L'Allemagne introduit une instance contre l'Italie pour non-respect de son immunité de juridiction en tant qu'Etat souverain

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2008/44
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Communiqué de presse
Non officiel

o
N 2008/44
Le 23 décembre 2008

L’Allemagne introduit une instance contre l’Italie pour non-respect de son immunité de
juridiction en tant qu’Etat souverain

LA HAYE, le 23décembre 2008. La Républi que fédérale d’Allemagne a introduit ce jour
une instance devant la Cour internationale de Ju stice (CIJ) contre la Ré publique italienne au motif
que, «par sa pratique judiciaire, … l’Italie a ma nqué à ses obligations envers l’Allemagne en vertu
du droit international, et continue d’y manquer».

Dans sa requête, l’Allemagne soutient que

«[c]es dernières années, la justice italienne a refusé à plusieurs reprises de tenir compte de
[l’]immunité de juridiction [dont elle jouit] en tant qu’Etat souverain. Cette situation a pris un tour
critique avec la décision rendue le 11 mars 2004 dans l’affaire Ferrini par la Corte di Cassazione ,

celle-ci ayant déclaré que l’Italie pouvait exercer sa juridiction à l’égard d’une
demande … soumise par une personne qui, pendant la seconde guerre mondiale, avait été déportée
en Allemagne pour y effectuer du travail forcé dans le secteur de l’armement . A la suite de cet
arrêt, les juridictions italiennes ont été saiside nombreuses autres affaires introduites contre

l’Allemagne par des personnes ayant, elles aussi, subi un préjudice par suite du conflit armé.»

L’aFertrini ayant été récemment confirmé «dans une série de décisions rendues le
29 mai 2008 et dans un nouvel arrêt du 21 octobre 2008», l’Allemagne «craint que des centaines de
nouvelles affaires ne soient engagées à son encontre».

Le demandeur rappelle que des mesures d’exécu tion ont déjà été prises contre des biens
allemands en Italie: une «hypothèque judiciai re» sur la Villa Vigoni, le centre germano-italien
d’échanges culturels, a été inscrite au cadastre. Outre les demandes formulées à son encontre par
des ressortissants italiens, l’Allemagne mentionne certaines «tentatives, par des ressortissants

grecs, de faire appliquer en Italie une décision obtenue en Grèce à raison d’un … massacre perpétré
par des unités de l’armée allemande pendant leur retrait, en 1944».

Le demandeur prie la Cour de dire et juger que,

«1)en permettant que soient intentées à son encont re des actions civiles fondées sur des violations
du droit international humanitaire commises par le Reich allemand au cours de la seconde
guerre mondiale, de septembre1943 à mai1945, [l’Italie] a violé ses obligations juridiques
internationales en ne respectant pas l’immunité de juridiction dont jouit la République fédérale
d’Allemagne en vertu du droit international ; - 2 -

2) en prenant des mesures d’exécution visant la «Villa Vigoni», propriété de l’Etat allemand
utilisée par le Gouvernement de ce dernier à des fins non-lucratives, [l’Italie] a également violé

l’immunité de juridiction de l’Allemagne ;

3) en déclarant exécutoires sur le sol italien d es décisions judiciaires grecques fondées sur des
faits comparables à ceux qui sont mentionnés au point 1 ci-dessus, [l’Italie] a également violé

l’immunité de juridiction de l’Allemagne.

En conséquence, la République fédérale d’Allemagne prie la Cour de dire et juger que

4) la responsabilité internationale de la République italienne est engagée ;

5) la République italienne prendra, par des moye ns de son choix, toutes les mesures nécessaires
pour faire en sorte que l’ensemble des décisions de ses juridictions et autres autorités judiciaires
qui contreviennent à l’immunité souveraine de l’Allemagne soient privées d’effet ;

6) la République italienne prendra toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ses
juridictions s’abstiennent à l’avenir de c onnaître d’actions intentées contre l’Allemagne à
raison des faits mentionnés au point 1 ci-dessus.»

L’Allemagne se réserve le droit de demande r à la Cour d’indiquer, conformément à
l’article41 de son Statut, des mesures conservatoires «si les autorités italiennes devaient prendre
des mesures d’exécution à l’encontre d’avoirs appa rtenant à l’Etat allemand, en particulier de

locaux, diplomatiques ou autres qui, en vertu des règles générales du droit international, bénéficient
d’une protection contre de telles mesures».

Pour fonder la compétence de la Cour, l’Allemagne invoque l’articlepremier de la

convention européenne pour le rè glement pacifique des différends qui fut adoptée le 29 avril 1957
par les membres du Conseil de l’Europe, ratifiée pa r l’Italie le 29 janvier 1960 et par l’Allemagne
le 18 avril 1961. Aux termes de cet article,

«Les Hautes Parties contractantes soumettront pour jugement à la Cour internationale de
Justice tous les différends juridiques relevant du dr oit international qui s’élèveraient entre elles et
notamment ceux ayant pour objet :

a) l’interprétation d’un traité ;

b) tout point de droit international ;

c) la réalité de tout fait qui, s’il était ét abli, constituerait la vi olation d’une obligation
internationale;

d) la nature ou l’étendue de la réparation due pour rupture d’une obligation internationale.»

L’Allemagne soutient que, bien que la présente affaire oppose deux Etats membres de
l’Union européenne, la Cour de justice des communautés européennes au Luxembourg n’a pas
compétence pour en connaître, dès lors que le différend n’est régi par aucune clause juridictionnelle

contenue dans les traités relatifs à l’intégration européenne. Elle ajoute que, en dehors de ce «cadre
spécifique», «le régime du droit international géné ral continue de s’appli quer aux relations» entre
les Etats membres. - 3 -

La requête était assortie d’une déclaration conjointe adoptée à l’occasion des consultations
qui se sont tenues entre les Gouvernements allemand et italien à Trieste le 18 novembre 2008, dans

le cadre desquelles les deux Gouvernements ont déclaré «partager les idéaux de réconciliation, de
solidarité et d’intégration qui forment la base de la construction européenne». Dans cette
déclaration, l’Allemagne «reconnaît pleinement les souffrances indicibles infligées aux hommes et
femmes d’Italie» au cours de la seconde guerre m ondiale. L’Italie, pour sa part, «respecte la

décision de l’Allemagne de s’adresser à la Cour in ternationale de Justice pour obtenir une décision
sur le principe de l’immunité de l’Etat [et] c onsidère que pareille décision contribuera à faire la
lumière sur cette question complexe».

___________

Le texte intégral de la requête de la République fédérale d’Allema gne sera disponible sous

peu sur le site web de la Cour (www.icj-cij.org).

___________

Département de l’information :

Mme Laurence Blairon, secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachés d’information (+31 (0)70 302 2337)

Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Barbara Dalsbaek, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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