Audience publique tenue le vendredi 20 septembre 1996, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Bedjaoui, président

Document Number
090-19960920-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
1996/15
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

Non- Corrigé

Unco rrected

CR 96/15

International Court Cour internationale
of Justice de Justice

THE HAGUE LA HAYE

YEAR 1996

Public sit;t;ing

held on Friday 20 September 1996, at; 10 a.m., at the Peace Palace,

President; Bedjaoui presiding

in the case concerning Oil Platforms

(Islamic Republic of Iran v. United States of America)

Prelimina~ Objection

VERBATIM RECORD

ANNEE 1996

Audience publique

tenue le vendredi 20 septembre 1996, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Bedjaoui, Président

en l'affaire des Plates-formes pétrolières

(République islamique d'Iran c. Etat;s-Unis d'Amérique)

Exception préliminaire

COMPTE RENDU - 2 -

Present: President Bedjaoui
Vice-President
Schwebel
Judges Oda
Guillaume

Shahabuddeen
Weeramantry
Ranjeva

Herczegh
Shi

Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin

Ferrari Bravo
Higgins
Parra-Aranguren

Judge ad hoc Rigaux

Registrar Valencia-Ospina - 3 -

Présents M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
MM. Oda

Guillaume
Shahabuddeen
Weeramantry
Ranjeva

Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma

Vereshchetin
Ferrari Bravo
Mme Higgins,
M. Parra-Aranguren, juges

M. Rigaux, juge ad hoc

M. Valencia-Ospina, Greffier - 4 -

The Government of the Islamic Republic of Iran is represented by:

Mr. M. H. Zahedin-Labbaf, Agent of the Islamic Republic of Iran to the

Iran-U.S. Claims Tribunal,

as Agent;

Mr. S. M. Zeinoddin, Head of Legal Affairs, National Iranian Oil Company,

Mr. James R. Crawford, Whewell Professer of International Law, University of
Cambridge, Member of the International Law Commission,

Mr. Luigi Condorelli, Professer of International Law, University of Geneva,

Mr. Rodman R. Bundy, Avocat à la Cour de Paris, Member of the New York Bar,
Frere Cholmeley, Paris,

as Counse1 and Advocates;

Mr. Derek W. Bowett, C.E.E., Q.C., F.B.A., Whewell Professer of

International Law, Emeritus, University of Cambridge,

Dr. N. Mansourian, Legal Advisor, Bureau of International Legal Services of

the Islamic Republic of Iran,

Dr. M. A. Movahed, Senior Legal Advisor, National Iranian Oil Company,

Dr. H. Omid, Legal Advisor, National Iranian Oil Company,

Dr. A. A. Mahrokhzad, Legal Advisor, National Iranian Oil Company,

Mr. David S. Sellers, Solicitor, Frere Cholmeley, Paris,

Ms Loretta Malintoppi, Avocat à la Cour, Frere Cholmeley, Paris

as Counse1.

T.he Government of the United States of America is represented by:

Mr. Michael J. Matheson, Acting Legal Adviser, U.S. Department of State,

as Agent;

Dr. John H. McNeill, Senior Deputy General Counsel, U.S. Department of
Defense,

Professer Andreas F. Lowenfeld, Rubin Professer of International Law, New

York University School of Law, - 5 -

Le Gouvernement de la République islamique d •Iran. est représenté par :

M. M. H. Zahedin-Labbaf, agent de la République islamique d'Iran auprès du

Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran,

comme agent;

M. S. M. Zeinoddin, chef du service juridique, National Iranian Oil Company,

M. James R. Crawford, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Whewell à l'Université de Cambridge,

M. Luigi Condorelli, professeur de droit international à l'Université de
Genève,

M. Rodman R. Bundy, avocat à la Cour, Paris, membre du barreau de New York,
cabinet Frere Cholmeley, Paris,

comme conseils et avocats;

M. Derek W. Bowett, C.B.E., Q.C., F.B.A., professeur émérite de droit

international, ancien titulaire de la chaire Whewell à l'Université de
Cambridge,

M. N. Mansourian, conseiller juridique, bureau du service juridique
international de la République islamique d'Iran,

M. M. A. Movahed, conseiller juridique principal, National Iranian Oil
Company,

M. H. Omid, conseiller juridique, National Iranian Oil Company,

M. A. A. Mahrokhzad, conseiller juridique, National Iranian Oil Company,

M. David s. Sellers, solicitor, cabinet Frere Cholmeley, Paris,

Mme Loretta Malintoppi, avocat à la Cour, cabinet Frere Cholmeley, Paris,

comme conseils.

Le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique est représenté par :

M. Michael J. Matheson, conseiller juridique en exercice du département

d'Etat des Etats-Unis,

comme agent;

M. John H. McNeill, conseiller juridique principal adjoint du département de
la défense des Etats-Unis,

M. Andreas F. Lowenfeld, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Rubin à la faculté de droit de l'Université de New York, - 6 -

Mr. John R. Crook, Assistant Legal Adviser for United Nations Affairs,
u.s. Department of State,

Dr. Sean Murphy, Counselor for Legal Affairs, United States Embassy, The
Hague,

Mr. Jack Chorowsky, Special Assistant to the Legal Adviser, United States
Department of State

Commander Ronald D. Neubauer, JAGC, United States Navy,

as Counsel and Advocates;

Mr. Allen Weiner, Attache (Office of the Legal Counselor), United States

Embassy, The Hague

as Counsel. - 7 -

M. John R. Crook, conseiller juridique adjoint pour les questions concernant
l'Organisation des Nations Unies au département d'Etat des Etats-Unis,

M. Sean Murphy, conseiller pour les affaires juridiques à l'ambassade des
Etats-Unis aux Pays-Bas,

M. Jack Chorowsky, assistant spécial du conseiller juridique du département
d'Etat des Etats-Unis,

Le capitaine de frégate Ronald D. Neubauer, Judge Advocate General's Corps,
de la Marine des Etats-Unis,

comme conseils et avocats;

M. Allen Weiner, bureau du conseiller juridique, attaché à l'ambassade des
Etats-Unis aux Pays-Bas,

comme conseils. - 8 -

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La Cour reprend ce matin ses

audiences publiques en l'affaire des Plates-formes pétrolières (République

islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique) (exception préliminaire) et je

prie le professeur Luigi Condorelli de poursuivre et d'achever son exposé

entamé hier. Je lui donne donc la parole.

M. CONDORELLI

S. Conclusion

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, dans ma

plaidoirie d'hier j'ai eu l'honneur de vous présenter le traité d'amitié de

1955 dans son ensemble. J'ai constaté d'abord qu'il n'est pas contesté

qu'il est en vigueur et que l'Iran a, en conséquence, le plein droit de s'en

prévaloir. J'ai montré ensuite que, contrairement à ce que prétend l'autre

Partie, le traité couvre un domaine bien plus large que celui des relations

à caractère exclusivement commercial et consulaire. Enfin, j'ai discuté des

principes à utiliser pour l'interprétation du traité en question. A ce

sujet, j'ai spécialement insisté sur deux principes :celui de l'«effet

utile» et celui d'après lequel les dispositions de tout traité doivent être

interprétées à la lumière du contexte. Contexte dont fait partie intégrante

«toute règle pertinente du droit international applicable entre les parties»

(pour utiliser le langage de la convention de Vienne), y compris, bien

entendu, le droit international général et la Charte des Nations Unies.

Avec votre permission, dans ma plaidoirie de ce matin je vais

m'attacher à démontrer que la demande de l'Iran se fonde rigoureusement sur

trois dispositions bien déterminées du traité d'amitié de 1955 et que la

Cour peut régler le différend qui lui est soumis sur la base de ce traité

exclusivement. Contrairement à ce que la Partie adverse veut vous faire - 9 -

croire, l'Iran ne demande pas à la Cour de dire et de juger que les attaques

américaines aux plates-formes pétrolières iraniennes constituent des

violations du droit international général et de la Charte. L'Iran est

pleinement conscient du fait que la Cour tire sa compétence ici du seul

article XXI, paragraphe 2, du traité d'amitié de 1955 et que, par

conséquent, elle ne peut aller au-delà de l'interprétation et de

l'application de ce traité. L'Iran s'est donc bien gardé de soumettre à la

Cour la totalité du contentieux qui l'oppose aux Etats-Unis au sujet de leur

conduite au cours du conflit Iran-Iraq : l'Iran demande respectueusement à

la Cour de juger uniquement si, oui ou non, certains comportements précis

tenus par les Etats-Unis en 1987 et 1988, aboutissant à la destruction de

plates-formes pétrolières iraniennes, sont à qualifier de faits

internationalement illicites des Etats-Unis envers l'Iran au regard du

traité d'amitié de 1955; et demande également à la Cour de tirer de la

qualification qu'elle retiendra toutes les conséquences juridiques

appropriées.

Certes, les plaideurs de la Partie adverse font valoir que les deux

épisodes auxquels se réfère la requête iranienne seraient des éléments

inséparables de la chaîne d'événements qui se sont déroulés dans le cadre de

ce qu'ils qualifient de «major international conflict», et ne sauraient donc

pas faire l'objet d'un examen judiciaire séparé. Je me limiterai à leur

rappeler à ce sujet que votre Cour n'a jamais donné suite à de telles

prétentions d'«inséparabilité». L'Iran en sait quelque chose! Lorsqu'il a

essayé de faire valoir une thèse remarquablement semblable à celle présentée

aujourd'hui par les Etats-Unis, votre Cour n'a pas eu besoin de beaucoup de

mots pour lui donner nettement tort. Je veux faire allusion à la prétention

de l'Iran, dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des - 10 -

Etats-Unis à Téhéran, suivant laquelle la question soumise à la Cour à

l'époque par les Etats-Unis n'était qu'«un élément marginal et secondaire

d'un problème d'ensemble, dont elle ne saurait être étudiée séparément»

(c'est ainsi que s'exprimait la lettre du 9 décembre 1979 du Gouvernement

iranien d'alors, que votre Cour cite au paragraphe 35 de l'arrêt de 1980 sur

l'affaire en question). Cette prétention a été réfutée catégoriquement par

votre Haute Juridiction, au motif qu'«aucune disposition du Statut ou du

Règlement ne lui interdit de se saisir d'un aspect d'un différend pour la

simple raison que ce différend comporterait d'autres aspects, si importants

soient-ils» (C.I.J. Recueil ~980, p. 20, par. 36). Et la Cour d'ajouter un

peu plus loin (par. 37)

«les différends juridiques entre Etats souverains ont, par leur
nature même, toute chance de surgir dans des contextes politiques

et ne représentent souvent qu'un élément d'un différend politique
plus vaste ... Nul n'a cependant jamais prétendu que, parce qu'un
différend juridique soumis à la Cour ne constitue qu'un aspect
d'un différend politique, la Cour doit se refuser à résoudre dans
l'intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent.»

Ceci étant mis au clair, j'annonce que j'aurai par la suite l'occasion

de me référer à plusieurs reprises au droit international général et à la

Charte. Tant l'un que l'autre seront utilisés, cependant, dans le seul but

bien délimité- que j'ai déjà indiqué d'interpréter les dispositions

pertinentes du traité d'amitié de 1955, et non pas en tant que paramètres

autonomes pour évaluer la légalité ou l'illégalité des agissements de la

Partie adverse qui sont sub judice. L'objection préliminaire des Etats-Unis

faisant valoir l'incompétence de votre Cour à prendre en considération le

droit international général et la Charte des Nations Unies dans la présente

affaire est donc captieuse, déplacée et dépourvue de toute pertinence.

L'Iran prie respectueusement votre Cour de bien vouloir la rejeter. - 11 -

DEUXIÈME PARTIE

1. Prémisse : la causa petendi de la requête iranienne est la violation par
les Etats-Unis d'obligations internationales découlant de trois
dispositions précises du traité d'amitié de 1955, non pas la violation

de l'objet et du but du traité dans son ensemble

Il est temps maintenant de passer à l'examen des dispositions du traité

d'amitié de 1955 sur lesquelles l'Iran fonde sa demande. Au stade présent

de la procédure, l'Iran n'aura pas à fournir la démonstration que les

Etats-Unis ont violé leurs obligations découlant du traité : ceci relève du

fond du différend et doit être remis à une phase ultérieure. Je me bornerai

donc à mettre en évidence que la requête iranienne soulève un différend se

rapportant réellement à l'interprétation et à l'application du traité

d'amitié de 1955, c'est-à-dire un différend qui présente une connexion

réelle avec le traité et peut être réglé sur sa base.

Une précision doit pourtant être apportée in limine. L'Iran n'a jamais

présenté sa demande comme visant à faire valoir que les Etats-Unis auraient

violé essentiellement l'obligation de s'abstenir d'actes vidant le traité

d'amitié de sa substance parce que contraires à son objet et à son but.

