Arrêt du 2 décembre 1963

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048-19631202-JUD-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING

THE NORTHERN CAMEROONS

(CAMEROON v.UNITED KINGDOM)
PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENT OF 2 DECEMBER 1963

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DU

CAMEROUN SEPTENTRIONAL
(CAMEROUN c. ROYAUME-UNI)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES This Judgment should be cited as follows:
"Case concerning theNorthern Cameroons
(Cameroonv. United Kingdom), Preliminary Objections,

Judgment of2December 1963: I.J. Report1963, p.15."

Le présent arrêtdoit êtrecitécomme suit:
(A8aire du Cameroztnseptentrional
(Camerounc. Royaume-Un4 ,Exceptions préliminaires,
Arrêtdu2 décembre1963: C.IJ. Recuei1963,p.15.»

Sales number
No de vente:280 1 COUR INTERNATIONmE DE JUSTICE

1963
ANNÉE 1963 2décembre
R61no48néral
2 décembre 1963

AFFAIRE DU

CAMEROUN SEPTENTRIONAL

(CAMEROUN c. ROYAUME-UNI)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

Questions préalables: existenced'un différendentrelesParties ; conformité
de la requêteavec l'article 32, parag2,du Règlement- Accord de
tutelle pour le territoire du Cameroun sous administration br-tannique
Saisine de la Cour et administration de la -usFonction judiciaire
et limitations à son exe-cCessation de l'accordde tutellepar décision
de l'Assembléegénéraet eflets de cetteces-atManquements allégués
à l'accordde tut-llObjetde la demande et nature de la décision demandée
- Jugements déclaratoir-s Impossibilité pour la Cour en l'espècede
rendreun arrêtsuscePtible d'application effective.

Présents:M. WINIARSKI, Président; M. ALFARO, Vice-Président;

MM. BASDEVANT ,ADAWI,MORENO QUINTANAW , EL-
LINGTON KOO, SPIROPOULOS s,ir Percy SPENDER,sir
Gerald FITZMAURICM E,M. KORETSKYT ,ANAKAB , USTA-

MANTE Y RIVERO,JESSUP,MORELLI ,uges; M. BEB A
DON, Juge ad hoc; M. GARNIER-COIGNE GTeficr.

4 En l'affaire du Cameroun septentrional,
entre

la République fédéraledu Cameroun,
représentéepar
S. Exc. M. Vincent de Paul Ahanda, ambassadeur de la Répii-
blique fédéraledu Cameroun en Belgique, au Luxembourg et
aux Pays-Bas,
comme agent,
et par

M. Paul Engo, magistrat,
comme agent adjoint,
assistéspar
M. Prosper Weil, professeur à la Faculté de droit et des sciences
économiques de Nice (Universitéd'Aix-Marseille),
M. Robert Parant, magistrat, directeur des Affaires judiciaires
et du Sceau au ministère de la Justice,

comme conseils,
M. El Hadji Moussa Yaya, député,vice-président de l'Assemblée
nationale fédérale,
M. Eloi Langoul, conseiller référendaireà la Cour suprême du
Cameroun oriental, directeur du cabinet du ministre d'État,
chargéde la Justice, garde des Sceaux,
M. François-Xavier Tchoungui, directeur du cabinet du ministre
des Affaires étrangères,
comme conseillers,
et

M. Charles Debbasch,maître deconférences agrégé àla Facultéde
droit et des scienceséconomiques de l'université de Grenoble,
M. Paul Isoart, maître-assistant à la Faculté de droit et des
sciences économiques de Nice (Université d'Aix-Marseille),
comme experts,
et
le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,

représentépar
sir Francis Vallat,K. C. M. G., Q. C., jurisconsulte du ministère
des Affaires étrangères,
comme agent,
etpar
M. P. J.Allott, l'un des jurisconsultes-adjoints du ministèrdes
Affaires étrangères,

comme agent adjoint,
assistéspar
le très honorable sir John Hobson, O. B. E., T. D., Q.C., M. P.,
Attorney-General,

5 M. M. E. Bathurst, C. M. G., C. B. E., membre du barreau
d'Angleterre,
M. D. H. N. Johnson, professeur de droit international et aérien
àl'université de Londres,
comme conseils,

et
M. P. R. A. Mansfield, direction des affaires de l'Afrique occiden-
tale et centrale au ministère des Affaires étrangères,
comme conseiller,

ainsi composée,

rendl'arrêstuivant :
Le 30 mai 1961,l'ambassadeur du Cameroun en France a remis au

Greffierune requêtequi, faisant étatd'un différendentre songouver-
nement et le Gouvernement du Royaume-Uni, prie la Cour de dire
et juger que, dans l'application de l'accord de tutelle pour le
territoire du Cameroun sous administration britannique approuvé
par l'Assemblée générale desNations Unies le 13 décembre 1946,
le Royaume-Uni n'a pas, en ce qui concerne le Cameroun septen-
trional, respecté certaines obligations qui découlentdirectement ou
indirectement dudit accord. Pour établir la juridiction de la Cour,
la requête invoque l'article 19 de l'accord de tutelle.

Conformément àl'article40,paragraphe 2, du Statut de la Cour,
la requête aétécommuniquée au Gouvernement du Royaume-Uni.
Conformémentau paragraphe 3 du mêmearticle, les autres Membres
des Nations Unies, ainsi que les États non membres admis àester en

justice devant la Cour, en ont étéinformés.
Les délais pour le dép6t du mémoire et du contre-mémoire ont
étéfixéspar ordonnance du 6 juillet 1961; ils ont étéultérieurement
prorogés à la demande des Parties par ordonnances des 2 novembre
1961,25avril et IO juillet 1962.Le mémoireet lecontre-mémoire ont
étédéposésdans les délaisainsi prorogés. Dans le contre-mémoire,
déposé le 14 août 1962, le Gouvernement du Royaume-Uni a non
seulement fait état du fond de l'affaire, mais aussi soulevé des
exceptions préliminaires en vertu de l'article 62 du Règlement de la
Cour. En conséquence, une ordonnance du 3 septembre 1962 a
constaté qu'en vertu des dispositions de l'article2, paragraphe 3,
du Règlement de la Cour la procédure sur le fond était suspendue
et a fixéau I~Tdécembre 1962 la date d'expiration du délai dans

lequel le Gouvernement camerounais pourrait présenter un exposé
écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions
préliminaires. A la demande du Gouvernement camerounais, ce
délaia étéprorogé au lermars 1963par ordonnance du 27 novembre
1962, puis au rer juillet 1963 par ordonnance du II janvier 1963.
6 Cet exposéayant étéprésentédans le délai ainsi prorogé, l'affaire

s'est trouvée en état pour ce qui est des exceptions préliminaires.

En application de l'article31, paragraphe 2,du Statut de la Cour,
le Gouvernement camerounais a désigné M. Philémon Beb a Don,
ambassadeur du Cameroun en France, pour siéger comme juge ad
hocen la présente affaire.
Des audiences ont été tenues du 19 au 23, du 25 au 27, le 30
septembre et les I~~ et 3 octobre 1963, durant lesquelles ont été
entendus en leurs plaidoiries et réponses, pour le Gouvernement du
Royaume-Uni: sir Francis Vallat, agent, et sir John Hobson,
conseil; et pour le Gouvernement camerounais: M. Vincent de Paul

Ahanda, agent, M. Paul Engo, agent adjoint, et M. Prosper Weil,
conseil.
Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont étéprksen-
tées par les Parties:

Au nom. duGouverwementcamerounais,

dans la requête:

« Plaiseà la Cour:

notifier la présente requêteconformément à l'article 40, paragra-
phe 2, du Statut de la Cour au Gouvernement du Royaume-Uni;

dire et juger, tant en l'absence qu'en présencedudit Gouvernement
et après tels délais qu'il appartiendraà la Cour de fixer: que le
Royaume-Uni, dans l'application de l'Accord de Tutelle du 13dé-
cembre 1946n'a pas respectécertaines obligations qui en découlent
directement ouindirectementsur lesdiverspoints relevésci-dessus»;

dans le mémoire:
«La République fédérale du Cameroun conclut à ce qu'il plaise
à la Cour lui adjuger les conclusions de sa requête introductive et
notamment dire et juger:

que le Royaume-Uni, dans l'application de l'Accord de Tutelle
du 13 décembre 1946 n'a pas respecté certaines obligations qui
en découlent directement ou indirectement sur les divers points
relevés ci-dessus»

Au nom du Gouvernementdu Royaume-Uni,

dans le contre-mémoire :
«112.Le Gouvernement britannique conclut à ce qu'il plaisà la
Cour dire et juger:

7 i) que, pour les raisons énoncéesdans la première partie du présent

contre-mémoire, la Cour n'est pas compétente pour connaître
de l'affaire;
ii) que, si, contrairement à cette conclusion du Gouvernement
britannique, la Cour juge qu'elle est compétente, les allégations
formulées par la République du Cameroun visant la violation
des obligations du Royaume-Uni en vertu de l'accord de tutelle
sont sans fondement pour les motifs énoncésà la deuxième et
à la troisième partie du contre-mémoire. »

Au nom du Gouvernementcamerounais,
dans les observations et conclusions sur l'exception préliminaire:

((En se fondant sur les observations qui précèdent,et en réservant
tous ses droits quant au fond du litige, la République Fédéraledu
Cameroun a l'honneur de soumettre à la Cour les conclusions
suivantes :

Plaise à la Cour :
I. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tendant à ce
que laCour se déclare incompétente;

2. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tirée de
l'inobservation des dispositions de l'article 32, paragraphe z, du
Règlement de la Cour;
3. Dire et juger que le Royaume-Uni, dansl'interprétation et l'ap-
plication de l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous adminis-
tration britannique, n'a pas respecté certaines obligations qui dé-
coulent directement ou indirectement dudit Accord, et notamment

de ses articles 3, 5, 6et 7.))
Au cours de la procédure orale, les conclusions ci-après ont été

présentées par les Parties:

Au nom du Gouvernementdu Royaume-Uni,

à l'audience du 23 septembre 15263:
((Pour les motifs que je viens d'exposer à la Cour, je conclus à
ce qu'il plaise à la Cour dire et juger qu'elle n'est pas compétente
pour connaître de l'affaire et je confirme la première conclusion
énoncéeau paragraphe 112 du contre-mémoire du Royaume-Uni. »

Aztnom du-Gouvernementcarnerounazs,
après l'audience du 27 septembre 1963:

(Plaise à la Cour:
I. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tendant à ce
que la Cour se déclare incompétente;
2. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tirée de

l'inobservation' des dispositions de l'article 32, paragraphe 2, du
Règlement de la Cour;
3. Dire et juger que le Royaume-Uni, dans l'interprétation et
l'application de l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous adminis-
8 tration britannique, n'a pas respecté certaines obligations qui
découlentdirectement ou indirectement dudit Accord, et notamment
de ses articles 3,, 6 et 7.»

Au nom du Gouvernementdu Royaume-Uni.
à l'audience du I~~ octobre 1963

((Pour les motifsindiquésdans le contre-mémoireet les plaidoiries
faites au nom du Royaume-Uni au cours des présentes audiences, le
Royaume-Uni formule les conclusions suivantes:

1) à aucun moment, il n'y a eu un différend,comme l'allèguela
requêtedéposéeen l'affaire;
2) il n'y avait pas eu ou il n'y avait paà la date du 30mai 1961,
comme l'allègue la requête, un différend relevant de l'article 19
de l'accord de tutelle pour le territoire du Cameroun sous admi-
nistration du Royaume-Uni;

3) en toute hypothèse, la Cour n'est pas saisie d'un différend
qu'elle soit fondéeà trancher.
En conséquence,plaise à la Cour:
Eu égard aux conclusions ci-dessus, envisagées tant séparément
que globalement, admettre lesexceptionspréliminairesdu Royaume-
Uni et dire que la Cour n'a pas compétence en la présente
affaire et ne procéderapas à un examen au fond. »

Au nom du Gouvernementcamerounais,

à l'audiefice du 3 octobre 1963:
((Pour les motifs indiqués dans ses écritures et ses plaidoiries, la
République Fédéraledu Cameroun a l'honneur de formuler les
conclusions suivantes :
Plaise àla Cour :

1. Rejeter les exceptions préliminaires du Royaume-Uni tendant
à ce que la Cour se déclareincompétente;
2. Se déclarercompétente pour examiner au fond la demande de
la République Fédéraledu Cameroun tendant à ce que la Cour dise
et juge que le Royaume-Uni dans l'interprétation et l'application de
l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous administration britanni-
que, n'a pas respectécertaines obligations qui découlentdirectement
ou indirectement dudit Accord, et notamment de ses articles 3,5,
6 et 7.1)

Le Préside-nt ayant demandé à l'agent du Gouvernement du
Royaume-Uni s'il avait des observations à formuler au sujet des
conclusions ainsi présentées par le Gouvernement camerounais,
l'agent a déclaré qu'il n'avait pas de commentaires à faire, pour
autant que cesconclusions concernaient la question de la juridiction
de la Cour et les exceptions préliminaires du Royaume-Uni. Pour arriver àstatuer sur lesconclusions quilui ont étéprésentées

par les Parties, la Cour doit faire état de certains faits qui sontla
base des griefs invoqués par le demandeur. Sous réserve de la
faculté de revenir ultérieurement sur tel ou tel d'entre eux, la Cour
commencera par présenter d'une manière généraleles faits qu'elle
juge importants pour guider son raisonnement.
La requêtedéposée le30 mai 1961 par la République du Came-
roun doit êtrereplacéedans le contexte historique de l'une des quel-
ques transformations politiques importantes concernant certains
territoires qui sont survenues à l'époque contemporaine sur le
continent africain. Le territoire dont il s'agit en l'espèce et qui est
connu sous le nom de Cameroun septentrional est l'une des «posses-
sions d'outre-mer » àl'égarddesquelles l'Allemagne a renoncé à ses
droits et titres en vertu de l'articleII~ du traité de Versailles du
28 juin 1919 et qui ont étéplacées sous le système des Mandats

de la Sociétédes Nations. Conformément à ime décision prise lors
de la Conférencede la paix par le Conseil des Quatre, les Gouverne-
ments de France et de Grande-Bretagne ont recommandé que le
territoire antérieurement désigné sous le titre de protectorat
allemand du Cameroun soit divisé endeux Mandats, l'un administré
par la France et l'autre par la Grande-Bretagne. Cette recomman-
dation a étéacceptée et les Mandats ont été institués.
Après la création des Nations Unies, les Gouvernements français
et britannique ont proposé de placer sous le régime international
de tutelle ces territoires sous Mandat. Des accords de tutelle
pour le territoire du Cameroun sous administration britannique
et pour le territoire du Cameroun sous administration française
sont entrés en vigueur le 13 décembre 1946, avec l'approbation de
l'Assemblée générale des Kations Unies.

Le Gouvernement du Royaume-Uni, autorité administrante,
a maintenu dans le territoire sous tutelle du Cameroun les mêmes
dispositions administratives que celles qu'il avait arrêtéeslorsqu'il
avait accepté le Mandat. En vertu de ces dispositions, le territoire
était divisé en une régionseptentrionale et une région méridionale.
Le Cameroun septentrional ne constituait pas en lui-même une
unité géographique et comprenait deux sections séparées par une
étroite bande de territoire appartenant à ce qui était alors le pro-
tectorat britannique de la Nigéria, lequel bordait sur toute sa
longueur la partie occidentale du Mandat. Le Cameroun septen-
trional était administré comme faisant partie des deux provinces
du nord de la Nigéria, le Bornou et l'Adamaoua. Jiisqu'en 1939,
leCameroun méridional a étéadministré dans le cadre de la Nigéria
du Sud comme une province distincte, celle du Cameroun. Par la
suite, il a étéliéadministrativement, en tant que province distincte,

aux provinces de l'est de la Nigéria.
Le territoire sous tutelle du Cameroun sous administration
française, qui longeait toute la frontière est et la plus grande partie
de la frontière nord du territoire sous tutelle du Cameroun sousadministration britannique, a accédéà l'indépendance le Ierjan-
vier 1960sousle nom de République du Cameroun. Le 20 septembre
1960. la République du Cameroun est devenue Membre des Nations
Unies. Le I~~ octobre 1961, à la suite d'un plébiscite effectuésous
les auspices des Nations Unies, le Cameroun méridional s'est uni
à la République du Cameroun à laquelle il s'est alors incorporé.
Entre-temps, à la suite d'un autre plébiscite effectué sous les
auspices des Nations Ilnies lesII et 12 février 1961, le Cameroun
septentrional s'était uni le~erjuin 1961 à la Fédération de Nigéria,

laquelle était devenue indépendante le I~~octobre 1960 et avait été
admise aux Nations Unies six jours plus tard. Le Cameroun septen-
trional est devenu et demeure une province distincte de la Région
du Nord de la Nigéria.
La situation des territoires sous tutelle du Cameroun sous
administration française et du Cameroun sous administration
britannique a beaucoup retenu l'attention du Conseil de tutelle
des Nations Unies et de l'Assembléegénérale elle-même. L'Assem-
bléegénéralea même décidé, le 5 décembre 1958, de reprendre sa
treizième session en février1959 «àseule fin d'examiner la question
de l'avenir des Territoires sous tutelle du Cameroun sous ad-

ministration française et du Cameroun sous administration du
Royaume-Uni)). En outre, toute la question des unions administra-
tives dans les territoires sous tutelle a fait aux Nations Unies, Pen-
dant de longues années, l'objet d'examens répétés.
Les rapports des missions de visite dans les deux territoires sous
tutelle du Cameroun sous administration française et du Cameroun
sous administration britannique, les débats du Conseil de tutelle
et de la Quatrième Commission de l'Assembléegénérale,aussi bien
que les rapports du commissaire des Nations Unies qui a surveillé
les plébiscites organisésdans le territoire sous tutelle du Cameroun
sous administration britannique, sont autant d'élémentsde base

qui permettent de situer les questions soulevéespar la République
du Cameroun dans sa requête introductive d'instance du 30 mai
1961 dirigéecontre le Royaume-Uni. La procédure sur le fond étant
suspendue comme l'a constaté l'ordonnance du 3 septembre 1962,la
Cour, ainsi qu'elle l'a déjà souligné, ne mentionne cet ensemble
de documents qu'à seule fin d'indiquer le contexte dans lequel
elle a été invitéeà examiner la requête et le mémoire de la Répu-
blique du Cameroun, ainsique les exceptions préliminaires formulées
à leur sujet par le Royaume-Uni. Mais il y a lieu, pour éclairer ce
qui suit, de se référerplus précisément à trois des résolutions adop-
tées par l'Assemblée générale des Nations Unies.

Le 13 mars 1959, l'Assemblée généralea adopté la résolution
1350 (XIII). Elle y a recommandé que l'autorité administrante,
en consultation avec un commissaire des Nations Unies aux plé-
biscites, organise sous la surveillance de l'organisation des
Nations Unies des plébiscites séparésdans la partie septentrionale
et dans la partie méridionale du Cameroun sous administration CAMEROUN SEPTENTRIONAL (ARRÊT DU 2 XII 63) 23

britannique «afin de déterminer les aspirations des habitants
du Territoire au sujet de leur avenir 1).Au Cameroun méridional,
le plébiscite a eix lieu leII février 1961; le vote a été en faveur
de la décision «d'accéder à l'indépendance en s'unissant à la Répu-
blique du Cameroun indépendante ».Au Cameroun septentrional,
un premier plébiscite a eu lieu le 7 novembre 1959; le vote a été

-enfaveur de la remise àplus tard d'une décisionsur l'avenir du pays.
En conséquence, dans sa résolution 1473 (XIV) du 12 décembre
1959, l'Assembléegénérale a recommandéqu'un nouveau plébiscite
soit organisé au Cameroun septentrional, au cours duquel on de-
manderait à la population de dire si elle désirait (accéder à l'indé-
pendance )en s'unissant à la République du Cameroun indépen-
dante ou en s'unissant à la Féderation de Nigériaindépendante. Par
la même résolution, l'Assemblée générale arecommandé qu'entre-
temps le Royaume-Uni prenne des mesures tendant notamment

à effectuer sans retard cla séparation administrative du Cameroun
septentrional et de la Nigéria, et que cette séparation soit achevée
le I~~ octobre 1960 ».Or, l'un des griefs de la République du
Cameroun comme demandeur en l'instance est que le Royaume-
Uni, en tant qu'autorité administrante, n'a pas pris les dispositions
nécessaires pour que cette recommandation soit mise en Œuvre.
Le plébiscite a eu lieu lesII et 12 février 1961 et, l21 avril 1961,
l'Assembléegénérale aadopté la résolution 1608 (XV) qui présente

un intérêtspécial en l'espèce. Cette résolution comprend les trois
paragraphes suivants :
(2. Prend acte des résultats des plébiscitesselon iesq-aels:

a) La population du Cameroun septentrional a décidé, à une ma-
jorité importante, d'accéder à l'indépendanceen s'unissant à
la Fédérationde Nigériaindépendante;
b) La population du Cameroun méridional a également décidé
d'accéder à l'indépendance en s'unissant à la République du
Cameroun indépendante ;
3. Edirne que, les populations des deux parties du Territoire sous
tutelle ayant librement ex-riiné, au cours d'un scrutin secret, leurs
aspirations au sujet de leur avenir respectif conformément aux
résolutions1352(XIV) et 1473 (XIY')de l'Assembléegénérale, les
décisionsqu'elles ont prises par des moyens démocratiques,sous la
surveillance de l'organisation des Nations Unies, doivent immédia-
tement êtremises en euvre;

4. Décid que, les plébiscitesayant eu lieu séparémentavec des
résultats différents,l'Accordde tutelle du13 décembre1946 relatif
au Cameroun sous administration du Royalime-Uni prendra fin,
conformément à l'alinéabde l'Article 76 de la Charte des Nations
Unies et en accord avec l'Autorité administrante, danslesconditions
suivantes:
a) En ce qui concerne le Cameroun septentrional, le I~~juin 1961,
au moment où le Cameroun septentrional s'unira à la Fédération
de Nigénaen tant que province séparéede la Régiondu Nord
de la Nigéna;
12 b) En ce qui concerneleCameroun méridional,le I~~ octobre 1961,
au moment où le Cameroun méridionals'unira à la République
du Cameroun ;11.
La République du Cameroun a voté contre cette résolution.

Encore que, dans une note adressée le I~~mai 1961au Royaume-
Uni par le ministère des Affaires étrangères de la République du
Cameroun (note dont il sera traité plus particulièrement ci-après), le
demandeur ait été d'avisque la tutelle ne pouvait êtrelevée sans

l'accord de la République du Cameroun cen sa qualité d'Etat
directement intéressé »,il n'a pas maintenu cette position; le fait
que la résolution 1608 (XV) de l'Assembléegénéralea mis fin à l'ac-
cord de tutelle est maintenant reconnu par les deux Parties.

Dèsavant les débats qui ont conduit à l'adoption de la résolution
1608 (XV), la République du Cameroun a critiqué la manière dont
le Royaume-Uni mettait en Œuvre la séparation administrative
du Cameroun septentrional et de la Nigéria. Déjà en mai 1960,
avant l'admission de la République du Cameroun comme Membre
des Nations Unies, ses vues avaient étéénoncéesen son nom par le
représentant de la France au Conseilde tutelle. Après son admission

aux Nations Unies, la République du Cameroun a affirméelle-même,
dans un communiqué joint à une note verbale adressée le 4 janvier
1961 au Royaume-Uni, que la séparation administrative n'avait
pas été effectuée et que le Royaume-Uni, en tant qu'autorité
administrante, n'avait pas conduit les peuples du Cameroun
septentrional à la capacité à s'administrer eux-mêmes comme le
prévoit l'alinéa b) de l'article 76 de la Charte des Nations Unies.
Plus tard, après le plébiscite de février 1961, les représentants de la
République du Cameroun ont, dans de nombreuses interventions
tant à la Quatrième Commission de l'Assemblée généralequ'aux
séances plénièresde l'Assemblée,fait connaître les objections du

Cameroun contre certaines pratiques, actions ou inactions qui
auraient étéimputables aux autorités locales de tutelle pendant la
période précédantle plébiscite et durant les opérations électorales
et qui auraient modifiéle déroulement normal de la consultation po-
pulaire et entraîné des suitescontrairesàl'accord detutelle. LaRépu-
blique du Cameroun a constamment soulignéqu'à son avis la « règle
de l'unité 1avait étéméconnuepar l'autorité administrante, ce qui
avait modifiél'évolution politique du territoire sous tutelle.

