connu sous le nom d’Estero LaCutú, dont les
coordonnées sont 13 22'00'' de latitude nord et 87 o 41'25'' de longitude

ouest, la frontière suit l’ancien lit de la rivière Goascorán sur une distance
de 17300 mètres en amont jusqu’au lieu dit Rompición de LosAmates,
dont les coordonnées sont 13 o26'29'' de latitude nord et 87 o 43' 25'' de

longitude ouest, et qui est l’endroit où la rivièreGoascorán a changé de
cours.».»

Au nom du Gouvernement de la République du Honduras,

«Au vu des faits et arguments exposés ci-dessus, le Gouvernement de la
République du Honduras prie la Chambre de déclarer irrecevable la demande en
revision présentée le 10 septembre 2002 par El Salvador.»

Base de compétence et circonstances de l’espèce (par. 15-22)

La Chambre commence par indiquer qu’aux termes de l’article 61 du Statut, la procédure en
revision s’ouvre par un arrêt de la Cour déclaran t la demande recevable pour les motifs envisagés
par le Statut et que l’article 99 du Règlement de la Cour prévoit expressément une procédure sur le
fond au cas où, dans son premier arrêt, la Cour aurait déclaré la demande recevable.

La Chambre fait observer que sa décision doit do nc, à ce stade, se limiter à la question de
savoir si la requête d’El Salvador satisfait aux conditions prévues par le Statut. Selon l’article 61,

ces conditions sont les suivantes :

a) la demande doit être fondée sur la «découverte» d’un «fait»;

b) le fait dont la découverte est invoquée doit être «de nature à exercer une influence décisive»;

c) ce fait doit, avant le prononcé de l’arrêt, avoir été inconnu de la Cour et de la partie qui
demande la revision;

d) il ne doit pas y avoir eu «faute» à ignorer le fait en question; et

e) la demande en revision doit avoir été «formée au plus tard dans le déla i de six mois après la

découverte du fait nouveau» et avant l’expiration d’un délai de dix ans à dater de l’arrêt.

La Chambre rappelle qu’«une re quête en revision ne peut être admise que si chacune des
conditions prévues à l’article61 est remplie. Si l’une d’elles fait défaut, la requête doit être

écartée.»

A titre liminaire, ElSalvador semble cepe ndant soutenir qu’il n’y aurait pas lieu pour la

Chambre d’examiner si les conditions de l’article 61 du Statut sont remplies dans la mesure où, par
son attitude, le Honduras aurait selon lui reconnu implicitement la recevabilité de la requête. - 3 -

A cet égard, la Chambre observe qu’en tout état de cause et quelle que puisse être l’attitude
des parties en ce qui concerne la recevabilité d’une demande en re vision, il appartient à la Cour,

dès lors qu’elle est saisie d’une telle demande, de vérifier si les conditions de recevabilité fixées par
l’article61 du Statut sont remplies. La voie de la revision ne saurait, selon elle, être ouverte du
seul consentement des parties; e lle l’est uniquement lorsque les conditions de l’article61 sont
réunies.

Les faits nouveaux allégues par ElSalvador con cernent d’une part l’avulsion de la rivière
Goascorán et d’autre part la «C arta Esférica» et le compte rendu de l’expédition d’El Activo de
1794.

Avulsion de la rivière Goascorán (par. 23-40)

«Pour bien situer les thèses présentées aujourd’ hui par ElSalvador», la Chambre récapitule

d’abord une partie des motifs de l’arrêt de 1992, en ce qui concerne le sixième secteur de la
frontière terrestre.

Elle indique ensuite que dans la présente instance, ElSalvador soutient en premier lieu

détenir des éléments de preuve scientifiques, t echniques et historiques qui démontreraient que,
contrairement à ce qui, selon lui, aurait été jugé par la Chambre en 1992, le Goascorán avait dans le
passé changé de lit et que ce changement était surv enu brutalement, probablement à la suite d’un
cyclone qui aurait eu lieu en 1762. Selon El Salvador, des éléments de preuve peuvent constituer

des «faits nouveaux» au sens de l’article 61 du Statut.

