Arrêt du 20 avril 2010

Document Number
135-20100420-JUD-01-00-EN
Document Type
Date of the Document
Document File
Bilingual Document File

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES A|TS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE A v DES USINES DE PÂTE
v PAPIER SUR LE FLEUVE URUGUAY

(ARGENTINE c. URUGUAY)

ARR|T DU 20 AVRIL 2010

2010

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING PULP MILLS
ON THE RIVER URUGUAY

(ARGENTINA v. URUGUAY)

JUDGMENT OF 20 APRIL 2010 Mode officiel de citation:
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay),
arrêt, C.I.J. Recueil 2010 ,p.14

Official citation:
Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay),
Judgment, I.C.J. Reports 2010 ,p.14

Sales number
ISSN 0074-4441 N de vente: 977
ISBN 978-92-1-071089-3 20 AVRIL 2010

ARRE|T

USINES DE P|TE v PAPIER SUR LE FLEUVE URUGUAY
(ARGENTINE c. URUGUAY)

PULP MILLS ON THE RIVER URUGUAY

(ARGENTINA v. URUGUAY)

20 APRIL 2010

JUDGMENT TABLE DES MATIE vRES

Paragraphes

Q UALITÉS 1-24

I. CADRE JURIDIQUE ET FAITS DE ’ESPÈCE 25-47
A. Cadre juridique 26-27
B. Le projet CMB (ENCE) 28-36
C. L’usine Orion (Botnia) 37-47

II. ÉTENDUE DE LA COMPÉTENCE DE LA C OUR 48-66

III. LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES OBLIGATIONS DE NATURE PROCÉDURALE 67-158

A. Les liens entre les obligations de nature procédurale et les
obligations de fond 71-79
B. Les obligations de nature procédurale et leur articulation 80-122

1. La nature et le rôle de la CARU 84-93
2. L’obligation de l’Uruguay d’informer la CARU 94-111
3. L’obligation de l’Uruguay de notifier les projets à l’autre
partie 112-122
C. Les Parties sont-elles convenues de déroger aux obligations

de nature procédurale prévues dans le statut de 1975? 123-150
1. L’«arrangement» du 2 mars 2004 entre l’Argentine et
l’Uruguay 125-131
2. L’accord créant le Groupe technique de haut niveau
(GTAN) 132-150

D. Les obligations de l’Uruguay après l’expiration de la période
de négociation 151-158

IV. L ES OBLIGATIONS DE FOND 159-266

A. La charge de la preuve et la preuve par expertise 160-168
B. Les violations alléguées des obligations de fond 169-266
1. L’obligation de contribuer à l’utilisation rationnelle et
optimale du fleuve (article premier) 170-177
2. L’obligation de veiller à ce que la gestion du sol et des

forêts ne cause pas un préjudice au régime du fleuve ou à
la qualité de ses eaux (article 35) 178-180
3. L’obligation de coordonner les mesures propres à éviter
une modification de l’équilibre écologique (article 36) 181-189
4. L’obligation d’empêcher la pollution et de préserver le
milieu aquatique (article 41) 190-266

a) Evaluation de l’impact sur l’environnement 203-219
i) Le choix du site de Fray Bentos pour l’usine Orion
(Botnia) 207-214
ii) Consultation des populations concernées 215-219

4 b) La question des techniques de production utilisées à
l’usine Orion (Botnia) 220-228
c) L’impact des rejets sur la qualité des eaux du fleuve 229-259

i) L’oxygène dissous 238-239
ii) Le phosphore 240-250
iii) Les substances phénoliques 251-254
iv) La présence de nonylphénols dans le milieu aqua-

tique 255-257
v) Les dioxines et furanes 258-259
d) Effets sur la diversité biologique 260-262
e) Pollution atmosphérique 263-264

f) Conclusions relatives à l’article 41 265
g) Obligations continues: suivi et contrôle 266

V. L ES DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LES P ARTIES DANS LEURS CONCLU -
SIONS FINALES 267-281

D ISPOSITIF 282

5 ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES

AAP «Autorización Ambiental Previa» (autorisation environnemen-

tale préalable)
ADCP «Acoustic Doppler Current Profiler» (profileur de courant à
effet Doppler)
AOX «Adsorbable Organic Halogens» (composés organo-halogénés
adsorbables)
BAT «Best Available Techniques (or Technology)» (meilleures tech-
niques disponibles)
Botnia «Botnia S.A.» et «Botnia Fray Bentos S.A.» (deux sociétés de
droit uruguayen créées par la société finlandaise Oy Metsä-
Botnia AB)
CARU «Comisión Administradora del Río Uruguay» (commission
administrative du fleuve Uruguay)
CIS «Cumulative Impact Study» (étude d’impact cumulé réalisée
en septembre 2006 à la demande de la Société financière inter-
nationale)
CMB «Celulosas de M’Bopicuá S.A.» (société de droit uruguayen

créée par la société espagnole ENCE)
CMB (ENCE) Usine de pâte à papier projetée à Fray Bentos par la société
espagnole ENCE ayant créé à cette fin la société uruguayenne
CMB
DINAMA «Dirección Nacional de Medio Ambiente» (direction nationale
de l’environnement du Gouvernement uruguayen)
ECF «Elemental Chlorine-Free» (exempt de chlore élémentaire)
EIE Evaluation de l’impact sur l’environnement
ENCE «Empresa Nacional de Celulosas de España» (société espa-
gnole ayant créé la société CMB de droit uruguayen)
GTAN «Grupo Técnico de Alto Nivel» (Groupe technique de haut
niveau créé en 2005 par l’Argentine et l’Uruguay pour résoudre
leur litige concernant les usines CMB (ENCE) et Orion (Bot-
nia))
IPPC-BAT «Integrated Pollution Prevention and Control Reference Docu-
ment on Best Available Techniques in the Pulp and Paper

Industry» (document de référence en matière de prévention et
de réduction intégrées de la pollution sur les meilleures techni-
ques disponibles dans l’industrie de la pâte et du papier)
MVOTMA «Ministerio de Vivienda, Ordenamiento Territorial y Medio
Ambiente» (ministère uruguayen du logement, de l’aménage-
ment du territoire et de l’environnement)
Orion (Botnia) Usine de pâte à papier construite à Fray Bentos par la société
finlandaise Oy Metsä-Botnia AB, ayant créé à cette fin les
sociétés uruguayennes Botnia S.A. et Botnia Fray Bentos
S.A.
OSE «Obras Sanitarias del Estado» (organisme public uruguayen
chargé de l’assainissement et de la distribution de l’eau)

6PAES Plan d’action environnemental et social
POP Polluants organiques persistants
PROCEL «Plan de Monitoreo de la Calidad Ambiental del Río Uruguay
en áreas de Plantas Celulósicas» (plan de contrôle et de suivi
(monitoring) de la qualité des eaux du fleuve Uruguay dans la

zone des usines de pâte à papier, mis en place dans le cadre de
la CARU)
PROCON «Programa de Calidad de Aguas y Control de la Contamina-
ción del Río Uruguay» (programme de contrôle de la qualité et
de la pollution des eaux du fleuve Uruguay, mis en place dans
le cadre de la CARU)
SFI Société financière internationale

7 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

2010 ANNÉE 2010
20 avril
Rôlo général
n 135 20 avril 2010

AFFAIRE RELATIVE A v DES USINES DE PÂTE

Av PAPIER SUR LE FLEUVE URUGUAY

(ARGENTINE c. URUGUAY)

Cadre juridique et faits de l’espèce.
Traité de Montevideo de 1961 — Statut du fleuve Uruguay de 1975 — Eta-
blissement de la commission administrative du fleuve Uruguay (CARU) — Pro-
jet d’usine de pâte à papier CMB (ENCE) — Projet d’usine de pâte à papier
Orion (Botnia) — Terminal portuaire de Nueva Palmira — Objet du différend.

*

Etendue de la compétence de la Cour.
Clause compromissoire (article 60 du statut de 1975) — Dispositions du sta-
tut de 1975 et compétence ratione materiae — Incompétence de la Cour pour
connaître d’allégations relatives à la pollution sonore et visuelle ou aux mau-
vaises odeurs (article 36 du statut de 1975) — Pollution atmosphérique et
atteinte à la qualité des eaux du fleuve examinées dans le cadre des obligations
de fond.
Article premier du statut de 1975 — Définition du but du statut
de 1975 — Mécanismes communs nécessaires à l’utilisation rationnelle et opti-
male du fleuve — Portée de la référence aux «droits et obligations découlant des
traités et autres engagements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou
l’autre des parties» — Texte original espagnol — Statut adopté par les parties
dans le respect de leurs engagements internationaux respectifs.
Alinéa a)de l’article 41 du statut de 1975 — Texte original espagnol — Absence
de «clause de renvoi» ayant pour effet d’incorporer dans le champ d’application
du statut les obligations des parties découlant des accords internationaux et
autres normes qui y sont visées — Obligation des parties d’exercer leurs pouvoirs
de réglementation en conformité avec les accords internationaux applicables aux
fins de la protection et de la préservation du milieu aquatique du fleuve Uru-

guay — Règles d’interprétation du statut de 1975 — Article 31 de la convention

8de Vienne sur le droit des traités — Distinction entre la prise en considération
d’autres règles internationales lors de l’interprétation du statut de 1975 et l’éten-
due de la compétence de la Cour en vertu de son article 60.

*

Violation alléguée des obligations de nature procédurale.
Question des liens entre les obligations de nature procédurale et les obliga-
tions de fond — Objet et but du statut de 1975 — Utilisation rationnelle et opti-
male du fleuve Uruguay — Développement durable — Coopération entre les
parties pour la gestion commune des risques de dommages à l’environne-
ment — Existence d’un lien fonctionnel, relatif à la prévention, entre les obli-
gations de nature procédurale et les obligations de fond — Responsabilité en cas
de violation des unes ou des autres.
Articulation des différentes obligations de nature procédurale prévues par les
articles 7 à 12 du statut de 1975 — Texte original espagnol de l’article 7 — Obli-
gation d’informer, de notifier et de négocier comme moyen approprié de parvenir
à l’objectif d’utilisation rationnelle et optimale du fleuve en tant que ressource
partagée — Personnalité juridique de la CARU — Rôle central de la CARU

dans la gestion commune du fleuve et l’obligation de coopérer entre les parties.
Obligation d’informer la CARU (premier alinéa de l’article 7 du statut de
1975) — Ouvrages soumis à cette obligation — Lien entre l’obligation d’infor-
mer la CARU, la coopération entre les parties et l’obligation de préven-
tion — Détermination sommaire par la CARU d’un risque de préjudice sensible
à l’autre partie — Contenu de l’information devant être transmise à la
CARU — Obligation d’informer la CARU avant la délivrance de l’autorisation
environnementale préalable — L’information de la CARU par des opérateurs
privés ne peut tenir lieu de l’obligation d’informer prévue par le statut
de 1975 — Violation par l’Uruguay de l’obligation d’informer la CARU.
Obligation de notifier les projets à l’autre partie (deuxième et troisième ali-
néas de l’article 7 du statut de 1975) — Nécessité de disposer d’une évaluation
de l’impact sur l’environnement (EIE) complète — Notification de l’EIE à

l’autre partie par l’intermédiaire de la CARU avant toute décision relative à la
viabilité environnementale du projet — Violation par l’Uruguay de l’obligation
de notifier les projets à l’Argentine.
Question de l’éventuelle dérogation aux obligations de nature procédurale
convenue entre les Parties — «Arrangement» du 2 mars 2004 — Contenu et
portée — L’Uruguay ne s’y étant pas conformé, l’«arrangement» ne peut être
considéré comme ayant eu pour effet de le dispenser du respect des obligations
de nature procédurale — Accord créant le Groupe technique de haut niveau
(GTAN) — Saisine de la Cour sur la base de l’article 12 ou de l’article 60 du
statut de 1975: distinction sans incidence — L’accord créant le GTAN a eu
pour but de permettre aux négociations prévues à l’article 12 du statut de 1975
d’avoir lieu, mais il n’a pas dérogé à d’autres obligations de nature procédu-
rale — En acceptant la création du GTAN, l’Argentine n’a renoncé ni aux

droits de nature procédurale que lui reconnaît le statut, ni à invoquer la respon-
sabilité de l’Uruguay; l’Argentine n’a pas davantage consenti à suspendre
l’application des dispositions procédurales du statut (article 57 de la convention
de Vienne sur le droit des traités) — Obligation de négocier de bonne foi — Obli-
gation de «non-construction» durant la période de négociation — Travaux pré-
liminaires autorisés par l’Uruguay — Violation par l’Uruguay de l’obligation de
négocier prévue à l’article 12 du statut de 1975.

9 Obligations de l’Uruguay après l’expiration de la période de négocia-
tion — Portée de l’article 12 du statut de 1975 — Absence d’obligation de «non-
construction» après l’expiration de la période de négociation et pendant la phase
de règlement judiciaire.

*

Violations alléguées des obligations de fond.
Charge de la preuve — Approche de précaution et absence de renversement de
la charge de la preuve — Preuve par expertise — Rapports établis à la demande
des Parties — Indépendance des experts — Appréciation des faits par la
Cour — Experts intervenus à l’audience en qualité de conseils — Question des
témoins, experts et témoins-experts.
Utilisation rationnelle et optimale du fleuve Uruguay — Définissant le but du
statut de 1975, l’article premier ne crée pas de droits ou obligations spécifi-
ques — Obligation de se conformer aux obligations prescrites par le statut aux
fins de la protection de l’environnement et de la gestion conjointe du
fleuve — Fonction réglementaire de la CARU — Lien étroit entre l’utilisation
équitable et raisonnable du fleuve comme ressource partagée et la nécessité,

qui est au cŒur du développement durable, de concilier le développement écono-
mique et la protection de l’environnement (article 27 du statut de 1975).

Obligation de veiller à ce que la gestion du sol et des forêts ne cause pas un
préjudice au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux (article 35 du statut
de 1975) — Allégations de l’Argentine non établies.
Obligation de coordonner les mesures propres à éviter une modification de
l’équilibre écologique (article 36 du statut de 1975) — Exigence d’une action
individuelle de chaque partie et d’une action concertée par l’intermédiaire de la
CARU — Obligation de diligence requise («due diligence») — L’Argentine n’a
pas démontré de manière convaincante que l’Uruguay a refusé de prendre part
aux efforts de coordination prévus par l’article 36 du statut de 1975.
Obligation d’empêcher la pollution et de préserver le milieu aquati-

que — Contenu normatif de l’article 41 du statut de 1975 — Obligation pour
chaque partie d’adopter des normes et mesures destinées à protéger et préserver
le milieu aquatique et, en particulier, à empêcher la pollution — Les normes et
mesures adoptées par chaque partie doivent être conformes aux accords inter-
nationaux applicables et, le cas échéant, en harmonie avec les directives et
recommandations des organismes techniques internationaux — Obligation de
diligence requise («due diligence») d’adopter des normes et mesures et de les
mettre en Œuvre — Définition de la pollution selon l’article 40 du statut
de 1975 — Activité réglementaire de la CARU (article 56 du statut de 1975),
complémentaire à celle de chaque partie — Digeste de la CARU — Règles à
l’aune desquelles l’existence d’effets nocifs doit s’apprécier: statut de 1975,
digeste de la CARU, droit interne de chacune des parties dans la mesure exigée
par le statut de 1975.

Evaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) — Obligation de procéder
à une EIE — Portée et contenu de l’EIE — Renvoi au droit interne — Question
du choix du site des usines comme élément de l’EIE — La Cour n’est pas
convaincue par l’argument de l’Argentine selon lequel une évaluation des diffé-
rents sites possibles n’a pas eu lieu — Capacité de réception des eaux du fleuve
à Fray Bentos et inversions de courant — Les normes de la CARU relatives à la
qualité des eaux tiennent compte des caractéristiques géomorphologiques et

10hydrologiques du fleuve et de la capacité de réception de ses eaux — Question de
la consultation des populations concernées comme élément de l’EIE — Aucune
obligation juridique de consulter les populations concernées ne découle des ins-
truments invoqués par l’Argentine — Une consultation par l’Uruguay des popu-
lations concernées a bien eu lieu.
Techniques de production utilisées à l’usine Orion (Botnia) — Aucun élément

ne vient à l’appui de la prétention de l’Argentine selon laquelle l’usine Orion
(Botnia) n’appliquerait pas les meilleures techniques disponibles en matière de
rejets d’effluents par tonne de pâte à papier produite — Il ne ressort pas des
données réunies après la mise en service de l’usine Orion (Botnia) que ses rejets
ont excédé les limites autorisées.
Impact des rejets de l’usine sur la qualité des eaux du fleuve — Contrôle et
suivi postopérationnel — Oxygène dissous — Phosphore — Prolifération
d’algues — Substances phénoliques — Présence de nonylphénols dans le milieu
aquatique — Dioxines et furanes — Violations alléguées non établies.
Effets sur la diversité biologique — Eléments de preuve insuffisants pour
conclure que l’Uruguay n’a pas respecté l’obligation de protéger le milieu aqua-
tique, y compris la faune et la flore.
Pollution atmosphérique — Pollution indirecte par dépôt dans le milieu aqua-

tique — Eléments de preuve insuffisants.
Sur la base des preuves présentées, absence de violation de l’article 41 du sta-
tut de 1975 par l’Uruguay.
Obligations continues: suivi et contrôle — Obligation des Parties de veiller à
ce que la CARU puisse continûment exercer ses pouvoirs au titre du statut
de 1975 — Obligation de l’Uruguay de poursuivre le contrôle et le suivi du fonc-
tionnement de l’usine Orion (Botnia) — Obligation des Parties de poursuivre
leur coopération par l’intermédiaire de la CARU.

*
Demandes présentées par les Parties dans leurs conclusions finales.
Demandes de l’Argentine — Violation des obligations de nature procédu-

rale — Constat d’illicéité et satisfaction — Formes de réparation autres que
l’indemnisation non exclues par le statut de 1975 — Restitution en tant que
forme de réparation du préjudice — Définition — Limites — Caractère appro-
prié de la forme de réparation par rapport au préjudice subi, compte tenu du
fait illicite — Caractère inapproprié de la restitution sous la forme du déman-
tèlement de l’usine Orion (Botnia) dans le cas d’une violation des seules obliga-
tions de nature procédurale — Absence de violation des obligations de fond et
rejet des autres réclamations présentées par l’Argentine — Absence de circon-
stances spéciales requérant d’ordonner des assurances et garanties de non-
répétition.
Demande de l’Uruguay visant à confirmer son droit de poursuivre l’exploita-
tion de l’usine Orion (Botnia) — Absence de portée utile.

*

Obligation des Parties de coopérer entre elles selon les modalités prévues par
le statut de 1975 afin d’assurer la réalisation de son objet et de son but — Action
conjointe des Parties au sein de la CARU et établissement d’une réelle commu-
nauté d’intérêts et de droits dans la gestion du fleuve Uruguay et dans la protec-
tion de son environnement.

11 ARRÊT

Présents: M. T OMKA , vice-président, faisant fonction de président en l’affaire ;
MM. K OROMA ,A L-KHASAWNEH ,S IMMA,A BRAHAM ,K EIT,S EPÚLVEDA-
A MOR,B ENNOUNA,S KOTNIKOV,CANÇADO T RINDADE,YUSUF ,GREENWOOD ,
juges; MM. T ORRESB ERNÁRDEZ,V INUES, juges ad hoc; M. OUVREUR,
greffier.

En l’affaire relative à des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay,
entre

la République argentine,

représentée par
S. Exc. M meSusana Ruiz Cerutti, ambassadeur, conseiller juridique du mi-
nistère des relations extérieures, du commerce international et du culte,

comme agent;
S. Exc. M. Horacio A. Basabe, ambassadeur, directeur général de l’Institut

du service extérieur de la nation, ancien conseiller juridique du ministère
des relations extérieures, du commerce international et du culte, membre
de la Cour permanente d’arbitrage,
S. Exc. M. Santos Goñi Marenco, ambassadeur de la République argentine
auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme coagents;
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Paris Ouest, Nanterre-La
Défense, membre et ancien président de la Commission du droit interna-

tional, membre associé de l’Institut de droit international,
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit international à l’University Col-
lege de Londres, avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Marcelo Kohen, professeur de droit international à l’Institut de hautes
études internationales et du développement de Genève, membre associé de
l’Institut de droit international,
me
M Laurence Boisson de Chazournes, professeur de droit international à
l’Université de Genève,
M. Alan Béraud, ministre à l’ambassade de la République argentine auprès
de l’Union européenne, ancien conseiller juridique du ministère des rela-
tions extérieures, du commerce international et du culte,
M. Daniel Müller, chercheur au Centre de droit international de Nanterre

(CEDIN), Université de Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseils et avocats;

M. Homero Bibiloni, secrétaire d’Etat à l’environnement et au développe-
ment durable,
comme autorité gouvernementale;

M. Esteban Lyons, directeur national du contrôle environnemental du secré-
tariat à l’environnement et au développement durable,
M. Howard Wheater, docteur en hydrologie de l’Université de Bristol, pro-
fesseur d’hydrologie à l’Imperial College de Londres, directeur de l’Impe-
rial College Environment Forum,

12 M. Juan Carlos Colombo, docteur en océanographie de l’Université de Qué-
bec, professeur à la faculté des sciences et au musée de l’Université natio-
nale de La Plata, directeur du laboratoire de chimie environnementale et
de biogéochimie de l’Université nationale de La Plata,

M. Neil McIntyre, docteur en ingénierie environnementale, maître de confé-
mences à l’Imperial College de Londres,
M Inés Camilloni, docteur en sciences atmosphériques, professeur de
sciences atmosphériques à la faculté des sciences de l’Université de
Buenos Aires, maître de recherche au conseil national de la recherche
(CONICET),
M. Gabriel Raggio, docteur en sciences techniques de l’Ecole polytechnique
fédérale de Zurich (ETHZ) (Suisse), consultant indépendant,

comme conseillers scientifiques et experts;

M. Holger Martinsen, ministre au bureau du conseiller juridique du minis-
tère des relations extérieures, du commerce international et du culte,
M. Mario Oyarzábal, conseiller d’ambassade, membre du bureau du
conseiller juridique du ministère des relations extérieures, du commerce
international et du culte,
M. Fernando Marani, deuxième secrétaire à l’ambassade de la République
argentine au Royaume des Pays-Bas,
M. Gabriel Herrera, secrétaire d’ambassade, membre du bureau du conseiller
juridique du ministère des relations extérieures, du commerce international

me du culte,
M Cynthia Mulville, secrétaire d’ambassade, membre du bureau du
conseiller juridique du ministère des relations extérieures, du commerce
international et du culte,
M me Kate Cook, avocat, Matrix Chambers (Londres), spécialisée en droit de
l’environnement et en droit du développement,
M me Mara Tignino, docteur en droit, chercheur à l’Université de Genève,
M. Magnus Jesko Langer, assistant d’enseignement et de recherche à l’Insti-
tut de hautes études internationales et du développement de Genève,

comme conseillers juridiques,

et

la République orientale de l’Uruguay,

représentée par
S. Exc. M. Carlos Gianelli, ambassadeur de la République orientale de

l’Uruguay auprès des Etats-Unis d’Amérique,
comme agent;

S. Exc. M. Carlos Mora Medero, ambassadeur de la République orientale de
l’Uruguay auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme coagent;
M. Alan Boyle, professeur de droit international à l’Université d’Edimbourg,
membre du barreau d’Angleterre,
M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Flo-
rence,

13 M. Lawrence H. Martin, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux de
la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique, du district de Columbia et du
Commonwealth du Massachusetts,

M. Stephen C. McCaffrey, professeur à la McGeorge School of Law de
l’Université du Pacifique (Californie), ancien président de la Commission
du droit international et rapporteur spécial aux fins des travaux de la
Commission sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internatio-
naux à des fins autres que la navigation,
M. Alberto Pérez Pérez, professeur à la faculté de droit de l’Université de la
République (Montevideo),
M. Paul S. Reichler, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux
de la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique et du district de Colum-

bia,
comme conseils et avocats;

M. Marcelo Cousillas, conseiller juridique à la direction nationale de l’envi-
ronnement, ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de
l’environnement,
M. César Rodriguez Zavalla, chef de cabinet au ministère des affaires étran-
gères,

M. Carlos Mata, directeur adjoint des affaires juridiques au ministère des
affaires étrangères,
M. Marcelo Gerona, conseiller à l’ambassade de la République orientale de
l’Uruguay au Royaume des Pays-Bas,
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, avocat, admis au barreau de la Répu-
blique orientale de l’Uruguay et membre du barreau de New York,
M. Adam Kahn, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du Com-
monwealth du Massachusetts,
M. Andrew Loewenstein, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du

memmonwealth du Massachusetts,
M Analia Gonzalez, LL.M., cabinet Foley Hoag LLP, admise au barreau
de la République orientale de l’Uruguay,
M me Clara E. Brillembourg, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux
du district de Columbia et de New York,
M me Cicely Parseghian, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du
Commonwealth du Massachusetts,
M. Pierre Harcourt, doctorant à l’Université d’Edimbourg,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de
mecerata,
M Maria E. Milanes-Murcia, M.A., LL.M., J.S.D. Candidate à la
McGeorge School of Law de l’Université du Pacifique (Californie), docto-
rante à l’Université de Murcie, admise au barreau d’Espagne,

comme conseils adjoints;
M me Alicia Torres, directrice nationale de l’environnement au ministère du
logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement,

M. Eugenio Lorenzo, conseiller technique à la direction nationale de l’envi-
ronnement du ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de
l’environnement,
M. Cyro Croce, consultant technique à la direction nationale de l’environ-
nement du ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de
l’environnement,

14 M me Raquel Piaggio, organisme public chargé de l’assainissement et de la
distribution de l’eau (OSE), consultante technique à la direction nationale
de l’environnement du ministère du logement, de l’aménagement du terri-
toire et de l’environnement,

M. Charles A. Menzie, Ph.D., Principal Scientist et directeur d’EcoSciences
Practice chez Exponent, Inc., à Alexandria (Virginie),
M. Neil McCubbin, Eng., B.sc. (Eng.), 1st Class Honours (Glasgow), Asso-
ciate au Royal College of Science and Technology de Glasgow,
comme conseillers scientifiques et experts,

L A COUR ,

ainsi composée,

après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant:

1. Le 4 mai 2006, la République argentine (ci-après dénommée l’«Argen-
tine») a déposé au Greffe de la Cour une requête introduisant une instance
contre la République orientale de l’Uruguay (ci-après dénommée l’«Uruguay»)
au sujet d’un différend relatif à la violation, qu’aurait commise l’Uruguay,
d’obligations découlant du statut du fleuve Uruguay (Recueil des traités des
Nations Unies (RTNU), vol. 1295, n I-21425, p. 348), traité signé par l’Argen-

tine et l’Uruguay à Salto (Uruguay) le 26 février 1975 et entré en vigueur le
18 septembre 1976 (ci-après le «statut de 1975»); selon la requête, cette viola-
tion résulte de «l’autorisation de construction, [de] la construction et [de]
l’éventuelle mise en service de deux usines de pâte à papier sur le fleuve Uru-
guay», l’Argentine invoquant plus particulièrement les «effets desdites activités
sur la qualité des eaux du fleuve Uruguay et sa zone d’influence».
Dans sa requête, l’Argentine, se référant au paragraphe 1 de l’article 36 du
Statut de la Cour, entend fonder la compétence de celle-ci sur le premier para-
graphe de l’article 60 du statut de 1975.
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, la

requête a été immédiatement communiquée au Gouvernement uruguayen par le
greffier. Conformément au paragraphe 3 de cet article, le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies a été informé du dépôt de ladite requête.
3. Le 4 mai 2006, immédiatement après le dépôt de sa requête, l’Argentine a
en outre présenté une demande en indication de mesures conservatoires sur la
base de l’article 41 du Statut de la Cour et de l’article 73 de son Règlement.
Conformément au paragraphe 2 de l’article 73 du Règlement, le greffier a
immédiatement transmis au Gouvernement uruguayen une copie certifiée
conforme de cette demande.

4. Le 2 juin 2006, l’Uruguay a fait tenir à la Cour un CD-ROM contenant la
version électronique de deux volumes de documents relatifs à la demande en
indication de mesures conservatoires présentée par l’Argentine, intitulés «Obser-
vations de l’Uruguay» (dont des exemplaires sous forme papier ont ensuite été
reçus); copie de ces documents a immédiatement été transmise à l’Argentine.
5. Le 2 juin 2006, l’Argentine a fait parvenir à la Cour divers documents,
dont un enregistrement vidéo, et, le 6 juin 2006, elle lui en a fait parvenir de
nouveaux; copie de chaque série de documents a immédiatement été transmise
à l’Uruguay.
6. Les 6 et 7 juin 2006, diverses communications ont été reçues des Parties,

15par lesquelles chacune a présenté à la Cour certaines observations sur les docu-
ments déposés par l’autre. L’Uruguay a fait objection à la présentation de
l’enregistrement vidéo déposé par l’Argentine. La Cour a décidé de ne pas auto-
riser la présentation de cet enregistrement à l’audience.
7. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’arti-

cle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en
l’affaire. L’Argentine a désigné M. Raúl Emilio Vinuesa, et l’Uruguay M. San-
tiago Torres Bernárdez.
8. Par ordonnance du 13 juillet 2006, la Cour, après avoir entendu les
Parties, a conclu «que les circonstances, telles qu’elles se présent[ai]ent [alors] à
[elle], n[’étaient] pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des
mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut».
9. Par une autre ordonnance du même jour, la Cour, compte tenu des vues
des Parties, a fixé au 15 janvier 2007 et au 20 juillet 2007, respectivement, les
dates d’expiration des délais pour le dépôt d’un mémoire de l’Argentine et d’un
contre-mémoire de l’Uruguay; ces pièces ont été dûment déposées dans les
délais ainsi prescrits.
10. Le 29 novembre 2006, l’Uruguay, invoquant l’article 41 du Statut et

l’article 73 du Règlement, a présenté à son tour une demande en indication de
mesures conservatoires. Conformément au paragraphe 2 de l’article 73 du
Règlement, le greffier a immédiatement fait tenir au Gouvernement argentin
une copie certifiée conforme de cette demande.
11. Le 14 décembre 2006, l’Uruguay a fait parvenir à la Cour un volume de
documents relatifs à la demande en indication de mesures conservatoires, inti-
tulé «Observations de l’Uruguay»; copie de ces documents a immédiatement
été transmise à l’Argentine.
12. Le 18 décembre 2006, avant l’ouverture de la procédure orale, l’Argen-
tine a fait parvenir à la Cour un volume de documents relatifs à la demande en
indicationdemesuresconservatoiresprésentéeparl’Uruguay;legreffieraimmé-
diatement transmis au Gouvernement uruguayen une copie de ces documents.
13. Par ordonnance du 23 janvier 2007, la Cour, après avoir entendu les

Parties, a conclu «que les circonstances, telles qu’elles se présent[ai]ent [alors] à
[elle], n[’étaient] pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des
mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut».
14. Par ordonnance du 14 septembre 2007, la Cour, compte tenu de l’accord
des Parties et des circonstances de l’espèce, a autorisé la présentation d’une
réplique par l’Argentine et d’une duplique par l’Uruguay, et fixé respectivement
au 29 janvier 2008 et au 29 juillet 2008 les dates d’expiration des délais pour le
dépôt de ces pièces. La réplique de l’Argentine et la duplique de l’Uruguay ont
été dûment déposées dans les délais ainsi prescrits.
15. Par lettres datées respectivement du 16 juin 2009 et du 17 juin 2009, les
Gouvernements de l’Uruguay et de l’Argentine ont fait connaître à la Cour
qu’ils étaient parvenus à un accord à l’effet de produire des documents nou-
veaux en application de l’article 56 du Règlement. Par lettres du 23 juin 2009,

le greffier a informé les Parties que la Cour avait décidé de les autoriser à pro-
céder comme elles en étaient convenues. Ces nouveaux documents ont été
dûment déposés dans le délai convenu.
16. Le 15 juillet 2009, chacune des Parties a, conformément à l’accord inter-
venu entre elles et avec l’autorisation de la Cour, présenté certaines observa-
tions sur les documents nouveaux déposés par la Partie adverse. Chaque Partie
a également déposé certains documents à l’appui desdites observations.

16 17. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la
Cour, après s’être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires
des pièces de procédure et des documents annexés seraient rendus accessibles au
public à l’ouverture de la procédure orale.
18. Par lettre du 15 septembre 2009, l’Uruguay, se référant au paragraphe 4

de l’article 56 du Règlement et à l’Instruction de procédure IX bis, a commu-
niqué à la Cour des documents faisant partie de publications facilement acces-
sibles sur lesquels il entendait s’appuyer au cours de la procédure orale.
L’Argentine n’a formulé aucune objection au sujet de ces documents.
19. Par lettre du 25 septembre 2009, le Gouvernement argentin, se référant à
l’article 56 du Règlement et au paragraphe 2 de l’Instruction de procédure IX,
a adressé au Greffe des documents nouveaux qu’il souhaitait produire. Par let-
tre du 28 septembre 2009, le Gouvernement uruguayen a informé la Cour qu’il
s’opposait à la production desdits documents. Il a indiqué en outre que si,
néanmoins, la Cour autorisait que les documents en question soient versés au
dossier de l’affaire, il présenterait des observations à leur sujet et soumettrait

certains documents à l’appui de ces observations. Par lettres en date du 28 sep-
tembre 2009, le greffier a porté à la connaissance des Parties que la Cour
n’avait pas estimé que la production des documents nouveaux présentés par le
Gouvernement argentin était nécessaire, au sens du paragraphe 2 de l’article 56
du Règlement, et qu’elle n’avait par ailleurs pas identifié de circonstance excep-
tionnelle (Instruction de procédure IX, paragraphe 3) qui eût justifié leur pro-
duction à ce stade de la procédure.
20. Des audiences publiques ont été tenues entre le 14 septembre 2009 et le
2 octobre 2009, au cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et
réponses:

Pour l’Argentine: S. Exc. M me Susana Ruiz Cerutti,
M. Alain Pellet,
M. Philippe Sands,
M. Howard Wheater,
me
M Laurence Boisson de Chazournes,
M. Marcelo Kohen,
M. Alan Béraud,
M. Juan Carlos Colombo,
M. Daniel Müller.
Pour l’Uruguay: S. Exc. M. Carlos Gianelli,

M. Alan Boyle,
M. Paul S. Reichler,
M. Neil McCubbin,
M. Stephen C. McCaffrey,
M. Lawrence H. Martin,
M. Luigi Condorelli.

21. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres
de la Cour, auxquelles il a été répondu oralement et par écrit conformément au
paragraphe 4 de l’article 61 du Règlement. Conformément à l’article 72 du
Règlement, l’une des Parties a présenté des observations écrites sur une réponse
fournie par écrit par l’autre Partie et reçue après la clôture de la procédure
orale.

*

17 22. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par l’Argentine:

«Sur la base de l’exposé des faits et des moyens juridiques qui précèdent,
l’Argentine, tout en se réservant le droit de compléter, d’amender ou de
modifier la présente requête pendant la suite de la procédure, prie la Cour
de dire et juger:
1. que l’Uruguay a manqué aux obligations lui incombant en vertu du
statut de 1975 et des autres règles de droit international auxquelles ce
statut renvoie, y compris mais pas exclusivement:

a) l’obligation de prendre toute mesure nécessaire à l’utilisation ration-
nelle et optimale du fleuve Uruguay;
b) l’obligation d’informer préalablement la CARU et l’Argentine;
c) l’obligation de se conformer aux procédures prévues par le cha-
pitre II du statut de 1975;
d) l’obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour préserver
le milieu aquatique et d’empêcher la pollution et l’obligation de
protéger la biodiversité et les pêcheries, y compris l’obligation de
procéder à une étude d’impact sur l’environnement, complète et
objective;

e) les obligations de coopération en matière de prévention de la pollu-
tion et de la protection de la biodiversité et des pêcheries; et
2. que, par son comportement, l’Uruguay a engagé sa responsabilité inter-
nationale à l’égard de l’Argentine;
3. que l’Uruguay est tenu de cesser son comportement illicite et de respec-
ter scrupuleusement à l’avenir les obligations lui incombant; et
4. que l’Uruguay est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par
le non-respect des obligations lui incombant.

L’Argentine se réserve le droit de préciser ou modifier les présentes
demandes dans une étape ultérieure de la procédure.»

23. Au cours de la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présen-
tées par les Parties:
Au nom du Gouvernement de l’Argentine,

dans le mémoire:
«Pour l’ensemble des raisons exposées dans le présent mémoire, la
République argentine prie la Cour internationale de Justice de bien vou-
loir:

1. constater que, en autorisant unilatéralement la construction des usines
de pâte à papier CMB et Orion et les installations annexes de celle-ci
sur la rive gauche du fleuve Uruguay en violation des obligations
découlant du statut du 26 février 1975, la République orientale de
l’Uruguay a commis les faits internationalement illicites énumérés aux
chapitres IV et V du présent mémoire, qui engagent sa responsabilité
internationale;
2. dire et juger que, en conséquence, la République orientale de l’Uruguay
doit:

i) immédiatement cesser les faits internationalement illicites mention-
nés ci-dessus;
ii) reprendre une stricte application de ses obligations découlant du
statut du fleuve Uruguay de 1975;

18 iii) rétablir sur le terrain et au plan juridique la situation qui existait
avant la perpétration des faits internationalement illicites mention-
nés ci-dessus;
iv) verser à la République argentine une indemnité pour les dommages

occasionnés par ces faits internationalement illicites qui ne seraient
pas réparés par cette remise en état, dont le montant sera déterminé
par la Cour dans une phase ultérieure de la présente instance;

v) donner des garanties adéquates qu’elle s’abstiendra à l’avenir
d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et,
en particulier, du mécanisme de consultation institué par le cha-
pitre II de ce traité.

La République argentine se réserve la possibilité de compléter et amen-
der le cas échéant les présentes conclusions, notamment en fonction de
l’évolution de la situation. Il en irait ainsi tout spécialement si l’Uruguay
aggravait le différend , notamment si l’usine Orion devait être mise en ser-
vice avant la fin de la présente procédure.

1 Voir l’ordonnance de la Cour du 13 juillet 2006 sur la demande en indication de
mesures conservatoires de l’Argentine, par. 82.»

dans la réplique:

«Pour l’ensemble des raisons exposées dans son mémoire, qu’elle main-
tient intégralement, et dans la présente réplique, la République argentine
prie la Cour internationale de Justice de bien vouloir:

1) constater qu’en autorisant
— la construction de l’usine CMB,
— la construction et la mise en service de l’usine Orion et de ses ins-
tallations connexes sur la rive gauche du fleuve Uruguay,

la République orientale de l’Uruguay a violé les obligations lui incom-
bant en vertu du statut du fleuve Uruguay du 26 février 1975 et engagé
sa responsabilité internationale;
2) dire et juger que, en conséquence, la République orientale de l’Uruguay

doit:
i) reprendre une stricte application de ses obligations découlant du
statut du fleuve Uruguay de 1975;
ii) immédiatement cesser les faits internationalement illicites par les-
quels elle a engagé sa responsabilité;
iii) rétablir sur le terrain et au plan juridique la situation qui existait

avant la perpétration de ces faits internationalement illicites;
iv) verser à la République argentine une indemnité pour les dommages
occasionnés par ces faits internationalement illicites qui ne seraient
pas réparés par cette remise en état, dont le montant sera déterminé
par la Cour dans une phase ultérieure de la présente instance;

v) donner des garanties adéquates qu’elle s’abstiendra à l’avenir
d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et,
en particulier, du mécanisme de consultation institué par le chapi-
tre II de ce traité.

19 La République argentine se réserve la possibilité de compléter et amen-
der le cas échéant les présentes conclusions au vu des développements ulté-
rieurs de l’affaire.»

Au nom du Gouvernement de l’Uruguay,

dans le contre-mémoire:
«Sur la base des faits et arguments exposés ci-dessus, et se réservant le
droit de compléter ou de modifier les présentes conclusions, l’Uruguay prie

la Cour de rejeter les demandes de l’Argentine.»
dans la duplique:

«Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que:

a) l’Argentine n’a établi l’existence, pour le fleuve ou son écosystème,
d’aucun préjudice, ou risque de préjudice, qui résulterait des violations
qu’aurait commises l’Uruguay des obligations de fond lui incombant
en vertu du statut de 1975 et suffirait à justifier le démantèlement de
l’usine Botnia;
b) un tel démantèlement causerait à l’économie uruguayenne un préjudice
considérable sous forme de pertes d’emplois et de revenus;
c) à la lumière des points a) et b), le remède consistant à démolir l’usine
se traduirait donc par des coûts disproportionnellement élevés et ne
doit pas être accordé;
d) si la Cour estime, nonobstant toutes les preuves contraires, que
l’Uruguay a violé les obligations procédurales lui incombant envers

l’Argentine, elle peut rendre un jugement déclaratoire à cet effet, qui
constituerait une forme de satisfaction adéquate;
e) si la Cour estime, nonobstant toutes les preuves contraires, que l’usine
ne satisfait pas pleinement à l’obligation incombant à l’Uruguay de
protéger le fleuve ou son milieu aquatique, elle peut ordonner à l’Uru-
guay de prendre toute autre mesure de protection nécessaire pour faire
en sorte que l’usine réponde aux obligations de fond imposées par le
statut;
f) si la Cour estime, nonobstant toutes les preuves contraires, que l’Uru-
guay a effectivement causé un dommage au fleuve ou à l’Argentine,
elle peut condamner l’Uruguay à indemniser cette dernière au titre des
articles 42 et 43 du statut; et
g) la Cour doit faire une déclaration énonçant clairement que les

Parties sont tenues de veiller au plein respect de tous les droits en
litige en l’espèce, y compris celui de l’Uruguay de continuer à
exploiter l’usine Botnia conformément aux dispositions du statut de
1975.
Conclusions

Sur la base des faits et arguments exposés ci-dessus, et se réservant le
droit de compléter ou de modifier les présentes conclusions, l’Uruguay prie
la Cour de rejeter les demandes de l’Argentine et de lui reconnaître le droit
de continuer à exploiter l’usine Botnia conformément aux dispositions du
statut de 1975.»

24. Au cours de la procédure orale, les conclusions finales ci-après ont été
présentées par les Parties:

20Au nom du Gouvernement de l’Argentine,

à l’audience du 29 septembre 2009:
«Pour l’ensemble des raisons exposées dans son mémoire, dans sa
réplique et lors de la procédure orale, qu’elle maintient intégralement,
la République argentine prie la Cour internationale de Justice de bien

vouloir:
1) constater qu’en autorisant

— la construction de l’usine ENCE,
— la construction et la mise en service de l’usine Botnia et de ses ins-
tallations connexes sur la rive gauche du fleuve Uruguay,
la République orientale de l’Uruguay a violé les obligations lui incom-
bant en vertu du statut du fleuve Uruguay du 26 février 1975 et engagé
sa responsabilité internationale;

2) dire et juger que, en conséquence, la République orientale de l’Uruguay
doit:
i) reprendre une stricte application de ses obligations découlant du

statut du fleuve Uruguay de 1975;
ii) immédiatement cesser les faits internationalement illicites par les-
quels elle a engagé sa responsabilité;
iii) rétablir sur le terrain et au plan juridique la situation qui existait
avant la perpétration de ces faits internationalement illicites;
iv) verser à la République argentine une indemnité pour les dommages
occasionnés par ces faits internationalement illicites qui ne seraient
pas réparés par cette remise en état, dont le montant sera déterminé
par la Cour dans une phase ultérieure de la présente instance;

v) donner des garanties adéquates qu’elle s’abstiendra à l’avenir
d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et,
en particulier, du mécanisme de consultation institué par le cha-
pitre II de ce traité.»

Au nom du Gouvernement de l’Uruguay,
à l’audience du 2 octobre 2009:

«Sur la base des faits et arguments exposés dans le contre-mémoire de
l’Uruguay, dans sa duplique et au cours de la procédure orale, l’Uruguay
prie la Cour de rejeter les demandes de l’Argentine et de confirmer le droit
de l’Uruguay de poursuivre l’exploitation de l’usine Botnia conformément
aux dispositions du statut de 1975.»

* * *

I. C ADRE JURIDIQUE

ET FAITS DE L ’ESPÈCE

25. Le différend soumis à la Cour se rapporte au projet de construc-
tion, autorisé par l’Uruguay, d’une usine de pâte à papier, ainsi
qu’à la construction et à la mise en service, également autorisées par

21l’Uruguay, d’une autre usine de pâte à papier, le long du fleuve Uruguay
(voir croquis n 1, p. 33, pour le contexte géographique général). Après

avoir présenté les instruments juridiques relatifs au fleuve Uruguay
qui lient les Parties, la Cour rappellera les principaux faits de
l’espèce.

A. Cadre juridique

26. La frontière entre l’Argentine et l’Uruguay sur le fleuve Uruguay
est définie par le traité bilatéral conclu à cet effet à Montevideo le
7 avril 1961 (RTNU, vol. 635, n 9074, p. 99). Les articles premier à 4 de

ce traité délimitent la frontière des Etats contractants sur le fleuve et leur
attribuent certains îles et îlots qui occupent son lit. Les articles 5 et 6 sont
relatifs au régime de navigation sur le fleuve. L’article 7 envisage la
conclusion par les parties d’un «code de l’utilisation du fleuve» portant
sur différents éléments, dont la conservation des ressources biologiques

et la prévention de la pollution des eaux du fleuve. Les articles 8 à 10
prévoient certaines obligations relatives aux îles et îlots ainsi qu’à leurs
habitants.
27. Le «code de l’utilisation du fleuve» envisagé par l’article 7 du
traité de 1961 a été institué par le statut de 1975 (voir paragraphe 1 ci-

dessus). L’article premier du statut de 1975 précise que les parties l’adop-
tent «à l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay, dans le strict respect des droits
et obligations découlant des traités et autres engagements internationaux
en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des parties». Après avoir ainsi

défini son but (article premier) et aussi précisé la portée de certains de ses
termes (article 2), le statut de 1975 énonce des règles relatives à la naviga-
tion et aux ouvrages sur le fleuve (chapitre II, articles 3 à 13), au pilotage
(chapitre III, articles 14 à 16), aux facilités portuaires, au chargement et
au déchargement de marchandises (chapitre IV, articles 17 et 18), au sau-

vetage de la vie humaine (chapitre V, articles 19 à 23) et de biens maté-
riels (chapitre VI, articles 24 à 26), à l’utilisation des eaux du fleuve
(chapitre VII, articles 27 à 29), aux ressources du lit et du sous-sol (cha-
pitre VIII, articles 30 à 34), à la conservation, l’utilisation et l’exploita-
tion d’autres ressources naturelles (chapitre IX, articles 35 à 39), à la

pollution (chapitre X, articles 40 à 43), à la recherche scientifique (chapi-
tre XI, articles 44 et 45), ainsi qu’aux différentes compétences des parties
sur le fleuve et sur les navires l’empruntant (chapitre XII, articles 46
à 48). Le statut de 1975 institue la commission administrative du
fleuve Uruguay (ci-après la «CARU», selon l’acronyme espagnol de

«Comisión Administradora del Río Uruguay») (chapitre XIII, articles 49
à 57), avant de prévoir une procédure de conciliation (chapitre XIV,
articles 58 et 59) et de règlement judiciaire des différends (chapitre XV,
article 60). Le statut de 1975 contient enfin des dispositions transi-

toires (chapitre XVI, articles 61 et 62) et finales (chapitre XVII,
article 63).

22 Croquisn°1:

Contextegéographique général

Projectionde Mercator
R (33°30'S)
i
e WGS84
G Ce croquis a été établi
u
e à seule find'illustration.
u
y
h
ú

Gualeguaychú

Fray Bentos

(emplacement de l'usine Orion (Botnia))
ARGENTINE

FleuveUruguay

URUGUAY

Nueva Palmira

BUENOSAIRES
Río
de
la P
lat
a MONTEVIDEO

23 B. Le projet CMB (ENCE)

28. La première usine de pâte à papier à l’origine du différend a été
projetée par la société «Celulosas de M’Bopicuá S.A.» (ci-après «CMB»),
créée à l’initiative de la société espagnole ENCE (acronyme espagnol de
«Empresa Nacional de Celulosas de España», ci-après «ENCE»). Cette
usine, ci-après l’usine «CMB (ENCE)», devait être construite sur la rive

gauche du fleuve Uruguay, dans le département uruguayen de Río Negro,
en face de la région argentine de Gualeguaychú, plus précisément à l’est
de la ville de Fray Bentos, près du pont international «General San Mar-
tín» (voir croquis n 2, p. 35).

29. Le 22 juillet 2002, les promoteurs de ce projet industriel entrepri-
rent des démarches auprès des autorités uruguayennes et présentèrent à la
direction nationale de l’environnement de l’Uruguay (ci-après la
«DINAMA», selon l’acronyme espagnol de «Dirección Nacional de
Medio Ambiente») une évaluation de l’impact sur l’environnement

(«EIE», selon l’abréviation utilisée par les Parties) s’y rapportant. A la
même époque, les représentants de CMB, société spécialement créée afin
de construire l’usine CMB (ENCE), informèrent le président de la CARU
de ce projet. Le président de la CARU écrivit le 17 octobre 2002 au mi-
nistre uruguayen de l’environnement afin d’obtenir copie de l’évaluation

de l’impact sur l’environnement concernant le projet CMB (ENCE) sou-
mise par les promoteurs de ce projet industriel. Cette demande fut réité-
rée le 21 avril 2003. Le 14 mai 2003, l’Uruguay remit à la CARU un
document intitulé «Etude de l’impact sur l’environnement, Celulosas
de M’Bopicuá. Résumé de diffusion». Un mois plus tard, la sous-

commission de la CARU chargée de la qualité des eaux et de la préven-
tion de la pollution prit connaissance du document transmis par
l’Uruguay et suggéra d’en remettre copie à ses conseillers techniques
en sollicitant leur opinion. Des copies furent également remises aux délé-
gations des Parties.

30. Une séance publique de discussion relative à la demande d’autori-
sation environnementale présentée par CMB eut lieu le 21 juillet 2003
dans la ville de Fray Bentos, en présence du conseiller juridique et du
secrétaire technique de la CARU. Le 15 août 2003, la CARU pria l’Uru-
guay de lui transmettre des informations complémentaires sur différents

points au sujet de l’usine CMB (ENCE) en projet. Cette demande fut réi-
térée le 12 septembre 2003. Le 2 octobre 2003, la DINAMA soumit son
rapport d’évaluation au ministère uruguayen du logement, de l’aménage-
ment du territoire et de l’environnement (ci-après le «MVOTMA», selon
l’abréviation espagnole de «Ministerio de Vivienda, Ordenamiento Ter-

ritorial y Medio Ambiente»), et lui recommanda d’accorder à CMB
l’autorisation environnementale préalable («AAP», selon l’abréviation
espagnole d’«Autorización Ambiental Previa»), sous certaines condi-
tions. Le 8 octobre 2003, la CARU fut informée par la délégation uru-

guayenne que la DINAMA devait incessamment lui adresser un rapport
sur le projet CMB (ENCE).

24 réalisé)

non

(projet

(ENCE)

CMB

Usi(Botnia) URUGUAY

Geneal
PontMartn
San Orion

Usine

Inés

Lagune
Bentos

Fray

ARGENTINE

yagu
Uev
Ñandubaysal elF
de
Baie

(Botnia)

(ENCE)

Orion
2: CMB établi
n° Mercatorété
de) a
l'usine réalisé)33° d'illustration.
chú WGS84 fin
Gualguay de d'usine croquis
Rivèe Croquis (non Ce seule
à
projet Projection

du
et

Gualeguaychú
Emplacements

25 31. Le 9 octobre 2003, le MVOTMA délivra une autorisation environ-
nementale préalable à CMB en vue de la construction de l’usine CMB

(ENCE). Le même jour, les présidents de l’Argentine et de l’Uruguay se
rencontrèrent à Anchorena (Colonia, Uruguay). L’Argentine soutient
que le président de l’Uruguay, M. Jorge Battle, aurait à cette occasion
promis à son homologue argentin, M. Néstor Kirchner, qu’aucune auto-
risation ne serait délivrée tant qu’il n’aurait pas été répondu aux préoc-

cupations environnementales de l’Argentine. L’Uruguay conteste cette
présentation des faits et affirme qu’à l’occasion de cette réunion les
Parties seraient convenues de traiter du projet CMB (ENCE) en dehors
de la procédure prévue aux articles 7 à 12 du statut de 1975, tandis que
l’Argentine aurait indiqué ne pas s’opposer au projet en lui-même.

L’Argentine conteste ces affirmations.
32. Le lendemain de la rencontre entre les chefs d’Etat de l’Argentine
et de l’Uruguay, la CARU se déclara prête à reprendre les analyses tech-
niques relatives au projet CMB (ENCE) dès que l’Uruguay aurait trans-
mis les documents en attente. Le 17 octobre 2003, la CARU tint une
séance plénière extraordinaire à la demande de l’Argentine; celle-ci s’y

plaignit de la délivrance par l’Uruguay, le 9 octobre 2003, de l’autorisa-
tion environnementale préalable. A la suite de cette réunion extraordi-
naire, la CARU suspendit ses activités durant plus de six mois, faute
d’accord entre les Parties sur la mise en Œuvre du mécanisme de consulta-
tion prévu par le statut de 1975.

33. Le 27 octobre 2003, l’Uruguay transmit à l’Argentine des copies de
l’évaluation de l’impact sur l’environnement déposée par ENCE
le 22 juillet 2002, du rapport final d’évaluation de la DINAMA du
2 octobre 2003 et de l’autorisation environnementale préalable du 9 oc-
tobre 2003. L’Argentine réagit à cet envoi en indiquant que, selon elle,

l’article 7 du statut de 1975 n’avait pas été respecté et que les documents
transmis semblaient être insuffisants pour pouvoir émettre un avis tech-
nique sur l’impact sur l’environnement du projet. Le 7 novembre 2003,
comme suite à une demande du ministère des relations extérieures de
l’Argentine, l’Uruguay communiqua à l’Argentine une copie de l’ensem-

ble du dossier du ministère uruguayen de l’environnement relatif au pro-
jet CMB (ENCE). Le 23 février 2004, l’Argentine transmit l’ensemble de
ces documents uruguayens à la CARU.
34. Le 2 mars 2004, les ministres des affaires étrangères des deux
Parties se rencontrèrent à Buenos Aires. Le 15 mai 2004, la CARU reprit
ses travaux à l’occasion d’une séance plénière extraordinaire au cours

de laquelle elle prit acte de l’«arrangement» ministériel intervenu
le 2 mars 2004. Les Parties divergent toutefois quant au contenu de cet
«arrangement». La Cour ne manquera pas d’y revenir lorsqu’elle se pen-
chera sur les allégations de l’Argentine concernant la méconnaissance par
l’Uruguay de ses obligations de nature procédurale aux termes du statut

de 1975 (voir paragraphes 67 à 158).
35. Donnant suite à la réunion extraordinaire de la CARU du
15 mai 2004, sa sous-commission en charge de la qualité des eaux et de la

26prévention de la pollution prépara un plan de contrôle et de suivi (moni-
toring) de la qualité des eaux dans la zone des usines de pâte à papier

(ci-après plan «PROCEL», selon l’acronyme espagnol de «Plan de Moni-
toreo de la Calidad Ambiental del Río Uruguay en Areas de Plantas
Celulósicas»). Ce plan fut approuvé par la CARU le 12 novembre 2004.
36. Le 28 novembre 2005, l’Uruguay autorisa le commencement des
travaux préparatoires en vue de la construction de l’usine CMB (ENCE)

(nivellement du terrain). Le 28 mars 2006, les promoteurs de ce projet
industriel décidèrent de suspendre ces travaux durant quatre-vingt-
dix jours. Ils annoncèrent, le 21 septembre 2006, leur intention de ne pas
construire l’usine projetée à l’emplacement envisagé sur la rive du fleuve

Uruguay.

C. L’usine Orion (Botnia)

37. Le deuxième projet industriel à l’origine du différend porté devant

la Cour est dû à l’initiative des sociétés de droit uruguayen «Botnia S.A.»
et «Botnia Fray Bentos S.A.» (ci-après «Botnia»), lesquelles ont été spé-
cialement créées à cette fin dès 2003 par la société finlandaise Oy Metsä-
Botnia AB. Dénommée «Orion», cette seconde usine de pâte à papier (ci-
après l’usine «Orion (Botnia)») a été construite sur la rive gauche du

fleuve Uruguay, à quelques kilomètres en aval de l’emplacement prévu
pour l’usine CMB (ENCE), également à proximité de la ville de Fray Ben-
tos (voir croquis n 2, p. 35). Elle est exploitée et en fonctionnement
depuis le 9 novembre 2007.
38. Ayant, à la fin de l’année 2003, informé les autorités uruguayennes

de leur projet industriel, les promoteurs les saisirent, le 31 mars 2004,
d’une demande d’autorisation environnementale préalable, qu’ils complé-
tèrent le 7 avril 2004. Quelques semaines plus tard, les 29 et 30 avril 2004,
une rencontre officieuse eut lieu entre des membres de la CARU et des
représentants de la société Botnia. A la suite de cette réunion, la sous-

commission chargée de la qualité des eaux et de la prévention de la pollu-
tion de la CARU suggéra, le 18 juin 2004, que Botnia complète les infor-
mations fournies lors de cette réunion. Le 19 octobre 2004, lors d’une
autre réunion avec les représentants de Botnia, la CARU jugea à nou-
veau nécessaire d’obtenir un complément d’information au sujet de la

demande d’autorisation environnementale préalable déposée par Botnia
auprès de la DINAMA. Le 12 novembre 2004, en même temps que
d’approuver le plan de contrôle et de suivi de la qualité des eaux proposé
par sa sous-commission en charge de la qualité des eaux et de la préven-
tion de la pollution (voir paragraphe 35 ci-dessus), la CARU décida,

sur proposition de la même sous-commission, de demander à l’Uruguay
un complément d’information sur la demande d’autorisation environ-
nementale préalable. Cette demande d’information complémentaire fut
transmise à l’Uruguay par une note de la CARU en date du 16 no-

vembre 2004.
39. La DINAMA organisa le 21 décembre 2004 une séance publique

27de discussion à Fray Bentos sur le projet Orion (Botnia), en présence
d’un conseiller de la CARU. Le 11 février 2005, la DINAMA adopta son

évaluation de l’impact sur l’environnement relative à l’usine Orion (Bot-
nia) en projet et recommanda l’octroi de l’autorisation environnementale
préalable, moyennant certaines conditions. Cette autorisation préalable
fut délivrée à la société Botnia le 14 février 2005 par le MVOTMA, en
vue de la construction de l’usine Orion (Botnia) et d’un terminal por-

tuaire adjacent. Le 11 mars 2005, lors d’une réunion de la CARU,
l’Argentine contesta le bien-fondé de la délivrance de l’autorisation envi-
ronnementale préalable au regard des obligations de nature procédurale
prévues par le statut de 1975. L’Argentine réitéra cette position lors de la
réunion de la CARU du 6 mai 2005. Le 12 avril 2005, l’Uruguay avait

entre-temps autorisé le défrichement du futur site de l’usine et le nivelle-
ment de ce terrain.
40. Le 31 mai 2005, donnant suite à un accord intervenu le 5 mai 2005
entre les présidents des deux Parties, les ministres des affaires étrangères
des deux Etats procédèrent à la création d’un groupe technique de haut
niveau (ci-après le «GTAN», selon l’abréviation espagnole de

«Grupo Técnico de Alto Nivel»). Ce groupe fut chargé de résoudre les
différends relatifs aux usines CMB (ENCE) et Orion (Botnia) dans un
délai de cent quatre-vingts jours. Le GTAN tint douze réunions entre
le 3 août 2005 et le 30 janvier 2006, les Parties s’échangeant différents
documents dans le cadre de ce processus bilatéral. Le 31 janvier 2006,

l’Uruguay constata l’échec des négociations entreprises dans le cadre du
GTAN; l’Argentine fit de même le 3 février 2006. La Cour reviendra plus
loin sur la portée de ce processus convenu entre les Parties (voir paragra-
phes 132 à 149).
41. Le 26 juin 2005, l’Argentine s’adressa au président de la Banque

internationale pour la reconstruction et le développement pour lui expri-
mer sa préoccupation face à la possibilité de voir la Société financière
internationale (ci-après la «SFI») contribuer au financement des usines
de pâte à papier en projet. La SFI décida néanmoins d’apporter son sou-
tien financier à l’usine Orion (Botnia), non sans avoir chargé la société

EcoMetrix, spécialisée en expertises environnementales et industrielles, de
lui présenter différents rapports techniques sur l’usine en projet et l’éva-
luation de son impact sur l’environnement. EcoMetrix fut également
chargée par la SFI d’assurer pour son compte le suivi environnemental de
l’usine dès sa mise en service.
42. Le 5 juillet 2005, l’Uruguay autorisa la société Botnia à construire

un port adjacent à l’usine Orion (Botnia). Cette autorisation fut trans-
mise à la CARU le 15 août 2005. Le 22 août 2005, l’Uruguay autorisa la
construction d’une cheminée et des fondations en béton de l’usine Orion
(Botnia). D’autres autorisations furent accordées à mesure de l’avance-
ment de la construction de cette usine, notamment en ce qui concerne les

installations de traitement des déchets. Le 13 octobre 2005, l’Uruguay
transmit à la CARU des documents complémentaires au sujet du termi-
nal portuaire adjacent à l’usine Orion (Botnia).

28 A plusieurs reprises, et notamment lors de réunions de la CARU,
l’Argentine demanda la suspension des premiers travaux relatifs à l’usine

Orion (Botnia), ainsi que de ceux relatifs à l’usine CMB (ENCE). A
l’occasion d’une rencontre entre les chefs d’Etat des Parties à Santiago du
Chili le 11 mars 2006, le président uruguayen demanda aux sociétés
ENCE et Botnia de suspendre la construction des usines. ENCE suspen-
dit les travaux durant quatre-vingt-dix jours (voir paragraphe 36 ci-

dessus); Botnia, durant dix jours.
43. L’Argentine a saisi la Cour du présent différend par une requête en
date du 4 mai 2006. Le 24 août 2006, l’Uruguay autorisa la mise en ser-
vice du terminal portuaire adjacent à l’usine Orion (Botnia), ce dont il
informa la CARU le 4 septembre 2006. Le 12 septembre 2006, l’Uruguay

autorisa la société Botnia à prélever et utiliser les eaux du fleuve à des fins
industrielles et notifia officiellement cette autorisation à la CARU le
17 octobre 2006. En novembre 2006, à l’occasion du sommet des chefs
d’Etat et de gouvernement des pays ibéro-américains qui se tint à Mon-
tevideo, le roi d’Espagne fut sollicité afin de tenter de rapprocher les posi-
tions des Parties; une issue négociée au différend ne put toutefois être

trouvée dans ce cadre. Le 8 novembre 2007, l’Uruguay autorisa la mise
en service de l’usine Orion (Botnia), qui devint opérationnelle le len-
demain. En décembre 2009, la société Oy Metsä-Botnia AB transféra à
une autre société finlandaise, UPM, sa participation dans l’usine Orion
(Botnia).

*

44. L’Uruguay a par ailleurs autorisé la société Ontur Internatio-
nal S.A. à construire et à exploiter un terminal portuaire à Nueva Pal-

mira. Celui-ci a été inauguré en août 2007, l’Uruguay ayant transmis à la
CARU, le 16 novembre 2007, la copie de l’autorisation de mise en service
du terminal portuaire.
45. Dans leurs écritures, les Parties se sont opposées au sujet de la
régularité de la délivrance des autorisations uruguayennes relatives à ce

terminal portuaire au regard des obligations de nature procédurale pré-
vues par le statut de 1975. La Cour n’estime toutefois pas nécessaire de
retracer précisément les faits ayant conduit à la construction du terminal
de Nueva Palmira, considérant que ce complexe portuaire ne fait pas par-
tie de l’objet du différend porté devant elle. L’Argentine n’a en effet à
aucun moment visé explicitement le terminal portuaire de Nueva Palmira

dans les demandes formulées dans sa requête, ni dans les conclusions de
son mémoire ou de sa réplique (voir paragraphes 22 et 23 ci-dessus).
Dans ses conclusions finales présentées à l’audience du 29 septembre 2009,
l’Argentine a à nouveau limité l’objet de ses demandes à l’autorisation de
construction de l’usine CMB (ENCE), ainsi qu’aux autorisations de

construction et de mise en service de «l’usine Botnia et ... ses installations
connexes sur la rive gauche du fleuve Uruguay». La Cour ne saurait
considérer le terminal portuaire de Nueva Palmira, situé à une centaine

29de kilomètres au sud de Fray Bentos, en aval de l’usine Orion (Botnia)
o
(voir croquis n 1, p. 33), et également utilisé par d’autres opérateurs éco-
nomiques, comme constituant une installation «connexe» à cette dernière.
46. Le différend soumis à la Cour concerne l’interprétation et l’appli-
cation du statut de 1975. Il porte, en particulier, sur la question de savoir,

d’une part, si l’Uruguay s’est conformé aux obligations de nature procé-
durale qui sont les siennes en vertu du statut de 1975 en accordant des
autorisations en vue de la construction de l’usine CMB (ENCE) ainsi que
de la construction et de la mise en service de l’usine Orion (Botnia) et du

port qui lui est adjacent, et, d’autre part, si l’Uruguay s’est acquitté des
obligations de fond lui incombant en vertu du statut de 1975 depuis la
mise en service de l’usine Orion (Botnia) au mois de novembre 2007.

**

47. Ayant ainsi rappelé le contexte dans lequel s’inscrit le différend
entre les Parties, la Cour se penchera sur le fondement et l’étendue de sa

compétence, y compris sur les questions relatives au droit applicable au
présent différend (voir paragraphes 48 à 66). Elle examinera ensuite les
allégations de l’Argentine relatives à la violation par l’Uruguay des obli-
gations de nature procédurale (voir paragraphes 67 à 158) et de fond

(voir paragraphes 159 à 266) prévues par le statut de 1975. La Cour
répondra enfin aux demandes présentées par les Parties dans leurs conclu-
sions finales (voir paragraphes 267 à 280).

**

II. u TENDUE DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR

48. Les Parties s’accordent pour fonder la compétence de la Cour sur
le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour et sur le premier para-
graphe de l’article 60 du statut du fleuve Uruguay de 1975. Celui-ci se

lit comme suit: «1out différend concernant l’interprétation ou l’appli-
cation du traité et du statut qui ne pourrait être réglé par négocia-
tion directe peut être soumis par l’une ou l’autre des parties à la Cour
internationale de Justice.» Elles divergent sur la question de savoir si

toutes les demandes de l’Argentine entrent dans les prévisions de cette
clause.
49. L’Uruguay reconnaît que la compétence de la Cour au titre de la
clause compromissoire s’étend aux demandes concernant toute pollution

ou tout type de dommage causé, en violation du statut de 1975, au fleuve
Uruguay ou aux organismes qu’il abrite. L’Uruguay reconnaît également
que les demandes relatives à l’effet allégué de l’exploitation de l’usine de

1
Il s’agit du toaité de Montevideo relatif à la frontière sur l’Uruguay du 7 avril 1961
(RTNU, vol. 635, n9074, p. 99; note de bas de page ajoutée).

30pâte à papier sur la qualité des eaux du fleuve sont couvertes par la clause
compromissoire. Il estime en revanche que cette clause ne permet pas à

l’Argentine de présenter des demandes portant sur tout type de dommage
environnemental. L’Uruguay affirme en outre que les allégations argen-
tines visant la pollution atmosphérique, les nuisances sonores, visuelles et
autres prétendument causées par l’usine Orion (Botnia), ainsi que les
effets spécifiques que celle-ci aurait eus sur le secteur du tourisme, ne

concernent pas l’interprétation ou l’application du statut de 1975, la
Cour étant dès lors sans compétence pour en connaître.
L’Uruguay concède néanmoins qu’une pollution atmosphérique qui
aurait des effets préjudiciables sur la qualité des eaux du fleuve ou sur le
milieu aquatique entrerait dans le champ de compétence de la Cour.

50. L’Argentine soutient que la position de l’Uruguay quant à l’éten-
due de la compétence de la Cour est trop restrictive. Elle affirme que le
statut de 1975 a été conclu pour protéger non seulement la qualité des
eaux du fleuve, mais plus généralement le «régime» et les zones d’influence
de celui-ci. Se fondant sur l’article 36 du statut de 1975, qui fait obliga-
tion aux parties de coordonner les mesures propres à éviter une modifica-

tion de l’équilibre écologique et contenir les facteurs nocifs sur le fleuve et
dans ses zones d’influence, l’Argentine argue que la Cour est également
compétente pour connaître de demandes relatives à la pollution atmo-
sphérique, et même à la pollution sonore et «visuelle». Elle prétend en
outre que les mauvaises odeurs produites par l’usine Orion (Botnia) ont

un impact sur les utilisations récréatives du fleuve, en particulier à la sta-
tion balnéaire de Gualeguaychú, située sur sa rive. Cette demande, selon
l’Argentine, relève également de la compétence de la Cour.
51. La Cour, lorsqu’elle examinera les différentes allégations ou
demandes avancées par l’Argentine, devra déterminer si celles-ci concer-

nent «l’interprétation ou l’application» du statut de 1975, sa compétence
couvrant, aux termes de l’article 60 dudit statut, «[t]out différend concer-
nant l’interprétation ou l’application du traité [de 1961] et du statut
[de 1975]» et l’Argentine n’ayant, par ailleurs, pas prétendu que l’Uru-
guay ait violé des obligations découlant du traité de 1961.

52. Pour déterminer si l’Uruguay a violé les obligations lui incombant
en vertu du statut de 1975, comme le soutient l’Argentine, la Cour devra
interpréter les dispositions de ce statut et en déterminer le champ d’appli-
cation ratione materiae.
Seules les demandes que l’Argentine a formulées en se fondant sur les
dispositions du statut de 1975 relèvent de la compétence de la Cour

ratione materiae en vertu de la clause compromissoire contenue à l’ar-
ticle 60. Bien que l’Argentine, à l’appui de ses demandes relatives à la pol-
lution sonore et «visuelle» qu’aurait causée l’usine de pâte à papier, ait
invoqué la disposition contenue à l’article 36 du statut de 1975, la Cour
ne voit rien dans celle-ci qui puisse venir fonder lesdites demandes. Le

libellé clair de l’article 36, qui prévoit que «[l]es parties coordonnent, par
l’intermédiaire de la commission, les mesures propres à éviter une modi-
fication de l’équilibre écologique et à contenir les fléaux et autres facteurs

31nocifs sur le fleuve et dans ses zones d’influence», ne laisse aucun doute
sur le fait que, contrairement à ce qu’affirme l’Argentine, cette pollution

sonore et visuelle n’est pas couverte par la disposition. La Cour ne voit en
outre dans le statut aucune autre disposition qui puisse venir fonder de
telles demandes; dès lors, les demandes relatives à la pollution sonore et
visuelle ne relèvent manifestement pas de la compétence que lui confère
l’article 60.

De même, aucune disposition du statut de 1975 ne traite de la question
des «mauvaises odeurs» dont tire grief l’Argentine. En conséquence, et
pour les mêmes raisons, la demande relative à l’impact qu’auraient ces
odeurs sur le tourisme en Argentine échappe également à la compétence
de la Cour. Celle-ci note que, quand bien même de telles odeurs entre-

raient dans le cadre de la pollution atmosphérique, qu’elle examinera aux
paragraphes 263 et 264 ci-dessous, l’Argentine n’a fourni aucun élément
de preuve quant à la relation qui existerait entre les mauvaises odeurs
alléguées et le milieu aquatique du fleuve.
53. Qualifiant les articles premier et 41 du statut de 1975 de «clauses
de renvoi», l’Argentine estime que de telles clauses ont pour effet d’incor-

porer dans cet instrument les obligations que les Parties tiennent du droit
international général et d’un certain nombre de conventions multilaté-
rales relatives à la protection de l’environnement. Dès lors, estime-t-elle,
la Cour a compétence pour déterminer si l’Uruguay s’est conformé
aux obligations lui incombant en vertu de certaines conventions inter-

nationales.
54. La Cour se penchera donc maintenant sur la question de savoir si
la compétence que lui confère l’article 60 du statut de 1975 couvre éga-
lement les obligations des Parties découlant d’accords internationaux et
du droit international général invoqués par l’Argentine, et sur le rôle de

ces accords et du droit international général dans le contexte de la pré-
sente affaire.
55. L’Argentine affirme que le droit applicable au différend dont la
Cour est saisie est le statut de 1975, complété pour son application et son
interprétation par divers principes coutumiers et traités en vigueur entre

les Parties, auxquels le statut renvoie. Se fondant sur la règle d’interpréta-
tion des traités énoncée à l’article 31, paragraphe 3, alinéa c),d el
convention de Vienne sur le droit des traités, l’Argentine soutient notam-
ment que le statut de 1975 doit être interprété à la lumière des principes
qui règlent le droit des cours d’eau internationaux et des principes du
droit international assurant la protection de l’environnement. Elle affirme

que l’interprétation du statut de 1975 doit tenir compte de toute «règle
pertinente» de droit international applicable dans les relations entre les
Parties, pour rester d’actualité et refléter l’évolution des normes environ-
nementales. L’Argentine mentionne à ce titre les principes de l’utilisation
équitable, raisonnable et non dommageable des cours d’eau internatio-

naux, les principes de développement durable, de prévention et de pré-
caution, et la nécessité de conduire une évaluation de l’impact sur l’envi-
ronnement. Elle soutient que ces règles et principes servent à l’interpréta-

32tion dynamique du statut de 1975, bien qu’ils ne viennent pas se substituer
à celui-ci ni en amoindrir la portée.

56. L’Argentine considère de plus que la Cour doit faire respecter les
obligations conventionnelles liant les Parties auxquelles renvoient les arti-
cles premier et 41, alinéa a), du statut de 1975. Elle soutient que les
«clauses de renvoi» contenues dans ces articles permettent l’incorpora-
tion et l’application d’obligations découlant d’autres traités et engage-

ments internationaux liant les Parties. A cet effet, l’Argentine mentionne
la convention de 1973 sur le commerce international des espèces de faune
et de flore sauvages menacées d’extinction (ci-après dénommée la
«convention CITES»), la convention de Ramsar de 1971 sur les zones
humides d’importance internationale (ci-après dénommée la «convention

de Ramsar»), la convention des Nations Unies de 1992 sur la diversité
biologique (ci-après dénommée la «convention sur la diversité biologi-
que») et la convention de Stockholm de 2001 sur les polluants organiques
persistants (ci-après dénommée la «convention POP»). Selon elle, ces
obligations conventionnelles s’ajoutent aux droits et obligations décou-
lant du statut de 1975, et il convient, lors de l’examen de l’application de

celui-ci, de s’assurer qu’elles ont bien été respectées. L’Argentine soutient
que ce n’est qu’en cas de «dispositions plus précises du statut [de 1975]
(lex specialis) » y dérogeant que les instruments auxquels le statut ren-
voie ne devraient pas être appliqués.
57. L’Uruguay considère de même que l’interprétation du statut

de 1975 doit se faire à la lumière du droit international général, et cons-
tate l’accord des Parties à cet égard. Il soutient toutefois que l’interpré-
tation qu’il développe est conforme aux différents principes généraux du
droit des cours d’eau internationaux et du droit de l’environnement,
même s’il a de ces principes une compréhension qui n’est pas tout à fait la

même que celle de l’Argentine. L’Uruguay estime que la question de
savoir si les articles premier et 41, alinéa a), du statut de 1975 peuvent
être compris comme renvoyant à d’autres traités en vigueur entre les
Parties est dépourvue de pertinence en l’espèce, soit que les conventions
invoquées par l’Argentine seraient sans pertinence, soit qu’aucune viola-

tion d’autres obligations conventionnelles ne pourrait lui être reprochée.
En tout état de cause, la Cour serait sans compétence pour statuer sur des
allégations de violations d’obligations internationales non prévues par le
statut de 1975.
58. La Cour examinera d’abord la question de savoir si les articles pre-
mier et 41, alinéa a), peuvent être interprétés comme incorporant dans le

statut de 1975 les obligations incombant aux Parties en vertu des diffé-
rents traités multilatéraux sur lesquels l’Argentine fait fond.
59. L’article premier du statut de 1975 se lit comme suit:

«Les parties adoptent le présent statut, conformément aux dispo-

sitions de l’article 7 du traité relatif à la frontière sur l’Uruguay du
7 avril 1961, à l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à
l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve Uruguay, dans le strict

33 respect des droits et obligations découlant des traités et autres enga-
gements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des
o
parties.» (RTNU, vol. 1295, n I-21425, p. 348; note de bas de page
omise.)

L’article premier définit le but du statut de 1975: les Parties l’ont
conclu à l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à l’utilisa-
tion rationnelle et optimale du fleuve Uruguay. L’article contient certes
une référence aux «droits et obligations découlant des traités et autres

engagements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des
parties», mais l’on ne saurait en déduire que les Parties cherchaient à
faire du respect des obligations qu’elles tenaient d’autres traités l’un des
devoirs leur incombant en vertu du statut de 1975; la référence à d’autres

traités met plutôt l’accent sur le fait que l’adoption du statut intervient
conformément aux dispositions de l’article 7 du traité de 1961 et «dans le
strict respect des droits et obligations découlant des traités et autres enga-
gements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des
parties» (les italiques sont de la Cour). Si la conjonction «et» n’apparaît

pas dans les traductions anglaise et française du statut de 1975, telles que
publiées dans le Recueil des traités des Nations Unies (ibid.,p .0
et 348), elle figure dans la version espagnole, qui est celle faisant foi. Le
texte espagnol se lit comme suit:

«Las partes acuerdan el presente Estatuto, en cumplimiento de lo
dispuesto en el Artículo 7 del Tratado de Límites en el Río Uruguay,

de 7 de Abril de 1961 con el fin de establecer los mecanismos comu-
nes necesarios para el óptimo y racional aprovechamiento del Río
Uruguay, y en estricta observancia de los derechos y obligaciones
emergentes de los tratados y demás compromisos internacionales
vigentes para cualquiera de las partes.» (Ibid., p. 332; les italiques

sont de la Cour.)

La présence de la conjonction dans le texte espagnol donne à penser
que la clause relative au «strict respect des droits et obligations découlant
des traités et autres engagements internationaux en vigueur à l’égard de
l’une ou l’autre des parties» est liée, et doit être rattachée, à la première
partie de l’article premier («[l]es parties adoptent le présent statut, confor-

mément aux dispositions de l’article 7 du traité relatif à la frontière sur
l’Uruguay»).
60. Une autre observation s’impose en ce qui concerne le texte de
l’article premier du statut de 1975. Celui-ci mentionne les «traités et
autres engagements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou

l’autre des parties» («tratados y demás compromisos internacionales
vigentes para cualquiera de las partes» dans l’original espagnol; les itali-
ques sont de la Cour). Dans sa traduction anglaise, ce passage se lit
«treaties and other international agreements in force for each of the

parties» (les italiques sont de la Cour).
Le fait que l’article premier n’exige pas que les «traités et autres enga-

34gements internationaux» soient en vigueur entre les deux parties indique
ainsi clairement que le statut de 1975 tient compte des engagements anté-

rieurs pertinents de chacune des parties.
61. L’article 41 du statut de 1975, dont l’alinéa a) constitue, pour
l’Argentine, une autre «clause de renvoi» incorporant dans le statut les
obligations découlant d’engagements internationaux, se lit comme suit:

«Sans préjudice des fonctions assignées à la commission en la
matière, les parties s’obligent:

a) à protéger et à préserver le milieu aquatique et, en particulier, à
en empêcher la pollution en établissant [l]es normes et en adop-
tant les mesures appropriées, conformément aux accords inter-
nationaux applicables et, le cas échéant, en harmonie avec les

directives et les recommandations des organismes techniques
internationaux;
b) à ne pas abaisser, dans leurs systèmes juridiques respectifs:
1) les normes techniques en vigueur pour prévenir la pollution

des eaux, et
2) les pénalités établies pour les infractions;
c) à s’informer mutuellement des normes qu’elles se proposent

d’établir en matière de pollution des eaux, en vue d’établir des
normes équivalentes dans leurs systèmes juridiques respectifs.»
(Les italiques sont de la Cour.)

62. La Cour fait observer que les mots «adoptant ... appropriées»
[«adopting appropriate»] ne figurent pas dans la version anglaise, alors
qu’ils sont présents dans le texte original espagnol («dictando las normas
y adoptando las medidas apropiadas»). Pour la Cour, qui s’appuie sur le

texte original espagnol, il est difficile de voir comment cette disposition
pourrait être interprétée comme une clause de renvoi ayant pour effet
d’incorporer dans le champ d’application du statut de 1975 les obliga-
tions des parties découlant des accords internationaux et autres normes
visées.

La clause figurant à l’alinéa a) de l’article 41 a pour but la protection
et la préservation du milieu aquatique, chacune des parties devant à cet
effet édicter des normes et adopter des mesures appropriées. L’alinéa a)
de l’article 41 distingue entre les accords internationaux applicables,
d’une part, et les directives et recommandations des organismes techni-
ques internationaux, d’autre part. Les premiers sont juridiquement

contraignants et, par conséquent, les normes et réglementations édictées
en droit interne et les mesures adoptées par les Etats doivent leur être
conformes; les secondes, qui ne lient pas formellement les Etats, doivent
être prises en compte par ces derniers, pour autant qu’elles sont pertinen-
tes, de manière que les mesures, les normes et les réglementations internes

adoptées soient compatibles («con adecuación») avec ces directives et
recommandations. L’article 41, toutefois, n’incorpore pas dans le statut
de 1975 les accords internationaux en tant que tels, mais impose aux

35parties l’obligation d’exercer leurs pouvoirs de réglementation, en confor-
mité avec les accords internationaux applicables, aux fins de la protection

et de la préservation du milieu aquatique du fleuve Uruguay. Aux termes
de l’alinéa b) de l’article 41, les normes mises en place pour prévenir la
pollution des eaux et la sévérité des «pénalités» ne doivent pas être abais-
sées. Enfin, l’alinéa c) de l’article 41 concerne l’obligation faite à chacune
des parties d’informer l’autre des normes qu’elle se propose d’établir en

matière de pollution des eaux.
63. La Cour en conclut que rien, dans le texte de l’article 41 du statut
de 1975, ne vient étayer la thèse selon laquelle cet article constituerait une
«clause de renvoi». En conséquence, les différentes conventions multila-
térales invoquées par l’Argentine ne sont pas, comme telles, incorporées

dans le statut de 1975. Pour cette raison, elles ne relèvent pas de la clause
compromissoire et la Cour n’a pas compétence pour trancher la question
de savoir si l’Uruguay a rempli les obligations lui incombant en vertu de
ces instruments.
64. La Cour examinera ensuite brièvement comment le statut de 1975
doit être interprété. Si les vues des Parties concordent en ce qui concerne

l’origine du statut et le contexte historique dans lequel il s’insère, elles
divergent quant à sa nature et à son économie générale ainsi que quant
aux obligations de nature procédurale et de fond qu’il énonce.
Les Parties conviennent cependant que le statut de 1975 doit être inter-
prété conformément aux règles de droit international coutumier relatives

à l’interprétation des traités, telles que codifiées à l’article 31 de la
convention de Vienne sur le droit des traités.
65. La Cour s’est référée à ces règles lorsqu’elle a été appelée à inter-
préter les dispositions de traités et d’accords internationaux conclus
avant l’entrée en vigueur de la convention de Vienne en 1980 (voir, par

exemple, les affaires du Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/
Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994 , p. 21, par. 41, et de l’Ile de Kasikili/
Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II) , p. 1059,
par. 18).
Le statut de 1975 est lui aussi un traité antérieur à l’entrée en vigueur

de la convention de Vienne sur le droit des traités. Pour en interpréter les
termes, la Cour se référera aux règles coutumières d’interprétation des
traités telles qu’elles ressortent de l’article 31 de la convention de Vienne.
Le statut de 1975 doit donc être «interprété de bonne foi suivant le sens
ordinaire à attribuer [à ses] termes ... dans leur contexte et à la lumière de
son objet et de son but». L’interprétation prendra aussi en compte, outre

le contexte, «toute règle pertinente de droit international applicable dans
les relations entre les parties».

66. La prise en considération, aux fins de l’interprétation du statut
de 1975, des règles pertinentes de droit international applicables dans les

relations entre les Parties, qu’il s’agisse de règles de droit international
général ou de règles contenues dans les conventions multilatérales aux-
quelles les deux Etats sont parties, est toutefois sans incidence sur l’éten-

36due de la compétence conférée à la Cour en vertu de l’article 60 du statut
de 1975, qui demeure circonscrite aux différends concernant l’interpréta-

tion ou l’application du statut.

**

III. LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES OBLIGATIONS DE NATURE PROCÉDURALE

67. La requête déposée par l’Argentine le 4 mai 2006 porte sur la viola-
tion alléguée par l’Uruguay des obligations tant de nature procédurale

que de fond prévues par le statut de 1975. La Cour commencera par exa-
miner la violation alléguée des obligations de nature procédurale prévues
par les articles 7 à 12 du statut de 1975 au sujet des projets relatifs
aux usines CMB (ENCE) et Orion (Botnia), ainsi qu’aux installations
connexes de cette dernière, sur la rive gauche du fleuve Uruguay, près

de la ville de Fray Bentos.
68. L’Argentine considère que les obligations de nature procédurale
sont intrinsèquement liées aux obligations de fond prévues par le statut
de 1975, et qu’un manquement aux premières entraîne un manquement
aux secondes.

S’agissant des obligations de nature procédurale, elles constitueraient,
selon l’Argentine, un ensemble intégré et indissociable, au sein duquel la
CARU jouerait, en tant qu’organisation, un rôle essentiel.
Il en découlerait, selon l’Argentine, que l’Uruguay ne pourrait invo-
quer d’autres arrangements procéduraux pour déroger aux obligations de

nature procédurale prévues par le statut de 1975, en dehors du consente-
ment des deux Parties.
69. A l’issue du mécanisme procédural prévu par ce statut, et faute
d’accord entre les Parties, celles-ci n’auraient, selon l’Argentine, d’autre
choix que de saisir la Cour, aux termes des articles 12 et 60 du statut,

l’Uruguay ne pouvant procéder à la construction des usines projetées tant
que la Cour n’aurait pas rendu son arrêt.

70. Dans le fil de l’argumentation avancée par le demandeur, la Cour
examinera successivement les quatre points suivants: les liens entre les

obligations de nature procédurale et les obligations de fond (A), les obli-
gations de nature procédurale et leur articulation (B), la question de
savoir si les Parties sont convenues de déroger aux obligations de nature
procédurale prévues par le statut de 1975 (C) et les obligations de l’Uru-
guay au terme de la période de négociation (D).

A. Les liens entre les obligations de nature procédurale
et les obligations de fond

71. L’Argentine soutient que les dispositions de nature procédurale,
prévues aux articles 7 à 12 du statut de 1975, ont pour objectif d’assurer

37«l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve» (article premier), au
même titre que les dispositions relatives à l’utilisation des eaux, à la

conservation, à l’utilisation et à l’exploitation d’autres ressources natu-
relles, à la pollution et à la recherche. L’objectif serait également d’em-
pêcher que les Parties ne puissent agir unilatéralement et sans égard
aux utilisations antérieures ou actuelles du fleuve. Toute méconnais-
sance de ces mécanismes entraînerait dès lors, selon l’Argentine, une

atteinte à l’objet et au but du statut de 1975; en effet, «l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve» ne serait pas assurée, car celle-ci ne
pourrait se réaliser que conformément aux procédures établies par le
statut.
72. Il s’ensuivrait, selon l’Argentine, qu’une violation des obligations

de nature procédurale entraînerait automatiquement celle des obligations
de fond, dans la mesure où les deux catégories d’obligations sont indivi-
sibles. Une telle position trouverait un appui dans l’ordonnance de la
Cour du 13 juillet 2006, selon laquelle le statut de 1975 a créé «un régime
complet».
73. L’Uruguay considère également que les obligations de nature pro-

cédurale sont destinées à faciliter la mise en Œuvre des obligations de
fond car les premières constituent un moyen et non une fin. Il souligne,
de même, que l’article premier du statut de 1975 définit l’objet et le but de
celui-ci.
74. Mais l’Uruguay rejette, comme artificielle, l’argumentation de

l’Argentine, en ce qu’elle tend à confondre les questions de procédure et
de fond dans le but de faire croire que la violation des obligations de
nature procédurale se traduirait nécessairement par celle des obligations
de fond. Il appartiendrait à la Cour, selon l’Uruguay, d’apprécier la vio-
lation, en elle-même, de chacune de ces catégories d’obligations et d’en

tirer les conséquences qui s’imposent dans chaque cas en matière de res-
ponsabilité et de réparation.
75. La Cour relève que l’objet et le but du statut de 1975, inscrits à
l’article premier, consistent, pour les Parties, à parvenir à «l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay» au moyen des «mécanismes

communs» de coopération, constitués aussi bien par la CARU que par
les dispositions de nature procédurale des articles 7 à 12 du statut.
La Cour a souligné à ce propos, dans son ordonnance du 13 juillet 2006,
qu’une telle utilisation devrait permettre un développement durable qui
tienne compte «de la nécessité de garantir la protection continue de
l’environnement du fleuve ainsi que le droit au développement écono-

mique des Etats riverains» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet
2006, C.I.J. Recueil 2006 , p. 133, par. 80).
76. Dans l’affaire Gabc ˇíkovo-Nagymaros, la Cour, après avoir rappelé
que «[l]e concept de développement durable traduit bien cette nécessité

de concilier développement économique et protection de l’environne-
ment», a ajouté que «[c]e sont les Parties elles-mêmes qui doivent trouver
d’un commun accord une solution qui tienne compte des objectifs du

38traité» (Projet Gabcˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J.
Recueil 1997, p. 78, par. 140 et 141).