Ces objections, les allégations de la République du Cameroun
selon lesquelles la recommandation relative à la séparation adminis-
trative énoncéedans la résolution 1473 (XIV) de l'Assemblée

généralen'aurait pas étésuivie et le grief d'après lequel l'ensemble
du territoire sous tutelle n'aurait pas été administré comme une
unité administrative distincte ont étédéveloppésdans un livre
blanc distribué par le Cameroun à tous les Membres des Nations
13Unies en mars 1961, alors que la Quatrième Commission de 1'Assem-
bléegénéralediscutait des résultats du second plébiscite du Came-
roun septentrional. Les représentants du Royaume-Uni et de la
Nigéria ont répondu à ce livre blanc en diffusant de leur ccté des
lettres de réfutation. C'est après cet échange et les débats auxquels
il a donné lieu que l'Assemblée générale a adopté la résolution
1608 (XV) mentionnée plus haut.
Après l'adoption de la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée
gknérale, la République du Cameroun a adressé au Royaume-Uni
le lermai 1961 une note où elle rappelait les griefs (de nature juri-

dique ))qu'elle avait formulés et qu'elle souhaitait voir examiner
par la Cour. Ces griefs sont énumérés dansla note ;ils correspondent
à ceux quisont indiqu4s dansla requêtecomme se rattachant àl'exé-
cution de l'accord de tutelle par l'autorité administrante et comme
constituant l'objet du différend entre la République du Cameroun
et le Royaume-Uni. La note faisait état d'un différend relatif à
l'application de l'accord de tutelle et demandait au Royaume-Uni
de conclure un compromis à l'effet de saisir la Cour. La note de la
République du Cameroun ne faisait aucune mention de l'article 19
de l'accord de tutelle dont il sera question ci-après.

A cette communication, le Royaume-Uni a répondu le 26 mai
1961 que le différend ne lui semblait pas s'êtreélevéentre lui et la
République du Cameroun mais entre cette dernière et l'Assemblée
générale des Nations Lnies. Le Royâume-Uni ajoutait que les
méthodes ou pratiques que la République du Cameroun trouvait
fautives avaient étéapprouvées par les Kations Unies et qu'il ne
croyait pas bon de saisir la Cour d'un différend les concernant.
Selon lui, soumettre le problème à la Cour, c'était mettre en ques-
tion la décision de l'Assemblée généraleénoncéepar la résolution
1608 (XV) et introduire un élémentd'incertitude dans une affaire

tranchée par l'Assemblée. Pour ces raisons, le Royaume-Uni
déclarait ne pas êtreen mesure d'accepter l'invitation de la Répu-
blique du Cameroun visant à soumettre la question à la Cour.

Quatre jours plus tard, le 30 mai 1961, la République du Came-
roun a déposé devant la Cour sa requête, qui invoquait pour
établir la compétence de la Cour l'article 19 de l'accord de tutelle
ainsi conçu:

((Article19.Tout différend, quel qu'il soit, qui viendrait à
s'élever entre l'Autoritéchargée de l'administration et un autre
Membre des Nations Unies relativement à l'interprétation ouà
l'application des dispositions du présent Accord, sera, s'il ne peut
êtreréglépar négociationsou un autre moyen, soumis à la Cour
internationale de Justice, prévue au Chapitre XIV de la Charte
des Nations Unies.)) Conformément à la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée générale,

l'accord de tutelle a pris fin en ce qui concerne le Cameroun sep-
tentrional deux jours plus tard, le reTjuin 1961.

Les griefs suivants sont énumérésdansla requête:
((a)Le Cameroun Nord n'a pas étéadministré, malgréle texte
de l'article 5,9 B, de l'Accord de Tutelle, comme un territoire
distinct au sein d'une union administrative, mais comme une partie
intégrante de la Nigéria.

b) L'article 6 de l'Accord de Tutelle fixait comme objectifs le
développement d'institutions politiques libres, une part progressi-
vement croissante pour les habitants du Territoire dans les services
administratifs, leur représentation dans le corps consultatif et
législatifet leur participation au gouvernement du Territoire. Ces
objectifs, de l'avis de la République du Cameroun, n'ont pas été
atteints.
c) L'Accord deTutellen'autorisait pas la puissance administrante
à administrer le Territoire, contrairement à la règle de l'unité,
comme deux parties distinctes selon deux régimesadministratifs, et
avec deux évolutions politiques distinctes:
d) Les dispositions du 9 7 de la Résolution 1473relatives à la
séparation administrative du Cameroun septentrional et de la
Nigérian'ont pas étésuivies.
e) Les mesures prévues au 5 6 de la mêmeRésolution en vue
d'obtenir une plus ample décentralisation des pouvoirs adminis-
tratifs et de la démocratisation effectivedu systèmed'administration
locale n'ont pas étémises en Œuvre.
f) Les conditions fixéespar le $4 de la mêmeRésolution pour
l'établissement des listes électoralesont étéinterprétéesde manière
discriminatoire, en entendant d'une manière abusive la notion de
résidence habituelle.
g) Des pratiques, actions ou inactions des autorités locales de
tutelle pendant la période précédant le plébiscite et durant les
opérations électoralesont modifié le déroulement normal de la
consultation et ont entraîné des suites contraires à l'Accord de
Tutelle.))

Les griefs de la République du Cameroun sont formulés en des
termes différents dans la requête, le mémoire, les observations et
conclusions écrites et les conclusions finales. Au stade actuel et
compte tenu de ce qui précède, il suffit de citer le passage suivant
des conclusions finales :

(que la Cour dise et juge que le Royaume-Uni dans l'interprétation
et l'application de l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous
administration britannique, n'a pas respecté certaines obligations
qui découlent directement ou indirectement dudit Accord, et no-
tamment des ses articles 3,5, 6 et 7». Dans la deuxiè~nepartie du contre-mémoire, le Royaume-Uni a
traité du fond, considérant que les assertions de la République di1
Cameroun ne devaient pas rester sans réponse. Dans la première

partie du contre-mémoire, il a soulevé un certain nombre d'excep-
tions préliminaires.
Ces exceptions ont été longuement développées au cours de la
procédure orale. Pour des raisons qui apparaîtront ultérieurement,
la Cour ne juge pas nécessaire d'examiner chacune des exceptions
ni de déterminer si elles portent toutes sur la compétence ou la
recevabilité ou si elles sont fondées sur d'autres motifs. Pendant
les plaidoiries, les Parties elles-mêmesn'ont guère fait de distinction

entre ccompétence )) et ccrecevabilité )).Il y a néanmoins deux
exceptions sur lesquelles la Cour estime qu'elle doit se prononcer
à ce stade.
La première exception du Royaume-Uni est qu'il n'y a aucun
((différend ,)entre lui et la République du Cameroun. Si un différend
a existé à la date de la requête, il s'est agi, selon le Royaume-Uni,
d'un différend entre la République du Cameroun et les Nations
Cnies ou l'Assemblée ghérale des Nations Unies.

La Cour n'a pas à se préoccuper de savoir si un différend portant
sur le mêmeobjet a existéou non entrela République du Cameroun
et les Sations Unies ou l'Assemblée générale.De l'avis de la Cour,
il suffit de constater que, eu égard aux faits déjà exposés dans le
présent arrêt, !es positions opposées des Parties pour ce qui con-
cerne l'interprétation et l'application des articles pertinents de
l'accord de tutelle révèlent l'existence entre la République du
Cameroun et le Royaume-Uni, àla date de la requête,d'un différend

au sens admis par la jurisprudence de la Cour actuelle et de l'an-
cienne Cour.
L'autre exception préliminaire dont la Cour estime opportun de
traiter à ce stade est fondée sur l'article 32, paragraphe 2, du
Règlemeïi~seion lequel, lorsqu'une affaire est portée devant la Cour
par une requête, celle-ci doit non seulement indiquer l'objet du
différend, r,onformément ;il'article 40 du Statut de la Cour, mais
contenir en r~utre((autant que possible » la mention de la disposition

par laquelle le requérant prétend établir la compétence de la Cour,
l'indication précise de l'objet de la demande et un exposé des
motifs par lesquels la demande est prétendue justifiée.
Dans les observations et conclusions de ia République du Ca-
meroun, cette exception est traitée à part, comme visant la rece-
vabilité de la requête et du mémoire.
Ida Cour ne saurait être indifférente à l'inobservation, par le
demandeur ou par le défendeu?, des dispositions du Règlement

élabori.conformément à l'article 30 du Statut. La Cour permanente
de Justice internationale a cru devoir rechercher à plusieurs reprises
si les prescriptions de forme de son Règlement avaient été respec-
tées. Dans ces questions de forme, elle avait tendance à ((adopterune interprétation large »(affaire de la Sociétécommercialede Belgi-
q.ue,C.P. J. I., sérieA/B no 78,p. 173). La Cour fait sienne l'opinion
suivante exprimée par la Cour permanente dans l'affaire des Con-

cessions Mavrommatis en Palesti~ze(C.P. J. I., sérieA no 2, p. 34) :
La Cour, exerçant une juridiction internationale,n'est pas tenue
d'attacherà desconsidérationsdeformela même importance qu'elles
pourraient avoir dans le droit interne.))

La Cour est tout à fait consciente de la profonde inquiétude que
les événements décrits dans les écritures ont suscitée chez le
demandeur et, si aucune autre raison ne l'empêchait, à son avis,
d'examiner l'affaire au fond, elle ne refuserait pas de le faire en

prenant comme motif l'absence de ce que la Cour permanente a
appelé dans l'affaire de lJInte$Jrétation du statut du territoire de
Memel cla méthode opportune et appropriée pour soumettre la
divergence d'opinions àla Cour 1)(C.P. J. I.,sérieAIB no 49, p. 311).
La Cour note que, si, en vertu de l'article 40 du Statut, l'objet
d'un différend porté devant la Cour doit êtreindiqué, l'article 32,
paragraphe 2, du Règlement de la Cour impose au demandeur de
se conformer cautant que possible ))à certaines prescriptions.

Cette expression s'applique non seulement à la mention de la
disposition par laquelle le requérant prétend établir la compétence
de la Cour mais aussi àl'indication précise del'objet de la demande
et à l'exposé succinct desfaits et des motifs par lesquels la demande
est prétendue justifiée.La Cour estime que la requêtedu demandeur
est suffisamment conforme aux dispositions de l'article 32, para-
graphe 2,du Règlement et que l'exception préliminaire fondéesur
leur inobservation est par suite sans fondement.

Certaines contradictions entre les thèses des Parties sont néesde
ce que l'on n'attribuait pas le même sens à des mots tels que ((inté-
rêt 1)et (recevabilité 1)La Cour reconnaît que, dans des contextes
différents, ces termes peuvent avoir des sens différents mais elle
n'estime pas nécessaire en l'espèce d'en exa.miner la signification.

Aux fins de la présente espèce,une analyse des faits tenant compte
de certains principes directeurs peut suffire pour résoudre les ques-
tions qui retiennent l'attention de la Cour.

La proximité géographique de la République du Cameroun et
de l'ancien territoire sous tutelle du Cameroun septentrional,
ainsi que le degré d'affinitéentre les populations de ces deux
régions, ont amené la République du Cameroun à se préoccuper
attentivement de l'évolution de l'ancien territoire sous tutelle. La

Cour ne saurait méconnaître ce fait inco:itestable que, si le plébiscite
du Cameroun septentrional n'avait pas été favorable à l'union
avec la Fédération de Nigéria, il aurait étéfavorable à l'union
avec la République du Cameroun. Les. questions arrêtées par l'Assemblée générale n'offraient pas d'autre choix et aucune autre
solution n'a étédiscutée à l'époque.
Devenue Membre des Nations Unies de~uis le 20 se~tembre 1a6o.
la République du Cameroun avait le droit d'introduik une instancé
devant la Cour et celle-ci a étésaisie par le dépôt de la requête
du 30 mai 1961. Ce droit procédural d'introduire une instance
devant la Cour, où, quel qu'en soit le résultat, une question peut
être débattue sous tous ses aspects dans l'atmosphère objective

d'un tribunal, est loin d'être négligeable. Mais le fait d'adresser
une requête introductive d'instance ne préjuge pas la suite que la
Cour pourra donner à l'affaire.
Dans l'arrêt rendu le 18 novembre 1953 sur l'exception préli-
minaire en l'affaire ATottebohrn (C.I. J. Recueil I953, p. 122)~ la
Cour a eu l'occasion d'étudier de facon aDDrof0ndie la nature et
les conséquences de la saisine de la CO&. &;me elle l'a dit dans cet
arrêt, ((la saisine de la Cour est une chose, l'administration de la
justice en est une autre ». C'est par l'acte du demandeur que la
Cour est saisie, mais, mêmesi, une fois saisie, elle estime avoir
compétence, la Cour n'est pas toujours contrainte d'exercer cette

compétence. Il y a des limitations inhérentes à l'exercice de la
fonction judiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours
tenir compte. Il peut ainsi y avoir incompatibilité entre, d'un
côté, les désirs d'un demandeur ou même des deux parties à une
instance et, de l'autre, le devoir de la Cour de conserver son
caractère judiciaire. C'est à la Cour elle-mêmeet non pas aux parties
qu'il appartient de veiller à l'intégrité de la fonction judiciaire
de la Cour.
Dans l'affaire des Zones fra~zclzes,la Cour permanente s'est
référée successivement à trois considérations qui devaient l'amener
à refuser de trancher certaines questions posées par les Parties.

Ces considérations ont étésoulevéesd'officepar la Cour. En premier
lieu, laCour a dit, dans son ordonnance du 19 août 1929 (C. P.J. I.,
série A no 22, p. 15) :

((qu'il ne saurait, dans la règle, êtreimposé à la Cour de choisir
entre des interprétations [d'un traité] déterminées d'avance et
dont il se pourrait qu'aucune ne correspondît à l'opinion qu'elle se
serait formée..»

En deuxième lieu, dans l'arrêt rendu en la même affairele 7juin
1932 (C.P. J.I., série AIB no 46, p. I~I), la Cour s'est exprimée
ainsi :
(Aprèsun examen trèsapprofondi,la Courmaintient son opinion :
pour elle,ilserait incompatible avec son Statut et avec sa position
en tant que Cour de justice de rendre un arrêt dont la validité
serait subordonnée à l'approbation ultérieure des Parties.»

Enfin, la Cour a ajouté (p. 162), à propos de l'article 2, alinéa 2,
du compromis, lequel aurait impliqué une décision de la Coursur des questions concernant par exemple certaines exemptions
douanières à prévoir, que la mission ainsi confiée à la Cour par les
Parties était «mal adaptée au rôle d'une cour de justice ». En
outre, le (1jeu d'intérêtséconomiques réciproques 1)soulevait des
questions qui étaient

((en dehors du domaine où une cour de justice, dont la tâche est
d'appliquer fiesrègles dedroit, peut aideràla solutionde différends
entre deux Etats ».

Certes, la Cour peut donner des avis consultatifs - non à la

demande d'un Etat mais à la demande d'un organe ou d'une
institution des Nations Unies dûment autorisés. Néanmoins, la
Cour permanente de Justice internationale et la Cour actuelle ont
toutes deux souligné que le pouvoir conféré à la Cour de rendre des
avis consultatifs doit s'exercer dans le cadre de la fonction judi-
ciaire. Les deux Cours ont eu l'occasion de formuler, à propos de
demandes d'avis consultatifs, des observations qui s'appliquent
également au rôle que doit jouer la Cour en matière contentieuse;
dans les deux cas, la Cour exerce une fonction judiciaire. Cette fonc-
tion est soumise à des limitations inhérentes qui, pour n'être ni
faciles à classer, ni fréquentes en pratique, n'en sont pas moins im-

périeuses en tant qu'obstacles décisifsau règlement judiciaire. Quoi
qu'il en soit, c'est toujoursla Cour qu'il appartient dedéterminer si
ses fonctions judiciaires sont en jeu. La Cour actuelle s'est toujours
inspirée, comme la Cour permanente de Justice internationale, du
principe posé par celle-ci le 23 juillet 1923 dans l'affaire du Statut
de la Carélieorientale:

((LaCour, étant une Cour de Justice, ne peut pas se départir des
règles essentielles qui dirigent son activité de tribunal, même
lorsqu'elle donne des avis consultatifs.1)(C.P.J. I., sérieB no 5,
P-29.)

Dans l'affaire Haya de la Torre (C.I.J. Recueil 1951 p,p. 78-79),
la Cour a noté que les deux Parties lui demandaient une décision
(sur la manière dont l'asile doit prendre fin ». Elle a dit que l'asile
devait prendre fin, mais a refuséd'indiquer les moyens qui devaient
êtreemployés pour donner effet à cette injonction. La Cour s'est

exprimée en ces termes:
((La forme interrogative qu'elles ont donnée à leurs conclusions
montre qu'elles entendent que la Cour opère un choix entre les
diverses voies par lesquelles l'asile peut prendrfin.Mais ces voies
sont conditionnéespar des éléments de faitet par des possibilités
que, dans une très large mesure, les Parties sont seules en situation
d'apprécier. Un choix entre elles ne pourrait êtrefondé sur des
considérationsjuridiques, mais seulement sur des considérationsde
nature pratique ou d'opportunité politique; il ne rentre pas dans la
fonction judiciaire de la Cour d'effectuer ce choix.» Afin de déterminer si le jugement sollicité par le demandeur est
de ceux que la Cour peut rendre dans le cadre de sa fonction
judiciaire, la Cour doit tenir compte de certains faitsde l'espèce.

Lesexplications du demandeur sur ce qu'il requiert ou ne requiert
pas la Cour de décider sont formulées de diverses manières dans
ses écritures et plaidoiries.La Cour estime que l'exposé le plus net
se trouve dans le passage suivant des observations et conclusions
du demandeur :

((Lorsqu'un État agit devant la Cour sur le fondement d'une
disposition du genre de celle de l'article 19de l'Accord de Tutelle
pour le Cameroun sous administration britannique, il peut sans
doute, dans certains cas, demander à la Cour, outre la constatation
qu'une violation de l'Accord de Tutelle a étécommise, de déclarer
que la Puissance administrante a le devoir de mettre fin à cette
le Libéria ont demandé leà la Cour, dans leurs conclusions,àila fois
que la Cour constate certaines violations (politique d'apartheid,
absence d'envoi de rapports annuels, non-transmission de pétitions,
etc.) et qu'elle dise que l'Union sud-africaine a le devoir d'y mettre
un terme. Mais il ne peut en êtreainsi que lorsqu'il s'agit de ce que
l'on pourrait appeler une ((violation continue)), susceptible d'être
interrompue à la suite de l'arrêtde la Cour. Lorsque, en revanche,
la violation de l'Accord a étédéfinitivement consommée,et qu'il
est matériellement impossible de revenir sur le passé, 1'Etat re-
quérant ne peut plus demander à la Cour que la constatation, avec
force de chose jugée, que l'Accord de Tutelle n'a pas étérespecté
par la Puissance administrante.
En l'espèce, les violations invoquées ont étédéfinitivement
consommées,et la République du Carneroun ile peut demander une
restitutiol: integrum tendant à ce que l'union avec la Nigéria et
la division du Territoire n'aient pas eu lieu, ou que les objectifs
prévus à l'article 6 de l'Accord aient étéatteints, ou que la résolution
1473ait étérespectée;elle ne peut demander que la constatation
par la Cour des violations de l'Accord de Tutelle commises par
I'Autoritéadministrante. »

Au cours de sa plaidoirie, le conseil du demandeur a dit:

((LaRépubliquedu Camerounpense en effet que, en administrant
le Cameroun septentrional comme elle l'a fait, l'autorité adminis-
trante a créé des conditionstelles que la tvtelle a abouti au ratta-
chement du Cameroun septenrrional à un Etat autre que la Répu-
blique du Cameroun. »
Dans le livre blanc camerounais déjà mentionné, il est dit que
((la non-séparation de l'administration du Cameroun septentrional

et du Nigéna en supprimant une garantie essentielle de non-
partialité a effectivement vicié le plébiscite ». Il est déclaré plusloin :« La seule solution acceptable pour éviter qu'une monstrueuse
injustice ne soit commise ...est donc d'annuler le plébiscite... ))
Il ne fait guère dedoute quel'injustice alléguée a étéle «rattache-
ment du Cameroun septentrional àun État autre que la République
du Cameroun n.
Mais il n'est pas demandé à la Cour de redresser l'injustice
alléguée; ilne lui est pas demandé de détacher un territoire de la
Nigéria; il ne lui est pas demandé de faire restituer à la République

du Cameroun des populations ou des territoires prétendument
perdus; il ne lui est pas demandé d'accorder une réparation quel-
conque.
Ce n'est pas à la Cour, mais à l'Assembléegénéraledes Nations
Unies que la République du Cameroun a demandé, arguments à
l'appui, que le plébiscite soit déclaré nulet non avenu. Aux para-
graphes 2 et 3 de la résolution 1608 (XV), l'Assembléegénérale
a rejeté la demande du Cameroun. Quels qu'aient étéles motifs
de l'Assemblée générale lorsqu'elle a formulé les conclusions
contenues dans ces paragraphes, qu'elle ait agi ou non entièrement
sur le plan politique, et sans que la Cour estime nécessaire d'exa-
miner ici si l'Assembléegénérale a fondéson action sur une inter-
prétation exacte de l'accord de tutelle, il ne fait pas de doute - et
ce point n'est pas contesté - quela résolution a eu un effet juridique

définitif.Le plébisciten'a pas étédéclarénul et non avenu, mais au
contraire il a étépris acte de ses résultats et l'Assembléegénérale
a décidéque l'accord de tutelle prendrait fin leI~~ juin 1961 en
ce qui concerne le Cameroun septentrional. En l'occurrence,
l'extinctiori de l'accord de tutelle a étéun effet juridique des
conclusions formulées aux paragraphes 2 et 3 de la résolution 1608
(XV). Le requérant, dans la présente affaire, a déclaré expressé-
ment qu'il ne demandait à la Cour ni de reviser, ni d'infirmer ces
conclusions de l'Assembléegénéraleou ces décisions en tant que
telles; il n'est donc pas nécessaire d'examiner si la Cour peut
exercer un tel pouvoir. Mais ce que le requérant demande à la
Cour, c'est d'apprécier certains faits et d'arriver, à l'égard deces
faits,à des conclusions s'écartant de celles qu'a énoncées1'Assem-

blée généraledans sa résolution 1608 (XV).
Si la Cour devait décider qu'elle peut connaître de l'affaire au
fond et si, àla suite de la procédure sur le fond, elle décidait,entre
autres, que l'établissement et le maintien de l'union administrative
entre le Cameroun septentrional et la Nigéria contrevenaient à
l'accord de tutelle, il n'en resterait pas moins vrai que l'Assemblée
générale,agissantdans le cadredela compétencequiluiest reconnue,
n'a pas étéconvaincue que l'union administrative, ni d'autres
facteurs alléguésaient invalidé le plébiscite en tant que libre
expression de la volonté des populations. Puisque, dans ses con-
clusions, le demandeur n'a pas prié laCour de reviser la constatation
à laquelle l'Assembléegénérale est ainsi arrivée, une décision de la
Cour selon laquelle, par exemple, l'autorité administrante aurait violé l'accord de tutelle n'établirait pas un lien de cause à effet
entre cette violation et le résultat du plébiscite.
En outre, l'extinction de l'accord de tutelle et l'union du Ca-
meroun septentrional et de la Fédération de Nigéria qui a suivi
n'ont pas étéle fait du Royaume-Uni mais ont résulté de mesures
prises par l'Assemblée généraleavec l'assentiment du Royaume-
Vni. Le conseil de la République du Cameroun a admis que c'est
l'organisation des Nations Unies qui a mis fin à la tutelle. Il a
déclaré:

((LeCameroun ne demande pas àla Cour de critiquer les Nations
Unies; il ne lui demande pas de dire que les Nations Unies ont eu
tort de mettre finà la tutelle; il ne lui demande pas de prononcer
l'annulation de la résolution 1608. Cela, bien entendu, la Cour ne
serait pas compétente pour le fai..))