L'Iran n'a pas soutenu, en somme, que la Partie adverse aurait enfreint la

règle pacta sunt servanda indépendamment de la violation de dispositions

spécifiques du traité d'amitié, comme l'avait fait par contre le Nicaragua

dans l'affaire décidée par votre Cour le 27 juin 1986.

Or, les Etats-Unis font semblant de ne pas voir la différence et mènent

des efforts extraordinaires - dont témoigne tout spécialement la plaidoirie

de mercredi dernier de M. Murphy - pour donner à croire que la requête de

l'Iran serait semblable à celle du Nicaragua 28 à cet égard : le Nicaragua, en

effet, dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au

2Voir en ce sens, par exemple, USPO, p. 37, par. 3.~~; p. 4~, par. 3.~9; p. 44, par. 3.24. - 12 -

Nicaragua et contre celui-ci, avait effectivement demandé à votre Cour de

juger ~e, par leur conduite manifestement inamicale envers le Nicaragua,

les Etats-Unis avaient vidé le traité d'amitié entre les deux pays de son

objet et de son but, et ce, indépendamment de la violation de telle ou telle

de ses dispositions.

Monsieur le Président, permettez-moi de faire observer à votre Cour

combien l'amalgame entre ces deux situations est abusif. L'objectif

poursuivi par la Partie adverse est transparent : les Etats-Unis voudraient

essayer de profiter à tout prix du principe affirmé par votre Cour en 1986,

d'après lequel la clause compromissoire d'un traité d'amitié n'est pas

suffisante à elle seule pour fonder la compétence du juge à examiner un

grief relatif à la violation de la norme de droit international général

pacta sunt servanda, alors qu'elle fonde assurément sa compétence en ce qui

concerne les griefs relatifs aux violations des dispositions du traité 29•

Madame et Messieurs les Juges, l'Iran n'éprouve aucune sorte de

difficulté à s'incliner devant l'enseignement de votre Cour. En effet, dans

la présente affaire l'Iran n'allègue nullement la violation par les Etats-

Unis de l'objet et du but du traité en faisant abstraction de ses

dispositions : au contraire, l'Iran fait valoir que trois dispositions

précises du traité ont été spécifiquement et directement enfreintes par la

Partie adverse. On ne peut donc pas mettre sérieusement en doute la

pertinence de la clause compromissoire du traité, celle-ci s'appliquant à

tout différend portant sur l'interprétation et l'application du traité, y

compris - cela va de soi - les trois dispositions qu'invoque l'Iran.

"Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, C.I.J. Recueil 1986, par.
270 et suiv. - 13 -

Avec votre permission, je vais maintenant examiner ces trois

dispositions de façon approfondie, l'une après l'autre.

2. L'article I du traité de 1955

L'Iran a demandé à votre Cour de dire et de juger que les comportements

incriminés des Etats-Unis constituent incontestablement des violations de

l'article premier du traité. Cet article est formulé ainsi :

«There shall be firm and enduring peace and sincere friendship

between the United States of America and Iran.»

Madame et Messieurs de la Cour, personne ne saurait honnêtement

s'étonner qu'il y ait d'importantes et légitimes divergences quant à la

portée exacte d'une disposition libellée d'une telle façon. Un point

cependant me semble indiscutable : il est manifeste - d'après le sens

ordinaire des termes figurant dans son libellé (pour reprendre le langage de

la convention de Vienne sur le droit des traités) - gue l'article I du

traité de 1955 prescrit bien des obligations aux parties contractantes

c'est bien ce qu'exprime on ne peut plus clairement la formule «there shall

be», traditionnellement utilisée dans la technique législative du droit

international (voire de tous les systèmes de droit) pour établir un devoir.

«There shall be.» C'est un libellé qui n'a rien à voir avec ce gue M. Crook

a qualifié devant vous de «vague expressions of hopes for the future» ou de

«language of aspirations» Je remarque au passage gue le traité de 1955

lui-même utilise à nouveau cette expression dans un autre article, l'article

X, où il est écrit : «there shall be freedom of commerce and navigation»

Les Etats-Unis ne voudront pas soutenir que cette autre disposition n'impose

aucune obligation aux Parties !

En somme, il peut y avoir incertitude quant à la question de savoir ce

qu'il faut entendre exactement par les expressions «paix stable et durable» - 14 -

ou «amitié sincère»; mais on ne saurait mettre en doute que d'après

l'article Iles comportements non pacifiques et à caractère inamical sont

bel et bien interdits. Or, celui de détruire des installations industrielles

vitales pour l'économie d'un pays, en provoquant mort d'hommes ainsi que

d'énormes dommages, est un comportement qui, de par son exceptionnelle

gravité même, va assurément à l'encontre de l'obligation pesant sur les deux

Etats, et consacrée à l'article I, d'entretenir des relations sincèrement

amicales et durablement pacifiques. Monsieur le Président, Madame et

Messieurs les Juges, cela saute littéralement aux yeux, mêmesi l'on accepte

la notion la plus étroite qui soit des relations pacifiques et amicales

Comme il saute aux yeux que la question soulevée par l'Iran porte sans

l'ombre d'un doute sur l'interprétation et l'application de l'article I,

ainsi que d'autres dispositions du traité.

Dans ses objections préliminaires, la Partie adverse s'est pourtant

lancée dans toute une série d'observations étonnantes, prétendant démontrer

que l'article premier ne doit pas être interprété comme le pense l'Iran :

pour les Etats-Unis l'article premier serait une sorte de clause de style,

une formule vide, dépourvue de toute portée juridique, de laquelle ne

découlerait aucune sorte d'obligation pour les Parties qui s'ajouterait à

celles établies par les autres dispositions du traité. La Partie adverse

d'ailleurs l'écrit noir sur blanc : "the introduction of ... Article I was

not understood to reflect any change, in the legal obligations of the

parties " 3; et ses plaideurs l'ont répété ad nauseam au début de la semaine.

••usPo, p. 45, par. 3.26. - 15 -

Monsieur le Président, l'Iran a déjà répondu par écrit à cette thèse3l,

montrant pourquoi elle ne tient pas debout : je résumerai rapidement le

point de vue iranien tout à l'heure. Non sans avoir observé au préalable,

cependant, qu'en réalité il ne serait pas du tout nécessaire de revenir sur

ces points au stade présent de la procédure. De toute évidence, il n'en

faut pas davantage à votre Cour pour constater qu'il y a indiscutablement -

pour utiliser le langage de la clause compromissoire - une «dispute between

the High Contracting Parties as to the interpretation or application of the

present Treaty». En effet, l'une des Parties, l'Iran, soutient que

l'article premier impose de véritables obligations, parfaitement

justiciables; l'autre, les Etats-Unis, le nie. Au vu des allégations

opposées des Parties concernant la signification de l'article I, je ne vois

franchement pas ce que votre Cour pourrait faire d'autre, pour s'acquitter

de la tâche qui lui est confiée par le traité, sinon reconnaître sa

compétence à trancher au fond le présent différend : comment pourrait-elle,

sinon, dire qui - de l'Iran ou des Etats-Unis - interprète correctement

l'article I?

Malgré le caractère, à mon sens, décisif de cette remarque, il est sans

doute opportun de mettre en exergue combien la lecture de l'article I

proposée par la Partie adverse apparaît déjà, à première vue, aberrante.

J'insiste sur ce point : les Etats-Unis n'hésitent pas à soutenir

explicitement gue la présence ou l'absence dans le corps d'un traité

d'amitié d'une telle clause n'ajouterait ou n'enlèverait rien du tout au

fardeau des obligations découlant du traité 32• En somme, les Etats-Unis

''Observations de l'Iran, p. 37 et suiv.

3Exception préliminaire des Etats-Unis, p. 43, par. 3.22. - 16 -

refusent mordicus d'accepter le point de vue de l'Iran concernant la

signification juridique de l'article I, mais ne lui accordent à la place

aucune autre espèce de signification. M. Crook, mardi dernier, a indiqué en

de termes fort ambigus qu'à son sens l'article I aurait tout de mêmeun rôle

: «it sets goals which should illuminate the construction and the

application of other detailed provisions», a-t-il dit (CR 96/13, p. 17).

Mais pour cela, le préambule, avec sa référence aux «friendly relations»,

aurait largement suffi ! En somme, pour la Partie adverse l'insertion de

l'article I dans le corps du traité (et non pas seulement dans le préambule)

n'ajouterait rien, n'aurait pas la moindre finalité : tout irait exactement,

aux yeux de nos honorables contradicteurs, comme si l'article I n'existait

pas

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les juges, les Etats-Unis

offrent ainsi ce qu'on pourrait définir comme un magnifique exemple d'école

de l'interprétation d'un traité que condamne in radiee le principe de

33
l'«effet utile» : ce principe que votre Cour - comme je l'ai relevé hier

a qualifié apertis verbis de «fondamental», en notant qu'il est «constamment

admis par la jurisprudence internationale». Exemple d'école, ai-je dit.

C'est que la thèse des Etats-Unis ne se limite pas à proposer de vider de

sens seulement certains éléments d'une disposition conventionnelle : dans

notre cas, c'est la disposition toute entière, dans la totalité de ses

éléments, qui serait bel et bien biffée, qui se retrouverait radicalement

dépourvue de toute espèce de portée juridique. Madame et Messieurs les

Juges, je suis convaincu que votre Cour refusera de donner son aval à une

telle conception, qui se heurte de front à votre jurisprudence constante.

''Supra, notes 18 et 21 (et texte y relatif} . - 17 -

Mais il n'y a pas que l'argument tiré du principe de l'effet utile

tous les autres canons classiques d'interprétation des traités

internationaux amènent au même résultat, soulignant le caractère

inacceptable de la thèse avancée par les Etats-Unis à ce sujet.

Je n'insisterai pas davantage sur l'interprétation littérale de

l'article I et sur le sens ordinaire des termes employés : ce sont là des

évidences que j'ai déjà évoquées abondamment. Il me semble utile, en

revanche, de revenir sur le thème de l'interprétation contextuelle et

téléologique. Ceci, d'une part pour rappeler le parallélisme suggestif

entre les articles I et X, quant à l'emploi de l'expression «there shall

be» : il serait, me semble-t-il, parfaitement illogique de penser que la

même formule a une signification contraignante dans le cas de l'article X,

mais pas contraignante dans celui de l'article I. D'autre part, j'aimerais

me permettre d'attirer encore une fois l'attention de la Cour sur le

préambule du traité de 1955, gui constitue en même temps un élément du

«contexte» et un moyen privilégié d'identification de l'objet et du but du

traité.

J'ai déjà signalé que le préambule- à l'instar de la plupart des

traités d'amitié- met en évidence l'un des buts poursuivis par les parties

: celui d'«emphasize», de développer, de renforcer, les relations amicales.

Or, il est apparent que dans notre cas, les parties ne se sont pas bornées à

laisser que cette intention figure uniquement dans une sorte d'exposé des

motifs élucidant pourquoi elles avaient décidé de passer un tel traité. Les

parties ont exceptionnellement voulu faire davantage : elles ont voulu faire

en sorte que cette intention soit clairement traduite en obligations

véritables, ceci en décidant d'inclure dans le texte même du traité une

disposition à caractère normatif ayant un libellé approprié. L'étude - 18 -

systématique des traités d'amitié conclus par les Etats-Unis depuis la

seconde-guerre mondiale montre tout à fait clairement que ce genre de choix

a été fait à bon escient, dans un tout petit nombre de cas. En effet,

d'après les recherches menées par l'Iran 34, sur un total de plus de deux

douzaines de traités bilatéraux d'amitié, trois autres seulement comportent

une disposition formulée, à quelques menus détails près, comme l'article I

du traité qui nous intéresse ici : il s'agit des traités avec la Chine du 4

novembre 1946 35, avec l'Ethiopie du 7 septembre 1951 36, et avec Muscat et

Oman du 20 décembre 1958 37• De son côté d'ailleurs, la Partie adverse

admet que les données dont je viens de parler sont exactes.

Madame et Messieurs de la Cour, entre quelques belles paroles qu'on

laisserait figurer seulement dans un préambule et une disposition rédigée en

termes contraignants et introduite dans le texte d'un traité, il y a - me

semble-t-il -bien plus qu'une «slight difference in the language» 38, comme

les Etats-Unis ont l'audace de le prétendre ! Une légère différence de

langage ? Mais il y a rien de moins qu'un écart fondamental, du point de

vue juridique ! Un écart gui a été voulu, dans un but précis.