77. La Cour estime que c’est en coopérant que les Etats concernés
peuvent gérer en commun les risques de dommages à l’environne-
ment qui pourraient être générés par les projets initiés par l’un ou
l’autre d’entre eux, de manière à prévenir les dommages en question, à
travers la mise en Œuvre des obligations tant de nature procédurale que

de fond prévues par le statut de 1975. Cependant, alors que les obliga-
tions de fond sont libellées le plus souvent en termes généraux, les
obligations de nature procédurale sont plus circonscrites et précises
afin de faciliter la mise en Œuvre du statut à travers une concertation
permanente entre les parties concernées. La Cour a qualifié le

régime institué par le statut de 1975 de «régime complet et
novateur» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine
c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet 2006,
C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 81), dans la mesure où les deux
catégories d’obligations susmentionnées se complètent parfaitement, afin
que les parties puissent réaliser l’objet du statut tel qu’elles l’ont fixé en

son article premier.
78. La Cour note que le statut de 1975 a créé la CARU et mis en place
des procédures en liaison avec cette institution, afin que les parties puis-
sent s’acquitter de leurs obligations de fond. Mais le statut n’indique
nulle part qu’une partie pourrait s’acquitter de ses obligations de fond en

respectant seulement ses obligations de nature procédurale, ni qu’une
violation des obligations de nature procédurale emporterait automatique-
ment celle des obligations de fond.
De même, ce n’est pas parce que les parties auraient respecté leurs obli-
gations de fond qu’elles seraient censées avoir respecté ipso facto leurs

obligations de nature procédurale, ou qu’elles seraient dispensées de le
faire. D’ailleurs, le lien entre ces deux catégories d’obligations peut être
rompu, dans les faits, lorsqu’une partie qui n’aurait pas respecté ses obli-
gations de nature procédurale renoncerait ensuite à la réalisation de
l’activité projetée.

79. La Cour considère, en conséquence de ce qui précède, qu’il existe
certes un lien fonctionnel, relatif à la prévention, entre les deux catégories
d’obligations prévues par le statut de 1975, mais que ce lien n’empêche
pas que les Etats parties soient appelés à répondre séparément des unes et
des autres, selon leur contenu propre, et à assumer, s’il y a lieu, la res-
ponsabilité qui découlerait, selon le cas, de leur violation.

B. Les obligations de nature procédurale et leur articulation

80. Le statut de 1975 prévoit à la charge de la partie qui projette cer-

taines activités, énumérées au premier alinéa de l’article 7, des obligations
de nature procédurale dont le contenu, l’articulation et les délais sont
précisés aux articles 7 à 12 comme suit:

39 «Article 7

La partie qui projette de construire de nouveaux chenaux, de
modifier ou d’altérer de manière significative les chenaux existants
ou de réaliser tous autres ouvrages suffisamment importants pour
affecter la navigation, le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux,

en informe la commission administrative, laquelle détermine som-
mairement, dans un délai maximum de 30 jours, si le projet peut
causer un préjudice sensible à l’autre partie.
S’il en est ainsi décidé ou si une décision n’intervient pas à cet
égard, la partie intéressée notifie le projet à l’autre partie par l’inter-

médiaire de la commission.
La notification énonce les aspects essentiels de l’ouvrage et, le cas
échéant, son mode de fonctionnement et les autres données techni-
ques permettant à la partie à laquelle la notification est adressée
d’évaluer l’effet probable que l’ouvrage aura sur la navigation, sur le
régime du fleuve ou sur la qualité de ses eaux.

Article 8

La partie notifiée dispose d’un délai de 180 jours pour se pronon-
cer sur le projet, à compter du jour où sa délégation à la commission
a reçu la notification.
Au cas où la notification mentionnée à l’article 7 serait incom-
plète, la partie notifiée disposera de 30 jours pour le faire savoir,

par l’intermédiaire de la commission, à la partie qui projette de
construire l’ouvrage.
Le délai de 180 jours susmentionné commence à courir à partir du
jour où la délégation de la partie notifiée a reçu la documentation
complète.

Ce délai peut être prorogé de façon raisonnable par la commission
si la complexité du projet l’exige.
Article 9

Si la partie notifiée ne formule pas d’objections ou ne répond pas
dans le délai prévu à l’article 8, l’autre partie peut construire ou
autoriser la construction de l’ouvrage projeté.

Article 10
La partie notifiée a le droit d’inspecter les ouvrages en construc-

tion pour vérifier s’ils sont conformes au projet présenté.

Article 11

Si la partie notifiée aboutit à la conclusion que l’exécution de
l’ouvrage ou le programme d’opérations peut causer un préjudice
sensible à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses

eaux, elle en informe l’autre partie par l’intermédiaire de la commis-
sion dans le délai de 180 jours fixé à l’article 8.
La communication précise quels sont les aspects de l’ouvrage ou

40 du programme d’opérations qui peuvent causer un préjudice sensible
à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux, les

raisons techniques qui permettent d’arriver à cette conclusion et les
modifications qu’elle suggère d’apporter au projet ou au programme
d’opérations.

Article 12
Si les parties n’aboutissent pas à un accord dans un délai de
180 jours à compter de la communication visée à l’article 11, la pro-
cédure indiquée au chapitre XV est applicable.»

81. L’original espagnol de l’article 7 du statut de 1975 se lit ainsi:

«La parte que proyecte la construcción de nuevos canales, la
modificación o alteración significativa de los ya existentes o la reali-

zación de cualesquiera otras obras de entidad suficiente para afectar
la navegación, el régimen del Río o la calidad de sus aguas, deberá
comunicarlo a la Comisión, la cual determinará sumariamente, y en
un plazo máximo de treinta días, si el proyecto puede producir per-
juicio sensible a la otra parte.
Si así se resolviere o no se llegare a una decisión al respecto, la

parte interesada deberá notificar el proyecto a la otra parte a través
de la misma Comisión.
En la notificación deberán figurar los aspectos esenciales de la
obra y, si fuere el caso, el modo de su operación y los demás datos
técnicos que permitan a la parte notificada hacer una evaluación del

efecto probable que la obra ocasionará a la navegación, al régimen
delRíooalacalidaddesusaguas.»

La Cour relève que, comme l’original espagnol, la traduction française
de cet article (voir paragraphe 80 ci-dessus) distingue l’obligation d’infor-
mer («comunicar») la CARU au sujet des projets entrant dans son
champ d’application (premier alinéa) de celle de les notifier («notificar»)
à l’autre partie (deuxième alinéa). En revanche, la traduction anglaise uti-

lise indistinctement le verbe «notify» au sujet de ces deux obligations.
Afin de se conformer au texte original espagnol, la Cour utilisera dans les
deux versions linguistiques du présent arrêt le verbe «informer» pour
l’obligation prescrite par le premier alinéa de l’article 7 et le verbe «noti-
fier» pour celle des deuxième et troisième alinéas.
La Cour considère que les obligations d’informer, de notifier et de

négocier constituent un moyen approprié, accepté par les Parties, de par-
venir à l’objectif qu’elles se sont fixé à l’article premier du statut de 1975.
Ces obligations s’avèrent d’autant plus indispensables lorsqu’il s’agit,
comme dans le cas du fleuve Uruguay, d’une ressource partagée qui ne
peut être protégée que par le biais d’une coopération étroite et continue

entre les riverains.
82. Selon l’Argentine, en ne respectant pas la première obligation (pre-
mier alinéa de l’article 7 du statut) de saisine de la CARU, l’Uruguay a

41mis en échec l’ensemble des procédures prévues aux articles 7 à 12 du sta-
tut. Par ailleurs, en ne lui notifiant pas les projets des usines CMB

(ENCE) et Orion (Botnia), par l’intermédiaire de la CARU, avec toute la
documentation nécessaire, l’Uruguay n’aurait pas respecté les deuxième
et troisième alinéas de l’article 7. L’Argentine ajoute que des contacts
informels qu’elle-même ou la CARU ont pu avoir avec les sociétés
concernées ne peuvent tenir lieu de saisine de la CARU et de notification

des projets par l’intermédiaire de cette commission. L’Argentine en
conclut que l’Uruguay a violé l’ensemble des obligations de nature pro-
cédurale lui incombant en vertu des articles 7 à 12 du statut.
L’Uruguay, de son côté, considère que la saisine de la CARU n’est pas
aussi contraignante que le soutient l’Argentine et que les parties peuvent

convenir, d’un commun accord, d’emprunter d’autres voies, en recourant
à d’autres arrangements de nature procédurale, pour engager la coopéra-
tion entre elles. Il en déduit qu’il n’a pas enfreint les obligations de nature
procédurale prévues par le statut, même s’il s’en est acquitté sans suivre à
la lettre le processus formel qui y est décrit.
83. La Cour examinera d’abord la nature et le rôle de la CARU, puis

se penchera sur la question de savoir si l’Uruguay a respecté son obli-
gation d’informer la CARU de ses projets et celle de les notifier à
l’Argentine.

1. La nature et le rôle de la CARU

84. L’Uruguay estime que la CARU, au même titre que les autres
commissions fluviales, n’est pas un organisme doté d’une volonté auto-
nome, mais plutôt un mécanisme établi pour faciliter la coopération entre
les Parties. Il ajoute que les Etats qui ont créé ces commissions fluviales

sont libres de s’écarter du mécanisme commun, lorsque cela sert leurs
objectifs, et qu’ils le font souvent. Selon l’Uruguay, dès lors que la
CARU n’est pas habilitée à agir en dehors de la volonté des Parties,
celles-ci sont libres de faire directement ce qu’elles avaient décidé de faire
par l’intermédiaire de cette commission, et elles peuvent convenir notam-

ment de ne pas l’informer ainsi que cela est prévu à l’article 7 du sta-
tut de 1975. L’Uruguay affirme que c’est précisément ce qui s’est passé
dans le cas d’espèce: les deux Etats se sont entendus pour se dispenser de
l’examen sommaire de la CARU et passer immédiatement à des entre-
tiens directs.
85. Pour l’Argentine, en revanche, le statut de 1975 n’est pas un simple

traité bilatéral imposant des obligations synallagmatiques aux parties; il
institutionnalise une coopération permanente et étroite, dont la CARU
est l’élément central et incontournable. La CARU constitue, de l’avis de
l’Argentine, l’organe clef de coordination entre les parties dans à peu près
tous les domaines couverts par le statut. En ne s’acquittant pas de ses

obligations à cet égard, l’Uruguay remettrait profondément en question
le statut de 1975.
86. La Cour rappelle qu’elle a déjà qualifié la CARU de

42 «mécanisme commun doté de fonctions réglementaires, administra-
tives, techniques, de gestion et de conciliation…, à laquelle a été

confiée la bonne application des dispositions du statut de 1975 régis-
sant la gestion des ressources fluviales partagées, ... méca-
nisme ... [qui] occupe une place très importante dans le régime de ce
traité» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine
c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet 2006,

C.I.J. Recueil 2006, p. 133-134, par. 81).

87. La Cour relève tout d’abord que, conformément à l’article 50 du
statut de 1975, la CARU «jouit de la personnalité juridique dans l’accom-
plissement de son mandat» et que les parties audit statut se sont engagées
à lui attribuer «les ressources nécessaires, ainsi que tous les éléments et
facilités indispensables à son fonctionnement». Il en découle que, loin
d’être une simple courroie de transmission entre les parties, la CARU a

une existence propre et permanente; elle exerce des droits et est tenue à
des devoirs pour s’acquitter des fonctions qui lui sont conférées par le
statut de 1975.
88. Certes, les décisions de la commission doivent être adoptées d’un
commun accord par les deux riverains (article 55), mais leur préparation

et leur mise en Œuvre relèvent d’un secrétariat dont les fonctionnaires
jouissent de privilèges et d’immunités. D’autre part, la CARU peut
décentraliser ses différentes fonctions en créant les organes subsidiaires
qui lui sont nécessaires (article 52).
89. La Cour observe que, comme toute organisation internationale

dotée de la personnalité juridique, la CARU est habilitée à exercer les
compétences qui lui sont reconnues par le statut de 1975 et qui sont
nécessaires à la réalisation de l’objet et du but de celui-ci, soit «l’utilisa-
tion rationnelle et optimale du fleuve» (article premier). Ainsi que la
Cour l’a souligné,

«[l]es organisations internationales sont régies par «le principe de

spécialité», c’est-à-dire dotées par les Etats qui les créent de compé-
tences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts
communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promou-
voir» (Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans
un conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) ,p .,
par. 25).

Cela est naturellement vrai aussi pour les organisations qui, comme la

CARU, ne comportent que deux Etats membres.
90. La CARU servant de cadre de concertation entre les parties,
notamment pour les projets d’ouvrages envisagés au premier alinéa de
l’article 7 du statut de 1975, aucune d’entre elles ne peut sortir unilatéra-
lement et au moment qu’elle juge opportun de ce cadre et lui substituer

d’autres canaux de communication. En créant la CARU et en la dotant
de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement, les parties ont
entendu donner les meilleures garanties de stabilité, de continuité et

43d’efficacité à leur volonté de coopérer à «l’utilisation rationnelle et opti-
male du fleuve».

91. C’est pour cette raison que la CARU joue un rôle central dans le
statut de 1975 et ne peut être réduite à un simple mécanisme facultatif mis
à la disposition des parties que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa
guise. La CARU intervient à tous les niveaux de l’utilisation du fleuve,
qu’il s’agisse de la prévention des dommages transfrontières susceptibles

de découler des activités projetées; de l’utilisation des eaux, au sujet de
laquelle elle reçoit les rapports des parties et vérifie si la somme des
utilisations ne cause pas un préjudice sensible (articles 27 et 28); de la
prévention de la modification de l’équilibre écologique (article 36); des
études et des recherches de caractère scientifique effectuées par une

partie dans la juridiction de l’autre (article 44); de l’exercice du droit de
police (article 46) et du droit de navigation (article 48).
92. Par ailleurs, la CARU a reçu comme fonction d’édicter des normes
réglementaires dans un grand nombre de domaines liés à la gestion com-
mune du fleuve et énumérés à l’article 56 du statut de 1975. Enfin, la
commission peut servir d’instance de conciliation pour tout litige né

entre les parties, sur proposition de l’une d’entre elles (article 58).
93. Dès lors, la Cour considère que, de par l’ampleur et la diversité des
fonctions qu’elles ont confiées à la CARU, les Parties ont entendu faire
de cette organisation internationale un élément central dans l’accomplis-
sement de leurs obligations de coopérer édictées par le statut de 1975.

2. L’obligation de l’Uruguay d’informer la CARU

94. La Cour note que l’obligation de l’Etat d’origine de l’activité pro-

jetée d’informer la CARU constitue la première étape de l’ensemble du
mécanisme procédural qui permet aux deux parties de réaliser l’objet du
statut de 1975, à savoir «l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve
Uruguay». Cette étape, prévue au premier alinéa de l’article 7, consiste,
pour l’Etat d’origine de l’activité projetée, à en informer la CARU pour

que celle-ci puisse déterminer «sommairement», dans un délai maximum
de trente jours, si le projet peut causer un préjudice sensible à l’autre
partie.
95. Pour que le reste de la procédure puisse se poursuivre, les deux
parties ont posé comme conditions alternatives, dans le statut de 1975,
que l’activité projetée par l’une soit susceptible, selon la CARU, de cau-

ser un préjudice sensible à l’autre, faisant naître à la charge de la première
une obligation de prévention, afin d’éliminer ou de réduire au minimum
le risque, en consultation avec la seconde; ou que la CARU, dûment
informée, ne prenne pas de décision à ce sujet dans le délai prescrit.

96. La Cour constate que les deux Parties s’accordent à considérer que
les deux usines projetées étaient des ouvrages suffisamment importants
pour entrer dans le champ d’application de l’article 7 du statut de 1975

44et, partant, pour que la CARU dût en être informée. Il en est de même
pour le projet de construction du terminal portuaire de Fray Bentos à

l’usage exclusif de l’usine Orion (Botnia), qui incluait des opérations de
dragage et d’utilisation du lit du fleuve.
97. La Cour relève cependant que les Parties sont en désaccord sur
l’existence d’une obligation d’informer la CARU au sujet du prélèvement
et de l’utilisation, par l’usine Orion (Botnia), de l’eau du fleuve à des fins

industrielles. L’Argentine estime que l’autorisation octroyée par le mi-
nistère du transport et des travaux publics uruguayen, le 12 septembre
2006, concerne une activité suffisamment importante («entidad sufi-
ciente») pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux, et que
l’Uruguay aurait dû suivre, à ce sujet, la procédure prévue aux articles 7

à 12 du statut de 1975. Pour sa part, l’Uruguay soutient que cette activité
fait partie intégrante de l’ensemble du projet de l’usine Orion (Botnia) et
que le statut n’exige pas d’informer la CARU à chaque étape de l’avan-
cement de l’ouvrage projeté.
98. La Cour relève que, si les Parties s’accordent pour reconnaître que
la CARU devait être informée des deux projets d’usines et du projet de

construction du terminal portuaire de Fray Bentos, elles s’opposent néan-
moins quant au contenu de l’information qui devait être adressée à la
CARU et quant au moment auquel elle devait avoir lieu.
99. L’Argentine a soutenu que le contenu de l’obligation d’informa-
tion doit être déterminé à la lumière de l’objectif de celle-ci, soit la

prévention des atteintes à la navigation, au régime du fleuve ou à la
qualité des eaux. Le projet dont la CARU doit être informée peut, selon
l’Argentine, n’être pas très avancé car il s’agit seulement de permettre
à la commission de «déterminer sommairement» dans un délai très
bref de trente jours si ce projet «peut causer un préjudice sensible à

l’autre partie». Ce serait seulement dans la phase procédurale suivante
que l’obligation d’informer serait plus complète. L’information de la
CARU doit cependant, de l’avis de l’Argentine, intervenir préalablement
à l’autorisation et à la construction d’un projet sur le fleuve Uruguay.
100. Reprenant les termes du premier alinéa de l’article 7 du statut

de 1975, l’Uruguay en donne une autre interprétation, estimant que
l’information prévue par cette disposition ne peut être transmise à la
CARU aux tout premiers stades de la planification, car la commission ne
pourrait disposer des éléments suffisants pour déterminer si le projet est
susceptible ou non de causer un préjudice sensible à l’autre Etat. Pour
cela, il faudrait, selon l’Uruguay, que le projet ait atteint un stade où l’on

dispose à son sujet de toutes les informations techniques. L’Uruguay
tend, comme la Cour y reviendra plus loin, à lier le contenu de l’informa-
tion au moment où elle devrait être fournie, soit même après l’octroi par
l’Etat concerné de l’autorisation environnementale préalable.
101. La Cour observe que le principe de prévention, en tant que règle

coutumière, trouve son origine dans la diligence requise («due diligence»)
de l’Etat sur son territoire. Il s’agit de «l’obligation, pour tout Etat, de ne
pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits

45d’autres Etats» (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1949 , p. 22). En effet, l’Etat est tenu de mettre en

Œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se
déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction,
ne causent un préjudice sensible à l’environnement d’un autre Etat. La
Cour a établi que cette obligation «fait maintenant partie du corps de
règles du droit international de l’environnement» (Licéité de la menace

ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) ,
p. 242, par. 29).
102. L’obligation d’informer la CARU permet, selon la Cour, de
déclencher la coopération entre les Parties, nécessaire pour la mise en
Œuvre de l’obligation de prévention. Cette première étape procédurale a

pour conséquence de soustraire à l’application du statut de 1975 les acti-
vités qui apparaîtraient ne causer un dommage qu’à l’Etat sur le territoire
duquel elles s’exercent.
103. La Cour observe qu’en ce qui concerne le fleuve Uruguay, qui
constitue une ressource partagée, le «préjudice sensible à l’autre partie»
(premier alinéa de l’article 7 du statut de 1975) peut résulter d’une

atteinte à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux.
D’ailleurs, l’article 27 du statut de 1975 souligne que

«[l]e droit de chaque partie d’utiliser les eaux du fleuve, à l’intérieur
de sa juridiction, à des fins ménagères, sanitaires, industrielles et
agricoles, s’exerce sans préjudice de l’application de la procédure
prévue aux articles 7 à 12 lorsque cette utilisation est suffisamment
importante pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses

eaux».
104. La Cour note que, conformément aux termes du premier alinéa

de l’article 7 du statut de 1975, l’information qui doit être adressée à la
CARU, à ce premier stade de la procédure, doit lui permettre de déter-
miner sommairement et rapidement si le projet peut causer un préjudice
sensible à l’autre partie. Il s’agit à ce stade, pour la CARU, de décider si
le projet relève ou non de la procédure de coopération prévue par le sta-

tut et non de se prononcer sur son impact réel sur le fleuve et la qualité
des eaux. C’est ce qui explique, de l’avis de la Cour, la différence entre la
terminologie du premier alinéa de l’article 7, relative à l’obligation d’infor-
mer la CARU, et celle du troisième alinéa de cet article, qui concerne
le contenu de la notification qui doit être adressée à un stade ultérieur
à l’autre partie et est destinée à «évaluer l’effet probable que l’ouvrage

aura sur la navigation, sur le régime du fleuve ou sur la qualité de ses
eaux».
105. La Cour considère que l’Etat qui projette les activités visées à
l’article 7 du statut est tenu d’en informer la CARU dès qu’il est en pos-
session d’un projet suffisamment élaboré pour permettre à la commission

de déterminer sommairement, en application du premier alinéa de cette
disposition, si cette activité risque de causer un préjudice sensible à l’autre
partie. A ce stade, l’information fournie ne consistera pas nécessairement

46en une évaluation complète de l’impact sur l’environnement du projet,
qui exige souvent davantage de temps et de moyens. Cela étant, si une

information plus complète est disponible, elle doit bien entendu être
transmise à la CARU, afin que celle-ci puisse procéder dans les meilleures
conditions à son examen sommaire. En tout état de cause, l’obligation
d’informer la CARU intervient à un stade où l’autorité compétente a été
saisie du projet en vue de la délivrance de l’autorisation environnemen-

tale préalable, et avant la délivrance de ladite autorisation.
106. La Cour relève que, dans le cas d’espèce, l’Uruguay n’a pas trans-
mis à la CARU l’information requise par le premier alinéa de l’article 7,
concernant les usines CMB (ENCE) et Orion (Botnia), malgré les deman-

des qui lui avaient été adressées à plusieurs reprises par la commission, en
particulier les 17 octobre 2002 et 21 avril 2003, au sujet de l’usine CMB
(ENCE), et le 16 novembre 2004, au sujet de l’usine Orion (Botnia).
L’Uruguay s’est contenté d’adresser à la CARU, le 14 mai 2003, un
résumé de diffusion de l’évaluation de l’impact sur l’environnement

concernant l’usine CMB (ENCE). La CARU a estimé ce document insuf-
fisant et a demandé à nouveau à l’Uruguay, les 15 août 2003 et 12 sep-
tembre 2003, un complément d’information. Par ailleurs, aucun docu-
ment n’a été transmis à la CARU par l’Uruguay au sujet de l’usine Orion
(Botnia). Ainsi, les autorisations environnementales préalables ont été

délivrées par l’Uruguay le 9 octobre 2003 à CMB et le 14 février 2005 à
Botnia, sans respecter la procédure prévue au premier alinéa de l’ar-
ticle 7. L’Uruguay s’est donc prononcé sur l’impact sur l’environnement
des projets sans associer la CARU, se limitant ainsi à donner effet au
troisième alinéa de l’article 17 du décret uruguayen n 435/994, du 21 sep-

tembre 1994, portant règlement d’évaluation de l’impact sur l’environne-
ment, selon lequel le ministère du logement, de l’aménagement du
territoire et de l’environnement peut accorder l’autorisation environne-
mentale préalable pour autant que les impacts négatifs du projet sur
l’environnement restent dans des limites acceptables.

107. La Cour relève en outre que l’Uruguay a accordé, le 12 avril 2005,
une autorisation à la société Botnia pour la première phase de construc-
tion du projet d’usine Orion et, le 5 juillet 2005, un permis pour
construire un port à son usage exclusif et utiliser le lit du fleuve à
des fins industrielles, sans avoir préalablement informé la CARU de

ces projets.
108. En ce qui concerne le prélèvement et l’utilisation de l’eau du
fleuve qui auraient dû, selon l’Argentine, donner lieu à une information
préalable de la CARU, la Cour estime qu’il s’agit là d’une activité qui fait
partie intégrante de la mise en service de l’usine Orion (Botnia), et qui ne

nécessitait donc pas une saisine distincte de la CARU.
109. L’Uruguay soutient cependant que la CARU avait parfaitement
connaissance des projets d’usines avant la délivrance des autorisations
environnementales préalables, par le biais des représentants d’ENCE, le

8 juillet 2002, et au plus tard le 29 avril 2004, par ceux de Botnia.
L’Argentine estime, pour sa part, que ces prétendus agissements privés,

47quels qu’ils soient, ne constituent pas l’exécution de l’obligation imposée
aux Parties par le premier alinéa de l’article 7.

110. La Cour considère que les informations sur les projets d’usines
parvenues à la CARU de la part des entreprises concernées ou d’autres
sources non gouvernementales ne peuvent tenir lieu de l’obligation
d’informer, prévue au premier alinéa de l’article 7 du statut de 1975,
qui est à la charge de la partie qui projette de construire les ouvrages

visés par cette disposition. De la même manière, dans l’affaire relative à
Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale
(Djibouti c. France), la Cour a observé que

«[s]i Djibouti a certes pu disposer en fin de compte de certaines
informations à travers la presse, un tel mode de diffusion d’informa-
tions ne saurait être pris en compte aux fins de l’application de l’ar-
ticle 17 [de la convention d’entraide judiciaire entre les deux pays
prévoyant que «tout refus d’entraide judiciaire sera motivé»]» (arrêt,

C.I.J. Recueil 2008, p. 231, par. 150).

111. En conséquence, la Cour conclut de ce qui précède que l’Uru-
guay, en n’informant pas la CARU des travaux projetés avant la déli-
vrance de l’autorisation environnementale préalable pour chacune des
usines et pour le terminal portuaire adjacent à l’usine Orion (Botnia), n’a
pas respecté l’obligation que lui impose le premier alinéa de l’article 7 du

statut de 1975.

3. L’obligation de l’Uruguay de notifier les projets à l’autre partie

112. La Cour note qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 7 du

statut de 1975, au cas où la CARU décide que le projet peut causer un
préjudice sensible à l’autre partie ou si une décision n’intervient pas à cet
égard, «la partie intéressée notifie le projet à l’autre partie par l’intermé-
diaire de la commission».
Le troisième alinéa de l’article 7 du statut détaille le contenu de cette

notification qui
«énonce les aspects essentiels de l’ouvrage et ... les autres données
techniques permettant à la partie à laquelle la notification est adres-

sée d’évaluer l’effet probable que l’ouvrage aura sur la navigation,
sur le régime du fleuve ou sur la qualité de ses eaux».

113. L’obligation de notifier est destinée, selon la Cour, à créer les
conditions d’une coopération fructueuse entre les parties leur permettant,
sur la base d’une information aussi complète que possible, d’évaluer
l’impact du projet sur le fleuve et, s’il y a lieu, de négocier les aménage-
ments nécessaires pour prévenir les préjudices éventuels qu’il pourrait

causer.
114. L’article 8 prévoit un délai de cent quatre-vingts jours, qui peut
être prorogé par la commission, pour que la partie qui a reçu la notifica-

48tion puisse se prononcer sur le projet, à charge pour elle de demander à
l’autre partie, par l’intermédiaire de la commission, de compléter au

besoin la documentation qu’elle lui a adressée.
Faute d’objection de la part de la partie destinataire de la notification,
l’autre partie peut procéder à la construction de l’ouvrage ou l’autoriser
(article 9). Dans le cas contraire, la première informe la seconde des
aspects de l’ouvrage qui peuvent lui causer préjudice et des modifications

qu’elle suggère (article 11), ouvrant ainsi une période de négociation,
avec un nouveau délai de cent quatre-vingts jours pour parvenir à un
accord (article 12).
115. L’obligation de notifier est donc essentielle dans le processus qui

doit mener les parties à se concerter pour évaluer les risques du projet et
négocier les modifications éventuelles susceptibles de les éliminer ou d’en
limiter au minimum les effets.
116. Les Parties conviennent de la nécessité de disposer d’une évalua-
tion de l’impact sur l’environnement complète pour apprécier le préjudice

sensible qui pourrait être causé par un projet.
117. L’Uruguay considère que de telles évaluations sont intervenues
conformément à sa législation (décret n 435/994, du 21 septembre 1994,
portant règlement d’évaluation de l’impact sur l’environnement), qu’elles
ont été soumises à l’appréciation de la DINAMA et qu’elles ont été trans-

mises à l’Argentine le 7 novembre 2003 pour le projet CMB (ENCE) et
le 19 août 2005 pour le projet Orion (Botnia). Selon l’Uruguay, la
DINAMA a demandé aux entreprises concernées tous les suppléments
d’information nécessaires pour compléter les évaluations de l’impact sur
l’environnement initiales qui lui ont été soumises, et ce n’est que quand

elle a été satisfaite qu’elle a proposé au ministère de l’environnement de
délivrer les autorisations environnementales préalables demandées, qui
l’ont été à CMB le 9 octobre 2003 et à Botnia le 14 février 2005.
L’Uruguay soutient qu’il n’était pas tenu de transmettre à l’Argentine
les évaluations de l’impact sur l’environnement avant de délivrer aux

entreprises les autorisations environnementales préalables, celles-ci ayant
été établies sur la base de sa législation en la matière.
118. L’Argentine, pour sa part, souligne tout d’abord que les évalua-
tions de l’impact sur l’environnement qui lui ont été transmises par l’Uru-
guay étaient incomplètes, notamment en ce qu’elles ne prévoyaient pas de

sites alternatifs pour l’implantation des usines et qu’elles ne contenaient
pas de consultation des populations concernées. La Cour reviendra plus
loin sur les conditions de fond auxquelles doivent satisfaire les évalua-
tions de l’impact sur l’environnement (voir paragraphes 203 à 219).
D’autre part, sur le plan procédural, l’Argentine estime que les autori-

sations environnementales préalables n’auraient pas dû être accordées
aux entreprises avant qu’elle n’ait reçu les évaluations de l’impact sur
l’environnement complètes et qu’elle n’ait pu exercer les droits qui lui
sont reconnus à ce sujet par les articles 7 à 11 du statut de 1975.

119. La Cour relève que les évaluations de l’impact sur l’environne-
ment, nécessaires pour se prononcer sur tout projet susceptible de causer

49des préjudices sensibles transfrontières à un autre Etat, doivent être noti-
fiées, selon les deuxième et troisième alinéas de l’article 7 du statut

de 1975, par la partie concernée à l’autre partie, par l’intermédiaire de la
CARU. Cette notification est destinée à permettre à la partie qui en est le
destinataire de participer au processus visant à s’assurer que l’évaluation
est complète, pour qu’elle puisse ensuite apprécier, en toute connaissance
de cause, le projet et ses effets (article 8 du statut de 1975).

120. La Cour observe que cette notification doit intervenir avant que
l’Etat intéressé ne décide de la viabilité environnementale du projet,
compte dûment tenu de l’évaluation de l’impact sur l’environnement qui
lui a été présentée.
121. Dans le cas d’espèce, la Cour relève que les notifications à l’Argen-

tine des évaluations de l’impact sur l’environnement relatives aux usines
CMB (ENCE) et Orion (Botnia) n’ont pas eu lieu par l’intermédiaire de
la CARU, et que l’Uruguay n’a transmis à l’Argentine ces évaluations
qu’après avoir délivré les autorisations environnementales préalables pour
les deux usines concernées. Ainsi, en ce qui concerne l’usine CMB
(ENCE), la notification du dossier à l’Argentine est intervenue les 27 oc-

tobre et 7 novembre 2003, alors que l’autorisation environnementale
préalable avait déjà été délivrée le 9 octobre 2003. En ce qui concerne
l’usine Orion (Botnia), le dossier a été transmis à l’Argentine entre
août 2005 et janvier 2006, alors que l’autorisation environnementale
préalable avait été octroyée le 14 février 2005. L’Uruguay n’aurait pas

dû, avant la notification, délivrer les autorisations environnementales
préalables et les permis de construction sur la base des évaluations
de l’impact sur l’environnement présentées à la DINAMA. En effet, ce
faisant, l’Uruguay a donné la priorité à sa propre législation sur les
obligations de nature procédurale qu’il tenait du statut de 1975 et a

méconnu la règle coutumière bien établie, reflétée à l’article 27 de la
convention de Vienne sur le droit des traités, aux termes duquel «[u]ne
partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme
justifiant la non-exécution d’un traité».
122. La Cour conclut de ce qui précède que l’Uruguay n’a pas res-

pecté l’obligation de notifier les projets à l’Argentine au travers de la
CARU, prévue aux deuxième et troisième alinéas de l’article 7 du statut
de 1975.

C. Les Parties sont-elles convenues de déroger aux obligations
de nature procédurale prévues dans le statut de 1975?

123. Ayant ainsi examiné les obligations de nature procédurale éta-
blies par le statut de 1975, la Cour se penchera à présent sur le point de
savoir si les Parties sont convenues, par accord entre elles, d’y déroger,
comme le prétend l’Uruguay.

124. Les Parties se réfèrent à cet égard aux deux «accords» intervenus
le 2 mars 2004 et le 5 mai 2005. Elles développent cependant des positions
divergentes quant à leur contenu et à leur portée.

501. L’«arrangement» du 2 mars 2004 entre l’Argentine et l’Uruguay

125. La Cour rappelle que, à la suite de la délivrance par l’Uruguay de
l’autorisation environnementale préalable à CMB, sans que la CARU ait
pu exercer, à cet égard, les fonctions qui lui sont attribuées par le statut
de 1975, les ministres des affaires étrangères des Parties se sont mis
d’accord, le 2 mars 2004, sur la procédure à suivre, ainsi que cela est

reflété dans le procès-verbal de la séance extraordinaire de la CARU en
date du 15 mai 2004. L’extrait pertinent de ce procès-verbal se lit comme
suit en espagnol:

«II) En fecha 2 de marzo de 2004 los Cancilleres de Argentina y
Uruguay llegaron a un entendimiento con relación al curso de
acción que se dará al tema, esto es, facilitar por parte del gobierno
uruguayo, la información relativa a la construcción de la planta y,

en relación a la fase operativa, proceder a realizar el monitoreo, por
parte de CARU, de la calidad de las aguas conforme a su Estatuto.
.............................

I) Ambas delegaciones reafirmaron el compromiso de los Minis-
tros de Relaciones Exteriores de la República Argentina y de la
República Oriental del Uruguay de fecha 2 de marzo de 2004 por el

cual el Uruguay comunicará la información relativa a la construc-
ción de la planta incluyendo el Plan de Gestión Ambiental. En tal
sentido, la CARU recibirá los Planes de Gestión Ambiental para la
construcción y operación de la planta que presente la empresa al
gobierno uruguayo una vez que le sean remitidos por la delegación

uruguaya.» (Les italiques sont dans l’original.)
L’Argentine et l’Uruguay ont respectivement fourni à la Cour une tra-

duction française et une traduction anglaise de ce procès-verbal. Compte
tenu des divergences existant entre ces deux traductions, la Cour utilisera
la traduction suivante:

«II) Le 2 mars 2004, les ministres des affaires étrangères de
l’Argentine et de l’Uruguay se sont entendus quant à la façon de
procéder en la matière, à savoir que le Gouvernement uruguayen
fournira l’information relative à la construction de l’usine et que,

s’agissant de la phase opérationnelle, la CARU procédera au suivi
de la qualité des eaux conformément à son statut.
.............................

I) Les deux délégations ont réaffirmé l’arrangement auquel étaient
parvenus les ministres des affaires étrangères de la République argen-
tine et de la République orientale de l’Uruguay le 2 mars 2004, en

vertu duquel l’Uruguay communiquera les informations relatives à
la construction de l’usine, parmi lesquelles le plan de gestion envi-
ronnementale. Il s’ensuit qula CARU recevrales plans de gestion envi-

51 ronnementale relatifs à la construction et à l’exploitation de l’usine
soumis par l’entreprise au Gouvernement uruguayen, une fois qu’ils

auront été transmis à la CARU par la délégation uruguayenne.»
(Les italiques sont dans l’original.) [Traduction de la Cour.]

126. L’Uruguay considère que, en vertu de cet «arrangement», les
Parties sont convenues de la marche à suivre, concernant le projet CMB

(ENCE), en dehors de la CARU, et que rien, que ce soit d’un point de
vue juridique ou logique, ne les empêchait de déroger, dans le cadre d’un
accord bilatéral approprié, aux procédures énoncées par le statut de 1975.
Un tel «arrangement», selon l’Uruguay, se limitait à la transmission à
la CARU des plans de gestion environnementale relatifs à la construction

et à l’exploitation de l’usine CMB (ENCE). Il aurait mis un terme, de la
sorte, à tout différend avec l’Argentine concernant la procédure prévue à
l’article 7 du statut de 1975. Enfin, l’Uruguay soutient que l’«arrange-
ment» du 2 mars 2004 sur le projet CMB (ENCE) a été par la suite
étendu au projet Orion (Botnia) dans la mesure où le plan PROCEL, éta-
bli par la sous-commission chargée de la qualité des eaux de la CARU et

mettant en Œuvre cet accord, était relatif à l’activité des «deux usines»,
CMB (ENCE) et Orion (Botnia), le pluriel étant utilisé dans le titre du
rapport de la sous-commission et dans son texte.

127. L’Argentine, de son côté, soutient que l’«arrangement» intervenu

entre les deux ministres, le 2 mars 2004, était destiné à faire respecter la
procédure prévue par le statut de 1975 et à réintroduire ainsi le projet
CMB (ENCE) au sein de la CARU, mettant fin au différend relatif à la
compétence de la CARU pour connaître du projet. L’Argentine aurait
réitéré devant les instances de la CARU n’avoir pas renoncé aux droits

qu’elle tenait de l’article 7, même si elle a accepté que le différend qui
l’opposait à ce sujet à l’Uruguay aurait pu s’éteindre si la procédure
envisagée dans l’«arrangement» du 2 mars 2004 avait été menée à son
terme.
Or, selon l’Argentine, l’Uruguay n’a jamais transmis à la CARU les

informations requises, comme il s’y était engagé dans l’«arrangement»
du 2 mars 2004. Elle a rejeté par ailleurs l’extension de l’«arrangement»
du 2 mars 2004 à l’usine Orion (Botnia); la mention des deux futures
usines par le plan PROCEL ne signifierait nullement, selon elle, la renon-
ciation au respect de la procédure prévue par le statut de 1975.
128. La Cour relève tout d’abord que, si l’existence de l’«arrange-

ment» du 2 mars 2004, consigné au procès-verbal de la CARU, n’a pas
été contestée par les Parties, celles-ci s’opposent, en revanche, sur son
contenu et sa portée. Quels que soient sa dénomination particulière et
l’instrument dans lequel il est consigné (le procès-verbal de la commis-
sion), cet «arrangement» liait les Parties dans la mesure où elles y avaient

consenti, et elles devaient s’y conformer de bonne foi. Celles-ci étaient
habilitées à s’écarter des procédures prévues par le statut de 1975, à
l’occasion d’un projet donné, par l’effet d’un accord bilatéral approprié.

52La Cour rappelle que les Parties divergent sur la question de savoir si la
procédure pour la communication de l’information prévue par l’«arran-

gement» devait, si elle était appliquée, se substituer à celle prévue par le
statut de 1975. Quoi qu’il en soit, une telle substitution était conditionnée
par le respect, de la part de l’Uruguay, de la nouvelle procédure prévue
par l’«arrangement».
129. La Cour constate que l’information que l’Uruguay avait accepté

de communiquer à la CARU dans l’«arrangement» du 2 mars 2004 ne l’a
jamais été. Par conséquent, la Cour ne saurait accueillir la prétention de
l’Uruguay selon laquelle l’«arrangement» aurait mis un terme au diffé-
rend relatif à l’usine CMB (ENCE) qui l’opposait à l’Argentine, concer-
nant la mise en Œuvre de la procédure prévue à l’article 7 du statut

de 1975.
130. Par ailleurs, la Cour observe que, lorsque cet «arrangement» est
intervenu, il n’était question que du projet CMB (ENCE) et que, dès lors,
il ne peut s’étendre, comme l’a prétendu l’Uruguay, au projet Orion (Bot-
nia). Les deux usines n’ont été mentionnées qu’à partir de juillet 2004,
dans le cadre du plan PROCEL. Or, ce plan ne concerne que les mesures

de suivi et de contrôle de la qualité environnementale des eaux du fleuve
dans les zones des usines de pâte à papier, mais non les procédures de
l’article 7 du statut de 1975.
131. La Cour conclut que l’«arrangement» du 2 mars 2004 n’aurait eu
pour effet d’exonérer l’Uruguay des obligations lui incombant en vertu

de l’article 7 du statut de 1975, si tel était l’objectif de cet «arrangement»,
que si l’Uruguay s’y était conformé. De l’avis de la Cour, tel n’a pas été
le cas. En conséquence, cet «arrangement» ne peut être considéré comme
ayant eu pour effet de dispenser l’Uruguay du respect des obligations de
nature procédurale prévues par le statut de 1975.

2. L’accord créant le Groupe technique de haut niveau (GTAN)

132. La Cour note que, donnant suite à l’accord intervenu le 5 mai 2005
entre les présidents de l’Argentine et de l’Uruguay (voir paragraphe 40
ci-dessus), les ministères des affaires étrangères des deux Etats ont publié

le 31 mai 2005 un communiqué de presse annonçant la création du
Groupe technique de haut niveau, que les Parties désignent sous l’abré-
viation «GTAN». Aux termes de ce communiqué:

«Suivant ce qui a été convenu entre MM. les Présidents de la
République argentine et de la République orientale de l’Uruguay, les
ministères des affaires étrangères des deux pays constituent, sous
leur supervision, un groupe de techniciens, pour complément
d’études et d’analyses, d’échanges d’information et de suivi des

conséquences qu’aura, sur l’écosystème du fleuve qu’ils partagent,
le fonctionnement des usines de pâte à papier que l’on construit dans
la République orientale de l’Uruguay.

53 Le Groupe mentionné ... doit produire un premier rapport dans
un délai de 180 jours.»

133. L’Uruguay considère ce communiqué de presse comme un accord
liant les deux Etats, par lequel ils ont décidé de faire du GTAN l’organe
au sein duquel se tiendraient les négociations directes entre les Parties,
prévues par l’article 12 du statut de 1975, puisqu’il est destiné à l’analyse

des effets sur l’environnement du «fonctionnement des usines de pâte à
papier que l’on construit dans la République orientale de l’Uruguay».
L’Uruguay en déduit que les Parties étaient d’accord sur la construction
des usines et qu’elles avaient circonscrit le litige, entre elles, aux risques
environnementaux engendrés par leur fonctionnement. L’Uruguay en

veut pour preuve la saisine de la Cour sur la base de l’article 12 du statut,
qui permet à chacune des Parties de s’adresser à la Cour au cas où les
négociations, au terme du délai de cent quatre-vingts jours, n’aboutissent
pas.
Ainsi, selon l’Uruguay, l’accord contenu dans le communiqué de presse
du 31 mai 2005, en ouvrant la voie aux négociations directes prévues à

l’article 12, a couvert toutes les irrégularités éventuelles de procédure
relatives aux articles 7 et suivants du statut de 1975. L’Uruguay rappelle
qu’il a communiqué à l’Argentine, au cours des douze réunions que le
GTAN a tenues, toutes les informations nécessaires, et qu’il a transmis le
projet portuaire d’Orion (Botnia) à la CARU, comme convenu par les

Parties lors de la première réunion du GTAN.
134. L’Uruguay fait observer, par ailleurs, que le statut de 1975 est
silencieux sur le point de savoir si l’Etat d’origine du projet peut ou non
le mettre en Œuvre alors que les négociations sont en cours. Il admet
qu’en vertu du droit international l’Etat d’origine doit s’abstenir de le

faire au cours de cette période de négociation, mais il estime que cela ne
concerne pas tous les travaux et qu’en particulier les travaux prépara-
toires sont autorisés. L’Uruguay admet avoir procédé à de tels travaux,
notamment à la construction des fondations de l’usine Orion (Botnia),
mais il ne s’agirait pas, selon lui, de faits accomplis empêchant les négo-

ciations d’aboutir. L’Uruguay considère, au demeurant, qu’il n’avait
aucune obligation juridique de suspendre ne serait-ce qu’une partie des
travaux du port.
135. L’Argentine estime qu’il ne peut être déduit des termes du com-
muniqué de presse du 31 mai 2005 une quelconque acceptation, de
sa part, de la construction des usines litigieuses. Elle affirme qu’en

créant le GTAN les Parties n’ont pas décidé de le substituer à la CARU,
mais l’ont conçu comme une enceinte de négociation coexistant avec
celle-ci.
Contrairement à l’Uruguay, l’Argentine soutient que la Cour est saisie
en cette affaire sur la base de l’article 60 et non de l’article 12 du statut

de 1975, parce que l’Uruguay, par son comportement, a empêché qu’elle
puisse l’être sur ce dernier fondement, dans la mesure où il aurait ignoré
toute la procédure du chapitre II du statut. Il appartiendrait ainsi à la

54Cour, selon l’Argentine, de se prononcer sur l’ensemble des violations du
statut de 1975, y compris, mais pas seulement, sur l’autorisation de cons-

truction des usines litigieuses.
136. L’Argentine soutient que l’Uruguay, par son comportement, a
fait avorter les procédures prévues aux articles 7 à 9 du statut de 1975 et
qu’il a, au cours de la période de négociation ouverte au sein du GTAN,
poursuivi les travaux de construction de l’usine Orion (Botnia) et com-

mencé la construction du terminal portuaire. Pendant le même temps,
l’Argentine réitérait, au sein de la CARU, la nécessité pour l’Uruguay de
s’acquitter des obligations de nature procédurale lui incombant en vertu
des articles 7 à 12 du statut, et de suspendre les travaux.
L’Argentine rejette enfin l’allégation de l’Uruguay selon laquelle les

travaux sur les fondations de l’usine Orion (Botnia), la cheminée et le
port n’auraient eu qu’un caractère préliminaire et ne pouvaient être
considérés comme étant le commencement des travaux de construction
au sens propre. Pour l’Argentine, une telle distinction n’a pas lieu d’être
et ne peut être justifiée par la nature des travaux entrepris.
137. La Cour souligne tout d’abord qu’il n’y a pas lieu de distinguer,

comme l’ont fait respectivement l’Uruguay et l’Argentine pour les besoins
de leur cause, entre sa saisine sur la base de l’article 12 et sa saisine sur la
base de l’article 60 du statut de 1975. Certes, l’article 12 prévoit le recours
à la procédure prévue au chapitre XV au cas où les négociations n’abou-
tissent pas dans le délai de cent quatre-vingts jours, mais sa fonction

s’arrête là. L’article 60 prend ensuite le relais, en particulier son pre-
mier alinéa, qui permet à l’une ou l’autre Partie de soumettre à la Cour
tout différend concernant l’interprétation ou l’application du statut
qui ne pourrait être réglé par la négociation directe. Cette formu-
lation couvre aussi bien un différend portant sur l’application et

l’interprétation de l’article 12 que sur toute autre disposition du statut
de 1975.
138. La Cour note que le communiqué de presse du 31 mai 2005 est
l’expression d’un accord entre les deux Etats pour créer un cadre de négo-
ciation, le GTAN, afin d’étudier, analyser et échanger les informations

sur les effets que le fonctionnement des usines de pâte à papier que l’on
construisait dans la République orientale de l’Uruguay pouvait avoir sur
l’écosystème du fleuve partagé, «le groupe [devant] produire un premier
rapport dans un délai de 180 jours».
139. La Cour admet que le GTAN a été créé dans le but de permettre
aux négociations prévues, également pour une durée de cent quatre-

vingts jours, à l’article 12 du statut de 1975 d’avoir lieu. Ces négociations
entre les parties, pour parvenir à un accord, interviennent une fois que la
partie destinataire de la notification a adressé, conformément à l’ar-
ticle 11, une communication à l’autre partie, par l’intermédiaire de la
commission, précisant

«quels sont les aspects de l’ouvrage ou du programme d’opérations
qui peuvent causer un préjudice sensible à la navigation, au régime

55 du fleuve ou à la qualité de ses eaux, les raisons techniques qui per-
mettent d’arriver à cette conclusion et les modifications qu’elle sug-

gère d’apporter au projet ou au programme d’opérations».

La Cour est consciente de ce que la négociation prévue à l’article 12 du
statut de 1975 s’intègre dans l’ensemble de la procédure prévue aux arti-
cles 7 à 12, qui est articulée de telle manière que les parties, en relation

avec la CARU, soient en mesure, au terme du processus, de s’acquitter de
leur obligation de prévenir tout préjudice sensible transfrontière suscep-
tible d’être généré par des activités potentiellement nocives projetées par
l’une d’elles.
140. La Cour considère, en conséquence, que l’accord créant le GTAN,

s’il établit effectivement une instance de négociation à même de permettre
aux Parties de poursuivre le même objectif que celui prévu à l’article 12
du statut de 1975, ne peut être interprété comme exprimant l’accord des
Parties pour déroger à d’autres obligations de nature procédurale prévues
par le statut.
141. Dès lors, selon la Cour, l’Argentine, en acceptant la création du

GTAN, n’a pas renoncé, comme le prétend l’Uruguay, aux autres droits
de nature procédurale que lui reconnaît le statut de 1975, ni à invoquer la
responsabilité de l’Uruguay du fait de leur violation éventuelle. En effet,
l’Argentine n’a pas renoncé, dans l’accord créant le GTAN, aux droits
qu’elle tient du statut, «de manière claire et non équivoque» (Certaines

terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions prélimi-
naires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 247, par. 13). Elle n’a pas non plus
consenti à suspendre l’application des dispositions procédurales du sta-
tut. En effet, selon l’article 57 de la convention de Vienne du 23 mai 1969
sur le droit des traités, relatif à la «suspension de l’application d’un

traité», y compris, selon le commentaire de la Commission du droit inter-
national, «la suspension de l’application de certaines de ses dispositions»
(Annuaire de la Commission du droit international , 1966, vol. II, p. 274),
la suspension n’est possible que «conformément à une disposition du
traité» ou «par consentement des parties».

142. La Cour observe, d’autre part, que l’accord créant le GTAN, en
se référant aux «usines de pâte à papier que l’on construit dans la Répu-
blique orientale de l’Uruguay», constate un simple fait et ne peut être
interprété, ainsi que le prétend l’Uruguay, comme une acceptation de
cette construction par l’Argentine.
143. La Cour considère que l’Uruguay n’avait le droit, pendant toute

la période de consultation et de négociation prévue aux articles 7 à 12 du
statut de 1975, ni d’autoriser la construction ni de construire les usines
projetées et le terminal portuaire. En effet, il serait contraire à l’objet et
au but du statut de 1975 de procéder aux activités litigieuses avant
d’avoir appliqué les procédures prévues par les «mécanismes communs

nécessaires à l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve» (article pre-
mier). L’article 9 prévoit cependant que, «[s]i la partie notifiée ne formule
pas d’objections ou ne répond pas dans le délai prévu à l’article 8

56[cent quatre-vingts jours], l’autre partie peut construire ou autoriser la
construction de l’ouvrage projeté».

144. Il en découle, selon la Cour, que, tant que se déroule le méca-
nisme de coopération entre les parties pour prévenir un préjudice sensible
au détriment de l’une d’elles, l’Etat d’origine de l’activité projetée est tenu
de ne pas autoriser sa construction et a fortiori de ne pas y procéder.

145. La Cour relève, en outre, que le statut de 1975 s’inscrit parfaite-
ment dans le cadre des exigences du droit international en la matière, dès
lors que le mécanisme de coopération entre Etats est régi par le principe
de la bonne foi. En effet, selon le droit international coutumier, reflété à
l’article 26 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités,

«[t]out traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de
bonne foi». Cela s’applique à toutes les obligations établies par un traité,
y compris les obligations de nature procédurale, essentielles à la coopé-
ration entre Etats. La Cour a rappelé, dans les affaires des Essais
nucléaires (Australie c. France) (Nouvelle-Zélande c. France), ce qui suit:

«L’un des principes de base qui président à la création et à l’exé-
cution d’obligations juridiques, quelle qu’en soit la source, est celui
de la bonne foi. La confiance réciproque est une condition inhérente

de la coopération internationale...» (Arrêts, C.I.J. Recueil 1974 ,
p. 268, par. 46, et p. 473, par. 49; voir également Actions armées
frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compé-
tence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988 , p. 105, par. 94.)

146. La Cour a par ailleurs eu l’occasion de mettre l’accent sur les
caractéristiques de l’obligation de négocier et sur le comportement qu’elle
prescrit aux Etats concernés: «les parties ont l’obligation de se comporter

de telle manière que la négociation ait un sens» (Plateau continental de la
mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark; République
fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969 ,.p ,4
par. 85).
147. Le mécanisme de coopération prévu par les articles 7 à 12 du sta-

tut de 1975 n’aurait pas de sens, de l’avis de la Cour, si la partie d’origine
de l’activité projetée autorisait celle-ci ou la mettait en Œuvre sans atten-
dre que ce mécanisme soit mené à son terme. En effet, si tel était le cas,
les négociations entre les parties n’auraient plus d’objet.

148. A cet égard, les travaux préliminaires des usines de pâte à papier

sur des sites approuvés uniquement par l’Uruguay ne font pas exception,
contrairement à ce que prétend cet Etat. Ces travaux font en effet partie
intégrante de la construction des usines projetées (voir paragraphes 39
et 42 ci-dessus).
149. La Cour conclut de ce qui précède que l’accord créant le GTAN

n’a pas permis à l’Uruguay de déroger à ses obligations d’informer et de
notifier, conformément à l’article 7 du statut de 1975, et que, en auto-
risant la construction des usines ainsi que du terminal portuaire de

57Fray Bentos avant la fin de la période de négociation, l’Uruguay n’a pas
respecté l’obligation de négocier prévue à l’article 12 du statut. Il en

résulte que l’Uruguay a méconnu l’ensemble du mécanisme de coopéra-
tion prévu par les articles 7 à 12 du statut de 1975.
150. Etant donné que «l’engagement de négocier n’implique pas celui
de s’entendre» (Trafic ferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne, avis
consultatif, 1931, C.P.J.I. série A/B n o 42, p. 116), il reste à la Cour à

examiner si l’Etat d’origine du projet est tenu à certaines obligations
après l’expiration de la période de négociation prévue à l’article 12.

D. Les obligations de l’Uruguay après l’expiration
de la période de négociation

151. L’article 12 renvoie les Parties, dans l’hypothèse où elles n’abou-
tissent pas à un accord dans un délai de cent quatre-vingts jours, à

l’application de la procédure indiquée au chapitre XV.
Le chapitre XV comporte un article unique, l’article 60, selon lequel:

«Tout différend concernant l’interprétation ou l’application du
traité et du statut qui ne pourrait être réglé par négociation directe
peut être soumis par l’une ou l’autre des parties à la Cour interna-
tionale de Justice.
Dans les cas visés aux articles 58 et 59, l’une ou l’autre des parties

peut soumettre tout différend sur l’interprétation ou l’application du
traité et du statut à la Cour internationale de Justice lorsque ledit
différend n’a pas pu être réglé dans un délai de 180 jours à compter
de la notification prévue à l’article 59.»

152. Le statut de 1975, selon l’Uruguay, ne reconnaît pas à l’une des
parties un «droit de veto» sur les projets initiés par l’autre. L’Uruguay
estime qu’il n’existe aucune «obligation de non-construction» qui pèse-

rait sur l’Etat d’origine des projets jusqu’à ce que la Cour, une fois saisie,
se soit prononcée. L’existence d’une telle obligation, souligne l’Uruguay,
permettrait à une partie de bloquer un projet vital pour le développement
durable de l’autre partie, ce qui serait incompatible avec «l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve». Au contraire, pour l’Uruguay,

en l’absence de disposition particulière dans le statut, il convient
d’en revenir au droit international général, que refléterait le projet
d’articles de la Commission du droit international de 2001 sur la
prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dange-
reuses (Annuaire de la Commission du droit international , 2001, vol. II,

deuxième partie), en particulier l’alinéa 3 de l’article 9 de ce projet,
relatif aux «consultations sur les mesures préventives», selon lequel
«si les consultations ... ne permettent pas d’aboutir à une solution
concertée, l’Etat d’origine tient néanmoins compte des intérêts de

l’Etat susceptible d’être affecté s’il décide d’autoriser la poursuite de
l’activité...».

58 153. L’Argentine, au contraire, soutient que l’article 12 du statut de
1975 fait de la Cour le décideur final lorsque les parties n’aboutissent pas

à un accord dans le délai de cent quatre-vingts jours à compter de la com-
munication visée à l’article 11. Il résulterait de l’article 9 du statut, inter-
prété à la lumière des articles 11 et 12, et compte tenu de son objet et de
son but, que, si la partie à laquelle la notification est adressée formule une
objection, l’autre partie ne pourrait ni construire l’ouvrage en question ni

autoriser sa construction, aussi longtemps que la procédure prévue aux
articles 7 à 12 n’aurait pas été achevée et que la Cour ne se serait pas
prononcée sur le projet. L’Argentine considère ainsi que, pendant la pro-
cédure de règlement du différend devant la Cour, l’Etat qui projette de
construire l’ouvrage ne peut mettre l’autre Partie devant le fait accompli

de sa construction.
En ce qui concerne la question du «veto», elle serait, selon l’Argentine,
mal posée par l’Uruguay, car ni l’une ni l’autre des parties ne pourrait
imposer sa position sur la construction et il reviendrait en définitive à la
Cour de trancher, en cas de désaccord, par une décision revêtue de l’auto-
rité de la chose jugée. En quelque sorte, l’Uruguay n’aurait d’autre choix,

selon l’Argentine, que de parvenir à un accord avec elle ou d’attendre le
règlement du différend. En poursuivant la construction et la mise en ser-
vice de l’usine et du port d’Orion (Botnia), l’Uruguay commet, selon
l’Argentine, une violation continue des obligations de nature procédurale
résultant du chapitre II du statut de 1975.

154. La Cour observe que la prétendue «obligation de non-construc-
tion», qui pèserait sur l’Uruguay entre la fin de la période de négociation
et la décision de la Cour, ne figure pas expressément dans le statut de
1975 et ne découle pas davantage de ses dispositions. L’article 9 ne pré-
voit une telle obligation que pendant la mise en Œuvre de la procédure

prévue aux articles 7 à 12 du statut.
En outre, le statut ne prévoit pas que, en cas de désaccord persistant
entre les parties sur l’activité projetée au terme de la période de négocia-
tion, il reviendrait à la Cour, saisie par l’Etat concerné, comme le prétend
l’Argentine, d’autoriser ou non l’activité en question. La Cour souligne

que, si le statut de 1975 lui confère compétence pour le règlement de tout
différend relatif à son application et à son interprétation, il ne l’investit
pas pour autant de la fonction d’autoriser ou non en dernier ressort
les activités projetées. Par conséquent, l’Etat d’origine du projet peut, à la
fin de la période de négociation, procéder à la construction à ses
propres risques.

La Cour ne peut retenir l’interprétation de l’article 9 selon laquelle
toute construction serait interdite jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée en
vertu des articles 12 et 60.
155. L’article 12 ne met pas à la charge des parties une obligation de
saisir la Cour mais leur donne plutôt la possibilité de le faire, après l’expi-

ration de la période de négociation. Ainsi, l’article 12 n’est pas suscep-
tible de modifier les droits et obligations de la partie intéressée, tant que
la Cour n’a pas statué définitivement à leur sujet. Selon la Cour, parmi ces

59droits figure celui de mettre en Œuvre le projet, sous la seule responsabi-
lité de cette partie, dans la mesure où la période de négociation a expiré.

156. La Cour avait considéré, dans son ordonnance du 13 juillet 2006,
que «la construction des usines sur le site actuel ne p[ouvait] être réputée
constituer un fait accompli» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uru-
guay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du
13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 78). Ainsi, en statuant au

fond sur le différend qui oppose les deux Parties, la Cour est l’ultime
garant du respect par celles-ci du statut de 1975.
157. La Cour conclut de ce qui précède qu’aucune «obligation de non-
construction» ne pesait sur l’Uruguay après que la période de négocia-

tion prévue par l’article 12 a expiré, soit le 3 février 2006, les Parties ayant
constaté à cette date l’échec des négociations entreprises dans le cadre du
GTAN (voir paragraphe 40). En conséquence, le comportement illicite de
l’Uruguay (constaté au paragraphe 149 ci-dessus) ne pouvait s’étendre
au-delà de cette date.

158. La Cour ayant établi que l’Uruguay a violé ses obligations de
nature procédurale d’informer, de notifier et de négocier dans la mesure
et pour les raisons exposées ci-dessus, elle se penchera à présent sur la
question du respect par cet Etat des obligations de fond prescrites par le
statut de 1975.

**

IV. L ES OBLIGATIONS DE FOND

159. Avant d’examiner les violations alléguées des obligations de
fond découlant du statut de 1975, la Cour traitera de deux questions
préliminaires, à savoir la charge de la preuve et la preuve par
expertise.

A. La charge de la preuve et la preuve par expertise

160. L’Argentine soutient que l’approche de précaution adoptée dans
le statut de 1975 a pour effet de «transfér[er] la charge de la preuve à

l’Uruguay, [de telle sorte que ce serait à lui de démontrer] que l’usine de
pâte à papier Orion (Botnia) ne cause pas de dommages significatifs à
l’environnement». Elle affirme également que la charge de la preuve
ne devrait pas peser sur elle seule, en tant qu’Etat demandeur, car, selon
elle, le statut de 1975 impose aux deux Parties une obligation égale de

convaincre — l’une, de l’innocuité du projet, l’autre, de sa nocivité.
161. L’Uruguay estime au contraire que, conformément à la jurispru-
dence bien établie de la Cour, c’est à l’Argentine, Etat demandeur,
qu’incombe la charge de la preuve, mais que, quand bien même la posi-

tion argentine relative au transfert de la charge de la preuve serait fondée
en droit, cela ne changerait rien, étant donné la faiblesse manifeste de

60l’argumentation de l’Argentine sur le fond et le nombre d’éléments de
preuve émanant de sources indépendantes que l’Uruguay a soumis à la

Cour. Il conteste également avec force l’argument de l’Argentine selon
lequel l’approche de précaution adoptée dans le statut de 1975 aurait
pour effet de transférer la charge de la preuve, invoquant l’absence de
toute disposition conventionnelle expresse en ce sens, et rejette de même
l’idée avancée par l’Argentine selon laquelle le statut ferait peser la

charge de la preuve à égalité sur les deux Parties.
162. Tout d’abord, la Cour considère que, selon le principe bien établi
onus probandi incumbit actori , c’est à la partie qui avance certains faits
d’en démontrer l’existence. Ce principe, confirmé par la Cour à maintes
reprises (Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine),

arrêt, C.I.J. Recueil 2009 , p. 86, par. 68; Souveraineté sur Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour),
arrêt, C.I.J. Recueil 2008 , p. 31, par. 45; Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I) ,
p. 128, par. 204; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua

et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compé-
tence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 437, par. 101),
s’applique aux faits avancés aussi bien par le demandeur que par le
défendeur.

163. Le demandeur doit naturellement commencer par soumettre les
éléments de preuve pertinents pour étayer sa thèse. Cela ne signifie pas
pour autant que le défendeur ne devrait pas coopérer en produisant tout
élément de preuve en sa possession susceptible d’aider la Cour à régler le
différend dont elle est saisie.

164. Quant aux arguments avancés par l’Argentine concernant le ren-
versement de la charge de la preuve et l’existence, à l’égard de chaque
Partie, d’une obligation égale de convaincre au titre du statut de 1975, la
Cour considère qu’une approche de précaution, si elle peut se révéler per-
tinente pour interpréter et appliquer les dispositions du statut, n’a toute-

fois pas pour effet d’opérer un renversement de la charge de la preuve;
elle considère également que rien dans le statut de 1975 lui-même ne per-
met de conclure que celui-ci ferait peser la charge de la preuve de façon
égale sur les deux Parties.

*

165. La Cour examinera à présent la question de la preuve par exper-
tise. L’Argentine et l’Uruguay ont tous deux soumis à la Cour une grande
quantité d’informations factuelles et scientifiques à l’appui de leurs pré-
tentions respectives. Ils ont également produit des rapports et des études

établis par les experts et les consultants qu’ils ont engagés, ainsi que par
ceux engagés par la Société financière internationale en sa qualité de
bailleur de fonds du projet. Certains de ces experts se sont également pré-

61sentés devant la Cour comme conseils de l’une ou l’autre Partie pour
fournir des éléments de preuve.

166. Les Parties sont néanmoins divisées sur l’autorité et la fiabilité des
études et rapports versés au dossier, qui ont été établis par leurs experts et
consultants respectifs, d’une part, et par ceux de la SFI, d’autre part, et
qui contiennent bien souvent des affirmations et des conclusions contra-
dictoires. Répondant à une question posée par un juge, l’Argentine a

affirmé que le poids à leur accorder devait être déterminé en fonction non
seulement de l’«indépendance» de l’auteur, qui devait n’avoir aucun inté-
rêt personnel à ce que l’affaire fût tranchée dans un sens ou un autre et ne
devait pas être fonctionnaire du gouvernement, mais aussi des caractéris-
tiques du document lui-même, en particulier du soin avec lequel l’analyse

avait été réalisée, de son exhaustivité, de l’exactitude des données utili-
sées, et de la clarté et de la cohérence des conclusions tirées de celles-ci.
Dans sa réponse à la même question, l’Uruguay a soutenu que les rap-
ports élaborés par des experts engagés aux fins de l’instance et versés au
dossier ne devaient pas être considérés comme établis de façon indépen-
dante et devaient être traités avec circonspection, contrairement aux

déclarations et analyses d’experts publiées par une organisation inter-
nationale compétente telle la SFI ou celles publiées par les consultants
engagés par ladite organisation, qui, elles, devaient être considérées
comme émanant d’une source indépendante et se voir accorder un
«poids spécial».

167. La Cour a prêté la plus grande attention aux éléments qui lui ont
été soumis par les Parties, ainsi qu’il ressortira de son examen des élé-
ments de preuve ci-après relatifs aux violations alléguées des obligations
de fond. S’agissant des experts qui sont intervenus à l’audience en qualité
de conseils, la Cour aurait trouvé plus utile que les Parties, au lieu de les

inclure à ce titre dans leurs délégations respectives, les présentent en tant
que témoins-experts en vertu des articles 57 et 64 du Règlement de la
Cour. Elle considère en effet que les personnes déposant devant elle sur la
base de leurs connaissances scientifiques ou techniques et de leur expé-
rience personnelle devraient le faire en qualité d’experts ou de témoins,

voire, dans certains cas, à ces deux titres à la fois, mais non comme
conseils, afin de pouvoir répondre aux questions de la partie adverse ainsi
qu’à celles de la Cour elle-même.
168. Quant à l’indépendance de ces experts, la Cour n’estime pas
nécessaire, pour statuer en l’espèce, de s’engager dans un débat général
sur la valeur, la fiabilité et l’autorité relatives des documents et études éla-

borés par les experts et les consultants des Parties. Elle doit seulement
garder à l’esprit que, si volumineuses et complexes que soient les
informations factuelles qui lui ont été soumises, il lui incombe, au
terme d’un examen attentif de l’ensemble des éléments soumis par
les Parties, de déterminer quels faits sont à prendre en considération,

d’en apprécier la force probante et d’en tirer les conclusions
appropriées. Ainsi, fidèle à sa pratique, la Cour se prononcera sur les
faits, en se fondant sur les éléments de preuve qui lui ont été pré-

62sentés, puis appliquera les règles pertinentes du droit international
à ceux qu’elle aura jugés avérés.

B. Les violations alléguées des obligations de fond

169. La Cour examinera maintenant les violations alléguées des obli-
gations de fond découlant du statut de 1975 commises par l’Uruguay en

autorisant la construction et la mise en service de l’usine Orion (Botnia).
En particulier, l’Argentine affirme que l’Uruguay a violé les obligations
que lui imposent les articles premier, 27, 35, 36 et 41, alinéa a), du statut
de 1975 ainsi que d’«autres obligations découlant du droit international
général, conventionnel et coutumier, ... nécessaires à l’application [de ce]

statut...». L’Uruguay rejette ces allégations. Il considère par ailleurs que
l’article 27 du statut de 1975 autorise les parties à utiliser les eaux du
fleuve à des fins ménagères, sanitaires, industrielles et agricoles.

1. L’obligation de contribuer à l’utilisation rationnelle et optimale du
fleuve (article premier)

170. Selon l’Argentine, l’Uruguay a violé son obligation de contribuer
à l’«utilisation rationnelle et optimale du fleuve» en manquant de la
consulter sur les actions propres à éviter une modification de l’équilibre
écologique, et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher une pol-

lution. L’Argentine fait également valoir que, pour interpréter le statut
de 1975 (en particulier ses articles 27, 35 et 36) selon le principe de l’uti-
lisation équitable et raisonnable, il faut tenir compte de toutes les utilisa-
tions préalables et légitimes du fleuve, y compris son utilisation à des fins
récréatives et touristiques.

171. Pour l’Uruguay, l’objet et le but du statut de 1975 sont d’organi-
ser la coopération entre les Parties par l’intermédiaire de la CARU au
service de leur objectif commun, celui d’assurer une utilisation équitable
et durable des eaux et des ressources biologiques du fleuve. L’Uruguay
estime, d’une part, n’avoir contrevenu en rien au principe de l’utilisation

équitable et raisonnable du fleuve et, d’autre part, que ce principe ne peut
être invoqué pour privilégier des utilisations préalables du fleuve, liées
par exemple au tourisme ou à la pêche, par rapport à de nouvelles utili-
sations.
172. Les Parties sont également en désaccord sur la portée et les impli-
cations de l’article 27 du statut de 1975 concernant le droit de chacune

d’elles d’utiliser les eaux du fleuve, à l’intérieur de sa juridiction, à des fins
ménagères, sanitaires, industrielles et agricoles.
173. La Cour fait observer que, comme l’indique le titre de son cha-
pitre I, le statut de 1975 expose, en son article premier, le but de cet ins-
trument. En tant que tel, l’article premier éclaire l’interprétation des obli-

gations de fond mais ne confère pas, en lui-même, de droits ou d’obliga-
tions spécifiques aux parties. Celles-ci sont tenues de garantir l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay en se conformant aux obliga-

63tions prescrites par le statut aux fins de la protection de l’environnement
et de la gestion conjointe de cette ressource partagée. Cet objectif doit

aussi être poursuivi par le biais de la CARU, qui constitue le «mécanisme
commun» nécessaire à sa réalisation, ainsi que par le biais des règles
adoptées par cette commission et des normes et mesures adoptées par les
Parties.
174. La Cour rappellera que les Parties ont conclu le traité contenant

le statut de 1975 en application de l’article 7 du traité de 1961, qui leur
faisait obligation d’établir conjointement un code de l’utilisation du
fleuve comprenant, entre autres, des dispositions visant à prévenir la pol-
lution et à protéger et préserver le milieu aquatique. Ainsi, l’utilisation
rationnelle et optimale des eaux du fleuve peut être considérée comme la

pierre angulaire du système de coopération institué par le statut de 1975
et du mécanisme commun destiné à assurer cette coopération.
175. La Cour considère que, pour parvenir à une utilisation ration-
nelle et optimale, un équilibre doit être trouvé entre, d’une part, les droits
et les besoins des Parties concernant l’utilisation du fleuve à des fins éco-
nomiques et commerciales et, d’autre part, l’obligation de protéger celui-ci

de tout dommage à l’environnement susceptible d’être causé par de telles
activités. Cette nécessité d’assurer un tel équilibre ressort de plusieurs dis-
positions du statut de 1975 établissant les droits et obligations des Parties,
telles que les articles 27, 36 et 41. La Cour appréciera donc le compor-
tement de l’Uruguay en ce qui concerne l’autorisation de la construction

et de la mise en service de l’usine Orion (Botnia) à la lumière de ces dis-
positions du statut, et des droits et obligations énoncés dans celles-ci.
176. La Cour a déjà examiné aux paragraphes 84 à 93 ci-dessus le rôle
de la CARU par rapport aux obligations de nature procédurale établies
dans le statut de 1975. En plus de son rôle à cet égard, les fonctions de la

CARU concernent presque tous les aspects de la mise en Œuvre des dis-
positions de fond du statut de 1975. Les fonctions de réglementation de la
commission dans le domaine de la conservation et de la préservation des
ressources biologiques, de la prévention et de la surveillance de la pollu-
tion, ainsi que celles qui concernent la coordination des mesures prises

par les Parties, revêtent une importance particulière dans la présente
affaire. La Cour les examinera au stade de son analyse des positions des
Parties sur l’interprétation et l’application des articles 36 et 41 du statut
de 1975.
177. Quant à l’article 27, la Cour considère que son libellé reflète non
seulement la nécessité de concilier les intérêts variés des Etats riverains

dans un contexte transfrontière et, en particulier, dans l’utilisation d’une
ressource naturelle partagée, mais aussi celle de trouver un équilibre entre
l’utilisation et la protection des eaux du fleuve qui soit conforme à
l’objectif de développement durable. La Cour a déjà examiné les obliga-
tions découlant des articles 7 à 12 du statut de 1975 qui, selon l’article 27,

doivent être respectées par toute partie souhaitant exercer son droit d’uti-
liser les eaux du fleuve pour l’une quelconque des fins y énoncées dès lors
que le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux risque de pâtir de cette

64utilisation. La Cour tient à ajouter que l’utilisation en question ne pour-
rait être jugée équitable et raisonnable s’il n’était pas tenu compte des

intérêts de l’autre Etat riverain à l’égard de la ressource partagée et de la
protection environnementale de cette dernière. Aussi la Cour est-elle
d’avis que l’article 27 traduit ce lien étroit entre l’utilisation équitable et
raisonnable d’une ressource partagée et la nécessité de concilier le déve-
loppement économique et la protection de l’environnement qui est au

cŒur du développement durable.

2. L’obligation de veiller à ce que la gestion du sol et des forêts ne cause
pas un préjudice au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux

(article 35)

178. A l’article 35 du statut de 1975, les parties:
«s’obligent à adopter les mesures nécessaires pour que la gestion du

sol et des forêts, l’utilisation des eaux souterraines et celle des
affluents du fleuve n’entraînent pas de modification causant un
préjudice sensible au régime de ce dernier ou à la qualité de ses
eaux».

179. L’Argentine soutient que la décision de l’Uruguay de procéder à
d’importantes plantations d’eucalyptus afin de fournir de la matière pre-
mière à l’usine Orion (Botnia) a des incidences non seulement sur la ges-

tion des sols et des forêts uruguayennes, mais aussi sur la qualité des eaux
du fleuve. Pour sa part, l’Uruguay affirme que l’Argentine n’expose
aucun argument fondé sur la manière dont il gère ses sols et ses forêts
— et qu’elle «n’a pas non plus formulé d’allégations relatives aux eaux
des affluents».

180. La Cour fait observer que l’Argentine n’a apporté aucune preuve
à l’appui de ce qu’elle avance. En outre, l’article 35 concerne la gestion
des sols et des forêts ainsi que l’utilisation des eaux souterraines et des
affluents, et rien dans les éléments de preuve produits par l’Argentine ne
permet de relier directement la façon dont l’Uruguay gère ses sols et ses

forêts, ou utilise les eaux souterraines et les affluents, aux modifications
alléguées de la qualité des eaux du fleuve Uruguay que l’Argentine attri-
bue à l’usine de pâte à papier Orion (Botnia). De fait, si elle a développé
une longue argumentation quant aux effets des rejets de l’usine de pâte à
papier sur la qualité des eaux du fleuve, l’Argentine a en revanche été net-
tement moins diserte quant à l’effet délétère qu’auraient eu sur la qualité

de ces eaux les opérations de plantation d’eucalyptus effectuées par
l’Uruguay. La Cour en conclut que l’Argentine n’a pas établi le bien-
fondé de ses allégations sur ce point.

3. L’obligation de coordonner les mesures propres à éviter une modifi-
cation de l’équilibre écologique (article 36)

181. L’Argentine soutient que l’Uruguay a violé l’article 36 du statut

65de 1975, qui fait obligation aux Parties de coordonner, par l’intermé-
diaire de la CARU, les mesures propres à éviter une modification de

l’équilibre écologique du fleuve. Elle indique que les rejets de l’usine
Orion (Botnia) ont modifié cet équilibre, et cite à titre d’exemples la pro-
lifération d’algues du 4 février 2009, qui constitue selon elle une preuve
flagrante d’une telle modification, et les rejets de toxines qui seraient à
l’origine des malformations observées chez les rotifères dont des photo-

graphies ont été présentées à la Cour.
182. L’Uruguay considère que toute appréciation du comportement
des Parties en ce qui concerne l’article 36 du statut de 1975 doit tenir
compte des règles adoptées par la CARU, car cet article, qui crée une
obligation de coopération, fait référence à ces règles et n’interdit pas en

soi tel ou tel comportement. L’Uruguay estime que l’usine satisfait plei-
nement aux exigences de la CARU concernant l’équilibre écologique du
fleuve, et conclut qu’il n’a pas agi de manière contraire à l’article 36 du
statut de 1975.
183. Il est rappelé que, aux termes de l’article 36, «[l]es parties coor-
donnent, par l’intermédiaire de la commission, les mesures propres à évi-

ter une modification de l’équilibre écologique et à contenir les fléaux et
autres facteurs nocifs sur le fleuve et dans ses zones d’influence».
184. La Cour est d’avis que les Parties ne sauraient satisfaire à cette
obligation isolément, par des actes individuels. Le respect de cette obliga-
tion exige une action concertée, par l’intermédiaire de la commission.

Cette obligation est l’expression de la recherche par le statut de 1975 de
l’intérêt collectif, et reflète l’un des objectifs ayant présidé à la mise en
place de mécanismes communs, à savoir celui d’assurer une coordination
entre les initiatives et mesures prises par les Parties aux fins de la gestion
durable et de la protection environnementale du fleuve. Les Parties ont

effectivement coordonné leur action en promulguant, dans le cadre de la
commission, des normes qui figurent aux points E3 et E4 du digeste de la
CARU. L’un des objectifs énoncés au point E3 consiste à «[p]rotéger et
préserver le milieu aquatique et son équilibre écologique». De même, il
est indiqué au point E4 que celui-ci a été élaboré «suivant ce qui

[était] ... établi dans le[s] ... [a]rticles 36, 37, 38 et 39».
185. Selon la Cour, l’article 36 du statut de 1975 vise à empêcher toute
pollution transfrontière susceptible de modifier l’équilibre écologique du
fleuve, en coordonnant l’adoption des mesures nécessaires à cette fin, par
l’intermédiaire de la CARU. Il oblige donc les deux Etats à prendre des
mesures concrètes pour éviter toute modification de l’équilibre écolo-

gique. Ces mesures ne se limitent pas à l’adoption d’un cadre réglemen-
taire — ce qu’ont fait les Parties par l’intermédiaire de la CARU; les
deux Parties sont également tenues de respecter et de mettre en Œuvre les
mesures ainsi adoptées. Comme la Cour l’a souligné dans l’affaire relative
au Projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros :

«dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et
la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible

66 des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes
au mécanisme même de réparation de ce type de dommages»

(Projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J.
Recueil 1997, p. 78, par. 140).

186. Les Parties divergent encore quant à la nature de l’obligation
énoncée à l’article 36; elles s’opposent en particulier sur la question de
savoir s’il s’agit d’une obligation de comportement ou de résultat.
L’Argentine soutient que, suivant leur sens ordinaire, les articles 36 et 41
du statut de 1975 établissent l’un et l’autre une obligation de résultat.

187. La Cour considère que l’obligation formulée à l’article 36 incombe
aux deux Parties et leur impose d’adopter un comportement spécifique
consistant à prendre les mesures nécessaires de façon coordonnée, par
l’intermédiaire de la commission, pour éviter toute modification de l’équi-
libre écologique. L’obligation d’adopter des mesures réglementaires ou

administratives, que ce soit de manière individuelle ou conjointe, et de les
mettre en Œuvre constitue une obligation de comportement. Les deux
Parties doivent donc, en application de l’article 36, faire preuve de la dili-
gence requise («due diligence») en agissant dans le cadre de la commis-
sion pour prendre les mesures nécessaires à la préservation de l’équilibre

écologique du fleuve.
188. Cette vigilance et cette prévention sont particulièrement impor-
tantes lorsqu’il s’agit de préserver l’équilibre écologique puisque les effets
négatifs des activités humaines sur les eaux du fleuve risquent de toucher
d’autres composantes de l’écosystème du cours d’eau, telles que sa flore,

sa faune et son lit. L’obligation de coordonner, par l’intermédiaire de la
commission, l’adoption des mesures nécessaires, ainsi que la mise en
application et le respect de ces mesures, jouent dans ce contexte un rôle
central dans le système global de protection du fleuve Uruguay établi par
le statut de 1975. Il est dès lors d’une importance cruciale que les Parties
respectent cette obligation.

189. La Cour conclut des développements qui précèdent que l’Argen-
tine n’a pas démontré de manière convaincante que l’Uruguay a refusé de
prendre part aux efforts de coordination prévus par l’article 36, en viola-
tion de celui-ci.

4. L’obligation d’empêcher la pollution et de préserver le milieu aqua-
tique (article 41)

190. L’article 41 est ainsi libellé:

«Sans préjudice des fonctions assignées à la commission en la
matière, les parties s’obligent:
a) à protéger et à préserver le milieu aquatique et, en particulier, à

en empêcher la pollution en établissant des normes et en adop-
tant les mesures appropriées, conformément aux accords inter-
nationaux applicables et, le cas échéant, en harmonie avec les

67 directives et les recommandations des organismes techniques
internationaux;

b) à ne pas abaisser, dans leurs systèmes juridiques respectifs:
1) les normes techniques en vigueur pour prévenir la pollution
des eaux, et

2) les pénalités établies pour les infractions;
c) à s’informer mutuellement des normes qu’elles se proposent
d’établir en matière de pollution des eaux, en vue d’établir des
normes équivalentes dans leurs systèmes juridiques respectifs.»

191. Selon l’Argentine, en autorisant le rejet de nutriments supplémen-
taires dans un fleuve qui connaît des phénomènes d’eutrophisation,

d’inversion de courant et de stagnation, l’Uruguay a violé l’obligation qui
lui incombe d’empêcher la pollution, faute d’avoir prescrit des mesures
appropriées en ce qui concerne l’usine Orion (Botnia) et respecté les
accords internationaux en matière d’environnement applicables, notam-
ment la convention sur la diversité biologique et la convention de Ram-

sar. Elle soutient que le statut de 1975 interdit toute pollution portant
atteinte à la protection et à la préservation du milieu aquatique ou modi-
fiant l’équilibre écologique du fleuve. L’Argentine affirme en outre que
l’obligation d’empêcher la pollution du fleuve est une obligation de résul-
tat et qu’elle ne porte pas seulement sur la protection du milieu aquatique
proprement dit, mais s’étend également à toute utilisation raisonnable et

légitime du fleuve, y compris au tourisme et aux autres usages récréatifs.
192. L’Uruguay soutient que l’obligation d’«empêcher la pollution»
énoncée à l’alinéa a) de l’article 41 du statut de 1975 n’emporte pas
l’interdiction de tout déversement dans le fleuve. Seuls les rejets supé-
rieurs aux limites fixées conjointement par les Parties au sein de la

CARU, conformément à leurs obligations internationales, et qui ont
pour cette raison des effets préjudiciables, sont susceptibles d’être quali-
fiés de «pollution» au sens de l’article 40 du statut de 1975. De surcroît,
l’Uruguay estime que l’article 41 crée une obligation de comportement, et
non de résultat, mais que, de fait, cela importe peu puisqu’il s’est acquitté

de son devoir d’empêcher la pollution en exigeant de l’usine qu’elle
réponde aux normes relatives aux meilleures techniques disponibles.
193. Avant d’en venir à l’analyse de l’article 41, la Cour rappelle ce qui
suit:

«L’obligation générale qu’ont les Etats de veiller à ce que les acti-
vités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle
respectent l’environnement dans d’autres Etats ou dans des zones ne
relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du

corps de règles du droit international de l’environnement.» (Licéité
de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 242, par. 29.)

194. Dans le cadre de l’affaire relative au Projet Gabc ˇíkovo-
Nagymaros, la Cour a par ailleurs eu l’occasion de souligner que «les

68Parties devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets sur l’environ-
nement de l’exploitation de la centrale de Gabc ˇíkovo»P (rojet Gabcˇíkovo-

Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997 ,p .78
par. 140). C’est en gardant à l’esprit ces déclarations que la Cour
analysera maintenant l’article 41 du statut de 1975.
195. Compte tenu du rôle central de cette disposition dans le différend
qui oppose les Parties à la présente affaire, ainsi que des profondes diver-

gences entre celles-ci en ce qui concerne l’interprétation et l’application
de cette disposition, la Cour souhaiterait faire quelques observations
d’ordre général sur le contenu normatif de l’article 41 avant de se pencher
sur les arguments spécifiques des Parties. Premièrement, selon la Cour,
l’article 41 établit une distinction claire entre les fonctions réglementaires

confiées à la CARU en vertu du statut de 1975 — qui font l’objet de
l’article 56 — et l’obligation que ledit article impose aux Parties d’adop-
ter individuellement des normes et des mesures destinées à «protéger et à
préserver le milieu aquatique et, en particulier, à en empêcher la pollu-
tion». Ainsi, l’obligation que les Parties s’engagent à respecter en vertu
de l’article 41, qui est distincte de celles prévues aux articles 36 et 56 du

statut de 1975, consiste à adopter les normes et mesures appropriées au
sein de leurs systèmes juridiques nationaux respectifs afin de protéger et
de préserver le milieu aquatique et d’en empêcher la pollution. Cette
conclusion est confortée par le libellé des alinéas b) et c) de l’article 41,
qui mentionnent la nécessité pour les Parties de n’abaisser ni les normes

techniques ni les pénalités en vigueur dans leurs législations respectives
et de s’informer mutuellement des normes qu’elles se proposent d’édicter
en vue d’établir des normes équivalentes dans leurs systèmes juridiques
respectifs.
196. Deuxièmement, selon la Cour, une simple lecture du texte de

l’article 41 montre que ce sont les normes et mesures que les Parties sont
tenues d’établir dans leurs systèmes juridiques respectifs qui doivent être
«conform[es] aux accords internationaux applicables» et, «le cas échéant,
en harmonie avec les directives et les recommandations des organismes
techniques internationaux».

197. Troisièmement, l’obligation de «préserver le milieu aquatique et,
en particulier, [d’]en empêcher la pollution en établissant des normes et
en adoptant les mesures appropriées» impose d’exercer la diligence requise
(«due diligence») vis-à-vis de toutes les activités qui se déroulent sous la
juridiction et le contrôle de chacune des parties. Cette obligation impli-
que la nécessité non seulement d’adopter les normes et mesures appro-

priées, mais encore d’exercer un certain degré de vigilance dans leur mise
en Œuvre ainsi que dans le contrôle administratif des opérateurs publics
et privés, par exemple en assurant la surveillance des activités entreprises
par ces opérateurs, et ce, afin de préserver les droits de l’autre partie. Par
conséquent, la responsabilité d’une partie au statut de 1975 serait engagée

s’il était démontré qu’elle n’avait pas agi avec la diligence requise, faute
d’avoir pris toutes les mesures appropriées pour assurer l’application de
la réglementation pertinente à un opérateur public ou privé relevant de sa

69juridiction. L’obligation de diligence requise qu’impose l’alinéa a) de
l’article 41 en ce qui concerne l’adoption et la mise en Œuvre des normes

et mesures appropriées est encore renforcée par la double exigence que
ces normes et mesures soient «conform[es] aux accords internationaux
applicables» et, «le cas échéant, en harmonie avec les directives et les
recommandations des organismes techniques internationaux». Cette exi-
gence présente l’avantage de garantir que les normes et mesures adoptées

par les parties soient conformes aux accords internationaux applicables et
prennent en même temps en compte les normes techniques convenues au
niveau international.
198. Enfin, la portée de l’obligation d’empêcher la pollution doit être

déterminée à la lumière de la définition de la pollution donnée à l’ar-
ticle 40 du statut de 1975. Celui-ci se lit ainsi: «Aux fins du présent statut,
le terme «pollution» désigne l’introduction directe ou indirecte par
l’homme de substances ou d’énergie nocives dans le milieu aquatique», le
concept d’«effets nocifs» étant pour sa part défini comme suit dans le

digeste de la CARU:
«tout changement de la qualité des eaux qui empêche ou entrave

leur utilisation légitime, produisant des effets délétères ou portant
atteinte aux ressources vivantes, un risque à la santé humaine, une
menace aux activités aquatiques y compris la pêche, ou la réduction
des activités de récréation» (titre I, chapitre 1, section 2, article 1,
alinéa c), du digeste de la CARU (E3)).

199. Le digeste reflète la volonté des Parties et leur interprétation des
dispositions du statut de 1975. Tout comme de nombreuses autres dispo-

sitions du statut, l’article 41 énonce les obligations d’ordre général, dont
les Parties sont convenues, de réglementer et de limiter l’utilisation du
fleuve et de protéger son environnement; c’est par le biais de l’activité
réglementaire coordonnée de la CARU, telle que définie à l’article 56 du
statut, de l’activité réglementaire de chacune des parties, ou par ces deux

moyens, qu’un contenu plus précis est donné à ces obligations d’ordre
général. Les deux types d’activités réglementaires sont conçus pour être
complémentaires. Ainsi qu’expliqué plus bas (voir paragraphes 201 à 202,
et 214), les normes établies par la CARU concernent principalement la
qualité de l’eau. Le digeste de la CARU établit seulement des limites

générales pour certains rejets ou effluents provenant d’installations indus-
trielles, tels que les «hydrocarbures», les «solides sédimentables» et les
«huiles et graisses», mais prévoit explicitement que la réglementation de
ces questions est du ressort de chacune des parties. Il dispose également
que, en ce qui concerne les effluents relevant de leur juridiction, chacune

des parties doit prendre les «mesures correctives» nécessaires pour assu-
rer la conformité aux normes relatives à la qualité de l’eau (digeste de la
CARU, point E3: pollution, titre 2, chapitre 5, section 1, article 3). En
Uruguay, ces mesures ont pris la forme d’un règlement sur la qualité des
o
eaux (décret n 253/79) et, en ce qui concerne l’usine Orion (Botnia),
des conditions imposées dans le cadre de l’autorisation délivrée par le

70MVOTMA. En Argentine, la province d’Entre Ríos, qui jouxte le fleuve
sur la rive opposée au site de l’usine, a réglementé les rejets industriels par

des décrets qui reconnaissent également le caoactère contraignant du
digeste de la CARU (décret réglementaire n 5837, gouvernement d’Entre
Ríos (26 décembre 1991), et décret réglementaire n 5394, gouvernement
d’Entre Ríos (7 avril 1997)).
200. La Cour estime qu’il convient de traiter à ce stade de la question

des règles à l’aune desquelles doit s’apprécier toute allégation de violation
et, plus précisément, l’existence d’«effets nocifs». La Cour considère
qu’il convient de rechercher ces règles dans le statut de 1975, dans les
mesures communes que les Parties ont adoptées de manière coor-

donnée par l’intermédiaire de la CARU (comme le prévoit le texte
introductif des articles 41 et 56 du statut), et dans les dispositions
réglementaires adoptées par chacune des Parties dans la mesure exigée
par le statut de 1975 (comme le prévoient les alinéas a), b) et c) de
l’article 41).

