COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
AFFAIRE DESPLATES-FORMES PÉTROLIÈRES
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN c. ÉTATS-UNIS
D'AMÉRIQUE)
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS
CASE CONCERNING OIL PLATFORMS
(ISLAMIC REPUBLIC OF IRANv.UNITED STATES
OF AMERICA)
PRELIMINARY OBJECTION
JUDGMENT OF 12 DECEMBER1996 Mode officielde citation:
Plates-formes pétrolières(République islamiqued'Iran
c. Etats-Unis d'Amérique), exceptionpréliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 1996,3
Officia1cita:ion
Oil Platforms (Islamic Republic of Iran
v. United Stat1.C.J. Reports 1996, p. 803 Objection,Judgment,
ISSN 0074-4441 NOde vente: 683 1
Sales number
ISBN 92-1-070748-6 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
1996 ANNÉE 1996
12décembre
Rôle général
no 90 12 décembr1 e996
AFFAIRE DES PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN c. ÉTATS-UNIS
D'AMÉRIQUE)
EXCEPTION PRÉLIMINAIRE
Compétencede la Cour - Traité d'amitiéd , e commerce et de droits consu-
laires du 15 août 1955 - Traité envigueur.
Paragraphe 2 de l'article XXI - Différendn'ayantpu êtreréglé par la voie
diplomatique - Absence d'accordpour le régler par((d'autresmoyens paci-
fiques» - Différend((quant à l'interprétation ou à l'application» du traité.
Allégationselon laquellele traité ne saurait s'appliquer à des questionsconcer-
nant l'emploide laforce - Absence de dispositionexcluant expressémentcer-
taines matièresde la compétencede la Cour - Disposition duparagraphe 1 d)
de l'articleXX en tant que défenseaufond - Illicéitédes actions incompatibles
avec les obligations découlantdu traitéquels que soient les moyens utilisés.
Allégationselon laquelle les demandesde l'Iran ne sauraient être fondéessur
l'article premierdu traité - Interprétation à la lumièrede l'objet et du but du
traité- Objet et but étrangers à l'organisationgénérale des relationspacijiques
et amicales entre les parties - Documents produits et pratique suivie par les
Parties - Disposition non dénuéede portéejuridique pour l'interprétationdes
autres dispositionsmais ne pouvant, prise isolément,fonder la compétencede la
Cour.
Allégationselon laquelleles demandesde l'Iranne sauraient êtrefondéessur
le paragraphe 1 de l'article IV du traité - Disposition ne comportant aucune
limitation territoriale- Disposition ayant pour objet le traitement par chacune
des parties des ressortissantset sociétésde l'autre - Inapplicabilitédu para-
graphe 1 de l'article IV au casparticulier.
Allégationselon laquelle les demandesde l'Iran ne sauraient être fondéessur
leparagraphe 1 de l'articleX du traité - Sens du mot «commerce» dans cette
disposition - Portée non limitéeau commerce maritime - Portéenon limitée
aux activitésd'achat et de vente - Disposition protégeantla ((libertéde com-
merce» - Libertépouvant être effectivemententravéedufait d'actes qui em-porteraient destruction de biens desàiêtreexportés,ou qui seraient suscep-
tiblesd'en affecter le transportet le stockage en vue deléxportationuc-
tion susceptible d'avoir des conséquences slu'rexportation dupétroleiranien et
deporter atteintela liberté decommerce tellequegarantiepar ladispositionen
cause - Licéitésusceptible d'êtreappréciée au regard edite disposition.
Conclusions subsidiaires devenues sans objet.
Présents: M. BEDJAOUP I,résidentM. SCHWEBEV Li,ce-Président;MM. ODA,
GUILLAUMS E, AHABUDDE WEEN, RAMANTRY R,ANJEVAH , ERCZEGH,
SHI, FLEISCHHAUEK R,OROMA,VERESHCHETIF NE, RRARIBRAVO,
MmeHIGGINS, M. PARRA-ARANGUR jEge,s; M. RIGAUXju, ge ad
hoc; M. VALENCIA-OSPINA Greffier.
En l'affaire des plates-formes pétrolières,
entre
la République islamiqued'Iran,
représentéepar
M. M. H. Zahedin-Labbaf, agent de la République islamique d'Iran auprès
du Tribunal des réclamationsEtats-UnisIIran,
comme agent ;
M. S. M. Zeinoddin, directeur des affairesjuridiqàela compagnie natio-
nale iranienne des pétroles,
M. James R. Crawford, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Whewell à l'université de Cambridge, membre de la Commission
du droit international,
M. Luigi Condorelli, professeur de droit international l'université de
Genève,
M. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d'appel de Paris et membre du bar-
reau de New York, cabinet Frere Cholmeley, Paris,
comme conseils et avocats;
M. Derek W. Bowett,C.B.E., Q.C., F.B.A., professeur éméritede droit inter-
national, ancien titulaire de la chaire Whewelll'université de Cam-
bridge,
M. N. A.Mansourian, conseillerjuridique au bureau des servicesjuridiques
internationaux de la République islamique d'Iran,
M. M. A. Movahed, conseillerjuridique principàlla compagnie nationale
iranienne des pétroles,
M. H. Omid, conseiller juridiqueà la compagnie nationale iranienne des
pétroles,
M. A. A. Mahrokhzad, conseiller juridiquà la compagnie nationale ira-
nienne des pétroles,
M. David S. Sellers,olicitor, cabinet Frere Cholmeley,Paris,
MmeLoretta Malintoppi, avocat à la Cour, cabinet Frere Cholmeley,Paris,
comme conseils, 805 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
et
les Etats-Unis d'Amérique,
représentéspar
M. Michael J. Matheson, conseiller juridique en exercice du département
d7Etat des Etats-Unis,
comme agent ;
M. John H. McNeill, conseiller juridique adjoint principal du département
de la défense desEtats-Unis,
M. Andreas F. Lowenfeld, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Rubin a la faculté dedroit de l'université de New York,
M. John R. Crook, conseillerjuridique adjoint chargé desquestions concer-
nant les Nations Unies au département d'Etat des Etats-Unis,
M. Sean Murphy, conseiller chargé des affairesjuridiques à l'ambassade des
Etats-Unis aux Pays-Bas,
M. Jack Chorowsky, assistant spécial auprès du conseiller juridique du
département d'Etat des Etats-Unis,
Le capitaine de frégate Ronald D. Neubauer, Judge Advocate General's
Corps de la marine des Etats-Unis,
comme conseils et avocats;
M. Allen Weiner, attaché àl'ambassade des Etats-Unis aux Pays-Bas, bureau
du conseiller chargé des affaires juridiques,
comme conseil,
ainsi composée,
après délibéré ecnhambre du conseil,
rend l'arrêtsuivant:
1. Le 2 novembre 1992, le Gouvernement de la Républiqueislamique d'Iran
(dénommée ci-après l'«Iran))) a déposéau Greffe de la Cour une requêteintro-
ductive d'instance contre le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique(dénom-
mésci-après les «Etats-Unis») au sujet d'un différend
«a[yant] pour origine l'attaque et la destruction de trois installations de
production pétrolière offshore,propriétéde la compagnie nationale ira-
nienne des pétroles et exploitéespar elle des fins commerciales, par plu-
sieurs navires de guerre de la marine des Etats-Unis, les 19octobre 1987et
18 avril 1988,respectivement)).
Dans sa requête,l'Iran soutenait que ces actes constituaient une ((violation
fondamentale)) de diverses dispositions du traité d'amitié, de commerce et de
droits consulaires entre les Etats-Unis etIran, signà Téhéranle 15août 1955
et entréen vigueur le 16juin 1957(dénommé ci-après le «traité de 1955»), ainsi
que du droit international. La requêteinvoquait comme base de compétencele
paragraphe 2 de l'article XXI du traitéde 1955.
2. Conformément au paragraphe 2 de l'article 40 du Statut, la requêtea été
immédiatement communiquéeau Gouvernement des Etats-Unis par le Gref-
fier; et, conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admià
ester devant la Cour ont été informés dlea requête.806 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
3. Par une ordonnance du 4 décembre1992,le Présidentde la Cour a fixéau
31mai 1993la date d'expiration du délaipour le dépôtdu mémoirede l'Iran et
au 30 novembre 1993 la date d'expiration du délaipour le dépôt du contre-
mémoire desEtats-Unis.
4. Par une ordonnance du 3 juin 1993,le Président de laCour,à la demande
de l'Iran, a reportéaujuin 1993la date d'expiration du délaipour le dépôtdu
mémoire;la date d'expiration du délaipour le dépôtdu contre-mémoirea été
reportée, par la mêmeordonnance, au 16 décembre 1993. L'Iran a dûment
déposé son mémoire dans le délaiainsi prorogé.
5. Dans le délai, tel que prorogé, prescrit aux fins du dépôt du contre-
mémoire,lesEtats-Unis ont soulevéune exceptionpréliminaire à la compétence
de la Cour conformémentau paragraphe 1 de l'article 79 du Règlement dela
Cour. En conséquence,par une ordonnance du 18janvier 1994,le Présidentde
la Cour, constatant qu'en vertu des dispositions du paragraphe 3 de l'article 79
du Règlementla procédure surle fond étaitsuspendue, a fixéau le'juillet 1994
la date d'expiration du délaidans lequel l'Iran pourrait présenter un exposé
écrit contenant ses observations et conclusionssur l'exceptionpréliminairesou-
levéepar lesEtats-Unis. L'Iran a déposéuntel exposédans le délaiainsi fixé,et
l'affaire s'est trouvéeen état pour ce qui est de l'exception préliminaire.
6. La Cour ne comptant pas sur le siègede juge de nationalité iranienne,
l'Iran s'est prévaludu droit que lui confèrele paragraphe 2 de l'article 31 du
Statut de procéderà la désignationd'un juge ad hocpour siégeren l'affaire: il
a désignéM. François Rigaux.
7. Conformément au paragraphe 2 de l'article 53 du Règlement, la Cour a
décidéde rendre accessibles au public les piècesde procédure et documents y
annexésdéposésen l'instance à la date d'ouverture de la procédure orale sur
l'exception préliminaire.
8. Des audiencespubliques ont été tenues entrele 16et le 24 septembre 1996,
au cours desquelles ont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:
Pour lesEtats-Unis: M. Michael J. Matheson,
le capitaine de frégate Ronald D. Neubauer,
M. Andreas F. Lowenfeld,
M. John R. Crook,
M. Sean Murphy,
M. Jack Chorowsky.
Pour l'Iran M. M. H. Zahedin-Labbaf,
M. S. M. Zeinoddin,
M. Rodman R. Bundy,
M. Luigi Condorelli,
M. James R. Crawford.
A l'audience, des juges ont poséaux Parties des questions, auxquellesil a été
répondu par écrit, après la clôturede la procédure orale. Se référant aux dis-
positions de l'article 72 du Règlement,'Iran a fait tenàrla Cour des obser-
vations sur les réponses donnéespar les Etats-Unisà l'une de ces questions.
9. Dans la requête,les demandes ci-après ont été formuléepsar l'Iran:
«Sur la base de ce qui précède,eten se réservantle droit de compléteret
modifier les présentes conclusions en tant que de besoin au cours de la 807 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
suite de la procédure en l'affaire, la Républiqueislamique prie respectueu-
sement la Cour de dire et juger:
a) que la Cour a compétenceen vertu du traité d'amitiépour connaître
du différendet statuer sur les demandes présentéespar la République
islamique ;
b) qu'en attaquant et détruisant, les 19 octobre 1987et 18 avril 1988,les
plates-formes pétrolières mentionnéesdans la requête,les Etats-Unis
ont enfreint leurs obligations envers la République islamique, notam-
ment celles qui découlent de l'article premieret du paragraphe 1 de
l'article X du traité d'amitié,ainsi que du droit international;
c) qu'en adoptant envers la République islamique une attitude manifes-
tement hostile et menaçante qui a abouti à l'attaque etàla destruction
des plates-formes pétrolières iraniennes, les Etats-Unis ont enfreint
l'objet et le but du traitéd'amitié,notamment son article premier et le
paragraphe 1 de son articleX, ainsi que le droit international;
d) que les Etats-Unis sont tenus d'indemniser la République islamique
pour avoir enfreint leurs obligationsjuridiques internationales, le mon-
tant devant êtredéterminépar la Cour à un stade ultérieur dela pro-
cédure.La Républiqueislamique se réservele droit d'introduire devant
la Cour et de lui présenter, en temps utile, une évaluation précise des
réparations dues par les Etats-Unis; et
e) tout autre remède que la Cour jugerait approprié.»
10. Dans la procédure écrite,les conclusions ci-après ont été présentée psar
les Parties:
Au nom du Gouvernement de Iïran,
dans le mémoire:
<(Ala lumière des faits et des arguments exposés ci-dessus, le Gou-
vernement de la République islamique d'Iran prie la Cour de dire et
juger:
1. Que la Cour a compétenceen vertu du traité d'amitiépour connaître
du différendet statuer sur les demandes présentéespar l'Iran;
2. Qu'en attaquant et détruisant, les 19octobre 1987et 18 avril 1988,les
plates-formes pétrolières mentionnéesdans la requête del'Iran, les
Etats-Unis ont enfreint leurs obligations envers l'Iran, notamment
cellesqui découlentde l'article premier, du paragraphe 1de l'article IV
et du paragraphe 1 de l'article X du traitéd'amitié, ainsique du droit
international, et que la responsabilité de ces attaques incombe aux
Etats-Unis ;
3. Que les Etats-Unis sont donc tenus d'indemniser pleinement l'Iran
pour avoir enfreint leurs obligations juridiques internationales, selon
des modalités et un montant à déterminerpar la Cour à un stade ulté-
rieur de la procédure. L'Iran se réservele droit d'introduire devant la
Cour et de lui présenter, en temps utile,une évaluationprécise desrépa-
rations dues par les Etats-Unis; et
4. Tout autre remèdeque la Cour jugerait approprié.»
Au nom du Gouvernement des Etats-Unis,
dans I'exception préliminaire :
«Les Etats-Unis d'Amérique prient la Cour de retenir I'exception d'incompétencequ'ils soulèverit et de se refuser à connaître de l'af-
faire>)
Au nom du Gouvernement de l'Iran,
dans l'exposéécritcontenant ses observations et conclusions sur l'exception
préliminaire :
«A la lumière desfaits et des arguments exposés ci-dessus,le Gouver-
nement de la Républiqueislamique d'Iran prie la Cour de dire et juger:
1. Que l'exception préliminairedes Etats-Unis est rejetéedans son inté-
gralité;
2. Que, par conséquent, la Cour est compétenteau titre du paragraphe 2
de l'articleXXI du traité d'amitié pour connaîtredes demandesque la
République islamiqued'Iran a présentéesdans sa requêteet dans son
mémoire,étant donnéqu'elles se rapportent à un différendentre les
Parties quant à l'interprétationou à l'application du traité;
3. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'exception préliminaire ne
serait pas rejetéeimmédiatement,quecelle-ci ne revêp tas, dans les cir-
constances de l'espèce,un caractèreexclusivementpréliminaireau sens
du paragraphe 7 de l'article 79 du Règlementde la Cour; et
4. Tout autre remèdeque la Cour jugera approprié. ))
11. Dans la procédure orale, les conclusions ci-aprèsont été présentép ear
les Parties:
Au nom du Gouvernement des Etats-Unis,
à l'audiencedu 23 septembre 1996:
«Les Etats-Unis d'Amérique prient la Cour de retenir l'exception
d'incompétence qu'ils soulèvendtans l'affairedes Plates-formes pétrolières
(Républiqueislamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique). ))
Au nom du Gouvernement de l'Iran,
à l'audience du 24 septembre 1996:
Les conclusions lues à l'audience étaient identiques à celles présentéespar
l'Iran dans l'exposéécritcontenant ses observationset conclusions sur l'excep-
tion préliminaire.
12. Dans sa requête introductive d'instance, l'Iran expose que, les
19 octobre 1987 et 18 avril 1988, des plates-formes pétrolières se trouvant
sur le plateau continental iranien et appartenant à la compagnie natio-
nale iranienne des pétroles ont étéattaquées et détruites par des forces
navales des Etats-Unis. L'Iran soutient qu'en procédant de la sorte les
Etats-Unis ont «enfreint leurs obligations envers la République isla-
mique, notamment celles qui découlent de l'article premier et du para-
graphe 1 de l'article X du traité d'amitié)). L'Iran prétend en outre que
ces actions des Etats-Unis ont ((enfreint l'objet et le but du traité ...ainsi
que le droit international)). L'Iran expose enfin qu'il appartient à la809 PLATES-FORM PETROLIÈRES (ARRET)
Cour, conformémentau paragraphe 2 de l'article XXI du traitéde 1955,
de trancher le différend ainsi néentre les deux Etats.
13. Dans la suite de la procédure,l'Iran a précisé etdéveloppé cette
argumentation. Dans son mémoire,le demandeur a en effet soutenu que
les Etats-Unis avaient également enfreint les dispositions du para-
graphe 1 de l'article IV du traitéde 1955.Lors des audiences, il a exposé
que «[s]a demande ...se fonde rigoureusement sur trois dispositions bien
déterminéesdu traité d'amitiéde 1955et que la Cour peut régler ledif-
férend qui lui est soumis sur la base de ce traité exclusivement». La
requête iranienne, a-t-il étajouté, a pour fondement ces trois disposi-
tions et «non pas la violation de l'objet et du but du traité dans son
ensemble)).Quant au droit international générali,l n'est pas invoquépar
l'Iran en tant que tel, mais «pour déterminer la teneur et la portéedes
obligations découlantdu traité)).Ainsi, dans le dernier étatde son argu-
mentation, l'Iran prétendseulement que l'article premier, le paragraphe 1
de l'article IV et le paragraphe 1 de l'article X du traitéde 1955 ont été
méconnuspar les Etats-Unis. Le différend ainsinérelèverait de la com-
pétence dela Cour par application du paragraphe 2 de l'article XXI du
mêmetraité.
14. Les Etats-Unis soutiennent pour leur part que la requête iranienne
est sans aucun rapport avec le traitéde 1955.Ils soulignent que, par voie
de conséquence,le différendapparu entre eux et l'Iran n'entre pas dans
les prévisionsdu paragraphe 2 de l'article XXI du traitéet en déduisent
que la Cour doit se déclarer incompétentepour en connaître.