L'article I, en somme, est tout sauf une clause de style qu'on

laisserait trainer dans les traités d'amitié pour des raisons de bienséance,

d'étiquette, d'hommage à la tradition. Au contraire, l'article I est là

pour indiquer que le traité d'amitié qui le contient noue entre les parties

un lien privilégié; il sert à cimenter leurs relations spéciales, en les

34Mémoire de l'Iran, p. 77 et suiv.

35 Ibid., pièce 99.

36
Ibid., pièce ~00.

37Ibid., pièce ~0~.

3' USPO, p.42, par.3.2~. - 19 -

rendant particulièrement étroites et amicales; il vise à assurer et

stabiliser un climat permanent de confiance entre elles, propice au

développement ultérieur de leur coopération. En somme, l'article I a bien

un «effet utile», puisqu'il engendre auprès de chaque partie des

expectatives juridiques quant à l'attitude amicale et pacifique attendue de

l'autre partie à l'avenir.

Comme on l'a vu, les écritures de la Partie adverse confirment en

substance cette analyse, même si elles prétendent le contraire : j'ai déjà

relevé 39 que les Etats-Unis ont reconnu ouvertement, au sujet d'un des

traités contenant la formule qui nous intéresse ici (celui avec la Chine) ,

que cette formule sert à indiquer le caractère particulièrement étroit des

relations entre les deux pays et à l'accentuer 40• Concernant le traité

d'amitié Iran-Etats-Unis, l'étude des circonstances prévalant au moment de

sa conclusion permet de saisir parfaitement les raisons spécifiques ayant

amené les parties à resserrer vigoureusement leurs liens d'amitié politique

et à en assurer la permanence : je renvoie à l'analyse qu'a présentée hier à

la Cour mon collègue, Maître Bundy. Autrement dit, les «moyens

complémentaires d'interprétation» viennent remarquablement confirmer- au

niveau de l'interprétation «historique»- les résultats obtenus par

l'interprétation textuelle, contextuelle et téléologique, comme le préconise

l'article 32 de la convention de Vienne sur le droit des traités.

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, les observations

que je viens d'énoncer mettent donc au clair que l'article I n'est pas du

tout un semblant de règle juridique, une coquille vide : c'est une norme

39 Supra, note 12 et texte y relatif.

'0 Voir observations de l'Iran, p.38, par.3.09; et 39 et suiv., par.3.13-3.16. - 20 -

véritable, établissant pour ses destinataires des droits et des obligations.

Ces droits et obligations, cependant, ne sont pas analytiquement spécifiés

par le traité, qui se limite à prescrire en termes généraux le devoir pour

les parties de se conduire, dans leurs relations réciproques, de façon

pacifique et sincèrement amicale. Pour identifier concrètement quels sont

les comportements requis ou interdits, il faut bien entendu interpréter

l'article I en utilisant les méthodes pertinentes. C'est ce que votre Cour

devra faire, lorsqu'elle en viendra, souhaitablement, à l'examen au fond du

présent différend.

Il ne convient évidemment pas d'anticiper sur cet examen, au stade

actuel de la procédure. Mais sous réserve de développements futurs, je

voudrais me limiter maintenant, avec votre permission, à rappeler en

quelques mots l'analyse que l'Iran a longuement développée dans ses

plaidoiries écrites.

On est ici, à notre avis, exactement dans la situation relevée par le

Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran dans la sentence AMOCO

International Finance, que j'ai déjà citée à plusieurs reprises 41 • Je

rappelle que ce Tribunal avait brillamment mis en exergue la nécessité

d'utiliser le droit international général et coutumier "in arder to fill in

the possible lacunae of the Treaty ... " ainsi que "to ascertain the meaning

of undefined terms in its text". C'est bien notre cas ici. Ce dernier est

justement notre cas, la signification des termes «amitié sincère» et «paix

stable et durable» n'étant pas définie par le traité lui-même : il s'ensuit

qu'il faut déterminer cette signification en se référant au droit

international général, y compris la Charte des Nations Unies.

41
Supra, note ll. - 21 -

En somme, ce que l'article I impose aux Parties est de se conduire au

minimum, chacune à l'égard de l'autre, conformément aux principes et règles

de droit international général en matière de relations pacifiques et

amicales. Il s'agit là, contrairement à ce que veut faire croire la Partie

adverse, de "standards" de comportement précis, que tous les Etats

connaissent bien, puisqu'ils sont déjà obligatoires pour eux indépendamment

de tout traité, mais que le traité d'amitié de 1955 incorpore par référence.

Dans ses écritures, l'Iran a évoqué les obligations principales pesant sur

les Etats dans ce domaine d'après le droit international général :

obligations qui se retrouvent justement incorporées dans le traité de 1955

grâce au renvoi résultant de son article I42 • Autrement dit, toute

violation par une partie aux dépens de l'autre des règles de droit

international en matière de menace et d'emploi de la force, ainsi qu'en

matière de relations amicales entre les Etats, est à considérer en même

temps comme une violation du traité d'amitié.

Il convient que je rappelle ici que ce phénomène d'incorporation du

droit international dans un traité n'a pas seulement été reconnu par le

Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran en des termes théoriques : dans sa

décision de 1987 dans l'affaire AMOCO International Finance, le Tribunal a

constaté très concrètement que l'article IV du traité n'indique pas

précisément toutes les conditions permettant à une partie d'exproprier les

biens de ressortissants de l'autre partie. Et le Tribunal, après avoir noté

l'accord tant de l'Iran que du demandeur quant à la méthode a suivre,

déclare qu'il, "agrees that the lawfulness of the expropriation must be

decided by reference to international law" et applique les règles

42 Mémoire de 1 'Iran, p. 78 et sui v. - 22 -

pertinentes en les considérant comme incorporées dans le traité de 1955 43 •

Il est évident que la mêmeméthode s'impose, non seulement pour

l'article IV, mais pour l'article I ! Elle s'impose d'ailleurs pour

l'interprétation des très nombreuses autres dispositions du traité qui font

renvoi au droit international général, soit explicitement, soit

implicitement : le mémoire iranien du 8 juin 1993 a~dressé une liste,

longue et pourtant non exhaustive, de ces dispositions.

Dans leur objection préliminaire, les Etats-Unis font semblant de ne

pas réussir à comprendre le sens et l'utilité de ce phénomène

d'incorporation du droit international général dans le traité. A quoi

aurait-il bien pu servir se demandent-ils- d'introduire dans le traité

des principes et règles de droit qui sont déjà applicables proprio vigore

dans les relations entre les parties ? Ne s'agit-il pas d'une duplication

parfaitement superflue? Laissons parler la Partie adverse avec ses propres

mots : "There was no conceivable need for such a substitute in a commercial

treaty since these general rules already were applicable to the two

1145
parties.

La réponse à cette question est bien simple à la lumière de la

jurisprudence de votre Cour : une jurisprudence que le mémoire iranien avait

d'ailleurs évoquée et largement cornmentée 46, alors que les écritures de la

Partie adverse la passent complètement sous silence. Dans son arrêt du

43 Op. cie., par. 112 et suiv.

44 Op. cit., p. 73 et sui v.

45 USPO, p. 46, par. 3.28.

•• Mémoire de l'Iran, p. 72 et suiv. (spécialement, par. 3.18, p. 75); Observations de l'Iran,
p. 44 et suiv. - 23 -

27 juin 1986 47, la Cour a relevé qu'il existe nombre de traités

intern~tionaux obligeant les parties au respect des règles de droit

international qui sont déjà obligatoires pour elles indépendamment du

traité. Et la Cour de souligner que l'une des raisons pouvant amener à

conclure un traité contenant de telles clauses, et l'un des effets de ces

clauses, peut fort bien être que le mécanisme prévu pour régler les

différends naissant du traité est ainsi mis au service des normes de droit

international coutumier que le traité incorpore par le biais du renvoi

établi par ses clauses.

C'est bien ce qui se passe dans notre cas, grâce à l'article I. En

effet, les différends entre Iran et Etats-Unis relatifs à l'interprétation

et à l'application des règles de droit international général, auxquelles

l'article Ise réfère (à savoir, celles en matière d'emploi de la force et

de relations amicales), en soi échapperaient à la compétence de votre Cour.

Mais c'est justement grâce à l'incorporation de ces règles dans l'article I

que la Cour peut être saisie de ces différends, en vertu de la clause

compromissoire prévue à l'article XXI, pararagraphe 2, du traité d'amitié.

Les plaideurs de la Partie adverse s'élèvent contre une telle

conception. D'après eux, celle-ci impliquerait que la totalité des

relations internationales entre l'Iran et les Etats-Unis deviendrait du même

coup justiciable devant votre Cour, grâce à la clause compromissoire du

traité d'amitié. Mais c'est là, à vrai dire, une caricature de la thèse

présentée par l'Iran : seuls les comportements des deux Etats susceptibles

d'être jugés sur la base des règles de droit international en vigueur en

matière de relations amicales et de menace et emploi de la force tombent

47 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et: contre celui-ci, arrêt du 27 juin ~986,

par. 178. - 24 -

sous le coup de l'article I, et déclenchent par conséquent, grâce au jeu de

la clause compromissoire la compétence de la Cour.

Bien entendu, Monsieur le Président, l'Iran se réserve le droit de

revenir dans une phase ultérieure sur l'identification fine du contenu des

principes et règles de droit international que l'article I incorpore de

cette façon dans le traité. Pour le moment et à ce stade de la procédure,

il lui semble suffisant de se cantonner à ces remarques générales, et ce

pour une double raison.

La première, la voici : il est question ici d'attaques armées portées

par les Etats-Unis contre des plates-formes pétrolières de l'Iran,

c'est-à-dire contre un Etat qui, ne l'oublions pas, était à ce moment-là la

victime d'une agression en cours, luttant de toutes ses forces pour la

libération de son territoire. Ces comportements sont si manifestement

inamicaux et non pacifiques, donc si clairement en conflit avec les

obligations prévues à l'article I, qu'il ne vaut certainement pas la peine

pour l'heure de se lancer dans un relevé détaillé de celles-ci.

La seconde raison est que, de toute façon, ce qui a été indiqué

jusqu'ici suffit largement- me semble-t-il -pour démontrer que votre Cour

a bien devant elle un différend relatif à l'interprétation et à

l'application du traité d'amitié : un différend qu'elle est donc pleinement

compétente à régler sur la base de la clause compromissoire.

Monsieur le Président, avant de quitter ce thème de l'article I, il

faut que je dise deux mots au sujet de la pratique internationale, sur

laquelle divers plaideurs de l'autre côté de la barre se sont exprimés

(CR 96/12, p. 53 et suiv.; CR 96/13, p. 18 et suiv.). On nous a indiqué

qu'il existe de nombreux autres traités bilatéraux d'amitié contenant des

clauses semblables à celle de notre article I, et a on fait valoir que de - 25 -

telles clauses n'ont jamais été invoquées devant la justice internationale

jusqu'ici : signe -nous dit-on- qu'elles n'ont pas été vues par les Etats

comme ayant une portée juridique véritable.

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, il s'agit là

d'une analyse quelque peu hâtive, je le dis avec tout le respect. Il est

vrai par exemple, comme l'a observé mon éminent collègue, le professeur

Lowenfeld, que de nombreux traités bilatéraux conclus par l'Iran au cours de

ce siècle, voire avant, contiennent un article I dont le libellé s'approche

plus ou moins de celui de l'article I du traité de 1955 (CR 96/12, p. 53).

Mais le professeur Lowenfeld a oublié de remarquer qu'aucun de ces traités

(sauf celui justement avec les Etats-Unis) ne comporte une clause

compromissoire permettant la saisine unilatérale de votre Cour : certains

réservent la possibilité d'un accord spécial de compromis, d'autres

comportent des clauses d'arbitrage ad hoc, alors que la grande majorité ne

prévoient aucun moyen de règlement des différends par tierce partie. Toutes

ces données peuvent être tirées du Recueil officiel des traités bilatéraux

en vigueur de l'Iran.

Mais il y a une autre observation, encore plus importante, à faire :

l'écrasante majorité des dispositions des innombrables traités bilatéraux

d'amitié, que ceux-ci contiennent ou non une clause compromissoire, n'ont

jamais été invoquées devant aucun juge international. En soi, donc, le fait

qu'une quelconque disposition d'un quelconque traité d'amitié n'ait jamais

été invoquée dans aucune procédure judiciaire ou arbitrale internationale ne

saurait justifier aucune sorte de conclusion quant au caractère obligatoire

ou non d'une telle disposition, qu'elle porte sur l'amitié ou sur n'importe

quel autre sujet. - 26 -

3. L'artic1e IV, paragraphe 1, du traité de 1955

L'Iran invoque une deuxième règle de ce traité comme base autonome de

sa demande : il prie la Cour de dire et de juger que les Etats-Unis, par

leurs attaques aux plates-formes iraniennes, ont violé l'article IV,

paragraphe 1, du traité. La partie relevante de cet article est celle qui

astreint les Hautes Parties contractantes à accorder aux ressortissants et

aux sociétés de l'autre partie "fair and equitable treatement", en

s'abstenant de leur appliquer "unreasonable or discriminatory measures that

would impair their legally acquired rights and interests".