201. En vertu de l’alinéa a) de l’article 56, la CARU a notamment
pour fonction d’établir le cadre réglementaire relatif à la prévention de la
pollution ainsi qu’à la conservation et à la préservation des ressources
biologiques. C’est dans l’exercice de ce pouvoir réglementaire que la com-
mission a adopté en 1984 le digeste sur les utilisations des eaux du fleuve

Uruguay, qu’elle a depuis modifié. En 1990, lorsqu’elles ont adopté
le point E3 du digeste, les Parties ont indiqué l’avoir élaboré au titre
de l’alinéa f) de l’article 7 du traité de 1961 ainsi que des articles 35,
36, 41 à 45 et 56, alinéa a), point 4), du statut de 1975. Ainsi que men-
tionné dans le digeste, les «objectifs de base» du point E3 sont les

suivants:
«a) protéger et préserver le milieu aquatique et son équilibre éco-

logique;
b) assurer toute utilisation légitime des eaux, en tenant compte des
besoins à long terme et particulièrement [de] ceux concernant la
consommation humaine;
c) prévenir toute nouvelle forme de pollution et essayer de la

réduire, lorsque les valeurs de référence adoptées pour les dif-
férentes utilisations légitimes des eaux du fleuve sont dépassées;
d) promouvoir la recherche scientifique en matière de pollution.»
(Titre I, chapitre 2, section 1, article 1.)

202. Les normes établies dans le cadre du digeste ne sont toutefois pas
exhaustives. Comme cela a été indiqué précédemment, il est prévu qu’elles
soient complétées par les normes et mesures devant être adoptées par

chacune des Parties dans le cadre de sa législation interne.
La Cour appliquera donc, outre le statut de 1975, ces deux ensembles
de règles pour déterminer si les Parties ont violé les obligations qu’elles
avaient contractées en ce qui concerne les rejets d’effluents de l’usine et

l’impact de ces rejets sur la qualité des eaux, l’équilibre écologique et la
diversité biologique du fleuve.

71 a) Evaluation de l’impact sur l’environnement

203. La Cour se penchera maintenant sur la relation entre la nécessité
de réaliser une évaluation de l’impact sur l’environnement, lorsque l’acti-
vité projetée risque d’avoir un effet préjudiciable sur une ressource par-
tagée et de causer un dommage transfrontière, et les obligations qui
incombent aux Parties en vertu des alinéas a) et b) de l’article 41 du sta-

tut de 1975. Les Parties conviennent de la nécessité de procéder à une
évaluation de l’impact sur l’environnement. L’Argentine soutient que,
prises dans leur globalité, les obligations prévues par le statut imposaient
l’obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement

avant d’autoriser Botnia à construire l’usine, ce dont convient l’Uruguay.
En revanche, les Parties sont en désaccord quant à la portée et au
contenu de l’évaluation de l’impact sur l’environnement à laquelle aurait
dû procéder l’Uruguay en ce qui concerne le projet d’usine Orion (Bot-
nia). L’Argentine soutient en premier lieu que l’Uruguay a manqué de

s’assurer que «des évaluations environnementales complètes [avaient été]
préparées préalablement à ses décisions d’autoriser la construction…» et,
en second lieu, que «[l]es décisions de l’Uruguay [ont été] ... basées sur
des évaluations environnementales qui [n’étaient] pas satisfaisantes»,
essentiellement parce que l’Uruguay n’a pas pris en compte l’ensemble

des impacts potentiels de l’usine, alors que le droit international et la pra-
tique internationale l’exigeaient; elle mentionne à cet égard la convention
de 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière de la Commission économique des Nations Unies pour
l’Europe (ci-après la «convention d’Espoo») (RTNU, vol. 1989, p. 309)

ainsi que les buts et principes de l’évaluation de l’impact sur l’environne-
ment adoptés en 1987 par le Programme des Nations Unies pour l’envi-
ronnement (ci-après les «buts et principes du PNUE») (UNEP/WG.152/4
Annexe (1987), document adopté par le conseil d’administration du
PNUE lors de sa 14 session (déc. 14/25 (1987)). L’Uruguay admet que,

conformément à la pratique internationale, une évaluation de l’impact
sur l’environnement de l’usine Orion (Botnia) était nécessaire, mais sou-
tient que le droit international n’impose aucune condition quant au
contenu d’une telle évaluation, sa réalisation relevant d’une procédure
nationale, et non internationale, du moins lorsque le projet concerné n’est

pas un projet commun à plusieurs Etats. L’Uruguay estime que, en vertu
de la pratique des Etats et du projet d’articles sur la prévention des dom-
mages transfrontières résultant d’activités dangereuses adopté en 2001
par la Commission du droit international, le droit international lui impose
uniquement d’évaluer les éventuels effets nocifs transfrontières du

projet sur les êtres humains, les biens et l’environnement des autres Etats,
sans qu’il soit nécessaire d’évaluer les risques lointains ou purement
théoriques.
204. La Cour considère que, pour s’acquitter comme il se doit des obli-

gations qu’elles tiennent des alinéas a) et b) de l’article 41 du statut
de 1975, les Parties sont tenues, aux fins de protéger et de préserver le

72milieu aquatique lorsqu’elles envisagent des activités pouvant éventuelle-
ment causer un dommage transfrontière, de procéder à une évaluation de

l’impact sur l’environnement. Comme la Cour l’a relevé dans l’affaire du
Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes ,

«il existe des cas où l’intention des parties au moment même de la
conclusion du traité a été, ou peut être présumée avoir été, de confé-
rer aux termes employés — ou à certains d’entre eux — un sens ou
un contenu évolutif et non pas intangible, pour tenir compte notam-
ment de l’évolution du droit international» (Différend relatif à des

droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicara-
gua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009 , p. 242, par. 64).

Ainsi, l’obligation de protéger et de préserver, énoncée à l’alinéa a) de
l’article 41 du statut, doit être interprétée conformément à une pratique
acceptée si largement par les Etats ces dernières années que l’on peut
désormais considérer qu’il existe, en droit international général, une obli-
gation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement lors-
que l’activité industrielle projetée risque d’avoir un impact préjudiciable

important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une res-
source partagée. De plus, on ne pourrait considérer qu’une partie s’est
acquittée de son obligation de diligence, et du devoir de vigilance et de
prévention que cette obligation implique, dès lors que, prévoyant de réa-
liser un ouvrage suffisamment important pour affecter le régime du fleuve

ou la qualité de ses eaux, elle n’aurait pas procédé à une évaluation de
l’impact sur l’environnement permettant d’apprécier les effets éventuels
de son projet.
205. La Cour note que ni le statut de 1975 ni le droit international
général ne précisent la portée et le contenu des évaluations de l’impact sur

l’environnement. Elle relève par ailleurs que l’Argentine et l’Uruguay ne
sont pas parties à la convention d’Espoo. Enfin, elle constate que l’autre
instrument cité par l’Argentine à l’appui de son argument, à savoir les
buts et principes du PNUE, ne lie pas les Parties, mais doit, en tant qu’il
s’agit de directives établies par un organisme technique international, être

pris en compte par chacune des Parties conformément à l’alinéa a) de
l’article 41 lorsqu’elle adopte des mesures dans le cadre de sa réglemen-
tation interne. En outre, cet instrument dispose seulement que «[l]es
effets sur l’environnement devraient être évalués, dans une [évaluation de
l’impact sur l’environnement], à un niveau de détail correspondant à leur
importance probable du point de vue de l’environnement» (principe 5),

mais ne spécifie aucunement les éléments qu’une telle évaluation doit à
tout le moins contenir. Dès lors, la Cour estime qu’il revient à chaque
Etat de déterminer, dans le cadre de sa législation nationale ou du pro-
cessus d’autorisation du projet, la teneur exacte de l’évaluation de l’impact
sur l’environnement requise dans chaque cas en prenant en compte la

nature et l’ampleur du projet en cause et son impact négatif probable sur
l’environnement, ainsi que la nécessité d’exercer, lorsqu’il procède à une
telle évaluation, toute la diligence requise. La Cour estime par ailleurs

73qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement doit être réalisée avant
la mise en Œuvre du projet. En outre, une fois les opérations commencées,

une surveillance continue des effets dudit projet sur l’environnement sera
mise en place, qui se poursuivra au besoin pendant toute la durée de vie
du projet.
206. La Cour a déjà examiné la place qu’occupe l’évaluation de l’impact
sur l’environnement dans le cadre des obligations de nature procédurale

imposées aux Parties par le statut de 1975 (paragraphes 119 et 120). Elle
se penchera à présent sur les points en litige concernant spécifiquement le
rôle de ce type d’évaluation dans le respect des obligations de fond des
Parties, c’est-à-dire sur les questions de savoir, d’une part, si cette évalua-
tion aurait, sur le plan méthodologique, nécessairement dû envisager

d’autres sites possibles, compte tenu de la capacité de réception du
fleuve dans la zone où l’usine devait être construite, et, d’autre part, si les
populations susceptibles d’être affectées, en l’occurrence les popula-
tions riveraines uruguayenne comme argentine, auraient dû être
consultées, ou l’ont en fait été, dans le cadre d’une évaluation de
l’impact sur l’environnement.

i) Le choix du site de Fray Bentos pour l’usine Orion (Botnia)

207. Selon l’Argentine, si l’évaluation de l’impact sur l’environnement
réalisée par l’Uruguay est insuffisante, c’est notamment parce qu’elle ne

prévoit pas d’autres emplacements possibles pour la construction de
l’usine, comme l’exige le droit international (buts et principes du PNUE,
convention d’Espoo, politique opérationnelle SFI 4.01). L’Argentine sou-
tient que le site choisi est particulièrement sensible d’un point de vue éco-
logique et qu’il n’est pas propice à la dispersion des polluants «eu égard

à la nature des eaux qui recevront la pollution, à la propension du site à
la sédimentation et à l’eutrophisation, au phénomène d’inversion de cou-
rant et à la proximité de l’agglomération la plus importante du fleuve
Uruguay».
208. L’Uruguay répond que le site de Fray Bentos a été initialement

retenu en raison du volume d’eau particulièrement important du fleuve à
cet endroit, qui constituerait un facteur propice à la dilution des effluents.
Il précise que le site est en outre aisément accessible par voie fluviale, ce
qui facilite la livraison des matières premières, et qu’une main-d’Œuvre
locale y est disponible. L’Uruguay considère que, s’il existe une obliga-
tion d’envisager d’autres sites, les instruments invoqués en ce sens par

l’Argentine ne font pas obligation de le faire dans le cadre d’une évalua-
tion de l’impact sur l’environnement, à moins que les circonstances ne
l’imposent. Enfin, l’Uruguay affirme qu’il a de toute façon étudié les
autres sites possibles et que l’opportunité du choix du site de l’usine
Orion (Botnia) a été évaluée de manière exhaustive.

209. La Cour examinera à présent la question de savoir si, d’une part,
l’Uruguay a manqué d’exercer la diligence requise dans le cadre de
son évaluation de l’impact sur l’environnement, en particulier en ce qui

74concerne le choix de l’emplacement de l’usine, et si, d’autre part, le site
retenu, en l’occurrence Fray Bentos, était impropre à la construction

d’une installation produisant des rejets industriels de cette nature et de
cette ampleur ou pouvait avoir un impact préjudiciable sur le fleuve.
210. S’agissant du premier point, la Cour a déjà indiqué que la conven-
tion d’Espoo n’était pas applicable en l’espèce (voir paragraphe 205 ci-
dessus); pour ce qui est des buts et principes du PNUE auxquels l’Argen-

tine fait référence, et dont le caractère juridique a été explicité plus haut
au paragraphe 205, la Cour rappelle que l’alinéa c) du principe 4 dispose
simplement qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement doit au
minimum contenir «[une] description des autres solutions possibles, le cas
échéant». Il convient par ailleurs de noter que l’Uruguay a précisé à plu-

sieurs reprises que l’opportunité du choix de Fray Bentos avait été éva-
luée de manière exhaustive et que d’autres emplacements possibles avaient
été envisagés. La Cour relèvera encore que l’étude d’impact cumulé (ci-
après «CIS», selon l’acronyme anglais de «Cumulative Impact Study»)
finale réalisée par la SFI en septembre 2006 montre que Botnia a évalué
au total quatre sites en 2003 — La Paloma, Paso de los Toros, Nueva Pal-

mira et Fray Bentos —, avant de retenir celui de Fray Bentos. Ces éva-
luations concluaient que le site de La Paloma ne convenait pas parce que
les quantités d’eau douce y étaient limitées et qu’il abritait d’importantes
populations d’oiseaux, que celui de Nueva Palmira devait être écarté
en raison de la présence de zones résidentielles, récréatives et culturel-

lement importantes à proximité, et que celui de Paso de los Toros
était à exclure en raison d’un trop faible débit pendant la saison
sèche, d’un conflit potentiel avec d’autres utilisations de l’eau et d’un
manque d’infrastructures. Dès lors, la Cour n’est pas convaincue
par l’argument de l’Argentine selon lequel une évaluation des diffé-

rents sites possibles n’a pas eu lieu avant le choix de l’emplacement
définitif.
211. S’agissant du second point, la Cour ne peut manquer d’observer
que le choix de l’emplacement effectif d’une usine telle que celle cons-
truite le long du fleuve Uruguay devrait tenir compte de la capacité des

eaux du fleuve à recevoir, diluer et disperser des rejets d’effluents d’une
installation de cette nature et de cette ampleur.
212. La Cour relève que, sur la question de la capacité de réception des
eaux du fleuve à l’emplacement de l’usine, les Parties sont en désaccord
sur les caractéristiques géomorphologiques et hydrodynamiques du fleuve
dans la zone en question, notamment en ce qui concerne son débit et la

manière dont le courant, y compris son sens et sa vitesse, agit à son tour
sur la dispersion et la dilution des polluants. Les différentes interpréta-
tions avancées par les Parties quant au débit du fleuve résultent peut-être
des différents modèles utilisés par celles-ci pour analyser les caractéristi-
ques hydrodynamiques du fleuve Uruguay à Fray Bentos. L’Argentine a

eu recours à un modèle tridimensionnel s’appuyant sur des mesures de la
vitesse et du sens du courant à dix profondeurs différentes, et s’est servie
d’un sonar — un profileur de courant à effet Doppler (ci-après «sonar

75ADCP») — pour enregistrer, pendant environ un an, la vitesse du cou-
rant à différentes profondeurs. Le système tridimensionnel a produit

un grand nombre de données, intégrées ensuite dans un modèle hydro-
dynamique numérique. En revanche, Botnia a fondé son évaluation
de l’impact sur l’environnement sur un modèle bidimensionnel — le
RMA2. L’étude d’impact cumulé d’EcoMetrix, quant à elle, se fondait
à la fois sur un modèle tridimensionnel et sur un modèle bidimen-

sionnel, mais n’indiquait pas si un sonar ADCP avait été utilisé à
différentes profondeurs.
213. La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner en détail la validité
scientifique et technique des différents types de modélisation, de calibrage
et de validation mis en Œuvre par les Parties pour déterminer le débit du

fleuve et le sens de son courant dans la zone concernée. La Cour observe
cependant que, si les deux Parties conviennent que des inversions de cou-
rant se produisent fréquemment et que des périodes de bas débit et de
stagnation peuvent être observées dans la zone concernée, elles sont en
désaccord sur les conséquences de ces phénomènes pour les rejets de
l’usine Orion (Botnia) dans ce tronçon du fleuve.

214. La Cour est d’avis que, en élaborant ses normes relatives à la
qualité de l’eau conformément aux articles 36 et 56 du statut de 1975, la
CARU a certainement tenu compte de la capacité de réception et de la
sensibilité des eaux du fleuve, y compris dans les zones fluviales qui bor-
dent Fray Bentos. Dès lors, s’il n’est pas établi que les rejets d’effluents de

l’usine Orion (Botnia) ont, du fait de leur taux de concentration, excédé
les limites fixées par ces normes, la Cour ne saurait conclure que l’Uru-
guay a violé les obligations lui incombant en vertu du statut de 1975. Qui
plus est, aucune des Parties n’a soutenu devant la Cour que, en élaborant
ses normes relatives à la qualité de l’eau, la CARU n’avait pas dûment

tenu compte des caractéristiques géomorphologiques et hydrologiques du
fleuve et de la capacité de ses eaux à disperser et diluer différents types de
rejets. La Cour estime que, si pareille insuffisance était avérée, notam-
ment en ce qui concerne certaines portions du fleuve, telles que le tronçon
qui borde Fray Bentos, les Parties devraient entamer une révision des

normes relatives à la qualité de l’eau établies par la CARU pour s’assurer
qu’elles tiennent bien compte des caractéristiques du fleuve et permettent
d’en protéger les eaux et l’écosystème.

ii) Consultation des populations concernées

215. Les Parties sont en désaccord sur la mesure dans laquelle les
populations susceptibles d’être affectées par la construction de l’usine
Orion (Botnia), notamment les riverains en Argentine, ont été consultées
au cours de la réalisation de l’évaluation de l’impact sur l’environnement.
Les deux Parties conviennent que la consultation des populations concer-

nées doit faire partie de l’évaluation de l’impact sur l’environnement,
mais l’Argentine affirme que le droit international impose aux Etats des
obligations spécifiques à cet égard. A l’appui de cet argument, elle cite les

76articles 2.6 et 3.8 de la convention d’Espoo, l’article 13 du projet d’arti-
cles de la Commission du droit international de 2001 sur la prévention

des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et les
principes 7 et 8 des buts et principes du PNUE. L’Uruguay estime que
les dispositions invoquées par l’Argentine ne peuvent servir de fon-
dement juridique à une obligation de consulter les populations
concernées et ajoute qu’en tout état de cause ces populations ont bien

été consultées.
216. La Cour estime qu’aucune obligation juridique de consulter les
populations concernées ne découle pour les Parties des instruments invo-
qués par l’Argentine.
217. En ce qui concerne les faits de l’espèce, la Cour note que, tant

avant qu’après l’octroi de l’autorisation environnementale préalable,
l’Uruguay a entrepris des activités visant à consulter les populations
concernées, à la fois sur la rive argentine et sur la rive uruguayenne du
fleuve. Ainsi, des réunions ont eu lieu le 2 décembre 2003 à Río Negro et
le 26 mai 2004 à Fray Bentos, avec la participation d’organisations non
gouvernementales argentines. En outre, le 21 décembre 2004, une séance

publique de discussion a eu lieu à Fray Bentos, qui, selon l’Uruguay, a
porté entre autres sujets sur la

«manipulation de produits chimiques dans l’usine et dans le port,
l’apparition de pluies acides, de dioxines, de furanes et d’autres com-
posés polychlorés hautement toxiques pouvant avoir des effets dom-
mageables sur l’environnement, la conformité à la convention de
Stockholm, les rejets atmosphériques de l’usine, les émissions élec-

tromagnétiques et électrostatiques [et] les rejets liquides dans le
fleuve».

Des habitants de Fray Bentos et des régions voisines d’Uruguay et
d’Argentine ont participé à la réunion et présenté 138 documents, dans
lesquels sont exposées leurs questions ou préoccupations.
218. De plus, la Cour note que, entre juin et novembre 2005, plus de
quatre-vingts entretiens ont été menés par le Consensus Building Insti-

tute, organisation sans but lucratif spécialisée dans la facilitation du dia-
logue, la médiation et la négociation, que la SFI avait chargée de ce
travail. Ces entretiens se sont déroulés entre autres à Fray Bentos, Gua-
leguaychú, Montevideo et Buenos Aires; y ont notamment participé des
groupes de la société civile, des organisations non gouvernementales, des
associations professionnelles, des représentants officiels, des agences de

tourisme, des chefs d’entreprise locaux, des pêcheurs, des agriculteurs et
des propriétaires de plantations des deux rives du fleuve. En décembre
2005, le projet d’étude d’impact cumulé et le rapport du Consensus Buil-
ding Institute ont été publiés, et la SFI a ouvert une période de consulta-
tion afin de recevoir de nouveaux commentaires des parties prenantes en

Argentine et en Uruguay.
219. Compte tenu de ce qui précède, la Cour constate qu’une consulta-
tion par l’Uruguay des populations concernées a bien eu lieu.

77 b) La question des techniques de production utilisées à l’usine Orion
(Botnia)

220. L’Argentine soutient que l’Uruguay n’a pas pris toutes les me-
sures propres à empêcher la pollution en n’exigeant pas de l’usine qu’elle
utilise les «meilleures techniques disponibles», alors que cette exigence
résulterait de l’alinéa d) de l’article 5 de la convention POP, dont les dis-

positions seraient incorporées, par l’effet de la «clause de renvoi», dans
l’alinéa a) de l’article 41 du statut de 1975. Selon l’Argentine, les rap-
ports d’experts qu’elle cite établissent que l’usine n’utilise pas les meilleu-
res techniques disponibles et que ses performances sont en deçà des
normes internationales, si l’on considère les diverses techniques de pro-

duction de pâte à papier disponibles. L’Uruguay conteste ces affirma-
tions. S’appuyant sur l’étude d’impact cumulé finale, le deuxième rap-
port Hatfield et l’audit réalisé à la demande de la SFI par l’AMEC,
l’Uruguay affirme que, par la technologie qu’elle emploie, l’usine Orion
(Botnia) est une des usines de pâte à papier les plus performantes au
monde, mettant en Œuvre les meilleures techniques disponibles et se

conformant notamment aux normes fixées par l’Union européenne dans
ce domaine.
221. L’Argentine, cependant, dénonce en particulier l’absence de tout
«traitement tertiaire des effluents» (c’est-à-dire un troisième traitement
des résidus de production avant leur rejet dans la nature), qui serait

nécessaire pour réduire le volume des nutriments, dont le phosphore, dès
lors que les rejets sont déversés dans un environnement très sensible.
L’usine de pâte à papier est, selon l’Argentine, également dépourvue d’un
bassin d’urgence vide, censé contenir les déversements soudains
d’effluents. Répondant à une question posée par un juge, l’Argentine

estime qu’il serait possible d’ajouter un système de traitement tertiaire,
mais que l’Uruguay n’a pas évalué comme il se devait les possibilités
s’offrant en la matière à l’usine Orion (Botnia).
222. L’Uruguay fait observer que «les experts n’ont pas jugé néces-
saire de prévoir, pour l’usine, une phase de traitement tertiaire». En

réponse à cette même question, l’Uruguay a fait valoir que, bien que pos-
sible, l’ajout d’une installation de traitement tertiaire ne serait pas globa-
lement bénéfique pour l’environnement, puisqu’il entraînerait une hausse
importante de la consommation d’énergie, des émissions de carbone de
l’usine, de la production de boues et de l’utilisation de produits chimi-
ques. L’Uruguay a invariablement soutenu que la technique de blanchi-

ment utilisée était adéquate, que les bassins d’urgence installés étaient
suffisants, que la production de composés chimiques synthétiques de
l’usine répondait aux exigences technologiques et que le risque potentiel
de cette production avait bien été évalué.
223. Tout d’abord, la Cour fera observer que l’obligation d’empêcher

la pollution et de protéger ainsi que de préserver le milieu aquatique du
fleuve Uruguay énoncée à l’alinéa a) de l’article 41, et l’exercice de la dili-
gence requise («due diligence») qu’elle implique, entraîne la nécessité

78d’examiner avec soin la technologie à laquelle l’installation industrielle a
recours, en particulier dans un secteur tel que celui de la fabrication de

pâte à papier, où sont souvent employées ou produites des substances
ayant un impact sur l’environnement. Ce point est d’autant plus impor-
tant que, aux termes de l’alinéa a) de l’article 41, le cadre réglementaire
qu’il incombe aux Parties d’adopter doit être en harmonie avec les direc-
tives et les recommandations des organismes techniques internationaux.

224. La Cour note que l’usine Orion (Botnia) utilise le procédé Kraft
de fabrication de pâte blanchie. D’après le document de référence de
décembre 2001 sur les meilleures techniques disponibles en matière de
prévention et de réduction intégrées de la pollution dans l’industrie de la
pâte à papier (ci-après «IPPC-BAT») de la Commission européenne, que

les Parties ont qualifié de texte de référence pour ce secteur, le procédé
Kraft, déjà utilisé à l’époque dans environ 80% de la production mon-
diale de pâte à papier, constitue donc le procédé de production chimique
de pâte à papier le plus répandu. L’usine utilise un procédé de blanchi-
ment exempt de chlore élémentaire dit «léger» («ECF light»), ainsi que
des systèmes de traitement des eaux usées primaire et secondaire faisant

intervenir un procédé de traitement par boues activées.
225. La Cour estime que, s’agissant de la technologie employée, et sur
la base des documents que lui ont soumis les Parties, en particulier du
document IPPC-BAT, aucun élément de preuve ne vient à l’appui de la
prétention de l’Argentine selon laquelle l’usine Orion (Botnia) n’appli-

querait pas les meilleures techniques disponibles en matière de rejets
d’effluents par tonne de pâte à papier produite. Cette conclusion est
étayée par le fait que, comme démontré ci-dessous, l’Argentine n’a pas
présenté d’éléments de preuve établissant clairement que l’usine Orion
(Botnia) ne respecte pas les prescriptions du statut de 1975, du digeste de

la CARU ou des règlements applicables des Parties en ce qui concerne la
concentration d’effluents par litre d’eaux usées déversés par l’usine et la
quantité absolue d’effluents pouvant être rejetée en une journée.
226. La Cour rappelle que l’Uruguay a soumis de très nombreuses
informations relatives à la surveillance des effluents de l’usine Orion

(Botnia), qui figurent dans les multiples rapports établis par EcoMetrix et
la DINAMA (évaluation indépendante de la performance environnemen-
tale, réalisée par EcoMetrix à la demande de la SFI (phase 2: examen de
la performance environnementale à six mois), juillet 2008; évaluation
indépendante de la performance environnementale, réalisée par EcoMe-
trix à la demande de la SFI (phase 3: examen de la performance environ-

nementale de l’année 2008) (ci-après le «troisième rapport de suivi
d’EcoMetrix»), mars 2009; DINAMA, rapport d’évaluation de la per-
formance dans la première année d’opération de l’usine Orion (Botnia) et
de la qualité de l’environnement dans la zone d’influence, mai 2009;
DINAMA, rapport semestriel des résultats du plan de contrôle des émis-

sions et de la performance environnementale), et que l’Argentine a avancé,
à cet égard, que l’Uruguay bénéficiait, sur cette question, sinon de l’exclu-
sivité des éléments de preuve factuels, du moins d’un accès très privilégié

79à ceux-ci. La Cour note cependant que l’Argentine a elle-même produit
un grand nombre d’informations factuelles, et que les éléments soumis

par l’Uruguay ou bien lui ont été accessibles à différents stades de la pro-
cédure ou bien figurent dans le domaine public. Aussi n’estime-t-elle pas
que l’Argentine ait été désavantagée en ce qui concerne la production
d’éléments de preuve relatifs aux déversements d’effluents provenant de
l’usine de pâte à papier.

227. Afin de déterminer si les concentrations des polluants déversés
par l’usine Orion (Botnia) respectent les limites réglementaires, la Cour
devra les évaluer à l’aune des limites autorisées en matière de rejet
d’effluents — tant en ce qui concerne la concentration d’effluents par litre

d’eaux usées déversés qu’en ce qui concerne la quantité absolue d’effluents
pouvant être rejetée en une journée — figurant dans les textes de régle-
mentation applicables des Parties, tels que qualifiés plus haut par la Cour
au paragraphe 200, et dans les autorisations relatives à l’usine accordées
par les autorités uruguayennes. Le digeste, en effet, ne fixe que des limites

générales pour les «hydrocarbures», les «solides sédimentables» et les
«huiles et graisses», et n’en prévoit pas de spécifiques en ce qui concerne
les substances à propos desquelles les Parties sont en désaccord. L’Argen-
tine n’a pas allégué que l’usine Orion (Botnia) n’avait pas respecté les
normes de la CARU relatives aux effluents (digeste de la CARU, point

E3 (1984, tel que modifié)).
228. De l’examen des données réunies après sa mise en service, telles
qu’elles figurent dans les différents rapports de la DINAMA et d’EcoMe-
trix, il ne ressort pas que les rejets de l’usine Orion (Botnia) ont excédé les
limites fixées par les normes relatives aux effluents énoncées dans la régle-

mentation applicable de l’Uruguay telle que qualifiée plus haut par
la Cour au paragraphe 200 ou dans l’autorisation environnementale
préalable accordée par le MVOTMA (autorisation environnementale
préalable accordée pour l’usine Orion (Botnia) par le MVOTMA
(14 février 2005)), si ce n’est dans quelques cas où les concentrations ont

dépassé les limioes autorisées. Des valeurs excédant les limites prescrites
dans le décret n 253/79 ou dans l’autorisation environnementale préala-
ble du MVOTMA n’ont été mesurées qu’en ce qui concerne les paramè-
tres suivants: l’azote, les nitrates et les AOX (composés organo-halogénés
adsorbables). Dans ces cas, les mesures enregistrées pour un jour donné

dépassaient le maximum autorisé. Toutefois, l’autorisation environne-
mentale préalable du 14 février 2005 prévoit expressément la possibilité
de calculer pour ces paramètres une moyenne annuelle. Le dépassement
le plus notable est celui enregistré pour les AOX, paramètre utilisé sur le
plan international pour surveiller les effluents rejetés par les usines de

pâte à papier, comprenant parfois des polluants organiques persistants
(POP). Selon le document de référence sur les IPPC-BAT, soumis par les
Parties et considéré par elles comme le texte de référence pour ce secteur,
«les autorités chargées de la protection de l’environnement de nombreux

pays ont imposé des restrictions sévères aux rejets de substances organi-
ques chlorées, mesurées en AOX, dans le milieu aquatique». Après la

80mise en service de l’usine de pâte à papier, les concentrations d’AOX ont
pu atteindre en une occasion, le 9 janvier 2008, 13 mg/l, alors que la

limite maximale utilisée dans l’évaluation de l’impact sur l’environnement
et prescrite ultérieurement par le MVOTMA était de 6 mg/l. Toutefois,
en l’absence d’éléments de preuve établissant de manière convaincante
qu’il ne s’agissait pas là d’un épisode isolé mais bien d’un problème plus
durable, la Cour n’est pas à même de conclure que l’Uruguay a violé les

dispositions du statut de 1975.

c) L’impact des rejets sur la qualité des eaux du fleuve

229. Comme indiqué ci-dessus (paragraphe 165), les Parties ont, au

cours des trois dernières années, soumis à la Cour quantité de documents
contenant des données et analyses d’ordre factuel et scientifique concer-
nant les concentrations de référence des polluants présents dans le fleuve
avant la mise en service de l’usine, ainsi que les résultats de relevés relatifs
à ses eaux et aux émissions atmosphériques après le début des activités de
production et, pour certains, jusqu’au milieu de l’année 2009.

230. S’agissant des données de référence, les études et rapports soumis
par les Parties contenaient des informations et analyses relatives, entre
autres, à la qualité de l’eau et de l’air, au phytoplancton et au zooplanc-
ton présents dans le fleuve, aux indicateurs de santé et biomarqueurs de
pollution chez les poissons du fleuve, à la surveillance de l’ichtyofaune

autour de l’usine de pâte à papier Orion (Botnia), aux populations
de poissons et à la diversité des espèces du fleuve, aux concentrations en
acides résiniques, en phénols chlorés et en phytostérols observées
chez les poissons du fleuve, à l’étude des espèces appartenant au genre
Tillandsia, à l’audit avant la mise en service de l’usine Orion (Botnia) et

à des études du mercure et du plomb dans les muscles des poissons.
231. L’Argentine soutient que les données de référence de l’Uruguay
laissent à désirer à bien des égards et qu’elles sont, notamment, incom-
plètes. L’Uruguay rejette cette assertion, et prétend que, de fait, l’Argen-
tine s’est fondée sur ces données pour sa propre évaluation de la qualité

de l’eau. L’Uruguay soutient que, contrairement aux affirmations de
l’Argentine, il a commencé à recueillir des données de référence en
août 2006, dans le cadre du contrôle préopérationnel de la qualité de
l’eau effectué par la DINAMA avant la mise en service de l’usine (en
novembre 2007). Ce contrôle s’est étendu sur une période de quinze
mois et est venu compléter près de quinze années d’une surveillance plus

générale menée sous la houlette de la CARU au titre du programme
PROCON (Programme de contrôle de la qualité et de la pollution des
eaux du fleuve Uruguay, selon l’acronyme espagnol de «Programa de
Calidad de Aguas y Control de la Contaminación del Río Uruguay»).
L’Argentine n’a pas, à l’audience, contesté l’allégation du conseil de

l’Uruguay selon laquelle elle s’était servie des données fournies par celui-
ci pour sa propre évaluation de la qualité de l’eau.
232. Parmi les données présentées par les Parties concernant le contrôle

81et le suivi postopérationnel de la performance effective de l’usine quant
aux effets des rejets sur le fleuve figurent des relevés obtenus au moyen de

différents programmes de surveillance. Ces derniers ont été réalisés, entre
autres, par une équipe scientifique argentine regroupant des chercheurs
de deux universités nationales mandatée par le secrétariat d’Etat argentin
à l’environnement et au développement durable (dix sites), par l’OSE
(l’organisme public uruguayen chargé de l’assainissement et de la distri-

bution de l’eau, selon l’acronyme espagnol d’«Obras Sanitarias del
Estado»), par la DINAMA, indépendamment de Botnia (seize sites), et
par Botnia faisant rapport à la DINAMA et à la SFI (quatre sites; et
prélèvement des effluents).

233. Les sites de prélèvement relevant de la responsabilité de l’Argen-
tine sont situés sur la rive argentine du fleuve, le plus en amont d’entre
eux se trouvant à 10 kilomètres de l’usine, le plus en aval à 16 kilomètres
environ. Trois d’entre eux (les sites U0, U2 et U3), néanmoins, se trou-
vent près de l’usine; et trois autres sont situés dans la baie de Nandubay-

sal et la lagune Inés. Ce sont eux qui ont fourni les données qui, selon le
conseil de l’Argentine, «ont permis aux scientifiques argentins de clai-
rement différencier la baie du reste du fleuve, étant donné qu’elle se
comporte comme un écosystème relativement autonome par rapport à
celui-ci» (rapport scientifique et technique, chapitre 3, annexe intitulée

«Background Biogeochemical Studies», par. 4.1.2; voir aussi ibid.,
par. 4.3.1.2).
234. Les sites de prélèvement relevant de la responsabilité de l’Uru-
guay (DINAMA) et de Botnia sont situés du côté uruguayen du fleuve.
Le point de prélèvement de l’OSE est situé au niveau de la prise d’eau
o
potable de Fray Bentos, devant la station n 11 de la DINAMA.
235. L’équipe argentine a recueilli des données entre novembre 2007
et avril 2009, une bonne partie de la surveillance commençant à partir
d’octobre 2008. L’Uruguay, par l’intermédiaire de la DINAMA, assure
une surveillance du site depuis mars 2006, ses plus récents relevés cou-

vrant la période allant jusqu’au mois de juin 2009. L’OSE, dans le cadre
de la responsabilité globale qui lui incombe d’assurer la qualité de l’eau
uruguayenne, a recueilli des informations utiles, qui ont été reprises dans
les rapports périodiques sur l’exploitation de l’usine.
236. La Cour dispose également de l’interprétation des données qu’ont

fournie les experts désignés par les Parties, les Parties elles-mêmes et leurs
conseils. Toutefois, lorsqu’elle appréciera la valeur des éléments de preuve
qui lui ont été soumis, la Cour, afin de déterminer si, en autorisant la
construction et la mise en service de l’usine Orion (Botnia), l’Uruguay a
violé les obligations qui étaient les siennes en vertu des articles 36 et 41 du

statut de 1975, soupèsera et évaluera essentiellement les données elles-
mêmes — et non les interprétations divergentes qu’en ont faites les
Parties ou leurs experts et consultants.
237. Le désaccord entre les Parties quant à l’impact des effluents reje-

tés par l’usine Orion (Botnia) sur la qualité de l’eau du fleuve porte sur les
paramètres et substances suivants: oxygène dissous; phosphore total (et

82la question connexe de l’eutrophisation due aux phosphates); substances
phénoliques; nonylphénols et éthoxylates de nonylphénol; dioxines

et furanes. La Cour procédera maintenant à l’examen des moyens de
preuve produits par les Parties en ce qui concerne ces paramètres et
substances.

i) L’oxygène dissous

238. C’est à l’audience que l’Argentine a, pour la première fois, fait
état de l’altération des teneurs en oxygène dissous du fleuve que provo-
querait l’usine Orion (Botnia), en renvoyant à des données présentées
dans le rapport de l’organisme public uruguayen OSE. Pour l’Argentine,

puisque l’oxygène dissous contribue à la qualité de l’environnement et
qu’il existe une norme de la CARU fixant (à 5,6 mg/l) sa concentration
minimale dans les eaux du fleuve, l’introduction dans le milieu aquatique,
par l’usine Orion (Botnia), de substances ou d’énergie ayant fait chuter
les taux d’oxygène dissous en deçà de ce seuil constitue une violation de
l’obligation d’empêcher la pollution et de préserver ce milieu aquatique.

L’Uruguay soutient que les chiffres que l’Argentine a puisés dans les rele-
vés de l’OSE concernaient l’«oxidabilidad», qui renvoie à la «demande
en oxygène» et non à l’«oxígeno disuelto» — c’est-à-dire l’oxygène dis-
sous —, et qu’une chute du niveau de la demande en oxygène révèle une
amélioration de la qualité de l’eau puisque ce niveau doit être maintenu

aussi bas que possible.
239. La Cour note qu’en ce qui concerne l’oxygène dissous, une concen-
tration moyenne de 3,8 mg/l après la mise en service de l’usine constitue-
rait effectivement, si elle était avérée, une violation des normes de la
CARU, ce chiffre étant au-dessous du seuil de 5,6 mg d’oxygène dissous

par litre d’eau requis selon le digeste de la CARU (E3, titre 2, chapitre 4,
section 2). Elle estime toutefois que cette allégation de l’Argentine n’a pas
été prouvée. Premièrement, les chiffres sur lesquels se fonde l’Argentine
ne correspondent pas aux valeurs indiquées dans le troisième rapport de
suivi d’EcoMetrix, qui fait état de concentrations d’oxygène dissous supé-

rieures au seuil fixé par la CARU dans tous les échantillons prélevés entre
février et octobre 2008. Deuxièmement, le rapport de la DINAMA sur la
qualité des eaux de surface et des sédiments de juillet 2009 (rapport semes-
triel: janvier-juin) (ci-après le «rapport de la DINAMA sur la qualité de
l’eau») (voir p. 7, fig. 4.5: moyenne de 9,4 mg/l) fait état de concentra-
tions d’oxygène dissous bien supérieures aux valeurs minimales requises

dans le digeste de la CARU. Troisièmement, le rapport de l’Argentine en
date du 30 juin 2009 indique, dans son résumé, que les paramètres de
qualité de l’eau relevés au cours de la période présentaient des valeurs
«normales, avec des variations saisonnières de la température et des
concentrations correspondantes en oxygène dissous». Les centaines de

valeurs consignées dans les données de ce chapitre du «Rapport
Colombo» étayent cette conclusion, même si certaines sont légèrement
inférieures. Quatrièmement, les chiffres relatifs à l’oxygène dissous figu-

83rant dans le rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau présentent
essentiellement les mêmes caractéristiques que ceux recueillis par l’Argen-

tine — les valeurs sont supérieures au seuil fixé par la CARU, et sont les
mêmes en amont et en aval de l’usine. La Cour en conclut que ces valeurs
ne semblent pas avoir notablement changé au fil du temps et que rien ne
vient étayer l’affirmation selon laquelle la référence à l’«oxidabilidad»
dans le rapport de l’OSE invoquée par l’Argentine devrait être interprétée

comme un renvoi à l’«oxygène dissous».

ii) Le phosphore

240. Les Parties s’accordent sur le niveau élevé de phosphore total

dans le fleuve Uruguay. Selon l’Uruguay, la quantité totale de phosphore
(naturel et anthropique) rejeté dans le fleuve est d’environ 19 000 tonnes
par an, auxquelles l’usine Orion (Botnia) contribue à hauteur de quelque
15 tonnes (pour l’année 2008), voire moins, selon les estimations
pour 2009. L’Argentine n’a pas contesté ces chiffres au cours de la pro-
cédure. L’Uruguay avance en outre qu’il ne saurait être allégué de viola-

tion des dispositions du statut de 1975, puisque cette forte concentration
ne peut être attribuée avec certitude à l’usine Orion (Botnia), et que la
CARU n’a fixé aucune norme concernant le phosphore. L’Uruguay sou-
tient également qu’il ressort des données fournies par la DINAMA, com-
parées aux données de référence également recueillies par cette dernière,

que «[l]es teneurs en phosphore étaient généralement plus faibles après la
mise en service de l’usine, par rapport aux données de référence de 2005-
2006» (troisième rapport de suivi d’EcoMetrix, mars 2009).
241. L’un des grands points de désaccord entre les Parties concerne le
lien entre l’augmentation de la concentration de phosphore dans les eaux

du fleuve et la prolifération d’algues survenue en février 2009, ainsi que
la question de savoir si l’eutrophisation du fleuve est due à l’exploitation
de l’usine Orion (Botnia). L’Argentine affirme que l’usine est à l’origine
de cette eutrophisation et de l’élévation de la teneur en phosphates,
tandis que l’Uruguay nie que l’une comme l’autre soient attribuables à

l’exploitation de l’usine à Fray Bentos.
242. La Cour relève que la CARU n’a pas adopté de normes de qualité
de l’eau relatives aux concentrations de phosphore total et de phosphates
dans le fleuve. L’Argentine ne dispose pas, elle non plus, de normes de
qualité de l’eau pour ce qui est du phosphore total. La Cour devra donc
se référer aux normes de qualité de l’eau et limites de rejets de phosphore

total édictées par l’Uruguay dans le cadre de sa législation interne, telle
que qualifiée par la Cour plus haut, au paragraphe 200, afin de détermi-
ner si la teneur en phosphore total a dépassé les limites fixées dans les
textes de réglementation des Parties adoptés conformément à l’alinéa a)
de l’article 41 du statut de 1975. La concentration de phosphore total ne

peut, selon les normes de qualité de l’eau fixées par ce décret, excé-
der 0,025 mg/l pour certaines utilisations, telles que l’eau potable, l’irriga-
tion des cultures destinées à la consommation humaine et l’utilisation de

84l’eau à des fins récréatives qui impliquent un contact humain direct avec
cette eau (décret n 253/79, réglementation de la qualité de l’eau). Le

décret uruguayen fixe aussi — à 5 mg/l — la norme en matière de rejet de
phosphore total (ibid., article 11, alinéa 2)). L’usine Orion (Botnia) doit
satisfaire à l’une et l’autre de ces normes.
243. La Cour estime que, sur la base des éléments de preuve qui lui ont
été soumis, l’usine Orion (Botnia) a jusqu’à présent satisfait aux normes

en matière de rejet de phosphore total. Dans ce contexte, la Cour note
que, selon le troisième rapport de suivi d’EcoMetrix, les relevés de l’Uru-
guay enregistrent, pour les rejets d’effluents de l’usine, une valeur moyenne
de 0,59 mg/l de phosphore total en 2008. En outre, d’après le rapport de

la DINAMA sur les émissions de juillet 2009, les chiffres relatifs aux
effluents variaient, pour la période allant de novembre 2008 à mai 2009,
entre 0,053 mg/l et 0,41 mg/l (voir, par exemple, DINAMA, rapport
semestriel des résultats du plan de contrôle des émissions et de la perfor-
mance environnementale (11 novembre 2008-31 mai 2009), 22 juillet 2009,

p. 5; voir aussi p. 25 et 26). L’Argentine ne conteste pas ces chiffres, dont
les valeurs sont clairement inférieures à la norme établie en vertu du
décret uruguayen.
244. La Cour notera à cet égard que, dès le 11 février 2005, la
DINAMA relevait, dans son rapport d’évaluation de l’impact sur l’envi-

ronnement relatif à l’usine Orion (Botnia), la forte teneur en nutriments
(phosphore et azote) dans le fleuve, et indiquait ceci:

«Cette situation provoque fréquemment la prolifération d’algues
parfois très toxiques en raison de la présence de cyanobactéries.
Ces proliférations — qui ont augmenté, à la fois en fréquence et en
intensité, ces dernières années — constituent un risque sanitaire et

provoquent de lourdes pertes économiques, dans la mesure où
elles perturbent certaines utilisations de l’eau comme les activités
de loisirs et l’approvisionnement en eau de boisson. A cette situation
existante, il convient d’ajouter qu’à l’avenir l’usine rejettera un total
de 200 tonnes/an d’azote et de 20 tonnes/an de phosphore, soit

des valeurs équivalant approximativement aux rejets d’une ville de
65 000 habitants dépourvue de système de traitement des eaux
usées.» (P. 20, par. 6.1.)

245. Le rapport de la DINAMA se poursuit en ces termes:

«Il est également entendu qu’il serait contre-indiqué d’autoriser le
rejet de déchets de nature à accroître la valeur de tout paramètre
ayant déjà atteint un seuil critique, même lorsque cette augmentation

est considérée comme insignifiante par l’entreprise. Néanmoins, les
variations de ces valeurs ne dépendant pas des seuls effluents du pro-
jet — ces paramètres étant susceptibles d’être modifiés par le déver-
sement de tout effluent industriel ou domestique —, le rejet des

déchets proposé dans le projet pourrait être accepté, à condition de
prévoir une compensation en cas d’augmentation provoquant le

85 dépassement de la valeur standard pour l’un quelconque des para-
mètres critiques.» (Rapport de la DINAMA, p. 21.)

246. La Cour observera en outre que l’autorisation environnementale
préalable, accordée le 15 février 2005, faisait obligation à Botnia de res-
pecter ces conditions, les normes de la CARU et les meilleures techniques
disponibles, telles que définies dans le document IPPC-BAT de la Com-

mission européenne de décembre 2001. Elle imposait également la réa-
lisation d’un plan de mise en Œuvre de mesures d’atténuation et de
compensation. Ce plan avait été réalisé avant la fin de l’année 2007 et
l’autorisation de mise en service fut accordée le 8 novembre 2007.
Le 29 avril 2008, Botnia et l’OSE ont conclu un accord concernant le traite-

ment des eaux usées municipales de Fray Bentos, visant à réduire les
rejets de phosphore total et autres polluants.
247. La Cour estime que le volume de phosphore total rejeté dans le
fleuve qui est attribuable à l’usine Orion (Botnia) est proportionnellement
insignifiant, par rapport à la teneur globale du fleuve en phosphore total
provenant d’autres sources. Elle conclut donc que le fait que la concen-

tration de phosphore total dans le fleuve dépasse les limites fixées par la
législation uruguayenne en matière de normes de qualité de l’eau ne sau-
rait être considéré comme une violation de l’alinéa a) de l’article 41 du
statut de 1975, compte tenu de la teneur relativement élevée en phosphore
total du fleuve avant la mise en service de l’usine et des mesures prises par

l’Uruguay à titre de compensation.

248. La Cour en vient maintenant à l’examen de la question de la pro-
lifération d’algues du 4 février 2009. L’Argentine a attribué celle-ci aux
nutriments rejetés dans le fleuve par l’usine Orion (Botnia). A l’appui de

cette assertion, elle renvoie à la présence d’effluents dans les algues bleues
ainsi qu’à diverses images satellite montrant la concentration de chloro-
phylle dans l’eau. De telles proliférations se produisent, selon l’Argentine,
pendant la saison chaude et sont dues à une croissance explosive d’algues,
en particulier de cyanobactéries, consécutive à un enrichissement en

nutriments, principalement des phosphates, entre autres éléments entrant
dans la composition des détergents et fertilisants.
249. L’Uruguay soutient que la prolifération d’algues de février 2009
— et la forte concentration de chlorophylle — n’a pas été causée par
l’usine Orion (Botnia), mais pourrait être apparue très en amont de
celle-ci et s’explique très probablement non pas par les rejets d’effluents

de l’usine, mais par l’afflux de visiteurs à l’occasion du carnaval annuel
de Gualeguaychú et l’augmentation correspondante du volume des eaux
usées. L’Uruguay soutient que les relevés de l’Argentine montrent en réa-
lité que, depuis sa mise en service, l’usine Orion (Botnia) n’a à aucun
moment provoqué l’augmentation de la concentration de phosphore dans

le fleuve.
250. Les Parties sont d’accord sur plusieurs points en ce qui concerne
la prolifération d’algues du 4 février 2009: elles conviennent notamment

86que les concentrations de nutriments dans le fleuve Uruguay ont atteint
des niveaux élevés tant avant qu’après cet épisode, et que celui-ci a été

très bref. Les Parties semblent également d’accord pour reconnaître
l’existence de liens étroits entre prolifération d’algues, élévation des tem-
pératures, faiblesse ou inversion du courant, et présence dans le fleuve de
fortes concentrations de nutriments tels que l’azote et le phosphore. Il n’a
toutefois pas été établi à la satisfaction de la Cour que la prolifération

d’algues du 4 février 2009 avait été causée par les rejets de nutriments de
l’usine Orion (Botnia).

iii) Les substances phénoliques

251. L’Argentine soutient que les rejets de polluants émanant de l’usine
Orion (Botnia) ont, depuis la mise en service de celle-ci, enfreint la norme
relative aux substances phénoliques établie par la CARU, les données de
référence antérieures à l’exploitation ne faisant apparaître aucun dépas-
sement des valeurs maximales fixées par celle-ci. L’Uruguay, pour sa
part, affirme que ces valeurs ont été maintes fois dépassées, sur toute la

longueur du fleuve, bien avant le démarrage des activités de l’usine. A
l’appui de cette assertion, il cite plusieurs études, dont l’étude d’impact
cumulé finale réalisée par EcoMetrix selon laquelle le taux maximal de
substances phénoliques, fixé à 0,001 mg/l par la norme de qualité de l’eau
de la CARU, a fréquemment été dépassé.

252. La Cour note également que, selon les données fournies par
l’Uruguay, des valeurs supérieures à la limite autorisée par la norme de la
qualité de l’eau avaient été observées bien avant la mise en service de
l’usine. Ainsi, selon l’étude d’impact cumulé finale réalisée en septembre
2006 par EcoMetrix à la demande de la SFI, les substances phénoliques

ont fréquemment excédé la limite autorisée, les concentrations les plus
élevées étant mesurées dans la partie argentine du fleuve. Certains relevés
figurant dans le rapport le plus récent soumis à la Cour indiquent encore
des concentrations excessives, mais la plupart enregistrent des valeurs
inférieures à la limite autorisée (Rapport de la DINAMA sur la qualité

de l’eau de juillet 2009, p. 21, par. 4.1.11.2 et appendice I, qui indique des
taux compris entre 0,0005 et 0,012 mg/l).
253. Un conseil de l’Argentine a fait valoir à l’audience que c’était
l’activité de l’usine qui avait entraîné des dépassements des valeurs limi-
tes, lesquels n’avaient jamais été observés antérieurement. Les concentra-
tions de substances polluantes, a-t-il déclaré, avaient en moyenne triplé,

la valeur maximale étant vingt fois supérieure à la valeur autorisée. Selon
l’Uruguay, les données figurant dans le rapport de juillet 2009 de la
DINAMA indiquent que les concentrations de substances phénoliques
mesurées après la mise en service étaient inférieures aux valeurs de réfé-
rence sur l’ensemble du fleuve, y compris au niveau de la prise d’eau de

l’OSE.
254. D’après les éléments versés au dossier, y compris les données four-
nies par les Parties, la Cour conclut que les éléments de preuve sont insuf-

87fisants pour attribuer l’augmentation alléguée des concentrations de subs-
tances phénoliques dans le fleuve aux activités de l’usine Orion (Botnia).

iv) La présence de nonylphénols dans le milieu aquatique

255. L’Argentine affirme que l’usine Orion (Botnia) rejette, ou a rejeté,
des nonylphénols, ce qui aurait un effet dommageable, ou ferait du moins

peser une lourde menace, sur le milieu aquatique. Selon elle, la source de
pollution la plus probable est à rechercher dans les agents tensioactifs
(détergents), les éthoxylates de nonylphénol, utilisés pour nettoyer la pâte
à papier et les équipements de l’usine elle-même. Toujours selon l’Argen-
tine, l’analyse de 46 relevés a permis d’établir que les plus fortes concen-

trations de nonylphénols, notamment celles qui étaient supérieures aux
normes pertinentes de l’Union européenne, se trouvaient dans les échan-
tillons d’eau prélevés dans le tronçon situé en face et en aval de l’usine et
dans les échantillons d’algues bleues ayant proliféré le 4 février 2009, avec
des concentrations plus faibles en amont et en aval, laissant penser que
les effluents rejetés par l’usine Orion (Botnia) étaient la source la plus

probable de ces résidus. En outre, les prélèvements effectués sur les sédi-
ments du fond du fleuve dans le tronçon situé en face et en aval de l’usine
auraient montré que la concentration de nonylphénols avait augmenté
rapidement entre septembre 2006 et février 2009, confirmant ainsi la pré-
sence accrue de ces composés dans le fleuve Uruguay. Pour l’Argentine,

la répartition spatiale des effets sublétaux détectés chez les rotifères
(absence de vertèbres), les coquillages asiatiques transplantés (réduction
des réserves lipidiques) et les poissons (effets estrogènes) coïncidait avec
le périmètre de distribution des nonylphénols, signe que ces composés
pourraient avoir un effet perturbateur important.

256. L’Uruguay rejette les allégations de l’Argentine relatives aux
nonylphénols et aux éthoxylates de nonylphénol, et dément catégorique-
ment l’usage de ces deux substances par l’usine Orion (Botnia). Il fournit
des déclarations sous serment émanant de responsables de Botnia selon
lesquelles l’usine n’utilise pas, et n’a jamais utilisé, de nonylphénols ou de

dérivés d’éthoxylates de nonylphénol dans l’un quelconque de ses procé-
dés de fabrication de pâte à papier, y compris au cours des opérations de
lavage et de nettoyage de la pâte, et qu’aucun agent nettoyant contenant
des nonylphénols n’est ou n’a été utilisé pour nettoyer les équipements de
l’usine (déclaration sous serment de M. González, 2 octobre 2009).
257. La Cour tient à rappeler que la question des nonylphénols n’avait

pas été soulevée en l’affaire avant que l’Argentine ne verse au dossier son
rapport du 30 juin 2009. Bien que les concentrations de nonylphénols
aient été mesurées depuis novembre 2008, l’Argentine n’a pas, de l’avis de
la Cour, produit d’éléments de preuve établissant clairement un lien entre
les nonylphénols présents dans les eaux du fleuve et l’usine Orion (Bot-

nia). L’Uruguay a également démenti catégoriquement devant la Cour
l’utilisation par l’usine Orion (Botnia) d’éthoxylates de nonylphénol dans
ses procédés de fabrication et de nettoyage. La Cour est donc amenée à

88conclure que les éléments versés au dossier ne viennent pas étayer les allé-
gations de l’Argentine.

v) Les dioxines et furanes

258. L’Argentine a affirmé que les concentrations de dioxines et de
furanes étaient généralement très faibles dans les sédiments de surface,

mais que les données issues de ses études laissaient apparaître une ten-
dance à la hausse par rapport aux données recueillies avant la mise en
service de l’usine Orion (Botnia). L’Argentine ne prétend pas que les nor-
mes établies n’ont pas été respectées, mais s’appuie sur un échantillon-
nage de poissons sábalos effectué par son équipe de surveillance, qui a

révélé que l’un de ces poissons présentait des taux élevés de dioxines et de
furanes, pour conclure à une présence de plus en plus notable de ces deux
substances dans le fleuve depuis la mise en service de l’usine Orion (Bot-
nia). L’Uruguay conteste cette assertion, affirmant que l’élévation de ces
taux ne peut être attribuée à l’exploitation de l’usine Orion (Botnia) vu le

nombre d’usines en service sur les rives du fleuve et dans la baie voisine
de Nandubaysal, et le fait que le sábalo ayant fait l’objet de ce contrôle
est une espèce de grands migrateurs. En outre, selon l’Uruguay, il ressort
des résultats des analyses que ni dioxines ni furanes n’ont été introduits
dans les effluents de l’usine Orion (Botnia) puisque les concentrations de

ces deux substances n’étaient pas plus élevées, de manière mesurable,
dans les effluents de l’usine que dans l’eau puisée dans le fleuve pour les
besoins du processus de fabrication.
259. La Cour estime que les éléments de preuve ne permettent pas
d’établir clairement un lien entre la présence accrue de dioxines et de
furanes dans le fleuve et l’exploitation de l’usine Orion (Botnia).

d) Effets sur la diversité biologique

260. L’Argentine affirme que l’Uruguay «a négligé de prendre toutes
les mesures propres à protéger et à préserver la diversité biologique du
fleuve Uruguay et ses zones d’influence». Selon l’Argentine, l’obligation

conventionnelle «de protéger et de préserver le milieu aquatique» com-
prend une obligation de protéger la diversité biologique du fleuve, y com-
pris «les habitats et les espèces de la flore et de la faune». Par l’effet de la
«clause de renvoi» contenue dans l’alinéa a) de l’article 41, l’Argentine
soutient que le statut de 1975 impose à l’Uruguay, dans le cadre des acti-
vités qu’il entreprend sur le fleuve et dans ses zones d’influence, d’honorer

les obligations découlant de la convention CITES, de la convention sur la
diversité biologique et de la convention de Ramsar. Elle affirme que son
programme de surveillance a permis de mettre en évidence des effets
anormaux chez les organismes aquatiques — tels que la malformation
des rotifères et la réduction des réserves lipidiques des coquillages — et

une biomagnification de certains polluants persistants, comme les dio-
xines et les furanes, chez les poissons détritivores (tel le poisson sábalo).
L’Argentine affirme également que, lors des inversions de courant,

89l’exploitation de l’usine fait peser un risque sur le site d’Esteros de Far-
rapos, situé sur le cours inférieur du fleuve Uruguay «en aval du barrage

de Salto Grande et à la frontière avec l’Argentine», à quelques kilomètres
en amont de l’usine Orion (Botnia).
261. L’Uruguay affirme que l’Argentine n’a pas démontré qu’il avait
commis la moindre violation de la convention sur la diversité biologique,
tandis que la convention de Ramsar est sans pertinence en l’espèce puis-

que le site d’Esteros de Farrapos ne figure pas sur la liste des sites Ram-
sar dont les caractéristiques écologiques sont menacées. Quant à la pos-
sibilité que le panache d’effluents provenant de l’usine atteigne Esteros de
Farrapos, l’Uruguay a reconnu à l’audience qu’un tel phénomène pouvait
se produire lorsque certaines conditions étaient réunies. Toutefois l’Uru-

guay a ajouté que l’on peut s’attendre à ce que la dilution des effluents de
l’usine au 1/1000 rende ces derniers relativement inoffensifs, étant rame-
née bien en deçà de toute concentration constitutive de pollution. L’Uru-
guay soutient que les allégations de l’Argentine concernant les effets pré-
judiciables des effluents de l’usine Orion (Botnia) sur les poissons et les
rotifères ne sont pas crédibles. Il renvoie à un rapport détaillé récemment

publié par la DINAMA sur l’ichtyofaune, selon lequel la biodiversité des
espèces n’a pas changé entre 2008 et 2009. L’Uruguay ajoute que, dans
son rapport de juillet 2009 sur les résultats des analyses effectuées en
février 2009 sur les sédiments dans lesquels s’alimentent certaines espèces
de poissons, la DINAMA a déclaré que «la qualité des sédiments au fond

du fleuve Uruguay n’a[vait] pas été altérée du fait de l’activité industrielle
de l’usine Botnia».
262. De l’avis de la Cour, dans le cadre de leur obligation de préserver
le milieu aquatique, les Parties ont le devoir de protéger la faune et la
flore du fleuve. Les normes et les mesures qu’elles sont tenues d’adopter

au titre de l’article 41 devraient également refléter leurs engagements
internationaux en matière de protection de la biodiversité et des habitats,
outre les autres normes relatives à la qualité de l’eau et aux rejets
d’effluents. La Cour ne dispose cependant pas d’éléments de preuve suf-
fisants pour lui permettre de conclure que l’Uruguay n’a pas respecté

l’obligation lui incombant de préserver le milieu aquatique, y compris en
protégeant la faune et la flore. Les éléments recueillis montrent plutôt
qu’aucun lien n’a pu être clairement établi entre les effluents de l’usine
Orion (Botnia) et les malformations des rotifères, les concentrations de
dioxines mesurées chez le sábalo ou la réduction des réserves lipidiques
des coquillages, dont il est fait état dans les constatations du programme

de surveillance environnementale du fleuve Uruguay mis en Œuvre par
l’Argentine (programme URES).

e) Pollution atmosphérique

263. L’Argentine affirme que l’usine Orion (Botnia) a provoqué une
pollution atmosphérique, sonore et visuelle qui a eu un impact négatif sur
«le milieu aquatique», en violation de l’article 41 du statut de 1975. Elle

90fait également valoir que ce dernier a été conclu pour protéger non seu-
lement la qualité des eaux, mais aussi, plus généralement, le «régime» et

les «zones d’influence» du fleuve, c’est-à-dire «l’ensemble des éléments
qui influencent, et qui sont influencés par, l’écosystème du fleuve pris
dans son ensemble». L’Uruguay soutient que la Cour n’est pas compé-
tente pour traiter ces questions et qu’en tout état de cause le bien-fondé
des allégations de l’Argentine n’est pas établi.

264. Pour ce qui est de la pollution visuelle et sonore, la Cour a déjà
conclu au paragraphe 52 que ces questions ne relevaient pas de sa com-
pétence en vertu du statut de 1975. Pour ce qui est de la pollution atmo-
sphérique, la Cour est d’avis que, si les rejets des cheminées de l’usine
déposaient dans le milieu aquatique des substances nocives, cette pollu-

tion indirecte du fleuve relèverait des dispositions du statut de 1975.
L’Uruguay semble adhérer à cette conclusion. Quoi qu’il en soit, eu égard
aux conclusions de la Cour sur la qualité de l’eau, la Cour estime que les
éléments versés au dossier n’établissent pas clairement que des substances
toxiques ont été introduites dans le milieu aquatique en conséquence des
rejets atmosphériques de l’usine Orion (Botnia).

f) Conclusions relatives à l’article 41

265. Il découle de ce qui précède que les éléments de preuve versés au
dossier ne permettent pas d’établir de manière concluante que l’Uruguay
n’a pas agi avec la diligence requise ou que les rejets d’effluents de
l’usine Orion (Botnia) ont eu des effets délétères ou ont porté atteinte aux

ressources biologiques, à la qualité des eaux ou à l’équilibre écologique
du fleuve depuis le démarrage des activités de l’usine en novembre 2007.
En conséquence, sur la base des preuves qui lui ont été présentées, la
Cour conclut que l’Uruguay n’a pas violé ses obligations au titre de l’ar-
ticle 41.

g) Obligations continues: suivi et contrôle

266. De l’avis de la Cour, les deux Parties ont l’obligation de veiller à
ce que la CARU, en tant que mécanisme commun créé par le statut
de 1975, puisse continûment exercer les pouvoirs que lui confère le statut,
y compris ses fonctions de surveillance de la qualité des eaux du fleuve et
d’évaluation de l’impact de l’exploitation de l’usine Orion (Botnia) sur le

milieu aquatique. L’Uruguay, pour sa part, a l’obligation de poursuivre
le contrôle et le suivi du fonctionnement de l’usine conformément à l’ar-
ticle 41 du statut et de s’assurer que Botnia respecte la réglementation
interne uruguayenne ainsi que les normes fixées par la commission. En
vertu du statut de 1975, les Parties sont juridiquement tenues de poursui-
vre leur coopération par l’intermédiaire de la CARU et de permettre à

cette dernière de développer les moyens nécessaires à la promotion de
l’utilisation équitable du fleuve, tout en protégeant le milieu aquatique.

**

91 V. L ES DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LES P ARTIES
DANS LEURS CONCLUSIONS FINALES

267. La Cour ayant conclu que l’Uruguay a manqué aux obligations
de nature procédurale lui incombant en vertu du statut de 1975 (voir

paragraphes 111, 122, 131, 149, 157 et 158 ci-dessus), il lui appartient de
tirer les conséquences de ces faits internationalement illicites qui engagent
la responsabilité internationale de l’Uruguay et de déterminer le contenu
de celle-ci.
268. L’Argentine demande en premier lieu à la Cour de constater que

l’Uruguay a violé les obligations de nature procédurale lui incombant en
vertu du statut de 1975, et a engagé sa responsabilité internationale à ce
titre. Elle demande aussi à la Cour d’ordonner à l’Uruguay la cessation
immédiate de ces faits internationalement illicites.

269. La Cour considère que la constatation du comportement illicite
de l’Uruguay en ce qui concerne ses obligations de nature procédurale
constitue en elle-même une mesure de satisfaction pour l’Argentine. Les
manquements de l’Uruguay aux obligations de nature procédurale ayant
eu lieu par le passé et ayant pris fin, il n’y a pas lieu d’en ordonner la

cessation.
270. L’Argentine estime toutefois qu’un constat d’illicéité constituerait
une forme de réparation insuffisante, quand bien même la Cour consta-
terait que l’Uruguay n’a manqué à aucune obligation de fond découlant
du statut de 1975, mais seulement à certaines de ses obligations de nature

procédurale. L’Argentine soutient en effet que les obligations de nature
procédurale et les obligations de fond prévues par le statut de 1975 sont
étroitement liées et qu’on ne saurait les dissocier sous l’angle de la répara-
tion, car les manquements aux premières continueraient à produire des
effets indésirables alors même qu’ils auraient pris fin. En conséquence,

l’Argentine estime que l’Uruguay est tenu de «rétablir sur le terrain et au
plan juridique la situation qui existait avant la perpétration de[s] ... faits
internationalement illicites». A ce titre, l’usine Orion (Botnia) devrait être
démantelée. Selon l’Argentine, la restitutio in integrum serait en effet la
forme de réparation de principe du fait internationalement illicite. En

s’appuyant sur l’article 35 des articles de la Commission du droit inter-
national sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illi-
cite, l’Argentine soutient que la restitution jouirait d’une priorité sur
toutes les autres formes de réparation, sauf lorsqu’elle est «matériellement
impossible» ou impose «une charge hors de toute proportion avec l’avan-

tage qui dériverait de la restitution plutôt que de l’indemnisation». Elle
expose que le démantèlement de l’usine n’est pas matériellement impos-
sible et n’emporterait par ailleurs pas de charge hors de toute proportion
dans le chef de l’Etat défendeur, dès lors que ce dernier a

«souligné que la construction des usines ne reviendrait pas à consti-

tuer un fait accompli susceptible de porter préjudice aux droits
de l’Argentine, et que la décision de poursuivre les travaux et de

92 prendre ainsi le risque de devoir démanteler les usines en cas de déci-
sion défavorable de la Cour relevait de sa seule responsabilité»,

ainsi que la Cour l’a noté dans son ordonnance sur la demande en indica-
tion de mesures conservatoires soumise par l’Argentine en la présente
affaire (ordonnance du 13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006 , p. 125, par. 47).
L’Argentine ajoute que le caractère éventuellement disproportionné de la

restitution doit s’apprécier au plus tard au moment du dépôt de la
requête introductive d’instance, puisque dès cet instant l’Uruguay ne
pouvait ignorer le risque qu’il encourait en poursuivant la construc-
tion de l’usine litigieuse, ayant connaissance de la demande argentine de
cessation des travaux et de rétablissement de la situation antérieure.

L’Argentine considère enfin que les articles 42 et 43 du statut de 1975
sont inapplicables en l’espèce car ils établissent un régime de respon-
sabilité en l’absence de fait illicite.
271. Considérant que les obligations de nature procédurale sont dis-
tinctes des obligations de fond prévues par le statut de 1975, et que le
contenu de la règle en cause doit être pris en compte pour déterminer la

forme que doit prendre l’obligation de réparer découlant de sa violation,
l’Uruguay soutient que la restitution ne serait pas une forme de répara-
tion appropriée s’il n’était trouvé responsable que de manquements à des
obligations de nature procédurale. L’Uruguay souligne qu’en toute hypo-
thèse le démantèlement de l’usine Orion (Botnia) emporterait une «dis-

proportion frappante entre la gravité des conséquences du fait illicite
reproché et celles du remède demandé», le caractère éventuellement dis-
proportionné de la charge que représente la restitution devant s’apprécier
au moment où la Cour statue et non, comme le soutient l’Argentine, au
moment de sa saisine. L’Uruguay ajoute que le statut de 1975 constitue

une lex specialis au regard du droit de la responsabilité internationale, ses
articles 42 et 43 érigeant l’indemnisation, et non la restitution, comme la
forme de réparation appropriée en cas de pollution du fleuve survenant
en violation du statut de 1975.
272. N’ayant pas été saisie d’une demande de réparation fondée sur un

régime de responsabilité en l’absence de fait illicite, la Cour n’estime pas
nécessaire de déterminer si les articles 42 et 43 du statut de 1975 établis-
sent un tel régime. Il ne saurait par contre être déduit du texte desdits
articles, qui visent spécifiquement des cas de pollution, qu’ils auraient
pour objet ou pour effet d’écarter toute autre forme de réparation que
l’indemnisation en cas de manquement aux obligations de nature procé-

durale découlant du statut de 1975.
273. La Cour rappelle que, selon le droit international coutumier, la
restitution est l’une des formes de réparation du préjudice; elle consiste
dans le rétablissement de la situation qui existait avant la survenance du
fait illicite. La Cour rappelle également que, dans les cas où la restitution

est matériellement impossible ou emporte une charge hors de toute pro-
portion avec l’avantage qui en dériverait, la réparation prend alors la
forme de l’indemnisation ou de la satisfaction, voire de l’indemnisation et

93de la satisfaction (voirProjet Gabˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie),
arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 81, par. 152;Conséquences juridiques de l’édi-

fication d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 152-153; Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 233, par. 460; voir également les articles 34 à 37 des articles de la Com-

mission du droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite).
274. Tout comme les autres formes de réparation, la restitution doit
être appropriée au préjudice subi, compte tenu de la nature du fait illicite
dont il procède. Comme la Cour l’a souligné,

«savoir ce qui constitue «une réparation dans une forme adé-
quate» ... dépend, manifestement, des circonstances concrètes de
chaque affaire ainsi que de la nature exacte et de l’importance du

préjudice, puisqu’il s’agit de déterminer quelle est la «réparation
dans une forme adéquate» qui correspond à ce préjudice» (Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 59, par. 119).

275. Comme la Cour a eu l’occasion de le montrer (voir paragra-
phes 154 à 157 ci-dessus), les obligations de nature procédurale du statut
de 1975 n’emportaient pas, après l’expiration de la période de négocia-

tion, l’interdiction pour l’Uruguay de construire l’usine Orion (Botnia) en
l’absence du consentement de l’Argentine. La Cour a relevé cependant
que la construction de cette usine avait commencé avant la fin des négo-
ciations, en violation des obligations de nature procédurale énoncées par
le statut de 1975. Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a constaté sur la base

des éléments de preuve qui lui ont été soumis, le fonctionnement de
l’usine Orion (Botnia) n’a pas entraîné une violation des obligations de
fond prévues par le statut de 1975 (paragraphes 180, 189 et 265 ci-
dessus). Dès lors qu’il n’était pas interdit à l’Uruguay de construire et
de mettre en service l’usine Orion (Botnia) après l’expiration de la période

de négociation, et que l’Uruguay n’a violé aucune des obligations de fond
imposées par le statut de 1975, ordonner le démantèlement de cette ins-
tallation ne saurait constituer, de l’avis de la Cour, une forme de répara-
tion appropriée à la violation des obligations de nature procédurale.
276. L’Uruguay n’ayant pas manqué aux obligations de fond décou-
lant du statut de 1975, la Cour ne saurait davantage, pour les mêmes rai-

sons, accueillir la demande de l’Argentine relative à l’indemnisation de
certains préjudices dans différents secteurs économiques, notamment le
tourisme et l’agriculture, dont elle allègue l’existence.
277. L’Argentine demande aussi à la Cour de dire et juger que l’Uru-
guay doit «donner des garanties adéquates qu’[il] s’abstiendra à l’avenir

d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et, en par-
ticulier, du mécanisme de consultation institué par le chapitre II de ce
traité».

94 278. La Cour n’aperçoit pas en la présente espèce de circonstances
spéciales requérant d’ordonner une mesure telle que celle que réclame

l’Argentine. Comme la Cour a eu récemment l’occasion de le rappeler:
«[S]i la Cour peut, comme il lui est arrivé de le faire, ordonner à

l’Etat responsable d’un comportement internationalement illicite
d’offrir à l’Etat lésé des assurances et des garanties de non-
répétition, c’est seulement si les circonstances le justifient, ce
qu’il lui appartient d’apprécier.
En règle générale, il n’y a pas lieu de supposer que l’Etat dont un

acte ou un comportement a été déclaré illicite par la Cour répétera à
l’avenir cet acte ou ce comportement, puisque sa bonne foi doit être
présumée (voir Usine de Chorzów, fond, arrêt n o 13, 1928, C.P.J.I.
série A n 17,p.63; Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,

C.I.J. Recueil 1974, p. 272, par. 60; Essais nucléaires (Nouvelle-
Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974 , p. 477, par. 63; et
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité,
arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 437, par. 101). Il n’y a donc pas lieu,

sauf circonstances spéciales ... d’ordonner [que des assurances et des
garanties de non-répétition soient offertes].» (Différend relatif à des
droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicara-
gua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009 , p. 267, par. 150.)

279. L’Uruguay demande pour sa part à la Cour de confirmer son
droit «de poursuivre l’exploitation de l’usine Botnia conformément aux
dispositions du statut de 1975». L’Argentine estime que cette demande

doit être rejetée, notamment parce que, ayant été formulée pour la pre-
mière fois dans la duplique de l’Uruguay, elle constituerait une demande
reconventionnelle irrecevable au regard de l’article 80 du Règlement.
280. Sans qu’il soit nécessaire à la Cour de trancher la question de
recevabilité de cette demande, il lui suffit de constater que la demande de

l’Uruguay n’a aucune portée utile dès lors que les demandes de l’Argen-
tine relatives aux violations, par l’Uruguay, de ses obligations de fond et
au démantèlement de l’usine Orion (Botnia) ont été rejetées.

*
* *

281. La Cour souligne enfin que le statut de 1975 impose aux Parties
de coopérer entre elles, selon les modalités qu’il précise, afin d’assurer la
réalisation de son objet et de son but. Cette obligation de coopération
s’étend au contrôle et au suivi d’une installation industrielle, telle que

l’usine Orion (Botnia). A cet égard, la Cour relève qu’il existe entre les
Parties une longue et efficace tradition de coopération et de coordination
dans le cadre de la CARU. En agissant conjointement au sein de la
CARU, les Parties ont établi une réelle communauté d’intérêts et de

droits dans la gestion du fleuve Uruguay et dans la protection de son
environnement. Elles ont également coordonné leurs actions au moyen

95du mécanisme conjoint constitué par la CARU, conformément aux dis-

positions du statut de 1975, et trouvé dans ce cadre des solutions appro-
priées à leurs divergences sans éprouver la nécessité d’avoir recours au
règlement judiciaire des différends prévu à l’article 60 du statut, jusqu’à
ce que la présente affaire soit portée devant la Cour.

* * *

282. Par ces motifs,

La C OUR ,
1) Par treize voix contre une,

Dit que la République orientale de l’Uruguay a manqué aux obliga-
tions de nature procédurale lui incombant en vertu des articles 7 à 12 du

statut du fleuve Uruguay de 1975 et que la constatation par la Cour de
cette violation constitue une satisfaction appropriée;
POUR : M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l’affaire ;

MM. Koroma, Al-Khasawneh, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor,
Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, juges;
M. Vinuesa, juge ad hoc;
CONTRE : M. Torres Bernárdez, juge ad hoc;

2) Par onze voix contre trois,

Dit que la République orientale de l’Uruguay n’a pas manqué aux obli-
gations de fond lui incombant en vertu des articles 35, 36 et 41 du statut
du fleuve Uruguay de 1975;

POUR : M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l’affaire ;
MM. Koroma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov,
Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, juges; M. Torres Bernárdez, juge
ad hoc;
CONTRE : MM. Al-Khasawneh, Simma, juges; M. Vinuesa, juge ad hoc;

3) A l’unanimité,

Rejette le surplus des conclusions des Parties.

Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de

la Paix, à La Haye, le vingt avril deux mille dix, en trois exemplaires,
dont l’un sera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis
respectivement au Gouvernement de la République argentine et au Gou-
vernement de la République orientale de l’Uruguay.

Le vice-président,

(Signé) Peter T OMKA .

Le greffier,
(Signé) Philippe C OUVREUR .

96 MM. les juges A L-K HASAWNEH et SIMMA joignent à l’arrêt l’exposé de

leur opinion dissidente commune; M. le juge EITHjoint à l’arrêt l’exposé
de son opinion individuelle; M. le jugKOTNIKOV joint une déclaration à
l’arrêt; M. le juge ANÇADO TRINDADE joint à l’arrêt l’exposé de son

opinion individuelle; M. le juge YUSUF joint une déclaration à l’arrêt;
M. le juge G REENWOOD joint à l’arrêt l’exposé de son opinion indivi-
duelle; M. le juge ad hoc ORRES BERNÁRDEZ joint à l’arrêt l’exposé de

son opinion individuelle; M. le juge ad hoc V INUESA joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion dissidente.

(Paraphé) P.T.

(Paraphé) Ph.C.

97

Bilingual Content

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES A|TS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE A v DES USINES DE PÂTE
v PAPIER SUR LE FLEUVE URUGUAY

(ARGENTINE c. URUGUAY)

ARR|T DU 20 AVRIL 2010

2010

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING PULP MILLS
ON THE RIVER URUGUAY

(ARGENTINA v. URUGUAY)

JUDGMENT OF 20 APRIL 2010 Mode officiel de citation:
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay),
arrêt, C.I.J. Recueil 2010 ,p.14

Official citation:
Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay),
Judgment, I.C.J. Reports 2010 ,p.14

Sales number
ISSN 0074-4441 N de vente: 977
ISBN 978-92-1-071089-3 20 AVRIL 2010

ARRE|T

USINES DE P|TE v PAPIER SUR LE FLEUVE URUGUAY
(ARGENTINE c. URUGUAY)

PULP MILLS ON THE RIVER URUGUAY

(ARGENTINA v. URUGUAY)

20 APRIL 2010

JUDGMENT TABLE DES MATIE vRES

Paragraphes

Q UALITÉS 1-24

I. CADRE JURIDIQUE ET FAITS DE ’ESPÈCE 25-47
A. Cadre juridique 26-27
B. Le projet CMB (ENCE) 28-36
C. L’usine Orion (Botnia) 37-47

II. ÉTENDUE DE LA COMPÉTENCE DE LA C OUR 48-66

III. LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES OBLIGATIONS DE NATURE PROCÉDURALE 67-158

A. Les liens entre les obligations de nature procédurale et les
obligations de fond 71-79
B. Les obligations de nature procédurale et leur articulation 80-122

1. La nature et le rôle de la CARU 84-93
2. L’obligation de l’Uruguay d’informer la CARU 94-111
3. L’obligation de l’Uruguay de notifier les projets à l’autre
partie 112-122
C. Les Parties sont-elles convenues de déroger aux obligations

de nature procédurale prévues dans le statut de 1975? 123-150
1. L’«arrangement» du 2 mars 2004 entre l’Argentine et
l’Uruguay 125-131
2. L’accord créant le Groupe technique de haut niveau
(GTAN) 132-150

D. Les obligations de l’Uruguay après l’expiration de la période
de négociation 151-158

IV. L ES OBLIGATIONS DE FOND 159-266

A. La charge de la preuve et la preuve par expertise 160-168
B. Les violations alléguées des obligations de fond 169-266
1. L’obligation de contribuer à l’utilisation rationnelle et
optimale du fleuve (article premier) 170-177
2. L’obligation de veiller à ce que la gestion du sol et des

forêts ne cause pas un préjudice au régime du fleuve ou à
la qualité de ses eaux (article 35) 178-180
3. L’obligation de coordonner les mesures propres à éviter
une modification de l’équilibre écologique (article 36) 181-189
4. L’obligation d’empêcher la pollution et de préserver le
milieu aquatique (article 41) 190-266

a) Evaluation de l’impact sur l’environnement 203-219
i) Le choix du site de Fray Bentos pour l’usine Orion
(Botnia) 207-214
ii) Consultation des populations concernées 215-219

4 TABLE OF CONTENTS

Paragraphs

C HRONOLOGY OF THE PROCEDURE 1-24

I. EGAL F RAMEWORK AND F ACTS OF THECASE 25-47

A. Legal framework 26-27
B. CMB (ENCE) Project 28-36
C. Orion (Botnia) mill 37-47

II. COPE OF THE COURT’S URISDICTION 48-66

III. HE A LLEGED BREACH OF P ROCEDURAL O BLIGATIONS 67-158
A. The links between the procedural obligations and the sub-
stantive obligations 71-79
B. The procedural obligations and their interrelation 80-122

1. The nature and role of CARU 84-93
2. Uruguay’s obligation to inform CARU 94-111
3. Uruguay’s obligation to notify the plans to the other

party 112-122
C. Whether the Parties agreed to derogate from the procedural
obligations set out in the 1975 Statute 123-150

1. The “understanding” of 2 March 2004 between Argen-
tina and Uruguay 125-131
2. The agreement setting up the High-Level Technical
Group (the GTAN) 132-150

D. Uruguay’s obligations following the end of the negotiation
period 151-158

IV. SUBSTANTIVE OBLIGATIONS 159-266

A. Burden of proof and expert evidence 160-168
B. Alleged violations of substantive obligations 169-266
1. The obligation to contribute to the optimum and rational
utilization of the river (Article 1) 170-177

2. The obligation to ensure that the management of the soil
and woodland does not impair the régime of the river or
the quality of its waters (Article 35) 178-180
3. The obligation to co-ordinate measures to avoid changes
in the ecological balance (Article 36) 181-189
4. The obligation to prevent pollution and preserve the
aquatic environment (Article 41) 190-266

(a) Environmental Impact Assessment 203-219

(i) The siting of the Orion (Botnia) mill at Fray
Bentos 207-214
(ii) Consultation of the affected populations 215-219

4 b) La question des techniques de production utilisées à
l’usine Orion (Botnia) 220-228
c) L’impact des rejets sur la qualité des eaux du fleuve 229-259

i) L’oxygène dissous 238-239
ii) Le phosphore 240-250
iii) Les substances phénoliques 251-254
iv) La présence de nonylphénols dans le milieu aqua-

tique 255-257
v) Les dioxines et furanes 258-259
d) Effets sur la diversité biologique 260-262
e) Pollution atmosphérique 263-264

f) Conclusions relatives à l’article 41 265
g) Obligations continues: suivi et contrôle 266

V. L ES DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LES P ARTIES DANS LEURS CONCLU -
SIONS FINALES 267-281

D ISPOSITIF 282

5 (b) Question of the production technology used in the
Orion (Botnia) mill 220-228
(c) Impact of the discharges on the quality of the waters

of the river 229-259
(i) Dissolved oxygen 238-239
(ii) Phosphorus 240-250

(iii) Phenolic substances 251-254
(iv) Presence of nonylphenols in the river environ-
ment 255-257
(v) Dioxins and furans 258-259

(d) Effects on biodiversity 260-262
(e) Air pollution 263-264
(f) Conclusions on Article 41 265
(g) Continuing obligations: monitoring 266

V. THE C LAIMSM ADE BY THE PARTIES IT HEIRF INALSUBMISSIONS 267-281

O PERATIVECLAUSE 282

5 ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES

AAP «Autorización Ambiental Previa» (autorisation environnemen-

tale préalable)
ADCP «Acoustic Doppler Current Profiler» (profileur de courant à
effet Doppler)
AOX «Adsorbable Organic Halogens» (composés organo-halogénés
adsorbables)
BAT «Best Available Techniques (or Technology)» (meilleures tech-
niques disponibles)
Botnia «Botnia S.A.» et «Botnia Fray Bentos S.A.» (deux sociétés de
droit uruguayen créées par la société finlandaise Oy Metsä-
Botnia AB)
CARU «Comisión Administradora del Río Uruguay» (commission
administrative du fleuve Uruguay)
CIS «Cumulative Impact Study» (étude d’impact cumulé réalisée
en septembre 2006 à la demande de la Société financière inter-
nationale)
CMB «Celulosas de M’Bopicuá S.A.» (société de droit uruguayen

créée par la société espagnole ENCE)
CMB (ENCE) Usine de pâte à papier projetée à Fray Bentos par la société
espagnole ENCE ayant créé à cette fin la société uruguayenne
CMB
DINAMA «Dirección Nacional de Medio Ambiente» (direction nationale
de l’environnement du Gouvernement uruguayen)
ECF «Elemental Chlorine-Free» (exempt de chlore élémentaire)
EIE Evaluation de l’impact sur l’environnement
ENCE «Empresa Nacional de Celulosas de España» (société espa-
gnole ayant créé la société CMB de droit uruguayen)
GTAN «Grupo Técnico de Alto Nivel» (Groupe technique de haut
niveau créé en 2005 par l’Argentine et l’Uruguay pour résoudre
leur litige concernant les usines CMB (ENCE) et Orion (Bot-
nia))
IPPC-BAT «Integrated Pollution Prevention and Control Reference Docu-
ment on Best Available Techniques in the Pulp and Paper

Industry» (document de référence en matière de prévention et
de réduction intégrées de la pollution sur les meilleures techni-
ques disponibles dans l’industrie de la pâte et du papier)
MVOTMA «Ministerio de Vivienda, Ordenamiento Territorial y Medio
Ambiente» (ministère uruguayen du logement, de l’aménage-
ment du territoire et de l’environnement)
Orion (Botnia) Usine de pâte à papier construite à Fray Bentos par la société
finlandaise Oy Metsä-Botnia AB, ayant créé à cette fin les
sociétés uruguayennes Botnia S.A. et Botnia Fray Bentos
S.A.
OSE «Obras Sanitarias del Estado» (organisme public uruguayen
chargé de l’assainissement et de la distribution de l’eau)

6 ABBREVIATIONS AND ACRONYMS

AAP “Autorización Ambiental Previa” (initialenvironmental

authorization)
ADCP Acoustic Doppler Current Profiler
AOX Adsorbable Organic Halogens
BAT Best Available Techniques (or Technology)
Botnia “Botnia S.A.” and “Botnia Fray Bentos S.A.” (two companies
formed under Uruguayan law by the Finnish company Oy
Metsä-Botnia AB)
CARU “Comisión Administradora del Río Uruguay” (Administrative
Commission of the River Uruguay)
CIS Cumulative Impact Study (prepared in September 2006 at the
request of the International Finance Corporation)
CMB Celulosas de M’Bopicuá S.A.” (a company formed under Uru-
guayan law by the Spanish company ENCE)
CMB (ENCE) Pulp mill planned at Fray Bentos by the Spanish company
ENCE, which formed the Uruguayan company CMB for that
purpose

DINAMA “Dirección Nacional de Medio Ambiente” (National Directo-
rate for the Environment of the Uruguayan Government)
ECF Elemental Chlorine-Free
EIA Environmental Impact Assessment
ENCE “Empresa Nacional de Celulosas de España” (Spanish com-
pany which formed the company CMB under Uruguayan law)
ESAP Environmental and Social Action Plan
GTAN “Grupo Técnico de Alto Nivel” (High-Level Technical Group
established in 2005 by Argentina and Uruguay to resolve their
dispute over the CMB (ENCE) and Orion (Botnia) mills)
IFC International Finance Corporation
IPPC-BAT Integrated Pollution Prevention and Control Reference Docu-
ment on Best Available Techniques in the Pulp and Paper
Industry
MVOTMA “Ministerio de Vivienda, Ordenamiento Territorial y Medio
Ambiente” (Uruguayan Ministry of Housing, Land Use Plan-

ning and Environmental Affairs)
Orion (Botnia) Pulp mill built at Fray Bentos by the Finnish company Oy
Metsä-Botnia AB, which formed the Uruguayan companies
Botnia S.A. and Botnia Fray Bentos S.A. for that purpose
OSE “Obras Sanitarias del Estado” (Uruguay’s State Agency for
Sanitary Works)
POPs Persistent Organic Pollutants
PROCEL “Plan de Monitoreo de la Calidad Ambiental en el Río Uru-
guay en áreas de Plantas Celulósicas” (Plan for monitoring
water quality in the area of the pulp mills set up under CARU)

6PAES Plan d’action environnemental et social
POP Polluants organiques persistants
PROCEL «Plan de Monitoreo de la Calidad Ambiental del Río Uruguay
en áreas de Plantas Celulósicas» (plan de contrôle et de suivi
(monitoring) de la qualité des eaux du fleuve Uruguay dans la

zone des usines de pâte à papier, mis en place dans le cadre de
la CARU)
PROCON «Programa de Calidad de Aguas y Control de la Contamina-
ción del Río Uruguay» (programme de contrôle de la qualité et
de la pollution des eaux du fleuve Uruguay, mis en place dans
le cadre de la CARU)
SFI Société financière internationale

7PROCON “Programa de Calidad de Aguas y Control de la Contami-
nación del Río Uruguay” (Water quality and pollution control
programme set up under CARU)

7 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

2010 ANNÉE 2010
20 avril
Rôlo général
n 135 20 avril 2010

AFFAIRE RELATIVE A v DES USINES DE PÂTE

Av PAPIER SUR LE FLEUVE URUGUAY

(ARGENTINE c. URUGUAY)

Cadre juridique et faits de l’espèce.
Traité de Montevideo de 1961 — Statut du fleuve Uruguay de 1975 — Eta-
blissement de la commission administrative du fleuve Uruguay (CARU) — Pro-
jet d’usine de pâte à papier CMB (ENCE) — Projet d’usine de pâte à papier
Orion (Botnia) — Terminal portuaire de Nueva Palmira — Objet du différend.

