Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda) - Compétence de la Cour et recevabilité de la requête - La Cour dit qu'elle n'a pas co

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126-20060203-PRE-01-00-EN
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Number (Press Release, Order, etc)
2006/4
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél:+31 (0)70 302 23 23. Télégr.:Intercourt,
La Haye. Télécopie:+31 (0)70 364 99 28. Télex:32323. Adresse électronique:
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Communiquéde presse
Non officiel

N° 2006/4
Le 3 février2006

Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002)
(République démocratique du Congo c. Rwanda)

Compétence de la Cour et recevabilité de la requête

La Cour dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître de la requête déposée
par la République démocratique du Congo

LA HAYE, le 3 février2006. La Cour internationale de Justice (CU), organe judiciaire
principal de l'Organisation des Nations Unies, a rendu aujourd'hui son arrêtsur sa compétence et sur
la recevabilité de la requêteen l'affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle

requête: 2002) (Républiquedémocratique du Congo c. Rwanda).

Dans son arrêt,la Cour

«Par quinze voix contre deux,

Dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître de la requête déposéepar la République
démocratique du Congo le 28 mai2002.

POUR : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; M. Vereshchetin, Mme Higgins,
MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada,

Simma, Tomka, Abraham, juges; M. Dugard, juge ad hoc;

CONTRE : M. Koroma, juge; M. Mavungu, juge ad hoc.»

Raisonnement de la Cour

La Cour note tout d'abord qu'elle ne peut se pencher sur aucun élémentrelatif au fond du
différend opposant la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Elle rappelle que,
conformément à la décisionprise dans son ordonnance du 18 septembre 2002, elle n'a à se préoccuper
que des questions de savoiri elle a compétence pour connaître du différendet si la requêtede la RDC

est recevable.

La Cour entame l'examen des onze bases de compétence invoquées par la RDC et parvient aux
conclusions suivantes :

1) Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
de 1984 (art.0, par.1)

La Cour prend acte du fait que le Rwanda n'est pas partie et n'a jamais étépartie à cette
convention et dit que la RDC_n'est pas fondéeinvoquer cet instrument comme base de compétence. - 2 -

2) Convention sur les privilèges et immunitésdes institutions spécialiséesde 1947 (art. 9)

La RDC n'ayant pas cherchéà invoquer cette convention dans la phase actuelle de la procédure,
la Cour décidede ne pas la prendre en considérationdans son arrêt.

3) Forum prorogatum

La Cour rejette l'argument de la RDC selon lequel le Rwanda aurait, en participant à tous les
stades de la procédure, accepté la compétence de la Cour en l'espèce. Elle fait valoir que la
participation du Rwanda à la procédure ne peut être interprétée comme une expression du

consentement de celui-ci à la compétence de la Cour dans la mesure où l'objet même de sa
participation étaitde contester cette compétence.

4) Ordonnance du 10juillet 2002 en indication de mesures conservatoires

La Cour réfutela suggestion qu'elle se serait implicitement déclaréecompétentepour connaître
du fond de l'affaire en ne rayant pas celle-ci du rôle au stade de la demande en indication de mesures

conservatoires. Elle rappelle que, dans son ordonnance du 10juillet 2002, elle avait justifié son refus
d'indiquer de telles mesures par l'absence de compétence prima facie et n'avait maintenu l'affaire au
rôle que dans le but d'examiner plus avant la question de sa compétence.

5) Convention pour la préventionet la répressiondu crime de génocidede 1948 (art. IX)

La Cour relève que les deux Etats sont parties à cette convention. Elle ajoute que le Rwanda a
formuléune réservepar laquelle il entendait exclure la compétencede la Cour prévueà l'article IX de

ladite convention qui stipule que «les différends entre les parties contractantes relatifs à
l'interprétation,l'application ou l'exécutionde la ... convention» seront soumis à la Cour.

Elle rappelle qu'au cours de la procédure, la RDC a soutenu que le Rwanda avait retirécette

réserve, invoquant à cet effet un décret-loi en date du 15 février1995 par lequel le Rwanda aurait
entendu lever toutes ses réserves à 1'adhésion, à 1'approbation et à la ratification des instruments
internationaux relatifs aux droits de l'homme, ainsi qu'une déclaration faite le 17 mars 2005 par la
ministre de la justice du Rwanda lors de la soixante et unième session de la Commission des droits de

l'homme des Nations Unies. La RDC a en outre contestéla validitéde la réserverwandaise.

S'agissant du décret-loidu 15 février1995, la Cour dit qu'il n'a pas étéétablique le Rwanda ait
notifiéle retrait de ses réserves aux autres Etats parties aux«instruments internationaux» auxquels il

est fait référenceà l'article premier dudit décret-loi,et en particulier aux Etats parties à la convention
sur le génocide. Il n'a pas davantage étéétabliqu'en vertu d'une convention quelconque un tel retrait
aurait pu êtreeffectif sans notification. De l'avis de la Cour, l'adoption du décret-loiet sa publication
au Journal officiel de la Républiquerwandaise ne sauraient en elles-mêmesvaloir pareille notification.