L'Iran est fermement convaincu que les comportements allégués des

Etats-Unis constituent des violations flagrantes de ces obligations, du fait

même d'avoir porté gravement atteinte aux droits et intérêts d'une société

iranienne (NIOC), légalement acquis par celle-ci, en lui faisant subir un

traitement injuste et inéquitable : il s'est agi en effet de mesures

radicalement arbitraires, que ni l'article XX du traité, ni le droit

international général (y compris la Charte des Nations Unies) , ne justifient

d'aucune façon.

Les Etats-Unis contestent bien évidemment ce point de vue. L'argument

principal avancé par eux dans ce but est que l'article IV, paragraphe 1,

comme d'autres dispositions du traité, "was intended to address the action

of one party within its territory against the nationals of the other

party" 4; 1 'article IV, paragraphe 1, ne serait donc pas pertinent dans

notre cas, puisqu'il s'agit ici d'actions menées par les Etats-Unis en

dehors de leur propre territoire. D'après les Etats-Unis, cette

interprétation devrait être retenue par votre Cour, même si l'article IV,

48 USPO, p. 48-49. - 27 -

paragraphe l, comme vous pouvez le constater, ne délimite nullement la

sphère territoriale d'application des obligation qu'il impose. En effet,

dans l'article IV, paragraphe l-à la différence de nombreuses autres

dispositions du traité - ne figure pas le membre de phrase «Within the

territory of the High Contracting Party». Mais qu'à cela ne tienne, allègue

la Partie adverse : ce silence n'aurait aucune espèce d'importance,

l'ancrage territorial des obligations prévues par le traité devant être

considéré comme prescrit de façon implicite.

Monsieur le Président, j'ai essayé de résumer la thèse des Etats-Unis

le plus simplement et le plus impartialement que j'ai pu, sans ajouter pour

l'heure le moindre commentaire. Je l'ai fait parce que, à mon sens, ce

résumé suffit pour mettre en évidence qu'il y a très clairement entre les

Parties un différend "as to the interpretation ... of the present Treaty",

pour reprendre le langage de la clause compromissoire. La Cour est

confrontée, en effet, à deux points de vue opposés concernant

l'interprétation du domaine d'application ratione loci de l'article IV,

paragraphe l. D'un côté, les Etats-Unis pensent que l'article IV,

paragraphe l, demande à chaque partie de traiter convenablement les

ressortissants de l'autre sur son propre territoire exclusivement. Alors

que l'Iran est convaincu, quant à lui, que l'obligation en question doit

être respectée par les parties, non seulement sur leur propre territoire,

mais également dans tout autre endroit où elles pourraient avoir l'occasion

d'exercer leurs pouvoirs sur des ressortissants de l'autre partie ou sur

leurs biens. Peut-on mettre sérieusement en doute qu'un tel différend est

couvert par la clause compromissoire ? Peut-on contester de façon crédible

la compétence pleine et entière de votre Cour à le trancher au fond dans un

sens ou dans l'autre? - 28 -

En somme, la formulation mêmede l'argument présenté par les Etats-Unis

au sujet de l'article IV, paragraphe 1, du traité montre qu'il ne constitue

pas en réalité une objection préliminaire à la juridiction de la Cour, mais

bien une contestation au fond de l'interprétation soutenue par l'Iran. On

doit dire d'ailleurs la mêmechose, exactement, de tout l'ensemble

d'arguments développés dans sa plaidoirie par M. Crook (CR 96/13, p. 23-29),

par exemple au sujet de l'interprétation des termes «unreasonable or

discriminatory measures», "fair and equitable treatment", et ainsi de

suite : pratiquement, M. Crook a analysé, scruté, disséqué chaque mot de

l'article IV, paragraphe 1. Finalement, je n'arrive pas à comprendre

comment votre Cour pourrait éventuellement donner raison à M. Crook,

autrement que dans le cadre d'un examen au fond du différend entre les

Parties au sujet de l'interprétation de l'article IV.

L'Iran pourrait se limiter à cette seule remarque, au vu du stade

actuel de la procédure. Il considère cependant utile de faire noter dès à

présent que, de toute façon, la thèse restrictive de la Partie adverse n'est

pas acceptable, parce qu'elle retranche arbitrairement la portée de la

disposition en question, telle qu'elle résulte de sa lettre même. Les

Etats-Unis, tout en clamant que l'article IV est- pour employer les mots de

M. Crook- «carefully phrased» (CR 96/13, p. 22), demandent en substance à

la Cour de le lire comme si les mots «Within their territory» y figuraient,

mais n'indiquent de manière convaincante aucun argument qui imposerait de

manipuler ainsi le texte en y rajoutant un élément additionnel. En effet,

rien ne justifie une limitation de la sphère spatiale d'application de

l'article IV, paragraphe 1, qui ne résulte pas du texte, alors que les

parties ont ressenti le besoin d'établir explicitement une telle limitation

dans toute une série d'autres dispositions du mêmetraité : une quinzaine au - 29 -

moins Au vu du contexte, il est donc correct d'invoquer ici le brocard

classique ubi lex voluit, dixit, et de considérer que la formulation de

l'article IV, paragraphe 1, n'est pas du tout le fruit d'un oubli, mais

d'une intention précise : celle de donner à cette disposition une portée

large, prescrivant à chaque partie l'attitude générale favorable à adopter

en tout temps et en tout lieu à l'égard des ressortissants et des sociétés

de l'autre partie. A savoir, non seulement sur son propre territoire, mais

également sur celui de l'autre partie ou d'un Etat tiers, ainsi que dans la

haute mer ou dans tout autre espace soustrait aux juridictions nationales.

Il est peut-être utile de songer à un exemple fictif. Imaginons qu'une

une partie contractante donne à ses banques ayant des filiales à l'étranger

l'ordre de geler et de confisquer les actifs des comptes existant auprès de

ces filiales et appartenant aux ressortissants et aux sociétés de l'autre

partie. Peut-on sérieusement exclure d'emblée qu'une telle mesure tombe dans

la sphère d'application du traité.

En conclusion, l'interprétation proposée par la Partie adverse paraît,

non seulement injustifiée à la lumière de la lettre de l'article IV, mais

aussi totalement insatisfaisante et contraire à l'esprit d'un traité

d'amitié. De plus, certains propos d'après lesquels l'article IV,

paragraphe 1, ne serait pas "free-standing" et ne pourrait pas opérer

"independently of the rest of the treaty" (CR 96/13, p. 26) soulèvent ici

aussi plus d'un doute du point de vue du principe de l'"effet utile".

La Cour voudra bien me pardonner si je ne discute pas une à une les

autres remarques détaillées présentées par M. Crook au sujet de

l'interprétation de l'article IV, paragraphe 1 :une telle discussion serait

déplacée à ce stade, alors qu'elle sera parfaitement pertinente une fois que

la Cour aura décidé de s'engager dans l'examen au fond du présent différend. - 30 -

Il me semble toutefois nécessaire d'observer au moins combien j'ai trouvé

surprelld.nte la thèse suivant laquelle le mot "measure" ne pourrait pas se

référer à toute forme d'activité gouvernementale, mais qu'il serait utilisé

exclusivement "to describe action taken in domestic, legal, administrative

or regula tory context" . Monsieur le Président, mais c'est le texte mêmedu

traité de 1955 qui contredit ouvertement ce curieux propos. Ainsi,

l'article XX, paragraphe 1 d) , parle par exemple de "measures . . . necessary

to fulfill the obligations of the High Contracting Parties for the

maintenance or restoration of international peace and security measures"

il est certain qu'on ne fait pas allusion ici à des mesures d'ordre

juridique interne! Je passe sous silence le fait que les autorités suprêmes

des Etats-Unis ont parlé de "appropriate defensive measures" dans leur

correspondance avec le Conseil de sécurité, au sujet justement de leurs

49
actions militaires qui sont sub judice aujourd'hui !

Quoi qu'il en soit de ces questions, il faut encore ajouter que les

Etats-Unis ont tort d'invoquer en leur faveur l'opinion qu'aurait

prétendument exprimée votre Cour en 1986 au sujet de la disposition

correspondante du traité d'amitié entre les Etats-Unis et le Nicaragua. La

Cour, en effet, s'était bien gardée de dire ce que les Etats-Unis lui

mettent à la bouche. On rend un très mauvais service à la vérité si l'on

soutient - comme l'ont fait les Etats-Unis 50 - que la Cour aurait

"expressément refusé" ("expressly declined") de retenir l'allégation du

Nicaragua d'après laquelle la disposition parallèle du traité d'amitié

pertinent, qui demande elle aussi d'accorder un traitement équitable aux

•• Exhibits n• 20 and 26 to the UPSO.

50 USPO, p. 48, par. 3.32. - 31 -

ressortissants de l'autre partie, avait été violée par les Etats-Unis du

fait de l'emploi de la force contre des ressortissants nicaraguayens et

leurs biens en territoire nicaraguayen.

La Cour n'a absolument rien dit de pareil Au contraire, elle a tenu

à préciser - à la lettre - qu'elle n'entendait pas exprimer la moindre

opinion à ce sujet (les mots sont, justement : "the Court ... expresses no

51
opinion ... " ). C'est qu'en 1986, lors de la décision de fond, la Cour a

constaté que les actes incriminés (qui avaient été commis par les contras)

n'étaient pas imputables aux Etats-Unis : elle n'a donc pas eu besoin de se

poser la question de savoir si ces actes violaient ou non le traité

d'amitié. Par contre, dans la présente affaire nul ne conteste que les

comportements, objet du différend, sont imputables aux Etats-Unis; par

conséquent, la Cour devra se prononcer nécessairement, lors de l'examen au

fond, sur la question de savoir s'ils constituent ou non une violation de

l'article IV, paragraphe 1.

Mais le point important n'est pas là. Le point important c'est que les

Etats-Unis font semblant d'oublier un point essentiel : dans l'arrêt du 26

novembre 1984 sur la compétence dans la mêmeaffaire, la Cour n'avait vu

aucune difficulté que ce soit à se déclarer compétente pour examiner au fond

l'allégation du Nicaragua, d'après laquelle certaines actions des Etats-Unis

en territoire nicaraguayen comportant l'emploi de la force violaient

l'obligation, prévue par le traité d'amitié pertinent dans les mêmestermes

que le traité d'amitié avec l'Iran, de traiter équitablement les

ressortissants de l'autre partie contractante. Il est donc évident que le

précédent cité par les Etats-Unis, loin de confirmer leurs allégations

51 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 27 juin ~986,
par. 139. - 32 -

concernant l'incompétence de la Cour dans la présente affaire, représente au

contraire un argument de choix - voire même un précédent exactement in

ter.minis - en faveur de votre pleine compétence à régler au fond le

différend entre Iran et Etats-Unis concernant l'interprétation et

l'application de l'article IV, paragraphe ~. du traité de ~955.

4. L'article X, paragraphe 1, du traité de 1955

J'en viens maintenant, Monsieur le Président, à la troisième

disposition de l'article X, paragraphe~' troisième base juridique de la

demande de l'Iran. Cet article prescrit : "Between the territories of the

two High Contracting Parties there shall be freedom of commerce and

navigation."

En effet, les Etats-Unis ont violé leurs obligations découlant de cette

norme, leurs actions armées de ~987 et ~988 ayant détruit d'importantes

installations industrielles de l'Iran destinées à l'exploitation de ses

ressources pétrolières, dont la commercialisation sur le marché

international constitue le pilier essentiel de l'économie du pays. Les

agissements des Etats-Unis ayant donc porté gravement préjudice à la liberté

de commerce dont l'Iran aurait dû jouir d'après le traité, l'Iran a prié la

Cour d'exercer sa compétence conformément à la clause compromissoire du

traité, et donc de juger que les Etats-Unis encourent la responsabilité

internationale envers l'Iran pour ces faits illicites, et donc de dire aussi

qu'ils sont soumis en conséquence à l'obligation de réparer.