*

Etendue de la compétence de la Cour.
Clause compromissoire (article 60 du statut de 1975) — Dispositions du sta-
tut de 1975 et compétence ratione materiae — Incompétence de la Cour pour
connaître d’allégations relatives à la pollution sonore et visuelle ou aux mau-
vaises odeurs (article 36 du statut de 1975) — Pollution atmosphérique et
atteinte à la qualité des eaux du fleuve examinées dans le cadre des obligations
de fond.
Article premier du statut de 1975 — Définition du but du statut
de 1975 — Mécanismes communs nécessaires à l’utilisation rationnelle et opti-
male du fleuve — Portée de la référence aux «droits et obligations découlant des
traités et autres engagements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou
l’autre des parties» — Texte original espagnol — Statut adopté par les parties
dans le respect de leurs engagements internationaux respectifs.
Alinéa a)de l’article 41 du statut de 1975 — Texte original espagnol — Absence
de «clause de renvoi» ayant pour effet d’incorporer dans le champ d’application
du statut les obligations des parties découlant des accords internationaux et
autres normes qui y sont visées — Obligation des parties d’exercer leurs pouvoirs
de réglementation en conformité avec les accords internationaux applicables aux
fins de la protection et de la préservation du milieu aquatique du fleuve Uru-

guay — Règles d’interprétation du statut de 1975 — Article 31 de la convention

8 INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

YEAR 2010 2010
20 April
General List
20 April 2010 No. 135

CASE CONCERNING PULP MILLS

ON THE RIVER URUGUAY

(ARGENTINA v. URUGUAY)

Legal framework and facts of the case.
1961 Treaty of Montevideo — 1975 Statute of the River Uruguay — Estab-
lishment of the Administrative Commission of the River Uruguay (CARU) —
CMB (ENCE) pulp mill project — Orion (Botnia) pulp mill project — Port
terminal at Nueva Palmira — Subject of the dispute.

*

Scope of the Court’s jurisdiction.
Compromissory clause (Article 60 of the 1975 Statute) — Provisions of the
1975 Statute and jurisdiction ratione materiae — Lack of jurisdiction for the
Court to consider allegations concerning noise and visual pollution or bad
odours (Article 36 of the 1975 Statute) — Air pollution and impact on the qual-
ity of the waters of the river addressed under substantive obligations.

Article 1 of the 1975 Statute — Definition of the purpose of the 1975 Stat-
ute — Joint machinery necessary for the optimum and rational utilization of the
river — Significance of the reference to the “rights and obligations arising from
treaties and other international agreements in force for each of the parties” —
Original Spanish text — Statute adopted by the parties in observance of their
respective international commitments.
Article 41 (a) of the 1975 Statute — Original Spanish text — Absence of a
“referral clause” having the effect of incorporating within the ambit of the Stat-
ute the obligations of the parties under international agreements and other
norms envisaged in the Statute — Obligation for the parties to exercise their
regulatory powers, in conformity with applicable international agreements, for
the protection and preservation of the aquatic environment of the River Uru-

guay — Rules for interpreting the 1975 Statute — Article 31 of the Vienna

8de Vienne sur le droit des traités — Distinction entre la prise en considération
d’autres règles internationales lors de l’interprétation du statut de 1975 et l’éten-
due de la compétence de la Cour en vertu de son article 60.

*

Violation alléguée des obligations de nature procédurale.
Question des liens entre les obligations de nature procédurale et les obliga-
tions de fond — Objet et but du statut de 1975 — Utilisation rationnelle et opti-
male du fleuve Uruguay — Développement durable — Coopération entre les
parties pour la gestion commune des risques de dommages à l’environne-
ment — Existence d’un lien fonctionnel, relatif à la prévention, entre les obli-
gations de nature procédurale et les obligations de fond — Responsabilité en cas
de violation des unes ou des autres.
Articulation des différentes obligations de nature procédurale prévues par les
articles 7 à 12 du statut de 1975 — Texte original espagnol de l’article 7 — Obli-
gation d’informer, de notifier et de négocier comme moyen approprié de parvenir
à l’objectif d’utilisation rationnelle et optimale du fleuve en tant que ressource
partagée — Personnalité juridique de la CARU — Rôle central de la CARU

dans la gestion commune du fleuve et l’obligation de coopérer entre les parties.
Obligation d’informer la CARU (premier alinéa de l’article 7 du statut de
1975) — Ouvrages soumis à cette obligation — Lien entre l’obligation d’infor-
mer la CARU, la coopération entre les parties et l’obligation de préven-
tion — Détermination sommaire par la CARU d’un risque de préjudice sensible
à l’autre partie — Contenu de l’information devant être transmise à la
CARU — Obligation d’informer la CARU avant la délivrance de l’autorisation
environnementale préalable — L’information de la CARU par des opérateurs
privés ne peut tenir lieu de l’obligation d’informer prévue par le statut
de 1975 — Violation par l’Uruguay de l’obligation d’informer la CARU.
Obligation de notifier les projets à l’autre partie (deuxième et troisième ali-
néas de l’article 7 du statut de 1975) — Nécessité de disposer d’une évaluation
de l’impact sur l’environnement (EIE) complète — Notification de l’EIE à

l’autre partie par l’intermédiaire de la CARU avant toute décision relative à la
viabilité environnementale du projet — Violation par l’Uruguay de l’obligation
de notifier les projets à l’Argentine.
Question de l’éventuelle dérogation aux obligations de nature procédurale
convenue entre les Parties — «Arrangement» du 2 mars 2004 — Contenu et
portée — L’Uruguay ne s’y étant pas conformé, l’«arrangement» ne peut être
considéré comme ayant eu pour effet de le dispenser du respect des obligations
de nature procédurale — Accord créant le Groupe technique de haut niveau
(GTAN) — Saisine de la Cour sur la base de l’article 12 ou de l’article 60 du
statut de 1975: distinction sans incidence — L’accord créant le GTAN a eu
pour but de permettre aux négociations prévues à l’article 12 du statut de 1975
d’avoir lieu, mais il n’a pas dérogé à d’autres obligations de nature procédu-
rale — En acceptant la création du GTAN, l’Argentine n’a renoncé ni aux

droits de nature procédurale que lui reconnaît le statut, ni à invoquer la respon-
sabilité de l’Uruguay; l’Argentine n’a pas davantage consenti à suspendre
l’application des dispositions procédurales du statut (article 57 de la convention
de Vienne sur le droit des traités) — Obligation de négocier de bonne foi — Obli-
gation de «non-construction» durant la période de négociation — Travaux pré-
liminaires autorisés par l’Uruguay — Violation par l’Uruguay de l’obligation de
négocier prévue à l’article 12 du statut de 1975.

9Convention on the Law of Treaties — Distinction between taking account of
other international rules in the interpretation of the 1975 Statute and the scope
of the jurisdiction of the Court under Article 60 of the latter.

*

Alleged breach of procedural obligations.
Question of links between the procedural obligations and the substantive obli-
gations — Object and purpose of the 1975 Statute — Optimum and rational
utilization of the River Uruguay — Sustainable development — Co-operation
between the parties in jointly managing the risks of damage to the environ-
ment — Existence of a functional link, in regard to prevention, between the pro-
cedural obligations and the substantive obligations — Responsibility in the event
of breaches of either category.
Interrelation of the various procedural obligations laid down by Articles 7 to
12 of the 1975 Statute — Original Spanish text of Article 7 — Obligation to
inform, notify and negotiate as an appropriate means of achieving the objective
of optimum and rational utilization of the river as a shared resource — Legal
personality of CARU — Central role of CARU in the joint management of the

river and obligation of the parties to co-operate.
Obligation to inform CARU (Article 7, first paragraph, of the 1975 Stat-
ute) — Works subject to this obligation — Link between the obligation to
inform CARU, co-operation between the parties and the obligation of preven-
tion — Determination by CARU on a preliminary basis of whether there is a
risk of significant damage to the other party — Content of the information to be
transmitted to CARU — Obligation to inform CARU before issuing of the ini-
tial environmental authorization — Provision of information to CARU by pri-
vate operators cannot substitute for the obligation to inform laid down by the
1975 Statute — Breach by Uruguay of the obligation to inform CARU.
Obligation to notify the plans to the other party (Article 7, second and third
paragraphs, of the 1975 Statute) — Need for a full environmental impact
assessment (EIA) — Notification of the EIA to the other party, through

CARU, before any decision on the environmental viability of the plan — Breach
by Uruguay of the obligation to notify the plans to Argentina.

Question of whether the Parties agreed to derogate from the procedural obli-
gations — “Understanding” of 2 March 2004 — Content and scope — Since
Uruguay did not comply with it, the “understanding” cannot be regarded as
having had the effect of exempting Uruguay from compliance with the proce-
dural obligations — Agreement setting up the High-Level Technical Group
(GTAN) — Referral to the Court on the basis of Article 12 or Article 60 of the
1975 Statute: no practical distinction — The agreement to set up the GTAN
had the aim of enabling the negotiations provided for in Article 12 of the 1975
Statute to take place, but did not derogate from other procedural obligations —
In accepting the creation of the GTAN, Argentina did not give up the procedural

rights belonging to it by virtue of the Statute, nor the possibility of invoking
Uruguay’s responsibility; nor did Argentina consent to suspending the operation
of the procedural provisions of the Statute (Article 57 of the Vienna Convention
on the Law of Treaties) — Obligation to negotiate in good faith — “No con-
struction obligation” during the negotiation period — Preliminary work
approved by Uruguay — Breach by Uruguay of the obligation to negotiate laid
down by Article 12 of the 1975 Statute.

9 Obligations de l’Uruguay après l’expiration de la période de négocia-
tion — Portée de l’article 12 du statut de 1975 — Absence d’obligation de «non-
construction» après l’expiration de la période de négociation et pendant la phase
de règlement judiciaire.

*

Violations alléguées des obligations de fond.
Charge de la preuve — Approche de précaution et absence de renversement de
la charge de la preuve — Preuve par expertise — Rapports établis à la demande
des Parties — Indépendance des experts — Appréciation des faits par la
Cour — Experts intervenus à l’audience en qualité de conseils — Question des
témoins, experts et témoins-experts.
Utilisation rationnelle et optimale du fleuve Uruguay — Définissant le but du
statut de 1975, l’article premier ne crée pas de droits ou obligations spécifi-
ques — Obligation de se conformer aux obligations prescrites par le statut aux
fins de la protection de l’environnement et de la gestion conjointe du
fleuve — Fonction réglementaire de la CARU — Lien étroit entre l’utilisation
équitable et raisonnable du fleuve comme ressource partagée et la nécessité,

qui est au cŒur du développement durable, de concilier le développement écono-
mique et la protection de l’environnement (article 27 du statut de 1975).

Obligation de veiller à ce que la gestion du sol et des forêts ne cause pas un
préjudice au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux (article 35 du statut
de 1975) — Allégations de l’Argentine non établies.
Obligation de coordonner les mesures propres à éviter une modification de
l’équilibre écologique (article 36 du statut de 1975) — Exigence d’une action
individuelle de chaque partie et d’une action concertée par l’intermédiaire de la
CARU — Obligation de diligence requise («due diligence») — L’Argentine n’a
pas démontré de manière convaincante que l’Uruguay a refusé de prendre part
aux efforts de coordination prévus par l’article 36 du statut de 1975.
Obligation d’empêcher la pollution et de préserver le milieu aquati-

que — Contenu normatif de l’article 41 du statut de 1975 — Obligation pour
chaque partie d’adopter des normes et mesures destinées à protéger et préserver
le milieu aquatique et, en particulier, à empêcher la pollution — Les normes et
mesures adoptées par chaque partie doivent être conformes aux accords inter-
nationaux applicables et, le cas échéant, en harmonie avec les directives et
recommandations des organismes techniques internationaux — Obligation de
diligence requise («due diligence») d’adopter des normes et mesures et de les
mettre en Œuvre — Définition de la pollution selon l’article 40 du statut
de 1975 — Activité réglementaire de la CARU (article 56 du statut de 1975),
complémentaire à celle de chaque partie — Digeste de la CARU — Règles à
l’aune desquelles l’existence d’effets nocifs doit s’apprécier: statut de 1975,
digeste de la CARU, droit interne de chacune des parties dans la mesure exigée
par le statut de 1975.

Evaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) — Obligation de procéder
à une EIE — Portée et contenu de l’EIE — Renvoi au droit interne — Question
du choix du site des usines comme élément de l’EIE — La Cour n’est pas
convaincue par l’argument de l’Argentine selon lequel une évaluation des diffé-
rents sites possibles n’a pas eu lieu — Capacité de réception des eaux du fleuve
à Fray Bentos et inversions de courant — Les normes de la CARU relatives à la
qualité des eaux tiennent compte des caractéristiques géomorphologiques et

10 Obligations of Uruguay following the end of the negotiation period — Scope
of Article 12 of the 1975 Statute — Absence of a “no construction obligation”
following the end of the negotiation period and during the judicial settlement
phase.

*

Alleged breaches of substantive obligations.
Burden of proof — Precautionary approach without reversal of the burden of
proof — Expert evidence — Reports commissioned by the Parties — Independ-
ence of experts — Consideration of the facts by the Court — Experts appearing
as counsel at the hearings — Question of witnesses, experts and expert wit-
nesses.
Optimum and rational utilization of the River Uruguay — Article 1 of the
1975 Statute sets out the purpose of the instrument and does not lay down
specific rights and obligations — Obligation to comply with the obligations
prescribed by the Statute for the protection of the environment and the joint
management of the river — Regulatory function of CARU — Interconnected-
ness between equitable and reasonable utilization of the river as a shared

resource and the balance between economic development and environmental
protection that is the essence of sustainable development (Article 27 of the 1975
Statute).
Obligation to ensure that the management of the soil and woodland does not
impair the régime of the river or the quality of its waters (Article 35 of the 1975
Statute) — Contentions of Argentina not established.
Obligation to co-ordinate measures to avoid changes to the ecological balance
(Article 36 of the 1975 Statute) — Requirement of individual action by each
party and co-ordination through CARU — Obligation of due diligence —
Argentina has not convincingly demonstrated that Uruguay has refused to
engage in the co-ordination envisaged by Article 36 of the 1975 Statute.

Obligation to prevent pollution and preserve the aquatic environment — Norm-

ative content of Article 41 of the 1975 Statute — Obligation for each party to
adopt rules and measures to protect and preserve the aquatic environment and,
in particular, to prevent pollution — The rules and measures prescribed by each
party must be in accordance with applicable international agreements and in
keeping, where relevant, with the guidelines and recommendations of interna-
tional technical bodies — Due diligence obligation to prescribe rules and meas-
ures and to apply them — Definition of pollution given in Article 40 of the
1975 Statute — Regulatory action of CARU (Article 56 of the 1975 Statute),
complementing that of each party — CARU Digest — Rules by which the exist-
ence of any harmful effects is to be determined: 1975 Statute, CARU Digest,
domestic law of each party within the limits prescribed by the 1975 Statute.

Environmental impact assessment (EIA) — Obligation to conduct an EIA —
Scope and content of the EIA — Referral to domestic law — Question of the
choice of mill site as part of the EIA — The Court is not convinced by Argen-
tina’s argument that an assessment of possible sites was not carried out —
Receiving capacity of the river at Fray Bentos and reverse flows — The CARU
water quality standards take account of the geomorphological and hydrological
characteristics of the river and the receiving capacity of its waters — Question

10hydrologiques du fleuve et de la capacité de réception de ses eaux — Question de
la consultation des populations concernées comme élément de l’EIE — Aucune
obligation juridique de consulter les populations concernées ne découle des ins-
truments invoqués par l’Argentine — Une consultation par l’Uruguay des popu-
lations concernées a bien eu lieu.
Techniques de production utilisées à l’usine Orion (Botnia) — Aucun élément

ne vient à l’appui de la prétention de l’Argentine selon laquelle l’usine Orion
(Botnia) n’appliquerait pas les meilleures techniques disponibles en matière de
rejets d’effluents par tonne de pâte à papier produite — Il ne ressort pas des
données réunies après la mise en service de l’usine Orion (Botnia) que ses rejets
ont excédé les limites autorisées.
Impact des rejets de l’usine sur la qualité des eaux du fleuve — Contrôle et
suivi postopérationnel — Oxygène dissous — Phosphore — Prolifération
d’algues — Substances phénoliques — Présence de nonylphénols dans le milieu
aquatique — Dioxines et furanes — Violations alléguées non établies.
Effets sur la diversité biologique — Eléments de preuve insuffisants pour
conclure que l’Uruguay n’a pas respecté l’obligation de protéger le milieu aqua-
tique, y compris la faune et la flore.
Pollution atmosphérique — Pollution indirecte par dépôt dans le milieu aqua-

tique — Eléments de preuve insuffisants.
Sur la base des preuves présentées, absence de violation de l’article 41 du sta-
tut de 1975 par l’Uruguay.
Obligations continues: suivi et contrôle — Obligation des Parties de veiller à
ce que la CARU puisse continûment exercer ses pouvoirs au titre du statut
de 1975 — Obligation de l’Uruguay de poursuivre le contrôle et le suivi du fonc-
tionnement de l’usine Orion (Botnia) — Obligation des Parties de poursuivre
leur coopération par l’intermédiaire de la CARU.

*
Demandes présentées par les Parties dans leurs conclusions finales.
Demandes de l’Argentine — Violation des obligations de nature procédu-

rale — Constat d’illicéité et satisfaction — Formes de réparation autres que
l’indemnisation non exclues par le statut de 1975 — Restitution en tant que
forme de réparation du préjudice — Définition — Limites — Caractère appro-
prié de la forme de réparation par rapport au préjudice subi, compte tenu du
fait illicite — Caractère inapproprié de la restitution sous la forme du déman-
tèlement de l’usine Orion (Botnia) dans le cas d’une violation des seules obliga-
tions de nature procédurale — Absence de violation des obligations de fond et
rejet des autres réclamations présentées par l’Argentine — Absence de circon-
stances spéciales requérant d’ordonner des assurances et garanties de non-
répétition.
Demande de l’Uruguay visant à confirmer son droit de poursuivre l’exploita-
tion de l’usine Orion (Botnia) — Absence de portée utile.

*

Obligation des Parties de coopérer entre elles selon les modalités prévues par
le statut de 1975 afin d’assurer la réalisation de son objet et de son but — Action
conjointe des Parties au sein de la CARU et établissement d’une réelle commu-
nauté d’intérêts et de droits dans la gestion du fleuve Uruguay et dans la protec-
tion de son environnement.

11of consultation of the affected populations as part of the EIA — No legal obli-
gation to consult the affected populations arises from the instruments invoked
by Argentina — Consultation by Uruguay of the affected populations did indeed
take place.

Production technology used in the Orion (Botnia) mill — No evidence to sup-

port Argentina’s claim that the Orion (Botnia) mill is not BAT-compliant in
terms of the discharges of effluent for each tonne of pulp produced — From the
data collected after the start-up of the Orion (Botnia) mill, it does not appear
that the discharges from it have exceeded the prescribed limits.

Impact of the discharges on the quality of the waters of the river — Post-
operational monitoring — Dissolved oxygen — Phosphorus — Algal blooms —
Phenolic substances — Presence of nonylphenols in the river environment —
Dioxins and furans — Alleged breaches not established.
Effects on biodiversity — Insufficient evidence to conclude that Uruguay
breached the obligation to protect the aquatic environment, including its fauna
and flora.
Air pollution — Indirect pollution from deposits into the aquatic environ-

ment — Insufficient evidence.
On the basis of the evidence submitted, no breach by Uruguay of Article 41 of
the 1975 Statute.
Continuing obligations: monitoring — Obligation of the Parties to enable
CARU to exercise on a continuous basis the powers conferred on it by the
1975 Statute — Obligation of Uruguay to continue monitoring the operation of
the Orion (Botnia) plant — Obligation of the Parties to continue their co-op-
eration through CARU.

*
Claims made by the Parties in their final submissions.
Claims of Argentina — Breach of procedural obligations — Finding of

wrongful conduct and satisfaction — Forms of reparation other than compensa-
tion not excluded by the 1975 Statute — Restitution as a form of reparation
for injury — Definition — Limits — Form of reparation appropriate to the
injury suffered, taking into account the nature of the wrongful act — Restitution
in the form of the dismantling of the Orion (Botnia) mill not appropriate
where only breaches of procedural obligations have occurred — No breach
of substantive obligations and rejection of Argentina’s other claims — No
special circumstances requiring the ordering of assurances and guarantees
of non-repetition.

Uruguay’s request for confirmation of its right to continue operating the
Orion (Botnia) plant — No practical significance.

*

Obligation of the Parties to co-operate with each other, on the terms set out
in the 1975 Statute, to ensure the achievement of its object and purpose — Joint
action of the Parties through CARU and establishment of a real community of
interests and rights in the management of the River Uruguay and in the protec-
tion of its environment.

11 ARRÊT

Présents: M. T OMKA , vice-président, faisant fonction de président en l’affaire ;
MM. K OROMA ,A L-KHASAWNEH ,S IMMA,A BRAHAM ,K EIT,S EPÚLVEDA-
A MOR,B ENNOUNA,S KOTNIKOV,CANÇADO T RINDADE,YUSUF ,GREENWOOD ,
juges; MM. T ORRESB ERNÁRDEZ,V INUES, juges ad hoc; M. OUVREUR,
greffier.

En l’affaire relative à des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay,
entre

la République argentine,

représentée par
S. Exc. M meSusana Ruiz Cerutti, ambassadeur, conseiller juridique du mi-
nistère des relations extérieures, du commerce international et du culte,

comme agent;
S. Exc. M. Horacio A. Basabe, ambassadeur, directeur général de l’Institut

du service extérieur de la nation, ancien conseiller juridique du ministère
des relations extérieures, du commerce international et du culte, membre
de la Cour permanente d’arbitrage,
S. Exc. M. Santos Goñi Marenco, ambassadeur de la République argentine
auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme coagents;
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Paris Ouest, Nanterre-La
Défense, membre et ancien président de la Commission du droit interna-

tional, membre associé de l’Institut de droit international,
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit international à l’University Col-
lege de Londres, avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Marcelo Kohen, professeur de droit international à l’Institut de hautes
études internationales et du développement de Genève, membre associé de
l’Institut de droit international,
me
M Laurence Boisson de Chazournes, professeur de droit international à
l’Université de Genève,
M. Alan Béraud, ministre à l’ambassade de la République argentine auprès
de l’Union européenne, ancien conseiller juridique du ministère des rela-
tions extérieures, du commerce international et du culte,
M. Daniel Müller, chercheur au Centre de droit international de Nanterre

(CEDIN), Université de Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseils et avocats;

M. Homero Bibiloni, secrétaire d’Etat à l’environnement et au développe-
ment durable,
comme autorité gouvernementale;

M. Esteban Lyons, directeur national du contrôle environnemental du secré-
tariat à l’environnement et au développement durable,
M. Howard Wheater, docteur en hydrologie de l’Université de Bristol, pro-
fesseur d’hydrologie à l’Imperial College de Londres, directeur de l’Impe-
rial College Environment Forum,

12 JUDGMENT

Present: Vice-President TOMKA , Acting President ; Judges KOROMA ,
A L-KHASAWNEH ,S IMMA,A BRAHAM ,K EITH,S EPÚLVEDA-A MOR,
B ENNOUNA ,S KOTNIKOV,C ANÇADO TRINDADE ,Y USUF,G REENWOOD ;
Judges ad hoc TORRES B ERNÁRDEZ,V INUESA; Registrar OUVREUR .

In the case concerning pulp mills on the River Uruguay,

between

the Argentine Republic,

represented by
H.E. Ms Susana Ruiz Cerutti, Ambassador, Legal Adviser to the Ministry of
Foreign Affairs, International Trade and Worship,

as Agent;
H.E. Mr. Horacio A. Basabe, Ambassador, Director of the Argentine Insti-
tute for Foreign Service, former Legal Adviser to the Ministry of Foreign
Affairs, International Trade and Worship, Member of the Permanent

Court of Arbitration,
H.E. Mr. Santos Goñi Marenco, Ambassador of the Argentine Republic to
the Kingdom of the Netherlands,
as Co-Agents;

Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-
La Défense, member and former Chairman of the International Law Com-
mission, associate member of the Institut de droit international,
Mr. Philippe Sands, Q.C., Professor of International Law at University Col-

lege London, Barrister at Matrix Chambers, London,
Mr. Marcelo Kohen, Professor of International Law at the Graduate Insti-
tute of International and Development Studies, Geneva, associate member
of the Institut de droit international,
Ms Laurence Boisson de Chazournes, Professor of International Law at the
University of Geneva,
Mr. Alan Béraud, Minister at the Embassy of the Argentine Republic to the

European Union, former Legal Adviser to the Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
Mr. Daniel Müller, Researcher at the Centre de droit international de
Nanterre (CEDIN), University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
as Counsel and Advocates;

Mr. Homero Bibiloni, Federal Secretary for the Environment and Sustain-
able Development,

as Governmental Authority;
Mr. Esteban Lyons, National Director of Environmental Control, Secre-
tariat of the Environment and Sustainable Development,
Mr. Howard Wheater, Ph.D. in Hydrology from Bristol University, Profes-

sor of Hydrology at Imperial College and Director of the Imperial College
Environment Forum,

12 M. Juan Carlos Colombo, docteur en océanographie de l’Université de Qué-
bec, professeur à la faculté des sciences et au musée de l’Université natio-
nale de La Plata, directeur du laboratoire de chimie environnementale et
de biogéochimie de l’Université nationale de La Plata,

M. Neil McIntyre, docteur en ingénierie environnementale, maître de confé-
mences à l’Imperial College de Londres,
M Inés Camilloni, docteur en sciences atmosphériques, professeur de
sciences atmosphériques à la faculté des sciences de l’Université de
Buenos Aires, maître de recherche au conseil national de la recherche
(CONICET),
M. Gabriel Raggio, docteur en sciences techniques de l’Ecole polytechnique
fédérale de Zurich (ETHZ) (Suisse), consultant indépendant,

comme conseillers scientifiques et experts;

M. Holger Martinsen, ministre au bureau du conseiller juridique du minis-
tère des relations extérieures, du commerce international et du culte,
M. Mario Oyarzábal, conseiller d’ambassade, membre du bureau du
conseiller juridique du ministère des relations extérieures, du commerce
international et du culte,
M. Fernando Marani, deuxième secrétaire à l’ambassade de la République
argentine au Royaume des Pays-Bas,
M. Gabriel Herrera, secrétaire d’ambassade, membre du bureau du conseiller
juridique du ministère des relations extérieures, du commerce international

me du culte,
M Cynthia Mulville, secrétaire d’ambassade, membre du bureau du
conseiller juridique du ministère des relations extérieures, du commerce
international et du culte,
M me Kate Cook, avocat, Matrix Chambers (Londres), spécialisée en droit de
l’environnement et en droit du développement,
M me Mara Tignino, docteur en droit, chercheur à l’Université de Genève,
M. Magnus Jesko Langer, assistant d’enseignement et de recherche à l’Insti-
tut de hautes études internationales et du développement de Genève,

comme conseillers juridiques,

et

la République orientale de l’Uruguay,

représentée par
S. Exc. M. Carlos Gianelli, ambassadeur de la République orientale de

l’Uruguay auprès des Etats-Unis d’Amérique,
comme agent;

S. Exc. M. Carlos Mora Medero, ambassadeur de la République orientale de
l’Uruguay auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme coagent;
M. Alan Boyle, professeur de droit international à l’Université d’Edimbourg,
membre du barreau d’Angleterre,
M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Flo-
rence,

13 Mr. Juan Carlos Colombo, Ph.D. in Oceanography from the University of
Quebec, Professor at the Faculty of Sciences and Museum of the National
University of La Plata, Director of the Laboratory of Environmental
Chemistry and Biogeochemistry at the National University of La Plata,
Mr. Neil McIntyre, Ph.D. in Environmental Engineering, Senior Lecturer in
Hydrology at Imperial College London,

Ms Inés Camilloni, Ph.D. in Atmospheric Sciences, Professor of Atmos-
pheric Sciences in the Faculty of Sciences of the University of Buenos
Aires, Senior Researcher at the National Research Council (CONICET),

Mr. Gabriel Raggio, Doctor in Technical Sciences of the Swiss Federal Insti-
tute of Technology Zurich (ETHZ) (Switzerland), Independent Consult-
ant,

as Scientific Advisers and Experts;
Mr. Holger Martinsen, Minister at the Office of the Legal Adviser, Ministry
of Foreign Affairs, International Trade and Worship,
Mr. Mario Oyarzábal, Embassy Counsellor, member of the Office of the
Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs, International Trade and Wor-
ship,

Mr. Fernando Marani, Second Secretary, Embassy of the Argentine Repub-
lic in the Kingdom of the Netherlands,
Mr. Gabriel Herrera, Embassy Secretary, member of the Office of the Legal
Adviser, Ministry of Foreign Affairs, International Trade and Worship,

Ms Cynthia Mulville, Embassy Secretary, member of the Office of the Legal
Adviser, Ministry of Foreign Affairs, International Trade and Worship,

MsKateCook,BarristeratMatrixChambers,London,specializinginenviron-
mental law and law relating to development,
Ms Mara Tignino, Ph.D. in Law, Researcher at the University of Geneva,
Mr. Magnus Jesko Langer, teaching and research assistant, Graduate Insti-
tute of International and Development Studies, Geneva,

as Legal Advisers,

and

the Eastern Republic of Uruguay,

represented by
H.E. Mr. Carlos Gianelli, Ambassador of the Eastern Republic of Uruguay
to the United States of America,

as Agent;

H.E. Mr. Carlos Mora Medero, Ambassador of the Eastern Republic of
Uruguay to the Kingdom of the Netherlands,
as Co-Agent;

Mr. Alan Boyle, Professor of International Law at the University of Edin-
burgh, Member of the English Bar,
Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Faculty of Law, University of Flor-
ence,

13 M. Lawrence H. Martin, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux de
la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique, du district de Columbia et du
Commonwealth du Massachusetts,

M. Stephen C. McCaffrey, professeur à la McGeorge School of Law de
l’Université du Pacifique (Californie), ancien président de la Commission
du droit international et rapporteur spécial aux fins des travaux de la
Commission sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internatio-
naux à des fins autres que la navigation,
M. Alberto Pérez Pérez, professeur à la faculté de droit de l’Université de la
République (Montevideo),
M. Paul S. Reichler, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux
de la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique et du district de Colum-

bia,
comme conseils et avocats;

M. Marcelo Cousillas, conseiller juridique à la direction nationale de l’envi-
ronnement, ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de
l’environnement,
M. César Rodriguez Zavalla, chef de cabinet au ministère des affaires étran-
gères,

M. Carlos Mata, directeur adjoint des affaires juridiques au ministère des
affaires étrangères,
M. Marcelo Gerona, conseiller à l’ambassade de la République orientale de
l’Uruguay au Royaume des Pays-Bas,
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, avocat, admis au barreau de la Répu-
blique orientale de l’Uruguay et membre du barreau de New York,
M. Adam Kahn, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du Com-
monwealth du Massachusetts,
M. Andrew Loewenstein, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du

memmonwealth du Massachusetts,
M Analia Gonzalez, LL.M., cabinet Foley Hoag LLP, admise au barreau
de la République orientale de l’Uruguay,
M me Clara E. Brillembourg, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux
du district de Columbia et de New York,
M me Cicely Parseghian, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du
Commonwealth du Massachusetts,
M. Pierre Harcourt, doctorant à l’Université d’Edimbourg,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de
mecerata,
M Maria E. Milanes-Murcia, M.A., LL.M., J.S.D. Candidate à la
McGeorge School of Law de l’Université du Pacifique (Californie), docto-
rante à l’Université de Murcie, admise au barreau d’Espagne,

comme conseils adjoints;
M me Alicia Torres, directrice nationale de l’environnement au ministère du
logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement,

M. Eugenio Lorenzo, conseiller technique à la direction nationale de l’envi-
ronnement du ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de
l’environnement,
M. Cyro Croce, consultant technique à la direction nationale de l’environ-
nement du ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de
l’environnement,

14Mr. Lawrence H. Martin, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the
United States Supreme Court, the District of Columbia and the Common-
wealth of Massachusetts,
Mr. Stephen C. McCaffrey, Professor at the McGeorge School of Law, Uni-
versity of the Pacific, California, former Chairman of the International
Law Commission and Special Rapporteur for the Commission’s work on

the law of non-navigational uses of international watercourses,

Mr. Alberto Pérez Pérez, Professor in the Faculty of Law, University of the
Republic, Montevideo,
Mr. Paul S. Reichler, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the United
States Supreme Court and the District of Columbia,

as Counsel and Advocates;
Mr. Marcelo Cousillas, Legal Counsel at the National Directorate for the
Environment, Ministry of Housing, Land Use Planning and Environmen-
tal Affairs,
Mr. César Rodriguez Zavalla, Chief of Cabinet, Ministry of Foreign Affairs,

Mr. Carlos Mata, Deputy Director of Legal Affairs, Ministry of Foreign
Affairs,
Mr. Marcelo Gerona, Counsellor at the Embassy of the Eastern Republic of
Uruguay in the Kingdom of the Netherlands,
Mr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Attorney at Law, admitted to the Bar of
the Eastern Republic of Uruguay and Member of the Bar of New York,
Mr. Adam Kahn, Foley Hoag LLP, Member of the Bar of the Common-
wealth of Massachusetts,
Mr. Andrew Loewenstein, Foley Hoag LLP, Member of the Bar of the Com-
monwealth of Massachusetts,
Ms Analia Gonzalez, LL.M., Foley Hoag LLP, admitted to the Bar of the
Eastern Republic of Uruguay,

Ms Clara E. Brillembourg, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the Dis-
trict of Columbia and New York,
Ms Cicely Parseghian, Foley Hoag LLP, Member of the Bar of the Com-
monwealth of Massachusetts,
Mr. Pierre Harcourt, Ph.D. candidate, University of Edinburgh,
Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the School of Law, University of
Macerata,
Ms Maria E. Milanes-Murcia, M.A., LL.M., J.S.D. Candidate at the
McGeorge School of Law, University of the Pacific, California, Ph.D.
Candidate, University of Murcia, admitted to the Bar of Spain,

as Assistant Counsel;
Ms Alicia Torres, National Director for the Environment at the Ministry of

Housing, Land Use Planning and Environmental Affairs,
Mr. Eugenio Lorenzo, Technical Consultant for the National Directorate for
the Environment, Ministry of Housing, Land Use Planning and Environ-
mental Affairs,
Mr. Cyro Croce, Technical Consultant for the National Directorate for the
Environment, Ministry of Housing, Land Use Planning and Environmen-
tal Affairs,

14 M me Raquel Piaggio, organisme public chargé de l’assainissement et de la
distribution de l’eau (OSE), consultante technique à la direction nationale
de l’environnement du ministère du logement, de l’aménagement du terri-
toire et de l’environnement,

M. Charles A. Menzie, Ph.D., Principal Scientist et directeur d’EcoSciences
Practice chez Exponent, Inc., à Alexandria (Virginie),
M. Neil McCubbin, Eng., B.sc. (Eng.), 1st Class Honours (Glasgow), Asso-
ciate au Royal College of Science and Technology de Glasgow,
comme conseillers scientifiques et experts,

L A COUR ,

ainsi composée,

après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant:

1. Le 4 mai 2006, la République argentine (ci-après dénommée l’«Argen-
tine») a déposé au Greffe de la Cour une requête introduisant une instance
contre la République orientale de l’Uruguay (ci-après dénommée l’«Uruguay»)
au sujet d’un différend relatif à la violation, qu’aurait commise l’Uruguay,
d’obligations découlant du statut du fleuve Uruguay (Recueil des traités des
Nations Unies (RTNU), vol. 1295, n I-21425, p. 348), traité signé par l’Argen-

tine et l’Uruguay à Salto (Uruguay) le 26 février 1975 et entré en vigueur le
18 septembre 1976 (ci-après le «statut de 1975»); selon la requête, cette viola-
tion résulte de «l’autorisation de construction, [de] la construction et [de]
l’éventuelle mise en service de deux usines de pâte à papier sur le fleuve Uru-
guay», l’Argentine invoquant plus particulièrement les «effets desdites activités
sur la qualité des eaux du fleuve Uruguay et sa zone d’influence».
Dans sa requête, l’Argentine, se référant au paragraphe 1 de l’article 36 du
Statut de la Cour, entend fonder la compétence de celle-ci sur le premier para-
graphe de l’article 60 du statut de 1975.
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, la

requête a été immédiatement communiquée au Gouvernement uruguayen par le
greffier. Conformément au paragraphe 3 de cet article, le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies a été informé du dépôt de ladite requête.
3. Le 4 mai 2006, immédiatement après le dépôt de sa requête, l’Argentine a
en outre présenté une demande en indication de mesures conservatoires sur la
base de l’article 41 du Statut de la Cour et de l’article 73 de son Règlement.
Conformément au paragraphe 2 de l’article 73 du Règlement, le greffier a
immédiatement transmis au Gouvernement uruguayen une copie certifiée
conforme de cette demande.

4. Le 2 juin 2006, l’Uruguay a fait tenir à la Cour un CD-ROM contenant la
version électronique de deux volumes de documents relatifs à la demande en
indication de mesures conservatoires présentée par l’Argentine, intitulés «Obser-
vations de l’Uruguay» (dont des exemplaires sous forme papier ont ensuite été
reçus); copie de ces documents a immédiatement été transmise à l’Argentine.
5. Le 2 juin 2006, l’Argentine a fait parvenir à la Cour divers documents,
dont un enregistrement vidéo, et, le 6 juin 2006, elle lui en a fait parvenir de
nouveaux; copie de chaque série de documents a immédiatement été transmise
à l’Uruguay.
6. Les 6 et 7 juin 2006, diverses communications ont été reçues des Parties,

15 Ms Raquel Piaggio, State Agency for Sanitary Works (OSE), Technical Con-
sultant for the National Directorate for the Environment, Ministry of
Housing, Land Use Planning and Environmental Affairs,

Mr. Charles A. Menzie, Ph.D., Principal Scientist and Director of the Eco-

Sciences Practice at Exponent, Inc., Alexandria, Virginia,
Mr. Neil McCubbin, Eng., B.Sc. (Eng.), 1st Class Honours, Glasgow, Asso-
ciate of the Royal College of Science and Technology, Glasgow,
as Scientific Advisers and Experts,

T HE C OURT,

composed as above,
after deliberation,

delivers the following Judgment:

1. On 4 May 2006, the Argentine Republic (hereinafter “Argentina”) filed in
the Registry of the Court an Application instituting proceedings against the
Eastern Republic of Uruguay (hereinafter “Uruguay”) in respect of a dispute
concerning the breach, allegedly committed by Uruguay, of obligations under
the Statute of the River Uruguay (United Nations, Treaty Series (UNTS),
Vol. 1295, No. I-21425, p. 340), a treaty signed by Argentina and Uruguay at
Salto (Uruguay) on 26 February 1975 and having entered into force on 18 Sep-
tember 1976 (hereinafter the “1975 Statute”); in the Application, Argentina
stated that this breach arose out of “the authorization, construction and future
commissioning of two pulp mills on the River Uruguay”, with reference in par-

ticular to “the effects of such activities on the quality of the waters of the River
Uruguay and on the areas affected by the river”.
In its Application, Argentina, referring to Article 36, paragraph 1, of the
Statute of the Court, seeks to found the jurisdiction of the Court on Article 60,
paragraph 1, of the 1975 Statute.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute of the Court, the Reg-
istrar communicated the Application forthwith to the Government of Uruguay.
In accordance with paragraph 3 of that Article, the Secretary-General of the
United Nations was notified of the filing of the Application.
3. On 4 May 2006, immediately after the filing of the Application, Argentina
also submitted a request for the indication of provisional measures based on

Article 41 of the Statute and Article 73 of the Rules of Court. In accordance
with Article 73, paragraph 2, of the Rules of Court, the Registrar transmitted a
certified copy of this request forthwith to the Government of Uruguay.

4. On 2 June 2006, Uruguay transmitted to the Court a CD-ROM contain-
ing the electronic version of two volumes of documents relating to the Argen-
tine request for the indication of provisional measures, entitled “Observations
of Uruguay” (of which paper copies were subsequently received); a copy of
these documents was immediately sent to Argentina.
5. On 2 June 2006, Argentina transmitted to the Court various docu-
ments, including a video recording, and, on 6 June 2006, it transmitted further

documents; copies of each series of documents were immediately sent to Uru-
guay.
6. On 6 and 7 June 2006, various communications were received from the

15par lesquelles chacune a présenté à la Cour certaines observations sur les docu-
ments déposés par l’autre. L’Uruguay a fait objection à la présentation de
l’enregistrement vidéo déposé par l’Argentine. La Cour a décidé de ne pas auto-
riser la présentation de cet enregistrement à l’audience.
7. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’arti-

cle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en
l’affaire. L’Argentine a désigné M. Raúl Emilio Vinuesa, et l’Uruguay M. San-
tiago Torres Bernárdez.
8. Par ordonnance du 13 juillet 2006, la Cour, après avoir entendu les
Parties, a conclu «que les circonstances, telles qu’elles se présent[ai]ent [alors] à
[elle], n[’étaient] pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des
mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut».
9. Par une autre ordonnance du même jour, la Cour, compte tenu des vues
des Parties, a fixé au 15 janvier 2007 et au 20 juillet 2007, respectivement, les
dates d’expiration des délais pour le dépôt d’un mémoire de l’Argentine et d’un
contre-mémoire de l’Uruguay; ces pièces ont été dûment déposées dans les
délais ainsi prescrits.
10. Le 29 novembre 2006, l’Uruguay, invoquant l’article 41 du Statut et

l’article 73 du Règlement, a présenté à son tour une demande en indication de
mesures conservatoires. Conformément au paragraphe 2 de l’article 73 du
Règlement, le greffier a immédiatement fait tenir au Gouvernement argentin
une copie certifiée conforme de cette demande.
11. Le 14 décembre 2006, l’Uruguay a fait parvenir à la Cour un volume de
documents relatifs à la demande en indication de mesures conservatoires, inti-
tulé «Observations de l’Uruguay»; copie de ces documents a immédiatement
été transmise à l’Argentine.
12. Le 18 décembre 2006, avant l’ouverture de la procédure orale, l’Argen-
tine a fait parvenir à la Cour un volume de documents relatifs à la demande en
indicationdemesuresconservatoiresprésentéeparl’Uruguay;legreffieraimmé-
diatement transmis au Gouvernement uruguayen une copie de ces documents.
13. Par ordonnance du 23 janvier 2007, la Cour, après avoir entendu les

Parties, a conclu «que les circonstances, telles qu’elles se présent[ai]ent [alors] à
[elle], n[’étaient] pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des
mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut».
14. Par ordonnance du 14 septembre 2007, la Cour, compte tenu de l’accord
des Parties et des circonstances de l’espèce, a autorisé la présentation d’une
réplique par l’Argentine et d’une duplique par l’Uruguay, et fixé respectivement
au 29 janvier 2008 et au 29 juillet 2008 les dates d’expiration des délais pour le
dépôt de ces pièces. La réplique de l’Argentine et la duplique de l’Uruguay ont
été dûment déposées dans les délais ainsi prescrits.
15. Par lettres datées respectivement du 16 juin 2009 et du 17 juin 2009, les
Gouvernements de l’Uruguay et de l’Argentine ont fait connaître à la Cour
qu’ils étaient parvenus à un accord à l’effet de produire des documents nou-
veaux en application de l’article 56 du Règlement. Par lettres du 23 juin 2009,

le greffier a informé les Parties que la Cour avait décidé de les autoriser à pro-
céder comme elles en étaient convenues. Ces nouveaux documents ont été
dûment déposés dans le délai convenu.
16. Le 15 juillet 2009, chacune des Parties a, conformément à l’accord inter-
venu entre elles et avec l’autorisation de la Cour, présenté certaines observa-
tions sur les documents nouveaux déposés par la Partie adverse. Chaque Partie
a également déposé certains documents à l’appui desdites observations.

16Parties, whereby each Party presented the Court with certain observations on
the documents submitted by the other Party. Uruguay objected to the produc-
tion of the video recording submitted by Argentina. The Court decided not to
authorize the production of that recording at the hearings.
7. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
the Parties, each of them exercised its right under Article 31, paragraph 3, of

the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the case. Argentina chose
Mr. Raúl Emilio Vinuesa, and Uruguay chose Mr. Santiago Torres Bernárdez.

8. By an Order of 13 July 2006, the Court, having heard the Parties, found
“that the circumstances, as they [then] present[ed] themselves to [it], [we]re not
such as to require the exercise of its power under Article 41 of the Statute to
indicate provisional measures”.
9. By another Order of the same date, the Court, taking account of the views
of the Parties, fixed 15 January 2007 and 20 July 2007, respectively, as the time-
limits for the filing of a Memorial by Argentina and a Counter-Memorial by
Uruguay; those pleadings were duly filed within the time-limits so prescribed.

10. On 29 November 2006, Uruguay, invoking Article 41 of the Statute and

Article 73 of the Rules of Court, in turn submitted a request for the indication
of provisional measures. In accordance with Article 73, paragraph 2, of the
Rules of Court, the Registrar transmitted a certified copy of this request forth-
with to the Argentine Government.
11. On 14 December 2006, Uruguay transmitted to the Court a volume of
documents concerning the request for the indication of provisional measures,
entitled “Observations of Uruguay”; a copy of these documents was immedi-
ately sent to Argentina.
12. On 18 December 2006, before the opening of the oral proceedings,
Argentina transmitted to the Court a volume of documents concerning Uru-
guay’s request for the indication of provisional measures; the Registrar imme-
diately sent a copy of these documents to the Government of Uruguay.
13. By an Order of 23 January 2007, the Court, having heard the Parties,

found “that the circumstances, as they [then] present[ed] themselves to [it],
[we]re not such as to require the exercise of its power under Article 41 of the
Statute to indicate provisional measures”.
14. By an Order of 14 September 2007, the Court, taking account of the
agreement of the Parties and of the circumstances of the case, authorized the
submission of a Reply by Argentina and a Rejoinder by Uruguay, and fixed
29 January 2008 and 29 July 2008 as the respective time-limits for the filing of
those pleadings. The Reply of Argentina and the Rejoinder of Uruguay were
duly filed within the time-limits so prescribed.
15. By letters dated 16 June 2009 and 17 June 2009 respectively, the Gov-
ernments of Uruguay and Argentina notified the Court that they had come to
an agreement for the purpose of producing new documents pursuant to Arti-
cle 56 of the Rules of Court. By letters of 23 June 2009, the Registrar informed

the Parties that the Court had decided to authorize them to proceed as they had
agreed. The new documents were duly filed within the agreed time-limit.

16. On 15 July 2009, each of the Parties, as provided for in the agreement
between them and with the authorization of the Court, submitted comments on
the new documents produced by the other Party. Each Party also filed docu-
ments in support of these comments.

16 17. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la
Cour, après s’être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires
des pièces de procédure et des documents annexés seraient rendus accessibles au
public à l’ouverture de la procédure orale.
18. Par lettre du 15 septembre 2009, l’Uruguay, se référant au paragraphe 4

de l’article 56 du Règlement et à l’Instruction de procédure IX bis, a commu-
niqué à la Cour des documents faisant partie de publications facilement acces-
sibles sur lesquels il entendait s’appuyer au cours de la procédure orale.
L’Argentine n’a formulé aucune objection au sujet de ces documents.
19. Par lettre du 25 septembre 2009, le Gouvernement argentin, se référant à
l’article 56 du Règlement et au paragraphe 2 de l’Instruction de procédure IX,
a adressé au Greffe des documents nouveaux qu’il souhaitait produire. Par let-
tre du 28 septembre 2009, le Gouvernement uruguayen a informé la Cour qu’il
s’opposait à la production desdits documents. Il a indiqué en outre que si,
néanmoins, la Cour autorisait que les documents en question soient versés au
dossier de l’affaire, il présenterait des observations à leur sujet et soumettrait

certains documents à l’appui de ces observations. Par lettres en date du 28 sep-
tembre 2009, le greffier a porté à la connaissance des Parties que la Cour
n’avait pas estimé que la production des documents nouveaux présentés par le
Gouvernement argentin était nécessaire, au sens du paragraphe 2 de l’article 56
du Règlement, et qu’elle n’avait par ailleurs pas identifié de circonstance excep-
tionnelle (Instruction de procédure IX, paragraphe 3) qui eût justifié leur pro-
duction à ce stade de la procédure.
20. Des audiences publiques ont été tenues entre le 14 septembre 2009 et le
2 octobre 2009, au cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et
réponses:

Pour l’Argentine: S. Exc. M me Susana Ruiz Cerutti,
M. Alain Pellet,
M. Philippe Sands,
M. Howard Wheater,
me
M Laurence Boisson de Chazournes,
M. Marcelo Kohen,
M. Alan Béraud,
M. Juan Carlos Colombo,
M. Daniel Müller.
Pour l’Uruguay: S. Exc. M. Carlos Gianelli,

M. Alan Boyle,
M. Paul S. Reichler,
M. Neil McCubbin,
M. Stephen C. McCaffrey,
M. Lawrence H. Martin,
M. Luigi Condorelli.

21. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres
de la Cour, auxquelles il a été répondu oralement et par écrit conformément au
paragraphe 4 de l’article 61 du Règlement. Conformément à l’article 72 du
Règlement, l’une des Parties a présenté des observations écrites sur une réponse
fournie par écrit par l’autre Partie et reçue après la clôture de la procédure
orale.

*

17 17. In accordance with Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the
Court decided, after ascertaining the views of the Parties, that copies of the
pleadings and documents annexed would be made available to the public as
from the opening of the oral proceedings.
18. By letter of 15 September 2009, Uruguay, referring to Article 56, para-
graph 4, of the Rules of Court and to Practice Direction IXbis, communicated

documents to the Court, forming part of publications readily available, on
which it intended to rely during the oral proceedings. Argentina made no objec-
tion with regard to these documents.
19. By letter of 25 September 2009, the Argentine Government, referring to
Article 56 of the Rules of Court and to Practice Direction IX, paragraph 2, sent
new documents to the Registry which it wished to produce. By letter of 28 Sep-
tember 2009, the Government of Uruguay informed the Court that it was
opposed to the production of these documents. It further indicated that if,
nevertheless, the Court decided to admit the documents in question into the
record of the case, it would present comments on them and submit documents
in support of those comments. By letters dated 28 September 2009, the Regis-
trar informed the Parties that the Court did not consider the production of the
new documents submitted by the Argentine Government to be necessary within

the meaning of Article 56, paragraph 2, of the Rules of Court, and that it had
not moreover identified any exceptional circumstance (Practice Direction IX,
paragraph 3) which justified their production at that stage of the proceedings.

20. Public hearings were held between 14 September 2009 and 2 October
2009, at which the Court heard the oral arguments and replies of:

For Argentina: H.E. Ms Susana Ruiz Cerutti,
Mr. Alain Pellet,
Mr. Philippe Sands,
Mr. Howard Wheater,
Ms Laurence Boisson de Chazournes,
Mr. Marcelo Kohen,
Mr. Alan Béraud,
Mr. Juan Carlos Colombo,
Mr. Daniel Müller.

For Uruguay: H.E. Mr. Carlos Gianelli,
Mr. Alan Boyle,
Mr. Paul S. Reichler,
Mr. Neil McCubbin,
Mr. Stephen C. McCaffrey,
Mr. Lawrence H. Martin,
Mr. Luigi Condorelli.

21. At the hearings, Members of the Court put questions to the Parties,
to which replies were given orally and in writing, in accordance with Arti-
cle 61, paragraph 4, of the Rules of Court. Pursuant to Article 72 of the
Rules of Court, one of the Parties submitted written comments on a written
reply provided by the other and received after the closure of the oral pro-

ceedings.

*

17 22. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par l’Argentine:

«Sur la base de l’exposé des faits et des moyens juridiques qui précèdent,
l’Argentine, tout en se réservant le droit de compléter, d’amender ou de
modifier la présente requête pendant la suite de la procédure, prie la Cour
de dire et juger:
1. que l’Uruguay a manqué aux obligations lui incombant en vertu du
statut de 1975 et des autres règles de droit international auxquelles ce
statut renvoie, y compris mais pas exclusivement:

a) l’obligation de prendre toute mesure nécessaire à l’utilisation ration-
nelle et optimale du fleuve Uruguay;
b) l’obligation d’informer préalablement la CARU et l’Argentine;
c) l’obligation de se conformer aux procédures prévues par le cha-
pitre II du statut de 1975;
d) l’obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour préserver
le milieu aquatique et d’empêcher la pollution et l’obligation de
protéger la biodiversité et les pêcheries, y compris l’obligation de
procéder à une étude d’impact sur l’environnement, complète et
objective;

e) les obligations de coopération en matière de prévention de la pollu-
tion et de la protection de la biodiversité et des pêcheries; et
2. que, par son comportement, l’Uruguay a engagé sa responsabilité inter-
nationale à l’égard de l’Argentine;
3. que l’Uruguay est tenu de cesser son comportement illicite et de respec-
ter scrupuleusement à l’avenir les obligations lui incombant; et
4. que l’Uruguay est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par
le non-respect des obligations lui incombant.

L’Argentine se réserve le droit de préciser ou modifier les présentes
demandes dans une étape ultérieure de la procédure.»

23. Au cours de la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présen-
tées par les Parties:
Au nom du Gouvernement de l’Argentine,

dans le mémoire:
«Pour l’ensemble des raisons exposées dans le présent mémoire, la
République argentine prie la Cour internationale de Justice de bien vou-
loir:

1. constater que, en autorisant unilatéralement la construction des usines
de pâte à papier CMB et Orion et les installations annexes de celle-ci
sur la rive gauche du fleuve Uruguay en violation des obligations
découlant du statut du 26 février 1975, la République orientale de
l’Uruguay a commis les faits internationalement illicites énumérés aux
chapitres IV et V du présent mémoire, qui engagent sa responsabilité
internationale;
2. dire et juger que, en conséquence, la République orientale de l’Uruguay
doit:

i) immédiatement cesser les faits internationalement illicites mention-
nés ci-dessus;
ii) reprendre une stricte application de ses obligations découlant du
statut du fleuve Uruguay de 1975;

18 22. In its Application, the following claims were made by Argentina:

“On the basis of the foregoing statement of facts and law, Argentina,
while reserving the right to supplement, amend or modify the present
Application in the course of the subsequent procedure, requests the Court
to adjudge and declare:
1. that Uruguay has breached the obligations incumbent upon it under
the 1975 Statute and the other rules of international law to which that
instrument refers, including but not limited to:

(a) the obligation to take all necessary measures for the optimum and
rational utilization of the River Uruguay;
(b) the obligation of prior notification to CARU and to Argentina;
(c) the obligation to comply with the procedures prescribed in Chap-
ter II of the 1975 Statute;
(d) the obligation to take all necessary measures to preserve the
aquatic environment and prevent pollution and the obligation to
protect biodiversity and fisheries, including the obligation to pre-
pare a full and objective environmental impact study;

(e) the obligation to co-operate in the prevention of pollution and the
protection of biodiversity and of fisheries; and
2. that, by its conduct, Uruguay has engaged its international responsibil-
ity to Argentina;
3. that Uruguay shall cease its wrongful conduct and comply scrupulously
in future with the obligations incumbent upon it; and
4. that Uruguay shall make full reparation for the injury caused by its
breach of the obligations incumbent upon it.

Argentina reserves the right to amplify or amend these requests at a sub-
sequent stage of the proceedings.”

23. In the written proceedings, the following submissions were presented by
the Parties:
On behalf of the Government of Argentina,

in the Memorial:
“For all the reasons described in this Memorial, the Argentine Republic
requests the International Court of Justice:

1. to find that by unilaterally authorizing the construction of the CMB
and Orion pulp mills and the facilities associated with the latter on the
left bank of the River Uruguay, in breach of the obligations resulting
from the Statute of 26 February 1975, the Eastern Republic of
Uruguay has committed the internationally wrongful acts set out in
Chapters IV and V of this Memorial, which entail its international
responsibility;
2. to adjudge and declare that, as a result, the Eastern Republic of Uruguay
must:

(i) cease immediately the internationally wrongful acts referred to
above;
(ii) resume strict compliance with its obligations under the Statute of
the River Uruguay of 1975;

18 iii) rétablir sur le terrain et au plan juridique la situation qui existait
avant la perpétration des faits internationalement illicites mention-
nés ci-dessus;
iv) verser à la République argentine une indemnité pour les dommages

occasionnés par ces faits internationalement illicites qui ne seraient
pas réparés par cette remise en état, dont le montant sera déterminé
par la Cour dans une phase ultérieure de la présente instance;

v) donner des garanties adéquates qu’elle s’abstiendra à l’avenir
d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et,
en particulier, du mécanisme de consultation institué par le cha-
pitre II de ce traité.

La République argentine se réserve la possibilité de compléter et amen-
der le cas échéant les présentes conclusions, notamment en fonction de
l’évolution de la situation. Il en irait ainsi tout spécialement si l’Uruguay
aggravait le différend , notamment si l’usine Orion devait être mise en ser-
vice avant la fin de la présente procédure.

1 Voir l’ordonnance de la Cour du 13 juillet 2006 sur la demande en indication de
mesures conservatoires de l’Argentine, par. 82.»

dans la réplique:

«Pour l’ensemble des raisons exposées dans son mémoire, qu’elle main-
tient intégralement, et dans la présente réplique, la République argentine
prie la Cour internationale de Justice de bien vouloir:

1) constater qu’en autorisant
— la construction de l’usine CMB,
— la construction et la mise en service de l’usine Orion et de ses ins-
tallations connexes sur la rive gauche du fleuve Uruguay,

la République orientale de l’Uruguay a violé les obligations lui incom-
bant en vertu du statut du fleuve Uruguay du 26 février 1975 et engagé
sa responsabilité internationale;
2) dire et juger que, en conséquence, la République orientale de l’Uruguay

doit:
i) reprendre une stricte application de ses obligations découlant du
statut du fleuve Uruguay de 1975;
ii) immédiatement cesser les faits internationalement illicites par les-
quels elle a engagé sa responsabilité;
iii) rétablir sur le terrain et au plan juridique la situation qui existait

avant la perpétration de ces faits internationalement illicites;
iv) verser à la République argentine une indemnité pour les dommages
occasionnés par ces faits internationalement illicites qui ne seraient
pas réparés par cette remise en état, dont le montant sera déterminé
par la Cour dans une phase ultérieure de la présente instance;

v) donner des garanties adéquates qu’elle s’abstiendra à l’avenir
d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et,
en particulier, du mécanisme de consultation institué par le chapi-
tre II de ce traité.

19 (iii) re-establish on the ground and in legal terms the situation that
existed before the internationally wrongful acts referred to above
were committed;
(iv) pay compensation to the Argentine Republic for the damage

caused by these internationally wrongful acts that would not be
remedied by that situation being restored, of an amount to be
determined by the Court at a subsequent stage of these proceed-
ings;
(v) provide adequate guarantees that it will refrain in future from pre-
venting the Statute of the River Uruguay of 1975 from being
applied, in particular the consultation procedure established by
Chapter II of that Treaty.

The Argentine Republic reserves the right to supplement or amend these
submissions should the need arise, in the light of the development of the
situation. This would in particular apply if Uruguay were to aggravate
the dispute , for example if the Orion mill were to be commissioned before
the end of these proceedings.

1 See the Order of the Court of 13 July 2006 on Argentina’s request for the indica-
tion of provisional measures, para. 82.”

in the Reply:

“For all the reasons described in its Memorial, which it fully stands by,
and in the present Reply, the Argentine Republic requests the Interna-
tional Court of Justice:

1. to find that by authorizing
— the construction of the CMB mill;
— the construction and commissioning of the Orion mill and its asso-
ciated facilities on the left bank of the River Uruguay,

the Eastern Republic of Uruguay has violated the obligations incum-
bent on it under the Statute of the River Uruguay of 26 February 1975
and has engaged its international responsibility;
2. to adjudge and declare that, as a result, the Eastern Republic of Uru-

guay must:
(i) resume strict compliance with its obligations under the Statute of
the River Uruguay of 1975;
(ii) cease immediately the internationally wrongful acts by which it
has engaged its responsibility;
(iii) re-establish on the ground and in legal terms the situation that

existed before these internationally wrongful acts were committed;
(iv) pay compensation to the Argentine Republic for the damage
caused by these internationally wrongful acts that would not be
remedied by that situation being restored, of an amount to be
determined by the Court at a subsequent stage of these proceed-
ings;
(v) provide adequate guarantees that it will refrain in future from pre-
venting the Statute of the River Uruguay of 1975 from being
applied, in particular the consultation procedure established by
Chapter II of that Treaty.

19 La République argentine se réserve la possibilité de compléter et amen-
der le cas échéant les présentes conclusions au vu des développements ulté-
rieurs de l’affaire.»

Au nom du Gouvernement de l’Uruguay,

dans le contre-mémoire:
«Sur la base des faits et arguments exposés ci-dessus, et se réservant le
droit de compléter ou de modifier les présentes conclusions, l’Uruguay prie

la Cour de rejeter les demandes de l’Argentine.»
dans la duplique:

«Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que:

a) l’Argentine n’a établi l’existence, pour le fleuve ou son écosystème,
d’aucun préjudice, ou risque de préjudice, qui résulterait des violations
qu’aurait commises l’Uruguay des obligations de fond lui incombant
en vertu du statut de 1975 et suffirait à justifier le démantèlement de
l’usine Botnia;
b) un tel démantèlement causerait à l’économie uruguayenne un préjudice
considérable sous forme de pertes d’emplois et de revenus;
c) à la lumière des points a) et b), le remède consistant à démolir l’usine
se traduirait donc par des coûts disproportionnellement élevés et ne
doit pas être accordé;
d) si la Cour estime, nonobstant toutes les preuves contraires, que
l’Uruguay a violé les obligations procédurales lui incombant envers

l’Argentine, elle peut rendre un jugement déclaratoire à cet effet, qui
constituerait une forme de satisfaction adéquate;
e) si la Cour estime, nonobstant toutes les preuves contraires, que l’usine
ne satisfait pas pleinement à l’obligation incombant à l’Uruguay de
protéger le fleuve ou son milieu aquatique, elle peut ordonner à l’Uru-
guay de prendre toute autre mesure de protection nécessaire pour faire
en sorte que l’usine réponde aux obligations de fond imposées par le
statut;
f) si la Cour estime, nonobstant toutes les preuves contraires, que l’Uru-
guay a effectivement causé un dommage au fleuve ou à l’Argentine,
elle peut condamner l’Uruguay à indemniser cette dernière au titre des
articles 42 et 43 du statut; et
g) la Cour doit faire une déclaration énonçant clairement que les

Parties sont tenues de veiller au plein respect de tous les droits en
litige en l’espèce, y compris celui de l’Uruguay de continuer à
exploiter l’usine Botnia conformément aux dispositions du statut de
1975.
Conclusions

Sur la base des faits et arguments exposés ci-dessus, et se réservant le
droit de compléter ou de modifier les présentes conclusions, l’Uruguay prie
la Cour de rejeter les demandes de l’Argentine et de lui reconnaître le droit
de continuer à exploiter l’usine Botnia conformément aux dispositions du
statut de 1975.»

24. Au cours de la procédure orale, les conclusions finales ci-après ont été
présentées par les Parties:

20 The Argentine Republic reserves the right to supplement or amend these
submissions should the need arise, in the light of subsequent developments
in the case.”

On behalf of the Government of Uruguay,

in the Counter-Memorial:
“On the basis of the facts and arguments set out above, and reserving its
right to supplement or amend these Submissions, Uruguay requests that

the Court adjudge and declare that the claims of Argentina are rejected.”
In the Rejoinder:

“Based on all the above, it can be concluded that:

(a) Argentina has not demonstrated any harm, or risk of harm, to the
river or its ecosystem resulting from Uruguay’s alleged violations of
its substantive obligations under the 1975 Statute that would be suf-
ficient to warrant the dismantling of the Botnia plant;

(b) the harm to the Uruguayan economy in terms of lost jobs and rev-
enue would be substantial;
(c) in light of points (a) and (b), the remedy of tearing the plant down
would therefore be disproportionately onerous, and should not be
granted;
(d) if the Court finds, notwithstanding all the evidence to the contrary,
that Uruguay has violated its procedural obligations to Argentina, it

can issue a declaratory judgment to that effect, which would consti-
tute an adequate form of satisfaction;
(e) if the Court finds, notwithstanding all the evidence to the contrary,
that the plant is not in complete compliance with Uruguay’s obliga-
tion to protect the river or its aquatic environment, the Court can
order Uruguay to take whatever additional protective measures are
necessary to ensure that the plant conforms to the Statute’s substan-
tive requirements;
(f) if the Court finds, notwithstanding all the evidence to the contrary,
that Uruguay has actually caused damage to the river or to Argen-
tina, it can order Uruguay to pay Argentina monetary compensation
under Articles 42 and 43 of the Statute; and
(g) the Court should issue a declaration making clear the Parties are obli-

gated to ensure full respect for all the rights in dispute in this case,
including Uruguay’s right to continue operating the Botnia plant in
conformity with the provisions of the 1975 Statute.

Submissions

On the basis of the facts and arguments set out above, and reserving its
right to supplement or amend these Submissions, Uruguay requests that
the Court adjudge and declare that the claims of Argentina are rejected,
and Uruguay’s right to continue operating the Botnia plant in conformity
with the provisions of the 1975 Statute is affirmed.”

24. At the oral proceedings, the following final submissions were presented
by the Parties:

20Au nom du Gouvernement de l’Argentine,

à l’audience du 29 septembre 2009:
«Pour l’ensemble des raisons exposées dans son mémoire, dans sa
réplique et lors de la procédure orale, qu’elle maintient intégralement,
la République argentine prie la Cour internationale de Justice de bien

vouloir:
1) constater qu’en autorisant

— la construction de l’usine ENCE,
— la construction et la mise en service de l’usine Botnia et de ses ins-
tallations connexes sur la rive gauche du fleuve Uruguay,
la République orientale de l’Uruguay a violé les obligations lui incom-
bant en vertu du statut du fleuve Uruguay du 26 février 1975 et engagé
sa responsabilité internationale;

2) dire et juger que, en conséquence, la République orientale de l’Uruguay
doit:
i) reprendre une stricte application de ses obligations découlant du

statut du fleuve Uruguay de 1975;
ii) immédiatement cesser les faits internationalement illicites par les-
quels elle a engagé sa responsabilité;
iii) rétablir sur le terrain et au plan juridique la situation qui existait
avant la perpétration de ces faits internationalement illicites;
iv) verser à la République argentine une indemnité pour les dommages
occasionnés par ces faits internationalement illicites qui ne seraient
pas réparés par cette remise en état, dont le montant sera déterminé
par la Cour dans une phase ultérieure de la présente instance;

v) donner des garanties adéquates qu’elle s’abstiendra à l’avenir
d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et,
en particulier, du mécanisme de consultation institué par le cha-
pitre II de ce traité.»

Au nom du Gouvernement de l’Uruguay,
à l’audience du 2 octobre 2009:

«Sur la base des faits et arguments exposés dans le contre-mémoire de
l’Uruguay, dans sa duplique et au cours de la procédure orale, l’Uruguay
prie la Cour de rejeter les demandes de l’Argentine et de confirmer le droit
de l’Uruguay de poursuivre l’exploitation de l’usine Botnia conformément
aux dispositions du statut de 1975.»

* * *

I. C ADRE JURIDIQUE

ET FAITS DE L ’ESPÈCE

25. Le différend soumis à la Cour se rapporte au projet de construc-
tion, autorisé par l’Uruguay, d’une usine de pâte à papier, ainsi
qu’à la construction et à la mise en service, également autorisées par

21On behalf of the Government of Argentina,

at the hearing of 29 September 2009:
“For all the reasons described in its Memorial, in its Reply and in the
oral proceedings, which it fully stands by, the Argentine Republic requests
the International Court of Justice:

1. to find that by authorizing

— the construction of the ENCE mill;
— the construction and commissioning of the Botnia mill and its asso-
ciated facilities on the left bank of the River Uruguay,
the Eastern Republic of Uruguay has violated the obligations incum-
bent on it under the Statute of the River Uruguay of 26 February 1975
and has engaged its international responsibility;

2. to adjudge and declare that, as a result, the Eastern Republic of Uru-
guay must:
(i) resume strict compliance with its obligations under the Statute of

the River Uruguay of 1975;
(ii) cease immediately the internationally wrongful acts by which it
has engaged its responsibility;
(iii) re-establish on the ground and in legal terms the situation that
existed before these internationally wrongful acts were committed;
(iv) pay compensation to the Argentine Republic for the damage
caused by these internationally wrongful acts that would not be
remedied by that situation being restored, of an amount to be
determined by the Court at a subsequent stage of these proceed-

ings;
(v) provide adequate guarantees that it will refrain in future from pre-
venting the Statute of the River Uruguay of 1975 from being
applied, in particular the consultation procedure established by
Chapter II of that Treaty.”

On behalf of the Government of Uruguay,
at the hearing of 2 October 2009:

“On the basis of the facts and arguments set out in Uruguay’s Counter-
Memorial, Rejoinder and during the oral proceedings, Uruguay requests
that the Court adjudge and declare that the claims of Argentina are
rejected, and Uruguay’s right to continue operating the Botnia plant in
conformity with the provisions of the 1975 Statute is affirmed.”

* * *

I. LEGAL F RAMEWORK

AND F ACTS OF THE C ASE

25. The dispute before the Court has arisen in connection with the
planned construction authorized by Uruguay of one pulp mill and the
construction and commissioning of another, also authorized by Uruguay,

21l’Uruguay, d’une autre usine de pâte à papier, le long du fleuve Uruguay
(voir croquis n 1, p. 33, pour le contexte géographique général). Après

avoir présenté les instruments juridiques relatifs au fleuve Uruguay
qui lient les Parties, la Cour rappellera les principaux faits de
l’espèce.

A. Cadre juridique

26. La frontière entre l’Argentine et l’Uruguay sur le fleuve Uruguay
est définie par le traité bilatéral conclu à cet effet à Montevideo le
7 avril 1961 (RTNU, vol. 635, n 9074, p. 99). Les articles premier à 4 de

ce traité délimitent la frontière des Etats contractants sur le fleuve et leur
attribuent certains îles et îlots qui occupent son lit. Les articles 5 et 6 sont
relatifs au régime de navigation sur le fleuve. L’article 7 envisage la
conclusion par les parties d’un «code de l’utilisation du fleuve» portant
sur différents éléments, dont la conservation des ressources biologiques

et la prévention de la pollution des eaux du fleuve. Les articles 8 à 10
prévoient certaines obligations relatives aux îles et îlots ainsi qu’à leurs
habitants.
27. Le «code de l’utilisation du fleuve» envisagé par l’article 7 du
traité de 1961 a été institué par le statut de 1975 (voir paragraphe 1 ci-

dessus). L’article premier du statut de 1975 précise que les parties l’adop-
tent «à l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay, dans le strict respect des droits
et obligations découlant des traités et autres engagements internationaux
en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des parties». Après avoir ainsi

défini son but (article premier) et aussi précisé la portée de certains de ses
termes (article 2), le statut de 1975 énonce des règles relatives à la naviga-
tion et aux ouvrages sur le fleuve (chapitre II, articles 3 à 13), au pilotage
(chapitre III, articles 14 à 16), aux facilités portuaires, au chargement et
au déchargement de marchandises (chapitre IV, articles 17 et 18), au sau-

vetage de la vie humaine (chapitre V, articles 19 à 23) et de biens maté-
riels (chapitre VI, articles 24 à 26), à l’utilisation des eaux du fleuve
(chapitre VII, articles 27 à 29), aux ressources du lit et du sous-sol (cha-
pitre VIII, articles 30 à 34), à la conservation, l’utilisation et l’exploita-
tion d’autres ressources naturelles (chapitre IX, articles 35 à 39), à la

pollution (chapitre X, articles 40 à 43), à la recherche scientifique (chapi-
tre XI, articles 44 et 45), ainsi qu’aux différentes compétences des parties
sur le fleuve et sur les navires l’empruntant (chapitre XII, articles 46
à 48). Le statut de 1975 institue la commission administrative du
fleuve Uruguay (ci-après la «CARU», selon l’acronyme espagnol de

«Comisión Administradora del Río Uruguay») (chapitre XIII, articles 49
à 57), avant de prévoir une procédure de conciliation (chapitre XIV,
articles 58 et 59) et de règlement judiciaire des différends (chapitre XV,
article 60). Le statut de 1975 contient enfin des dispositions transi-

toires (chapitre XVI, articles 61 et 62) et finales (chapitre XVII,
article 63).

22on the River Uruguay (see sketch-map No. 1 on p. 33 for the general
geographical context). After identifying the legal instruments concerning

the River Uruguay by which the Parties are bound, the Court will set out
the main facts of the case.

A. Legal Framework

26. The boundary between Argentina and Uruguay in the River Uru-
guay is defined by the bilateral Treaty entered into for that purpose at
Montevideo on 7 April 1961 (UNTS, Vol. 635, No. 9074, p. 98). Arti-
cles 1 to 4 of the Treaty delimit the boundary between the Contracting

States in the river and attribute certain islands and islets in it to them.
Articles 5 and 6 concern the régime for navigation on the river. Article 7
provides for the establishment by the parties of a “régime for the use of
the river” covering various subjects, including the conservation of living
resources and the prevention of water pollution of the river. Articles 8 to
10 lay down certain obligations concerning the islands and islets and

their inhabitants.
27. The “régime for the use of the river” contemplated in Article 7 of
the 1961 Treaty was established through the 1975 Statute (see para-
graph 1 above). Article 1 of the 1975 Statute states that the parties
adopted it “in order to establish the joint machinery necessary for the

optimum and rational utilization of the River Uruguay, in strict observ-
ance of the rights and obligations arising from treaties and other inter-
national agreements in force for each of the parties”. After having thus
defined its purpose (Article 1) and having also made clear the meaning of
certain terms used therein (Article 2), the 1975 Statute lays down rules

governing navigation and works on the river (Chapter II, Articles 3 to
13), pilotage (Chapter III, Articles 14 to 16), port facilities, unloading
and additional loading (Chapter IV, Articles 17 to 18), the safeguarding
of human life (Chapter V, Articles 19 to 23) and the salvaging of property
(Chapter VI, Articles 24 to 26), use of the waters of the river (Chap-

ter VII, Articles 27 to 29), resources of the bed and subsoil (Chapter VIII,
Articles 30 to 34), the conservation, utilization and development of other
natural resources (Chapter IX, Articles 35 to 39), pollution (Chapter X,
Articles 40 to 43), scientific research (Chapter XI, Articles 44 to 45), and
various powers of the parties over the river and vessels sailing on it
(Chapter XII, Articles 46 to 48). The 1975 Statute sets up the Adminis-

trative Commission of the River Uruguay (hereinafter “CARU”, from
the Spanish acronym for “Comisión Administradora del Río Uruguay”)
(Chapter XIII, Articles 49 to 57), and then establishes procedures for
conciliation (Chapter XIV, Articles 58 to 59) and judicial settlement of
disputes (Chapter XV, Article 60). Lastly, the 1975 Statute contains tran-

sitional (Chapter XVI, Articles 61 to 62) and final (Chapter XVII, Arti-
cle 63) provisions.

22 Croquisn°1:

Contextegéographique général

Projectionde Mercator
R (33°30'S)
i
e WGS84
G Ce croquis a été établi
u
e à seule find'illustration.
u
y
h
ú

Gualeguaychú

Fray Bentos

(emplacement de l'usine Orion (Botnia))
ARGENTINE

FleuveUruguay

URUGUAY

Nueva Palmira

BUENOSAIRES
Río
de
la P
lat
a MONTEVIDEO

23 Sketch-mapNo.1:

Generalgeographicac l ontext

Mercator Projection
i (33°30'S)
e
G WGS84
u Thissketch-maphas beenprepared
ae
g for illustrativepurposesonly.
a
c
ú

Gualeguaychú

Fray Bentos
(location of Orion (Botnia) mill)

ARGENTINA

RiverUruguay

URUGUAY

Nueva Palmira

BUENOSAIRES Rí
o d
ela
Pla
a MONTEVIDEO

23 B. Le projet CMB (ENCE)

28. La première usine de pâte à papier à l’origine du différend a été
projetée par la société «Celulosas de M’Bopicuá S.A.» (ci-après «CMB»),
créée à l’initiative de la société espagnole ENCE (acronyme espagnol de
«Empresa Nacional de Celulosas de España», ci-après «ENCE»). Cette
usine, ci-après l’usine «CMB (ENCE)», devait être construite sur la rive

gauche du fleuve Uruguay, dans le département uruguayen de Río Negro,
en face de la région argentine de Gualeguaychú, plus précisément à l’est
de la ville de Fray Bentos, près du pont international «General San Mar-
tín» (voir croquis n 2, p. 35).

29. Le 22 juillet 2002, les promoteurs de ce projet industriel entrepri-
rent des démarches auprès des autorités uruguayennes et présentèrent à la
direction nationale de l’environnement de l’Uruguay (ci-après la
«DINAMA», selon l’acronyme espagnol de «Dirección Nacional de
Medio Ambiente») une évaluation de l’impact sur l’environnement

(«EIE», selon l’abréviation utilisée par les Parties) s’y rapportant. A la
même époque, les représentants de CMB, société spécialement créée afin
de construire l’usine CMB (ENCE), informèrent le président de la CARU
de ce projet. Le président de la CARU écrivit le 17 octobre 2002 au mi-
nistre uruguayen de l’environnement afin d’obtenir copie de l’évaluation

de l’impact sur l’environnement concernant le projet CMB (ENCE) sou-
mise par les promoteurs de ce projet industriel. Cette demande fut réité-
rée le 21 avril 2003. Le 14 mai 2003, l’Uruguay remit à la CARU un
document intitulé «Etude de l’impact sur l’environnement, Celulosas
de M’Bopicuá. Résumé de diffusion». Un mois plus tard, la sous-

commission de la CARU chargée de la qualité des eaux et de la préven-
tion de la pollution prit connaissance du document transmis par
l’Uruguay et suggéra d’en remettre copie à ses conseillers techniques
en sollicitant leur opinion. Des copies furent également remises aux délé-
gations des Parties.

30. Une séance publique de discussion relative à la demande d’autori-
sation environnementale présentée par CMB eut lieu le 21 juillet 2003
dans la ville de Fray Bentos, en présence du conseiller juridique et du
secrétaire technique de la CARU. Le 15 août 2003, la CARU pria l’Uru-
guay de lui transmettre des informations complémentaires sur différents

points au sujet de l’usine CMB (ENCE) en projet. Cette demande fut réi-
térée le 12 septembre 2003. Le 2 octobre 2003, la DINAMA soumit son
rapport d’évaluation au ministère uruguayen du logement, de l’aménage-
ment du territoire et de l’environnement (ci-après le «MVOTMA», selon
l’abréviation espagnole de «Ministerio de Vivienda, Ordenamiento Ter-

ritorial y Medio Ambiente»), et lui recommanda d’accorder à CMB
l’autorisation environnementale préalable («AAP», selon l’abréviation
espagnole d’«Autorización Ambiental Previa»), sous certaines condi-
tions. Le 8 octobre 2003, la CARU fut informée par la délégation uru-

guayenne que la DINAMA devait incessamment lui adresser un rapport
sur le projet CMB (ENCE).

24 B. CMB (ENCE) Project

28. The first pulp mill at the root of the dispute was planned by “Celu-
losas de M’Bopicuá S.A.” (hereinafter “CMB”), a company formed by
the Spanish company ENCE (from the Spanish acronym for “Empresa
Nacional de Celulosas de España”, hereinafter “ENCE”). This mill, here-
inafter referred to as the “CMB (ENCE)” mill, was to have been built on

the left bank of the River Uruguay in the Uruguayan department of Río
Negro opposite the Argentine region of Gualeguaychú, more specifically
to the east of the city of Fray Bentos, near the “General San Martín”
international bridge (see sketch-map No. 2 on p. 35).
29. On 22 July 2002, the promoters of this industrial project

approached the Uruguayan authorities and submitted an environ-
mental impact assessment (“EIA” according to the abbreviation used by
the Parties) of the plan to Uruguay’s National Directorate for the
Environment (hereinafter “DINAMA”, from the Spanish acronym for
“Dirección Nacional de Medio Ambiente”). During the same period, rep-
resentatives of CMB, which had been specially formed to build the CMB

(ENCE) mill, informed the President of CARU of the project. The Presi-
dent of CARU wrote to the Uruguayan Minister of the Environment on
17 October 2002 seeking a copy of the environmental impact assessment
of the CMB (ENCE) project submitted by the promoters of this indus-
trial project. This request was reiterated on 21 April 2003. On

14 May 2003, Uruguay submitted to CARU a document entitled “Envi-
ronmental Impact Study, Celulosas de M’Bopicuá. Summary for public
release”. One month later, the CARU Subcommittee on Water Quality
and Pollution Control took notice of the document transmitted by
Uruguay and suggested that a copy thereof be sent to its technical

advisers for their opinions. Copies were also provided to the Parties’
delegations.

30. A public hearing, attended by CARU’s Legal Adviser and its tech-
nical secretary, was held on 21 July 2003 in the city of Fray Bentos con-

cerning CMB’s application for an environmental authorization. On
15 August 2003, CARU asked Uruguay for further information on vari-
ous points concerning the planned CMB (ENCE) mill. This request was
reiterated on 12 September 2003. On 2 October 2003, DINAMA submit-
ted its assessment report to the Uruguayan Ministry of Housing, Land
Use Planning and Environmental Affairs (hereinafter “MVOTMA”, from

the Spanish abbreviation for “Ministerio de Vivienda Ordenamiento Ter-
ritorial y Medio Ambiente”), recommending that CMB be granted an ini-
tial environmental authorization (“AAP” according to the Spanish abbre-
viation for “Autorización Ambiental Previa”) subject to certain condi-
tions. On 8 October 2003, CARU was informed by the Uruguayan

delegation that DINAMA would very shortly send CARU a report on
the CMB (ENCE) project.

24 réalisé)

non

(projet

(ENCE)

CMB

Usi(Botnia) URUGUAY

Geneal
PontMartn
San Orion

Usine

Inés

Lagune
Bentos

Fray

ARGENTINE

yagu
Uev
Ñandubaysal elF
de
Baie

(Botnia)

(ENCE)

Orion
2: CMB établi
n° Mercatorété
de) a
l'usine réalisé)33° d'illustration.
chú WGS84 fin
Gualguay de d'usine croquis
Rivèe Croquis (non Ce seule
à
projet Projection

du
et

Gualeguaychú
Emplacements

25 built)

not

but

(planned

mill

mill
(ENCE) URUGUAY

CMB
GenralSn
M aríbrige (Botnia)

Orion

Lagoon
Inés

Bentos

Fray

ARGENTINA

Bay
augur
UrevR

Ñandubaysal and built)

.
mill(not
2: only
mill prepared
No.
been
(Botnia) S) purposes
(ENCE)r(33°tions
WGS84
lguychú Orion
RierGua
CMB Mercatorsketch-mapative
Sketch-map for
of This

planned
Gualeguaychú Siting
the

25 31. Le 9 octobre 2003, le MVOTMA délivra une autorisation environ-
nementale préalable à CMB en vue de la construction de l’usine CMB

(ENCE). Le même jour, les présidents de l’Argentine et de l’Uruguay se
rencontrèrent à Anchorena (Colonia, Uruguay). L’Argentine soutient
que le président de l’Uruguay, M. Jorge Battle, aurait à cette occasion
promis à son homologue argentin, M. Néstor Kirchner, qu’aucune auto-
risation ne serait délivrée tant qu’il n’aurait pas été répondu aux préoc-

cupations environnementales de l’Argentine. L’Uruguay conteste cette
présentation des faits et affirme qu’à l’occasion de cette réunion les
Parties seraient convenues de traiter du projet CMB (ENCE) en dehors
de la procédure prévue aux articles 7 à 12 du statut de 1975, tandis que
l’Argentine aurait indiqué ne pas s’opposer au projet en lui-même.

L’Argentine conteste ces affirmations.
32. Le lendemain de la rencontre entre les chefs d’Etat de l’Argentine
et de l’Uruguay, la CARU se déclara prête à reprendre les analyses tech-
niques relatives au projet CMB (ENCE) dès que l’Uruguay aurait trans-
mis les documents en attente. Le 17 octobre 2003, la CARU tint une
séance plénière extraordinaire à la demande de l’Argentine; celle-ci s’y

plaignit de la délivrance par l’Uruguay, le 9 octobre 2003, de l’autorisa-
tion environnementale préalable. A la suite de cette réunion extraordi-
naire, la CARU suspendit ses activités durant plus de six mois, faute
d’accord entre les Parties sur la mise en Œuvre du mécanisme de consulta-
tion prévu par le statut de 1975.

33. Le 27 octobre 2003, l’Uruguay transmit à l’Argentine des copies de
l’évaluation de l’impact sur l’environnement déposée par ENCE
le 22 juillet 2002, du rapport final d’évaluation de la DINAMA du
2 octobre 2003 et de l’autorisation environnementale préalable du 9 oc-
tobre 2003. L’Argentine réagit à cet envoi en indiquant que, selon elle,

l’article 7 du statut de 1975 n’avait pas été respecté et que les documents
transmis semblaient être insuffisants pour pouvoir émettre un avis tech-
nique sur l’impact sur l’environnement du projet. Le 7 novembre 2003,
comme suite à une demande du ministère des relations extérieures de
l’Argentine, l’Uruguay communiqua à l’Argentine une copie de l’ensem-

ble du dossier du ministère uruguayen de l’environnement relatif au pro-
jet CMB (ENCE). Le 23 février 2004, l’Argentine transmit l’ensemble de
ces documents uruguayens à la CARU.
34. Le 2 mars 2004, les ministres des affaires étrangères des deux
Parties se rencontrèrent à Buenos Aires. Le 15 mai 2004, la CARU reprit
ses travaux à l’occasion d’une séance plénière extraordinaire au cours

de laquelle elle prit acte de l’«arrangement» ministériel intervenu
le 2 mars 2004. Les Parties divergent toutefois quant au contenu de cet
«arrangement». La Cour ne manquera pas d’y revenir lorsqu’elle se pen-
chera sur les allégations de l’Argentine concernant la méconnaissance par
l’Uruguay de ses obligations de nature procédurale aux termes du statut

de 1975 (voir paragraphes 67 à 158).
35. Donnant suite à la réunion extraordinaire de la CARU du
15 mai 2004, sa sous-commission en charge de la qualité des eaux et de la

26 31. On 9 October 2003, MVOTMA issued an initial environmental
authorization to CMB for the construction of the CMB (ENCE) mill. On

the same date the Presidents of Argentina and Uruguay met at Anchorena
(Colonia, Uruguay). Argentina maintains that the President of Uruguay,
Jorge Battle, then promised his Argentine counterpart, Néstor Kirchner,
that no authorization would be issued before Argentina’s environmental
concerns had been addressed. Uruguay challenges this version of the

facts and contends that the Parties agreed at that meeting to deal with the
CMB (ENCE) project otherwise than through the procedure under Arti-
cles 7 to 12 of the 1975 Statute and that Argentina let it be known that it
was not opposed to the project per se. Argentina disputes these assertions.

32. The day after the meeting between the Heads of State of Argentina
and Uruguay, CARU declared its willingness to resume the technical
analyses of the CMB (ENCE) project as soon as Uruguay transmitted the
awaited documents. On 17 October 2003, CARU held an extraordinary
plenary meeting at the request of Argentina, at which Argentina

complained of Uruguay’s granting on 9 October 2003 of the initial envi-
ronmental authorization. Following the extraordinary meeting CARU
suspended work for more than six months, as the Parties could not agree
on how to implement the consultation mechanism established by the
1975 Statute.

33. On 27 October 2003, Uruguay transmitted to Argentina copies of
the environmental impact assessment submitted by ENCE on 22 July
2002, of DINAMA’s final assessment report dated 2 October 2003 and of
the initial environmental authorization of 9 October 2003. Argentina
reacted by expressing its view that Article 7 of the 1975 Statute had not

been observed and that the transmitted documents did not appear
adequate to allow for a technical opinion to be expressed on the environ-
mental impact of the project. On 7 November 2003, further to a request
from the Ministry of Foreign Affairs of Argentina, Uruguay provided
Argentina with a copy of the Uruguayan Ministry of the Environment’s

entire file on the CMB (ENCE) project. On 23 February 2004, Argentina
forwarded all of this documentation received from Uruguay to CARU.

34. On 2 March 2004, the Parties’ Ministers for Foreign Affairs met in
Buenos Aires. On 15 May 2004, CARU resumed its work at an extra-
ordinary plenary meeting during which it took note of the ministerial

“understanding” which was reached on 2 March 2004. The Parties are at
odds over the content of this “understanding”. The Court will return to
this when it considers Argentina’s claims as to Uruguay’s breach of its
procedural obligations under the 1975 Statute (see paragraphs 67 to 158).

35. Following up on CARU’s extraordinary meeting of 15 May 2004,
the CARU Subcommittee on Water Quality and Pollution Control pre-

26prévention de la pollution prépara un plan de contrôle et de suivi (moni-
toring) de la qualité des eaux dans la zone des usines de pâte à papier

(ci-après plan «PROCEL», selon l’acronyme espagnol de «Plan de Moni-
toreo de la Calidad Ambiental del Río Uruguay en Areas de Plantas
Celulósicas»). Ce plan fut approuvé par la CARU le 12 novembre 2004.
36. Le 28 novembre 2005, l’Uruguay autorisa le commencement des
travaux préparatoires en vue de la construction de l’usine CMB (ENCE)

(nivellement du terrain). Le 28 mars 2006, les promoteurs de ce projet
industriel décidèrent de suspendre ces travaux durant quatre-vingt-
dix jours. Ils annoncèrent, le 21 septembre 2006, leur intention de ne pas
construire l’usine projetée à l’emplacement envisagé sur la rive du fleuve

Uruguay.