Pour produire des effets en droit international, le retrait aurait dû faire l'objet d'une notification reçue
au plan international.

Quant à la déclarationfaite par la ministre de la Justice du Rwanda, selon laquelle les «quelques

instruments [relatifs aux droits de l'homme] non encore ratifiés»à cette date par le Rwanda, ainsi que
les réserves «non encore levées, le ser[aient] prochainement», la Cour dit qu'elle n'est pas
suffisamment précise sur la question particulière du retrait des réserves. Ladite déclarationne peut dès
lors êtreconsidéréecomme la confirmation par le Rwanda d'un retrait déjàdécidéde sa réserve à

l'article IX de la convention sur le génocideou un quelconque engagement unilatéral de sa part ayant
des effets juridiques en ce qui concerne ce retrait.

La Cour examine enfin l'argument de la RDC selon lequel la réserverwandaise serait invalide

au motif que la convention sur le génocide contient des normes impératives (jus cogens) qui
s'imposent à tous les Etats. A cet égard, la Cour dit que les droits et obligations consacrés par la
convention sont des droits et des obligations erga omnes (qui valent à l'égardde tous), mais que le - 3 -

seul fait que ces droits et obligations seraient en cause dans un différend ne saurait donner compétence

à la Cour pour connaître de ce différend. La Cour note qu'il en va de mêmepour les normes
impératives du droit international général.En vertu du Statut de la Cour, la compétence de celle-ci est
toujours fondée sur le consentement des parties. La Cour ajoute que la réserven'est pas incompatible
avec 1'objet et le but de la convention.

La Cour conclut de ce qui précèdeque la convention sur le génocide ne saurait constituer une
base de compétence en l'espèce.

6) Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965
(art. 22)

La Cour note que la RDC et le Rwanda sont parties à la convention, mais relève que le Rwanda

a formulé une réserve à l'article 22 qui attribue à la Cour compétence pour connaître des différends
entre Etats parties sur l'interprétation ou l'application de ladite convention. Elle note que le
paragraphe 3 de l'article 20 de la convention prévoit que «les réserves peuvent êtreretirées à tout
moment par voie de notification adressée au Secrétaire général»des Nations Unies et indique n'avoir

toutefois connaissance d'aucune notification de retrait de cette réserve. La Cour ajoute que la réserve
n'est pas incompatible avec l'objet et le but de la convention, et qu'elle n'est pas en conflit avec une
norme impérative du droit international général. La Cour renvoie à cet égardaux motifs par lesquels
elle a écartéune semblable argumentation à propos de la réserve rwandaise à l'article IX de la

convention sur le génocide. Elle en conclut que l'instrument susmentionné ne saurait fonder sa
compétence.

7) Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des

femmes de 1979 (art. 29, par. 1)

La Cour relève que les deux Etats sont parties à la convention. Elle ajoute que le paragraphe 1
de l'article 29 de la convention prévoitla compétence de la Cour pour connaître de tout différend entre

Etats contractants concernant l'interprétation ou l'application de la convention. Les Etats doivent
toutefois tenter de résoudre un éventuel différend par voie de négociation, puis d'arbitrage, avant de
s'adresser à la Cour. La Cour examine s'il existe en l'espèce un différendentre les Parties concernant
l'interprétation ou l'application de la convention, qui n'aurait pas pu être réglé par voie de

négociation. Elle dit que les élémentsde preuve qui lui ont étéprésentésn'ont pas permis d'établir à
sa satisfaction que la RDC ait cherché à entamer des négociations relatives à l'interprétation ou
l'application de la convention. Elle ajoute que la RDC n'a pas davantage apporté la preuve qu'elle
aurait proposé au Rwanda l'organisation d'une procédure d'arbitrage et que ce dernier Etat n'aurait

pas donnésuite à cette proposition. La Cour rejette par conséquent cette base de compétence.

8) Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé(OMS) de 1946 (art. 75)

La Cour indique que tant la RDC que le Rwanda sont parties à la Constitution de l'OMS. Elle
ajoute que l'article 75 de la Constitution de l'OMS qui prévoit la compétence de la Cour pour
connaître de questions ou de différends entre Etats membres exige que ces questions ou différends
portent sur l'interprétation ou l'application de ladite Constitution. La Cour estime que ce n'est pas le

cas en l'espèce et que, quand bien mêmece le serait, la RDC n'a pas apporté la preuve que les autres
conditions préalables à la saisine de la Cour aient étéremplies. La Constitution de l'OMS ne peut
donc pas êtreretenue comme base de compétence.