15. La Cour relèvera pour commencer que les Parties ne contestent
pas que le traitéde 1955étaiten vigueur à la date d'introduction de la
requête de l'Iran et est d'ailleurs toujours en vigueur. La Cour rappellera
qu'elle avait décidé en1980 que le traité de 1955 était alors applicable
(Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran,arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, p. 28, par. 54); aucune circonstance n'a portéeen
l'espèceà sa connaissance, qui pourrait l'amener aujourd'hui a s'écarter
de cette façon de voir.
Aux termes du paragraphe 2 de l'article XXI de ce traité:
«Tout différend qui pourrait s'éleverentre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation oà l'application du présent
traitéet qui ne pourrait pas êtrerégd'une manière satisfaisantepar
la voie diplomatique sera portédevant la Cour internationale de Jus-
ticeà moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de
le réglerpar d'autres moyens pacifiques.
16. Il n'est pas contesté que plusieurs des conditionsfixéespar ce texte
sont en l'espèceremplies: un différends'estélevéentre l'Iran et les Etats-
Unis; ce différend n'apu êtreréglépar la voie diplomatique et les deux810 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
Etats ne sont pas convenus «de le réglerpar d'autres moyens pacifiques))
comme prévu à l'article XXI. En revanche, les Parties s'opposent sur la
question de savoir si le différend surgi entre les deux Etats en ce qui
concerne la licéitdes actions menéespar les Etats-Unis contre les plates-
formespétrolièresiraniennesest un différend«quant àl'interprétation ou
à l'application» du traité de 1955.Afin de répondre àcette question, la
Cour ne peut se borner à constater que l'une des Parties soutient qu'il
existe un tel différendet que l'autre le nie. Elle doit rechercher si lesvio-
lations du traitéde 1955alléguées par l'Iran entrent ou non dans les pré-
visions de cetraité etsi,par suite, le différendest de ceux dont la Cour est
compétente pour connaître ratione materiae par application du para-
graphe 2 de l'article XXI.
17. L'exception d'incompétence desEtats-Unis comporte deux volets.
L'un concerne l'applicabilité du traité de 1955 en cas d'emploi de la
force; l'autre est relatifla portéede divers articles de ce traité.
18. La Cour se penchera tout d'abord sur l'argumentation du défen-
deur selon laquelle le traitéde 1955ne saurait s'appliquera des questions
concernant l'emploi de la force. Dans cette perspective, les Etats-Unis
exposent que l'attaque et la destruction des plates-formes pétrolières
«ont eu lieu dans le contexte d'une longue séried'attaques menées
par des forces militaires et paramilitaires iraniennes contre des na-
vires des Etats-Unis et d'autres pays neutres exerçant des activités
commerciales pacifiques dans le golfe Persique)).
D'aprèsle défendeur,«peu importe la qualificationque l'on peut donner
de cesincidents de conflitarmé));pour l'essentiel,le différendporte sur la
licéitéd'actions menéespar les forces navales des Etats-Unis «dans le
cadre d'opérations de combat)). Or, les traitésd'amitié, de commerceet
de navigation ont pour but
«de protégerle patrimoine et les intérêtsdes citoyens et des sociétés
des Etats-Unis dans le territoire de l'autre partie, et de leur garantir
un traitement équitable et non discriminatoiredans l'exerciced'acti-
vitéscommerciales, industrielleset financièresdans chacun des pays
considérés,en contrepartie de garanties identiques accordées aux
ressortissants de cesautres pays sur le territoire des Etats-Unis. Il n'y
a tout simplement aucun rapport entre, d'une part, les dispositions
du traité, de caractère purement commercial et consulaire et, d'autre
part, la requête etle mémoire de l'Iran, qui sont exclusivement axés
sur des allégationsde recours illicità la force armée.))
En fait, selon les Etats-Unis, les demandes de l'Iran soulèventdes ques-811 PLATES-FORM PETROLIÈRES (ARRÊT)
tions relativesàl'emploidela force, et ces questions n'entrent pas dans le
champ d'application du traité de 1955. La Cour serait pour ce motif
incompétentepour connaître des conclusions du demandeur.
19. Dans ses observations et conclusions sur l'exception préliminaire
des Etats-Unis, l'Iran soutient que le différend qui s'est élevéentre les
Parties concerne l'interprétation ou l'application du traité de 1955. Il
demande en conséquence que l'exception soitrejetéeou, subsidiairement,
qu'au cas où elle ne le serait pas d'embléeelle soit regardée comme ne
revêtantpas un caractère exclusivement préliminaire, au sens du para-
graphe 7 de l'article 79 du Règlement.
20. La Cour relèvera d'abord quele traitéde 1955ne contient aucune
disposition excluant expressémentcertaines matières de la compétence de
la Cour. Certes le paragraphe 1 d) de l'article XX dispose que:
«1. Le présent traiténe fera pas obstacle à l'application de me-
sures:
d) ..nécessaires àl'exécution des obligations de l'uneou l'autre des
Hautes Parties contractantes relatives au maintien ou au réta-
blissement de la paix et de la sécuritéinternationales ou la pro-
tection des intérêts vitaux de cetteHaute Partie contractante sur
le plan de la sécurité.
Ce texte pourrait être interprété comme excluant certaines mesures du
champ mêmed'application du traité et,par voie de conséquence, comme
excluant de la compétencede la Cour l'appréciation de lalicéité de telles
mesures. Mais il pourrait aussi êtrecompris comme ouvrant seulement
une défenseau fond. La Cour, dans son arrêt du27juin 1986en l'affaire
des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contrecelui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), a adopté la seconde interpréta-
tion pour l'application d'une clause identique figurant dans le traité
d'amitié, de commerce et de navigation concluentre les Etats-Unis et le
Nicaragua le 21janvier 1956 (C.I.J. Recueil 1986, p. 116, par. 222, et
p. 136,par. 271). L'Iran soutient en l'espèceque la Cour devrait donner
la mêmeinterprétation au paragraphe 1 d) de l'article XX. Quant aux
Etats-Unis, ils ont, dans le dernier état de leur argumentation, déclaré
qu'«aborder la question de l'interprétation et de l'application du para-
graphe 1 d) de l'article XX relevait de l'examen au fond)). La Cour ne
voit aucune raison d'aboutir à des conclusions différentes decelles aux-
quelles elle étaitparvenue en 1986. Elle estime, par suite, que le para-
graphe 1 d) de l'article XX ne restreint pas sa compétencedans la pré-
sente affaire, mais offre seulement aux Parties une défenseau fond qu'il
leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoirle moment venu.
21. Le traitéde 1955met à la charue de chacune des Parties des obli-
gations diverses dans des domaines variés. Toute action de l'une des
Parties incompatible avec ces obligations est illicite, quels que soient les
moyens utilisés à cette fin. La violation, par l'emploi de la force, d'un
droit qu'une partie tient du traitéest tout aussi illiciteque le serait sa vio-lation par la voie d'une décisionadministrative ou par tout autre moyen.
Les questions relativesà l'emploi dela force ne sont donc pas excluesen
tant que telles du champ d'application du traité de 1955. L'argumenta-
tion exposéesur ce point par les Etats-Unis doit de ce fait être écartée.
22. En second lieu, les Parties s'opposent sur l'interprétationdonner
à l'articlepremier, au paragraphe 1de l'article IV et au paragraphe 1 de
l'article du traité de 1955.Selon l'Iran, les actions qu'il reproche aux
Etats-Unis seraient de nature à porter atteinte à ces dispositions et la
Cour serait par suite compétente vatione mateviae pour connaître de la
requête.Selon les Etats-Unis, il n'en serait rien.
23. La Cour rappellera que, selon le droit international coutumier tel
qu'exprimé à l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des
traitésdu 23 mai 1969,un traité doit être interprétdée bonne foi suivant
le sensordinaire à attribuerà sestermes dans leur contexteet à la lumière
de son objet et de son but. Selon l'article 32, ilpeut être fait apàtitre
complémentaire àdesmoyensd'interprétation tels que les travaux prépa-
ratoires et les circonstancesdans lesquellesle traitéa étéconclu.
24. L'article premier du traité de 1955 dispose que: «Il y aura paix
stable et durable et amitié sincèreentre les Etats-Unis...et l'Iran.»
25. L'Iran soutient que cette disposition
«ne secontente pas de formuler une recommandation ou un désir ...,
mais impose des obligations effectives aux parties contractantes et
oblige celles-ci maintenir des relations pacifiques et amicales du-
rables».
Cette interprétation s'imposerait dans le contexte et serait renforcéepar
les circonstancesdans lesquellesle traitéa étéconclu. Elle serait la seule
qui permettrait de donner un ((effetutile)à l'article premier. Ce dernier
exigerait dèslors des Parties
«de se conduire au minimum, chacune à l'égard de l'autre, confor-
mément aux principes et règles de droit international généralen
matièrede relations pacifiques et amicales)),
et notamment conformément aux dispositions pertinentes de la Charte
des Nations Unies et du droit coutumier régissant l'usage de la force,
ainsi qu'à la résolution2625 (XXV) de l'Assembléegénéralesur les rela-
tions amicales entre Etats. Pour l'Iran,
«toute violation par une partie aux dépens del'autre des règlesde
droit international en matière de menace et d'emploi de la force,813 PLATES-FORM PESROLIÈRES (ARRÊT)
ainsi qu'en matière de relations amicales entre les Etats, eàtconsi-
déreren mêmetemps comme une violation du traité d'amitié)).
Dès lors, la Cour serait compétente pour apprécier lalicéitédes actions
armées desEtats-Unis au regard des dispositions de l'article premier du
traitéde 1955et, par voie de conséquence, desrèglesde droit internatio-
nal général ainsi«incorporées» dans le traité.
26. Les Etats-Unis estiment à l'inverse que l'Iran ((accorde une portée
excessive à l'article premier)). Ce texte, selon le défendeur, ((n'énonce
aucunenorme)), mais constitue seulementl'«expression d'un vŒu».Cette
interprétation s'imposerait dans le contexte et compte tenu du caractère
((purement commercial et consulaire » du traité. Elle correspondraità la
commune intention des Parties. Elle serait confirméepar lescirconstances
dans lesquelles le traité a été conclu etpar la pratique des Parties. Par
voie deconséquencelecomportement des Etats-Unis ne saurait en l'espèce
êtreappréciéau regard des dispositions de l'article premier. La Cour ne
serait pas compétente pour connaître des conclusions de l'Iran fondées
sur cet article.
27. L'article premier dispose qu'«[il1y aura paix stable et durable et
amitié sincère))entre les deux Etats contractants. La Cour estime qu'une
formulation aussi généralenesaurait êtreinterprétée indépendamment de
l'objet et du but du traitédans lequel elle est insérée.
Il est des traités d'amitié qui contiennent non seulement une disposi-
tion du type de celle figurantà l'article premier, mais encore des clauses
ayant pour objet d'en préciserles conditions d'application: rappel expli-
cite de certaines dispositions de la Charte des Nations Unies; consulta-
tion des parties dans certaines circonstances, en particulier en cas de
conflit arméavec un Etat tiers; ou encore coopération en cas de troubles
de voisinage.Tel était par exemple le cas du traitéd'amitiéet de bon voi-
sinage entre la République française et le Royaume-Uni de Libye, du
10 août 1955, que la Cour a eu à interpréter dans son arrêt du3 février
1994 en l'affaire du Différend territorial (Jarnahiuiya arabe libyenne/
Tchad) (C.I.J. Recueil 1994, p. 6). Mais tel n'est pas le cas en l'espèce.
L'article premier s'insèreen effet non dans un traité de ce type, mais
dans un traité d'«amitié,de commerce et de droits consulaires» ayant
pour objet, selon les termes du préambule, «d'encourager les échanges et
les investissements mutuellement profitables et l'établissement de rela-
tions économiquesplus étroites »ainsi que ((derégler[les]relations consu-
laires)) entre les deux Etats. Le traité règleles conditions de séjour des
ressortissants de l'une des parties sur le territoire de l'autre partie (art. II),
le statut des sociétésetl'accèsaux tribunaux et àl'arbitrage (art. III), les
garanties offertes aux ressortissants et sociétésde chacune des parties
contractantes ainsi qu'à leurs biens et entreprises (art. IV), les modalités
d'achat et de vente des immeubles et la protection de la propriétéintel-
lectuelle (art. V), le régime fiscal(art. VI), celui des transferts (art. VII),
lesdroits de douane et autres restrictionsl'importation (art. VI11et IX),814 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
la libertéde commerce et de navigation (art. X et XI), ainsi que les droits
et obligations des consuls (art. XII XIX).
28. Ainsi l'objet etle but du traité de 1955n'étaientpas d'organiser les
relations pacifiques et amicales entre les deux Etats de manière générale.
L'article premier ne saurait dès lors être interprécomme incorporant
dans le traité l'ensemble des dispositions du droit international concer-
nant de telles relations. A la vérité,en insérant dans le corps mêmedu
traitéla formule figurant àl'article premier, les deux Etats ont entendu
souligner que la paix et l'amitié constituaient la condition du développe-
ment harmonieux de leurs relations commerciales, financières et consu-
laires et qu'un tel développement renforcerait à son tour cette paix et
cette amitié.Par voie de conséquence, l'article premierdoit être regardé
comme fixant un objectif à la lumière duquel les autres dispositions du
traitédoivent être interprétées et appliquées.
Cette conclusion est conforme à celleàlaquelle la Cour était parvenue
en 1986quand, àl'occasion del'interprétationdu traité d'amitiéde 1956
entre les Etats-Unis et le Nicaragua, elle a préciséde manière générale
:
que
«lorsqu'un traité d'amitiéest en cause, il doit nécessairement exister
une distinction entre la grande catégorie des actes inamicaux et la
catégorieplus étroite d'actes tendant faire échouerle but et l'objet
du traité. Ce but et cet objet sont de manifester une amitiéeffective
dans les domaines précis prévuspar le traité, et non une amitiéen un
sens vague et général.))C.I.J. Recueil 1986, p. 137,par. 273.)
29. La Cour doit maintenant porter son attention sur les documents
produits par lesPartiesàl'appui de leurspositions respectivesconcernant
le sensà donner à l'article premier. A cet égard,on peut penser que, si cet
article avait la portée que'Iran lui donne, les Parties auraient été ame-
nées à en relever l'importance lors des négociations ou du processus de
ratification. Or aucun document iranien n'a étprésenté àla Cour en vue
d'étayer cettethèse.Quant aux documents des Etats-Unis fournis par les
deux Parties, ils montrent qu'à aucun moment les Etats-Unis n'ont
regardé l'articlepremier comme ayant le sens qui lui est aujourd'hui prêté
par le demandeur.
Une clause de ce type a étéinséréeaprès la fin de la seconde guerre
mondiale dans quatre des traités d'amitié et decommerce ou de relations
économiques conclus par les Etats-Unis, ceux passés avec la Chine,
1'Ethiopieetl'Iran, ainsiqu'avecOmanet Mascate.Certes,lors dela négo-
ciation du traité avec la Chine, le départementd'Etat des Etats-Unis avait
indiqué dans un mémorandum adressé à son ambassade à Chongqing
que, si une telle clause n'était pas habituelle dans les traitésde ce genre
conclus par les Etats-Unis, son inclusion n'en était pas moins justifiée
en l'occurrence «par les étroites relations politiques qui existent entre
la Chine et les Etats-Unis)). Mais, lors des débats au Sénataméricain
ayant précédé la ratification des quatre traités, laclause, d'aprèsles élé-815 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRET)
ments portés à la connaissance de la Cour, ne semble avoir fait l'objet
d'aucune attention particulière. Tout au plus le message du secrétaire
d7Etat transmettant au Sénatle traitéavec l'Ethiopie, après avoir citéles
dispositions en cause, ajoutait-il:
«Ces dispositions, bien qu'elles ne figurent pas dans des traités
récentsd'amitié,de commerce et de navigation, sont conformes au
caractère de ces instruments et servent souligner le caractère essen-
tiellement amical du traité.))
Quant à la clause de règlement des différendsfigurant dans la plupart des
traités d'amitié etde commerce conclus par les Etats-Unis depuis 1945,
elle semble avoir étéconstamment présentéepar le département d'Etat
comme ((limitée aux différends dont la cause immédiate est le traité
concerné lui-même)),ce type de traité portant sur des ((questionsfami-
lières))ayant fait l'objet d'une ((jurisprudence abondante)).
30. La pratique suivie par les Parties en ce qui concerne l'application
du traiténe conduit pas àdes conclusions différentes. Les Etats-Unis ne
se sont jamais prévalus de cet article à l'encontre de l'Iran; ils n'ont
notamment pas invoqué ce texte dans l'affaire du Personnel diplomatique
et consulairedes Etats-Unis à TéhéranL . 'Iran ne s'en estpas davantage
prévalu, par exemple dans la procédure devant la Cour en l'affaire de
l'Incident aériendu 3juillet 1988.
31.A la lumière de ce qui précède,la Cour estime que l'objectif de
paix et d'amitié proclamé à l'article premier du traité de 1955 est de
nature à éclairer l'interprétation des autres dispositions du traité, et
notamment celledes articles IV et X. L'article premier n'est ainsipas sans
portéejuridique pour une telle interprétation, mais il ne saurait, pris iso-
lément,fonder la compétence dela Cour.
32. Le paragraphe 1 de l'article IV du traité de 1955dispose que:
((Chacune des Hautes Parties contractantes accordera en tout
temps un traitement juste et équitable aux ressortissants et aux
sociétésde l'autre Haute Partie contractante, ainsi qu'à leurs biens et
à leurs entreprises; elle ne prendra aucune mesure arbitraire ou dis-
criminatoirepouvant porter atteinte àleurs droits ouà leurs intérêts
légalementacquiset, en conformitédes lois applicables en la matière,
elle assurera des voies d'exécutionefficacesà leurs droits contrac-
tuels légitimement nés.)
33. L'Iran soutient que ce texte impose à chacune des Parties l'obli-
gation d'assurer aux ressortissants et aux biens de l'autre Partie un
traitement ((juste et équitable)) et de ne prendre à leur égard aucune
((mesure arbitraire ou discriminatoire)), en quelque lieu que se trouvent
ces ressortissants ou ces biens.appartiendrait par suiteà la Cour d'ap-816 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRET)
précierla licéité desactions armées desEtats-Unis au regard de ces dis-
positions.
34. Les Etats-Unis estiment au contraire que
«le paragraphe 1 de l'article IV vise letraitement que doit accorder
chacune des Parties aux ressortissantset sociétésdel'autre Partie qui
viennent sur son territoire pour des motifs commerciaux ou privés)).