L'union administrative telle qu'elle a étéétablie sous la tutelle,
légalement ou illégalement, a disparu. Ida République du Cameroun
soutient toutefois que l'intérêtqu'elle a à savoir si cette union
contrevenait à l'accord de tutelle n'est pas d'ordre purement
académique. Sa thèse est qu'il y a eu un lien de cause à effet entre
l'union administrative prétendument illégaleet la prétendue nullité
du plébiscite. Le conseil de la République du Cameroun a énoncé
cette thèse dans un passage de sa plaidoirie déjà cité.

Le demandeur a néanmoins déclaréqu'il ne demandait pas à la
Cour de prononcer l'annulation du plébiscite; comme on l'a noté,
il reconnaît mêmeque la Cour ne pourrait le faire. Il n'a pas de-
mandé à la Cour de dire qu'il existe un lien de cause à effet entre
la prétendue mauvaise administration et le résultat du scrutin
favorable à une union avec la Fédération de Nigéria. La Cour serait
donc réduite à trancher une question éloignéede la réalité.
Si la Cour devait poursuivre l'affaire et déclarer toutes les allé-
gations du demandeur justifiées au fond, elle n'en serait pas moins
dans l'impossibilité de rendre un arrêt effectivement applicable.
Le rôle de la Cour n'est pas le même que celui de l'Assemblée
générale. L'arrêt de la Cour n'infirmerait pas les décisions de
l'Assemblée générale.L'arrêtne remettrait pas en vigueur et ne
ferait pas revivre l'accord de tutelle. L'ancien territoire sous

tutelle du Cameroun septentrional ne serait pas rattaché à la
République du Cameroun. L'union de ce territoire avec la Fédéra-
tion de Sigéria ne serait pas invalidée. Le Royaume-Uni n'aurait
ni le droit ni le pouvoir de prendre desmesures propres à répondre
au désirqui anime la République du Cameroun. Conformément à
l'article59 du Statut, l'arrêtne serait obligatoire ni pour la Nigéria,
ni pour un autre État, ni pour un organe quelconque des Nations
Cnies. Le demandeur ne conteste pas la véritéde ces points.

La fonction de la Cour est de dire le droit, mais elle ne peut
rendre des arrcts qu'à l'occasion de cas concrets dans lesquels

22il existe, au moment du jugement, un litige réel impliquant un
conflit d'intérêtsjuridiques entre les parties. L'arrêt de la Cour
doit avoir des conséquencespratiques en ce sens qu'il doit pouvoir
affecter les droits ou obligations juridiques existants des parties,
dissipant ainsi toute incertitude dans leurs relations juridiques.
En l'espèce, aucun arrêt rendu au fond ne pourrait répondre à
ces conditions essentielles de la fonction judiciaire.

La résolution 1608 (XV) ayant valablement mis fin à l'accord de
tutelle en ce qui concerne le Cameroun septentrional, la tutelle
mêmea disparu; le Royaume-Cni a cesséd'avoir les droits et les
devoirs d'une autorité de tutelle à l'égard du Cameroun; et le
territoire qui constituait antérieurement le territoire sous tutelle

du Cameroun septentrional s'est uni à la Fédération de Nigéria
indépendante, État dont il fait maintenant partie.
Si l'on considèrela situation dans laquelle se trouvent, du fait de
la cessation de l'accord de tutelle, les Membres des Nations Unies
autres que l'autorité administrante elle-même,il est clair que tous
les droits é.i.entuellement conféréspar les articles dudit accord à
d'autres Membres des Nations Unies ou à leurs ressortissants se
sont éteints. Cela ne veut pas dire, par exemple, que l'expiration
de l'accord de tutelle ait entraîné la caducité des droits patri-
moniaux découlant de certains articles de cet accord qui auraient
pu êtreacquis auparavant. Mais il est de fait qu'à partir duI~~ juin
1961, date à laquelle la tutelle sur le Cameroun septentrional
a pris fin, aucun autre Membre des Nations Unies ne pouvait
réclamer un droit ou un avantage au Cameroun septentrional qui
aurait pu lui êtreoctroyé à l'origine par l'accord de tutelle. Aucune
réclamation de ce genre ne pouvait êtreformuléecontre le Royaume-

Uni qui était déchargé desa mission d'autorité de tutelle et privé
de tout pouvoir, de toute autorité et de toute responsabilité dans
la région. Aucune réclamation de ce genre ne pouvait êtreformulée
contre la Nigéria, à qui appartient maintenant la souveraineté sur
le territoire, puisque la Nigéria n'a pas étépartie à l'accord de
tutelle et que celui-ci ne lui a jamais imposé d'obligation. On ne
voit pas non plus comment une réclamation de ce genre aurait pu
êtreformulée contre les Nations Unies elles-mêmes.De plus, en
vertu de l'article 59 du Statut, un arrêt de la Cour en l'espècene
serait obligatoire que pour les deux Parties.
La demande de la République du Cameroun vise seulement une
constatation du manquement au droit. Aucune suite n'est demandée
à la Cour ni ne peut êtreajoutée. D'ordinaire, lorsqu'une condam-
nation judiciaire est énoncéepar la Cour, l'article 94 de la Charte
peut trouver son application. Tel n'est pas le cas présent. D'ordi-
naire, dans le cadre du régime international de tutelle, une telle
constatation pourra, si la Cour est compétente pour la formiiler,

23déterminer l'Assemblée générale à faire ce qu'elle jugera utile ou
opportun compte tenu de l'arrêt intervenu entre le Membre des
Nations Vnies et l'autorité chargée de l'administration du territoire
en cause. Mais, dans l'espèce, l'Assembléegénéralen'a plus compé-
tence par suitede la cessation de la tutelle par l'effet de la résolution
1608 (XV).
On peut néanmoins soutenir que, si, pendant la périodede validité

de l'accord de tutelle, l'autorité de tutelle avait été responsable
d'un acte contrevenant aux dispositions dudit accord et entraînant
un préjudice envers un autre Membre des Nations Unies ou l'un
de ses ressortissants, l'extinctionde la tutelle n'aurait pas mis fin
à l'action en réparation. L'article 19 de l'accord, qui prévoyait la
compétence de la Cour dans les cas auxquels il s'appliquait, a cessé
bien entendu de pouvoir jouer en mêmetemps que tous les autres
articles de cet accord, de sorte qu'à partir du rer juin 1961 on ne
pouvait plus l'invoquer pour établir la compétence de la Cour.
Dans la présente instance, la requête a étédéposéeavant le I~~
juin 1961 mais elle ne comporte aucune demande en réparation;
le requérant a dit expressément qu'il n'en réclanie aucune.
La Cour a constaté que, dansleurargumentation, les deux Parties
se sont fréquemment référées à l'arrêt rendu par la Cour le

21 décembre 1962 dans les affaires du Sud-Oflest africaiE nlles ont
recherché si les cox-iclusions auxquelles a abouti l'examen du
systl.me des Mandats dans le cadre de la Société desNations sont
applicables au régime de tutelle dans le cadre des Xations Unies et
si, et dans quelle mesure, on doit à certains égards donner de
l'article19 de l'accord de tutelle de 1946 pour le Cameroun une
interprétation semblable à celle qui a étédonnée de l'article 7 du
Bfandat pour le Sud-Ouest africain.
La Cour n'estime pas nécessaire de formuler une opinion sur
ces points, lesquels, en ce qui concerne le fonctionnement ou
l'administration de la tutelle au Cameroun septentrional, ne
peuvent présenter qu'un intérêtacadémique dès lors que la tutelle
n'existe plus et que l'ancienne autorité administrante ne pourrait
plus donner effet à aucune des constatations auxquelles la Cour

aboutirait.
n'éanmoins, aux fins de vérifier certains arguments avancés en
l'espèce, la Cour considérera à quelles conclusions on aboutirait
s'il étaitommunément admis que l'article 19 de l'accord de tutelle
du 13 décembre 1946pour ie Camerom sous administrationbritan-
nique était destinéà créerunecertaine forme de protection judiciaire
dans l'intérêtparticulier des habitants du territoire et dans l'intérêt
général pour ce qui est du bon fonctionnement du régime inter-
national de tutelle.; que cette protection judiciaire avait étéprévue
et existait parallèiement aux diverses dispositions prévoyant
la siirveillance et ie contrôle administratifs par le moyen du Conseil
de tutelle, de ses missions de visite, des auditions de pétitionnaires,
et par l'action cle l'Assemblée générale; que tout Membre des

23Nations Unies avait le droit d'invoquer cette protection judiciaire
et, en particulier, que la République du Cameroun avait le droit
de l'invoquer en adressant une requête à la Cour. Il s'ensuivrait
alors qu'en déposant sa requête du 30 mai 1961 la République
du Cameroun aurait exercé un droit procédural qui lui apparte-
nait - un droit procédural à exercer dans l'intérêtgénéral, quel
que soit l'intérêtconcret que la République du Cameroun ait

pu avoir à titre individuel. Mais, deux jours après le dépôt de la
requête, l'intérêtde fond que ce droit procédural aurait protégé
disparaissait du fait de l'extinction de l'accord de tutelleà l'égard
du Cameroun septentrional. A dater du I~~ juin 1961, il n'y avait
plus ni ((territoire sous tutell»,ni populations pour la protection
desquelles les fonctions relatives à la tutelle pussent s'exercer.
On doit admettre que l'Assemblée généralea songé à l'intérêt
générallorsque, agissant dans le cadre de sa compétence, elle a
décidéla levée de la tutelle pour le Cameroun septentrional et
l'union de ce territoire avec la Fédération de Nigéria. Dès lors,
par suite de cette décisionde l'Assembléegénérale, l'ensembledu
système de surveillance administrative cessait d'exister. Dès
lors, les Nations Unies ne pouvaient plus, en vertu de l'article 87
de la Charte, envoyer des missions de visite dans le territoire pour
rendre comptede la situationqui y régnait. Le Conseil de tutelle ne

pouvait plus examiner les pétitions émanant d'habitants du
territoire, et c'est effectivement ce qu'il a décidé à sa 1178me
séancetenue le II janvier 1962. L'Assembléegénéralene pouvait
plus faire de recommandations fondées sur les fonctions à elle
conféréespar les chapitres XII et XII1 de la Charte.
La Cour ne saurait admettre que, dans ces conditions, la pro-
tection judiciaire qui, d'après le demandeur, aurait existédans le
cadredu régimedetutelle ait étéseule à survivre alors que tous les
éléments concomitants auxquels elle se rattachait avaient disparu.
En conséquence, la République du Cameroun n'aurait pas eu
après le I~~juin 1961, date à laquelle l'accord de tutelle a pris fin
et à laquelle la tutelle elle-même a étélevée,le droit de demander
à la Cour de se prononcer à ce stade sur des questions touchant
aux droits des habitants de l'ancien territoire sous tutelle et à
l'intérêtgénéralquant au bon fonctionnement du régimede tutelle.

Tout au long de la procédure, la République du Cameroun a
soutenu qu'elle demandait uniquement à la Cour de rendre un
jugement déclaratoire énonçant que, avant l'expiration de l'accord
de tutelle en ce qui concerne le Cameroun septentrional, le Royau-
me-Uni avait contrevenu aux dispositions de l'accord et que, si
la requêteétait recevable et si la Cour avait compétence pour en
connaître au fond, non seulement la Cour pourrait rendre un tel
jugement déclaratoire, mais encore elle devrait le faire. 11est incontestable que la Cour peut, dans des cas appropriés.
prononcer un jugern-nt déclaratoire. Mais elle a déjà indiqué que,
mêmesi, une fois saisie d'une requête,elleestime avoir compétence,
elle n'est pas obligéed'exercer cette compétence dans tous les cas.
Si la Cour est convaincue, quelle que soit la nature de la répara-

tion demandée, qu'il serait incompatible avec sa fonction judiciaire
de statuer sur le fond d'une requête, elle doit refuser de le faire.
Au surplus, la Cour observe que, si, dans un jugement déclara-
toire, elle définit une règle de droit international coutumier ou
interprète un traité restant en vigueur, l'arrêtqu'elle rend demeure
applicable dans l'avenir. Mais, en l'espèce, il existe un différend
~elatif à l'interprétation et à l'application d'un traité - l'accord
de tutelle - qui a pris fin, qui n'est plus en vigueur; il n'y a plus
aucune possibilité que ce traité fasse à l'avenir l'objet d'un acte
d'interprétation ou d'application conforme à un jugement rendu
par la Cour.

Dans son]Interprétationdes arrêts nos 7 et 8 (L7sinede CIZOYZL~W)
(C. P.J.I., série'4 no 13, p. zo), la Cour a dit:

(L'Arrêtno 7 de la Cour est de la nature d'un jugement déclara-
toire qui, selonson idée,est destinéfaire reconnaître une situation
dedroit une foispour toutes et aveceffetobligatoireentre lesParties,
mise en discussion, pour ce qui est des conséquencesjuridiques qui
en découlent.»

Le demandeur cherche néanmoins à minimiser l'importance des

conséquences qu'aurait un arrêt de la Cour. II a soutenu qu'il
demandait simplement un énoncédu droit qui (1constituerait ...un
ténioignage vital pour le peuple camerounais )).Il a mêmedemandé
à la Cour de ne pas envisager les suites de son arrêtet, à cet égard,
il a mentionné la décisionrendue par la Cour dans l'affaire Haya de
la Torre, qui a été précédemment citée.Mais il y a une différence
entre les cas où la Cour s'occupe de la ma~ière dont sa décision
sera exécutéeou de la probabilité de sa mise en Œuvre et les cas où
elle examine si l'arrêt,une fois rendu, sera susceptible d'application
ou d'exécution à un moment quelconque de l'avenir.

Comme elle l'a dit dans l'affaire Haya de la Torre, la Coiur ne
saurait s'occuper de choisir entre les mesures pratiques qu'un Etat
peut prendre pour se conformer à un arrêt. On peut admettre
aussi, comme le conseil du demandeur l'a dit, qu'une fois l'arrêt
rendu l'usage que la partie gagnante en fait est une question qui
se pose sur le plan politique et non sur le plan judiciaire. Mais un
tribunal n'a pas simplement pour fonction de fournir une base
d'action politique alors qu'aucune question juridique concernant
des droits effectifs n'est en jeu. Lorsque la Cour tranche un différend
au fond, l'une ou l'autre partie ou les deux parties sont en fait à
mêmede prendre des mesures visant le passé ou l'avenir, ou de

26 ne pas en prendre, de sorte qu'il y a soit exécution de l'arrêt de
la Cour, soit refus d'exécution. Telle n'est pas la situation en
l'espèce.

La Cour doit s'acquitter du devoir sur lequel elle a déjà appelé
l'attention et qui consiste à sauvegarder sa fonction judiciaire.
Qu'au moment où la requête a étédéposéela Cour ait eu ou non
compétencepour trancher le différend qui lui était soumis, il reste
que les circonstances qui se sont produites depuis lors rendent toute
décisionjudiciaire sans objet. La Cour estime dans ces conditions
que, si elle examinait l'affaire plus avant, elle ne s'acquitterait pas
des devoirs qui sont les siens.
La réponse à la question de savoir si la fonction judiciaire est
en jeu peut, dans certains cas où cette question se pose, exiger
d'attendre I'examen au fond. Mais, dans la présente affaire, il est
déjà évident que la fonction judiciaire ne saurait êtle en jeu.
II ne servirait donc à rien d'entreprendre I'examen de l'affaire au

fond pour aboutir à une décision qui, dans les circonstances sur
lesquelles la Cour a déjà attiré l'attention, est inéluctable.

Pour les motifs qu'elle a énoncés,la Cour ne s'est pas crue
obligéede se prononcer expressément sur les diverses conclusions
du défendeur, sous la forme dans laquelle elles ont étéprésentées.
La Cour constate que les limites qui sont celles de sa fonction
judiciaire ne lui permettent pas d'accueillir, pour en décider avec
autorité de chose jugée entre la République du Cameroun et le
Royaume-Uni, les demandes quilui ont étéadresséespar la requcte
dont elle a étésaisie. Tout arrêt qu'elle pourrait prononcer serait
sans objet.

Par ces niotifs,

par dix voix contre cinq,

dit qu'elle ne peut statuer au fond sur la demande de la Répu-
blique fédéraledu Cameroun.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au
Palais de la Paix, à La Haye, le deux décembre mil neuf cent
soixante-trois, en trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux

27archives de la Cour et dont les autres seront transmis respective-
ment au Gouvernement de la République fédéraledu Cameroun et
au Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord.

Le Président,
(Signé) B. WINIARSKI.

Le Greffier,

(Sig91é)GARNIER-COIGNET.

M. SPIROPOULOS ju,ge, fait la déclaration suivant:
Je ne partage pas l'opinion de la Cour. Je considère que la

requête de la République du Cameroun est recevable et que la
Cour est compétente pour examiner au fond le différend dont elle
est saisie.

M. KORETSKYj,uge, fait la déclaration suivante:

Je ne puis souscrireà l'arrêtde la Cour, en tant qu'il n'a pas été
établi conformément aux règles et principes pertinents définispar
le Règlement de la Cour.
Cet arrêtest rendu au stade de l'examen des exceptions prélimi-
naires, stade qui se distingue trèsprécisémentde celui de l'examen
de la requêtequant au fond. Négligeant la question de sa compé-
tence, la Cour a traité de la question de l'irrecevabilité des deman-
des de la Ré~ubliaue du Cameroun.
Si la question de l'irrecevabilité est soulevéenon point à raison
de l'inobservation des prescriptions purement formelles du Règle-

inent, telles que l'article 32, paragraphe2, mais à l'égard du fond
de la requête (ratione rnateriae),la Cour doit tout d'abord se pro-
noncer sur sa compétence, pour examinerensuitel'exception d'irre-
cevabilité. C'estlà une règle largement admise. Je me permettrai
de citer, parmi de nombreux avis autorisés, celui que sir Percy
Spender a énoncédans son opinion individuelle en l'affaire de
l'lnterhandel (C.I.J. Recueil 1959 ,. 54) et aux termes duquel la
Cour est tenue de s'assurer qu'elle est compétente avant de se
prononcer sur une exception ayant trait à la recevabilité de la
requête. Lemêmepoint de vue a étéexprimépar sir Hersch Lauter-
pacht dans son opinion dissidente (ibid p. 100) : (les exceptions
préliminaires, conformément à la pratique établie par la Cour,
doivent être examinées - et rejetées - avant l'examen de la
demande portant sur la recevabilité ». CAMEROUN SEPTENTRIONAL (ARRÊT DU 2 XII 63) 4O

Mais, dans la présente espèce, la Cour a dit, sans traiter de la
question de compétence, qu'un arrêt sur les demandes de la Répu-
blique du Cameroun ((serait sans objet )- ce qui revient à dire
que la Cour a appréciéles demandes du Cameroun quant au fond.
Une telle appréciation ne pouvant se faire qu'à un stade postérieur
de la procédure (lefond), la Cour a, par cette opération, substitué

le stade du règlement quant au fond au stade de la décisionsur les
exceptions préliminaires d'incompétence.
On ne saurait attribuer aux règles de procédure un caractère
purement technique. Elles fixent non seulement la manière de
procéder, mais aussi les droits procéduraux des parties. On peut
dire qu'il est encore plus important de les observer strictement à
la Cour internationale de Justice que dans les tribunaux nationaux.
La Cour ne saurait les modifier en passant, alors qu'elle tranche une
affaire donnée. La revision du Règlement de la Cour doit se faire
(si elle est nécessaire) régulièrement et, en tout cas, le Règlement

amendé doit êtreconnu des parties à l'avance.
Par conséquent, la Cour aurait dû, conformément à son Règle-
ment, déterminer en premier lieu si elle avait - ou non - com-
pétence en l'affaire, sans préjuger sa décisionéventuelle quant au
fond, et, dans le respect de son Règlement, elle aurait dû passer
alors au stade suivant de la procédure concernant l'examen au
fond des demandes de la République du Cameroun.

M. JESSUP, juge, fait la déclaration suivante:
Eu égardaux motifs de l'arrêtde la Cour, auxquels je m'associe

entièrement, je ne crois pas nécessaired'expliquer pourquoi je con-
sidère que, s'il était nécessaire de se prononcer sL1rles questions de
compétence qui ont été soulevées, le raisonnenient développéaux
pages 422 à 436 de mon opinion individuelle dans les affaires du
Sud-Ouest africain (C. I. J.Recueil 1962, p. 319) serait également
valable dans la p~ésenteespèce.

M. WELLINGTOK NOO, sir Percy SPENDER,sir Gerald FITZ-

MAURICE et M. MORELLIj,uges, joignent à l'arrêtles exposés de
leur opinion individuelle.

MM. BADAWe It BCSTAMANT YERIVEKOj,uges, et M. BEB A DON,
juge ad hoc,joignent à l'arrêtles exposésde leur opinion dissidente.

(Paraphé) B. IV.

fPara#hGJ G.-C.

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING

THE NORTHERN CAMEROONS

(CAMEROON v.UNITED KINGDOM)
PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENT OF 2 DECEMBER 1963

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DU

CAMEROUN SEPTENTRIONAL
(CAMEROUN c. ROYAUME-UNI)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES This Judgment should be cited as follows:
"Case concerning theNorthern Cameroons
(Cameroonv. United Kingdom), Preliminary Objections,

Judgment of2December 1963: I.J. Report1963, p.15."

Le présent arrêtdoit êtrecitécomme suit:
(A8aire du Cameroztnseptentrional
(Camerounc. Royaume-Un4 ,Exceptions préliminaires,
Arrêtdu2 décembre1963: C.IJ. Recuei1963,p.15.»

Sales number
No de vente:280 1 INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

1963
General L:st YEAR 1963
No. 48
2 December 1963

CASE CONCERNING

THE NORTHERN CAMEROONS

(CAMEROON v. UNITED KINGDOM)
PRELIMINARY OBJECTIONS

of A$plication with Art32(2)cof Rules of Court-TrusteeshAgree-
ment for Territory of Cameroonser British Administration-Seishg
of Court and administration of justice-Judicial function and limitations
on its exercise-Termination of Trusteeship Agreebyndecision of
GeneralAssembly andegalefiectsthereof-AllegbreachefsTrusteeshifi
Agreement-Nature of claim and relief sought-Declaratory judgments-
Inability of Court in present caseto rendera judgment capableof eijective
application.

Present:President WINIARSK I Vice-PvesidentALFARO ; Judges
BASDEVANT B,ADAWIM , ORENO QUINTANA W, ELLINGTON
KOO,SPIROPOULOS Si,r Percy SPENDER, iGerald FITZ-
MAURICE K,ORETSKYT , ANAKAB, USTAMANT YE RIVERO,

JESSUP,MORELLI; Judge ad lzocBEB A DON; Registrar
GARNIER-COIGNET. COUR INTERNATIONmE DE JUSTICE

1963
ANNÉE 1963 2décembre
R61no48néral
2 décembre 1963

AFFAIRE DU

CAMEROUN SEPTENTRIONAL

(CAMEROUN c. ROYAUME-UNI)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

Questions préalables: existenced'un différendentrelesParties ; conformité
de la requêteavec l'article 32, parag2,du Règlement- Accord de
tutelle pour le territoire du Cameroun sous administration br-tannique
Saisine de la Cour et administration de la -usFonction judiciaire
et limitations à son exe-cCessation de l'accordde tutellepar décision
de l'Assembléegénéraet eflets de cetteces-atManquements allégués
à l'accordde tut-llObjetde la demande et nature de la décision demandée
- Jugements déclaratoir-s Impossibilité pour la Cour en l'espècede
rendreun arrêtsuscePtible d'application effective.

