Arrêt du 11 juillet 1996

Document Number
091-19960711-JUD-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE À L'APPLICATION

DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION
ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

(BOSNIE-HERZÉGOVINE c. YOUGOSLAVIE)

EXCEPTIONSPRÉLIMINAIRES

ARRÊT DU 11 JUILLET 1996

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING APPLICATION OF
THE CONVENTIONON THE PREVENTION AND

PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE

(BOSNIA AND HERZEGOVINA vYUGOSLAVIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENTOF 11 JULY 1996 Mode officielde citation:
Application de la conventionpour la préventionet la répression
du crime de génocide,exceptionspréliminaires,arrêt,
C.Z.J.Recueil 1996,p. 595

Officia1cita:ion
Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime1.C.J. Reports 1996, p. 595jections,

Noàevente: 680 1
ISSN 0074-4441 Sales number
ISBN 92-1-070744-3 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1996 ANNÉE 1996
Il juillet
Rôle général
no 91 11juillet1996

AFFAIRE RELATIVE À L'APPLICATION

DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION

ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

(BOSNIE-HERZÉGOVINE c. YOUGOSLAVIE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

Compétencede la Cour - Retrait de la quatrième exceptionpréliminaire de
la Yougoslavie - Article ZX de la conventionsur legénocide:
a) Compétenceratione personae - Intention expriméepar la Yougoslaviede
demeurer liéepar les traités auxquels étaitartie l'ex-Yougoslavi- Il n'apas
étécontesté quela Yougoslavie soit partieà la conventionsur legénocide -

Notijication de succession adressée auSecrétairegénérad le l'Organisation des
Nations Uniespar la Bosnie-Herzégovine - Accession à l'indépendance de la
Bosnie-Herzégovineet admission aux Nations Unies- - L'article XI de la
conventionsur le génocide ouvre celle-ci((tout Membre des Nations Unies)) -
La Bosnie-Herzégovine pouvait devenir partie à la convention sur le génocide
par l'effet du mécanismede la successiond'Etats - Défautde reconnaissance
mutuelle des Parties au moment du dépôtde larequête - Article X des accords
de Dayton-Paris - Principe selon lequel la Cour ne doit pas sanctionneu rn
défaut quiaffecterait un acte de procédureet auquel la partie requérante pour-
rait aisément porter remède.

b) Compétenceratione materiae - Existence d'undiffërendjuridique- Dif-
férendentrant dans lesprévisionsde l'articleIX de la conventionsur legénocide
- Applicabilité de la convention sans considération particulière pour les cir-
constances liées au caractère interne onternationald'un confli- La question
de savoir si la Yougoslaviea étépartie prenante au conflit en cause relève du
fond - L'obligation qu'a chaqueEtat de préveniret de réprimer le crimede
génocide n'est paslimitée territorialementpar la convention - L'article ZX
n'exclut aucuneforme de responsabilitéd'Etat sous l'empirede la convention.
c) Etendue ratione temporis de la compétence dela Cour.

Bases supplémentaires de compétence invoqué per la Bosnie-Herzégovine
- Lettre du 8 juin 1992 des présidents duMonténégroet de Serbie - Traitéentre les Puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes, Croates et
Slovènes du 10 septembre1919 - Acquiescement à la compétence dela Cour
sur labase de l'article de la convention sur le génoc-deForum proroga-
tum.
Recevabilité dela requête- Evénementssurvenus, le caséchéant, dans un
contexte de guerre civile Chef d'Etat présumé pouvoir agiaru nom de I'Etat
dans ses relations internationaleset reconnu comme tel.
Absence d'abus des droits tirpar la Yougoslavie duparagraphe 6 de l'ar-
ticle36 du Statut et de l'article 79du Règlement.

Présents: M. BEDJAOUPIr ,ésident;M. SCHWEBEV Li,ce-Président;MM. ODA,
GUILLAUMS E, AHABUDDEW ENE,ERAMANTR RA,NJEVA H,ERCZEGH,
SHI,KOROMA V,ERESHCHETF IE,RRARBI RAVOP ,ARRA-ARANGUREN,

juges; MM. LAUTERPACH KTR,ECAj,uges ad hoc; M. VALENCIA-
OSPINAG , reffier.

En l'affaire relatàvl'application de la convention pour la prévention et la
répressiondu crime de génocide,

entre

la République deBosnie-Herzégovine,
représentée par

S. Exc.M. Muhamed Sacirbey,ambassadeur et représentant permanent de la
République deBosnie-Herzégovineauprès de l'organisation des Nations
Unies,
comme agent;

M. Phon van den Biesen, avocat au barreau d'Amsterdam,
comme agent adjoint, conseil et avocat;

M. Thomas M. Franck, professeur à la faculté dedroit et directeur du centre
d'études internationales del'universitéde New York,
M. Alain Pellet, professeur à l'universitéde Paris X-Nanterràl'Institut
d'études politiques de Paris,
MmeBrigitteStern, professeur àl'universitéde Paris 1(Panthéon-Sorbonne),
comme conseils et avocats;

M. Khawar M. Qureshi, membre du barreau d'Angleterre, Lecturer in Law
au King's College de Londres,
MmeVasvija VidoviC,ministre-conseiller à l'ambassade de la République de
Bosnie-Herzégovineaux Pays-Bas, représentant de la République de
Bosnie-Herzégovineauprès du Tribunal pénal international pour l'ex-
Yougoslavie,
M. Marc Weller, directeur adjoint des étudesau centre d'études internatio-
nales de l'universitéde Cambridge,membre de la facultédedroit de l'Uni-

versité deCambridge,
comme conseils ; M. Pierre Bodeau, allocataire-moniteur à l'universitéde Paris X-Nanterre,
M. Michiel Pestman, avocat au barreau d'Amsterdam,
M. Thierry Vaissière, chercheurau Cedin-Paris 1 (Panthéon-Sorbonne),
comme conseillers;

M. Hervé Ascencio,allocataire-moniteur à l'universitéde Paris X-Nanterre,

MmeMarieke Drenth,
MmeFroana Hoff,
M. Michael Kellogg,
M. Harold Kocken,
MmeNathalie Lintvelt,
M. Sam Muller,
M. Joop Nijssen,
M. Eelco Szab6,

comme assistants,

et
la Républiquefédérative de Yougoslavie,

représentéepar
M. Rodoljub Etinski, conseillerjuridique principal au ministère des affaires
étrangèresde la Républiquefédérative de Yougoslavie, professeur dedroit
international àl'universitéde Novi Sad,
M. Djordje LopiEiC,chargéd'affaires à l'ambassade dela Républiquefédé-
rative de Yougoslavie aux Pays-Bas,

comme agents;
M. Ian Brownlie, C.B.E., F.B.A., Q.C., professeur dedroit international
public, titulaire de la chaireichele à l'universitéd'Oxford,
M. Miodrag MitiC, ancien ministre adjoint des affaires étrangèresde la

Républiquefédérative de Yougoslavie,
M. Eric Suy, professeur àl'université catholiquede Louvain (K.U. Leuven),
ancien Secrétaire généra aldjoint et conseillerjuridique de l'Organisation
des Nations Unies,
comme conseilset avocats;

M. Stevan DjordjeviC,professeur de droit international à l'universitéde Bel-
grade,
M. Shabtai Rosenne, membre du barreau d'Israël,
M. Gavro PeraziC,professeur de droit international à l'université Podgorica,
comme conseils,

ainsi composée,

aprèsdélibéré ec nhambre du conseil,

rend l'arrêtsuivant:
1. Le 20 mars 1993,le Gouvernement de la RépubIiquede Bosnie-Herzégo-
vine (dénommée ci-aprèlsa «Bosnie-Herzégovine») a déposé au Greffe de la
Cour une requêteintroductive d'instance contre le Gouvernement de la Répu-blique fédérativede Yougoslavie (dénommée ci-aprèlsa «Yougoslavie») au
sujet d'un différendconcernant d'une part une série de violations alléguédse
la convention pour la préventionet la répressiondu crime de génocide (dénom-
méeci-aprèsla ((conventionsur le génocide))),adoptéepar l'Assemblée géné-
rale des Nations Unies le 9 décembre1948,et d'autre part diverses questions
qui, selon la Bosnie-Herzégovine, seraientliées à ces violations. La requête
invoquait comme base de compétence dela Cour l'article IX de la convention
sur le génocide.
2. Conformémentau paragraphe 2 de l'article40 du Statut, la requête a été
immédiatement communiquéeau Gouvernement yougoslave par le Greffier;
conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester
devant la Cour ont été informés dlea requête.
3. Conformément à l'article 43 du Règlement,le Greffier a adresséla noti-

fication prévueau paragraphe 1 de l'article 63 du Statutà tous les Etats qui
sont apparus comme étant parties à la convention sur le génocide selonles
informations communiquéespar le Secrétaire général dle'organisation des
Nations Unies en tant que dépositaire; le Greffier a en outre adressé au
Secrétaire généra ll notification prévueau paragraphe 3 de l'article34 du Sta-
tut.
4. Le 20 mars 1993,dèsaprèsle dépôtde sa requête, la Bosnie-Herzégovine
a présentéune demande en indication de mesures conservatoires en vertu de
l'article 41 du Statut. Le 31 mars 1993, l'agent de la Bosnie-Herzégovine a
déposéau Greffe, en l'invoquant comme base supplémentairede compétence
de la Cour en l'espèce,le texte d'une lettre en date du 8juin 1992adresséeau
président dela commission d'arbitrage de la conférenceinternationale pour la
paix en Yougoslavie par les présidents des Républiquesdu Monténégroet de
Serbie.

Le le' avril 1993,la Yougoslavie a présenté des observations écrite sur la
demande de mesures conservatoires dela Bosnie-Herzégovine,dans lesquelles
ellea àson tour recommandé àla Cour d'indiquer àla Bosnie-Herzégovinedes
mesures conservatoires.
Par une ordonnance en date du 8 avril 1993,la Cour, après avoir entendu les
Parties, a indiquécertaines mesures conservatoires à l'effet de protéger des
droits conféréspar la convention sur le génocide.
5. Par une ordonnance en date du 16 avril 1993,le Président dela Cour a
fix éu 15octobre 1993la date d'expiration du délaipour le dépôtdu mémoire
de la Bosnie-Herzégovine etau 15avril 1994la date d'expiration du délaipour
le dépôtdu contre-mémoire dela Yougoslavie.
6. La Cour ne comptant sur le siègeaucun juge de la nationalitédes Parties,
chacune d'elles s'estprévaluedu droit que lui confère leparagraphe 3 de l'ar-
ticle 31 du Statut de procéderà la désignationd'un juge ad hoc pour siéger

en l'affaire: la Bosnie-Herzégovine a désigné. Elihu Lauterpacht, et la You-
goslavieM. Milenko KreCa.
7. Le 27juillet 1993,la Bosnie-Herzégovinea présenté une nouveld lemande
en indication de mesures conservatoires; et, par une série decommunications
ultérieures, elle a fait savoir qu'elle entendait modifier ou compléter cette
demande, ainsi que, dans certains cas, la requête, y comprisla base de compé-
tence y invoqué?.Par des lettres du 6 août et du 10 août 1993,l'agent dela
Bosnie-Herzégovineaindiquéquesongouvernement entendait invoquer comme
bases supplémentaires de compétence dlea Cour en l'espèce,respectivement,le
traité entreles Puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes,Croates
et Slovènessur la protection des minorités, signé à Saint-Germain-en-Layele 10septembre 1919,et le droit international de la guerre coutumier et con-
ventionnel ainsi que le droit international humanitaire; et, par une lettre
du 13 août 1993, l'agent dela Bosnie-Herzégovine a confirmé la volontéde
son gouvernement d'invoquer au mêmetitre la lettre susviséedes présidents
du Monténégro etde Serbie, en date du 8 juin 1992 (voir paragraphe 4 ci-
dessus).
Le 10août 1993,la Yougoslavie a également présenté undeemande en indi-
cation de mesures conservatoires; et, les 10août et 23 août 1993, ellea déposé
des observations écritessur la nouvelle demande de la Bosnie-Herzégovine,
telle que modifiéeou complétée.
Par une ordonnance en date du 13 septembre 1993, la Cour, après avoir
entendu les Parties, a réaffirmles mesures indiquéesdans son ordonnance du

8 avril 1993et a déclaréque ces mesures devaient êtreimmédiatementet effec-
tivement mises en Œuvre.
8. Par une ordonnance en date du 7 octobre 1993, le Vice-Président dela
Cour, à la demande de la Bosnie-Herzégovine, areportéau 15 avril 1994la
date d'expiration du délaipour le dépôtdu mémoire;la date d'expiration du
délaipour le dépôtdu contre-mémoire a été reportépea,r la mêmeordonnance,
au 15avril 1995.La Bosnie-Herzégovineadûment déposé son mémoiredans le
délai ainsiprorogé.
9. Par une ordonnance en date du 21mars 1995,le Présidentde la Cour, àla
demande de la Yougoslavie, a reportéau 30juin 1995la date d'expiration du
délaipour le dépôtdu contre-mémoire.Dans le délai ainsiprorogé,la Yougo-
slavie,se référantau paragraphe 1de l'article 79 du Règlement, a présenté des
exceptionspréliminairesportant, respectivement,surla recevabilitédela requête
et sur la compétencede la Cour pour connaître de l'affaire. En conséquence,

par une ordonnance en date du 14juillet 1995,le Présidentde la Cour, cons-
tatant qu'en vertu des dispositions du paragraphe 3 de l'article 79 du Règle-
ment la procédure surle fond étaitsuspendue, a fixéau 14novembre 1995la
date d'expiration du délaidans lequel la Bosnie-Herzégovinepourrait présenter
un exposé écrictontenant sesobservations et conclusions sur lesexceptions pré-
liminaires soulevéespar la Yougoslavie. La Bosnie-Herzégovinea déposu én tel
exposédans le délai ainsifixé,et l'affaire s'est trouvée enétat pour ce qui est
des exceptions préliminaires.
10. Par une lettre en date du 2 février1996,l'agent dela Yougoslavie a sou-
mis à la Cour, «comme document pertinent aux fins de l'affaire)),le texte de
l'accord-cadre générap lour la paix en Bosnie-Herzégovineet ses annexes
(appelés collectivement«accord de paix))), paraphés à Dayton (Ohio) le
21 novembre 1995et signés à Paris le 14décembre1995(ci-après dénommélses
«accords de Dayton-Paris »).

Il. Conformémentau paragraphe 2 de l'article 53 du Règlement,la Cour a
décidé derendre accessiblesau public, à l'ouverture de la procédureorale, les
piècesde procédureet documents y annexés.
12. Des audiences publiques ont été tenuesentre le 29 avril et le 3 mai 1996,
au cours desquellesont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour la Yougoslavie : M. Rodoljub Etinski,
M. Miodrag Mitié,
M. Djordje Lopiëié,
M. Eric Suy,
M. Ian Brownlie,
M. Gavro Perazié.600 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

Pour la Bosnie-Herzégovine: S. Exc. M. Muhamed Sacirbey,
M. Phon van den Biesen,
M. Alain Pellet,
MmeBrigitte Stern,
M. Thomas M. Franck.

13. Dans la requête,les demandes ci-aprèsont été formuléepsar la Bosnie-
Herzégovine :

«En conséquence,tout en se réservant ledroit de reviser, compléterou
modifier la présente requête, et sous réserve d laeprésentation à la Cour
des preuves et arguments juridiques pertinents, la Bosnie-Herzégovineprie
la Cour de dire etjuger:
a) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) aviolé,et continue de
violer, ses obligations juridiquesà l'égarddu peuple et de 1'Etat de
Bosnie-Herzégovine en vertu des articles premier,II a), II b), II c),

11d), III a), III b), III c), III d), III e), IV et V de la convention sur
le génocide;
b) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) avioléet continue de
violer ses obligations juridiques à l'égarddu peuple et de 1'Etat de
Bosnie-Herzégovine envertu des quatre conventions de Genève de
1949,de leur protocole additionnel 1 de 1977,du droit international
coutumier de la guerre, et notamment du règlementde La Haye de
1907concernant la guerre sur terre, et d'autres principes fondamen-
taux du droit international humanitaire;
c) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) avioléet continue de
violer les dispositions des articles 1,2, 3,4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26 et 28 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme vis-à-vis des citoyens de la Bosnie-
Herzégovine ;

d) que la Yougoslavie (Serbieet Monténégro),en violation de ses obli-
gations en vertu du droit international généralet coutumier, a tué,
assassiné,blessé,violé, volé,torturé, enlevé,détenu illégalementet
exterminé des citoyensde la Bosnie-Herzégovine,et continue de le
faire;
e) qu'en traitant ainsi les citoyens de la Bosnie-Herzégovine,la Yougo-
slavie (Serbie et Monténégro) avioléet continue de violer les obli-
gations qu'elle a solennellement assumées envertu du paragraphe 3
de l'article 1 et des articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies;
f) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) aemployéet continue
d'employerla force et de recourir a lamenacede la force contre laBos-
nie-Herzégovine en violation desparagraphes 1,2, 3 et 4 de l'article2
et du paragraphe 1 de l'article 33 de la Charte des Nations Unies;

g) gations en vertu du droit international général et coutumier, utiliséet

utilise la force et la menace de la force contre la Bosnie-Herzégovine;
h) que la Yougoslavie (Serbieet Monténégro),en violation de ses obli-
gations en vertu du droit international généraelt coutumier, a violéet
viole la souveraineté dela Bosnie-Herzégovinedu fait:
- d'attaques arméescontre la Bosnie-Herzégovine par air et par terre; APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

- de la violation de l'espaceaérien de la Bosnie-Herzégovine;
- d'actes directs et indirects de coercition et d'intimidationà l'en-
contre du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine;

que la Yougoslavie(Serbieet Monténégro)e ,n violation des obligations
que lui impose le droit international générae lt coutumier, est interve-
nue et intervientdans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine;
que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro),en recrutant, entraînant,

armant, équipant, finançant, approvisionnant et en encourageant,
appuyant, aidant et dirigeant des actions militaires et paramilitairesen
Bosnie-Herzégovineou contre celle-cipar le moyen de ses agents et de
sesauxiliaires,a violéet viole sesobligations fondamentales et conven-
tionnelles expressesa l'égardde la Bosnie-Herzégovineet, en particu-
lier,sesobligationsfondamentaleset conventionnellesexpressesenvertu
du paragraphe 4 de l'article2 de la Charte des Nations Unies, de même
que sesobligationsen vertu du droit international général ectoutumier;
que, vu les circonstances exposées ci-dessus,la Bosnie-Herzégovine

possède ledroit souverain de se défendreet de défendreson peuple en
vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies et du droit inter-
national coutumier, y compris en se procurant immédiatement auprès
d'autres Etats des armes, des matérielset fournitures militaires ainsi
que des troupes;
que, vu les circonstances exposées ci-dessus,la Bosnie-Herzégovine
possède le droit souverain en vertu de l'article 51 de la Charte des
Nations Unies et du droit international coutumier de demander àtout
Etat de l'assister immédiatement ense portant à son secours, y com-
pris par des moyens militaires (armes, matérielset fournitures mili-
taires, troupes, etc.);

que la résolution 713 (1991) du Conseil de sécuritéimposant un
embargo sur les livraisons d'armes à l'ex-Yougoslaviedoit être inter-
prétéed'unemanièretellequ'elle neporte pas atteinte au droit naturel
de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-Herzégo-
vine en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies et des
règlesdu droit international coutumier;
que toutes les résolutions ultérieuresdu Conseil de sécurité qusieréfè-
rent à la résolution 713 (1991) ou la réaffirment doiventêtre inter-
prétées d'une manièrteelle qu'elles neportent pas atteinte au droit
naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-

Herzégovine envertu des dispositions de l'article 51 de la Charte des
Nations Unies et des règlesdu droit international coutumier;
que la résolution713 (1991)du Conseil de sécurité ettoutes les réso-
lutions ultérieuresdu Conseil de sécurité qui s'yréfèrentou la réaffir-
ment ne doivent pas êtreinterprétées commeimposant un embargo
sur les livraisons d'armesà la Bosnie-Herzégovine,conformémentaux
dispositions du paragraphe 1 de l'article 24 et de l'article 51 de la
Charte des Nations Unies et au principe coutumier d'ultra vires;
qu'en vertu du droit de légitime défense collective reconnu par l'ar-
ticle 51de la Charte desNations Unies tous lesautres Etats parties àla

Charte ont le droit de se porter immédiatementau secours de la Bos-
nie-Herzégovine - à sa demande - y compris en lui fournissant
immédiatement des armes, desmatérielest des fournitures militaires,et
des forces armées (soldats, marins, aviateurs,etc.); q) que la Yougoslavie (Serbieet Monténégro), etses agents et auxiliaires,
sont tenus de mettre fin et de renoncer immédiatement à leurs viola-

tions susmentionnées de leurs obligations juridiques,et ont le devoir
exprèsde mettre fin et de renoncer immédiatement:
- à leur pratique systématiquede la ((purification ethnique)) des
citoyens et du territoire souverain de la Bosnie-Herzégovine;
- à l'assassinat,à l'exécutionsommaire, à la torture, au viol,à l'enlè-

vement, à la mutilation, aux blessures, aux sévicesphysiques et
psychologiques et à la détentiondes citoyens de la Bosnie-Herzé-
govine;
- a la dévastation sauvageet aveuglede villages,de villes,de districts,
d'agglomérations et d'institutionsreligieuses en Bosnie-Herzégo-
vine ;
- au bombardement de centres de population civile en Bosnie-Her-

zégovine,et spécialementde sa capitale, Sarajevo;
- à la poursuite du siègede centres de population civile de Bosnie-
Herzégovine, et spécialemendte sa capitale, Sarajevo;
- à la privation de nourriture de la population civile de Bosnie-
Herzégovine ;
- aux actes ayant pour effet d'interrompre, d'entraverou de gêner
l'acheminement des secours humanitairesenvoyéspar la commu-
nautéinternationale aux citoyens de Bosnie-Herzégovine;

- à toute utilisation de la force - directe ou indirecte, manifeste ou
occulte - contre la Bosnie-Herzégovine,et à toutes les menaces
d'utilisation dela force contre la Bosnie-Herzégovine;
- àtoutes lesviolations de la souveraineté,de l'intégrité territoriaolue
de l'indépendance politique dela Bosnie-Herzégovine, y compris
toute intervention, directeou indirecte, dans les affaires intérieures
de la Bosnie-Herzégovine ;

- à tout appui de quelque nature qu'il soit - y compris l'entraîne-
ment et la fourniture d'armes, de munitions, de fonds, de matériels,
d'assistance, d'instructionou toute autre forme de soutien - àtoute
nation, groupe, organisation, mouvementou individu se livrant ou
se disposant a se livrer a des actions militairesou paramilitaires en
Bosnie-Herzégovineou contre celle-ci;

r) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro)est tenue de payer à la
Bosnie-Herzégovine, enson propre nom et en tant queparens patriae
de ses citoyens, des réparationspour les dommages subispar les per-
sonnes et les biens ainsi que par l'économieet l'environnement de la
Bosnie à raison des violations susviséesdu droit international, dont le
montant sera déterminé par la Cour. La Bosnie-Herzégovineseréserve

le droit de présenter à la Cour une évaluationprécise des dommages
causéspar la Yougoslavie (Serbie et Monténégro). ))

14. Dans la procédureécrite,les conclusions ci-aprèsont été présentép esr
les Parties:

Au nom du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,
dans le mémoire

«Sur la base des éléments de preuve et des argumentsjuridiques exposés
dans le présent mémoirel,a Bosnie-Herzégovineprie la Cour de dire et juger:
1. Que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténé-

gro), directement ou par le truchement de ses auxiliaires, a violéet conti-
nue de violerla convention pour la préventionet la répressiondu crime de
génocide,en détruisantpartiellement, et en tentant de détruire totalement,
des groupes nationaux, ethniques ou religieux,notamment mais non exclu-
sivement sur le territoire de la Républiquede Bosnie-Herzégovine, enpar-
ticulier la population musulmane, en se livrant aux actes suivants:

- meurtre de membres du groupe;
- atteinte graveàl'intégrité physiquoeu mentale de membres du groupe;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence visant
à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
- imposition de mesures aux fins d'entraver les naissances au sein du
groupe;

2. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie eM t onténégro)
a violéet continue de violer la convention pour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide enserendant coupable d'entente envue de com-
mettre le génocide,de complicitédans le génocide,de tentative de génocide
et d'incitation a commettre le génocide;
3. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
a violéet continue de violer la convention pour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide enaidant et encourageant des individus et des
groupes se livrant à des actes de génocide;
4. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie etMonténégro)

a violéet continue de violer la convention pour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide enmanquant à son obligation de préveniret de
punir les actes de génocide;
5. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbieet Monténégro)
doit immédiatementmettre fin aux actes susmentionnéset prendre des
mesures immédiateset efficacespour s'acquitter pleinement deses obliga-
tions aux termes de la convention pour la préventionet la répressiondu
crime de génocide;
6. Que la République fédérativdee Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
doit effacerlesconséquencesde sesactesinternationalement illiciteset réta-
blir la situation qui existait avant que les violations de la convention pour

la prévention etla répressiondu crime de génocide ne fussent commises;
7. Que, sa responsabilitéinternationale étantengagéeà raison des vio-
lations susmentionnées dela convention pour la préventionet la répression
du crime de génocide,la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)est tenue de payer à la Bosnie-Herzégovine,et cette dernière
est fondée à recevoir, en son propre nom et en tant queparens patriae de
ses citoyens, pleine réparation pour les dommages et les pertes causés,
réparation dont le montant sera déterminépar la Cour lors d'une phase
ultérieure dela procédureen l'instance.

La Républiquede Bosnie-Herzégovinese réservele droit de compléter
ou de modifier ses conclusions dans le cadre d'autres piècesde procédure.
La Républiquede Bosnie-Herzégovine appelle également respectueuse-
ment l'attention de la Cour sur le fait qu'elle n'a pas réitéréà ce stade,

plusieurs des demandes qu'elleavait formuléesdans sa requête,partant du
postulat formel que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)a acceptéla compétence dela Cour en vertu de la convention
pour la préventionet la répressiondu crime de génocide. Si le défendeur
devait revenir sur son acceptation de la compétence dela Cour en applica-
tion de ladite convention- ce qu'en tout étatde cause il n'est pasautorisé
à faire- le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovinese réserve ledroit
d'invoquer toutes les autres bases de compétence existantes,ou certaines
d'entre elles,et de formuler de nouveau toutes lesconclusions et demandes
qu'il a déjà présentéeo , certaines d'entre elles.»