Ils soutiennent que ce texte
«ne peut pas s'analyser comme un engagement global de chacune
des Parties d'éviter decauser tout dommageaux ressortissantset aux
sociétés del'autre Partie, où que ceux-ci se trouvent)).
Les Etats-Unis rappellent que les actions que l'Iran leur reproche ne
concernent pas des ressortissants ou sociétésiraniennes se trouvant sur le
territoire des Etats-Unis. Dèslors, selon eux, leur comportement ne sau-
rait être appréciéen l'espèceau regard du paragraphe 1de l'article IV.La
Cour ne serait donc pas compétente pour connaître des conclusions de
l'Iran fondées surce texte.
35. La Cour observera tout d'abord que le paragraphe 1de l'articleIV,
contrairement aux autres paragraphes du mêmearticle, ne comporte
aucune limitation territoriale. La garantie généraleofferte par le para-
graphe 1a de cefait une portéeplus vaste que les obligationsparticulières
énoncéesenmatière d'expropriation, de troubles dejouissance ou de ges-
tion des entreprises par les autres paragraphes. La Cour ne saurait par
suite accueillir l'argumentation des Etats-Unis sur ce point.
36. Mais la Cour ne saurait davantage retenir la thèse iranienne. En
effet, le paragraphe 1 de l'article IV précise que les ressortissants et
sociétésde l'une des parties contractantes ainsi que leurs biens et entre-
prises doivent être traitéspar l'autre partie de manière «juste et équi-
table)). Ce texte prohibe les mesures arbitraires ou discriminatoirespou-
vant porter atteinte à certains droits et intérêts deces ressortissants et
sociétés.Il précise enfinque des voies d'exécutionefficaces doivent être
assurées à leurs droits contractuels légitimement nés. L'ensemblede ces
dispositions vise la manière dont les personnes physiques et morales en
cause doivent, dans l'exercice de leurs activités privéesou profession-
nelles, être traitéespar 1'Etat concerné. En d'autres termes, ces dispo-
sitions détailléesont pour objet le traitement par chacune des parties des
ressortissants et sociétés del'autre partie ainsi que de leurs biens et en-
treprises. De telles dispositions ne couvrent pas les actions menéesen
l'espècepar les Etats-Uniscontre l'Iran. Le paragraphe 1de l'articleIV ne
pose donc pas de normes applicables au cas particulier. Cet article ne
saurait dèslors fonder la compétence dela Cour.817 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
37. Ilrestà déterminerquellesconséquencespeuventêtretiréesdupara-
graphe 1 de l'article X du traitéde 1955pour ce qui est de la compétence
de la Cour.
Ce paragraphe est ainsi libellé:«Il y aura liberté de commerce et de
navigation entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes.
38. Il n'a pas étprétendupar le demandeur qu'une action militaire ait
porté atteinteà sa libertéde navigation. Dès lors, la question que la Cour
doit trancher aux fins de se prononcer sur sa compétence est celle de
savoir si les actions quel'Iran reproche aux Etats-Unis étaient suscep-
tibles de porter atteintàla «libertéde commerce)) telle que garantie par
la disposition précitée.
39. L'Iran a exposé quele paragraphe 1de l'article X ne vise pas seu-
lement le commercemaritime, mais le commerce en général;qu'il protège
celui-ci sans restriction territoriale; et qu'il couvre, outre les activités
d'achat et de vente de marchandises, celles qui, en amont, permettent
auxdites marchandises de parvenir au stade des échanges.La Cour serait
par suite compétente pour apprécier la licéitédes actions armées des
Etats-Unis au regard de cette disposition.
40. Les Etats-Unis, pour leur part, ont soutenu que tel n'étaitpas le
cas et ont avancé, àl'appui de leur thèse,une interprétation plus restric-
tive du mot «commerce» dans la disposition en cause. Selon eux, ce mot
doit être entenducomme ne couvrant que le commerce maritime; comme
ne visant que le commerce entre les Etats-Unis et l'Iran; et comme dési-
gnant uniquement les activités de vente ou d'échangeeffectifs de mar-
chandises.
41. La Cour doit tenir dûment compte de ce que le paragraphe 1 de
l'article X, où figure le mot «commerce», est suivi d'autres paragraphes,
qui traitent manifestement du commerce maritime. Toutefois, elle estime
que cet élémentn'estpas suffisant pour restreindre la portée decemot au
commerce maritime, le traité renfermant par ailleurs des indications
d'une intention desparties de réglerlesquestions commercialesdemanière
générale.A cet égard,la Cour prend également acte des dispositions de
l'article XXII du traité,qui préciseque celui-ci remplace notamment un
accord provisoire relatif aux relations commerciales et autres, conclu
à Téhéranle 14 mai 1928. Le traité de 1955 est donc un traité relatif
au commerce en général,qui ne se borne pas au seul commerce mari-
time.
42. Il convient en outre d'envisager toute la gamme d'activitésaux-
quelles le traité s'étend;ainsi,l'article IV, il est reconnu aux sociéles
droit de mener leurs activités, de conserver le contrôle et la gestion de
leurs entreprises et de «faire tout ce qui est nécessaireou utàla bonne
marche de leurs affaires».
43. Dans cescirconstances, la thèse selonlaquelle lemot «commerce»,
au paragraphe 1 de l'article X, ne viserait que le commerce maritime
n'emporte pas la conviction de la Cour.
44. La Cour n'a pas à se pencher sur la question de savoir si cette dis-
position ne s'applique qu'au commerce «entre» les Parties. Celles-ci necontestent en effet pas que les exportations de pétrolede l'Iran vers les
Etats-Unis se soient - dans une certaine mesure - poursuivies au moins
jusqu'à une date postérieure à la destruction du premier ensemble de
plates-formes pétrolières.
45. La Cour doit maintenant examiner l'interprétation suivantlaquelle
le mot «commerce», au paragraphe 1de l'article X, ne désigneraitque les
activitésd'achat et de vente. Selon cette interprétation, la protection
offerte par cette disposition ne s'étendrait pas auxactivités enamont qui
sont essentiellesau commerce, telles que par exemple l'obtention de biens
en vue d'une utilisation commerciale.
De l'avis de la Cour, rien nyndique que les parties au traité aient
entendu utiliser le mot «commerce» dans un sens différentdecelui géné-
ralementadmis. Or le mot «commerce»,dans son acception usuelle, ne se
limite pas aux seules activitésd'achat et de vente; il a des connotations
qui dépassent le simple fait d'acheter et de vendre, et comprend ((l'en-
semble des transactions, arrangements, etc., nécessaires à cette fin»
(The Oxford English Dictionary, 1989, vol. 3, p. 552 [traduction du
Greffeel).
Dans le langagejuridique, ce terme n'est pas non plus limitéaux acti-
vitésd'achat et de vente puisqu'il peut viser
«non seulement l'achat, la vente ou les échanges demarchandises,
mais aussi les instruments et les agents qui favorisent ces échangeset
lesmoyens et opérationspar lesquels ceux-cis'effectuent, ainsique le
transport des personneset des marchandises, que ce soit par voie ter-
restre ou par voie maritime)) (Black'sLaw Dictionary, 1990,p. 269
[traduction du Greffe 1).
De même,l'expression ((commerceinternational)) désigne,dans son sens
propre, ((l'ensemble des transactions à l'importation et à l'exportation,
des rapports d'échange,d'achat, de vente, de transport, des opérations
financières, entre nations)) et, parfois même,((l'ensemble des rapports
économiques,politiques, intellectuels entre Etats et entre leurs ressortis-
sants» (Dictionnairede la terminologie du droit international (établisous
l'autoritédu Président Basdevant), 1960,p. 126).
Ainsi, que le mot «commerce» soit pris dans son sens le plus commun
ou au sensjuridique, au plan interne ou international, il revêtune portée
qui excèdela seule référenceaux activitésd'achat et de vente.
46. Les traités portant sur des questions commerciales règlent une
vaste gamme de questions accessoires liéesau commerce, telles que le
transport maritime, la circulation des biens et des personnes, le droit de
fonder et d'exploiter des entreprises,la protection contre les voies de fait,
la liberté de communication, l'acquisition et la jouissance des biens. Par
ailleurs, dans son rapport intitulé «Développement progressif du droit
commercial international)), le Secrétairegénéral desNations Unies cite,
parmi diverses questions relevant du droit commercial international, la
conduite d'activités commerciales relatives au commerce international,
les assurances, le transport et d'autres sujets (Nations Unies,DocumentsofJiciels de l'Assembléegénérale, vingt et unième session, annexes,
point 88 de l'ordre dujour, doc. Al6396; égalementreproduit dans Basic
Documents on International Trade Law, Chia-Jui Cheng (dir. publ.),
2" éd.revisée,p. 3).
La Cour observe que le traité de 1955 règle également, dans ses ar-
ticles généraux, unegrande variété de questions accessoires liéesau com-
merce.
47. Il y a lieu de relever en outre que, dans sa version originale
anglaise, le titre mêmedu traité de 1955 - contrairement à celui de la
plupart des traités semblables conclus par les Etats-Unis à la même
époque, tel le traitéde 1956entre les Etats-Unis et le Nicaragua - vise,
à côté de l'«amitié» et des ((droits consulaires », non le ((commerce»
(((Commerce»)mais, plus largement, les ((relations économiques»(((Eco-
nomic Relations »).
48. La Cour rappellera au demeurant que, dans la décisionrendue en
l'affaire Oscar Chinn (C.P.J.I. sérieA/B no 63, p. 65), la Cour perma-
nente de Justice internationale a eu l'occasion d'examiner la notion de
liberté du commerce au regard de l'article premier de la convention de
Saint-Germain. Le différendporté devant la Cour avait pour origine des
mesures prises par le Gouvernement belge en matière de trafic fluvial sur
les voies d'eau du Congo. La Cour permanente a affirmé:
«La libertédu commerce, telle qu'elle résultede la convention, est
la faculté,en principe illimitée,de se livrer toute activitécornmer-
ciale, que celle-ciait pour objet le négoceproprement dit, c'est-à-dire
la vente et l'achat des marchandises, ou qu'elle s'appliqueà l'indus-
trie et notamment a l'industrie des transports, qu'elle s'exerce à
l'intérieur ou qu'elle s'exerce avec l'extérieur par importation ou
exportation.» (Ibid., p. 84.)
Ainsi la libertédu commerce a étéentendue par la Cour permanente
comme ne visant pas seulement des activitésd'achat et de vente de biens,
mais encore l'industrie et notamment l'industrie des transports.
49. La Cour conclut de tout ce qui précèdequ'il serait naturel d'inter-
préter le mot «commerce» au paragraphe 1 de l'article X du traité de
1955 comme incluant des activités commerciales en général - non seu-
lement les activitésmêmesd'achat et de vente, mais également les acti-
vités accessoiresqui sont intrinsèquement liéesau commerce.
50. La Cour ne saurait en tout étatde cause perdre de vue que le para-
graphe 1 de l'article X du traité de 1955 ne protège pas à proprement
parler le «commerce» mais la ((liberté de commerce)). Tout acte qui
entraverait cette «liberté» s'entrouve prohibé. Or, saufà rendre une telle
liberté illusoire, il faut considérer qu'elle pourrait êtreeffectivement
entravéedu fait d'actes qui emporteraient destruction de biens destinés à
être exportés, ou qui seraientsusceptibles d'en affecter le transport et le
stockage en vue de l'exportation.
La Cour relèvera à ce sujet que le pétrole pompé à partir des plates-
formes attaquées en octobre 1987passait de ces plates-formes au termi-na1pétrolierde l'île de Lavan par le moyen d'un oléoduc sous-marin et
que l'installation de Salman, qui a fait l'objet de l'attaque d'avril 1988,
était aussi reliéeau terminal pétrolier de Lavan par un oléoduc sous-
marin.
51. La Cour observe que la production pétrolière de l'Iran, piècemaî-
tresse de l'économie decepays, constitueune composantemajeure de son
commerce extérieur.
En l'étatactuel du dossier,la Cour n'est certespas en mesure de déter-
miner si et dans quellemesure la destruction des plates-formes pétrolières
iraniennes a eu des conséquencessur l'exportation du pétroleiranien; elle
n'en constate pas moins que cette destruction était susceptible d'avoir un
tel effet et de porter par suite atteintea libertéde commerce telle que
garantie par le paragraphe 1de l'article X du traité de 1955.Sa licéité est
dèslors susceptible d'êtreappréciéeau regard de ce paragraphe. L'argu-
mentation exposéesur ce point par les Etats-Unis doit être écartée.
52. Les conclusions auxquelles la Cour est parvenue ci-dessusen ce qui
concerne le paragraphe 1 de l'article X sont confirméespar la nature du
traité dans lequel cette disposition s'inscrit. Son article premier a été
rédigé, commeil a déjàété observée,n des termes si généraux qu'ilne
saurait àlui seul créer des droits et obligationsjuridiques. Toutefois, cela
ne signifie pas qu'il ne puisse être invoqué auxfins de l'interprétation
d'autres dispositions du traité. La Cour ne saurait perdre de vue que
l'articlepremier affirme en des termes générauxqu'ily aura paix stable et
durable et amitiésincèreentre les Parties. L'esprit qui anime cet article et
l'intention qu'il exprime inspirent l'ensemble du traité et lui donnent sa
signification; ils doivent, en cas de doute, inciter la Cour à adopter
l'interprétation quisemble la plus conforme à l'objectif général'établir
des relations amicales dans tous les domaines d'activitécouverts par le
traité.
53. En considération de ce qui précède,la Cour conclut qu'il existe
entre les Parties un différendquantà l'interprétation eà l'application du
paragraphe 1 de l'article X du traitéde 1955; que ce différendentre dans
les prévisions dela clause compromissoire figurant au paragraphe 2 de
l'article XXI du traité; et que la Cour est par suite compétente pour
connaître dudit différend.
54. Ayant ainsi à rejeter l'exception préliminaire soulevéear lesEtats-
Unis, la Cour constate que les conclusions par lesquelles l'Iran l'a priée,
à titre subsidiaire, de dire que cette exception ne revêtaitpas, dans les
circonstances de l'espèce,un caractère exclusivement préliminaire sont
devenues sans objet.821 PLATES-FORM PETROLIÈRES (ARRÊT)
55. Par ces motifs,
1) Rejette, par quatorze voix contre deux, l'exception préliminairedes
Etats-Unis d'Amériqueselon laquelle letraitéde 1955ne saurait d'aucune
manière fonder la compétence dela Cour;
POUR: M. Bedjaoui, PrésidentMM. Guillaume, Shahabuddeen,Weera-
mantry, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin,
Ferrari Bravo,me Higgins,M. Parsa-Aranguren,jugesM. Rigaux,juge
ad hoc;
CONTRE: M. Schwebel,Vice-PrésidenM;. Oda,juge;
2) Dit, par quatorze voix contre deux, qu'ellea compétence, surla base
du paragraphe 2 de l'article XXI du traité de 1955, pour connaître des
demandes formuléespar la Républiqueislamique d'Iran au titre du para-
graphe 1 de l'article X dudit traité.
POUR: M. Bedjaoui, PrésidentMM. Guillaume, Shahabuddeen,Weera-
mantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin,
Ferrari Bravo,me Higgins,M. Parra-Aranguren,jugesM. Rigaux,juge
ad hoc;
CONTRE: M. Schwebel,Vice-PrésidenM;. Oda,juge.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de
la Paix, La Haye, le douze décembremil neuf cent quatre-vingt-seize, en
trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et les
autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Répu-
blique islamique d'Iran et au Gouvernement des Etats-Unis d7Amé-
rique.
Le Président,
(Signé) Mohammed BEDJAOUI.
Le Greffier,
(Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.
M. SHAHABUDDEE MN., RANJEVAM , meHIGGINSet M. PARRA-ARAN-
GURENju , ges, et RIGAUXj,uge ad hoc, joignentà l'arrêtles exposésde
leur opinion individuelle.
M. SCHWEBEV L,ice-Président,et M. ODA,juge, joignentà l'arrêtles
exposésde leur opinion dissidente.
(Paraphé) M.B.
(Paraphé) E.V.O.
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
AFFAIRE DESPLATES-FORMES PÉTROLIÈRES
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN c. ÉTATS-UNIS
D'AMÉRIQUE)
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS
CASE CONCERNING OIL PLATFORMS
(ISLAMIC REPUBLIC OF IRANv.UNITED STATES
OF AMERICA)
PRELIMINARY OBJECTION
JUDGMENT OF 12 DECEMBER1996 Mode officielde citation:
Plates-formes pétrolières(République islamiqued'Iran
c. Etats-Unis d'Amérique), exceptionpréliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 1996,3
Officia1cita:ion
Oil Platforms (Islamic Republic of Iran
v. United Stat1.C.J. Reports 1996, p. 803 Objection,Judgment,
ISSN 0074-4441 NOde vente: 683 1
Sales number
ISBN 92-1-070748-6 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
1996 ANNÉE 1996
12décembre
Rôle général
no 90 12 décembr1 e996
AFFAIRE DES PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN c. ÉTATS-UNIS
D'AMÉRIQUE)
EXCEPTION PRÉLIMINAIRE
Compétencede la Cour - Traité d'amitiéd , e commerce et de droits consu-
laires du 15 août 1955 - Traité envigueur.
Paragraphe 2 de l'article XXI - Différendn'ayantpu êtreréglé par la voie
diplomatique - Absence d'accordpour le régler par((d'autresmoyens paci-
fiques» - Différend((quant à l'interprétation ou à l'application» du traité.
Allégationselon laquellele traité ne saurait s'appliquer à des questionsconcer-
nant l'emploide laforce - Absence de dispositionexcluant expressémentcer-
taines matièresde la compétencede la Cour - Disposition duparagraphe 1 d)
de l'articleXX en tant que défenseaufond - Illicéitédes actions incompatibles
avec les obligations découlantdu traitéquels que soient les moyens utilisés.
Allégationselon laquelle les demandesde l'Iran ne sauraient être fondéessur
l'article premierdu traité - Interprétation à la lumièrede l'objet et du but du
traité- Objet et but étrangers à l'organisationgénérale des relationspacijiques
et amicales entre les parties - Documents produits et pratique suivie par les
Parties - Disposition non dénuéede portéejuridique pour l'interprétationdes
autres dispositionsmais ne pouvant, prise isolément,fonder la compétencede la
Cour.