Présents:M. WINIARSKI, Président; M. ALFARO, Vice-Président;

MM. BASDEVANT ,ADAWI,MORENO QUINTANAW , EL-
LINGTON KOO, SPIROPOULOS s,ir Percy SPENDER,sir
Gerald FITZMAURICM E,M. KORETSKYT ,ANAKAB , USTA-

MANTE Y RIVERO,JESSUP,MORELLI ,uges; M. BEB A
DON, Juge ad hoc; M. GARNIER-COIGNE GTeficr.

4 In the case concerning the Northern Cameroons,
between
the Federal Republic of Cameroon,
represented by

H.E. M. Vincent de Paul Ahanda, Ambassador of the Federal
Republic of Cameroon to Belgium, Luxembourg and the
Netherlands,
as Agent,
and by
Mr. Paul Engo, Judge,

as Assistant Agent,
assisted by
M. Prosper Weil, Professor at the Nice Faculty of Law and
Economics (University of Aix-Marseille) ,
M. Robert Parant, Judge, Director of Judicial Affairs and of the
Seal, Ministry of Justice,
as Counsel,

M.El Hadji Moussa Yaya, Deputy, Vice-President of the Federal
National Assembly,
M. Eloi Langoul, Conseiller référendair oef the Supreme Court of
Eastern Cameroon, Principal Private Secretary to the Minister
of State for Justice and Keeper of the Seals,
M.François-Xavier Tchoungui, Principal Private Secretary tothe
Minister for Foreign Affairs,
as Advisers,
and

M. Charles Debbasch, Lecturer agrégéat the Faculty of 1-awand
Economics of the University of Grenoble,
M.Paul Isoart, Assistant Lecturer at the Nice Faculty of Law and
Economics (University of Aix-Marseille),
as Experts,
and
the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland,

represented by
Sir Francis Vallat, K.C.M.G., Q.C., Legal Adviser to the Foreign
Office,
as Agent,
and by

Mr. P. J. Allott, an Assistant Legal Adviser, Foreign Office,
as Assistant Agent,

assisted by

Rt. Hon. Sir John Hobson, O.B.E., T.D., Q.C., M.P., Attorney-
General, En l'affaire du Cameroun septentrional,
entre

la République fédéraledu Cameroun,
représentéepar
S. Exc. M. Vincent de Paul Ahanda, ambassadeur de la Répii-
blique fédéraledu Cameroun en Belgique, au Luxembourg et
aux Pays-Bas,
comme agent,
et par

M. Paul Engo, magistrat,
comme agent adjoint,
assistéspar
M. Prosper Weil, professeur à la Faculté de droit et des sciences
économiques de Nice (Universitéd'Aix-Marseille),
M. Robert Parant, magistrat, directeur des Affaires judiciaires
et du Sceau au ministère de la Justice,

comme conseils,
M. El Hadji Moussa Yaya, député,vice-président de l'Assemblée
nationale fédérale,
M. Eloi Langoul, conseiller référendaireà la Cour suprême du
Cameroun oriental, directeur du cabinet du ministre d'État,
chargéde la Justice, garde des Sceaux,
M. François-Xavier Tchoungui, directeur du cabinet du ministre
des Affaires étrangères,
comme conseillers,
et

M. Charles Debbasch,maître deconférences agrégé àla Facultéde
droit et des scienceséconomiques de l'université de Grenoble,
M. Paul Isoart, maître-assistant à la Faculté de droit et des
sciences économiques de Nice (Université d'Aix-Marseille),
comme experts,
et
le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,

représentépar
sir Francis Vallat,K. C. M. G., Q. C., jurisconsulte du ministère
des Affaires étrangères,
comme agent,
etpar
M. P. J.Allott, l'un des jurisconsultes-adjoints du ministèrdes
Affaires étrangères,

comme agent adjoint,
assistéspar
le très honorable sir John Hobson, O. B. E., T. D., Q.C., M. P.,
Attorney-General,

5 Mr. M. E. Bathurst, C.M.G., C.B.E., a member of the English

Bar,
Mr. D. H. N. ,Johnson, Professor of International and Air Law in
the University of London,
as Counsel,
and

Mr. P. R. A. Mansfield, West and Central African Department,
Foreign Office,
asAdviser,

composed as above,
deliversthefollowingJudgment .

On 30 May 1961 the Ambassador of Cameroon to France handed
tothe Registraran Application which, referring to a dispute between
his Government and the Government of the United Kingdom,
prayed the Court to adjudge and declare that, in the application of
the Trusteeship Agreement for the Territory of the Cameroons under
British Administration approved by the General Assembly of the
United Nations on 13 December 1946, the United Kingdom failed,
with regard to the Northern Cameroons, to respect certain obli-
gations directly or indirectly flowing from that Agreement. To
found the jurisdiction of the Court the Application relies on Ar-

ticle19 of the Trusteeship Agreement.
In accordance with Article 40, paragraph 2, of the Statute of the
Court, the Application was communicated to the Government oi the
United Kingdom. In accordance with paragraph 3 of the same
Article, the other Members of the United Nations and the non-
member States entitled to appear before the Court were notified.
Time-limits for the filing of the Memorial and the Counter-
Memorial were fixed by an Order of 6 July 1961 and subsequently
extended at the request of the Parties by Orders of 2 November
1961, 25 April and IO July 1962. The Memorial and Counter-
Memorial were filed within the time-limits so extended. In the
Counter-Mernorial, filed on 14 August 1962, the Government of the
United Kingdom not only referred to the merits of the case but also

raised preliminary objections under Article 62 of the Rules of Court.
Accordingly, an Order of 3 September 1962recorded that by virtue
of the provisions of Article 62,paragraph 3, of the Rules of Court,
the proceedings on the merits were suspended and fixed IDecember
1962 as the time-limit within which the Government of Cameroon
might present a written statement of its observations and sub-
missions on the preliminary objections. At the request of the
Government of Cameroon this time-limit was extended to I March
1963 by an Order of 27 November 1962 and further extended to
I July 1963 by an Order of II January 1963.
6 M. M. E. Bathurst, C. M. G., C. B. E., membre du barreau
d'Angleterre,
M. D. H. N. Johnson, professeur de droit international et aérien
àl'université de Londres,
comme conseils,

et
M. P. R. A. Mansfield, direction des affaires de l'Afrique occiden-
tale et centrale au ministère des Affaires étrangères,
comme conseiller,

ainsi composée,

rendl'arrêstuivant :
Le 30 mai 1961,l'ambassadeur du Cameroun en France a remis au

Greffierune requêtequi, faisant étatd'un différendentre songouver-
nement et le Gouvernement du Royaume-Uni, prie la Cour de dire
et juger que, dans l'application de l'accord de tutelle pour le
territoire du Cameroun sous administration britannique approuvé
par l'Assemblée générale desNations Unies le 13 décembre 1946,
le Royaume-Uni n'a pas, en ce qui concerne le Cameroun septen-
trional, respecté certaines obligations qui découlentdirectement ou
indirectement dudit accord. Pour établir la juridiction de la Cour,
la requête invoque l'article 19 de l'accord de tutelle.

Conformément àl'article40,paragraphe 2, du Statut de la Cour,
la requête aétécommuniquée au Gouvernement du Royaume-Uni.
Conformémentau paragraphe 3 du mêmearticle, les autres Membres
des Nations Unies, ainsi que les États non membres admis àester en

justice devant la Cour, en ont étéinformés.
Les délais pour le dép6t du mémoire et du contre-mémoire ont
étéfixéspar ordonnance du 6 juillet 1961; ils ont étéultérieurement
prorogés à la demande des Parties par ordonnances des 2 novembre
1961,25avril et IO juillet 1962.Le mémoireet lecontre-mémoire ont
étédéposésdans les délaisainsi prorogés. Dans le contre-mémoire,
déposé le 14 août 1962, le Gouvernement du Royaume-Uni a non
seulement fait état du fond de l'affaire, mais aussi soulevé des
exceptions préliminaires en vertu de l'article 62 du Règlement de la
Cour. En conséquence, une ordonnance du 3 septembre 1962 a
constaté qu'en vertu des dispositions de l'article2, paragraphe 3,
du Règlement de la Cour la procédure sur le fond était suspendue
et a fixéau I~Tdécembre 1962 la date d'expiration du délai dans

lequel le Gouvernement camerounais pourrait présenter un exposé
écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions
préliminaires. A la demande du Gouvernement camerounais, ce
délaia étéprorogé au lermars 1963par ordonnance du 27 novembre
1962, puis au rer juillet 1963 par ordonnance du II janvier 1963.
6 The statement having been presented within the time-limit so
extended, the case became ready for hearing in respect of the
preliminary objections.
Pursuant to Article 31, paragraph 2, of the Statute, the Govern-
ment of Cameroon chose M. Philémon Beb a Don, Ambassador of
Cameroon to France, to sit as Judge ad hocin the present case.

On 19-23, 25-27,30 September and I and 3 October 1963, hearings
were held in the course of which the Court heard the oralarguments
and replies of Sir Francis Vallat, Agent, and Sir John Hobson,

Counsel, on behalf of the Government of the United Kingdom; and
of M. Vincent de Paul Ahanda, Agent, Mr. Paul Engo, Assistant
Agent, and M. Prosper Mleil, Counsel, on behalf of the Government
of Cameroon.
In the written proceedings, the following Submissions were pre-
sented by the Parties:

On behalfof the Governmentof Cameroon,
in the Application:

"May it please the Court:

to notify the present Application, in accordance with Article 40,
paragraph 2,of the Statute of the Court to the Government of the
United Kingdom;

to adjudge and declare, whether the Government of the United
Kingdom appears or not, and after such time-limits a.s the Court
Trusteeship Agreement of 13 December 1946, failed to respect the
certain obligations directly or indirectly flowing therefrom on the
various points set out above" ;

in the Memorial:
"The submissions of the Federal Republic of Cameroon are as
follows: may it please the Court to find in favour of the submis-
sions of its Application instituting proceedings and, in particular,
to adjudge and declare:

that the United Kingdom has, in the application of the Truçteeship
Agreement of 13 December 1946,failed to respect certain obligations
directly or indirectly flowing therefrom on the various points set
out above."

On behalfof the Governnzentof the United Kingdom,

inthe Counter-Memorial :
"112. The British Government submit that the Court should
hold and declare:

7 Cet exposéayant étéprésentédans le délai ainsi prorogé, l'affaire

s'est trouvée en état pour ce qui est des exceptions préliminaires.

En application de l'article31, paragraphe 2,du Statut de la Cour,
le Gouvernement camerounais a désigné M. Philémon Beb a Don,
ambassadeur du Cameroun en France, pour siéger comme juge ad
hocen la présente affaire.
Des audiences ont été tenues du 19 au 23, du 25 au 27, le 30
septembre et les I~~ et 3 octobre 1963, durant lesquelles ont été
entendus en leurs plaidoiries et réponses, pour le Gouvernement du
Royaume-Uni: sir Francis Vallat, agent, et sir John Hobson,
conseil; et pour le Gouvernement camerounais: M. Vincent de Paul

Ahanda, agent, M. Paul Engo, agent adjoint, et M. Prosper Weil,
conseil.
Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont étéprksen-
tées par les Parties:

Au nom. duGouverwementcamerounais,

dans la requête:

« Plaiseà la Cour:

notifier la présente requêteconformément à l'article 40, paragra-
phe 2, du Statut de la Cour au Gouvernement du Royaume-Uni;

dire et juger, tant en l'absence qu'en présencedudit Gouvernement
et après tels délais qu'il appartiendraà la Cour de fixer: que le
Royaume-Uni, dans l'application de l'Accord de Tutelle du 13dé-
cembre 1946n'a pas respectécertaines obligations qui en découlent
directement ouindirectementsur lesdiverspoints relevésci-dessus»;

dans le mémoire:
«La République fédérale du Cameroun conclut à ce qu'il plaise
à la Cour lui adjuger les conclusions de sa requête introductive et
notamment dire et juger:

que le Royaume-Uni, dans l'application de l'Accord de Tutelle
du 13 décembre 1946 n'a pas respecté certaines obligations qui
en découlent directement ou indirectement sur les divers points
relevés ci-dessus»

Au nom du Gouvernementdu Royaume-Uni,

dans le contre-mémoire :
«112.Le Gouvernement britannique conclut à ce qu'il plaisà la
Cour dire et juger:

7 (i) that, for the reasons stated in Part 1 of this Counter-Memorial,

the Court has no jurisdiction in this case;

(ii) that, if, contrary to the submission of the British Government,
the Court holds that it has jurisdiction, for the reasons stated
in Parts II and III of this Counter-Memorial, the allegations
made by the Republic of Cameroon of breach of the obligations
of the United Kingdom under the Trusteeship Agreement are
without foundation."

On behnlf of the Governgnentof Cameroon,

in the Observations and Submissions on the preliminary objection:

"On the basis of the foregoing observations, and reserving all its
rights with regard to the merits of the case, the Federal Republic
of Cameroon has the honour to lay the following submissions before
the Court :
May it please the Court:

I. To dismiss the preliminary objection of the United Kingdom
to the effect that the Court should declare that it has no jurisdiction;
2. To dismiss the preliminary objection of the United Kingdom
based on failure to observe the provisions of Article32, paragraph 2,
of the Rules of Court;

3. To adjudge and declare that the United Kingdom has, in the
interpretation and application of the Trusteeship Agreement for
the Territory of the Cameroons under British Administration, failed
to respect certain obligations directly or indirectly flowing from the
said Agreement, andin particular from Articles 3,5,6 and 7 thereof."

In the oral proceedings the following Submissionswere presented
by the Parties:

On behalfof the Governmentof the UnitedKingdom,

at the hearing on 23 September 1963:
"For the reasons which 1 have presented to the Court, 1 now
submit that it should hold and declare that the Court has no
jurisdiction in this case, and 1 sustain the first conclusion in para-
graph 112 of the United Kingdom Counter-Memorial."

On behalfof the Governmentof Cameroon,

after the hearing on 27 September 1963 :

"May it please the Court:
I. To dismiss the preliminary objection of the United Kingdom
to the effect that the Court should declare that it has no jurisdiction;
2. To dismiss the preliminary objection of the United Kingdom
based on failure to observe the provisions of Article32, paragraph 2,
of the Rules of Court;

3. To adjudge and declare that the United Kingdom has, in the
interpretation and appiication of the Trusteeship Agreement for
8 i) que, pour les raisons énoncéesdans la première partie du présent

contre-mémoire, la Cour n'est pas compétente pour connaître
de l'affaire;
ii) que, si, contrairement à cette conclusion du Gouvernement
britannique, la Cour juge qu'elle est compétente, les allégations
formulées par la République du Cameroun visant la violation
des obligations du Royaume-Uni en vertu de l'accord de tutelle
sont sans fondement pour les motifs énoncésà la deuxième et
à la troisième partie du contre-mémoire. »

Au nom du Gouvernementcamerounais,
dans les observations et conclusions sur l'exception préliminaire:

((En se fondant sur les observations qui précèdent,et en réservant
tous ses droits quant au fond du litige, la République Fédéraledu
Cameroun a l'honneur de soumettre à la Cour les conclusions
suivantes :

Plaise à la Cour :
I. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tendant à ce
que laCour se déclare incompétente;

2. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tirée de
l'inobservation des dispositions de l'article 32, paragraphe z, du
Règlement de la Cour;
3. Dire et juger que le Royaume-Uni, dansl'interprétation et l'ap-
plication de l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous adminis-
tration britannique, n'a pas respecté certaines obligations qui dé-
coulent directement ou indirectement dudit Accord, et notamment

de ses articles 3, 5, 6et 7.))
Au cours de la procédure orale, les conclusions ci-après ont été

présentées par les Parties:

Au nom du Gouvernementdu Royaume-Uni,

à l'audience du 23 septembre 15263:
((Pour les motifs que je viens d'exposer à la Cour, je conclus à
ce qu'il plaise à la Cour dire et juger qu'elle n'est pas compétente
pour connaître de l'affaire et je confirme la première conclusion
énoncéeau paragraphe 112 du contre-mémoire du Royaume-Uni. »

Aztnom du-Gouvernementcarnerounazs,
après l'audience du 27 septembre 1963:

(Plaise à la Cour:
I. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tendant à ce
que la Cour se déclare incompétente;
2. Rejeter l'exception préliminaire du Royaume-Uni tirée de

l'inobservation' des dispositions de l'article 32, paragraphe 2, du
Règlement de la Cour;
3. Dire et juger que le Royaume-Uni, dans l'interprétation et
l'application de l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous adminis-
820 NORTNERN CAMEROONS (JUDGMENT OF 2 XII 63)
the Territory of the Cameroons under British Administration, failed
to respect certain obligations directly or indirectly flowing from the
said Agreement, and in particular fromArticles 3,5,6 and 7thereof."

On behalf of the Governvzentof the United Kingdom,
at the hearing on I October 1963:

"For the reasons given in the Counter-Memorial and the oral
statements presented on behalf of the United Kingdom during the
present hearing, the United Kingdom makes the following sub-
missions :
(1) that there has not at any time been a dispute as alleged in
the Application in this case;

(2) that there has not been or was not on 30 May 1961, as alleged
in the Application, a dispute falling within Artic19of the Trustee-
ship Agreement for the Territory of the Cameroons under United
Kingdom Administration;
(3) that, in any event, there is no dispute before the Court upon
which the Court is entitled to adjudicate.
May it, therefore, please the Court:

Having regard to each and al1of the above submissions, to uphold
the preliminary objections of the United Kingdom and to declare
that the Court is without jurisdiction in the present case and that
the Court will not proceed to examine the merits."

On behalf of the Governmentof Cameroon,
at the hearing on 3 October 1963:

"For the reasons given in its pleadings and oral statements, the
Federal Republic of Cameroon has the honour to make the following
submissions :
May it please the Court:

I. To dismiss the preliminary objections of the United Kingdom
to the effect that the Court shoulddeclare that it has no jurisdiction;
2. To declare that it has jurisdiction to examine the merits of the
claim of the Federal Republic of Cameroon to the effect that the
Court should adjudge and declare that the United Kingdom has, in
the interpretation and application of the Trusteeship Agreement
for the Territory of the Cameroons under British Administration,
failed to respect certain obligations directly or indirectly flowing
from the said Agreement, and in particular from Articles 3, 5, 6
and 7 thereof."

The President having asked the Agent of the Government of the
United Kingdom whether he had any observations to make on the

submissions thus presented by the Government of Cameroon,
the Agent stated that he had no comment to make in so far as
the submissions related to the question of jurisdiction and the pre-
liminary objections of the United Kingdom. tration britannique, n'a pas respecté certaines obligations qui
découlentdirectement ou indirectement dudit Accord, et notamment
de ses articles 3,, 6 et 7.»

Au nom du Gouvernementdu Royaume-Uni.
à l'audience du I~~ octobre 1963

((Pour les motifsindiquésdans le contre-mémoireet les plaidoiries
faites au nom du Royaume-Uni au cours des présentes audiences, le
Royaume-Uni formule les conclusions suivantes:

1) à aucun moment, il n'y a eu un différend,comme l'allèguela
requêtedéposéeen l'affaire;
2) il n'y avait pas eu ou il n'y avait paà la date du 30mai 1961,
comme l'allègue la requête, un différend relevant de l'article 19
de l'accord de tutelle pour le territoire du Cameroun sous admi-
nistration du Royaume-Uni;

3) en toute hypothèse, la Cour n'est pas saisie d'un différend
qu'elle soit fondéeà trancher.
En conséquence,plaise à la Cour:
Eu égard aux conclusions ci-dessus, envisagées tant séparément
que globalement, admettre lesexceptionspréliminairesdu Royaume-
Uni et dire que la Cour n'a pas compétence en la présente
affaire et ne procéderapas à un examen au fond. »

Au nom du Gouvernementcamerounais,

à l'audiefice du 3 octobre 1963:
((Pour les motifs indiqués dans ses écritures et ses plaidoiries, la
République Fédéraledu Cameroun a l'honneur de formuler les
conclusions suivantes :
Plaise àla Cour :

1. Rejeter les exceptions préliminaires du Royaume-Uni tendant
à ce que la Cour se déclareincompétente;
2. Se déclarercompétente pour examiner au fond la demande de
la République Fédéraledu Cameroun tendant à ce que la Cour dise
et juge que le Royaume-Uni dans l'interprétation et l'application de
l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous administration britanni-
que, n'a pas respectécertaines obligations qui découlentdirectement
ou indirectement dudit Accord, et notamment de ses articles 3,5,
6 et 7.1)

Le Préside-nt ayant demandé à l'agent du Gouvernement du
Royaume-Uni s'il avait des observations à formuler au sujet des
conclusions ainsi présentées par le Gouvernement camerounais,
l'agent a déclaré qu'il n'avait pas de commentaires à faire, pour
autant que cesconclusions concernaient la question de la juridiction
de la Cour et les exceptions préliminaires du Royaume-Uni. In order to be in a position to pass upon the submissions of the
Parties, the Court must take into account certainfacts which under-
lie the Applicant's complaints. Although the Court will subse-
quently enter into some points in greater detail, it will, at the
outset, present in broad outline the facts which it has found to be

important to an appreciation of the case.
The historical background of the Application filed by the Re-
public of Cameroon on 30 May 1961 relates to one of the several
important political developments affecting certain territories ithe
continent of Africa which have taken place in recent years. The
territory here in question, known as the Northern Cameroons,
formed part of the "oversea possessions" the rights and titles to
which Germany renounced under Article 119 of the Treaty of
Versailles of28 June 1919, and which were placed under the Man-
dates System of the League of Nations. In conformitywith a decision
of the Council of Four at the Peace Conference, the Governments of
France and Great Britain recommended that the territory which
had been known as the German protectorate of Kamerun should be
divided into two Mandates, the one to be administered by France
and the other by Great Britain. This recommendation was accepted
and the Mandates were established.

After the creation of the United Nations, the French and British
Governments proposed to place these mandated territories under
the International Trusteeship System. Trusteeship Agreements for
the Territory of the Cameroons under British Administration and
for the Territory of the Cameroons under French Administration
with the approval of the General Assembly of the United Nations
entered into force on 13 December 1946.
The Government of the United Kingdom as the Administering
Authority maintained in the Trust Territory of the Cameroons the
same administrative arrangements which it had first instituted
when the Mandate was accepted. Under these arrangements the
territory was divided into a northern region and a southern region.
The Northem Cameroons was itself not a geographical whole but
was in two sections, separated by a narrow strip of the terntory of
what was then the British Protectorate of Nigeria which bordered
the entire western side of the Mandate. The Northern Cameroons

was administered as part of the two northern provinces of Nigeria,
Bornu and Adamawa. The Southern Cameroons was administered
until 1939as a separate Cameroons Province of Southern Nigeria.
Thereafter, the Southern Cameroons was joined for administrative
purposes to the eastern provinces of Nigeria as a separate province.

The Trust Territory of the Cameroons under French Adminis-
tration, which formed the entire eastern and most of the northern
frontier of the Trust Territory of the Cameroons under British
IO Pour arriver àstatuer sur lesconclusions quilui ont étéprésentées

par les Parties, la Cour doit faire état de certains faits qui sontla
base des griefs invoqués par le demandeur. Sous réserve de la
faculté de revenir ultérieurement sur tel ou tel d'entre eux, la Cour
commencera par présenter d'une manière généraleles faits qu'elle
juge importants pour guider son raisonnement.
La requêtedéposée le30 mai 1961 par la République du Came-
roun doit êtrereplacéedans le contexte historique de l'une des quel-
ques transformations politiques importantes concernant certains
territoires qui sont survenues à l'époque contemporaine sur le
continent africain. Le territoire dont il s'agit en l'espèce et qui est
connu sous le nom de Cameroun septentrional est l'une des «posses-
sions d'outre-mer » àl'égarddesquelles l'Allemagne a renoncé à ses
droits et titres en vertu de l'articleII~ du traité de Versailles du
28 juin 1919 et qui ont étéplacées sous le système des Mandats

de la Sociétédes Nations. Conformément à ime décision prise lors
de la Conférencede la paix par le Conseil des Quatre, les Gouverne-
ments de France et de Grande-Bretagne ont recommandé que le
territoire antérieurement désigné sous le titre de protectorat
allemand du Cameroun soit divisé endeux Mandats, l'un administré
par la France et l'autre par la Grande-Bretagne. Cette recomman-
dation a étéacceptée et les Mandats ont été institués.
Après la création des Nations Unies, les Gouvernements français
et britannique ont proposé de placer sous le régime international
de tutelle ces territoires sous Mandat. Des accords de tutelle
pour le territoire du Cameroun sous administration britannique
et pour le territoire du Cameroun sous administration française
sont entrés en vigueur le 13 décembre 1946, avec l'approbation de
l'Assemblée générale des Kations Unies.