Au nom du Gouvernement yougoslave,
dans les exceptions préliminaires:

«La Républiquefédérative de Yougoslavie prilea Cour de dire etjuger:

Premièreexception préliminaire
A.1. Attendu que la guerre civileexclut l'existenced'un différendinter-
national,

la requête dela prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine n'est pas
recevable.
Deuxième exceptionpréliminaire

A.2. Attendu qu'Alija Izetbegovii:n'occupait pasles fonctions de pré-
sident de la Républiqueà l'époqueou il a donnél'autorisation d'introduire
une instance et attendu que la décisiond'introduire une instance n'a pas
été prisepar un organe compétent, la présidenceou le gouvernement,
l'autorisation d'introduire et de conduire une instance a été accordée en
violation d'une règle de droit interne d'importance fondamentale; en
conséquence,

la requêtede la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine n'est pas
recevable.
Troisième exceptionpréliminaire

B.1. Attendu que la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine a
violéde façon flagrante, par ses actes relatiàsl'indépendance,les obliga-
tions découlant duprincipe de l'égalité dedsroits et du droit des peupleà
disposer d'eux-mêmee st que pour cette raison la notification de succession
de la Partie requérante,en date du 29 décembre 1992,à la convention de
1948pour la préventionet la répressiondu crime de génocide estsans effet
juridique,
Attendu que la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine n'estpas

devenue Etat partie à la convention de 1948 pour la prévention et la
répression du crime de génocideconformément aux dispositions de la
convention elle-même,
la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovinen'estpas un Etat partie
à la convention de 1948pour la prévention et larépressiondu crime de
génocideet, en conséquence,

la Cour n'a pas compétence enla présente affaire.
Quatrième exceptionpréliminaire

B.2. Attendu que la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine a été
reconnue dans des conditions qui méconnaissentles règlesdu droit inter-605 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

national, que celle-cin'a jamais été établiseur le territoire qu'elle reven-
dique comme le sien et dans la forme sous laquelle elle prétend exister
depuis sa déclarationillégale d'indépendance, eatttendu qu'il existe ac-
tuellement quatre Etats sur le territoire de l'ex-République yougoslavede
Bosnie-Herzégovine,la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovinen'est
pas partie à la convention de 1948pour la préventionet la répressiondu
crime de génocide; en conséquence,

la Cour n'est pas compétente enla présente affaire.
Cinquièmeexception préliminaire

C. Attendu qu'il y a enl'espèceun conflit interne entre quatre parties,
conflit auquel la République fédérativede Yougoslavie n'est pas partie
prenante, et attendu que la Républiquefédérativede Yougoslavie n'exer-
çait aucune juridiction sur les territoires en cause pendant la périodeconsi-
dérée,
Attendu que le mémoirede la Partie requéranteest fondé surune inter-

prétation foncièrement erronée de la convention de 1948 pour la pré-
vention et la répressiondu crime de génocideet qu'en conséquenceles
demandes contenues dans les «conclusions» sont fondéessur des alléga-
tions de responsabilitéd'Etat qui échappentau domaine d'applicationde la
convention et de sa clause compromissoire,
il n'existe pas de différendinternational au sens de l'article IX de la
convention de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de
génocideet, en conséquence,

la Cour n'est pas compétente enla présente affaire.
Si la Cour ne retient aucune des exceptions préliminaires susmention-
nées :

Sixième exceptionpréliminaire
D.1. Sans préjudice des exceptions préliminaireq sui précèdent,attendu

que la notification de successionendate du 29 décembre1992par laquelle
la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine a exprimé son intention
de devenir partie àla convention de 1948pour la prévention etla répres-
sion du crime de génocide nepeut avoir pour effet que l'adhésion à la
convention,
la Cour est compétente enl'espèceà compter du 29 mars 1993de sorte
que les demandes de la Partie requéranterelatives aux actes ou faits allé-
guéspar elle et intervenus antérieurement à cette date ne sont pas du

ressort de la Cour.
Au cas où la Cour refuserait de faire droit à l'exception préliminaire
viséeen D. 1.:

Septième exceptionpréliminaire
D.2. Sans préjudice dela sixièmeexception préliminaire,si la notifica-
tion de successionde la Partie requéranteen date du 29 décembre1992est
interprétéecomme ayant pour effet que celle-ci est devenue partie à la

convention de 1948sur le génocideà compter du 6 mars 1992,d'aprèsla
règledu droit international coutumier, la convention de 1948pour la pré-
vention etla répressiondu crime de génocide neserait pas applicable entre
les Parties avant le 29 décembre1992et elle ne conféreraitdonc pas à la Cour compétenceà l'égardd'événements intervenus avant cette date; en
conséquence,
les demandesde la Partie requérante relatives aux actes ou faits allégués
par elle qui sont antérieursau 29 décembre1992ne sont pas du ressort
de la Cour.

La République fédérativedeYougoslavie se réservele droit de complé-
ter ou de modifier ses conclusions à la lumière desplaidoiries à venir.))

Au nom du Gouvernement dela Bosnie-Herzégovine,
dans l'exposéécritcontenant ses observations et conclusionssur les exceptions
préliminaires :

((Considérantl'exposéqui précède,le Gouvernement de la République
de Bosnie-Herzégovinedemande à la Cour:
- de rejeter et écarterles exceptions préliminairesde la Yougoslavie (Ser-
bie et Monténégro); et
- de dire et juger:

i) que la Cour a compétence à l'égard desconclusions présentées dans
le mémoirede la Bosnie-Herzégovine;
ii) que ces conclusions sont recevables.»

15. Dans la procédure orale, les conclusions ci-aprèsont été présentép ear
les Parties:
Au nom du Gouvernement yougoslave ',

à l'audience du 2 mai 1996 :
«La Républiquefédérativd ee Yougoslavie prie la Cour de dire etjuger:

Premièreexceptionpréliminaire
Attendu que les événements, auxquelsse réfèrela requête, quise sont
produits en Bosnie-Herzégovine,constituent une guerre civile, il n'existe
aucun différendinternational selon les termes de l'article IX de la conven-
tion de 1948pour la prévention et la répressiondu crime de génocide;en

conséquence,
la requête de laBosnie-Herzégovinen'est pas recevable.
Deuxième exceptionpréliminaire

Attendu que M. Alija IzetbegoviCn'occupait pas les fonctions de prési-
dent de la République à l'époque oùil a donné l'autorisation d'introduire
une instance et, attendu que la décisiond'introduire une instance n'a pas
été prisepar un organe compétent, la présidenceou le gouvernement,
l'autorisation d'introduire et de conduire une instance a été accordée en
violation de règles dedroit interne d'importance fondamentale; en consé-
quence,

la requêtede la Bosnie-Herzégovinen'estpas recevable.
Troisièmeexceptionpréliminaire

Attendu que la Bosnie-Herzégovinen'a pas établisa qualitéd7Etatindé-

' Le Gouvernement yougoslave a renoncéa sa quatrièmeexception préliminaire.

15pendant conformémentau principe de l'égalité ded sroits et du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes et pour cette raison n'a pu succéder à la
convention de 1948pour la prévention et la répressiondu crime de géno-
cide,
Attendu que la Bosnie-Herzégovinen'est pasdevenuepartie àla conven-
tion de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de génocide
conformément aux dispositionsde la convention elle-même,

la Bosnie-Herzégovine n'estpas un Etat partie a la convention de 1948
pour la prévention et la répressiondu crime de génocide; en consé-
quence,
la Cour n'est pas compétenteen la présente affaire.

Cinquième exceptionpréliminaire
Attendu qu'il y a en l'espèceun conflitinterne entre trois parties, auquel

la République fédérativede Yougoslavie n'est pas partie prenante, et
attendu que la République fédérative de Yougoslavien'exerçait aucune
juridiction sur le territoire de la Bosnie-Herzégoviàel'époque considérée,
Attendu que le mémoirede la Partie requérante repose sur une interpré-
tation fondamentalement erronée de la convention de 1948pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocideet que, en conséquence,les
demandesde la Partie requérante figurantdans ses~~conclusions» reposent
sur des allégations de responsabilitéd'Etat qui se situent en dehors du

champ d'application de la convention et de sa clause compromissoire,
il n'existe aucun différend international en vertu de l'article IX de la
convention de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de
génocideet, en conséquence,
la Cour n'est pas compétenteen la présente affaire.

Si la Cour ne retient aucune des exceptions préliminaires susmention-
nées :

Sixième exceptionpréliminaire
Sans préjudicedes exceptions préliminaires qui précèdent,attendu que
les deux Parties ont reconnu, chacune, le 14décembre1995,que la conven-
tion de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de génocide
n'était pas applicableentre elles avant le 14 décembre 1995;en consé-
quence,

la Cour n'estpas compétenteen la présente affaireavant le 14décembre
1995.
Subsidiairementet sanspréjudicedesexceptions préliminaires formuléceis-
dessus. attendu aue la notification de succession. en date du 29 décembre
1992, par laquelie la Bosnie-Herzégovinea expkmé l'intention de deve-
nir partie a la convention de 1948pour la prévention etla répressiondu

crime de génocidene peut avoir pour effet que l'adhésiona la convention,
la Cour n'estpas compétenteen la présente affaireavant le 29mars 1993
et, par conséquent,les demandes de la Partie requérante quiont trait
aux actes ou faits qui se seraientproduits avant cette date ne sont pas du
ressort de la Cour.

Au cas où la Cour refuserait de faire droit aux exceptionspréliminaires
qui précèdent :Septième exceptionpréliminaire
Si la notification de succession de la Partie requérante en date du

29 décembre1992 est interprétée commeayant pour effet que la Partie
requérante estdevenu partie à la convention de 1948pour la préventionet
la répressiondu crime de génocide à compter du 6 mars 1992et, attendu
que le Secrétairegénérad le l'organisation desNations Unies a adresséaux
parties a ladite convention une note, datéedu 18mars 1993,lesinformant
de ladite succession,conformément auxrèglesdu droit international géné-
ral, la convention de 1948pour la préventionet la répressiondu crime de
génociden'est pas applicable entre les Parties avant le 18 mars 1993et,
attendu qu'une telle situation ne saurait conférercomp,étenceà la Cour au
regard d'événementq sui se sont produits avant le 18mars 1993; en consé-
quence,

les demandes de la Partie requérante quiont trait aux actes ou faits allé-
guésqui sont antérieurs au 18 mars 1993ne sont pas du ressort de la
Cour.

En tant que dernière exception subsidiaire:
Si la notification de succession de la Partie requérante en date du
29 décembre1992 est interprétée commeayant pour effet que la Partie
requéranteest devenu partie à la convention de 1948pour la préventionet
la répressiondu crime de génocide à compter du 6 mars 1992,conformé-

ment aux règlesdu droit international général,la conventionde 1948pour
la préventionet la répressiondu crime de génociden'est pas applicable
entre les Parties avant le 29 décembre1992et, attendu qu'elle nesaurait
conférer compétence à la Cour à l'égard d'événementsqu si sont produits
avant le 29 décembre1992, enconséquence,
les demandes de la Partie requérante quiont trait aux actes ou faits allé-
guésqui sont antérieursau 29 décembre1992ne sont pas du ressort de

la Cour.
Exceptionsfondéessur deprétendues bases supplémentairedse compétence

Compte tenu de la demande de la Partie requérante de fonder la com-
pétencede la Cour sur les articles 11 et 16 du traitéentre les principales
puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes, Croates et Slo-
vènes, signéà Saint-Germain-en-Laye le 10 septembre 1919, la Répu-
blique fédérativede Yougoslavie prie la Cour
de rejeter ladite demande,

- au motif que le traité entrelesprincipalespuissances alliéeset associées
et le Royaume des Serbes,Croates et Slovènes, signé à Saint-Germain-
en-Laye le 10septembre 1919,n'est pas en vigueur; et subsidiairement
- au motif que la Partie requérante n'est pas fondéeà invoquer la com-
pétence dela Cour sur la base des articles 11et 16du traité.

Compte tenu de la demande de la Partie requérante d'établir la compé-
tence de la Cour sur la base de la lettre du 8 juin 1992 qu'ont adressée
M. Slobodan MiloseviéetM. Momir Bulatovié,présidentsdes deuxRépu-
bliques yougoslaves (la Serbieet le Monténégro),au président de la com-
mission d'arbitrage de la conférencepour la paix en Yougoslavie,la Répu-
blique fédérativede Yougoslavie prie la Cour

de rejeter ladite demande, - au motif que la déclaration figurantdans la lettre du 8 juin 1992 ne
peut pas êtreconsidéréc eommeune déclarationde la Républiquefédé-
rative de Yougoslavieconformémentauxrèglesdu droit international,
et
- au motif quecette déclaration n'étaiptas en vigueurle 31mars 1993ni
aprèscette date.

Compte tenu de la demande de la Partie requérante d'établilra compé-
tence dela Cour sur la base de la doctrine duforum provogatum,la Répu-
blique fédérativdee Yougoslavie prie laCour

de rejeter ladite demande,
- au motif que la demande en indication de mesures conservatoires
n'emporte pas consentement à la compétencede la Cour, et
- au motif queles conditions d'applicationde la doctrine duforum pro-
rogatum ne sont pas remplies.»

Au nom du Gouvernement dela Bosnie-Herzégovine,

à l'audience du3 mai 1996:
((Considérantce qui a été exposépar la Bosnie-Herzégovine dans toutes
sesconclusionsécritesantérieures etce qui a été affirmp éar les représen-

tants de cet Etat au cours de la procédure oralede cette semaine,le Gou-
vernement de la Bosnie-Herzégovineprie respectueusement lC aour:

1) de dire etjuger que laRépubliquefédérative de Yougoslaviaeabusé
du droit de soulever des exceptions préliminairesque prévoientle para-
graphe 6 de l'article36 du Statut de la Cour et l'article79 de son Règle-

ment;
2) de rejeter les exceptions préliminaires de Républiquefédérative de
Yougoslavie;
3) de dire etjuger
i) que la Cour est compétentesur la base desdivers motifsqui ont
été exposé dsans nos conclusions écriteantérieureset qui ont été
plus amplement démontrésau cours de la présente procédure

orale au regard des conclusions présentéed sans le mémoirede la
Bosnie-Herzégovine;
ii) que ces conclusions sont recevables.»

16. Pour fonder la compétence de la Cour en l'espèce,la Bosnie-Her-
zégovine a invoqué à titre principal l'articleIX de la convention sur le
génocide. La Cour se penchera d'abord sur les exceptions préliminaires
soulevéespar la Yougoslavie sur ce point. Elle prendra acte auparavant

du retrait par la Yougoslavie, au cours de la procédure orale, de sa qua-
trième exception préliminaire, dont il n'échet en conséquence plusde trai-
ter. Aux termes de sa troisième exception, la Yougoslavie a contesté,
pour différents motifs, que la convention lie les deux Parties ou soit
entréeen vigueur entre elles; et, aux termes de sa cinquième exception, la

Yougoslavie a contesté,pour des raisons diverses, que le différendsoumispar la Bosnie-Herzégovineentre dans les prévisionsde l'article IX de la
convention. La Cour examinera successivementces deux chefs d'incom-
pétence allégués.

17. L'instance introduite devant la Cour oppose deux Etats dont le
territoire est sitàl'intérieur de l'ex-République fédératisecialiste de
Yougoslavie. Celle-cia signéla conventionsur le génocidele 11décembre
1948et a déposéson instrument de ratification, sans réserves,le 29 août
1950.Lors de la proclamation de la République fédérativede Yougosla-
vie, le 27 avril 1992,une déclarationformelle a étéadoptéeen son nom,
aux termes de laquelle:

«La République fédérativd ee Yougoslavie, assurant la continuité
de1'Etatet de la personnalitéjuridique et politique internationale de
la République fédérativesocialiste de Yougoslavie, respectera stric-
tement tous les engagements que la République fédérativesocialiste
de Yougoslavie a prisà l'écheloninternational. »

L'intention ainsi expriméepar la Yougoslavie de demeurer liéepar les
traités internationaux auxquels était partie l'ex-Yougoslavie a été
confirméedans une note officielledu 27 avril 1992adresséeau Secrétaire
générap l ar la mission permanente de la Yougoslavie auprèsdes Nations
Unies. La Cour observe en outre qu'il n'a pas étécontesté quela You-
goslaviesoit partieàla convention sur le génocide.Ainsi, la Yougoslavie
étaitliéepar les dispositions de la conventionà la date du dépôt de la
requêteen la présenteaffaire, le 20 mars 1993.

18. La Bosnie-Herzégovine,pour sa part, a communiquéle 29 dé-
cembre1992au Secrétairegénérad lel'organisation desNations Unies,en sa
qualité de dépositairede la convention sur le génocide,une notification
de succession aux termes de laquelle:
«le Gouvernement de la Républiquede Bosnie-Herzégovine,ayant

examinéla convention pour la prévention et la répressiondu crime
de génocide,du 9 décembre1948, à laquelle l'ex-Républiquefédéra-
tive socialistede Yougoslavie était partie, souhaite êtrele successeur
de cette dernière et s'engagerespecter et exécuterscrupuleusement
toutes lesclauses figurant dans ladite convention, avec effetmp-
ter du6 mars 1992,date à laquelle la République de Bosnie-Herzé-
govine est devenue indépendante)).

Le 18mars 1993, le Secrétairegénérala communiqué aux parties à la
convention sur le génocidela notification ci-après:
«Le 29 décembre1992,la notification de succession par le Gou-
vernement de la Bosnie-Herzégovine à la convention susmentionnée

a étédéposée auprèsdu Secrétairegénérala,veceffetau 6mars 1992,
date à laquelle la Bosnie-Herzégovinea assuméla responsabilitéde
ses relations internationales. » 19. La Yougoslavie a mis en cause la validitéet l'effetjuridique de la
notificationdu 29 décembre1992en soutenant que la République de Bos-
nie-Herzégovineavait violéde façon flagrante, par ses actes relatifs à
l'accessionà l'indépendance,les obligations découlant du ((principe de
l'égalité desdroits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes)).
Ainsi, selon la Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovinen'avait pas qualité
pour être partieà la convention. La Yougoslavie a ensuite repris cette
objectiondans la troisième exception préliminairequ'ellea soulevéeenla
présente affaire.
La Cour constate que la Bosnie-Herzégovineest devenue Membre de
l'organisation des Nations Unies àla suite des décisions prisesle 22mai
1992par le Conseil de sécuritéet l'Assembléegénérale,organes compé-
tents en vertu de la Charte. Or l'article XI de la convention sur le géno-
cide ouvre celle-ci ((tout Membre des Nations Unies)); dèsson admis-

sion au sein de l'organisation, la Bosnie-Herzégovinepouvait donc
devenir partieàla convention. Peu importent alors lescirconstancesdans
lesquelleselle a accédéàl'indépendance.
20. Il ressort de ce qui précède quela Bosnie-Herzégovinepouvait
devenir partieà la convention par l'effetdu mécanisme dela succession
dYEtats.Du reste, le Secrétairegénéral deNations Unies a considéréque
tel avait étéle cas, et la Cour en a pris note dans son ordonnance du
8 avril 1993(Application de la conventionpour lapréventionet la répres-
sion du crime degénocide, mesures conservatoires, C.I.J. Recueil1993,
p. 16,par. 25).
21. Les Parties au différendont exprimé desopinions divergentes sur
lesconséquencesjuridiques qui devraient s'attacher la survenance d'une
successiond'Etats en l'espèce.Dans ce contexte,la Bosnie-Herzégovinea

notamment avancéque la conventionsur le génocideappartient à la caté-
gorie des instruments de protection des droits de l'homme et qu'enconsé-
quence la règle de la «succession automatique)) s'impose. La Bosnie-
Herzégovine enconclut qu'elle est devenuepartie àla convention dès son
accession àl'indépendance.La Yougoslavie a contesté toute((succession
automatique)) de la Bosnie-Herzégovine àla convention sur le génocide
sur cette base ou autrement.
22. En ce qui concerne la nature de la convention sur le génocide,la
Cour rappellera ce qu'elle a déclarédans son avis consultatif du 28 mai
1951afférentaux Réserves à la conventionpour lapréventionet la répres-
sion du crime de génocide:

((Dans une telle convention, les Etats contractants n'ont pas
d'intérêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt

commun, celui de préserverles fins supérieuresqui sont la raison
d'être dela convention. Il en résulteque l'on ne saurait, pour une
convention de ce type, parler d'avantages ou de désavantages indi-
viduels des Etats, non plus que d'un exact équilibrecontractuel à
maintenir entre les droits et les charges.)) (C.I.J. Recueil 1951,
p. 23.)La Cour a ensuite constaté dans ce mêmeavis:
((L'objetetle but de la conventionsur le génocideimpliquent chez
l'Assemblée généraleet chez les Etats qui l'ont adoptée l'intention

d'y voir participer le plus grand nombre possible d7Etats. L'exclu-
sion complète de la convention d'un ou de plusieurs Etats, outre
qu'ellerestreindrait le cerclede son application, serait une atteinte
l'autoritédes principes de morale et d'humanité qui sonà sa base.»
(C.I.J. Recueil 1951, p. 24.)

23. Sans préjudice del'applicabilitéou non du principe de la ((succes-
sion automatique)) dans le cas de certains types de traités ou conventions
internationaux, la Cour ne considèrepas nécessaire,pour décider de sa
compétence en l'espèce,de se prononcer sur les questions juridiques
concernant la succession d'Etats en matière de traités quiont été soule-
véespar les Parties. Que la Bosnie-Herzégovine soit devenueautomati-
quement partie à la convention sur le génocideà la date de son accession
à l'indépendancele 6 mars 1992,ou qu'elle le soit devenue par l'effe-
rétroactif ou non - de sa notification de succession du 29 décembre
1992,en tout état de cause, elle y était partià la date du dépôtde sa
requête,le 20 mars 1993.Tout au plus ces questions pourraient-elles, le
cas échéantr,evêtirune certaine pertinence au regard de la détermination

de l'étendue ratione temporis de la compétence dela Cour, point sur
lequel la Cour se penchera plus loin (voir paragraphe 34).
24. La Yougoslavie a aussi soutenu, dans sa sixièmeexception pré-
liminaire, que, si la notification faite par la Bosnie-Herzégovinele 29 dé-
cembre 1992 devait êtreinterprétéecomme constituant un instrument
d'adhésionau sens de l'article XI de la convention sur le génocide,elle
n'aurait pu prendre effet, conformément àl'articleXIII de la convention,
que le quatre-vingt-dixièmejour suivant son dépôt,soit le 29 mars 1993.
La Cour étant parvenue à la conclusion que la Bosnie-Herzégovine
pouvait devenir partie à la convention sur le génocidepar l'effet d'une
succession, la question de l'application des articles XI et XIII de la

conventionn'a pas à êtreposée.Elle rappellera toutefois que, comme elle
l'a noté dansson ordonnance du 8 avril 1993, mêmesi la Bosnie-Herzé-
govine devait êtreconsidérée comme ayant adhéré àla convention sur le
génocide,ce qui aurait pour conséquence quela requêtepourrait être
tenue pour prématurée au momentde son dépôtle 20 mars 1993,les neuf
jours manquant à cette date auraient étécouverts par le laps de temps
écoulé depuis lors, au coursduquella Bosnie-Herzégovineaurait pu, de sa
propre initiative, remédier ce défaut procédural parle dépôtd'une nou-
vellerequête.Peu importe dèslors que la requêteeût été déposéequelques
jours trop tôt. Comme elle l'indiquera dans les paragraphes suivants, la
Cour n'est pas tenue d'attacher à des considérationsde forme la même

importance que cellequ'ellespourraient avoir dans le droit interne.
25. Toutefois, à l'audience, la Yougoslavie a fait valoir quà,suppo-
ser mêmeque la Bosnie-Herzégovineait étéliéepar la convention
en mars 1993,celle-cin'aurait pu, àcette époque, entrer en vigueur entre613 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRET)

les Parties, car les deux Etats ne se reconnaissaient pas et les conditions
nécessairespour conférer une base consensuelle à la juridiction de la
Cour faisaient par suitedéfaut.Tellen'est cependant plus la situation qui
prévaut depuis la signature et l'entréeen vigueur, le 14décembre1995,
des accords de Dayton-Paris, dont l'articleX stipule:

«La République fédérative deYougoslavie et la République de
Bosnie-Herzégovinesereconnaissentl'une l'autre comme Etats indé-
pendants souverains à l'intérieurde leurs frontières internationales.
Les autres aspects de leur reconnaissanceréciproqueferont l'objet de
nouveaux pourparlers. »

26. Aux fins de se prononcer sur sa compétence enl'espèce,la Cour
n'a pas àtrancher la question de savoir quels peuvent êtreleseffetsd'une
situation de non-reconnaissance sur les liens contractuels entre partiàs
un traité multilatéral.Il lui suffira de constater qu'à supposer mêmeque
la convention sur le génocidene soit entréeen vigueur entre les Parties
qu'à la signature des accords de Dayton-Paris, toutes les conditions sont
à présentréuniespour fonder la compétence dela Cour rationepersonae.
Certes, la compétence dela Cour doit normalement s'apprécier à la

date du dépôtde l'acteintroductif d'instance. Cependant la Cour, comme
sa devancière,la Cour permanente de Justice internationale,a toujours eu
recours au principe selon lequelellene doit pas sanctionner un défaut qui
affecterait un acte de procédure et auquel la partie requérante pourrait
aisémentporter remède. Ainsi,dans l'affairedes ConcessionsMavromma-
tis en Palestine, la Cour permanente s'estexpriméede la sorte:

«Mêmesi la base de l'introduction d'instance était défectueuse
pour la raison mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante
pour débouterle demandeur de sa requête. LaCour, exerçant une
juridiction internationale, n'estpas tenue d'attacherdes considéra-
tions de forme la mêmeimportance qu'ellespourraient avoir dans le
droit interne. Dans ces conditions, mêmesi l'introduction avait été
prématurée, parceque le traitéde Lausanne n'était pas encore rati-
fié,ce fait aurait été couvert parle dépôt ultérieurdes ratifications
requises.» (C.P.J.I. sérieA no2, p. 34.)

C'est du mêmeprincipe que procède le dictum suivant de la Cour perma-
nente de Justice internationale dans l'affaire relativeCertains intérêts
allemands en Haute-Silésiepolonaise:

«Mêmesi la nécessitéd'une contestation formelle ressortait de
l'article 23, cette condition pourrait êàrtout moment remplie par
un acte unilatéral de la Partie demanderesse. La Cour ne pourrait
s'arrêter un défaut de forme qu'il dépendrait de laseulePartie inté-
resséede faire disparaître.))C.P.J.I. sérieA no6, p. 14.)

La présenteCour a fait application de ceprincipe dans l'affaireduame-
roun septentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 28), ainsi que dans celle desActivitésmilitaires etparamilitaires auNicaragua etcontrecelui-ci(Nica-
ragua c. Etats-Unis d'Amérique) lorsqu'elle a déclaré : «Il n'y aurait
aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à entamer une nouvelle

procédure sur la base du traité- ce qu'il aurait pleinement le droit de
faire. (C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429,par. 83.)
En l'occurrence, quand bien même ilserait établi que les Parties, qui
étaient liéeschacune par la convention au moment du dépôt de la
requête,ne l'auraient étéentreellesqu'à compter du 14décembre1995,la
Cour ne saurait écartersa compétencesur cette base dans la mesure où la
Bosnie-Herzégovinepourrait à tout moment déposer une nouvellerequête,
identique àla présente, quiserait de ce point de vue inattaquable.
Au vu de ce qui précède,la Cour estime devoir rejeter la troisième

exception préliminaire dela Yougoslavie.

27. Reste à la Cour, pour déterminer si elle a compétencepour con-
naître de l'affaire sur la base de l'article IX de la convention sur le géno-
cide,à vérifiers'il existe entre les Parties un différendentrant dans les
prévisionsde cette disposition. L'article IX de la convention est ainsi
conçu :

«Les différendsentre les Parties contractantes relatiàl'interpré-
tation, l'application ou l'exécutionde la présenteconvention,com-
pris ceux relatifsla responsabilitéd'unEtat en matière degénocide
ou de l'unquelconque des autres actes énumérés àl'articleIII, seront ,
soumis à la Cour internationale de Justiceà la requête d'une partie
au différend.

C'est sur la compétenceratione materiae ainsi définieque porte la cin-
quième exceptionde la Yougoslavie.
28. En leur dernier état,lesdemandes présentées à titre principal par la
Bosnie-Herzégovinetendent à ce que la Cour dise et juge que la Yougo-
slaviea violéde diversesfaçons la convention sur le génocide; ordonne à
la Yougoslavie de mettre finaux actes contraires aux obligations stipulées
dans la convention; et dise que la Yougoslavie a engagé saresponsabilité
internationaleà raison de ces violations, dont elle doit réparerles consé-

quences de manièreappropriée.Sila Yougoslavie s'estabstenue de dépo-
ser un contre-mémoireau fond et a soulevédes exceptions préliminaires,
elle n'en a pas moins globalement rejetétoutes les allégationsde la Bos-
nie-Herzégovine,que ce soit au stade des procédures afférentes aux
demandes en indication de mesures conservatoires,ou au stade de la pré-
sente procédurerelative auxdites exceptions.
29. Conformément à une jurisprudence bien établie, laCour constate
en conséquencequ'il persiste

«une situation dans laquelle lespoints de vue des deux parties, quant
à l'exécutionou à la non-exécution de certaines obligations décou-
lant d['untraité], sont nettement opposés))(Interprétationdes traités de paix conclus avecla Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, pre-
mière phase, avis consultats C.I.J. Recueil 1950, p. 74)

et que, du fait du rejet, par la Yougoslavie, des griefs formulés à son
encontre par la Bosnie-Herzégovine,«il existe un différendd'ordre juri-
dique))entre elles(Timor oriental (Portugal c. Australie), C.I.J. Recueil
1995, p. 100,par. 22).

30. Pour asseoir sa compétence,la Cour doit cependant encore s'as-
surer que le différend enquestion entre bien dans les prévisions del'ar-
ticle IX de la convention sur le génocide.
La Yougoslavie le conteste. Elle exclut l'existence, en l'espèce,d'un
«différend international))au sensde la convention en sefondant sur deux
propositions: d'une part, le conflit qui a eu pour théâtre certainesparties
du territoire du demandeur aurait étéde nature interne, la Yougoslavie
n'y aurait pas étépartie et elle n'aurait pas exercéde juridiction sur ce
territoireà l'époqueconsidérée; et,d'autre part, la responsabilitéd'Etat
telle que viséedans les demandes de la Bosnie-Herzégovineserait exclue
du champ d'application de l'article IX.
31. La Cour sepenchera d'abord sur la premièreproposition formulée

par la Yougoslavie.
Elle commencera à cet effet par rappeler les termes de l'article 1 de la
convention sur le génocide,ainsi libellé:

«Les Parties contractantes confirment que le génocide,qu'il soit
commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du
droit des gens, qu'elles s'engagentàprévenir et à punir. »

La Cour n'aperçoit dans cette disposition aucun élémentqui subordon-
nerait l'applicabilitéde la conventionà la condition que les actes qu'elle
viseaient été commis dans le cadre d'un conflit de nature déterminée. es
parties contractantes y expriment leur volontéde considérerle génocide
comme un «crime du droit des gens» qu'elles doivent prévenir et punir
indépendamment du contexte «de paix» ou «de guerre)) dans lequel il se
produirait.Il en découle, de l'avisde la Cour, que la convention est appli-
cable, sansconsidérationparticulièrepourles circonstancesliéesau carac-
tère interne ou international d'un conflit, dèslors que lesactes qu'ellevise
à sesarticles II et III sont perpétrés.En d'autres termes, quelleque soit la
nature du conflit qui servede cadre à de tels actes, les obligations de pré-
vention et de répressionqui sont à charge des Etats partiesà la conven-

tion demeurent identiques.

