Audience publique tenue le mardi 20 avril 2004, à 11 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président

Document Number
107-20040420-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2004/12
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CR 2004/12

International Court Cour internationale

of Justice de Justice

THE HAGUE LA HAYE

YEAR 2004

Public sitting

held on Tuesday 20 April 2004, at 11 a.m., at the Peace Palace,

President Shi presiding,

in the case concerning the Legality of Use of Force
(Serbia and Montenegro v. France)

________________

VERBATIM RECORD
________________

ANNÉE 2004

Audience publique

tenue le mardi 20 avril 2004, à 11 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Shi, président,

en l’affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force
(Serbie et Monténégro c. France)

____________________

COMPTE RENDU

____________________ - 2 -

Present: President Shi
Vice-President Ranjeva

Judges Guillaume
Koroma
Vereshchetin
Higgins
Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek

Al-Khasawneh
Buergenthal
Elaraby
Owada
Tomka
Judge ad hoc Kreća

Registrar Couvreur

 - 3 -

Présents : Shi, président
M. Ranjeva, vice-président

MM. Guillaume
Koroma
Vereshchetin
Mme Higgins
MM. Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek

Al-Khasawneh
Buergenthal
Elaraby
Owada
Tomka, juges
M. Kreća, juge ad hoc

M. Couvreur, greffier

 - 4 -

The Government of Serbia and Montenegro is represented by:

Mr. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), Chief Legal Adviser at the Ministry of Foreign Affairs of
Serbia and Montenegro, Professor of Law at the Central European University, Budapest and
Emory University, Atlanta;

as Agent, Counsel and Advocate;

Mr. Vladimir Djerić, LL.M. (Michigan), Adviser to the Minister for Foreign Affairs of Serbia and

Montenegro,

as Co-agent, Counsel and Advocate;

Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., Chichele Professor of Public International Law (Emeritus),
University of Oxford, Member of the International Law Commission, member of the English
Bar, member of the Institut de droit international,

as Counsel and Advocate;

Mr. Slavoljub Carić, Counsellor, Embassy of Serbia and Montenegro, The Hague,

Mr. Saša Obradović, First Secretary, Embassy of Serbia and Montenegro, The Hague,

Mr. Vladimir Cvetković, Third Secretary, International Law Department, Ministry of Foreign
Affairs of Serbia and Montenegro,

Ms Marijana Santrač,

Ms Dina Dobrković,

as Assistants;

Mr. Vladimir Srećković, Ministry of Foreign Affairs,

as Technical Assistant.

The Government of the French Republic is represented by:

Mr. Ronny Abraham, Director of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs,

as Agent;

Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris X-Nanterre, member and former Chairman of
the International Law Commission,

as Counsel and Advocate;

Ms Michèle Dubrocard, Legal Counsellor, Embassy of France in The Netherlands,

Mr. Pierre Bodeau, chargé de mission, Legal Affairs Department, Ministry of Foreign Affairs,

as Advisers. - 5 -

Le Gouvernement de la Serbie et Monténégro est représenté par :

M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), conseiller juridique principal au ministère des affaires
étrangères de la Serbie et Monténégro, professeur de droit à l’Université d’Europe centrale de
Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,

comme agent, conseil et avocat;

M. Vladimir Djerić, LL.M. (Michigan), conseiller du ministre des affaires étrangères de la Serbie et

Monténégro,

comme coagent, conseil et avocat;

M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., professeur émérite de droit international public à
l’Université d’Oxford, ancien titulaire de la chaire Chichele, membre de la Commission du droit
international, membre du barreau d’Angleterre, membre de l’Institut de droit international,

comme conseil et avocat;

M. Slavoljub Carić, conseiller à l’ambassade de Serbie et Monténégro à La Haye,

M. Saša Obradović, premier secrétaire à l’ambassade de Serbie et Monténégro à La Haye,

M. Vladimir Cvetković, troisième secrétaire, département de droit international, ministère des
affaires étrangères de Serbie et Monténégro,

Mme Marijana Santrač, LL.B. M.A. (Université d’Europe centrale),

Mme Dina Dobrković, LL.B.,

comme assistants;

M. Vladimir Srećković, ministère des affaires étrangères de Serbie et Monténégro,

comme assistant technique.

Le Gouvernement de la République française est représenté par :

M. Ronny Abraham, directeur des affaires juridiques au ministère des affaires étrangères,

comme agent;

M. Alain Pellet, professeur à l’Université Paris X-Nanterre, membre et ancien président de la
Commission du droit international,

comme conseil et avocat;

Mme Michèle Dubrocard, conseillère juridique près l’ambassade de France aux Pays-Bas,

M. Pierre Bodeau, chargé de mission à la direction des affaires juridiques au ministère des affaires
étrangères,

comme conseillers. - 6 -

The PRESIDENT: I now give the floor to Mr. Ronny Abraham, Agent of France.

M. ABRAHAM :

Introduction

Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges,

1. C’est pour moi un grand honneur de représenter à nouveau la France devant vous

aujourd’hui. Ce sentiment est cependant quelque peu gâché par l’impression d’inconsistance qui se

dégage de la présente procédure, du fait du comportement erratique adopté par l’Etat requérant.

2. A dire vrai, cette impression n’est pas nouvelle. Dès le dépôt de sa requête le

29 avril 1999, il est apparu que la République fédérale de Yougoslavie était dans l’incapacité

d’établir un fondement juridique sérieux sur la base duquel votre Cour pourrait connaître des griefs

portés à l’encontre des Etats ayant participé aux opérations militaires de l’OTAN, dans ce qu’il est

convenu d’appeler «la crise du Kosovo». Vous avez d’ailleurs relevé vous-mêmes cette carence

apparente, puisque vous avez rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par la

République fédérale de Yougoslavie, au motif que la Cour n’avait «pas prima facie compétence

pour connaître de la requête» déposée par celle-ci .

3. Dans huit des dix affaires initialement inscrites au rôle, vous avez cependant choisi de

laisser, en quelque sorte, une «seconde chance» au requérant, en lui offrant l’occasion de combler

le défaut de compétence apparu prima facie. Force est cependant de constater que le mémoire

déposé par la République fédérale de Yougoslavie le 5 janvier 2000, loin de s’essayer à proposer

une argumentation juridique plus étayée, est tout entier emprunt de la même désinvolture. Sans

doute faut-il voir là la marque de l’impasse judiciaire dans laquelle le requérant s’était engagé.

Mais, plutôt que de poursuivre dans cette voie vouée à un échec inéluctable, la République fédérale

de Yougoslavie aurait pu faire le choix alors, choix simple et raisonnable, du désistement.