Dans son exception préliminaire, la Partie adverse semble contester la

compétence de votre Cour à examiner le grief que l'Iran fonde sur

l'article X, paragraphe ~- Toutefois, les quelques lignes hâtives qu'on - 33 -

peut lire à ce sujet dans le document américain du 16 décembre 1993 52 - fort

peu claires au demeurant - ainsi que les propos exprimés (plus clairement,

il faut le reconnaître) dans les plaidoiries orales du début de la semaine,

mettent en évidence une divergence nette quant à l'interprétation de

l'article X, plutôt qu'une vraie objection préliminaire à ce que la Cour

retienne sa compétence. Encore une fois, se révèle ici le caractère

totalement artificiel de la distinction que les Etats-Unis voudraient

établir entre les deux profils dans le cas d'espèce : on ne voit absolument

pas, en effet, comment la Cour pourrait choisir entre les interprétations

opposées du traité que lui proposent les Parties sans avoir préalablement

constaté que le différend ainsi soulevé devant elle est justement de ceux

couverts par la clause compromissoire du traité d'amitié.

Quoi qu'il en soit de cet aspect, il est étonnant de lire dans

l'exception préliminaire de la Partie adverse l'affirmation péremptoire

suivant laquelle la requête iranienne "does not involve commerce "between

the territory of" the United States and Iran". On aurait bien aimé en

savoir davantage sur les raisons fondant un tel axiome, que rien ne

justifie : certes pas l'indication donnée en note 53 , d'après laquelle le

Sénat des Etats-Unis avait été informé que l'article X concernait les droits

des navires d'une partie naviguant dans les eaux de l'autre. On ne voit pas

en quoi les renseignements fort incomplets donnés au Sénat (auquel on avait

semble-t-il oublié de signaler que l'article X s'occupe aussi bien de la

liberté de commerce que de la liberté de navigation) devraient jouer un rôle

quelconque dans la présente procédure.

52 Exception préliminaire des Etats-Unis, p.49 et suiv ..

5USPO, p. 49, note 121. - 34 -

D'ailleurs, dans ses écritures la Partie adverse se fourvoie dans la

même mauvaise direction lorsqu'elle allègue que les accusations de l'Iran ne

mettent en évidence aucune action des Etats-Unis «to hinder the freedom of

maritime commerce» 54 : ce qui est d'une certaine manière exact, mais

absolument non pertinent. Effectivement, les griefs de l'Iran ne portent

pas directement sur la liberté de navigation commerciale; toutefois, ceci

n'a aucune espèce de pertinence parce que, justement, l'article X couvre le

commerce en général, et pas seulement le commerce maritime : il suffit de

prendre en considération le sens ordinaire des termes de l'article X,

paragraphe 1), «commerce and navigation», pour s'en persuader.

Toujours dans leur exception préliminaire, les Etats-Unis semblent

vouloir soulever, quoique de façon ambiguë et hésitante, une autre

objection : celle que leurs actions de 1987 et 1988 n'auraient pas affecté

le commerce «between the territories of the two High Contracting Parties» 55•

On comprend leur hésitation, et ce pour deux raisons.

La première est que, avant la destruction des plates-formes iraniennes,

d'importantes quantités du pétrole extrait étaient justement acheminées vers

les Etats-Unis, dans un flux commercial continu et important; et ce jusqu'à

l'entrée en vigueur des mesures américaines interrompant les échanges

commerciaux entre les deux pays (fin octobre 1987) . Maître Bundy a donné

les détails essentiels à ce sujet dans sa plaidoirie d'hier. Mais même

après 1987, il est certain qu'à cause de la nature même du marché pétrolier,

des quantités de pétrole d'origine iranienne sont parvenues par des

" Ibid., p. 49, par. 3.34.

55
Ibid. - 35 -

cheminements divers en territoire américain 56• En tout état de cause, il

serait~bsolument impossible de nier gue c'est bien à cause des actions et

des mesures infligées par les Etats-Unis à l'Iran que celui-ci n'a plus pu

jouir de la liberté de commerce «between the territories of the two High

Contracting Parties» gue lui garantit l'article X, paragraphe 1, du traité

de 1955.

La seconde raison est gue votre Cour, dans son arrêt du 27 juin 1986 en

l'affaire du Nicaragua, a établi un précédent exactement in ter.minis sur cet

aspect aussi du dossier. La Cour a pris en considération une série

d'attaques américaines en territoire nicaraguayen (notamment celles ayant

détruit diverses installations pétrolières à Puerto Sandino, Corinto et San

Juan del Sur, etc, en 1983-1984) et a décidé 57 que ces attaques étaient en

contradiction avec les obligations établies dans une disposition du traité

avec le Nicaragua, l'article XIX, gui est formulée, mot pour mot, exactement

comme l'article X du traité de 1955. Il faut alors être logique : si des

attaques armées contre des installations pétrolières au Nicaragua en

territoire nicaraguayen violaient la liberté de commerce prévue par le

traité d'amitié entre les Etats-Unis et le Nicaragua, il est évident que des

attaques encore plus graves contre des installation pétrolières iraniennes

dans un espace soumis à la juridiction exclusive de l'Iran violent elles

aussi la liberté de commerce telle gue proclamée en termes absolument

identiques par le traité d'amitié Iran-Etats-Unis ! L'étrange argument

présenté mardi dernier par M. Murphy (CR 96/13, p. 42), aboutissant somme

toute à soutenir que l'article X pourrait entrer en jeu seulement si

" Observations de 1' Iran, p. 51.

57Arrêt cité, point 11 du dispositif. - 36 -

l'installation pétrolière frappée est proche d'un port, ce qui n'est pas le

cas des plates-formes iraniennes (peut-être à cause de la longueur des

oléoducs les reliant aux ports iraniens ?!) n'apparaît pas vraiment très

convaincant, je dois l'avouer.

Mais n'anticipons pas sur l'examen au fond du différend présentement

soumis à votre Cour. Il vaut mieux se limiter plutôt, pour l'heure, à tirer

du précédent cité les indications pertinentes en vue du stade actuel de la

procédure. Ces indications sont au nombre de deux.

Primo : dans l'affaire nicaraguayenne, la Cour a pu décider qu'il y

avait violation de la liberté de commerce «between the territories of the

two High Contracting Parties», sans avoir à s'interroger sur la destination

finale qu'auraient eu, tant le pétrole détruit par les attaques américaines,

que les navires ayant sauté sur les mines mouillées dans les ports du

Nicaragua. Autrement dit, il y a violation de l'article X, paragraphe 1, du

traité de 1955 (ou de l'article correspondant du traité d'amitié avec le

Nicaragua), dès que l'une des parties porte préjudice de façon injustifiée

aux activités commerciales de l'autre.

Secundo : si, dans l'affaire du Nicaragua, la Cour a pu en 1986

examiner au fond la question évoquée, c'est très évidemment parce que,

en 1984, elle avait constaté qu'elle était bien compétente à ce faire.

Effectivement, en 1984 la Cour avait décidé sans hésitation que la clause

compromissoire du traité d'amitié avec le Nicaragua (identique elle aussi à

l'article XX, paragraphe 1, du traité de 1955) couvrait parfaitement cet

aspect du différend. Il s'ensuit que, lorsque les Etats-Unis prient

maintenant la Cour de décliner sa compétence concernant la question de

savoir si les comportements incriminés des Etats-Unis ont ou non violé - 37 -

l'article X, paragraphe 1, du traité de 1955, ils lui suggèrent en fait

d'avouer aujourd'hui qu'elle s'était grossièrement trompée en 1984.

Monsieur le Président, j'en suis à la fin de mon analyse concernant

l'article X, paragraphe 1, que j'ai menée pour l'essentiel, comme vous

l'avez entendu, de façon à répondre aux arguments présentés par écrit par

les Etats-Unis. Avant de clore, cependant, j'aimerais dire deux mots au

sujet de l'insistance avec laquelle un distingué plaideur américain,

M. Crook, a essayé mardi dernier de vous convaincre que, malgré la lettre

cristalline de l'article X, paragraphe 1, où il est question de «commerce

and navigation», cette disposition s'occuperait en réalité exclusivement de

la navigation commerciale (CR 96/13, p. 29 et suiv.). A la base de cette

affirmation étonnante se trouve essentiellement - semble-t-il - le constat

que le restant de l'article X ne s'occupe gue des navires commerciaux, de

leur circulation, etc.

Avec tout le respect, cette thèse apparaît dès le prime abord fort peu

satisfaisante, parce qu'elle isole l'article X du traité de son contexte, à

savoir l'ensemble du traité : comme s'il n'y avait pas tout de suite après

l'article X un article XI, qui prescrit justement des obligations en matière

de liberté de commerce. En somme, l'article X, paragraphe 1, énonce le

principe de base (liberté de commerce et de navigation), dont ensuite les

autres paragraphes du même article et l'article XI identifient certaines des

implications spécifiques en matière, respectivement, de navigation et de

commerce.

Si cette analyse est correcte, reste bien entendu la question de savoir

si l'article X, paragraphe 1, a bien un «effet utile» et donc s'il est

susceptible de trouver application de façon autonome (ce dont l'Iran est

profondément convaincu), ou bien s'il constitue lui aussi peut-être une - 38 -

coquille vide (comme les Etats-Unis semblent le croire). L'Iran attend avec

pleine confl~ce que votre Cour en juge au prochain stade de la procédure,

ainsi que de toutes les autres différences d'opinion entre les Parties quant

à l'interprétation et à l'application des diverses dispositions du traité

d'amitié invoquées par l'Iran.

Conclusion

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, j'en suis à la

conclusion de ma plaidoirie. Je pense avoir prouvé que le différend entre

l'Iran et les Etats-Unis dont votre Cour est saisie porte indiscutablement

sur l'interprétation et l'application du traité d'amitié de 1955 entre

l'Iran et les Etats-Unis, et que les dispositions contenues dans celui-ci

permettent de le régler. Ce que l'Iran demande à votre Cour, en effet, n'est

pas de dire que les Etats-Unis, par leurs actions armées de 1987 et 1988

contre les plates-formes pétrolières iraniennes, ont violé le droit

international général et la Charte des Nations Unies : l'Iran prie la Cour

de juger ces comportements exclusivement sur la base des dispositions du

traité d'amitié.

L'Iran considère que les Etats-Unis ont violé simultanément trois

dispositions du traité, les articles premier, IV, paragraphe 1, et X,

paragraphe 1, interprétées sur la base du droit international général et de

la Charte des Nations Unies; il est toutefois convaincu, je tiens à le

préciser, que chacune de ces trois dispositions du traité permet séparément

d'identifier le caractère illicite des comportements de la Partie adverse

qui sont sub judice.

L'Iran prie respectueusement la Cour de dire et de juger que le

différend dont l'Iran a saisi la Cour porte sur l'interprétation et - 39 -

l'application du traité et est donc pleinement couvert par la clause

compromissoire de celui-ci; l'exception préliminaire d'incompétence de la

Cour est partant infondée, la condition du lien raisonnable entre la requête

de l'Iran et le traité d'amitié de 1955 entre les Etats-Unis et l'Iran étant

remplie.

Permettez-moi, Madame et Messieurs les Juges, de clore mon propos en

faisant appel à votre toute dernière jurisprudence. Je veux me référer à

l'arrêt du 11 juillet dernier concernant l'affaire relative à l'Application

de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), dans lequel

votre Cour a reconnu sa compétence ratione materiae sur la base de la clause

compromissoire contenue dans l'article IX de la convention. Après avoir

noté que les parties au différend étaient en désaccord quant au sens et à la

portée juridique de plusieurs des dispositions de la convention, votre Cour

a conclu en ces termes : «il ne saurait en conséquence faire de doute qu'il

existe entre elles un différend relatif à «l'interprétation, à l'application

ou à l'exécution de la ... convention» ... , selon la formule utilisée par

58
cette dernière disposition» (la Cour se référait ici à la clause

compromissoire contenue à l'article IX de la convention pertinente)

Mutatis mutandis, ces paroles de votre Cour conviennent parfaitement au

différend qui vous est soumis aujourd'hui. Ici aussi il y a entre les

Parties - comme je l'ai montré tout au long de mon propos - un désaccord

concernant l'interprétation de certaines dispositions du traité d'amitié

entre l'Iran et les Etats-Unis, c'est à dire justement un désaccord

(j'utilise les mots de votre Cour) «quant au sens et à la portée juridique

58 Par.33 de l'arrêt cité (les italiques sont de moi). - 40 -

de plusieurs de ces dispositions». Il s'ensuit, me semble-t-il,

inévitablement, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, que

dans notre cas également la compétence ratione materiae de votre Cour à

régler le différend sur la base de la clause compromissoire pertinente ne

saurait être mise en doute.

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, je vous remercie.

Je souhaiterais vous prier de bien vouloir donner la parole après, si vous

le voulez, la pause, au professeur James Crawford.

Le PRESIDENT : Je vous remercie professeur Luigi Condorelli pour votre

exposé. La Cour suspend cette audience pour une pause d'une quinzaine de

minutes.