Pour ce qui est de la question de savoir si la Yougoslavie a étépartie
prenante - directement ou indirectement - au conflit ici en cause, la
Cour se bornera à constater que les Parties soutiennentà cet égarddes
points de vue radicalement opposéset qu'ellene saurait, à ce stade de la
procédure, trancher cette question, qui relèveclairement du fond.
S'agissant enfin des problèmes territoriaux liés à l'application de la
convention, la Cour relèveraque la seule disposition pertinente à ce pro-pos, l'article VI, se contente de prévoir queles personnes accuséesde l'un
des actes prohibéspar la convention ((seront traduites devant les tribu-
naux compétents de 1'Etatsur le territoire duquel l'acte a été comms.»
Elle rappellera par ailleurs les conséquences qu'ellea inférées,dans son
avis précitédu 28 mai 1951,de l'objet et du but de la convention:

«Les origines de la convention révèlentl'intention des Nations
Unies de condamner et de réprimer le génocide comme«un crime de
droit des gens» impliquant le refus du droità l'existencede groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine, inflige
de grandes pertes à l'humanité, etqui est contraireà la foisà la loi
morale et àl'esprit et aux finsdes Nations Unies (résolution96 (1)de
l'Assembléegénérale,1 1 décembre1946).Cette conception entraîne
une première conséquence: les principes qui sont à la base de la
convention sont des principes reconnus par les nations civilisées
comme obligeant les Etats mêmeen dehors de tout lien convention-

nel. Une deuxièmeconséquence est lecaractèreuniversel à la fois de
la condamnation du génocideet de la coopération nécessaire«pour
libérerl'humanité d'unfléauaussi odieux» (préambulede la conven-
tion).)) (C.I.Recueil 1951, p. 23.)
Il en résulteque les droits et obligationsconsacrés par la convention sont
des droits et obligations erga omnes. La Cour constate que l'obligation

qu'a ainsi chaque Etat de préveniret de réprimer le crime de génocide
n'est pas limitéeterritorialement par la convention.
32. La Cour en vient maintenant à la seconde proposition de la You-
goslavie, relative au type de responsabilité d'Etat qui serait visàel'ar-
ticle IX de la convention.D'après la Yougoslavie, seule serait couvertela
responsabilité découlant du manquement d'un Etat à ses obligations de
prévention et de répressiontelles qu'envisagéesaux articles V, VI et VII;
en revanche, la responsabilité d'un Etat à raison d'un acte de génocide
perpétrépar 1'Etatlui-mêmeserait exclue du champ d'application de la
convention.
La Cour observeraqu'en visant «la responsabilitéd'un Etat en matière
de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'ar-
ticle III», l'article IX n'exclut aucune forme de responsabilitéd7Etat.
La responsabilitéd'un Etat pour le fait de ses organes n'est pas davan-

tage exclue par l'article IV de la convention, qui envisage la commission
d'un acte de génocidepar des «gouvernants» ou des «fonctionnaires».
33. Au vu de ce qui précède,la Cour estime devoir rejeter la cinquième
exception préliminaire de la Yougoslavie. Elle fera d'ailleurs observer
qu'il ressortà suffisance des termes mêmesde cette exception que les
Parties, non seulement s'opposent sur les faits de l'espèce,sur leur impu-
tabilité et sur l'applicabilitéceux-ci des dispositions de la convention
sur le génocide, mais, enoutre, sont en désaccordquant au sens et à la
portéejuridique de plusieurs de cesdispositions, dont l'article IX. Pour la
Cour, il ne saurait en conséquencefaire de doute qu'ilexisteentre ellesun
différend relatià ((l'interprétation, l'application ou l'exécution de...convention, y compris ...la responsabilitéd'unEtat en matière de géno-
cide...)), selon la formule utiliséepar cette dernière disposition (voir
Applicabilité de l'obligation d'arbitrageen vertu de la section 21 de
l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation desNations

Unies, avisconsultat$ C.I.J. Recueil 1988, p. 27-32).

34. Etant parvenue à la conclusion qu'elle a compétence enl'espèce,
tant rationepersonae que rationemateriae sur la base de l'articleIX de la
convention sur le génocide,il incombeencore à la Cour de préciserI'éten-
due de cette compétenceratione temporis. Dans ses sixièmeet septième

exceptions préliminaires,la Yougoslavie, se fondant sur le principe de la
non-rétroactivitédes actesjuridiques, a en effet fait valoirà titre subsi-
diaire que, quand bien mêmela Cour serait compétente sur la base de la
convention, ellene pourrait connaître que des faits postérieurs aux diffé-
rentes dates auxquelles la convention aurait pu devenir applicable entre
les Parties. cet égard, laCour se bornera àobserver que la convention
sur le génocide- et en particulier son article -X ne comporte aucune
clause qui aurait pour objet ou pour conséquencede limiter de la sorte
l'étenduede sa compétence ratione temporis et que les Parties elles-
mêmesn'ont formulé aucuneréserve àcet effet, nà la convention, ni à
l'occasionde la signature des accords de Dayton-Paris. La Cour constate
ainsi qu'elle a compétence enl'espècepour assurer l'application de la

conventionsur le génocideaux faitspertinents qui sesont déroulésdepuis
le début du conflit dont la Bosnie-Herzégovinea étéle théâtre. Cette
constatation est d'ailleurs conforme à l'objet et au but de la convention
tels que définispar la Cour en 1951 et rappelés ci-dessus (voir para-
graphe 31).La Cour estimepar suite devoir rejeter les sixièmeet septième
exceptions préliminairesde la Yougoslavie.

35. Après le dépôt de sa requête, laBosnie-Herzégovinea invoqué
diverses bases supplémentaires de compétence dela Cour en l'espèce.
Bien qu'elle se soit essentiellement prévalue,tant au cours de la procé-
dure écritequ'orale, de l'article IX de la convention sur le génocide,la
Bosnie-Herzégovinea indiquéqu'elle maintenait ses prétentionsau titre
de cesbases supplémentaires.Elle a en particulier précisé l'audienceque
si ellerenonçait«à toutes les demandes [exposéesdans sa requête]qui ne
sont pas directement liéesau génocide commispar la Yougoslavie ou
auquel elle a contribué)),lesdites bases supplémentairespouvaient néan-
moins

((présenterun certain intérêt pour permettreàla Cour de sepronon-
cer sur certains moyens auxquels la Yougoslavie a eu recours pour
perpétrerle génocidedont elleest accusée, enparticulier le recoursà une guerre d'agression au cours de laquelle ellea commis des infrac-
tions graves aux conventionsde Genève de1949et aux protocoles 1
et II de 1977));

et la Bosnie-Herzégovined'ajouter que «la Cour pourrait procéder ainsi
sur le seul fondement de l'articleIX», tout en expliquant que:
«La possibilitéde s'appuyer sur d'autres bases de compétence...

serait de nature au moins à ... éviter descontroverses stérilesentre
les Parties sur la question de savoir si ces comportements sont ou
non ((suffisammentdirectement liés» à la convention.))
36. La Yougoslavie, pour sa part, a soutenu, au cours de la procédure,
que la Cour ne pourrait prendre en considérationcellesde ces bases sup-
plémentairesqui auraient pu être mentionnées dans la requête etne l'ont

pas été. Toutefois, dansses conclusions finales, elle n'a pas réitércette
objection et a priéla Cour, pour les motifs y indiqués, dedéclinertoute
compétenceau titre desdites bases.

37. Ainsi que la Cour l'aindiquéplushaut (voir paragraphe 4), l'agent
de la Bosnie-Herzégovinea déposéau Greffe, le 31 mars 1993,le texte
d'une lettre en date du 8 juin 1992, adresséeau présidentde la com-
mission d'arbitrage de la conférenceinternationale pour la paix en You-
goslavie par M. Momir BulatoviC,président de la Républiquedu Mon-
ténégro, etM. Slobodan MiloseviC, président de la République de
Serbie. Selonla traduction française de cettelettre, fournie par la Bosnie-
Herzégovine,ceux-ci s'yexprimaient notamment comme suit:

«La RF yougoslave est d'avis quetoutes lesdisputes légalesqui ne
peuvent pas êtrerésoluesentre la RF yougoslave et les anciennes
républiquesyougoslaves, qu'ellesdevraient êtresoumises à la Cour
internationale de la Paix, qui est le principal organe judiciaire des
Nations Unies.
En conséquence,et étantdonné queles questions demandéesdans
votre lettre sont de nature légale,laF yougoslave propose que, en

cas où une solution n'est pas trouvée entre les participants à la
conférence,les questions susmentionnéessoient jugéespar la Cour
internationale de la Paix, en concordance avec son Statut. ))
La Cour estime que, compte tenu des circonstancesdans lesquellesla
lettre en question a été écrite, ainqiue des déclarations qui l'ont suivie,
elle ne peut considérercelle-cicomme exprimant un engagement immé-

diat des deux présidents, ayant force obligatoire pour la Yougoslavie,
d'accepter inconditionnellementque soit soumise à la Cour, par requête
unilatérale, une grande diversité de différends juridiques. Elle confirme
ainsi la conclusion provisoire à laquelle elle était parvenueà cet égard
dans ses ordonnances du 8 avril (C.I.J. Recueil 1993, p. 16-18,par. 27-
32) et du 13 septembre 1993(C.I.J. Recueil 1993, p. 340-341,par. 32);619 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRET)

aucun argument fondamentalement nouveau ne lui a d'ailleurs été pré-
senté à ce sujet depuislors. La Cour ne peut par suitetrouver dans ladite
lettre une base supplémentaire à sa compétencedans la présenteaffaire.
38. La Cour a égalementrappeléci-dessus (voir paragraphe 7) que,
par une communication en date du 6 août 1993, l'agent de la Bosnie-
Herzégovinea indiqué que son gouvernement entendait en outre faire
valoir, comme base supplémentairede compétence,letraité entrelesPuis-
sances alliéeset associées(les Etats-Unis d'Amérique, l'Empire britan-
nique, la France, l'Italie et le Japon) et le Royaume des Serbes, Croates
et Slovènes,signé àSaint-Germain-en-Laye le 10septembre 1919et entré
en vigueur le 16juillet 1920.Lechapitre 1de ce traité concernela protec-
tion des minorités et comporte un articleII aux termes duquel:

«L'Etat serbe-croate-slovène agréeque tout membre du Conseil
de la Société desNations aura le droit de signalerà l'attention du
Conseil toute infraction ou danger d'infractionà I'une quelconque
de cesobligations,et le Conseilpourra prendre tellesmesures et don-
ner telles instructions qui paraîtront appropriéeset efficacesdans la
circonstance.

L'Etat serbe-croate-slovèneagrée enoutre qu'en cas de divergence
d'opinion, sur des questions de droit ou de fait concernant ces ar-
ticles entre'Etatserbe-croate-slovèneet I'une quelconque des prin-
cipales Puissances alliéeset associéesou toute autre Puissance,
membre du Conseil de la Société des Nations, cette divergence sera
considérée comme un différendayant un caractère international
selon les termes de l'article 14 du Pacte de la Société desNations.
L'Etat serbe-croate-slovèneagrée que tout différend de ce genre
sera, si'autre partie le demande, déféré à la Cour permanente de
Justice internationale. La décision dela Cour permanente sera sans
appel et aura la mêmeforce et valeur qu'une décisionrendue en
vertu de l'article 13 du Pacte.

Quant au chapitre II, concernant la succession en matière de traités,le
commerce, le traitement des navires étrangers etla libertéde transit, il
comporte un article 16qui prévoit notamment que:

«Tous les droits et privilègesaccordéspar les articles précédents
aux Puissances alliéeset associéesseront égalementacquis àtous les
Etats Membres de la Société des Nations.))
La Bosnie-Herzégovinesoutient pour l'essentielque, par l'effetde ces
deux dispositions, tout Membre de la Société desNations pouvait por-
ter devant la Cour permanente un différendtombant sous le coup de

l'article 11que l'Assemblée générale de Nsations Unies s'est substituée
au Conseil de la Société desNations en la matière; et que la Bosnie-
Herzégovine,étant Membre de l'Organisation des Nations Unies, peut
aujourd'hui, par le jeu de l'article 37 du Statut, saisir la présenteCour,
sur la base du traité de1919,de son différend avecla Yougoslavie.
La Cour considère que, dans la mesure où la Yougoslavie serait620 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÉT)

aujourd'hui liéepar le traitéde 1919en tant que successeurdu Royaume
des Serbes, Croates et Slovènes,ses obligations, en vertu de ce traité,
seraient limitéesà son territoire actuel; or elle constate que la Bosnie-
Herzégovine n'a présenté dans sa requête aucune demandeconcernant le
traitement des minoritésen Yougoslavie. Dans cesconditions, la Cour ne
peut pas retenir le traitéde 1919comme une base sur laquelle sa compé-
tence en l'espècepourrait êtrefondée. Elle confirme donc,sur ce point

aussi, la conclusion provisoire à laquelle elle était parvenue dans son
ordonnance du 13 septembre 1993 ((2. J1.Recueil 1993, p. 339-340,
par. 29-31);aucun argument fondamentalement nouveau n'a d'ailleurs, à
cet égardnon plus, été avancé depuilsors.
39. Comme la Cour l'a également rappeléci-dessus (voir para-
graphe 7), la Bosnie-Herzégovine,par une lettre de son agent datéedu
10août 1993,a encore invoquéen tant que base supplémentaire de com-
pétenceen l'espèce

«le droit international de la guerre coutumier et conventionne..le
droit international humanitaire, compris, mais sans que cette énu-
mération soit limitative,les quatre conventions de Genèvede 1949,le
premier protocole additionnel de 1977 cesconventions,le règlement
annexé à la convention de La Haye de 1907concernant leslois et cou-
tumes de la guerre sur terre, le statut du Tribunal de Nuremberg, le
jugement qu'ila rendu et les principes qu'ila appliqués».

Ainsi qu'ellel'adéjàrelevédans son ordonnance du 13septembre 1993
(C.I.J. Recueil 1993, p. 341, par. 33), la Cour n'aperçoit dans aucun des
instruments précitésde clause afférente à sa compétence.Elle note au
demeurant que le demandeur n'a plus fait état, par la suite, de cette base
de compétence commetelle.
40. La Bosnie-Herzégovinea enfin avancé, àun stade ultérieurde la
procédure, deux thèses connexes visant à asseoir la compétencede la
Cour en l'espècesur d'autres bases encore.

Selon la première de ces thèses, la Yougoslavie aurait, par divers
aspects de son comportement au cours des procédures incidentes ouvertes
par les demandes en indication de mesures conservatoires, acquiescéà la
compétence dela Cour sur la base de l'article IX de la convention sur le
génocide.La Cour étant parvenue ci-dessus à la conclusion qu'ellea com-
pétencesur la base de cette disposition, ellen'a plusepencher sur cette
question.
Selon la seconde thèse, la Yougoslavieayant, le le' avril 1993,recom-
mandé elle-mêmel'indication de mesures conservatoires dont certaines
tendaient à la protection de droits non couverts par la convention sur le
génocide,elle aurait, conformément à la doctrine du forum proroga-
tum (stricto sensu), consentià ce que la Cour dispose en l'espèced'une
compétence plus large quecelle prévue à l'article IX de la convention.

Compte tenu de la nature des mesures conservatoires ultérieurement sol-
licitéespar la Yougoslavie le 9 août 1993- lesquellestendaient exclusi-
vement à la protection de droits conférépar la convention sur le géno-621 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

cide -, ainsi que des déclarations non équivoquespar lesquelles la
Yougoslavie a constamment contestéla compétence dela Cour - que ce
soit sur la base de la convention sur le génocideou sur toute autre base
- au cours de la suite de la procédure,la Cour estime devoir confirmer
la conclusion provisoire à laquelle elle était parvenuà ce sujet dans son
ordonnance du 13 septembre 1993 (C.I.J. Recueil 1993, p. 341-342,

par. 34).La Cour ne trouve pas que le défendeuraexpriméen l'espèceun
consentement ((volontaire,indiscutable» (voir Détroitde Corfou, excep-
tion préliminaire, arrêt,1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 27) qui lui
accorderait une compétenceexcédantcelle qu'elles'estdéjàreconnue au
titre de l'article de la convention sur le génocide.

41. Il découle dece qui précèdeque la Cour ne peut retenir aucune des
bases supplémentaires de compétence invoquéespar le demandeur et
qu'elle n'estcompétente pour connaître de l'affaire que sur la base de
l'articleX de la convention sur le génocide.

42. S'étant prononcée surles exceptions soulevéespar la Yougoslavie
au sujet de sa compétence,la Cour passera maintenant à l'examen des
exceptions yougoslaves qui ont trait à la recevabilité dela requête.

43. Selon la première exception préliminaire de la Yougoslavie, la

requête seraitirrecevable motif pris de ce qu'elle se réfèreà des événe-
ments survenus dans le cadre d'une guerre civile, et qu'il n'existerait en
conséquence aucundifférendinternational sur lequel la Cour pourrait se
prononcer.
Cette exception est trèsproche de la cinquième exceptionsur laquelle
la Cour s'estdéjà penchée ci-dessus(paragraphes 27-33).En répondant à
cette dernière exception, la Cour a également, enréalité, répondu à la
présente. Ayant constatéqu'il existe bien entre les Parties un différend
entrant dans lesprévisions de l'articleX de la convention sur le génocide
- c'est-à-dire un différendinternational-, la Cour ne saurait conclure
au caractèreirrecevable de la requêteau seul motif que, pour trancher ce
différend,elle serait amenée à prendre en considérationdes événements

survenus, le cas échéant, dans un contexte de guerrecivile. La première
exception de la Yougoslavie doit par suite êtrerejetée.
44. Aux termes de la deuxièmeexception de laYougoslavie, la requête
serait irrecevable parce queM. Alija IzetbegoviC.n'aurait pas occupéles
fonctions de président de la République - mais seulement cellesde pré-622 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

sident de la présidence- au moment où il a donné l'autorisation d'intro-
duire l'instance, et que cette autorisation aurait de ce fait été accorene
violation de règlesde droit interne d'importance fondamentale. La You-
goslavie a égalementsoutenu que M. IzetbegoviC n'aurait pas même
exercélégalement, à l'époque,les fonctions de présidentde la présidence.
La Cour n'a pas, pour seprononcer sur cette exception, à examiner les
dispositions de droit interne qui ont étéinvoquées à l'appui ou à l'en-
contre de ladite exception au cours de la procédure. Conformémentau

droit international, il ne fait pas de doute que tout chefd'Etat est pré-
sumépouvoir agir au nom de 1'Etat dans ses relations internationales
(voir par exemplela convention de Vienne sur le droit des traités,art. 7,
par. 2 a)). Or, comme la Cour l'a constaté dans son ordonnance du
8 avril 1993(C.I.J. Recueil 1993,p. 11,par. 13),au moment du dépôt de
la requête, M. Izetbegoviéavait été reconnu,en particulier par l'Orga-
nisation des Nations Unies, comme étant le chef d'Etat de la Bosnie-
Herzégovine.De surcroît, la qualité de chef d7Etat a continué de lui
être reconnue dansde nombreuses enceintes internationales par la suite
et plusieursaccords internationaux - parmi lesquelsles accords de Day-

ton-Paris - portent sa signature. La deuxièmeexception préliminairede
la Yougoslavie doit en conséquence aussiêtrerejetée.

45. La Cour conclut de ce qui précèdeque la requêtedéposéepar la
Bosnie-Herzégovinele 20 mars 1993est recevable.

46. La Cour a pris acte du retrait de la quatrième exception et a rejeté
les autres exceptions préliminaires dela Yougoslavie. Au terme du pré-
sent arrêt,elle tient préciserqu'ellen'en considèrepas pour autant que
la Yougoslavie aurait, en présentant ces exceptions, abusé des droits
qu'elle tire en la matièredu paragraphe 6 de l'article 36 du Statut de la
Cour et de l'article 79 de son Règlement. La Cour rejette donc la
demandeformulée à cet égardpar la Bosnie-Herzégovinedans sesconclu-
sions finales. La Cour doit, dans chaque instance introduite devant elle,
vérifiersi elle a compétencepour connaître de l'affaire et, le cas échéant,
si la requêteest recevable;les exceptions éventuellement soulevéep sar la

partie défenderessepeuventêtreutiles pour clarifierla situationjuridique.
En l'occurrence, les exceptions préliminaires présentéep sar la Yougo-
slavie ont eu cette fonction. Ayant établi sa compétenceen vertu de l'ar-
ticleIX de la convention sur le génocide,et ayant conclu a la recevabilité
de la requête,la Cour peut désormais procéder à l'examen du fond de
l'affaire sur cette base.623 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

47. Par ces motifs,

1)Ayant pris acte du retrait de la quatrième exception préliminaire
soulevéepar la République fédérativede Yougoslavie,
Rejette

a) par quatorze voix contre une,
les première, deuxième et troisième exceptions préliminaires;

POURM: . Bedjaoui,Président;M. Schwebel,Vice-Président;MM. Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren, juges;
M. Lauterpacht,juge ad hoc;
CONTRE M:. Kreéa,juge ad hoc;

b) par onze voix contre quatre,
la cinquième exception préliminaire;

POURM: . Bedjaoui,Président;M. Schwebel, Vice-Présid; M. Guil-
laume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Koroma,
Ferrari Bravo, Parra-Aranguren,juges; M. Lauterpacht,juge ad hoc;
CONTRE M:M. Oda, Shi, Vereshchetin,juges; M. Kreéa,juge ad hoc;

c) par quatorze voix contre une,
les sixièmeet septième exceptions préliminaires;

POURM: . Bedjaoui,Président;M. Schwebel,Vice-Président;MM. Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren, juges;
M. Lauterpacht,juge ad hoc;
CONTRE M:. Kreéa,juge ad hoc;

2) a) Par treize voix contre deux,

Dit qu'elle a compétence, sur la base de l'artIXlde la convention
pour la prévention et la répressiondu crime de génocide,pour statuer sur
le différend;
POUR:M. Bedjaoui, Président; M. Schwebel, Vice-Président;MM. Guil-
laume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi, Koroma,
Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren, juges; M. Lauterpacht,
juge ad hoc;

CONTRE:M. Oda,juge; M. Kreéa,juge ad'hoc;
b) Par quatorze voix contre une,

Ecarte les bases supplémentaires de compétenceinvoquéespar laRépu-
blique de Bosnie-Herzégovine;

POUR:M. Bedjaoui, Président; M. Schwebel, Vice-Président;MM. Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin,Ferrari Bravo,Parra-Aranguren,juges; M. Kreka,
juge ad hoc;
CONTRM E:. Lauterpacht,juge ad hoc; 3) Par treize voix contre deux,
Dit que la requête déposéear la République de Bosnie-Herzégovinele
20 mars 1993est recevable.

POUR: M. Bedjaoui,Président; M.Schwebel, Vice-Président;MM.Guil-
laume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva,Herczegh, Shi,Koroma,
Vereshchetin,Ferrari Bravo, Parra-Arangurjuges; M. Lauterpacht,
jugead hoc;
CONTRE: M. Oda,juge;M. KreCa,jugead hoc.

Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de
la Paix, La Haye, le onzejuillet mil neuf cent quatre-vingt-seize, en trois
exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et les autres
seront transmis respectivement au Gouvernement de la République de

Bosnie-Herzégovineet au Gouvernement de la République fédérative de
Yougoslavie.

Le Président,
(Signé) Mohammed BEDJAOUI.

Le Greffier,
(Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.

M. ODA,juge, joint une déclaration'arrêt;MM. SHIet VERESHCHETIN,
juges, joignent une déclaration commune à l'arrêt; M. LAUTERPACHT,
juge ad hoc, joint une déclaration'arrêt.

MM. SHAHABUDDEE NE, ERAMANTR t PARRA-ARANGURE jNg,es,
joignentà l'arrêtles exposés de leur opinion individuelle.

M. KRECA,juge ad hoc, joint à l'arrêtl'exposéde son opinion dissi-
dente.

(Paraphé) M.B.

(Paraphé) E.V.O.

Bilingual Content

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE À L'APPLICATION

DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION
ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

(BOSNIE-HERZÉGOVINE c. YOUGOSLAVIE)

EXCEPTIONSPRÉLIMINAIRES

ARRÊT DU 11 JUILLET 1996

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING APPLICATION OF
THE CONVENTIONON THE PREVENTION AND

PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE

(BOSNIA AND HERZEGOVINA vYUGOSLAVIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENTOF 11 JULY 1996 Mode officielde citation:
Application de la conventionpour la préventionet la répression
du crime de génocide,exceptionspréliminaires,arrêt,
C.Z.J.Recueil 1996,p. 595

Officia1cita:ion
Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime1.C.J. Reports 1996, p. 595jections,

Noàevente: 680 1
ISSN 0074-4441 Sales number
ISBN 92-1-070744-3 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1996 ANNÉE 1996
Il juillet
Rôle général
no 91 11juillet1996

AFFAIRE RELATIVE À L'APPLICATION

DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION

ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

(BOSNIE-HERZÉGOVINE c. YOUGOSLAVIE)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

Compétencede la Cour - Retrait de la quatrième exceptionpréliminaire de
la Yougoslavie - Article ZX de la conventionsur legénocide:
a) Compétenceratione personae - Intention expriméepar la Yougoslaviede
demeurer liéepar les traités auxquels étaitartie l'ex-Yougoslavi- Il n'apas
étécontesté quela Yougoslavie soit partieà la conventionsur legénocide -

Notijication de succession adressée auSecrétairegénérad le l'Organisation des
Nations Uniespar la Bosnie-Herzégovine - Accession à l'indépendance de la
Bosnie-Herzégovineet admission aux Nations Unies- - L'article XI de la
conventionsur le génocide ouvre celle-ci((tout Membre des Nations Unies)) -
La Bosnie-Herzégovine pouvait devenir partie à la convention sur le génocide
par l'effet du mécanismede la successiond'Etats - Défautde reconnaissance
mutuelle des Parties au moment du dépôtde larequête - Article X des accords
de Dayton-Paris - Principe selon lequel la Cour ne doit pas sanctionneu rn
défaut quiaffecterait un acte de procédureet auquel la partie requérante pour-
rait aisément porter remède.

b) Compétenceratione materiae - Existence d'undiffërendjuridique- Dif-
férendentrant dans lesprévisionsde l'articleIX de la conventionsur legénocide
- Applicabilité de la convention sans considération particulière pour les cir-
constances liées au caractère interne onternationald'un confli- La question
de savoir si la Yougoslaviea étépartie prenante au conflit en cause relève du
fond - L'obligation qu'a chaqueEtat de préveniret de réprimer le crimede
génocide n'est paslimitée territorialementpar la convention - L'article ZX
n'exclut aucuneforme de responsabilitéd'Etat sous l'empirede la convention.
c) Etendue ratione temporis de la compétence dela Cour.

Bases supplémentaires de compétence invoqué per la Bosnie-Herzégovine
- Lettre du 8 juin 1992 des présidents duMonténégroet de Serbie - Traité INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

YEAR 1996 1996
11July
General List
11 July1996 No. 91

CASE CONCERNING APPLICATION OF

THE CONVENTION ONTHE PREVENTIONAND
PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE

(BOSNIA AND HERZEGOVINA v. YUGOSLAVIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

Jurisdiction of the Court - Withdrawal of thefourth preliminary objection
of Yugoslavia - Article IX of the GenocideConvention:

(a) Jurisdiction ratione personae - Intention expressed by Yugoslavia to
remain boundby the treaties to whichtheformer Yugoslaviawasparty - It has
not been contested that Yugoslavia wasparty to the Genocide Convention -
Notice of Succession addressedby Bosnia and Herzegovina to the Secretary-
General of the UnitedNations - Accession to independence of Bosnia and
Herzegovinaand admission to the UnitedNations - Article XI of the Genocide
Convention opens it to "any Member of the United Nations" - Bosnia and
Herzegovina could become a party to the Genocide Convention through the

mechanism of State succession - Lack of mutual recognition of the Partiesut
the time ofjiling of the Applicatio- Article X of the Dayton-Paris Agreement
- Principle whereby the Courtshouldnot penalize a defect inaprocedural act
which the applicant could easily remedy.