Le Gouvernement du Royaume-Uni, autorité administrante,
a maintenu dans le territoire sous tutelle du Cameroun les mêmes
dispositions administratives que celles qu'il avait arrêtéeslorsqu'il
avait accepté le Mandat. En vertu de ces dispositions, le territoire
était divisé en une régionseptentrionale et une région méridionale.
Le Cameroun septentrional ne constituait pas en lui-même une
unité géographique et comprenait deux sections séparées par une
étroite bande de territoire appartenant à ce qui était alors le pro-
tectorat britannique de la Nigéria, lequel bordait sur toute sa
longueur la partie occidentale du Mandat. Le Cameroun septen-
trional était administré comme faisant partie des deux provinces
du nord de la Nigéria, le Bornou et l'Adamaoua. Jiisqu'en 1939,
leCameroun méridional a étéadministré dans le cadre de la Nigéria
du Sud comme une province distincte, celle du Cameroun. Par la
suite, il a étéliéadministrativement, en tant que province distincte,

aux provinces de l'est de la Nigéria.
Le territoire sous tutelle du Cameroun sous administration
française, qui longeait toute la frontière est et la plus grande partie
de la frontière nord du territoire sous tutelle du Cameroun sousAdministration, attained independence asthe Republic of Cameroon
on I January 1960. On 20 September 1960the Republic of Cameroon
became a Member of the United Nations. On I October 1961,
pursuant to the results of a plebiscite conducted under the auspices
of the United Nations, the Southern Cameroonsjoined the Republic
of Cameroon within which it then became incorporated.
Meanwhile, also consequent upon a plebiscite conducted under
the auspices of the United Nations pn II and 12 February 1961,
the Northern Cameroons on I June 1961 joined the Federation
of Nigeria which had become independent on I October 1960 and
which Ras admitted as a Member of the United Nations six days
later. The Northern Cameroons became and remains a separate
province of the Northern Region of Nigeria.

The situation of the Trust Territories of the Cameroons under
French Administration and of the Cameroons under British Ad-
ministration received much attention from the Trusteeship Council
of theUnited Nations and from the General Assembly itself. Indeed,
the General Assembly on 5 December 1958 decided to resume its
thirteenth session in February 1959 "to consider exclusively the
question of the future of the Trust Territories of the Cameroons
under French Administration and the Cameroons under United
Kingdom Administration". In addition, the whole question of
administrative unions in trust territories was over many years the
subject of repeated study within the United Nations.
The reports of visiting missions to the two Trust Territories of
the Cameroons under French and British administration respect-
ively, the proceedings of the Trusteeship Council and of the Fourth

Committee of the General Assembly as well as the reports of the
United Kations Plebiscite Commissioner who supervised plebiscites
held in the Trust Territory of the Cameroons under British Ad-
ministration, afford abundant background for the questions raised
by the Republic of Cameroon in its Application of 30 May 1961
instituting proceedings against the United Kingdom. Since proceed-
ings on the merits were suspended as recorded in the Order of
3 September 1962, the Court, as already noted, refers to this body
of material only for the purpose of indicating the setting in which
it has been called upon to consider the Application and Memorial of
the Republic of Cameroon and the Preliminary Objections thereto
which have been filed by the United Kingdom. It is necessary,
however, by way of clarification of what follows, to referspecifically
to three of the resolutions adopted by the General Assembly of

the United Nations.
On 13 March 1959, the General Assembly adopted resolution
1350 (XIII) .It recommended that the Administering Authority,
in consultation with a United Nations Plebiscite Commissioner,
organize under the supervision of the United Nations separate
plebiscites in the northern and southern parts of the Cameroons
under British administration "in order to ascertain the wishes ofadministration britannique, a accédéà l'indépendance le Ierjan-
vier 1960sousle nom de République du Cameroun. Le 20 septembre
1960. la République du Cameroun est devenue Membre des Nations
Unies. Le I~~ octobre 1961, à la suite d'un plébiscite effectuésous
les auspices des Nations Unies, le Cameroun méridional s'est uni
à la République du Cameroun à laquelle il s'est alors incorporé.
Entre-temps, à la suite d'un autre plébiscite effectué sous les
auspices des Nations Ilnies lesII et 12 février 1961, le Cameroun
septentrional s'était uni le~erjuin 1961 à la Fédération de Nigéria,

laquelle était devenue indépendante le I~~octobre 1960 et avait été
admise aux Nations Unies six jours plus tard. Le Cameroun septen-
trional est devenu et demeure une province distincte de la Région
du Nord de la Nigéria.
La situation des territoires sous tutelle du Cameroun sous
administration française et du Cameroun sous administration
britannique a beaucoup retenu l'attention du Conseil de tutelle
des Nations Unies et de l'Assembléegénérale elle-même. L'Assem-
bléegénéralea même décidé, le 5 décembre 1958, de reprendre sa
treizième session en février1959 «àseule fin d'examiner la question
de l'avenir des Territoires sous tutelle du Cameroun sous ad-

ministration française et du Cameroun sous administration du
Royaume-Uni)). En outre, toute la question des unions administra-
tives dans les territoires sous tutelle a fait aux Nations Unies, Pen-
dant de longues années, l'objet d'examens répétés.
Les rapports des missions de visite dans les deux territoires sous
tutelle du Cameroun sous administration française et du Cameroun
sous administration britannique, les débats du Conseil de tutelle
et de la Quatrième Commission de l'Assembléegénérale,aussi bien
que les rapports du commissaire des Nations Unies qui a surveillé
les plébiscites organisésdans le territoire sous tutelle du Cameroun
sous administration britannique, sont autant d'élémentsde base

qui permettent de situer les questions soulevéespar la République
du Cameroun dans sa requête introductive d'instance du 30 mai
1961 dirigéecontre le Royaume-Uni. La procédure sur le fond étant
suspendue comme l'a constaté l'ordonnance du 3 septembre 1962,la
Cour, ainsi qu'elle l'a déjà souligné, ne mentionne cet ensemble
de documents qu'à seule fin d'indiquer le contexte dans lequel
elle a été invitéeà examiner la requête et le mémoire de la Répu-
blique du Cameroun, ainsique les exceptions préliminaires formulées
à leur sujet par le Royaume-Uni. Mais il y a lieu, pour éclairer ce
qui suit, de se référerplus précisément à trois des résolutions adop-
tées par l'Assemblée générale des Nations Unies.

Le 13 mars 1959, l'Assemblée généralea adopté la résolution
1350 (XIII). Elle y a recommandé que l'autorité administrante,
en consultation avec un commissaire des Nations Unies aux plé-
biscites, organise sous la surveillance de l'organisation des
Nations Unies des plébiscites séparésdans la partie septentrionale
et dans la partie méridionale du Cameroun sous administrationthe inhabitants of the Territory concerning their future". In the
Southern Cameroons, the plebiscite was held on II February 1961 :
the vote registered a decision "to achieve independence by joining
the independent Republic of Cameroun". In the Northern
Cameroons a first plebiscite was held on 7 Kovember 1959; the
vote was in favour of deciding their future at a later date. Ac-
cordingly, by resolution 1473 (XIV) of 12 December 1959, the

General Assembly recommended that a second plebiscite be held in
the Northern Cameroons in which the people would be asked
whether they wished "to achieve independence" by joining the
independent Republic of Cameroon or by joining the independent
Federation of Nigeria. By the same resolution, the General Assembly
recommended that the United Kingdom should meanwhile take
various steps including the initiation without delay of the "separ-
ation of the administration of the Northern Cameroons from that of
Nigeria and that this process should be completed by I October
1960". It is one of the complaints of the Republic of Cameroon as
Applicant here, that the United Kingdom as Administering Au-
thority failed to take the necessary steps to comply with this

recommendation.

The plebiscite was held on II and 12 February 1961, and on 21
Apnl 1961 the General Assembly adopted resolution 1608 (XV)
which has special significance in this case. The resolution includes
the following three paragraphs :

"2. Endorses the results of the plebiscites that:
(a) The people of the Northern Cameroons have, by a substantial
majority, decided to achieve independence by joining the in-
dependent Federation of Nigeria;
(b) The people of the Southern Cameroons have similarly decided
to achieve independence by joining the independent Republic
of Cameroun;
3.Considwsthat,the peopleof the two parts ofthe Trust Tcrritory
having freely and secretly expressed their wishes with regard to
their respective futures in accordance with General Assembly
resolutions 1352(XIV) and 1473(XIV),the decisionsmade by them
through democratic processes under the supervision of the United
Nations should be immediately implemented;

4. Decides that, the plebiscites having been taken separately
with diffenng results, the Trusteeship Agreement of 13December
1946 concerning the Cameroons under United Kingdom adminis-
tration shall be terminated, in accordance with Article 76 b of the
Charter of the United Nations and in agreement with the Ad-
ministenng Authority, in the followingmanner :
(a) With respect to the Northern Cameroons, on IJune 1961u ,pon
its joining the Federation of Nigeria as a separate province of
the Northern Region of Nigeria; CAMEROUN SEPTENTRIONAL (ARRÊT DU 2 XII 63) 23

britannique «afin de déterminer les aspirations des habitants
du Territoire au sujet de leur avenir 1).Au Cameroun méridional,
le plébiscite a eix lieu leII février 1961; le vote a été en faveur
de la décision «d'accéder à l'indépendance en s'unissant à la Répu-
blique du Cameroun indépendante ».Au Cameroun septentrional,
un premier plébiscite a eu lieu le 7 novembre 1959; le vote a été

-enfaveur de la remise àplus tard d'une décisionsur l'avenir du pays.
En conséquence, dans sa résolution 1473 (XIV) du 12 décembre
1959, l'Assembléegénérale a recommandéqu'un nouveau plébiscite
soit organisé au Cameroun septentrional, au cours duquel on de-
manderait à la population de dire si elle désirait (accéder à l'indé-
pendance )en s'unissant à la République du Cameroun indépen-
dante ou en s'unissant à la Féderation de Nigériaindépendante. Par
la même résolution, l'Assemblée générale arecommandé qu'entre-
temps le Royaume-Uni prenne des mesures tendant notamment

à effectuer sans retard cla séparation administrative du Cameroun
septentrional et de la Nigéria, et que cette séparation soit achevée
le I~~ octobre 1960 ».Or, l'un des griefs de la République du
Cameroun comme demandeur en l'instance est que le Royaume-
Uni, en tant qu'autorité administrante, n'a pas pris les dispositions
nécessaires pour que cette recommandation soit mise en Œuvre.
Le plébiscite a eu lieu lesII et 12 février 1961 et, l21 avril 1961,
l'Assembléegénérale aadopté la résolution 1608 (XV) qui présente

un intérêtspécial en l'espèce. Cette résolution comprend les trois
paragraphes suivants :
(2. Prend acte des résultats des plébiscitesselon iesq-aels:

a) La population du Cameroun septentrional a décidé, à une ma-
jorité importante, d'accéder à l'indépendanceen s'unissant à
la Fédérationde Nigériaindépendante;
b) La population du Cameroun méridional a également décidé
d'accéder à l'indépendance en s'unissant à la République du
Cameroun indépendante ;
3. Edirne que, les populations des deux parties du Territoire sous
tutelle ayant librement ex-riiné, au cours d'un scrutin secret, leurs
aspirations au sujet de leur avenir respectif conformément aux
résolutions1352(XIV) et 1473 (XIY')de l'Assembléegénérale, les
décisionsqu'elles ont prises par des moyens démocratiques,sous la
surveillance de l'organisation des Nations Unies, doivent immédia-
tement êtremises en euvre;

4. Décid que, les plébiscitesayant eu lieu séparémentavec des
résultats différents,l'Accordde tutelle du13 décembre1946 relatif
au Cameroun sous administration du Royalime-Uni prendra fin,
conformément à l'alinéabde l'Article 76 de la Charte des Nations
Unies et en accord avec l'Autorité administrante, danslesconditions
suivantes:
a) En ce qui concerne le Cameroun septentrional, le I~~juin 1961,
au moment où le Cameroun septentrional s'unira à la Fédération
de Nigénaen tant que province séparéede la Régiondu Nord
de la Nigéna;
12 (b) With respect to the Southern Cameroons,on I October 1961,
upon its joining the Republic of Cameroun;".

The Republic of Cameroon voted against the adoption of this
resolution.
Although in a Memorandum of I May 1961 from the Republic
of Cameroon Ministry of Foreign Affairs transmitted to the United
Kingdom (which hereafter will more particularly be referred to)
the position was taken that the Trusteeship could not be terminated
without the consent of the Republic of Cameroon "in its capacity
as a State directly concerned", the Applicant did not maintain this
position and the fact that the Trusteeship Agreement was termi-
nated by the General Assembly's resolution 1608 (XV), is now
admitted by both Parties.
Even before the discussions which led up to resolution 1608 (XV),
the Republic of Cameroon expressed its dissatisfaction with the
manner in which the separation of the administration of the Northern
Cameroons from that of Nigeria was being implemented by the

United Kingdom. As early as May 1960, before the Republic of
Cameroonbecame a Member of the United Nations, its point of view
was expounded on its behalf by the representative of France in the
Trusteeship Council. After its admission to membership of the
United Nations, by a communiqué attached to a note verbale of
4 January 1961 to the United Kingdom, the Republic of Cameroon
asserted on its own behalf that this administrative separation had
not been made effective and that the United Kingdom as Adminis-
tering Authority had not conducted the peoples of the Northern
Cameroons to self-government as provided in Article 76 (b) of the
Charter of the Vnited Nations. Thereafter, and after the plebiscite
of February 1961, representatives of the Republic of Cameroon
through numerous interventions in the Fourth Committee of the
General Assembly and in the plenary sessions of the Assembly,
made known its objections to certain alleged practices, acts or
omissions on the part of the local trustèeship authorities during the
period preceding the plebiscite and during the course of the plebis-

cite itself which it claimed altered the normal course of the consul-
tation with the people and involved consequences in conflict with
the Trusteeship Agreement. Throughout, the Republic of Cameroon
emphasized its view that the "rule of unity" had been disregarded
by the Administering Authority and thereby the politicaldevelop-
ment of the Trust Territory had been altered.
These objections, together with the allegations by the Republic
of Cameroon that the Administrative separation recommended in
General Assembly resolution 1473 (XIV) had not been effected, and
the complaint that the whole Trust Territory had not been ad-
rninistered as a single administrative unit, were developed in a
Cameroon White Book distributed by it to al1 Members of the
United Nations in March 1961 when the results of the second

13 b) En ce qui concerneleCameroun méridional,le I~~ octobre 1961,
au moment où le Cameroun méridionals'unira à la République
du Cameroun ;11.
La République du Cameroun a voté contre cette résolution.

Encore que, dans une note adressée le I~~mai 1961au Royaume-
Uni par le ministère des Affaires étrangères de la République du
Cameroun (note dont il sera traité plus particulièrement ci-après), le
demandeur ait été d'avisque la tutelle ne pouvait êtrelevée sans

l'accord de la République du Cameroun cen sa qualité d'Etat
directement intéressé »,il n'a pas maintenu cette position; le fait
que la résolution 1608 (XV) de l'Assembléegénéralea mis fin à l'ac-
cord de tutelle est maintenant reconnu par les deux Parties.

Dèsavant les débats qui ont conduit à l'adoption de la résolution
1608 (XV), la République du Cameroun a critiqué la manière dont
le Royaume-Uni mettait en Œuvre la séparation administrative
du Cameroun septentrional et de la Nigéria. Déjà en mai 1960,
avant l'admission de la République du Cameroun comme Membre
des Nations Unies, ses vues avaient étéénoncéesen son nom par le
représentant de la France au Conseilde tutelle. Après son admission

aux Nations Unies, la République du Cameroun a affirméelle-même,
dans un communiqué joint à une note verbale adressée le 4 janvier
1961 au Royaume-Uni, que la séparation administrative n'avait
pas été effectuée et que le Royaume-Uni, en tant qu'autorité
administrante, n'avait pas conduit les peuples du Cameroun
septentrional à la capacité à s'administrer eux-mêmes comme le
prévoit l'alinéa b) de l'article 76 de la Charte des Nations Unies.
Plus tard, après le plébiscite de février 1961, les représentants de la
République du Cameroun ont, dans de nombreuses interventions
tant à la Quatrième Commission de l'Assemblée généralequ'aux
séances plénièresde l'Assemblée,fait connaître les objections du

Cameroun contre certaines pratiques, actions ou inactions qui
auraient étéimputables aux autorités locales de tutelle pendant la
période précédantle plébiscite et durant les opérations électorales
et qui auraient modifiéle déroulement normal de la consultation po-
pulaire et entraîné des suitescontrairesàl'accord detutelle. LaRépu-
blique du Cameroun a constamment soulignéqu'à son avis la « règle
de l'unité 1avait étéméconnuepar l'autorité administrante, ce qui
avait modifiél'évolution politique du territoire sous tutelle.

Ces objections, les allégations de la République du Cameroun
selon lesquelles la recommandation relative à la séparation adminis-
trative énoncéedans la résolution 1473 (XIV) de l'Assemblée

généralen'aurait pas étésuivie et le grief d'après lequel l'ensemble
du territoire sous tutelle n'aurait pas été administré comme une
unité administrative distincte ont étédéveloppésdans un livre
blanc distribué par le Cameroun à tous les Membres des Nations
13plebiscite in the Northern Cameroons were being debated in the
Fourth Committee of the General Assembly. In response to this
White Book, letters in rehuttal were similarly distributed by
the representatives of the United Kingdom and of Nigeria. It was
following this exchange and the attendant debates that the General
Assembly adopted resolution 1608 (XV) previously referred to.

Following the adoption of the General Assembly's resolution
1608 (XV),the Republic of Cameroon, on I May 1961, addressed a
communication to the United Kingdom in which it referred to
complaints "of a legal character" which had been advanced by it
and which it wished to have considered by this Court. The com-
plaints are listed in its communication and they correspond with
those which in the Application are stated to be the matters relating
to the execution of the Trusteeship Agreement on the part of the
Administering Authority and constituting the subject of the dispute

between the Republic of Cameroon and the United Kingdom. Its
communication referred to a dispute concerning the application of
the Trusteeship Agreement and requested the United Kingdom
to enter into a special agreement for the purpose of bringing the
same before this Court. No reference was made in the communi-
cation of the Republic of Cameroon to Article 19 of the Trustee-
ship Agreement which hereafter will be referred to.
To this communication the United Kingdom replied on 26 May
1961 stating that the dispute did not appear to be between it and
the Republic of Cameroon but between the latter and the United
Nations General Assembly. The policies or practiceswith which the
Republic of Cameroon found fault, the reply goes on to state, had
been endorsed by the United Nations and the Cnited Kingdom did
not deem it proper to submit to the International Court a dispute
concerning these. To refer the matter to this Court, the letter
proceeded to Say, would cal1in question the decision of the General
Assembly as set out in its resolution 1608 (XV) and introduce an

element of uncertainty into a matter decided by the Assembly. For
these stated reasons the United Kingdom declared they were
unable to comply with the request of the Republic of Cameroon to
refer the matter to this Court.
Four days later, on 30 May 1961, the Republic of Cameroon
submitted its Application to the Court, basing the jurisdiction of
the Court on Article 19 of the Trusteeship Agreement which reads
as follows:

"Article 19.If any dispute whatever should arise between the
AdministeringAuthority and another Memberofthe United Nations
relating to the interpretation or application of the provisions of
this Agreement, such dispute, if it cannot be settled by negotiation
or other means, shall be submitted to the International Court of
Justice, provided forin ChapterXIV ofthe United Nations Charter."Unies en mars 1961, alors que la Quatrième Commission de 1'Assem-
bléegénéralediscutait des résultats du second plébiscite du Came-
roun septentrional. Les représentants du Royaume-Uni et de la
Nigéria ont répondu à ce livre blanc en diffusant de leur ccté des
lettres de réfutation. C'est après cet échange et les débats auxquels
il a donné lieu que l'Assemblée générale a adopté la résolution
1608 (XV) mentionnée plus haut.
Après l'adoption de la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée
gknérale, la République du Cameroun a adressé au Royaume-Uni
le lermai 1961 une note où elle rappelait les griefs (de nature juri-

dique ))qu'elle avait formulés et qu'elle souhaitait voir examiner
par la Cour. Ces griefs sont énumérés dansla note ;ils correspondent
à ceux quisont indiqu4s dansla requêtecomme se rattachant àl'exé-
cution de l'accord de tutelle par l'autorité administrante et comme
constituant l'objet du différend entre la République du Cameroun
et le Royaume-Uni. La note faisait état d'un différend relatif à
l'application de l'accord de tutelle et demandait au Royaume-Uni
de conclure un compromis à l'effet de saisir la Cour. La note de la
République du Cameroun ne faisait aucune mention de l'article 19
de l'accord de tutelle dont il sera question ci-après.

A cette communication, le Royaume-Uni a répondu le 26 mai
1961 que le différend ne lui semblait pas s'êtreélevéentre lui et la
République du Cameroun mais entre cette dernière et l'Assemblée
générale des Nations Lnies. Le Royâume-Uni ajoutait que les
méthodes ou pratiques que la République du Cameroun trouvait
fautives avaient étéapprouvées par les Kations Unies et qu'il ne
croyait pas bon de saisir la Cour d'un différend les concernant.
Selon lui, soumettre le problème à la Cour, c'était mettre en ques-
tion la décision de l'Assemblée généraleénoncéepar la résolution
1608 (XV) et introduire un élémentd'incertitude dans une affaire

tranchée par l'Assemblée. Pour ces raisons, le Royaume-Uni
déclarait ne pas êtreen mesure d'accepter l'invitation de la Répu-
blique du Cameroun visant à soumettre la question à la Cour.

Quatre jours plus tard, le 30 mai 1961, la République du Came-
roun a déposé devant la Cour sa requête, qui invoquait pour
établir la compétence de la Cour l'article 19 de l'accord de tutelle
ainsi conçu:

((Article19.Tout différend, quel qu'il soit, qui viendrait à
s'élever entre l'Autoritéchargée de l'administration et un autre
Membre des Nations Unies relativement à l'interprétation ouà
l'application des dispositions du présent Accord, sera, s'il ne peut
êtreréglépar négociationsou un autre moyen, soumis à la Cour
internationale de Justice, prévue au Chapitre XIV de la Charte
des Nations Unies.)) Pursuant to General Assembly resolution 1608 (XV), the Trustee-
ship Agreement was terminated, with respect to the Northern
Cameroons, two days later, on IJune 1961.

The Application lists the following complaints:

"(a) The Northern Cameroons have not, in spite of the text of
Article 5, $B, of the Trusteeship Agreement, been administered
as a separate territory within an administrative union, but as an
integral part of Nigeria.
(b) Article6 of the Trusteeship Agreement laid down as objectives
the development of free political institutions, a progressively in-
creasing share for the inhabitants of the Territory in the adminis-
trative services, their participation in advisory and legislative
bodies and in the govemment of the Territory. These objectives, in
the opinion of the Republic of Cameroon, have not been attained.

(c) The Trusteeship Agreement did not authorize the Adminis-
tering Power to administer the Territory as two separate parts,
contrary to the rule of unity, in accordance with two administrative
systems and following separate courses of political development.
(a )he provisions of $7 of Resolution 1473 relating to the
separation of the administration of the Northern Cameroons from
that of Nigeria have not been followed.
(e) The measures provided for in $6 of the same Resolution in
order to achieve further decentralization of governmental functions
and the effectivedemocratization of the system of local government
have not been implemented.

(f) The conditions laid down by $4 of the Resolution for the
drawing up of electoral lists were interpreted in a discriminatory
manner, by giving an improper interpretation to the qualification
of ordinary residence.
(g) Practices, acts or omissions of the local Trusteeshipauthorities
during the period preceding the plebiscite and during the elections
themselves altered the normal course of the consultation and in-
volved consequences in conflict with the Trusteeship Agreement."