El Salvador soutient en outre que les éléments de preuve qu’il avance aujourd’hui permettent
d’établir l’existence d’un ancien lit du Goascorán débouchant dans l’Estero La Cutú, ainsi que
e
l’avulsion de la rivière au milieu du XVIII siècle, ou à tout le moins de regarder une telle avulsion
comme plausible. Il s’agirait là encore de «faits nouveaux» au sens de l’article61. Selon
ElSalvador, les faits ainsi exposés auraient un caractère décisif, parce que l’arrêt de 1992 fondait
ses considérations et conclusions sur l’exclusion d’une avulsion qui, selon la Chambre, n’avait pas

été prouvée.

El Salvador soutient enfin que, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, en
particulier de la «violente guerre civile [qui] ravageait El Salvador pendant presque toute la période

entre 1980 et le prononcé du jugement du 11 septembre 1992», il n’y avait pas faute de sa part à
ignorer les différents faits nouveaux qu’il invoque aujourd’hui en ce qui concerne le cours du
Goascorán.

La Chambre indique que le Honduras, pour sa pa rt, allègue que, s’agissant de l’application
de l’article61 du Statut, c’est «une jurispruden ce bien établie qu’il y a une distinction de nature
entre les faits allégués et les preuves avancées pour vé rifier leur réalité et que, seule, la découverte
des premiers ouvre droit à revision du procès». Dès lors, selon le Honduras, les éléments de preuve

présentés par El Salvador ne sauraient ouvrir droit à revision.

Le Honduras ajoute qu’ElSalvador n’a pas dé montré l’existence d’un fait nouveau. En
réalité, ElSalvador solliciterait «une interpré tation nouvelle de faits connus antérieurement» et

inviterait la Chambre à opérer une «véritable réformation» de l’arrêt de 1992.

Le Honduras soutient en outre que les faits avancés par El Salvador, à les supposer nouveaux
et établis, ne sont pas de nature à exercer une influence décisive sur l’arrêt de 1992.

Le Honduras estime enfin qu’El Salvador aurait pu avant 1992 faire procéder aux études
scientifiques et techniques, comme aux recherches historiques sur lesquels il s’appuie maintenant. - 4 -

Passant à l’examen des conclusions présentées par El Salvador en ce qui concerne l’avulsion
du Goascorán, la Chambre rappelle qu’une demande en revision n’est recevable que si chacune des

conditions prévues à l’article 61 est remplie, et que si l’une d’elles fait défaut, la requête doit être
écartée; en l’espèce, elle commence par rechercher si les faits allégués, à les supposer nouveaux,
sont de nature à exercer une influence décisive sur l’arrêt de 1992.

A cet égard, elle rappelle d’abord les considér ations de principe sur lesquelles la Chambre
saisie de l’affaire originelle s’est fondée pour statuer sur les différends opposant les deux Etats dans
six secteurs de leur frontière terrestre. Cette fr ontière devait, selon cette Chambre, être déterminée
«par application du principe généralement accepté en Amérique espagnole de l’uti possidetis juris ,

en vertu duquel les frontières devaient correspondre aux limites administratives coloniales»
(par.28 de l’arrêt de 1992). La Chambre n’en avait pas alors moins relevé que «la situation
résultant de l’uti possidetis juris [pouvait] être modifiée par une décision d’un juge et par un traité».
Elle en avait déduit que «la question se pos[ait] al ors de savoir si elle [pouvait] être modifiée

d’autres manières, par exemple par un acquiescement ou une reconnaissance». Elle avait conclu
qu’«[i]l n’y a semble-t-il aucune raison, en principe, pour que ces facteurs n’entrent pas en jeu,
lorsqu’il y a assez de preuves pour établir que les parties ont en fait clairement accepté une
variante, ou tout au moins une interprétation, de la situation résultant de l’uti possidetis juris »

(par. 67 de l’arrêt de 1992).