C. L’usine Orion (Botnia)

37. Le deuxième projet industriel à l’origine du différend porté devant

la Cour est dû à l’initiative des sociétés de droit uruguayen «Botnia S.A.»
et «Botnia Fray Bentos S.A.» (ci-après «Botnia»), lesquelles ont été spé-
cialement créées à cette fin dès 2003 par la société finlandaise Oy Metsä-
Botnia AB. Dénommée «Orion», cette seconde usine de pâte à papier (ci-
après l’usine «Orion (Botnia)») a été construite sur la rive gauche du

fleuve Uruguay, à quelques kilomètres en aval de l’emplacement prévu
pour l’usine CMB (ENCE), également à proximité de la ville de Fray Ben-
tos (voir croquis n 2, p. 35). Elle est exploitée et en fonctionnement
depuis le 9 novembre 2007.
38. Ayant, à la fin de l’année 2003, informé les autorités uruguayennes

de leur projet industriel, les promoteurs les saisirent, le 31 mars 2004,
d’une demande d’autorisation environnementale préalable, qu’ils complé-
tèrent le 7 avril 2004. Quelques semaines plus tard, les 29 et 30 avril 2004,
une rencontre officieuse eut lieu entre des membres de la CARU et des
représentants de la société Botnia. A la suite de cette réunion, la sous-

commission chargée de la qualité des eaux et de la prévention de la pollu-
tion de la CARU suggéra, le 18 juin 2004, que Botnia complète les infor-
mations fournies lors de cette réunion. Le 19 octobre 2004, lors d’une
autre réunion avec les représentants de Botnia, la CARU jugea à nou-
veau nécessaire d’obtenir un complément d’information au sujet de la

demande d’autorisation environnementale préalable déposée par Botnia
auprès de la DINAMA. Le 12 novembre 2004, en même temps que
d’approuver le plan de contrôle et de suivi de la qualité des eaux proposé
par sa sous-commission en charge de la qualité des eaux et de la préven-
tion de la pollution (voir paragraphe 35 ci-dessus), la CARU décida,

sur proposition de la même sous-commission, de demander à l’Uruguay
un complément d’information sur la demande d’autorisation environ-
nementale préalable. Cette demande d’information complémentaire fut
transmise à l’Uruguay par une note de la CARU en date du 16 no-

vembre 2004.
39. La DINAMA organisa le 21 décembre 2004 une séance publique

27pared a plan for monitoring water quality in the area of the pulp mills
(hereinafter the “PROCEL” plan from the Spanish acronym for “Plan de

Monitoreo de la Calidad Ambiental del Río Uruguay en Areas de Plan-
tas Celulósicas”). CARU approved the plan on 12 November 2004.

36. On 28 November 2005, Uruguay authorized preparatory work to
begin for the construction of the CMB (ENCE) mill (ground clearing).

On 28 March 2006, the project’s promoters decided to halt the work for
90 days. On 21 September 2006, they announced their intention not to
build the mill at the planned site on the bank of the River Uruguay.

C. Orion (Botnia) Mill

37. The second industrial project at the root of the dispute before the
Court was undertaken by “Botnia S.A.” and “Botnia Fray Bentos S.A.”
(hereinafter “Botnia”), companies formed under Uruguayan law in 2003

specially for the purpose by Oy Metsä-Botnia AB, a Finnish company.
This second pulp mill, called “Orion” (hereinafter the “Orion (Botnia)”
mill), has been built on the left bank of the River Uruguay, a few kilo-
metres downstream of the site planned for the CMB (ENCE) mill, and
also near the city of Fray Bentos (see sketch-map No. 2 on p. 35). It has

been operational and functioning since 9 November 2007.

38. After informing the Uruguayan authorities of this industrial
project in late 2003, the project promoters submitted an application to
them for an initial environmental authorization on 31 March 2004

and supplemented it on 7 April 2004. Several weeks later, on 29
and 30 April 2004, CARU members and Botnia representatives met
informally. Following that meeting, CARU’s Subcommittee on
Water Quality and Pollution Control suggested on 18 June 2004 that
Botnia expand on the information provided at the meeting. On

19 October 2004, CARU held another meeting with Botnia
representatives and again expressed the need for further information
on Botnia’s application to DINAMA for an initial environmental
authorization. On 12 November 2004, when approving the water quality
monitoring plan put forward by the CARU Subcommittee on Water
Quality and Pollution Control (see paragraph 35 above), CARU decided,

on the proposal of that subcommittee, to ask Uruguay to provide further
information on the application for an initial environmental authoriza-
tion. CARU transmitted this request for further information to Uruguay
by note dated 16 November 2004.

39. On 21 December 2004 DINAMA held a public hearing, attended

27de discussion à Fray Bentos sur le projet Orion (Botnia), en présence
d’un conseiller de la CARU. Le 11 février 2005, la DINAMA adopta son

évaluation de l’impact sur l’environnement relative à l’usine Orion (Bot-
nia) en projet et recommanda l’octroi de l’autorisation environnementale
préalable, moyennant certaines conditions. Cette autorisation préalable
fut délivrée à la société Botnia le 14 février 2005 par le MVOTMA, en
vue de la construction de l’usine Orion (Botnia) et d’un terminal por-

tuaire adjacent. Le 11 mars 2005, lors d’une réunion de la CARU,
l’Argentine contesta le bien-fondé de la délivrance de l’autorisation envi-
ronnementale préalable au regard des obligations de nature procédurale
prévues par le statut de 1975. L’Argentine réitéra cette position lors de la
réunion de la CARU du 6 mai 2005. Le 12 avril 2005, l’Uruguay avait

entre-temps autorisé le défrichement du futur site de l’usine et le nivelle-
ment de ce terrain.
40. Le 31 mai 2005, donnant suite à un accord intervenu le 5 mai 2005
entre les présidents des deux Parties, les ministres des affaires étrangères
des deux Etats procédèrent à la création d’un groupe technique de haut
niveau (ci-après le «GTAN», selon l’abréviation espagnole de

«Grupo Técnico de Alto Nivel»). Ce groupe fut chargé de résoudre les
différends relatifs aux usines CMB (ENCE) et Orion (Botnia) dans un
délai de cent quatre-vingts jours. Le GTAN tint douze réunions entre
le 3 août 2005 et le 30 janvier 2006, les Parties s’échangeant différents
documents dans le cadre de ce processus bilatéral. Le 31 janvier 2006,

l’Uruguay constata l’échec des négociations entreprises dans le cadre du
GTAN; l’Argentine fit de même le 3 février 2006. La Cour reviendra plus
loin sur la portée de ce processus convenu entre les Parties (voir paragra-
phes 132 à 149).
41. Le 26 juin 2005, l’Argentine s’adressa au président de la Banque

internationale pour la reconstruction et le développement pour lui expri-
mer sa préoccupation face à la possibilité de voir la Société financière
internationale (ci-après la «SFI») contribuer au financement des usines
de pâte à papier en projet. La SFI décida néanmoins d’apporter son sou-
tien financier à l’usine Orion (Botnia), non sans avoir chargé la société

EcoMetrix, spécialisée en expertises environnementales et industrielles, de
lui présenter différents rapports techniques sur l’usine en projet et l’éva-
luation de son impact sur l’environnement. EcoMetrix fut également
chargée par la SFI d’assurer pour son compte le suivi environnemental de
l’usine dès sa mise en service.
42. Le 5 juillet 2005, l’Uruguay autorisa la société Botnia à construire

un port adjacent à l’usine Orion (Botnia). Cette autorisation fut trans-
mise à la CARU le 15 août 2005. Le 22 août 2005, l’Uruguay autorisa la
construction d’une cheminée et des fondations en béton de l’usine Orion
(Botnia). D’autres autorisations furent accordées à mesure de l’avance-
ment de la construction de cette usine, notamment en ce qui concerne les

installations de traitement des déchets. Le 13 octobre 2005, l’Uruguay
transmit à la CARU des documents complémentaires au sujet du termi-
nal portuaire adjacent à l’usine Orion (Botnia).

28by a CARU adviser, on the Orion (Botnia) project in Fray Bentos.
DINAMA adopted its environmental impact study of the planned Orion

(Botnia) mill on 11 February 2005 and recommended that the initial envi-
ronmental authorization be granted, subject to certain conditions.
MVOTMA issued the initial authorization to Botnia on 14 February 2005
for the construction of the Orion (Botnia) mill and an adjacent port ter-
minal. At a CARU meeting on 11 March 2005, Argentina questioned

whether the granting of the initial environmental authorization was well-
founded in view of the procedural obligations laid down in the 1975 Stat-
ute. Argentina reiterated this position at the CARU meeting on 6 May
2005. On 12 April 2005, Uruguay had in the meantime authorized the
clearance of the future mill site and the associated groundworks.

40. On 31 May 2005, in pursuance of an agreement made on
5 May 2005 by the Presidents of the two Parties, their Ministers for For-
eign Affairs created a High-Level Technical Group (hereinafter the
“GTAN”, from the Spanish abbreviation for “Grupo Técnico de Alto

Nivel”), which was given responsibility for resolving the disputes over the
CMB (ENCE) and Orion (Botnia) mills within 180 days. The GTAN
held twelve meetings between 3 August 2005 and 30 January 2006, with
the Parties exchanging various documents in the context of this bilateral
process. On 31 January 2006, Uruguay determined that the negotiations

undertaken within the GTAN had failed; Argentina did likewise on
3 February 2006. The Court will return later to the significance of this
process agreed on by the Parties (see paragraphs 132 to 149).

41. On 26 June 2005, Argentina wrote to the President of the Interna-

tional Bank for Reconstruction and Development to express its concern
at the possibility of the International Finance Corporation (hereinafter
the “IFC”) contributing to the financing of the planned pulp mills. The
IFC nevertheless decided to provide financial support for the Orion (Bot-
nia) mill, but did commission EcoMetrix, a consultancy specializing in

environmental and industrial matters, to prepare various technical reports
on the planned mill and an environmental impact assessment of it.
EcoMetrix was also engaged by the IFC to carry out environmental
monitoring on the IFC’s behalf of the plant once it had been placed in
service.
42. On 5 July 2005, Uruguay authorized Botnia to build a port adja-

cent to the Orion (Botnia) mill. This authorization was transmitted to
CARU on 15 August 2005. On 22 August 2005, Uruguay authorized the
construction of a chimney and concrete foundations for the Orion (Bot-
nia) mill. Further authorizations were granted as the construction of this
mill proceeded, for example in respect of the waste treatment installa-

tions. On 13 October 2005, Uruguay transmitted additional documenta-
tion to CARU concerning the port terminal adjacent to the Orion
(Botnia) mill.

28 A plusieurs reprises, et notamment lors de réunions de la CARU,
l’Argentine demanda la suspension des premiers travaux relatifs à l’usine

Orion (Botnia), ainsi que de ceux relatifs à l’usine CMB (ENCE). A
l’occasion d’une rencontre entre les chefs d’Etat des Parties à Santiago du
Chili le 11 mars 2006, le président uruguayen demanda aux sociétés
ENCE et Botnia de suspendre la construction des usines. ENCE suspen-
dit les travaux durant quatre-vingt-dix jours (voir paragraphe 36 ci-

dessus); Botnia, durant dix jours.
43. L’Argentine a saisi la Cour du présent différend par une requête en
date du 4 mai 2006. Le 24 août 2006, l’Uruguay autorisa la mise en ser-
vice du terminal portuaire adjacent à l’usine Orion (Botnia), ce dont il
informa la CARU le 4 septembre 2006. Le 12 septembre 2006, l’Uruguay

autorisa la société Botnia à prélever et utiliser les eaux du fleuve à des fins
industrielles et notifia officiellement cette autorisation à la CARU le
17 octobre 2006. En novembre 2006, à l’occasion du sommet des chefs
d’Etat et de gouvernement des pays ibéro-américains qui se tint à Mon-
tevideo, le roi d’Espagne fut sollicité afin de tenter de rapprocher les posi-
tions des Parties; une issue négociée au différend ne put toutefois être

trouvée dans ce cadre. Le 8 novembre 2007, l’Uruguay autorisa la mise
en service de l’usine Orion (Botnia), qui devint opérationnelle le len-
demain. En décembre 2009, la société Oy Metsä-Botnia AB transféra à
une autre société finlandaise, UPM, sa participation dans l’usine Orion
(Botnia).

*

44. L’Uruguay a par ailleurs autorisé la société Ontur Internatio-
nal S.A. à construire et à exploiter un terminal portuaire à Nueva Pal-

mira. Celui-ci a été inauguré en août 2007, l’Uruguay ayant transmis à la
CARU, le 16 novembre 2007, la copie de l’autorisation de mise en service
du terminal portuaire.
45. Dans leurs écritures, les Parties se sont opposées au sujet de la
régularité de la délivrance des autorisations uruguayennes relatives à ce

terminal portuaire au regard des obligations de nature procédurale pré-
vues par le statut de 1975. La Cour n’estime toutefois pas nécessaire de
retracer précisément les faits ayant conduit à la construction du terminal
de Nueva Palmira, considérant que ce complexe portuaire ne fait pas par-
tie de l’objet du différend porté devant elle. L’Argentine n’a en effet à
aucun moment visé explicitement le terminal portuaire de Nueva Palmira

dans les demandes formulées dans sa requête, ni dans les conclusions de
son mémoire ou de sa réplique (voir paragraphes 22 et 23 ci-dessus).
Dans ses conclusions finales présentées à l’audience du 29 septembre 2009,
l’Argentine a à nouveau limité l’objet de ses demandes à l’autorisation de
construction de l’usine CMB (ENCE), ainsi qu’aux autorisations de

construction et de mise en service de «l’usine Botnia et ... ses installations
connexes sur la rive gauche du fleuve Uruguay». La Cour ne saurait
considérer le terminal portuaire de Nueva Palmira, situé à une centaine

29 Argentina repeatedly asked, including at CARU meetings, that the ini-
tial work connected with the Orion (Botnia) mill and the CMB (ENCE)

mill should be suspended. At a meeting between the Heads of State of the
Parties at Santiago de Chile on 11 March 2006, Uruguay’s President
asked ENCE and Botnia to suspend construction of the mills. ENCE sus-
pended work for 90 days (see paragraph 36 above), Botnia for ten.

43. Argentina referred the present dispute to the Court by Application
dated 4 May 2006. On 24 August 2006, Uruguay authorized the commis-
sioning of the port terminal adjacent to the Orion (Botnia) mill and gave
CARU notice of this on 4 September 2006. On 12 September 2006, Uru-

guay authorized Botnia to extract and use water from the river for indus-
trial purposes and formally notified CARU of its authorization on
17 October 2006. At the summit of Heads of State and Government of
the Ibero-American countries held in Montevideo in November 2006, the
King of Spain was asked to endeavour to reconcile the positions of the
Parties; a negotiated resolution of the dispute did not however result. On

8 November 2007, Uruguay authorized the commissioning of the Orion
(Botnia) mill and it began operating the next day. In December 2009, Oy
Metsä-Botnia AB transferred its interest in the Orion (Botnia) mill to
UPM, another Finnish company.

*

44. In addition, Uruguay authorized Ontur International S.A. to build
and operate a port terminal at Nueva Palmira. The terminal was inaugu-

rated in August 2007 and, on 16 November 2007, Uruguay transmitted to
CARU a copy of the authorization for its commissioning.

45. In their written pleadings the Parties have debated whether, in
light of the procedural obligations laid down in the 1975 Statute, the

authorizations for the port terminal were properly issued by Uruguay.
The Court deems it unnecessary to review the detailed facts leading up to
the construction of the Nueva Palmira terminal, being of the view that
these port facilities do not fall within the scope of the subject of the dis-
pute before it. Indeed, nowhere in the claims asserted in its Application
or in the submissions in its Memorial or Reply (see paragraphs 22 and 23

above) did Argentina explicitly refer to the port terminal at Nueva
Palmira. In its final submissions presented at the hearing on 29 Septem-
ber 2009, Argentina again limited the subject-matter of its claims to the
authorization of the construction of the CMB (ENCE) mill and the
authorization of the construction and commissioning of “the Botnia mill

and its associated facilities on the left bank of the River Uruguay”. The
Court does not consider the port terminal at Nueva Palmira, which lies
some 100 km south of Fray Bentos, downstream of the Orion (Botnia)

29de kilomètres au sud de Fray Bentos, en aval de l’usine Orion (Botnia)
o
(voir croquis n 1, p. 33), et également utilisé par d’autres opérateurs éco-
nomiques, comme constituant une installation «connexe» à cette dernière.
46. Le différend soumis à la Cour concerne l’interprétation et l’appli-
cation du statut de 1975. Il porte, en particulier, sur la question de savoir,

d’une part, si l’Uruguay s’est conformé aux obligations de nature procé-
durale qui sont les siennes en vertu du statut de 1975 en accordant des
autorisations en vue de la construction de l’usine CMB (ENCE) ainsi que
de la construction et de la mise en service de l’usine Orion (Botnia) et du

port qui lui est adjacent, et, d’autre part, si l’Uruguay s’est acquitté des
obligations de fond lui incombant en vertu du statut de 1975 depuis la
mise en service de l’usine Orion (Botnia) au mois de novembre 2007.

**

47. Ayant ainsi rappelé le contexte dans lequel s’inscrit le différend
entre les Parties, la Cour se penchera sur le fondement et l’étendue de sa

compétence, y compris sur les questions relatives au droit applicable au
présent différend (voir paragraphes 48 à 66). Elle examinera ensuite les
allégations de l’Argentine relatives à la violation par l’Uruguay des obli-
gations de nature procédurale (voir paragraphes 67 à 158) et de fond

(voir paragraphes 159 à 266) prévues par le statut de 1975. La Cour
répondra enfin aux demandes présentées par les Parties dans leurs conclu-
sions finales (voir paragraphes 267 à 280).

**

II. u TENDUE DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR

48. Les Parties s’accordent pour fonder la compétence de la Cour sur
le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour et sur le premier para-
graphe de l’article 60 du statut du fleuve Uruguay de 1975. Celui-ci se

lit comme suit: «1out différend concernant l’interprétation ou l’appli-
cation du traité et du statut qui ne pourrait être réglé par négocia-
tion directe peut être soumis par l’une ou l’autre des parties à la Cour
internationale de Justice.» Elles divergent sur la question de savoir si

toutes les demandes de l’Argentine entrent dans les prévisions de cette
clause.
49. L’Uruguay reconnaît que la compétence de la Cour au titre de la
clause compromissoire s’étend aux demandes concernant toute pollution

ou tout type de dommage causé, en violation du statut de 1975, au fleuve
Uruguay ou aux organismes qu’il abrite. L’Uruguay reconnaît également
que les demandes relatives à l’effet allégué de l’exploitation de l’usine de

1
Il s’agit du toaité de Montevideo relatif à la frontière sur l’Uruguay du 7 avril 1961
(RTNU, vol. 635, n9074, p. 99; note de bas de page ajoutée).

30mill (see sketch-map No. 1 on p. 33), and is used by other economic

operators as well, to be a facility “associated” with the mill.

46. The dispute submitted to the Court concerns the interpretation
and application of the 1975 Statute, namely, on the one hand whether

Uruguay complied with its procedural obligations under the 1975 Statute
in issuing authorizations for the construction of the CMB (ENCE) mill
as well as for the construction and the commissioning of the Orion (Bot-
nia) mill and its adjacent port; and on the other hand whether Uruguay

has complied with its substantive obligations under the 1975 Statute since
the commissioning of the Orion (Botnia) mill in November 2007.

**

47. Having thus related the circumstances surrounding the dispute
between the Parties, the Court will consider the basis and scope of its
jurisdiction, including questions relating to the law applicable to the

present dispute (see paragraphs 48 to 66). It will then examine Argenti-
na’s allegations of breaches by Uruguay of procedural obligations (see
paragraphs 67 to 158) and substantive obligations (see paragraphs 159 to
266) laid down in the 1975 Statute. Lastly, the Court will respond to the

claims presented by the Parties in their final submissions (see para-
graphs 267 to 280).

**

II. SCOPE OF THE C OURT S JURISDICTION

48. The Parties are in agreement that the Court’s jurisdiction is based

on Article 36, paragraph 1, of the Statute of the Court and Article 60,
paragraph 1, of the 1975 Statute. The latter reads: “Any dispute concern-
ing the interpretation or application of the Treaty and the Statute which
cannot be settled by direct negotiations may be submitted by either party

to the International Court of Justice.” The Parties differ as to whether all
the claims advanced by Argentina fall within the ambit of the comprom-
issory clause.

49. Uruguay acknowledges that the Court’s jurisdiction under the
compromissory clause extends to claims concerning any pollution or type
of harm caused to the River Uruguay, or to organisms living there, in
violation of the 1975 Statute. Uruguay also acknowledges that claims

concerning the alleged impact of the operation of the pulp mill on the

1The Montevideo Treaty of 7 April 1961, concerning the boundary constituted by the
River Uruguay (UNTS, Vol. 635, No. 9074, p. 98; footnote added).

30pâte à papier sur la qualité des eaux du fleuve sont couvertes par la clause
compromissoire. Il estime en revanche que cette clause ne permet pas à

l’Argentine de présenter des demandes portant sur tout type de dommage
environnemental. L’Uruguay affirme en outre que les allégations argen-
tines visant la pollution atmosphérique, les nuisances sonores, visuelles et
autres prétendument causées par l’usine Orion (Botnia), ainsi que les
effets spécifiques que celle-ci aurait eus sur le secteur du tourisme, ne

concernent pas l’interprétation ou l’application du statut de 1975, la
Cour étant dès lors sans compétence pour en connaître.
L’Uruguay concède néanmoins qu’une pollution atmosphérique qui
aurait des effets préjudiciables sur la qualité des eaux du fleuve ou sur le
milieu aquatique entrerait dans le champ de compétence de la Cour.

50. L’Argentine soutient que la position de l’Uruguay quant à l’éten-
due de la compétence de la Cour est trop restrictive. Elle affirme que le
statut de 1975 a été conclu pour protéger non seulement la qualité des
eaux du fleuve, mais plus généralement le «régime» et les zones d’influence
de celui-ci. Se fondant sur l’article 36 du statut de 1975, qui fait obliga-
tion aux parties de coordonner les mesures propres à éviter une modifica-

tion de l’équilibre écologique et contenir les facteurs nocifs sur le fleuve et
dans ses zones d’influence, l’Argentine argue que la Cour est également
compétente pour connaître de demandes relatives à la pollution atmo-
sphérique, et même à la pollution sonore et «visuelle». Elle prétend en
outre que les mauvaises odeurs produites par l’usine Orion (Botnia) ont

un impact sur les utilisations récréatives du fleuve, en particulier à la sta-
tion balnéaire de Gualeguaychú, située sur sa rive. Cette demande, selon
l’Argentine, relève également de la compétence de la Cour.
51. La Cour, lorsqu’elle examinera les différentes allégations ou
demandes avancées par l’Argentine, devra déterminer si celles-ci concer-

nent «l’interprétation ou l’application» du statut de 1975, sa compétence
couvrant, aux termes de l’article 60 dudit statut, «[t]out différend concer-
nant l’interprétation ou l’application du traité [de 1961] et du statut
[de 1975]» et l’Argentine n’ayant, par ailleurs, pas prétendu que l’Uru-
guay ait violé des obligations découlant du traité de 1961.

52. Pour déterminer si l’Uruguay a violé les obligations lui incombant
en vertu du statut de 1975, comme le soutient l’Argentine, la Cour devra
interpréter les dispositions de ce statut et en déterminer le champ d’appli-
cation ratione materiae.
Seules les demandes que l’Argentine a formulées en se fondant sur les
dispositions du statut de 1975 relèvent de la compétence de la Cour

ratione materiae en vertu de la clause compromissoire contenue à l’ar-
ticle 60. Bien que l’Argentine, à l’appui de ses demandes relatives à la pol-
lution sonore et «visuelle» qu’aurait causée l’usine de pâte à papier, ait
invoqué la disposition contenue à l’article 36 du statut de 1975, la Cour
ne voit rien dans celle-ci qui puisse venir fonder lesdites demandes. Le

libellé clair de l’article 36, qui prévoit que «[l]es parties coordonnent, par
l’intermédiaire de la commission, les mesures propres à éviter une modi-
fication de l’équilibre écologique et à contenir les fléaux et autres facteurs

31quality of the waters of the river fall within the compromissory clause.
On the other hand, Uruguay takes the position that Argentina cannot

rely on the compromissory clause to submit claims regarding every type
of environmental damage. Uruguay further argues that Argentina’s con-
tentions concerning air pollution, noise, visual and general nuisance, as
well as the specific impact on the tourism sector, allegedly caused by the
Orion (Botnia) mill, do not concern the interpretation or the application

of the 1975 Statute, and the Court therefore lacks jurisdiction over them.

Uruguay nevertheless does concede that air pollution which has harm-
ful effects on the quality of the waters of the river or on the aquatic envi-
ronment would fall within the jurisdiction of the Court.

50. Argentina maintains that Uruguay’s position on the scope of the
Court’s jurisdiction is too narrow. It contends that the 1975 Statute was
entered into with a view to protect not only the quality of the waters of
the river but more generally its “régime” and the areas affected by it.
Relying on Article 36 of the 1975 Statute, which lays out the obligation
of the parties to co-ordinate measures to avoid any change in the eco-

logical balance and to control harmful factors in the river and the areas
affected by it, Argentina asserts that the Court has jurisdiction also with
respect to claims concerning air pollution and even noise and “visual”
pollution. Moreover, Argentina contends that bad odours caused by the
Orion (Botnia) mill negatively affect the use of the river for recreational

purposes, particularly in the Gualeguaychú resort on its bank of the
river. This claim, according to Argentina, also falls within the Court’s
jurisdiction.
51. The Court, when addressing various allegations or claims advanced
by Argentina, will have to determine whether they concern “the interpre-

tation or application” of the 1975 Statute, as its jurisdiction under Article
60 thereof covers “[a]ny dispute concerning the interpretation or applica-
tion of the [1961] Treaty and the [1975] Statute”. Argentina has made no
claim to the effect that Uruguay violated obligations under the 1961
Treaty.

52. In order to determine whether Uruguay has breached its obliga-
tions under the 1975 Statute, as alleged by Argentina, the Court will have
to interpret its provisions and to determine their scope ratione materiae.

Only those claims advanced by Argentina which are based on the pro-
visions of the 1975 Statute fall within the Court’s jurisdiction ratione

materiae under the compromissory clause contained in Article 60.
Although Argentina, when making claims concerning noise and “visual”
pollution allegedly caused by the pulp mill, invokes the provision of Arti-
cle 36 of the 1975 Statute, the Court sees no basis in it for such claims.
The plain language of Article 36, which provides that “[t]he parties shall

co-ordinate, through the Commission, the necessary measures to avoid
any change in the ecological balance and to control pests and other
harmful factors in the river and the areas affected by it”, leaves no doubt

31nocifs sur le fleuve et dans ses zones d’influence», ne laisse aucun doute
sur le fait que, contrairement à ce qu’affirme l’Argentine, cette pollution

sonore et visuelle n’est pas couverte par la disposition. La Cour ne voit en
outre dans le statut aucune autre disposition qui puisse venir fonder de
telles demandes; dès lors, les demandes relatives à la pollution sonore et
visuelle ne relèvent manifestement pas de la compétence que lui confère
l’article 60.

De même, aucune disposition du statut de 1975 ne traite de la question
des «mauvaises odeurs» dont tire grief l’Argentine. En conséquence, et
pour les mêmes raisons, la demande relative à l’impact qu’auraient ces
odeurs sur le tourisme en Argentine échappe également à la compétence
de la Cour. Celle-ci note que, quand bien même de telles odeurs entre-

raient dans le cadre de la pollution atmosphérique, qu’elle examinera aux
paragraphes 263 et 264 ci-dessous, l’Argentine n’a fourni aucun élément
de preuve quant à la relation qui existerait entre les mauvaises odeurs
alléguées et le milieu aquatique du fleuve.
53. Qualifiant les articles premier et 41 du statut de 1975 de «clauses
de renvoi», l’Argentine estime que de telles clauses ont pour effet d’incor-

porer dans cet instrument les obligations que les Parties tiennent du droit
international général et d’un certain nombre de conventions multilaté-
rales relatives à la protection de l’environnement. Dès lors, estime-t-elle,
la Cour a compétence pour déterminer si l’Uruguay s’est conformé
aux obligations lui incombant en vertu de certaines conventions inter-

nationales.
54. La Cour se penchera donc maintenant sur la question de savoir si
la compétence que lui confère l’article 60 du statut de 1975 couvre éga-
lement les obligations des Parties découlant d’accords internationaux et
du droit international général invoqués par l’Argentine, et sur le rôle de

ces accords et du droit international général dans le contexte de la pré-
sente affaire.
55. L’Argentine affirme que le droit applicable au différend dont la
Cour est saisie est le statut de 1975, complété pour son application et son
interprétation par divers principes coutumiers et traités en vigueur entre

les Parties, auxquels le statut renvoie. Se fondant sur la règle d’interpréta-
tion des traités énoncée à l’article 31, paragraphe 3, alinéa c),d el
convention de Vienne sur le droit des traités, l’Argentine soutient notam-
ment que le statut de 1975 doit être interprété à la lumière des principes
qui règlent le droit des cours d’eau internationaux et des principes du
droit international assurant la protection de l’environnement. Elle affirme

que l’interprétation du statut de 1975 doit tenir compte de toute «règle
pertinente» de droit international applicable dans les relations entre les
Parties, pour rester d’actualité et refléter l’évolution des normes environ-
nementales. L’Argentine mentionne à ce titre les principes de l’utilisation
équitable, raisonnable et non dommageable des cours d’eau internatio-

naux, les principes de développement durable, de prévention et de pré-
caution, et la nécessité de conduire une évaluation de l’impact sur l’envi-
ronnement. Elle soutient que ces règles et principes servent à l’interpréta-

32that it does not address the alleged noise and visual pollution as claimed
by Argentina. Nor does the Court see any other basis in the 1975 Statute

for such claims; therefore, the claims relating to noise and visual pollu-
tion are manifestly outside the jurisdiction of the Court conferred upon it
under Article 60.

Similarly, no provision of the 1975 Statute addresses the issue of “bad
odours” complained of by Argentina. Consequently, for the same reason,
the claim regarding the impact of bad odours on tourism in Argentina
also falls outside the Court’s jurisdiction. Even if bad odours were to be
subsumed under the issue of air pollution, which will be addressed in

paragraphs 263 and 264 below, the Court notes that Argentina has sub-
mitted no evidence as to any relationship between the alleged bad odours
and the aquatic environment of the river.

53. Characterizing the provisions of Articles 1 and 41 of the 1975 Stat-
ute as “referral clauses”, Argentina ascribes to them the effect of incor-

porating into the Statute the obligations of the Parties under general
international law and a number of multilateral conventions pertaining to
the protection of the environment. Consequently, in the view of Argen-
tina, the Court has jurisdiction to determine whether Uruguay has com-
plied with its obligations under certain international conventions.

54. The Court now therefore turns its attention to the issue whether its
jurisdiction under Article 60 of the 1975 Statute also encompasses obli-
gations of the Parties under international agreements and general inter-
national law invoked by Argentina and to the role of such agreements

and general international law in the context of the present case.

55. Argentina asserts that the 1975 Statute constitutes the law appli-
cable to the dispute before the Court, as supplemented so far as its appli-
cation and interpretation are concerned, by various customary principles

and treaties in force between the Parties and referred to in the Statute.
Relying on the rule of treaty interpretation set out in Article 31, para-
graph 3 (c) of the Vienna Convention on the Law of Treaties, Argentina
contends notably that the 1975 Statute must be interpreted in the light of
principles governing the law of international watercourses and principles
of international law ensuring protection of the environment. It asserts

that the 1975 Statute must be interpreted so as to take account of all “rel-
evant rules” of international law applicable in the relations between the
Parties, so that the Statute’s interpretation remains current and evolves in
accordance with changes in environmental standards. In this connection
Argentina refers to the principles of equitable, reasonable and non-

injurious use of international watercourses, the principles of sustainable
development, prevention, precaution and the need to carry out an envi-
ronmental impact assessment. It contends that these rules and principles

32tion dynamique du statut de 1975, bien qu’ils ne viennent pas se substituer
à celui-ci ni en amoindrir la portée.

56. L’Argentine considère de plus que la Cour doit faire respecter les
obligations conventionnelles liant les Parties auxquelles renvoient les arti-
cles premier et 41, alinéa a), du statut de 1975. Elle soutient que les
«clauses de renvoi» contenues dans ces articles permettent l’incorpora-
tion et l’application d’obligations découlant d’autres traités et engage-

ments internationaux liant les Parties. A cet effet, l’Argentine mentionne
la convention de 1973 sur le commerce international des espèces de faune
et de flore sauvages menacées d’extinction (ci-après dénommée la
«convention CITES»), la convention de Ramsar de 1971 sur les zones
humides d’importance internationale (ci-après dénommée la «convention

de Ramsar»), la convention des Nations Unies de 1992 sur la diversité
biologique (ci-après dénommée la «convention sur la diversité biologi-
que») et la convention de Stockholm de 2001 sur les polluants organiques
persistants (ci-après dénommée la «convention POP»). Selon elle, ces
obligations conventionnelles s’ajoutent aux droits et obligations décou-
lant du statut de 1975, et il convient, lors de l’examen de l’application de

celui-ci, de s’assurer qu’elles ont bien été respectées. L’Argentine soutient
que ce n’est qu’en cas de «dispositions plus précises du statut [de 1975]
(lex specialis) » y dérogeant que les instruments auxquels le statut ren-
voie ne devraient pas être appliqués.
57. L’Uruguay considère de même que l’interprétation du statut

de 1975 doit se faire à la lumière du droit international général, et cons-
tate l’accord des Parties à cet égard. Il soutient toutefois que l’interpré-
tation qu’il développe est conforme aux différents principes généraux du
droit des cours d’eau internationaux et du droit de l’environnement,
même s’il a de ces principes une compréhension qui n’est pas tout à fait la

même que celle de l’Argentine. L’Uruguay estime que la question de
savoir si les articles premier et 41, alinéa a), du statut de 1975 peuvent
être compris comme renvoyant à d’autres traités en vigueur entre les
Parties est dépourvue de pertinence en l’espèce, soit que les conventions
invoquées par l’Argentine seraient sans pertinence, soit qu’aucune viola-

tion d’autres obligations conventionnelles ne pourrait lui être reprochée.
En tout état de cause, la Cour serait sans compétence pour statuer sur des
allégations de violations d’obligations internationales non prévues par le
statut de 1975.
58. La Cour examinera d’abord la question de savoir si les articles pre-
mier et 41, alinéa a), peuvent être interprétés comme incorporant dans le

statut de 1975 les obligations incombant aux Parties en vertu des diffé-
rents traités multilatéraux sur lesquels l’Argentine fait fond.
59. L’article premier du statut de 1975 se lit comme suit:

«Les parties adoptent le présent statut, conformément aux dispo-

sitions de l’article 7 du traité relatif à la frontière sur l’Uruguay du
7 avril 1961, à l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à
l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve Uruguay, dans le strict

33are applicable in giving the 1975 Statute a dynamic interpretation,
although they neither replace it nor restrict its scope.

56. Argentina further considers that the Court must require compli-
ance with the Parties’ treaty obligations referred to in Articles 1 and
41 (a) of the 1975 Statute. Argentina maintains that the “referral clauses”
contained in these articles make it possible to incorporate and apply obli-
gations arising from other treaties and international agreements binding

on the Parties. To this end, Argentina refers to the 1973 Convention on
International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora
(hereinafter the “CITES Convention”), the 1971 Ramsar Convention on
Wetlands of International Importance (hereinafter the “Ramsar Conven-
tion”), the 1992 United Nations Convention on Biological Diversity

(hereinafter the “Biodiversity Convention”), and the 2001 Stockholm
Convention on Persistent Organic Pollutants (hereinafter the “POPs
Convention”). It asserts that these conventional obligations are in addi-
tion to the obligations arising under the 1975 Statute, and observance of
them should be ensured when application of the Statute is being consid-
ered. Argentina maintains that it is only where “more specific rules of the

[1975] Statute (lex specialis)” derogate from them that the instruments
to which the Statute refers should not be applied.

57. Uruguay likewise considers that the 1975 Statute must be inter-

preted in the light of general international law and it observes that the
Parties concur on this point. It maintains however that its interpretation
of the 1975 Statute accords with the various general principles of the law
of international watercourses and of international environmental law,
even if its understanding of these principles does not entirely correspond

to that of Argentina. Uruguay considers that whether Articles 1 and
41 (a) of the 1975 Statute can be read as a referral to other treaties in
force between the Parties has no bearing in the present case, because con-
ventions relied on by Argentina are either irrelevant, or Uruguay cannot
be found to have violated any other conventional obligations. In any

event, the Court would lack jurisdiction to rule on alleged breaches of
international obligations which are not contained in the 1975 Statute.

58. The Court will first address the issue whether Articles 1 and 41 (a)
can be read as incorporating into the 1975 Statute the obligations of the

Parties under the various multilateral conventions relied upon by Argen-
tina.
59. Article 1 of the 1975 Statute reads as follows:

“The parties agree on this Statute, in implementation of the pro-

visions of Article 7 of the Treaty concerning the Boundary Consti-
tuted by the River Uruguay of 7 April 1961, in order to establish the
joint machinery necessary for the optimum and rational utilization

33 respect des droits et obligations découlant des traités et autres enga-
gements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des
o
parties.» (RTNU, vol. 1295, n I-21425, p. 348; note de bas de page
omise.)

L’article premier définit le but du statut de 1975: les Parties l’ont
conclu à l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à l’utilisa-
tion rationnelle et optimale du fleuve Uruguay. L’article contient certes
une référence aux «droits et obligations découlant des traités et autres

engagements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des
parties», mais l’on ne saurait en déduire que les Parties cherchaient à
faire du respect des obligations qu’elles tenaient d’autres traités l’un des
devoirs leur incombant en vertu du statut de 1975; la référence à d’autres

traités met plutôt l’accent sur le fait que l’adoption du statut intervient
conformément aux dispositions de l’article 7 du traité de 1961 et «dans le
strict respect des droits et obligations découlant des traités et autres enga-
gements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des
parties» (les italiques sont de la Cour). Si la conjonction «et» n’apparaît

pas dans les traductions anglaise et française du statut de 1975, telles que
publiées dans le Recueil des traités des Nations Unies (ibid.,p .0
et 348), elle figure dans la version espagnole, qui est celle faisant foi. Le
texte espagnol se lit comme suit:

«Las partes acuerdan el presente Estatuto, en cumplimiento de lo
dispuesto en el Artículo 7 del Tratado de Límites en el Río Uruguay,

de 7 de Abril de 1961 con el fin de establecer los mecanismos comu-
nes necesarios para el óptimo y racional aprovechamiento del Río
Uruguay, y en estricta observancia de los derechos y obligaciones
emergentes de los tratados y demás compromisos internacionales
vigentes para cualquiera de las partes.» (Ibid., p. 332; les italiques

sont de la Cour.)

La présence de la conjonction dans le texte espagnol donne à penser
que la clause relative au «strict respect des droits et obligations découlant
des traités et autres engagements internationaux en vigueur à l’égard de
l’une ou l’autre des parties» est liée, et doit être rattachée, à la première
partie de l’article premier («[l]es parties adoptent le présent statut, confor-

mément aux dispositions de l’article 7 du traité relatif à la frontière sur
l’Uruguay»).
60. Une autre observation s’impose en ce qui concerne le texte de
l’article premier du statut de 1975. Celui-ci mentionne les «traités et
autres engagements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou

l’autre des parties» («tratados y demás compromisos internacionales
vigentes para cualquiera de las partes» dans l’original espagnol; les itali-
ques sont de la Cour). Dans sa traduction anglaise, ce passage se lit
«treaties and other international agreements in force for each of the

parties» (les italiques sont de la Cour).
Le fait que l’article premier n’exige pas que les «traités et autres enga-

34 of the River Uruguay, in strict observance of the rights and obliga-
tions arising from treaties and other international agreements in

force for each of the parties.” (UNTS, Vol. 1295, No. I-21425,
p. 340; footnote omitted.)

Article 1 sets out the purpose of the 1975 Statute. The Parties con-
cluded it in order to establish the joint machinery necessary for the
rational and optimum utilization of the River Uruguay. It is true that this
article contains a reference to “the rights and obligations arising from

treaties and other international agreements in force for each of the
parties”. This reference, however, does not suggest that the Parties sought
to make compliance with their obligations under other treaties one of
their duties under the 1975 Statute; rather, the reference to other treaties
emphasizes that the agreement of the Parties on the Statute is reached
in implementation of the provisions of Article 7 of the 1961 Treaty

and “in strict observance of the rights and obligations arising from
treaties and other international agreements in force for each of the
parties” (emphasis added). While the conjunction “and” is missing
from the English and French translations of the 1975 Statute, as
published in the United Nations Treaty Series (ibid., p. 340 and p. 348),

it is contained in the Spanish text of the Statute, which is the authentic
text and reads as follows:

“Las partes acuerdan el presente Estatuto, en cumplimiento de lo
dispuesto en el Artículo 7 del Tratado de Límites en el Río Uruguay,
de 7 de Abril de 1961 con el fin de establecer los mecanismos
comunes necesarios para el óptimo y racional aprovechamiento del

Río Uruguay, y en estricta observancia de los derechos y obliga-
ciones emergentes de los tratados y demás compromisos internacion-
ales vigentes para cualquiera de las partes.” (Ibid., p. 332; emphasis
added.)

The presence of the conjunction in the Spanish text suggests that the
clause “in strict observance of the rights and obligations arising from

treaties and other international agreements in force for each of the
parties” is linked to and is to be read with the first part of Article 1, i.e.,
“[t]he parties agree on this Statute, in implementation of the provisions of
Article 7 of the Treaty concerning the Boundary Constituted by the
River Uruguay”.
60. There is one additional element in the language of Article 1 of

the 1975 Statute which should be noted. It mentions “treaties and
other international agreements in force for each of the parties” (in
Spanish original “tratados y demás compromisos internacionales vig-
entes para cualquiera de las partes”; emphasis added). In the French
translation, this part of Article 1 reads “traités et autres engagements

internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des parties”
(emphasis added).
The fact that Article 1 does not require that the “treaties and other

34gements internationaux» soient en vigueur entre les deux parties indique
ainsi clairement que le statut de 1975 tient compte des engagements anté-

rieurs pertinents de chacune des parties.
61. L’article 41 du statut de 1975, dont l’alinéa a) constitue, pour
l’Argentine, une autre «clause de renvoi» incorporant dans le statut les
obligations découlant d’engagements internationaux, se lit comme suit:

«Sans préjudice des fonctions assignées à la commission en la
matière, les parties s’obligent:

a) à protéger et à préserver le milieu aquatique et, en particulier, à
en empêcher la pollution en établissant [l]es normes et en adop-
tant les mesures appropriées, conformément aux accords inter-
nationaux applicables et, le cas échéant, en harmonie avec les

directives et les recommandations des organismes techniques
internationaux;
b) à ne pas abaisser, dans leurs systèmes juridiques respectifs:
1) les normes techniques en vigueur pour prévenir la pollution

des eaux, et
2) les pénalités établies pour les infractions;
c) à s’informer mutuellement des normes qu’elles se proposent

d’établir en matière de pollution des eaux, en vue d’établir des
normes équivalentes dans leurs systèmes juridiques respectifs.»
(Les italiques sont de la Cour.)

62. La Cour fait observer que les mots «adoptant ... appropriées»
[«adopting appropriate»] ne figurent pas dans la version anglaise, alors
qu’ils sont présents dans le texte original espagnol («dictando las normas
y adoptando las medidas apropiadas»). Pour la Cour, qui s’appuie sur le

texte original espagnol, il est difficile de voir comment cette disposition
pourrait être interprétée comme une clause de renvoi ayant pour effet
d’incorporer dans le champ d’application du statut de 1975 les obliga-
tions des parties découlant des accords internationaux et autres normes
visées.

La clause figurant à l’alinéa a) de l’article 41 a pour but la protection
et la préservation du milieu aquatique, chacune des parties devant à cet
effet édicter des normes et adopter des mesures appropriées. L’alinéa a)
de l’article 41 distingue entre les accords internationaux applicables,
d’une part, et les directives et recommandations des organismes techni-
ques internationaux, d’autre part. Les premiers sont juridiquement

contraignants et, par conséquent, les normes et réglementations édictées
en droit interne et les mesures adoptées par les Etats doivent leur être
conformes; les secondes, qui ne lient pas formellement les Etats, doivent
être prises en compte par ces derniers, pour autant qu’elles sont pertinen-
tes, de manière que les mesures, les normes et les réglementations internes

adoptées soient compatibles («con adecuación») avec ces directives et
recommandations. L’article 41, toutefois, n’incorpore pas dans le statut
de 1975 les accords internationaux en tant que tels, mais impose aux

35international agreements” should be in force between the two parties thus
clearly indicates that the 1975 Statute takes account of the prior commit-

ments of each of the parties which have a bearing on it.
61. Article 41 of the 1975 Statute, paragraph (a) of which Argentina
considers as constituting another “referral clause” incorporating the obli-
gations under international agreements into the Statute, reads as follows:

“Without prejudice to the functions assigned to the Commission
in this respect, the parties undertake:

(a) to protect and preserve the aquatic environment and, in par-
ticular, to prevent its pollution, by prescribing appropriate rules
and [adopting appropriate] measures in accordance with appli-
cable international agreements and in keeping, where relevant,

with the guidelines and recommendations of international tech-
nical bodies;
(b) not to reduce in their respective legal systems:
1) the technical requirements in force for preventing water pol-

lution, and
2) the severity of the penalties established for violations;
(c) to inform one another of any rules which they plan to prescribe

with regard to water pollution in order to establish equivalent
rules in their respective legal systems.” (Emphasis added.)

62. The Court observes that the words “adopting appropriate” do not
appear in the English translation while they appear in the original Span-
ish text (“dictando las normas y adoptando las medidas apropiadas”).
Basing itself on the original Spanish text, it is difficult for the Court to see

how this provision could be construed as a “referral clause” having the
effect of incorporating the obligations of the parties under international
agreements and other norms envisaged within the ambit of the 1975
Statute.

The purpose of the provision in Article 41 (a) is to protect and pre-
serve the aquatic environment by requiring each of the parties to enact
rules and to adopt appropriate measures. Article 41 (a) distinguishes
betweenapplicableinternationalagreementsandtheguidelinesandrecom-
mendations of international technical bodies. While the former are legally
binding and therefore the domestic rules and regulations enacted and the

measures adopted by the State have to comply with them, the latter, not
being formally binding, are, to the extent they are relevant, to be taken
into account by the State so that the domestic rules and regulations and
the measures it adopts are compatible (“con adecuación”) with those
guidelines and recommendations. However, Article 41 does not incorpo-

rate international agreements as such into the 1975 Statute but rather sets
obligations for the parties to exercise their regulatory powers, in con-
formity with applicable international agreements, for the protection and

35parties l’obligation d’exercer leurs pouvoirs de réglementation, en confor-
mité avec les accords internationaux applicables, aux fins de la protection

et de la préservation du milieu aquatique du fleuve Uruguay. Aux termes
de l’alinéa b) de l’article 41, les normes mises en place pour prévenir la
pollution des eaux et la sévérité des «pénalités» ne doivent pas être abais-
sées. Enfin, l’alinéa c) de l’article 41 concerne l’obligation faite à chacune
des parties d’informer l’autre des normes qu’elle se propose d’établir en

matière de pollution des eaux.
63. La Cour en conclut que rien, dans le texte de l’article 41 du statut
de 1975, ne vient étayer la thèse selon laquelle cet article constituerait une
«clause de renvoi». En conséquence, les différentes conventions multila-
térales invoquées par l’Argentine ne sont pas, comme telles, incorporées

dans le statut de 1975. Pour cette raison, elles ne relèvent pas de la clause
compromissoire et la Cour n’a pas compétence pour trancher la question
de savoir si l’Uruguay a rempli les obligations lui incombant en vertu de
ces instruments.
64. La Cour examinera ensuite brièvement comment le statut de 1975
doit être interprété. Si les vues des Parties concordent en ce qui concerne

l’origine du statut et le contexte historique dans lequel il s’insère, elles
divergent quant à sa nature et à son économie générale ainsi que quant
aux obligations de nature procédurale et de fond qu’il énonce.
Les Parties conviennent cependant que le statut de 1975 doit être inter-
prété conformément aux règles de droit international coutumier relatives

à l’interprétation des traités, telles que codifiées à l’article 31 de la
convention de Vienne sur le droit des traités.
65. La Cour s’est référée à ces règles lorsqu’elle a été appelée à inter-
préter les dispositions de traités et d’accords internationaux conclus
avant l’entrée en vigueur de la convention de Vienne en 1980 (voir, par

exemple, les affaires du Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/
Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994 , p. 21, par. 41, et de l’Ile de Kasikili/
Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II) , p. 1059,
par. 18).
Le statut de 1975 est lui aussi un traité antérieur à l’entrée en vigueur

de la convention de Vienne sur le droit des traités. Pour en interpréter les
termes, la Cour se référera aux règles coutumières d’interprétation des
traités telles qu’elles ressortent de l’article 31 de la convention de Vienne.
Le statut de 1975 doit donc être «interprété de bonne foi suivant le sens
ordinaire à attribuer [à ses] termes ... dans leur contexte et à la lumière de
son objet et de son but». L’interprétation prendra aussi en compte, outre

le contexte, «toute règle pertinente de droit international applicable dans
les relations entre les parties».

66. La prise en considération, aux fins de l’interprétation du statut
de 1975, des règles pertinentes de droit international applicables dans les

relations entre les Parties, qu’il s’agisse de règles de droit international
général ou de règles contenues dans les conventions multilatérales aux-
quelles les deux Etats sont parties, est toutefois sans incidence sur l’éten-

36preservation of the aquatic environment of the River Uruguay. Under
Article 41 (b) the existing requirements for preventing water pollution

and the severity of the penalties are not to be reduced. Finally, para-
graph (c) of Article 41 concerns the obligation to inform the other party
of plans to prescribe rules on water pollution.

63. The Court concludes that there is no basis in the text of Article 41
of the 1975 Statute for the contention that it constitutes a “referral
clause”. Consequently, the various multilateral conventions relied on by
Argentina are not, as such, incorporated in the 1975 Statute. For that

reason, they do not fall within the scope of the compromissory clause and
therefore the Court has no jurisdiction to rule whether Uruguay has com-
plied with its obligations thereunder.

64. The Court next briefly turns to the issue of how the 1975 Statute is
to be interpreted. The Parties concur as to the 1975 Statute’s origin and

historical context, although they differ as to the nature and general tenor
of the Statute and the procedural and substantive obligations therein.

The Parties nevertheless are in agreement that the 1975 Statute is to be
interpreted in accordance with rules of customary international law on

treaty interpretation, as codified in Article 31 of the Vienna Convention
on the Law of Treaties.
65. The Court has had recourse to these rules when it has had to inter-
pret the provisions of treaties and international agreements concluded
before the entry into force of the Vienna Convention on the Law of Trea-

ties in 1980 (see, e.g., Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/
Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994 , p. 21, para. 41; Kasikili/Sedudu
Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II) , p. 1059,
para. 18).
The 1975 Statute is also a treaty which predates the entry into force of

the Vienna Convention on the Law of Treaties. In interpreting the terms
of the 1975 Statute, the Court will have recourse to the customary rules
on treaty interpretation as reflected in Article 31 of the Vienna Conven-
tion. Accordingly the 1975 Statute is to be “interpreted in good faith in
accordance with the ordinary meaning to be given to the terms of the
[Statute] in their context and in light of its object and purpose”. That

interpretation will also take into account, together with the context, “any
relevant rules of international law applicable in the relations between the
parties”.
66. In the interpretation of the 1975 Statute, taking account of rele-
vant rules of international law applicable in the relations between the

Parties, whether these are rules of general international law or contained
in multilateral conventions to which the two States are parties, neverthe-
less has no bearing on the scope of the jurisdiction conferred on the

36due de la compétence conférée à la Cour en vertu de l’article 60 du statut
de 1975, qui demeure circonscrite aux différends concernant l’interpréta-

tion ou l’application du statut.

**

III. LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES OBLIGATIONS DE NATURE PROCÉDURALE

67. La requête déposée par l’Argentine le 4 mai 2006 porte sur la viola-
tion alléguée par l’Uruguay des obligations tant de nature procédurale

que de fond prévues par le statut de 1975. La Cour commencera par exa-
miner la violation alléguée des obligations de nature procédurale prévues
par les articles 7 à 12 du statut de 1975 au sujet des projets relatifs
aux usines CMB (ENCE) et Orion (Botnia), ainsi qu’aux installations
connexes de cette dernière, sur la rive gauche du fleuve Uruguay, près

de la ville de Fray Bentos.
68. L’Argentine considère que les obligations de nature procédurale
sont intrinsèquement liées aux obligations de fond prévues par le statut
de 1975, et qu’un manquement aux premières entraîne un manquement
aux secondes.

S’agissant des obligations de nature procédurale, elles constitueraient,
selon l’Argentine, un ensemble intégré et indissociable, au sein duquel la
CARU jouerait, en tant qu’organisation, un rôle essentiel.
Il en découlerait, selon l’Argentine, que l’Uruguay ne pourrait invo-
quer d’autres arrangements procéduraux pour déroger aux obligations de

nature procédurale prévues par le statut de 1975, en dehors du consente-
ment des deux Parties.
69. A l’issue du mécanisme procédural prévu par ce statut, et faute
d’accord entre les Parties, celles-ci n’auraient, selon l’Argentine, d’autre
choix que de saisir la Cour, aux termes des articles 12 et 60 du statut,

l’Uruguay ne pouvant procéder à la construction des usines projetées tant
que la Cour n’aurait pas rendu son arrêt.

70. Dans le fil de l’argumentation avancée par le demandeur, la Cour
examinera successivement les quatre points suivants: les liens entre les

obligations de nature procédurale et les obligations de fond (A), les obli-
gations de nature procédurale et leur articulation (B), la question de
savoir si les Parties sont convenues de déroger aux obligations de nature
procédurale prévues par le statut de 1975 (C) et les obligations de l’Uru-
guay au terme de la période de négociation (D).

A. Les liens entre les obligations de nature procédurale
et les obligations de fond

71. L’Argentine soutient que les dispositions de nature procédurale,
prévues aux articles 7 à 12 du statut de 1975, ont pour objectif d’assurer

37Court under Article 60 of the 1975 Statute, which remains confined to

disputes concerning the interpretation or application of the Statute.

**

III. HE A LLEGED BREACH OF PROCEDURAL OBLIGATIONS

67. The Application filed by Argentina on 4 May 2006 concerns the

alleged breach by Uruguay of both procedural and substantive obliga-
tions laid down in the 1975 Statute. The Court will start by considering
the alleged breach of procedural obligations under Articles 7 to 12 of the
1975 Statute, in relation to the (CMB) ENCE and Orion (Botnia) mill

projects and the facilities associated with the latter, on the left bank of
the River Uruguay near the city of Fray Bentos.

68. Argentina takes the view that the procedural obligations were

intrinsically linked to the substantive obligations laid down by the
1975 Statute, and that a breach of the former entailed a breach of the
latter.
With regard to the procedural obligations, these are said by Argentina

to constitute an integrated and indivisible whole in which CARU, as an
organization, plays an essential role.
Consequently, according to Argentina, Uruguay could not invoke
other procedural arrangements so as to derogate from the procedural
obligations laid down by the 1975 Statute, except by mutual consent.

69. Argentina argues that, at the end of the procedural mechanism
provided for by the 1975 Statute, and in the absence of agreement
between the Parties, the latter have no choice but to submit the matter to

the Court under the terms of Articles 12 and 60 of the Statute, with Uru-
guay being unable to proceed with the construction of the planned mills
until the Court has delivered its Judgment.
70. Following the lines of the argument put forward by the Applicant,

the Court will examine in turn the following four points: the links
between the procedural obligations and the substantive obligations (A);
the procedural obligations and their interrelation with each other (B);
whether the Parties agreed to derogate from the procedural obligations

set out in the 1975 Statute (C); and Uruguay’s obligations at the end of
the negotiation period (D).

A. The Links between the Procedural Obligations
and the Substantive Obligations

71. Argentina maintains that the procedural provisions laid down in
Articles 7 to 12 of the 1975 Statute are aimed at ensuring “the optimum

37«l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve» (article premier), au
même titre que les dispositions relatives à l’utilisation des eaux, à la

conservation, à l’utilisation et à l’exploitation d’autres ressources natu-
relles, à la pollution et à la recherche. L’objectif serait également d’em-
pêcher que les Parties ne puissent agir unilatéralement et sans égard
aux utilisations antérieures ou actuelles du fleuve. Toute méconnais-
sance de ces mécanismes entraînerait dès lors, selon l’Argentine, une

atteinte à l’objet et au but du statut de 1975; en effet, «l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve» ne serait pas assurée, car celle-ci ne
pourrait se réaliser que conformément aux procédures établies par le
statut.
72. Il s’ensuivrait, selon l’Argentine, qu’une violation des obligations

de nature procédurale entraînerait automatiquement celle des obligations
de fond, dans la mesure où les deux catégories d’obligations sont indivi-
sibles. Une telle position trouverait un appui dans l’ordonnance de la
Cour du 13 juillet 2006, selon laquelle le statut de 1975 a créé «un régime
complet».
73. L’Uruguay considère également que les obligations de nature pro-

cédurale sont destinées à faciliter la mise en Œuvre des obligations de
fond car les premières constituent un moyen et non une fin. Il souligne,
de même, que l’article premier du statut de 1975 définit l’objet et le but de
celui-ci.
74. Mais l’Uruguay rejette, comme artificielle, l’argumentation de

l’Argentine, en ce qu’elle tend à confondre les questions de procédure et
de fond dans le but de faire croire que la violation des obligations de
nature procédurale se traduirait nécessairement par celle des obligations
de fond. Il appartiendrait à la Cour, selon l’Uruguay, d’apprécier la vio-
lation, en elle-même, de chacune de ces catégories d’obligations et d’en

tirer les conséquences qui s’imposent dans chaque cas en matière de res-
ponsabilité et de réparation.
75. La Cour relève que l’objet et le but du statut de 1975, inscrits à
l’article premier, consistent, pour les Parties, à parvenir à «l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay» au moyen des «mécanismes

communs» de coopération, constitués aussi bien par la CARU que par
les dispositions de nature procédurale des articles 7 à 12 du statut.
La Cour a souligné à ce propos, dans son ordonnance du 13 juillet 2006,
qu’une telle utilisation devrait permettre un développement durable qui
tienne compte «de la nécessité de garantir la protection continue de
l’environnement du fleuve ainsi que le droit au développement écono-

mique des Etats riverains» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet
2006, C.I.J. Recueil 2006 , p. 133, par. 80).
76. Dans l’affaire Gabc ˇíkovo-Nagymaros, la Cour, après avoir rappelé
que «[l]e concept de développement durable traduit bien cette nécessité

de concilier développement économique et protection de l’environne-
ment», a ajouté que «[c]e sont les Parties elles-mêmes qui doivent trouver
d’un commun accord une solution qui tienne compte des objectifs du

38and rational utilization of the [r]iver” (Article 1), just as are the provi-
sions concerning use of water, the conservation, utilization and develop-

ment of other natural resources, pollution and research. The aim is also
said to be to prevent the Parties from acting unilaterally and without
regard for earlier or current uses of the river. According to Argentina,
any disregarding of this machinery would therefore undermine the object
and purpose of the 1975 Statute; indeed the “optimum and rational

utilization of the [r]iver” would not be ensured, as this could only
be achieved in accordance with the procedures laid down under the
Statute.

72. It follows, according to Argentina, that a breach of the procedural

obligations automatically entails a breach of the substantive obligations,
since the two categories of obligations are indivisible. Such a position is
said to be supported by the Order of the Court of 13 July 2006, according
to which the 1975 Statute created “a comprehensive régime”.

73. Uruguay similarly takes the view that the procedural obligations

are intended to facilitate the performance of the substantive obligations,
the former being a means rather than an end. It too points out that Arti-
cle 1 of the 1975 Statute defines its object and purpose.

74. However, Uruguay rejects Argentina’s argument as artificial, since

it appears to mix procedural and substantive questions with the aim of
creating the belief that the breach of procedural obligations necessarily
entails the breach of substantive ones. According to Uruguay, it is for the
Court to determine the breach, in itself, of each of these categories of
obligations, and to draw the necessary conclusions in each case in terms

of responsibility and reparation.

75. The Court notes that the object and purpose of the 1975 Statute,
set forth in Article 1, is for the Parties to achieve “the optimum and
rational utilization of the River Uruguay” by means of the “joint machin-

ery” for co-operation, which consists of both CARU and the procedural
provisions contained in Articles 7 to 12 of the Statute.
The Court has observed in this respect, in its Order of 13 July 2006,
that such use should allow for sustainable development which takes
account of “the need to safeguard the continued conservation of the river
environment and the rights of economic development of the riparian

States” (Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Pro-
visional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J. Reports 2006 , p. 133,
para. 80).
76. In the Gabc ˇikovo-Nagymaros case, the Court, after recalling that
“[t]his need to reconcile economic development with protection of the

environment is aptly expressed in the concept of sustainable develop-
ment”, added that “[i]t is for the Parties themselves to find an agreed
solution that takes account of the objectives of the Treaty” (Gabc ˇíkovo-

38traité» (Projet Gabcˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J.
Recueil 1997, p. 78, par. 140 et 141).

77. La Cour estime que c’est en coopérant que les Etats concernés
peuvent gérer en commun les risques de dommages à l’environne-
ment qui pourraient être générés par les projets initiés par l’un ou
l’autre d’entre eux, de manière à prévenir les dommages en question, à
travers la mise en Œuvre des obligations tant de nature procédurale que

de fond prévues par le statut de 1975. Cependant, alors que les obliga-
tions de fond sont libellées le plus souvent en termes généraux, les
obligations de nature procédurale sont plus circonscrites et précises
afin de faciliter la mise en Œuvre du statut à travers une concertation
permanente entre les parties concernées. La Cour a qualifié le

régime institué par le statut de 1975 de «régime complet et
novateur» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine
c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet 2006,
C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 81), dans la mesure où les deux
catégories d’obligations susmentionnées se complètent parfaitement, afin
que les parties puissent réaliser l’objet du statut tel qu’elles l’ont fixé en

son article premier.
78. La Cour note que le statut de 1975 a créé la CARU et mis en place
des procédures en liaison avec cette institution, afin que les parties puis-
sent s’acquitter de leurs obligations de fond. Mais le statut n’indique
nulle part qu’une partie pourrait s’acquitter de ses obligations de fond en

respectant seulement ses obligations de nature procédurale, ni qu’une
violation des obligations de nature procédurale emporterait automatique-
ment celle des obligations de fond.
De même, ce n’est pas parce que les parties auraient respecté leurs obli-
gations de fond qu’elles seraient censées avoir respecté ipso facto leurs

obligations de nature procédurale, ou qu’elles seraient dispensées de le
faire. D’ailleurs, le lien entre ces deux catégories d’obligations peut être
rompu, dans les faits, lorsqu’une partie qui n’aurait pas respecté ses obli-
gations de nature procédurale renoncerait ensuite à la réalisation de
l’activité projetée.

79. La Cour considère, en conséquence de ce qui précède, qu’il existe
certes un lien fonctionnel, relatif à la prévention, entre les deux catégories
d’obligations prévues par le statut de 1975, mais que ce lien n’empêche
pas que les Etats parties soient appelés à répondre séparément des unes et
des autres, selon leur contenu propre, et à assumer, s’il y a lieu, la res-
ponsabilité qui découlerait, selon le cas, de leur violation.

B. Les obligations de nature procédurale et leur articulation

80. Le statut de 1975 prévoit à la charge de la partie qui projette cer-

taines activités, énumérées au premier alinéa de l’article 7, des obligations
de nature procédurale dont le contenu, l’articulation et les délais sont
précisés aux articles 7 à 12 comme suit:

39Nagymaros Project (Hungary/Slovakia), Judgment, I.C.J. Reports 1997 ,
p. 78, paras. 140-141).

77. The Court observes that it is by co-operating that the States con-
cerned can jointly manage the risks of damage to the environment that
might be created by the plans initiated by one or other of them, so as to
prevent the damage in question, through the performance of both the
procedural and the substantive obligations laid down by the 1975 Stat-

ute. However, whereas the substantive obligations are frequently worded
in broad terms, the procedural obligations are narrower and more spe-
cific, so as to facilitate the implementation of the 1975 Statute through a
process of continuous consultation between the parties concerned. The
Court has described the régime put in place by the 1975 Statute as a

“comprehensive and progressive régime” (Pulp Mills on the River Uru-
guay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July
2006, I.C.J. Reports 2006 , p. 133, para. 81), since the two categories of
obligations mentioned above complement one another perfectly, enabling
the parties to achieve the object of the Statute which they set themselves
in Article 1.

78. The Court notes that the 1975 Statute created CARU and estab-
lished procedures in connection with that institution, so as to enable the
parties to fulfil their substantive obligations. However, nowhere does the
1975 Statute indicate that a party may fulfil its substantive obligations by

complying solely with its procedural obligations, nor that a breach of
procedural obligations automatically entails the breach of substantive
ones.
Likewise, the fact that the parties have complied with their substantive
obligations does not mean that they are deemed to have complied ipso

facto with their procedural obligations, or are excused from doing so.
Moreover, the link between these two categories of obligations can also
be broken, in fact, when a party which has not complied with its proce-
dural obligations subsequently abandons the implementation of its
planned activity.

79. The Court considers, as a result of the above, that there is indeed
a functional link, in regard to prevention, between the two categories of
obligations laid down by the 1975 Statute, but that link does not prevent
the States parties from being required to answer for those obligations
separately, according to their specific content, and to assume, if neces-
sary, the responsibility resulting from the breach of them, according to

the circumstances.

B. The Procedural Obligations and Their Interrelation

80. The 1975 Statute imposes on a party which is planning certain

activities, set out in Article 7, first paragraph, procedural obligations
whose content, interrelation and time-limits are specified as follows in
Articles 7 to 12:

39 «Article 7

La partie qui projette de construire de nouveaux chenaux, de
modifier ou d’altérer de manière significative les chenaux existants
ou de réaliser tous autres ouvrages suffisamment importants pour
affecter la navigation, le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux,

en informe la commission administrative, laquelle détermine som-
mairement, dans un délai maximum de 30 jours, si le projet peut
causer un préjudice sensible à l’autre partie.
S’il en est ainsi décidé ou si une décision n’intervient pas à cet
égard, la partie intéressée notifie le projet à l’autre partie par l’inter-

médiaire de la commission.
La notification énonce les aspects essentiels de l’ouvrage et, le cas
échéant, son mode de fonctionnement et les autres données techni-
ques permettant à la partie à laquelle la notification est adressée
d’évaluer l’effet probable que l’ouvrage aura sur la navigation, sur le
régime du fleuve ou sur la qualité de ses eaux.

Article 8

La partie notifiée dispose d’un délai de 180 jours pour se pronon-
cer sur le projet, à compter du jour où sa délégation à la commission
a reçu la notification.
Au cas où la notification mentionnée à l’article 7 serait incom-
plète, la partie notifiée disposera de 30 jours pour le faire savoir,

par l’intermédiaire de la commission, à la partie qui projette de
construire l’ouvrage.
Le délai de 180 jours susmentionné commence à courir à partir du
jour où la délégation de la partie notifiée a reçu la documentation
complète.

Ce délai peut être prorogé de façon raisonnable par la commission
si la complexité du projet l’exige.
Article 9

Si la partie notifiée ne formule pas d’objections ou ne répond pas
dans le délai prévu à l’article 8, l’autre partie peut construire ou
autoriser la construction de l’ouvrage projeté.

Article 10
La partie notifiée a le droit d’inspecter les ouvrages en construc-

tion pour vérifier s’ils sont conformes au projet présenté.

Article 11

Si la partie notifiée aboutit à la conclusion que l’exécution de
l’ouvrage ou le programme d’opérations peut causer un préjudice
sensible à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses

eaux, elle en informe l’autre partie par l’intermédiaire de la commis-
sion dans le délai de 180 jours fixé à l’article 8.
La communication précise quels sont les aspects de l’ouvrage ou

40 “Article 7

If one party plans to construct new channels, substantially modify
or alter existing ones or carry out any other works which are liable
to affect navigation, the régime of the river or the quality of its
waters, it shall notify the Commission, which shall determine on a

preliminary basis and within a maximum period of 30 days whether
the plan might cause significant damage to the other party.

If the Commission finds this to be the case or if a decision cannot
be reached in that regard, the party concerned shall notify the other

party of the plan through the said Commission.
Such notification shall describe the main aspects of the work and,
where appropriate, how it is to be carried out and shall include any
other technical data that will enable the notified party to assess the
probable impact of such works on navigation, the régime of the river
or the quality of its waters.

Article 8

The notified party shall have a period of 180 days in which to
respond in connection with the plan, starting from the date on which
its delegation to the Commission receives the notification.
Should the documentation referred to in Article 7 be incomplete,
the notified party shall have 30 days in which to so inform, through

the Commission, the party which plans to carry out the work.

The period of 180 days mentioned above shall begin on the date
on which the delegation of the notified party receives the full docu-
mentation.

This period may be extended at the discretion of the Commission
if the complexity of the plan so requires.
Article 9

If the notified party raises no objections or does not respond
within the period established in Article 8, the other party may carry
out or authorize the work planned.

Article 10
The notified party shall have the right to inspect the works being

carried out in order to determine whether they conform to the plan
submitted.
Article 11

Should the notified party come to the conclusion that the execu-
tion of the work or the programme of operations might significantly
impair navigation, the régime of the river or the quality of its waters,

it shall so notify the other party, through the Commission, within
the period of 180 days established in Article 8.
Such notification shall specify which aspects of the work or the

40 du programme d’opérations qui peuvent causer un préjudice sensible
à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux, les

raisons techniques qui permettent d’arriver à cette conclusion et les
modifications qu’elle suggère d’apporter au projet ou au programme
d’opérations.

Article 12
Si les parties n’aboutissent pas à un accord dans un délai de
180 jours à compter de la communication visée à l’article 11, la pro-
cédure indiquée au chapitre XV est applicable.»

81. L’original espagnol de l’article 7 du statut de 1975 se lit ainsi:

«La parte que proyecte la construcción de nuevos canales, la
modificación o alteración significativa de los ya existentes o la reali-

zación de cualesquiera otras obras de entidad suficiente para afectar
la navegación, el régimen del Río o la calidad de sus aguas, deberá
comunicarlo a la Comisión, la cual determinará sumariamente, y en
un plazo máximo de treinta días, si el proyecto puede producir per-
juicio sensible a la otra parte.
Si así se resolviere o no se llegare a una decisión al respecto, la

parte interesada deberá notificar el proyecto a la otra parte a través
de la misma Comisión.
En la notificación deberán figurar los aspectos esenciales de la
obra y, si fuere el caso, el modo de su operación y los demás datos
técnicos que permitan a la parte notificada hacer una evaluación del

efecto probable que la obra ocasionará a la navegación, al régimen
delRíooalacalidaddesusaguas.»

La Cour relève que, comme l’original espagnol, la traduction française
de cet article (voir paragraphe 80 ci-dessus) distingue l’obligation d’infor-
mer («comunicar») la CARU au sujet des projets entrant dans son
champ d’application (premier alinéa) de celle de les notifier («notificar»)
à l’autre partie (deuxième alinéa). En revanche, la traduction anglaise uti-

lise indistinctement le verbe «notify» au sujet de ces deux obligations.
Afin de se conformer au texte original espagnol, la Cour utilisera dans les
deux versions linguistiques du présent arrêt le verbe «informer» pour
l’obligation prescrite par le premier alinéa de l’article 7 et le verbe «noti-
fier» pour celle des deuxième et troisième alinéas.
La Cour considère que les obligations d’informer, de notifier et de

négocier constituent un moyen approprié, accepté par les Parties, de par-
venir à l’objectif qu’elles se sont fixé à l’article premier du statut de 1975.
Ces obligations s’avèrent d’autant plus indispensables lorsqu’il s’agit,
comme dans le cas du fleuve Uruguay, d’une ressource partagée qui ne
peut être protégée que par le biais d’une coopération étroite et continue

entre les riverains.
82. Selon l’Argentine, en ne respectant pas la première obligation (pre-
mier alinéa de l’article 7 du statut) de saisine de la CARU, l’Uruguay a

41 programme of operations might significantly impair navigation, the
régime of the river or the quality of its waters, the technical reasons

on which this conclusion is based and the changes suggested to the
plan or programme of operations.

Article 12
Should the parties fail to reach agreement within 180 days follow-
ing the notification referred to in Article 11, the procedure indicated
in Chapter XV shall be followed.”

81. The original Spanish text of Article 7 of the 1975 Statute reads as
follows:

“La parte que proyecte la construcción de nuevos canales, la
modificación o alteración significativa de los ya existentes o la real-

ización de cualesquiera otras obras de entidad suficiente para afectar
la navegación, el régimen del Río o la calidad de sus aguas, deberá
comunicarlo a la Comisión, la cual determinará sumariamente, y en
un plazo máximo de treinta días, si el proyecto puede producir per-
juicio sensible a la otra parte.
Si así se resolviere o no se llegare a una decisión al respecto, la

parte interesada deberá notificar el proyecto a la otra parte a través
de la misma Comisión.
En la notificación deberán figurar los aspectos esenciales de la
obra y, si fuere el caso, el modo de su operación y los demás datos
técnicos que permitan a la parte notificada hacer una evaluación del

efecto probable que la obra ocasionará a la navegación, al régimen
delRíooalacalidaddesusaguas.”

The Court notes that, just as the original Spanish text, the French
translation of this Article (see paragraph 80 above) distinguishes between
the obligation to inform (“comunicar”) CARU of any plan falling within
its purview (first paragraph) and the obligation to notify (“notificar”) the
other party (second paragraph). By contrast, the English translation uses

the same verb “notify” in respect of both obligations. In order to con-
form to the original Spanish text, the Court will use in both linguistic
versions of this Judgment the verb “inform” for the obligation set out in
the first paragraph of Article 7 and the verb “notify” for the obligation
set out in the second and third paragraphs.
The Court considers that the procedural obligations of informing,

notifying and negotiating constitute an appropriate means, accepted by
the Parties, of achieving the objective which they set themselves in Arti-
cle 1 of the 1975 Statute. These obligations are all the more vital when a
shared resource is at issue, as in the case of the River Uruguay, which can
only be protected through close and continuous co-operation between

the riparian States.
82. According to Argentina, by failing to comply with the initial obli-
gation (Article 7, first paragraph, of the 1975 Statute) to refer the matter

41mis en échec l’ensemble des procédures prévues aux articles 7 à 12 du sta-
tut. Par ailleurs, en ne lui notifiant pas les projets des usines CMB

(ENCE) et Orion (Botnia), par l’intermédiaire de la CARU, avec toute la
documentation nécessaire, l’Uruguay n’aurait pas respecté les deuxième
et troisième alinéas de l’article 7. L’Argentine ajoute que des contacts
informels qu’elle-même ou la CARU ont pu avoir avec les sociétés
concernées ne peuvent tenir lieu de saisine de la CARU et de notification

des projets par l’intermédiaire de cette commission. L’Argentine en
conclut que l’Uruguay a violé l’ensemble des obligations de nature pro-
cédurale lui incombant en vertu des articles 7 à 12 du statut.
L’Uruguay, de son côté, considère que la saisine de la CARU n’est pas
aussi contraignante que le soutient l’Argentine et que les parties peuvent

convenir, d’un commun accord, d’emprunter d’autres voies, en recourant
à d’autres arrangements de nature procédurale, pour engager la coopéra-
tion entre elles. Il en déduit qu’il n’a pas enfreint les obligations de nature
procédurale prévues par le statut, même s’il s’en est acquitté sans suivre à
la lettre le processus formel qui y est décrit.
83. La Cour examinera d’abord la nature et le rôle de la CARU, puis

se penchera sur la question de savoir si l’Uruguay a respecté son obli-
gation d’informer la CARU de ses projets et celle de les notifier à
l’Argentine.

1. La nature et le rôle de la CARU

84. L’Uruguay estime que la CARU, au même titre que les autres
commissions fluviales, n’est pas un organisme doté d’une volonté auto-
nome, mais plutôt un mécanisme établi pour faciliter la coopération entre
les Parties. Il ajoute que les Etats qui ont créé ces commissions fluviales

sont libres de s’écarter du mécanisme commun, lorsque cela sert leurs
objectifs, et qu’ils le font souvent. Selon l’Uruguay, dès lors que la
CARU n’est pas habilitée à agir en dehors de la volonté des Parties,
celles-ci sont libres de faire directement ce qu’elles avaient décidé de faire
par l’intermédiaire de cette commission, et elles peuvent convenir notam-

ment de ne pas l’informer ainsi que cela est prévu à l’article 7 du sta-
tut de 1975. L’Uruguay affirme que c’est précisément ce qui s’est passé
dans le cas d’espèce: les deux Etats se sont entendus pour se dispenser de
l’examen sommaire de la CARU et passer immédiatement à des entre-
tiens directs.
85. Pour l’Argentine, en revanche, le statut de 1975 n’est pas un simple

traité bilatéral imposant des obligations synallagmatiques aux parties; il
institutionnalise une coopération permanente et étroite, dont la CARU
est l’élément central et incontournable. La CARU constitue, de l’avis de
l’Argentine, l’organe clef de coordination entre les parties dans à peu près
tous les domaines couverts par le statut. En ne s’acquittant pas de ses

obligations à cet égard, l’Uruguay remettrait profondément en question
le statut de 1975.
86. La Cour rappelle qu’elle a déjà qualifié la CARU de

42to CARU, Uruguay frustrated all the procedures laid down in Articles 7
to 12 of the Statute. In addition, by failing to notify Argentina of the

plans for the CMB (ENCE) and Orion (Botnia) mills, through CARU,
with all the necessary documentation, Uruguay is said not to have com-
plied with Article 7, second and third paragraphs. Argentina adds that
informal contacts which it or CARU may have had with the companies
in question cannot serve as a substitute for Uruguay referring the matter

to CARU and notifying Argentina of the projects through the Commis-
sion. Argentina concludes that Uruguay has breached all of its procedural
obligations under the terms of Articles 7 to 12 of the 1975 Statute.
Uruguay, for its part, considers that referring the matter to CARU
does not impose so great a constraint as Argentina contends and that the

parties may agree, by mutual consent, to use different channels by
employing other procedural arrangements in order to engage in co-
operation. It concludes from this that it has not breached the procedural
obligations laid down by the 1975 Statute, even if it has performed them
without following to the letter the formal process set out therein.
83. The Court will first examine the nature and role of CARU, and

then consider whether Uruguay has complied with its obligations to
inform CARU and to notify Argentina of its plans.

1. The nature and role of CARU

84. Uruguay takes the view that CARU, like other river commissions,
is not a body with autonomous powers, but rather a mechanism estab-
lished to facilitate co-operation between the Parties. It adds that the
States which have created these river commissions are free to go outside

the joint mechanism when it suits their purposes, and that they often do
so. According to Uruguay, since CARU is not empowered to act outside
the will of the Parties, the latter are free to do directly what they have
decided to do through the Commission, and in particular may agree not
to inform it in the manner provided for in Article 7 of the 1975 Statute.

Uruguay maintains that that is precisely what happened in the present
case: the two States agreed to dispense with the preliminary review by
CARU and to proceed immediately to direct negotiations.

85. For Argentina, on the other hand, the 1975 Statute is not merely

a bilateral treaty imposing reciprocal obligations on the parties; it
establishes an institutional framework for close and ongoing co-op-
eration, the core and essence of which is CARU. For Argentina,
CARU is the key body for co-ordination between the Parties in virtually
all areas covered by the 1975 Statute. By failing to fulfil its obligations

in this respect, Uruguay is said to be calling the 1975 Statute funda-
mentally into question.
86. The Court recalls that it has already described CARU as

42 «mécanisme commun doté de fonctions réglementaires, administra-
tives, techniques, de gestion et de conciliation…, à laquelle a été

confiée la bonne application des dispositions du statut de 1975 régis-
sant la gestion des ressources fluviales partagées, ... méca-
nisme ... [qui] occupe une place très importante dans le régime de ce
traité» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine
c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet 2006,

C.I.J. Recueil 2006, p. 133-134, par. 81).

87. La Cour relève tout d’abord que, conformément à l’article 50 du
statut de 1975, la CARU «jouit de la personnalité juridique dans l’accom-
plissement de son mandat» et que les parties audit statut se sont engagées
à lui attribuer «les ressources nécessaires, ainsi que tous les éléments et
facilités indispensables à son fonctionnement». Il en découle que, loin
d’être une simple courroie de transmission entre les parties, la CARU a

une existence propre et permanente; elle exerce des droits et est tenue à
des devoirs pour s’acquitter des fonctions qui lui sont conférées par le
statut de 1975.
88. Certes, les décisions de la commission doivent être adoptées d’un
commun accord par les deux riverains (article 55), mais leur préparation

et leur mise en Œuvre relèvent d’un secrétariat dont les fonctionnaires
jouissent de privilèges et d’immunités. D’autre part, la CARU peut
décentraliser ses différentes fonctions en créant les organes subsidiaires
qui lui sont nécessaires (article 52).
89. La Cour observe que, comme toute organisation internationale

dotée de la personnalité juridique, la CARU est habilitée à exercer les
compétences qui lui sont reconnues par le statut de 1975 et qui sont
nécessaires à la réalisation de l’objet et du but de celui-ci, soit «l’utilisa-
tion rationnelle et optimale du fleuve» (article premier). Ainsi que la
Cour l’a souligné,

«[l]es organisations internationales sont régies par «le principe de

spécialité», c’est-à-dire dotées par les Etats qui les créent de compé-
tences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts
communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promou-
voir» (Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans
un conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) ,p .,
par. 25).

Cela est naturellement vrai aussi pour les organisations qui, comme la

CARU, ne comportent que deux Etats membres.
90. La CARU servant de cadre de concertation entre les parties,
notamment pour les projets d’ouvrages envisagés au premier alinéa de
l’article 7 du statut de 1975, aucune d’entre elles ne peut sortir unilatéra-
lement et au moment qu’elle juge opportun de ce cadre et lui substituer

d’autres canaux de communication. En créant la CARU et en la dotant
de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement, les parties ont
entendu donner les meilleures garanties de stabilité, de continuité et

43 “a joint mechanism with regulatory, executive, administrative, tech-
nical and conciliatory functions, entrusted with the proper imple-

mentation of the rules contained in the 1975 Statute governing the
management of the shared river resource; . . . [a] mechanism [which]
constitutes a very important part of that treaty régime” (Pulp Mills
on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Meas-
ures, Order of 13 July 2006, I.C.J. Reports 2006 , pp. 133-134,

para. 81).

87. The Court notes, first, that CARU, in accordance with Article 50
of the 1975 Statute, was endowed with legal personality “in order to per-
form its functions” and that the parties to the 1975 Statute undertook to
provide it with “the necessary resources and all the information and
facilities essential to its operations”. Consequently, far from being merely
a transmission mechanism between the parties, CARU has a permanent

existence of its own; it exercises rights and also bears duties in carrying
out the functions attributed to it by the 1975 Statute.

88. While the decisions of the Commission must be adopted by com-
mon accord between the riparian States (Article 55), these are prepared

and implemented by a secretariat whose staff enjoy privileges and immu-
nities. Moreover, CARU is able to decentralize its various functions by
setting up whatever subsidiary bodies it deems necessary (Article 52).

89. The Court observes that, like any international organization with

legal personality, CARU is entitled to exercise the powers assigned
to it by the 1975 Statute and which are necessary to achieve the
object and purpose of the latter, namely, “the optimum and rational
utilization of the River Uruguay” (Article 1). As the Court has pointed
out,

“[i]nternational organizations are governed by the ‘principle of

speciality’, that is to say, they are invested by the States which
create them with powers, the limits of which are a function of
the common interests whose promotion those States entrust to
them” (Legality of the Use by a State of Nuclear Weapons in
Armed Conflict, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I) ,p .,
para. 25).

This also applies of course to organizations, which like CARU, only have

two member States.
90. Since CARU serves as a framework for consultation between the
parties, particularly in the case of the planned works contemplated in
Article 7, first paragraph, of the 1975 Statute, neither of them may depart
from that framework unilaterally, as they see fit, and put other channels

of communication in its place. By creating CARU and investing it with
all the resources necessary for its operation, the parties have sought to
provide the best possible guarantees of stability, continuity and effective-

43d’efficacité à leur volonté de coopérer à «l’utilisation rationnelle et opti-
male du fleuve».

91. C’est pour cette raison que la CARU joue un rôle central dans le
statut de 1975 et ne peut être réduite à un simple mécanisme facultatif mis
à la disposition des parties que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa
guise. La CARU intervient à tous les niveaux de l’utilisation du fleuve,
qu’il s’agisse de la prévention des dommages transfrontières susceptibles

de découler des activités projetées; de l’utilisation des eaux, au sujet de
laquelle elle reçoit les rapports des parties et vérifie si la somme des
utilisations ne cause pas un préjudice sensible (articles 27 et 28); de la
prévention de la modification de l’équilibre écologique (article 36); des
études et des recherches de caractère scientifique effectuées par une

partie dans la juridiction de l’autre (article 44); de l’exercice du droit de
police (article 46) et du droit de navigation (article 48).
92. Par ailleurs, la CARU a reçu comme fonction d’édicter des normes
réglementaires dans un grand nombre de domaines liés à la gestion com-
mune du fleuve et énumérés à l’article 56 du statut de 1975. Enfin, la
commission peut servir d’instance de conciliation pour tout litige né

entre les parties, sur proposition de l’une d’entre elles (article 58).
93. Dès lors, la Cour considère que, de par l’ampleur et la diversité des
fonctions qu’elles ont confiées à la CARU, les Parties ont entendu faire
de cette organisation internationale un élément central dans l’accomplis-
sement de leurs obligations de coopérer édictées par le statut de 1975.

2. L’obligation de l’Uruguay d’informer la CARU

94. La Cour note que l’obligation de l’Etat d’origine de l’activité pro-

jetée d’informer la CARU constitue la première étape de l’ensemble du
mécanisme procédural qui permet aux deux parties de réaliser l’objet du
statut de 1975, à savoir «l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve
Uruguay». Cette étape, prévue au premier alinéa de l’article 7, consiste,
pour l’Etat d’origine de l’activité projetée, à en informer la CARU pour

que celle-ci puisse déterminer «sommairement», dans un délai maximum
de trente jours, si le projet peut causer un préjudice sensible à l’autre
partie.
95. Pour que le reste de la procédure puisse se poursuivre, les deux
parties ont posé comme conditions alternatives, dans le statut de 1975,
que l’activité projetée par l’une soit susceptible, selon la CARU, de cau-

ser un préjudice sensible à l’autre, faisant naître à la charge de la première
une obligation de prévention, afin d’éliminer ou de réduire au minimum
le risque, en consultation avec la seconde; ou que la CARU, dûment
informée, ne prenne pas de décision à ce sujet dans le délai prescrit.

96. La Cour constate que les deux Parties s’accordent à considérer que
les deux usines projetées étaient des ouvrages suffisamment importants
pour entrer dans le champ d’application de l’article 7 du statut de 1975

44ness for their desire to co-operate in ensuring “the optimum and rational
utilization of the River Uruguay”.

91. That is why CARU plays a central role in the 1975 Statute and
cannot be reduced to merely an optional mechanism available to the
parties which each may use or not, as it pleases. CARU operates at all
levels of utilization of the river, whether concerning the prevention of
transboundary harm that may result from planned activities; the use of

water, on which it receives reports from the parties and verifies whether
the developments taken together are liable to cause significant damage
(Articles 27 and 28); the avoidance of any change in the ecological bal-
ance (Article 36); scientific studies and research carried out by one party
within the jurisdiction of the other (Article 44); the exercise of the right

of law enforcement (Article 46); or the right of navigation (Article 48).

92. Furthermore, CARU has been given the function of drawing up
rules in many areas associated with the joint management of the river and
listed in Article 56 of the 1975 Statute. Lastly, at the proposal of either
party, the Commission can act as a conciliation body in any dispute

which may arise between the parties (Article 58).
93. Consequently, the Court considers that, because of the scale and
diversity of the functions they have assigned to CARU, the Parties
intended to make that international organization a central component in
the fulfilment of their obligations to co-operate as laid down by the

1975 Statute.

2. Uruguay’s obligation to inform CARU

94. The Court notes that the obligation of the State initiating the

planned activity to inform CARU constitutes the first stage in the proce-
dural mechanism as a whole which allows the two parties to achieve the
object of the 1975 Statute, namely, the optimum and rational utilization
of the River Uruguay”. This stage, provided for in Article 7, first para-
graph, involves the State which is initiating the planned activity inform-

ing CARU thereof, so that the latter can determine “on a preliminary
basis” and within a maximum period of 30 days whether the plan might
cause significant damage to the other party.
95. To enable the remainder of the procedure to take its course, the
parties have included alternative conditions in the 1975 Statute: either
that the activity planned by one party should be liable, in CARU’s

opinion, to cause significant damage to the other, creating an obligation
of prevention for the first party to eliminate or minimize the risk, in con-
sultation with the other party; or that CARU, having been duly informed,
should not have reached a decision in that regard within the prescribed
period.