The formulation of the grievances of the Republic of Cameroon is
stated in differing language in the Application, its Memorial, its
Written Observations and Submissions and its Final Submissions.

It suffices at this point, and in the light of what has already been
said, to quote from the Final Submissions the prayer-

"that the Court should adjudge and declare that the United King-
dom has, in the interpretation and application of the Trusteeship
Agreement for the Terntory of the Cameroons under British
Administration, failed to respect certain obligations directly or
indirectly flowing from the said Agreement, and in particular from
Articles 3,5, 6 and 7 thereof ".
15 Conformément à la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée générale,

l'accord de tutelle a pris fin en ce qui concerne le Cameroun sep-
tentrional deux jours plus tard, le reTjuin 1961.

Les griefs suivants sont énumérésdansla requête:
((a)Le Cameroun Nord n'a pas étéadministré, malgréle texte
de l'article 5,9 B, de l'Accord de Tutelle, comme un territoire
distinct au sein d'une union administrative, mais comme une partie
intégrante de la Nigéria.

b) L'article 6 de l'Accord de Tutelle fixait comme objectifs le
développement d'institutions politiques libres, une part progressi-
vement croissante pour les habitants du Territoire dans les services
administratifs, leur représentation dans le corps consultatif et
législatifet leur participation au gouvernement du Territoire. Ces
objectifs, de l'avis de la République du Cameroun, n'ont pas été
atteints.
c) L'Accord deTutellen'autorisait pas la puissance administrante
à administrer le Territoire, contrairement à la règle de l'unité,
comme deux parties distinctes selon deux régimesadministratifs, et
avec deux évolutions politiques distinctes:
d) Les dispositions du 9 7 de la Résolution 1473relatives à la
séparation administrative du Cameroun septentrional et de la
Nigérian'ont pas étésuivies.
e) Les mesures prévues au 5 6 de la mêmeRésolution en vue
d'obtenir une plus ample décentralisation des pouvoirs adminis-
tratifs et de la démocratisation effectivedu systèmed'administration
locale n'ont pas étémises en Œuvre.
f) Les conditions fixéespar le $4 de la mêmeRésolution pour
l'établissement des listes électoralesont étéinterprétéesde manière
discriminatoire, en entendant d'une manière abusive la notion de
résidence habituelle.
g) Des pratiques, actions ou inactions des autorités locales de
tutelle pendant la période précédant le plébiscite et durant les
opérations électoralesont modifié le déroulement normal de la
consultation et ont entraîné des suites contraires à l'Accord de
Tutelle.))

Les griefs de la République du Cameroun sont formulés en des
termes différents dans la requête, le mémoire, les observations et
conclusions écrites et les conclusions finales. Au stade actuel et
compte tenu de ce qui précède, il suffit de citer le passage suivant
des conclusions finales :

(que la Cour dise et juge que le Royaume-Uni dans l'interprétation
et l'application de l'Accord de Tutelle pour le Cameroun sous
administration britannique, n'a pas respecté certaines obligations
qui découlent directement ou indirectement dudit Accord, et no-
tamment des ses articles 3,5, 6 et 7». The Counter-Memorial of the United Kingdom, in Part II thereof,
dealt with the merits of the case, the stated reason being that the
United Kingdom thought assertions of the Republic of Cameroon
should not rernain unanswered. Part 1 of the Counter-Memorial
raised a number of preliminary objections.
These objections were developed at considerable length during

the course of the oral hearing. For reasons which will subsequently
appear, the Court does not find it necessary to consider all the
objections, nor to determine whether all of them are objections
to jurisdiction or to admissibility or based on other grounds.
During the course of the oral hearing little distinction if any was
made by the Parties themselves lsetween "jurisdiction" and
"admissibility". There are however two objections which the
Court thinks should be disposed of at thiç stage.
The first of these objections is the contention of the United
Kingdom that there is no "dispute" between itself and the Republic
of Cameroon. If any dispute did at the date of the Application
exist, it is the Vnited Kingdom's contention that it was between
the Republic of Cameroon and the United Nations or its General
Assembly.
The Court is not concerned with the question whether or not any
dispute in relation t:, the same subject-matter existed between the
Republic of Cameroon and the United Nations or the General

Assembly. In the view of the Court it is sufficient to Saythat, having
regard to the facts already stated in this Judgment, the opposing
views of the Parties as to the interpretation and application of
relevant Articles of the Trusteeship Agreement, reveal the existence
of a disputein thesense recognized by the jurisprudence of the Court
and of its predecesor, between the Republic of Cameroon and the
United Kingdom at the date of the Application.
The other preliminary objection, that the Court finds it convenient
at this stage todeal with, is based on Article 32 (2)of the Rules of
Court which provides that when a case is brought before it by means
of an application, the application must not only indicate the subject
of the dispute as laid down in Article 40 of the Court's Statute but
it must also "as Par as possibleJ' specify the provision on which
the Applicant founds the jurisdiction of the Court, and state the
precise nature of the claim and the grounds on which it is based.

In the Observations 2nd Subrnissions of the Republic of Cam-

eroon, this objection is treated separately as one to the admissi-
bility of the Application and the Memorial.
The Court cannot be indifferent to any failure, whether by
Applicant or Respondent, to comply with its Rules which have
been framed in accordance with Article 30 of its Statute. The Per-
manent Court of International Justice in several cases felt called
upon to consider whether the forma1 requirements of its Rules
had been met. In such matters of form it tended to "take a broad
16 Dans la deuxiè~nepartie du contre-mémoire, le Royaume-Uni a
traité du fond, considérant que les assertions de la République di1
Cameroun ne devaient pas rester sans réponse. Dans la première

partie du contre-mémoire, il a soulevé un certain nombre d'excep-
tions préliminaires.
Ces exceptions ont été longuement développées au cours de la
procédure orale. Pour des raisons qui apparaîtront ultérieurement,
la Cour ne juge pas nécessaire d'examiner chacune des exceptions
ni de déterminer si elles portent toutes sur la compétence ou la
recevabilité ou si elles sont fondées sur d'autres motifs. Pendant
les plaidoiries, les Parties elles-mêmesn'ont guère fait de distinction

entre ccompétence )) et ccrecevabilité )).Il y a néanmoins deux
exceptions sur lesquelles la Cour estime qu'elle doit se prononcer
à ce stade.
La première exception du Royaume-Uni est qu'il n'y a aucun
((différend ,)entre lui et la République du Cameroun. Si un différend
a existé à la date de la requête, il s'est agi, selon le Royaume-Uni,
d'un différend entre la République du Cameroun et les Nations
Cnies ou l'Assemblée ghérale des Nations Unies.

La Cour n'a pas à se préoccuper de savoir si un différend portant
sur le mêmeobjet a existéou non entrela République du Cameroun
et les Sations Unies ou l'Assemblée générale.De l'avis de la Cour,
il suffit de constater que, eu égard aux faits déjà exposés dans le
présent arrêt, !es positions opposées des Parties pour ce qui con-
cerne l'interprétation et l'application des articles pertinents de
l'accord de tutelle révèlent l'existence entre la République du
Cameroun et le Royaume-Uni, àla date de la requête,d'un différend

au sens admis par la jurisprudence de la Cour actuelle et de l'an-
cienne Cour.
L'autre exception préliminaire dont la Cour estime opportun de
traiter à ce stade est fondée sur l'article 32, paragraphe 2, du
Règlemeïi~seion lequel, lorsqu'une affaire est portée devant la Cour
par une requête, celle-ci doit non seulement indiquer l'objet du
différend, r,onformément ;il'article 40 du Statut de la Cour, mais
contenir en r~utre((autant que possible » la mention de la disposition

par laquelle le requérant prétend établir la compétence de la Cour,
l'indication précise de l'objet de la demande et un exposé des
motifs par lesquels la demande est prétendue justifiée.
Dans les observations et conclusions de ia République du Ca-
meroun, cette exception est traitée à part, comme visant la rece-
vabilité de la requête et du mémoire.
Ida Cour ne saurait être indifférente à l'inobservation, par le
demandeur ou par le défendeu?, des dispositions du Règlement

élabori.conformément à l'article 30 du Statut. La Cour permanente
de Justice internationale a cru devoir rechercher à plusieurs reprises
si les prescriptions de forme de son Règlement avaient été respec-
tées. Dans ces questions de forme, elle avait tendance à ((adopter28 NORTHERN CAMEROONS (JUDGMEN T F 2 XII 63)

view". (The "Société Commerciad leeBelgique", P.C.I.J., Series A/B,
No. 78, p. 173.) The Court agrees with the view expressed by the
Permanent Court in the Mavrommatis Palestine Concessionscase
(P.C.I.., Series A, No. 2, p. 34) :

"The Court, whosejurisdiction is international, is not bound to
attach to matters of form the same degree of importance which
they might possess inmunicipal law."
The Court is quite conscious ofthe Applicant's deeply felt concern
over events referred to in its pleadings and if there were no other

reason which in its opinion would prevent it from examining the
case on the merits, it would not refuse to proceed because of the
lack of what the Permanent Court in the case of the Interpretation
of the Statztte of the Memel Territory, called a "convenient and
appropriate method in which to bring the difference of opinion
before the Court" (P.C.I. J., Series A/B, No. 49, p. 311).
The Court notes that whilst under Article 40 of its Statute the
subject of a dispute brought before the Court shall be indicated,
Article y2 (2)of the Rules of Court requires the Applicant "as far as
possible" to do certain things. These words apply not only to speci-
fying the provision on which the Applicant founds the jurisdiction
of the Court, but also to stating the precise nature of the claim and
giving a succinct statement of the facts and grounds on which the
claim isbased. In the view of the Court the Applicant has sufficiently

complied with the provisions of Article 32 (2)of the Rules and the
preliminary objection based upon non-compliance therewith is
accordingly without substance.

The arguments of the Parties have at times been at cross-purposes
because of the absence of a common meaning ascribed to such terms
as "interest" and "admissibility". The Court recognizes that these
words in differing contexts may have varying connotations but it

does not find it necessary in the present case to explore the meaning
of these terms. For the purposes of the present case, a factual
analysis undertaken in the light of certain guiding principles may
suffice to conduce to the resolution of the issues to which the
Court directs its attention.
The geographical propinquity of the Republic of Cameroon to
the former Trust Territory of the Northern Cameroons, and the
degree of affinity between the populations of the two regions, led
the Republic of Cameroon to view the developments regarding the
former Trust Territory with intense concern. The Court cannot
blind its eyes to the indisputable fact that if the result of the
plebiscite in the Northern Cameroons had not favoured joining the
Federation of Nigeria, it would have favoured joining the Republic

of Cameroon. No third choice was presented in the questions framed
17une interprétation large »(affaire de la Sociétécommercialede Belgi-
q.ue,C.P. J. I., sérieA/B no 78,p. 173). La Cour fait sienne l'opinion
suivante exprimée par la Cour permanente dans l'affaire des Con-

cessions Mavrommatis en Palesti~ze(C.P. J. I., sérieA no 2, p. 34) :
La Cour, exerçant une juridiction internationale,n'est pas tenue
d'attacherà desconsidérationsdeformela même importance qu'elles
pourraient avoir dans le droit interne.))

La Cour est tout à fait consciente de la profonde inquiétude que
les événements décrits dans les écritures ont suscitée chez le
demandeur et, si aucune autre raison ne l'empêchait, à son avis,
d'examiner l'affaire au fond, elle ne refuserait pas de le faire en

prenant comme motif l'absence de ce que la Cour permanente a
appelé dans l'affaire de lJInte$Jrétation du statut du territoire de
Memel cla méthode opportune et appropriée pour soumettre la
divergence d'opinions àla Cour 1)(C.P. J. I.,sérieAIB no 49, p. 311).
La Cour note que, si, en vertu de l'article 40 du Statut, l'objet
d'un différend porté devant la Cour doit êtreindiqué, l'article 32,
paragraphe 2, du Règlement de la Cour impose au demandeur de
se conformer cautant que possible ))à certaines prescriptions.

Cette expression s'applique non seulement à la mention de la
disposition par laquelle le requérant prétend établir la compétence
de la Cour mais aussi àl'indication précise del'objet de la demande
et à l'exposé succinct desfaits et des motifs par lesquels la demande
est prétendue justifiée.La Cour estime que la requêtedu demandeur
est suffisamment conforme aux dispositions de l'article 32, para-
graphe 2,du Règlement et que l'exception préliminaire fondéesur
leur inobservation est par suite sans fondement.

Certaines contradictions entre les thèses des Parties sont néesde
ce que l'on n'attribuait pas le même sens à des mots tels que ((inté-
rêt 1)et (recevabilité 1)La Cour reconnaît que, dans des contextes
différents, ces termes peuvent avoir des sens différents mais elle
n'estime pas nécessaire en l'espèce d'en exa.miner la signification.

Aux fins de la présente espèce,une analyse des faits tenant compte
de certains principes directeurs peut suffire pour résoudre les ques-
tions qui retiennent l'attention de la Cour.

La proximité géographique de la République du Cameroun et
de l'ancien territoire sous tutelle du Cameroun septentrional,
ainsi que le degré d'affinitéentre les populations de ces deux
régions, ont amené la République du Cameroun à se préoccuper
attentivement de l'évolution de l'ancien territoire sous tutelle. La

Cour ne saurait méconnaître ce fait inco:itestable que, si le plébiscite
du Cameroun septentrional n'avait pas été favorable à l'union
avec la Fédération de Nigéria, il aurait étéfavorable à l'union
avec la République du Cameroun. Les. questions arrêtées par by the General Assembly and no other alternative was contem-
poraneously discussed.
The Republic of Cameroon, as a Member of the United Nations
as from 20 Srptember 1960, had a right to apply to the Court and
by the filing of the Application of 30 May 1961 the Court was
seised. This procedural right to apply tothe Court, where, whatever
the outcorne, al1aspects of a matter can be discussed in the objective
atmosphere of a court of justice, is by no means insubstantial.
The filing of an application instituting proceedings, however, does

not prejudge the action which the Court may take to deal with the
case.
In its Judgment of 18 November 1953 on the Preliminary
Objection in the Nottebohm case (I.C.J. Reports 1953, p. 122)~ the
Court had occasion to deal at some length with the nature of
seisin and the consequences of seising the Court. As this Court said
in that Judgment: "the seising of the Court is one thing, the
administration of justice is another". It is the act of the Applicant
which seises the Court but even if the Court, when seised, finds
that it has jurisdiction, the Court is not compelled in every case
to exercise that jurisdiction. There are inherent limitations on the
exercise of the judicial function which the Court, as a court of
justice, can never ignore. There may thus be an incompatibility

between the desires of an applicant, or, indeed, of both parties to a
case, on the orie hand, and on the other hand theduty of the Court
to maintain its judicial character. The Court itself, and not the
parties, must be the guardian of the Court's judicial inteçrity.

In the Free Zones case, the Permanent Court referred to three
different considerations which would lead it to decline to give
judgment on questions posed by the parties. These were raised by
the Court proprio ntotu. In the Order of 19 August 1929 (P.C.I.J.,
Series A, No. 22, p. 15), the Court in the first place said that-

"the Court cannot as a generalule be compelledto choosebetween
constructions [of a treaty] determined beforehand none of which
may correspond to the opinion at which it may arrive..."

In the second place, in its Judgment of 7 June 1932 in the same
case (P.C.I.J.,Series A/B, No. 46, p. 161) the Court said:

"After mature consideration,the Court maintains its opinionthat
it would be incompatible with the Statute, and with its position as
a Court of Justice, to give a judgment which wouldbe dependent
for its validity on the subsequent approval of the Parties."

Finally the Court went on to Say(at p. 162),inregard to paragraph
2 of Article2 of the Special Agreement which would have involved a
18 l'Assemblée générale n'offraient pas d'autre choix et aucune autre
solution n'a étédiscutée à l'époque.
Devenue Membre des Nations Unies de~uis le 20 se~tembre 1a6o.
la République du Cameroun avait le droit d'introduik une instancé
devant la Cour et celle-ci a étésaisie par le dépôt de la requête
du 30 mai 1961. Ce droit procédural d'introduire une instance
devant la Cour, où, quel qu'en soit le résultat, une question peut
être débattue sous tous ses aspects dans l'atmosphère objective

d'un tribunal, est loin d'être négligeable. Mais le fait d'adresser
une requête introductive d'instance ne préjuge pas la suite que la
Cour pourra donner à l'affaire.
Dans l'arrêt rendu le 18 novembre 1953 sur l'exception préli-
minaire en l'affaire ATottebohrn (C.I. J. Recueil I953, p. 122)~ la
Cour a eu l'occasion d'étudier de facon aDDrof0ndie la nature et
les conséquences de la saisine de la CO&. &;me elle l'a dit dans cet
arrêt, ((la saisine de la Cour est une chose, l'administration de la
justice en est une autre ». C'est par l'acte du demandeur que la
Cour est saisie, mais, mêmesi, une fois saisie, elle estime avoir
compétence, la Cour n'est pas toujours contrainte d'exercer cette

compétence. Il y a des limitations inhérentes à l'exercice de la
fonction judiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours
tenir compte. Il peut ainsi y avoir incompatibilité entre, d'un
côté, les désirs d'un demandeur ou même des deux parties à une
instance et, de l'autre, le devoir de la Cour de conserver son
caractère judiciaire. C'est à la Cour elle-mêmeet non pas aux parties
qu'il appartient de veiller à l'intégrité de la fonction judiciaire
de la Cour.
Dans l'affaire des Zones fra~zclzes,la Cour permanente s'est
référée successivement à trois considérations qui devaient l'amener
à refuser de trancher certaines questions posées par les Parties.

Ces considérations ont étésoulevéesd'officepar la Cour. En premier
lieu, laCour a dit, dans son ordonnance du 19 août 1929 (C. P.J. I.,
série A no 22, p. 15) :

((qu'il ne saurait, dans la règle, êtreimposé à la Cour de choisir
entre des interprétations [d'un traité] déterminées d'avance et
dont il se pourrait qu'aucune ne correspondît à l'opinion qu'elle se
serait formée..»

En deuxième lieu, dans l'arrêt rendu en la même affairele 7juin
1932 (C.P. J.I., série AIB no 46, p. I~I), la Cour s'est exprimée
ainsi :
(Aprèsun examen trèsapprofondi,la Courmaintient son opinion :
pour elle,ilserait incompatible avec son Statut et avec sa position
en tant que Cour de justice de rendre un arrêt dont la validité
serait subordonnée à l'approbation ultérieure des Parties.»

Enfin, la Cour a ajouté (p. 162), à propos de l'article 2, alinéa 2,
du compromis, lequel aurait impliqué une décision de la Cour decision by the Court on questions such as specifictariff exemptions
to be established, that the task thus assigned to the Court by the
parties was "unsuitable to the role of a Court of Justice". Moreover,
the "interplay of economic interests" posed questions-

"outside the sphere in which a Court of Justice, concerned with the
application of rules of law, can help in the solution of disputes
between two States".

The Court may, of course, give advisory opinions-not at the
request of a State but at the request of a duly authorized
organ or agency of the Cnited Nations. But both the Permanent
Court of International Justice and this Court have emphasized
the fact that the Court's authority to give advisory opinions must
be exercised as a judicial function. Both Courts have had occa-
sion to make pronouncements concerning requests for advisory
opinions, which are equally applicable to the proper role of the
Court in disposing of contested cases; in both situations, the
Court is exercising a judicial function. That function is circum-
scribed by inherent limitations which are none the less imperative
because they may be difficult to catalogue, and may not frequently
present themselves as a conclusive bar to adjudication in a concrete
case. Nevertheless, itis always a matter for the determination of

the Court whether its judicial functions are involved. This Court,
like the Permanent Court of International Justice, has always
been guided by the principle which the latter stated in the case
concerning the Status of Eastern Careliaon 23 July 1923:

"The Court, being a Court of Justice, cannot, even in giving
advisory opinions, depart from the essential rules guiding their
activity as a Court." (P.C.I.J., Series B, No. 5, p. 29.)

In the Haya de la Torre case (I.C.J. Reports 1951 p,p. 78-79), the
Court noted that both parties sought from the Court a decision
"as to the manner in which the asylum should be terminated".
It ordered that the asylum should terminate but refused to indicate
means to be employed to give effect to its order. The Court said:

"The interrogative form in which they have formulated their
Submissions shows that they desire that the Court should make a
choice amongst the various courses by which the asylum may be
terminated. But these courses are conditioned by facts and by
possibilities which, to a very large extent, the Parties areone in
a position to appreciateA choice amongst them could not be based
on legal considerations, but only on considerations of practicability
or of political expediency; it is not part of the Court's judicial
function to make such a choice."
19sur des questions concernant par exemple certaines exemptions
douanières à prévoir, que la mission ainsi confiée à la Cour par les
Parties était «mal adaptée au rôle d'une cour de justice ». En
outre, le (1jeu d'intérêtséconomiques réciproques 1)soulevait des
questions qui étaient

((en dehors du domaine où une cour de justice, dont la tâche est
d'appliquer fiesrègles dedroit, peut aideràla solutionde différends
entre deux Etats ».

Certes, la Cour peut donner des avis consultatifs - non à la

demande d'un Etat mais à la demande d'un organe ou d'une
institution des Nations Unies dûment autorisés. Néanmoins, la
Cour permanente de Justice internationale et la Cour actuelle ont
toutes deux souligné que le pouvoir conféré à la Cour de rendre des
avis consultatifs doit s'exercer dans le cadre de la fonction judi-
ciaire. Les deux Cours ont eu l'occasion de formuler, à propos de
demandes d'avis consultatifs, des observations qui s'appliquent
également au rôle que doit jouer la Cour en matière contentieuse;
dans les deux cas, la Cour exerce une fonction judiciaire. Cette fonc-
tion est soumise à des limitations inhérentes qui, pour n'être ni
faciles à classer, ni fréquentes en pratique, n'en sont pas moins im-

périeuses en tant qu'obstacles décisifsau règlement judiciaire. Quoi
qu'il en soit, c'est toujoursla Cour qu'il appartient dedéterminer si
ses fonctions judiciaires sont en jeu. La Cour actuelle s'est toujours
inspirée, comme la Cour permanente de Justice internationale, du
principe posé par celle-ci le 23 juillet 1923 dans l'affaire du Statut
de la Carélieorientale:

((LaCour, étant une Cour de Justice, ne peut pas se départir des
règles essentielles qui dirigent son activité de tribunal, même
lorsqu'elle donne des avis consultatifs.1)(C.P.J. I., sérieB no 5,
P-29.)

Dans l'affaire Haya de la Torre (C.I.J. Recueil 1951 p,p. 78-79),
la Cour a noté que les deux Parties lui demandaient une décision
(sur la manière dont l'asile doit prendre fin ». Elle a dit que l'asile
devait prendre fin, mais a refuséd'indiquer les moyens qui devaient
êtreemployés pour donner effet à cette injonction. La Cour s'est

exprimée en ces termes:
((La forme interrogative qu'elles ont donnée à leurs conclusions
montre qu'elles entendent que la Cour opère un choix entre les
diverses voies par lesquelles l'asile peut prendrfin.Mais ces voies
sont conditionnéespar des éléments de faitet par des possibilités
que, dans une très large mesure, les Parties sont seules en situation
d'apprécier. Un choix entre elles ne pourrait êtrefondé sur des
considérationsjuridiques, mais seulement sur des considérationsde
nature pratique ou d'opportunité politique; il ne rentre pas dans la
fonction judiciaire de la Cour d'effectuer ce choix.» To determine whether the adjudication sought by the Applicant
is one which the Court's judicial function permits it to give, the
Court must take into account certain facts in the present case.