(b) Jurisdiction ratione materiae - Existence of a legal dispute - Dispute
falling within theprovisionsof Article IX of the Genocide Convention - Appli-
cability of the Convention without reference to the circumstancelsinked to the
domestic or international nature of the conflict- The question whether Yugo-

slavia took part in the conflictut issue belongs to the merits- The obligation
each State has to prevent andpunish the crime of genocideis not territorially
limited by the Convention - Article IX does not exclude any form of State
responsibility under the Convention.
(c) Scope ratione temporis of thejurisdiction of the Court.

Additional bases ofjurisdiction invokedby Bosnia and Herzegovina - Letter
of 8 June 1992 from the Presidents of Montenegro and Serbia - Treatyentre les Puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes, Croates et
Slovènes du 10 septembre1919 - Acquiescement à la compétence dela Cour
sur labase de l'article de la convention sur le génoc-deForum proroga-
tum.
Recevabilité dela requête- Evénementssurvenus, le caséchéant, dans un
contexte de guerre civile Chef d'Etat présumé pouvoir agiaru nom de I'Etat
dans ses relations internationaleset reconnu comme tel.
Absence d'abus des droits tirpar la Yougoslavie duparagraphe 6 de l'ar-
ticle36 du Statut et de l'article 79du Règlement.

Présents: M. BEDJAOUPIr ,ésident;M. SCHWEBEV Li,ce-Président;MM. ODA,
GUILLAUMS E, AHABUDDEW ENE,ERAMANTR RA,NJEVA H,ERCZEGH,
SHI,KOROMA V,ERESHCHETF IE,RRARBI RAVOP ,ARRA-ARANGUREN,

juges; MM. LAUTERPACH KTR,ECAj,uges ad hoc; M. VALENCIA-
OSPINAG , reffier.

En l'affaire relatàvl'application de la convention pour la prévention et la
répressiondu crime de génocide,

entre

la République deBosnie-Herzégovine,
représentée par

S. Exc.M. Muhamed Sacirbey,ambassadeur et représentant permanent de la
République deBosnie-Herzégovineauprès de l'organisation des Nations
Unies,
comme agent;

M. Phon van den Biesen, avocat au barreau d'Amsterdam,
comme agent adjoint, conseil et avocat;

M. Thomas M. Franck, professeur à la faculté dedroit et directeur du centre
d'études internationales del'universitéde New York,
M. Alain Pellet, professeur à l'universitéde Paris X-Nanterràl'Institut
d'études politiques de Paris,
MmeBrigitteStern, professeur àl'universitéde Paris 1(Panthéon-Sorbonne),
comme conseils et avocats;

M. Khawar M. Qureshi, membre du barreau d'Angleterre, Lecturer in Law
au King's College de Londres,
MmeVasvija VidoviC,ministre-conseiller à l'ambassade de la République de
Bosnie-Herzégovineaux Pays-Bas, représentant de la République de
Bosnie-Herzégovineauprès du Tribunal pénal international pour l'ex-
Yougoslavie,
M. Marc Weller, directeur adjoint des étudesau centre d'études internatio-
nales de l'universitéde Cambridge,membre de la facultédedroit de l'Uni-

versité deCambridge,
comme conseils ;between the Allied and Associated Powers and the Kingdom of the Serbs,
Croats and Slovenes of 10 September 19-9 Acquiescence in thejurisdiction
of the Court on thebasis of Article IX of the Genocide Conve-tForum
prorogatum.
Admissibility of the Applicat-oEvents that might have taken place in a
context of civilw-r Head of State presumed to be able to act on behalfof the
State in its international relations and recognized assuch.
Absence of abuse of the rightsof YugoslaviaunderArticle 36,paragraph6, of
the Statute and Article 79 of the Rules of Court.

JUDGMENT

Present: President BEDJAO;UI Vice-President SCHWEB ;ELJudges ODA,
GUILLAUMS EH, AHABUDDEE WNE,ERAMANTR RA,NJEVAH , ERCZEGH,
SHI,KOROMA V,ERESHCHETF IER, RARI RAVOP ,ARRA-ARANGUREN;
Judges ad hoc LAUTERPACK HT,ECAR; egistrar VALENCIA-OSPINA.

In the case concerning application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide,

between

the Republic of Bosnia and Herzegovina,
represented by
H.E. Mr. Muhamed Sacirbey, Ambassador and Permanent Representative
of the Republic of Bosnia and Herzegovina to the United Nations,

as Agent;
Mr. Phon van den Biesen,Attorney in Amsterdam,

as Deputy-Agent, Counsel and Advocate;
Mr. Thomas M. Franck, Professor at the School of Law and Director,
Center for International Studies,New York University,
Mr. Alain Pellet, Professor, University of Paris X-Nanterre and Institute of
Political Studies, Paris,
Ms Brigitte Stern, Professor, University of Parishéon-Sorbonne),

as Counsel and Advocates;
Mr. Khawar M. Qureshi, Member of the English Bar, Lecturer in Law,
King'sCollege, London,
Ms Vasvija VidoviC,Minister-Counsellor, Embassy of Bosnia and Herze-
govina in the Netherlands, Representative of the Republic of Bosnia and
Herzegovina at the Internationalminal Tribunal for the former Yugo-
slavia,
Mr. Marc Weller, AssistantDirector of Studies, Centre for International

Studies, University of Cambridge, Member of the Faculty of Law of the
University ofCambridge,
as Counsel; M. Pierre Bodeau, allocataire-moniteur à l'universitéde Paris X-Nanterre,
M. Michiel Pestman, avocat au barreau d'Amsterdam,
M. Thierry Vaissière, chercheurau Cedin-Paris 1 (Panthéon-Sorbonne),
comme conseillers;

M. Hervé Ascencio,allocataire-moniteur à l'universitéde Paris X-Nanterre,

MmeMarieke Drenth,
MmeFroana Hoff,
M. Michael Kellogg,
M. Harold Kocken,
MmeNathalie Lintvelt,
M. Sam Muller,
M. Joop Nijssen,
M. Eelco Szab6,

comme assistants,

et
la Républiquefédérative de Yougoslavie,

représentéepar
M. Rodoljub Etinski, conseillerjuridique principal au ministère des affaires
étrangèresde la Républiquefédérative de Yougoslavie, professeur dedroit
international àl'universitéde Novi Sad,
M. Djordje LopiEiC,chargéd'affaires à l'ambassade dela Républiquefédé-
rative de Yougoslavie aux Pays-Bas,

comme agents;
M. Ian Brownlie, C.B.E., F.B.A., Q.C., professeur dedroit international
public, titulaire de la chaireichele à l'universitéd'Oxford,
M. Miodrag MitiC, ancien ministre adjoint des affaires étrangèresde la

Républiquefédérative de Yougoslavie,
M. Eric Suy, professeur àl'université catholiquede Louvain (K.U. Leuven),
ancien Secrétaire généra aldjoint et conseillerjuridique de l'Organisation
des Nations Unies,
comme conseilset avocats;

M. Stevan DjordjeviC,professeur de droit international à l'universitéde Bel-
grade,
M. Shabtai Rosenne, membre du barreau d'Israël,
M. Gavro PeraziC,professeur de droit international à l'université Podgorica,
comme conseils,

ainsi composée,

aprèsdélibéré ec nhambre du conseil,

rend l'arrêtsuivant:
1. Le 20 mars 1993,le Gouvernement de la RépubIiquede Bosnie-Herzégo-
vine (dénommée ci-aprèlsa «Bosnie-Herzégovine») a déposé au Greffe de la
Cour une requêteintroductive d'instance contre le Gouvernement de la Répu- Mr. Pierre Bodeau,ResearchAssistantITutor,Universityof Paris X-Nanterre,
Mr. Michiel Pestman, Attorney in Amsterdam,
Mr. ThierryVaissière,Research Student, Cedin-Paris1(Panthéon-Sorbonne),
as Counsellors;

Mr. Hervé Ascencio,Research AssistantITutor, University of Paris X-
Nanterre,
Ms Marieke Drenth,
Ms Froana Hoff,
Mr. Michael Kellogg,
Mr. Harold Kocken,
Ms Nathalie Lintvelt,
Mr. Sam Muller,
Mr. Joop Nijssen,
Mr. Eelco Szabo,

as Assistants,

and
the Federal Republic of Yugoslavia,

represented by
Mr. Rodoljub Etinski, Chief Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs of
the Federal Republic of Yugoslavia, Professor of International Law, Novi
Sad University,
Mr. Djordje LopiEiéC, hargé d'Affaires,Embassy of the Federal Republic of
Yugoslavia in the Netherlands,

as Agents ;
Mr. Ian Brownlie,C.B.E., F.B.A., Q.C., ChicheleProfessor of Public Inter-
national Law, University of Oxford,
Mr. Miodrag Mitié,Assistant Federal Minister for Foreign Affairs of the
Federal Republic of Yugoslavia (Ret.),
Mr. Eric Suy,Professor, Catholic University of Louvain (K.U. Leuven), for-
merly Under-Secretary-General and Legal Counsel of the United Nations,

as Counsel and Advocates;
Mr. Stevan Djordjevié,Professor of International Law, BelgradeUniversity,

Mr. Shabtai Rosenne, Member of the Israel Bar,

Mr. Gavro Perazié,Professor of International Law, Podgorica University,
as Counsel,

composed as above,

after deliberation,
delivers thefollowing Judgment:

1. On 20March 1993,the Government of the Republic of Bosniaand Herze-
govina (hereinafter called "Bosnia and Herzegovina") filed in the Registry of
the Court an Application instituting proceedings against the Government ofblique fédérativede Yougoslavie (dénommée ci-aprèlsa «Yougoslavie») au
sujet d'un différendconcernant d'une part une série de violations alléguédse
la convention pour la préventionet la répressiondu crime de génocide (dénom-
méeci-aprèsla ((conventionsur le génocide))),adoptéepar l'Assemblée géné-
rale des Nations Unies le 9 décembre1948,et d'autre part diverses questions
qui, selon la Bosnie-Herzégovine, seraientliées à ces violations. La requête
invoquait comme base de compétence dela Cour l'article IX de la convention
sur le génocide.
2. Conformémentau paragraphe 2 de l'article40 du Statut, la requête a été
immédiatement communiquéeau Gouvernement yougoslave par le Greffier;
conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis à ester
devant la Cour ont été informés dlea requête.
3. Conformément à l'article 43 du Règlement,le Greffier a adresséla noti-

fication prévueau paragraphe 1 de l'article 63 du Statutà tous les Etats qui
sont apparus comme étant parties à la convention sur le génocide selonles
informations communiquéespar le Secrétaire général dle'organisation des
Nations Unies en tant que dépositaire; le Greffier a en outre adressé au
Secrétaire généra ll notification prévueau paragraphe 3 de l'article34 du Sta-
tut.
4. Le 20 mars 1993,dèsaprèsle dépôtde sa requête, la Bosnie-Herzégovine
a présentéune demande en indication de mesures conservatoires en vertu de
l'article 41 du Statut. Le 31 mars 1993, l'agent de la Bosnie-Herzégovine a
déposéau Greffe, en l'invoquant comme base supplémentairede compétence
de la Cour en l'espèce,le texte d'une lettre en date du 8juin 1992adresséeau
président dela commission d'arbitrage de la conférenceinternationale pour la
paix en Yougoslavie par les présidents des Républiquesdu Monténégroet de
Serbie.

Le le' avril 1993,la Yougoslavie a présenté des observations écrite sur la
demande de mesures conservatoires dela Bosnie-Herzégovine,dans lesquelles
ellea àson tour recommandé àla Cour d'indiquer àla Bosnie-Herzégovinedes
mesures conservatoires.
Par une ordonnance en date du 8 avril 1993,la Cour, après avoir entendu les
Parties, a indiquécertaines mesures conservatoires à l'effet de protéger des
droits conféréspar la convention sur le génocide.
5. Par une ordonnance en date du 16 avril 1993,le Président dela Cour a
fix éu 15octobre 1993la date d'expiration du délaipour le dépôtdu mémoire
de la Bosnie-Herzégovine etau 15avril 1994la date d'expiration du délaipour
le dépôtdu contre-mémoire dela Yougoslavie.
6. La Cour ne comptant sur le siègeaucun juge de la nationalitédes Parties,
chacune d'elles s'estprévaluedu droit que lui confère leparagraphe 3 de l'ar-
ticle 31 du Statut de procéderà la désignationd'un juge ad hoc pour siéger

en l'affaire: la Bosnie-Herzégovine a désigné. Elihu Lauterpacht, et la You-
goslavieM. Milenko KreCa.
7. Le 27juillet 1993,la Bosnie-Herzégovinea présenté une nouveld lemande
en indication de mesures conservatoires; et, par une série decommunications
ultérieures, elle a fait savoir qu'elle entendait modifier ou compléter cette
demande, ainsi que, dans certains cas, la requête, y comprisla base de compé-
tence y invoqué?.Par des lettres du 6 août et du 10 août 1993,l'agent dela
Bosnie-Herzégovineaindiquéquesongouvernement entendait invoquer comme
bases supplémentaires de compétence dlea Cour en l'espèce,respectivement,le
traité entreles Puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes,Croates
et Slovènessur la protection des minorités, signé à Saint-Germain-en-Layethe Federal Republic of Yugoslavia(hereinafter called "Yugoslavia") in respect
of a dispute concerning allegedviolations of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide (hereinafter called "the Genocide
Convention"), adopted by the General Assembly of the United Nations on
9 December 1948, as well as various matters which Bosnia and Herzegovina
claims are connected therewith. The Application invoked Article IX of the
Genocide Convention as the basis of the jurisdiction of the Court.

2. Pursuant to Article 40, paragraph 2,of the Statute, the Application was
immediately communicated to the Yugoslav Government by the Registrar;
pursuant to paragraph 3 of that Article, al1States entitled to appear before the
Court were notified of the Application.
3. Pursuant to Article 43 ofthe Rules of Court, the Registrar addressed the
notification provided for in Article 63, paragraph 1, of the Statute to al1the
States which appeared to be parties to the Genocide Convention on the basis of
the information supplied by the Secretary-General of the United Nations as
depositary; he also addressed to the Secretary-General the notification pro-
vided for in Article 34, paragraph3, of the Statute.

4. On 20 March 1993,immediately after the filingof its Application, Bosnia
and Herzegovinasubmitted a request for the indication of provisionalmeasures
under Article 41 of the Statute. On 31 March 1993,the Agent of Bosnia and
Herzegovina filedin the Registry,invoking it as an additional basis of thejuris-
diction of the Court in the case, the text of a letter dated 8June 1992,addressed
to the President of the Arbitration Commission of the International Conference
for Peace in Yugoslavia by the Presidents of the Republics of Montenegro and
Serbia.

On 1April 1993,Yugoslavia submitted written observations on osn n ania
Herzegovina's request for provisional measures, in which, in turn, it recom-
mended the Court to order the application of provisional measures to Bosnia
and Herzegovina.
By an Order dated 8 April 1993,the Court, after hearing the Parties, indi-
cated certain provisionalmeasureswith a viewto the protection of rights under
the Genocide Convention.
5. By an Order of 16April 1993,the President of the Court fixed 15October
1993as the time-lirnitfor the filingof the Memorial of Bosnia and Herzegovina
and 15 April 1994as the time-limit for the filing of the Counter-Memorial of
Yugoslavia.
6. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
the Parties, each of them exercisedits right under Article 31, paragraph 3, of
the Statute of the Court to choose ajudge ad hoc to sit in the case: Bosnia and
Herzegovinachose Mr. Elihu Lauterpacht, and Yugoslavia chose Mr. Milenko
KreEa.
7. On 27July 1993,Bosnia and Herzegovinasubmitted a newrequest for the
indication of provisional measures; and, by a seriesof subsequent communica-
tions, it stated that it was amending or supplementing that request, as well as,
in some cases, the Application, including the basis of jurisdiction relied on
therein. By letters of 6 August and 10 August 1993,the Agent of Bosnia and
Herzegovina indicated that his Government was relying, as additional bases of
the jurisdiction of the Court in the case, on, respectively, the Treaty between
the Allied and Associated Powers and the Kingdom of the Serbs, Croats and
Sloveneson the Protection of Minorities, signed at Saint-Germain-en-Layeonle 10septembre 1919,et le droit international de la guerre coutumier et con-
ventionnel ainsi que le droit international humanitaire; et, par une lettre
du 13 août 1993, l'agent dela Bosnie-Herzégovine a confirmé la volontéde
son gouvernement d'invoquer au mêmetitre la lettre susviséedes présidents
du Monténégro etde Serbie, en date du 8 juin 1992 (voir paragraphe 4 ci-
dessus).
Le 10août 1993,la Yougoslavie a également présenté undeemande en indi-
cation de mesures conservatoires; et, les 10août et 23 août 1993, ellea déposé
des observations écritessur la nouvelle demande de la Bosnie-Herzégovine,
telle que modifiéeou complétée.
Par une ordonnance en date du 13 septembre 1993, la Cour, après avoir
entendu les Parties, a réaffirmles mesures indiquéesdans son ordonnance du

8 avril 1993et a déclaréque ces mesures devaient êtreimmédiatementet effec-
tivement mises en Œuvre.
8. Par une ordonnance en date du 7 octobre 1993, le Vice-Président dela
Cour, à la demande de la Bosnie-Herzégovine, areportéau 15 avril 1994la
date d'expiration du délaipour le dépôtdu mémoire;la date d'expiration du
délaipour le dépôtdu contre-mémoire a été reportépea,r la mêmeordonnance,
au 15avril 1995.La Bosnie-Herzégovineadûment déposé son mémoiredans le
délai ainsiprorogé.
9. Par une ordonnance en date du 21mars 1995,le Présidentde la Cour, àla
demande de la Yougoslavie, a reportéau 30juin 1995la date d'expiration du
délaipour le dépôtdu contre-mémoire.Dans le délai ainsiprorogé,la Yougo-
slavie,se référantau paragraphe 1de l'article 79 du Règlement, a présenté des
exceptionspréliminairesportant, respectivement,surla recevabilitédela requête
et sur la compétencede la Cour pour connaître de l'affaire. En conséquence,

par une ordonnance en date du 14juillet 1995,le Présidentde la Cour, cons-
tatant qu'en vertu des dispositions du paragraphe 3 de l'article 79 du Règle-
ment la procédure surle fond étaitsuspendue, a fixéau 14novembre 1995la
date d'expiration du délaidans lequel la Bosnie-Herzégovinepourrait présenter
un exposé écrictontenant sesobservations et conclusions sur lesexceptions pré-
liminaires soulevéespar la Yougoslavie. La Bosnie-Herzégovinea déposu én tel
exposédans le délai ainsifixé,et l'affaire s'est trouvée enétat pour ce qui est
des exceptions préliminaires.
10. Par une lettre en date du 2 février1996,l'agent dela Yougoslavie a sou-
mis à la Cour, «comme document pertinent aux fins de l'affaire)),le texte de
l'accord-cadre générap lour la paix en Bosnie-Herzégovineet ses annexes
(appelés collectivement«accord de paix))), paraphés à Dayton (Ohio) le
21 novembre 1995et signés à Paris le 14décembre1995(ci-après dénommélses
«accords de Dayton-Paris »).

Il. Conformémentau paragraphe 2 de l'article 53 du Règlement,la Cour a
décidé derendre accessiblesau public, à l'ouverture de la procédureorale, les
piècesde procédureet documents y annexés.
12. Des audiences publiques ont été tenuesentre le 29 avril et le 3 mai 1996,
au cours desquellesont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour la Yougoslavie : M. Rodoljub Etinski,
M. Miodrag Mitié,
M. Djordje Lopiëié,
M. Eric Suy,
M. Ian Brownlie,
M. Gavro Perazié. 10 September 1919,and on customary and conventional international laws of
war and international humanitarian law; and, by a letter of 13 August 1993,
the Agent of Bosnia and Herzegovina confirmed his Government's desire to
rely, on the same basis, on the aforementioned letter from the Presidents of
Montenegro and Serbia, dated 8 June 1992(see paragraph 4 above).

On 10August 1993,Yugoslavia also submitted a request for the indication of
provisional measures; and, on 10August and 23 August 1993,it filed written
observations on Bosnia and Herzegovina'snew request, as amended or supple-
mented.
By an Order dated 13 September 1993,the Court, after hearing the Parties,
reaffirmedthe measures indicated in its Order of 8April 1993and declared that
those measures should be irnmediatelyand effectivelyimplemented.

8. By an Order dated 7 October 1993,the Vice-Presidentof the Court, at the
request of Bosnia and Herzegovina, extendedto 15April 1994the time-limitfor
the filingof the Memorial; the time-limitfor the filingof the Counter-Memorial
was extended, by the same Order, to 15 April 1995.Bosnia and Herzegovina
duly filed its Memorial within the extended time-limit thus fixed.

9. By an Order dated 21 March 1995, the President of the Court, at the
request of Yugoslavia, extended to 30 June 1995the time-limit for the filingof
the Counter-Memorial. Within the extended time-limit thus fixed, Yugoslavia,
referring to Article 79, paragraph 1, of the Rules of Court, raised preliminary
objections concerning, respectively,the admissibilityof the Application and the
jurisdiction of the Court to entertain the case. Accordingly, by an Order dated
14 July 1995,the President of the Court, noting that, by virtue of Article 79,
paragraph 3, of the Rules of Court, the proceedings on the merits were sus-
pended, fixed 14 November 1995 as the time-limit within which Bosnia and
Herzegovina could present a written statement of its observations and submis-

sions on the preliminary objections raised by Yugoslavia. Bosnia and Herze-
govina filed such a statement within the time-limit so fixed, and the case
became ready for hearing in respect of the preliminary objections.

10. By a letter dated 2 February 1996,the Agent of Yugoslavia submitted to
the Court, "as a document relevant to the case", the text of the General Frame-
work Agreement for Peace in Bosnia and Herzegovina and the annexes thereto
(collectively"the peace agreement"), initialled in Dayton, Ohio, on 21 Novem-
ber 1995 and signed in Paris on 14 December 1995 (hereinafter called the
"Dayton-Paris Agreement").
11. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the Court
decidedto make the pleadings and documents annexed thereto accessibleto the
public on the opening of the oral proceedings.
12. Public hearings wereheld between29April and 3 May 1996at which the
Court heard the oral arguments and replies of:

For Yugoslavia : Mr. Rodoljub Etinski,
Mr. Miodrag Mitié,
Mr. Djordje Lopicik,
Mr. Eric Suy,
Mr. Ian Brownlie,
Mr. Gavro Perazik.600 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

Pour la Bosnie-Herzégovine: S. Exc. M. Muhamed Sacirbey,
M. Phon van den Biesen,
M. Alain Pellet,
MmeBrigitte Stern,
M. Thomas M. Franck.

13. Dans la requête,les demandes ci-aprèsont été formuléepsar la Bosnie-
Herzégovine :

«En conséquence,tout en se réservant ledroit de reviser, compléterou
modifier la présente requête, et sous réserve d laeprésentation à la Cour
des preuves et arguments juridiques pertinents, la Bosnie-Herzégovineprie
la Cour de dire etjuger:
a) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) aviolé,et continue de
violer, ses obligations juridiquesà l'égarddu peuple et de 1'Etat de
Bosnie-Herzégovine en vertu des articles premier,II a), II b), II c),

11d), III a), III b), III c), III d), III e), IV et V de la convention sur
le génocide;
b) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) avioléet continue de
violer ses obligations juridiques à l'égarddu peuple et de 1'Etat de
Bosnie-Herzégovine envertu des quatre conventions de Genève de
1949,de leur protocole additionnel 1 de 1977,du droit international
coutumier de la guerre, et notamment du règlementde La Haye de
1907concernant la guerre sur terre, et d'autres principes fondamen-
taux du droit international humanitaire;
c) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) avioléet continue de
violer les dispositions des articles 1,2, 3,4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26 et 28 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme vis-à-vis des citoyens de la Bosnie-
Herzégovine ;

d) que la Yougoslavie (Serbieet Monténégro),en violation de ses obli-
gations en vertu du droit international généralet coutumier, a tué,
assassiné,blessé,violé, volé,torturé, enlevé,détenu illégalementet
exterminé des citoyensde la Bosnie-Herzégovine,et continue de le
faire;
e) qu'en traitant ainsi les citoyens de la Bosnie-Herzégovine,la Yougo-
slavie (Serbie et Monténégro) avioléet continue de violer les obli-
gations qu'elle a solennellement assumées envertu du paragraphe 3
de l'article 1 et des articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies;
f) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) aemployéet continue
d'employerla force et de recourir a lamenacede la force contre laBos-
nie-Herzégovine en violation desparagraphes 1,2, 3 et 4 de l'article2
et du paragraphe 1 de l'article 33 de la Charte des Nations Unies;

g) gations en vertu du droit international général et coutumier, utiliséet

utilise la force et la menace de la force contre la Bosnie-Herzégovine;
h) que la Yougoslavie (Serbieet Monténégro),en violation de ses obli-
gations en vertu du droit international généraelt coutumier, a violéet
viole la souveraineté dela Bosnie-Herzégovinedu fait:
- d'attaques arméescontre la Bosnie-Herzégovine par air et par terre;For Bosnia and Herzegovina: H.E. Mr. Muhamed Sacirbey,
Mr. Phon van den Biesen,
Mr. Alain Pellet,
Ms Brigitte Stern,
Mr. Thomas M. Franck.