4. Ce n’est pas le cas, du moins pas explicitement. Et cependant, et quelle que soit

l’appréciation qui peut être portée sur le bien-fondé de l’argumentation présentée par la partie

requérante le 18 décembre 2002, la conclusion qu’implique cette argumentation est dénuée

1 Ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999, p. 373, par. 32. - 7 -

d’équivoque : comme le démontrera le professeur Alain Pellet dans un instant, la Serbie et

Monténégro reconnaît désormais elle-même que la Cour ne saurait exercer sa juridiction en la

présente instance, ce qui suffit à justifier qu’il soit mis un terme à la procédure, puisque l’Etat

requérant lui-même ne demande plus à la Cour de statuer sur le fond de ses prétentions.

5. Ce simple constat, aux yeux de la France, est suffisant en droit. C’est donc uniquement à

titre subsidiaire que je rappellerai un peu plus tard qu’aucun des actes que la Serbie et Monténégro

a imputés à la France comme aux autres défendeurs n’est susceptible d’entrer dans les prévisions

de la convention sur le génocide. J’exposerai également, mais à titre doublement subsidiaire, les

raisons pour lesquelles ces actes ne sont pas attribuables à la France.

6. Mais auparavant, le professeur Pellet présentera, avec votre permission Monsieur le

président, les raisons pour lesquelles la présente procédure est désormais dépourvue de tout objet et

devrait conduire la Cour, à rayer l’affaire de son rôle.

Je vous remercie, Monsieur le président, de bien vouloir donner la parole au professeur

Pellet.

The PRESIDENT: Thank you, Mr. Abraham. I now give the floor to Professor Alain Pellet.

M. PELLET : Thank you very much, Mr. President.

7. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, comme vient de l’indiquer

M. Abraham, il m’incombe d’analyser les conséquences de l’étrange posture adoptée par la

République de Serbie et Monténégro en réponse aux exceptions préliminaires soulevées par la

France.

8. C’est que, Monsieur le président, nous nous trouvons dans une situation pour le moins

insolite. Voici un Etat qui saisit la Cour en invoquant des bases de compétence improbables

― tellement improbables que, par son ordonnance du 2 juin 1999, la haute juridiction a rejeté les

mesures conservatoires demandées par la Yougoslavie après avoir constaté qu’elle n’avait «pas

2
prima facie compétence pour connaître de la requête» ; ceci à ma connaissance ne s’était jamais

produit dans l’histoire de la Cour sinon peut-être, mais dans des circonstances également très

2C.I.J. Recueil 1999, p. 373, par. 32. - 8 -

particulières, à la suite de la demande de la Nouvelle-Zélande de 1995 dans l’affaire des Essais

nucléaires . Apparemment convaincu d’avoir fait fausse route, ce même Etat n’oppose aucun

argument aux exceptions préliminaires soulevées par la France et les autres défendeurs.

9. Bien au contraire, dans ses observations écrites datées du 18 décembre 2002, la

République fédérale de Yougoslavie dit constater qu’il n’existe aucune base à la compétence de la

Cour. En conséquence, «[t]he Federal Republic of Yugoslavia requests the Court to decide on its

jurisdiction considering the pleadings formulated in these Written Observations». Ceci ressemble

fort à un désistement qui ne dit pas son nom. Pourtant, par une lettre de son agent en date du

28 février 2003, la Serbie et Monténégro, qui réitère sa position, a indiqué qu’elle n’entendait pas,

en dépit du revirement opéré, se désister formellement de l’instance. La Cour se trouve donc

placée dans la situation étrange — pour dire le moins — d’avoir à tirer les conséquences de la

reconnaissance expresse par l’Etat requérant de l’absence de tout fondement à sa juridiction, sans

pour autant qu’il en résulte un désistement formel.

10. Le plus simple, la «short answer» comme l’on dirait dans l’autre langue, serait

assurément de constater que, malgré les dénégations de l’Etat requérant, il s’est, bel et bien, désisté

de sa requête. Et telle est, en effet, Monsieur le président, la voie qui me paraît la plus logique, la

plus conforme aussi à la vocation exclusivement judiciaire de la Cour.

11. C’est en effet à la Cour elle-même qu’il appartient d’apprécier la portée juridique des

situations invoquées par les parties ou des actes de procédure accomplis par elles. Elle l’a décidé

4
en ce qui concerne, par exemple, l’existence (ou non) d’un différend ou le véritable sens qu’il

5 6
convient de donner aux conclusions des parties ou à l’acceptation de sa juridiction par un Etat . Il

doit en aller de même pour ce qui est de la réalité d’un désistement, sans qu’il y ait lieu de s’arrêter

3 Ordonnance du 22 septembre 1995, Demande d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêt
rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l'affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France),
C.I.J. Recueil 1995, p. 306-307, par. 67.

4 Cf. avis consultatif du 30 mars 1950, Interprétation des traités de paix, C.I.J. Recueil 1950, p. 74; arrêts du
20 décembre 1974, Essais Nucléaires, C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 55, et p. 479, par. 59 ou avis consultatif du
26 avril 1988, Applicabilité de l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au
siège de l'Organisation des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1988, p. 27, par. 35.

5 Voir par exemple arrêts du 20 décembre 1974, Essais Nucléaires, C.I.J. Recueil 1974, p. 263, par. 30, et p. 467,
par. 31 ou arrêt du 4 décembre 1998, Compétence en matière de pêcheries, C.I.J. Recueil 1998, p. 448-449, par. 30 et 31.

6 Voir par exemple l’arrêt du 25 mars 1948, Détroit de Corfou, exception préliminaire, C.I.J. Recueil 1947-1948,
p. 28. - 9 -

à la qualification formelle retenue par le requérant. A cet égard, les constatations de la Cour dans

les affaires des Essais nucléaires sont pleinement transposables à la présente espèce : «Bien

entendu», avait-elle relevé, «il aurait été loisible à l’Australie, si elle avait considéré l’affaire

comme effectivement close, de se désister conformément au Règlement. Si elle ne l’a pas fait, cela

7
n’empêche pas la Cour d’arriver à sa propre conclusion sur la question.» De même, en la présente

espèce, le fait que la Serbie et Monténégro dise ne pas s’être désistée n’empêche nullement la Cour

d’arriver à la conclusion inverse.

12. Du reste, dans l’affaire de l’Or monétaire, la Cour a rappelé qu’il lui appartient de

«statuer sur la validité, le retrait ou la caducité d’une requête dont elle est saisie» . Dans cette

affaire, la Cour s’est interrogée sur la question de savoir si «le fait par l’Italie d’avoir soulevé [une]

question préliminaire devait être considéré comme équivalant à un désistement» et il me semble9

qu’elle doit se poser la même question dans la présente instance — et lui apporter une réponse

différente.

13. En effet, dans son arrêt de 1954, la Cour a répondu à cette question par la négative en se

fondant expressément sur les «circonstances de l’espèce», qui expliquaient la contestation

«insolite» de sa compétence par l’Italie. «Insolite» la présente situation l’est aussi, assurément

― mais les circonstances sont fort différentes.