La Chambre avait ensuite procédé à l’examen de «[l]a prétention d’ElSalvador selon
laquelle la frontière de l’uti possidetis juris [était] constituée par un lit antérieur du Goascorán». A

cet égard, elle avait relevé ce qui suit :

«[cette prétention] est subordonnée, du point de vue des faits, à l’affirmation suivante :
anciennement, le Goascorán coulait à cet endroit et, à partir d’un certain moment, il a

brusquement changé de cours pour couler à l’endroit où se situe son cours actuel. A
partir de là, l’argument de droit d’El Salvador est que, lors qu’une frontière est
constituée par le cours d’une rivière et que le cours de celle-c i quitte soudainement
l’ancien lit pour un autre, ce phénomène d’«avulsion» ne modifie pas le tracé de la

frontière, qui continue de suivre l’ancien cours.» (Par. 308 de l’arrêt de 1992.)

La Chambre avait ajouté qu’elle

«n’a[vait] pas été informée de l’existe nce de documents établissant un changement
aussi brusque du cours de la rivière, mais [que] s’il était démontré à la Chambre que le
cours du fleuve était auparavant aussi ra dicalement différent de ce qu’il [était]
actuellement, on pourrait alors raisonnablemen t en déduire qu’il y a eu avulsion»

(ibid.).

Poursuivant l’examen de l’argumentation d’El Salvador, la Chambre avait cependant noté
qu’«[i]l n’exist[ait] aucun élément scientifique prouvant que le cours antérieur du Goascorán était

tel qu’il débouchait dans l’Estero LaCutú… et non dans l’un quelconque des autres bras de mer
avoisinants de la côte, par exemple l’Estero El Coyol» (par. 309 de l’arrêt de 1992).

Passant à l’examen en droit de la thèse d’ ElSalvador sur l’avulsion du Goascorán, la

Chambre aeait relevé qu’El Salvador «laiss[ait] entendre qu’en fait le changement s’[était] produit
au XVII siècle» (par. 311 de l’arrêt de 1992). Elle avait conclu que «[d]ans ces conditions, ce que
le droit international peut avoir à dire au suje t de la question du déplacement des cours d’eau qui
constituent des frontières n’a plus d’intérêt : le problème se pose principalement du point de vue du

droit colonial espagnol» (par. 311 de l’arrêt de 1992).

A partir du paragraphe 312 de l’arrêt de 1992, la Chambre s’était placée sur un autre terrain.
Elle avait dès l’abord indiqué de manière lapida ire les conclusions auxquelles elle est parvenue,

puis fourni les motifs de ces conclusions. Selon la Chambre en effet, «il faut rejeter toute - 5 -

affirmation d’El Salvador selon laquelle la frontière suit un ancien cours que la rivière aurait quitté
à un moment quelconque avant 1821. Il s’agit là d’une prétention nouvelle et incompatible avec

l’historique du différend.» (Par. 312 de l’arrêt de 1992.)

Dans la présente instance, la Chambre fait observer que, si, en 1992, la Chambre a écarté les
prétentions d’El Salvador selon lesquelles la frontière de 1821 ne suivait pas le cours de la rivière à
e
cette dernière date, elle l’a fait en se fondant sur le comportement de cet Etat durant le XIX siècle.

La Chambre conclut qu’en définitive, il im porte peu qu’il y ait eu ou non avulsion du
Goascorán. Même si cette avulsion était aujourd’hui prouvée et même si l’on devait en tirer les

conséquences de droit qu’en tire ElSalvador, de telles constatations ne permettraient pas de
remettre en cause la décision prise par la Cham bre en1992 sur une tout autre base. Les faits
avancés à cet égard par ElSalvador sont sans «inf luence décisive» sur l’arrêt dont il sollicite la
revision.