13. In the Application, the following requests were made by Bosnia and
Herzegovina :

"Accordingly, while reserving the right to revise, supplement or amend
this Application, and subject to the presentation to the Court of the rele-
vant evidence and legal arguments, Bosnia and Herzegovina requests the
Court to adjudge and declare as follows :

(a) that Yugoslavia (Serbia and Montenegro) has breached, and is con-
tinuing to breach, its legal obligations toward the People and state of
Bosnia and Herzegovina under Articles 1, II (a), II (b), II (c),
11 (d), III (a), III (b), III (c), III (d), III (e), IV and V of the
Genocide Convention;
(b) that Yugoslavia (Serbia and Montenegro) has violated and is con-
tinuing to violate its legal obligations toward the People and state of
Bosnia and Herzegovina under the four Geneva Conventions of
1949, their Additional Protocol 1 of 1977, the customary interna-
tional laws of war includingthe Hague Regulations on Land Warfare
of 1907,and other fundamental principles of international humani-
tarian law;

(c) that Yugoslavia (Serbiaand Montenegro) has violated and continues
toviolateArticles1,2,3,4,5,6,7,8,9, 10, 11, 12,13, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 25,26 and 28 of the Universal Declaration of
Human Rights with respect to the citizens of Bosnia and Herze-
govina;
(d) that Yugoslavia (Serbia and Montenegro), in breach of its obliga-
tions under general and customary international law, has killed,
murdered, wounded, raped, robbed, tortured, kidnapped, illegally
detained, and exterminated the citizens of Bosnia and Herzegovina,
and is continuing to do so;
(e) that in its treatment of the citizens of Bosnia and Herzegovina,
Yugoslavia (Serbia and Montenegro) has violated, and is continuing

to violate, its solemn obligations under Articles 1 (3), 55 and 56 of
the United Nations Charter;
(f) that Yugoslavia (Serbiaand Montenegro) has used and is continuing
to use force and the threat of force against Bosnia and Herzegovina
in violation of Articles 2 (l), 2 (2), 2 (3), 2 (4), and 33 (l), of the
United Nations Charter;
(g) that Yugoslavia (Serbia and Montenegro), in breach of its obliga-
tions under general and customary international law, has used and is
using force and the threat of force against Bosnia and Herzegovina;
(h) that Yugoslavia (Serbia and Montenegro), in breach of its obliga-
tions under general and customary international law, has violated
and is violating the sovereignty of Bosnia and Herzegovina by:

- armed attacks against Bosnia and Herzegovina by air and land; APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

- de la violation de l'espaceaérien de la Bosnie-Herzégovine;
- d'actes directs et indirects de coercition et d'intimidationà l'en-
contre du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine;

que la Yougoslavie(Serbieet Monténégro)e ,n violation des obligations
que lui impose le droit international générae lt coutumier, est interve-
nue et intervientdans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine;
que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro),en recrutant, entraînant,

armant, équipant, finançant, approvisionnant et en encourageant,
appuyant, aidant et dirigeant des actions militaires et paramilitairesen
Bosnie-Herzégovineou contre celle-cipar le moyen de ses agents et de
sesauxiliaires,a violéet viole sesobligations fondamentales et conven-
tionnelles expressesa l'égardde la Bosnie-Herzégovineet, en particu-
lier,sesobligationsfondamentaleset conventionnellesexpressesenvertu
du paragraphe 4 de l'article2 de la Charte des Nations Unies, de même
que sesobligationsen vertu du droit international général ectoutumier;
que, vu les circonstances exposées ci-dessus,la Bosnie-Herzégovine

possède ledroit souverain de se défendreet de défendreson peuple en
vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies et du droit inter-
national coutumier, y compris en se procurant immédiatement auprès
d'autres Etats des armes, des matérielset fournitures militaires ainsi
que des troupes;
que, vu les circonstances exposées ci-dessus,la Bosnie-Herzégovine
possède le droit souverain en vertu de l'article 51 de la Charte des
Nations Unies et du droit international coutumier de demander àtout
Etat de l'assister immédiatement ense portant à son secours, y com-
pris par des moyens militaires (armes, matérielset fournitures mili-
taires, troupes, etc.);

que la résolution 713 (1991) du Conseil de sécuritéimposant un
embargo sur les livraisons d'armes à l'ex-Yougoslaviedoit être inter-
prétéed'unemanièretellequ'elle neporte pas atteinte au droit naturel
de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-Herzégo-
vine en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies et des
règlesdu droit international coutumier;
que toutes les résolutions ultérieuresdu Conseil de sécurité qusieréfè-
rent à la résolution 713 (1991) ou la réaffirment doiventêtre inter-
prétées d'une manièrteelle qu'elles neportent pas atteinte au droit
naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de la Bosnie-

Herzégovine envertu des dispositions de l'article 51 de la Charte des
Nations Unies et des règlesdu droit international coutumier;
que la résolution713 (1991)du Conseil de sécurité ettoutes les réso-
lutions ultérieuresdu Conseil de sécurité qui s'yréfèrentou la réaffir-
ment ne doivent pas êtreinterprétées commeimposant un embargo
sur les livraisons d'armesà la Bosnie-Herzégovine,conformémentaux
dispositions du paragraphe 1 de l'article 24 et de l'article 51 de la
Charte des Nations Unies et au principe coutumier d'ultra vires;
qu'en vertu du droit de légitime défense collective reconnu par l'ar-
ticle 51de la Charte desNations Unies tous lesautres Etats parties àla

Charte ont le droit de se porter immédiatementau secours de la Bos-
nie-Herzégovine - à sa demande - y compris en lui fournissant
immédiatement des armes, desmatérielest des fournitures militaires,et
des forces armées (soldats, marins, aviateurs,etc.);- aerial trespass into Bosnian airspace;
- efforts by direct and indirect means to coerce and intimidate the
Government of Bosnia and Herzegovina;

that Yugoslavia (Serbia and Montenegro), in breach of its obliga-
tions under general and customary international law, has intervened
and is intervening in the interna1affairs of Bosnia and Herzegovina;
that Yugoslavia (Serbia and Montenegro), in recruiting, training,
arming, equipping, financing, supplying and otherwise encouraging,

supporting, aiding, and directing military and paramilitary actions in
and against Bosnia and Herzegovina by means of its agents and sur-
rogates, has violated and is violating its expresscharter and treaty
obligations to Bosnia and Herzegovina and, in particular, its charter
and treaty obligations under Article 2 (4) of the United Nations
Charter, as wellas its obligations under general and customary inter-
national law;
that under the circumstances set forth above, Bosnia and Herze-
govina has the sovereign right to defend Itself and its People under
United Nations Charter Article 51 and customary international law,

including by means of immediately obtaining military weapons,
equipment, supplies and troops from other States;

that under the circumstances set forth above, Bosnia and Herze-
govina has the sovereign right under United Nations Charter
Article 51 and customary international law to request the immediate
assistance of any State to come to its defence, including by military
means (weapons, equipment, supplies, troops, etc.);

that Security Council resolution 713 (1991), imposing a weapons

embargo upon the former Yugoslavia, must be construed in a man-
ner that shall not impair the inherent right of individual or collective
self-defenceof Bosnia and Herzegovina under the terms of United
Nations Charter Article 51 and the des of customary international
law;
that al1 subsequent Security Council resolutions that refer to or
reaffirm resolution 713 (1991)must be construed in a manner that
shall not impair the inherent right of individual or collective self-
defenceof Bosniaand Herzegovinaunder the terms ofUnited Nations
Charter Article 51 and the rules of customary international law;

that Security Council resolution 713 (1991)and al1subsequent Secu-
rity Council resolutions referringthereto or reaffirming thereof must
not be construed to impose an arms embargo upon Bosnia and
Herzegovina, as required by Articles 24 (1) and 51 of the United
Nations Charter and in accordance with the customary doctrine of
ultra vires;
that pursuant to the right of collective self-defence recognized by
United Nations Charter Article 51, al1 other States parties to the
Charter have the right to come to the immediate defence of Bosnia

and Herzegovina - at its request- including by means of immedi-
ately providing it with weapons, military equipment and supplies,
and armed forces (soldiers, sailors, airpeople, etc.); q) que la Yougoslavie (Serbieet Monténégro), etses agents et auxiliaires,
sont tenus de mettre fin et de renoncer immédiatement à leurs viola-

tions susmentionnées de leurs obligations juridiques,et ont le devoir
exprèsde mettre fin et de renoncer immédiatement:
- à leur pratique systématiquede la ((purification ethnique)) des
citoyens et du territoire souverain de la Bosnie-Herzégovine;
- à l'assassinat,à l'exécutionsommaire, à la torture, au viol,à l'enlè-

vement, à la mutilation, aux blessures, aux sévicesphysiques et
psychologiques et à la détentiondes citoyens de la Bosnie-Herzé-
govine;
- a la dévastation sauvageet aveuglede villages,de villes,de districts,
d'agglomérations et d'institutionsreligieuses en Bosnie-Herzégo-
vine ;
- au bombardement de centres de population civile en Bosnie-Her-

zégovine,et spécialementde sa capitale, Sarajevo;
- à la poursuite du siègede centres de population civile de Bosnie-
Herzégovine, et spécialemendte sa capitale, Sarajevo;
- à la privation de nourriture de la population civile de Bosnie-
Herzégovine ;
- aux actes ayant pour effet d'interrompre, d'entraverou de gêner
l'acheminement des secours humanitairesenvoyéspar la commu-
nautéinternationale aux citoyens de Bosnie-Herzégovine;

- à toute utilisation de la force - directe ou indirecte, manifeste ou
occulte - contre la Bosnie-Herzégovine,et à toutes les menaces
d'utilisation dela force contre la Bosnie-Herzégovine;
- àtoutes lesviolations de la souveraineté,de l'intégrité territoriaolue
de l'indépendance politique dela Bosnie-Herzégovine, y compris
toute intervention, directeou indirecte, dans les affaires intérieures
de la Bosnie-Herzégovine ;

- à tout appui de quelque nature qu'il soit - y compris l'entraîne-
ment et la fourniture d'armes, de munitions, de fonds, de matériels,
d'assistance, d'instructionou toute autre forme de soutien - àtoute
nation, groupe, organisation, mouvementou individu se livrant ou
se disposant a se livrer a des actions militairesou paramilitaires en
Bosnie-Herzégovineou contre celle-ci;

r) que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro)est tenue de payer à la
Bosnie-Herzégovine, enson propre nom et en tant queparens patriae
de ses citoyens, des réparationspour les dommages subispar les per-
sonnes et les biens ainsi que par l'économieet l'environnement de la
Bosnie à raison des violations susviséesdu droit international, dont le
montant sera déterminé par la Cour. La Bosnie-Herzégovineseréserve

le droit de présenter à la Cour une évaluationprécise des dommages
causéspar la Yougoslavie (Serbie et Monténégro). ))

14. Dans la procédureécrite,les conclusions ci-aprèsont été présentép esr
les Parties:

Au nom du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,
dans le mémoire

«Sur la base des éléments de preuve et des argumentsjuridiques exposés
dans le présent mémoirel,a Bosnie-Herzégovine (q) that Yugoslavia (Serbia and Montenegro) and its agents and surro-
gates are under an obligation to ceaseand desist immediatelyfrom its
breaches of the foregoing legal obligations, and is under a particular
duty to cease and desist immediately:

- from its systematic practice of so-called 'ethnic cleansing'of the
citizens and sovereign territory of Bosnia and Herzegovina;
- from the murder, summary execution, torture, rape, kidnapping,

mayhem, wounding, physicaland mental abuse, and detention of
the citizens of Bosnia and Herzegovina;

- from the wanton devastation of villages, towns, districts, cities,
and religious institutions in Bosnia and Herzegovina;

- from the bombardment of civilian population centres in Bosnia

and Herzegovina, and especiallyits capital, Sarajevo;
- from continuing the siege of any civilian population centres in
Bosnia and Herzegovina, and especiallyits capital, Sarajevo;
- from the starvation of the civilian population in Bosnia and
Herzegovina ;
- from the interruption of, interference with, or harassment of

humanitarian relief supplies to the citizens of Bosnia and Herze-
govina by the international community ;
- from al1use offorce - whether direct or indirect, overt or covert
- against Bosnia and Herzegovina, and from al1threats of force
against Bosnia and Herzegovina;
- from al1 violations of the sovereignty, territorial integrity or
political independence of Bosnia and Herzegovina, including al1

intervention, direct or indirect, in the interna1 affairs of Bosnia
and Herzegovina;
- from al1support of any kind - including the provision of train-
ing, arms, ammunition, finances, supplies, assistance, directionor
any other form of support - to any nation, group, organization,
movement or individual engaged or planning to engage in mili-

tary or paramilitary actions in or against Bosnia and Herze-
govina ;
(r) that Yugoslavia (Serbia and Montenegro) has an obligation to pay
Bosnia and Herzegovina, in its own right and as parenspatriae for its

citizens, reparations for damages to persons and property as well as
to the Bosnian economy and environment caused by the foregoing
violations of international law in a sum to be detennined by the
Court. Bosnia and Herzegovina reservesthe right to introduce to the
Court a precise evaluation of the damages caused by Yugoslavia
(Serbia and Montenegro)."

14. In the written proceedings, the following submissions were presentedby
the Parties:

On behalf of the Governmentof Bosnia and Herzegovina,
in the Memorial:

"On the basis of the evidence and legal arguments presented in this
Memorial, the Republic of Bosnia and Herzegovina,prie la Cour de dire et juger:
1. Que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténé-

gro), directement ou par le truchement de ses auxiliaires, a violéet conti-
nue de violerla convention pour la préventionet la répressiondu crime de
génocide,en détruisantpartiellement, et en tentant de détruire totalement,
des groupes nationaux, ethniques ou religieux,notamment mais non exclu-
sivement sur le territoire de la Républiquede Bosnie-Herzégovine, enpar-
ticulier la population musulmane, en se livrant aux actes suivants:

- meurtre de membres du groupe;
- atteinte graveàl'intégrité physiquoeu mentale de membres du groupe;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence visant
à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
- imposition de mesures aux fins d'entraver les naissances au sein du
groupe;

2. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie eM t onténégro)
a violéet continue de violer la convention pour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide enserendant coupable d'entente envue de com-
mettre le génocide,de complicitédans le génocide,de tentative de génocide
et d'incitation a commettre le génocide;
3. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
a violéet continue de violer la convention pour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide enaidant et encourageant des individus et des
groupes se livrant à des actes de génocide;
4. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie etMonténégro)

a violéet continue de violer la convention pour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide enmanquant à son obligation de préveniret de
punir les actes de génocide;
5. Que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbieet Monténégro)
doit immédiatementmettre fin aux actes susmentionnéset prendre des
mesures immédiateset efficacespour s'acquitter pleinement deses obliga-
tions aux termes de la convention pour la préventionet la répressiondu
crime de génocide;
6. Que la République fédérativdee Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
doit effacerlesconséquencesde sesactesinternationalement illiciteset réta-
blir la situation qui existait avant que les violations de la convention pour

la prévention etla répressiondu crime de génocide ne fussent commises;
7. Que, sa responsabilitéinternationale étantengagéeà raison des vio-
lations susmentionnées dela convention pour la préventionet la répression
du crime de génocide,la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)est tenue de payer à la Bosnie-Herzégovine,et cette dernière
est fondée à recevoir, en son propre nom et en tant queparens patriae de
ses citoyens, pleine réparation pour les dommages et les pertes causés,
réparation dont le montant sera déterminépar la Cour lors d'une phase
ultérieure dela procédureen l'instance.

La Républiquede Bosnie-Herzégovinese réservele droit de compléter
ou de modifier ses conclusions dans le cadre d'autres piècesde procédure.
La Républiquede Bosnie-Herzégovine appelle également respectueuse-
ment l'attention de la Cour sur le fait qu'elle n'a pas réitéréà ce stade,

plusieurs des demandes qu'elleavait formuléesdans sa requête,partant du
postulat formel que la Républiquefédérative de Yougoslavie (Serbie etRequests the International Court of Justice to adjudge and declare,
1. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro),
directly, or through the use of its surrogates, has violated and is violating
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno-

cide, by destroying in part, and attempting to destroy in whole, national,
ethnical or religious groups within the, but not limited to the, territory
of the Republic of Bosnia and Herzegovina, including in particular the
Muslim population, by
- killing members of the group;

- causing deliberate bodily or mental harm to members of the group;
- deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to
bring about its physical destruction in whole or in part;
- imposing measures intended to prevent births within the group;

2. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)
has violated and is violating the Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide by conspiring to commit genocide, by
complicity in genocide,by attempting to commit genocide and by incite-
ment to commit genocide;
3. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)
has violated and is violating the Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide by aiding and abetting individuals and
groups engaged in acts of genocide;
4. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)

has violated and is violating the Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide by virtue of having failedto prevent and
to punish acts of genocide;
5. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)
must immediately cease the above conduct and take immediate and effec-
tive steps to ensure full compliance with itsobligations under the Conven-
tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide;

6. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)
must wipeout the consequencesof its international wrongful acts and must
restore the situation existingbefore the violationsof the Convention on the

Prevention and Punishment of the Crime of Genocide were committed;
7. That, as a result of the international responsibility incurred for the
above violations of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide, the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and
Montenegro) is required to pay, and the Republic of Bosnia and Herze-
govina is entitled to receive, in its own right and as parens patriae for its
citizens, full compensation for the damages and losses caused, in the
amount to be determined by the Court in a subsequent phase of the pro-
ceedingsin this case.

The Republic of Bosnia and Herzegovina reserves its right to supple-
ment or amend its submissions in the light of further pleadings.
The Republic of Bosnia and Herzegovina also respectfully draws the

attention of the Court to the fact that it has not reiterated, at this point,
several of the requests it made in its Application, on the forma1assump-
tion that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbiaand Montenegro) has Monténégro)a acceptéla compétence dela Cour en vertu de la convention
pour la préventionet la répressiondu crime de génocide. Si le défendeur
devait revenir sur son acceptation de la compétence dela Cour en applica-
tion de ladite convention- ce qu'en tout étatde cause il n'est pasautorisé
à faire- le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovinese réserve ledroit
d'invoquer toutes les autres bases de compétence existantes,ou certaines
d'entre elles,et de formuler de nouveau toutes lesconclusions et demandes
qu'il a déjà présentéeo , certaines d'entre elles.»

Au nom du Gouvernement yougoslave,
dans les exceptions préliminaires:

«La Républiquefédérative de Yougoslavie prilea Cour de dire etjuger:

Premièreexception préliminaire
A.1. Attendu que la guerre civileexclut l'existenced'un différendinter-
national,

la requête dela prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine n'est pas
recevable.
Deuxième exceptionpréliminaire

A.2. Attendu qu'Alija Izetbegovii:n'occupait pasles fonctions de pré-
sident de la Républiqueà l'époqueou il a donnél'autorisation d'introduire
une instance et attendu que la décisiond'introduire une instance n'a pas
été prisepar un organe compétent, la présidenceou le gouvernement,
l'autorisation d'introduire et de conduire une instance a été accordée en
violation d'une règle de droit interne d'importance fondamentale; en
conséquence,

la requêtede la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine n'est pas
recevable.
Troisième exceptionpréliminaire

B.1. Attendu que la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine a
violéde façon flagrante, par ses actes relatiàsl'indépendance,les obliga-
tions découlant duprincipe de l'égalité dedsroits et du droit des peupleà
disposer d'eux-mêmee st que pour cette raison la notification de succession
de la Partie requérante,en date du 29 décembre 1992,à la convention de
1948pour la préventionet la répressiondu crime de génocide estsans effet
juridique,
Attendu que la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine n'estpas

devenue Etat partie à la convention de 1948 pour la prévention et la
répression du crime de génocideconformément aux dispositions de la
convention elle-même,
la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovinen'estpas un Etat partie
à la convention de 1948pour la prévention et larépressiondu crime de
génocideet, en conséquence,

la Cour n'a pas compétence enla présente affaire.
Quatrième exceptionpréliminaire

B.2. Attendu que la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine a été
reconnue dans des conditions qui méconnaissentles règlesdu droit inter- accepted the jurisdiction of this Court under the terms of the Convention

on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide. If the
Respondent were to reconsider its acceptance of the jurisdiction of the
Court under the terms of that Convention - which it is, in any event, not
entitled to do - the Government of Bosnia and Herzegovina reservesits
right to invoke also al1or some of the other existing titles of jurisdiction
and to revive al1or some of its previous submissionsand requests."

On behalf of the Governmentof Yugoslavia,
in the preliminary objections:

"The Federal Republic of Yugoslavia asks the Court to adjudge and
declare :

First preliminary objection
A.1. Whereas civil war excludes the existence of an international dis-
pute,
the Application of the so-called Republic of Bosnia and Herzegovina is

not admissible.
Secondpreliminary objection

A.2. Whereas Alija IzetbegoviCdid not serve as the President of the
Republic at the time when hegranted the authorization to initiate proceed-
ings and whereas the decision to initiate proceedings wasnot taken by the
Presidency nor the Government as the competent organs, the authoriza-
tion for the initiation and conduct of proceedings wasgranted in violation
of a rule of interna1law of fundamental significanceand, consequently,

the Application by the so-calledRepublic of Bosnia and Herzegovina is

not admissible.
Thirdpreliminary objection

B.1. Whereas the so-calledRepublic of Bosnia and Herzegovina has by
its acts on independence flagrantly violated the duties stemrning from the
principle of equal rights and self-determination of peoples and for that
reason the Notification of Succession, dated 29 December 1992, of the
Applicant to the 1948 Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide has no legal effect,

Whereas the so-called Republic of Bosnia and Herzegovina has not

become a State party to the 1948Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide in accordance with the provisions of the
Convention itself,
the so-calledRepublic of Bosnia and Herzegovina is not a State party to
the 1948Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide and consequently

the Court has no jurisdiction over this case.
Fourthpreliminary objection

B.2. Whereas the so-called Republic of Bosnia and Herzegovina has
been recognizedin contravention of the rules of international law and that605 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

national, que celle-cin'a jamais été établiseur le territoire qu'elle reven-
dique comme le sien et dans la forme sous laquelle elle prétend exister
depuis sa déclarationillégale d'indépendance, eatttendu qu'il existe ac-
tuellement quatre Etats sur le territoire de l'ex-République yougoslavede
Bosnie-Herzégovine,la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovinen'est
pas partie à la convention de 1948pour la préventionet la répressiondu
crime de génocide; en conséquence,

la Cour n'est pas compétente enla présente affaire.
Cinquièmeexception préliminaire

C. Attendu qu'il y a enl'espèceun conflit interne entre quatre parties,
conflit auquel la République fédérativede Yougoslavie n'est pas partie
prenante, et attendu que la Républiquefédérativede Yougoslavie n'exer-
çait aucune juridiction sur les territoires en cause pendant la périodeconsi-
dérée,
Attendu que le mémoirede la Partie requéranteest fondé surune inter-

prétation foncièrement erronée de la convention de 1948 pour la pré-
vention et la répressiondu crime de génocideet qu'en conséquenceles
demandes contenues dans les «conclusions» sont fondéessur des alléga-
tions de responsabilitéd'Etat qui échappentau domaine d'applicationde la
convention et de sa clause compromissoire,
il n'existe pas de différendinternational au sens de l'article IX de la
convention de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de
génocideet, en conséquence,

la Cour n'est pas compétente enla présente affaire.
Si la Cour ne retient aucune des exceptions préliminaires susmention-
nées :

Sixième exceptionpréliminaire
D.1. Sans préjudice des exceptions préliminaireq sui précèdent,attendu

que la notification de successionendate du 29 décembre1992par laquelle
la prétendue Républiquede Bosnie-Herzégovine a exprimé son intention
de devenir partie àla convention de 1948pour la prévention etla répres-
sion du crime de génocide nepeut avoir pour effet que l'adhésion à la
convention,
la Cour est compétente enl'espèceà compter du 29 mars 1993de sorte
que les demandes de la Partie requéranterelatives aux actes ou faits allé-
guéspar elle et intervenus antérieurement à cette date ne sont pas du

ressort de la Cour.
Au cas où la Cour refuserait de faire droit à l'exception préliminaire
viséeen D. 1.:

Septième exceptionpréliminaire
D.2. Sans préjudice dela sixièmeexception préliminaire,si la notifica-
tion de successionde la Partie requéranteen date du 29 décembre1992est
interprétéecomme ayant pour effet que celle-ci est devenue partie à la

convention de 1948sur le génocideà compter du 6 mars 1992,d'aprèsla
règledu droit international coutumier, la convention de 1948pour la pré-
vention etla répressiondu crime de génocide neserait pas applicable entre
les Parties avant le 29 décembre1992et elle ne conféreraitdonc pas à lait has never been established in the territory and in the form in which it
pretends to exist ever sinceits illegaldeclaration of independence, and that

there are at present four States in existence in the territory of the former
Yugoslav Republic of Bosnia and Herzegovina, the so-called Republic of
Bosnia and Herzegovina is not a party to the 1948Convention on the Pre-
vention and Punishment of the Crime or Genocide, and consequently,

the Court has no jurisdiction over this case.

Fifth pveliminavy objection
C. Whereas the case in point is an interna1conflict betweenfour sidesin
which the Federal Republic of Yugoslavia is not taking part and whereas
the Federal Republic of Yugoslavia did not exerciseany jurisdiction over
the disputed areas in the period under review,

Whereas the Memorial of the Applicant State is based upon a funda-
mentallyerroneous construction of the 1948Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide and, in consequence the claims
contained in the 'Submissions'are based on allegations of State responsi-
bility which fa11outside the scope of the Convention and of its compro-
missory clause,

there is no international disputeunder Article IX of the 1948Conven-
tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide and,
consequently,
the Court has no jurisdiction over this case.

If the Court does not accept any of the above-mentioned preliminary
objections :
Sixth preliminary objection

D.1. Without prejudice to the above exposed preliminary objections,
whereas the Notification of Succession,dated 29 December 1992,whereby
the so-called Republic of Bosnia and Herzegovina expressed the intention
to enter into the 1948Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide can only produce the effect of accession to the
Convention,

the Court has jurisdiction over this case as of 29 March 1993and, thus,
the Applicant's claims pertaining to the alleged acts or facts which
occurred prior to that date do not fa11within the jurisdiction of the
Court.

In case the Court refuses to adopt the preliminary objection under D.l:

Seventh preliminary objection

D.2. Without prejudice to the sixth preliminary objection, if the Appli-
cant State's Notification of Succession, dated 29 December 1992,is con-
strued on the basis that it has the effect that the Applicant state became a
party to the 1948Genocide Convention from 6 March 1992,according to
the rule of customary international law, the 1948Convention on the Pre-
vention and Punishment of the Crime of Genocide would not be operative
betweenthe parties prior to 29 December 1992and, accordingly,this would Cour compétenceà l'égardd'événements intervenus avant cette date; en
conséquence,
les demandesde la Partie requérante relatives aux actes ou faits allégués
par elle qui sont antérieursau 29 décembre1992ne sont pas du ressort
de la Cour.

La République fédérativedeYougoslavie se réservele droit de complé-
ter ou de modifier ses conclusions à la lumière desplaidoiries à venir.))

Au nom du Gouvernement dela Bosnie-Herzégovine,
dans l'exposéécritcontenant ses observations et conclusionssur les exceptions
préliminaires :

((Considérantl'exposéqui précède,le Gouvernement de la République
de Bosnie-Herzégovinedemande à la Cour:
- de rejeter et écarterles exceptions préliminairesde la Yougoslavie (Ser-
bie et Monténégro); et
- de dire et juger:

i) que la Cour a compétence à l'égard desconclusions présentées dans
le mémoirede la Bosnie-Herzégovine;
ii) que ces conclusions sont recevables.»

15. Dans la procédure orale, les conclusions ci-aprèsont été présentép ear
les Parties:
Au nom du Gouvernement yougoslave ',

à l'audience du 2 mai 1996 :
«La Républiquefédérativd ee Yougoslavie prie la Cour de dire etjuger:

Premièreexceptionpréliminaire
Attendu que les événements, auxquelsse réfèrela requête, quise sont
produits en Bosnie-Herzégovine,constituent une guerre civile, il n'existe
aucun différendinternational selon les termes de l'article IX de la conven-
tion de 1948pour la prévention et la répressiondu crime de génocide;en

conséquence,
la requête de laBosnie-Herzégovinen'est pas recevable.
Deuxième exceptionpréliminaire

Attendu que M. Alija IzetbegoviCn'occupait pas les fonctions de prési-
dent de la République à l'époque oùil a donné l'autorisation d'introduire
une instance et, attendu que la décisiond'introduire une instance n'a pas
été prisepar un organe compétent, la présidenceou le gouvernement,
l'autorisation d'introduire et de conduire une instance a été accordée en
violation de règles dedroit interne d'importance fondamentale; en consé-
quence,

la requêtede la Bosnie-Herzégovinen'estpas recevable.
Troisièmeexceptionpréliminaire

Attendu que la Bosnie-Herzégovinen'a pas établisa qualitéd7Etatindé-

' Le Gouvernement yougoslave a renoncéa sa quatrièmeexception préliminaire.

15 not confer jurisdiction on the Court in respect of events occurringprior to
29 December 1992and consequently,
the Applicant's claims pertaining to the alleged acts or facts which
occurredprior to 29December 1992do not fa11within thejurisdiction of
the Court.

The Federal Republic of Yugoslavia reserves its right to supplement or
amend its submissions in the light of further pleadings."

On behalf of the Government of Bosniaand Herzegovina,
in the written statement containing its observations and submissions on the
preliminary objections :

"In consideration of the foregoing, the Government of the Republic of
Bosnia and Herzegovina requests the Court:
- to reject and dismissthe Prelirninary Objections of Yugoslavia (Serbia

and Montenegro); and
- to adjudge and declare:
(i) that the Court has jurisdiction in respect of the submissions
presented in the Memorial of Bosnia and Herzegovina; and
(ii) that the submissions are admissible."

15. In the oral proceedings, the following submissionswerepresented by the
Parties :

On behalf of the Government ofYugoslavia',
at the hearing on 2 May 1996:

"The Federal Republic of Yugoslavia asks the Court to adjudge and
declare :
First preliminary objection

Whereasthe eventsin Bosnia and Herzegovina to which the Application
refers constituted a civil war, no international dispute exists within the
terms of Article IX of the 1948Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide, consequently,

the Application of Bosnia and Herzegovina is not admissible.

Second preliminary objection
Whereas Mr. Alija Izetbegovii: did not serve as the President of the
Republic at the time when hegranted the authorization to initiate proceed-

ings and whereas the decision to initiate proceedings was not taken either
by the Presidency or the Governmentas the competentorgans,the authori-
zation for the initiation and conduct of proceedings was granted in viola-
tion of the mles of interna1law of fundamental significance,consequently,

the Application by Bosnia and Herzegovina is not admissible.

Third preliminary objection
Whereas Bosnia and Herzegovina has not established its independent

The Government of Yugoslavia relinquished its fourth preliminary objection.

15pendant conformémentau principe de l'égalité ded sroits et du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes et pour cette raison n'a pu succéder à la
convention de 1948pour la prévention et la répressiondu crime de géno-
cide,
Attendu que la Bosnie-Herzégovinen'est pasdevenuepartie àla conven-
tion de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de génocide
conformément aux dispositionsde la convention elle-même,

la Bosnie-Herzégovine n'estpas un Etat partie a la convention de 1948
pour la prévention et la répressiondu crime de génocide; en consé-
quence,
la Cour n'est pas compétenteen la présente affaire.

Cinquième exceptionpréliminaire
Attendu qu'il y a en l'espèceun conflitinterne entre trois parties, auquel

la République fédérativede Yougoslavie n'est pas partie prenante, et
attendu que la République fédérative de Yougoslavien'exerçait aucune
juridiction sur le territoire de la Bosnie-Herzégoviàel'époque considérée,
Attendu que le mémoirede la Partie requérante repose sur une interpré-
tation fondamentalement erronée de la convention de 1948pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocideet que, en conséquence,les
demandesde la Partie requérante figurantdans ses~~conclusions» reposent
sur des allégations de responsabilitéd'Etat qui se situent en dehors du

champ d'application de la convention et de sa clause compromissoire,
il n'existe aucun différend international en vertu de l'article IX de la
convention de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de
génocideet, en conséquence,
la Cour n'est pas compétenteen la présente affaire.