14. Dans l’affaire de l’Or monétaire, l’Etat requérant (l’Italie) ne contestait nullement qu’il

avait, valablement, accepté la compétence de la Cour : «L’Italie», relève l’arrêt, «continue de se

tenir pour soumise à la juridiction de la Cour en la présente instance après avoir soulevé l’exception

10
préliminaire tout autant qu’avant» . Le «doute» ressenti par l’Italie «sur le point de savoir si

11
l’objet du différend était tel que la Cour pût en connaître» portait non pas sur l’existence d’un lien

juridictionnel entre elle-même et les Etats défendeurs, mais sur un élément extérieur qui empêchait

la Cour de se prononcer sur ses demandes : l’absence d’un tiers indispensable. Ceci est d’ailleurs

également le cas en la présente espèce, et M. Abraham en dira quelques mots tout à l’heure. Mais

7 Arrêts du 20 décembre 1974, C.I.J. Recueil 1974, p. 270, par. 54; voir aussi p. 475-476, par. 57.

8 Arrêt du 15 juin 1954, Or monétaire pris à Rome en 1943 (question préliminaire), C.I.J. Recueil 1954, p. 28.
9
Ibid., p. 30.
10 Ibid., p. 29.

11 Ibid. - 10 -

ce n’est pas l’aspect de l’arrêt de 1954 qui nous intéresse pour l’instant. Je me place en effet à un

stade antérieur, «pré-préliminaire» selon l’expression de sir Gerald Fitzmaurice : la question qui

nous retient est celle de savoir si vous êtes, Madame et Messieurs de la Cour, saisis d’une affaire

sur laquelle vous pouvez vous prononcer à titre préliminaire. Et la réponse ne peut être que

négative pour deux raisons dont chacune suffit à établir que vous n’êtes pas valablement saisis par

la République de Serbie et Monténégro et que vous ne pouvez que rayer l’affaire de votre rôle :

 en premier lieu, le requérant reconnaît qu’en l’absence de tout fondement à votre compétence

vous ne pouvez vous prononcer sur le fond du litige, faute de consentement valide à votre

juridiction de la part de chacune des parties; par voie de conséquence et

 en second lieu, il n’existe pas entre les parties de différend sur la question préliminaire que la

Cour examine à ce stade de l’instance; cette question préliminaire se trouve donc privée de tout

objet.

Avec votre permission, Monsieur le président, je vais revenir brièvement sur ces deux points.

1. La République de Serbie et Monténégro a reconnu l’inexistence de tout fondement
à la compétence de la Cour en la présente affaire

15. Contrairement à l’Italie dans l’affaire de 1954, la Serbie et Monténégro ne continue pas

«de se tenir pour soumise à la juridiction de la Cour en la présente instance». Elle constate au

contraire très fermement qu’à la date à laquelle elle a saisi la Cour :

1) «the Federal Republic of Yugoslavia was not and could not have been a party to the Statute of

the Court by way of UN membership»; et

2) «it was not bound by the Genocide convention» 13.

C’est dire qu’à cette date, de l’aveu même de l’Etat demandeur, celui-ci n’était partie ni au Statut

de la Cour, ni à la convention sur le génocide de 1948, et qu’il n’avait pas, ni n’aurait pu, exprimer

de consentement à la compétence de la Cour. La France, Monsieur le président, n’y consent pas

davantage.

12Opinion individuelle jointe à l’arrêt du 2 décembre 1963, Cameroun septentrional, exceptions préliminaires,
C.I.J. Recueil 1963, p. 103.
13
Observations écrites du 18 décembre 2002, p. 2. - 11 -

16. Sans consentement, point de compétence. Ceci est le principe cardinal sur lequel est

fondé tout le mécanisme de juridiction de la Cour, comme elle l’a rappelé à maintes reprises, y

compris dans son ordonnance du 2 juin 1999 relative à la demande en indication de mesures

conservatoires de la Yougoslavie. Dans cette ordonnance, citant son arrêt de 1995 dans l’affaire du

14
Timor oriental , la Cour a rappelé «que l’un des principes fondamentaux de son Statut est qu’elle

ne peut trancher un différend entre Etats sans que ceux-ci aient consenti à sa juridiction» . 15

17. Dans ses observations préliminaires, la République de Serbie et Monténégro «gomme»

en quelque sorte l’indication des «Fondements juridiques [bien incertains et discutables au

demeurant] de la compétence de la Cour» qu’elle avait fait figurer dans sa requête, conformément

aux exigences de l’article 38, paragraphe 2, du Règlement. S’agissant de la requête formée contre

la France, ces fondements prétendus étaient au nombre de deux : l’article IX de la convention sur le

16
génocide de 1948 et le paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement de la Cour . En reconnaissant

expressément que le premier de ces fondements n’existe pas, l’Etat demandeur reconnaît du même

coup que la Cour n’a pas compétence en l’espèce puisque l’article 38, paragraphe 5, du Règlement

est plutôt un «anti-fondement» : son invocation équivaut à admettre que l’Etat contre lequel la

requête est formée n’a pas donné ni manifesté son consentement à la compétence de la Cour. Or,

17
en l’absence d’un tel consentement, l’affaire ne peut être inscrite au rôle — et, si elle l’est, elle ne

peut qu’en être rayée comme cela s’est produit au sujet de la «demande d’examen de la situation»

de la Nouvelle-Zélande en 1995 18 ou, jadis, dans les affaires d’Incidents aériens ou de

19
l’Antarctique . Il doit, Monsieur le président, en aller ainsi en la présente affaire : la France n’a

jamais consenti à la compétence de la Cour en l’espèce et la Serbie et Monténégro a constaté

qu’elle s’était méprise sur l’existence de son propre consentement. A supposer qu’elle y songe,

14Arrêt du 30 juin 1995, C.I.J. Recueil 1995, p. 101, par. 26.
15
C.I.J. Recueil 1999, p. 370, par. 19. Voir aussi notamment arrêt du 15 juin 1954 préc., Or monétaire,
C.I.J. Recueil 1954, p. 32 et l’abondante jurisprudence citée dans l’arrêt préc. du 30 juin 1995, ibid..
16
Requête, p. 9.
17
Cf. la lettre du greffier du 18 février 1994 citée par Shabtai Rosenne in The Law and Practice of the
International Court, 1920-1996, Nijhoff; La Haye/Boston/Londres, 1997, p. 1223.
18
Ordonnance du 22 septembre 1995, Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt
rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France),
C.I.J. Recueil 1995, p. 302, par. 44, et p. 306, par. 66.
19
Voir C.I.J. Recueil 1954, p. 101; C.I.J. Recueil 1956, p. 11 ou 14; ou C.I.J. Recueil 1959, p. 278. - 12 -

elle ne saurait aujourd’hui revenir sur cette déclaration formelle sans manquer au principe de la

bonne foi.