Allégationselon laquelleles demandesde l'Iranne sauraient êtrefondéessur
le paragraphe 1 de l'article IV du traité - Disposition ne comportant aucune
limitation territoriale- Disposition ayant pour objet le traitement par chacune
des parties des ressortissantset sociétésde l'autre - Inapplicabilitédu para-
graphe 1 de l'article IV au casparticulier.
Allégationselon laquelle les demandesde l'Iran ne sauraient être fondéessur
leparagraphe 1 de l'articleX du traité - Sens du mot «commerce» dans cette
disposition - Portée non limitéeau commerce maritime - Portéenon limitée
aux activitésd'achat et de vente - Disposition protégeantla ((libertéde com-
merce» - Libertépouvant être effectivemententravéedufait d'actes qui em- INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
YEAR 1996 1996
12December
General List
12 December1996 No. 90
CASE CONCERNING OIL PLATFORMS
(ISLAMIC REPUBLIC OF IRAN v.UNITED STATES
OF AMERICA)
PRELIMINARY OBJECTION
Jurisdiction of the Court - Treaty of Amity, Economic Relations and Con-
sular Rights of 15 August 1955 - Treaty inforce.
Article XXI, paragraph 2 - Dispute not satisfactorily adjusted by diplomacy
- Lack of agreement to settle it by "otherpacific means" - Dispute "asto the
interpretation or application" of the Treaty.
Contention that the Treaty cannot apply to questions concerning the use of
force - Lack of any provision expressly excluding certain matters from the
jurisdiction of the Court - Article XX, paragraph 1 (d), as a defence on the
merits - Unlawfulness of actions incompatible with the obligationsJowing
from the Treaty, whatever the means employed.
Contention that the claims of Iran cannot be foztnded on Article I of the
Treaty - Interpretation in the light of the object andpurpose of the Treaty -
Object andpurpose not concerned with the general regulation of peaceful and
friendly relationsbetween theparties - Documents produced and practicefol-
lowed by the Parties - Provision not without legal signijicancefor the inter-
pretation of the other provisions butunable, taken in isolation, to be a basisfor
thejurisdiction of the Court.
Contention that the claims of Iran cannot be founded on Article IV, para-
graph 1, of the Treaty - Provision not including any territorial limitation -
Provision aimed at the treatment by each of the parties of the nationals and
companiesof the other - Inapplicability of Article IV, paragraph 1, to thepar-
ticular case.
Contention that the claims of Iran cannot be founded on Article X, para-
graph 1, of the Treaty - Meaning of the word "commerce" in thatprovision -
Scope not limited to maritime commerce - Scope not limited to activities of
purchase and sale - Provision protecting "jireedomof commerce" - Freedom
that might infact be impeded by acts entailing the destruction of goods destinedporteraient destruction de biens desàiêtreexportés,ou qui seraient suscep-
tiblesd'en affecter le transportet le stockage en vue deléxportationuc-
tion susceptible d'avoir des conséquences slu'rexportation dupétroleiranien et
deporter atteintela liberté decommerce tellequegarantiepar ladispositionen
cause - Licéitésusceptible d'êtreappréciée au regard edite disposition.
Conclusions subsidiaires devenues sans objet.
Présents: M. BEDJAOUP I,résidentM. SCHWEBEV Li,ce-Président;MM. ODA,
GUILLAUMS E, AHABUDDE WEEN, RAMANTRY R,ANJEVAH , ERCZEGH,
SHI, FLEISCHHAUEK R,OROMA,VERESHCHETIF NE, RRARIBRAVO,
MmeHIGGINS, M. PARRA-ARANGUR jEge,s; M. RIGAUXju, ge ad
hoc; M. VALENCIA-OSPINA Greffier.
En l'affaire des plates-formes pétrolières,
entre
la République islamiqued'Iran,
représentéepar
M. M. H. Zahedin-Labbaf, agent de la République islamique d'Iran auprès
du Tribunal des réclamationsEtats-UnisIIran,
comme agent ;
M. S. M. Zeinoddin, directeur des affairesjuridiqàela compagnie natio-
nale iranienne des pétroles,
M. James R. Crawford, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Whewell à l'université de Cambridge, membre de la Commission
du droit international,
M. Luigi Condorelli, professeur de droit international l'université de
Genève,
M. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d'appel de Paris et membre du bar-
reau de New York, cabinet Frere Cholmeley, Paris,
comme conseils et avocats;
M. Derek W. Bowett,C.B.E., Q.C., F.B.A., professeur éméritede droit inter-
national, ancien titulaire de la chaire Whewelll'université de Cam-
bridge,
M. N. A.Mansourian, conseillerjuridique au bureau des servicesjuridiques
internationaux de la République islamique d'Iran,
M. M. A. Movahed, conseillerjuridique principàlla compagnie nationale
iranienne des pétroles,
M. H. Omid, conseiller juridiqueà la compagnie nationale iranienne des
pétroles,
M. A. A. Mahrokhzad, conseiller juridiquà la compagnie nationale ira-
nienne des pétroles,
M. David S. Sellers,olicitor, cabinet Frere Cholmeley,Paris,
MmeLoretta Malintoppi, avocat à la Cour, cabinet Frere Cholmeley,Paris,
comme conseils,to be exported or capableof affecting their transportand storage with aview to
export - Destruction capable of having an effect upon the export trade in
Zranian oil and of having an adverse effect upon freedom of commerce as
guaranteed by the provision in question Lawfulness can be evaluated in
relation to that provision.
Subsidiarysubmissions no longer having any object.
JUDGMENT
Present: President BEDJAO UI Vice-President SCHWEB ELJudges ODA,
GUILLAUME S,HAHABUDDEW ENE, RAMANTR RYA,NJEVAH,ERCZEGH,
SHI,FLEISCHHAU KERR,OMA V,ERESHCHET FIN,RAR BIRAVOH,IGGINS,
PARRA-ARANGUREN; Judge ad hoc RIGAUX;Registrar VALENCIA-
OSPINA.
In the case concerning oil platforms,
between
the Islamic Republic of Iran,
represented by
Mr. M. H. Zahedin-Labbaf, Agent of the Islamic Republic of Iran to the
Iran-United States Claims Tribunal,
as Agent;
Dr. S. M. Zeinoddin, Head of LegalAffairs, National Iranian Oil Company,
Mr. James R. Crawford, WhewellProfessor of International Law, University
of Cambridge, Member of the International Law Commission,
Mr. Luigi Condorelli, Professor of International Law, University of Geneva,
Mr. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d'appel de Paris, Member of the
New York Bar, Frere Cholmeley, Paris,
as Counsel and Advocates;
Mr. Derek W. Bowett, C.B.E., Q.C., F.B.A., Whewell Professor Emeritus,
University of Cambridge,
Dr. N. A. Mansourian, Legal Adviser, Bureau of International Legal
Servicesof the Islamic Republic of Iran,
Dr. M. A. Movahed, Senior Legal Adviser, National Iranian Oil Company,
Dr. H. Omid, LegalAdviser, National Iranian Oil Company,
Dr. A. A. Mahrokhzad, LegalAdviser, National Iranian Oil Company,
Mr. David S. Sellers,Solicitor, Frere Cholmeley, Paris,
Ms Loretta Malintoppi, avocat à la Cour, Frere Cholmeley, Paris,
as Counsel, 805 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
et
les Etats-Unis d'Amérique,
représentéspar
M. Michael J. Matheson, conseiller juridique en exercice du département
d7Etat des Etats-Unis,
comme agent ;
M. John H. McNeill, conseiller juridique adjoint principal du département
de la défense desEtats-Unis,
M. Andreas F. Lowenfeld, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Rubin a la faculté dedroit de l'université de New York,
M. John R. Crook, conseillerjuridique adjoint chargé desquestions concer-
nant les Nations Unies au département d'Etat des Etats-Unis,
M. Sean Murphy, conseiller chargé des affairesjuridiques à l'ambassade des
Etats-Unis aux Pays-Bas,
M. Jack Chorowsky, assistant spécial auprès du conseiller juridique du
département d'Etat des Etats-Unis,
Le capitaine de frégate Ronald D. Neubauer, Judge Advocate General's
Corps de la marine des Etats-Unis,
comme conseils et avocats;
M. Allen Weiner, attaché àl'ambassade des Etats-Unis aux Pays-Bas, bureau
du conseiller chargé des affaires juridiques,
comme conseil,
ainsi composée,
après délibéré ecnhambre du conseil,
rend l'arrêtsuivant:
1. Le 2 novembre 1992, le Gouvernement de la Républiqueislamique d'Iran
(dénommée ci-après l'«Iran))) a déposéau Greffe de la Cour une requêteintro-
ductive d'instance contre le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique(dénom-
mésci-après les «Etats-Unis») au sujet d'un différend
«a[yant] pour origine l'attaque et la destruction de trois installations de
production pétrolière offshore,propriétéde la compagnie nationale ira-
nienne des pétroles et exploitéespar elle des fins commerciales, par plu-
sieurs navires de guerre de la marine des Etats-Unis, les 19octobre 1987et
18 avril 1988,respectivement)).
Dans sa requête,l'Iran soutenait que ces actes constituaient une ((violation
fondamentale)) de diverses dispositions du traité d'amitié, de commerce et de
droits consulaires entre les Etats-Unis etIran, signà Téhéranle 15août 1955
et entréen vigueur le 16juin 1957(dénommé ci-après le «traité de 1955»), ainsi
que du droit international. La requêteinvoquait comme base de compétencele
paragraphe 2 de l'article XXI du traitéde 1955.
2. Conformément au paragraphe 2 de l'article 40 du Statut, la requêtea été
immédiatement communiquéeau Gouvernement des Etats-Unis par le Gref-
fier; et, conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admià
ester devant la Cour ont été informés dlea requête. and
the United States of America,
represented by
Mr. Michael J. Matheson, Acting Legal Adviser, United States Department
of State,
as Agent;
Dr. John H. McNeill, Senior Deputy General Counsel, United States Depart-
ment of Defense,
Professor Andreas F. Lowenfeld, Rubin Professor of International Law,
New York University School of Law,
Mr. John R. Crook, Assistant Legal Adviser for United Nations Affairs,
United States Department of State,
Dr. Sean Murphy, Counselor for Legal Affairs, United States Embassy, The
Hague,
Mr. Jack Chorowsky, Special Assistant to the Legal Adviser, United States
Department of State,
Commander Ronald D. Neubauer, Judge Advocate General's Corps, United
States Navy,
as Counsel and Advocates;
Mr. Allen Weiner, Attaché (Office of the Legal Counselor), United States
Embassy, The Hague,
as Counsel,
THECOURT,
composed as above,
after deliberation,
delivers thefollowing Judgment:
1. On 2 November 1992, the Government of the Islamic Republic of Iran
(hereinafter called "Iran") filed in the Registry of the Court an Application
instituting proceedings against the Government of the United States of America
(hereinafter called "the United States") in respect of a dispute
"aris[ing] out of the attack [on] and destruction of three offshore oil pro-
duction complexes, owned and operated for commercial purposes by the
National Iranian Oil Company, by several warships of the United States
Navy on 19 October 1987and 18 April 1988, respectively".
In its Application, Iran contended that these acts constituted a "fundamental
breach" of various provisions of the Treaty of Amity, Economic Relations and
Consular Rights between the United States of America and Iran, which was
signed in Tehran on 15 August 1955 and entered into force on 16 June 1957
(hereinafter called "the Treaty of1955"), as well as of international law. The
Application invokes, as a basis for the Court's jurisdiction, Article XXI,ara-
graph 2, of the Treaty of 1955.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Application was
immediately communicated to the Government of the United States by the
Registrar; and, pursuant to paragraph 3 of that Article, al1States entitled to
appear before the Court were notified of the Application.806 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
3. Par une ordonnance du 4 décembre1992,le Présidentde la Cour a fixéau
31mai 1993la date d'expiration du délaipour le dépôtdu mémoirede l'Iran et
au 30 novembre 1993 la date d'expiration du délaipour le dépôt du contre-
mémoire desEtats-Unis.
4. Par une ordonnance du 3 juin 1993,le Président de laCour,à la demande
de l'Iran, a reportéaujuin 1993la date d'expiration du délaipour le dépôtdu
mémoire;la date d'expiration du délaipour le dépôtdu contre-mémoirea été
reportée, par la mêmeordonnance, au 16 décembre 1993. L'Iran a dûment
déposé son mémoire dans le délaiainsi prorogé.
5. Dans le délai, tel que prorogé, prescrit aux fins du dépôt du contre-
mémoire,lesEtats-Unis ont soulevéune exceptionpréliminaire à la compétence
de la Cour conformémentau paragraphe 1 de l'article 79 du Règlement dela
Cour. En conséquence,par une ordonnance du 18janvier 1994,le Présidentde
la Cour, constatant qu'en vertu des dispositions du paragraphe 3 de l'article 79
du Règlementla procédure surle fond étaitsuspendue, a fixéau le'juillet 1994
la date d'expiration du délaidans lequel l'Iran pourrait présenter un exposé
écrit contenant ses observations et conclusionssur l'exceptionpréliminairesou-
levéepar lesEtats-Unis. L'Iran a déposéuntel exposédans le délaiainsi fixé,et
l'affaire s'est trouvéeen état pour ce qui est de l'exception préliminaire.
6. La Cour ne comptant pas sur le siègede juge de nationalité iranienne,
l'Iran s'est prévaludu droit que lui confèrele paragraphe 2 de l'article 31 du
Statut de procéderà la désignationd'un juge ad hocpour siégeren l'affaire: il
a désignéM. François Rigaux.
7. Conformément au paragraphe 2 de l'article 53 du Règlement, la Cour a
décidéde rendre accessibles au public les piècesde procédure et documents y
annexésdéposésen l'instance à la date d'ouverture de la procédure orale sur
l'exception préliminaire.
8. Des audiencespubliques ont été tenues entrele 16et le 24 septembre 1996,
au cours desquelles ont étéentendus en leurs plaidoiries et réponses:
Pour lesEtats-Unis: M. Michael J. Matheson,
le capitaine de frégate Ronald D. Neubauer,
M. Andreas F. Lowenfeld,
M. John R. Crook,
M. Sean Murphy,
M. Jack Chorowsky.
Pour l'Iran M. M. H. Zahedin-Labbaf,
M. S. M. Zeinoddin,
M. Rodman R. Bundy,
M. Luigi Condorelli,
M. James R. Crawford.
A l'audience, des juges ont poséaux Parties des questions, auxquellesil a été
répondu par écrit, après la clôturede la procédure orale. Se référant aux dis-
positions de l'article 72 du Règlement,'Iran a fait tenàrla Cour des obser-
vations sur les réponses donnéespar les Etats-Unisà l'une de ces questions.
9. Dans la requête,les demandes ci-après ont été formuléepsar l'Iran:
«Sur la base de ce qui précède,eten se réservantle droit de compléteret
modifier les présentes conclusions en tant que de besoin au cours de la 3. By an Order dated 4 December 1992, the President of the Court fixed
31 May 1993 as the time-limit for the filing of the Memorial of Iran and
30 November 1993as the time-limit for the filing of the Counter-Memorial of
the United States.
4. By an Order of 3 June 1993,the President of the Court, at the request of
Iran, extended to 8June 1993the time-limit for the filing of the Memorial; the
time-limit for the filing of the Counter-Memorial was extended, by the same
Order, to 16December 1993.Iran duly filed its Memorial within the time-limit
thus extended.
5. Within the extended time-limit fixed for the filing of the Counter-Memo-
rial, the United States raised a preliminary objection to the jurisdiction of the
Court pursuant to Article 79, paragraph 1, of the Rules of Court. Conse-
quently, by an Order dated 18January 1994,the President of the Court, noting
that by virtue of Article 79, paragraph 3, oftheles of Court the proceedings
on the merits were suspended, fixed 1July 1994as the time-limit within which
Iran might present a written statement of its observations and submissionson
the preliminary objection raised by the United States. Iran fileduch a state-
ment within the time-limit so fixed, and the case became ready for hearing in
respect of the preliminary objection.
6. Sincethe Court included upon the Bench no judge of Iranian nationality,
Iran availed itself of its righter Article 31, paragraph 2, of the Statute of
the Court to choose a judge ad hocto sit in the case: it chose Mr. François
Rigaux.
7. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the pleadings
and annexed documents filed in the case were made accessibleto the public by
the Court as from the date of opening of the oral proceedings on theprelimi-
nary objection.
8. Public hearings were held between 16 and 24 September 1996, at which
the Court heard the oral arguments and replies of:
Fov theUnite States: Mr. Michael J. Matheson,
Commander Ronald D. Neubauer,
Mr. Andreas F. Lowenfeld,
Mr. John R. Crook,
Mr. Sean Murphy,
Mr. Jack Chorowsky.
FouIvan : Mr. M. H. Zahedin-Labbaf,
Dr. S. M. Zeinoddin,
Mr. Rodman R. Bundy,
Mr. Luigi Condorelli,
Mr. James R. Crawford.
At the hearings, judges put questions to the Parties who answered in writing
after the close of the oral proceedings.Referring to the provisions of Article 72
of theRules of Court, Iran communicated to the Court its observations on the
replies givenby the United States to one ofthose questions.
9. In the Application, the following requests were made by Iran:
"On the basis of the foregoing, and while reserving the right to supple-
ment and amend these submissionsas appropriate in the course of further 807 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
suite de la procédure en l'affaire, la Républiqueislamique prie respectueu-
sement la Cour de dire et juger:
a) que la Cour a compétenceen vertu du traité d'amitiépour connaître
du différendet statuer sur les demandes présentéespar la République
islamique ;
b) qu'en attaquant et détruisant, les 19 octobre 1987et 18 avril 1988,les
plates-formes pétrolières mentionnéesdans la requête,les Etats-Unis
ont enfreint leurs obligations envers la République islamique, notam-
ment celles qui découlent de l'article premieret du paragraphe 1 de
l'article X du traité d'amitié,ainsi que du droit international;
c) qu'en adoptant envers la République islamique une attitude manifes-
tement hostile et menaçante qui a abouti à l'attaque etàla destruction
des plates-formes pétrolières iraniennes, les Etats-Unis ont enfreint
l'objet et le but du traitéd'amitié,notamment son article premier et le
paragraphe 1 de son articleX, ainsi que le droit international;
d) que les Etats-Unis sont tenus d'indemniser la République islamique
pour avoir enfreint leurs obligationsjuridiques internationales, le mon-
tant devant êtredéterminépar la Cour à un stade ultérieur dela pro-
cédure.La Républiqueislamique se réservele droit d'introduire devant
la Cour et de lui présenter, en temps utile, une évaluation précise des
réparations dues par les Etats-Unis; et
e) tout autre remède que la Cour jugerait approprié.»