Si la Cour ne retient aucune des exceptions préliminaires susmention-
nées :

Sixième exceptionpréliminaire
Sans préjudicedes exceptions préliminaires qui précèdent,attendu que
les deux Parties ont reconnu, chacune, le 14décembre1995,que la conven-
tion de 1948 pour la prévention et la répressiondu crime de génocide
n'était pas applicableentre elles avant le 14 décembre 1995;en consé-
quence,

la Cour n'estpas compétenteen la présente affaireavant le 14décembre
1995.
Subsidiairementet sanspréjudicedesexceptions préliminaires formuléceis-
dessus. attendu aue la notification de succession. en date du 29 décembre
1992, par laquelie la Bosnie-Herzégovinea expkmé l'intention de deve-
nir partie a la convention de 1948pour la prévention etla répressiondu

crime de génocidene peut avoir pour effet que l'adhésiona la convention,
la Cour n'estpas compétenteen la présente affaireavant le 29mars 1993
et, par conséquent,les demandes de la Partie requérante quiont trait
aux actes ou faits qui se seraientproduits avant cette date ne sont pas du
ressort de la Cour.

Au cas où la Cour refuserait de faire droit aux exceptionspréliminaires
qui précèdent :statehood in conformity with the principle of equal rights and self-
determination of peoples and for that reason could not succeedto the 1948

Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide,

Whereas Bosnia and Herzegovina has not become a party to the 1948
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
in accordance with the provisions of the Convention itself,

Bosnia and Herzegovina is not a party to the 1948Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, consequently,

the Court lacks the competence over the case.

Fifth ppreliminaryobjection
Whereas the case in point is an interna1 conflict between three sides in
which the FederalRepublic of Yugoslavia was not taking part and whereas
the Federal Republic of Yugoslavia did not exerciseanyjurisdictionwithin
the region of Bosnia and Herzegovina at the material time,

Whereas the Memorial of the Applicant State is based upon a funda-
mentally erroneous interpretation of the 1948Convention on the Preven-
tion and Punishment of the Crime of Genocide and, in consequence, the
claims contained in the 'Submissions'are based on allegations of State
responsibility which fa11outside the scope of the Convention and of its
compromissory clause,
there is no international disputeunder Article IX of the 1948Conven-
tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, con-
sequently,

the Court lacks the competence over the case.
If the Court does not accept any of the above-mentioned preliminary
objections:

Sixth preliminary objection
Without prejudice to the above exposed preliminary objections, whereas
the two Parties recognizedeach other on 14December 1995,the 1948Con-
vention on the ~revëntion and Punishment of the Crime of Genocide was
not operative between them prior to 14 December 1995,consequently,

the Court lacks the competence before 14December 1995over the case.

Alternatively and without prejudice to the preliminary objectionsformu-

lated above, whereas the Notification of Succession, dated 29 December
1992, whereby Bosnia and Herzegovina expressed the intention to enter
into the 1948Convention on the Prevention and Punishment of the Crime
of Genocide can only produce the effect of accessionto the Convention,
the Court lacks competence before 29 March 1993 over the case and,
thus, the Applicant's claims pertaining to the allegedacts or facts which
occurred prior to that date do not fa11within the competence of the
Court.

In case the Court refuses to adopt the above preliminary objections:Septième exceptionpréliminaire
Si la notification de succession de la Partie requérante en date du

29 décembre1992 est interprétée commeayant pour effet que la Partie
requérante estdevenu partie à la convention de 1948pour la préventionet
la répressiondu crime de génocide à compter du 6 mars 1992et, attendu
que le Secrétairegénérad le l'organisation desNations Unies a adresséaux
parties a ladite convention une note, datéedu 18mars 1993,lesinformant
de ladite succession,conformément auxrèglesdu droit international géné-
ral, la convention de 1948pour la préventionet la répressiondu crime de
génociden'est pas applicable entre les Parties avant le 18 mars 1993et,
attendu qu'une telle situation ne saurait conférercomp,étenceà la Cour au
regard d'événementq sui se sont produits avant le 18mars 1993; en consé-
quence,

les demandes de la Partie requérante quiont trait aux actes ou faits allé-
guésqui sont antérieurs au 18 mars 1993ne sont pas du ressort de la
Cour.

En tant que dernière exception subsidiaire:
Si la notification de succession de la Partie requérante en date du
29 décembre1992 est interprétée commeayant pour effet que la Partie
requéranteest devenu partie à la convention de 1948pour la préventionet
la répressiondu crime de génocide à compter du 6 mars 1992,conformé-

ment aux règlesdu droit international général,la conventionde 1948pour
la préventionet la répressiondu crime de génociden'est pas applicable
entre les Parties avant le 29 décembre1992et, attendu qu'elle nesaurait
conférer compétence à la Cour à l'égard d'événementsqu si sont produits
avant le 29 décembre1992, enconséquence,
les demandes de la Partie requérante quiont trait aux actes ou faits allé-
guésqui sont antérieursau 29 décembre1992ne sont pas du ressort de

la Cour.
Exceptionsfondéessur deprétendues bases supplémentairedse compétence

Compte tenu de la demande de la Partie requérante de fonder la com-
pétencede la Cour sur les articles 11 et 16 du traitéentre les principales
puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes, Croates et Slo-
vènes, signéà Saint-Germain-en-Laye le 10 septembre 1919, la Répu-
blique fédérativede Yougoslavie prie la Cour
de rejeter ladite demande,

- au motif que le traité entrelesprincipalespuissances alliéeset associées
et le Royaume des Serbes,Croates et Slovènes, signé à Saint-Germain-
en-Laye le 10septembre 1919,n'est pas en vigueur; et subsidiairement
- au motif que la Partie requérante n'est pas fondéeà invoquer la com-
pétence dela Cour sur la base des articles 11et 16du traité.

Compte tenu de la demande de la Partie requérante d'établir la compé-
tence de la Cour sur la base de la lettre du 8 juin 1992 qu'ont adressée
M. Slobodan MiloseviéetM. Momir Bulatovié,présidentsdes deuxRépu-
bliques yougoslaves (la Serbieet le Monténégro),au président de la com-
mission d'arbitrage de la conférencepour la paix en Yougoslavie,la Répu-
blique fédérativede Yougoslavie prie la Cour

de rejeter ladite demande,Seventh prelimirzaryobjection
If the Applicant State's Notificationof Succession,dated 29 December
1992, isconstrued as having an effect of the Applicant State becoming a
party to the 1948Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocidefrom 6 March 1992and whereasthe Secretary-General
of the United Nations sent to the parties of thesaid Convention the Note
dated 18 March 1993,informing of the said succession, according to the
rules of general international law, the 1948Convention on the Prevention

and Punishment of the Crimeof Genocidewould not be operative between
the Parties prior to 18 March 1993 and, whereas this would not confer
the competence on the Court in respect of events occurring prior to
18March 1993,consequently,

the Applicant's claims pertaining to the alleged acts or facts which
occurred prior to 18 March 1993do not fa11within the competence of
the Court.

As a final alternative:
If the Applicant State's Notificationof Succession,dated 29 December

1992,is construed as having the effect of the Applicant State becoming a
party to the Convention on the Prevention and Punishrnent of the Crime
of Genocide from 6 March 1992,according to the rules of general inter-
national law, the 1948Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocidewould not be operative betweenthe Parties prior to
29 December 1992,and, whereasthis would not confer competenceon the
Court in respect of events occurring prior to 29 December 1992, conse-
quently,

the Applicant's claims pertaining to the alleged acts or facts which
occurred prior to 29 December 1992do not fa11within the competence
of the Court.
Objectionson alleged additional basesof jurisdiction

In view of the claim of the Applicant to base the jurisdiction of the
Court under Articles 11 and 16 of the Treaty between Allied and Asso-
ciated Powers and the Kingdom of Serbs, Croats and Slovenes, signed
at Saint-Germain-en-Layeon 10September 1919,the Federal Republic of
Yugoslavia asks the Court

to reject the said claim,
- because the Treaty between Allied and Associated Powers and the
Kingdom of Serbs, Croats and Slovenes signedat Saint-Germain-en-
Laye on 10September 1919is not in force; and alternatively
- because the Applicant is not entitled to invoke the jurisdiction of the
Court according to Articles 11and 16of the Treaty.

In view ofthe claim of the Applicant to establish thejurisdiction of the
Court on the basis of theletter of 8June 1992,sent by the Presidents of the
two Yugoslav Republics, Serbia and Montenegro, Mr. Slobodan Milo-
seviCand Mr. Momir BulatoviC,to the President of the Arbitration Com-
mission of the Conference on Yugoslavia, the Federal Republic of Yugo-
slavia asks the Court

to reject the said claim, - au motif que la déclaration figurantdans la lettre du 8 juin 1992 ne
peut pas êtreconsidéréc eommeune déclarationde la Républiquefédé-
rative de Yougoslavieconformémentauxrèglesdu droit international,
et
- au motif quecette déclaration n'étaiptas en vigueurle 31mars 1993ni
aprèscette date.

Compte tenu de la demande de la Partie requérante d'établilra compé-
tence dela Cour sur la base de la doctrine duforum provogatum,la Répu-
blique fédérativdee Yougoslavie prie laCour

de rejeter ladite demande,
- au motif que la demande en indication de mesures conservatoires
n'emporte pas consentement à la compétencede la Cour, et
- au motif queles conditions d'applicationde la doctrine duforum pro-
rogatum ne sont pas remplies.»

Au nom du Gouvernement dela Bosnie-Herzégovine,

à l'audience du3 mai 1996:
((Considérantce qui a été exposépar la Bosnie-Herzégovine dans toutes
sesconclusionsécritesantérieures etce qui a été affirmp éar les représen-

tants de cet Etat au cours de la procédure oralede cette semaine,le Gou-
vernement de la Bosnie-Herzégovineprie respectueusement lC aour:

1) de dire etjuger que laRépubliquefédérative de Yougoslaviaeabusé
du droit de soulever des exceptions préliminairesque prévoientle para-
graphe 6 de l'article36 du Statut de la Cour et l'article79 de son Règle-

ment;
2) de rejeter les exceptions préliminaires de Républiquefédérative de
Yougoslavie;
3) de dire etjuger
i) que la Cour est compétentesur la base desdivers motifsqui ont
été exposé dsans nos conclusions écriteantérieureset qui ont été
plus amplement démontrésau cours de la présente procédure

orale au regard des conclusions présentéed sans le mémoirede la
Bosnie-Herzégovine;
ii) que ces conclusions sont recevables.»

16. Pour fonder la compétence de la Cour en l'espèce,la Bosnie-Her-
zégovine a invoqué à titre principal l'articleIX de la convention sur le
génocide. La Cour se penchera d'abord sur les exceptions préliminaires
soulevéespar la Yougoslavie sur ce point. Elle prendra acte auparavant

du retrait par la Yougoslavie, au cours de la procédure orale, de sa qua-
trième exception préliminaire, dont il n'échet en conséquence plusde trai-
ter. Aux termes de sa troisième exception, la Yougoslavie a contesté,
pour différents motifs, que la convention lie les deux Parties ou soit
entréeen vigueur entre elles; et, aux termes de sa cinquième exception, la

Yougoslavie a contesté,pour des raisons diverses, que le différendsoumis - because the declaration contained in the letter of 8 June 1992cannot
be understood as a declaration of the Federal Republic of Yugoslavia

according to the rules of international law; and

- becausethe declaration was not in force on 31 March 1993and later.

In view of the claim of the Applicant State to establish the jurisdiction
of the Court on the basis of the doctrine offorum prorogatum, the Federal
Republic of Yugoslavia asksthe Court

to reject the said claim,
- because the request for indication of provisional measures of protee-
tion does not imply a consent to the jurisdiction of the Court; and
- becausethe conditions for the application of the doctrineofforum pro-
rogatum are not fulfilled."

On behalf of the Govevnment ofBosnia and Herzegovina,

at the hearing on 3 May 1996:
"Consideringwhat has been stated by Bosnia and Herzegovinain al1of
its previous written subrnissions, consideringwhat has been stated by the
representatives of Bosniaand Herzegovina inthe courseof this week'soral
proceedings, the Government of Bosnia and Herzegovina respectfully
requests the Court,

1. to adjudge and declare that the Federal Republic of Yugoslavia has
abused its right to raise prelirninary objectionsas foreseen in Article 36,
paragraph 6, ofthe Statute of the Court and to Article 79 of the Rules of
Court ;
2. to rejectand dismissthe preliminaryobjectionsof the Federal Repub-
lic of Yugoslavia; and
3. to adjudge and declare:

(i) that the Court hasjurisdiction on the various grounds set out in
our previous written submissions and as further demonstrated
during the present pleadings in respect of the submissions
presented inthe Memorial of Bosnia and Herzegovina; and

(ii) that the submissionsare admissible."

16. Bosnia and Herzegovina has principally relied, as a basis for the
jurisdiction of the'court in this case, on Article IX of the Genocide
Convention. The Court will initially consider the preliminary objections
raised by Yugoslavia on this point. It takes note, first, of the withdrawal
by Yugoslavia, during the oral proceedings, of its fourth preliminary

objection, which therefore need no longer be dealt with. In its third objec-
tion, Yugoslavia, on various grounds, has disputed the contention that
the Convention binds the two Parties or that it has entered into force
between them; and in its fifth objection, Yugoslavia has objected, for
various reasons, to the argument that the dispute submitted by Bosniapar la Bosnie-Herzégovineentre dans les prévisionsde l'article IX de la
convention. La Cour examinera successivementces deux chefs d'incom-
pétence allégués.

17. L'instance introduite devant la Cour oppose deux Etats dont le
territoire est sitàl'intérieur de l'ex-République fédératisecialiste de
Yougoslavie. Celle-cia signéla conventionsur le génocidele 11décembre
1948et a déposéson instrument de ratification, sans réserves,le 29 août
1950.Lors de la proclamation de la République fédérativede Yougosla-
vie, le 27 avril 1992,une déclarationformelle a étéadoptéeen son nom,
aux termes de laquelle:

«La République fédérativd ee Yougoslavie, assurant la continuité
de1'Etatet de la personnalitéjuridique et politique internationale de
la République fédérativesocialiste de Yougoslavie, respectera stric-
tement tous les engagements que la République fédérativesocialiste
de Yougoslavie a prisà l'écheloninternational. »

L'intention ainsi expriméepar la Yougoslavie de demeurer liéepar les
traités internationaux auxquels était partie l'ex-Yougoslavie a été
confirméedans une note officielledu 27 avril 1992adresséeau Secrétaire
générap l ar la mission permanente de la Yougoslavie auprèsdes Nations
Unies. La Cour observe en outre qu'il n'a pas étécontesté quela You-
goslaviesoit partieàla convention sur le génocide.Ainsi, la Yougoslavie
étaitliéepar les dispositions de la conventionà la date du dépôt de la
requêteen la présenteaffaire, le 20 mars 1993.

18. La Bosnie-Herzégovine,pour sa part, a communiquéle 29 dé-
cembre1992au Secrétairegénérad lel'organisation desNations Unies,en sa
qualité de dépositairede la convention sur le génocide,une notification
de succession aux termes de laquelle:
«le Gouvernement de la Républiquede Bosnie-Herzégovine,ayant

examinéla convention pour la prévention et la répressiondu crime
de génocide,du 9 décembre1948, à laquelle l'ex-Républiquefédéra-
tive socialistede Yougoslavie était partie, souhaite êtrele successeur
de cette dernière et s'engagerespecter et exécuterscrupuleusement
toutes lesclauses figurant dans ladite convention, avec effetmp-
ter du6 mars 1992,date à laquelle la République de Bosnie-Herzé-
govine est devenue indépendante)).

Le 18mars 1993, le Secrétairegénérala communiqué aux parties à la
convention sur le génocidela notification ci-après:
«Le 29 décembre1992,la notification de succession par le Gou-
vernement de la Bosnie-Herzégovine à la convention susmentionnée

a étédéposée auprèsdu Secrétairegénérala,veceffetau 6mars 1992,
date à laquelle la Bosnie-Herzégovinea assuméla responsabilitéde
ses relations internationales. »and Herzegovina falls within the provisions of Article IX of the Conven-
tion. The Court will consider these two alleged grounds of lack of juris-
diction in turn.

17. The proceedingsinstituted before the Court are betweentwo States
whose territories are located within the former SocialistFederal Republic
of Yugoslavia. That Republic signed the Genocide Convention on
11 Decernber 1948 and deposited its instrument of ratification, without
reservation, on 29 August 1950.At the time of the proclamation of the
Federal Republic of Yugoslavia, on 27 April 1992,a forma1declaration
was adopted on its behalf to the effect that:

"The Federal Republic of Yugoslavia, continuing the State,
international legal and political personality of the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia, shall strictlyabide by al1the commitments
that the Socialist Federal Republic of Yugoslavia assumed interna-
tionally."

This intention thus expressed by Yugoslavia to remain bound by the
international treaties to which the former Yugoslavia was party was con-
firmed in an officia1Note of 27 April 1992from the Permanent Mission
of Yugoslavia to the United Nations, addressed to the Secretary-General.
The Court observes, furthermore, that it has not been contested that
Yugoslavia was party to the Genocide Convention. Thus, Yugoslavia
was bound by the provisions of the Convention on the date of the filing
of the Application in the present case, namely, on 20 March 1993.
18. For its part, on 29 December 1992,Bosnia and Herzegovina trans-
mitted to the Secretary-General of the United Nations, as depositary of
the Genocide Convention, a Notice of Successionin the followingterms:

"the Government of the Republic of Bosniaand Herzegovina, having
considered the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide, of December 9, 1948,to which the former
SocialistFederal Republic of Yugoslavia was a party, wishesto suc-
ceed to the same and undertakes faithfully to perfom and carry out
al1the stipulations therein contained with effectfrom March 6, 1992,
the date on which the Republic of Bosnia and Herzegovina became
independent".

On 18March 1993,the Secretary-General communicated the following
Depositary Notification to the parties to the Genocide Convention:

"On 29 December 1992, the notification of succession by the
Government of Bosnia and Herzegovina to the above-mentioned
Convention was deposited with the Secretary-General, with effect
from 6 March 1992, the date on which Bosnia and Herzegovina
assumed responsibility for its international relations." 19. La Yougoslavie a mis en cause la validitéet l'effetjuridique de la
notificationdu 29 décembre1992en soutenant que la République de Bos-
nie-Herzégovineavait violéde façon flagrante, par ses actes relatifs à
l'accessionà l'indépendance,les obligations découlant du ((principe de
l'égalité desdroits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes)).
Ainsi, selon la Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovinen'avait pas qualité
pour être partieà la convention. La Yougoslavie a ensuite repris cette
objectiondans la troisième exception préliminairequ'ellea soulevéeenla
présente affaire.
La Cour constate que la Bosnie-Herzégovineest devenue Membre de
l'organisation des Nations Unies àla suite des décisions prisesle 22mai
1992par le Conseil de sécuritéet l'Assembléegénérale,organes compé-
tents en vertu de la Charte. Or l'article XI de la convention sur le géno-
cide ouvre celle-ci ((tout Membre des Nations Unies)); dèsson admis-

sion au sein de l'organisation, la Bosnie-Herzégovinepouvait donc
devenir partieàla convention. Peu importent alors lescirconstancesdans
lesquelleselle a accédéàl'indépendance.
20. Il ressort de ce qui précède quela Bosnie-Herzégovinepouvait
devenir partieà la convention par l'effetdu mécanisme dela succession
dYEtats.Du reste, le Secrétairegénéral deNations Unies a considéréque
tel avait étéle cas, et la Cour en a pris note dans son ordonnance du
8 avril 1993(Application de la conventionpour lapréventionet la répres-
sion du crime degénocide, mesures conservatoires, C.I.J. Recueil1993,
p. 16,par. 25).
21. Les Parties au différendont exprimé desopinions divergentes sur
lesconséquencesjuridiques qui devraient s'attacher la survenance d'une
successiond'Etats en l'espèce.Dans ce contexte,la Bosnie-Herzégovinea

notamment avancéque la conventionsur le génocideappartient à la caté-
gorie des instruments de protection des droits de l'homme et qu'enconsé-
quence la règle de la «succession automatique)) s'impose. La Bosnie-
Herzégovine enconclut qu'elle est devenuepartie àla convention dès son
accession àl'indépendance.La Yougoslavie a contesté toute((succession
automatique)) de la Bosnie-Herzégovine àla convention sur le génocide
sur cette base ou autrement.
22. En ce qui concerne la nature de la convention sur le génocide,la
Cour rappellera ce qu'elle a déclarédans son avis consultatif du 28 mai
1951afférentaux Réserves à la conventionpour lapréventionet la répres-
sion du crime de génocide:

((Dans une telle convention, les Etats contractants n'ont pas
d'intérêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt

commun, celui de préserverles fins supérieuresqui sont la raison
d'être dela convention. Il en résulteque l'on ne saurait, pour une
convention de ce type, parler d'avantages ou de désavantages indi-
viduels des Etats, non plus que d'un exact équilibrecontractuel à
maintenir entre les droits et les charges.)) (C.I.J. Recueil 1951,
p. 23.) 19. Yugoslavia has contested the validity and legal effectof the Notice
of 29 December 1992,contending that, by its acts relating to its accession
to independence, the Republic of Bosnia and Herzegovina had flagrantly
violated the duties stemming from the "principle of equal rights and self-
determination of peoples". According to Yugoslavia, Bosnia and Herze-
govina was not, for this reason, qualified to become a party to the con-
vention. Yugoslavia subsequently reiterated this objection in the third
preliminary objection which it raised in this case.

The Court notes that Bosnia and Herzegovina became a Member of
the United Nations following the decisions adopted on 22 May 1992by
the Security Council and the General Assembly, bodies competent under
the Charter. Article XI of the Genocide Convention opens it to "any
Member of the United Nations"; from the time of its admission to the
Organization, Bosnia and Herzegovina could thus become a party to the
Convention. Hence the circumstances of its accession to independence
are of little consequence.
20. It is clear from the foregoing that Bosnia and Herzegovina could

become a party to the Convention through the mechanism. of State
succession. Moreover, the Secretary-General of the United Nations con-
sidered that this had been the case, and the Court took note of this in
itsOrder of 8 April 1993(Application of the Convention on thePreven-
tion and Punishment of the Crime of Genocide, ProvisionalMeasuves,
I.C.J. Reports 1993, p. 16,para. 25).
21. The Parties to the dispute differed as to the legal consequences to
be drawn from the occurrence of a State successionin the present case. In
this context, Bosnia and Herzegovina has, among other things, con-
tended that the Genocide Convention falls within the category of instru-
ments for the protection of human rights, and that consequently,the rule
of "automatic succession" necessarilyapplies. Bosnia and Herzegovina
concluded therefrom that it became a party to the Convention with effect
from its accessionto independence. Yugoslavia disputed any "automatic
succession" of Bosnia and Herzegovina to the Genocide Convention on
this or any other basis.
22. As regards the nature of the Genocide Convention, the Court
would recall what it stated in its Advisory Opinion of 28 May 1951 relat-
ing to the Reservations to the Conventionon the Prevention andPunish-

ment of the Crime of Genocide:

"In such a convention the contracting States do not have any
interests of their own; they merely have, one and all, a comrnon
interest, namely, the accomplishment of those high purposes which
are the raison d'êtreof the convention. Consequently,in a conven-
tion of this type one cannot speak of individual advantages or dis-
advantages to States, or of the maintenance of a perfect contractual
balance between rights and duties." (I.C.J. Reports 1951, p. 23.)La Cour a ensuite constaté dans ce mêmeavis:
((L'objetetle but de la conventionsur le génocideimpliquent chez
l'Assemblée généraleet chez les Etats qui l'ont adoptée l'intention

d'y voir participer le plus grand nombre possible d7Etats. L'exclu-
sion complète de la convention d'un ou de plusieurs Etats, outre
qu'ellerestreindrait le cerclede son application, serait une atteinte
l'autoritédes principes de morale et d'humanité qui sonà sa base.»
(C.I.J. Recueil 1951, p. 24.)

23. Sans préjudice del'applicabilitéou non du principe de la ((succes-
sion automatique)) dans le cas de certains types de traités ou conventions
internationaux, la Cour ne considèrepas nécessaire,pour décider de sa
compétence en l'espèce,de se prononcer sur les questions juridiques
concernant la succession d'Etats en matière de traités quiont été soule-
véespar les Parties. Que la Bosnie-Herzégovine soit devenueautomati-
quement partie à la convention sur le génocideà la date de son accession
à l'indépendancele 6 mars 1992,ou qu'elle le soit devenue par l'effe-
rétroactif ou non - de sa notification de succession du 29 décembre
1992,en tout état de cause, elle y était partià la date du dépôtde sa
requête,le 20 mars 1993.Tout au plus ces questions pourraient-elles, le
cas échéantr,evêtirune certaine pertinence au regard de la détermination

de l'étendue ratione temporis de la compétence dela Cour, point sur
lequel la Cour se penchera plus loin (voir paragraphe 34).
24. La Yougoslavie a aussi soutenu, dans sa sixièmeexception pré-
liminaire, que, si la notification faite par la Bosnie-Herzégovinele 29 dé-
cembre 1992 devait êtreinterprétéecomme constituant un instrument
d'adhésionau sens de l'article XI de la convention sur le génocide,elle
n'aurait pu prendre effet, conformément àl'articleXIII de la convention,
que le quatre-vingt-dixièmejour suivant son dépôt,soit le 29 mars 1993.
La Cour étant parvenue à la conclusion que la Bosnie-Herzégovine
pouvait devenir partie à la convention sur le génocidepar l'effet d'une
succession, la question de l'application des articles XI et XIII de la

conventionn'a pas à êtreposée.Elle rappellera toutefois que, comme elle
l'a noté dansson ordonnance du 8 avril 1993, mêmesi la Bosnie-Herzé-
govine devait êtreconsidérée comme ayant adhéré àla convention sur le
génocide,ce qui aurait pour conséquence quela requêtepourrait être
tenue pour prématurée au momentde son dépôtle 20 mars 1993,les neuf
jours manquant à cette date auraient étécouverts par le laps de temps
écoulé depuis lors, au coursduquella Bosnie-Herzégovineaurait pu, de sa
propre initiative, remédier ce défaut procédural parle dépôtd'une nou-
vellerequête.Peu importe dèslors que la requêteeût été déposéequelques
jours trop tôt. Comme elle l'indiquera dans les paragraphes suivants, la
Cour n'est pas tenue d'attacher à des considérationsde forme la même

importance que cellequ'ellespourraient avoir dans le droit interne.
25. Toutefois, à l'audience, la Yougoslavie a fait valoir quà,suppo-
ser mêmeque la Bosnie-Herzégovineait étéliéepar la convention
en mars 1993,celle-cin'aurait pu, àcette époque, entrer en vigueur entreThe Court subsequentlynoted in that Opinion that:

"The object and purpose of the Genocide Convention imply that
it was the intention of the General Assembly and of the States which
adopted it that as many States as possible should participate. The
complete exclusion from the Convention of one or more States
would not only restrict the scope of its application, but would
detract from the authority of the moral and humanitarian principles
which are its basis." (1C..J. Reports 1951, p. 24.)

23. Without prejudice as to whether or not the principle of "automatic
succession" appliesin the case of certain types of international treaties or
conventions. the Court does not consider it necessarJ 2in order to decide
on itsjurisdiction in this case, to make a determination on the legal issues
concerning State successionin respect to treaties which have been raised
by the Parties. Whether Bosnia and Herzegovina automatically became
party to the Genocide Convention on the date of its accession to inde-
pendence on 6 March 1992,or whether it became a party as a result -
retroactive or not - of its Notice of Successionof 29 December 1992,at
al1events it was a party to it on the date of the filing of its Application
on 20 March 1993. These matters might, at the most, possess a certain

relevancewith respect to the determination of the scope ratione temporis
of the jurisdiction of the Court, a point which the Court will consider
later (paragraph 34 below).
24. Yugoslavia has also contended, in its sixth preliminary objection,
that, if the Notice given by Bosnia and Herzegovina on 29 December
1992 had to be interpreted as constituting an instrument of accession
within the meaning of Article XI of the Genocide Convention, it could
only have become effective, pursuant to Article XIII of the Convention,
on the 90th day following its deposit, that is, 29 March 1993.
Since the Court has concluded that Bosnia and Herzegovina could
become a party to the Genocide Convention as a result of a succession,
the question of the application of ArticlesXI and XIII of the Convention

does not arise. However, the Court would recall that, as it noted in its
Order of 8April 1993,evenif Bosnia and Herzegovina were to be treated
as having acceded to the Genocide Convention, which would mean that
the Application could be said to be premature by nine days when filed on
20 March 1993, during the time elapsed since then, Bosnia and Herze-
govina could, on its own initiative, have remedied the procedural defect
by filing a new Application. It therefore matters little that the Applica-
tion had been filed some days too early. As will beindicated in the fol-
lowing paragraphs, the Court is not bound to attach the same degree of
importance to considerations of fom as they might possess in domestic
law .