L'audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 40.

The PRESIDENT: Please be seated. I now give the floor to

Professer Crawford.

Mr. CRAWFORD: Thank you Mr. President. Mr President, Members of the

Court.

1. It is again an honour to appear before you. In this presentation I

will show, first, that all the conditions are met for the Court to exercise

jurisdiction under the compromissory clause, Article XXI (2) of the Treaty

of Amity, and second, that none of the United States' objection to the

exercise of jurisdiction is well-founded. And thirdly, I will deal with the

question whether the present jurisdictional objection might be joined to the

merits, on the ground that it does not possess an exclusively preliminary

character. - 41 -

2. In respect of each of these matters, I will attempt to distinguish

certai~ issues raised by the United States in the written pleadings from

those which it has concentrated on this week in the oral phase, and which

appear to be still in dispute at this stage. For there has been, as the

Court will have noted, a distinct change of the United States' position in a

nurnber of respects. Questions which were earlier the subject of

considerable attention - the role of the Security Council, for example, or

the relevance of Article XX (1) (d), of the Treaty of Amity- are now

virtually ignored or even formally abandoned as preliminary objections. If

I refer to these earlier matters now, as I will briefly need to do, it is

not merely to repeat the position of the Applicant State, but to point out

that the implications of what the United States now says about them - and

especially about Article XX (1) (d), -are in truth fatal for its

preliminary objection as a whole.

A.The Court's Jurisdiction under the Compromissory Clause
(Article XXI (2) of the Treaty of Amity)

3. My first task, however, is to examine the compromissory clause under

which Iran brings this case before you. The need to do so is accentuated by

the fact that not one of the United States counsel side has bothered to

examine the actual language of the compromissory clause, or even to read it

in full. Let me do so now. Under Article XXX (2), of the Treaty of Amity,

the parties agreed that:

"Any dispute between the High Contracting Parties as to the
interpretation or application of the present Treaty, not

satisfactorily adjusted by diplomacy, shall be submitted to the
International Court of Justice unless the High Contracting Parties
agree to settlement by sorne ether pacifie means." - 42 -

4. In view of the emphasis placed by the United States on the principle

of consent to jurisdiction {CR 96/12, pp. 40-42, Professer Lowenfeld), I

should initially note two things about Article XXI {2).

5. The first is, quite simply, that it manifests the consent of the two

States to the jurisdiction of this Court in respect of all matters properly

covered by it. There is no presumption of restrictive interpretation of

such a clause. Whatever it means, on a proper interpretation, the Parties

have accepted. It is true that we heard a great deal from the United States

about the distinction between special and general jurisdiction (e.g., CR

96/12, pp. 42-45, Professer Lowenfeld), and about the limited character of

the Treaty of Amity {e.g., CR 96/13, pp. 8-13, Mr Crook). Professer

Lowenfeld suggested that, in comparison with optional clause declarations

under Article 36 {2) of the Court's Statute, jurisdiction under Article 36,

paragraph 1, was special and limited {CR 96/12, p. 45). I would not for a

moment challenge Professer Lowenfeld's opinions on the Brussels and Lugano

Conventions, but his attempted distinction between Articles 36, paragraph 1,

and paragraph 2 does not hold. An acceptance of jurisdiction under the

Optional Clause may be bread or narrow, may relate to sorne disputes or many;

indeed it could relate to a single dispute with a single State. Similarly a

treaty under Article 36, paragraph 1, could be broad or narrow, could relate

to very many disputes or very few; in the case of a multilateral treaty it

could apply to very many or indeed possibly to all the States in the world.

The Court's jurisdiction is always special, in the sense that it derives

from the consent of States, but the question is how far that consent goes,

as a matter of interpretation.

6. And that brings me to my second point, which is that Article XXI {2)

is broad in its language and scope. It covers "any dispute between the High - 43 -

Contracting Parties as the interpretation or application of the present

Treaty", and it provides that any such dispute "shall be submitted" to this

Court. The compromissory clause is as bread as the Treaty itself. And

although there are sorne measures related to international peace and security

and to the security interests of the parties which under Article XX (1) (d)

the Treaty does not preclude, the United States new expressly accepts that

the Court•s jurisdiction under Article XXI (2) extends to determining

whether these security justifications, if I may so call them, have been made

out in relation to any dispute (e.g. CR 96/13, pp. 32-33, Mr Crook). This

is a bread jurisdiction, as the Court itself inferred in the Diplomatie and

Consular Staff case (I.C.J. Reports ~980, at p. 28, para. 54).

7. The breadth of the jurisdiction, as between the Parties, would have

come as no surprise to Robert Wilson. His study on the FCN treaty notes

that it is "a multi-purpose instrument" (R. R. Wilson, United States

Commercial Treaties and International Law (1960), p. 18), "a broad-purpose

deviee [that] touches many subjects" (p. 1), that it is "designed for long-

term application (p. 3). Indeed he suggests that FCN treaties might be

appropriately termed "treaties of general relations" (p. 5). He notes that

the omission of jurisdictional reservations such as the Connally Amendment

"was not inadvertent" (p. 24) , he says that the optional clause applies "in

relation to a large group of States" whereas jurisdiction under an FCN

treaty remains bilateral (p. 24).

8. The State Department itself stressed the width of the compromissory

clause. In its memorandum on the United States/China treaty it said:

"The Department of State feels that questions arising under
this treaty are matters which the United States would wish to see
submitted to the International Court of Justice, and that it would

be in the public interest for the United States to be able to
bring, without restriction, before that Court any disputes arising - 44 -

because of the interpretation or application by China of the
provisions of this treaty in such a way as to be detrimental to
the interests of the United States." (Iran Observations, para.

3.58; emphasis added.)

It is true that in this passage the State Department assumes that the United

States would always be the claimant under the treaty and that the action

complained of would be detrimental to the interests of the United States

rather than the ether party. The assumption may have been politic in a

document intended for the internal purposes of the United States Senate.

But this treaty is a two-way street, as can be seen from the specifie

reference to "reciprocal equality of treatment" in its preamble.

9. The extensive scope of the jurisdictional provision was also

emphasized by the United States during the negotiation of the Treaty of

Amity. Iran proposed to delete the words "or application" from the draft,

but the United States refused, on the grounds that this might "seriously

curtail means for settlement [of] disputes" under the Treaty (I.C.J.

Pleadings, United States Diplomatie and Consular Staff in Tehran, US Annex

50, pp. 232-233). As the United States counsel pointed out in the

Diplomatie and Consular Staff case, "the United States wanted to avoid any

narrowing of the jurisdictional provision" (I.C.J. Pleadings, United States

Diplomatie and Consular Staff in Tebran, p. 153, note 14). And it

succeeded.

10. Now for the Court to have jurisdiction under Article XXI (2), three

conditions must be met. First, there must be a dispute as to the

interpretation or application of the Treaty. Second, that dispute must not

have been satisfactorily adjusted by diplomaey. And third, the parties must

not have agreed on sorne ether pacifie means of settlement. - 45 -

11. The second and third of these requirements are now not in issue.

The Parties have certainly not agreed on sorne other pacifie means of

settlement - it is this Court or nothing. And the dispute has, evidently

enough, not been satisfactorily adjusted by diplomacy. This is despite

Iran's attempts to invoke the Treaty of Amity through negotiations in July

1992, attempts which were rebuffed by the Legal Adviser of the State

Department, on 13 August 1992 and again on 15 October 1992 (see Iran

Memorial, para. 2.18). The remaining question, therefore, is whether there

is a dispute as to the interpretation or application of the Treaty.

12. A dispute there certainly is: of that there can be no doubt. But

does it relate to the interpretation or application of the Treaty of Amity?

That is the question. The answer is clear in Iran's view, and my colleague,

Professer Condorelli, has just taken the Court through the three Treaty

provisions - Articles I, IV (1) and X (1) - which Iran believes to have been

breached by the United States in this case.

13. Now Iran does not say that its own interpretation of these

provisions is conclusive, no more than the United States' denial that the

dispute relates to the Treaty of Amity can be conclusive. The issue is one

for the Court to determine objectively at the proper time. We must be

careful to identify precisely what "the issue" before the Court is at this

stage. I say "at this stage" because it is important to remember - and

after listening to the United States presentation it would be easy to forget

- that we are not at the merits stage. The Court is not at this stage

concerned with the question: has the United States breached the Treaty?

The Court is only concerned with the question: is there a dispute as to the

interpretation or application of this Treaty? So the immediate task before

the Court is to decide what test it will apply at this jurisdictional stage - 46 -

to determine whether the dispute involves, or concerns, the Treaty of Amity

within the meaning of the compromissory clause. Now here there are three

possible tests.

Le PRESIDENT : Professeur Crawford, puis-je vous interrompre pour une

minute pour vous prier de parler un peu plus lentement pour la cabine et

pour les juges, bien sûr.

Mr. CRAWFORD:

14. The first possible test is a purely factual one. By that I mean

that if, as a fact, one Party invokes the Treaty, and the ether Party denies

its application, then there is a dispute as to the application of the

Treaty. Curiously, it was the United States that invoked this test before

the Court in a previous case involving the same two parties and the same

treaty. I refer to the case concerning the United States Diplomatie and

Consular Staff in Tebran (I.C.J. Reports 1980, p. 3). There the United

States argued:

"if the Government of Iran had made sorne contention in the Treaty
that the United States interpretation of the Treaty was incorrect
or that the Treaty did not apply to Iran's conduct in the manner
suggested by the United States, the Court would clearly be
confronted with a dispute relating to the interpretation or

application of the Treaty" (I.C.J. Pleadings, United States
Diplomatie and Consular Staff in Tebran, United States Memorial,
p. 153) .

So, the United States' view was that if in fact the two parties disagreed

over whether the Treaty applied to the conduct in question, then there was a

dispute as to the interpretation or application of the Treaty. Counsel for

the United States stressed that such a dispute "inevitably reguires the

interpretation or application of the Treaty" (I.C.J. Pleadings, United

States Diplomatie and Consular Staff in Tehran, p. 285). - 47 -

15. There is a certain logic to that position. It is hardly for the

Court to tell a State which believes that it is engaged in a dispute under a

treaty with another State and where the ether State refuses to accept the

claims under the treaty that in fact there is no such dispute. Given that

this was the view advanced by the United States in 1980 - as a matter of

logic - it is strange to see that the United States no longer adheres to

this position. One might have assumed that logic was immutable. But

apparently not. Circumstances change, and so, it seems, does logic.

16. But clearly, by that test - the United States' own test in 1980 -

there is a dispute concerning the Treaty of Amity in this case. The

position is clear. The Parties do dispute both its interpretation and its

application.

17. But the United States advanced a second, quite different test, for

the purposes of this case. It argues that Iran has the burden of proving

that there is a "reasonable connection" between the Treaty and the United

States conduct of which Iran complains (United States Preliminary Objection,

p. 2; see also, e.g., CR 96/13, p. 44, Dr. Murphy; pp. 58-61,

Mr. Chorowsky). In fact Iran believes that it has already met this test, on

the basis of the written and oral pleadings before the court. But, even so,

Iran believes the test to be the wrong test to apply at the jurisdictional

phase. I say this because such a test inevitably forces the Applicant State

to proceed too far into the merits. The connection can only be demonstrated

by establishing the facts, and then showing to the Court that these facts do

raise in issue the application of the Treaty provisions properly construed.

In short, the test would require the Applicant State in effect to rehearse

the case which it would be required to make out at the merits stage, a sort

of dress rehearsal. As my colleague, Mr. Bundy, explained earlier, it is - 48 -

precisely because the United States has put forward the reasonable

connection test that Iran has been forced, even at this jurisdictional

phase, to conduct a dress rehearsal togo to sorne extent into the merits.

Iran had no option. So long as the possibility existed that the Court might

adopt the test of "reasonable connection", advanced by the United States,

Iran had to meet the arguments on that basis. And that meant going into the

merits. So we say, Mr President, that the United States' new test of

"reasonable connection" is the wrong test to apply. Even so, Iran has

satisfied that test.

18. There is yet a third test, which Iran would commend to the Court.

This is that the Applicant must demonstrate that there is a question as to

the interpretation or application of the Treaty. Not that there is a breach

- that is obviously for the merits. Not that the claim is "reasonably"

connected to the Treaty - that gets too far into the merits. But simply

that there is a bona fide question to be determined, namely the question

whether the Treaty does, or does not, apply to the conduct of the Respondent

which is the subject of the complaint.