10. Dans la procédure écrite,les conclusions ci-après ont été présentée psar
les Parties:
Au nom du Gouvernement de Iïran,
dans le mémoire:
<(Ala lumière des faits et des arguments exposés ci-dessus, le Gou-
vernement de la République islamique d'Iran prie la Cour de dire et
juger:
1. Que la Cour a compétenceen vertu du traité d'amitiépour connaître
du différendet statuer sur les demandes présentéespar l'Iran;
2. Qu'en attaquant et détruisant, les 19octobre 1987et 18 avril 1988,les
plates-formes pétrolières mentionnéesdans la requête del'Iran, les
Etats-Unis ont enfreint leurs obligations envers l'Iran, notamment
cellesqui découlentde l'article premier, du paragraphe 1de l'article IV
et du paragraphe 1 de l'article X du traitéd'amitié, ainsique du droit
international, et que la responsabilité de ces attaques incombe aux
Etats-Unis ;
3. Que les Etats-Unis sont donc tenus d'indemniser pleinement l'Iran
pour avoir enfreint leurs obligations juridiques internationales, selon
des modalités et un montant à déterminerpar la Cour à un stade ulté-
rieur de la procédure. L'Iran se réservele droit d'introduire devant la
Cour et de lui présenter, en temps utile,une évaluationprécise desrépa-
rations dues par les Etats-Unis; et
4. Tout autre remèdeque la Cour jugerait approprié.»
Au nom du Gouvernement des Etats-Unis,
dans I'exception préliminaire :
«Les Etats-Unis d'Amérique prient la Cour de retenir I'exception proceedings in the case, the Islamic Republic respectfully requests the
Court to adjudge and declare as follows:
(a) that the Court has jurisdiction under the Treaty of Amity to entertain
the dispute and to rule upon the claims submitted by the Islamic
Republic ;
(b) that in attacking and destroying the oil platforms referred to in the
Application on 19October 1987and 18April 1988,the United States
breached its obligations to the Islamic Republic, inter alia, under
Articles 1 and X (1) of the Treaty of Amity and international law;
(c) that in adopting a patently hostile and threatening attitude towards
the Islarnic Republic that culminated in the attack and destruction of
the Iranian oil platforms, the United States breached the object and
purpose of the Treaty of Amity, including Articles 1 and X (l), and
international law ;
(d) that the United States is under an obligation to make reparations to
the Islamic Republic for the violation of its international legal obli-
gations in an amount to be determined by the Court at a subsequent
stage of the proceedings. The Islamic Republic reserves the right to
introduce and present to the Court in due course a precise evaluation
of the reparations owed by the United States; and
(e) any other remedy the Court may deem appropriate."
10. In the written proceedings, the following submissions were presented by
the Parties:
On behalfof the Govevnmentof Iran,
in the Memorial:
"In the light of the facts and arguments set out above, the Govern-
ment of the Islamic Republic of Iran requests the Court ta adjudge and
declare :
1. That the Court has jurisdiction under the Treaty of Amity to entertain
the dispute and to rule upon the claims submitted by Iran;
2. That in attacking and destroying the oil platforms referred to in Iran's
Application on 19 October 1987and 18 April 1988,the United States
breached its obligations to Iran, inter alia, under Articles 1,IV (1) and
X (1) of the Treaty of Amity and international law, and that the United
States bears responsibility for the attacks; and
3. That the United States is accordingly under an obligation to make full
reparation to Iran for the violation of its international legal obligations
and the injury thus caused in a form and amount to be determined by
the Court at a subsequent stage of the proceedings. Iran reserves the
right to introduce and present to the Court in due course a precise
evaluation of the reparation owed by the United States; and
4. Any other remedy the Court may deem appropriate."
On behalfof the Government of the United States,
in the Preliminary Objection :
"The United States of America requests that the Court uphold the d'incompétencequ'ils soulèverit et de se refuser à connaître de l'af-
faire>)
Au nom du Gouvernement de l'Iran,
dans l'exposéécritcontenant ses observations et conclusions sur l'exception
préliminaire :
«A la lumière desfaits et des arguments exposés ci-dessus,le Gouver-
nement de la Républiqueislamique d'Iran prie la Cour de dire et juger:
1. Que l'exception préliminairedes Etats-Unis est rejetéedans son inté-
gralité;
2. Que, par conséquent, la Cour est compétenteau titre du paragraphe 2
de l'articleXXI du traité d'amitié pour connaîtredes demandesque la
République islamiqued'Iran a présentéesdans sa requêteet dans son
mémoire,étant donnéqu'elles se rapportent à un différendentre les
Parties quant à l'interprétationou à l'application du traité;
3. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'exception préliminaire ne
serait pas rejetéeimmédiatement,quecelle-ci ne revêp tas, dans les cir-
constances de l'espèce,un caractèreexclusivementpréliminaireau sens
du paragraphe 7 de l'article 79 du Règlementde la Cour; et
4. Tout autre remèdeque la Cour jugera approprié. ))
11. Dans la procédure orale, les conclusions ci-aprèsont été présentép ear
les Parties:
Au nom du Gouvernement des Etats-Unis,
à l'audiencedu 23 septembre 1996:
«Les Etats-Unis d'Amérique prient la Cour de retenir l'exception
d'incompétence qu'ils soulèvendtans l'affairedes Plates-formes pétrolières
(Républiqueislamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique). ))
Au nom du Gouvernement de l'Iran,
à l'audience du 24 septembre 1996:
Les conclusions lues à l'audience étaient identiques à celles présentéespar
l'Iran dans l'exposéécritcontenant ses observationset conclusions sur l'excep-
tion préliminaire.
12. Dans sa requête introductive d'instance, l'Iran expose que, les
19 octobre 1987 et 18 avril 1988, des plates-formes pétrolières se trouvant
sur le plateau continental iranien et appartenant à la compagnie natio-
nale iranienne des pétroles ont étéattaquées et détruites par des forces
navales des Etats-Unis. L'Iran soutient qu'en procédant de la sorte les
Etats-Unis ont «enfreint leurs obligations envers la République isla-
mique, notamment celles qui découlent de l'article premier et du para-
graphe 1 de l'article X du traité d'amitié)). L'Iran prétend en outre que
ces actions des Etats-Unis ont ((enfreint l'objet et le but du traité ...ainsi
que le droit international)). L'Iran expose enfin qu'il appartient à la objection of the United States to the jurisdiction of the Court and decline
to entertain the case."
On behalf of the Government ofIran,
in the Written Statement of its Observations and Submissions on the Prelimi-
nary Objection :
"In the light of the facts and arguments set out above, the Government
of the Islamic Republic of Iran requests the Court to adjudge and declare:
1. That the preliminary objection of the United States is rejected in its
entirety;
2. That, consequently,the Court hasjurisdiction under Article XXI (2) of
the Treaty of Amity to entertain the claims submitted by the Islamic
Republic of Iran in its Application and Memorial as they relate to a
dispute between the Parties as to the interpretation or application of
the Treaty ;
3. That, on a subsidiary basis in the event the preliminary objectionis not
rejected outright, it does not possess, inthe circumstances of the case,
an exclusivelypreliminarycharacter within the meaning of Article 79(7)
of the Rules of Court; and
4. Any other remedy the Court may deem appropriate."
11. In the oral proceedings,the following submissionswerepresented by the
Parties :
On behalfof the Government of the United States,
at the hearing of 23 September 1996 :
"The United States of America requests that the Court uphold the
objection of the United States to the jurisdiction of the Court in the case
concerning Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of
America) ."
On behalf of the Government ofIran,
at the hearing of 24 September 1996:
The submissionsileadat the hearing wereidentical to those presented by Iran
in the Written Statement of its Observations and Submissions on the Prelimi-
nary Objection.
12. In its Application instituting proceedings, Iran states that, on
19 October 1987 and 18 April 1988, certain oil platforms located on the
Iranian continental shelf and belonging to the National Iranian Oil Com-
pany were attacked and destroyed by naval forces of the United States.
Iran maintains that, by proceeding in this manner, the United States
"breached its obligations to the Islamic Republic, inter alia, under Ar-
ticles1 and X (1) of the Treaty of Amity". Iran further claims that those
actions of the United States "breached the object and purpose of the
Treaty . .., and international law". Iran concludes by saying that it falls
to the Court, in accordance with Article XXI, paragraph 2, of the Treaty809 PLATES-FORM PETROLIÈRES (ARRET)
Cour, conformémentau paragraphe 2 de l'article XXI du traitéde 1955,
de trancher le différend ainsi néentre les deux Etats.
13. Dans la suite de la procédure,l'Iran a précisé etdéveloppé cette
argumentation. Dans son mémoire,le demandeur a en effet soutenu que
les Etats-Unis avaient également enfreint les dispositions du para-
graphe 1 de l'article IV du traitéde 1955.Lors des audiences, il a exposé
que «[s]a demande ...se fonde rigoureusement sur trois dispositions bien
déterminéesdu traité d'amitiéde 1955et que la Cour peut régler ledif-
férend qui lui est soumis sur la base de ce traité exclusivement». La
requête iranienne, a-t-il étajouté, a pour fondement ces trois disposi-
tions et «non pas la violation de l'objet et du but du traité dans son
ensemble)).Quant au droit international générali,l n'est pas invoquépar
l'Iran en tant que tel, mais «pour déterminer la teneur et la portéedes
obligations découlantdu traité)).Ainsi, dans le dernier étatde son argu-
mentation, l'Iran prétendseulement que l'article premier, le paragraphe 1
de l'article IV et le paragraphe 1 de l'article X du traitéde 1955 ont été
méconnuspar les Etats-Unis. Le différend ainsinérelèverait de la com-
pétence dela Cour par application du paragraphe 2 de l'article XXI du
mêmetraité.
14. Les Etats-Unis soutiennent pour leur part que la requête iranienne
est sans aucun rapport avec le traitéde 1955.Ils soulignent que, par voie
de conséquence,le différendapparu entre eux et l'Iran n'entre pas dans
les prévisionsdu paragraphe 2 de l'article XXI du traitéet en déduisent
que la Cour doit se déclarer incompétentepour en connaître.
15. La Cour relèvera pour commencer que les Parties ne contestent
pas que le traitéde 1955étaiten vigueur à la date d'introduction de la
requête de l'Iran et est d'ailleurs toujours en vigueur. La Cour rappellera
qu'elle avait décidé en1980 que le traité de 1955 était alors applicable
(Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran,arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, p. 28, par. 54); aucune circonstance n'a portéeen
l'espèceà sa connaissance, qui pourrait l'amener aujourd'hui a s'écarter
de cette façon de voir.
Aux termes du paragraphe 2 de l'article XXI de ce traité:
«Tout différend qui pourrait s'éleverentre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation oà l'application du présent
traitéet qui ne pourrait pas êtrerégd'une manière satisfaisantepar
la voie diplomatique sera portédevant la Cour internationale de Jus-
ticeà moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de
le réglerpar d'autres moyens pacifiques.
16. Il n'est pas contesté que plusieurs des conditionsfixéespar ce texte
sont en l'espèceremplies: un différends'estélevéentre l'Iran et les Etats-
Unis; ce différend n'apu êtreréglépar la voie diplomatique et les deuxof 1955,to settle the dispute that has thus come into being between the
two States.
13. In the course of subsequent proceedings, Iran developed those
arguments more specifically,maintaining, in its Memorial, that theUnited
States had also breached the provisions of Article IV, paragraph 1,of the
Treaty of 1955. During the hearings, it stated that "its claim is strictly
based on three very specificprovisions of the 1955Treaty of Amity and
that the Court can settle the dispute which is submitted to it on the basis
of that Treaty alone". It further stated that Iran's Application was based
on those three provisions and "not on the violation of the object and pur-
pose of the Treaty as a whole". As for general international law, this is
not invoked by Iran as such, but rather "in order to identify the content
and scope of the obligations arising from the Treaty". Accordingly, in the
most recent presentation of its arguments, Iran claims only that Article 1,
Article IV, paragraph 1, and Article X, paragraph 1, of the Treaty of
1955have been infringed by the United States. The dispute thus brought
into being is said to fa11within the jurisdiction of the Court pursuant to
Article XXI, paragraph 2, of the same Treaty.
14. The United States for its part maintains that the Application of
Iran bears no relation to the Treaty of 1955.It stresses that, as a conse-
quence, the dispute that has arisen between itself and Iran does not fa11
within the provisions of Article XXI, paragraph 2, of the Treaty and
deduces from this that the Court must find that it lacks jurisdiction to
deal with it.
15. The Court points out, to begin with, that the Parties donot contest
that the Treaty of 1955was in force at the date of the filing of the Appli-
cation of Iran and is moreover stillin force. The Court recalls that it had
decided in 1980 that the Treaty of 1955 was applicable at that time
(United States Diplornatic and Consular Staff in Tehran, Judgment,
1.C.J. Reports 1980, p. 28, para. 54); none of the circumstances brought
to its knowledge in the present case would cause it now to depart from
that view.
By the terms of Article XXI, paragraph 2, of that Treaty:
"Any dispute between the High Contracting Parties as to the
interpretation or application of the present Treaty, not satisfactorily
adjusted by diplomacy, shall be submitted to the International Court
of Justice, unless the High Contracting Parties agree to settlement by
some other pacific means."
16. It is not contested that several of the conditions laid down by this
text have been met in the present case: a dispute has arisen between Iran
and the United States; it has not been possible to adjust that dispute by810 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
Etats ne sont pas convenus «de le réglerpar d'autres moyens pacifiques))
comme prévu à l'article XXI. En revanche, les Parties s'opposent sur la
question de savoir si le différend surgi entre les deux Etats en ce qui
concerne la licéitdes actions menéespar les Etats-Unis contre les plates-
formespétrolièresiraniennesest un différend«quant àl'interprétation ou
à l'application» du traité de 1955.Afin de répondre àcette question, la
Cour ne peut se borner à constater que l'une des Parties soutient qu'il
existe un tel différendet que l'autre le nie. Elle doit rechercher si lesvio-
lations du traitéde 1955alléguées par l'Iran entrent ou non dans les pré-
visions de cetraité etsi,par suite, le différendest de ceux dont la Cour est
compétente pour connaître ratione materiae par application du para-
graphe 2 de l'article XXI.
17. L'exception d'incompétence desEtats-Unis comporte deux volets.
L'un concerne l'applicabilité du traité de 1955 en cas d'emploi de la
force; l'autre est relatifla portéede divers articles de ce traité.
18. La Cour se penchera tout d'abord sur l'argumentation du défen-
deur selon laquelle le traitéde 1955ne saurait s'appliquera des questions
concernant l'emploi de la force. Dans cette perspective, les Etats-Unis
exposent que l'attaque et la destruction des plates-formes pétrolières
«ont eu lieu dans le contexte d'une longue séried'attaques menées
par des forces militaires et paramilitaires iraniennes contre des na-
vires des Etats-Unis et d'autres pays neutres exerçant des activités
commerciales pacifiques dans le golfe Persique)).
D'aprèsle défendeur,«peu importe la qualificationque l'on peut donner
de cesincidents de conflitarmé));pour l'essentiel,le différendporte sur la
licéitéd'actions menéespar les forces navales des Etats-Unis «dans le
cadre d'opérations de combat)). Or, les traitésd'amitié, de commerceet
de navigation ont pour but
«de protégerle patrimoine et les intérêtsdes citoyens et des sociétés
des Etats-Unis dans le territoire de l'autre partie, et de leur garantir
un traitement équitable et non discriminatoiredans l'exerciced'acti-
vitéscommerciales, industrielleset financièresdans chacun des pays
considérés,en contrepartie de garanties identiques accordées aux
ressortissants de cesautres pays sur le territoire des Etats-Unis. Il n'y
a tout simplement aucun rapport entre, d'une part, les dispositions
du traité, de caractère purement commercial et consulaire et, d'autre
part, la requête etle mémoire de l'Iran, qui sont exclusivement axés
sur des allégationsde recours illicità la force armée.))
En fait, selon les Etats-Unis, les demandes de l'Iran soulèventdes ques-diplomacy and the two States have not agreed "to settlement by some
other pacificmeans" as contemplated by ArticleXXI. On the other hand,
the Parties differ on the question whether the dispute between the two
States with respect to the lawfulness of the actions carried out by the
United States against the Iranian oil platforms is a dispute "as to the
interpretation or application" of the Treaty of 1955.In order to answer
that question, the Court cannot limit itself to noting that one of the
Parties maintains that such a dispute exists, and the other denies it. It
must ascertain whether the violations of the Treaty of 1955pleaded by
Iran do or do not fa11within the provisions of the Treaty and whether, as
a consequence, the dispute is one which the Court hasjurisdiction vatione
mateviae to entertain, pursuant to Article XXI, paragraph 2.
17. The objection to jurisdiction raised by the United States comprises
two facets. One concerns the applicability of the Treaty of 1955in the
event of the use of force; the other relates to the scope of various
articles of that Treaty.
18. The Court will deal initially with the Respondent's argument that
the Treaty of 1955 does not apply to questions concerning the use of
force. In this perspective, the United States contends that the attack and
destruction of the oil platforms
"occurred . . .in the context of a long series of attacks by Iranian
military and paramilitary forces on US and other neutral vessels
engaged in peaceful commerce in the Persian Gulf'.
According to the Respondent, "it does not matter ...how these incidents
of armed conflict are characterized" ;essentially, the dispute relates to the
lawfulness of actions by naval forces of the United States that "involved
combat operations". Further, Treaties of Friendship, Commerce and
Navigation aim to provide
"protection for the property and interests of American citizens and
companies in the territory of the other party and to assure fair and
nondiscriminatory treatment with respect to engaging in commer-
cial, industrial and financial activities inthose countries, in return
for like assurances for the nationals of those other parties in the ter-
ritory of the United States. There is simply no relationship between
these wholly commercial and consular provisions of the Treaty and
Iran's Application and Memorial, which focus exclusivelyon allega-
tions of unlawful uses of armed force."