25. However, in the oral proceedings Yugoslavia submitted that, even
supposing that Bosnia and Herzegovina had been bound by the Conven-
tion in March 1993, it could not, at that time, have entered into force613 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRET)

les Parties, car les deux Etats ne se reconnaissaient pas et les conditions
nécessairespour conférer une base consensuelle à la juridiction de la
Cour faisaient par suitedéfaut.Tellen'est cependant plus la situation qui
prévaut depuis la signature et l'entréeen vigueur, le 14décembre1995,
des accords de Dayton-Paris, dont l'articleX stipule:

«La République fédérative deYougoslavie et la République de
Bosnie-Herzégovinesereconnaissentl'une l'autre comme Etats indé-
pendants souverains à l'intérieurde leurs frontières internationales.
Les autres aspects de leur reconnaissanceréciproqueferont l'objet de
nouveaux pourparlers. »

26. Aux fins de se prononcer sur sa compétence enl'espèce,la Cour
n'a pas àtrancher la question de savoir quels peuvent êtreleseffetsd'une
situation de non-reconnaissance sur les liens contractuels entre partiàs
un traité multilatéral.Il lui suffira de constater qu'à supposer mêmeque
la convention sur le génocidene soit entréeen vigueur entre les Parties
qu'à la signature des accords de Dayton-Paris, toutes les conditions sont
à présentréuniespour fonder la compétence dela Cour rationepersonae.
Certes, la compétence dela Cour doit normalement s'apprécier à la

date du dépôtde l'acteintroductif d'instance. Cependant la Cour, comme
sa devancière,la Cour permanente de Justice internationale,a toujours eu
recours au principe selon lequelellene doit pas sanctionner un défaut qui
affecterait un acte de procédure et auquel la partie requérante pourrait
aisémentporter remède. Ainsi,dans l'affairedes ConcessionsMavromma-
tis en Palestine, la Cour permanente s'estexpriméede la sorte:

«Mêmesi la base de l'introduction d'instance était défectueuse
pour la raison mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante
pour débouterle demandeur de sa requête. LaCour, exerçant une
juridiction internationale, n'estpas tenue d'attacherdes considéra-
tions de forme la mêmeimportance qu'ellespourraient avoir dans le
droit interne. Dans ces conditions, mêmesi l'introduction avait été
prématurée, parceque le traitéde Lausanne n'était pas encore rati-
fié,ce fait aurait été couvert parle dépôt ultérieurdes ratifications
requises.» (C.P.J.I. sérieA no2, p. 34.)

C'est du mêmeprincipe que procède le dictum suivant de la Cour perma-
nente de Justice internationale dans l'affaire relativeCertains intérêts
allemands en Haute-Silésiepolonaise:

«Mêmesi la nécessitéd'une contestation formelle ressortait de
l'article 23, cette condition pourrait êàrtout moment remplie par
un acte unilatéral de la Partie demanderesse. La Cour ne pourrait
s'arrêter un défaut de forme qu'il dépendrait de laseulePartie inté-
resséede faire disparaître.))C.P.J.I. sérieA no6, p. 14.)

La présenteCour a fait application de ceprincipe dans l'affaireduame-
roun septentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 28), ainsi que dans celle desbetweenthe Parties, becausethe two States did not recognizeone another
and the conditions necessaryto foundthe consensual basis of the Court's
jurisdiction were therefore lacking. However, this situation no longer
obtains since the signature, and the entry into force on 14 December
1995,of the Dayton-Paris Agreement, Article X of which stipulates that:

"The Federal Republic of Yugoslavia and the Republic of Bosnia
and Herzegovina recognize each other as sovereign independent
States within their international borders. Further aspects of their
mutual recognition will be subject to subsequent discussions."

26. For the purposes of determining its jurisdiction in this case, the
Court has no need to settle the question of what the effectsof a situation
of non-recognition may be on the contractual ties between parties to a
multilateral treaty. It need only note that, even if it were to be assumed
that the Genocide Convention did not enter into force betweenthe Parties
until the signature of the Dayton-Paris Agreement, al1the conditions are
now fulfilledto found the jurisdiction of the Court rationepersonae.
It is the case that the jurisdiction of the Court must normally be
assessedon the date of the filing of the act instituting proceedings.ow-

ever, the Court, like its predecessor, the Permanent Court of Interna-
tional Justice, has always had recourse to the principle according to
which it should not penalize a defect in a procedural act which the appli-
cant could easily remedy. Hence, in the case concerning the Mavromma-
tis Palestine Concessions,the Permanent Court said:
"Even if the grounds on which the institution of proceedings was
based were defective for the reason stated, this would not be an

adequate reason for the dismissal of the applicant's suit. The Court,
whosejurisdiction is international, is not bound to attach to matters
of form the same degree of importance which they might possess in
municipal law. Even, therefore, if the application were premature
because the Treaty of Lausanne had not yet been ratified, this cir-
cumstance would now be covered by the subsequent deposit of the
necessary ratifications."(P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 34.)

The same principle liesat the root of the following dictum of the Perma-
nent Court of International Justice in the case concerning Certain Ger-
man Interests in Polish Upper Silesia:
"Even if,under Article 23, the existence ofa definitedispute were
necessary, this condition could at any time be fulfilledby means of
unilateral action on the part of the applicant Party. And the Court
cannot allow itself to be hampered by a mere defect of form, the

removal of which depends solelyon the Party concerned." (P.C.I.J.,
Series A, No. 6, p. 14.)
The present Court applied this principle in the case concerning the
Northern Cameroons(I.C.J. Reports 1963, p. 28), as wellas Military andActivitésmilitaires etparamilitaires auNicaragua etcontrecelui-ci(Nica-
ragua c. Etats-Unis d'Amérique) lorsqu'elle a déclaré : «Il n'y aurait
aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à entamer une nouvelle

procédure sur la base du traité- ce qu'il aurait pleinement le droit de
faire. (C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429,par. 83.)
En l'occurrence, quand bien même ilserait établi que les Parties, qui
étaient liéeschacune par la convention au moment du dépôt de la
requête,ne l'auraient étéentreellesqu'à compter du 14décembre1995,la
Cour ne saurait écartersa compétencesur cette base dans la mesure où la
Bosnie-Herzégovinepourrait à tout moment déposer une nouvellerequête,
identique àla présente, quiserait de ce point de vue inattaquable.
Au vu de ce qui précède,la Cour estime devoir rejeter la troisième

exception préliminaire dela Yougoslavie.

27. Reste à la Cour, pour déterminer si elle a compétencepour con-
naître de l'affaire sur la base de l'article IX de la convention sur le géno-
cide,à vérifiers'il existe entre les Parties un différendentrant dans les
prévisionsde cette disposition. L'article IX de la convention est ainsi
conçu :

«Les différendsentre les Parties contractantes relatiàl'interpré-
tation, l'application ou l'exécutionde la présenteconvention,com-
pris ceux relatifsla responsabilitéd'unEtat en matière degénocide
ou de l'unquelconque des autres actes énumérés àl'articleIII, seront ,
soumis à la Cour internationale de Justiceà la requête d'une partie
au différend.

C'est sur la compétenceratione materiae ainsi définieque porte la cin-
quième exceptionde la Yougoslavie.
28. En leur dernier état,lesdemandes présentées à titre principal par la
Bosnie-Herzégovinetendent à ce que la Cour dise et juge que la Yougo-
slaviea violéde diversesfaçons la convention sur le génocide; ordonne à
la Yougoslavie de mettre finaux actes contraires aux obligations stipulées
dans la convention; et dise que la Yougoslavie a engagé saresponsabilité
internationaleà raison de ces violations, dont elle doit réparerles consé-

quences de manièreappropriée.Sila Yougoslavie s'estabstenue de dépo-
ser un contre-mémoireau fond et a soulevédes exceptions préliminaires,
elle n'en a pas moins globalement rejetétoutes les allégationsde la Bos-
nie-Herzégovine,que ce soit au stade des procédures afférentes aux
demandes en indication de mesures conservatoires,ou au stade de la pré-
sente procédurerelative auxdites exceptions.
29. Conformément à une jurisprudence bien établie, laCour constate
en conséquencequ'il persiste

«une situation dans laquelle lespoints de vue des deux parties, quant
à l'exécutionou à la non-exécution de certaines obligations décou-
lant d['untraité], sont nettement opposés))(Interprétationdes traitésParamilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America) when it stated: "It would make no sense to require
Nicaragua now to institute fresh proceedings based on the Treaty, which
it would be fully entitled to do." (I.C.J. Reports 1984, pp. 428-429,

para. 83.)
In the present case, even if it were established that the Parties, each of
which wasbound by the Convention when the Application was filed,had
only been bound as between themselves with effect from 14 December
1995,the Court could not set aside itsjurisdiction on this basis, inasmuch
as Bosnia and Herzegovina might at any time file a new application,
identical to the present one, which would be unassailable in this respect.
In the light of the foregoing, the Court considers that it must reject
Yugoslavia's third preliminary objection.

27. In order to determine whether it has jurisdiction to entertain the
case on the basis of Article IX of the Genocide Convention, it remains
for the Court to verifywhether there is a dispute between the Parties that
falls within the scope of that provision. Article IX of the Convention is
worded as follows:

"Disputes between the Contracting Parties relating to the interpre-
tation, application or fulfilmentof the present Convention, including
those relating to the responsibility of a Statefor genocide or for any
of the other acts enumerated in article III, shall be submitted to the
International Court of Justice at the request of any of the parties to
the dispute."

It is jurisdiction ratione materiae, as so defined, to which Yugoslavia's
fifth obiection relates.
28. fn their final form, the principal requests submitted by Bosnia and
Herzegovinaare for the Court to adjudge and declarethat Yugoslaviahas
in severalwaysviolated the Genocide Convention; to order Yugoslaviato
ceasethe actscontrary to the obligationsstipulated in the Convention;and
to declare that Yugoslavia has incurred international responsibility by
reason of those violations, for whichit must make appropriate reparation.
While Yueoslavia has refrained from filing a Counter-Memorial on the
rnerits and has raised preliminary objectigns, it has nevertheless wholly
denied al1of Bosnia and Herzegovina'sallegations,whether at the stage of
proceedingsrelating to the requests for the indication of provisionalmeas-
ures, or at the stageof the present proceedingsrelating to those objections.

29. In conformity with well-established jurisprudence, the Court

accordingly notes that there persists
"a situation in which the two sides hold clearly opposite views
concerning the question of the performance or non-performance of
certain treaty obligations7' (Interpretation of Peace Treaties with de paix conclus avecla Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, pre-
mière phase, avis consultats C.I.J. Recueil 1950, p. 74)

et que, du fait du rejet, par la Yougoslavie, des griefs formulés à son
encontre par la Bosnie-Herzégovine,«il existe un différendd'ordre juri-
dique))entre elles(Timor oriental (Portugal c. Australie), C.I.J. Recueil
1995, p. 100,par. 22).

30. Pour asseoir sa compétence,la Cour doit cependant encore s'as-
surer que le différend enquestion entre bien dans les prévisions del'ar-
ticle IX de la convention sur le génocide.
La Yougoslavie le conteste. Elle exclut l'existence, en l'espèce,d'un
«différend international))au sensde la convention en sefondant sur deux
propositions: d'une part, le conflit qui a eu pour théâtre certainesparties
du territoire du demandeur aurait étéde nature interne, la Yougoslavie
n'y aurait pas étépartie et elle n'aurait pas exercéde juridiction sur ce
territoireà l'époqueconsidérée; et,d'autre part, la responsabilitéd'Etat
telle que viséedans les demandes de la Bosnie-Herzégovineserait exclue
du champ d'application de l'article IX.
31. La Cour sepenchera d'abord sur la premièreproposition formulée

par la Yougoslavie.
Elle commencera à cet effet par rappeler les termes de l'article 1 de la
convention sur le génocide,ainsi libellé:

«Les Parties contractantes confirment que le génocide,qu'il soit
commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du
droit des gens, qu'elles s'engagentàprévenir et à punir. »

La Cour n'aperçoit dans cette disposition aucun élémentqui subordon-
nerait l'applicabilitéde la conventionà la condition que les actes qu'elle
viseaient été commis dans le cadre d'un conflit de nature déterminée. es
parties contractantes y expriment leur volontéde considérerle génocide
comme un «crime du droit des gens» qu'elles doivent prévenir et punir
indépendamment du contexte «de paix» ou «de guerre)) dans lequel il se
produirait.Il en découle, de l'avisde la Cour, que la convention est appli-
cable, sansconsidérationparticulièrepourles circonstancesliéesau carac-
tère interne ou international d'un conflit, dèslors que lesactes qu'ellevise
à sesarticles II et III sont perpétrés.En d'autres termes, quelleque soit la
nature du conflit qui servede cadre à de tels actes, les obligations de pré-
vention et de répressionqui sont à charge des Etats partiesà la conven-

tion demeurent identiques.

Pour ce qui est de la question de savoir si la Yougoslavie a étépartie
prenante - directement ou indirectement - au conflit ici en cause, la
Cour se bornera à constater que les Parties soutiennentà cet égarddes
points de vue radicalement opposéset qu'ellene saurait, à ce stade de la
procédure, trancher cette question, qui relèveclairement du fond.
S'agissant enfin des problèmes territoriaux liés à l'application de la
convention, la Cour relèveraque la seule disposition pertinente à ce pro- Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1950,p. 74)

and that, by reason of the rejection by Yugoslavia of the complaints
formulated against it by Bosnia and Herzegovina, "there is a legal dis-
pute" between them (East Timor (Portugal v. Australia), I.C.J. Reports
1995,p. 100,para. 22).
30. To found its jurisdiction, the Court must, however, still ensure
that the dispute in question does indeed fa11within the provisions of
Article IX of the Genocide Convention.
Yugoslavia disputes this. It contests the existence in this case of an
"international dispute" within the meaning of the Convention, basing
itself on two propositions: first, that the conflict occurring in certain

parts of the Applicant's territory was of a domestic nature, Yugoslavia
was not party to it and did not exercisejurisdiction over that territory at
the time in question; and second, that State responsibility, as referred to
in the requests of Bosnia and Herzegovina, was excluded from the scope
of application of Article IX.
31. The Court will begin with a consideration of Yugoslavia's first
proposition.
In doing so, it will start by recalling theems of Article 1of the Geno-
cide Convention, worded as follows:

"The Contracting Parties confirm that genocide, whether commit-
ted in time of peace or in time of war, is a crime under international
law which they undertake to prevent and to punish."

The Court seesnothing in this provision which would make the applica-
bility of the Convention subject to the condition that the acts contem-
plated by it should have been committed within the framework of a
particular type of conflict. The contracting parties expressly state therein
their willingness to consider genocide as "a crime under international
law", which they must prevent and punish independently of the context
"of peace" or "of war" in which it takes place. In the view of the Court,
thismeans that the Convention is applicable,without referenceto the cir-
cumstances linked to the domestic or international nature of the conflict,
provided the acts to which it refers in Articles II and III have been per-
petrated. In other words, irrespectiveof the nature of the conflictforming

the background to such acts, the obligations of prevention and punish-
ment which are incumbent upon the States parties to the Convention
remain identical.
As regards the question whether Yugoslavia took part - directly or
indirectly- in the conflictat issue, the Court would merely note that the
Parties have radically differing viewpoints in this respect and that it can-
not, at this stage in the proceedings, settle this question, which clearly
belongs to the merits.
Lastly, as to the territorial problems linked to the application of the
Convention, the Court would point out that the only provision relevantpos, l'article VI, se contente de prévoir queles personnes accuséesde l'un
des actes prohibéspar la convention ((seront traduites devant les tribu-
naux compétents de 1'Etatsur le territoire duquel l'acte a été comms.»
Elle rappellera par ailleurs les conséquences qu'ellea inférées,dans son
avis précitédu 28 mai 1951,de l'objet et du but de la convention:

«Les origines de la convention révèlentl'intention des Nations
Unies de condamner et de réprimer le génocide comme«un crime de
droit des gens» impliquant le refus du droità l'existencede groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine, inflige
de grandes pertes à l'humanité, etqui est contraireà la foisà la loi
morale et àl'esprit et aux finsdes Nations Unies (résolution96 (1)de
l'Assembléegénérale,1 1 décembre1946).Cette conception entraîne
une première conséquence: les principes qui sont à la base de la
convention sont des principes reconnus par les nations civilisées
comme obligeant les Etats mêmeen dehors de tout lien convention-

nel. Une deuxièmeconséquence est lecaractèreuniversel à la fois de
la condamnation du génocideet de la coopération nécessaire«pour
libérerl'humanité d'unfléauaussi odieux» (préambulede la conven-
tion).)) (C.I.Recueil 1951, p. 23.)
Il en résulteque les droits et obligationsconsacrés par la convention sont
des droits et obligations erga omnes. La Cour constate que l'obligation

qu'a ainsi chaque Etat de préveniret de réprimer le crime de génocide
n'est pas limitéeterritorialement par la convention.
32. La Cour en vient maintenant à la seconde proposition de la You-
goslavie, relative au type de responsabilité d'Etat qui serait visàel'ar-
ticle IX de la convention.D'après la Yougoslavie, seule serait couvertela
responsabilité découlant du manquement d'un Etat à ses obligations de
prévention et de répressiontelles qu'envisagéesaux articles V, VI et VII;
en revanche, la responsabilité d'un Etat à raison d'un acte de génocide
perpétrépar 1'Etatlui-mêmeserait exclue du champ d'application de la
convention.
La Cour observeraqu'en visant «la responsabilitéd'un Etat en matière
de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'ar-
ticle III», l'article IX n'exclut aucune forme de responsabilitéd7Etat.
La responsabilitéd'un Etat pour le fait de ses organes n'est pas davan-

tage exclue par l'article IV de la convention, qui envisage la commission
d'un acte de génocidepar des «gouvernants» ou des «fonctionnaires».
33. Au vu de ce qui précède,la Cour estime devoir rejeter la cinquième
exception préliminaire de la Yougoslavie. Elle fera d'ailleurs observer
qu'il ressortà suffisance des termes mêmesde cette exception que les
Parties, non seulement s'opposent sur les faits de l'espèce,sur leur impu-
tabilité et sur l'applicabilitéceux-ci des dispositions de la convention
sur le génocide, mais, enoutre, sont en désaccordquant au sens et à la
portéejuridique de plusieurs de cesdispositions, dont l'article IX. Pour la
Cour, il ne saurait en conséquencefaire de doute qu'ilexisteentre ellesun
différend relatià ((l'interprétation, l'application ou l'exécution de...to this, Article VI, merely provides for persons accused of one of the acts
prohibited by the Convention to "be tried by a competent tribunal of the
State in the territory of which the act was committed . ..".It would also
recall its understanding of the object and purpose of the Convention, as
set out in its Opinion of 28 May 1951,cited above:

"The origins of the Convention show that it was the intention of
the United Nations to condemn and punish genocide as 'a crime
under international law' involvinga denial of the right of existence
of entire human groups, a denial which shocks the conscience of
mankind and results in great losses to humanity, and which is con-
trary to moral law and to the spirit and aims of the United Nations
(Resolution 96 (1)of the General Assembly, December 11th 1946).
The first consequence arising from this conception is that the prin-
ciplesunderlying the Convention are principles which are recognized
by civilizednations as binding on States, even without any conven-
tional obligation. A second consequence is the universal character
both of the condemnation of genocide and of the CO-operation
required 'inorder to liberate mankind from such an odious scourge'
(Preamble to the Convention)." (I.C.J. Reports 1951, p. 23.)

It followsthat the rights and obligations enshrined by the Convention are
rights and obligations erga omnes. The Court notes that the obligation
each State thus has to prevent and to punish the crime of genocideis not
territorially limited by the Convention.
32. TheCourt now comesto the secondproposition advanced byYugo-
slavia, regarding the type of State responsibility envisaged in Article IX
of the Convention. According to Yugoslavia, that Article would only
coverthe responsibilityflowingfrom the failure of a State to fulfilits obli-
gations of prevention and punishment as contemplated by Articles V,

VI and VII; on the other hand, the responsibility of a State for an act of
genocideperpetrated by the State itselfwould be excludedfrom the scope
of the Convention.
The Court would observe that the reference in Article IX to "the
responsibility of a Statefor genocide or for any of the other actsenumer-
ated in Article III", does not exclude any form of State responsibility.
Nor is the responsibility of a State for acts of its organs excluded by
Article IV of the Convention, which contemplates the commission of an
act of genocide by "rulers" or "public officials".
33. In the light of the foregoing, the Court considers that it must reject
the fifth preliminary objection of Yugoslavia. It would moreover observe
that it is sufficientlyapparent from the very terms of that objection that
the Parties not only differ with respect to the facts of the case, their
imputability and the applicability to them of the provisions of the Geno-
cide Convention, but are moreover in disagreement with respect to the
meaning and legal scope of several of those provisions, including
Article IX. For the Court, there is accordingly no doubt that there
existsa disputebetweenthem relating to "the interpretation, application orconvention, y compris ...la responsabilitéd'unEtat en matière de géno-
cide...)), selon la formule utiliséepar cette dernière disposition (voir
Applicabilité de l'obligation d'arbitrageen vertu de la section 21 de
l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation desNations

Unies, avisconsultat$ C.I.J. Recueil 1988, p. 27-32).

34. Etant parvenue à la conclusion qu'elle a compétence enl'espèce,
tant rationepersonae que rationemateriae sur la base de l'articleIX de la
convention sur le génocide,il incombeencore à la Cour de préciserI'éten-
due de cette compétenceratione temporis. Dans ses sixièmeet septième

exceptions préliminaires,la Yougoslavie, se fondant sur le principe de la
non-rétroactivitédes actesjuridiques, a en effet fait valoirà titre subsi-
diaire que, quand bien mêmela Cour serait compétente sur la base de la
convention, ellene pourrait connaître que des faits postérieurs aux diffé-
rentes dates auxquelles la convention aurait pu devenir applicable entre
les Parties. cet égard, laCour se bornera àobserver que la convention
sur le génocide- et en particulier son article -X ne comporte aucune
clause qui aurait pour objet ou pour conséquencede limiter de la sorte
l'étenduede sa compétence ratione temporis et que les Parties elles-
mêmesn'ont formulé aucuneréserve àcet effet, nà la convention, ni à
l'occasionde la signature des accords de Dayton-Paris. La Cour constate
ainsi qu'elle a compétence enl'espècepour assurer l'application de la

conventionsur le génocideaux faitspertinents qui sesont déroulésdepuis
le début du conflit dont la Bosnie-Herzégovinea étéle théâtre. Cette
constatation est d'ailleurs conforme à l'objet et au but de la convention
tels que définispar la Cour en 1951 et rappelés ci-dessus (voir para-
graphe 31).La Cour estimepar suite devoir rejeter les sixièmeet septième
exceptions préliminairesde la Yougoslavie.

35. Après le dépôt de sa requête, laBosnie-Herzégovinea invoqué
diverses bases supplémentaires de compétence dela Cour en l'espèce.
Bien qu'elle se soit essentiellement prévalue,tant au cours de la procé-
dure écritequ'orale, de l'article IX de la convention sur le génocide,la
Bosnie-Herzégovinea indiquéqu'elle maintenait ses prétentionsau titre
de cesbases supplémentaires.Elle a en particulier précisé l'audienceque
si ellerenonçait«à toutes les demandes [exposéesdans sa requête]qui ne
sont pas directement liéesau génocide commispar la Yougoslavie ou
auquel elle a contribué)),lesdites bases supplémentairespouvaient néan-
moins

((présenterun certain intérêt pour permettreàla Cour de sepronon-
cer sur certains moyens auxquels la Yougoslavie a eu recours pour
perpétrerle génocidedont elleest accusée, enparticulier le recoursàfulfilment of the . . .Convention, including . .. the responsibility of a
State for genocide .. .",according to the form of words employed by that
latter provision (cf. Applicability of the Obligation to Arbitrate under
Section 21 of the United Nations Headquarters Agreement of 26 June
1947, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1988, pp. 27-32).

34. Having reached the conclusion that it hasjurisdiction in the present
case, both ratione personae and ratione materiae on the basis of Ar-
ticle IX of the Genocide Convention, it remains for the Court to specify
the scope of that jurisdiction ratione temporis. In its sixth and seventh
preliminaryobjections, Yugoslavia, basing its contention on the principle
of the non-retroactivity of legal acts, has indeed asserted as a subsidiary
argument that, even though the Court might have jurisdiction on the
basis of the Convention, it could only deal with events subsequent to the
different dates on which the Convention might have become applicable
as between the Parties. In this regard, the Court will confine itself to
the observation that the Genocide Convention - and in particular
Article IX - does not contain any clause the object or effect of which is
to limit in such manner the scope of itsjurisdiction ratione temporis, and

nor did the Parties themselvesmake any reservation to that end, either to
the Convention or on the occasion of the signature of the Dayton-Paris
Agreement. The Court thus finds that it has jurisdiction in this case to
give effect to the Genocide Convention with regard to the relevant facts
which have occurred since the beginning of the conflict whichtook place
in Bosnia and Herzegovina. This finding is, moreover, in accordance with
the object and purpose of the Convention as definedby the Court in 1951
and referred to above (seeparagraph 31).As a result, the Court considers
that it must reject Yugoslavia's sixth and seventh preliminaryobjections.

35. After the filingof itsApplication, Bosnia and Herzegovina invoked
various additional bases of iurisdiction of the Court in the ~resent case.
Even though, in both the written and oral proceedings, it relied essen-
tially upon Article IX of the Genocide Convention, Bosnia and Herze-
govina indicated that it was maintaining its claims in relation to those
additional grounds of jurisdiction. In particular, it specifiedat the hear-
ing that while it was renouncing "al1the claims [setforth in its Applica-
tion] which are not directly linked to the genocide committed or abetted
by Yugoslavia", those additional bases could nonetheless

"present a degree of interest, enablingthe Court to make findings on
some of the means used by Yugoslavia to perpetrate the genocide of
which it stands accused, and particularly its recourse to a war of une guerre d'agression au cours de laquelle ellea commis des infrac-
tions graves aux conventionsde Genève de1949et aux protocoles 1
et II de 1977));

et la Bosnie-Herzégovined'ajouter que «la Cour pourrait procéder ainsi
sur le seul fondement de l'articleIX», tout en expliquant que:
«La possibilitéde s'appuyer sur d'autres bases de compétence...

serait de nature au moins à ... éviter descontroverses stérilesentre
les Parties sur la question de savoir si ces comportements sont ou
non ((suffisammentdirectement liés» à la convention.))
36. La Yougoslavie, pour sa part, a soutenu, au cours de la procédure,
que la Cour ne pourrait prendre en considérationcellesde ces bases sup-
plémentairesqui auraient pu être mentionnées dans la requête etne l'ont

pas été. Toutefois, dansses conclusions finales, elle n'a pas réitércette
objection et a priéla Cour, pour les motifs y indiqués, dedéclinertoute
compétenceau titre desdites bases.

37. Ainsi que la Cour l'aindiquéplushaut (voir paragraphe 4), l'agent
de la Bosnie-Herzégovinea déposéau Greffe, le 31 mars 1993,le texte
d'une lettre en date du 8 juin 1992, adresséeau présidentde la com-
mission d'arbitrage de la conférenceinternationale pour la paix en You-
goslavie par M. Momir BulatoviC,président de la Républiquedu Mon-
ténégro, etM. Slobodan MiloseviC, président de la République de
Serbie. Selonla traduction française de cettelettre, fournie par la Bosnie-
Herzégovine,ceux-ci s'yexprimaient notamment comme suit:

«La RF yougoslave est d'avis quetoutes lesdisputes légalesqui ne
peuvent pas êtrerésoluesentre la RF yougoslave et les anciennes
républiquesyougoslaves, qu'ellesdevraient êtresoumises à la Cour
internationale de la Paix, qui est le principal organe judiciaire des
Nations Unies.
En conséquence,et étantdonné queles questions demandéesdans
votre lettre sont de nature légale,laF yougoslave propose que, en

cas où une solution n'est pas trouvée entre les participants à la
conférence,les questions susmentionnéessoient jugéespar la Cour
internationale de la Paix, en concordance avec son Statut. ))
La Cour estime que, compte tenu des circonstancesdans lesquellesla
lettre en question a été écrite, ainqiue des déclarations qui l'ont suivie,
elle ne peut considérercelle-cicomme exprimant un engagement immé-

diat des deux présidents, ayant force obligatoire pour la Yougoslavie,
d'accepter inconditionnellementque soit soumise à la Cour, par requête
unilatérale, une grande diversité de différends juridiques. Elle confirme
ainsi la conclusion provisoire à laquelle elle était parvenueà cet égard
dans ses ordonnances du 8 avril (C.I.J. Recueil 1993, p. 16-18,par. 27-
32) et du 13 septembre 1993(C.I.J. Recueil 1993, p. 340-341,par. 32); aggression during which it seriously violated the 1949 Geneva

Conventions and the 1977Protocols 1and II";

and Bosnia and Herzegovina went on to Saythat "The Court might pro-
ceed in this way on the basis of Article IX alone", explaining that

"The possibility of relying on other bases ofjurisdiction...would
at least... avoid futilearguments between the Parties as to whether
such conduct is or is not linked 'with sufficient directness' to the
Convention."
36. Yugoslavia, for its part, contendedduring the proceedings that the
Court could not take account of such additional grounds as could have

been referred to in the Application but to which no reference was in fact
made. However, in its final submissions, it did not reiterate that objection
and asked the Court, for the reasons there given, to declare that it lacked
jurisdiction on those grounds.