18. Cette solution s’impose avec d’autant plus de force que les deux Parties s’accordent pour

considérer que les conditions nécessaires à l’exercice de votre compétence ne sont pas réunies.

Sans doute, aux termes de l’article 36, paragraphe 6, du Statut, appartient-il à la Cour de décider de

sa compétence — mais ceci seulement «en cas de contestation» sur ce point; or il n’y a pas — il

n’y a plus — de contestation; il n’y a tout simplement plus rien à décider… Les exceptions

préliminaires de la France combinées aux observations écrites de la Serbie et Monténégro

constituent une sorte de «compromis à l’envers» manifestant l’accord des Parties pour considérer

qu’il n’existe aucun fondement juridique sur la base duquel la Cour pourrait avoir été saisie. Nous

sommes en présence de la part de la Serbie et Monténégro d’une sorte de forum dit prorogatum.

Par voie de conséquence, il n’existe pas non plus entre les Parties de différend sur la question

préliminaire que la Cour est supposée examiner à ce stade de l’instance, question qui se trouve

donc privée de tout objet et ce sera mon second point.

2. Il n’existe pas entre les Parties de différend sur la question préliminaire,
seule posée à ce stade de l’instance

19. Dans l’opinion individuelle qu’il a jointe à l’arrêt relatif au Cameroun septentrional

de 1963, sir Gerald Fitzmaurice a distingué «a) les questions qui, tout en restant préliminaires (en

ce sens qu’elles sont préliminaires à l’examen du fond) ont un caractère de fond; et b) les questions

qui sont à tous égards préalables et, en quelque sorte, d’un caractère «pré-préliminaire»» . J’ai 20

déjà dit en passant il y a quelques instants, la question que pose la présente affaire relève, sans

aucun doute, de la seconde catégorie. Comme l’expliquait le savant juge : «une exception d’après

laquelle la requête n’a pas révélé qu’il existait un véritable différend entre les parties doit être

discutée avant la compétence, car, s’il n’y a pas de différend, il n’y a rien à propos de quoi la Cour

puisse envisager sa compétence ou son incompétence» 2. L’existence d’un différend est, en effet,

la condition sine qua non à l’exercice par la Cour de sa juridiction et si un différend n’existe pas, il

est vain de s’interroger sur la compétence ou sur la recevabilité de la requête.

20C.I.J. Recueil 1963, p. 103.

21Ibid., p. 105. - 13 -

20. Cette analyse rencontre en tous points la jurisprudence de la Cour. Et d’abord l’arrêt

de 1963 lui-même dans lequel la Cour a constaté : «Qu’au moment où la requête a été déposée la

Cour ait eu ou non compétence pour trancher le différend qui lui était soumis, il reste que les

circonstances qui se sont produites depuis lors rendent toute décision judiciaire sans objet» faute de

différend susceptible d’un règlement judiciaire . De même dans les affaires des Essais nucléaires,

après avoir rappelé que «[l]’existence d’un différend est … la condition première de l’exercice de

sa fonction judiciaire», la Cour a martelé que «[l]e différend dont [elle] a été saisie doit persister au

moment où elle statue» ; dans le cas contraire, a-t-elle dit en une autre occasion, «une fin de

24
non-recevoir doit s’ensuivre» .

21. Sans doute, comme je l’ai rappelé il y a quelques instants, «l’existence [ou l’inexistence]

d’un différend demande[-t-il] à être établi objectivement par la Cour» elle-même : «Il est de fait»,

rappelle l’arrêt de 1998 relatif à la Compétence en matière de pêcheries,

«qu’il appartient à la Cour de s’assurer, à la demande d’une Partie ou d’office, qu’un
différend n’a pas perdu son objet depuis l’introduction de la requête et qu’il y a
toujours lieu de statuer sur ce différend (voir Cameroun septentrional, exceptions

préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 38, et Essais nucléaires (Australie
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 58)» 26.

Mais, si elle constate qu’objectivement il n’y a pas de différend, elle ne peut que décliner l’exercice

de sa juridiction.

22. Il n’est sans doute pas utile de s’attarder à la définition de ce qui constitue un différend

d’ordre juridique. Celle célèbre de la CPJI dans l’affaire Mavrommatis et consacrée à maintes

reprises depuis lors, n’est guère discutable, au moins aux fins de la présente espèce, il s’agit d’«un

désaccord sur un point de droit ou de fait, [d’]une contradiction, [d’]une opposition de thèses

22Ibid., p. 38.
23
C.I.J. Recueil 1974, p. 270-271, par. 55, et p. 476, par. 58; les italiques sont de nous; sur la date à laquelle le
différend doit exister, voir aussi l’avis consultatif du 26 avril 1988, Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de
la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1988, p. 30,
par. 44, et les arrêts du 20 décembre 1988, Actions armées frontalières et transfrontalières, C.I.J. Recueil 1988, p. 95,
par. 66, du 27 février 1998, Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant
de l’incident aérien de Lockerbie, C.I.J. Recueil 1998, p. 26, par. 46, et p. 131, par. 45, du 11 juin 1998, Frontière

terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1998, p. 318, par. 99, ou
du 14 février 2002, Mandat d’arrêt du 11 avril 2000, par. 32.
24Arrêt du 21 décembre 1962, Sud-Ouest africain, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1962, p. 328.

25Ibid.; voir note 3, supra.

26Arrêt du 4 décembre 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 468, par. 88. - 14 -

27
juridiques entre deux personnes» . Comme l’a dit la Cour actuelle : «Il faut démontrer que la

28
réclamation de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre.»

23. Rien de tel, à l’évidence, en la présente espèce : la France considère (et a toujours

considéré) que la Cour n’a pas compétence pour se prononcer sur la requête que lui a soumise la

République fédérale de Yougoslavie en 1999; la République de Serbie et Monténégro en est venue

à la même conclusion. Il n’existe plus entre elles de désaccord sur ce point de droit — le seul qui

soit en litige à ce stade de la procédure — et le différend préliminaire dont la Cour est saisie ne

29
subsiste plus au moment où la Cour doit statuer , alors même qu’il s’agit du seul différend sur

lequel, conformément à l’article 60 du Règlement nous aurions dû plaider dans des circonstances

moins insolites. Le différend ayant disparu, aucun point «ne divise encore les parties»; les

exceptions préliminaires soulevées par la France «ne comporte[nt] plus d’objet»; et la Cour ne peut

que le constater .30

24. Cette conclusion, Monsieur le président, pourrait se heurter à trois objections :

1) si aucun désaccord ne subsiste entre les Parties quant à l’absence de toute base de compétence

de la Cour, les raisons pour lesquelles les Parties s’accordent sur ce point ne coïncident pas

forcément;