19. For example, if the Applicant State were to put up a fanciful, or

absurd argument based on the Treaty - an argument lacking in bona fides, an

argument not even plausible - then this would not suffice. But there is

nothing absurd or fanciful in Iran's arguments. In establishing this, in

Iran's submission, and Professer Condorelli has clearly done so, it has

demonstrated that there is a sufficient basis for jurisdiction. For,

surely, there is a question here to be decided. This is a test which fits

well with the Court's approach to jurisdictional objections. The Court's

concern is to avoid entering into the merits, and simply to satisfy itself - 49 -

that there is a genuine question to be tried. To paraphrase this Court's

decision in the Ambatielos case:

"If the interpretation given by the Applicant [Islamic
Republic of Iran] to any of the provisions relied upon appears to

be one of the possible interpretations that may be placed upon it
. then the . . claim must be considered, for the purpose of
the present proceedings, to be a claim based on the Treaty. "

(I.C.J. Reports ~953, p. lO at p. 18.)

The formula in Ambatielos was based on the Treaty and that formula is

certainly no wider that the formula interpretation or application of the

Treaty.

20. Although the United States relies on Ambatielos for its test of

"reasonable connection" (USPO, paras. 2.09, 3.13ï see also CR 96/13

pp. 58-59, Mr Chorowsky), I would stress that the Court in that case never

used the words "reasonable connection". Indeed, so far as I can find it has

never used the words "reasonable connection" as a test that it would apply

in any case at all. Listen instead to the words the Court did use -

"sufficiently plausible", "one of the possible interpretations", "an

arguable construction of the Treaty", "a construction which can be defended,

whether or not it ultimately prevails" (I.C.J. Reports 1953, p. 10 at

p. l8). In the Court' s words, the question is whether the claims "depend

. for support on the provisions of the Treaty . . . so that the claims

will eventually stand or fall according as the provisions of the Treaty are

construed in one way or another" (ibid., at pp 17-18).

21. If that is the correct test, then the objections of the United

States must fail. Can it seriously be argued that there is no question as

to whether the destruction of these platforms breached the commitment to

"firm and enduring peace, and sincere friendship" (Art. I)? Surely it

cannet. Can it seriously be argued that the deliberate destruction of these - 50 -

cil platforms known to belong to the NIOC, an Iranian national company, and

which Iran will show were commercial facilities with no military purpose,

raises no question as to whether the United States breached its obligation

to accord "fair and equitable treatment" (Art. IV {1)) tc Iranian companies?

Surely it cannet. Can it seriously be argued that, given the long-standing

trade in oil between the United States and Iran, the destruction of these

cil platforms raised no question of any irnpairment of "freedom of commerce

and navigation" {Art . X {1) )? Sur el y i t cannet .

22. On the contrary, the position here is essentially the same as that

which recently confronted the Court in the case concerning the Application

of the Genocide Convention between Bosnia-Herzegovina and Yugoslavia Serbia

Montenegro. It is apparent from the arguments presented this week if I

may barrow mutatis mutandis the Court's language in that case -

"that the Parties not only differ with respect to the facts of the
case . . . and the applicability to them of the provisions of the
[Treaty of Amity] , but are moreover in disagreement with respect to
the meaning and legal scope of several of those provisions . .
there is accordingly no doubt that there exists a dispute between

them relating tc"

the interpretation or application of the Treaty {Judgment of 11 July 1996,

para. 33). Sc - I repeat - there is a genuine question tc be tried here;

and for that reason the Court plainly has jurisdiction.

B. T.be United States' Objections to Jurisdiction

23. Mr President, Members of the Court. I want new to address a number

of objections by the United States which do not turn on the wording of

Article XXI{2) - the cornpromissory clause -but which rest on arguments of a

more general character. There are four of these. - 51 -

(1) The objection that the dispute concerns, not the Treaty of Amity, but
general international law

24. The essential United States argument is that because Iran charged

the United States with violations of general international law and of the

Charter in ether forums, therefore the dispute does not arise under the

Treaty of Amity (USPO, Part III, Chapter I; also CR 96/12, p. 14,

Mr. Matheson).

25. This objection is based upon an elementary misunderstanding of the

relationship between a treaty, as lex specialis, and general international

law. That the misunderstanding should persist is all the more remarkable

because it suggests that the Court's Judgment in the Nicaragua case bas not

been digested by the United States.

26. In Nicaragua the United States made the converse proposition. It

argued that because the United States invoked self-defence it therefore

followed that the dispute concerned the Charter, and not customary,

international law; and as the United States reservations to the optional

clause precluded jurisdiction arising under a multilateral treaty such as

the Charter (or so it was said) , therefore the Court had no jurisdiction.

27. The Court will readily see that although it is the converse

proposition, both United States positions in that case and in this case rest

on the same, elementary fallacy. This is the idea that a dispute can arise

either under a treaty or under customary international law, but that it

cannet arise under both.

28. But as the Court pointed out in the Nicaragua case, treaties and

custom are not mutually exclusive. Disputes can, and do, arise under both.

The fact that any given conduct may be a violation of general international - 52 -

law does not mean that it cannet, at the same time, be a violation of a

specifie treaty.

29. Think of two States, A and B, bound by a Treaty of Friendship.

Assume A commits aggression against B. Clearly it cannet be argued that

because aggression is a violation of general international law and of the

Charter, therefore there cannet be a breach of the Treaty of Friendship.

Think of the many cases in which a violation of the privileges attaching to

consuls under general international law will also be a violation of specifie

provisions in a bilateral consular convention.

30. As Iran has shown in its written pleadings (Observations,

Chapter II, pp. 22-26) international courts and tribunals are used to

applying the two sources - treaties and general international law - in

parallel. The general law assists in interpreting and supplementing a

bilateral treaty, although as lex specialis the treaty will prevail, in the

absence of any conflict with the Charter or a peremptory norm. One might

venture to say that few clauses in a bilateral treaty would ever come before

a Court in isolation from the general law. That being the case, it would be

a devastating blow to the system of conferring jurisdiction on the basis of

compromissory clauses in bilateral treaties if this United States objection

were upheld. That would mean that as soon as a treaty provision could not

be applied in isolation, and general international law was invoked, the

compromissory clause would fail. Mr. President, this particular objection

cannet be right.

(2) Xran failed to complain of a breach of the Treaty of Amity at the time

3~. There is a related, but slightly different, objection. The United

States argues that for four years - that is until July 1990 - Iran did not - 53 -

treat the destruction of the oil platforms as a breach of the 1955 Treaty

(Preli~inar ybjection, paras. 3.06, 3.07, 3.12; CR 96/12, p. 15,

Mr. Matheson). The United States objection does not seem to be an argument

of extinctive prescription, or laches. Indeed, a four-year delay could not

possibly support such an argument as will be apparent from the case

concerning Certain Phosphate Lands in Nauru (I.C.J. Reports 1992, p. 240 at

pp. 253-5; cf. P. Guggenheim, Traité de droit international public, p. 303).

The argument is more a prejudicial one, implying that the tardy invocation

of this argument by Iran somehow suggests that it lacks bona fides, or that

Iran does not seriously believe the conduct of the United States concerned

this Treaty.

32. There are several answers to this. First of all, and leaving aside

any question of prescription or waiver, which do not arise here, there is no

rule of law requiring a party in legal proceedings to confine its

allegations to those made in the initial exchange of views or

correspondence. I think it is fair to say that, in most cases before this

Court, the bases of the claimant's arguments before the Court are not

identical with those found in the earlier exchanges between the parties.

The same would be true in national law. No Court would ever reject a good

legal argument merely because it was not raised in the earlier

correspondence between the parties.

33. It is true that if aState was seriously damaged in sorne way by

another State and remained absolutely silent about the damage, making no

reaction or protest of any kind, the inference might - I say might - be

drawn that it accepted that no legal wrong had been done. But this has

nothing to do with the present case. Iran complained promptly about the

United States' action, and has always made it clear that it considered the - 54 -

action unlawful and unjustified. What it has done is tc amplify the grounds

of that complaint, and tc invoke an available jurisdictional provision in

respect of those grounds.

34. That a State is entitled tc do sc was accepted, for example, by the

Commission of Arbitration in the Ambatielos case. There the United Kingdom

objected tc the fact that Greece, the Claimant State, had introduced in the

arbitration a basis for its claim which it had not advanced in negotiations.

The Commission rejected the United Kingdom•s objection, saying:

"the Greek Government, by changing the legal basis of its action

in order tc obtain a settlement of the dispute by arbitration,
only exercised the right tc which it was entitled" (u.N.RIAA,
vol. XII, p. 9~ at p. ~03).

35. Essentially the same point was made by this Court in the first

phase of the Nicaragua case, when it said that:

"because a State has not expressly referred in negotiations with

another State to a particular treaty as having being violated by
conduct of that ether State, it is debarred from invoking a
compromissory clause in that treaty" (I.C.J. Reports 1984, at
p. 428, para. 83).

In fact Nicaragua was a much stronger case than the present one, because the

FCN Treaty in that case was not even invoked in the Application only in

Nicaragua's Memorial. And yet the Court by a substantial majority held that

the claim could be brought under the Treaty and went on tc uphold it at the

merits stage.

36. The legal position then is clear. Iran, having complained of the

injury, was and is entitled to rely on any legal ground in support of its

complaint, and equally tc rely on any available jurisdictional provision, in

respect of that ground unless it has clearly waived the ground or provision

- which it has certainly not. - 55 -

37. And that legal conclusion is supported by sound common-sense. The

issue of the attack on the oil platforms was promptly raised in a

multilateral forum, and it was natural for Iran there to rely on the major

multilateral treaty - indeed, the constituent instrument of that forum - the

United Nations Charter. Reliance on the Charter was natural in that

context, and in no sense involved any waiver of rights on the part of Iran

under other treaties in force. Indeed, it would have been thought odd for

Iran to insist before the Security Council on a breach of a bilateral treaty

- that would normally be regarded by third States as a matter for the two

parties to the Treaty to sort out, including by means such as those

specifically provided for in Article XXI (2). The Security Council would

not normally have competence over bilateral treaty disputes.

38. At this time Iran's focus was, not surprisingly, on obtaining from

the international community, and specifically from the Security Council, an

acknowledgement that after all it was not the aggressor in the war - on the

contrary that it had been attacked and was throughout exercising its

inherent right of self-defence. Very shortly after obtaining that

acknowledgement, by way of the Report of the Secretary-General of 9 December

1991 (Iran Memorial, Exhibit 42), Iran raised the issue of the destruction

of the platforms bilaterally, without any result. Having sought and

obtained at least a measure of acknowledgement of the wrong done from the

United Nations, it felt in a position to take up bilateral issues. In this

not merely was there no trace of waiver, there was no trace of unreasonable

delay.

39. Instead, as a practical matter, once it became clear to Iran that

there would be no settlement of the dispute through other means, including

through the political organs of the United Nations, it was forced to see - 56 -

whether there was sorne ether effective ground of complaint. It was at this

stage t~at Iran decided to invoke the Treaty of Amity, which did provide a

possibility of redress.

40. So the reliance on the Treaty of Amity is perfectly understandable.

Like the Greek Government in the Ambatielos case, in doing this Iran "only

exercised the right to which it was entitled" (see paragraph 34 above) .

(3) The objection that ~ran now seeks before the Court a condemnation of
the United States which it failed to obtain from the Security Council

41. This is an objection which the United States makes implicitly,

rather than by direct assertion. But a good deal of its preliminary

objection (see USPO, pp. 3, para. 34-38) was devoted to showing that Iran

sought to challenge before the Security Council the United States conduct in

attacking the platforms, and that the Council took no action.

42. It is not clear what the United States sees as the consequence of

this, and the Court will be no wiser on the point after the United States

oral argument, where it was not mentioned. The issue certainly does not go

to admissibility. The Nicaragua case and the Bosnia case, among others,

testify to the Court•s willingness to exercise its jurisdiction,

notwithstanding the fact that the Security Council is or has been involved.

In any event, of course, the Court is not dealing with the same issues as

the Council dealt with and is not dealing with those issues in the midst of

the events concerned.

43. This last point also serves to counter the United States argument

that, in effect, Iran seeks to use the Court - "callous manipulation" was

the phrase used, I think (USPO, para. 3.12) - it seeks to use the Court to

appeal against a decision of the Security Council. As I have noted, the

issues are not the same, and in any event no action was taken by the - 57 -

Council, as the United States itself admits (USPO, para 3.05). It is not

possible to infer a decision from inaction in relation to a particular

incident or event such as this. If Iran had rights under the Treaty of

Amity which were violated by the United States' actions, nothing the

Security Council actually did - or failed to do - affected those rights.