Découverte d’une nouvelle copie de la «Carta Esférica» et du compte rendu de l’expédition
d’El Activo de 1794 (par. 41-55)

La Chambre procède à l’examen du second «fait nouveau» allégué par El Salvador à l’appui
de sa demande en revision, à savoir la découverte dans l’Ayer Collection de la Newberry Library
de Chicago d’une nouvelle copie de la «Carta Esférica» et d’une nouvelle copie du compte rendu
de l’expédition d’El Activo s’ajoutant aux copies du Musée naval de Madrid auxquelles la

Chambre s’était référée aux paragraphes 314 et 316 de son arrêt.

Elle rappelle que le Honduras conteste que l’on puisse qualifier de fait nouveau la production
des documents provenant de Chicago. Il s’agirait seulement d’une «autre copie d’un même

document déjà présenté par le Honduras durant la pha se écrite de l’affaire décidée en 1992, et déjà
apprécié par la Chambre dans son arrêt». La Chambre recherche d’abord, comme elle l’a fait en ce
qui concerne l’avulsion si les faits allégués pour ce qui est de la «Carta Esférica» et du compte
rendu de l’expédition d’El Activo sont de nature à exercer une influence décisive sur l’arrêt

de 1992.

A cet égard, elle rappelle qu’en1992 la Chambre, après avoir estimé les prétentions
d’ElSalvador concernant l’ancien cours du Goascorán incompatibles avec l’historique du

différend, avait examiné «les éléments de preuve qui lui ont été so umis au sujet du cours suivi par
le Goascorán en 1821» (par. 313 de l’arrêt de 1992). La Chambre avait alors tout particulièrement
étudié la carte marine établie par le commandant et les navigateurs du navire El Activo vers 1796 et
qualifiée de «Carta Esférica», que le Honduras avait retrouvée dans les archives du Musée naval de

Madrid. La Chambre en avait conclu «qu’au vu du compte rendu de l’expédition de 1794 et de la
«Carta Esférica», on ne peut guère douter qu’en 1 821 le Goascorán coulait déjà là où se trouve son
cours actuel» (par. 316 de l’arrêt de 1992).

Dans la présente instance, la Chambre observe à cet égard que les deux copies de la «Carta
Esférica» conservées à Madrid et la copie provena nt de Chicago ne diffèrent que sur des points de
détail concernant par exemple l’emplacement d es titres, les légendes ou la calligraphie. Ces
différences traduisent les conditions dans lesquelle s ce type de document était établi à la fin du
e
XVIII siècle et ne permettent pas de remettre en cause la fiabilité des cartes produites devant la
Chambre en 1992. La Chambre relève en outre que sur l’exemplaire de Chicago, comme sur ceux
de Madrid, l’EsteroLaCutú et l’embouchure du RioGoascorán sont portés à leur emplacement
actuel. La nouvelle carte produite par El Salvador n’infirme donc pas les conclusions auxquelles la

Chambre était parvenue en 1992; elle les confirme.

Quant à la nouvelle version du compte rendu de l’expédition d’ElActivo provenant de
Chicago, la Chambre constate également qu’elle ne diffère de celle de Madrid qu’en ce qui

concerne certains détails tels les mentions initiales et finales, l’orthographe ou l’accentuation. Le - 6 -

corps du texte demeure le même, en particu lier dans l’identification de l’embouchure du
Goascorán. Là encore, le nouveau document produit par ElSalvador confirme les conclusions

auxquelles la Chambre était parvenue en 1992.

La Chambre conclut de ce qui précède que les faits nouveaux allégués par El Salvador en ce
qui concerne la «Carta Esférica» et le compte rendu de l’expédition d’ElActivo sont sans

«influence décisive» sur l’arrêt dont il sollicite la revision.

Observations finales (par. 56-59)

La Chambre prend note de ce qu’El Salvador a en outre soutenu que pour bien situer les faits
nouveaux allégués dans leur contexte, «il faut pr endre en considération d’autres faits dont la
Chambre a déjà mesuré l’importance et qui se trouvent à présent influencés par les faits nouveaux».