96. The Court notes that the Parties are agreed in considering that the
two planned mills were works of sufficient importance to fall within the
scope of Article 7 of the 1975 Statute, and thus for CARU to have been

44et, partant, pour que la CARU dût en être informée. Il en est de même
pour le projet de construction du terminal portuaire de Fray Bentos à

l’usage exclusif de l’usine Orion (Botnia), qui incluait des opérations de
dragage et d’utilisation du lit du fleuve.
97. La Cour relève cependant que les Parties sont en désaccord sur
l’existence d’une obligation d’informer la CARU au sujet du prélèvement
et de l’utilisation, par l’usine Orion (Botnia), de l’eau du fleuve à des fins

industrielles. L’Argentine estime que l’autorisation octroyée par le mi-
nistère du transport et des travaux publics uruguayen, le 12 septembre
2006, concerne une activité suffisamment importante («entidad sufi-
ciente») pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux, et que
l’Uruguay aurait dû suivre, à ce sujet, la procédure prévue aux articles 7

à 12 du statut de 1975. Pour sa part, l’Uruguay soutient que cette activité
fait partie intégrante de l’ensemble du projet de l’usine Orion (Botnia) et
que le statut n’exige pas d’informer la CARU à chaque étape de l’avan-
cement de l’ouvrage projeté.
98. La Cour relève que, si les Parties s’accordent pour reconnaître que
la CARU devait être informée des deux projets d’usines et du projet de

construction du terminal portuaire de Fray Bentos, elles s’opposent néan-
moins quant au contenu de l’information qui devait être adressée à la
CARU et quant au moment auquel elle devait avoir lieu.
99. L’Argentine a soutenu que le contenu de l’obligation d’informa-
tion doit être déterminé à la lumière de l’objectif de celle-ci, soit la

prévention des atteintes à la navigation, au régime du fleuve ou à la
qualité des eaux. Le projet dont la CARU doit être informée peut, selon
l’Argentine, n’être pas très avancé car il s’agit seulement de permettre
à la commission de «déterminer sommairement» dans un délai très
bref de trente jours si ce projet «peut causer un préjudice sensible à

l’autre partie». Ce serait seulement dans la phase procédurale suivante
que l’obligation d’informer serait plus complète. L’information de la
CARU doit cependant, de l’avis de l’Argentine, intervenir préalablement
à l’autorisation et à la construction d’un projet sur le fleuve Uruguay.
100. Reprenant les termes du premier alinéa de l’article 7 du statut

de 1975, l’Uruguay en donne une autre interprétation, estimant que
l’information prévue par cette disposition ne peut être transmise à la
CARU aux tout premiers stades de la planification, car la commission ne
pourrait disposer des éléments suffisants pour déterminer si le projet est
susceptible ou non de causer un préjudice sensible à l’autre Etat. Pour
cela, il faudrait, selon l’Uruguay, que le projet ait atteint un stade où l’on

dispose à son sujet de toutes les informations techniques. L’Uruguay
tend, comme la Cour y reviendra plus loin, à lier le contenu de l’informa-
tion au moment où elle devrait être fournie, soit même après l’octroi par
l’Etat concerné de l’autorisation environnementale préalable.
101. La Cour observe que le principe de prévention, en tant que règle

coutumière, trouve son origine dans la diligence requise («due diligence»)
de l’Etat sur son territoire. Il s’agit de «l’obligation, pour tout Etat, de ne
pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits

45informed of them. The same applies to the plan to construct a port ter-
minal at Fray Bentos for the exclusive use of the Orion (Botnia) mill,

which included dredging work and use of the river bed.

97. However, the Court observes that the Parties disagree on whether
there is an obligation to inform CARU in respect of the extraction and
use of water from the river for industrial purposes by the Orion (Botnia)

mill. Argentina takes the view that the authorization granted by the Uru-
guayan Ministry of Transport and Public Works on 12 September 2006
concerns an activity of sufficient importance (“entidad suficiente”) to
affect the régime of the river or the quality of its waters and that, in this
matter, Uruguay should have followed the procedure laid down in Arti-

cles 7 to 12 of the 1975 Statute. For its part, Uruguay maintains that this
activity forms an integral part of the Orion (Botnia) mill project as a
whole, and that the 1975 Statute does not require CARU to be informed
of each step in furtherance of the planned works.
98. The Court points out that while the Parties are agreed in recogniz-
ing that CARU should have been informed of the two planned mills and

the plan to construct the port terminal at Fray Bentos, they nonetheless
differ as regards the content of the information which should be provided
to CARU and as to when this should take place.
99. Argentina has argued that the content of the obligation to inform
must be determined in the light of its objective, which is to prevent

threats to navigation, the régime of the river or the quality of the waters.
According to Argentina, the plan which CARU must be informed of may
be at a very early stage, since it is simply a matter of allowing the Com-
mission to “determine on a preliminary basis”, within a very short period
of 30 days, whether the plan “might cause significant damage to the other

party”. It is only in the following phase of the procedure that the sub-
stance of the obligation to inform is said to become more extensive. In
Argentina’s view, however, CARU must be informed prior to the authori-
zation or implementation of a project on the River Uruguay.
100. Citing the terms of Article 7, first paragraph, of the 1975 Statute,

Uruguay gives a different interpretation of it, taking the view that the
requirement to inform CARU specified by this provision cannot occur in
the very early stages of planning, because there could not be sufficient
information available to the Commission for it to determine whether or
not the plan might cause significant damage to the other State. For that,
according to Uruguay, the project would have to have reached a stage

where all the technical data on it are available. As the Court will consider
further below, Uruguay seeks to link the content of the information to
the time when it should be provided, which may even be after the State
concerned has granted an initial environmental authorization.
101. The Court points out that the principle of prevention, as a cus-

tomary rule, has its origins in the due diligence that is required of a State
in its territory. It is “every State’s obligation not to allow knowingly its
territory to be used for acts contrary to the rights of other States” (Corfu

45d’autres Etats» (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1949 , p. 22). En effet, l’Etat est tenu de mettre en

Œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se
déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction,
ne causent un préjudice sensible à l’environnement d’un autre Etat. La
Cour a établi que cette obligation «fait maintenant partie du corps de
règles du droit international de l’environnement» (Licéité de la menace

ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) ,
p. 242, par. 29).
102. L’obligation d’informer la CARU permet, selon la Cour, de
déclencher la coopération entre les Parties, nécessaire pour la mise en
Œuvre de l’obligation de prévention. Cette première étape procédurale a

pour conséquence de soustraire à l’application du statut de 1975 les acti-
vités qui apparaîtraient ne causer un dommage qu’à l’Etat sur le territoire
duquel elles s’exercent.
103. La Cour observe qu’en ce qui concerne le fleuve Uruguay, qui
constitue une ressource partagée, le «préjudice sensible à l’autre partie»
(premier alinéa de l’article 7 du statut de 1975) peut résulter d’une

atteinte à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux.
D’ailleurs, l’article 27 du statut de 1975 souligne que

«[l]e droit de chaque partie d’utiliser les eaux du fleuve, à l’intérieur
de sa juridiction, à des fins ménagères, sanitaires, industrielles et
agricoles, s’exerce sans préjudice de l’application de la procédure
prévue aux articles 7 à 12 lorsque cette utilisation est suffisamment
importante pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses

eaux».
104. La Cour note que, conformément aux termes du premier alinéa

de l’article 7 du statut de 1975, l’information qui doit être adressée à la
CARU, à ce premier stade de la procédure, doit lui permettre de déter-
miner sommairement et rapidement si le projet peut causer un préjudice
sensible à l’autre partie. Il s’agit à ce stade, pour la CARU, de décider si
le projet relève ou non de la procédure de coopération prévue par le sta-

tut et non de se prononcer sur son impact réel sur le fleuve et la qualité
des eaux. C’est ce qui explique, de l’avis de la Cour, la différence entre la
terminologie du premier alinéa de l’article 7, relative à l’obligation d’infor-
mer la CARU, et celle du troisième alinéa de cet article, qui concerne
le contenu de la notification qui doit être adressée à un stade ultérieur
à l’autre partie et est destinée à «évaluer l’effet probable que l’ouvrage

aura sur la navigation, sur le régime du fleuve ou sur la qualité de ses
eaux».
105. La Cour considère que l’Etat qui projette les activités visées à
l’article 7 du statut est tenu d’en informer la CARU dès qu’il est en pos-
session d’un projet suffisamment élaboré pour permettre à la commission

de déterminer sommairement, en application du premier alinéa de cette
disposition, si cette activité risque de causer un préjudice sensible à l’autre
partie. A ce stade, l’information fournie ne consistera pas nécessairement

46Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports
1949, p. 22). A State is thus obliged to use all the means at its disposal in

order to avoid activities which take place in its territory, or in any area
under its jurisdiction, causing significant damage to the environment of
another State. This Court has established that this obligation “is now
part of the corpus of international law relating to the environment”
(Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion,

I.C.J. Reports 1996 (I), p. 242, para. 29).

102. In the view of the Court, the obligation to inform CARU allows
for the initiation of co-operation between the Parties which is necessary
in order to fulfil the obligation of prevention. This first procedural stage

results in the 1975 Statute not being applied to activities which would
appear to cause damage only to the State in whose territory they are car-
ried out.
103. The Court observes that with regard to the River Uruguay, which
constitutes a shared resource, “significant damage to the other party”
(Article 7, first paragraph, of the 1975 Statute) may result from impair-

ment of navigation, the régime of the river or the quality of its waters.
Moreover, Article 27 of the 1975 Statute stipulates that:

“[t]he right of each party to use the waters of the river, within its
jurisdiction, for domestic, sanitary, industrial and agricultural pur-
poses shall be exercised without prejudice to the application of the
procedure laid down in Articles 7 to 12 when the use is liable to
affect the régime of the river or the quality of its waters”.

104. The Court notes that, in accordance with the terms of Article 7,

first paragraph, the information which must be provided to CARU, at
this initial stage of the procedure, has to enable it to determine swiftly
and on a preliminary basis whether the plan might cause significant dam-
age to the other party. For CARU, at this stage, it is a question of decid-
ing whether or not the plan falls under the co-operation procedure laid

down by the 1975 Statute, and not of pronouncing on its actual impact
on the river and the quality of its waters. This explains, in the opinion of
the Court, the difference between the terminology of the first paragraph
of Article 7, concerning the requirement to inform CARU, and that of
the third paragraph, concerning the content of the notification to be
addressed to the other party at a later stage, enabling it “to assess the

probable impact of such works on navigation, the régime of the river or
the quality of its waters”.
105. The Court considers that the State planning activities referred to
in Article 7 of the Statute is required to inform CARU as soon as it is in
possession of a plan which is sufficiently developed to enable CARU to

make the preliminary assessment (required by paragraph 1 of that provi-
sion) of whether the proposed works might cause significant damage to
the other party. At that stage, the information provided will not neces-

46en une évaluation complète de l’impact sur l’environnement du projet,
qui exige souvent davantage de temps et de moyens. Cela étant, si une

information plus complète est disponible, elle doit bien entendu être
transmise à la CARU, afin que celle-ci puisse procéder dans les meilleures
conditions à son examen sommaire. En tout état de cause, l’obligation
d’informer la CARU intervient à un stade où l’autorité compétente a été
saisie du projet en vue de la délivrance de l’autorisation environnemen-

tale préalable, et avant la délivrance de ladite autorisation.
106. La Cour relève que, dans le cas d’espèce, l’Uruguay n’a pas trans-
mis à la CARU l’information requise par le premier alinéa de l’article 7,
concernant les usines CMB (ENCE) et Orion (Botnia), malgré les deman-

des qui lui avaient été adressées à plusieurs reprises par la commission, en
particulier les 17 octobre 2002 et 21 avril 2003, au sujet de l’usine CMB
(ENCE), et le 16 novembre 2004, au sujet de l’usine Orion (Botnia).
L’Uruguay s’est contenté d’adresser à la CARU, le 14 mai 2003, un
résumé de diffusion de l’évaluation de l’impact sur l’environnement

concernant l’usine CMB (ENCE). La CARU a estimé ce document insuf-
fisant et a demandé à nouveau à l’Uruguay, les 15 août 2003 et 12 sep-
tembre 2003, un complément d’information. Par ailleurs, aucun docu-
ment n’a été transmis à la CARU par l’Uruguay au sujet de l’usine Orion
(Botnia). Ainsi, les autorisations environnementales préalables ont été

délivrées par l’Uruguay le 9 octobre 2003 à CMB et le 14 février 2005 à
Botnia, sans respecter la procédure prévue au premier alinéa de l’ar-
ticle 7. L’Uruguay s’est donc prononcé sur l’impact sur l’environnement
des projets sans associer la CARU, se limitant ainsi à donner effet au
troisième alinéa de l’article 17 du décret uruguayen n 435/994, du 21 sep-

tembre 1994, portant règlement d’évaluation de l’impact sur l’environne-
ment, selon lequel le ministère du logement, de l’aménagement du
territoire et de l’environnement peut accorder l’autorisation environne-
mentale préalable pour autant que les impacts négatifs du projet sur
l’environnement restent dans des limites acceptables.

107. La Cour relève en outre que l’Uruguay a accordé, le 12 avril 2005,
une autorisation à la société Botnia pour la première phase de construc-
tion du projet d’usine Orion et, le 5 juillet 2005, un permis pour
construire un port à son usage exclusif et utiliser le lit du fleuve à
des fins industrielles, sans avoir préalablement informé la CARU de

ces projets.
108. En ce qui concerne le prélèvement et l’utilisation de l’eau du
fleuve qui auraient dû, selon l’Argentine, donner lieu à une information
préalable de la CARU, la Cour estime qu’il s’agit là d’une activité qui fait
partie intégrante de la mise en service de l’usine Orion (Botnia), et qui ne

nécessitait donc pas une saisine distincte de la CARU.
109. L’Uruguay soutient cependant que la CARU avait parfaitement
connaissance des projets d’usines avant la délivrance des autorisations
environnementales préalables, par le biais des représentants d’ENCE, le

8 juillet 2002, et au plus tard le 29 avril 2004, par ceux de Botnia.
L’Argentine estime, pour sa part, que ces prétendus agissements privés,

47sarily consist of a full assessment of the environmental impact of the
project, which will often require further time and resources, although,

where more complete information is available, this should, of course, be
transmitted to CARU to give it the best possible basis on which to make
its preliminary assessment. In any event, the duty to inform CARU will
become applicable at the stage when the relevant authority has had the
project referred to it with the aim of obtaining initial environmental

authorization and before the granting of that authorization.
106. The Court observes that, in the present case, Uruguay did not
transmit to CARU the information required by Article 7, first paragraph,
in respect of the CMB (ENCE) and Orion (Botnia) mills, despite the
requests made to it by the Commission to that effect on several occa-

sions, in particular on 17 October 2002 and 21 April 2003 with regard to
the CMB (ENCE) mill, and on 16 November 2004 with regard to the
Orion (Botnia) mill. Uruguay merely sent CARU, on 14 May 2003, a
summary for public release of the environmental impact assessment for
the CMB (ENCE) mill. CARU considered this document to be inad-
equate and again requested further information from Uruguay on

15 August 2003 and 12 September 2003. Moreover, Uruguay did not
transmit any document to CARU regarding the Orion (Botnia) mill.
Consequently, Uruguay issued the initial environmental authorizations
to CMB on 9 October 2003 and to Botnia on 14 February 2005 without
complying with the procedure laid down in Article 7, first paragraph.

Uruguay therefore came to a decision on the environmental impact of the
projects without involving CARU, thereby simply giving effect to Arti-
cle 17, third paragraph, of Uruguayan Decree No. 435/994 of 21 Septem-
ber 1994, Environmental Impact Assessment Regulation, according to
which the Ministry of Housing, Land Use Planning and Environmental

Affairs may grant the initial environmental authorization provided that
the adverse environmental impacts of the project remain within accept-
able limits.
107. The Court further notes that on 12 April 2005 Uruguay granted
an authorization to Botnia for the first phase of the construction of the

Orion (Botnia) mill and, on 5 July 2005, an authorization to construct
a port terminal for its exclusive use and to utilize the river bed for
industrial purposes, without informing CARU of these projects in
advance.
108. With regard to the extraction and use of water from the river, of
which CARU should have first been informed, according to Argentina,

the Court takes the view that this is an activity which forms an integral
part of the commissioning of the Orion (Botnia) mill and therefore did
not require a separate referral to CARU.
109. However, Uruguay maintains that CARU was made aware of the
plans for the mills by representatives of ENCE on 8 July 2002, and no

later than 29 April 2004 by representatives of Botnia, before the initial
environmental authorizations were issued. Argentina, for its part, consid-
ers that these so-called private dealings, whatever form they may have

47quels qu’ils soient, ne constituent pas l’exécution de l’obligation imposée
aux Parties par le premier alinéa de l’article 7.

110. La Cour considère que les informations sur les projets d’usines
parvenues à la CARU de la part des entreprises concernées ou d’autres
sources non gouvernementales ne peuvent tenir lieu de l’obligation
d’informer, prévue au premier alinéa de l’article 7 du statut de 1975,
qui est à la charge de la partie qui projette de construire les ouvrages

visés par cette disposition. De la même manière, dans l’affaire relative à
Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale
(Djibouti c. France), la Cour a observé que

«[s]i Djibouti a certes pu disposer en fin de compte de certaines
informations à travers la presse, un tel mode de diffusion d’informa-
tions ne saurait être pris en compte aux fins de l’application de l’ar-
ticle 17 [de la convention d’entraide judiciaire entre les deux pays
prévoyant que «tout refus d’entraide judiciaire sera motivé»]» (arrêt,

C.I.J. Recueil 2008, p. 231, par. 150).

111. En conséquence, la Cour conclut de ce qui précède que l’Uru-
guay, en n’informant pas la CARU des travaux projetés avant la déli-
vrance de l’autorisation environnementale préalable pour chacune des
usines et pour le terminal portuaire adjacent à l’usine Orion (Botnia), n’a
pas respecté l’obligation que lui impose le premier alinéa de l’article 7 du

statut de 1975.

3. L’obligation de l’Uruguay de notifier les projets à l’autre partie

112. La Cour note qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 7 du

statut de 1975, au cas où la CARU décide que le projet peut causer un
préjudice sensible à l’autre partie ou si une décision n’intervient pas à cet
égard, «la partie intéressée notifie le projet à l’autre partie par l’intermé-
diaire de la commission».
Le troisième alinéa de l’article 7 du statut détaille le contenu de cette

notification qui
«énonce les aspects essentiels de l’ouvrage et ... les autres données
techniques permettant à la partie à laquelle la notification est adres-

sée d’évaluer l’effet probable que l’ouvrage aura sur la navigation,
sur le régime du fleuve ou sur la qualité de ses eaux».

113. L’obligation de notifier est destinée, selon la Cour, à créer les
conditions d’une coopération fructueuse entre les parties leur permettant,
sur la base d’une information aussi complète que possible, d’évaluer
l’impact du projet sur le fleuve et, s’il y a lieu, de négocier les aménage-
ments nécessaires pour prévenir les préjudices éventuels qu’il pourrait

causer.
114. L’article 8 prévoit un délai de cent quatre-vingts jours, qui peut
être prorogé par la commission, pour que la partie qui a reçu la notifica-

48taken, do not constitute performance of the obligation imposed on the
Parties by Article 7, first paragraph.

110. The Court considers that the information on the plans for the
mills which reached CARU via the companies concerned or from other
non-governmental sources cannot substitute for the obligation to inform
laid down in Article 7, first paragraph, of the 1975 Statute, which is
borne by the party planning to construct the works referred to in that

provision. Similarly, in the case concerning Certain Questions of Mutual
Assistance in Criminal Matters (Djibouti v. France), the Court observed
that

“[i]f the information eventually came to Djibouti through the press,
the information disseminated in this way could not be taken into
account for the purposes of the application of Article 17 [of the Con-
vention on Mutual Assistance in Criminal Matters between the two
countries, providing that ‘[r]easons shall be given for any refusal of

mutual assistance’]” (Judgment, I.C.J. Reports 2008 , p. 231,
para. 150).

111. Consequently, the Court concludes from the above that Uruguay,
by not informing CARU of the planned works before the issuing of the
initial environmental authorizations for each of the mills and for the port
terminal adjacent to the Orion (Botnia) mill, has failed to comply with
the obligation imposed on it by Article 7, first paragraph, of the 1975 Stat-

ute.

3. Uruguay’s obligation to notify the plans to the other party

112. The Court notes that, under the terms of Article 7, second para-

graph, of the 1975 Statute, if CARU decides that the plan might cause
significant damage to the other party or if a decision cannot be reached in
that regard, “the party concerned shall notify the other party of this plan
through the said Commission”.
Article 7, third paragraph, of the 1975 Statute sets out in detail the

content of this notification, which
“shall describe the main aspects of the work and . . . any other tech-
nical data that will enable the notified party to assess the probable

impact of such works on navigation, the régime of the river or the
quality of its waters”.

113. In the opinion of the Court, the obligation to notify is intended to
create the conditions for successful co-operation between the parties, ena-
bling them to assess the plan’s impact on the river on the basis of the
fullest possible information and, if necessary, to negotiate the adjust-
ments needed to avoid the potential damage that it might cause.

114. Article 8 stipulates a period of 180 days, which may be extended
by the Commission, for the notified party to respond in connection with

48tion puisse se prononcer sur le projet, à charge pour elle de demander à
l’autre partie, par l’intermédiaire de la commission, de compléter au

besoin la documentation qu’elle lui a adressée.
Faute d’objection de la part de la partie destinataire de la notification,
l’autre partie peut procéder à la construction de l’ouvrage ou l’autoriser
(article 9). Dans le cas contraire, la première informe la seconde des
aspects de l’ouvrage qui peuvent lui causer préjudice et des modifications

qu’elle suggère (article 11), ouvrant ainsi une période de négociation,
avec un nouveau délai de cent quatre-vingts jours pour parvenir à un
accord (article 12).
115. L’obligation de notifier est donc essentielle dans le processus qui

doit mener les parties à se concerter pour évaluer les risques du projet et
négocier les modifications éventuelles susceptibles de les éliminer ou d’en
limiter au minimum les effets.
116. Les Parties conviennent de la nécessité de disposer d’une évalua-
tion de l’impact sur l’environnement complète pour apprécier le préjudice

sensible qui pourrait être causé par un projet.
117. L’Uruguay considère que de telles évaluations sont intervenues
conformément à sa législation (décret n 435/994, du 21 septembre 1994,
portant règlement d’évaluation de l’impact sur l’environnement), qu’elles
ont été soumises à l’appréciation de la DINAMA et qu’elles ont été trans-

mises à l’Argentine le 7 novembre 2003 pour le projet CMB (ENCE) et
le 19 août 2005 pour le projet Orion (Botnia). Selon l’Uruguay, la
DINAMA a demandé aux entreprises concernées tous les suppléments
d’information nécessaires pour compléter les évaluations de l’impact sur
l’environnement initiales qui lui ont été soumises, et ce n’est que quand

elle a été satisfaite qu’elle a proposé au ministère de l’environnement de
délivrer les autorisations environnementales préalables demandées, qui
l’ont été à CMB le 9 octobre 2003 et à Botnia le 14 février 2005.
L’Uruguay soutient qu’il n’était pas tenu de transmettre à l’Argentine
les évaluations de l’impact sur l’environnement avant de délivrer aux

entreprises les autorisations environnementales préalables, celles-ci ayant
été établies sur la base de sa législation en la matière.
118. L’Argentine, pour sa part, souligne tout d’abord que les évalua-
tions de l’impact sur l’environnement qui lui ont été transmises par l’Uru-
guay étaient incomplètes, notamment en ce qu’elles ne prévoyaient pas de

sites alternatifs pour l’implantation des usines et qu’elles ne contenaient
pas de consultation des populations concernées. La Cour reviendra plus
loin sur les conditions de fond auxquelles doivent satisfaire les évalua-
tions de l’impact sur l’environnement (voir paragraphes 203 à 219).
D’autre part, sur le plan procédural, l’Argentine estime que les autori-

sations environnementales préalables n’auraient pas dû être accordées
aux entreprises avant qu’elle n’ait reçu les évaluations de l’impact sur
l’environnement complètes et qu’elle n’ait pu exercer les droits qui lui
sont reconnus à ce sujet par les articles 7 à 11 du statut de 1975.

119. La Cour relève que les évaluations de l’impact sur l’environne-
ment, nécessaires pour se prononcer sur tout projet susceptible de causer

49the plan, subject to it requesting the other party, through the Commis-
sion, to supplement as necessary the documentation it has provided.

If the notified party raises no objections, the other party may carry out
or authorize the work (Article 9). Otherwise, the former must notify the
latter of those aspects of the work which may cause it damage and of the
suggested changes (Article 11), thereby opening a further 180-day period

of negotiation in which to reach an agreement (Article 12).

115. The obligation to notify is therefore an essential part of the proc-
ess leading the parties to consult in order to assess the risks of the plan

and to negotiate possible changes which may eliminate those risks or
minimize their effects.
116. The Parties agree on the need for a full environmental impact
assessment in order to assess any significant damage which might be
caused by a plan.
117. Uruguay takes the view that such assessments were carried out in

accordance with its legislation (Decree No. 435/994 of 21 September 1994,
Environmental Impact Assessment Regulation), submitted to DINAMA
for consideration and transmitted to Argentina on 7 November 2003 in
the case of the CMB (ENCE) project and on 19 August 2005 for the
Orion (Botnia) project. According to Uruguay, DINAMA asked the

companies concerned for all the additional information that was required
to supplement the original environmental impact assessments submitted
to it, and only when it was satisfied did it propose to the Ministry of the
Environment that the initial environmental authorizations requested
should be issued, which they were to CMB on 9 October 2003 and to

Botnia on 14 February 2005.
Uruguay maintains that it was not required to transmit the environ-
mental impact assessments to Argentina before issuing the initial environ-
mental authorizations to the companies, these authorizations having
been adopted on the basis of its legislation on the subject.

118. Argentina, for its part, first points out that the environmental
impact assessments transmitted to it by Uruguay were incomplete, par-
ticularly in that they made no provision for alternative sites for the mills
and failed to include any consultation of the affected populations. The
Court will return later in the Judgment to the substantive conditions
which must be met by environmental impact assessments (see para-

graphs 203 to 219).
Furthermore, in procedural terms, Argentina considers that the initial
environmental authorizations should not have been granted to the com-
panies before it had received the complete environmental impact assess-
ments, and that it was unable to exercise its rights in this context under

Articles 7 to 11 of the 1975 Statute.
119. The Court notes that the environmental impact assessments which
are necessary to reach a decision on any plan that is liable to cause sig-

49des préjudices sensibles transfrontières à un autre Etat, doivent être noti-
fiées, selon les deuxième et troisième alinéas de l’article 7 du statut

de 1975, par la partie concernée à l’autre partie, par l’intermédiaire de la
CARU. Cette notification est destinée à permettre à la partie qui en est le
destinataire de participer au processus visant à s’assurer que l’évaluation
est complète, pour qu’elle puisse ensuite apprécier, en toute connaissance
de cause, le projet et ses effets (article 8 du statut de 1975).

120. La Cour observe que cette notification doit intervenir avant que
l’Etat intéressé ne décide de la viabilité environnementale du projet,
compte dûment tenu de l’évaluation de l’impact sur l’environnement qui
lui a été présentée.
121. Dans le cas d’espèce, la Cour relève que les notifications à l’Argen-

tine des évaluations de l’impact sur l’environnement relatives aux usines
CMB (ENCE) et Orion (Botnia) n’ont pas eu lieu par l’intermédiaire de
la CARU, et que l’Uruguay n’a transmis à l’Argentine ces évaluations
qu’après avoir délivré les autorisations environnementales préalables pour
les deux usines concernées. Ainsi, en ce qui concerne l’usine CMB
(ENCE), la notification du dossier à l’Argentine est intervenue les 27 oc-

tobre et 7 novembre 2003, alors que l’autorisation environnementale
préalable avait déjà été délivrée le 9 octobre 2003. En ce qui concerne
l’usine Orion (Botnia), le dossier a été transmis à l’Argentine entre
août 2005 et janvier 2006, alors que l’autorisation environnementale
préalable avait été octroyée le 14 février 2005. L’Uruguay n’aurait pas

dû, avant la notification, délivrer les autorisations environnementales
préalables et les permis de construction sur la base des évaluations
de l’impact sur l’environnement présentées à la DINAMA. En effet, ce
faisant, l’Uruguay a donné la priorité à sa propre législation sur les
obligations de nature procédurale qu’il tenait du statut de 1975 et a

méconnu la règle coutumière bien établie, reflétée à l’article 27 de la
convention de Vienne sur le droit des traités, aux termes duquel «[u]ne
partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme
justifiant la non-exécution d’un traité».
122. La Cour conclut de ce qui précède que l’Uruguay n’a pas res-

pecté l’obligation de notifier les projets à l’Argentine au travers de la
CARU, prévue aux deuxième et troisième alinéas de l’article 7 du statut
de 1975.

C. Les Parties sont-elles convenues de déroger aux obligations
de nature procédurale prévues dans le statut de 1975?

123. Ayant ainsi examiné les obligations de nature procédurale éta-
blies par le statut de 1975, la Cour se penchera à présent sur le point de
savoir si les Parties sont convenues, par accord entre elles, d’y déroger,
comme le prétend l’Uruguay.

124. Les Parties se réfèrent à cet égard aux deux «accords» intervenus
le 2 mars 2004 et le 5 mai 2005. Elles développent cependant des positions
divergentes quant à leur contenu et à leur portée.

50nificant transboundary harm to another State must be notified by the
party concerned to the other party, through CARU, pursuant to Arti-

cle 7, second and third paragraphs, of the 1975 Statute. This notification
is intended to enable the notified party to participate in the process of
ensuring that the assessment is complete, so that it can then consider the
plan and its effects with a full knowledge of the facts (Article 8 of the
1975 Statute).

120. The Court observes that this notification must take place before
the State concerned decides on the environmental viability of the plan,
taking due account of the environmental impact assessment submitted to
it.
121. In the present case, the Court observes that the notification to

Argentina of the environmental impact assessments for the CMB (ENCE)
and Orion (Botnia) mills did not take place through CARU, and that
Uruguay only transmitted those assessments to Argentina after having
issued the initial environmental authorizations for the two mills in
question. Thus in the case of CMB (ENCE), the matter was notified to
Argentina on 27 October and 7 November 2003, whereas the initial

environmental authorization had already been issued on 9 October 2003.
In the case of Orion (Botnia), the file was transmitted to Argentina
between August 2005 and January 2006, whereas the initial environmental
authorization had been granted on 14 February 2005. Uruguay ought
not, prior to notification, to have issued the initial environmental auth-

orizations and the authorizations for construction on the basis of the envi-
ronmental impact assessments submitted to DINAMA. Indeed by doing
so, Uruguay gave priority to its own legislation over its procedural
obligations under the 1975 Statute and disregarded the well-established
customary rule reflected in Article 27 of the Vienna Convention on the

Law of Treaties, according to which “[a] party may not invoke the pro-
visions of its internal law as justification for its failure to perform a
treaty”.

122. The Court concludes from the above that Uruguay failed to

comply with its obligation to notify the plans to Argentina through
CARU under Article 7, second and third paragraphs, of the 1975
Statute.

C. Whether the Parties Agreed to Derogate from the Procedural
Obligations Set Out in the 1975 Statute

123. Having thus examined the procedural obligations laid down by
the 1975 Statute, the Court now turns to the question of whether the
Parties agreed, by mutual consent, to derogate from them, as alleged by
Uruguay.

124. In this respect the Parties refer to two “agreements” reached on
2 March 2004 and 5 May 2005; however, they hold divergent views
regarding their scope and content.

501. L’«arrangement» du 2 mars 2004 entre l’Argentine et l’Uruguay

125. La Cour rappelle que, à la suite de la délivrance par l’Uruguay de
l’autorisation environnementale préalable à CMB, sans que la CARU ait
pu exercer, à cet égard, les fonctions qui lui sont attribuées par le statut
de 1975, les ministres des affaires étrangères des Parties se sont mis
d’accord, le 2 mars 2004, sur la procédure à suivre, ainsi que cela est

reflété dans le procès-verbal de la séance extraordinaire de la CARU en
date du 15 mai 2004. L’extrait pertinent de ce procès-verbal se lit comme
suit en espagnol:

«II) En fecha 2 de marzo de 2004 los Cancilleres de Argentina y
Uruguay llegaron a un entendimiento con relación al curso de
acción que se dará al tema, esto es, facilitar por parte del gobierno
uruguayo, la información relativa a la construcción de la planta y,

en relación a la fase operativa, proceder a realizar el monitoreo, por
parte de CARU, de la calidad de las aguas conforme a su Estatuto.
.............................

I) Ambas delegaciones reafirmaron el compromiso de los Minis-
tros de Relaciones Exteriores de la República Argentina y de la
República Oriental del Uruguay de fecha 2 de marzo de 2004 por el

cual el Uruguay comunicará la información relativa a la construc-
ción de la planta incluyendo el Plan de Gestión Ambiental. En tal
sentido, la CARU recibirá los Planes de Gestión Ambiental para la
construcción y operación de la planta que presente la empresa al
gobierno uruguayo una vez que le sean remitidos por la delegación

uruguaya.» (Les italiques sont dans l’original.)
L’Argentine et l’Uruguay ont respectivement fourni à la Cour une tra-

duction française et une traduction anglaise de ce procès-verbal. Compte
tenu des divergences existant entre ces deux traductions, la Cour utilisera
la traduction suivante:

«II) Le 2 mars 2004, les ministres des affaires étrangères de
l’Argentine et de l’Uruguay se sont entendus quant à la façon de
procéder en la matière, à savoir que le Gouvernement uruguayen
fournira l’information relative à la construction de l’usine et que,

s’agissant de la phase opérationnelle, la CARU procédera au suivi
de la qualité des eaux conformément à son statut.
.............................

I) Les deux délégations ont réaffirmé l’arrangement auquel étaient
parvenus les ministres des affaires étrangères de la République argen-
tine et de la République orientale de l’Uruguay le 2 mars 2004, en

vertu duquel l’Uruguay communiquera les informations relatives à
la construction de l’usine, parmi lesquelles le plan de gestion envi-
ronnementale. Il s’ensuit qula CARU recevrales plans de gestion envi-

511. The “understanding” of 2 March 2004 between Argentina and
Uruguay

125. The Court recalls that, after the issuing of the initial environmen-
tal authorization to CMB by Uruguay, without CARU having been able
to carry out the functions assigned to it in this context by the 1975 Stat-
ute, the Foreign Ministers of the Parties agreed on 2 March 2004 on the
procedure to be followed, as described in the minutes of the extraordi-

nary meeting of CARU of 15 May 2004. The relevant extract from those
minutes reads as follows in Spanish:

“II) En fecha 2 de marzo de 2004 los Cancilleres de Argentina y
Uruguay llegaron a un entendimiento con relación al curso de
acción que se dará al tema, esto es, facilitar por parte del gobierno
uruguayo, la información relativa a la construcción de la planta y,

en relación a la fase operativa, proceder a realizar el monitoreo, por
parte de CARU, de la calidad de las aguas conforme a su Estatuto.
.............................

I) Ambas delegaciones reafirmaron el compromiso de los Minis-
tros de Relaciones Exteriores de la República Argentina y de la
República Oriental del Uruguay de fecha 2 de marzo de 2004 por el

cual el Uruguay comunicará la información relativa a la construc-
ción de la planta incluyendo el Plan de Gestión Ambiental. En tal
sentido, la CARU recibirá los Planes de Gestión Ambiental para la
construcción y operación de la planta que presente la empresa al
gobierno uruguayo una vez que le sean remitidos por la delegación

uruguaya.” (Emphasis in the original.)
Argentina and Uruguay have provided the Court, respectively, with

French and English translations of these minutes. In view of the discrep-
ancies between those two translations, the Court will use the following
translation:

“(II) On 2 March 2004, the Foreign Ministers of Argentina and
Uruguay reached an understanding on how to proceed in the matter,
namely, that the Uruguayan Government would provide informa-
tion on the construction of the mill and that, in terms of the opera-

tional phase, CARU would carry out monitoring of water quality in
accordance with its Statute.
.............................

(I) Both delegations reaffirmed the arrangement which had been
come to by the Foreign Ministers of the Republic of Argentina and
the Eastern Republic of Uruguay on 2 March 2004, whereby Uru-

guay would communicate information on the construction of the
mill, including the environmental management plan. As a result,
CARU would receive the environmental management plans for the

51 ronnementale relatifs à la construction et à l’exploitation de l’usine
soumis par l’entreprise au Gouvernement uruguayen, une fois qu’ils

auront été transmis à la CARU par la délégation uruguayenne.»
(Les italiques sont dans l’original.) [Traduction de la Cour.]

126. L’Uruguay considère que, en vertu de cet «arrangement», les
Parties sont convenues de la marche à suivre, concernant le projet CMB

(ENCE), en dehors de la CARU, et que rien, que ce soit d’un point de
vue juridique ou logique, ne les empêchait de déroger, dans le cadre d’un
accord bilatéral approprié, aux procédures énoncées par le statut de 1975.
Un tel «arrangement», selon l’Uruguay, se limitait à la transmission à
la CARU des plans de gestion environnementale relatifs à la construction

et à l’exploitation de l’usine CMB (ENCE). Il aurait mis un terme, de la
sorte, à tout différend avec l’Argentine concernant la procédure prévue à
l’article 7 du statut de 1975. Enfin, l’Uruguay soutient que l’«arrange-
ment» du 2 mars 2004 sur le projet CMB (ENCE) a été par la suite
étendu au projet Orion (Botnia) dans la mesure où le plan PROCEL, éta-
bli par la sous-commission chargée de la qualité des eaux de la CARU et

mettant en Œuvre cet accord, était relatif à l’activité des «deux usines»,
CMB (ENCE) et Orion (Botnia), le pluriel étant utilisé dans le titre du
rapport de la sous-commission et dans son texte.

127. L’Argentine, de son côté, soutient que l’«arrangement» intervenu

entre les deux ministres, le 2 mars 2004, était destiné à faire respecter la
procédure prévue par le statut de 1975 et à réintroduire ainsi le projet
CMB (ENCE) au sein de la CARU, mettant fin au différend relatif à la
compétence de la CARU pour connaître du projet. L’Argentine aurait
réitéré devant les instances de la CARU n’avoir pas renoncé aux droits

qu’elle tenait de l’article 7, même si elle a accepté que le différend qui
l’opposait à ce sujet à l’Uruguay aurait pu s’éteindre si la procédure
envisagée dans l’«arrangement» du 2 mars 2004 avait été menée à son
terme.
Or, selon l’Argentine, l’Uruguay n’a jamais transmis à la CARU les

informations requises, comme il s’y était engagé dans l’«arrangement»
du 2 mars 2004. Elle a rejeté par ailleurs l’extension de l’«arrangement»
du 2 mars 2004 à l’usine Orion (Botnia); la mention des deux futures
usines par le plan PROCEL ne signifierait nullement, selon elle, la renon-
ciation au respect de la procédure prévue par le statut de 1975.
128. La Cour relève tout d’abord que, si l’existence de l’«arrange-

ment» du 2 mars 2004, consigné au procès-verbal de la CARU, n’a pas
été contestée par les Parties, celles-ci s’opposent, en revanche, sur son
contenu et sa portée. Quels que soient sa dénomination particulière et
l’instrument dans lequel il est consigné (le procès-verbal de la commis-
sion), cet «arrangement» liait les Parties dans la mesure où elles y avaient

consenti, et elles devaient s’y conformer de bonne foi. Celles-ci étaient
habilitées à s’écarter des procédures prévues par le statut de 1975, à
l’occasion d’un projet donné, par l’effet d’un accord bilatéral approprié.

52 construction and operation of the mill provided by the company to
the Uruguayan Government, when these were forwarded to it by the

Uruguayan delegation.” (Emphasis in the original.) [Translation by
the Court.]

126. Uruguay considers that, under the terms of this “understanding”,
the Parties agreed on the approach to be followed in respect of the CMB

(ENCE) project, outside CARU, and that there was no reason in law or
logic to prevent them derogating from the procedures outlined in the
1975 Statute pursuant to an appropriate bilateral agreement.
The said “understanding”, according to Uruguay, only covered the
transmission to CARU of the Environmental Management Plans for the

construction and operation of the (CMB) ENCE mill. It supposedly
thereby puts an end to any dispute with Argentina regarding the proce-
dure laid down in Article 7 of the 1975 Statute. Lastly, Uruguay main-
tains that the “understanding” of 2 March 2004 on the (CMB) ENCE
project was later extended to include the Orion (Botnia) project, since the
PROCEL water quality monitoring plan put in place by CARU’s Sub-

committee on Water Quality to implement that “understanding” related
to the activity of “both plants”, the CMB (ENCE) and Orion (Botnia)
mills, the plural having been used in the title and text of the Subcommit-
tee’s report.
127. Argentina, for its part, maintains that the “understanding”

between the two Ministers of 2 March 2004 was intended to ensure com-
pliance with the procedure laid down by the 1975 Statute and thus to
reintroduce the CMB (ENCE) project within CARU, ending the dispute
on CARU’s jurisdiction to deal with the project. Argentina claims that it
reiterated to the organs within CARU that it had not given up its rights

under Article 7, although it accepted that the dispute between itself and
Uruguay in this respect could have been resolved if the procedure con-
templated in the “understanding” of 2 March 2004 had been brought to
a conclusion.
According to Argentina, however, Uruguay never transmitted the

required information to CARU as it undertook to do in the “understand-
ing” of 2 March 2004. Argentina also denies that the “understanding” of
2 March 2004 was extended to the Orion (Botnia) mill; the reference to
both future plants in the PROCEL plan does not in any way signify, in
its view, the renunciation of the procedure laid down by the 1975 Statute.
128. The Court first notes that while the existence of the “understand-

ing” of 2 March 2004, as minuted by CARU, has not been contested by
the Parties, they differ as to its content and scope. Whatever its specific
designation and in whatever instrument it may have been recorded (the
CARU minutes), this “understanding” is binding on the Parties, to the
extent that they have consented to it and must be observed by them in

good faith. They are entitled to depart from the procedures laid down by
the 1975 Statute, in respect of a given project pursuant to an appropriate
bilateral agreement. The Court recalls that the Parties disagree on whether

52La Cour rappelle que les Parties divergent sur la question de savoir si la
procédure pour la communication de l’information prévue par l’«arran-

gement» devait, si elle était appliquée, se substituer à celle prévue par le
statut de 1975. Quoi qu’il en soit, une telle substitution était conditionnée
par le respect, de la part de l’Uruguay, de la nouvelle procédure prévue
par l’«arrangement».
129. La Cour constate que l’information que l’Uruguay avait accepté

de communiquer à la CARU dans l’«arrangement» du 2 mars 2004 ne l’a
jamais été. Par conséquent, la Cour ne saurait accueillir la prétention de
l’Uruguay selon laquelle l’«arrangement» aurait mis un terme au diffé-
rend relatif à l’usine CMB (ENCE) qui l’opposait à l’Argentine, concer-
nant la mise en Œuvre de la procédure prévue à l’article 7 du statut

de 1975.
130. Par ailleurs, la Cour observe que, lorsque cet «arrangement» est
intervenu, il n’était question que du projet CMB (ENCE) et que, dès lors,
il ne peut s’étendre, comme l’a prétendu l’Uruguay, au projet Orion (Bot-
nia). Les deux usines n’ont été mentionnées qu’à partir de juillet 2004,
dans le cadre du plan PROCEL. Or, ce plan ne concerne que les mesures

de suivi et de contrôle de la qualité environnementale des eaux du fleuve
dans les zones des usines de pâte à papier, mais non les procédures de
l’article 7 du statut de 1975.
131. La Cour conclut que l’«arrangement» du 2 mars 2004 n’aurait eu
pour effet d’exonérer l’Uruguay des obligations lui incombant en vertu

de l’article 7 du statut de 1975, si tel était l’objectif de cet «arrangement»,
que si l’Uruguay s’y était conformé. De l’avis de la Cour, tel n’a pas été
le cas. En conséquence, cet «arrangement» ne peut être considéré comme
ayant eu pour effet de dispenser l’Uruguay du respect des obligations de
nature procédurale prévues par le statut de 1975.

2. L’accord créant le Groupe technique de haut niveau (GTAN)

132. La Cour note que, donnant suite à l’accord intervenu le 5 mai 2005
entre les présidents de l’Argentine et de l’Uruguay (voir paragraphe 40
ci-dessus), les ministères des affaires étrangères des deux Etats ont publié

le 31 mai 2005 un communiqué de presse annonçant la création du
Groupe technique de haut niveau, que les Parties désignent sous l’abré-
viation «GTAN». Aux termes de ce communiqué:

«Suivant ce qui a été convenu entre MM. les Présidents de la
République argentine et de la République orientale de l’Uruguay, les
ministères des affaires étrangères des deux pays constituent, sous
leur supervision, un groupe de techniciens, pour complément
d’études et d’analyses, d’échanges d’information et de suivi des

conséquences qu’aura, sur l’écosystème du fleuve qu’ils partagent,
le fonctionnement des usines de pâte à papier que l’on construit dans
la République orientale de l’Uruguay.

53the procedure for communicating information provided for by the “under-
standing” would, if applied, replace that provided for by the 1975 Stat-

ute. Be that as it may, such replacement was dependent on Uruguay
complying with the procedure laid down in the “understanding”.

129. The Court finds that the information which Uruguay agreed to

transmit to CARU in the “understanding” of 2 March 2004 was never
transmitted. Consequently, the Court cannot accept Uruguay’s conten-
tion that the “understanding” put an end to its dispute with Argentina in
respect of the CMB (ENCE) mill, concerning implementation of the pro-
cedure laid down by Article 7 of the 1975 Statute.

130. Further, the Court observes that, when this “understanding” was
reached, only the CMB (ENCE) project was in question, and that it
therefore cannot be extended to the Orion (Botnia) project, as Uruguay
claims. The reference to both mills is made only as from July 2004, in the
context of the PROCEL plan. However, this plan only concerns the

measures to monitor and control the environmental quality of the river
waters in the areas of the pulp mills, and not the procedures under Article
7 of the 1975 Statute.
131. The Court concludes that the “understanding” of 2 March
2004 would have had the effect of relieving Uruguay of its obligations

under Article 7 of the 1975 Statute, if that was the purpose of the “under-
standing”, only if Uruguay had complied with the terms of the “under-
standing”. In the view of the Court, it did not do so. Therefore the
“understanding” cannot be regarded as having had the effect of exempting
Uruguay from compliance with the procedural obligations laid down by

the 1975 Statute.

2. The agreement setting up the High-Level Technical Group (the
GTAN)

132. The Court notes that, in furtherance of the agreement reached on
5 May 2005 between the Presidents of Argentina and Uruguay (see para-
graph 40 above), the Foreign Ministries of the two States issued a press

release on 31 May 2005 announcing the creation of the High-Level Tech-
nical Group, referred to by the Parties as the GTAN. According to this
communiqué:

“In conformity with what was agreed to by the Presidents of
Argentina and Uruguay, the Foreign Ministries of both of our
countries constitute, under their supervision, a Group of Techni-
cal Experts for complementary studies and analysis, exchange of
information and follow-up on the effects that the operation of the

cellulose plants that are being constructed in the Eastern Republic
of Uruguay will have on the ecosystem of the shared Uruguay
River.

53 Le Groupe mentionné ... doit produire un premier rapport dans
un délai de 180 jours.»

133. L’Uruguay considère ce communiqué de presse comme un accord
liant les deux Etats, par lequel ils ont décidé de faire du GTAN l’organe
au sein duquel se tiendraient les négociations directes entre les Parties,
prévues par l’article 12 du statut de 1975, puisqu’il est destiné à l’analyse

des effets sur l’environnement du «fonctionnement des usines de pâte à
papier que l’on construit dans la République orientale de l’Uruguay».
L’Uruguay en déduit que les Parties étaient d’accord sur la construction
des usines et qu’elles avaient circonscrit le litige, entre elles, aux risques
environnementaux engendrés par leur fonctionnement. L’Uruguay en

veut pour preuve la saisine de la Cour sur la base de l’article 12 du statut,
qui permet à chacune des Parties de s’adresser à la Cour au cas où les
négociations, au terme du délai de cent quatre-vingts jours, n’aboutissent
pas.
Ainsi, selon l’Uruguay, l’accord contenu dans le communiqué de presse
du 31 mai 2005, en ouvrant la voie aux négociations directes prévues à

l’article 12, a couvert toutes les irrégularités éventuelles de procédure
relatives aux articles 7 et suivants du statut de 1975. L’Uruguay rappelle
qu’il a communiqué à l’Argentine, au cours des douze réunions que le
GTAN a tenues, toutes les informations nécessaires, et qu’il a transmis le
projet portuaire d’Orion (Botnia) à la CARU, comme convenu par les

Parties lors de la première réunion du GTAN.
134. L’Uruguay fait observer, par ailleurs, que le statut de 1975 est
silencieux sur le point de savoir si l’Etat d’origine du projet peut ou non
le mettre en Œuvre alors que les négociations sont en cours. Il admet
qu’en vertu du droit international l’Etat d’origine doit s’abstenir de le

faire au cours de cette période de négociation, mais il estime que cela ne
concerne pas tous les travaux et qu’en particulier les travaux prépara-
toires sont autorisés. L’Uruguay admet avoir procédé à de tels travaux,
notamment à la construction des fondations de l’usine Orion (Botnia),
mais il ne s’agirait pas, selon lui, de faits accomplis empêchant les négo-

ciations d’aboutir. L’Uruguay considère, au demeurant, qu’il n’avait
aucune obligation juridique de suspendre ne serait-ce qu’une partie des
travaux du port.
135. L’Argentine estime qu’il ne peut être déduit des termes du com-
muniqué de presse du 31 mai 2005 une quelconque acceptation, de
sa part, de la construction des usines litigieuses. Elle affirme qu’en

créant le GTAN les Parties n’ont pas décidé de le substituer à la CARU,
mais l’ont conçu comme une enceinte de négociation coexistant avec
celle-ci.
Contrairement à l’Uruguay, l’Argentine soutient que la Cour est saisie
en cette affaire sur la base de l’article 60 et non de l’article 12 du statut

de 1975, parce que l’Uruguay, par son comportement, a empêché qu’elle
puisse l’être sur ce dernier fondement, dans la mesure où il aurait ignoré
toute la procédure du chapitre II du statut. Il appartiendrait ainsi à la

54 This Group . . . is to produce an initial report within a period of
180 days.”

133. Uruguay regards this press release as an agreement that binds the
two States, whereby they decided to make the GTAN the body within
which the direct negotiations between the Parties provided for by
Article 12 of the 1975 Statute would take place, since its purpose was to

analyse the effects on the environment of the “operation of the cellu-
lose plants that are being constructed in the Eastern Republic of Uruguay”.
Uruguay infers from this that the Parties were agreed on the construction
of the mills and that they had limited the extent of the dispute between
them to the environmental risks caused by their operation. Uruguay sees

proof of this in the referral to the Court on the basis of Article 12 of the
1975 Statute, which allows either Party to apply to the Court in the event
of the negotiations failing to produce an agreement within the period of
180 days.
According to Uruguay, therefore, the agreement contained in the press
release of 31 May 2005, by paving the way for the direct negotiations

provided for in Article 12, covered any possible procedural irregularities
in relation to Articles 7 et seq. of the 1975 Statute. Uruguay points out
that it communicated all the necessary information to Argentina during
the 12 meetings held by the GTAN and that it transmitted the Orion
(Botnia) port project to CARU, as agreed by the Parties at the first meet-

ing of the GTAN.
134. Uruguay further notes that the 1975 Statute is silent as to whether
the notifying State may or may not implement a project while negotia-
tions are ongoing. It acknowledges that, under international law, the ini-
tiating State must refrain from doing so during the period of negotiation,

but takes the view that this does not apply to all work and, in particular,
that preparatory work is permitted. Uruguay acknowledges that it car-
ried out such work, for example construction of the foundations for the
Orion (Botnia) mill, but in its view this did not involve faits accomplis
which prevented the negotiations from reaching a conclusion. Uruguay

also considers that it had no legal obligation to suspend any and all work
on the port.

135. Argentina considers that no acceptance on its part of the con-
struction of the disputed mills can be inferred from the terms of the press
release of 31 May 2005. It submits that in creating the GTAN, the Parties

did not decide to substitute it for CARU, but regarded it as a means of
negotiation that would co-exist with the latter.

Contrary to Uruguay, Argentina takes the view that this matter has
been submitted to the Court on the basis of Article 60 of the 1975 Statute

and not of Article 12, since Uruguay, by its conduct, has prevented the
latter from being used as a basis, having allegedly disregarded the entire
procedure laid down in Chapter II of the Statute. Argentina therefore

54Cour, selon l’Argentine, de se prononcer sur l’ensemble des violations du
statut de 1975, y compris, mais pas seulement, sur l’autorisation de cons-

truction des usines litigieuses.
136. L’Argentine soutient que l’Uruguay, par son comportement, a
fait avorter les procédures prévues aux articles 7 à 9 du statut de 1975 et
qu’il a, au cours de la période de négociation ouverte au sein du GTAN,
poursuivi les travaux de construction de l’usine Orion (Botnia) et com-

mencé la construction du terminal portuaire. Pendant le même temps,
l’Argentine réitérait, au sein de la CARU, la nécessité pour l’Uruguay de
s’acquitter des obligations de nature procédurale lui incombant en vertu
des articles 7 à 12 du statut, et de suspendre les travaux.
L’Argentine rejette enfin l’allégation de l’Uruguay selon laquelle les

travaux sur les fondations de l’usine Orion (Botnia), la cheminée et le
port n’auraient eu qu’un caractère préliminaire et ne pouvaient être
considérés comme étant le commencement des travaux de construction
au sens propre. Pour l’Argentine, une telle distinction n’a pas lieu d’être
et ne peut être justifiée par la nature des travaux entrepris.
137. La Cour souligne tout d’abord qu’il n’y a pas lieu de distinguer,

comme l’ont fait respectivement l’Uruguay et l’Argentine pour les besoins
de leur cause, entre sa saisine sur la base de l’article 12 et sa saisine sur la
base de l’article 60 du statut de 1975. Certes, l’article 12 prévoit le recours
à la procédure prévue au chapitre XV au cas où les négociations n’abou-
tissent pas dans le délai de cent quatre-vingts jours, mais sa fonction

s’arrête là. L’article 60 prend ensuite le relais, en particulier son pre-
mier alinéa, qui permet à l’une ou l’autre Partie de soumettre à la Cour
tout différend concernant l’interprétation ou l’application du statut
qui ne pourrait être réglé par la négociation directe. Cette formu-
lation couvre aussi bien un différend portant sur l’application et

l’interprétation de l’article 12 que sur toute autre disposition du statut
de 1975.
138. La Cour note que le communiqué de presse du 31 mai 2005 est
l’expression d’un accord entre les deux Etats pour créer un cadre de négo-
ciation, le GTAN, afin d’étudier, analyser et échanger les informations

sur les effets que le fonctionnement des usines de pâte à papier que l’on
construisait dans la République orientale de l’Uruguay pouvait avoir sur
l’écosystème du fleuve partagé, «le groupe [devant] produire un premier
rapport dans un délai de 180 jours».
139. La Cour admet que le GTAN a été créé dans le but de permettre
aux négociations prévues, également pour une durée de cent quatre-

vingts jours, à l’article 12 du statut de 1975 d’avoir lieu. Ces négociations
entre les parties, pour parvenir à un accord, interviennent une fois que la
partie destinataire de la notification a adressé, conformément à l’ar-
ticle 11, une communication à l’autre partie, par l’intermédiaire de la
commission, précisant

«quels sont les aspects de l’ouvrage ou du programme d’opérations
qui peuvent causer un préjudice sensible à la navigation, au régime

55sees it as for the Court to pronounce on all the breaches of the 1975 Stat-
ute, including and not limited to the authorization for the construction of

the disputed mills.
136. Argentina submits that Uruguay, by its conduct, frustrated the
procedures laid down in Articles 7 to 9 of the 1975 Statute and that, dur-
ing the period of negotiation within the GTAN, Uruguay continued the
construction work on the Orion (Botnia) mill and began building the

port terminal. During that same period, Argentina reiterated, within
CARU, the need for Uruguay to comply with its procedural obligations
under Articles 7 to 12 of the 1975 Statute and to suspend the works.

Lastly, Argentina rejects Uruguay’s claim that the work on the foun-

dations of the Orion (Botnia) mill, its chimney and the port was merely
preliminary in nature and cannot be regarded as the beginning of con-
struction work as such. For Argentina, such a distinction is groundless
and cannot be justified by the nature of the work carried out.

137. The Court first points out that there is no reason to distinguish,

as Uruguay and Argentina have both done for the purpose of their
respective cases, between referral on the basis of Article 12 and of Arti-
cle 60 of the 1975 Statute. While it is true that Article 12 provides for
recourse to the procedure indicated in Chapter XV, should the negotia-
tions fail to produce an agreement within the 180-day period, its purpose

ends there. Article 60 then takes over, in particular its first paragraph,
which enables either Party to submit to the Court any dispute concerning
the interpretation or application of the Statute which cannot be settled by
direct negotiations. This wording also covers a dispute relating to the
interpretation or application of Article 12, like any other provision of the

1975 Statute.

138. The Court notes that the press release of 31 May 2005 sets out an
agreement between the two States to create a negotiating framework, the
GTAN, in order to study, analyse and exchange information on the

effects that the operation of the cellulose plants that were being con-
structed in the Eastern Republic of Uruguay could have on the ecosystem
of the shared Uruguay River, with “the group [having] to produce an ini-
tial report within a period of 180 days”.
139. The Court recognizes that the GTAN was created with the aim of
enabling the negotiations provided for in Article 12 of the 1975 Statute,

also for a 180-day period, to take place. Under Article 11, these negotia-
tions between the parties with a view to reaching an agreement are to be
held once the notified party has sent a communication to the other party,
through the Commission, specifying

“which aspects of the work or the programme of operations might
significantly impair navigation, the régime of the river or the quality

55 du fleuve ou à la qualité de ses eaux, les raisons techniques qui per-
mettent d’arriver à cette conclusion et les modifications qu’elle sug-

gère d’apporter au projet ou au programme d’opérations».

La Cour est consciente de ce que la négociation prévue à l’article 12 du
statut de 1975 s’intègre dans l’ensemble de la procédure prévue aux arti-
cles 7 à 12, qui est articulée de telle manière que les parties, en relation

avec la CARU, soient en mesure, au terme du processus, de s’acquitter de
leur obligation de prévenir tout préjudice sensible transfrontière suscep-
tible d’être généré par des activités potentiellement nocives projetées par
l’une d’elles.
140. La Cour considère, en conséquence, que l’accord créant le GTAN,

s’il établit effectivement une instance de négociation à même de permettre
aux Parties de poursuivre le même objectif que celui prévu à l’article 12
du statut de 1975, ne peut être interprété comme exprimant l’accord des
Parties pour déroger à d’autres obligations de nature procédurale prévues
par le statut.
141. Dès lors, selon la Cour, l’Argentine, en acceptant la création du

GTAN, n’a pas renoncé, comme le prétend l’Uruguay, aux autres droits
de nature procédurale que lui reconnaît le statut de 1975, ni à invoquer la
responsabilité de l’Uruguay du fait de leur violation éventuelle. En effet,
l’Argentine n’a pas renoncé, dans l’accord créant le GTAN, aux droits
qu’elle tient du statut, «de manière claire et non équivoque» (Certaines

terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions prélimi-
naires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 247, par. 13). Elle n’a pas non plus
consenti à suspendre l’application des dispositions procédurales du sta-
tut. En effet, selon l’article 57 de la convention de Vienne du 23 mai 1969
sur le droit des traités, relatif à la «suspension de l’application d’un

traité», y compris, selon le commentaire de la Commission du droit inter-
national, «la suspension de l’application de certaines de ses dispositions»
(Annuaire de la Commission du droit international , 1966, vol. II, p. 274),
la suspension n’est possible que «conformément à une disposition du
traité» ou «par consentement des parties».

142. La Cour observe, d’autre part, que l’accord créant le GTAN, en
se référant aux «usines de pâte à papier que l’on construit dans la Répu-
blique orientale de l’Uruguay», constate un simple fait et ne peut être
interprété, ainsi que le prétend l’Uruguay, comme une acceptation de
cette construction par l’Argentine.
143. La Cour considère que l’Uruguay n’avait le droit, pendant toute

la période de consultation et de négociation prévue aux articles 7 à 12 du
statut de 1975, ni d’autoriser la construction ni de construire les usines
projetées et le terminal portuaire. En effet, il serait contraire à l’objet et
au but du statut de 1975 de procéder aux activités litigieuses avant
d’avoir appliqué les procédures prévues par les «mécanismes communs

nécessaires à l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve» (article pre-
mier). L’article 9 prévoit cependant que, «[s]i la partie notifiée ne formule
pas d’objections ou ne répond pas dans le délai prévu à l’article 8

56 of its waters, the technical reasons on which this conclusion is based
and the changes suggested to the plan or programme of opera-

tions”.

The Court is aware that the negotiation provided for in Article 12 of
the 1975 Statute forms part of the overall procedure laid down in Articles
7 to 12, which is structured in such a way that the parties, in association

with CARU, are able, at the end of the process, to fulfil their obligation
to prevent any significant transboundary harm which might be caused by
potentially harmful activities planned by either one of them.

140. The Court therefore considers that the agreement to set up the

GTAN, while indeed creating a negotiating body capable of enabling
the Parties to pursue the same objective as that laid down in Article 12
of the 1975 Statute, cannot be interpreted as expressing the agreement of
the Parties to derogate from other procedural obligations laid down by
the Statute.
141. Consequently, the Court finds that Argentina, in accepting the

creation of the GTAN, did not give up, as Uruguay claims, the other
procedural rights belonging to it by virtue of the 1975 Statute, nor the
possibility of invoking Uruguay’s responsibility for any breach of those
rights. Argentina did not, in the agreement to set up the GTAN, “effect
a clear and unequivocal waiver” of its rights under the 1975 Statute

(Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992 , p. 247, para. 13). Nor did it
consent to suspending the operation of the procedural provisions of the
1975 Statute. Indeed, under Article 57 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties of 23 May 1969, concerning “[s]uspension of the opera-

tion of a treaty”, including, according to the International Law Commis-
sion’s commentary, suspension of “the operation of . . . some of its
provisions” (Yearbook of the International Law Commission , 1966,
Vol. II, p. 251), suspension is only possible “in conformity with the pro-
visions of the treaty” or “by consent of all the parties”.

142. The Court further observes that the agreement to set up the
GTAN, in referring to “the cellulose plants that are being constructed in
the Eastern Republic of Uruguay”, is stating a simple fact and cannot be
interpreted, as Uruguay claims, as an acceptance of their construction by
Argentina.
143. The Court finds that Uruguay was not entitled, for the duration

of the period of consultation and negotiation provided for in Articles 7 to
12 of the 1975 Statute, either to construct or to authorize the construc-
tion of the planned mills and the port terminal. It would be contrary to
the object and purpose of the 1975 Statute to embark on disputed activi-
ties before having applied the procedures laid down by the “joint machin-

ery necessary for the optimum and rational utilization of the [r]iver”
(Article 1). However, Article 9 provides that: “[i]f the notified party raises
no objections or does not respond within the period established in Arti-

56[cent quatre-vingts jours], l’autre partie peut construire ou autoriser la
construction de l’ouvrage projeté».

144. Il en découle, selon la Cour, que, tant que se déroule le méca-
nisme de coopération entre les parties pour prévenir un préjudice sensible
au détriment de l’une d’elles, l’Etat d’origine de l’activité projetée est tenu
de ne pas autoriser sa construction et a fortiori de ne pas y procéder.

145. La Cour relève, en outre, que le statut de 1975 s’inscrit parfaite-
ment dans le cadre des exigences du droit international en la matière, dès
lors que le mécanisme de coopération entre Etats est régi par le principe
de la bonne foi. En effet, selon le droit international coutumier, reflété à
l’article 26 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités,

«[t]out traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de
bonne foi». Cela s’applique à toutes les obligations établies par un traité,
y compris les obligations de nature procédurale, essentielles à la coopé-
ration entre Etats. La Cour a rappelé, dans les affaires des Essais
nucléaires (Australie c. France) (Nouvelle-Zélande c. France), ce qui suit:

«L’un des principes de base qui président à la création et à l’exé-
cution d’obligations juridiques, quelle qu’en soit la source, est celui
de la bonne foi. La confiance réciproque est une condition inhérente

de la coopération internationale...» (Arrêts, C.I.J. Recueil 1974 ,
p. 268, par. 46, et p. 473, par. 49; voir également Actions armées
frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compé-
tence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988 , p. 105, par. 94.)

146. La Cour a par ailleurs eu l’occasion de mettre l’accent sur les
caractéristiques de l’obligation de négocier et sur le comportement qu’elle
prescrit aux Etats concernés: «les parties ont l’obligation de se comporter

de telle manière que la négociation ait un sens» (Plateau continental de la
mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark; République
fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969 ,.p ,4
par. 85).
147. Le mécanisme de coopération prévu par les articles 7 à 12 du sta-

tut de 1975 n’aurait pas de sens, de l’avis de la Cour, si la partie d’origine
de l’activité projetée autorisait celle-ci ou la mettait en Œuvre sans atten-
dre que ce mécanisme soit mené à son terme. En effet, si tel était le cas,
les négociations entre les parties n’auraient plus d’objet.

148. A cet égard, les travaux préliminaires des usines de pâte à papier

sur des sites approuvés uniquement par l’Uruguay ne font pas exception,
contrairement à ce que prétend cet Etat. Ces travaux font en effet partie
intégrante de la construction des usines projetées (voir paragraphes 39
et 42 ci-dessus).
149. La Cour conclut de ce qui précède que l’accord créant le GTAN

n’a pas permis à l’Uruguay de déroger à ses obligations d’informer et de
notifier, conformément à l’article 7 du statut de 1975, et que, en auto-
risant la construction des usines ainsi que du terminal portuaire de

57cle 8 [180 days], the other party may carry out or authorize the work
planned”.

144. Consequently, in the opinion of the Court, as long as the proce-
dural mechanism for co-operation between the parties to prevent signifi-
cant damage to one of them is taking its course, the State initiating the
planned activity is obliged not to authorize such work and, a fortiori, not
to carry it out.

145. The Court notes, moreover, that the 1975 Statute is perfectly in
keeping with the requirements of international law on the subject, since
the mechanism for co-operation between States is governed by the prin-
ciple of good faith. Indeed, according to customary international law, as
reflected in Article 26 of the 1969 Vienna Convention on the Law of

Treaties, “[e]very treaty in force is binding upon the parties to it and must
be performed by them in good faith”. That applies to all obligations
established by a treaty, including procedural obligations which are essen-
tial to co-operation between States. The Court recalled in the cases con-
cerning Nuclear Tests (Australia v. France) (New Zealand v. France):

“One of the basic principles governing the creation and perform-
ance of legal obligations, whatever their source, is the principle of
good faith. Trust and confidence are inherent in international

co-operation . . .” (Judgments, I.C.J. Reports 1974 , p. 268, para. 46,
and p. 473, para. 49; see also Border and Transborder Armed Actions
(Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and Admissibility, Judgment,
I.C.J. Reports 1988, p. 105, para. 94.)

146. The Court has also had occasion to draw attention to the charac-
teristics of the obligation to negotiate and to the conduct which this
imposes on the States concerned: “[the Parties] are under an obligation

so to conduct themselves that the negotiations are meaningful” (North
Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal
Republic of Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969 ,p.47,
para. 85).
147. In the view of the Court, there would be no point to the co-opera-

tion mechanism provided for by Articles 7 to 12 of the 1975 Statute if the
party initiating the planned activity were to authorize or implement it
without waiting for that mechanism to be brought to a conclusion.
Indeed, if that were the case, the negotiations between the parties would
no longer have any purpose.
148. In this respect, contrary to what Uruguay claims, the preliminary

work on the pulp mills on sites approved by Uruguay alone does not con-
stitute an exception. This work does in fact form an integral part of the
construction of the planned mills (see paragraphs 39 and 42 above).

149. The Court concludes from the above that the agreement to set up

the GTAN did not permit Uruguay to derogate from its obligations of
information and notification under Article 7 of the 1975 Statute, and that
by authorizing the construction of the mills and the port terminal at

57Fray Bentos avant la fin de la période de négociation, l’Uruguay n’a pas
respecté l’obligation de négocier prévue à l’article 12 du statut. Il en

résulte que l’Uruguay a méconnu l’ensemble du mécanisme de coopéra-
tion prévu par les articles 7 à 12 du statut de 1975.
150. Etant donné que «l’engagement de négocier n’implique pas celui
de s’entendre» (Trafic ferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne, avis
consultatif, 1931, C.P.J.I. série A/B n o 42, p. 116), il reste à la Cour à

examiner si l’Etat d’origine du projet est tenu à certaines obligations
après l’expiration de la période de négociation prévue à l’article 12.

D. Les obligations de l’Uruguay après l’expiration
de la période de négociation

151. L’article 12 renvoie les Parties, dans l’hypothèse où elles n’abou-
tissent pas à un accord dans un délai de cent quatre-vingts jours, à

l’application de la procédure indiquée au chapitre XV.
Le chapitre XV comporte un article unique, l’article 60, selon lequel:

«Tout différend concernant l’interprétation ou l’application du
traité et du statut qui ne pourrait être réglé par négociation directe
peut être soumis par l’une ou l’autre des parties à la Cour interna-
tionale de Justice.
Dans les cas visés aux articles 58 et 59, l’une ou l’autre des parties

peut soumettre tout différend sur l’interprétation ou l’application du
traité et du statut à la Cour internationale de Justice lorsque ledit
différend n’a pas pu être réglé dans un délai de 180 jours à compter
de la notification prévue à l’article 59.»

152. Le statut de 1975, selon l’Uruguay, ne reconnaît pas à l’une des
parties un «droit de veto» sur les projets initiés par l’autre. L’Uruguay
estime qu’il n’existe aucune «obligation de non-construction» qui pèse-

rait sur l’Etat d’origine des projets jusqu’à ce que la Cour, une fois saisie,
se soit prononcée. L’existence d’une telle obligation, souligne l’Uruguay,
permettrait à une partie de bloquer un projet vital pour le développement
durable de l’autre partie, ce qui serait incompatible avec «l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve». Au contraire, pour l’Uruguay,

en l’absence de disposition particulière dans le statut, il convient
d’en revenir au droit international général, que refléterait le projet
d’articles de la Commission du droit international de 2001 sur la
prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dange-
reuses (Annuaire de la Commission du droit international , 2001, vol. II,

deuxième partie), en particulier l’alinéa 3 de l’article 9 de ce projet,
relatif aux «consultations sur les mesures préventives», selon lequel
«si les consultations ... ne permettent pas d’aboutir à une solution
concertée, l’Etat d’origine tient néanmoins compte des intérêts de

l’Etat susceptible d’être affecté s’il décide d’autoriser la poursuite de
l’activité...».

58Fray Bentos before the expiration of the period of negotiation, Uruguay
failed to comply with the obligation to negotiate laid down by Article 12

of the Statute. Consequently, Uruguay disregarded the whole of the
co-operation mechanism provided for in Articles 7 to 12 of the 1975 Statute.
150. Given that “an obligation to negotiate does not imply an obliga-
tion to reach an agreement” (Railway Traffic between Lithuania and
Poland, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J., Series A/B, No. 42 , p. 116), it

remains for the Court to examine whether the State initiating the plan is
under certain obligations following the end of the negotiation period pro-
vided for in Article 12.

D. Uruguay’s Obligations Following the End
of the Negotiation Period

151. Article 12 refers the Parties, should they fail to reach an agree-
ment within 180 days, to the procedure indicated in Chapter XV.

Chapter XV contains a single article, Article 60, according to which:

“Any dispute concerning the interpretation or application of the
Treaty and the Statute which cannot be settled by direct negotiations

may be submitted by either party to the International Court of Jus-
tice.
In the cases referred to in Articles 58 and 59, either party may sub-
mit any dispute concerning the interpretation or application of the
Treaty and the Statute to the International Court of Justice, when it

has not been possible to settle the dispute within 180 days following
the notification referred to in Article 59.”

152. According to Uruguay, the 1975 Statute does not give one party
a “right of veto” over the projects initiated by the other. It does not con-
sider there to be a “no construction obligation” borne by the State initi-
ating the projects until such time as the Court has ruled on the dispute.
Uruguay points out that the existence of such an obligation would enable

one party to block a project that was essential for the sustainable devel-
opment of the other, something that would be incompatible with the
“optimum and rational utilization of the [r]iver”. On the contrary, for
Uruguay, in the absence of any specific provision in the 1975 Statute, ref-
erence should be made to general international law, as reflected in the
2001 draft Articles of the International Law Commission on Prevention

of Transboundary Harm from Hazardous Activities (Yearbook of the
International Law Commission , 2001, Vol. II, Part Two); in particular,
draft Article 9, paragraph 3, concerning “Consultations on preventive
measures”, states that “[i]f the consultations . . . fail to produce an agreed
solution, the State of origin shall nevertheless take into account the inter-

ests of the State likely to be affected in case it decides to authorize the
activity to be pursued . . .”.

58 153. L’Argentine, au contraire, soutient que l’article 12 du statut de
1975 fait de la Cour le décideur final lorsque les parties n’aboutissent pas

à un accord dans le délai de cent quatre-vingts jours à compter de la com-
munication visée à l’article 11. Il résulterait de l’article 9 du statut, inter-
prété à la lumière des articles 11 et 12, et compte tenu de son objet et de
son but, que, si la partie à laquelle la notification est adressée formule une
objection, l’autre partie ne pourrait ni construire l’ouvrage en question ni

autoriser sa construction, aussi longtemps que la procédure prévue aux
articles 7 à 12 n’aurait pas été achevée et que la Cour ne se serait pas
prononcée sur le projet. L’Argentine considère ainsi que, pendant la pro-
cédure de règlement du différend devant la Cour, l’Etat qui projette de
construire l’ouvrage ne peut mettre l’autre Partie devant le fait accompli

de sa construction.
En ce qui concerne la question du «veto», elle serait, selon l’Argentine,
mal posée par l’Uruguay, car ni l’une ni l’autre des parties ne pourrait
imposer sa position sur la construction et il reviendrait en définitive à la
Cour de trancher, en cas de désaccord, par une décision revêtue de l’auto-
rité de la chose jugée. En quelque sorte, l’Uruguay n’aurait d’autre choix,

selon l’Argentine, que de parvenir à un accord avec elle ou d’attendre le
règlement du différend. En poursuivant la construction et la mise en ser-
vice de l’usine et du port d’Orion (Botnia), l’Uruguay commet, selon
l’Argentine, une violation continue des obligations de nature procédurale
résultant du chapitre II du statut de 1975.

154. La Cour observe que la prétendue «obligation de non-construc-
tion», qui pèserait sur l’Uruguay entre la fin de la période de négociation
et la décision de la Cour, ne figure pas expressément dans le statut de
1975 et ne découle pas davantage de ses dispositions. L’article 9 ne pré-
voit une telle obligation que pendant la mise en Œuvre de la procédure

prévue aux articles 7 à 12 du statut.
En outre, le statut ne prévoit pas que, en cas de désaccord persistant
entre les parties sur l’activité projetée au terme de la période de négocia-
tion, il reviendrait à la Cour, saisie par l’Etat concerné, comme le prétend
l’Argentine, d’autoriser ou non l’activité en question. La Cour souligne

que, si le statut de 1975 lui confère compétence pour le règlement de tout
différend relatif à son application et à son interprétation, il ne l’investit
pas pour autant de la fonction d’autoriser ou non en dernier ressort
les activités projetées. Par conséquent, l’Etat d’origine du projet peut, à la
fin de la période de négociation, procéder à la construction à ses
propres risques.

La Cour ne peut retenir l’interprétation de l’article 9 selon laquelle
toute construction serait interdite jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée en
vertu des articles 12 et 60.
155. L’article 12 ne met pas à la charge des parties une obligation de
saisir la Cour mais leur donne plutôt la possibilité de le faire, après l’expi-

ration de la période de négociation. Ainsi, l’article 12 n’est pas suscep-
tible de modifier les droits et obligations de la partie intéressée, tant que
la Cour n’a pas statué définitivement à leur sujet. Selon la Cour, parmi ces

59 153. Argentina, on the other hand, maintains that Article 12 of the
1975 Statute makes the Court the final decision-maker where the parties

have failed to reach agreement within 180 days following the notification
referred to in Article 11. It is said to follow from Article 9 of the Statute,
interpreted in the light of Articles 11 and 12 and taking account of its
object and purpose, that if the notified party raises an objection, the
other party may neither carry out nor authorize the work in question

until the procedure laid down in Articles 7 to 12 has been completed and
the Court has ruled on the project. Argentina therefore considers that,
during the dispute settlement proceedings before the Court, the State
which is envisaging carrying out the work cannot confront the other
Party with the fait accompli of having carried it out.

Argentina argues that the question of the “veto” raised by Uruguay is
inappropriate, since neither of the parties can impose its position in
respect of the construction works and it will ultimately be for the Court
to settle the dispute, if the parties disagree, by a decision that will have
the force of res judicata. It could be said, according to Argentina, that

Uruguay has no choice but to come to an agreement with it or to await
the settlement of the dispute. Argentina contends that, by pursuing the
construction and commissioning of the Orion (Botnia) mill and port,
Uruguay has committed a continuing violation of the procedural obliga-
tions under Chapter II of the 1975 Statute.

154. The Court observes that the “no construction obligation”, said to
be borne by Uruguay between the end of the negotiation period and the
decision of the Court, is not expressly laid down by the 1975 Statute and
does not follow from its provisions. Article 9 only provides for such an
obligation during the performance of the procedure laid down in Arti-

cles 7 to 12 of the Statute.
Furthermore, in the event of disagreement between the parties on the
planned activity persisting at the end of the negotiation period, the Stat-
ute does not provide for the Court, to which the matter would be sub-
mitted by the State concerned, according to Argentina, to decide whether

or not to authorize the activity in question. The Court points out that,
while the 1975 Statute gives it jurisdiction to settle any dispute concern-
ing its interpretation or application, it does not however confer on it the
role of deciding in the last resort whether or not to authorize the planned
activities. Consequently, the State initiating the plan may, at the end of
the negotiation period, proceed with construction at its own risk.

The Court cannot uphold the interpretation of Article 9 according to
which any construction is prohibited until the Court has given its ruling
pursuant to Articles 12 and 60.
155. Article 12 does not impose an obligation on the parties to submit
a matter to the Court, but gives them the possibility of doing so, follow-

ing the end of the negotiation period. Consequently, Article 12 can do
nothing to alter the rights and obligations of the party concerned as long
as the Court has not ruled finally on them. The Court considers that

59droits figure celui de mettre en Œuvre le projet, sous la seule responsabi-
lité de cette partie, dans la mesure où la période de négociation a expiré.

156. La Cour avait considéré, dans son ordonnance du 13 juillet 2006,
que «la construction des usines sur le site actuel ne p[ouvait] être réputée
constituer un fait accompli» (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uru-
guay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du
13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 78). Ainsi, en statuant au

fond sur le différend qui oppose les deux Parties, la Cour est l’ultime
garant du respect par celles-ci du statut de 1975.
157. La Cour conclut de ce qui précède qu’aucune «obligation de non-
construction» ne pesait sur l’Uruguay après que la période de négocia-

tion prévue par l’article 12 a expiré, soit le 3 février 2006, les Parties ayant
constaté à cette date l’échec des négociations entreprises dans le cadre du
GTAN (voir paragraphe 40). En conséquence, le comportement illicite de
l’Uruguay (constaté au paragraphe 149 ci-dessus) ne pouvait s’étendre
au-delà de cette date.

158. La Cour ayant établi que l’Uruguay a violé ses obligations de
nature procédurale d’informer, de notifier et de négocier dans la mesure
et pour les raisons exposées ci-dessus, elle se penchera à présent sur la
question du respect par cet Etat des obligations de fond prescrites par le
statut de 1975.

**

IV. L ES OBLIGATIONS DE FOND

159. Avant d’examiner les violations alléguées des obligations de
fond découlant du statut de 1975, la Cour traitera de deux questions
préliminaires, à savoir la charge de la preuve et la preuve par
expertise.

A. La charge de la preuve et la preuve par expertise

160. L’Argentine soutient que l’approche de précaution adoptée dans
le statut de 1975 a pour effet de «transfér[er] la charge de la preuve à

l’Uruguay, [de telle sorte que ce serait à lui de démontrer] que l’usine de
pâte à papier Orion (Botnia) ne cause pas de dommages significatifs à
l’environnement». Elle affirme également que la charge de la preuve
ne devrait pas peser sur elle seule, en tant qu’Etat demandeur, car, selon
elle, le statut de 1975 impose aux deux Parties une obligation égale de

convaincre — l’une, de l’innocuité du projet, l’autre, de sa nocivité.
161. L’Uruguay estime au contraire que, conformément à la jurispru-
dence bien établie de la Cour, c’est à l’Argentine, Etat demandeur,
qu’incombe la charge de la preuve, mais que, quand bien même la posi-

tion argentine relative au transfert de la charge de la preuve serait fondée
en droit, cela ne changerait rien, étant donné la faiblesse manifeste de

60those rights include that of implementing the project, on the sole respon-
sibility of that party, since the period for negotiation has expired.

156. In its Order of 13 July 2006, the Court took the view that the
“construction [of the mills] at the current site cannot be deemed to create
a fait accompli” (Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uru-
guay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J. Reports 2006 ,
p. 133, para. 78). Thus, in pronouncing on the merits in the dispute

between the Parties, the Court is the ultimate guarantor of their compli-
ance with the 1975 Statute.
157. The Court concludes from the above that Uruguay did not bear
any “no construction obligation” after the negotiation period provided

for in Article 12 expired on 3 February 2006, the Parties having deter-
mined at that date that the negotiations undertaken within the GTAN
had failed (see paragraph 40). Consequently the wrongful conduct of
Uruguay (established in paragraph 149 above) could not extend beyond
that period.

158. Having established that Uruguay breached its procedural obliga-
tions to inform, notify and negotiate to the extent and for the reasons
given above, the Court will now turn to the question of the compliance of
that State with the substantive obligations laid down by the 1975 Statute.

**

IV. S UBSTANTIVE O BLIGATIONS

159. Before taking up the examination of the alleged violations of
substantive obligations under the 1975 Statute, the Court will address
two preliminary issues, namely, the burden of proof and expert
evidence.

A. Burden of Proof and Expert Evidence

160. Argentina contends that the 1975 Statute adopts an approach in
terms of precaution whereby “the burden of proof will be placed on Uru-

guay for it to establish that the Orion (Botnia) mill will not cause signifi-
cant damage to the environment”. It also argues that the burden of proof
should not be placed on Argentina alone as the Applicant, because, in its
view, the 1975 Statute imposes an equal onus to persuade — for the one
that the plant is innocuous and for the other that it is harmful.

161. Uruguay, on the other hand, asserts that the burden of proof is
on Argentina, as the Applicant, in accordance with the Court’s long-
standing case law, although it considers that, even if the Argentine posi-

tion about transferring the burden of proof to Uruguay were correct, it
would make no difference given the manifest weakness of Argentina’s

60l’argumentation de l’Argentine sur le fond et le nombre d’éléments de
preuve émanant de sources indépendantes que l’Uruguay a soumis à la

Cour. Il conteste également avec force l’argument de l’Argentine selon
lequel l’approche de précaution adoptée dans le statut de 1975 aurait
pour effet de transférer la charge de la preuve, invoquant l’absence de
toute disposition conventionnelle expresse en ce sens, et rejette de même
l’idée avancée par l’Argentine selon laquelle le statut ferait peser la

charge de la preuve à égalité sur les deux Parties.
162. Tout d’abord, la Cour considère que, selon le principe bien établi
onus probandi incumbit actori , c’est à la partie qui avance certains faits
d’en démontrer l’existence. Ce principe, confirmé par la Cour à maintes
reprises (Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine),

arrêt, C.I.J. Recueil 2009 , p. 86, par. 68; Souveraineté sur Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour),
arrêt, C.I.J. Recueil 2008 , p. 31, par. 45; Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I) ,
p. 128, par. 204; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua

et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compé-
tence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 437, par. 101),
s’applique aux faits avancés aussi bien par le demandeur que par le
défendeur.

163. Le demandeur doit naturellement commencer par soumettre les
éléments de preuve pertinents pour étayer sa thèse. Cela ne signifie pas
pour autant que le défendeur ne devrait pas coopérer en produisant tout
élément de preuve en sa possession susceptible d’aider la Cour à régler le
différend dont elle est saisie.

164. Quant aux arguments avancés par l’Argentine concernant le ren-
versement de la charge de la preuve et l’existence, à l’égard de chaque
Partie, d’une obligation égale de convaincre au titre du statut de 1975, la
Cour considère qu’une approche de précaution, si elle peut se révéler per-
tinente pour interpréter et appliquer les dispositions du statut, n’a toute-

fois pas pour effet d’opérer un renversement de la charge de la preuve;
elle considère également que rien dans le statut de 1975 lui-même ne per-
met de conclure que celui-ci ferait peser la charge de la preuve de façon
égale sur les deux Parties.

*

165. La Cour examinera à présent la question de la preuve par exper-
tise. L’Argentine et l’Uruguay ont tous deux soumis à la Cour une grande
quantité d’informations factuelles et scientifiques à l’appui de leurs pré-
tentions respectives. Ils ont également produit des rapports et des études

établis par les experts et les consultants qu’ils ont engagés, ainsi que par
ceux engagés par la Société financière internationale en sa qualité de
bailleur de fonds du projet. Certains de ces experts se sont également pré-

61case and the extensive independent evidence put before the Court by
Uruguay. Uruguay also strongly contests Argentina’s argument that the

precautionary approach of the 1975 Statute would imply a reversal of the
burden of proof, in the absence of an explicit treaty provision prescribing
it as well as Argentina’s proposition that the Statute places the burden of
proof equally on both Parties.

162. To begin with, the Court considers that, in accordance with the
well-established principle of onus probandi incumbit actori , it is the duty
of the party which asserts certain facts to establish the existence of such
facts. This principle which has been consistently upheld by the Court

(Maritime Delimitation in the Black Sea (Romania v. Ukraine), Judg-
ment, I.C.J. Reports 2009 , p. 86, para. 68; Sovereignty over Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/
Singapore), Judgment, I.C.J. Reports 2008 , p. 31, para. 45; Application
of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment,

I.C.J. Reports 2007 (I), p. 128, para. 204; Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1984 ,
p. 437, para. 101) applies to the assertions of fact both by the Applicant
and the Respondent.

163. It is of course to be expected that the Applicant should, in the
first instance, submit the relevant evidence to substantiate its claims. This
does not, however, mean that the Respondent should not co-operate in
the provision of such evidence as may be in its possession that could assist
the Court in resolving the dispute submitted to it.

164. Regarding the arguments put forward by Argentina on the
reversal of the burden of proof and on the existence, vis-à-vis each Party,
of an equal onus to prove under the 1975 Statute, the Court considers
that while a precautionary approach may be relevant in the interpretation
and application of the provisions of the Statute, it does not follow that it

operates as a reversal of the burden of proof. The Court is also of the
view that there is nothing in the 1975 Statute itself to indicate that it
places the burden of proof equally on both Parties.

*

165. The Court now turns to the issue of expert evidence. Both
Argentina and Uruguay have placed before the Court a vast amount
of factual and scientific material in support of their respective claims.
They have also submitted reports and studies prepared by the experts

and consultants commissioned by each of them, as well as others
commissioned by the International Finance Corporation in its quality
as lender to the project. Some of these experts have also appeared

61sentés devant la Cour comme conseils de l’une ou l’autre Partie pour
fournir des éléments de preuve.

166. Les Parties sont néanmoins divisées sur l’autorité et la fiabilité des
études et rapports versés au dossier, qui ont été établis par leurs experts et
consultants respectifs, d’une part, et par ceux de la SFI, d’autre part, et
qui contiennent bien souvent des affirmations et des conclusions contra-
dictoires. Répondant à une question posée par un juge, l’Argentine a

affirmé que le poids à leur accorder devait être déterminé en fonction non
seulement de l’«indépendance» de l’auteur, qui devait n’avoir aucun inté-
rêt personnel à ce que l’affaire fût tranchée dans un sens ou un autre et ne
devait pas être fonctionnaire du gouvernement, mais aussi des caractéris-
tiques du document lui-même, en particulier du soin avec lequel l’analyse

avait été réalisée, de son exhaustivité, de l’exactitude des données utili-
sées, et de la clarté et de la cohérence des conclusions tirées de celles-ci.
Dans sa réponse à la même question, l’Uruguay a soutenu que les rap-
ports élaborés par des experts engagés aux fins de l’instance et versés au
dossier ne devaient pas être considérés comme établis de façon indépen-
dante et devaient être traités avec circonspection, contrairement aux

déclarations et analyses d’experts publiées par une organisation inter-
nationale compétente telle la SFI ou celles publiées par les consultants
engagés par ladite organisation, qui, elles, devaient être considérées
comme émanant d’une source indépendante et se voir accorder un
«poids spécial».

167. La Cour a prêté la plus grande attention aux éléments qui lui ont
été soumis par les Parties, ainsi qu’il ressortira de son examen des élé-
ments de preuve ci-après relatifs aux violations alléguées des obligations
de fond. S’agissant des experts qui sont intervenus à l’audience en qualité
de conseils, la Cour aurait trouvé plus utile que les Parties, au lieu de les

inclure à ce titre dans leurs délégations respectives, les présentent en tant
que témoins-experts en vertu des articles 57 et 64 du Règlement de la
Cour. Elle considère en effet que les personnes déposant devant elle sur la
base de leurs connaissances scientifiques ou techniques et de leur expé-
rience personnelle devraient le faire en qualité d’experts ou de témoins,

voire, dans certains cas, à ces deux titres à la fois, mais non comme
conseils, afin de pouvoir répondre aux questions de la partie adverse ainsi
qu’à celles de la Cour elle-même.
168. Quant à l’indépendance de ces experts, la Cour n’estime pas
nécessaire, pour statuer en l’espèce, de s’engager dans un débat général
sur la valeur, la fiabilité et l’autorité relatives des documents et études éla-

borés par les experts et les consultants des Parties. Elle doit seulement
garder à l’esprit que, si volumineuses et complexes que soient les
informations factuelles qui lui ont été soumises, il lui incombe, au
terme d’un examen attentif de l’ensemble des éléments soumis par
les Parties, de déterminer quels faits sont à prendre en considération,

d’en apprécier la force probante et d’en tirer les conclusions
appropriées. Ainsi, fidèle à sa pratique, la Cour se prononcera sur les
faits, en se fondant sur les éléments de preuve qui lui ont été pré-

62before the Court as counsel for one or the other of the Parties to pro-
vide evidence.