2) c’est à propos du fond de l’affaire ou des affaires que la Cour a forgé la jurisprudence que je

viens d’évoquer; or les audiences qui nous réunissent portent sur des exceptions préliminaires;

et,

3) on pourrait prétendre qu’il y aurait une contradiction entre la thèse que je soutiens aujourd’hui

devant vous et la position que la Cour a prise dans son arrêt du 11 juillet 1996 dans l’affaire du

27 Arrêt du 30 août 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 11; voir aussi, par exemple : arrêts du 12 avril 1960, Droit de

passage en territoire indien, C.I.J. Recueil 1960, p. 34; du 21 décembre 1962, Sud-Ouest africain, C.I.J. Recueil 1962,
p. 328 ou du 30 juin 1995, Timor oriental, C.I.J. Recueil 1995, p. 99-100, par. 22; du 11 juin 1998, Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria, C.I.J. Recueil 1998, p. 314-315, par. 87, ou avis consultatif du 26 avril 1988,
Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du 26 juin 1947 relatif au siège de
l’Organisation des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1988, p. 27, par. 35; voir aussi l’avis consultatif du 30 mars 1974,
Interprétation des traités de paix, C.I.J. Recueil 1950, p. 74 ou l’arrêt du 11 juillet 1996, Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 614-615,

par. 29.
28 Arrêt préc. du 21 décembre 1962, ibid..

29 Voir arrêts préc. du 20 décembre 1974, supra, note 22.
30
Cf. ibid., p. 271, par. 56 et 57, et p. 476-477, par. 59 et 60. - 15 -

Génocide et qu’elle a confirmée par celui du 3 février 2003 à la suite de la demande en revision

de la Yougoslavie.

Un bref examen suffit pour constater qu’aucune de ces objections ne peut emporter la conviction.

25. En ce qui concerne le premier point, il suffit de rappeler qu’il existe «une distinction

entre le différend lui-même et les arguments utilisés par les parties à l’appui de leurs conclusions

31
respectives sur ce différend» . Les raisons avancées par les Parties au support de leur

argumentation sont «des éléments qui, le cas échéant, pourraient fournir les motifs de l’arrêt et non

en constituer l’objet» . Quelles que soient les divergences qui peuvent exister entre les Parties

quant aux raisons qui justifient une solution, ces divergences sont sans incidence sur l’issue du

litige si elles ont le même résultat concret. Tel est le cas en l’espèce : même si elles peuvent

diverger sur les véritables motifs qui excluent la compétence de la Cour, la France et la Serbie et

Monténégro s’accordent à considérer qu’il n’existe pas de base juridique susceptible de fonder

cette compétence — seule question pendante dans la présente instance, ce qui confirme, si besoin

est, qu’elle est dénuée d’objet.

26. Deuxième objection éventuelle, Monsieur le président : la jurisprudence de la Cour sur

laquelle je me suis appuyé pour établir que l’existence d’un différend constitue la condition sine

qua non à l’exercice de la compétence porte sur le fond du litige et non sur la procédure incidente

que déclenche une exception préliminaire. Ceci ne modifie nullement les données du problème :

puisque conformément aux dispositions de l’article 79 du Règlement, le dépôt d’une exception

33
suspend la procédure au fond et le litige entre les Parties est provisoirement circonscrit «aux

points ayant trait à l’exception» , qui sera seul l’objet de l’arrêt de la Cour . En d’autres termes,

comme l’a relevé l’ambassadeur Rosenne, «[p]reliminary objections proceedings … take the form

36
of self-contained proceedings…» , «self-contained proceedings» dont l’objet propre est différent

de celui de l’instance au principal et doit être apprécié en lui-même. Il est du reste parfaitement

31Arrêt du 4 décembre 1998, Compétence en matière de pêcheries, C.I.J. Recueil 1998, p. 449, par. 31.
32
Arrêt du 18 décembre 1951, Pêcheries, C.I.J. Recueil 1951, p. 126; voir aussi l’arrêt du 6 avril 1955,
Nottebohm (deuxième phase), C.I.J. Recueil 1955, p. 16.
33
Art. 79, par. 3.
34Par. 5 et 6.

35Par. 7.

36The Law and Practice of the International Court, 1920-1996, Nijhoff; La Haye/Boston/Londres, 1997, p. 922. - 16 -

admis qu’une Partie puisse renoncer à une ou à plusieurs exceptions, auquel cas, la Cour se borne à

en prendre acte . Et l’on voit mal pourquoi, symétriquement en quelque sorte, elle ne pourrait pas

constater, dans les mêmes conditions, que l’Etat requérant, devenu défendeur face à l’exception (in

excipidiendo reus fit actor), renonce à contester l’exception. Ce faisant, il rend le différend sans

objet «avec toutes conséquences de droit» et met fin à l’instance.

27. La troisième objection potentielle que l’on pourrait songer à opposer à mon raisonnement

est plus spécifique. Elle a trait aux décisions récentes de la Cour dans les affaires relatives à

l’Application de la convention sur le génocide et à la Demande en revison de la Yougoslavie de

l’arrêt rendu en 1996 sur celle-ci, demande qui a donné lieu à l’arrêt du 3 février 2003. Certes, ces

affaires sont distinctes de celle qui nous occupe et, en droit strict, il suffirait sans doute de constater

que les arrêts auxquels elles ont donné lieu n’ont, en vertu de l’article 59 du Statut, que l’autorité

relative de la chose jugée, ce qu’a souligné mon excellent ami et collègue le professeur Tomuschat

tout à l’heure. Mais il serait étrange et, à vrai dire, fâcheux, que la Cour, même si elle n’est pas

tenue par la règle du précédent, semble se déjuger et prenne, en 2004, une position contraire à celle

tout à fait excellente qu’elle a adoptée en 2003. Aussi bien, n’est-ce pas, Madame et Messieurs les

juges, ce que la République française vous demande.

28. Par votre arrêt du 11 juillet 1996, vous avez estimé que la Cour avait «compétence, sur la

base de l’article IX de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, pour

statuer sur le différend» 38 dont la Bosnie-Herzégovine vous a saisis en…  j’ose à peine le

rappeler  1993. Vous l’avez confirmé l’an dernier en rejetant la requête en revison que la

République fédérale de Yougoslavie avait formée en se fondant sur des arguments fort proches de

ceux qu’avance la Serbie et Monténégro dans ses observations écrites datées du 18 décembre 2002

ou dans la lettre de son agent du 28 février 2003. Mais, dans la première de ces deux affaires, vous

vous êtes fondés, Madame et Messieurs de la Cour, sur la situation existante au moment où vous

aviez rendu votre arrêt sur les exceptions préliminaires, celle qui prévalait en 1996. Dans la