(4) The objection that Article XX (l) (d) precludes the jurisdiction of the

Court

44. I now turn, fourthly, to a further United States objection, that

based on paragraph (1) (d) of Article XX of the Treaty of Amity. Yet again,

the United States has not bothered to take the Court to the actual language

of the provision; yet again, let me do so. Article XX (1) (d) provides that:

"1. The present Treaty shall not preclude the application of
measures

(d) necessary to fulfil the obligation of a High Contracting
Party for the maintenance or restoration of international peace and
security, or necessary to protect its essential security

interests."

45. Now Iran had understood from the Preliminary Objection that reliance

was placed at this stage of the proceedings on paragraph (1) (d). After all,

the Treaty does deal with international enforcernent measures and essential

security interests expressly, in that paragraph. It does not leave these

matters to be resolved under a veil of silence, by mere implication. Thus

we were surprised when, the United States on two separate occasions

explicitly renounced any direct reliance on this provision (CR 96/13,

pp. 32-33, Mr. Crook; p. 55, Mr. Chorowsky). It was, they agreed, entirely

a matter for the merits, whether Article XX (1) (d) excuses any breach of the

Treaty in this case. - 58 -

46. Mr President, this express concession means that I will not have to

bother the Court with arguing the point. The Court will no doubt be

pleased. Let me only record that the United States concession on this point

is plainly correct, and is fully in accord with the decision of this Court

in the Nicaragua case and with basic principle.

47. In the Nicaragua case, the Court said of an article of an FCN

Treaty in identical terms that it

"cannet be interpreted as removing the present dispute as to the
scope of the Treaty from the Court's jurisdiction. Being itself an
article of the Treaty, it is covered by the provision in [the
compromissory clause] that any dispute about the interpretation or
application of the Treaty lies within the Court's jurisdiction."

(I.C.J. Reports 1986, p. 116, para. 222.)

48. And this is consistent with basic principle. A State may seek to

excuse conduct prima facie apparently contrary to the obligations imposed by

a treaty by relying on an express exemption in the treaty (such as the

exemption in Article XX (1) (d)), alternatively it might seek to excuse its

conduct by relying on a rule of general international law which precludes

illegality, such as the right of self-defence, as provided for in the Draft

Articles on State Responsibility, Article 34. In either case, whether the

excuses provided for in the treaty or under general international law, a

Court with jurisdiction over the interpretation or application of the treaty

will have jurisdiction to decide that the excuse is or is not made out in

the circumstances. It is exactly in such situations that the Court's

competence is most needed, to test the validity of the excuse for non-

performance. It cannet be right to argue that the Court has no jurisdiction

because the excuse for the apparent breach involves matters not in terms

regulated expressly by the treaty. It is the purpose of a disputes clause - 59 -

to allow any available legal excuse to be tested, objectively, by an

impartial forum.

49. Mr. President, Members of the Court, for these reasons the United

States was entirely correct to concede that the interpretation of Article XX

(l) (d) is not a matter for the Court at this stage of the case, but is a

matter for the merits. There are, however, several further implications of

this concession so far as the United States' position at the jurisdictional

phase is concerned. One such implication is specifie, the ether general.

50. The specifie implication is this. The core jurisdictional argument

made by the United States in this case is that the Treaty of Amity does not

cover situations of the use of force or self-defence (e.g., CR 96/12, pp.

14-16, Mr. Matheson). On the other hand, the United States now expressly

accepts that whether the application of measures was "necessary to fulfil

the obligation of a High Contracting Party for the maintenance or

restoration of international peace and security" or was "necessary to

protect its essential security interests" is a matter for the merits. But

these two propositions conflict. Obligations for the maintenance or

restoration of international peace and security or measures necessary for

the protection of essential security interests may well involve the use of

force and considerations of self-defence. How can a treaty not cover

situations involving the use of force for the purposes of a jurisdictional

objection, and yet be within the jurisdiction of the Court under the treaty

to determine the applicability of just such excuses? How can the Court have

jurisdiction to determine whether essential security interests such as the

right to self-defence can be invoked under a treaty, and yet the Treaty not

cover such matters for the purposes of the jurisdictional clause? It simply

makes no sense. 51. And this point can be replicated with respect to each - 60 -

article on which Iran relies in this case, and which the United States says

does not caver or extend to the use of force. I'll just take Article I as

an example. Iran says that it was breached in this case - that's a matter

for the merits. The United States will rely, among ether things, on the

argument that it was acting in necessary self-defence and thus was excused

from any breach by the security interests clause, paragraph (1) (d) . .It

further accepts that whether paragraph (1) (d) provides it with an excuse, in

this case, is a matter for the merits. Yet it says that as a matter of

jurisdiction Article I does not caver situations of self-defence. Evidently

if the application of paragraph (1) (d) to a claim of self-defence can arise

at the merits, then Article I may very well caver such situations. Indeed

there may be a close correlation between the scope of Article I and the

scope of Article XX (1) (d) .

52. That is the specifie implication of the United States' concession

with respect to Article XX (1) (d) of the Treaty. But there is also a

general implication. If the United States' reliance on paragraph (1) (d) of

Article XX involves a matter of interpretation or application of the Treaty

that is a matter for the merits, why does not Iran's reliance on Articles I,

IV and X similarly involve such a matter? Mr. President, Members of the

Court, yeu saw counsel for the United States addressing yeu on these

articles, yeu heard Mr. Crook. Was he engaged any less in the

interpretation or application of those Articles than he would have been if

he'd actually spoken about Article XX (1) (d)? Obviously not. The legal

processes were the same; the factual assertions were the same. Having

crossed the threshold of the relevance of Iran•s claims to the Treaty of

Amity - as I have argued that Iran has plainly done - the Court's - 61 -

jurisdiction is duly invoked. The rest belongs to the

merits.

C. Is the Jurisdictional Issue Exclusively Preliminary under

Article 79, paragraph 7, of the Rules?

53. Mr. President, Members of the Court, I turn now to a final issue.

Which is whether the Court might in the present case properly join the

jurisdictional objection to the merits under Article 79, paragraph 7, of the

Rules on the basis that it does not possess an exclusively preliminary

character.

54. On this point there is good news and bad news. The good news is

that the Parties agree that the Court can deal with the United States

prelirninary objection at this stage, without joining it to the rnerits. The

bad news is that they disagree entirely as to why (cf. CR 96/13, pp. 49-58,

Mr. Chorowsky). For the United States it is clear that the issues are

prelirninary and that the Court lacks jurisdiction. For Iran it is clear

that the dispute does relate to the interpretation and application of the

Treaty of Amity and that the Court has jurisdiction.

55. If the arguments I have made about the threshold requirements for a

matter to involve the interpretation or application of a treaty are

accepted, then the Court has jurisdiction, and the merits of the present

dispute can be dealt with in a later stage or stages. There is no need to

apply Article 79, paragraph 7, of the Rules. Indeed a major advantage of

the threshold jurisdictional test which the Court applied in Nicaragua, in

Ambatielos, in Bosnia and in other cases, and which Iran asks it to apply

here, is precisely that it allows the Court to move to the merits without

having had to form preliminary and apparently prejudicial views as to those

merits. - 62 -

56. By contrast the Court could only uphold the preliminary objection by

forming an adverse view on the substance of the dispute - whether it was a

view about the facts, such as whether the platforms had a commercial or

military purpose, or whether it was a view about the law, such as whether

Article I has no independent content. Mr. Chorowsky sought to argue that

the Court could dispose of this case at this stage without prejudicing any

issue of the merits (CR 96/13, pp. 54-55, Mr. Chorowsky} - that claim is,

quite simply, incredible.

57. In truth, the United States is treating its preliminary objection

as if it were a common law application to strike out a statement of claim -

a strike out application, as common lawyers call it. It is treating this

Court as a common law court, which of course it is not. The distinction

between jurisdiction and merits in this Court is quite different from the

distinction between matters which could be struck out and matters which

should go to trial in the common law, and not doubt ether systems all have

their own similar distinctions. The Court operates under its own régime and

not one borrowed from the common law. There is no procedure for preliminary

trial of substantive issues in this Court, once the proceedings on the

merits have been suspended under Article 79, paragraph 3, of the Rules by

the filing of a preliminary objection. Indeed one can construe Article 79,

paragraph 3, as prohibiting the Court from entering on the merits, except to

the very limited extent to which it may be necessary to do so in order to

decide the preliminary objection.

58. But I have to say that at least in a common law strike out

application the defendant is required to assume that the facts that the

claimant alleges are true. For the purposes of bringing such an application - 63 -

the defendant has to take the plaintiff's case at its best and show,

nonetheless, that it cannet succeed, that it is unarguable. But the United

States has never been able to bring itself to take the facts as asserted by

Iran to be true. It has produced an entirely prejudicial formula for the

overall dispute - a formula which Iran's Agent has already discussed and

dismissed. It has repeatedly asserted that the platforms were used for

military purposes and were not commercial·facilities. That is in dispute.

Can the Court really say that it is unarguable that an unprovoked attack on

a maritime commercial facility by an allegedly neutral State with the

intention of causing that State maximum economie damage so as to benefit a

third aggressor State is incapable of raising issues under the Treaty of

Arnity? The question answers itself. This is of course not the only way of

putting Iran's case - it puts Iran's case perhaps, at its highest. But that

is what the defendant would be required to do if it proceeded as the United

States seeks to proceed. In any event, it is one way of putting the United

States case. and the only responses the United States can give to that

question are responses of the merits.

D. Conclusion

59. Mr. President, Members of the Court, for all these reasons Iran is

confident the Court will confirm its jurisdiction and reject the in liminae

the objections of the United States.

60. Mr. President, Members of the Court, that completes the

presentation on behalf of the Islamic Republic of Iran in this first phase

of the oral proceedings in this first phase of the case. Thank you, Mr.

President, Members of the Court, for your patience. - 64 -

The PRESIDENT : Thank you very much, Professor James Crawford for your

statement. That concludes the first round of the oral argument of the

Islamic Republic of Iran.

Quelques membres de la Cour souhaitent poser des questions à l'une ou à

l'autre Partie ou aux deux à la fois. Je vais leur donner la parole pour le

faire dans un instant. Mais si les distingués membres des deux Parties ne

parviennent pas à prendre l'intégralité du texte de ces questions, je

voudrais leur dire que le texte complet de ces questions leur sera, de

toutes les façons, distribué dès cet après-midi. J'ajoute aussi que les

Parties sont libres de répondre à ces questions, soit oralement au cours du

deuxième tour de plaidoirie orale de la semaine prochaine, soit par écrit

mais, dans ce cas, dans un délai qui ne saurait dépasser dix jours, et je

vous remercie de prêter attention à ces indications. Et maintenant, je prie

le Vice-Président, M. Schwebel, de poser sa question.

The VICE-PRESIDENT: Thank you, Mr. President. In these proceedings,

both Parties cite documents from the ratification processes of treaties of

friendship, commerce and navigation to shed light on their intentions in

concluding the 1955 Treaty of Amity, Economie Relations and Consular Rights

in the terrns in which it was concluded.

In its Judgrnent of 22 July 1952, on the Preliminary Objection of Iran in

the Anglo-Iranian Oil Company case, the Court found what was the intention

of Iran in drafting the terms of its declaration of adherence to the

compulsory jurisdiction of the Court under Article 36, paragraph 2 (I.C.J.

Reports 1952, pp. 104-107). - 65 -

To what extent, if any, do the Parties in the case now before the Court

find the holdings of the Court in the jurisdictional phase of the

Anglo-Iranian Oil Company case instructive?

Le PRESIDENT : Merci. Je donne à présent la parole à Mme Higgins pour

poser sa question.

Judge HIGGINS: Thank you, Mr. President. My question is for the United

States of America. Does the United States view that the 1955 Treaty of

Amity affords no basis of jurisdiction in this case depend upon the

contention that the oil platforms in question were being used for military

purposes rather than commercial purposes?

If the oil platforms were in fact dedicated to commercial use, would the

Treaty of Amity thereby afford a basis of jurisdiction?

Le PRESIDENT : Merci. Je prie maintenant le juge ad hoc, M. Rigaux, de

poser sa question.

M. RIGAUX : Merci, Monsieur le Président. La question s'adresse aux

deux Parties. Selon la Partie iranienne, la NIOC livrait encore du pétrole

aux Etats-Unis au moment de la destruction des plates-formes pétrolières qui

font l'objet du litige.

Ces fournitures ont-elles été interrompues à la suite de l'Executive

Order du président Carter en novembre 1979 ? Pendant combien de temps ? Le

cas échéant, quand furent-elles reprises et quand ont-elles pris fin ? - 66 -

The PRESIDENT : Thank You. The Court will now adjourn and the hearings

will resume on Monday morning at ~0 o'clock when the United States of

America will make its statement in reply.

The Court rose at 12.35 p.m.

Document Long Title

Audience publique tenue le vendredi 20 septembre 1996, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Bedjaoui, président

Links