In effect, according to the United States, Iran's claims raise issues rela-811 PLATES-FORM PETROLIÈRES (ARRÊT)
tions relativesàl'emploidela force, et ces questions n'entrent pas dans le
champ d'application du traité de 1955. La Cour serait pour ce motif
incompétentepour connaître des conclusions du demandeur.
19. Dans ses observations et conclusions sur l'exception préliminaire
des Etats-Unis, l'Iran soutient que le différend qui s'est élevéentre les
Parties concerne l'interprétation ou l'application du traité de 1955. Il
demande en conséquence que l'exception soitrejetéeou, subsidiairement,
qu'au cas où elle ne le serait pas d'embléeelle soit regardée comme ne
revêtantpas un caractère exclusivement préliminaire, au sens du para-
graphe 7 de l'article 79 du Règlement.
20. La Cour relèvera d'abord quele traitéde 1955ne contient aucune
disposition excluant expressémentcertaines matières de la compétence de
la Cour. Certes le paragraphe 1 d) de l'article XX dispose que:
«1. Le présent traiténe fera pas obstacle à l'application de me-
sures:
d) ..nécessaires àl'exécution des obligations de l'uneou l'autre des
Hautes Parties contractantes relatives au maintien ou au réta-
blissement de la paix et de la sécuritéinternationales ou la pro-
tection des intérêts vitaux de cetteHaute Partie contractante sur
le plan de la sécurité.
Ce texte pourrait être interprété comme excluant certaines mesures du
champ mêmed'application du traité et,par voie de conséquence, comme
excluant de la compétencede la Cour l'appréciation de lalicéité de telles
mesures. Mais il pourrait aussi êtrecompris comme ouvrant seulement
une défenseau fond. La Cour, dans son arrêt du27juin 1986en l'affaire
des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contrecelui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), a adopté la seconde interpréta-
tion pour l'application d'une clause identique figurant dans le traité
d'amitié, de commerce et de navigation concluentre les Etats-Unis et le
Nicaragua le 21janvier 1956 (C.I.J. Recueil 1986, p. 116, par. 222, et
p. 136,par. 271). L'Iran soutient en l'espèceque la Cour devrait donner
la mêmeinterprétation au paragraphe 1 d) de l'article XX. Quant aux
Etats-Unis, ils ont, dans le dernier état de leur argumentation, déclaré
qu'«aborder la question de l'interprétation et de l'application du para-
graphe 1 d) de l'article XX relevait de l'examen au fond)). La Cour ne
voit aucune raison d'aboutir à des conclusions différentes decelles aux-
quelles elle étaitparvenue en 1986. Elle estime, par suite, que le para-
graphe 1 d) de l'article XX ne restreint pas sa compétencedans la pré-
sente affaire, mais offre seulement aux Parties une défenseau fond qu'il
leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoirle moment venu.
21. Le traitéde 1955met à la charue de chacune des Parties des obli-
gations diverses dans des domaines variés. Toute action de l'une des
Parties incompatible avec ces obligations est illicite, quels que soient les
moyens utilisés à cette fin. La violation, par l'emploi de la force, d'un
droit qu'une partie tient du traitéest tout aussi illiciteque le serait sa vio-ting to the use of force, and these issues do not fa11within the ambit of
the Treaty of 1955.For this reason, the Court is said to lack jurisdiction
to entertain the submissions of the Applicant.
19. In its Observations and Submissions on the Preliminary Objection
of the United States. Iran maintains that the dis~ute that has arisen
between the Parties concerns the interpretation & application of the
Treaty of 1955. It therefore requests that the preliminary objection be
rejected, or, on a subsidiary basis, if it is not rejected outright, that it
should be regarded as not having an exclusively preliminary character
within the meaning of Article 79, paragraph 7, of the Rules of Court.
20. The Court notes in the first place that the Treaty of 1955contains
no provision expressly excluding certain matters from the jurisdiction of
the Court. Indeed, Article XX, paragraph 1 (d), provides that:
"1. The present Treaty shall not preclude the application of
measures :
.............................
(d) necessary to fulfillthe obligations of a High Contracting Party
for the maintenance or restoration of international peace and
security, or necessary to protectits essential security interests."
This text could be interpreted as excluding certain measures from the
actual scope of the Treaty and, consequently, as excluding the jurisdic-
tion of the Court to test the lawfulness of such measures. It could also be
understood as affording only a defence on the merits. The Court, in its
Judgment of 27 June 1986 in the case concerning Militavy and Pavamili-
tavy Activities in and against Nicaragua (Nicavagua v. United States of
Amevica), adopted the latter interpretation for the application of an
identical clause included in the Treaty of Friendship, Commerce and
Navigation concluded between the United States and Nicaragua on
21 January 1956 (I.C.J. Reports 1986, p. 116, para. 222, and p. 136,
para. 271). Iran argues, in this case, that the Court should give the same
interpretation to Article XX, paragraph 1 (d). The United States, for its
part, in the most recent presentationof its arguments, stated that "con-
sideration of the interpretation and application of Article XX, para-
graph 1 (d), was a merits issue". The Court sees no reason to Varythe
conclusions it arrived at in 1986. It accordingly takes the view that
Article XX, paragraph 1 (d), does not restrict its jurisdiction in the
present case, but is confined to affording the Parties a possible defence
on the merits to be used should the occasion arise.
21. The Treaty of 1955imposes on each of the Parties various obliga-
tions on a variety of matters. Any action by one of the Parties that is
incompatible with those obligations is unlawful, regardless of the means
by which it is brought about. A violation of the rights of one party under
the Treaty by means of the use of force is as unlawful as would be a vio-lation par la voie d'une décisionadministrative ou par tout autre moyen.
Les questions relativesà l'emploi dela force ne sont donc pas excluesen
tant que telles du champ d'application du traité de 1955. L'argumenta-
tion exposéesur ce point par les Etats-Unis doit de ce fait être écartée.
22. En second lieu, les Parties s'opposent sur l'interprétationdonner
à l'articlepremier, au paragraphe 1de l'article IV et au paragraphe 1 de
l'article du traité de 1955.Selon l'Iran, les actions qu'il reproche aux
Etats-Unis seraient de nature à porter atteinte à ces dispositions et la
Cour serait par suite compétente vatione mateviae pour connaître de la
requête.Selon les Etats-Unis, il n'en serait rien.
23. La Cour rappellera que, selon le droit international coutumier tel
qu'exprimé à l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des
traitésdu 23 mai 1969,un traité doit être interprétdée bonne foi suivant
le sensordinaire à attribuerà sestermes dans leur contexteet à la lumière
de son objet et de son but. Selon l'article 32, ilpeut être fait apàtitre
complémentaire àdesmoyensd'interprétation tels que les travaux prépa-
ratoires et les circonstancesdans lesquellesle traitéa étéconclu.
24. L'article premier du traité de 1955 dispose que: «Il y aura paix
stable et durable et amitié sincèreentre les Etats-Unis...et l'Iran.»
25. L'Iran soutient que cette disposition
«ne secontente pas de formuler une recommandation ou un désir ...,
mais impose des obligations effectives aux parties contractantes et
oblige celles-ci maintenir des relations pacifiques et amicales du-
rables».
Cette interprétation s'imposerait dans le contexte et serait renforcéepar
les circonstancesdans lesquellesle traitéa étéconclu. Elle serait la seule
qui permettrait de donner un ((effetutile)à l'article premier. Ce dernier
exigerait dèslors des Parties
«de se conduire au minimum, chacune à l'égard de l'autre, confor-
mément aux principes et règles de droit international généralen
matièrede relations pacifiques et amicales)),
et notamment conformément aux dispositions pertinentes de la Charte
des Nations Unies et du droit coutumier régissant l'usage de la force,
ainsi qu'à la résolution2625 (XXV) de l'Assembléegénéralesur les rela-
tions amicales entre Etats. Pour l'Iran,
«toute violation par une partie aux dépens del'autre des règlesde
droit international en matière de menace et d'emploi de la force,lation by administrative decision or by any other means. Matters relating
to the use of force are therefore not pev seexcluded from the reach of the
Treaty of 1955.The arguments put forward on this point by the United
States must therefore be rejected.
22. In the second place, the Parties differ as to the interpretation to be
given to Article 1,Article IV, paragraph 1,and Article X, paragraph 1,of
the Treaty of 1955.According to Iran, the actions which it allegesagainst
the United States are such as to constitute a breach of those provisions
and the Court consequently has jurisdiction vationemateriae to entertain
the Application. According to the United States, this is not the case.
23. The Court recalls that, according to customary international law
as expressed in Article 31 of the Vienna Convention on the Law of Trea-
ties of 23 May 1969,a treaty must be interpreted in good faith in accor-
dance with the ordinary meaning to be given to its terms in their context
and in the light of itsobject and purpose. Under Article 32, recourse may
be had to supplementary means of interpretation such as the preparatory
work and the circumstances in which the treaty was concluded.
24. Article 1 of the Treaty of 1955provides that :"There shall be firm
and enduring peace and sincerefriendship between the United States .. .
and Iran."
25. Iran contends that this provision
"does not merely formulate a recommendation or desire . . ., but
imposes actual obligations on the Contracting Parties, obligingthem
to maintain long-lasting peaceful and friendly relations".
This interpretation is said to be required by the context, and to be
reinforced by the circumstances in which the Treaty was concluded.
It is described as the only interpretation which would enable "effective-
ness" to be imparted to Article 1.That Article would, then, impose upon
the Parties
"the minimum requirement ... to conduct themselves with regard to
the other in accordance with the principles and rules of general inter-
national law in the domain of peaceful and friendly relations"
and, particularly, in accordance with the relevant provisions of the Char-
ter of the United Nations and of customary law governing the use of
force, as well as with General Assembly resolution 2625 (XXV) concern-
ing friendly relations among States. For Iran,
"any violation by one party at the expense of the other of the rules
of international law pertaining to the threat and use of force, as well813 PLATES-FORM PESROLIÈRES (ARRÊT)
ainsi qu'en matière de relations amicales entre les Etats, eàtconsi-
déreren mêmetemps comme une violation du traité d'amitié)).
Dès lors, la Cour serait compétente pour apprécier lalicéitédes actions
armées desEtats-Unis au regard des dispositions de l'article premier du
traitéde 1955et, par voie de conséquence, desrèglesde droit internatio-
nal général ainsi«incorporées» dans le traité.
26. Les Etats-Unis estiment à l'inverse que l'Iran ((accorde une portée
excessive à l'article premier)). Ce texte, selon le défendeur, ((n'énonce
aucunenorme)), mais constitue seulementl'«expression d'un vŒu».Cette
interprétation s'imposerait dans le contexte et compte tenu du caractère
((purement commercial et consulaire » du traité. Elle correspondraità la
commune intention des Parties. Elle serait confirméepar lescirconstances
dans lesquelles le traité a été conclu etpar la pratique des Parties. Par
voie deconséquencelecomportement des Etats-Unis ne saurait en l'espèce
êtreappréciéau regard des dispositions de l'article premier. La Cour ne
serait pas compétente pour connaître des conclusions de l'Iran fondées
sur cet article.
27. L'article premier dispose qu'«[il1y aura paix stable et durable et
amitié sincère))entre les deux Etats contractants. La Cour estime qu'une
formulation aussi généralenesaurait êtreinterprétée indépendamment de
l'objet et du but du traitédans lequel elle est insérée.
Il est des traités d'amitié qui contiennent non seulement une disposi-
tion du type de celle figurantà l'article premier, mais encore des clauses
ayant pour objet d'en préciserles conditions d'application: rappel expli-
cite de certaines dispositions de la Charte des Nations Unies; consulta-
tion des parties dans certaines circonstances, en particulier en cas de
conflit arméavec un Etat tiers; ou encore coopération en cas de troubles
de voisinage.Tel était par exemple le cas du traitéd'amitiéet de bon voi-
sinage entre la République française et le Royaume-Uni de Libye, du
10 août 1955, que la Cour a eu à interpréter dans son arrêt du3 février
1994 en l'affaire du Différend territorial (Jarnahiuiya arabe libyenne/
Tchad) (C.I.J. Recueil 1994, p. 6). Mais tel n'est pas le cas en l'espèce.
L'article premier s'insèreen effet non dans un traité de ce type, mais
dans un traité d'«amitié,de commerce et de droits consulaires» ayant
pour objet, selon les termes du préambule, «d'encourager les échanges et
les investissements mutuellement profitables et l'établissement de rela-
tions économiquesplus étroites »ainsi que ((derégler[les]relations consu-
laires)) entre les deux Etats. Le traité règleles conditions de séjour des
ressortissants de l'une des parties sur le territoire de l'autre partie (art. II),
le statut des sociétésetl'accèsaux tribunaux et àl'arbitrage (art. III), les
garanties offertes aux ressortissants et sociétésde chacune des parties
contractantes ainsi qu'à leurs biens et entreprises (art. IV), les modalités
d'achat et de vente des immeubles et la protection de la propriétéintel-
lectuelle (art. V), le régime fiscal(art. VI), celui des transferts (art. VII),
lesdroits de douane et autres restrictionsl'importation (art. VI11et IX), as pertaining to friendly relations between States, must at the same
time be considered as a violation of the Treaty of Amity".
The Court is accordingly said to havejurisdiction to evaluate the lawful-
ness of the armed actions of the United States in relation to the provi-
sions of Article 1of the Treaty of 1955and, accordingly, in relation to the
rules of general international law thus "incorporated" into the Treaty.
26. The United States considers, on the contrary, that Iran "reads far
too much into Article 1". That text, according to the Respondent, "con-
tains no standards", but only constitutes a "statement of aspiration".
That interpretation is called for in the context and on account of the
"purely commercial and consular" character of the Treaty. It is said to
correspond to the common intention of the Parties, and to be confirmed
by the circumstances in which the Treaty was concluded and by the prac-
tice of the Parties. It follows that the conduct of the United States can-
not, in this case, be evaluated in relation to the provisions of Article 1.
The Court is said to lackjurisdiction to entertain the submissions of Iran
based on that Article.
27. Article 1 States that "There shall be firm and enduring peace and
sincere friendship" between the two contracting States. The Court con-
siders that such a general formulation cannot be interpreted in isolation
from the object and purpose of the Treaty in which it is inserted.
There are some Treaties of Friendship which contain not only a provi-
sion on the lines of that found in Article 1but, in addition, clausesaimed
at clarifyingthe conditions of application: an explicit reference to certain
provisions of the Charter of the United Nations; consultation between
the parties in certain circumstances,in particular in the event of an armed
conflict with a third State; or CO-operationin the event of problems with
neighbouring States. Such, for instance, was the case of the Treaty of
Friendship and Good Neighbourliness between the French Republic and
the United Kingdom of Libya of 10 August 1955,which the Court had
occasion to interpret in its Judgment of 3 February 1994in the case con-
cerning the Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad) (I.C.J.
Reports 1994, p. 6). However, this does not apply to the present case.
Article 1 is in fact inserted not into a treaty of that type, but into a
treaty of "Amity, Economic Relations and Consular Rights" whose
object is, according to the terms of the Preamble, the "encouraging [ofl
mutually beneficial trade and investments and closer economic inter-
course generally" as well as "regulating consular relations" between the
two States. The Treaty regulates the conditions of residence of nationals
of one of the parties on the territory of the other (Art. II), the status of
companies and access to the courts and arbitration (Art. III), safeguards
for the nationals and companies of each of the contracting parties as well
as their property and enterprises (Art. IV), the conditions for the pur-
chase and sale of real property and protection of intellectual property
(Art. V), the tax system (Art. VI), the system of transfers (Art. VII),cus-
toms duties and other import restrictions (Arts. VI11and IX), freedom of814 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
la libertéde commerce et de navigation (art. X et XI), ainsi que les droits
et obligations des consuls (art. XII XIX).
28. Ainsi l'objet etle but du traité de 1955n'étaientpas d'organiser les
relations pacifiques et amicales entre les deux Etats de manière générale.
L'article premier ne saurait dès lors être interprécomme incorporant
dans le traité l'ensemble des dispositions du droit international concer-
nant de telles relations. A la vérité,en insérant dans le corps mêmedu
traitéla formule figurant àl'article premier, les deux Etats ont entendu
souligner que la paix et l'amitié constituaient la condition du développe-
ment harmonieux de leurs relations commerciales, financières et consu-
laires et qu'un tel développement renforcerait à son tour cette paix et
cette amitié.Par voie de conséquence, l'article premierdoit être regardé
comme fixant un objectif à la lumière duquel les autres dispositions du
traitédoivent être interprétées et appliquées.
Cette conclusion est conforme à celleàlaquelle la Cour était parvenue
en 1986quand, àl'occasion del'interprétationdu traité d'amitiéde 1956
entre les Etats-Unis et le Nicaragua, elle a préciséde manière générale
:
que
«lorsqu'un traité d'amitiéest en cause, il doit nécessairement exister
une distinction entre la grande catégorie des actes inamicaux et la
catégorieplus étroite d'actes tendant faire échouerle but et l'objet
du traité. Ce but et cet objet sont de manifester une amitiéeffective
dans les domaines précis prévuspar le traité, et non une amitiéen un
sens vague et général.))C.I.J. Recueil 1986, p. 137,par. 273.)
29. La Cour doit maintenant porter son attention sur les documents
produits par lesPartiesàl'appui de leurspositions respectivesconcernant
le sensà donner à l'article premier. A cet égard,on peut penser que, si cet
article avait la portée que'Iran lui donne, les Parties auraient été ame-
nées à en relever l'importance lors des négociations ou du processus de
ratification. Or aucun document iranien n'a étprésenté àla Cour en vue
d'étayer cettethèse.Quant aux documents des Etats-Unis fournis par les
deux Parties, ils montrent qu'à aucun moment les Etats-Unis n'ont
regardé l'articlepremier comme ayant le sens qui lui est aujourd'hui prêté
par le demandeur.
Une clause de ce type a étéinséréeaprès la fin de la seconde guerre
mondiale dans quatre des traités d'amitié et decommerce ou de relations
économiques conclus par les Etats-Unis, ceux passés avec la Chine,
1'Ethiopieetl'Iran, ainsiqu'avecOmanet Mascate.Certes,lors dela négo-
ciation du traité avec la Chine, le départementd'Etat des Etats-Unis avait
indiqué dans un mémorandum adressé à son ambassade à Chongqing
que, si une telle clause n'était pas habituelle dans les traitésde ce genre
conclus par les Etats-Unis, son inclusion n'en était pas moins justifiée
en l'occurrence «par les étroites relations politiques qui existent entre
la Chine et les Etats-Unis)). Mais, lors des débats au Sénataméricain
ayant précédé la ratification des quatre traités, laclause, d'aprèsles élé-commerce and navigation (Arts. X and XI), and the rights and duties of
Consuls (Arts. XII-XIX).