37Voir par exemple l’ordonnance du 31 octobre 1951, Droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au
Maroc, C.I.J. Recueil 1951, p. 111 ou l’arrêt du 11 juillet 1996, Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, C.I.J. Recueil 1996, p. 609, par. 16, et p. 623, par. 47.1); voir aussi l’arrêt du
6 juillet 1957, Certains emprunts norvégiens, C.I.J. Recueil 1957, p. 22.
38
C.I.J. Recueil 1996, p. 623, par. 47 2). - 17 -

seconde, vous avez considéré que le «fait» invoqué par la Yougoslavie à l’appui de sa requête

n’était pas un «fait nouveau» au sens de l’article 61 du Statut et qu’il n’était donc pas «susceptible

de fonder une demande en revison dudit arrêt» — qui avait, il faut le souligner tout de même,

l’autorité de la chose jugée à l’égard des Parties. Ce faisant, vous n’avez nullement exclu que ce

fait — en l’occurrence l’admission de la Yougoslavie aux Nations Unies — puisse avoir une

pertinence dans le cadre d’affaires jugées ultérieurement. Vous avez même réservé expressément

cette possibilité en soulignant qu’«[u]n fait qui se produit plusieurs années après le prononcé d’un

arrêt n’est pas un fait «nouveau» au sens de l’article 61; il en demeure ainsi, et c’est ce qui nous

intéresse le plus, quelles que soient les conséquences juridiques qu’un tel fait puisse avoir» , 40

lorsqu’on n’est plus face à une demande en revision.

29. Au demeurant, Madame et Messieurs de la Cour, je n’ai fait que devancer une possible

objection de la partie serbo-monténégrine. Mais vous n’avez pas, de toute manière, à vous

prononcer sur le bien (ou le mal)-fondé des motifs avancés par la Serbie et Monténégro pour

constater l’inexistence de tout fondement à la compétence qu’elle avait d’abord affirmée — pas

davantage que la France ne prend position à leur égard. Il vous suffit bien plutôt de constater :

1) que ni les Etats défendeurs, ni l’Etat requérant ne consentent à votre juridiction qui est fondée,

dans l’état actuel du droit, sur le seul consentement des parties; et/ou

2) que, dès lors, les exceptions préliminaires de la France (et des autres Etats défendeurs) sont

devenues sans objet car il n’existe plus à cet égard aucun différend entre les parties.

Il en résulte, me semble-t-il, que vous ne pouvez que rayer l’affaire de votre rôle — par un arrêt ou

par une ordonnance (ce qui serait sans doute plus logique) — sans, par voie de conséquence, qu’il y

ait lieu de vous prononcer sur les exceptions préliminaires que la France a soulevées.

30. Au demeurant, par prudence, la République française n’y renonce pas et M. Abraham va

rappeler brièvement les traits essentiels si vous voulez bien lui donner la parole, Monsieur le

président, mais peut-être estimerez-vous qu’il s’agit du moment opportun pour faire la pause-café,

si sacrée dans cette enceinte. Pour ma part, Madame et Messieurs les juges, il me reste à vous

remercier très vivement de votre attention.

39Arrêt du 3 février 2003, par. 68.

40Ibid., par. 67; les italiques sont de nous. - 18 -

The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. It is indeed time for a coffee break of

10 minutes, after which I shall give the floor to Mr. Abraham, Agent of France.

The Court adjourned from 11.35 to 11.45 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. Before I give the floor to Mr. Abraham, I would like to

announce that Judge Al-Khasawneh is now able to sit on the Bench for the rest of the morning’s

session. Mr. Abraham, you have the floor.

M. ABRAHAM : Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges,

31. Le professeur Pellet vient de le démontrer, la Serbie et Monténégro ne consent plus à ce

que la Cour exerce sa juridiction en la présente espèce, puisque en vérité elle ne le demande plus.

A n’en pas douter, ce constat vous suffira pour décider de mettre un terme à cette instance.

Toutefois, le requérant n’a pas tiré lui-même toutes les conséquences que devait logiquement

imposer la position qu’il a exprimée le 18 décembre 2002. Ainsi, il a refusé de se désister

expressément d’une action que pourtant, d’évidence, il ne souhaite pas poursuivre. Et surtout, il

n’a pas formellement retiré les graves accusations qu’il a portées à l’encontre de mon pays comme

des autres Etats défendeurs ici présents.

32. Pour tenter d’attraire la France devant la Cour, la République fédérale de Yougoslavie

n’a pas hésité, en effet, à invoquer la convention pour la prévention et la répression du crime de

génocide et la clause compromissoire qu’elle contient en son article IX. Ainsi que je vais le

montrer, aucun doute ne peut subsister sur ce point : cette base de compétence est totalement

artificielle, tant il est manifeste que les actes dont le requérant a accusé la France et ses partenaires

de l’OTAN ne sont pas susceptibles d’entrer dans les prévisions de la convention de 1948. De

manière surabondante, j’établirai également que les faits allégués ne sont pas attribuables à la

France et qu’il ne saurait donc exister de différend entre elle et la Serbie et Monténégro quant à

l’application de cette convention. - 19 -

1. L’absence de compétence ratione materiae sur le fondement
de la convention sur le génocide

33. Monsieur le président, permettez-moi d’exposer d’abord les raisons pour lesquelles la

Cour est manifestement dépourvue de compétence ratione materiae pour connaître de la requête

yougoslave sur le fondement de la convention sur le génocide.

34. Dans son mémoire, la République fédérale de Yougoslavie a procédé à une longue

énumération de prétendus «faits», à l’appui desquels elle ne fournit pas le moindre élément de

preuve. Et la France n’entend pas ouvrir une discussion — à l’évidence inappropriée dans le cadre

des exceptions préliminaires — à propos de ces allégations dont elle conteste la matérialité autant

que la présentation fallacieuse. Elle veut néanmoins réfuter l’accusation grave et calomnieuse qui a

été proférée à son encontre : de façon manifeste, ni les opérations militaires auxquelles elle a pris

part aux côtés de ses partenaires de l’OTAN jusqu’au 10 juin 1999 ni les faits qui se sont déroulés

au Kosovo depuis cette date ne traduisent une quelconque intention génocidaire de sa part. Dès

lors, les griefs qui ont été portés contre la République française sont clairement insusceptibles

d’entrer dans les prévisions de la convention sur le génocide.

35. A dire vrai, la Serbie et Monténégro ne paraît pas elle-même prêter un grand crédit à

l’affirmation — que je qualifierais de fantaisiste si elle n’était injurieuse — selon laquelle la

France, comme les autres Etats défendeurs, aurait pris part à des faits présentant un caractère

génocidaire. Dans sa requête comme dans son mémoire, elle consacre en effet l’essentiel de ses

développements à invoquer de prétendues violations de la Charte des Nations Unies ou de certains

principes et règles du droit international humanitaire. Manifestement — et la Cour ne s’y est pas

trompée lorsqu’elle a choisi l’intitulé qu’il convenait de donner à l’affaire — le cŒur du différend

que le requérant a souhaité ainsi lui soumettre a trait à la «licéité de l’emploi de la force». De

violations de la convention sur le génocide, il ne saurait être sérieusement question ici.