The Applicant's explanations of what it does and does not ask
the Court to decide, are variously formulated in its written and oral
pleadings. The Court believes that the clearest explanation is to be
found in the Applicant's Observations and Submissions as follows:

"When a State brings an action before the Court on the basis of
a provision of the nature of Article 19of the Trusteeship Agreement
for the Cameroons under British administration, it may no doubt
in certain cases, in addition to seeking a finding that a violation
of the Trusteeship Agreement has been committed, ask the Court
to declare that the administering Power is under an obligation to
put an end to that violation. Thus, in the South West Africa cases,
Ethiopia and Liberia in their submissions asked the Court both
for a finding of certain violations (the policy of apartheid, failure
to render annual reports, failure to transmit petitionç, etc.) and for
a declaration that South Africa is under an obligation to bring these
violations to an end. But this can only be so when what is involved
is what might be called a 'continuing violation' capable of being
stopped pursuant to the Court's Judgment. When, on the other
hand, the breach of the agreement has been finally consummated
and it is physically impossible to undo the past, the Applicant
finding, with force ofres judicata,that the Trusteeship Agreement
has not been respected by the administering Power.
In the case in point the violations referred to have been finally
consurnmated, and the Republic of Cameroon cannot ask for a
restitutio in integruwthaving the effect of non-occurrence of the
union w-ithNigeria and non-division of the Territory, or fulfilment
of the objectives laid down in Article 6 of the Agreement, or ob-
servance of Resolution 1473; it can only ask for a finding by the
Court of the breaches of the Trusteeship Agreement committed by
the Administering Authority."

In the course of his oral argument, Counsel for the Applicant
said :
"The Republic of Cameroonconsidersin fact that, by administering
the Northern Cameroons as it did, the Administering Authority
created such conditions that the Trusteeship led to the attachment
of the northern part of the Cameroons to a State other than the
Republic of Cameroon."

In the Cameroon White Book already mentioned, it is said that
"failure to separate the administrations of the two territories
destroyed an essential guarantee of impartiality and effectively
sabotaged the plebiscite". The White Book continued by saying:
20 Afin de déterminer si le jugement sollicité par le demandeur est
de ceux que la Cour peut rendre dans le cadre de sa fonction
judiciaire, la Cour doit tenir compte de certains faitsde l'espèce.

Lesexplications du demandeur sur ce qu'il requiert ou ne requiert
pas la Cour de décider sont formulées de diverses manières dans
ses écritures et plaidoiries.La Cour estime que l'exposé le plus net
se trouve dans le passage suivant des observations et conclusions
du demandeur :

((Lorsqu'un État agit devant la Cour sur le fondement d'une
disposition du genre de celle de l'article 19de l'Accord de Tutelle
pour le Cameroun sous administration britannique, il peut sans
doute, dans certains cas, demander à la Cour, outre la constatation
qu'une violation de l'Accord de Tutelle a étécommise, de déclarer
que la Puissance administrante a le devoir de mettre fin à cette
le Libéria ont demandé leà la Cour, dans leurs conclusions,àila fois
que la Cour constate certaines violations (politique d'apartheid,
absence d'envoi de rapports annuels, non-transmission de pétitions,
etc.) et qu'elle dise que l'Union sud-africaine a le devoir d'y mettre
un terme. Mais il ne peut en êtreainsi que lorsqu'il s'agit de ce que
l'on pourrait appeler une ((violation continue)), susceptible d'être
interrompue à la suite de l'arrêtde la Cour. Lorsque, en revanche,
la violation de l'Accord a étédéfinitivement consommée,et qu'il
est matériellement impossible de revenir sur le passé, 1'Etat re-
quérant ne peut plus demander à la Cour que la constatation, avec
force de chose jugée, que l'Accord de Tutelle n'a pas étérespecté
par la Puissance administrante.
En l'espèce, les violations invoquées ont étédéfinitivement
consommées,et la République du Carneroun ile peut demander une
restitutiol: integrum tendant à ce que l'union avec la Nigéria et
la division du Territoire n'aient pas eu lieu, ou que les objectifs
prévus à l'article 6 de l'Accord aient étéatteints, ou que la résolution
1473ait étérespectée;elle ne peut demander que la constatation
par la Cour des violations de l'Accord de Tutelle commises par
I'Autoritéadministrante. »

Au cours de sa plaidoirie, le conseil du demandeur a dit:

((LaRépubliquedu Camerounpense en effet que, en administrant
le Cameroun septentrional comme elle l'a fait, l'autorité adminis-
trante a créé des conditionstelles que la tvtelle a abouti au ratta-
chement du Cameroun septenrrional à un Etat autre que la Répu-
blique du Cameroun. »
Dans le livre blanc camerounais déjà mentionné, il est dit que
((la non-séparation de l'administration du Cameroun septentrional

et du Nigéna en supprimant une garantie essentielle de non-
partialité a effectivement vicié le plébiscite ». Il est déclaré plus "The only acceptable solution to avoid a monstrous injustice ..is
to declare the plebiscite...nul1 and void ..."
The injustice alleged seems clearly enough to have been "the
attachment of the northern part of the Cameroons to a State other
than the Republic of Cameroon".
But the Court is not asked to redress the alleged injustice; it
is not asked to detach territory from Nigeria; it is not asked to
restore to the Republic of Cameroon peoples or territories claimed
to have been lort; it is not asked to award reparation of ang kind.

It was not to this Court but to the General Assembly of the
United Nations that the Republic of Cameroon directed the argu-
ment and the plea for a declaration that the plebiscite was nul1and
void. In paragraphs numbered 2 and 3 of resolution 1608 (XV),
the General Assembly rejecied the Cameroon plea. Whatever the
motivation of the General Assembly in reaching the conclusions
contained in those paragraphs, whether or not it was acting wholly
on the political plane and urithout the Court finding it necessary to
consider here whether or not the General Assembly based its
action on a correct interpretation of the Trusteeship Agreement,
there is no doubt-and indeed no controversy-that the resolution
had definitive legal effect. The plebiscite was not declared nuii and
void but, on the contrary, its results were endorsed andthe General
Assembly decided that the Trusteeship Agreement should be
terminated with respect to the Northern Cameroons on I June
1961. In the event, the termination of the Trusteeship Agreement
was a legal effect of the conclusions in paragraphs 2 and 3 of reso-

lution 1608 (XV). The Applicant here has expressly said it does not
ask the Court to revise or to reversethose conclusions of the General
Assembly or those decisions as such, and it is not therefore neces-
sary to consider whether the Court could exercise such an authority.
But the Applicant does ask the Court to appreciate certain facts
and to reach conclusions on those facts at variance with the con-
clusions stated by the General Assembly in resolution 1608 (XV).

If the Court were to decide that it can deal with the case on the
merits, and if thereafter, following argument on the merits, the
Court decided, interalia,that the establishment andthe maintenance
of the administrative union between the Northern Cameroons and
Nigeria was a violation of the Trusteeship Agreement, it would
still remain true that the General Assembly, acting within its
acknowledged competence, was not persuaded that either the

administrative union, or other alleged factors, invalidated the
plebiscite as a free expression of the will of the people. Since the
Court has not, in the Applicant's submissions, been asked to review
that conclusion of the General Assembly, a decision by the Court,
for example that the Administering Authority had violated the
21loin :« La seule solution acceptable pour éviter qu'une monstrueuse
injustice ne soit commise ...est donc d'annuler le plébiscite... ))
Il ne fait guère dedoute quel'injustice alléguée a étéle «rattache-
ment du Cameroun septentrional àun État autre que la République
du Cameroun n.
Mais il n'est pas demandé à la Cour de redresser l'injustice
alléguée; ilne lui est pas demandé de détacher un territoire de la
Nigéria; il ne lui est pas demandé de faire restituer à la République

du Cameroun des populations ou des territoires prétendument
perdus; il ne lui est pas demandé d'accorder une réparation quel-
conque.
Ce n'est pas à la Cour, mais à l'Assembléegénéraledes Nations
Unies que la République du Cameroun a demandé, arguments à
l'appui, que le plébiscite soit déclaré nulet non avenu. Aux para-
graphes 2 et 3 de la résolution 1608 (XV), l'Assembléegénérale
a rejeté la demande du Cameroun. Quels qu'aient étéles motifs
de l'Assemblée générale lorsqu'elle a formulé les conclusions
contenues dans ces paragraphes, qu'elle ait agi ou non entièrement
sur le plan politique, et sans que la Cour estime nécessaire d'exa-
miner ici si l'Assembléegénérale a fondéson action sur une inter-
prétation exacte de l'accord de tutelle, il ne fait pas de doute - et
ce point n'est pas contesté - quela résolution a eu un effet juridique

définitif.Le plébisciten'a pas étédéclarénul et non avenu, mais au
contraire il a étépris acte de ses résultats et l'Assembléegénérale
a décidéque l'accord de tutelle prendrait fin leI~~ juin 1961 en
ce qui concerne le Cameroun septentrional. En l'occurrence,
l'extinctiori de l'accord de tutelle a étéun effet juridique des
conclusions formulées aux paragraphes 2 et 3 de la résolution 1608
(XV). Le requérant, dans la présente affaire, a déclaré expressé-
ment qu'il ne demandait à la Cour ni de reviser, ni d'infirmer ces
conclusions de l'Assembléegénéraleou ces décisions en tant que
telles; il n'est donc pas nécessaire d'examiner si la Cour peut
exercer un tel pouvoir. Mais ce que le requérant demande à la
Cour, c'est d'apprécier certains faits et d'arriver, à l'égard deces
faits,à des conclusions s'écartant de celles qu'a énoncées1'Assem-

blée généraledans sa résolution 1608 (XV).
Si la Cour devait décider qu'elle peut connaître de l'affaire au
fond et si, àla suite de la procédure sur le fond, elle décidait,entre
autres, que l'établissement et le maintien de l'union administrative
entre le Cameroun septentrional et la Nigéria contrevenaient à
l'accord de tutelle, il n'en resterait pas moins vrai que l'Assemblée
générale,agissantdans le cadredela compétencequiluiest reconnue,
n'a pas étéconvaincue que l'union administrative, ni d'autres
facteurs alléguésaient invalidé le plébiscite en tant que libre
expression de la volonté des populations. Puisque, dans ses con-
clusions, le demandeur n'a pas prié laCour de reviser la constatation
à laquelle l'Assembléegénérale est ainsi arrivée, une décision de la
Cour selon laquelle, par exemple, l'autorité administrante auraitTrusteeship Agreement, would not establish a causal connectio~i
between that violation and the result of the plebiscite.
Moreover, the termination of the Trusteeship Agreement and the
ensui~g joinder of the Northern Cameroons to the Federation of
Nigeria were not the acts of the Cnited Kingdom but the result of
actions of the General Assembly, actions to which the United
Kingdom assented. Counsel for the Republic of Cameroon admit-
ted that it was the Vnited Nations which terminated the Trustee-

ship. He said:
"Cameroon isnot asking the Court to criticize the United Nations;
Cameroon is not asking the Court to Say that the United Nations
\vas wrong in terminating the Trusteeship; Cameroon is not asking
the Court to pronounce the annulment of resolution 1608. The
Court, of course, would not be competent to do that ..."

The administrative union, as established during the Trusteeship,
whether legally or illegally, no longer exists. The Republic of
Cameroon, however, contends that its interest in knowing whether
that union was a violation of the Trusteeship Agreement, is not a
merely academic one. It in fact contends that there was a causal
connection between the allegedly illegal administrative union and
the alleged invalidity of the plebiscite. Counsel for the Republic of

Cameroon made this contention clear in a passage already quoted.
But the Applicant has stated that it does not ask the Court to
invalidate the plebiscite; indeed as noted, it recognizes the Court
could not do so. It has not asked the Court to find any causal
connection between the alleged maladministration andthe result of
the vote favouring union with the Federation of Nigeria. Asa result,
the Court is relegated to an issue remote from reality.

If the Court were to proceed and were to hold that the Applicant's
contentions were al1sound on the merits, it would still be impossible
for the Court to render a judgment capable of effective application.
The role of the Court is not the same as that of the General Assem-
bly. The decisions of the General Assembly would not be reversed
by the judgment of the Court. The Trusteeship Agreement would
not be revived and given neuTlife by the judgment. The former
Trust Territory of the Northern Cameroons would not be joined

to the Republic of Cameroon. The union of that territory with the
Federation of Nigeria would not be invalidated. The Cnited
Kingdom would have no right or authoritv to take any action with
a view to satisfying the underlying desires of the Republic of
Cameroon In accordance with Article gc) of the Statute, the
judgment would not be binding on Nigeria, or on any other State,
or on any organ of the Vnited Nations. These truths are not
controverted by the Applicant.
The function of the Court is to statethe law, but it may pronounce
judgment only in connection with concrete cases where there
22 violé l'accord de tutelle n'établirait pas un lien de cause à effet
entre cette violation et le résultat du plébiscite.
En outre, l'extinction de l'accord de tutelle et l'union du Ca-
meroun septentrional et de la Fédération de Nigéria qui a suivi
n'ont pas étéle fait du Royaume-Uni mais ont résulté de mesures
prises par l'Assemblée généraleavec l'assentiment du Royaume-
Vni. Le conseil de la République du Cameroun a admis que c'est
l'organisation des Nations Unies qui a mis fin à la tutelle. Il a
déclaré:

((LeCameroun ne demande pas àla Cour de critiquer les Nations
Unies; il ne lui demande pas de dire que les Nations Unies ont eu
tort de mettre finà la tutelle; il ne lui demande pas de prononcer
l'annulation de la résolution 1608. Cela, bien entendu, la Cour ne
serait pas compétente pour le fai..))

L'union administrative telle qu'elle a étéétablie sous la tutelle,
légalement ou illégalement, a disparu. Ida République du Cameroun
soutient toutefois que l'intérêtqu'elle a à savoir si cette union
contrevenait à l'accord de tutelle n'est pas d'ordre purement
académique. Sa thèse est qu'il y a eu un lien de cause à effet entre
l'union administrative prétendument illégaleet la prétendue nullité
du plébiscite. Le conseil de la République du Cameroun a énoncé
cette thèse dans un passage de sa plaidoirie déjà cité.

Le demandeur a néanmoins déclaréqu'il ne demandait pas à la
Cour de prononcer l'annulation du plébiscite; comme on l'a noté,
il reconnaît mêmeque la Cour ne pourrait le faire. Il n'a pas de-
mandé à la Cour de dire qu'il existe un lien de cause à effet entre
la prétendue mauvaise administration et le résultat du scrutin
favorable à une union avec la Fédération de Nigéria. La Cour serait
donc réduite à trancher une question éloignéede la réalité.
Si la Cour devait poursuivre l'affaire et déclarer toutes les allé-
gations du demandeur justifiées au fond, elle n'en serait pas moins
dans l'impossibilité de rendre un arrêt effectivement applicable.
Le rôle de la Cour n'est pas le même que celui de l'Assemblée
générale. L'arrêt de la Cour n'infirmerait pas les décisions de
l'Assemblée générale.L'arrêtne remettrait pas en vigueur et ne
ferait pas revivre l'accord de tutelle. L'ancien territoire sous

tutelle du Cameroun septentrional ne serait pas rattaché à la
République du Cameroun. L'union de ce territoire avec la Fédéra-
tion de Sigéria ne serait pas invalidée. Le Royaume-Uni n'aurait
ni le droit ni le pouvoir de prendre desmesures propres à répondre
au désirqui anime la République du Cameroun. Conformément à
l'article59 du Statut, l'arrêtne serait obligatoire ni pour la Nigéria,
ni pour un autre État, ni pour un organe quelconque des Nations
Cnies. Le demandeur ne conteste pas la véritéde ces points.

La fonction de la Cour est de dire le droit, mais elle ne peut
rendre des arrcts qu'à l'occasion de cas concrets dans lesquels

22exists at the time of the adjudication an actual controversy in-
volving a conflict of legal interests between the parties. The
Court's judgment must have some practical consequence in the
sense that it can affect existing legal rights or obligations of the
parties, thus removing uncertainty from their legal relations. No
judgment on the merits in this case could satisfy these essentials
of the judicial function.

The Trusteeship Agreement with respect to the Northern Cam-

eroons having been validly terminated by resolution 1608(XV), the
Trust itself disappeared; the United Kingdom ceased to have the
rights and duties of a trustee with respect to the Cameroons;
and what was formerly the Trust Territory of the Northern Cam-
eroons has joined the independent Federation of Nigeria and is
now a part of that State.
Looking at the situation brought about by the termination of the
Trusteeship Agreement from the point of view of a Member of the
United Narions, other than the Administering Authority itself, it
is clear that any rights which may have been granted by the
Articles of the Trusteeship Agreement to other Members of the
United Nations or their nationals came to an end. Thisis not to Say
that, for example, property rights which might have been obtained
in accordance with certain Articles of the Trusteeship Agreement
and which might have vested before the termination of the Agree-
ment, would have been divested by the termination. It is the fact,
however, that after I June 1961 when the Trust over the Northern

Cameroons ceased to exist, no other Member of the United Nations
could thereafter claim any of the rights or privileges in the Northern
Cameroons which might have been originally granted by the
Trusteeship Agreement. No such claim could be made on the
United Kingdom which as trustee was functzts oficio and divested
of al1power and authority and responsibility in the area. No such
claim could be made on Nigeria, which now has sovereignty over
the territory, since Nigeria was not a party to the Trusteeship
Agreement and never had any obligations under it. Nor is it
apparent how such a claim could be made against the United
Nations itsolf. Moreover, pursuant to Article 59 of the Statute a
judgment of the Court in this case would bind only the two Parties.

The claim of the Republic of Cameroon is solely for a finding of a
breach of the law. No further action is asked of the Court oran be
added. Normally when the Court pronounces a judicial condem-
nation there is room for the application of Artic94 of the Charter.
That isnot the case here. Normally under the International Trustee-

ship System such a finding, ifthe Court were competerlt to make
it, might lead the General Assembly to do whatever it thought
23il existe, au moment du jugement, un litige réel impliquant un
conflit d'intérêtsjuridiques entre les parties. L'arrêt de la Cour
doit avoir des conséquencespratiques en ce sens qu'il doit pouvoir
affecter les droits ou obligations juridiques existants des parties,
dissipant ainsi toute incertitude dans leurs relations juridiques.
En l'espèce, aucun arrêt rendu au fond ne pourrait répondre à
ces conditions essentielles de la fonction judiciaire.

La résolution 1608 (XV) ayant valablement mis fin à l'accord de
tutelle en ce qui concerne le Cameroun septentrional, la tutelle
mêmea disparu; le Royaume-Cni a cesséd'avoir les droits et les
devoirs d'une autorité de tutelle à l'égard du Cameroun; et le
territoire qui constituait antérieurement le territoire sous tutelle

du Cameroun septentrional s'est uni à la Fédération de Nigéria
indépendante, État dont il fait maintenant partie.
Si l'on considèrela situation dans laquelle se trouvent, du fait de
la cessation de l'accord de tutelle, les Membres des Nations Unies
autres que l'autorité administrante elle-même,il est clair que tous
les droits é.i.entuellement conféréspar les articles dudit accord à
d'autres Membres des Nations Unies ou à leurs ressortissants se
sont éteints. Cela ne veut pas dire, par exemple, que l'expiration
de l'accord de tutelle ait entraîné la caducité des droits patri-
moniaux découlant de certains articles de cet accord qui auraient
pu êtreacquis auparavant. Mais il est de fait qu'à partir duI~~ juin
1961, date à laquelle la tutelle sur le Cameroun septentrional
a pris fin, aucun autre Membre des Nations Unies ne pouvait
réclamer un droit ou un avantage au Cameroun septentrional qui
aurait pu lui êtreoctroyé à l'origine par l'accord de tutelle. Aucune
réclamation de ce genre ne pouvait êtreformuléecontre le Royaume-

Uni qui était déchargé desa mission d'autorité de tutelle et privé
de tout pouvoir, de toute autorité et de toute responsabilité dans
la région. Aucune réclamation de ce genre ne pouvait êtreformulée
contre la Nigéria, à qui appartient maintenant la souveraineté sur
le territoire, puisque la Nigéria n'a pas étépartie à l'accord de
tutelle et que celui-ci ne lui a jamais imposé d'obligation. On ne
voit pas non plus comment une réclamation de ce genre aurait pu
êtreformulée contre les Nations Unies elles-mêmes.De plus, en
vertu de l'article 59 du Statut, un arrêt de la Cour en l'espècene
serait obligatoire que pour les deux Parties.
La demande de la République du Cameroun vise seulement une
constatation du manquement au droit. Aucune suite n'est demandée
à la Cour ni ne peut êtreajoutée. D'ordinaire, lorsqu'une condam-
nation judiciaire est énoncéepar la Cour, l'article 94 de la Charte
peut trouver son application. Tel n'est pas le cas présent. D'ordi-
naire, dans le cadre du régime international de tutelle, une telle
constatation pourra, si la Cour est compétente pour la formiiler,

23useful or desirable in the light of the judgment pronounced as
between a Member of the United Nations and an Administering
Authority for the territory in question. In the present case, however,
the General Assembly is no longer competent pursuant to the
termination of the Trusteeship as a result of resolution 1608 (XV).

Nevertheless, it may be contended that if during the life of the
Trusteeship the Trustee was responsible for some act in violation
of the terms of the Trusteeship Agreement which resulted in
damage to another Member of the Vnited Nations or to one of its
nationals, a claim for reparation would not be liquidated by the
ternination of the Trust. Of course Article 19 of the Agreement
which provided for the jurisdiction of the Court in the cases which
it covered, was terminated with al1other Articles of the Agreement,
so that after I June 1961 it could not be invoked as a basis for the
Court's jurisdiction. The Application in the instant case was filed
before I June 1961 but it does not include, and the Applicant
has expressly stated that it does not make, any claim for reparation.

The Court is aware of the fact that the arguments of both Parties

made frequent references to the Judgment of the Court of 21 Decem-
ber 1962in the South West Africa cases. The arguments dealt with
the question whether conclusions arrived at in the consideration
of the Mandates System under the League of Nations were appli-
cable to the Trusteeship System under the United Nations, and
whether, and if so to what extent, Article 19 of the Trusteeship
Agreement of 1946 for the Cameroons was to be given in certain
respects an interpretation similar to that given to Article 7 of the
Mandate for South West Africa.
The Court does not find it necessary to pronounce an opinion on
these points which, in so far as concerns the operation or adminis-
tration of the Trusteeship for the Northern Cameroons, can have
only an academic interest since that Trusteeship iç no longer in
existence, and no determination reached by the Court could be

given effect to by the former Administering Authority.