28. It follows that the object and purpose of the Treaty of 1955was
not to regulate peaceful and friendly relations between the two States in
a general sense. Consequently, Article 1 cannot be interpreted as incor-
porating into the Treaty al1of the pr.ovisions of international law con-
cerning such relations. Rather, by incorporating into the body of the
Treaty the form of words used in Article 1, the two States intended to
stress that peace and friendship constituted the precondition for a har-
monious development of their commercial, financial and consular rela-
tions and that such a development would in turn reinforce that peace and
that friendship. It follows that Article 1 must be regarded as fixing an
objective,in the light of which the other Treaty provisionsare to be inter-
preted and applied.
This conclusion is in conformity with that reached by the Court in
1986,when, on the occasion of its interpretation of the Treaty of Friend-
ship of 1956between the United States and Nicaragua, it stated in gen-
eral terms that :
"There must be a distinction . . in the case of a treaty of friend-
ship, between the broad category of unfriendly acts, and the nar-
rower category of acts tending to defeat the object and purpose of
the Treaty. That object and purpose is the effective implementation
of friendship in the specific fields provided for in the Treaty, not
friendship in a vague general sense." (I.C.J. Reports 1986, p. 137,
para. 273.)
29. The Court must now turn its attention to the documentsproduced
by the Parties in support of their respective positions concerning the
meaning to be given to Article 1.In this regard, it may be thought that, if
that Article had the scope that Iran gives it, the Parties would have been
led to point out its importance during the negotiations or the process of
ratification. However, the Court does not have before it any Iranian
document in support of this argument. As for the United States docu-
ments introduced by the two Parties, they show that at no time did the
United States regard Article 1as having the meaning now given to it by
the Applicant.
A clause of this type was inserted after the end of the Second World
War into four of the Treaties of Friendship and Commerce or Economic
Relations concluded by the United States, i.e., those concluded with
China, Ethiopia and Iran as wellas with Oman and Muscat. Indeed, dur-
ing the negotiation of the treaty with China, the United States Depart-
ment of State had indicated, in a memorandum addressed to its embassy
in Chongqing, that if such a clause was not customary in treaties of this
kind concluded by the United States, its inclusion was nonetheless justi-
fied in that case "in view of the close political relations between China
and the United States". But, during the discussions in the United States
Senate that preceded the ratification of the four Treaties, the clause does815 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRET)
ments portés à la connaissance de la Cour, ne semble avoir fait l'objet
d'aucune attention particulière. Tout au plus le message du secrétaire
d7Etat transmettant au Sénatle traitéavec l'Ethiopie, après avoir citéles
dispositions en cause, ajoutait-il:
«Ces dispositions, bien qu'elles ne figurent pas dans des traités
récentsd'amitié,de commerce et de navigation, sont conformes au
caractère de ces instruments et servent souligner le caractère essen-
tiellement amical du traité.))
Quant à la clause de règlement des différendsfigurant dans la plupart des
traités d'amitié etde commerce conclus par les Etats-Unis depuis 1945,
elle semble avoir étéconstamment présentéepar le département d'Etat
comme ((limitée aux différends dont la cause immédiate est le traité
concerné lui-même)),ce type de traité portant sur des ((questionsfami-
lières))ayant fait l'objet d'une ((jurisprudence abondante)).
30. La pratique suivie par les Parties en ce qui concerne l'application
du traiténe conduit pas àdes conclusions différentes. Les Etats-Unis ne
se sont jamais prévalus de cet article à l'encontre de l'Iran; ils n'ont
notamment pas invoqué ce texte dans l'affaire du Personnel diplomatique
et consulairedes Etats-Unis à TéhéranL . 'Iran ne s'en estpas davantage
prévalu, par exemple dans la procédure devant la Cour en l'affaire de
l'Incident aériendu 3juillet 1988.
31.A la lumière de ce qui précède,la Cour estime que l'objectif de
paix et d'amitié proclamé à l'article premier du traité de 1955 est de
nature à éclairer l'interprétation des autres dispositions du traité, et
notamment celledes articles IV et X. L'article premier n'est ainsipas sans
portéejuridique pour une telle interprétation, mais il ne saurait, pris iso-
lément,fonder la compétence dela Cour.
32. Le paragraphe 1 de l'article IV du traité de 1955dispose que:
((Chacune des Hautes Parties contractantes accordera en tout
temps un traitement juste et équitable aux ressortissants et aux
sociétésde l'autre Haute Partie contractante, ainsi qu'à leurs biens et
à leurs entreprises; elle ne prendra aucune mesure arbitraire ou dis-
criminatoirepouvant porter atteinte àleurs droits ouà leurs intérêts
légalementacquiset, en conformitédes lois applicables en la matière,
elle assurera des voies d'exécutionefficacesà leurs droits contrac-
tuels légitimement nés.)
33. L'Iran soutient que ce texte impose à chacune des Parties l'obli-
gation d'assurer aux ressortissants et aux biens de l'autre Partie un
traitement ((juste et équitable)) et de ne prendre à leur égard aucune
((mesure arbitraire ou discriminatoire)), en quelque lieu que se trouvent
ces ressortissants ou ces biens.appartiendrait par suiteà la Cour d'ap-not, according to the material submitted to the Court, appear to have
been given any particular attention. Only in the message from the Secre-
tary of State wherebyhe transmitted the Treaty with Ethiopia to the Sen-
ate, after referring to the provisions in question, was it pointed out that:
"Such provisions, though not included in recent treaties of friend-
ship, commerce and navigation, are in keeping with the character of
such instruments and serve to emphasize the essentially friendly
character of the treaty."
As for the clause on dispute settlement that was included in most of the
treaties of friendship and commerce concluded by the United States after
1945,it appears to have been consistently referred to by the Department
of State as being "limited to differencesarising immediately from the spe-
cifictreaty concerned", as such treaties deal with "familiar subject matter"
in relation to which "an establishedbody of interpretation already exists".
30. The practice followed by the Parties in regard to the application of
the Treaty does not lead to any different conclusions. The United States
has never relied upon that Article in proceedings involving Iran and,
more particularly, did not invoke that text in the case concerning United
States Diplornaticand ConsulavStaff in Tehvan.Neither did Iran rely on
that Article, for example in the proceedings before this Court in the case
concerning the Aevial Incident of 3 July 1988.
31. In the light of the foregoing, the Court considers that the objective
of peace and friendship proclaimed in Article I of the Treaty of 1955is
such as to throw light on the interpretation of the other Treaty provi-
sions, and in particular of Articles IV and X. Article I is thus not without
legal significancefor such an interpretation, but cannot, taken in isola-
tion, be a basis for the jurisdiction of the Court.
32. Article IV, paragraph 1, of the Treaty of 1955provides that:
"Each High Contracting Party shall at al1times accord fair and
equitable treatment to nationals and companies of the other High
ContractingParty, and to their property and enterprises ;shallrefrain
from applying unreasonable or discriminatory measures that would
impair their legally acquired rights and interests; and shall assure
that their lawful contractual rights are afforded effective means of
enforcement, in conformity with the applicable laws."
33. Iran contends that this text places each of the Parties under an
obligation to accord "fair and equitable treatment" to nationals and
property of the other Party and to refrain from applying any "unreason-
able or discriminatory measures" to them, wherever those nationals or
that property may be. It submits that it falls to the Court to evaluate the816 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRET)
précierla licéité desactions armées desEtats-Unis au regard de ces dis-
positions.
34. Les Etats-Unis estiment au contraire que
«le paragraphe 1 de l'article IV vise letraitement que doit accorder
chacune des Parties aux ressortissantset sociétésdel'autre Partie qui
viennent sur son territoire pour des motifs commerciaux ou privés)).
Ils soutiennent que ce texte
«ne peut pas s'analyser comme un engagement global de chacune
des Parties d'éviter decauser tout dommageaux ressortissantset aux
sociétés del'autre Partie, où que ceux-ci se trouvent)).
Les Etats-Unis rappellent que les actions que l'Iran leur reproche ne
concernent pas des ressortissants ou sociétésiraniennes se trouvant sur le
territoire des Etats-Unis. Dèslors, selon eux, leur comportement ne sau-
rait être appréciéen l'espèceau regard du paragraphe 1de l'article IV.La
Cour ne serait donc pas compétente pour connaître des conclusions de
l'Iran fondées surce texte.
35. La Cour observera tout d'abord que le paragraphe 1de l'articleIV,
contrairement aux autres paragraphes du mêmearticle, ne comporte
aucune limitation territoriale. La garantie généraleofferte par le para-
graphe 1a de cefait une portéeplus vaste que les obligationsparticulières
énoncéesenmatière d'expropriation, de troubles dejouissance ou de ges-
tion des entreprises par les autres paragraphes. La Cour ne saurait par
suite accueillir l'argumentation des Etats-Unis sur ce point.
36. Mais la Cour ne saurait davantage retenir la thèse iranienne. En
effet, le paragraphe 1 de l'article IV précise que les ressortissants et
sociétésde l'une des parties contractantes ainsi que leurs biens et entre-
prises doivent être traitéspar l'autre partie de manière «juste et équi-
table)). Ce texte prohibe les mesures arbitraires ou discriminatoirespou-
vant porter atteinte à certains droits et intérêts deces ressortissants et
sociétés.Il précise enfinque des voies d'exécutionefficaces doivent être
assurées à leurs droits contractuels légitimement nés. L'ensemblede ces
dispositions vise la manière dont les personnes physiques et morales en
cause doivent, dans l'exercice de leurs activités privéesou profession-
nelles, être traitéespar 1'Etat concerné. En d'autres termes, ces dispo-
sitions détailléesont pour objet le traitement par chacune des parties des
ressortissants et sociétés del'autre partie ainsi que de leurs biens et en-
treprises. De telles dispositions ne couvrent pas les actions menéesen
l'espècepar les Etats-Uniscontre l'Iran. Le paragraphe 1de l'articleIV ne
pose donc pas de normes applicables au cas particulier. Cet article ne
saurait dèslors fonder la compétence dela Cour.lawfulness of the armed actions of the United States in relation to those
provisions.
34. The United States considers on the contrary that
"Article IV, paragraph 1, deals with the treatment by one Party of
nationals and companies of the other Party that come within its ter-
ritory for commercial or private purposes".
It submits that that text
"cannot be read as a wholesale warranty by each Party to avoid al1
injury to the nationals and companies of the other Party, regardless
of location of those nationals and companies".
The United States recalls that the actions allegedly committed by it do
not concern Iranian nationals or companies that come within the terri-
tory of the United States. This means, in the view of the United States,
that its conduct cannot be evaluated in this case in relation to Article IV,
paragraph 1. The Court is thus said to lackjurisdiction to entertain the
submissions of Iran based on this text.
35. The Court observes in the first place that Article IV, paragraph 1,
unlike the other paragraphs of the same Article, does not include any ter-
ritorial limitation. The general guarantee made available by paragraph 1
has, on that account, a wider scope than the particular obligations laid
down by the other paragraphs in relation to expropriation, or acts of
interference with property or in relation to the management of enter-
prises. It follows that the Court cannot accept the arguments of the
United States on this point.
36. However, the Court is no more able to uphold the argument of
Iran. Article IV, paragraph 1, states that the nationals and companies of
one of the contracting parties, as well as their property and enterprises,
must be treated by the other party in a "fair and equitable" manner. This
text prohibits unreasonable or discriminatory measures that would impair
certain rights and interests of those nationals and companies. It con-
cludes by specifying that their legitimately acquired contractual rights
must be afforded effective means of enforcement.The whole of these pro-
visions is aimed at the way in which the natural persons and legal entities
in question are, in the exercise of their private or professional activities,
to be treated by the State concerned. In other words, these detailed pro-
visions concern the treatment by each party of the nationals and compa-
nies of the other party, as well as their property and enterprises. Such
provisions do not cover the actions carried out in this case by the United
States against Iran. Article IV, paragraph 1,thus does not lay down any
norms applicable to this particular case. This Article cannot therefore
form the basis of the Court's jurisdiction.817 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (ARRÊT)
37. Ilrestà déterminerquellesconséquencespeuventêtretiréesdupara-
graphe 1 de l'article X du traitéde 1955pour ce qui est de la compétence
de la Cour.
Ce paragraphe est ainsi libellé:«Il y aura liberté de commerce et de
navigation entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes.
38. Il n'a pas étprétendupar le demandeur qu'une action militaire ait
porté atteinteà sa libertéde navigation. Dès lors, la question que la Cour
doit trancher aux fins de se prononcer sur sa compétence est celle de
savoir si les actions quel'Iran reproche aux Etats-Unis étaient suscep-
tibles de porter atteintàla «libertéde commerce)) telle que garantie par
la disposition précitée.
39. L'Iran a exposé quele paragraphe 1de l'article X ne vise pas seu-
lement le commercemaritime, mais le commerce en général;qu'il protège
celui-ci sans restriction territoriale; et qu'il couvre, outre les activités
d'achat et de vente de marchandises, celles qui, en amont, permettent
auxdites marchandises de parvenir au stade des échanges.La Cour serait
par suite compétente pour apprécier la licéitédes actions armées des
Etats-Unis au regard de cette disposition.
40. Les Etats-Unis, pour leur part, ont soutenu que tel n'étaitpas le
cas et ont avancé, àl'appui de leur thèse,une interprétation plus restric-
tive du mot «commerce» dans la disposition en cause. Selon eux, ce mot
doit être entenducomme ne couvrant que le commerce maritime; comme
ne visant que le commerce entre les Etats-Unis et l'Iran; et comme dési-
gnant uniquement les activités de vente ou d'échangeeffectifs de mar-
chandises.
41. La Cour doit tenir dûment compte de ce que le paragraphe 1 de
l'article X, où figure le mot «commerce», est suivi d'autres paragraphes,
qui traitent manifestement du commerce maritime. Toutefois, elle estime
que cet élémentn'estpas suffisant pour restreindre la portée decemot au
commerce maritime, le traité renfermant par ailleurs des indications
d'une intention desparties de réglerlesquestions commercialesdemanière
générale.A cet égard,la Cour prend également acte des dispositions de
l'article XXII du traité,qui préciseque celui-ci remplace notamment un
accord provisoire relatif aux relations commerciales et autres, conclu
à Téhéranle 14 mai 1928. Le traité de 1955 est donc un traité relatif
au commerce en général,qui ne se borne pas au seul commerce mari-
time.
42. Il convient en outre d'envisager toute la gamme d'activitésaux-
quelles le traité s'étend;ainsi,l'article IV, il est reconnu aux sociéles
droit de mener leurs activités, de conserver le contrôle et la gestion de
leurs entreprises et de «faire tout ce qui est nécessaireou utàla bonne
marche de leurs affaires».
43. Dans cescirconstances, la thèse selonlaquelle lemot «commerce»,
au paragraphe 1 de l'article X, ne viserait que le commerce maritime
n'emporte pas la conviction de la Cour.
44. La Cour n'a pas à se pencher sur la question de savoir si cette dis-
position ne s'applique qu'au commerce «entre» les Parties. Celles-ci ne 37. It remains to consider what consequences, in terms of the jurisdic-
tion of the Court, can be drawn from Article X, paragraph 1, of the
Treaty of 1955.
That paragraph reads asfollows :"Betweenthe territoriesof the two High
Contracting Parties there shallbe freedom of commerceand navigation."
38. It has not been alleged by the Applicant that any military action
has affected its freedom of navigation. Therefore, the question the Court
must decide, in order to determine itsjurisdiction, is whether the actions
of the United States complained of by Iran had the potential to affect
"freedom of commerce" as guaranteed by the provision quoted above.
39. Iran has argued that Article X, paragraph 1,does not contemplate
only maritime commerce, but commerce in general; that it protects this
without territorial restriction; and that, apart from the activities ofpur-
chase and sale of goods, it covers those which, at a prior stage, enable the
goods to be made ready for exchange. As a result, the Court is said to
have jurisdiction to evaluate the lawfulness of the armed actions of the
United States in the light of this provision.
40. The United States, for its part, maintained that this was not the
case, and put forward in support of that argument a more restrictive
interpretation of the word "commerce" in the provision in question.
According to the United States, that word must be understood as being
confined to maritime commerce; as being confined to commerce between
the United States and Iran; and as referring solely to the actual sale or
exchange of goods.
41. The Court must indeed give due weight to the fact that, after Ar-
ticleX, paragraph 1,in whichthe word "commerce" appears, the rest ofthe
Article clearly deals with maritime commerce. Yet thisfactor is not, in the
view of the Court. sufficientto restrict thescoDeof the word to maritime
commerce, having regardto other indications in the Treaty of an intention
of the parties todeal with trade and commercein general. The Court also
takes note in this connection of the recital in Article XXII of the Treaty
which states that the Treaty was to replace, inter aliaa,provisional agree-
ment relating to commercial and other relations, concluded at Tehran on
14 May 1928.The Treaty of 1955 is thus a Treaty relating to trade and
commerce in general, and not one restricted purely to maritime com-
merce.
42. Also to be considered is the entire range of activities dealt with in
the Treaty - as, for example, the reference in Article IV to the freedom
of companies to conduct their activities, to enjoy the right to continued
control and management of their enterprises, and "to do al1other things
necessary or incidental to the effective conduct of their affairs".
43. In these circumstances, the view that the word "commerce" in
Article X, paragraph 1, is confined to maritime commerce does not
commend itself to the Court.
44. The Court does not have to enter into the question whether this
provision is restricted to commerce "between" the Parties. It is not con-contestent en effet pas que les exportations de pétrolede l'Iran vers les
Etats-Unis se soient - dans une certaine mesure - poursuivies au moins
jusqu'à une date postérieure à la destruction du premier ensemble de
plates-formes pétrolières.
45. La Cour doit maintenant examiner l'interprétation suivantlaquelle
le mot «commerce», au paragraphe 1de l'article X, ne désigneraitque les
activitésd'achat et de vente. Selon cette interprétation, la protection
offerte par cette disposition ne s'étendrait pas auxactivités enamont qui
sont essentiellesau commerce, telles que par exemple l'obtention de biens
en vue d'une utilisation commerciale.