9) Acte constitutif de l'Unesco (art. XIV, par. 2)

Après avoir pris note du fait que les deux Etats sont parties à l'acte constitutif de l'Unesco, la
Cour observe que le paragraphe 2 de l'article XIV de cet instrument n'envisage la soumission de

différends qu'en matière d'interprétation de celui-ci. Elle dit que tel n'est pas l'objet de la requêtede
la RDC. La procédure préalable à la saisine de la Cour n'ayant par ailleurs pas étésuivie, la Cour
rejette cette base de compétence. -4-

10) Convention de Montréal pour la répression d'actes illicites dirigéscontre la sécuritéde 1'aviation
civile de 1971 (art. 14, par.)

La Cour relève que la RDC et le Rwanda sont parties à la convention. Elle ajoute que le
paragraphe 1 de l'article 14 de la convention prévoitla compétence de la Cour pour connaître de tout
différend entre Etats contractants concernant l'interprétation ou l'application de la convention. Les

Etats doivent toutefois tenter de résoudre un éventuel différend par voie de négociation, puis
d'arbitrage, avant de s'adresser à la Cour. La Cour est d'avis que la RDC n'a pas démontréavoir
satisfait àces conditions et en conclut que la convention ne saurait fonder sa compétence.

11) Convention de Vienne sur le droit des traitésde 1969 (art. 66)

La Cour note en premier lieu que la convention, à laquelle la RDC et le Rwanda sont parties,
stipule en son article 4 qu'elle s'applique uniquement aux traitésconclus par des Etats après son entrée
en vigueur à l'égardde ces Etats. Or, la convention de Vienne n'est entréeen vigueur entre la RDC et

le Rwanda que le 3 février 1980, soit après la conclusion des conventions sur le génocide et sur la
discrimination raciale. Ainsi, selon la Cour, les règles contenues dans la convention de Vienne ne sont
applicables que dans la mesure où elles sont déclaratoires de droit international coutumier. De l'avis
de la Cour, les règles énoncéesà l'article 66 de la convention (qui permet à la Cour de statuer sur des

différends relatifs aux conflits entre traités et normes impératives du droit international général)ne
présentent pas un tel caractère. De surcroît, les deux Parties ne sont pas autrement convenues
d'appliquer entre elles l'article 66.

La Cour rappelle par ailleurs que le seul fait que des droits et obligations erga omnes ou des
règles impératives de droit international général(jus cogens) seraient en cause ne saurait constituer en
soi une exception au principe selon lequel sa compétence repose toujours sur le consentement des
parties.

*

Etant parvenue à la conclusion qu'aucune des bases de compétence invoquées par la RDC ne
peut êtreretenue et qu'elle n'a donc pas compétence pour connaître de la requête,la Cour n'a pas à

statuer sur la recevabilité de celle-ci. Elle ajoute qu'elle ne peut, de par son Statut, prendre position
sur le fond des demandes formulées par la RDC. Toutefois, elle tient à rappeler qu'il existe une
distinction fondamentale entre l'acceptation de la juridiction de la Cour par les Etats et la conformité
de leurs actes au droit international. Qu'ils aient accepté ou non la juridiction de la Cour, les Etats

sont tenus de se conformer aux obligations qui sont les leurs en vertu de la Charte des Nations Unies
et des autres règles du droit international, y compris du droit international humanitaire et du droit
international relatif aux droits de l'homme, et demeurent responsables des actes contraires au droit
international qui pourraient leur êtreattribués.

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président;
MM. Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,
Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, Abraham, juges; MM. Dugard,
Mavungu, juges ad hoc; M. Couvreur, greffier.

M. le juge Koroma joint à 1'arrêt1'exposé de son opinion dissidente; Mme le juge Higgins et
MM. les juges Kooijmans, Elaraby, Owada et Simma joignent à l'arrêtl'exposé de leur opinion
individuelle commune; M. le juge Kooijmans joint une déclaration à l'arrêt;M. le juge Al-Khasawneh
joint à l'arrêtl'exposéde son opinion individuelle; M. le juge Elaraby joint une déclaration à l'arrêt;

M. le juge ad hoc Dugard joint à l'arrêtl'exposé de son opinion individuelle; M. le juge ad hoc
Mavungu joint à l'arrêtl'exposéde son opinion dissidente. - 5-

Un résuméde l'arrêtest fourni dans le document intitulé «Résumén° 2006/1» auquel sont
annexésles résumésdes déclarations et opinions jointes à l'arrêt. Le présentcommuniqué de presse,

le résuméde l'arrêt,ainsi que le texte intégralde celui-ci peuvent êtreconsultés sur le site Internet de
la Cour (www.icj-cij.org) sous les rubriques «Rôle» et «Décisions».

Département de l'information:

Mme Laurence Blairon, chef du département (+ 31 70 302 23 36)

MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachésd'information(+ 31 70 302 23 37)
Adresse de courrier électronique: [email protected]

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Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda) - Compétence de la Cour et recevabilité de la requête - La Cour dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître de la requête déposée par la République démocratique du Congo

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