36. Si la Serbie et Monténégro s’est obstinée à invoquer la convention de 1948, c’est

uniquement, et chacun l’a bien compris, parce qu’elle avait le vain dessein de se prévaloir de la

clause compromissoire qu’offre son article IX. Comme la Cour l’a rappelé en effet dans une autre

affaire concernant la Yougoslavie, ni la Charte des Nations Unies ni les principes du droit - 20 -

humanitaire mentionnés par le requérant ne comportent en effet «de clause afférente à la

41
compétence de la Cour» .

37. Une telle tentative de détournement de la convention sur le génocide est grossière et, en

tout état de cause, vouée à l’échec. En effet, pour que la Cour exerce sa compétence, il ne suffit

pas que soit invoqué, in abstracto, un lien juridictionnel entre le demandeur et le défendeur; il faut

encore que les arguments développés par celui-là — le demandeur — soient «de caractère

suffisamment plausible pour permettre la conclusion que la réclamation est fondée sur le traité»,

pour reprendre les termes employés par votre juridiction dans l’affaire Ambatielos . Comme vous

avez pris soin, par ailleurs, de le préciser dans l’arrêt que vous venez de rendre dans l’affaire des

Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), l’établissement

de ce lien plausible n’implique pas que le demandeur doive mettre la Cour en mesure de

déterminer, dès le stade des exceptions préliminaires, si les actions du défendeur ont

«effectivement porté atteinte» à ses droits, mais il lui impose cependant de démontrer que «la

licéité de ces actions p[eu]t s’apprécier au regard» des dispositions susceptibles de fonder la

compétence . 43

38. Monsieur le président, l’existence de ce lien plausible, la Serbie et Monténégro n’est

jamais parvenue à la démontrer en la présente affaire. Sa requête comme son mémoire demeurent,

et pour cause, particulièrement indigents à cet égard; ils procèdent, j’y reviendrai, par de pures

allégations qui paraphrasent le texte de la convention sur le génocide, sans jamais expliquer en quoi

celle-ci serait pertinente aux fins de régler le litige. Pourtant, dans son ordonnance du 2 juin 1999

relative aux mesures conservatoires, votre haute juridiction a pris soin de rappeler, en forme

d’avertissement implicite adressé au requérant, que :

«à l’effet d’établir ... si un différend au sens de l’article IX de la convention sur le
génocide existe, la Cour ne peut se borner à constater que l’une des parties soutient
que la convention s’applique alors que l’autre le nie; … au cas particulier, elle doit

rechercher si les violations alléguées par la Yougoslavie sont susceptibles d’entrer
dans les prévisions de cet instrument et si, par suite, le différend est de ceux dont la

41Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Yougoslavie), ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 341, par. 33.

42Ambatielos, arrêt du 19 mai 1953 (fond : obligation d’arbitrage), C.I.J. Recueil 1953, p. 18.
43
Arrêt du 6 novembre 2003, par. 81. - 21 -

Cour pourrait 44oir compétence pour connaître ratione materiae par application de
l’article IX» .

39. Pour que la Serbie et Monténégro parvienne à convaincre la Cour que ses allégations

seraient susceptibles d’entrer dans les prévisions de la convention sur le génocide, il lui faudrait

établir, de façon au moins plausible, que les actes dont elle accuse la France ont été accomplis

«dans l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,

comme tel», ainsi que le prévoit l’article II de la convention de 1948. En effet, comme la Cour l’a

affirmé en plusieurs occasions, cet élément d’intentionnalité constitue «la caractéristique essentielle

45
du génocide» .

40. Le crime de génocide procède ainsi, nécessairement, d’une «disposition d’esprit» 46

 pour reprendre la formule de la Commission du droit international  il implique ce «refus du

droit à l’existence de groupes humains entiers», que votre Cour a solennellement dénoncé, «refus

qui bouleverse la conscience humaine, inflige de grandes pertes à l’humanité, et qui est contraire à

47
la fois à la morale et à l’esprit et aux fins des Nations Unies» .

41. Depuis qu’elle a introduit cette instance, la République fédérale de Yougoslavie n’est

jamais parvenue, Monsieur le président, à apporter le moindre commencement de preuve de

l’intention génocidaire qui aurait animé la France lorsqu’elle a pris part aux opérations militaires de

l’OTAN. Comment aurait-il pu en aller autrement ? Au cours de ces opérations, toutes les

mesures nécessaires ont été prises pour que les frappes aériennes soient uniquement dirigées contre

des objectifs militaires, tout a été fait pour qu’elles épargnent la population civile. Comment, dès

lors, prétendre que ceux qui ont engagé leurs forces pour mettre un terme  faut-il le rappeler  à

un désastre humanitaire ont agi pour assouvir une intention génocidaire ?

42. Dans ses écritures, le requérant se borne à présenter ce prétendu génocide comme la

conséquence inéluctable du conflit armé qui s’est déroulé sur son territoire. Pourtant, ainsi que la

44 C.I.J. Recueil 1999, p. 372, par. 25; voir aussi Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran

c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt du 12 décembre 1996, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 810, par. 16.
45 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Yougoslavie), ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 345, par. 42 ; voir aussi Licéité de la menace ou
de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 240, par. 26.

46 Commission du droit international, commentaire de l’article 17 du projet de Code des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité, Rapport de la CDI sur les travaux de sa quarante-huitième session, doc. A/51/10, p. 108.

47 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif du
28 mai 1951, C.I.J. Recueil 1951, p. 23. - 22 -

Cour le lui a fermement signifié, «le recours ou la menace du recours à l’emploi de la force contre

48
un Etat ne saurait en soi constituer un acte de génocide au sens de l’article II de la convention» .

43. Il y a, dans le comportement adopté dans la présente affaire par la Serbie et Monténégro,

et à plusieurs égards, une désinvolture d’autant plus choquante qu’elle s’attache à l’une des

accusations les plus graves qui puissent être portées à l’encontre d’un Etat. La seule tentative, et

bien faible, qu’ait faite la Partie requérante pour fournir la preuve de l’existence d’une intention

génocidaire consiste à accuser les défendeurs d’avoir utilisé des armes à uranium appauvri et

d’avoir bombardé des usines chimiques à Pancevo. Aucune de ces allégations ne peut résister à

l’analyse. Quant à la première, elle est matériellement inexacte, et en outre, la Cour a déjà eu

l’occasion de l’indiquer, l’élément d’intentionnalité ne saurait être inféré de l’emploi d’une arme

49
spécifique . Quant aux usines chimiques, elles pouvaient constituer des objectifs militaires

légitimes au regard des principes et règles du droit international humanitaire. Dans son mémoire,

le requérant ne parvient jamais, de surcroît, à démontrer, comme la Cour l’y avait pourtant

implicitement invité, «que les bombardements qui constituent l’objet de la requête comportent

50
effectivement l’élément d’intentionnalité, dirigé contre un groupe comme tel» .