La Chambre indique qu’elle estime, comme El Salvador, que pour apprécier si les «faits

nouveaux» allégués en ce qui concerne l’avulsion du Goascorán, la «Carta Esférica» et le compte
rendu de l’expédition d’El Activo entrent dans les prévisions de l’article 61 du Statut, il convient de
les replacer dans leur contexte, ce qu’elle n’a pas manqué de faire; elle rappelle toutefois que,

selon cet article, seule ouvre la voie à la revisiod’un arrêt «la découverte d’un fait de nature à
exercer une influence décisive et qui, avant le pronon cé de l’arrêt, était inconnu de la Cour et de la
partie qui demande la revision, sans qu’il y ait, de sa part, faute à l’ignorer». La Chambre ne
saurait, partant, déclarer recevable une demande en revision sur la base de faits dont il n’est pas

allégué par El Salvador lui-même qu’ils constitueraient des faits nouveaux au sens de l’article 61.

*

Le texte intégral du dispositif (par. 60) se lit comme suit :

mcotfs,

L A C HAMBRE ,

Par quatre voix contre une,

Dit que la requête déposée par la République d’El Salvador en vertu de l’article 61 du Statut
de la Cour et tendant à la révision de l’arrêt re ndu le 11 septembre 1992 par la Chambre de la Cour
chargée de connaître de l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime

(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)) est irrecevable.

POUR : M. Guillaume, président de la Chambre ; MM. Rezek, Buergenthal, juges;
M. Torres Bernárdez, juge ad hoc;.

CONTRE : M. Paolillo, juge ad hoc.»

*

M. PAOLILLO , juge ad hoc, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

___________ Annexe au résumé 2003/3

Opinion dissidente du juge ad hoc Paolillo

De l’avis de M. Paolillo, il est clair que la ratio decidendi de l'arrêt de 1992 en ce qui
concerne le sixième secteur de la frontière terrestre entre El Salvador et Honduras, consiste dans le

fait qu'El Salvador n'avait pas pu fournir la preuve de ses allégations relatives à l’existence d’un
phénomène d'avulsion du fleuve Goascorán. En 1992, la Chambre, après avoir procédé à l'examen
en droit de la thèse d'El Salvador, avait d éclaré qu'aucun document établissant un changement
brusque du cours du Goascorán n'avait été produit par El Salvador et qu'il n'existait aucun élément

scientifique prouvant que le cours antérieur du fle uve était tel qu'il déboucha it dans l'Estero La
Cutú. En l'absence de preuves de la revendication d'El Salvador, la Chambre avait donc fait droit
aux conclusions du Honduras. La présente Ch ambre a indiqué - de manière erronée selon
M. Paolillo - que la ratio decidendi de l'arrêt de 1992 était liée à la « nouveauté » de la prétention

d'El Salvador et à son « incompatibilité » avec l'historique du différend. M. Paolillo relève toutefois
que c'est seulement à la suite de son examen de la revendication d'El Salvador et de la preuve
produite pour l'étayer qu’en 1992 la Chambre s'ét ait référée à l'historique du différend, à titre
d'argumentation accessoire par rapport au motif principal plutôt que comme conclusion décisoire

en ce qui concerne le tracé de la frontière dans le sixième secteur.

Il souligne que le comportement du Honduras au cours de la présente procédure démontre
que pour ce dernier également la ratio decidendi de l'arrêt de 1992 était liée à l'objet du différend

relatif au sixième secteur et non pas à son histori que. Dans la phase initiale de la procédure, le
Honduras s'opposa à la demande en revision d'El Salvador en soutenant que les faits nouveaux
allégués par celui-ci ne remplissaient pas les conditions requises par l'article 61 du Statut de la
Cour. Ce n’est que lors de la dernière audience publique, stade auquel El Salvador n’avait plus la

possibilité de répondre à son argumentation, que le Honduras a soutenu que les considérations de
nature historique figurant au paragraphe 312 de l’arrêt rendu dans l'instance originelle constituaient
la ratio decidendi de ladite décision.