De l'avis de la Cour, rien nyndique que les parties au traité aient
entendu utiliser le mot «commerce» dans un sens différentdecelui géné-
ralementadmis. Or le mot «commerce»,dans son acception usuelle, ne se
limite pas aux seules activitésd'achat et de vente; il a des connotations
qui dépassent le simple fait d'acheter et de vendre, et comprend ((l'en-
semble des transactions, arrangements, etc., nécessaires à cette fin»
(The Oxford English Dictionary, 1989, vol. 3, p. 552 [traduction du
Greffeel).
Dans le langagejuridique, ce terme n'est pas non plus limitéaux acti-
vitésd'achat et de vente puisqu'il peut viser
«non seulement l'achat, la vente ou les échanges demarchandises,
mais aussi les instruments et les agents qui favorisent ces échangeset
lesmoyens et opérationspar lesquels ceux-cis'effectuent, ainsique le
transport des personneset des marchandises, que ce soit par voie ter-
restre ou par voie maritime)) (Black'sLaw Dictionary, 1990,p. 269
[traduction du Greffe 1).
De même,l'expression ((commerceinternational)) désigne,dans son sens
propre, ((l'ensemble des transactions à l'importation et à l'exportation,
des rapports d'échange,d'achat, de vente, de transport, des opérations
financières, entre nations)) et, parfois même,((l'ensemble des rapports
économiques,politiques, intellectuels entre Etats et entre leurs ressortis-
sants» (Dictionnairede la terminologie du droit international (établisous
l'autoritédu Président Basdevant), 1960,p. 126).
Ainsi, que le mot «commerce» soit pris dans son sens le plus commun
ou au sensjuridique, au plan interne ou international, il revêtune portée
qui excèdela seule référenceaux activitésd'achat et de vente.
46. Les traités portant sur des questions commerciales règlent une
vaste gamme de questions accessoires liéesau commerce, telles que le
transport maritime, la circulation des biens et des personnes, le droit de
fonder et d'exploiter des entreprises,la protection contre les voies de fait,
la liberté de communication, l'acquisition et la jouissance des biens. Par
ailleurs, dans son rapport intitulé «Développement progressif du droit
commercial international)), le Secrétairegénéral desNations Unies cite,
parmi diverses questions relevant du droit commercial international, la
conduite d'activités commerciales relatives au commerce international,
les assurances, le transport et d'autres sujets (Nations Unies,Documentstested between them that oil exports from Iran to the United States were
- to some degree - ongoing at least until after the destruction of the
first set of oil platforms.
45. The Court must now consider the interpretation according to
which the word "commerce" in Article X, paragraph 1, is restricted to
acts of purchase and sale.According to this interpretation, the protection
afforded by this provision does not cover the antecedent activities which
are essential tomaintain commerce as, for example, the procurement of
goods with a view to using them for commerce.
In the view of the Court, there is nothing to indicate that the parties to
the Treaty intended to use the word "commerce" in any sense different
from that which it generallybears. The word "commerce" isnot restricted
in ordinary usage to the mere act of purchase and sale; it has connota-
tions that extend beyond mere purchase and sale to include "the whole of
the transactions, arrangements, etc., therein involved" (Oxford English
Dictionary, 1989,Vol. 3, p. 552).
In legal language, likewise,this term is not restricted to mere purchase
and sale because it can refer to
"not only the purchase, sale, and exchange of commodities, but also
the instrumentalities and agencies by which it is promoted and the
means and appliances by which it is carried on, and transportation
of persons as well as of goods, both by land and sea" (Black's Law
Dictionary, 1990,p. 269).
Similarly, the expression "international commerce" designates, in its true
sense, "al1transactions of import and export, relationships of exchange,
purchase, sale, transport, and financial operations between nations" and
sometimes even "al1 economic, political, intellectual relations between
States and between their nationals" (Dictionnaire de la terminologie du
droit international(produced under theauthority of President Basdevant),
1960,p. 126[translation by the Registry]).
Thus, whether the word "commerce" istaken in its ordinary senseor in
its legal meaning, at the domestic or international level, it has a broader
meaning than the mere reference to purchase and sale.
46. Treaties dealing with trade and commerce cover a vast range of
matters ancillary to trade and commerce, such as shipping, transit of
goods and persons, the right to establish and operate businesses, protec-
tion from molestation, freedom of communication, acquisition and ten-
ure of property. Furthermore, in his Report entitled "Progressive Devel-
opment of the Law of International Trade", the Secretary-General of the
United Nations cites, among a number of items falling within the scope
of the Law of International Trade, the conduct of business activities per-
taining to international trade, insurance, transportation, and other mat-
ters (United Nations, Official Records of the GeneralAssembly, Twenty-ofJiciels de l'Assembléegénérale, vingt et unième session, annexes,
point 88 de l'ordre dujour, doc. Al6396; égalementreproduit dans Basic
Documents on International Trade Law, Chia-Jui Cheng (dir. publ.),
2" éd.revisée,p. 3).
La Cour observe que le traité de 1955 règle également, dans ses ar-
ticles généraux, unegrande variété de questions accessoires liéesau com-
merce.
47. Il y a lieu de relever en outre que, dans sa version originale
anglaise, le titre mêmedu traité de 1955 - contrairement à celui de la
plupart des traités semblables conclus par les Etats-Unis à la même
époque, tel le traitéde 1956entre les Etats-Unis et le Nicaragua - vise,
à côté de l'«amitié» et des ((droits consulaires », non le ((commerce»
(((Commerce»)mais, plus largement, les ((relations économiques»(((Eco-
nomic Relations »).
48. La Cour rappellera au demeurant que, dans la décisionrendue en
l'affaire Oscar Chinn (C.P.J.I. sérieA/B no 63, p. 65), la Cour perma-
nente de Justice internationale a eu l'occasion d'examiner la notion de
liberté du commerce au regard de l'article premier de la convention de
Saint-Germain. Le différendporté devant la Cour avait pour origine des
mesures prises par le Gouvernement belge en matière de trafic fluvial sur
les voies d'eau du Congo. La Cour permanente a affirmé:
«La libertédu commerce, telle qu'elle résultede la convention, est
la faculté,en principe illimitée,de se livrer toute activitécornmer-
ciale, que celle-ciait pour objet le négoceproprement dit, c'est-à-dire
la vente et l'achat des marchandises, ou qu'elle s'appliqueà l'indus-
trie et notamment a l'industrie des transports, qu'elle s'exerce à
l'intérieur ou qu'elle s'exerce avec l'extérieur par importation ou
exportation.» (Ibid., p. 84.)
Ainsi la libertédu commerce a étéentendue par la Cour permanente
comme ne visant pas seulement des activitésd'achat et de vente de biens,
mais encore l'industrie et notamment l'industrie des transports.
49. La Cour conclut de tout ce qui précèdequ'il serait naturel d'inter-
préter le mot «commerce» au paragraphe 1 de l'article X du traité de
1955 comme incluant des activités commerciales en général - non seu-
lement les activitésmêmesd'achat et de vente, mais également les acti-
vités accessoiresqui sont intrinsèquement liéesau commerce.
50. La Cour ne saurait en tout étatde cause perdre de vue que le para-
graphe 1 de l'article X du traité de 1955 ne protège pas à proprement
parler le «commerce» mais la ((liberté de commerce)). Tout acte qui
entraverait cette «liberté» s'entrouve prohibé. Or, saufà rendre une telle
liberté illusoire, il faut considérer qu'elle pourrait êtreeffectivement
entravéedu fait d'actes qui emporteraient destruction de biens destinés à
être exportés, ou qui seraientsusceptibles d'en affecter le transport et le
stockage en vue de l'exportation.
La Cour relèvera à ce sujet que le pétrole pompé à partir des plates-
formes attaquées en octobre 1987passait de ces plates-formes au termi-jrst Session, Annexes, Agenda item 88, doc. Al6396; also in Basic
Documents on International Tvade Law, Chia-Jui Cheng (ed.), 2nd rev.
ed., p. 3).
The Court notes that the Treaty of 1955 also deals, in its general
articles, with a wide variety of matters ancillary to trade and commerce.
47. It should also be noted that, in the original English version, the
actual title of the Treaty of 1955 - contrary to that of most similar trea-
ties concluded by the United States at that time, such as the Treaty of
1956between the United States and Nicaragua - refers, besides "Amity"
and "Consular Rights", not to "Commerce" but, more broadly, to "Eco-
nomic Relations".
48. The Court also notes that, in the decision in the Oscar Chinn case
(P.C.I.J., Series A/B, No. 63, p. 65), the Permanent Court of Interna-
tional Justice had occasion to consider the concept of freedom of trade
under Article 1 of the Convention of Saint-Germain. The dispute before
the Court arose in the context of measures taken by the Belgian Govern-
ment in relation to river traffic in the waterways of the Congo. The Per-
manent Court observed :
"Freedom of trade, as established by the Convention, consists in
the right - in principle unrestricted - to engage in any commercial
activity, whether it be concerned with trading properly so-called,
that is the purchase and sale of goods, or whether it be concerned
with industry, and in particular the transport business; or, finally,
whether it is carried on inside the country or, by the exchange of
imports and exports, with other countries." (Ibid., p. 84.)
The expression "freedom of trade" was thus seen by the Permanent
Court as contemplating not only the purchase and sale of goods, but also
industry, and in particular the transport business.
49. The Court concludes from al1of the foregoing that it would be a
natural interpretation of the word "commerce" in Article X, paragraph 1,
of the Treaty of 1955that it includes commercial activities in general-
not merely the immediate act of purchase and sale, but also the ancillary
activities integrally related to commerce.
50. The Court should not in any event overlook that Article X, para-
graph 1, of the Treaty of 1955does not strictly speaking protect "com-
merce" but 'ifreedom of commerce". Any act which would impede that
"freedom" is thereby prohibited. Unless such freedom is to be rendered
illusory, the possibility must be entertained that it could actually be
impeded as a result of acts entailing the destruction of goods destined to
be exported, or capable of affecting their transport and their storage with
a view to export.
The Court points out in this respect that the oil pumped from the plat-
forms attacked in October 1987passed from there by subsea line to thena1pétrolierde l'île de Lavan par le moyen d'un oléoduc sous-marin et
que l'installation de Salman, qui a fait l'objet de l'attaque d'avril 1988,
était aussi reliéeau terminal pétrolier de Lavan par un oléoduc sous-
marin.
51. La Cour observe que la production pétrolière de l'Iran, piècemaî-
tresse de l'économie decepays, constitueune composantemajeure de son
commerce extérieur.
En l'étatactuel du dossier,la Cour n'est certespas en mesure de déter-
miner si et dans quellemesure la destruction des plates-formes pétrolières
iraniennes a eu des conséquencessur l'exportation du pétroleiranien; elle
n'en constate pas moins que cette destruction était susceptible d'avoir un
tel effet et de porter par suite atteintea libertéde commerce telle que
garantie par le paragraphe 1de l'article X du traité de 1955.Sa licéité est
dèslors susceptible d'êtreappréciéeau regard de ce paragraphe. L'argu-
mentation exposéesur ce point par les Etats-Unis doit être écartée.
52. Les conclusions auxquelles la Cour est parvenue ci-dessusen ce qui
concerne le paragraphe 1 de l'article X sont confirméespar la nature du
traité dans lequel cette disposition s'inscrit. Son article premier a été
rédigé, commeil a déjàété observée,n des termes si généraux qu'ilne
saurait àlui seul créer des droits et obligationsjuridiques. Toutefois, cela
ne signifie pas qu'il ne puisse être invoqué auxfins de l'interprétation
d'autres dispositions du traité. La Cour ne saurait perdre de vue que
l'articlepremier affirme en des termes générauxqu'ily aura paix stable et
durable et amitiésincèreentre les Parties. L'esprit qui anime cet article et
l'intention qu'il exprime inspirent l'ensemble du traité et lui donnent sa
signification; ils doivent, en cas de doute, inciter la Cour à adopter
l'interprétation quisemble la plus conforme à l'objectif général'établir
des relations amicales dans tous les domaines d'activitécouverts par le
traité.
53. En considération de ce qui précède,la Cour conclut qu'il existe
entre les Parties un différendquantà l'interprétation eà l'application du
paragraphe 1 de l'article X du traitéde 1955; que ce différendentre dans
les prévisions dela clause compromissoire figurant au paragraphe 2 de
l'article XXI du traité; et que la Cour est par suite compétente pour
connaître dudit différend.
54. Ayant ainsi à rejeter l'exception préliminaire soulevéear lesEtats-
Unis, la Cour constate que les conclusions par lesquelles l'Iran l'a priée,
à titre subsidiaire, de dire que cette exception ne revêtaitpas, dans les
circonstances de l'espèce,un caractère exclusivement préliminaire sont
devenues sans objet.oil terminal on Lavan Island and that the Salman complex, object of the
attack of April 1988,was also connected to the oil terminal on Lavan by
subsea line.
51. The Court notes that Iran's oil production, a vital part of that
country's economy, constitutes an important component of its foreign
trade.
On the material now before the Court, it is indeed not able to deter-
mine if and to what extent the destruction of the Iranian oil platforms
had an effect upon the export trade in Iranian oil; it notes nonetheless
that their destruction was capable of having such an effect and, conse-
quently, of having an adverse effect upon the freedom of commerce as
guaranteed by Article X, paragraph 1, of the Treaty of 1955.It follows
that its lawfulness can be evaluated in relation to that paragraph. The
argument made on this point by the United States must be rejected.
52. The conclusions which the Court has reached above as to Ar-
ticle X, paragraph 1, are confirmed by the nature of the Treaty of which
this provision forms a part. Its Article 1 has, as already observed, been
drafted in terms so general that by itself it is not capable of generating
legal rights and obligations. This is not to say, however, that it cannot be
invoked for the purpose of construingother provisions of the Treaty. The
Court cannot lose sight of the fact that Article 1 states in general terms
that there shall be firm and enduring peace and sincerefriendship between
the Parties. The spirit and intent set out in this Article animate and give
meaning to the entire Treaty and must, in case of doubt, incline the
Court to the construction which seemsmore in consonance with its over-
al1objective of achievingfriendly relations over the entire range of activi-
ties covered by the Treaty.
53. In the light of the foregoing, the Court concludes that there exists
between the Parties a dispute as to the interpretation and the application
of Article X, paragraph 1, of the Treaty of 1955; that this dispute falls
within the scope of the compromissory clause in Article XXI, para-
graph 2, of the Treaty; and that as a consequence the Court has jurisdic-
tion to entertain this dispute.
54. Since it must thus reject the preliminary objection raised by the
United States, the Court notes that the submissions whereby Iran
requested it, on a subsidiary basis, to find that the objection did not
possess, in the circumstances of the case, an exclusively preliminary
character, no longer have any object.821 PLATES-FORM PETROLIÈRES (ARRÊT)
55. Par ces motifs,
1) Rejette, par quatorze voix contre deux, l'exception préliminairedes
Etats-Unis d'Amériqueselon laquelle letraitéde 1955ne saurait d'aucune
manière fonder la compétence dela Cour;
POUR: M. Bedjaoui, PrésidentMM. Guillaume, Shahabuddeen,Weera-
mantry, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin,
Ferrari Bravo,me Higgins,M. Parsa-Aranguren,jugesM. Rigaux,juge
ad hoc;
CONTRE: M. Schwebel,Vice-PrésidenM;. Oda,juge;
2) Dit, par quatorze voix contre deux, qu'ellea compétence, surla base
du paragraphe 2 de l'article XXI du traité de 1955, pour connaître des
demandes formuléespar la Républiqueislamique d'Iran au titre du para-
graphe 1 de l'article X dudit traité.
POUR: M. Bedjaoui, PrésidentMM. Guillaume, Shahabuddeen,Weera-
mantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin,
Ferrari Bravo,me Higgins,M. Parra-Aranguren,jugesM. Rigaux,juge
ad hoc;
CONTRE: M. Schwebel,Vice-PrésidenM;. Oda,juge.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de
la Paix, La Haye, le douze décembremil neuf cent quatre-vingt-seize, en
trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et les
autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Répu-
blique islamique d'Iran et au Gouvernement des Etats-Unis d7Amé-
rique.
Le Président,
(Signé) Mohammed BEDJAOUI.
Le Greffier,
(Signé) Eduardo VALENCIA-OSPINA.
M. SHAHABUDDEE MN., RANJEVAM , meHIGGINSet M. PARRA-ARAN-
GURENju , ges, et RIGAUXj,uge ad hoc, joignentà l'arrêtles exposésde
leur opinion individuelle.
M. SCHWEBEV L,ice-Président,et M. ODA,juge, joignentà l'arrêtles
exposésde leur opinion dissidente.
(Paraphé) M.B.
(Paraphé) E.V.O. 55. For these reasons,
(1)Rejects, by fourteen votes to two, the preliminary objection of the
United States of America according to which the Treaty of 1955 does not
provide any basis for the jurisdiction of the Court;
IN FAVOUR President Bedjaoui;Judges Guillaume, Shahabuddeen,Weera-
mantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin,
Ferrari Bravo, Higgins,Parra-Aranguren;Judge ad hoc Rigaux;
AGAINST :Vice-PresidentSchwebel;Judge Oda ;
(2) Finds, by fourteen votes to two, that it hasjurisdiction, on the basis
of Article XXI, paragraph 2, of the Treaty of 1955, to entertain the
claims made by the Islamic Republic of Iran under Article X, para-
graph 1, of that Treaty.
IN FAVOUR P residenBedjaoui; Judges Guillaume, Shahabuddeen,Weera-
mantry, Ranjeva, Herczegh, Shi,Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin,
Ferrari Bravo,Higgins,Parra-Aranguren; Judge ad hoc Rigaux;
AGAINST :Vice-PuesidentSchwebel;Judge Oda.
Done in French and in English, the French text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this twelfth day of December, one thou-
sand nine hundred and ninety-six, in three copies, one of which will be
placed in the archives of the Court and the others transmitted to the
Government of the Islamic Republic of Iran and the Government of the
United States of America, respectively.
(Signed) Mohammed BEDJAOUI,
President.
(Signed) Eduardo VALENCIA-OSPINA,
Registrar.
Judges SHAHABUDDEEN, RANJEVA H,IGGINS and PARRA-ARANGURaE nd
Judge ad hoc RIGAUX append separate opinions to the Judgment of the
Court.
Vice-President SCHWEBEaL nd Judge ODAappend dissenting opinions
to the Judgment of the Court.
(Initialled)M.B.
(Initialled)E.V.O.
Exception préliminaire
Arrêt du 12 décembre 1996