Immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie) - La Grèce demande l'autorisation d'intervenir dans la procédure

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2011/2
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Communiqué de presse
Non officiel

N o2011/2
Le 17 janvier 2011

Immunités juridictionnelles de l’Etat

(Allemagne c. Italie)

La Grèce demande l’autorisation d’intervenir dans la procédure

LA HAYE, le17janvier2011. La République hellénique (ci-après la «Grèce») a déposé,
jeudi13janvier2011, au Greffe de la Cour internationale de Jus tice une requête à fin
d’intervention en l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie).

Dans sa requête à fin d’intervention, la Grèce précise tout d’abord l’intérêt juridique qui est
pour elle en cause : elle y indique que «les intérêts d’ordre juridique de la Grèce ⎯ même s’ils ne
sont qu’indirects ⎯qui pourraient être affectés par une décision de la Cour sont les droits
souverains et la juridiction dont elle jouit en vertu du droit international général» et que «son

intention est, d’une part, de faire valoir et d’établir ses droits et intérêts d’ordre juridique devant la
Cour et, d’autre part, d’exposer de manière appropriée ses vues quant aux répercussions que
pourraient avoir sur eux les demandes de l’Allemagne».

La Grèce précise aussi que son intérêt d’ordr e juridique «découle du fait que l’Allemagne a,

sinon reconnu, du moins admis sa responsabileté intern ationale à l’égard de la Grèce à raison de
tous les actes et omissions commis par le IIIReich entre le 6avril1941, date de l’invasion de la
Grèce par l’Allemagne, et le 8 mai 1945, date de la reddition sans conditions de l’Allemagne».

Dans sa requête, la Grèce indique ensuite l’objet précis de l’intervention. Elle précise que
sa demande a un double objet :

« Premièrement, protéger et sauvegarder, par tous les moyens juridiques disponibles, les
droits de la Grèce , notamment ceux qui lui ont été reconnus à la suite du règlement de différends

nés d’actes particuliers ou de la pratique géné rale de l’Allemagne pe ndant la seconde guerre
mondiale et ceux qui découlent du droit internati onal général, en particulier en matière de
juridiction et de responsabilité de l’Etat.»

«Deuxièmement, informer la Cour de la nature des droits et intérêts d’ordre juridique de la
Grèce auxquels la décision de la Cour pourrait porter atteinte, compte tenu des demandes
présentées par l’Allemagne en l’affaire portée devant la Cour».

La Grèce rappelle que l’Allemagne, dans sa propre requête déposée le 23décembre2008,

avait demandé à la Cour de dire et de juger, inter alia, que : - 2 -

«3)en déclarant exécutoires sur le sol italien des décisions judiciaires grecques fondées sur
des faits comparables à ceux qui sont mentionnés au point 1 [de la requête], la République italienne

a commis une autre violation de l’immunité de juridiction de l’Allemagne.»

La Grèce précise qu’elle «ne souhaite interv enir à l’instance qu’en ce qui concerne les
décisions rendues par ses propres cours et tribunaux (internes) sur des faits qui se sont produi
ts

durant la seconde guerre mondiale et exécutées (par voie d’ exequatur) par des juridictions
italiennes».

Enfin, la Grèce spécifie la base de compétence qui, selon elle, existe entre elle et les Parties.

Elle indique qu’elle «ne cherche pas à intervenir en tant qu’Etat partie à l’affaire», mais «seulement
et exclusivement en application de l’article 62 du Statut de la Cour ».

Historique de la procédure

Le 23 décembre 2008, la République fédérale d’Allemagne a introduit une instance devant la
Cour internationale de Justice contre la République italienne au motif que, «par sa pratique
judiciaire, … l’Italie a manqué à ses obligations envers l’Allemagne en vertu du droit international,

et continue d’y manquer».

Dans sa requête, l’Allemagne expose notamment ce qui suit :

«[c]es dernières années, la justice italie nne a refusé à plusieurs reprises de tenir
compte de [l’]immunité de juridiction [dont elle jouit] en tant qu’Etat souverain. Cette
situation a pris un tour critique avec la décision rendue le 11mars2004 dans
l’affaire Ferrini par la Corte di Cassazione, celle-ci ayant déclaré que l’Italie pouvait

exercer sa juridiction à l’égard d’une demande…soumise par une personne qui,
pendant la seconde guerre mondiale, avait été déportée en Allemagne pour y effectuer
du travail forcé dans le secteur de l’armement. A la suite de cet arrêt, les juridictions
italiennes ont été saisies de nombreuses autres affaires introduites contre l’Allemagne

par des personnes ayant, elles aussi, subi un préjudice par suite du conflit armé.»

L’arrêt Ferrini ayant été récemment confirmé «dans une série de décisions rendues le
29mai2008 et dans un nouvel arrêt du 21octobre 2008», l’Allemagne indique craindre «que des

centaines de nouvelles affaires ne soient engagées à son encontre».

Le demandeur précise dans sa requête que des mesures d’exécution ont déjà été prises contre
des biens allemands en Italie: une «hypothèque judiciaire» sur la VillaVigoni, le centre

germano-italien d’échanges culturels, a été inscr ite au cadastre. Outre les demandes formulées à
son encontre par des ressortissants italiens, l’ Allemagne mentionne certaines «tentatives, par des
ressortissants grecs, de faire appliquer en Italie une décision obtenue en Grèce à raison

d’un … massacre perpétré par des unités de l’armée allemande pendant leur retrait, en 1944».