Dans le présent arrêt, la Chambre a conclu qu’en 1992 le tracé de la li gne frontière dans le
sixième secteur avait été décidé par la Chambr e sur la base d’un raisonnement analogue à celui
qu'elle avait adopté pour le premier secteur, c'es t-à-dire, par application du principe de l'uti
possidetdis juris modifié par l'acquiescement ou la reconnaissance des parties. Selon M. Paolillo, il

n'y a toutefois rien dans l'arrêt de 1992 qui lai sserait entendre que la Chambre ait procédé de la
sorte: la Chambre ne l'a en effet pas indiqué de manière explicite, comme elle l'a fait en ce qui
concerne le premier secteur, et il n’existe pas non plus d’indications démontrant qu'El Salvador ait

«clairement accepté», par acquiescement ou reconnaissance, une modification de la situation
résultant de l'uti possidetis juris dans le sixième secteur. L'absence de référence explicite à l'ancien
cours du Goascorán lors des négociations antérieures à l'année 1972 ne peut, pour sa part, en aucun
cas être interprétée comme une renonciation d'El Sa lvador à sa prétention de tracer la frontière

suivant l’ancien cours du fleuve.

Les faits nouveaux invoqués par El Salvador à l’appui de sa demande en revision consistent
en un ensemble de documents contenant de l'in formation scientifique, technique et historique,

produite ou découverte après 1992 et tendant à démo ntrer la survenance d'une avulsion ainsi que
l'existence d'un ancien lit du fleuve Goascorán qui, pa r application du principe de l'uti possidetis
juris, devrait ainsi constituer la ligne frontière entre les deux Parties dans le sixième secteur. Après
examen de ces faits nouveaux, M. Paolillo est arri vé à la conclusion qu'ils satisfont aux conditions

fixées par l'article 61 du Statut, y compris celle selon laquelle ils doivent être de nature à exercer
une influence décisive. Etant donné que la majorité des membres de la Chambre est d’avis que la
décision de 1992, en ce qui concerne le sixième secteur, était motivée par des considérations
relatives à l'historique du différend et non pas à l’objet de celui-ci, la Chambre a conclu que les

faits nouveaux invoqués par El Salvador n'étaient pas de nature à exercer une influence décisive sur - 2 -

l'arrêt dont il sollicite la revision. Les conditions de l'article 61 du Statut de la Cour étant
cumulatives, la Chambre s'est abstenue d’examiner si les faits nouveaux allégués par El Salvador

satisfaisaient ou non aux autres conditions prévues. M. Paolillo estime toutefois que si la Chambre
avait procédé à un tel examen, elle aurait c onclu que les faits nouveaux remplissaient ces
conditions.

Il relève que du fait de l’irrecevabilité de la requête en revision, la seconde phase de la
procédure, au cours de laquelle la Chambre aurait eu à statuer sur le fond de la demande, ne pourra
pas avoir lieu. Ceci est selon lui regrettabl e car un nouvel examen au fond du différend aurait
permis à la Chambre de confir mer ou de reviser l'arrêt de 1992 en ce qui concerne le sixième

secteur et ce, sur la base d'une information sensibl ement plus abondante et plus fiable que celle
dont la Chambre disposait au cours de l'instance originelle. Il estime qu’une nouvelle décision au
fond aurait pu servir l'intérêt de la justice mieux que ne l'a servie l'arrêt de 1992, dans la mesure où
plus une juridiction est informée, plus grandes sont ses chances d'adopter des décisions justes.

Selon M. Paolillo, la Chambre a ainsi laissé pas ser l'occasion de déclarer recevable, pour la
première fois dans l'histoire de la Cour, une requête en revision qui remplissait toutes les conditions
requises par l'article 61 du Statut de la Cour.

___________

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Résumé de l'arrêt du 18 décembre 2003

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