Pu'evertheless,for the purpose of testing certain contentions in
this case, the Court will consider what conclusions would be reached
if it u-ere cornrnon ground that Article 19 of the Trusteeship Agree-
ment of 13December 1946for the Cameroons under British Adminis-
tration was designed to provide a form of judicial protection in
the particular interest of the inhabitants of the territory and
in the general interest in the successful functioning of the Inter-
national Trusteeship System; that this judicial protection was pro-
vided and existed side by side u-ith the various provisions for adminis-
trative supervision and control through the Trusteeship Council, its
visiting missions, hearing of petitioners, and action by the General

Assembly; that any Member of the United Nations had a right to
24déterminer l'Assemblée générale à faire ce qu'elle jugera utile ou
opportun compte tenu de l'arrêt intervenu entre le Membre des
Nations Vnies et l'autorité chargée de l'administration du territoire
en cause. Mais, dans l'espèce, l'Assembléegénéralen'a plus compé-
tence par suitede la cessation de la tutelle par l'effet de la résolution
1608 (XV).
On peut néanmoins soutenir que, si, pendant la périodede validité

de l'accord de tutelle, l'autorité de tutelle avait été responsable
d'un acte contrevenant aux dispositions dudit accord et entraînant
un préjudice envers un autre Membre des Nations Unies ou l'un
de ses ressortissants, l'extinctionde la tutelle n'aurait pas mis fin
à l'action en réparation. L'article 19 de l'accord, qui prévoyait la
compétence de la Cour dans les cas auxquels il s'appliquait, a cessé
bien entendu de pouvoir jouer en mêmetemps que tous les autres
articles de cet accord, de sorte qu'à partir du rer juin 1961 on ne
pouvait plus l'invoquer pour établir la compétence de la Cour.
Dans la présente instance, la requête a étédéposéeavant le I~~
juin 1961 mais elle ne comporte aucune demande en réparation;
le requérant a dit expressément qu'il n'en réclanie aucune.
La Cour a constaté que, dansleurargumentation, les deux Parties
se sont fréquemment référées à l'arrêt rendu par la Cour le

21 décembre 1962 dans les affaires du Sud-Oflest africaiE nlles ont
recherché si les cox-iclusions auxquelles a abouti l'examen du
systl.me des Mandats dans le cadre de la Société desNations sont
applicables au régime de tutelle dans le cadre des Xations Unies et
si, et dans quelle mesure, on doit à certains égards donner de
l'article19 de l'accord de tutelle de 1946 pour le Cameroun une
interprétation semblable à celle qui a étédonnée de l'article 7 du
Bfandat pour le Sud-Ouest africain.
La Cour n'estime pas nécessaire de formuler une opinion sur
ces points, lesquels, en ce qui concerne le fonctionnement ou
l'administration de la tutelle au Cameroun septentrional, ne
peuvent présenter qu'un intérêtacadémique dès lors que la tutelle
n'existe plus et que l'ancienne autorité administrante ne pourrait
plus donner effet à aucune des constatations auxquelles la Cour

aboutirait.
n'éanmoins, aux fins de vérifier certains arguments avancés en
l'espèce, la Cour considérera à quelles conclusions on aboutirait
s'il étaitommunément admis que l'article 19 de l'accord de tutelle
du 13 décembre 1946pour ie Camerom sous administrationbritan-
nique était destinéà créerunecertaine forme de protection judiciaire
dans l'intérêtparticulier des habitants du territoire et dans l'intérêt
général pour ce qui est du bon fonctionnement du régime inter-
national de tutelle.; que cette protection judiciaire avait étéprévue
et existait parallèiement aux diverses dispositions prévoyant
la siirveillance et ie contrôle administratifs par le moyen du Conseil
de tutelle, de ses missions de visite, des auditions de pétitionnaires,
et par l'action cle l'Assemblée générale; que tout Membre des

23invoke this judicial protection and specifically that the Republic of
Cameroon had the right to invoke it by filing an application in this
Court. It would then follow that in filing its Application on 30 May
1961, the Republic of Cameroon exercised a procedural right which
appertained to it-a procedural right which was to be exercised
in the general interest, whatever may have been the material

individual interest of the Republic of Cameroon. But within two
days after the filing of the Application the substantive interest
which that procedural right would have protected, disappeared
with the termination of the Trusteeship Agreement with respect
to the Northern Cameroons. After I June 1961 there was no "trust
territory" and no inhabitants for whose protection the trust
functions could be exercised. It must be assumed that the General
Assembly was mindful of the general interest when, acting with-
in its competence, it decided on the termination of the Trust
with respect to the Northern Cameroons and the joinder of the
Northern Cameroons to the Federation oi Nigeria. Thereafter, and
as a result of this decision of the General Assembly, the whole
system of administrative supervision came to an end. Thereafter

the United Nations could not, under the authority of Article 87 of
the Charter, send into the Territory a visiting mission to report
on prevailing conditions. The Trusteeship Council could no longer
examine petitions from inhabitants of the Temtory, as indeed it
decided at its 1178th meeting on II January 1962. The General
Assembly could no longer make recommendations based upon its
functions under Chapters XII and XII1 of the Charter.

The Court cannot agree that under these circumstances the
judicial protection claimed by the Applicant to have existed
under the Trusteeship System, would have alone survived when
al1 of the concomitant elements to which it was related had dis-
appeared. Accordingly, the Republic of Cameroon would not have
had a right after I June 1961, when the Trusteeship Agreement

was terminated and the Trust itself came to an end, to ask the
Court to adjudicate at this stageupon questions affecting the rights
of the inhabitants of the former Trust Territory and the general
interest in the successful functioning of the Trusteeship System.

Throughout these proceedings the contention of the Republic of
Cameroon has bcen that al1 it seeks is a declaratory judgment of
the Court that prior to the termination of the Trusteeship Agree-
ment with respect to the Northern Cameroons, the United Kingdom
had breaclied the provisions of the Agreement, and that, if its
Application were admissible and the Court had jurisdiction to
proceed to the merits, such a declaratory judgment is not only

one the Court could make but one that it should make.Nations Unies avait le droit d'invoquer cette protection judiciaire
et, en particulier, que la République du Cameroun avait le droit
de l'invoquer en adressant une requête à la Cour. Il s'ensuivrait
alors qu'en déposant sa requête du 30 mai 1961 la République
du Cameroun aurait exercé un droit procédural qui lui apparte-
nait - un droit procédural à exercer dans l'intérêtgénéral, quel
que soit l'intérêtconcret que la République du Cameroun ait

pu avoir à titre individuel. Mais, deux jours après le dépôt de la
requête, l'intérêtde fond que ce droit procédural aurait protégé
disparaissait du fait de l'extinction de l'accord de tutelleà l'égard
du Cameroun septentrional. A dater du I~~ juin 1961, il n'y avait
plus ni ((territoire sous tutell»,ni populations pour la protection
desquelles les fonctions relatives à la tutelle pussent s'exercer.
On doit admettre que l'Assemblée généralea songé à l'intérêt
générallorsque, agissant dans le cadre de sa compétence, elle a
décidéla levée de la tutelle pour le Cameroun septentrional et
l'union de ce territoire avec la Fédération de Nigéria. Dès lors,
par suite de cette décisionde l'Assembléegénérale, l'ensembledu
système de surveillance administrative cessait d'exister. Dès
lors, les Nations Unies ne pouvaient plus, en vertu de l'article 87
de la Charte, envoyer des missions de visite dans le territoire pour
rendre comptede la situationqui y régnait. Le Conseil de tutelle ne

pouvait plus examiner les pétitions émanant d'habitants du
territoire, et c'est effectivement ce qu'il a décidé à sa 1178me
séancetenue le II janvier 1962. L'Assembléegénéralene pouvait
plus faire de recommandations fondées sur les fonctions à elle
conféréespar les chapitres XII et XII1 de la Charte.
La Cour ne saurait admettre que, dans ces conditions, la pro-
tection judiciaire qui, d'après le demandeur, aurait existédans le
cadredu régimedetutelle ait étéseule à survivre alors que tous les
éléments concomitants auxquels elle se rattachait avaient disparu.
En conséquence, la République du Cameroun n'aurait pas eu
après le I~~juin 1961, date à laquelle l'accord de tutelle a pris fin
et à laquelle la tutelle elle-même a étélevée,le droit de demander
à la Cour de se prononcer à ce stade sur des questions touchant
aux droits des habitants de l'ancien territoire sous tutelle et à
l'intérêtgénéralquant au bon fonctionnement du régimede tutelle.

Tout au long de la procédure, la République du Cameroun a
soutenu qu'elle demandait uniquement à la Cour de rendre un
jugement déclaratoire énonçant que, avant l'expiration de l'accord
de tutelle en ce qui concerne le Cameroun septentrional, le Royau-
me-Uni avait contrevenu aux dispositions de l'accord et que, si
la requêteétait recevable et si la Cour avait compétence pour en
connaître au fond, non seulement la Cour pourrait rendre un tel
jugement déclaratoire, mais encore elle devrait le faire. That the Court may, in an appropriate case, make a declaratory
judgment is indisputable. The Court has, however, already indicated
that even if, when seised of an Application, the Court finds that it
has jurisdiction, it is not obliged to exercise it in al1 cases. If
the Court is satisfied, whatever the nature of the relief claimed,
that to adjudicate on the merits of an Application would be
inconsistent with its judicial function, it should refuse to do so.
Moreover the Court observes that if in a declaratory judgment
it expounds a rule of customary law or interprets a treaty which
remains in force, its judgment has a continuing applicability. But

in this case there is a dispute about the interpretation and appli-
cation of a treaty-the Trusteeship Agreement-which has now
been terminated, is no longer in force, and there can be no oppor-
tunity for a future act of interpretation or application of that
treaty in accordance with any judgment the Court might render.

In its Interpretation of Judgnzents Nos. 7 and 8 (the Ckorzo'w
Factory) (P.C.I. J.,Series A, No. 13, p. 20)the Court said:

"The Court's Judgment No. 7 is in the nature of a deciaratory
judgment, the intention of which is to ensure recognition of a
situation at law, once and for al1and with binding force as between
the Parties; so that the legal position thus established cannot
again be called in question in so far as the legal effects ensuing
therefrom are concerned."
The Applicant, however, seeks to minimize the importance of

the forward reach of a judgment of the Court. It has maintained
that it is seeking merely a statement of the law urhich would
"constitute a vital pronouncement for the people of Cameroon".
Tt has indeed asked the Court not to consider the aftermath of its
judgment and in this connection it has cited the judgment of the
Court in the Haya de la Torre case, quoted above. But there is a
difference between the Court's considering the manner of com-
pliance with its Judgment, or the likelihood of compliance, and,
on the other hand, considering whether the judgment, if rendered,
would be susceptible of any compliance or execution whatever,
at any time in the future.
As the Court said in the Haya de la Torre case, it cannot concern
itself with the choice among various practical steps which a State
may take to comply with a judgment. It may also be agreed, as
Counsel for the Applicant suggested, that after a judgment is
rendered, the use which the successful party makes of the judgment
is amatter which lies on the political and not on the judicial plane.
But it is not the function of a court merely to provide a basis for

political action if no question of actual legal rights is involved.
Whenever the Court adjudicates on the merits of a dispute, one or
the other party, or both parties, as a factual matter, arein aposition
to take some retroactive or prospective action or avoidance of 11est incontestable que la Cour peut, dans des cas appropriés.
prononcer un jugern-nt déclaratoire. Mais elle a déjà indiqué que,
mêmesi, une fois saisie d'une requête,elleestime avoir compétence,
elle n'est pas obligéed'exercer cette compétence dans tous les cas.
Si la Cour est convaincue, quelle que soit la nature de la répara-

tion demandée, qu'il serait incompatible avec sa fonction judiciaire
de statuer sur le fond d'une requête, elle doit refuser de le faire.
Au surplus, la Cour observe que, si, dans un jugement déclara-
toire, elle définit une règle de droit international coutumier ou
interprète un traité restant en vigueur, l'arrêtqu'elle rend demeure
applicable dans l'avenir. Mais, en l'espèce, il existe un différend
~elatif à l'interprétation et à l'application d'un traité - l'accord
de tutelle - qui a pris fin, qui n'est plus en vigueur; il n'y a plus
aucune possibilité que ce traité fasse à l'avenir l'objet d'un acte
d'interprétation ou d'application conforme à un jugement rendu
par la Cour.

Dans son]Interprétationdes arrêts nos 7 et 8 (L7sinede CIZOYZL~W)
(C. P.J.I., série'4 no 13, p. zo), la Cour a dit:

(L'Arrêtno 7 de la Cour est de la nature d'un jugement déclara-
toire qui, selonson idée,est destinéfaire reconnaître une situation
dedroit une foispour toutes et aveceffetobligatoireentre lesParties,
mise en discussion, pour ce qui est des conséquencesjuridiques qui
en découlent.»

Le demandeur cherche néanmoins à minimiser l'importance des

conséquences qu'aurait un arrêt de la Cour. II a soutenu qu'il
demandait simplement un énoncédu droit qui (1constituerait ...un
ténioignage vital pour le peuple camerounais )).Il a mêmedemandé
à la Cour de ne pas envisager les suites de son arrêtet, à cet égard,
il a mentionné la décisionrendue par la Cour dans l'affaire Haya de
la Torre, qui a été précédemment citée.Mais il y a une différence
entre les cas où la Cour s'occupe de la ma~ière dont sa décision
sera exécutéeou de la probabilité de sa mise en Œuvre et les cas où
elle examine si l'arrêt,une fois rendu, sera susceptible d'application
ou d'exécution à un moment quelconque de l'avenir.

Comme elle l'a dit dans l'affaire Haya de la Torre, la Coiur ne
saurait s'occuper de choisir entre les mesures pratiques qu'un Etat
peut prendre pour se conformer à un arrêt. On peut admettre
aussi, comme le conseil du demandeur l'a dit, qu'une fois l'arrêt
rendu l'usage que la partie gagnante en fait est une question qui
se pose sur le plan politique et non sur le plan judiciaire. Mais un
tribunal n'a pas simplement pour fonction de fournir une base
d'action politique alors qu'aucune question juridique concernant
des droits effectifs n'est en jeu. Lorsque la Cour tranche un différend
au fond, l'une ou l'autre partie ou les deux parties sont en fait à
mêmede prendre des mesures visant le passé ou l'avenir, ou de

26action, which would constitute a compliance with the Court's
judgment or a defiance thereof. That is not the situation here.

The Court must discharge the duty to which it has already called
attention--the dutyto safeguard the judicial function. Whether or
not at the moment the Application was filed there was jurisdiction
inthe Court to adjudicate upon the dispute submitted to it, circum-
stances that have since arisen render any adjudication devoid of
purpose. Under these conditions, for the Court to proceed further

in the case would not, in its opinion, be a proper discharge of its
duties.
The answer to the question whether the judicial function is
engaged may, in certain cases where the issue is raised, need to wait
upon an examination of the merits. In the present case, however,
it is already evident that it cannot be engaged. No purpose ac-
cordingly would be served by undertaking an examination of the
merits in the case for the purpose of reaching a decision which,
in the light of the circumstances to which the Court has already
called attention, ineluctably must be made.

For the reasons which it has given, the Court has not felt called
upon to pass expressly upon the several submissions of the Respond-
ent, in the form in which they have been cast. The Court finds that

the proper limits of its judicial functiondonot permit it to entertain
the claims submitted to it in the Application of which it has been
seised, with a view to a decision having the authority of resjudicata
between the Republic of Cameroon and the United Kingdom. Any
judgment which the Court might pronounce would be without
object.

For these reasons,

by ten votes to five,

finds that it cannot adjudicate upon the merits of the claim
of the Federal Republic of Cameroon.

Done in English andin French, the English text being authorita-
tive, at the Peace Palace, The Hague, this second day of December.
one thousand nine hundred and sixty-three, in three copies, one ne pas en prendre, de sorte qu'il y a soit exécution de l'arrêt de
la Cour, soit refus d'exécution. Telle n'est pas la situation en
l'espèce.

La Cour doit s'acquitter du devoir sur lequel elle a déjà appelé
l'attention et qui consiste à sauvegarder sa fonction judiciaire.
Qu'au moment où la requête a étédéposéela Cour ait eu ou non
compétencepour trancher le différend qui lui était soumis, il reste
que les circonstances qui se sont produites depuis lors rendent toute
décisionjudiciaire sans objet. La Cour estime dans ces conditions
que, si elle examinait l'affaire plus avant, elle ne s'acquitterait pas
des devoirs qui sont les siens.
La réponse à la question de savoir si la fonction judiciaire est
en jeu peut, dans certains cas où cette question se pose, exiger
d'attendre I'examen au fond. Mais, dans la présente affaire, il est
déjà évident que la fonction judiciaire ne saurait êtle en jeu.
II ne servirait donc à rien d'entreprendre I'examen de l'affaire au

fond pour aboutir à une décision qui, dans les circonstances sur
lesquelles la Cour a déjà attiré l'attention, est inéluctable.

Pour les motifs qu'elle a énoncés,la Cour ne s'est pas crue
obligéede se prononcer expressément sur les diverses conclusions
du défendeur, sous la forme dans laquelle elles ont étéprésentées.
La Cour constate que les limites qui sont celles de sa fonction
judiciaire ne lui permettent pas d'accueillir, pour en décider avec
autorité de chose jugée entre la République du Cameroun et le
Royaume-Uni, les demandes quilui ont étéadresséespar la requcte
dont elle a étésaisie. Tout arrêt qu'elle pourrait prononcer serait
sans objet.

Par ces niotifs,

par dix voix contre cinq,

dit qu'elle ne peut statuer au fond sur la demande de la Répu-
blique fédéraledu Cameroun.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au
Palais de la Paix, à La Haye, le deux décembre mil neuf cent
soixante-trois, en trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux

27of which will be placed in the archives of the Court and the others
transmitted to the Government of the Federal Republic of Cam-
eroon and to the Government ofthe United Kingdom ofGreat Britain
and Northern Ireland, respectively.

(Signed) B. WINIARÇKI,
President.

(Signed) GARNIERC - OIGNET,

Registrar.

Judge SPIROPOULO Sakes the following declaration:

1 do not share the view of the Court. 1consider that the Appli-
cation of the Republic of Cameroon is admissible and that the Court
has jurisdiction to examine the merits of the dispute of which it is
seised.

Judge KORETSKY makes the following declaration
1 cannot agree with the Judgment of the Court, as it has been
reached without observance of relevant rules and principles laid
down in the Rules of Court.
The Judgment was adopted in the stage of an examination of a
preliminary objection, which delimits itself quite precisely from the
stage of an examination of the ments of an Application. The Court
passed by the question of iis jurisdiction and turned to the question

of the inadmissibility of the claims of the Republic of Cameroon.
If the question of inadmissibility is raised, not on the ground
of non-observance of the purely formal requirements of the Rules,
e.g. non-observance of Article 32 (2) of the Rules, but in respect
of the substance of the Application (rationemateriae),then the Court
should first decide on its jurisdiction and subsequently consider the
plea of inadmissibility. This is a broadly accepted ru1eventure to
cite, from among many authoritative opinions, the statement of
Judge Sir Percy Spender in his Separate Opinion in the Interhandel
case (I.C.J. Reports 1959, p. 54) that the Court was obliged first
to satisfy itself that it has jurisdiction and then to treat a plea to
the admissibility of the Application. The same was said by Judge
Sir Hersch Lauterpacht in his Dissenting Opinion (ibid ..,100)
"that according to the established practice of the Court preliminary
objections must be examined-and rejected-before the plea of
admissibility is examined".archives de la Cour et dont les autres seront transmis respective-
ment au Gouvernement de la République fédéraledu Cameroun et
au Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord.

Le Président,
(Signé) B. WINIARSKI.

Le Greffier,

(Sig91é)GARNIER-COIGNET.

M. SPIROPOULOS ju,ge, fait la déclaration suivant:
Je ne partage pas l'opinion de la Cour. Je considère que la

requête de la République du Cameroun est recevable et que la
Cour est compétente pour examiner au fond le différend dont elle
est saisie.

M. KORETSKYj,uge, fait la déclaration suivante:

Je ne puis souscrireà l'arrêtde la Cour, en tant qu'il n'a pas été
établi conformément aux règles et principes pertinents définispar
le Règlement de la Cour.
Cet arrêtest rendu au stade de l'examen des exceptions prélimi-
naires, stade qui se distingue trèsprécisémentde celui de l'examen
de la requêtequant au fond. Négligeant la question de sa compé-
tence, la Cour a traité de la question de l'irrecevabilité des deman-
des de la Ré~ubliaue du Cameroun.
Si la question de l'irrecevabilité est soulevéenon point à raison
de l'inobservation des prescriptions purement formelles du Règle-

inent, telles que l'article 32, paragraphe2, mais à l'égard du fond
de la requête (ratione rnateriae),la Cour doit tout d'abord se pro-
noncer sur sa compétence, pour examinerensuitel'exception d'irre-
cevabilité. C'estlà une règle largement admise. Je me permettrai
de citer, parmi de nombreux avis autorisés, celui que sir Percy
Spender a énoncédans son opinion individuelle en l'affaire de
l'lnterhandel (C.I.J. Recueil 1959 ,. 54) et aux termes duquel la
Cour est tenue de s'assurer qu'elle est compétente avant de se
prononcer sur une exception ayant trait à la recevabilité de la
requête. Lemêmepoint de vue a étéexprimépar sir Hersch Lauter-
pacht dans son opinion dissidente (ibid p. 100) : (les exceptions
préliminaires, conformément à la pratique établie par la Cour,
doivent être examinées - et rejetées - avant l'examen de la
demande portant sur la recevabilité ». But the Court has said in this case, without dealing with the
question of its jurisdiction, that a judgment on the claims of the
Republic of Cameroon "would be without objectU-that is, the
Court has appraised Cameroon's claims on their merits. Such an
appraisal could only be made at a later stage in the proceedings
(on the merits), and by such an appraisal the Court substituted for
the stage of deciding on preliminary objections to jurisdiction the
stage of deciding the case on its merits.
One cannot regard rules of procedure as being simply technical.
They determine not only a way of proceeding but procedural rights
of parties aswell. Their strict observance in the International Court

of Justice, one might Say, is even more important than in national
courts. The Court may not change them en passant in deciding a
given case. A revision of the Rules of Court should be effected
(if necessary) in an orderly manner and, in any case, the changed
rules should be known to parties beforehand.

Thus the Court, in accordance with the Rules of Court, ought
first to have decided whether it had-or had not-jurisdiction in
this case without prejudging its futuredecision in this case on the
merits and then, observing the Rules of Court, to have passed to a
further stage of the proceedings connected with the examination of
the claims of the Republic of Cameroon on their merits.

Judge JESSUP makes the following declaration :
In view of the reasoning in the Judgment of the Court, with
which 1entirely agree, 1 do not find it necessary to explain why 1
believe that, if it were necessary to pa.ss upon the jurisdictional
issues which have been raised, the reasoning in pages422 to 436 of

my Separate Opinion in the South West Africa cases (I.C.J.Reports
1962, p.319) would be equally valid here.

Judges WELLINGTON KOO,Sir Percy SPENDERS , ir Gerald FITZ-
MAURICE and MORELLIappend to the Judgment of the Court
statements of theirSeparate Opinions.

Juilges BADAWIand BUSTAMANT YE RIVEROand Judge ad hoc
BEB ~1DONappend to the Judgment of the Court statements of

their Dissenting Opinions.

(Initialled) B. W

(Initialled) G.-C. CAMEROUN SEPTENTRIONAL (ARRÊT DU 2 XII 63) 4O

Mais, dans la présente espèce, la Cour a dit, sans traiter de la
question de compétence, qu'un arrêt sur les demandes de la Répu-
blique du Cameroun ((serait sans objet )- ce qui revient à dire
que la Cour a appréciéles demandes du Cameroun quant au fond.
Une telle appréciation ne pouvant se faire qu'à un stade postérieur
de la procédure (lefond), la Cour a, par cette opération, substitué

le stade du règlement quant au fond au stade de la décisionsur les
exceptions préliminaires d'incompétence.
On ne saurait attribuer aux règles de procédure un caractère
purement technique. Elles fixent non seulement la manière de
procéder, mais aussi les droits procéduraux des parties. On peut
dire qu'il est encore plus important de les observer strictement à
la Cour internationale de Justice que dans les tribunaux nationaux.
La Cour ne saurait les modifier en passant, alors qu'elle tranche une
affaire donnée. La revision du Règlement de la Cour doit se faire
(si elle est nécessaire) régulièrement et, en tout cas, le Règlement

amendé doit êtreconnu des parties à l'avance.
Par conséquent, la Cour aurait dû, conformément à son Règle-
ment, déterminer en premier lieu si elle avait - ou non - com-
pétence en l'affaire, sans préjuger sa décisionéventuelle quant au
fond, et, dans le respect de son Règlement, elle aurait dû passer
alors au stade suivant de la procédure concernant l'examen au
fond des demandes de la République du Cameroun.

M. JESSUP, juge, fait la déclaration suivante:
Eu égardaux motifs de l'arrêtde la Cour, auxquels je m'associe

entièrement, je ne crois pas nécessaired'expliquer pourquoi je con-
sidère que, s'il était nécessaire de se prononcer sL1rles questions de
compétence qui ont été soulevées, le raisonnenient développéaux
pages 422 à 436 de mon opinion individuelle dans les affaires du
Sud-Ouest africain (C. I. J.Recueil 1962, p. 319) serait également
valable dans la p~ésenteespèce.

M. WELLINGTOK NOO, sir Percy SPENDER,sir Gerald FITZ-

MAURICE et M. MORELLIj,uges, joignent à l'arrêtles exposés de
leur opinion individuelle.

MM. BADAWe It BCSTAMANT YERIVEKOj,uges, et M. BEB A DON,
juge ad hoc,joignent à l'arrêtles exposésde leur opinion dissidente.

(Paraphé) B. IV.

fPara#hGJ G.-C.

ICJ document subtitle

Exceptions préliminaires

Document file FR
Document Long Title

Arrêt du 2 décembre 1963

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