Au terme de sa requête, le demandeur prie la Cour de dire et juger que :

«1)en permettant que soient intentées à son encont re des actions civiles f ondées sur des violations

du droit international humanitaire commises par le Reich allemand au cours de la seconde
guerre mondiale, de septembre1943 à mai1945, [l’Italie] a violé ses obligations juridiques
internationales en ne respectant pas l’immunité de juridiction dont jouit la République fédérale
d’Allemagne en vertu du droit international ;

2) en prenant des mesures d’exécution visant la «VillaVigoni», propriété de l’Etat allemand
utilisée par le gouvernement de ce dernier à des fi ns non lucratives, [l’Italie] a également violé
l’immunité de juridiction de l’Allemagne ; - 3 -

3) en déclarant exécutoires sur le sol italien d es décisions judiciaires grecques fondées sur des
faits comparables à ceux qui sont mentionnés au point 1 ci-dessus, [l’Italie] a également violé

l’immunité de juridiction de l’Allemagne.

En conséquence, la République fédérale d’Allemagne prie la Cour de dire et juger que

4) la responsabilité internationale de la République italienne est engagée ;

5) la République italienne prendra, par des moye ns de son choix, toutes les mesures nécessaires
pour faire en sorte que l’ensemble des décisions de ses juridictions et autres autorités judiciaires

qui contreviennent à l’immunité souveraine de l’Allemagne soient privées d’effet ;

6) la République italienne prendra toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ses
juridictions s’abstiennent à l’avenir de c onnaître d’actions intentées contre l’Allemagne à
raison des faits mentionnés au point 1 ci-dessus.»

L’Allemagne se réserve en même temps le droit de demander à la Cour d’indiquer,
conformément à l’article41 de son Statut, des mesures conservatoires «si les autorités italiennes
devaient prendre des mesures d’exécution à l’encont re d’avoirs appartenant à l’Etat allemand, en

particulier de locaux, diplomatiques ou autr es qui, en vertu des règles générales du droit
international, bénéficient d’une protection contre de telles mesures».

Pour fonder la compétence de la Cour, l’Allemagne invoque l’articlepremier de la

convention européenne pour le rè glement pacifique des différends qui fut adoptée le 29 avril 1957
par les membres du Conseil de l’Europe, ratifiée pa r l’Italie le 29 janvier 1960 et par l’Allemagne
le 18 avril 1961. Aux termes de cet article,

«Les Hautes Parties contractantes soumettront pour jugement à la Cour internationale de
Justice tous les différends juridiques relevant du dr oit international qui s’élèveraient entre elles et
notamment ceux ayant pour objet :

a) l’interprétation d’un traité ;

b) tout point de droit international ;

c) la réalité de tout fait qui, s’il était ét abli, constituerait la vi olation d’une obligation
internationale ;

d) la nature ou l’étendue de la réparation due pour rupture d’une obligation internationale.»

L’Allemagne explique que, bien que l’affair e soumise à la Cour oppose deux Etats membres
de l’Union européenne, la Cour de justice de s communautés européennes au Luxembourg n’a pas
compétence pour en connaître, dès lors que le différend n’est régi par aucune clause juridictionnelle

contenue dans les traités relatifs à l’intégration européenne. Elle ajoute que, en dehors de ce «cadre
spécifique», «le régime du droit international géné ral continue de s’appli quer aux relations» entre
les Etats membres.

La requête de la République fé dérale d’Allemagne était assortie d’une déclaration conjointe
adoptée à l’occasion des consultations qui se sont tenues entre les Gouvernements allemand et
italien à Trieste le 18 novembre 2008, dans le cadre desquelles les deux gouvernements ont déclaré
«partager les idéaux de réconciliation, de solidarit é et d’intégration qui forment la base de la

construction européenne». Dans cette déclar ation, l’Allemagne «reconnaît pleinement les
souffrances indicibles infligées aux hommes et femm es d’Italie» au cours de la seconde guerre
mondiale. L’Italie, pour sa part, «respecte la décision de l’Allemagne de s’adresser à la Cour
internationale de Justice pour obtenir une décision sur le principe de l’immunité de l’Etat [et]

considère que pareille décision contribuera à faire la lumière sur cette question complexe». - 4 -

Dans une ordonnance datée du 29avril2009, la Cour a fixé les délais pour le dépôt des
premières pièces de la procédure écrite en l’affaire : elle a fixé au 23 juin 2009 la date d’expiration

du délai pour le dépôt d’un mémoire par l’Allema gne et au 23 décembre 2009 la date d’expiration
du délai pour le dépôt d’un contre-mémoire par l’Italie.

Ces pièces ont été déposées dans les délais ainsi fixés.

Le 6juillet2010, la Cour a rendu une or donnance sur une demande reconventionnelle
formulée par l’Italie dans s on contre-mémoire. Par cette or donnance, la Cour, par treize voix
contre une, a «[d]it que la dema nde reconventionnelle présentée par l’Italie … [était] irrecevable

comme telle et ne [faisait] pas partie de l’instance en cours»; elle a, à l’unanimité, autorisé la
présentation d’une réplique de l’Allemagne et d’une duplique de l’It alie et a fixé au
14 octobre 2010 et au 14 janvier 2011, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le
dépôt de ces pièces de procédure.

Ces pièces ont été déposées dans les délais prescrits.

La suite de la procédure a été réservée.

___________

Le texte intégral de la requête à fin d’intervention de la Grèce sera prochainement disponible
sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire dela Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)

Mme Genoveva Madurga, assistanteadministrative (+31 (0)70 302 2396)

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