37. As the Court has indicated above (see paragraph 4), the Agent of
Bosnia and Herzegovina filed in the Registry, on 31March 1993,the text
of a letter dated 8 June 1992that was addressed to the President of the
Arbitration Commission of the International Conference for Peace in
Yugoslavia by Mr. Momir Bulatovié, President of the Republic of
Montenegro, and Mr. Slobodan Milosevié,President of the Republic of
Serbia. According to the English translation of that letter provided by
Bosnia and Herzegovina, they expressed the following views, inter alia:

"FR Yugoslavia holds the view that al1 legal disputes which
cannot be settled by agreement between FR Yugoslavia and the
former Yugoslav republics should be taken to the International
Court of Justice, as the principaljudicial organ of theUnitedNations.

Accordingly, and in view of the fact that al1the issues raised in
your letter are of a legal nature, FR Yugoslavia proposes that in the
event that agreement is not reached among the participants in the
Conference, these questions should be adjudicated by the Interna-
tional Court of Justice, in accordance with its Statute."

The Court finds that, given the circumstances in which that letter was
written and the declarations that ensued, it could not betaken as express-
ing an immediate commitment by the two Presidents, binding on Yugo-
slavia, to accept unconditionally the unilateral submission to the Court
of a wide range of legal disputes. It thus confirms the provisional conclu-
sion which it had reached in this regard in its Orders of 8 April (1.C.J.
Reports 1993, pp. 16-18, paras. 27-32) and 13 September 1993 (Z.C.J.
Reports 1993, pp. 340-341, para. 32); besides, no fundamentally new
argument has been presented to it on this matter since that time. It fol-619 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRET)

aucun argument fondamentalement nouveau ne lui a d'ailleurs été pré-
senté à ce sujet depuislors. La Cour ne peut par suitetrouver dans ladite
lettre une base supplémentaire à sa compétencedans la présenteaffaire.
38. La Cour a égalementrappeléci-dessus (voir paragraphe 7) que,
par une communication en date du 6 août 1993, l'agent de la Bosnie-
Herzégovinea indiqué que son gouvernement entendait en outre faire
valoir, comme base supplémentairede compétence,letraité entrelesPuis-
sances alliéeset associées(les Etats-Unis d'Amérique, l'Empire britan-
nique, la France, l'Italie et le Japon) et le Royaume des Serbes, Croates
et Slovènes,signé àSaint-Germain-en-Laye le 10septembre 1919et entré
en vigueur le 16juillet 1920.Lechapitre 1de ce traité concernela protec-
tion des minorités et comporte un articleII aux termes duquel:

«L'Etat serbe-croate-slovène agréeque tout membre du Conseil
de la Société desNations aura le droit de signalerà l'attention du
Conseil toute infraction ou danger d'infractionà I'une quelconque
de cesobligations,et le Conseilpourra prendre tellesmesures et don-
ner telles instructions qui paraîtront appropriéeset efficacesdans la
circonstance.

L'Etat serbe-croate-slovèneagrée enoutre qu'en cas de divergence
d'opinion, sur des questions de droit ou de fait concernant ces ar-
ticles entre'Etatserbe-croate-slovèneet I'une quelconque des prin-
cipales Puissances alliéeset associéesou toute autre Puissance,
membre du Conseil de la Société des Nations, cette divergence sera
considérée comme un différendayant un caractère international
selon les termes de l'article 14 du Pacte de la Société desNations.
L'Etat serbe-croate-slovèneagrée que tout différend de ce genre
sera, si'autre partie le demande, déféré à la Cour permanente de
Justice internationale. La décision dela Cour permanente sera sans
appel et aura la mêmeforce et valeur qu'une décisionrendue en
vertu de l'article 13 du Pacte.

Quant au chapitre II, concernant la succession en matière de traités,le
commerce, le traitement des navires étrangers etla libertéde transit, il
comporte un article 16qui prévoit notamment que:

«Tous les droits et privilègesaccordéspar les articles précédents
aux Puissances alliéeset associéesseront égalementacquis àtous les
Etats Membres de la Société des Nations.))
La Bosnie-Herzégovinesoutient pour l'essentielque, par l'effetde ces
deux dispositions, tout Membre de la Société desNations pouvait por-
ter devant la Cour permanente un différendtombant sous le coup de

l'article 11que l'Assemblée générale de Nsations Unies s'est substituée
au Conseil de la Société desNations en la matière; et que la Bosnie-
Herzégovine,étant Membre de l'Organisation des Nations Unies, peut
aujourd'hui, par le jeu de l'article 37 du Statut, saisir la présenteCour,
sur la base du traité de1919,de son différend avecla Yougoslavie.
La Cour considère que, dans la mesure où la Yougoslavie seraitlows that the Court cannot find in that letter an additional basis ofjuris-
diction in the present case.

38. The Court has likewiserecalled above (see paragraph 7) that, by a
communication dated 6 August 1993, the Agent of Bosnia and Herze-
govina indicated that his Government intended likewiseto submit, as an
additional basis of jurisdiction, the Treaty between the Allied and Asso-
ciated Powers (the United States of America, the British Empire, France,
Italy and Japan) and the Kingdom of the Serbs, Croats and Slovenes,
that was signed at Saint-Germain-en-Laye on 10 September 1919 and
entered into force on 16July 1920.Chapter 1of that Treaty concerns the
protection of minorities and includes an Article 11 according to which:

"The Serb-Croat-Slovene State agrees that any Member of the
Council of the League of Nations shall have the right to bring to the
attention of the Council any infraction, or any danger of infraction,
of any ofthese obligations, and that the Council may thereupon take
such action and give such directions as it may deem proper and
effective in the circumstances.
The Serb-Croat-SloveneState further agrees that any difference of
opinion as to questions of law or fact arising out of these Articles
between the Serb-Croat-SloveneState and any one of the Principal
Allied and Associated Powers or any other Power, a member of the
Council of the League of Nations, shall be held to be a dispute of
an international character under Article 14 of the Covenant of the
League of Nations. The Serb-Croat-SloveneState hereby consents

that any such dispute shall, if the other party thereto demands, be
referred to the Permanent Court of International Justice. The deci-
sion of the Permanent Court shall be final and shall have the same
force and effect as an award under Article 13 of the Covenant."

Chapter II, which concerns succession in respect of treaties, trade, the
treatment of foreign vesselsand freedom of transit, includes an Article 16
which provides, inter alia, that

"Al1rights and privileges accorded by the foregoing Articles to the
Allied and Associated Powers shall be accorded equally to al1States
Members of the League of Nations."

Bosnia and Herzegovina substantially contends that, by the effect of
those two provisions, any Member of the League of Nations could refer
to the Permanent Court a dispute to which Article 11 applied; that the
General Assembly of the United Nations has taken the place of the
Council of the League of Nations in respect of such matters; and that
Bosnia and Herzegovina, as a Member of the United Nations, may now,
by operation of Article 37 of the Statute, seise the present Court of its
dispute with Yugoslavia, on the basis of the 1919Treaty.
The Court considers that, in so far as Yugoslavia is now bound by the620 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÉT)

aujourd'hui liéepar le traitéde 1919en tant que successeurdu Royaume
des Serbes, Croates et Slovènes,ses obligations, en vertu de ce traité,
seraient limitéesà son territoire actuel; or elle constate que la Bosnie-
Herzégovine n'a présenté dans sa requête aucune demandeconcernant le
traitement des minoritésen Yougoslavie. Dans cesconditions, la Cour ne
peut pas retenir le traitéde 1919comme une base sur laquelle sa compé-
tence en l'espècepourrait êtrefondée. Elle confirme donc,sur ce point

aussi, la conclusion provisoire à laquelle elle était parvenue dans son
ordonnance du 13 septembre 1993 ((2. J1.Recueil 1993, p. 339-340,
par. 29-31);aucun argument fondamentalement nouveau n'a d'ailleurs, à
cet égardnon plus, été avancé depuilsors.
39. Comme la Cour l'a également rappeléci-dessus (voir para-
graphe 7), la Bosnie-Herzégovine,par une lettre de son agent datéedu
10août 1993,a encore invoquéen tant que base supplémentaire de com-
pétenceen l'espèce

«le droit international de la guerre coutumier et conventionne..le
droit international humanitaire, compris, mais sans que cette énu-
mération soit limitative,les quatre conventions de Genèvede 1949,le
premier protocole additionnel de 1977 cesconventions,le règlement
annexé à la convention de La Haye de 1907concernant leslois et cou-
tumes de la guerre sur terre, le statut du Tribunal de Nuremberg, le
jugement qu'ila rendu et les principes qu'ila appliqués».

Ainsi qu'ellel'adéjàrelevédans son ordonnance du 13septembre 1993
(C.I.J. Recueil 1993, p. 341, par. 33), la Cour n'aperçoit dans aucun des
instruments précitésde clause afférente à sa compétence.Elle note au
demeurant que le demandeur n'a plus fait état, par la suite, de cette base
de compétence commetelle.
40. La Bosnie-Herzégovinea enfin avancé, àun stade ultérieurde la
procédure, deux thèses connexes visant à asseoir la compétencede la
Cour en l'espècesur d'autres bases encore.

Selon la première de ces thèses, la Yougoslavie aurait, par divers
aspects de son comportement au cours des procédures incidentes ouvertes
par les demandes en indication de mesures conservatoires, acquiescéà la
compétence dela Cour sur la base de l'article IX de la convention sur le
génocide.La Cour étant parvenue ci-dessus à la conclusion qu'ellea com-
pétencesur la base de cette disposition, ellen'a plusepencher sur cette
question.
Selon la seconde thèse, la Yougoslavieayant, le le' avril 1993,recom-
mandé elle-mêmel'indication de mesures conservatoires dont certaines
tendaient à la protection de droits non couverts par la convention sur le
génocide,elle aurait, conformément à la doctrine du forum proroga-
tum (stricto sensu), consentià ce que la Cour dispose en l'espèced'une
compétence plus large quecelle prévue à l'article IX de la convention.

Compte tenu de la nature des mesures conservatoires ultérieurement sol-
licitéespar la Yougoslavie le 9 août 1993- lesquellestendaient exclusi-
vement à la protection de droits conférépar la convention sur le géno- 1919 Treaty as successor to the Kingdom of the Serbs, Croats and
Slovenes,its obligations under that Treaty would be limited to its present
territory; it notes that Bosnia and Herzegovina has put forward no
claim in its Application concerning the treatment of minorities in Yugo-
slavia. In these circumstances, the Court is unable to uphold the 1919
Treaty as a basis on which itsjurisdiction in this case could be founded.
On this point as well,the Court thus confirms the provisional conclusion
reached in its Order of 13September 1993(I.C.J. Reports 1993, pp. 339-
340, paras. 29-31); besides, no fundamentally new argument has been
presented on this matter either, since that time.

39. Asthe Court has also recalled above (seeparagraph 7), Bosnia and
Herzegovina, by a letter from its Agent dated 10 August 1993, further
invoked as an additional basis of jurisdiction in the present case

"the Customary and Conventional International Laws of War and
International Humanitarian Law, including but not limited to the

Four Geneva Conventions of 1949,their First Additional Protocol
of 1977,the Hague Regulations on Land Warfare of 1907,and the
Nuremberg Charter, Judgrnent, and Principles".

As it has already pointed out in its Order of 13September 1993(I.C.J.
Reports 1993, p. 341,para. 33), the Court can find no provision relevant

to itsjurisdiction in any of theabove-mentioned instruments. It notes, in
addition, that the Applicant has made no further referenceto this basis of
jurisdiction assuch.
40. Lastly, at a later stage of the proceedings, Bosnia and Herzegovina
advanced two related arguments aimed at basing the Court's jurisdiction
in this case on still other grounds.
According to the first of those arguments, Yugoslavia, by various
aspects of its conduct in the course of the incidental proceedings set in
motion by the requests for the indication of provisional measures, had
acquiesced in the jurisdiction of the Court on the basis of Article IX of
the Genocide Convention. As the Court has alreadv reached the conclu-
sion that it has jurisdiction on the basis of that Provision, it need no
longer consider that question.
According to the second argument, as Yugoslavia, on 1 April 1993,

itself called for the indication of provisional measures some of which
were aimed at the preservation of rights not covered by the Genocide
Convention, it was said, in accordance with the doctrine offorum proro-
gatum (stricto sensu), to have given its consent to the exercise by the
Court, in the present case, of a widerjurisdiction than that provided for
in Article IX of the Convention. Given the nature of both the provisional
measures subsequently requested by Yugoslavia on 9 August 1993 -
which were aimed exclusivelyat the preservation of rights conferred by621 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

cide -, ainsi que des déclarations non équivoquespar lesquelles la
Yougoslavie a constamment contestéla compétence dela Cour - que ce
soit sur la base de la convention sur le génocideou sur toute autre base
- au cours de la suite de la procédure,la Cour estime devoir confirmer
la conclusion provisoire à laquelle elle était parvenuà ce sujet dans son
ordonnance du 13 septembre 1993 (C.I.J. Recueil 1993, p. 341-342,

par. 34).La Cour ne trouve pas que le défendeuraexpriméen l'espèceun
consentement ((volontaire,indiscutable» (voir Détroitde Corfou, excep-
tion préliminaire, arrêt,1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 27) qui lui
accorderait une compétenceexcédantcelle qu'elles'estdéjàreconnue au
titre de l'article de la convention sur le génocide.

41. Il découle dece qui précèdeque la Cour ne peut retenir aucune des
bases supplémentaires de compétence invoquéespar le demandeur et
qu'elle n'estcompétente pour connaître de l'affaire que sur la base de
l'articleX de la convention sur le génocide.

42. S'étant prononcée surles exceptions soulevéespar la Yougoslavie
au sujet de sa compétence,la Cour passera maintenant à l'examen des
exceptions yougoslaves qui ont trait à la recevabilité dela requête.

43. Selon la première exception préliminaire de la Yougoslavie, la

requête seraitirrecevable motif pris de ce qu'elle se réfèreà des événe-
ments survenus dans le cadre d'une guerre civile, et qu'il n'existerait en
conséquence aucundifférendinternational sur lequel la Cour pourrait se
prononcer.
Cette exception est trèsproche de la cinquième exceptionsur laquelle
la Cour s'estdéjà penchée ci-dessus(paragraphes 27-33).En répondant à
cette dernière exception, la Cour a également, enréalité, répondu à la
présente. Ayant constatéqu'il existe bien entre les Parties un différend
entrant dans lesprévisions de l'articleX de la convention sur le génocide
- c'est-à-dire un différendinternational-, la Cour ne saurait conclure
au caractèreirrecevable de la requêteau seul motif que, pour trancher ce
différend,elle serait amenée à prendre en considérationdes événements

survenus, le cas échéant, dans un contexte de guerrecivile. La première
exception de la Yougoslavie doit par suite êtrerejetée.
44. Aux termes de la deuxièmeexception de laYougoslavie, la requête
serait irrecevable parce queM. Alija IzetbegoviC.n'aurait pas occupéles
fonctions de président de la République - mais seulement cellesde pré-the Genocide Convention - and the unequivocal declarations whereby
Yugoslavia consistently contended during the subsequent proceedings
that the Court lacked jurisdiction - whether on the basis of the Geno-
cide Convention or on any other basis - the Court finds that it must
confirm the provisional conclusion that it reached on that subject in its
Order of 13September 1993(1.C.J. Reports 1993, pp. 341-342,para. 34).
The Court does not find that the Respondent has given in this case a
"voluntary and indisputable" consent (see Corfu Channel, Preliminary
Objection,Judgment, 1948,I.C.J. Reports 1947-1948,p. 27)which would
confer upon it a jurisdiction exceedingthat which it has already acknow-
ledged to have been conferred upon it by Article IX of the Genocide

Convention.

41. It follows from the foregoing that the Court is unable to uphold
any of the additional bases ofjurisdiction invoked by the Applicant and
that its onlyjurisdiction to entertain the case is on the basis of Article IX

of the Genocide Convention.

42. Having ruled on the objections raised by Yugoslavia with respect
to itsjurisdiction, the Court will now proceed to consider the objections
of Yugoslavia that relate to the admissibility of the Application.

43. According to the first preliminary objection of Yugoslavia, the
Application is said to be inadmissible on the ground that it refers to
events that took place within the framework of a civil war, and there is
consequently no international dispute upon which the Court could make
a finding.

This objection is very close to the fifth objection which the Court has
already considered (paragraphs 27-33).In responding to the latter objec-
tion, the Court has in fact also answered this. Having noted that there
does indeed exist between the Parties a dispute falling within the provi-
sions of Article IX of the GenocideConvention - that is to Sayan inter-
national dispute -, the Court cannot find that the Application is inad-
missible on the sole ground that, in order to decide the dispute, it would
be impelledto take account of eventsthat may have occurred in a context
of civil war. It follows that the first objection of Yugoslavia must be
rejected.
44. According to the second objection of Yugoslavia, the Application

isinadmissiblebecause, as Mr. Alija IzetbegoviEwas not servingas Presi-
dent of the Republic - but only as President of the Presidency - at the622 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

sident de la présidence- au moment où il a donné l'autorisation d'intro-
duire l'instance, et que cette autorisation aurait de ce fait été accorene
violation de règlesde droit interne d'importance fondamentale. La You-
goslavie a égalementsoutenu que M. IzetbegoviC n'aurait pas même
exercélégalement, à l'époque,les fonctions de présidentde la présidence.
La Cour n'a pas, pour seprononcer sur cette exception, à examiner les
dispositions de droit interne qui ont étéinvoquées à l'appui ou à l'en-
contre de ladite exception au cours de la procédure. Conformémentau

droit international, il ne fait pas de doute que tout chefd'Etat est pré-
sumépouvoir agir au nom de 1'Etat dans ses relations internationales
(voir par exemplela convention de Vienne sur le droit des traités,art. 7,
par. 2 a)). Or, comme la Cour l'a constaté dans son ordonnance du
8 avril 1993(C.I.J. Recueil 1993,p. 11,par. 13),au moment du dépôt de
la requête, M. Izetbegoviéavait été reconnu,en particulier par l'Orga-
nisation des Nations Unies, comme étant le chef d'Etat de la Bosnie-
Herzégovine.De surcroît, la qualité de chef d7Etat a continué de lui
être reconnue dansde nombreuses enceintes internationales par la suite
et plusieursaccords internationaux - parmi lesquelsles accords de Day-

ton-Paris - portent sa signature. La deuxièmeexception préliminairede
la Yougoslavie doit en conséquence aussiêtrerejetée.

45. La Cour conclut de ce qui précèdeque la requêtedéposéepar la
Bosnie-Herzégovinele 20 mars 1993est recevable.

46. La Cour a pris acte du retrait de la quatrième exception et a rejeté
les autres exceptions préliminaires dela Yougoslavie. Au terme du pré-
sent arrêt,elle tient préciserqu'ellen'en considèrepas pour autant que
la Yougoslavie aurait, en présentant ces exceptions, abusé des droits
qu'elle tire en la matièredu paragraphe 6 de l'article 36 du Statut de la
Cour et de l'article 79 de son Règlement. La Cour rejette donc la
demandeformulée à cet égardpar la Bosnie-Herzégovinedans sesconclu-
sions finales. La Cour doit, dans chaque instance introduite devant elle,
vérifiersi elle a compétencepour connaître de l'affaire et, le cas échéant,
si la requêteest recevable;les exceptions éventuellement soulevéep sar la

partie défenderessepeuventêtreutiles pour clarifierla situationjuridique.
En l'occurrence, les exceptions préliminaires présentéep sar la Yougo-
slavie ont eu cette fonction. Ayant établi sa compétenceen vertu de l'ar-
ticleIX de la convention sur le génocide,et ayant conclu a la recevabilité
de la requête,la Cour peut désormais procéder à l'examen du fond de
l'affaire sur cette base.time at which he granted the authorization to initiate proceedings, that
authorization was granted in violation of certain rules of domestic law of
fundamental significance. Yugoslavia likewise contended that Mr. Izet-
begoviéwas not even acting legallyat that time as President of the Presi-
dency.
The Court does not, in order to rule on that objection, have to con-
sider the tlrovisions of domestic law which wereinvoked in the course of
the proceedings either in support of or in opposition to that objection.
According to international law, there is no doubt that every Head of
State is presumed to be able to act on behalf of the State in its interna-
tional relations (see forexample the Vienna Convention on the Law of

Treaties, Art. 7, para.2 (a)). As the Court found in its Order of 8 April
1993 (1C.J. Reports 1993, p. 11,para. 13),at the time of the filingof the
Application, Mr. Izetbegovikwas recognized, in particular by the United
Nations, as the Head of State of Bosnia and Herzegovina. Moreover, his
status as Head of State continued subsequently to be recognized in many
international bodies and several international agreements - including
the Dayton-Paris Agreement - bear his signature. It follows that the
second preliminary objection of Yugoslavia must also be rejected.

45. The Court concludes from the foregoing that the Application filed
by Bosnia and Herzegovina on 20 March 1993is admissible.

46. The Court has taken note of the withdrawal of the fourth prelimi-
nary objection of Yugoslavia and has rejected the other preliminary
objections. In conclusion, the Court emphasizes that in so doing it does
not consider that Yugoslavia has, in presenting those objections, abused
its rights to do so under Article 36, paragraph 6, of the Statute of the
Court and Article 79 of the Rules of Court. The Court rejects the request

made to that end by Bosnia and Herzegovina in its final submissions.The
Court must, in each case submitted to it, verifywhether it hasjurisdiction
to deal with the case, and, if necessary,whether the Application is admis-
sible, andsuch objectionsas are raised by the Respondent may be useful
to clarify the legal situation. As matters now stand, the preliminary
objections presented by Yugoslavia have served that purpose. Having
establisheditsjurisdiction under Article IX of the GenocideConvention,
and having concluded that the Application is admissible, the Court may
now proceed to consider the merits of the case on that basis.623 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT)

47. Par ces motifs,

1)Ayant pris acte du retrait de la quatrième exception préliminaire
soulevéepar la République fédérativede Yougoslavie,
Rejette

a) par quatorze voix contre une,
les première, deuxième et troisième exceptions préliminaires;

POURM: . Bedjaoui,Président;M. Schwebel,Vice-Président;MM. Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren, juges;
M. Lauterpacht,juge ad hoc;
CONTRE M:. Kreéa,juge ad hoc;

b) par onze voix contre quatre,
la cinquième exception préliminaire;

POURM: . Bedjaoui,Président;M. Schwebel, Vice-Présid; M. Guil-
laume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Koroma,
Ferrari Bravo, Parra-Aranguren,juges; M. Lauterpacht,juge ad hoc;
CONTRE M:M. Oda, Shi, Vereshchetin,juges; M. Kreéa,juge ad hoc;

c) par quatorze voix contre une,
les sixièmeet septième exceptions préliminaires;

POURM: . Bedjaoui,Président;M. Schwebel,Vice-Président;MM. Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren, juges;
M. Lauterpacht,juge ad hoc;
CONTRE M:. Kreéa,juge ad hoc;

2) a) Par treize voix contre deux,

Dit qu'elle a compétence, sur la base de l'artIXlde la convention
pour la prévention et la répressiondu crime de génocide,pour statuer sur
le différend;
POUR:M. Bedjaoui, Président; M. Schwebel, Vice-Président;MM. Guil-
laume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi, Koroma,
Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren, juges; M. Lauterpacht,
juge ad hoc;

CONTRE:M. Oda,juge; M. Kreéa,juge ad'hoc;
b) Par quatorze voix contre une,

Ecarte les bases supplémentaires de compétenceinvoquéespar laRépu-
blique de Bosnie-Herzégovine;

POUR:M. Bedjaoui, Président; M. Schwebel, Vice-Président;MM. Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin,Ferrari Bravo,Parra-Aranguren,juges; M. Kreka,
juge ad hoc;
CONTRM E:. Lauterpacht,juge ad hoc; 47. For these reasons,

(1) Having taken note of the withdrawal of the fourth preliminary
objection raised by the Federal Republic of Yugoslavia,

Rejects

(a) by fourteen votes to one,
the first, second and third preliminary objections;

INFAVOUR Pr:esident Bedjaoui; Vice-PresidentSchwebel;Judges Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren; Judge ad
hoc Lauterpacht;

AGAINSJ Tu:dge ad hoc Kreéa;
(b) by eleven votes to four,

the fifth preliminary objection;
IN FAVOURP :resident Bedjaoui; Vice-President Schwebel; Judges
Guillaume,Shahabuddeen,Weeramantry,RanjevaH , erczegh,Koroma,

Ferrari Bravo, Parra-Aranguren ;Judge ad hoc Lauterpacht ;
AGAINSJ Tu:dges Oda, Shi, Vereshchetin;Judge ad hoc KreCa;

(c) by fourteen votes to one,
the sixth and seventh preliminary objections;

IN FAVOUR Pr:esident Bedjaoui; Vice-PresidentSchwebel;Judges Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren; Judge ad
hoc Lauterpacht ;
AGAINSJ Tu:dge ad hoc Kreéa;

(2) (a) by thirteen votes to two,

Finds that, on the basis of Article IX of the Convention on the Preven-
tion and Punishment of the Crime of Genocide, it has jurisdiction to
adjudicate upon the dispute;

IN FAVOUR : President Bedjaoui; Vice-PresidentSchwebel ;Judges Guillaume,
Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,Koroma, Veresh-
chetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren; Judge ad hoc Lauterpacht;

AGAINST :Judge Oda ;Judge ad hoc Kreka ;

(b) By fourteen votes to one,

Dismisses the additional bases ofjurisdiction invoked by the Republic
of Bosnia and Herzegovina;

IN FAVOUR : President Bedjaoui ; Vice-President Schwebel ; Judges Oda,
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Koroma, Vereshchetin, Ferrari Bravo, Parra-Aranguren; Judge ad hoc
KreCa;
AGAINST :Judge ad hoc Lauterpacht ; 3) Par treize voix contre deux,
Dit que la requête déposéear la République de Bosnie-Herzégovinele
20 mars 1993est recevable.

POUR: M. Bedjaoui,Président; M.Schwebel, Vice-Président;MM.Guil-
laume, Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva,Herczegh, Shi,Koroma,
Vereshchetin,Ferrari Bravo, Parra-Arangurjuges; M. Lauterpacht,
jugead hoc;
CONTRE: M. Oda,juge;M. KreCa,jugead hoc.

Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de
la Paix, La Haye, le onzejuillet mil neuf cent quatre-vingt-seize, en trois
exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et les autres
seront transmis respectivement au Gouvernement de la République de

Bosnie-Herzégovineet au Gouvernement de la République fédérative de
Yougoslavie.

Le Président,
(Signé) Mohammed BEDJAOUI.

Le Greffier,
(Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.

M. ODA,juge, joint une déclaration'arrêt;MM. SHIet VERESHCHETIN,
juges, joignent une déclaration commune à l'arrêt; M. LAUTERPACHT,
juge ad hoc, joint une déclaration'arrêt.

MM. SHAHABUDDEE NE, ERAMANTR t PARRA-ARANGURE jNg,es,
joignentà l'arrêtles exposés de leur opinion individuelle.

M. KRECA,juge ad hoc, joint à l'arrêtl'exposéde son opinion dissi-
dente.

(Paraphé) M.B.

(Paraphé) E.V.O. (3) By thirteen votes to two,

Finds that the Application filed by the Republic of Bosnia and Herze-
govina on 20 March 1993is admissible.

IN FAVOUR:PresidenBedjaoui; Vice-PresidenSchwebel;JudgesGuillaume,
Shahabuddeen, Weeramantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,Koroma, Veresh-
chetin,Ferrari Bravo,Parra-ArangurenJudgead hoc Lauterpacht;

AGAINST:Judge Oda; Judgead hoc KreCa.

Done in French and in English, the French text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this eleventh day of July, one thousand
nine hundred and ninety-six, in three copies, one of which will be placed
in the archives of the Court and the others transmitted to thevern-
ment of the Republic of Bosnia and Herzegovina and the Government of

the Federal Republic of Yugoslavia, respectively.

(Signed) Mohammed BEDJAOUI,
President.

(Signed) Eduardo VALENCIA-OSPINA,
Registrar.

Judge ODAappends a declaration to the Judgment of the Court;
Judges SHI and VERESHCHETa INpend a joint declaration to the Judg-
ment of the Court; Judge ad hoc LAUTERPACH aTpends a declaration to
the Judgment of the Court.

Judges SHAHABUDDEEN W,EERAMANTRY and PARRA-ARANGUREN

append separate opinions to the Judgment of the Court.

Judge ad hoc KRECAappends a dissenting opinion to the Judgment of
the Court.

(Initialled) M.B.

(Initialled) E.V.O.

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Exceptions préliminaires

Document file FR
Document Long Title

Arrêt du 11 juillet 1996

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