166. The Parties, however, disagree on the authority and reliability of
the studies and reports submitted as part of the record and prepared, on
the one hand, by their respective experts and consultants, and on the
other, by the experts of the IFC, which contain, in many instances, con-
flicting claims and conclusions. In reply to a question put by a judge,

Argentina stated that the weight to be given to such documents should be
determined by reference not only to the “independence” of the author,
who must have no personal interest in the outcome of the dispute and
must not be an employee of the government, but also by reference to the
characteristics of the report itself, in particular the care with which its

analysis was conducted, its completeness, the accuracy of the data used,
and the clarity and coherence of the conclusions drawn from such data.
In its reply to the same question, Uruguay suggested that reports
prepared by retained experts for the purposes of the proceedings
and submitted as part of the record should not be regarded as
independent and should be treated with caution; while expert statements

and evaluations issued by a competent international organization, such
as the IFC, or those issued by the consultants engaged by that
organization should be regarded as independent and given “special weight”.

167. The Court has given most careful attention to the material sub-
mitted to it by the Parties, as will be shown in its consideration of the
evidence below with respect to alleged violations of substantive obliga-
tions. Regarding those experts who appeared before it as counsel at the
hearings, the Court would have found it more useful had they been pre-

sented by the Parties as expert witnesses under Articles 57 and 64 of the
Rules of Court, instead of being included as counsel in their respective
delegations. The Court indeed considers that those persons who provide
evidence before the Court based on their scientific or technical knowledge
and on their personal experience should testify before the Court as

experts, witnesses or in some cases in both capacities, rather than coun-
sel, so that they may be submitted to questioning by the other party as
well as by the Court.
168. As for the independence of such experts, the Court does not find
it necessary in order to adjudicate the present case to enter into a general
discussion on the relative merits, reliability and authority of the docu-

ments and studies prepared by the experts and consultants of the Parties.
It needs only to be mindful of the fact that, despite the volume and com-
plexity of the factual information submitted to it, it is the responsibility
of the Court, after having given careful consideration to all the evidence
placed before it by the Parties, to determine which facts must be consid-

ered relevant, to assess their probative value, and to draw conclusions
from them as appropriate. Thus, in keeping with its practice, the Court
will make its own determination of the facts, on the basis of the evidence

62sentés, puis appliquera les règles pertinentes du droit international
à ceux qu’elle aura jugés avérés.

B. Les violations alléguées des obligations de fond

169. La Cour examinera maintenant les violations alléguées des obli-
gations de fond découlant du statut de 1975 commises par l’Uruguay en

autorisant la construction et la mise en service de l’usine Orion (Botnia).
En particulier, l’Argentine affirme que l’Uruguay a violé les obligations
que lui imposent les articles premier, 27, 35, 36 et 41, alinéa a), du statut
de 1975 ainsi que d’«autres obligations découlant du droit international
général, conventionnel et coutumier, ... nécessaires à l’application [de ce]

statut...». L’Uruguay rejette ces allégations. Il considère par ailleurs que
l’article 27 du statut de 1975 autorise les parties à utiliser les eaux du
fleuve à des fins ménagères, sanitaires, industrielles et agricoles.

1. L’obligation de contribuer à l’utilisation rationnelle et optimale du
fleuve (article premier)

170. Selon l’Argentine, l’Uruguay a violé son obligation de contribuer
à l’«utilisation rationnelle et optimale du fleuve» en manquant de la
consulter sur les actions propres à éviter une modification de l’équilibre
écologique, et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher une pol-

lution. L’Argentine fait également valoir que, pour interpréter le statut
de 1975 (en particulier ses articles 27, 35 et 36) selon le principe de l’uti-
lisation équitable et raisonnable, il faut tenir compte de toutes les utilisa-
tions préalables et légitimes du fleuve, y compris son utilisation à des fins
récréatives et touristiques.

171. Pour l’Uruguay, l’objet et le but du statut de 1975 sont d’organi-
ser la coopération entre les Parties par l’intermédiaire de la CARU au
service de leur objectif commun, celui d’assurer une utilisation équitable
et durable des eaux et des ressources biologiques du fleuve. L’Uruguay
estime, d’une part, n’avoir contrevenu en rien au principe de l’utilisation

équitable et raisonnable du fleuve et, d’autre part, que ce principe ne peut
être invoqué pour privilégier des utilisations préalables du fleuve, liées
par exemple au tourisme ou à la pêche, par rapport à de nouvelles utili-
sations.
172. Les Parties sont également en désaccord sur la portée et les impli-
cations de l’article 27 du statut de 1975 concernant le droit de chacune

d’elles d’utiliser les eaux du fleuve, à l’intérieur de sa juridiction, à des fins
ménagères, sanitaires, industrielles et agricoles.
173. La Cour fait observer que, comme l’indique le titre de son cha-
pitre I, le statut de 1975 expose, en son article premier, le but de cet ins-
trument. En tant que tel, l’article premier éclaire l’interprétation des obli-

gations de fond mais ne confère pas, en lui-même, de droits ou d’obliga-
tions spécifiques aux parties. Celles-ci sont tenues de garantir l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay en se conformant aux obliga-

63presented to it, and then it will apply the relevant rules of international
law to those facts which it has found to have existed.

B. Alleged Violations of Substantive Obligations

169. The Court now turns to the examination of the alleged violations
by Uruguay of its substantive obligations under the 1975 Statute by

authorizing the construction and operation of the Orion (Botnia) mill. In
particular, Argentina contends that Uruguay has breached its obligations
under Articles 1, 27, 35, 36 and 41 (a) of the 1975 Statute and “other
obligations deriving from . . . general, conventional and customary inter-
national law which are necessary for the application of the 1975 Statute”.

Uruguay rejects these allegations. Uruguay considers furthermore that
Article 27 of the 1975 Statute allows the parties to use the waters of the
river for domestic, sanitary, industrial and agricultural purposes.

1. The obligation to contribute to the optimum and rational utilization
of the river (Article 1)

170. According to Argentina, Uruguay has breached its obligation to
contribute to the “optimum and rational utilization of the river” by fail-
ing to co-ordinate with Argentina on measures necessary to avoid eco-
logical change, and by failing to take the measures necessary to prevent

pollution. Argentina also maintains that, in interpreting the 1975 Statute
(in particular Articles 27, 35, and 36 thereof) according to the principle of
equitable and reasonable use, account must be taken of all pre-existing
legitimate uses of the river, including in particular its use for recreational
and tourist purposes.

171. For Uruguay, the object and purpose of the 1975 Statute is to
establish a structure for co-operation between the Parties through CARU
in pursuit of the shared goal of equitable and sustainable use of the water
and biological resources of the river. Uruguay contends that it has in no
way breached the principle of equitable and reasonable use of the river

and that this principle provides no basis for favouring pre-existing uses of
the river, such as tourism or fishing, over other, new uses.

172. The Parties also disagree on the scope and implications of Arti-
cle 27 of the 1975 Statute on the right of each Party to use the waters of

the river, within its jurisdiction, for domestic, sanitary, industrial and
agricultural purposes.
173. The Court observes that Article 1, as stated in the title to Chap-
ter I of the 1975 Statute, sets out the purpose of the Statute. As such, it
informs the interpretation of the substantive obligations, but does not by

itself lay down specific rights and obligations for the parties. Optimum
and rational utilization is to be achieved through compliance with the
obligations prescribed by the 1975 Statute for the protection of the envi-

63tions prescrites par le statut aux fins de la protection de l’environnement
et de la gestion conjointe de cette ressource partagée. Cet objectif doit

aussi être poursuivi par le biais de la CARU, qui constitue le «mécanisme
commun» nécessaire à sa réalisation, ainsi que par le biais des règles
adoptées par cette commission et des normes et mesures adoptées par les
Parties.
174. La Cour rappellera que les Parties ont conclu le traité contenant

le statut de 1975 en application de l’article 7 du traité de 1961, qui leur
faisait obligation d’établir conjointement un code de l’utilisation du
fleuve comprenant, entre autres, des dispositions visant à prévenir la pol-
lution et à protéger et préserver le milieu aquatique. Ainsi, l’utilisation
rationnelle et optimale des eaux du fleuve peut être considérée comme la

pierre angulaire du système de coopération institué par le statut de 1975
et du mécanisme commun destiné à assurer cette coopération.
175. La Cour considère que, pour parvenir à une utilisation ration-
nelle et optimale, un équilibre doit être trouvé entre, d’une part, les droits
et les besoins des Parties concernant l’utilisation du fleuve à des fins éco-
nomiques et commerciales et, d’autre part, l’obligation de protéger celui-ci

de tout dommage à l’environnement susceptible d’être causé par de telles
activités. Cette nécessité d’assurer un tel équilibre ressort de plusieurs dis-
positions du statut de 1975 établissant les droits et obligations des Parties,
telles que les articles 27, 36 et 41. La Cour appréciera donc le compor-
tement de l’Uruguay en ce qui concerne l’autorisation de la construction

et de la mise en service de l’usine Orion (Botnia) à la lumière de ces dis-
positions du statut, et des droits et obligations énoncés dans celles-ci.
176. La Cour a déjà examiné aux paragraphes 84 à 93 ci-dessus le rôle
de la CARU par rapport aux obligations de nature procédurale établies
dans le statut de 1975. En plus de son rôle à cet égard, les fonctions de la

CARU concernent presque tous les aspects de la mise en Œuvre des dis-
positions de fond du statut de 1975. Les fonctions de réglementation de la
commission dans le domaine de la conservation et de la préservation des
ressources biologiques, de la prévention et de la surveillance de la pollu-
tion, ainsi que celles qui concernent la coordination des mesures prises

par les Parties, revêtent une importance particulière dans la présente
affaire. La Cour les examinera au stade de son analyse des positions des
Parties sur l’interprétation et l’application des articles 36 et 41 du statut
de 1975.
177. Quant à l’article 27, la Cour considère que son libellé reflète non
seulement la nécessité de concilier les intérêts variés des Etats riverains

dans un contexte transfrontière et, en particulier, dans l’utilisation d’une
ressource naturelle partagée, mais aussi celle de trouver un équilibre entre
l’utilisation et la protection des eaux du fleuve qui soit conforme à
l’objectif de développement durable. La Cour a déjà examiné les obliga-
tions découlant des articles 7 à 12 du statut de 1975 qui, selon l’article 27,

doivent être respectées par toute partie souhaitant exercer son droit d’uti-
liser les eaux du fleuve pour l’une quelconque des fins y énoncées dès lors
que le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux risque de pâtir de cette

64ronment and the joint management of this shared resource. This objec-
tive must also be ensured through CARU, which constitutes “the joint

machinery” necessary for its achievement, and through the regulations
adopted by it as well as the regulations and measures adopted by the
Parties.

174. The Court recalls that the Parties concluded the treaty embody-

ing the 1975 Statute, in implementation of Article 7 of the 1961 Treaty,
requiring the Parties jointly to establish a régime for the use of the river
covering, inter alia, provisions for preventing pollution and protecting
and preserving the aquatic environment. Thus, optimum and rational uti-
lization may be viewed as the cornerstone of the system of co-operation

established in the 1975 Statute and the joint machinery set up to imple-
ment this co-operation.
175. The Court considers that the attainment of optimum and rational
utilization requires a balance between the Parties’ rights and needs to use
the river for economic and commercial activities on the one hand, and
the obligation to protect it from any damage to the environment that

may be caused by such activities, on the other. The need for this balance
is reflected in various provisions of the 1975 Statute establishing rights
and obligations for the Parties, such as Articles 27, 36, and 41. The Court
will therefore assess the conduct of Uruguay in authorizing the construc-
tion and operation of the Orion (Botnia) mill in the light of those provi-

sions of the 1975 Statute, and the rights and obligations prescribed
therein.
176. The Court has already addressed in paragraphs 84 to 93 above
the role of CARU with respect to the procedural obligations laid down in
the 1975 Statute. In addition to its role in that context, the functions of

CARU relate to almost all aspects of the implementation of the substan-
tive provisions of the 1975 Statute. Of particular relevance in the present
case are its functions relating to rule-making in respect of conservation
and preservation of living resources, the prevention of pollution and its
monitoring, and the co-ordination of actions of the Parties. These func-

tions will be examined by the Court in its analysis of the positions of the
Parties with respect to the interpretation and application of Articles 36
and 41 of the 1975 Statute.

177. Regarding Article 27, it is the view of the Court that its formula-
tion reflects not only the need to reconcile the varied interests of riparian

States in a transboundary context and in particular in the use of a shared
natural resource, but also the need to strike a balance between the use of
the waters and the protection of the river consistent with the objective of
sustainable development. The Court has already dealt with the obliga-
tions arising from Articles 7 to 12 of the 1975 Statute which have to be

observed, according to Article 27, by any party wishing to exercise its
right to use the waters of the river for any of the purposes mentioned
therein insofar as such use may be liable to affect the régime of the river

64utilisation. La Cour tient à ajouter que l’utilisation en question ne pour-
rait être jugée équitable et raisonnable s’il n’était pas tenu compte des

intérêts de l’autre Etat riverain à l’égard de la ressource partagée et de la
protection environnementale de cette dernière. Aussi la Cour est-elle
d’avis que l’article 27 traduit ce lien étroit entre l’utilisation équitable et
raisonnable d’une ressource partagée et la nécessité de concilier le déve-
loppement économique et la protection de l’environnement qui est au

cŒur du développement durable.

2. L’obligation de veiller à ce que la gestion du sol et des forêts ne cause
pas un préjudice au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux

(article 35)

178. A l’article 35 du statut de 1975, les parties:
«s’obligent à adopter les mesures nécessaires pour que la gestion du

sol et des forêts, l’utilisation des eaux souterraines et celle des
affluents du fleuve n’entraînent pas de modification causant un
préjudice sensible au régime de ce dernier ou à la qualité de ses
eaux».

179. L’Argentine soutient que la décision de l’Uruguay de procéder à
d’importantes plantations d’eucalyptus afin de fournir de la matière pre-
mière à l’usine Orion (Botnia) a des incidences non seulement sur la ges-

tion des sols et des forêts uruguayennes, mais aussi sur la qualité des eaux
du fleuve. Pour sa part, l’Uruguay affirme que l’Argentine n’expose
aucun argument fondé sur la manière dont il gère ses sols et ses forêts
— et qu’elle «n’a pas non plus formulé d’allégations relatives aux eaux
des affluents».

180. La Cour fait observer que l’Argentine n’a apporté aucune preuve
à l’appui de ce qu’elle avance. En outre, l’article 35 concerne la gestion
des sols et des forêts ainsi que l’utilisation des eaux souterraines et des
affluents, et rien dans les éléments de preuve produits par l’Argentine ne
permet de relier directement la façon dont l’Uruguay gère ses sols et ses

forêts, ou utilise les eaux souterraines et les affluents, aux modifications
alléguées de la qualité des eaux du fleuve Uruguay que l’Argentine attri-
bue à l’usine de pâte à papier Orion (Botnia). De fait, si elle a développé
une longue argumentation quant aux effets des rejets de l’usine de pâte à
papier sur la qualité des eaux du fleuve, l’Argentine a en revanche été net-
tement moins diserte quant à l’effet délétère qu’auraient eu sur la qualité

de ces eaux les opérations de plantation d’eucalyptus effectuées par
l’Uruguay. La Cour en conclut que l’Argentine n’a pas établi le bien-
fondé de ses allégations sur ce point.

3. L’obligation de coordonner les mesures propres à éviter une modifi-
cation de l’équilibre écologique (article 36)

181. L’Argentine soutient que l’Uruguay a violé l’article 36 du statut

65or the quality of its waters. The Court wishes to add that such utilization
could not be considered to be equitable and reasonable if the interests of

the other riparian State in the shared resource and the environmental
protection of the latter were not taken into account. Consequently, it is
the opinion of the Court that Article 27 embodies this interconnectedness
between equitable and reasonable utilization of a shared resource and the
balance between economic development and environmental protection

that is the essence of sustainable development.

2. The obligation to ensure that the management of the soil and wood-
land does not impair the régime of the river or the quality of its waters

(Article 35)

178. Article 35 of the 1975 Statute provides that the parties:
“undertake to adopt the necessary measures to ensure that the man-

agement of the soil and woodland and the use of groundwater and
the waters of the tributaries of the river do not cause changes which
may significantly impair the régime of the river or the quality of its
waters”.

179. Argentina contends that Uruguay’s decision to carry out major
eucalyptus planting operations to supply the raw material for the Orion
(Botnia) mill has an impact on management of the soil and Uruguayan

woodland, but also on the quality of the waters of the river. For its part,
Uruguay states that Argentina does not make any arguments that are
based on Uruguay’s management of soil or woodland — “nor has it
made any allegations concerning the waters of tributaries”.

180. The Court observes that Argentina has not provided any evidence
to support its contention. Moreover, Article 35 concerns the management
of the soil and woodland as well as the use of groundwater and the water
of tributaries, and there is nothing to suggest, in the evidentiary material
submitted by Argentina, a direct relationship between Uruguay’s man-

agement of the soil and woodland, or its use of ground water and water
of tributaries and the alleged changes in the quality of the waters of the
River Uruguay which had been attributed by Argentina to the Orion
(Botnia) mill. Indeed, while Argentina made lengthy arguments about the
effects of the pulp mill discharges on the quality of the waters of the river,
no similar arguments have been presented to the Court regarding a del-

eterious relationship between the quality of the waters of the river and
the eucalyptus-planting operations by Uruguay. The Court concludes
that Argentina has not established its contention on this matter.

3. The obligation to co-ordinate measures to avoid changes in the ecolo-
gical balance (Article 36)

181. Argentina contends that Uruguay has breached Article 36 of the

65de 1975, qui fait obligation aux Parties de coordonner, par l’intermé-
diaire de la CARU, les mesures propres à éviter une modification de

l’équilibre écologique du fleuve. Elle indique que les rejets de l’usine
Orion (Botnia) ont modifié cet équilibre, et cite à titre d’exemples la pro-
lifération d’algues du 4 février 2009, qui constitue selon elle une preuve
flagrante d’une telle modification, et les rejets de toxines qui seraient à
l’origine des malformations observées chez les rotifères dont des photo-

graphies ont été présentées à la Cour.
182. L’Uruguay considère que toute appréciation du comportement
des Parties en ce qui concerne l’article 36 du statut de 1975 doit tenir
compte des règles adoptées par la CARU, car cet article, qui crée une
obligation de coopération, fait référence à ces règles et n’interdit pas en

soi tel ou tel comportement. L’Uruguay estime que l’usine satisfait plei-
nement aux exigences de la CARU concernant l’équilibre écologique du
fleuve, et conclut qu’il n’a pas agi de manière contraire à l’article 36 du
statut de 1975.
183. Il est rappelé que, aux termes de l’article 36, «[l]es parties coor-
donnent, par l’intermédiaire de la commission, les mesures propres à évi-

ter une modification de l’équilibre écologique et à contenir les fléaux et
autres facteurs nocifs sur le fleuve et dans ses zones d’influence».
184. La Cour est d’avis que les Parties ne sauraient satisfaire à cette
obligation isolément, par des actes individuels. Le respect de cette obliga-
tion exige une action concertée, par l’intermédiaire de la commission.

Cette obligation est l’expression de la recherche par le statut de 1975 de
l’intérêt collectif, et reflète l’un des objectifs ayant présidé à la mise en
place de mécanismes communs, à savoir celui d’assurer une coordination
entre les initiatives et mesures prises par les Parties aux fins de la gestion
durable et de la protection environnementale du fleuve. Les Parties ont

effectivement coordonné leur action en promulguant, dans le cadre de la
commission, des normes qui figurent aux points E3 et E4 du digeste de la
CARU. L’un des objectifs énoncés au point E3 consiste à «[p]rotéger et
préserver le milieu aquatique et son équilibre écologique». De même, il
est indiqué au point E4 que celui-ci a été élaboré «suivant ce qui

[était] ... établi dans le[s] ... [a]rticles 36, 37, 38 et 39».
185. Selon la Cour, l’article 36 du statut de 1975 vise à empêcher toute
pollution transfrontière susceptible de modifier l’équilibre écologique du
fleuve, en coordonnant l’adoption des mesures nécessaires à cette fin, par
l’intermédiaire de la CARU. Il oblige donc les deux Etats à prendre des
mesures concrètes pour éviter toute modification de l’équilibre écolo-

gique. Ces mesures ne se limitent pas à l’adoption d’un cadre réglemen-
taire — ce qu’ont fait les Parties par l’intermédiaire de la CARU; les
deux Parties sont également tenues de respecter et de mettre en Œuvre les
mesures ainsi adoptées. Comme la Cour l’a souligné dans l’affaire relative
au Projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros :

«dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et
la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible

661975 Statute, which places the Parties under an obligation to co-ordinate
through CARU the necessary measures to avoid changing the ecological

balance of the river. Argentina asserts that the discharges from the Orion
(Botnia) mill altered the ecological balance of the river, and cites as
examples the 4 February 2009 algal bloom, which, according to it, pro-
vides graphic evidence of a change in the ecological balance, as well as
the discharge of toxins, which gave rise, in its view, to the malformed

rotifers whose pictures were shown to the Court.
182. Uruguay considers that any assessment of the Parties’ conduct in
relation to Article 36 of the 1975 Statute must take account of the rules
adopted by CARU, because this Article, creating an obligation of co-op-
eration, refers to such rules and does not by itself prohibit any specific

conduct. Uruguay takes the position that the mill fully meets CARU
requirements concerning the ecological balance of the river, and con-
cludes that it has not acted in breach of Article 36 of the 1975 Statute.

183. It is recalled that Article 36 provides that “[t]he parties shall co-
ordinate, through the Commission, the necessary measures to avoid any

change in the ecological balance and to control pests and other harmful
factors in the river and the areas affected by it”.
184. It is the opinion of the Court that compliance with this obligation
cannot be expected to come through the individual action of either Party,
acting on its own. Its implementation requires co-ordination through the

Commission. It reflects the common interest dimension of the 1975 Stat-
ute and expresses one of the purposes for the establishment of the joint
machinery which is to co-ordinate the actions and measures taken by the
Parties for the sustainable management and environmental protection of
the river. The Parties have indeed adopted such measures through the

promulgation of standards by CARU. These standards are to be found in
Sections E3 and E4 of the CARU Digest. One of the purposes of Sec-
tion E3 is “[t]o protect and preserve the water and its ecological balance”.
Similarly, it is stated in Section E4 that the section was developed “in
accordance with . . . Articles 36, 37, 38, and 39”.

185. In the view of the Court, the purpose of Article 36 of the 1975
Statute is to prevent any transboundary pollution liable to change the
ecological balance of the river by co-ordinating, through CARU, the
adoption of the necessary measures. It thus imposes an obligation on
both States to take positive steps to avoid changes in the ecological

balance. These steps consist not only in the adoption of a regulatory
framework, as has been done by the Parties through CARU, but
also in the observance as well as enforcement by both Parties of
the measures adopted. As the Court emphasized in the Gabc ˇíkovo-
Nagymaros case:

“in the field of environmental protection, vigilance and prevention
are required on account of the often irreversible character of damage

66 des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes
au mécanisme même de réparation de ce type de dommages»

(Projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J.
Recueil 1997, p. 78, par. 140).

186. Les Parties divergent encore quant à la nature de l’obligation
énoncée à l’article 36; elles s’opposent en particulier sur la question de
savoir s’il s’agit d’une obligation de comportement ou de résultat.
L’Argentine soutient que, suivant leur sens ordinaire, les articles 36 et 41
du statut de 1975 établissent l’un et l’autre une obligation de résultat.

187. La Cour considère que l’obligation formulée à l’article 36 incombe
aux deux Parties et leur impose d’adopter un comportement spécifique
consistant à prendre les mesures nécessaires de façon coordonnée, par
l’intermédiaire de la commission, pour éviter toute modification de l’équi-
libre écologique. L’obligation d’adopter des mesures réglementaires ou

administratives, que ce soit de manière individuelle ou conjointe, et de les
mettre en Œuvre constitue une obligation de comportement. Les deux
Parties doivent donc, en application de l’article 36, faire preuve de la dili-
gence requise («due diligence») en agissant dans le cadre de la commis-
sion pour prendre les mesures nécessaires à la préservation de l’équilibre

écologique du fleuve.
188. Cette vigilance et cette prévention sont particulièrement impor-
tantes lorsqu’il s’agit de préserver l’équilibre écologique puisque les effets
négatifs des activités humaines sur les eaux du fleuve risquent de toucher
d’autres composantes de l’écosystème du cours d’eau, telles que sa flore,

sa faune et son lit. L’obligation de coordonner, par l’intermédiaire de la
commission, l’adoption des mesures nécessaires, ainsi que la mise en
application et le respect de ces mesures, jouent dans ce contexte un rôle
central dans le système global de protection du fleuve Uruguay établi par
le statut de 1975. Il est dès lors d’une importance cruciale que les Parties
respectent cette obligation.

189. La Cour conclut des développements qui précèdent que l’Argen-
tine n’a pas démontré de manière convaincante que l’Uruguay a refusé de
prendre part aux efforts de coordination prévus par l’article 36, en viola-
tion de celui-ci.

4. L’obligation d’empêcher la pollution et de préserver le milieu aqua-
tique (article 41)

190. L’article 41 est ainsi libellé:

«Sans préjudice des fonctions assignées à la commission en la
matière, les parties s’obligent:
a) à protéger et à préserver le milieu aquatique et, en particulier, à

en empêcher la pollution en établissant des normes et en adop-
tant les mesures appropriées, conformément aux accords inter-
nationaux applicables et, le cas échéant, en harmonie avec les

67 to the environment and of the limitations inherent in the very
mechanism of reparation of this type of damage” (Gabc ˇíkovo-

Nagymaros Project (Hungary/Slovakia), Judgment, I.C.J. Reports
1997, p. 78, para. 140).

186. The Parties also disagree with respect to the nature of the obliga-
tion laid down in Article 36, and in particular whether it is an obligation
of conduct or of result. Argentina submits that, on a plain meaning,
both Articles 36 and 41 of the 1975 Statute establish an obligation
of result.

187. The Court considers that the obligation laid down in Article 36 is
addressed to both Parties and prescribes the specific conduct of co-ordi-
nating the necessary measures through the Commission to avoid changes
to the ecological balance. An obligation to adopt regulatory or adminis-
trative measures either individually or jointly and to enforce them is an

obligation of conduct. Both Parties are therefore called upon, under Arti-
cle 36, to exercise due diligence in acting through the Commission for the
necessary measures to preserve the ecological balance of the river.

188. This vigilance and prevention is all the more important in the
preservation of the ecological balance, since the negative impact of
human activities on the waters of the river may affect other components
of the ecosystem of the watercourse such as its flora, fauna, and soil. The

obligation to co-ordinate, through the Commission, the adoption of the
necessary measures, as well as their enforcement and observance, assumes,
in this context, a central role in the overall system of protection of the
River Uruguay established by the 1975 Statute. It is therefore of crucial
importance that the Parties respect this obligation.

189. In light of the above, the Court is of the view that Argentina has
not convincingly demonstrated that Uruguay has refused to engage in
such co-ordination as envisaged by Article 36, in breach of that provi-
sion.

4. The obligation to prevent pollution and preserve the aquatic environ-
ment (Article 41)

190. Article 41 provides that:

“Without prejudice to the functions assigned to the Commission
in this respect, the parties undertake:
(a) to protect and preserve the aquatic environment and, in par-

ticular, to prevent its pollution, by prescribing appropriate
rules and [adopting appropriate] measures in accordance with
applicable international agreements and in keeping, where rele-

67 directives et les recommandations des organismes techniques
internationaux;

b) à ne pas abaisser, dans leurs systèmes juridiques respectifs:
1) les normes techniques en vigueur pour prévenir la pollution
des eaux, et

2) les pénalités établies pour les infractions;
c) à s’informer mutuellement des normes qu’elles se proposent
d’établir en matière de pollution des eaux, en vue d’établir des
normes équivalentes dans leurs systèmes juridiques respectifs.»

191. Selon l’Argentine, en autorisant le rejet de nutriments supplémen-
taires dans un fleuve qui connaît des phénomènes d’eutrophisation,

d’inversion de courant et de stagnation, l’Uruguay a violé l’obligation qui
lui incombe d’empêcher la pollution, faute d’avoir prescrit des mesures
appropriées en ce qui concerne l’usine Orion (Botnia) et respecté les
accords internationaux en matière d’environnement applicables, notam-
ment la convention sur la diversité biologique et la convention de Ram-

sar. Elle soutient que le statut de 1975 interdit toute pollution portant
atteinte à la protection et à la préservation du milieu aquatique ou modi-
fiant l’équilibre écologique du fleuve. L’Argentine affirme en outre que
l’obligation d’empêcher la pollution du fleuve est une obligation de résul-
tat et qu’elle ne porte pas seulement sur la protection du milieu aquatique
proprement dit, mais s’étend également à toute utilisation raisonnable et

légitime du fleuve, y compris au tourisme et aux autres usages récréatifs.
192. L’Uruguay soutient que l’obligation d’«empêcher la pollution»
énoncée à l’alinéa a) de l’article 41 du statut de 1975 n’emporte pas
l’interdiction de tout déversement dans le fleuve. Seuls les rejets supé-
rieurs aux limites fixées conjointement par les Parties au sein de la

CARU, conformément à leurs obligations internationales, et qui ont
pour cette raison des effets préjudiciables, sont susceptibles d’être quali-
fiés de «pollution» au sens de l’article 40 du statut de 1975. De surcroît,
l’Uruguay estime que l’article 41 crée une obligation de comportement, et
non de résultat, mais que, de fait, cela importe peu puisqu’il s’est acquitté

de son devoir d’empêcher la pollution en exigeant de l’usine qu’elle
réponde aux normes relatives aux meilleures techniques disponibles.
193. Avant d’en venir à l’analyse de l’article 41, la Cour rappelle ce qui
suit:

«L’obligation générale qu’ont les Etats de veiller à ce que les acti-
vités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle
respectent l’environnement dans d’autres Etats ou dans des zones ne
relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du

corps de règles du droit international de l’environnement.» (Licéité
de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 242, par. 29.)

194. Dans le cadre de l’affaire relative au Projet Gabc ˇíkovo-
Nagymaros, la Cour a par ailleurs eu l’occasion de souligner que «les

68 vant, with the guidelines and recommendations of international
technical bodies;

(b) not to reduce in their respective legal systems:
1. the technical requirements in force for preventing water pol-
lution, and

2. the severity of the penalties established for violations;
(c) to inform one another of any rules which they plan to prescribe
with regard to water pollution in order to establish equivalent
rules in their respective legal systems.”

191. Argentina claims that by allowing the discharge of additional
nutrients into a river that is eutrophic and suffers from reverse flow and

stagnation, Uruguay violated the obligation to prevent pollution, as it
failed to prescribe appropriate measures in relation to the Orion (Botnia)
mill, and failed to meet applicable international environmental agree-
ments, including the Biodiversity Convention and the Ramsar Conven-
tion. It maintains that the 1975 Statute prohibits any pollution which is

prejudicial to the protection and preservation of the aquatic environment
or which alters the ecological balance of the river. Argentina further
argues that the obligation to prevent pollution of the river is an obliga-
tion of result and extends not only to protecting the aquatic environment
proper, but also to any reasonable and legitimate use of the river, includ-
ing tourism and other recreational uses.

192. Uruguay contends that the obligation laid down in Article 41 (a)
of the 1975 Statute to “prevent . . . pollution” does not involve a prohibi-
tion on all discharges into the river. It is only those that exceed the stand-
ards jointly agreed by the Parties within CARU in accordance with their

international obligations, and that therefore have harmful effects, which
can be characterized as “pollution” under Article 40 of the 1975 Statute.
Uruguay also maintains that Article 41 creates an obligation of conduct,
and not of result, but that it actually matters little since Uruguay has
complied with its duty to prevent pollution by requiring the plant to meet

best available technology (“BAT”) standards.

193. Before turning to the analysis of Article 41, the Court recalls
that:

“The existence of the general obligation of States to ensure that
activities within their jurisdiction and control respect the environ-
ment of other States or of areas beyond national control is now part
of the corpus of international law relating to the environment.”

(Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opin-
ion, I.C.J. Reports 1996 (I) , pp. 241-242, para. 29.)

194. The Court moreover had occasion to stress, in the Gabc ˇíkovo-
Nagymaros Project case, that “the Parties together should look afresh at

68Parties devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets sur l’environ-
nement de l’exploitation de la centrale de Gabc ˇíkovo»P (rojet Gabcˇíkovo-

Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997 ,p .78
par. 140). C’est en gardant à l’esprit ces déclarations que la Cour
analysera maintenant l’article 41 du statut de 1975.
195. Compte tenu du rôle central de cette disposition dans le différend
qui oppose les Parties à la présente affaire, ainsi que des profondes diver-

gences entre celles-ci en ce qui concerne l’interprétation et l’application
de cette disposition, la Cour souhaiterait faire quelques observations
d’ordre général sur le contenu normatif de l’article 41 avant de se pencher
sur les arguments spécifiques des Parties. Premièrement, selon la Cour,
l’article 41 établit une distinction claire entre les fonctions réglementaires

confiées à la CARU en vertu du statut de 1975 — qui font l’objet de
l’article 56 — et l’obligation que ledit article impose aux Parties d’adop-
ter individuellement des normes et des mesures destinées à «protéger et à
préserver le milieu aquatique et, en particulier, à en empêcher la pollu-
tion». Ainsi, l’obligation que les Parties s’engagent à respecter en vertu
de l’article 41, qui est distincte de celles prévues aux articles 36 et 56 du

statut de 1975, consiste à adopter les normes et mesures appropriées au
sein de leurs systèmes juridiques nationaux respectifs afin de protéger et
de préserver le milieu aquatique et d’en empêcher la pollution. Cette
conclusion est confortée par le libellé des alinéas b) et c) de l’article 41,
qui mentionnent la nécessité pour les Parties de n’abaisser ni les normes

techniques ni les pénalités en vigueur dans leurs législations respectives
et de s’informer mutuellement des normes qu’elles se proposent d’édicter
en vue d’établir des normes équivalentes dans leurs systèmes juridiques
respectifs.
196. Deuxièmement, selon la Cour, une simple lecture du texte de

l’article 41 montre que ce sont les normes et mesures que les Parties sont
tenues d’établir dans leurs systèmes juridiques respectifs qui doivent être
«conform[es] aux accords internationaux applicables» et, «le cas échéant,
en harmonie avec les directives et les recommandations des organismes
techniques internationaux».

197. Troisièmement, l’obligation de «préserver le milieu aquatique et,
en particulier, [d’]en empêcher la pollution en établissant des normes et
en adoptant les mesures appropriées» impose d’exercer la diligence requise
(«due diligence») vis-à-vis de toutes les activités qui se déroulent sous la
juridiction et le contrôle de chacune des parties. Cette obligation impli-
que la nécessité non seulement d’adopter les normes et mesures appro-

priées, mais encore d’exercer un certain degré de vigilance dans leur mise
en Œuvre ainsi que dans le contrôle administratif des opérateurs publics
et privés, par exemple en assurant la surveillance des activités entreprises
par ces opérateurs, et ce, afin de préserver les droits de l’autre partie. Par
conséquent, la responsabilité d’une partie au statut de 1975 serait engagée

s’il était démontré qu’elle n’avait pas agi avec la diligence requise, faute
d’avoir pris toutes les mesures appropriées pour assurer l’application de
la réglementation pertinente à un opérateur public ou privé relevant de sa

69the effects on the environment of the operation of the Gabc ˇíkovo power
plant” (Gabc ˇíkovo-Nagymaros Project (Hungary/Slovakia), Judgment,

I.C.J. Reports 1997, p. 78, para. 140). The Court is mindful of these
statements in taking up now the examination of Article 41 of the
1975 Statute.
195. In view of the central role of this provision in the dispute between
the Parties in the present case and their profound differences as to its

interpretation and application, the Court will make a few remarks of a
general character on the normative content of Article 41 before address-
ing the specific arguments of the Parties. First, in the view of the Court,
Article 41 makes a clear distinction between regulatory functions
entrusted to CARU under the 1975 Statute, which are dealt with in Arti-

cle 56 of the Statute, and the obligation it imposes on the Parties to adopt
rules and measures individually to “protect and preserve the aquatic envi-
ronment and, in particular, to prevent its pollution”. Thus, the obligation
assumed by the Parties under Article 41, which is distinct from those
under Articles 36 and 56 of the 1975 Statute, is to adopt appropriate rules
and measures within the framework of their respective domestic legal

systems to protect and preserve the aquatic environment and to prevent
pollution. This conclusion is supported by the wording of paragraphs (b)
and (c) of Article 41, which refer to the need not to reduce the technical
requirements and severity of the penalties already in force in the respec-
tive legislation of the Parties as well as the need to inform each other of

the rules to be promulgated so as to establish equivalent rules in their
legal systems.

196. Secondly, it is the opinion of the Court that a simple reading of

the text of Article 41 indicates that it is the rules and measures that are to
be prescribed by the Parties in their respective legal systems which must
be “in accordance with applicable international agreements” and “in
keeping, where relevant, with the guidelines and recommendations of
international technical bodies”.

197. Thirdly, the obligation to “preserve the aquatic environment, and
in particular to prevent pollution by prescribing appropriate rules and
measures” is an obligation to act with due diligence in respect of all
activities which take place under the jurisdiction and control of each
party. It is an obligation which entails not only the adoption of appro-
priate rules and measures, but also a certain level of vigilance in their

enforcement and the exercise of administrative control applicable to pub-
lic and private operators, such as the monitoring of activities undertaken
by such operators, to safeguard the rights of the other party. The
responsibility of a party to the 1975 Statute would therefore be engaged
if it was shown that it had failed to act diligently and thus take all

appropriate measures to enforce its relevant regulations on a public or private
operator under its jurisdiction. The obligation of due diligence
under Article 41 (a) in the adoption and enforcement of appropriate

69juridiction. L’obligation de diligence requise qu’impose l’alinéa a) de
l’article 41 en ce qui concerne l’adoption et la mise en Œuvre des normes

et mesures appropriées est encore renforcée par la double exigence que
ces normes et mesures soient «conform[es] aux accords internationaux
applicables» et, «le cas échéant, en harmonie avec les directives et les
recommandations des organismes techniques internationaux». Cette exi-
gence présente l’avantage de garantir que les normes et mesures adoptées

par les parties soient conformes aux accords internationaux applicables et
prennent en même temps en compte les normes techniques convenues au
niveau international.
198. Enfin, la portée de l’obligation d’empêcher la pollution doit être

déterminée à la lumière de la définition de la pollution donnée à l’ar-
ticle 40 du statut de 1975. Celui-ci se lit ainsi: «Aux fins du présent statut,
le terme «pollution» désigne l’introduction directe ou indirecte par
l’homme de substances ou d’énergie nocives dans le milieu aquatique», le
concept d’«effets nocifs» étant pour sa part défini comme suit dans le

digeste de la CARU:
«tout changement de la qualité des eaux qui empêche ou entrave

leur utilisation légitime, produisant des effets délétères ou portant
atteinte aux ressources vivantes, un risque à la santé humaine, une
menace aux activités aquatiques y compris la pêche, ou la réduction
des activités de récréation» (titre I, chapitre 1, section 2, article 1,
alinéa c), du digeste de la CARU (E3)).

199. Le digeste reflète la volonté des Parties et leur interprétation des
dispositions du statut de 1975. Tout comme de nombreuses autres dispo-

sitions du statut, l’article 41 énonce les obligations d’ordre général, dont
les Parties sont convenues, de réglementer et de limiter l’utilisation du
fleuve et de protéger son environnement; c’est par le biais de l’activité
réglementaire coordonnée de la CARU, telle que définie à l’article 56 du
statut, de l’activité réglementaire de chacune des parties, ou par ces deux

moyens, qu’un contenu plus précis est donné à ces obligations d’ordre
général. Les deux types d’activités réglementaires sont conçus pour être
complémentaires. Ainsi qu’expliqué plus bas (voir paragraphes 201 à 202,
et 214), les normes établies par la CARU concernent principalement la
qualité de l’eau. Le digeste de la CARU établit seulement des limites

générales pour certains rejets ou effluents provenant d’installations indus-
trielles, tels que les «hydrocarbures», les «solides sédimentables» et les
«huiles et graisses», mais prévoit explicitement que la réglementation de
ces questions est du ressort de chacune des parties. Il dispose également
que, en ce qui concerne les effluents relevant de leur juridiction, chacune

des parties doit prendre les «mesures correctives» nécessaires pour assu-
rer la conformité aux normes relatives à la qualité de l’eau (digeste de la
CARU, point E3: pollution, titre 2, chapitre 5, section 1, article 3). En
Uruguay, ces mesures ont pris la forme d’un règlement sur la qualité des
o
eaux (décret n 253/79) et, en ce qui concerne l’usine Orion (Botnia),
des conditions imposées dans le cadre de l’autorisation délivrée par le

70rules and measures is further reinforced by the requirement that such
rules and measures must be “in accordance with applicable international

agreements” and “in keeping, where relevant, with the guidelines and
recommendations of international technical bodies”. This requirement
has the advantage of ensuring that the rules and measures adopted
by the parties both have to conform to applicable international agree-
ments and to take account of internationally agreed technical standards.

198. Finally, the scope of the obligation to prevent pollution must
be determined in light of the definition of pollution given in Article 40

of the 1975 Statute. Article 40 provides that: “For the purposes of this
Statute, pollution shall mean the direct or indirect introduction by
man into the aquatic environment of substances or energy which have
harmful effects.” The term “harmful effects” is defined in the CARU
Digest as:

“any alteration of the water quality that prevents or hinders any
legitimate use of the water, that causes deleterious effects or harm to
living resources, risks to human health, or a threat to water activities

including fishing or reduction of recreational activities” (Title I,
Chapter 1, Section 2, Article 1 (c) of the Digest (E3)).

199. The Digest expresses the will of the Parties and their interpreta-
tion of the provisions of the 1975 Statute. Article 41, not unlike many
other provisions of the 1975 Statute, lays down broad obligations
agreed to by the Parties to regulate and limit their use of the river and

to protect its environment. These broad obligations are given more
specific content through the co-ordinated rule-making action of
CARU as established under Article 56 of the 1975 Statute or through
the regulatory action of each of the parties, or by both means. The
two regulatory actions are meant to complement each other. As

discussed below (see paragraphs 201 to 202, and 214), CARU standards
concern mainly water quality. The CARU Digest sets only general
limits on certain discharges or effluents from industrial plants such as:
“hydrocarbons”, “sedimentable solids”, and “oils and greases”. As the
Digest makes explicit, those matters are left to each party to regulate.
The Digest provides that, as regards effluents within its jurisdiction,

each party shall take the appropriate “corrective measures” in order
to assure compliance with water quality standards (CARU Digest,
Sec. E3: Pollution, Title 2, Chapter 5, Section 1, Article 3). Uruguay has
taken that action in its Regulation on Water Quality (Decree No. 253/79)
and in relation to the Orion (Botnia) mill in the conditions stipulated in

the authorization issued by MVOTMA. In Argentina, the Entre Ríos
Province, which borders the river opposite the plant, has regulated indus-
trial discharges in a decree that also recognizes the binding effect of the

70MVOTMA. En Argentine, la province d’Entre Ríos, qui jouxte le fleuve
sur la rive opposée au site de l’usine, a réglementé les rejets industriels par

des décrets qui reconnaissent également le caoactère contraignant du
digeste de la CARU (décret réglementaire n 5837, gouvernement d’Entre
Ríos (26 décembre 1991), et décret réglementaire n 5394, gouvernement
d’Entre Ríos (7 avril 1997)).
200. La Cour estime qu’il convient de traiter à ce stade de la question

des règles à l’aune desquelles doit s’apprécier toute allégation de violation
et, plus précisément, l’existence d’«effets nocifs». La Cour considère
qu’il convient de rechercher ces règles dans le statut de 1975, dans les
mesures communes que les Parties ont adoptées de manière coor-

donnée par l’intermédiaire de la CARU (comme le prévoit le texte
introductif des articles 41 et 56 du statut), et dans les dispositions
réglementaires adoptées par chacune des Parties dans la mesure exigée
par le statut de 1975 (comme le prévoient les alinéas a), b) et c) de
l’article 41).

201. En vertu de l’alinéa a) de l’article 56, la CARU a notamment
pour fonction d’établir le cadre réglementaire relatif à la prévention de la
pollution ainsi qu’à la conservation et à la préservation des ressources
biologiques. C’est dans l’exercice de ce pouvoir réglementaire que la com-
mission a adopté en 1984 le digeste sur les utilisations des eaux du fleuve

Uruguay, qu’elle a depuis modifié. En 1990, lorsqu’elles ont adopté
le point E3 du digeste, les Parties ont indiqué l’avoir élaboré au titre
de l’alinéa f) de l’article 7 du traité de 1961 ainsi que des articles 35,
36, 41 à 45 et 56, alinéa a), point 4), du statut de 1975. Ainsi que men-
tionné dans le digeste, les «objectifs de base» du point E3 sont les

suivants:
«a) protéger et préserver le milieu aquatique et son équilibre éco-

logique;
b) assurer toute utilisation légitime des eaux, en tenant compte des
besoins à long terme et particulièrement [de] ceux concernant la
consommation humaine;
c) prévenir toute nouvelle forme de pollution et essayer de la

réduire, lorsque les valeurs de référence adoptées pour les dif-
férentes utilisations légitimes des eaux du fleuve sont dépassées;
d) promouvoir la recherche scientifique en matière de pollution.»
(Titre I, chapitre 2, section 1, article 1.)

202. Les normes établies dans le cadre du digeste ne sont toutefois pas
exhaustives. Comme cela a été indiqué précédemment, il est prévu qu’elles
soient complétées par les normes et mesures devant être adoptées par

chacune des Parties dans le cadre de sa législation interne.
La Cour appliquera donc, outre le statut de 1975, ces deux ensembles
de règles pour déterminer si les Parties ont violé les obligations qu’elles
avaient contractées en ce qui concerne les rejets d’effluents de l’usine et

l’impact de ces rejets sur la qualité des eaux, l’équilibre écologique et la
diversité biologique du fleuve.

71CARU Digest (Regulatory Decree No. 5837, Government of Entre Ríos,
26 December 1991, and Regulatory Decree No. 5394, Government

of Entre Ríos, 7 April 1997).

200. The Court considers it appropriate to now address the question

of the rules by which any allegations of breach are to be measured and,
more specifically, by which the existence of “harmful effects” is to be
determined. It is the view of the Court that these rules are to be found in
the 1975 Statute, in the co-ordinated position of the Parties established
through CARU (as the introductory phrases to Article 41 and Article 56

of the Statute contemplate) and in the regulations adopted by each Party
within the limits prescribed by the 1975 Statute (as paragraphs (a), (b)
and (c) of Article 41 contemplate).

201. The functions of CARU under Article 56 (a) include making
rules governing the prevention of pollution and the conservation

and preservation of living resources. In the exercise of its rule-making
power, the Commission adopted in 1984 the Digest on the uses of the
waters of the River Uruguay and has amended it since. In 1990, when
Section E3 of the Digest was adopted, the Parties recognized that it
was drawn up under Article 7 (f) of the 1961 Treaty and Articles 35,

36, 41 to 45 and 56 (a) (4) of the 1975 Statute. As stated in the
Digest, the “basic purposes” of Section E3 of the Digest are to be as
follows:

“(a) to protect and preserve the water and its ecological balance;

(b) to ensure any legitimate use of the water considering long term

needs and particularly human consumption needs;

(c) to prevent all new forms of pollution and to achieve its reduc-
tion in case the standard values adopted for the different legiti-
mate uses of the River’s water are exceeded;
(d) to promote scientific research on pollution.” (Title I, Chap-

ter 2, Section 1, Article 1.)
202. The standards laid down in the Digest are not, however, exhaus-

tive. As pointed out earlier, they are to be complemented by the rules and
measures to be adopted by each of the Parties within their domestic laws.

The Court will apply, in addition to the 1975 Statute, these two sets of
rules to determine whether the obligations undertaken by the Parties

have been breached in terms of the discharge of effluent by the mill as
well as in respect of the impact of those discharges on the quality of the
waters of the river, on its ecological balance and on its biodiversity.

71 a) Evaluation de l’impact sur l’environnement

203. La Cour se penchera maintenant sur la relation entre la nécessité
de réaliser une évaluation de l’impact sur l’environnement, lorsque l’acti-
vité projetée risque d’avoir un effet préjudiciable sur une ressource par-
tagée et de causer un dommage transfrontière, et les obligations qui
incombent aux Parties en vertu des alinéas a) et b) de l’article 41 du sta-

tut de 1975. Les Parties conviennent de la nécessité de procéder à une
évaluation de l’impact sur l’environnement. L’Argentine soutient que,
prises dans leur globalité, les obligations prévues par le statut imposaient
l’obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement

avant d’autoriser Botnia à construire l’usine, ce dont convient l’Uruguay.
En revanche, les Parties sont en désaccord quant à la portée et au
contenu de l’évaluation de l’impact sur l’environnement à laquelle aurait
dû procéder l’Uruguay en ce qui concerne le projet d’usine Orion (Bot-
nia). L’Argentine soutient en premier lieu que l’Uruguay a manqué de

s’assurer que «des évaluations environnementales complètes [avaient été]
préparées préalablement à ses décisions d’autoriser la construction…» et,
en second lieu, que «[l]es décisions de l’Uruguay [ont été] ... basées sur
des évaluations environnementales qui [n’étaient] pas satisfaisantes»,
essentiellement parce que l’Uruguay n’a pas pris en compte l’ensemble

des impacts potentiels de l’usine, alors que le droit international et la pra-
tique internationale l’exigeaient; elle mentionne à cet égard la convention
de 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière de la Commission économique des Nations Unies pour
l’Europe (ci-après la «convention d’Espoo») (RTNU, vol. 1989, p. 309)

ainsi que les buts et principes de l’évaluation de l’impact sur l’environne-
ment adoptés en 1987 par le Programme des Nations Unies pour l’envi-
ronnement (ci-après les «buts et principes du PNUE») (UNEP/WG.152/4
Annexe (1987), document adopté par le conseil d’administration du
PNUE lors de sa 14 session (déc. 14/25 (1987)). L’Uruguay admet que,

conformément à la pratique internationale, une évaluation de l’impact
sur l’environnement de l’usine Orion (Botnia) était nécessaire, mais sou-
tient que le droit international n’impose aucune condition quant au
contenu d’une telle évaluation, sa réalisation relevant d’une procédure
nationale, et non internationale, du moins lorsque le projet concerné n’est

pas un projet commun à plusieurs Etats. L’Uruguay estime que, en vertu
de la pratique des Etats et du projet d’articles sur la prévention des dom-
mages transfrontières résultant d’activités dangereuses adopté en 2001
par la Commission du droit international, le droit international lui impose
uniquement d’évaluer les éventuels effets nocifs transfrontières du

projet sur les êtres humains, les biens et l’environnement des autres Etats,
sans qu’il soit nécessaire d’évaluer les risques lointains ou purement
théoriques.
204. La Cour considère que, pour s’acquitter comme il se doit des obli-

gations qu’elles tiennent des alinéas a) et b) de l’article 41 du statut
de 1975, les Parties sont tenues, aux fins de protéger et de préserver le

72 (a) Environmental Impact Assessment

203. The Court will now turn to the relationship between the need for
an environmental impact assessment, where the planned activity is liable
to cause harm to a shared resource and transboundary harm, and the
obligations of the Parties under Article 41 (a) and (b) of the 1975 Stat-
ute. The Parties agree on the necessity of conducting an environmental

impact assessment. Argentina maintains that the obligations under the
1975 Statute viewed together impose an obligation to conduct an envi-
ronmental impact assessment prior to authorizing Botnia to construct the
plant. Uruguay also accepts that it is under such an obligation. The
Parties disagree, however, with regard to the scope and content of the

environmental impact assessment that Uruguay should have carried out
with respect to the Orion (Botnia) mill project. Argentina maintains in
the first place that Uruguay failed to ensure that “full environmental
assessments [had been] produced, prior to its decision to authorize the
construction . . .”; and in the second place that “Uruguay’s decisions
[were] . . . based on unsatisfactory environmental assessments”, in par-

ticular because Uruguay failed to take account of all potential impacts
from the mill, even though international law and practice require it, and
refers in this context to the 1991 Convention on Environmental Impact
Assessment in a Transboundary Context of the United Nations Eco-
nomic Commission for Europe (hereinafter the “Espoo Convention”)

(UNTS, Vol. 1989, p. 309), and the 1987 Goals and Principles of Envi-
ronmental Impact Assessment of the United Nations Environment Pro-
gramme (hereinafter the “UNEP Goals and Principles”) (UNEP/
WG.152/4 Annex (1987), document adopted by UNEP Governing
Council at its 14th Session (Dec. 14/25 (1987)). Uruguay accepts that, in

accordance with international practice, an environmental impact assess-
ment of the Orion (Botnia) mill was necessary, but argues that interna-
tional law does not impose any conditions upon the content of
such an assessment, the preparation of which being a national, not
international, procedure, at least where the project in question is not

one common to several States. According to Uruguay, the only
requirements international law imposes on it are that there must
be assessments of the project’s potential harmful transboundary
effects on people, property and the environment of other States, as
required by State practice and the International Law Commission 2001
draft Articles on Prevention of Transboundary Harm from Hazardous

Activities, without there being any need to assess remote or purely
speculative risks.

204. It is the opinion of the Court that in order for the Parties prop-
erly to comply with their obligations under Article 41 (a) and (b) of the
1975 Statute, they must, for the purposes of protecting and preserving the

72milieu aquatique lorsqu’elles envisagent des activités pouvant éventuelle-
ment causer un dommage transfrontière, de procéder à une évaluation de

l’impact sur l’environnement. Comme la Cour l’a relevé dans l’affaire du
Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes ,

«il existe des cas où l’intention des parties au moment même de la
conclusion du traité a été, ou peut être présumée avoir été, de confé-
rer aux termes employés — ou à certains d’entre eux — un sens ou
un contenu évolutif et non pas intangible, pour tenir compte notam-
ment de l’évolution du droit international» (Différend relatif à des

droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicara-
gua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009 , p. 242, par. 64).

Ainsi, l’obligation de protéger et de préserver, énoncée à l’alinéa a) de
l’article 41 du statut, doit être interprétée conformément à une pratique
acceptée si largement par les Etats ces dernières années que l’on peut
désormais considérer qu’il existe, en droit international général, une obli-
gation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement lors-
que l’activité industrielle projetée risque d’avoir un impact préjudiciable

important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une res-
source partagée. De plus, on ne pourrait considérer qu’une partie s’est
acquittée de son obligation de diligence, et du devoir de vigilance et de
prévention que cette obligation implique, dès lors que, prévoyant de réa-
liser un ouvrage suffisamment important pour affecter le régime du fleuve

ou la qualité de ses eaux, elle n’aurait pas procédé à une évaluation de
l’impact sur l’environnement permettant d’apprécier les effets éventuels
de son projet.
205. La Cour note que ni le statut de 1975 ni le droit international
général ne précisent la portée et le contenu des évaluations de l’impact sur

l’environnement. Elle relève par ailleurs que l’Argentine et l’Uruguay ne
sont pas parties à la convention d’Espoo. Enfin, elle constate que l’autre
instrument cité par l’Argentine à l’appui de son argument, à savoir les
buts et principes du PNUE, ne lie pas les Parties, mais doit, en tant qu’il
s’agit de directives établies par un organisme technique international, être

pris en compte par chacune des Parties conformément à l’alinéa a) de
l’article 41 lorsqu’elle adopte des mesures dans le cadre de sa réglemen-
tation interne. En outre, cet instrument dispose seulement que «[l]es
effets sur l’environnement devraient être évalués, dans une [évaluation de
l’impact sur l’environnement], à un niveau de détail correspondant à leur
importance probable du point de vue de l’environnement» (principe 5),

mais ne spécifie aucunement les éléments qu’une telle évaluation doit à
tout le moins contenir. Dès lors, la Cour estime qu’il revient à chaque
Etat de déterminer, dans le cadre de sa législation nationale ou du pro-
cessus d’autorisation du projet, la teneur exacte de l’évaluation de l’impact
sur l’environnement requise dans chaque cas en prenant en compte la

nature et l’ampleur du projet en cause et son impact négatif probable sur
l’environnement, ainsi que la nécessité d’exercer, lorsqu’il procède à une
telle évaluation, toute la diligence requise. La Cour estime par ailleurs

73aquatic environment with respect to activities which may be liable to
cause transboundary harm, carry out an environmental impact assess-

ment. As the Court has observed in the case concerning the Dispute
Regarding Navigational and Related Rights ,

“there are situations in which the parties’ intent upon conclusion of
the treaty was, or may be presumed to have been, to give the terms
used — or some of them — a meaning or content capable of evolv-
ing, not one fixed once and for all, so as to make allowance for,
among other things, developments in international law” (Dispute

Regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicara-
gua), Judgment, I.C.J. Reports 2009 , p. 242, para. 64).

In this sense, the obligation to protect and preserve, under Article 41 (a)
of the Statute, has to be interpreted in accordance with a practice, which
in recent years has gained so much acceptance among States that it may
now be considered a requirement under general international law to
undertake an environmental impact assessment where there is a risk that
the proposed industrial activity may have a significant adverse impact in

a transboundary context, in particular, on a shared resource. Moreover,
due diligence, and the duty of vigilance and prevention which it implies,
would not be considered to have been exercised, if a party planning
works liable to affect the régime of the river or the quality of its waters
did not undertake an environmental impact assessment on the potential

effects of such works.

205. The Court observes that neither the 1975 Statute nor general
international law specify the scope and content of an environmental

impact assessment. It points out moreover that Argentina and Uruguay
are not parties to the Espoo Convention. Finally, the Court notes that
the other instrument to which Argentina refers in support of its argu-
ments, namely, the UNEP Goals and Principles, is not binding on the
Parties, but, as guidelines issued by an international technical body, has

to be taken into account by each Party in accordance with Article 41 (a)
in adopting measures within its domestic regulatory framework. More-
over, this instrument provides only that the “environmental effects in an
EIA should be assessed with a degree of detail commensurate with their
likely environmental significance” (Principle 5) without giving any indica-
tion of minimum core components of the assessment. Consequently, it is

the view of the Court that it is for each State to determine in its domestic
legislation or in the authorization process for the project, the specific
content of the environmental impact assessment required in each case,
having regard to the nature and magnitude of the proposed development
and its likely adverse impact on the environment as well as to the need

to exercise due diligence in conducting such an assessment. The Court
also considers that an environmental impact assessment must be
conducted prior to the implementation of a project. Moreover, once

73qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement doit être réalisée avant
la mise en Œuvre du projet. En outre, une fois les opérations commencées,

une surveillance continue des effets dudit projet sur l’environnement sera
mise en place, qui se poursuivra au besoin pendant toute la durée de vie
du projet.
206. La Cour a déjà examiné la place qu’occupe l’évaluation de l’impact
sur l’environnement dans le cadre des obligations de nature procédurale

imposées aux Parties par le statut de 1975 (paragraphes 119 et 120). Elle
se penchera à présent sur les points en litige concernant spécifiquement le
rôle de ce type d’évaluation dans le respect des obligations de fond des
Parties, c’est-à-dire sur les questions de savoir, d’une part, si cette évalua-
tion aurait, sur le plan méthodologique, nécessairement dû envisager

d’autres sites possibles, compte tenu de la capacité de réception du
fleuve dans la zone où l’usine devait être construite, et, d’autre part, si les
populations susceptibles d’être affectées, en l’occurrence les popula-
tions riveraines uruguayenne comme argentine, auraient dû être
consultées, ou l’ont en fait été, dans le cadre d’une évaluation de
l’impact sur l’environnement.

i) Le choix du site de Fray Bentos pour l’usine Orion (Botnia)

207. Selon l’Argentine, si l’évaluation de l’impact sur l’environnement
réalisée par l’Uruguay est insuffisante, c’est notamment parce qu’elle ne

prévoit pas d’autres emplacements possibles pour la construction de
l’usine, comme l’exige le droit international (buts et principes du PNUE,
convention d’Espoo, politique opérationnelle SFI 4.01). L’Argentine sou-
tient que le site choisi est particulièrement sensible d’un point de vue éco-
logique et qu’il n’est pas propice à la dispersion des polluants «eu égard

à la nature des eaux qui recevront la pollution, à la propension du site à
la sédimentation et à l’eutrophisation, au phénomène d’inversion de cou-
rant et à la proximité de l’agglomération la plus importante du fleuve
Uruguay».
208. L’Uruguay répond que le site de Fray Bentos a été initialement

retenu en raison du volume d’eau particulièrement important du fleuve à
cet endroit, qui constituerait un facteur propice à la dilution des effluents.
Il précise que le site est en outre aisément accessible par voie fluviale, ce
qui facilite la livraison des matières premières, et qu’une main-d’Œuvre
locale y est disponible. L’Uruguay considère que, s’il existe une obliga-
tion d’envisager d’autres sites, les instruments invoqués en ce sens par

l’Argentine ne font pas obligation de le faire dans le cadre d’une évalua-
tion de l’impact sur l’environnement, à moins que les circonstances ne
l’imposent. Enfin, l’Uruguay affirme qu’il a de toute façon étudié les
autres sites possibles et que l’opportunité du choix du site de l’usine
Orion (Botnia) a été évaluée de manière exhaustive.

209. La Cour examinera à présent la question de savoir si, d’une part,
l’Uruguay a manqué d’exercer la diligence requise dans le cadre de
son évaluation de l’impact sur l’environnement, en particulier en ce qui

74operations have started and, where necessary, throughout the life of the
project, continuous monitoring of its effects on the environment shall be

undertaken.

206. The Court has already considered the role of the environmental
impact assessment in the context of the procedural obligations of the

Parties under the 1975 Statute (paragraphs 119 and 120). It will now deal
with the specific points in dispute with regard to the role of this type of
assessment in the fulfilment of the substantive obligations of the Parties,
that is to say, first, whether such an assessment should have, as a matter
of method, necessarily considered possible alternative sites, taking into

account the receiving capacity of the river in the area where the plant was
to be built and, secondly, whether the populations likely to be affected, in
this case both the Uruguayan and Argentine riparian populations, should
have, or have in fact, been consulted in the context of the environmental
impact assessment.

(i) The siting of the Orion (Botnia) mill at Fray Bentos

207. According to Argentina, one reason why Uruguay’s environmen-
tal impact assessment is inadequate is that it contains no analysis of alter-

natives for the choice of the mill site, whereas the study of alternative
sites is required under international law (UNEP Goals and Principles,
Espoo Convention, IFC Operational Policy 4.01). Argentina contends
that the chosen site is particularly sensitive from an ecological point of
view and unconducive to the dispersion of pollutants “[b]ecause of the

nature of the waters which will receive the pollution, the propensity of
the site to sedimentation and eutrophication, the phenomenon of reverse
flow and the proximity of the largest settlement on the River Uruguay”.

208. Uruguay counters that the Fray Bentos site was initially chosen

because of the particularly large volume of water in the river at that
location, which would serve to promote effluent dilution. Uruguay
adds that the site is moreover easily accessible for river navigation, which
facilitates delivery of raw materials, and local manpower is available
there. Uruguay considers that, if there is an obligation to consider
alternative sites, the instruments invoked for that purpose by Argentina

do not require alternative locations to be considered as part of an
environmental impact assessment unless it is necessary in the circum-
stances to do so. Finally, Uruguay affirms that in any case it did so
and that the suitability of the Orion (Botnia) site was comprehensively
assessed.

209. The Court will now consider, first, whether Uruguay failed to
exercise due diligence in conducting the environmental impact assess-
ment, particularly with respect to the choice of the location of the plant

74concerne le choix de l’emplacement de l’usine, et si, d’autre part, le site
retenu, en l’occurrence Fray Bentos, était impropre à la construction

d’une installation produisant des rejets industriels de cette nature et de
cette ampleur ou pouvait avoir un impact préjudiciable sur le fleuve.
210. S’agissant du premier point, la Cour a déjà indiqué que la conven-
tion d’Espoo n’était pas applicable en l’espèce (voir paragraphe 205 ci-
dessus); pour ce qui est des buts et principes du PNUE auxquels l’Argen-

tine fait référence, et dont le caractère juridique a été explicité plus haut
au paragraphe 205, la Cour rappelle que l’alinéa c) du principe 4 dispose
simplement qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement doit au
minimum contenir «[une] description des autres solutions possibles, le cas
échéant». Il convient par ailleurs de noter que l’Uruguay a précisé à plu-

sieurs reprises que l’opportunité du choix de Fray Bentos avait été éva-
luée de manière exhaustive et que d’autres emplacements possibles avaient
été envisagés. La Cour relèvera encore que l’étude d’impact cumulé (ci-
après «CIS», selon l’acronyme anglais de «Cumulative Impact Study»)
finale réalisée par la SFI en septembre 2006 montre que Botnia a évalué
au total quatre sites en 2003 — La Paloma, Paso de los Toros, Nueva Pal-

mira et Fray Bentos —, avant de retenir celui de Fray Bentos. Ces éva-
luations concluaient que le site de La Paloma ne convenait pas parce que
les quantités d’eau douce y étaient limitées et qu’il abritait d’importantes
populations d’oiseaux, que celui de Nueva Palmira devait être écarté
en raison de la présence de zones résidentielles, récréatives et culturel-

lement importantes à proximité, et que celui de Paso de los Toros
était à exclure en raison d’un trop faible débit pendant la saison
sèche, d’un conflit potentiel avec d’autres utilisations de l’eau et d’un
manque d’infrastructures. Dès lors, la Cour n’est pas convaincue
par l’argument de l’Argentine selon lequel une évaluation des diffé-

rents sites possibles n’a pas eu lieu avant le choix de l’emplacement
définitif.
211. S’agissant du second point, la Cour ne peut manquer d’observer
que le choix de l’emplacement effectif d’une usine telle que celle cons-
truite le long du fleuve Uruguay devrait tenir compte de la capacité des

eaux du fleuve à recevoir, diluer et disperser des rejets d’effluents d’une
installation de cette nature et de cette ampleur.
212. La Cour relève que, sur la question de la capacité de réception des
eaux du fleuve à l’emplacement de l’usine, les Parties sont en désaccord
sur les caractéristiques géomorphologiques et hydrodynamiques du fleuve
dans la zone en question, notamment en ce qui concerne son débit et la

manière dont le courant, y compris son sens et sa vitesse, agit à son tour
sur la dispersion et la dilution des polluants. Les différentes interpréta-
tions avancées par les Parties quant au débit du fleuve résultent peut-être
des différents modèles utilisés par celles-ci pour analyser les caractéristi-
ques hydrodynamiques du fleuve Uruguay à Fray Bentos. L’Argentine a

eu recours à un modèle tridimensionnel s’appuyant sur des mesures de la
vitesse et du sens du courant à dix profondeurs différentes, et s’est servie
d’un sonar — un profileur de courant à effet Doppler (ci-après «sonar

75and, secondly, whether the particular location chosen for the siting of the
plant, in this case Fray Bentos, was unsuitable for the construction of a

plant discharging industrial effluent of this nature and on this scale, or
could have a harmful impact on the river.
210. Regarding the first point, the Court has already indicated that the
Espoo Convention is not applicable to the present case (see paragraph 205
above); while with respect to the UNEP Goals and Principles to which

Argentina has referred, whose legal character has been described in para-
graph 205 above, the Court recalls that Principle 4 (c) simply provides
that an environmental impact assessment should include, at a minimum,
“[a] description of practical alternatives, as appropriate”. It is also to be
recalled that Uruguay has repeatedly indicated that the suitability of the

Fray Bentos location was comprehensively assessed and that other pos-
sible sites were considered. The Court further notes that the IFC’s Final
Cumulative Impact Study of September 2006 (hereinafter “CIS”) shows
that in 2003 Botnia evaluated four locations in total at La Paloma, at
Paso de los Toros, at Nueva Palmira, and at Fray Bentos, before choos-
ing Fray Bentos. The evaluations concluded that the limited amount of

fresh water in La Paloma and its importance as a habitat for birds ren-
dered it unsuitable, while for Nueva Palmira its consideration was dis-
couraged by its proximity to residential, recreational, and culturally
important areas, and with respect to Paso de los Toros insufficient flow
of water during the dry season and potential conflict with competing

water uses, as well as a lack of infrastructure, led to its exclusion. Con-
sequently, the Court is not convinced by Argentina’s argument that an
assessment of possible sites was not carried out prior to the determina-
tion of the final site.

211. Regarding the second point, the Court cannot fail to note that
any decision on the actual location of such a plant along the River Uru-
guay should take into account the capacity of the waters of the river to

receive, dilute and disperse discharges of effluent from a plant of this
nature and scale.
212. The Court notes, with regard to the receiving capacity of the
river at the location of the mill, that the Parties disagree on the geo-
morphological and hydrodynamic characteristics of the river in the
relevant area, particularly as they relate to river flow, and how the

flow of the river, including its direction and its velocity, in turn
determines the dispersal and dilution of pollutants. The differing views
put forward by the Parties with regard to the river flow may be due to
the different modelling systems which each has employed to analyse
the hydrodynamic features of the River Uruguay at the Fray Bentos

location. Argentina implemented a three-dimensional modelling that
measured speed and direction at ten different depths of the river
and used a sonar — an Acoustic Doppler Current Profiler (hereafter

75ADCP») — pour enregistrer, pendant environ un an, la vitesse du cou-
rant à différentes profondeurs. Le système tridimensionnel a produit

un grand nombre de données, intégrées ensuite dans un modèle hydro-
dynamique numérique. En revanche, Botnia a fondé son évaluation
de l’impact sur l’environnement sur un modèle bidimensionnel — le
RMA2. L’étude d’impact cumulé d’EcoMetrix, quant à elle, se fondait
à la fois sur un modèle tridimensionnel et sur un modèle bidimen-

sionnel, mais n’indiquait pas si un sonar ADCP avait été utilisé à
différentes profondeurs.
213. La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner en détail la validité
scientifique et technique des différents types de modélisation, de calibrage
et de validation mis en Œuvre par les Parties pour déterminer le débit du

fleuve et le sens de son courant dans la zone concernée. La Cour observe
cependant que, si les deux Parties conviennent que des inversions de cou-
rant se produisent fréquemment et que des périodes de bas débit et de
stagnation peuvent être observées dans la zone concernée, elles sont en
désaccord sur les conséquences de ces phénomènes pour les rejets de
l’usine Orion (Botnia) dans ce tronçon du fleuve.

214. La Cour est d’avis que, en élaborant ses normes relatives à la
qualité de l’eau conformément aux articles 36 et 56 du statut de 1975, la
CARU a certainement tenu compte de la capacité de réception et de la
sensibilité des eaux du fleuve, y compris dans les zones fluviales qui bor-
dent Fray Bentos. Dès lors, s’il n’est pas établi que les rejets d’effluents de

l’usine Orion (Botnia) ont, du fait de leur taux de concentration, excédé
les limites fixées par ces normes, la Cour ne saurait conclure que l’Uru-
guay a violé les obligations lui incombant en vertu du statut de 1975. Qui
plus est, aucune des Parties n’a soutenu devant la Cour que, en élaborant
ses normes relatives à la qualité de l’eau, la CARU n’avait pas dûment

tenu compte des caractéristiques géomorphologiques et hydrologiques du
fleuve et de la capacité de ses eaux à disperser et diluer différents types de
rejets. La Cour estime que, si pareille insuffisance était avérée, notam-
ment en ce qui concerne certaines portions du fleuve, telles que le tronçon
qui borde Fray Bentos, les Parties devraient entamer une révision des

normes relatives à la qualité de l’eau établies par la CARU pour s’assurer
qu’elles tiennent bien compte des caractéristiques du fleuve et permettent
d’en protéger les eaux et l’écosystème.

ii) Consultation des populations concernées

215. Les Parties sont en désaccord sur la mesure dans laquelle les
populations susceptibles d’être affectées par la construction de l’usine
Orion (Botnia), notamment les riverains en Argentine, ont été consultées
au cours de la réalisation de l’évaluation de l’impact sur l’environnement.
Les deux Parties conviennent que la consultation des populations concer-

nées doit faire partie de l’évaluation de l’impact sur l’environnement,
mais l’Argentine affirme que le droit international impose aux Etats des
obligations spécifiques à cet égard. A l’appui de cet argument, elle cite les

76“ADCP”) — to record water flow velocities for a range of depths for
about a year. The three-dimensional system generated a large number of

data later introduced in a numerical hydrodynamic model. On the
other hand, Botnia based its environmental impact assessment on a bi-
dimensional modelling — the RMA2. The EcoMetrix CIS implemented
both three-dimensional and bi-dimensional models. However, it
is not mentioned whether an ADCP sonar was used at different

depths.

213. The Court sees no need to go into a detailed examination of the
scientific and technical validity of the different kinds of modelling, cali-
bration and validation undertaken by the Parties to characterize the rate

and direction of flow of the waters of the river in the relevant area. The
Court notes however that both Parties agree that reverse flows occur fre-
quently and that phenomena of low flow and stagnation may be observed
in the concerned area, but that they disagree on the implications of this
for the discharges from the Orion (Botnia) mill into this area of the river.

214. The Court considers that in establishing its water quality stand-
ards in accordance with Articles 36 and 56 of the 1975 Statute, CARU
must have taken into account the receiving capacity and sensitivity of the
waters of the river, including in the areas of the river adjacent to Fray
Bentos. Consequently, in so far as it is not established that the discharges

of effluent of the Orion (Botnia) mill have exceeded the limits set by those
standards, in terms of the level of concentrations, the Court finds itself
unable to conclude that Uruguay has violated its obligations under the
1975 Statute. Moreover, neither of the Parties has argued before the
Court that the water quality standards established by CARU have not

adequately taken into consideration the geomorphological and hydro-
logical characteristics of the river and the capacity of its waters to dis-
perse and dilute different types of discharges. The Court is of the opinion
that, should such inadequacy be detected, particularly with respect to cer-
tain areas of the river such as at Fray Bentos, the Parties should initiate

a review of the water quality standards set by CARU and ensure that
such standards clearly reflect the characteristics of the river and are capa-
ble of protecting its waters and its ecosystem.

(ii) Consultation of the affected populations

215. The Parties disagree on the extent to which the populations
likely to be affected by the construction of the Orion (Botnia) mill,
particularly on the Argentine side of the river, were consulted in the
course of the environmental impact assessment. While both Parties
agree that consultation of the affected populations should form part

of an environmental impact assessment, Argentina asserts that inter-
national law imposes specific obligations on States in this regard.
In support of this argument, Argentina points to Articles 2.6 and 3.8 of

76articles 2.6 et 3.8 de la convention d’Espoo, l’article 13 du projet d’arti-
cles de la Commission du droit international de 2001 sur la prévention

des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et les
principes 7 et 8 des buts et principes du PNUE. L’Uruguay estime que
les dispositions invoquées par l’Argentine ne peuvent servir de fon-
dement juridique à une obligation de consulter les populations
concernées et ajoute qu’en tout état de cause ces populations ont bien

été consultées.
216. La Cour estime qu’aucune obligation juridique de consulter les
populations concernées ne découle pour les Parties des instruments invo-
qués par l’Argentine.
217. En ce qui concerne les faits de l’espèce, la Cour note que, tant

avant qu’après l’octroi de l’autorisation environnementale préalable,
l’Uruguay a entrepris des activités visant à consulter les populations
concernées, à la fois sur la rive argentine et sur la rive uruguayenne du
fleuve. Ainsi, des réunions ont eu lieu le 2 décembre 2003 à Río Negro et
le 26 mai 2004 à Fray Bentos, avec la participation d’organisations non
gouvernementales argentines. En outre, le 21 décembre 2004, une séance

publique de discussion a eu lieu à Fray Bentos, qui, selon l’Uruguay, a
porté entre autres sujets sur la

«manipulation de produits chimiques dans l’usine et dans le port,
l’apparition de pluies acides, de dioxines, de furanes et d’autres com-
posés polychlorés hautement toxiques pouvant avoir des effets dom-
mageables sur l’environnement, la conformité à la convention de
Stockholm, les rejets atmosphériques de l’usine, les émissions élec-

tromagnétiques et électrostatiques [et] les rejets liquides dans le
fleuve».

Des habitants de Fray Bentos et des régions voisines d’Uruguay et
d’Argentine ont participé à la réunion et présenté 138 documents, dans
lesquels sont exposées leurs questions ou préoccupations.
218. De plus, la Cour note que, entre juin et novembre 2005, plus de
quatre-vingts entretiens ont été menés par le Consensus Building Insti-

tute, organisation sans but lucratif spécialisée dans la facilitation du dia-
logue, la médiation et la négociation, que la SFI avait chargée de ce
travail. Ces entretiens se sont déroulés entre autres à Fray Bentos, Gua-
leguaychú, Montevideo et Buenos Aires; y ont notamment participé des
groupes de la société civile, des organisations non gouvernementales, des
associations professionnelles, des représentants officiels, des agences de

tourisme, des chefs d’entreprise locaux, des pêcheurs, des agriculteurs et
des propriétaires de plantations des deux rives du fleuve. En décembre
2005, le projet d’étude d’impact cumulé et le rapport du Consensus Buil-
ding Institute ont été publiés, et la SFI a ouvert une période de consulta-
tion afin de recevoir de nouveaux commentaires des parties prenantes en

Argentine et en Uruguay.
219. Compte tenu de ce qui précède, la Cour constate qu’une consulta-
tion par l’Uruguay des populations concernées a bien eu lieu.

77the Espoo Convention, Article 13 of the 2001 International Law
Commission draft Articles on Prevention of Transboundary Harm

from Hazardous Activities, and Principles 7 and 8 of the UNEP Goals
and Principles. Uruguay considers that the provisions invoked by
Argentina cannot serve as a legal basis for an obligation to consult the
affected populations and adds that in any event the affected populations
had indeed been consulted.

216. The Court is of the view that no legal obligation to consult the
affected populations arises for the Parties from the instruments invoked
by Argentina.
217. Regarding the facts, the Court notes that both before and after

thegrantingoftheinitialenvironmentalauthorization,Uruguaydidunder-
take activities aimed at consulting the affected populations, both on the
Argentine and the Uruguayan sides of the river. These activities included
meetings on 2 December 2003 in Río Negro, and on 26 May 2004 in Fray
Bentos, with participation of Argentine non-governmental organizations.
In addition, on 21 December 2004, a public hearing was convened in

Fray Bentos which, according to Uruguay, addressed among other sub-
jects, the

“handling of chemical products in the plant and in the port; the
appearance of acid rain, dioxins, furans and other polychlorates of
high toxicity that could affect the environment; compliance with the
Stockholm Convention; atmospheric emissions of the plant; electro-
magnetic and electrostatic emissions; [and] liquid discharges into the

river”.

Inhabitants of Fray Bentos and nearby regions of Uruguay and Argen-
tina participated in the meeting and submitted 138 documents containing
questions or concerns.
218. Further, the Court notes that between June and November 2005
more than 80 interviews were conducted by the Consensus Building

Institute, a non-profit organization specializing in facilitated dialogues,
mediation, and negotiation, contracted by the IFC. Such interviews
were conducted inter alia in Fray Bentos, Gualeguaychú, Montevideo,
and Buenos Aires, with interviewees including civil society groups,
non-governmental organizations, business associations, public officials,
tourism operators, local business owners, fishermen, farmers and

plantation owners on both sides of the river. In December 2005, the
draft CIS and the report prepared by the Consensus Building
Institute were released, and the IFC opened a period of consultation
to receive additional feedback from stakeholders in Argentina and
Uruguay.

219. In the light of the above, the Court finds that consultation by
Uruguay of the affected populations did indeed take place.

77 b) La question des techniques de production utilisées à l’usine Orion
(Botnia)

220. L’Argentine soutient que l’Uruguay n’a pas pris toutes les me-
sures propres à empêcher la pollution en n’exigeant pas de l’usine qu’elle
utilise les «meilleures techniques disponibles», alors que cette exigence
résulterait de l’alinéa d) de l’article 5 de la convention POP, dont les dis-

positions seraient incorporées, par l’effet de la «clause de renvoi», dans
l’alinéa a) de l’article 41 du statut de 1975. Selon l’Argentine, les rap-
ports d’experts qu’elle cite établissent que l’usine n’utilise pas les meilleu-
res techniques disponibles et que ses performances sont en deçà des
normes internationales, si l’on considère les diverses techniques de pro-

duction de pâte à papier disponibles. L’Uruguay conteste ces affirma-
tions. S’appuyant sur l’étude d’impact cumulé finale, le deuxième rap-
port Hatfield et l’audit réalisé à la demande de la SFI par l’AMEC,
l’Uruguay affirme que, par la technologie qu’elle emploie, l’usine Orion
(Botnia) est une des usines de pâte à papier les plus performantes au
monde, mettant en Œuvre les meilleures techniques disponibles et se

conformant notamment aux normes fixées par l’Union européenne dans
ce domaine.
221. L’Argentine, cependant, dénonce en particulier l’absence de tout
«traitement tertiaire des effluents» (c’est-à-dire un troisième traitement
des résidus de production avant leur rejet dans la nature), qui serait

nécessaire pour réduire le volume des nutriments, dont le phosphore, dès
lors que les rejets sont déversés dans un environnement très sensible.
L’usine de pâte à papier est, selon l’Argentine, également dépourvue d’un
bassin d’urgence vide, censé contenir les déversements soudains
d’effluents. Répondant à une question posée par un juge, l’Argentine

estime qu’il serait possible d’ajouter un système de traitement tertiaire,
mais que l’Uruguay n’a pas évalué comme il se devait les possibilités
s’offrant en la matière à l’usine Orion (Botnia).
222. L’Uruguay fait observer que «les experts n’ont pas jugé néces-
saire de prévoir, pour l’usine, une phase de traitement tertiaire». En

réponse à cette même question, l’Uruguay a fait valoir que, bien que pos-
sible, l’ajout d’une installation de traitement tertiaire ne serait pas globa-
lement bénéfique pour l’environnement, puisqu’il entraînerait une hausse
importante de la consommation d’énergie, des émissions de carbone de
l’usine, de la production de boues et de l’utilisation de produits chimi-
ques. L’Uruguay a invariablement soutenu que la technique de blanchi-

ment utilisée était adéquate, que les bassins d’urgence installés étaient
suffisants, que la production de composés chimiques synthétiques de
l’usine répondait aux exigences technologiques et que le risque potentiel
de cette production avait bien été évalué.
223. Tout d’abord, la Cour fera observer que l’obligation d’empêcher

la pollution et de protéger ainsi que de préserver le milieu aquatique du
fleuve Uruguay énoncée à l’alinéa a) de l’article 41, et l’exercice de la dili-
gence requise («due diligence») qu’elle implique, entraîne la nécessité

78 (b) Question of the production technology used in the Orion (Botnia)
mill

220. Argentina maintains that Uruguay has failed to take all measures
to prevent pollution by not requiring the mill to employ the “best avail-
able techniques”, even though this is required under Article 5 (d) of the
POPs Convention, the provisions of which are incorporated by virtue of

the “referral clause” in Article 41 (a) of the 1975 Statute. According to
Argentina, the experts’ reports it cites establish that the mill does not use
best available techniques and that its performance is not up to interna-
tional standards, in the light of the various techniques available for pro-
ducing pulp. Uruguay contests these claims. Relying on the CIS, the

second Hatfield report and the audit conducted by AMEC at the IFC’s
request, Uruguay asserts that the Orion (Botnia) mill is, by virtue of the
technology employed there, one of the best pulp mills in the world,
applying best available techniques and complying with European Union
standards, among others, in the area.

221. Argentina, however, specifically criticizes the absence of any “ter-
tiary treatment of effluent” (i.e., a third round of processing production
waste before discharge into the natural environment), which is necessary

to reduce the quantity of nutrients, including phosphorus, since the efflu-
ent is discharged into a highly sensitive environment. The mill also lacks,
according to Argentina, an empty emergency basin, designed to contain
effluent spills. Answering a question asked by a judge, Argentina consid-
ers that a tertiary treatment would be possible, but that Uruguay failed to

conduct an adequate assessment of tertiary treatment options for the
Orion (Botnia) mill.

222. Uruguay observes that “the experts did not consider it necessary
to equip the mill with a tertiary treatment phase”. Answering the same

question, Uruguay argued that, though feasible, the addition of a tertiary
treatment facility would not be environmentally advantageous overall, as
it would significantly increase the energy consumption of the plant, its
carbon emissions, together with sludge generation and chemical use.
Uruguay has consistently maintained that the bleaching technology used
is acceptable, that the emergency basins in place are adequate, that the

mill’s production of synthetic chemical compounds meets technological
requirements and that the potential risk from this production was indeed
assessed.

223. To begin with, the Court observes that the obligation to prevent

pollution and protect and preserve the aquatic environment of the River
Uruguay, laid down in Article 41 (a), and the exercise of due diligence
implied in it, entail a careful consideration of the technology to be used

78d’examiner avec soin la technologie à laquelle l’installation industrielle a
recours, en particulier dans un secteur tel que celui de la fabrication de

pâte à papier, où sont souvent employées ou produites des substances
ayant un impact sur l’environnement. Ce point est d’autant plus impor-
tant que, aux termes de l’alinéa a) de l’article 41, le cadre réglementaire
qu’il incombe aux Parties d’adopter doit être en harmonie avec les direc-
tives et les recommandations des organismes techniques internationaux.

224. La Cour note que l’usine Orion (Botnia) utilise le procédé Kraft
de fabrication de pâte blanchie. D’après le document de référence de
décembre 2001 sur les meilleures techniques disponibles en matière de
prévention et de réduction intégrées de la pollution dans l’industrie de la
pâte à papier (ci-après «IPPC-BAT») de la Commission européenne, que

les Parties ont qualifié de texte de référence pour ce secteur, le procédé
Kraft, déjà utilisé à l’époque dans environ 80% de la production mon-
diale de pâte à papier, constitue donc le procédé de production chimique
de pâte à papier le plus répandu. L’usine utilise un procédé de blanchi-
ment exempt de chlore élémentaire dit «léger» («ECF light»), ainsi que
des systèmes de traitement des eaux usées primaire et secondaire faisant

intervenir un procédé de traitement par boues activées.
225. La Cour estime que, s’agissant de la technologie employée, et sur
la base des documents que lui ont soumis les Parties, en particulier du
document IPPC-BAT, aucun élément de preuve ne vient à l’appui de la
prétention de l’Argentine selon laquelle l’usine Orion (Botnia) n’appli-

querait pas les meilleures techniques disponibles en matière de rejets
d’effluents par tonne de pâte à papier produite. Cette conclusion est
étayée par le fait que, comme démontré ci-dessous, l’Argentine n’a pas
présenté d’éléments de preuve établissant clairement que l’usine Orion
(Botnia) ne respecte pas les prescriptions du statut de 1975, du digeste de

la CARU ou des règlements applicables des Parties en ce qui concerne la
concentration d’effluents par litre d’eaux usées déversés par l’usine et la
quantité absolue d’effluents pouvant être rejetée en une journée.
226. La Cour rappelle que l’Uruguay a soumis de très nombreuses
informations relatives à la surveillance des effluents de l’usine Orion

(Botnia), qui figurent dans les multiples rapports établis par EcoMetrix et
la DINAMA (évaluation indépendante de la performance environnemen-
tale, réalisée par EcoMetrix à la demande de la SFI (phase 2: examen de
la performance environnementale à six mois), juillet 2008; évaluation
indépendante de la performance environnementale, réalisée par EcoMe-
trix à la demande de la SFI (phase 3: examen de la performance environ-

nementale de l’année 2008) (ci-après le «troisième rapport de suivi
d’EcoMetrix»), mars 2009; DINAMA, rapport d’évaluation de la per-
formance dans la première année d’opération de l’usine Orion (Botnia) et
de la qualité de l’environnement dans la zone d’influence, mai 2009;
DINAMA, rapport semestriel des résultats du plan de contrôle des émis-

sions et de la performance environnementale), et que l’Argentine a avancé,
à cet égard, que l’Uruguay bénéficiait, sur cette question, sinon de l’exclu-
sivité des éléments de preuve factuels, du moins d’un accès très privilégié

79by the industrial plant to be established, particularly in a sector such as
pulp manufacturing, which often involves the use or production of sub-

stances which have an impact on the environment. This is all the more
important in view of the fact that Article 41 (a) provides that the regu-
latory framework to be adopted by the Parties has to be in keeping with
the guidelines and recommendations of international technical bodies.

224. The Court notes that the Orion (Botnia) mill uses the bleached
Kraft pulping process. According to the December 2001 Integrated Pol-
lution Prevention and Control Reference Document on Best Available
Techniques in the Pulp and Paper Industry of the European Commission
(hereinafter “IPPC-BAT”), which the Parties referred to as the industry

standard in this sector, the Kraft process already accounted at that time
for about 80 per cent of the world’s pulp production and is therefore the
most applied production method of chemical pulping processes. The
plant employs an ECF-light (Elemental chlorine-free) bleaching process
and a primary and secondary wastewater treatment involving activated
sludge treatment.

225. The Court finds that, from the point of view of the technology
employed, and based on the documents submitted to it by the Parties,
particularly the IPPC-BAT, there is no evidence to support the claim of
Argentina that the Orion (Botnia) mill is not BAT-compliant in terms of

the discharges of effluent for each tonne of pulp produced. This finding is
supported by the fact that, as shown below, no clear evidence has been
presented by Argentina establishing that the Orion (Botnia) mill is not in
compliance with the 1975 Statute, the CARU Digest and applicable regu-
lations of the Parties in terms of the concentration of effluents per litre of

wastewater discharged from the plant and the absolute amount of efflu-
ents that can be discharged in a day.

226. The Court recalls that Uruguay has submitted extensive data
regarding the monitoring of effluent from the Orion (Botnia) mill, as

contained in the various reports by EcoMetrix and DINAMA
(EcoMetrix, Independent Performance Monitoring as required by the
IFC Phase 2: Six Month Environmental Performance Review (July
2008); EcoMetrix, Independent Performance Monitoring as required
by the IFC, Phase 3: Environmental Performance Review (2008
Monitoring Year) (hereinafter “EcoMetrix Third Monitoring Report”);

DINAMA, Performance Report for the First Year of Operation
of the Botnia Plant and the Environmental Quality of the Area of
Influence, May 2009; DINAMA, Six Month Report on the Botnia
Emission Control and Environmental Performance Plan), and that
Argentina expressed the view, in this regard, that Uruguay had on this

matter, much greater, if not exclusive, access to the factual evidence. How-
ever, the Court notes that Argentina has itself generated much factual
information and that the materials which Uruguay produced have

79à ceux-ci. La Cour note cependant que l’Argentine a elle-même produit
un grand nombre d’informations factuelles, et que les éléments soumis

par l’Uruguay ou bien lui ont été accessibles à différents stades de la pro-
cédure ou bien figurent dans le domaine public. Aussi n’estime-t-elle pas
que l’Argentine ait été désavantagée en ce qui concerne la production
d’éléments de preuve relatifs aux déversements d’effluents provenant de
l’usine de pâte à papier.