44. La même conclusion s’impose en ce qui concerne les «éléments nouveaux», survenus

après le 10 juin 1999, qu’évoque dans plusieurs de ses passages le mémoire yougoslave. La

mention de ces nouveaux éléments et l’importance que la Serbie et Monténégro a voulu,

semble-t-il, leur conférer appellent plusieurs remarques. D’une part, la France n’entend pas se

prononcer, dans le cadre de ces exceptions préliminaires, sur la réalité de ces faits, que le requérant

d’ailleurs n’a guère cherché à établir dans son mémoire. D’autre part, et à supposer même qu’ils se

soient réellement produits, ces éléments nouveaux transforment radicalement l’objet du différend

initial. Comme la Cour l’a indiqué dans son ordonnance du 2 juin 1999, ce sont «les

bombardements qui constituent l’objet de la requête yougoslave» 51. Or ceux-ci ont cessé

48Ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999, p. 372, par. 27 ; voir aussi Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 240, par. 26.
49
Cf. Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 240, par. 26.
50
Ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999, p. 373, par. 27.
51C.I.J. Recueil 1999, p. 373, par. 27. - 23 -

concomitamment à l’adoption, le 10 juin 1999, de la résolution 1244 (1999) par le Conseil de

sécurité.

45. Enfin, et surtout, la partie yougoslave, encore une fois, ne démontre aucunement en quoi

ces «éléments nouveaux», à supposer qu’ils soient avérés, permettraient d’établir l’intention

génocidaire qui aurait animé la France.

46. Monsieur le président, la conclusion de tout cela est inéluctable : aucune de ces

allégations, qu’elles concernent les opérations militaires antérieures au 10 juin 1999 ou les

événements postérieurs, n’est susceptible d’entrer dans les prévisions de la convention sur le

génocide. Pour cette raison, il ne fait aucun doute que la Cour est dépourvue de compétence pour

connaître de la requête yougoslave sur le fondement de l’article IX de ce traité.

2. Les faits allégués ne peuvent être attribués à la France

47. Les arguments que je viens d’exposer établissent plus qu’à suffisance l’incompétence de

la Cour. C’est donc à titre tout à fait subsidiaire que, très brièvement, j’évoquerai un autre obstacle

à la poursuite de cette procédure.

48. Il s’agit de l’impossibilité d’attribuer à la France les faits allégués. Les exceptions

préliminaires que mon gouvernement a déposées le 5 juillet 2000 comportent un recensement

précis des faits que la Partie demanderesse a entendu attribuer à la France dans sa requête et son

mémoire (p. 34-36, par. 17-21). Je me bornerai donc à rappeler que ces allégations, qu’aucun

élément de preuve ne vient soutenir, concernent des actions auxquelles la France aurait pris part

dans le cadre des opérations militaires conduites par l’OTAN, d’abord, puis dans celui de la

mission confiée à la KFOR, après le 10 juin 1999. La Serbie et Monténégro ne tente jamais

d’établir la part exacte qu’aurait prise la France dans la commission de ces faits prétendument

illicites. Elle se contente d’affirmer, sans plus de démonstration, que les actes de l’OTAN et de la

KFOR sont attribuables aux «défendeurs» . Mais c’est là travestir la réalité au service d’une

argumentation juridique bien peu convaincante.

49. Monsieur le président, la France n’entend nullement minorer et encore moins nier le rôle

qu’elle a tenu dans l’action collective qui a été entreprise à l’époque pour prévenir une catastrophe

52Mémoire, sect. 2.8., p. 327-328. - 24 -

humanitaire au Kosovo et mettre un terme aux atrocités qui s’y sont déroulées. Mais, ainsi que

l’indique la République fédérale de Yougoslavie elle-même dans son mémoire, «The general rule

on attribution of an act to a State is that a State is responsible for an act committed under guidance

53
and control of its organ as well as for an act endorsed by its organ.»

50. En l’occurrence, la France n’a pas agi de manière individuelle et autonome. L’ensemble

des actes auxquels elle a pris part à ces fins ont été accomplis sous la direction et le contrôle

d’organisations internationales — et, au premier chef, de l’OTAN. C’est l’OTAN qui a conçu,

décidé et réalisé l’opération militaire qui s’est déroulée sur le territoire yougoslave au

printemps 1999. C’est également l’OTAN qui a créé la KFOR et en assure le commandement et le

contrôle unifiés, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, qui, faut-il le

rappeler, a autorisé le déploiement de cette force «sous l’égide de l’Organisation des

Nations Unies».

51. Consciente de cette difficulté, la République fédérale de Yougoslavie affirme que

l’OTAN agit en réalité sous la direction et le contrôle militaires et politiques de ses Etats

54
membres . Cette curieuse conception de la transparence de l’organisation fait évidemment fi de la

personnalité juridique internationale qui doit lui être reconnue, conformément aux critères dégagés

par votre Cour dans l’avis consultatif relatif à la Réparation des dommages subis au service des

Nations Unies . Il n’est, pour se convaincre de l’impossibilité d’attribuer à la France les actes de

l’OTAN, que de comparer la nature juridique de cette organisation avec celle de «l’autorité chargée

de l’administration» de Nauru, telle que la Cour l’a analysée en 1992, dans son arrêt . Quant à la

KFOR, elle est à la fois soumise au commandement opérationnel de l’OTAN et au contrôle des

Nations Unies, qui ont autorisé son déploiement et reçoivent des rapports périodiques sur ses

activités. C’est dans ce cadre que des ressortissants français participent à l’action courageuse

qu’elle conduit.

53Ibid., p. 328, par. 2.8.3.

54Ibid., p. 327.
55
C.I.J. Recueil 1949, p. 179.
56Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), arrêt du 26 juin 1992, C.I.J. Recueil 1992, p. 258. - 25 -

52. Ce n’est donc pas à la France, ni aux autres Etats membres de l’OTAN ou à ceux qui

participent à la KFOR, que pourraient être attribués les faits allégués, si tant est — ce que je ne

crois aucunement — que ces faits soient constitutifs de violations d’obligations internationales.

Dès lors, il n’existe pas, dans la présente instance, de différend entre la Serbie et Monténégro et la

France dont la Cour puisse connaître.

53. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, la France considère, pour

l’ensemble des raisons précédemment exposées, que la Cour ne peut donner suite à la requête de la

Serbie et Monténégro et devrait à titre principal rayer l’affaire du rôle. A titre subsidiaire, elle

maintient ses exceptions préliminaires dans leur intégralité. Il me reste à vous remercier de

l’attention que vous avez bien voulu porter à ces observations.

The PRESIDENT: Thank you, Mr. Abraham. This concludes the first round of oral

statements of France.

The Court rose at 12.05 p.m.

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Audience publique tenue le mardi 20 avril 2004, à 11 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président

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