227. Afin de déterminer si les concentrations des polluants déversés
par l’usine Orion (Botnia) respectent les limites réglementaires, la Cour
devra les évaluer à l’aune des limites autorisées en matière de rejet
d’effluents — tant en ce qui concerne la concentration d’effluents par litre

d’eaux usées déversés qu’en ce qui concerne la quantité absolue d’effluents
pouvant être rejetée en une journée — figurant dans les textes de régle-
mentation applicables des Parties, tels que qualifiés plus haut par la Cour
au paragraphe 200, et dans les autorisations relatives à l’usine accordées
par les autorités uruguayennes. Le digeste, en effet, ne fixe que des limites

générales pour les «hydrocarbures», les «solides sédimentables» et les
«huiles et graisses», et n’en prévoit pas de spécifiques en ce qui concerne
les substances à propos desquelles les Parties sont en désaccord. L’Argen-
tine n’a pas allégué que l’usine Orion (Botnia) n’avait pas respecté les
normes de la CARU relatives aux effluents (digeste de la CARU, point

E3 (1984, tel que modifié)).
228. De l’examen des données réunies après sa mise en service, telles
qu’elles figurent dans les différents rapports de la DINAMA et d’EcoMe-
trix, il ne ressort pas que les rejets de l’usine Orion (Botnia) ont excédé les
limites fixées par les normes relatives aux effluents énoncées dans la régle-

mentation applicable de l’Uruguay telle que qualifiée plus haut par
la Cour au paragraphe 200 ou dans l’autorisation environnementale
préalable accordée par le MVOTMA (autorisation environnementale
préalable accordée pour l’usine Orion (Botnia) par le MVOTMA
(14 février 2005)), si ce n’est dans quelques cas où les concentrations ont

dépassé les limioes autorisées. Des valeurs excédant les limites prescrites
dans le décret n 253/79 ou dans l’autorisation environnementale préala-
ble du MVOTMA n’ont été mesurées qu’en ce qui concerne les paramè-
tres suivants: l’azote, les nitrates et les AOX (composés organo-halogénés
adsorbables). Dans ces cas, les mesures enregistrées pour un jour donné

dépassaient le maximum autorisé. Toutefois, l’autorisation environne-
mentale préalable du 14 février 2005 prévoit expressément la possibilité
de calculer pour ces paramètres une moyenne annuelle. Le dépassement
le plus notable est celui enregistré pour les AOX, paramètre utilisé sur le
plan international pour surveiller les effluents rejetés par les usines de

pâte à papier, comprenant parfois des polluants organiques persistants
(POP). Selon le document de référence sur les IPPC-BAT, soumis par les
Parties et considéré par elles comme le texte de référence pour ce secteur,
«les autorités chargées de la protection de l’environnement de nombreux

pays ont imposé des restrictions sévères aux rejets de substances organi-
ques chlorées, mesurées en AOX, dans le milieu aquatique». Après la

80been available to Argentina at various stages of the proceedings or
have been available in the public domain. Therefore the Court does

not consider that Argentina has been at a disadvantage with regard to the
production of evidence relating to the discharges of effluent of the mill.

227. To determine whether the concentrations of pollutants discharged
by the Orion (Botnia) mill are within the regulatory limits, the Court will
have to assess them against the effluent discharge limits — both in terms
of the concentration of effluents in each litre of wastewater discharged
and the absolute amount of effluents that can be discharged in a day —

prescribed by the applicable regulatory standards of the Parties, as char-
acterized by the Court in paragraph 200 above, and the permits issued
for the plant by the Uruguayan authorities, since the Digest only sets
general limits on “hydrocarbons”, “sedimentable solids”, and “oils and
greases”, but does not establish specific ones for the substances in conten-
tion between the Parties. Argentina did not allege any non-compliance of

the Orion (Botnia) mill with CARU’s effluent standards (CARU Digest,
Sec. E3 (1984, as amended)).

228. Taking into account the data collected after the start-up of the

mill as contained in the various reports by DINAMA and EcoMetrix, it
does not appear that the discharges from the Orion (Botnia) mill have
exceeded the limits set by the effluent standards prescribed by the rele-
vant Uruguayan regulation as characterized by the Court in para-
graph 200 above, or the initial environmental authorization issued by

MVOTMA (MVOTMA, Initial Environmental Authorization for the
Botnia Plant (14 February 2005)), except for a few instances in which the
concentrations have exceeded the limits. The only parameters for which a
recorded measurement exceeded the standards set by Decree No. 253/79
or the initial environmental authorization by MVOTMA are: nitrogen,

nitrates, and AOX (Adsorbable Organic Halogens). In those cases, meas-
urements taken on one day exceeded the threshold. However, the initial
environmental authorization of 14 February 2005 specifically allows
yearly averaging for the parameters. The most notable of these cases in
which the limits were exceeded is the one relating to AOX, which is the
parameter used internationally to monitor pulp mill effluent, sometimes

including persistent organic pollutants (POPs). According to the IPPC-
BAT reference document submitted by the Parties, and considered
by them as the industry standard in this sector, “the environmental
control authorities in many countries have set severe restrictions on
the discharges of chlorinated organics measured as AOX into the

aquatic environment”. Concentrations of AOX reached at one
point on 9 January 2008, after the mill began operations, as high
a level as 13 mg/L, whereas the maximum limit used in the environ-

80mise en service de l’usine de pâte à papier, les concentrations d’AOX ont
pu atteindre en une occasion, le 9 janvier 2008, 13 mg/l, alors que la

limite maximale utilisée dans l’évaluation de l’impact sur l’environnement
et prescrite ultérieurement par le MVOTMA était de 6 mg/l. Toutefois,
en l’absence d’éléments de preuve établissant de manière convaincante
qu’il ne s’agissait pas là d’un épisode isolé mais bien d’un problème plus
durable, la Cour n’est pas à même de conclure que l’Uruguay a violé les

dispositions du statut de 1975.

c) L’impact des rejets sur la qualité des eaux du fleuve

229. Comme indiqué ci-dessus (paragraphe 165), les Parties ont, au

cours des trois dernières années, soumis à la Cour quantité de documents
contenant des données et analyses d’ordre factuel et scientifique concer-
nant les concentrations de référence des polluants présents dans le fleuve
avant la mise en service de l’usine, ainsi que les résultats de relevés relatifs
à ses eaux et aux émissions atmosphériques après le début des activités de
production et, pour certains, jusqu’au milieu de l’année 2009.

230. S’agissant des données de référence, les études et rapports soumis
par les Parties contenaient des informations et analyses relatives, entre
autres, à la qualité de l’eau et de l’air, au phytoplancton et au zooplanc-
ton présents dans le fleuve, aux indicateurs de santé et biomarqueurs de
pollution chez les poissons du fleuve, à la surveillance de l’ichtyofaune

autour de l’usine de pâte à papier Orion (Botnia), aux populations
de poissons et à la diversité des espèces du fleuve, aux concentrations en
acides résiniques, en phénols chlorés et en phytostérols observées
chez les poissons du fleuve, à l’étude des espèces appartenant au genre
Tillandsia, à l’audit avant la mise en service de l’usine Orion (Botnia) et

à des études du mercure et du plomb dans les muscles des poissons.
231. L’Argentine soutient que les données de référence de l’Uruguay
laissent à désirer à bien des égards et qu’elles sont, notamment, incom-
plètes. L’Uruguay rejette cette assertion, et prétend que, de fait, l’Argen-
tine s’est fondée sur ces données pour sa propre évaluation de la qualité

de l’eau. L’Uruguay soutient que, contrairement aux affirmations de
l’Argentine, il a commencé à recueillir des données de référence en
août 2006, dans le cadre du contrôle préopérationnel de la qualité de
l’eau effectué par la DINAMA avant la mise en service de l’usine (en
novembre 2007). Ce contrôle s’est étendu sur une période de quinze
mois et est venu compléter près de quinze années d’une surveillance plus

générale menée sous la houlette de la CARU au titre du programme
PROCON (Programme de contrôle de la qualité et de la pollution des
eaux du fleuve Uruguay, selon l’acronyme espagnol de «Programa de
Calidad de Aguas y Control de la Contaminación del Río Uruguay»).
L’Argentine n’a pas, à l’audience, contesté l’allégation du conseil de

l’Uruguay selon laquelle elle s’était servie des données fournies par celui-
ci pour sa propre évaluation de la qualité de l’eau.
232. Parmi les données présentées par les Parties concernant le contrôle

81mental impact assessment and subsequently prescribed by MVOTMA was
6 mg/L. However, in the absence of convincing evidence that this is not

an isolated episode but rather a more enduring problem, the Court is not
in a position to conclude that Uruguay has breached the provisions
of the 1975 Statute.

(c) Impact of the discharges on the quality of the waters of the river

229. As pointed out earlier (see paragraph 165), the Parties have over

the last three years presented to the Court a vast amount of factual and
scientific material containing data and analysis of the baseline levels of
contaminants already present in the river prior to the commissioning of
the plant and the results of measurements of its water and air emissions
after the plant started its production activities and, in some cases, until
mid-2009.

230. Regarding the baseline data, the studies and reports submitted by
the Parties contained data and analysis relating, inter alia, to water qual-
ity, air quality, phytoplankton and zooplankton of the river, health indi-
cators and biomarkers of pollution in fish from the river, monitoring of
fish fauna in the area around the Orion (Botnia) mill, fish community and

species diversity in the river, concentrations of resin acids, chlorinated
phenols and plant sterols in fish from the river, survey of species belong-
ing to the genus Tillandsia, the Orion (Botnia) mill pre-start-up audit,
and analysis of mercury and lead in fish muscle.

231. Argentina contends that Uruguay’s baseline data were both inade-
quate and incomplete in many aspects. Uruguay rejects this allegation,
and argues that Argentina has actually relied on Uruguay’s baseline data
to give its own assessment of water quality. According to Uruguay,

contrary to Argentina’s assertions, collection of baseline data by
Uruguay started in August 2006, when DINAMA started to conduct
for a period of 15 months pre-operational water quality monitoring
prior to the commissioning of the plant in November 2007, which
served to complement almost 15 years of more general monitoring
that had been carried out within CARU under the PROCON

programme (River Uruguay Water Quality and Pollution Control
Programme, from the Spanish acronym for “Programa de Calidad
de Aguas y Control de la Contaminación del Río Uruguay”). Argentina
did not challenge counsel for Uruguay’s statement during the oral
proceedings that it used Uruguay’s baseline data for the assessment of

water quality.

232. The data presented by the Parties on the post-operation monitor-

81et le suivi postopérationnel de la performance effective de l’usine quant
aux effets des rejets sur le fleuve figurent des relevés obtenus au moyen de

différents programmes de surveillance. Ces derniers ont été réalisés, entre
autres, par une équipe scientifique argentine regroupant des chercheurs
de deux universités nationales mandatée par le secrétariat d’Etat argentin
à l’environnement et au développement durable (dix sites), par l’OSE
(l’organisme public uruguayen chargé de l’assainissement et de la distri-

bution de l’eau, selon l’acronyme espagnol d’«Obras Sanitarias del
Estado»), par la DINAMA, indépendamment de Botnia (seize sites), et
par Botnia faisant rapport à la DINAMA et à la SFI (quatre sites; et
prélèvement des effluents).

233. Les sites de prélèvement relevant de la responsabilité de l’Argen-
tine sont situés sur la rive argentine du fleuve, le plus en amont d’entre
eux se trouvant à 10 kilomètres de l’usine, le plus en aval à 16 kilomètres
environ. Trois d’entre eux (les sites U0, U2 et U3), néanmoins, se trou-
vent près de l’usine; et trois autres sont situés dans la baie de Nandubay-

sal et la lagune Inés. Ce sont eux qui ont fourni les données qui, selon le
conseil de l’Argentine, «ont permis aux scientifiques argentins de clai-
rement différencier la baie du reste du fleuve, étant donné qu’elle se
comporte comme un écosystème relativement autonome par rapport à
celui-ci» (rapport scientifique et technique, chapitre 3, annexe intitulée

«Background Biogeochemical Studies», par. 4.1.2; voir aussi ibid.,
par. 4.3.1.2).
234. Les sites de prélèvement relevant de la responsabilité de l’Uru-
guay (DINAMA) et de Botnia sont situés du côté uruguayen du fleuve.
Le point de prélèvement de l’OSE est situé au niveau de la prise d’eau
o
potable de Fray Bentos, devant la station n 11 de la DINAMA.
235. L’équipe argentine a recueilli des données entre novembre 2007
et avril 2009, une bonne partie de la surveillance commençant à partir
d’octobre 2008. L’Uruguay, par l’intermédiaire de la DINAMA, assure
une surveillance du site depuis mars 2006, ses plus récents relevés cou-

vrant la période allant jusqu’au mois de juin 2009. L’OSE, dans le cadre
de la responsabilité globale qui lui incombe d’assurer la qualité de l’eau
uruguayenne, a recueilli des informations utiles, qui ont été reprises dans
les rapports périodiques sur l’exploitation de l’usine.
236. La Cour dispose également de l’interprétation des données qu’ont

fournie les experts désignés par les Parties, les Parties elles-mêmes et leurs
conseils. Toutefois, lorsqu’elle appréciera la valeur des éléments de preuve
qui lui ont été soumis, la Cour, afin de déterminer si, en autorisant la
construction et la mise en service de l’usine Orion (Botnia), l’Uruguay a
violé les obligations qui étaient les siennes en vertu des articles 36 et 41 du

statut de 1975, soupèsera et évaluera essentiellement les données elles-
mêmes — et non les interprétations divergentes qu’en ont faites les
Parties ou leurs experts et consultants.
237. Le désaccord entre les Parties quant à l’impact des effluents reje-

tés par l’usine Orion (Botnia) sur la qualité de l’eau du fleuve porte sur les
paramètres et substances suivants: oxygène dissous; phosphore total (et

82ing of the actual performance of the plant in terms of the impact of its
emissions on the river includes data obtained through different testing

programmes conducted, inter alia, by an Argentine scientific team from
two national universities, contracted by the National Secretariat of Envi-
ronment and Sustainable Development of Argentina (ten sites), the OSE
(Uruguay’s State Agency for Sanitary Works, from the Spanish acronym
for “Obras Sanitarias del Estado”), DINAMA, independently of Botnia

(16 sites), and Botnia, reporting to DINAMA and the IFC (four sites;
and testing the effluent).

233. The monitoring sites maintained by Argentina are located on the

Argentine side of the river; with the most upstream position located
10 km from the plant and the furthest downstream one at about 16 km
from the plant. Nevertheless, three of the sites (U0, U2 and U3) are near
the plant; while another three are in Nandubaysal Bay and Inés Lagoon,
the data from which, according to Argentina’s counsel, “enabled the sci-
entists to clearly set the bay apart, as it acts as an ecosystem that is rela-

tively detached from the Uruguay river” (Scientific and Technical Report,
Chapter 3, appendix: “Background Biogeochemical Studies”, para. 4.1.2;
see also ibid., para. 4.3.1.2).

234. The monitoring sites maintained by Uruguay (DINAMA) and by
Botnia are located on the Uruguayan side. The OSE monitoring point is
located at the drinking water supply intake pipe for Fray Bentos, at or
near DINAMA station 11.
235. Argentina’s team gathered data from November 2007 until

April 2009 with many of the results being obtained from October 2008.
Uruguay, through DINAMA, has been carrying out its monitoring of the
site since March 2006. Its most recent data cover the period up
to June 2009. The OSE, in terms of its overall responsibility for Uru-
guayan water quality, has been gathering relevant data which has been

used in the periodic reports on the operation of the plant.

236. The Court also has before it interpretations of the data provided
by experts appointed by the Parties, and provided by the Parties them-
selves and their counsel. However, in assessing the probative value of the
evidence placed before it, the Court will principally weigh and evaluate

the data, rather than the conflicting interpretations given to it by the
Parties or their experts and consultants, in order to determine whether
Uruguay breached its obligations under Articles 36 and 41 of the
1975 Statute in authorizing the construction and operation of the Orion
(Botnia) mill.

237. The particular parameters and substances that are subject to con-
troversy between the Parties in terms of the impact of the discharges of
effluent from the Orion (Botnia) mill on the quality of the waters of the

82la question connexe de l’eutrophisation due aux phosphates); substances
phénoliques; nonylphénols et éthoxylates de nonylphénol; dioxines

et furanes. La Cour procédera maintenant à l’examen des moyens de
preuve produits par les Parties en ce qui concerne ces paramètres et
substances.

i) L’oxygène dissous

238. C’est à l’audience que l’Argentine a, pour la première fois, fait
état de l’altération des teneurs en oxygène dissous du fleuve que provo-
querait l’usine Orion (Botnia), en renvoyant à des données présentées
dans le rapport de l’organisme public uruguayen OSE. Pour l’Argentine,

puisque l’oxygène dissous contribue à la qualité de l’environnement et
qu’il existe une norme de la CARU fixant (à 5,6 mg/l) sa concentration
minimale dans les eaux du fleuve, l’introduction dans le milieu aquatique,
par l’usine Orion (Botnia), de substances ou d’énergie ayant fait chuter
les taux d’oxygène dissous en deçà de ce seuil constitue une violation de
l’obligation d’empêcher la pollution et de préserver ce milieu aquatique.

L’Uruguay soutient que les chiffres que l’Argentine a puisés dans les rele-
vés de l’OSE concernaient l’«oxidabilidad», qui renvoie à la «demande
en oxygène» et non à l’«oxígeno disuelto» — c’est-à-dire l’oxygène dis-
sous —, et qu’une chute du niveau de la demande en oxygène révèle une
amélioration de la qualité de l’eau puisque ce niveau doit être maintenu

aussi bas que possible.
239. La Cour note qu’en ce qui concerne l’oxygène dissous, une concen-
tration moyenne de 3,8 mg/l après la mise en service de l’usine constitue-
rait effectivement, si elle était avérée, une violation des normes de la
CARU, ce chiffre étant au-dessous du seuil de 5,6 mg d’oxygène dissous

par litre d’eau requis selon le digeste de la CARU (E3, titre 2, chapitre 4,
section 2). Elle estime toutefois que cette allégation de l’Argentine n’a pas
été prouvée. Premièrement, les chiffres sur lesquels se fonde l’Argentine
ne correspondent pas aux valeurs indiquées dans le troisième rapport de
suivi d’EcoMetrix, qui fait état de concentrations d’oxygène dissous supé-

rieures au seuil fixé par la CARU dans tous les échantillons prélevés entre
février et octobre 2008. Deuxièmement, le rapport de la DINAMA sur la
qualité des eaux de surface et des sédiments de juillet 2009 (rapport semes-
triel: janvier-juin) (ci-après le «rapport de la DINAMA sur la qualité de
l’eau») (voir p. 7, fig. 4.5: moyenne de 9,4 mg/l) fait état de concentra-
tions d’oxygène dissous bien supérieures aux valeurs minimales requises

dans le digeste de la CARU. Troisièmement, le rapport de l’Argentine en
date du 30 juin 2009 indique, dans son résumé, que les paramètres de
qualité de l’eau relevés au cours de la période présentaient des valeurs
«normales, avec des variations saisonnières de la température et des
concentrations correspondantes en oxygène dissous». Les centaines de

valeurs consignées dans les données de ce chapitre du «Rapport
Colombo» étayent cette conclusion, même si certaines sont légèrement
inférieures. Quatrièmement, les chiffres relatifs à l’oxygène dissous figu-

83river are: dissolved oxygen; total phosphorus (and the related matter of
eutrophication due to phosphate); phenolic substances; nonylphenols

and nonylphenolethoxylates; and dioxins and furans. The Court now
turns to the assessment of the evidence presented to it by the Parties with
respect to these parameters and substances.

(i) Dissolved oxygen

238. Argentina raised for the first time during the oral proceedings the
alleged negative impact of the Orion (Botnia) mill on dissolved oxygen in
the river referring to data contained in the report of the Uruguayan OSE.
According to Argentina, since dissolved oxygen is environmentally ben-

eficial and there is a CARU standard which sets a minimum level of dis-
solved oxygen for the river waters (5.6 mg/L), the introduction by the
Orion (Botnia) mill into the aquatic environment of substances or energy
which caused the dissolved oxygen level to fall below that minimum con-
stitutes a breach of the obligation to prevent pollution and to preserve
the aquatic environment. Uruguay argues that Argentina’s figures taken

from the measurements of the OSE were for “oxidabilidad”, which refers
to the “demand for oxygen” and not for “oxígeno disuelto” — i.e., dis-
solved oxygen. Uruguay also claims that a drop in the level of demand
for oxygen shows an improvement in the quality of the water, since the
level of demand should be kept as low as possible.

239. The Court observes that a post-operational average value of
3.8 mg/L for dissolved oxygen would indeed, if proven, constitute a viola-
tion of CARU standards, since it is below the minimum value of 5.6 mg
of dissolved oxygen per litre required according to the CARU Digest (E3,

Title 2, Chapter 4, Section 2). However, the Court finds that the allega-
tion made by Argentina remains unproven. First, the figures on which
Argentina bases itself do not correspond to the ones for dissolved oxygen
that appear in the EcoMetrix Third Monitoring Report, where the sam-
ples taken between February and October 2008 were all above the

CARU minimum standard for dissolved oxygen. Secondly, DINAMA’s
Surface Water and Sediment Quality Data Report of July 2009 (Six
Month Report: January-June) (hereinafter “DINAMA’s Water Quality
Report”) (see p. 7, fig. 4.5: average of 9.4 mg/L) displays concentrations
of dissolved oxygen that are well above the minimum level required
under the CARU Digest. Thirdly, Argentina’s 30 June 2009 report

says in its summary that the records of water quality parameters over
the period were “normal for the river with typical seasonal patterns
of temperature and associated dissolved oxygen”. The hundreds of
measurements presented in the figures in that chapter of the “Colombo
Report” support that conclusion even taking account of some slightly

lower figures. Fourthly, the figures relating to dissolved oxygen
contained in DINAMA’s Water Quality Report have essentially
the same characteristics as those gathered by Argentina — they

83rant dans le rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau présentent
essentiellement les mêmes caractéristiques que ceux recueillis par l’Argen-

tine — les valeurs sont supérieures au seuil fixé par la CARU, et sont les
mêmes en amont et en aval de l’usine. La Cour en conclut que ces valeurs
ne semblent pas avoir notablement changé au fil du temps et que rien ne
vient étayer l’affirmation selon laquelle la référence à l’«oxidabilidad»
dans le rapport de l’OSE invoquée par l’Argentine devrait être interprétée

comme un renvoi à l’«oxygène dissous».

ii) Le phosphore

240. Les Parties s’accordent sur le niveau élevé de phosphore total

dans le fleuve Uruguay. Selon l’Uruguay, la quantité totale de phosphore
(naturel et anthropique) rejeté dans le fleuve est d’environ 19 000 tonnes
par an, auxquelles l’usine Orion (Botnia) contribue à hauteur de quelque
15 tonnes (pour l’année 2008), voire moins, selon les estimations
pour 2009. L’Argentine n’a pas contesté ces chiffres au cours de la pro-
cédure. L’Uruguay avance en outre qu’il ne saurait être allégué de viola-

tion des dispositions du statut de 1975, puisque cette forte concentration
ne peut être attribuée avec certitude à l’usine Orion (Botnia), et que la
CARU n’a fixé aucune norme concernant le phosphore. L’Uruguay sou-
tient également qu’il ressort des données fournies par la DINAMA, com-
parées aux données de référence également recueillies par cette dernière,

que «[l]es teneurs en phosphore étaient généralement plus faibles après la
mise en service de l’usine, par rapport aux données de référence de 2005-
2006» (troisième rapport de suivi d’EcoMetrix, mars 2009).
241. L’un des grands points de désaccord entre les Parties concerne le
lien entre l’augmentation de la concentration de phosphore dans les eaux

du fleuve et la prolifération d’algues survenue en février 2009, ainsi que
la question de savoir si l’eutrophisation du fleuve est due à l’exploitation
de l’usine Orion (Botnia). L’Argentine affirme que l’usine est à l’origine
de cette eutrophisation et de l’élévation de la teneur en phosphates,
tandis que l’Uruguay nie que l’une comme l’autre soient attribuables à

l’exploitation de l’usine à Fray Bentos.
242. La Cour relève que la CARU n’a pas adopté de normes de qualité
de l’eau relatives aux concentrations de phosphore total et de phosphates
dans le fleuve. L’Argentine ne dispose pas, elle non plus, de normes de
qualité de l’eau pour ce qui est du phosphore total. La Cour devra donc
se référer aux normes de qualité de l’eau et limites de rejets de phosphore

total édictées par l’Uruguay dans le cadre de sa législation interne, telle
que qualifiée par la Cour plus haut, au paragraphe 200, afin de détermi-
ner si la teneur en phosphore total a dépassé les limites fixées dans les
textes de réglementation des Parties adoptés conformément à l’alinéa a)
de l’article 41 du statut de 1975. La concentration de phosphore total ne

peut, selon les normes de qualité de l’eau fixées par ce décret, excé-
der 0,025 mg/l pour certaines utilisations, telles que l’eau potable, l’irriga-
tion des cultures destinées à la consommation humaine et l’utilisation de

84are above the CARU minimum and are the same upstream and down-
stream. Thus, the Court concludes that there appears to be no significant

difference between the sets of data over time and that there is no evidence
to support the contention that the reference to “oxidabilidad” in the
OSE report referred to by Argentina should be interpreted to mean “dis-
solved oxygen”.

(ii) Phosphorus

240. There is agreement between the Parties that total phosphorus lev-

els in the River Uruguay are high. According to Uruguay, the total
amount of (natural and anthropogenic) phosphorus emitted into the river
per year is approximately 19,000 tonnes, of which the Orion (Botnia) mill
has a share of some 15 tonnes (in 2008) or even less, as was expected for
2009. These figures have not been disputed by Argentina during the pro-
ceedings. Uruguay contends further that no violation of the provisions

of the 1975 Statute can be alleged since the high concentration cannot
be clearly attributed to the Orion (Botnia) mill as the source, and since
no standard is set by CARU for phosphorus. Uruguay maintains also
that based on data provided by DINAMA as compared to baseline
data also compiled by DINAMA, it can be demonstrated that “[t]otal

phosphorus levels were generally lower post-start-up as compared
to the 2005-2006 baseline” (EcoMetrix Third Monitoring Report,
March 2009).
241. A major disagreement between the Parties relates to the relation-
ship between the higher concentration of phosphorus in the waters of the

river and the algal bloom of February 2009 and whether operation of the
Orion (Botnia) mill has caused the eutrophication of the river. Argentina
claims that the Orion (Botnia) mill is the cause of the eutrophication and
higher concentration of phosphates, while Uruguay denies the attribut-
ability of these concentrations as well as the eutrophication to the opera-

tion of the plant in Fray Bentos.
242. The Court notes that CARU has not adopted a water quality
standard relating to levels of total phosphorus and phosphates in the
river. Similarly, Argentina has no water quality standards for total phos-
phorus. The Court will therefore have to use the water quality and efflu-
ent limits for total phosphorus enacted by Uruguay under its domestic

legislation, as characterized by the Court in paragraph 200 above, to
assess whether the concentration levels of total phosphorus have exceeded
the limits laid down in the regulations of the Parties adopted in accord-
ance with Article 41 (a) of the 1975 Statute. The water quality standard
for total phosphorus under the Uruguayan Regulation is 0.025 mg/L for

certain purposes such as drinking water, irrigation of crops for human
consumption and water used for recreational purposes which involve
direct human contact with the water (Decree No. 253/79, Regulation of

84l’eau à des fins récréatives qui impliquent un contact humain direct avec
cette eau (décret n 253/79, réglementation de la qualité de l’eau). Le

décret uruguayen fixe aussi — à 5 mg/l — la norme en matière de rejet de
phosphore total (ibid., article 11, alinéa 2)). L’usine Orion (Botnia) doit
satisfaire à l’une et l’autre de ces normes.
243. La Cour estime que, sur la base des éléments de preuve qui lui ont
été soumis, l’usine Orion (Botnia) a jusqu’à présent satisfait aux normes

en matière de rejet de phosphore total. Dans ce contexte, la Cour note
que, selon le troisième rapport de suivi d’EcoMetrix, les relevés de l’Uru-
guay enregistrent, pour les rejets d’effluents de l’usine, une valeur moyenne
de 0,59 mg/l de phosphore total en 2008. En outre, d’après le rapport de

la DINAMA sur les émissions de juillet 2009, les chiffres relatifs aux
effluents variaient, pour la période allant de novembre 2008 à mai 2009,
entre 0,053 mg/l et 0,41 mg/l (voir, par exemple, DINAMA, rapport
semestriel des résultats du plan de contrôle des émissions et de la perfor-
mance environnementale (11 novembre 2008-31 mai 2009), 22 juillet 2009,

p. 5; voir aussi p. 25 et 26). L’Argentine ne conteste pas ces chiffres, dont
les valeurs sont clairement inférieures à la norme établie en vertu du
décret uruguayen.
244. La Cour notera à cet égard que, dès le 11 février 2005, la
DINAMA relevait, dans son rapport d’évaluation de l’impact sur l’envi-

ronnement relatif à l’usine Orion (Botnia), la forte teneur en nutriments
(phosphore et azote) dans le fleuve, et indiquait ceci:

«Cette situation provoque fréquemment la prolifération d’algues
parfois très toxiques en raison de la présence de cyanobactéries.
Ces proliférations — qui ont augmenté, à la fois en fréquence et en
intensité, ces dernières années — constituent un risque sanitaire et

provoquent de lourdes pertes économiques, dans la mesure où
elles perturbent certaines utilisations de l’eau comme les activités
de loisirs et l’approvisionnement en eau de boisson. A cette situation
existante, il convient d’ajouter qu’à l’avenir l’usine rejettera un total
de 200 tonnes/an d’azote et de 20 tonnes/an de phosphore, soit

des valeurs équivalant approximativement aux rejets d’une ville de
65 000 habitants dépourvue de système de traitement des eaux
usées.» (P. 20, par. 6.1.)

245. Le rapport de la DINAMA se poursuit en ces termes:

«Il est également entendu qu’il serait contre-indiqué d’autoriser le
rejet de déchets de nature à accroître la valeur de tout paramètre
ayant déjà atteint un seuil critique, même lorsque cette augmentation

est considérée comme insignifiante par l’entreprise. Néanmoins, les
variations de ces valeurs ne dépendant pas des seuls effluents du pro-
jet — ces paramètres étant susceptibles d’être modifiés par le déver-
sement de tout effluent industriel ou domestique —, le rejet des

déchets proposé dans le projet pourrait être accepté, à condition de
prévoir une compensation en cas d’augmentation provoquant le

85Water Quality). The Uruguayan Decree also establishes a total phospho-
rus discharge standard of 5 mg/L (Decree No. 253/79 Regulation of

Water Quality, Art. 11 (2)). The Orion (Botnia) mill must comply with
both standards.

243. The Court finds that based on the evidence before it, the Orion
(Botnia) mill has so far complied with the standard for total phosphorus

in effluent discharge. In this context, the Court notes that, for 2008
according to the EcoMetrix Third Monitoring Report, the Uruguayan
data recorded an average of 0.59 mg/L total phosphorus in effluent dis-
charge from the plant. Moreover, according to the DINAMA 2009 Emis-
sions Report, the effluent figures for November 2008 to May 2009 were

between 0.053 mg/L and 0.41 mg/L (e.g., DINAMA, “Six Month Report
on the Botnia Emission Control and Environmental Performance Plan
November 11, 2008 to May 31, 2009” (22 July 2009) p. 5; see also pp. 25
and 26). Argentina does not contest these figures which clearly show val-
ues much below the standard established under the Uruguayan Decree.

244. The Court observes in this connection that as early as 11 Febru-
ary 2005, DINAMA, in its environmental impact assessment for the
Orion (Botnia) mill, noted the heavy load of nutrients (phosphorus and
nitrogen) in the river and stated that:

“This situation has generated the frequent proliferation of algae,

in some cases with an important degree of toxicity as a result of the
proliferation of cyanobacteria. These proliferations, which in recent
years have shown an increase in both frequency and intensity, con-
stitute a health risk and result in important economic losses since
they interfere with some uses of water, such as recreational activities

and the public supply of drinking water. To this already existing
situation it must be added that, in the future, the effluent in the plant
will emit a total of 200 t/a of N[itrogen] and 20 t/a of P[hosphorus],
values that are the approximate equivalent of the emission of the un-
treated sewage of a city of 65,000 people.” (P. 20, para. 6.1.)

245. The DINAMA Report then continues as follows:

“It is also understood that it is not appropriate to authorize any

waste disposal that would increase any of the parameters that present
critical values, even in cases in which the increase is considered insig-
nificant by the company. Nevertheless, considering that the para-
meters in which the quality of water is compromised are not specific
to the effluents of this project, but rather would be affected by the

waste disposal of any industrial or domestic effluent under consid-
eration, it is understood that the waste disposal proposed in the
project may be accepted, as long as there is compensation for any

85 dépassement de la valeur standard pour l’un quelconque des para-
mètres critiques.» (Rapport de la DINAMA, p. 21.)

246. La Cour observera en outre que l’autorisation environnementale
préalable, accordée le 15 février 2005, faisait obligation à Botnia de res-
pecter ces conditions, les normes de la CARU et les meilleures techniques
disponibles, telles que définies dans le document IPPC-BAT de la Com-

mission européenne de décembre 2001. Elle imposait également la réa-
lisation d’un plan de mise en Œuvre de mesures d’atténuation et de
compensation. Ce plan avait été réalisé avant la fin de l’année 2007 et
l’autorisation de mise en service fut accordée le 8 novembre 2007.
Le 29 avril 2008, Botnia et l’OSE ont conclu un accord concernant le traite-

ment des eaux usées municipales de Fray Bentos, visant à réduire les
rejets de phosphore total et autres polluants.
247. La Cour estime que le volume de phosphore total rejeté dans le
fleuve qui est attribuable à l’usine Orion (Botnia) est proportionnellement
insignifiant, par rapport à la teneur globale du fleuve en phosphore total
provenant d’autres sources. Elle conclut donc que le fait que la concen-

tration de phosphore total dans le fleuve dépasse les limites fixées par la
législation uruguayenne en matière de normes de qualité de l’eau ne sau-
rait être considéré comme une violation de l’alinéa a) de l’article 41 du
statut de 1975, compte tenu de la teneur relativement élevée en phosphore
total du fleuve avant la mise en service de l’usine et des mesures prises par

l’Uruguay à titre de compensation.

248. La Cour en vient maintenant à l’examen de la question de la pro-
lifération d’algues du 4 février 2009. L’Argentine a attribué celle-ci aux
nutriments rejetés dans le fleuve par l’usine Orion (Botnia). A l’appui de

cette assertion, elle renvoie à la présence d’effluents dans les algues bleues
ainsi qu’à diverses images satellite montrant la concentration de chloro-
phylle dans l’eau. De telles proliférations se produisent, selon l’Argentine,
pendant la saison chaude et sont dues à une croissance explosive d’algues,
en particulier de cyanobactéries, consécutive à un enrichissement en

nutriments, principalement des phosphates, entre autres éléments entrant
dans la composition des détergents et fertilisants.
249. L’Uruguay soutient que la prolifération d’algues de février 2009
— et la forte concentration de chlorophylle — n’a pas été causée par
l’usine Orion (Botnia), mais pourrait être apparue très en amont de
celle-ci et s’explique très probablement non pas par les rejets d’effluents

de l’usine, mais par l’afflux de visiteurs à l’occasion du carnaval annuel
de Gualeguaychú et l’augmentation correspondante du volume des eaux
usées. L’Uruguay soutient que les relevés de l’Argentine montrent en réa-
lité que, depuis sa mise en service, l’usine Orion (Botnia) n’a à aucun
moment provoqué l’augmentation de la concentration de phosphore dans

le fleuve.
250. Les Parties sont d’accord sur plusieurs points en ce qui concerne
la prolifération d’algues du 4 février 2009: elles conviennent notamment

86 increase over and above the standard value for any of the critical
parameters.” (DINAMA Report, p. 21.)

246. The Court further notes that the initial environmental authoriza-
tion, granted on 15 February 2005, required compliance by Botnia with
those conditions, with CARU standards and with best available tech-
niques as included in the December 2001 IPPC-BAT of the European

Commission. It also required the completion of an implementation plan
for mitigation and compensation measures. That plan was completed by
the end of 2007 and the authorization to operate was granted on 8 Novem-
ber 2007. On 29 April 2008, Botnia and the OSE concluded an Agree-
ment Regarding Treatment of the Municipal Wastewater of Fray Bentos,

aimed at reducing total phosphorus and other contaminants.

247. The Court considers that the amount of total phosphorus dis-
charge into the river that may be attributed to the Orion (Botnia) mill is
insignificant in proportionate terms as compared to the overall total
phosphorus in the river from other sources. Consequently, the Court

concludes that the fact that the level of concentration of total phosphorus
in the river exceeds the limits established in Uruguayan legislation in
respect of water quality standards cannot be considered as a violation of
Article 41 (a) of the 1975 Statute in view of the river’s relatively high
total phosphorus content prior to the commissioning of the plant, and

taking into account the action being taken by Uruguay by way of com-
pensation.
248. The Court will now turn to the consideration of the issue of the
algal bloom of 4 February 2009. Argentina claims that the algal bloom of
4 February 2009 was caused by the Orion (Botnia) mill’s emissions of

nutrients into the river. To substantiate this claim Argentina points to the
presence of effluent products in the blue-green algal bloom and to vari-
ous satellite images showing the concentration of chlorophyll in the
water. Such blooms, according to Argentina, are produced during the
warm season by the explosive growth of algae, particularly cyanobact-

eria, responding to nutrient enrichment, mainly phosphate, among other
compounds present in detergents and fertilizers.
249. Uruguay contends that the algal bloom of February 2009, and
the high concentration of chlorophyll, was not caused by the Orion (Bot-
nia) mill but could have originated far upstream and may have most
likely been caused by the increase of people present in Gualeyguaychú

during the yearly carnival held in that town, and the resulting increase in
sewage, and not by the mill’s effluents. Uruguay maintains that Argen-
tine data actually prove that the Orion (Botnia) mill has not added to the
concentration of phosphorus in the river at any time since it began
operating.

250. The Parties are in agreement on several points regarding the algal
bloom of 4 February 2009, including the fact that the concentrations of

86que les concentrations de nutriments dans le fleuve Uruguay ont atteint
des niveaux élevés tant avant qu’après cet épisode, et que celui-ci a été

très bref. Les Parties semblent également d’accord pour reconnaître
l’existence de liens étroits entre prolifération d’algues, élévation des tem-
pératures, faiblesse ou inversion du courant, et présence dans le fleuve de
fortes concentrations de nutriments tels que l’azote et le phosphore. Il n’a
toutefois pas été établi à la satisfaction de la Cour que la prolifération

d’algues du 4 février 2009 avait été causée par les rejets de nutriments de
l’usine Orion (Botnia).

iii) Les substances phénoliques

251. L’Argentine soutient que les rejets de polluants émanant de l’usine
Orion (Botnia) ont, depuis la mise en service de celle-ci, enfreint la norme
relative aux substances phénoliques établie par la CARU, les données de
référence antérieures à l’exploitation ne faisant apparaître aucun dépas-
sement des valeurs maximales fixées par celle-ci. L’Uruguay, pour sa
part, affirme que ces valeurs ont été maintes fois dépassées, sur toute la

longueur du fleuve, bien avant le démarrage des activités de l’usine. A
l’appui de cette assertion, il cite plusieurs études, dont l’étude d’impact
cumulé finale réalisée par EcoMetrix selon laquelle le taux maximal de
substances phénoliques, fixé à 0,001 mg/l par la norme de qualité de l’eau
de la CARU, a fréquemment été dépassé.

252. La Cour note également que, selon les données fournies par
l’Uruguay, des valeurs supérieures à la limite autorisée par la norme de la
qualité de l’eau avaient été observées bien avant la mise en service de
l’usine. Ainsi, selon l’étude d’impact cumulé finale réalisée en septembre
2006 par EcoMetrix à la demande de la SFI, les substances phénoliques

ont fréquemment excédé la limite autorisée, les concentrations les plus
élevées étant mesurées dans la partie argentine du fleuve. Certains relevés
figurant dans le rapport le plus récent soumis à la Cour indiquent encore
des concentrations excessives, mais la plupart enregistrent des valeurs
inférieures à la limite autorisée (Rapport de la DINAMA sur la qualité

de l’eau de juillet 2009, p. 21, par. 4.1.11.2 et appendice I, qui indique des
taux compris entre 0,0005 et 0,012 mg/l).
253. Un conseil de l’Argentine a fait valoir à l’audience que c’était
l’activité de l’usine qui avait entraîné des dépassements des valeurs limi-
tes, lesquels n’avaient jamais été observés antérieurement. Les concentra-
tions de substances polluantes, a-t-il déclaré, avaient en moyenne triplé,

la valeur maximale étant vingt fois supérieure à la valeur autorisée. Selon
l’Uruguay, les données figurant dans le rapport de juillet 2009 de la
DINAMA indiquent que les concentrations de substances phénoliques
mesurées après la mise en service étaient inférieures aux valeurs de réfé-
rence sur l’ensemble du fleuve, y compris au niveau de la prise d’eau de

l’OSE.
254. D’après les éléments versés au dossier, y compris les données four-
nies par les Parties, la Cour conclut que les éléments de preuve sont insuf-

87nutrients in the River Uruguay have been at high levels both before and
after the bloom episode, and the fact that the bloom disappeared shortly

after it had begun. The Parties also appear to agree on the interdepend-
ence between algae growth, higher temperatures, low and reverse flows,
and presence of high levels of nutrients such as nitrogen and phosphorus
in the river. It has not, however, been established to the satisfaction of
the Court that the algal bloom episode of 4 February 2009 was caused by

the nutrient discharges from the Orion (Botnia) mill.

(iii) Phenolic substances

251. With regard to phenolic substances, Argentina contends that the
Orion (Botnia) mill’s emission of pollutants have resulted in violations of
the CARU standard for phenolic substances once the plant started oper-
ating, while, according to Argentina, pre-operational baseline data did
not show that standard to have been exceeded. Uruguay on the other
hand argues that there have been numerous violations of the standard,

throughout the river, long before the plant went into operation. Uruguay
substantiates its arguments by pointing to several studies including the
EcoMetrix final Cumulative Impact Study, which had concluded that
phenolic substances were found to have frequently exceeded the water
quality standard of 0.001 mg/L fixed by CARU.

252. The Court also notes that Uruguayan data indicate that the water
quality standard was being exceeded from long before the plant began
operating. The Cumulative Impact Study prepared in September 2006 by
EcoMetrix for the IFC states that phenolics were found frequently to
exceed the standard, with the highest values on the Argentine side of the

river. The standard is still exceeded in some of the measurements in the
most recent report before the Court but most are below it (DINAMA
July 2009 Water Quality Report, p. 21, para. 4.1.11.2 and App. 1, show-
ing measurements from 0.0005 to 0.012 mg/L).

253. During the oral proceedings, counsel for Argentina claimed that
the standard had not previously been exceeded and that the plant has
caused the limit to be exceeded. The concentrations, he said, had increased
on average by three times and the highest figure was 20 times higher.

Uruguay contends that the data contained in the DINAMA 2009 Report
shows that the post-operational levels of phenolic substances were lower
than the baseline levels throughout the river including at the OSE water
intake.

254. Based on the record, and the data presented by the Parties, the
Court concludes that there is insufficient evidence to attribute the alleged

87fisants pour attribuer l’augmentation alléguée des concentrations de subs-
tances phénoliques dans le fleuve aux activités de l’usine Orion (Botnia).

iv) La présence de nonylphénols dans le milieu aquatique

255. L’Argentine affirme que l’usine Orion (Botnia) rejette, ou a rejeté,
des nonylphénols, ce qui aurait un effet dommageable, ou ferait du moins

peser une lourde menace, sur le milieu aquatique. Selon elle, la source de
pollution la plus probable est à rechercher dans les agents tensioactifs
(détergents), les éthoxylates de nonylphénol, utilisés pour nettoyer la pâte
à papier et les équipements de l’usine elle-même. Toujours selon l’Argen-
tine, l’analyse de 46 relevés a permis d’établir que les plus fortes concen-

trations de nonylphénols, notamment celles qui étaient supérieures aux
normes pertinentes de l’Union européenne, se trouvaient dans les échan-
tillons d’eau prélevés dans le tronçon situé en face et en aval de l’usine et
dans les échantillons d’algues bleues ayant proliféré le 4 février 2009, avec
des concentrations plus faibles en amont et en aval, laissant penser que
les effluents rejetés par l’usine Orion (Botnia) étaient la source la plus

probable de ces résidus. En outre, les prélèvements effectués sur les sédi-
ments du fond du fleuve dans le tronçon situé en face et en aval de l’usine
auraient montré que la concentration de nonylphénols avait augmenté
rapidement entre septembre 2006 et février 2009, confirmant ainsi la pré-
sence accrue de ces composés dans le fleuve Uruguay. Pour l’Argentine,

la répartition spatiale des effets sublétaux détectés chez les rotifères
(absence de vertèbres), les coquillages asiatiques transplantés (réduction
des réserves lipidiques) et les poissons (effets estrogènes) coïncidait avec
le périmètre de distribution des nonylphénols, signe que ces composés
pourraient avoir un effet perturbateur important.

256. L’Uruguay rejette les allégations de l’Argentine relatives aux
nonylphénols et aux éthoxylates de nonylphénol, et dément catégorique-
ment l’usage de ces deux substances par l’usine Orion (Botnia). Il fournit
des déclarations sous serment émanant de responsables de Botnia selon
lesquelles l’usine n’utilise pas, et n’a jamais utilisé, de nonylphénols ou de

dérivés d’éthoxylates de nonylphénol dans l’un quelconque de ses procé-
dés de fabrication de pâte à papier, y compris au cours des opérations de
lavage et de nettoyage de la pâte, et qu’aucun agent nettoyant contenant
des nonylphénols n’est ou n’a été utilisé pour nettoyer les équipements de
l’usine (déclaration sous serment de M. González, 2 octobre 2009).
257. La Cour tient à rappeler que la question des nonylphénols n’avait

pas été soulevée en l’affaire avant que l’Argentine ne verse au dossier son
rapport du 30 juin 2009. Bien que les concentrations de nonylphénols
aient été mesurées depuis novembre 2008, l’Argentine n’a pas, de l’avis de
la Cour, produit d’éléments de preuve établissant clairement un lien entre
les nonylphénols présents dans les eaux du fleuve et l’usine Orion (Bot-

nia). L’Uruguay a également démenti catégoriquement devant la Cour
l’utilisation par l’usine Orion (Botnia) d’éthoxylates de nonylphénol dans
ses procédés de fabrication et de nettoyage. La Cour est donc amenée à

88increase in the level of concentrations of phenolic substances in the river
to the operations of the Orion (Botnia) mill.

(iv) Presence of nonylphenols in the river environment

255. Argentina claims that the Orion (Botnia) mill emits, or has emit-
ted, nonylphenols and thus has caused damage to, or at least has sub-

stantially put at risk, the river environment. According to Argentina, the
most likely source of these emissions are surfactants (detergents), nonyl-
phenolethoxylates used to clean the wood pulp as well as the installations
of the plant itself. Argentina also contends that from 46 measurements
performed in water samples the highest concentrations, in particular

those exceeding the European Union relevant standards, were deter-
mined in front-downstream the mill and in the bloom sample collected on
4 February 2009, with lower levels upstream and downstream, indicating
that the Orion (Botnia) mill effluent is the most probable source of these
residues. In addition, according to Argentina, bottom sediments collected
in front-downstream the mill showed a rapid increase of nonylphenols

from September 2006 to February 2009, corroborating the increasing
trend of these compounds in the River Uruguay. For Argentina, the spatial
distribution of sub-lethal effects detected in rotifers (absence of
spines), transplanted Asiatic clams (reduction of lipid reserves) and fish
(estrogenic effects) coincided with the distribution area of nonylphenols

suggesting that these compounds may be a significant stress factor.

256. Uruguay rejects Argentina’s claim relating to nonylphenols and
nonylphenolethoxylates, and categorically denies the use of nonylphenols
and nonylphenolethoxylates by the Orion (Botnia) mill. In particular, it
provides affidavits from Botnia officials to the effect that the mill does
not use and has never used nonylphenols or nonylphenolethoxylate

derivatives in any of its processes for the production of pulp, including in
the pulp washing and cleaning stages, and that no cleaning agents con-
taining nonylphenols are or have been used for cleaning the plant’s
equipment (Affidavit of Mr. González, 2 October 2009).

257. The Court recalls that the issue of nonylphenols was included in

the record of the case before the Court only by the Report submitted by
Argentina on 30 June 2009. Although testing for nonylphenols had been
carried out since November 2008, Argentina has not however, in the
view of the Court, adduced clear evidence which establishes a link
between the nonylphenols found in the waters of the river and the Orion

(Botnia) mill. Uruguay has also categorically denied before the Court
the use of nonylphenolethoxylates for production or cleaning by the
Orion (Botnia) mill. The Court therefore concludes that the evidence in

88conclure que les éléments versés au dossier ne viennent pas étayer les allé-
gations de l’Argentine.

v) Les dioxines et furanes

258. L’Argentine a affirmé que les concentrations de dioxines et de
furanes étaient généralement très faibles dans les sédiments de surface,

mais que les données issues de ses études laissaient apparaître une ten-
dance à la hausse par rapport aux données recueillies avant la mise en
service de l’usine Orion (Botnia). L’Argentine ne prétend pas que les nor-
mes établies n’ont pas été respectées, mais s’appuie sur un échantillon-
nage de poissons sábalos effectué par son équipe de surveillance, qui a

révélé que l’un de ces poissons présentait des taux élevés de dioxines et de
furanes, pour conclure à une présence de plus en plus notable de ces deux
substances dans le fleuve depuis la mise en service de l’usine Orion (Bot-
nia). L’Uruguay conteste cette assertion, affirmant que l’élévation de ces
taux ne peut être attribuée à l’exploitation de l’usine Orion (Botnia) vu le

nombre d’usines en service sur les rives du fleuve et dans la baie voisine
de Nandubaysal, et le fait que le sábalo ayant fait l’objet de ce contrôle
est une espèce de grands migrateurs. En outre, selon l’Uruguay, il ressort
des résultats des analyses que ni dioxines ni furanes n’ont été introduits
dans les effluents de l’usine Orion (Botnia) puisque les concentrations de

ces deux substances n’étaient pas plus élevées, de manière mesurable,
dans les effluents de l’usine que dans l’eau puisée dans le fleuve pour les
besoins du processus de fabrication.
259. La Cour estime que les éléments de preuve ne permettent pas
d’établir clairement un lien entre la présence accrue de dioxines et de
furanes dans le fleuve et l’exploitation de l’usine Orion (Botnia).

d) Effets sur la diversité biologique

260. L’Argentine affirme que l’Uruguay «a négligé de prendre toutes
les mesures propres à protéger et à préserver la diversité biologique du
fleuve Uruguay et ses zones d’influence». Selon l’Argentine, l’obligation

conventionnelle «de protéger et de préserver le milieu aquatique» com-
prend une obligation de protéger la diversité biologique du fleuve, y com-
pris «les habitats et les espèces de la flore et de la faune». Par l’effet de la
«clause de renvoi» contenue dans l’alinéa a) de l’article 41, l’Argentine
soutient que le statut de 1975 impose à l’Uruguay, dans le cadre des acti-
vités qu’il entreprend sur le fleuve et dans ses zones d’influence, d’honorer

les obligations découlant de la convention CITES, de la convention sur la
diversité biologique et de la convention de Ramsar. Elle affirme que son
programme de surveillance a permis de mettre en évidence des effets
anormaux chez les organismes aquatiques — tels que la malformation
des rotifères et la réduction des réserves lipidiques des coquillages — et

une biomagnification de certains polluants persistants, comme les dio-
xines et les furanes, chez les poissons détritivores (tel le poisson sábalo).
L’Argentine affirme également que, lors des inversions de courant,

89the record does not substantiate the claims made by Argentina on this
matter.

(v) Dioxins and furans

258. Argentina has alleged that while the concentration of dioxins and
furans in surface sediments is generally very low, data from its studies

demonstrated an increasing trend compared to data compiled before the
Orion (Botnia) mill commenced operations. Argentina does not claim a
violation of standards, but relies on a sample of sábalo fish tested by its
monitoring team, which showed that one fish presented elevated levels of
dioxins and furans which, according to Argentina, pointed to a rise in the

incidence of dioxins and furans in the river after the commissioning
of the Orion (Botnia) mill. Uruguay contests this claim, arguing that
such elevated levels cannot be linked to the operation of the Orion
(Botnia) mill, given the presence of so many other industries operating
along the River Uruguay and in neighbouring Nandubaysal Bay, and

the highly migratory nature of the sábalo species which was tested.
In addition, Uruguay advances that its testing of the effluent coming
from the Orion (Botnia) mill demonstrate that no dioxins and furans
could have been introduced into the mill effluent, as the levels detected
in the effluent were not measurably higher than the baseline levels in

the River Uruguay.

259. The Court considers that there is no clear evidence to link the
increase in the presence of dioxins and furans in the river to the operation
of the Orion (Botnia) mill.

(d) Effects on biodiversity

260. Argentina asserts that Uruguay “has failed to take all measures
to protect and preserve the biological diversity of the River Uruguay and
the areas affected by it”. According to Argentina, the treaty obligation

“to protect and preserve the aquatic environment” comprises an obliga-
tion to protect the biological diversity including “habitats as well as species
of flora and fauna”. By virtue of the “referral clause” in Article
41 (a), Argentina argues that the 1975 Statute requires Uruguay, in
respect of activities undertaken in the river and areas affected by it, to
comply with the obligations deriving from the CITES Convention, the

Biodiversity Convention and the Ramsar Convention. Argentina main-
tains that through its monitoring programme abnormal effects were
detected in aquatic organisms — such as malformation of rotifers and
loss of fat by clams — and the biomagnification of persistent pollutants
such as dioxins and furans was detected in detritus feeding fish (such as

the sábalo fish). Argentina also contends that the operation of the mill
poses a threat, under conditions of reverse flow, to the Esteros de Farra-
pos site, situated “in the lower section of the River . . . downstream from

89l’exploitation de l’usine fait peser un risque sur le site d’Esteros de Far-
rapos, situé sur le cours inférieur du fleuve Uruguay «en aval du barrage

de Salto Grande et à la frontière avec l’Argentine», à quelques kilomètres
en amont de l’usine Orion (Botnia).
261. L’Uruguay affirme que l’Argentine n’a pas démontré qu’il avait
commis la moindre violation de la convention sur la diversité biologique,
tandis que la convention de Ramsar est sans pertinence en l’espèce puis-

que le site d’Esteros de Farrapos ne figure pas sur la liste des sites Ram-
sar dont les caractéristiques écologiques sont menacées. Quant à la pos-
sibilité que le panache d’effluents provenant de l’usine atteigne Esteros de
Farrapos, l’Uruguay a reconnu à l’audience qu’un tel phénomène pouvait
se produire lorsque certaines conditions étaient réunies. Toutefois l’Uru-

guay a ajouté que l’on peut s’attendre à ce que la dilution des effluents de
l’usine au 1/1000 rende ces derniers relativement inoffensifs, étant rame-
née bien en deçà de toute concentration constitutive de pollution. L’Uru-
guay soutient que les allégations de l’Argentine concernant les effets pré-
judiciables des effluents de l’usine Orion (Botnia) sur les poissons et les
rotifères ne sont pas crédibles. Il renvoie à un rapport détaillé récemment

publié par la DINAMA sur l’ichtyofaune, selon lequel la biodiversité des
espèces n’a pas changé entre 2008 et 2009. L’Uruguay ajoute que, dans
son rapport de juillet 2009 sur les résultats des analyses effectuées en
février 2009 sur les sédiments dans lesquels s’alimentent certaines espèces
de poissons, la DINAMA a déclaré que «la qualité des sédiments au fond

du fleuve Uruguay n’a[vait] pas été altérée du fait de l’activité industrielle
de l’usine Botnia».
262. De l’avis de la Cour, dans le cadre de leur obligation de préserver
le milieu aquatique, les Parties ont le devoir de protéger la faune et la
flore du fleuve. Les normes et les mesures qu’elles sont tenues d’adopter

au titre de l’article 41 devraient également refléter leurs engagements
internationaux en matière de protection de la biodiversité et des habitats,
outre les autres normes relatives à la qualité de l’eau et aux rejets
d’effluents. La Cour ne dispose cependant pas d’éléments de preuve suf-
fisants pour lui permettre de conclure que l’Uruguay n’a pas respecté

l’obligation lui incombant de préserver le milieu aquatique, y compris en
protégeant la faune et la flore. Les éléments recueillis montrent plutôt
qu’aucun lien n’a pu être clairement établi entre les effluents de l’usine
Orion (Botnia) et les malformations des rotifères, les concentrations de
dioxines mesurées chez le sábalo ou la réduction des réserves lipidiques
des coquillages, dont il est fait état dans les constatations du programme

de surveillance environnementale du fleuve Uruguay mis en Œuvre par
l’Argentine (programme URES).

e) Pollution atmosphérique

263. L’Argentine affirme que l’usine Orion (Botnia) a provoqué une
pollution atmosphérique, sonore et visuelle qui a eu un impact négatif sur
«le milieu aquatique», en violation de l’article 41 du statut de 1975. Elle

90the Salto Grande dam and on the frontier with Argentina”, a few kilo-
metres upstream from the Orion (Botnia) mill.

261. Uruguay states that Argentina has failed to demonstrate any
breach by Uruguay of the Biodiversity Convention, while the Ramsar
Convention has no bearing in the present case because Esteros de Farra-

pos was not included in the list of Ramsar sites whose ecological charac-
ter is threatened. With regard to the possibility of the effluent plume from
the mill reaching Esteros de Farrapos, Uruguay in the oral proceedings
acknowledged that under certain conditions that might occur. However,
Uruguay added that it would be expected that the dilution of the effluent

from the mill of 1:1000 would render the effluent quite harmless
and below any concentration capable of constituting pollution. Uruguay
contends that Argentina’s claims regarding the harmful effects on fish
and rotifers as a result of the effluents from the Orion (Botnia) mill
are not credible. It points out that a recent comprehensive report of
DINAMA on ichthyofauna concludes that compared to 2008 and

2009 there has been no change in species biodiversity. Uruguay adds
that the July 2009 report of DINAMA, with results of its February 2009
monitoring of the sediments in the river where some fish species feed,
stated that “the quality of the sediments at the bottom of the Uruguay
River has not been altered as a consequence of the industrial activity

of the Botnia plant”.

262. The Court is of the opinion that as part of their obligation to pre-
serve the aquatic environment, the Parties have a duty to protect the
fauna and flora of the river. The rules and measures which they have to

adopt under Article 41 should also reflect their international under-
takings in respect of biodiversity and habitat protection, in addition to
the other standards on water quality and discharges of effluent. The
Court has not, however, found sufficient evidence to conclude that Uru-
guay breached its obligation to preserve the aquatic environment includ-

ing the protection of its fauna and flora. The record rather shows that a
clear relationship has not been established between the discharges from
the Orion (Botnia) mill and the malformations of rotifers, or the dioxin
found in the sábalo fish or the loss of fat by clams reported in the findings
of the Argentine River Uruguay Environmental Surveillance (URES)
programme.

(e) Air pollution

263. Argentina claims that the Orion (Botnia) mill has caused air,
noise and visual pollution which negatively impact on “the aquatic envi-
ronment” in violation of Article 41 of the 1975 Statute. Argentina also

90fait également valoir que ce dernier a été conclu pour protéger non seu-
lement la qualité des eaux, mais aussi, plus généralement, le «régime» et

les «zones d’influence» du fleuve, c’est-à-dire «l’ensemble des éléments
qui influencent, et qui sont influencés par, l’écosystème du fleuve pris
dans son ensemble». L’Uruguay soutient que la Cour n’est pas compé-
tente pour traiter ces questions et qu’en tout état de cause le bien-fondé
des allégations de l’Argentine n’est pas établi.

264. Pour ce qui est de la pollution visuelle et sonore, la Cour a déjà
conclu au paragraphe 52 que ces questions ne relevaient pas de sa com-
pétence en vertu du statut de 1975. Pour ce qui est de la pollution atmo-
sphérique, la Cour est d’avis que, si les rejets des cheminées de l’usine
déposaient dans le milieu aquatique des substances nocives, cette pollu-

tion indirecte du fleuve relèverait des dispositions du statut de 1975.
L’Uruguay semble adhérer à cette conclusion. Quoi qu’il en soit, eu égard
aux conclusions de la Cour sur la qualité de l’eau, la Cour estime que les
éléments versés au dossier n’établissent pas clairement que des substances
toxiques ont été introduites dans le milieu aquatique en conséquence des
rejets atmosphériques de l’usine Orion (Botnia).

f) Conclusions relatives à l’article 41

265. Il découle de ce qui précède que les éléments de preuve versés au
dossier ne permettent pas d’établir de manière concluante que l’Uruguay
n’a pas agi avec la diligence requise ou que les rejets d’effluents de
l’usine Orion (Botnia) ont eu des effets délétères ou ont porté atteinte aux

ressources biologiques, à la qualité des eaux ou à l’équilibre écologique
du fleuve depuis le démarrage des activités de l’usine en novembre 2007.
En conséquence, sur la base des preuves qui lui ont été présentées, la
Cour conclut que l’Uruguay n’a pas violé ses obligations au titre de l’ar-
ticle 41.

g) Obligations continues: suivi et contrôle

266. De l’avis de la Cour, les deux Parties ont l’obligation de veiller à
ce que la CARU, en tant que mécanisme commun créé par le statut
de 1975, puisse continûment exercer les pouvoirs que lui confère le statut,
y compris ses fonctions de surveillance de la qualité des eaux du fleuve et
d’évaluation de l’impact de l’exploitation de l’usine Orion (Botnia) sur le

milieu aquatique. L’Uruguay, pour sa part, a l’obligation de poursuivre
le contrôle et le suivi du fonctionnement de l’usine conformément à l’ar-
ticle 41 du statut et de s’assurer que Botnia respecte la réglementation
interne uruguayenne ainsi que les normes fixées par la commission. En
vertu du statut de 1975, les Parties sont juridiquement tenues de poursui-
vre leur coopération par l’intermédiaire de la CARU et de permettre à

cette dernière de développer les moyens nécessaires à la promotion de
l’utilisation équitable du fleuve, tout en protégeant le milieu aquatique.

**

91argues that the 1975 Statute was concluded not only to protect the qual-
ity of the waters, but also, more generally, the “régime” of the river and

“the areas affected by it, i.e., all the factors that affect, and are affected
by the ecosystem of the river as a whole”. Uruguay contends that the
Court has no jurisdiction over those matters and that, in any event, the
claims are not established on the merits.

264. With respect to noise and visual pollution, the Court has already
concluded in paragraph 52 that it has no jurisdiction on such matters
under the 1975 Statute. As regards air pollution, the Court is of the view
that if emissions from the plant’s stacks have deposited into the aquatic
environment substances with harmful effects, such indirect pollution of

the river would fall under the provisions of the 1975 Statute. Uruguay
appears to agree with this conclusion. Nevertheless, in view of the find-
ings of the Court with respect to water quality, it is the opinion of the
Court that the record does not show any clear evidence that substances
with harmful effects have been introduced into the aquatic environment
of the river through the emissions of the Orion (Botnia) mill into the air.

(f) Conclusions on Article 41

265. It follows from the above that there is no conclusive evidence in
the record to show that Uruguay has not acted with the requisite degree
of due diligence or that the discharges of effluent from the Orion (Botnia)
mill have had deleterious effects or caused harm to living resources or to

the quality of the water or the ecological balance of the river since it
started its operations in November 2007. Consequently, on the basis of
the evidence submitted to it, the Court concludes that Uruguay has not
breached its obligations under Article 41.

(g) Continuing obligations: monitoring

266. The Court is of the opinion that both Parties have the obligation
to enable CARU, as the joint machinery created by the 1975 Statute, to
exercise on a continuous basis the powers conferred on it by the 1975 Stat-
ute, including its function of monitoring the quality of the waters of the
river and of assessing the impact of the operation of the Orion (Botnia)

mill on the aquatic environment. Uruguay, for its part, has the obligation
to continue monitoring the operation of the plant in accordance with
Article 41 of the Statute and to ensure compliance by Botnia with Uru-
guayan domestic regulations as well as the standards set by CARU. The
Parties have a legal obligation under the 1975 Statute to continue their
co-operation through CARU and to enable it to devise the necessary

means to promote the equitable utilization of the river, while protecting
its environment.

**

91 V. L ES DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LES P ARTIES
DANS LEURS CONCLUSIONS FINALES

267. La Cour ayant conclu que l’Uruguay a manqué aux obligations
de nature procédurale lui incombant en vertu du statut de 1975 (voir

paragraphes 111, 122, 131, 149, 157 et 158 ci-dessus), il lui appartient de
tirer les conséquences de ces faits internationalement illicites qui engagent
la responsabilité internationale de l’Uruguay et de déterminer le contenu
de celle-ci.
268. L’Argentine demande en premier lieu à la Cour de constater que

l’Uruguay a violé les obligations de nature procédurale lui incombant en
vertu du statut de 1975, et a engagé sa responsabilité internationale à ce
titre. Elle demande aussi à la Cour d’ordonner à l’Uruguay la cessation
immédiate de ces faits internationalement illicites.

269. La Cour considère que la constatation du comportement illicite
de l’Uruguay en ce qui concerne ses obligations de nature procédurale
constitue en elle-même une mesure de satisfaction pour l’Argentine. Les
manquements de l’Uruguay aux obligations de nature procédurale ayant
eu lieu par le passé et ayant pris fin, il n’y a pas lieu d’en ordonner la

cessation.
270. L’Argentine estime toutefois qu’un constat d’illicéité constituerait
une forme de réparation insuffisante, quand bien même la Cour consta-
terait que l’Uruguay n’a manqué à aucune obligation de fond découlant
du statut de 1975, mais seulement à certaines de ses obligations de nature

procédurale. L’Argentine soutient en effet que les obligations de nature
procédurale et les obligations de fond prévues par le statut de 1975 sont
étroitement liées et qu’on ne saurait les dissocier sous l’angle de la répara-
tion, car les manquements aux premières continueraient à produire des
effets indésirables alors même qu’ils auraient pris fin. En conséquence,

l’Argentine estime que l’Uruguay est tenu de «rétablir sur le terrain et au
plan juridique la situation qui existait avant la perpétration de[s] ... faits
internationalement illicites». A ce titre, l’usine Orion (Botnia) devrait être
démantelée. Selon l’Argentine, la restitutio in integrum serait en effet la
forme de réparation de principe du fait internationalement illicite. En

s’appuyant sur l’article 35 des articles de la Commission du droit inter-
national sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illi-
cite, l’Argentine soutient que la restitution jouirait d’une priorité sur
toutes les autres formes de réparation, sauf lorsqu’elle est «matériellement
impossible» ou impose «une charge hors de toute proportion avec l’avan-

tage qui dériverait de la restitution plutôt que de l’indemnisation». Elle
expose que le démantèlement de l’usine n’est pas matériellement impos-
sible et n’emporterait par ailleurs pas de charge hors de toute proportion
dans le chef de l’Etat défendeur, dès lors que ce dernier a

«souligné que la construction des usines ne reviendrait pas à consti-

tuer un fait accompli susceptible de porter préjudice aux droits
de l’Argentine, et que la décision de poursuivre les travaux et de

92 V. T HE C LAIMS M ADE BY THE PARTIES

IN THEIR F INAL SUBMISSIONS

267. Having concluded that Uruguay breached its procedural obliga-

tions under the 1975 Statute (see paragraphs 111, 122, 131, 149, 157 and
158 above), it is for the Court to draw the conclusions following from
these internationally wrongful acts giving rise to Uruguay’s international
responsibility and to determine what that responsibility entails.

268. Argentina first requests the Court to find that Uruguay has vio-
lated the procedural obligations incumbent on it under the 1975 Statute
and has thereby engaged its international responsibility. Argentina further

requests the Court to order that Uruguay immediately cease these inter-
nationally wrongful acts.
269. The Court considers that its finding of wrongful conduct by Uru-

guay in respect of its procedural obligations per se constitutes a measure
of satisfaction for Argentina. As Uruguay’s breaches of the procedural
obligations occurred in the past and have come to an end, there is no
cause to order their cessation.

270. Argentina nevertheless argues that a finding of wrongfulness
would be insufficient as reparation, even if the Court were to find that
Uruguay has not breached any substantive obligation under the 1975 Stat-

ute but only some of its procedural obligations. Argentina maintains that
the procedural obligations and substantive obligations laid down in the
1975 Statute are closely related and cannot be severed from one another
for purposes of reparation, since undesirable effects of breaches of the

former persist even after the breaches have ceased. Accordingly, Argen-
tina contends that Uruguay is under an obligation to “re-establish on the
ground and in legal terms the situation that existed before [the] interna-
tionally wrongful acts were committed”. To this end, the Orion

(Botnia) mill should be dismantled. According to Argentina, restitutio in
integrum is the primary form of reparation for internationally wrongful
acts. Relying on Article 35 of the International Law Commission’s
Articles on the Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts,

Argentina maintains that restitution takes precedence over all other forms
of reparation except where it is “materially impossible” or involves
“a burden out of all proportion to the benefit deriving from restitution
instead of compensation”. It asserts that dismantling the mill is not mat-

erially impossible and would not create for the Respondent State a
burden out of all proportion, since the Respondent has

“maintained that construction of the mills would not amount to a

fait accompli liable to prejudice Argentina’s rights and that it was
for Uruguay alone to decide whether to proceed with construction

92 prendre ainsi le risque de devoir démanteler les usines en cas de déci-
sion défavorable de la Cour relevait de sa seule responsabilité»,

ainsi que la Cour l’a noté dans son ordonnance sur la demande en indica-
tion de mesures conservatoires soumise par l’Argentine en la présente
affaire (ordonnance du 13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006 , p. 125, par. 47).
L’Argentine ajoute que le caractère éventuellement disproportionné de la

restitution doit s’apprécier au plus tard au moment du dépôt de la
requête introductive d’instance, puisque dès cet instant l’Uruguay ne
pouvait ignorer le risque qu’il encourait en poursuivant la construc-
tion de l’usine litigieuse, ayant connaissance de la demande argentine de
cessation des travaux et de rétablissement de la situation antérieure.

L’Argentine considère enfin que les articles 42 et 43 du statut de 1975
sont inapplicables en l’espèce car ils établissent un régime de respon-
sabilité en l’absence de fait illicite.
271. Considérant que les obligations de nature procédurale sont dis-
tinctes des obligations de fond prévues par le statut de 1975, et que le
contenu de la règle en cause doit être pris en compte pour déterminer la

forme que doit prendre l’obligation de réparer découlant de sa violation,
l’Uruguay soutient que la restitution ne serait pas une forme de répara-
tion appropriée s’il n’était trouvé responsable que de manquements à des
obligations de nature procédurale. L’Uruguay souligne qu’en toute hypo-
thèse le démantèlement de l’usine Orion (Botnia) emporterait une «dis-

proportion frappante entre la gravité des conséquences du fait illicite
reproché et celles du remède demandé», le caractère éventuellement dis-
proportionné de la charge que représente la restitution devant s’apprécier
au moment où la Cour statue et non, comme le soutient l’Argentine, au
moment de sa saisine. L’Uruguay ajoute que le statut de 1975 constitue

une lex specialis au regard du droit de la responsabilité internationale, ses
articles 42 et 43 érigeant l’indemnisation, et non la restitution, comme la
forme de réparation appropriée en cas de pollution du fleuve survenant
en violation du statut de 1975.
272. N’ayant pas été saisie d’une demande de réparation fondée sur un

régime de responsabilité en l’absence de fait illicite, la Cour n’estime pas
nécessaire de déterminer si les articles 42 et 43 du statut de 1975 établis-
sent un tel régime. Il ne saurait par contre être déduit du texte desdits
articles, qui visent spécifiquement des cas de pollution, qu’ils auraient
pour objet ou pour effet d’écarter toute autre forme de réparation que
l’indemnisation en cas de manquement aux obligations de nature procé-

durale découlant du statut de 1975.
273. La Cour rappelle que, selon le droit international coutumier, la
restitution est l’une des formes de réparation du préjudice; elle consiste
dans le rétablissement de la situation qui existait avant la survenance du
fait illicite. La Cour rappelle également que, dans les cas où la restitution

est matériellement impossible ou emporte une charge hors de toute pro-
portion avec l’avantage qui en dériverait, la réparation prend alors la
forme de l’indemnisation ou de la satisfaction, voire de l’indemnisation et

93 and thereby assume the risk of having to dismantle the mills in the
event of an adverse decision by the Court”,

as the Court noted in its Order on Argentina’s request for the indication
of provisional measures in this case (Order of 13 July 2006, I.C.J.
Reports 2006, p. 125, para. 47). Argentina adds that whether or not
restitution is disproportionate must be determined at the latest as of the

filing of the Application instituting proceedings, since as from that time
Uruguay, knowing of Argentina’s request to have the work halted and
the status quo ante re-established, could not have been unaware of the
risk it ran in proceeding with construction of the disputed mill. Lastly,
Argentina considers Articles 42 and 43 of the 1975 Statute to be inappli-

cable in the present case, since they establish a régime of responsibility in
the absence of any wrongful act.

271. Taking the view that the procedural obligations are distinct from
the substantive obligations laid down in the 1975 Statute, and that
account must be taken of the purport of the rule breached in determining

the form to be taken by the obligation of reparation deriving from its
violation, Uruguay maintains that restitution would not be an appropri-
ate form of reparation if Uruguay is found responsible only for breaches
of procedural obligations. Uruguay argues that the dismantling of the
Orion (Botnia) mill would at any rate involve a “striking disproportion

between the gravity of the consequences of the wrongful act of which it is
accused and those of the remedy claimed”, and that whether or not a dis-
proportionate burden would result from restitution must be determined
as of when the Court rules, not, as Argentina claims, as of the date it was
seised. Uruguay adds that the 1975 Statute constitutes a lex specialis in

relation to the law of international responsibility, as Articles 42 and 43
establish compensation, not restitution, as the appropriate form of repa-
ration for pollution of the river in contravention of the 1975 Statute.

272. The Court, not having before it a claim for reparation based on a

régime of responsibility in the absence of any wrongful act, deems it
unnecessary to determine whether Articles 42 and 43 of the 1975 Statute
establish such a régime. But it cannot be inferred from these Articles,
which specifically concern instances of pollution, that their purpose or
effect is to preclude all forms of reparation other than compensation for
breaches of procedural obligations under the 1975 Statute.

273. The Court recalls that customary international law provides for
restitution as one form of reparation for injury, restitution being the
re-establishment of the situation which existed before occurrence of the
wrongful act. The Court further recalls that, where restitution is materi-

ally impossible or involves a burden out of all proportion to the benefit
deriving from it, reparation takes the form of compensation or satisfac-
tion, or even both (seeGabcˇíkovo-Nagymaros Project (Hungary/Slovakia),

93de la satisfaction (voirProjet Gabˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie),
arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 81, par. 152;Conséquences juridiques de l’édi-

fication d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 152-153; Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 233, par. 460; voir également les articles 34 à 37 des articles de la Com-

mission du droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite).
274. Tout comme les autres formes de réparation, la restitution doit
être appropriée au préjudice subi, compte tenu de la nature du fait illicite
dont il procède. Comme la Cour l’a souligné,

«savoir ce qui constitue «une réparation dans une forme adé-
quate» ... dépend, manifestement, des circonstances concrètes de
chaque affaire ainsi que de la nature exacte et de l’importance du

préjudice, puisqu’il s’agit de déterminer quelle est la «réparation
dans une forme adéquate» qui correspond à ce préjudice» (Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 59, par. 119).

275. Comme la Cour a eu l’occasion de le montrer (voir paragra-
phes 154 à 157 ci-dessus), les obligations de nature procédurale du statut
de 1975 n’emportaient pas, après l’expiration de la période de négocia-

tion, l’interdiction pour l’Uruguay de construire l’usine Orion (Botnia) en
l’absence du consentement de l’Argentine. La Cour a relevé cependant
que la construction de cette usine avait commencé avant la fin des négo-
ciations, en violation des obligations de nature procédurale énoncées par
le statut de 1975. Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a constaté sur la base

des éléments de preuve qui lui ont été soumis, le fonctionnement de
l’usine Orion (Botnia) n’a pas entraîné une violation des obligations de
fond prévues par le statut de 1975 (paragraphes 180, 189 et 265 ci-
dessus). Dès lors qu’il n’était pas interdit à l’Uruguay de construire et
de mettre en service l’usine Orion (Botnia) après l’expiration de la période

de négociation, et que l’Uruguay n’a violé aucune des obligations de fond
imposées par le statut de 1975, ordonner le démantèlement de cette ins-
tallation ne saurait constituer, de l’avis de la Cour, une forme de répara-
tion appropriée à la violation des obligations de nature procédurale.
276. L’Uruguay n’ayant pas manqué aux obligations de fond décou-
lant du statut de 1975, la Cour ne saurait davantage, pour les mêmes rai-

sons, accueillir la demande de l’Argentine relative à l’indemnisation de
certains préjudices dans différents secteurs économiques, notamment le
tourisme et l’agriculture, dont elle allègue l’existence.
277. L’Argentine demande aussi à la Cour de dire et juger que l’Uru-
guay doit «donner des garanties adéquates qu’[il] s’abstiendra à l’avenir

d’empêcher l’application du statut du fleuve Uruguay de 1975 et, en par-
ticulier, du mécanisme de consultation institué par le chapitre II de ce
traité».

94Judgment, I.C.J. Reports 1997, p. 81, para. 152; Legal Consequences
of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory,

Advisory Opinion, I.C.J. Reports 2004 (I) , p. 198, paras. 152-153;
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro),
Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I) , p. 233, para. 460; see also Articles 34
to 37 of the International Law Commission Articles on the Responsibil-

ity of States for Internationally Wrongful Acts).

274. Like other forms of reparation, restitution must be appropriate to
the injury suffered, taking into account the nature of the wrongful act
having caused it. As the Court has made clear,

“[w]hat constitutes ‘reparation in an adequate form’ clearly varies
depending upon the concrete circumstances surrounding each case
and the precise nature and scope of the injury, since the question has

to be examined from the viewpoint of what is the ‘reparation in an
adequate form’ that corresponds to the injury” (Avena and Other
Mexican Nationals (Mexico v. United States of America), Judg-
ment, I.C.J. Reports 2004 (I) , p. 59, para. 119).

275. As the Court has pointed out (see paragraphs 154 to 157 above),
the procedural obligations under the 1975 Statute did not entail any
ensuing prohibition on Uruguay’s building of the Orion (Botnia) mill,

failing consent by Argentina, after the expiration of the period for nego-
tiation. The Court has however observed that construction of that mill
began before negotiations had come to an end, in breach of the proce-
dural obligations laid down in the 1975 Statute. Further, as the Court has
found, on the evidence submitted to it, the operation of the Orion (Bot-

nia) mill has not resulted in the breach of substantive obligations laid
down in the 1975 Statute (paragraphs 180, 189 and 265 above). As Uru-
guay was not barred from proceeding with the construction and opera-
tion of the Orion (Botnia) mill after the expiration of the period for
negotiation and as it breached no substantive obligation under the

1975 Statute, ordering the dismantling of the mill would not, in the view
of the Court, constitute an appropriate remedy for the breach of proce-
dural obligations.

276. As Uruguay has not breached substantive obligations arising
under the 1975 Statute, the Court is likewise unable, for the same rea-

sons, to uphold Argentina’s claim in respect of compensation for alleged
injuries suffered in various economic sectors, specifically tourism and
agriculture.
277. Argentina further requests the Court to adjudge and declare that
Uruguay must “provide adequate guarantees that it will refrain in future

from preventing the Statute of the River Uruguay of 1975 from being
applied, in particular the consultation procedure established by Chap-
ter II of that Treaty”.

94 278. La Cour n’aperçoit pas en la présente espèce de circonstances
spéciales requérant d’ordonner une mesure telle que celle que réclame

l’Argentine. Comme la Cour a eu récemment l’occasion de le rappeler:
«[S]i la Cour peut, comme il lui est arrivé de le faire, ordonner à

l’Etat responsable d’un comportement internationalement illicite
d’offrir à l’Etat lésé des assurances et des garanties de non-
répétition, c’est seulement si les circonstances le justifient, ce
qu’il lui appartient d’apprécier.
En règle générale, il n’y a pas lieu de supposer que l’Etat dont un

acte ou un comportement a été déclaré illicite par la Cour répétera à
l’avenir cet acte ou ce comportement, puisque sa bonne foi doit être
présumée (voir Usine de Chorzów, fond, arrêt n o 13, 1928, C.P.J.I.
série A n 17,p.63; Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,

C.I.J. Recueil 1974, p. 272, par. 60; Essais nucléaires (Nouvelle-
Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974 , p. 477, par. 63; et
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité,
arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 437, par. 101). Il n’y a donc pas lieu,

sauf circonstances spéciales ... d’ordonner [que des assurances et des
garanties de non-répétition soient offertes].» (Différend relatif à des
droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicara-
gua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009 , p. 267, par. 150.)

279. L’Uruguay demande pour sa part à la Cour de confirmer son
droit «de poursuivre l’exploitation de l’usine Botnia conformément aux
dispositions du statut de 1975». L’Argentine estime que cette demande

doit être rejetée, notamment parce que, ayant été formulée pour la pre-
mière fois dans la duplique de l’Uruguay, elle constituerait une demande
reconventionnelle irrecevable au regard de l’article 80 du Règlement.
280. Sans qu’il soit nécessaire à la Cour de trancher la question de
recevabilité de cette demande, il lui suffit de constater que la demande de

l’Uruguay n’a aucune portée utile dès lors que les demandes de l’Argen-
tine relatives aux violations, par l’Uruguay, de ses obligations de fond et
au démantèlement de l’usine Orion (Botnia) ont été rejetées.

*
* *

281. La Cour souligne enfin que le statut de 1975 impose aux Parties
de coopérer entre elles, selon les modalités qu’il précise, afin d’assurer la
réalisation de son objet et de son but. Cette obligation de coopération
s’étend au contrôle et au suivi d’une installation industrielle, telle que

l’usine Orion (Botnia). A cet égard, la Cour relève qu’il existe entre les
Parties une longue et efficace tradition de coopération et de coordination
dans le cadre de la CARU. En agissant conjointement au sein de la
CARU, les Parties ont établi une réelle communauté d’intérêts et de

droits dans la gestion du fleuve Uruguay et dans la protection de son
environnement. Elles ont également coordonné leurs actions au moyen

95 278. The Court fails to see any special circumstances in the present
case requiring the ordering of a measure such as that sought by Argen-

tina. As the Court has recently observed:
“[W]hile the Court may order, as it has done in the past, a State

responsible for internationally wrongful conduct to provide the
injured State with assurances and guarantees of non-repetition, it
will only do so if the circumstances so warrant, which it is for the
Court to assess.
As a general rule, there is no reason to suppose that a State whose

act or conduct has been declared wrongful by the Court will repeat
that act or conduct in the future, since its good faith must be pre-
sumed (see Factory at Chorzów, Merits, Judgment No. 13, 1928,
P.C.I.J., Series A, No. 17 ,p.63;Nuclear Tests (Australia v. France),
Judgment, I.C.J. Reports 1974 , p. 272, para. 60; Nuclear Tests
(New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974 , p. 477,

para. 63; and Military and Paramilitary Activities in and against
Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Jurisdiction
and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p. 437, para. 101).
There is thus no reason, except in special circumstances . . . to order
[the provision of assurances and guarantees of non-repetition].”

(Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v.
Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009 , p. 267, para. 150.)

279. Uruguay, for its part, requests the Court to confirm its right “to
continue operating the Botnia plant in conformity with the provisions of
the 1975 Statute”. Argentina contends that this claim should be rejected,
in particular because it is a counter-claim first put forward in Uruguay’s
Rejoinder and, as such, is inadmissible by virtue of Article 80 of the

Rules of Court.
280. There is no need for the Court to decide the admissibility of this
claim; it is sufficient to observe that Uruguay’s claim is without any prac-
tical significance, since Argentina’s claims in relation to breaches by Uru-
guay of its substantive obligations and to the dismantling of the Orion

(Botnia) mill have been rejected.

* * *

281. Lastly, the Court points out that the 1975 Statute places the
Parties under a duty to co-operate with each other, on the terms therein

set out, to ensure the achievement of its object and purpose. This obliga-
tion to co-operate encompasses ongoing monitoring of an industrial
facility, such as the Orion (Botnia) mill. In that regard the Court notes
that the Parties have a long-standing and effective tradition of co-opera-
tion and co-ordination through CARU. By acting jointly through CARU,

the Parties have established a real community of interests and rights in
the management of the River Uruguay and in the protection of its envi-
ronment. They have also co-ordinated their actions through the joint

95du mécanisme conjoint constitué par la CARU, conformément aux dis-

positions du statut de 1975, et trouvé dans ce cadre des solutions appro-
priées à leurs divergences sans éprouver la nécessité d’avoir recours au
règlement judiciaire des différends prévu à l’article 60 du statut, jusqu’à
ce que la présente affaire soit portée devant la Cour.

* * *

282. Par ces motifs,

La C OUR ,
1) Par treize voix contre une,

Dit que la République orientale de l’Uruguay a manqué aux obliga-
tions de nature procédurale lui incombant en vertu des articles 7 à 12 du

statut du fleuve Uruguay de 1975 et que la constatation par la Cour de
cette violation constitue une satisfaction appropriée;
POUR : M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l’affaire ;

MM. Koroma, Al-Khasawneh, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor,
Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, juges;
M. Vinuesa, juge ad hoc;
CONTRE : M. Torres Bernárdez, juge ad hoc;

2) Par onze voix contre trois,

Dit que la République orientale de l’Uruguay n’a pas manqué aux obli-
gations de fond lui incombant en vertu des articles 35, 36 et 41 du statut
du fleuve Uruguay de 1975;

POUR : M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l’affaire ;
MM. Koroma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov,
Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, juges; M. Torres Bernárdez, juge
ad hoc;
CONTRE : MM. Al-Khasawneh, Simma, juges; M. Vinuesa, juge ad hoc;

3) A l’unanimité,

Rejette le surplus des conclusions des Parties.

Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de

la Paix, à La Haye, le vingt avril deux mille dix, en trois exemplaires,
dont l’un sera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis
respectivement au Gouvernement de la République argentine et au Gou-
vernement de la République orientale de l’Uruguay.

Le vice-président,

(Signé) Peter T OMKA .

Le greffier,
(Signé) Philippe C OUVREUR .

96mechanism of CARU, in conformity with the provisions of the 1975 Stat-

ute, and found appropriate solutions to their differences within its frame-
work without feeling the need to resort to the judicial settlement of
disputes provided for in Article 60 of the Statute until the present case
was brought before the Court.

* * *

282. For these reasons,

T HE C OURT ,

(1) By thirteen votes to one,
Finds that the Eastern Republic of Uruguay has breached its proce-

dural obligations under Articles 7 to 12 of the 1975 Statute of the River
Uruguay and that the declaration by the Court of this breach constitutes
appropriate satisfaction;

IN FAVOUR : Vice-President Tomka, Acting President ; Judges Koroma, Al-
Khasawneh, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skot-
nikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood; Judge ad hoc Vinuesa;

AGAINST: Judge ad hoc Torres Bernárdez;

(2) By eleven votes to three,

Finds that the Eastern Republic of Uruguay has not breached its sub-
stantive obligations under Articles 35, 36 and 41 of the 1975 Statute of

the River Uruguay;
IN FAVOUR: Vice-President Tomka, Acting President ; Judges Koroma, Abra-
ham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade,
Yusuf, Greenwood; Judge ad hoc Torres Bernárdez;

AGAINST: Judges Al-Khasawneh, Simma; Judge ad hoc Vinuesa;

(3) Unanimously,
Rejects all other submissions by the Parties.

Done in French and in English, the French text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this twentieth day of April, two thousand
and ten, in three copies, one of which will be placed in the archives of the

Court and the others transmitted to the Government of the Argentine
Republic and the Government of the Eastern Republic of Uruguay,
respectively.

(Signed) Vice-President. (Signed) Peter T OMKA ,
Vice-President.

(Signed) Philippe C OUVREUR ,

Registrar.

96 MM. les juges A L-K HASAWNEH et SIMMA joignent à l’arrêt l’exposé de

leur opinion dissidente commune; M. le juge EITHjoint à l’arrêt l’exposé
de son opinion individuelle; M. le jugKOTNIKOV joint une déclaration à
l’arrêt; M. le juge ANÇADO TRINDADE joint à l’arrêt l’exposé de son

opinion individuelle; M. le juge YUSUF joint une déclaration à l’arrêt;
M. le juge G REENWOOD joint à l’arrêt l’exposé de son opinion indivi-
duelle; M. le juge ad hoc ORRES BERNÁRDEZ joint à l’arrêt l’exposé de

son opinion individuelle; M. le juge ad hoc V INUESA joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion dissidente.

(Paraphé) P.T.

(Paraphé) Ph.C.

97 Judges A L-KHASAWNEH and SIMMA append a joint dissenting opinion

to the Judgment of the Court; Judge EITH appends a separate opinion
to the Judgment of the Court; JudgKOTNIKOV appends a declaration to
the Judgment of the Court; Judge C ANÇADO TRINDADE appends a

separate opinion to the Judgment of the Court; JudgeUSUF appends a
declaration to the Judgment of the Court; JudgeREENWOOD appends a
separate opinion to the Judgment of the Court; Judge ad hoc

TORRES B ERNÁRDEZ appends a separate opinion to the Judgment of the
Court; Judge ad hoc VINUESA appends a dissenting opinion to the Judg-
ment of the Court.

(Initialled) P.T.

(Initialled) Ph.C.

97

ICJ document subtitle

Arrêt du 20 avril 2010

Document file FR
Document Long Title

Arrêt du 20 avril 2010

Links