Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France) - La Cour rejette la demande en indication de mesure conservatoire présentée par la République du Congo

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129-20030617-PRE-01-00-EN
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Number (Press Release, Order, etc)
2003/20
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél:+31 (0)70 302 23 23. Télégr.:Intercourt,
La Haye. Télécopie:+31 (0)70 364 99 28. Télex:32323. Adresse électronique:

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Communiqué de presse
Non officiel

N° 2003/20
Le 17juin 2003

Certaines procédures pénalesengagées en France
(République du Congo c. France)

La Cour rejette la demande en indication de mesure conservatoire
présentéepar la République du Congo

LAHAYE, le 17juin 2003. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal
des Nations Unies, a rejetéaujourd'hui la demande en indication de mesure conservatoire présentée
par la Républiquedu Congo en l'affaire relative à Certaines procédurespénalesengagéesen France
(Républiquedu Congo c. France).

Dans son ordonnance, la Cour dit par quatorze voix contre une que «les circonstances, telles
qu'elles se présententactuellement à [elle], ne sont pas de nature à exiger l'exercice de son pouvoir
d'indiquer, en vertu de l'articledu Statut, des mesures conservatoires».

Historique de la procédure

Le 9 décembre 2002, la République du Congo a déposéau Greffe de la Cour une requête

introductive d'instance contre la France visant à faire annuler les actes d'instruction et de poursuite
accomplis par la justice française la suite d'une plainte pour crimes contre l'humanitéet tortures
prétendûmentcommis au Congo sur des personnes de nationalité congolaise, émanantde certaines
associations ayant pour objet la défense des droits de l'homme et mettant en cause le président
congolais, M. Denis Sassou Nguesso, le ministre congolais de l'intérieur,le généralPierre Oba, ainsi

que d'autres personnes, dont le généralNorbert Dabira, inspecteur généraldes forces armées
congolaises, et le généralBlaise Adoua, commandant la garde présidentielle.

Le Congo soutient qu'en «s'attribuant unilatéralementune compétence universelle en matière
pénaleet en s'arrogeant le pouvoir de faire poursuivre et juger le ministre de l'intérieurd'un Etat

étranger à raison de prétendues infractions qu'il aurait commises à l'occasion de l'exercice de ses
attributions relatives au maintien de l'ordre public dans son pays», la France a violé«le principe selon
lequel un Etat ne peut, au méprisde l'égalitésouveraine entre tous les Etats Membres de l'[ONU] ...
exercer son pouvoir sur le territoire d'un autre Etat». Il ajoute qu'en délivrant une commission

ïûgatûire ûrdonnânt âüX officiers de police judiciaire d'entendre comme témoin en l'affaire
le présidentdu Congo, la France a violé«l'immunitépénaled'un chef d'Etat étranger- coutume
internationale reconnue par lajurisprudence de la Cour».

Dans sa requête,le Congo indiquait qu'il entendait fonder la compétence de la Cour, en
application du paragraphe 5 de l'article 38 du Règlement de la Cour, <<Sulre consentement que ne
manquera pas de donner la République française». Conformément àcette disposition, la requêtedu
Congo avait ététransmise au Gouvernement français et aucun acte de procéduren'avait éteffectué.
Par une lettre datéedu 8 avril 2003 parvenue au Greffe, la France a indiquéqu'elle «accept[ait] la

compétence de la Cour pour connaître de la requêteen application de l'article 38 paragraphe5».
Cette acceptation a permis l'inscription de l'affaire au rôle de la Cour et l'ouverture de la procédure
en l'espèce. -2-

La requête du Congo était accompagnée d'une demande en indication de mesure

conservatoire «tend[ant] à faire ordonner la suspension immédiate de la procédure suivie par le
juge d'instruction du tribunal de grande instance de Meaux». Des audiences sur cette demande se
sont tenues les 28 et 29 avril 2003. Au terme de celles-ci, le Congo a confirmésa demande en
indicationde mesure conservatoire tandis que la France a priéla Cour de rejeter cette demande et de

ne pas indiquerune telle mesure conservatoire.

Raisonnement de la Cour

La Cour commence par rappeler que le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires a pour
objet de sauvegarder le droit de chacune des parties en attendant une décisionfinale en l'affaire et
qu'il présupposequ'un préjudiceirréparablene doit pas êtrecauséaux droits en litige. Elle ajoute

que de telles mesures ne sontjustifiéesque s'il y a urgence.

La Cour examine d'abord l'argument du Congo selon lequel les procédurespénalesengagées
en France porteraient un préjudice irréparableà l'honneur et à la considération des plus hautes

autoritésdu Congo, ainsi qu'à la stabilitéinterne du pays, à son créditinternational et aux relations
d'amitié franco-congolaises. Elle relève qu'elle n'a pas étéinformée de la manière dont,
concrètement,ceci avait pu se produire et dit qu'aucun élémenttendant à prouver l'existence d'un
préjudiceou d'une menace de préjudicegrave de cette nature n'a étverséau dossier.

Elle s'attache ensuite à déterminersi les procédurespénalesfrançaises risquent de causer un
préjudiceirréparableau droit du Congo à ce que la France respecte les immunitésdont le président
Sassou Nguesso jouit en sa qualitéde chef d'Etat. A cet égard,elle prend acte des déclarationsdes

représentantsfrançais aux audiences selon lesquelles «la France ne nie en aucune manièreque le
présidentcongolais bénéficie,en tant que chef d'un Etat étranger,«d'immunitésde juridiction, tant
civiles quepénales»». La Cour en conclut qu'il n'existe à l'heure actuelle, en ce qui concerne le
président Sassou Nguesso, aucun risque de préjudice irréparable. Elle ajoute qu'il n'est pas

davantage établiqu'un tel risque existe pourle ministre congolais de l'intérieur,le général ba.

La Cour examine enfin s'il existe un risque de préjudiceirréparableau regard de l'allégation

du Congo selon laquelle le fait pour un Etat de s'attribuer unilatéralement une compétence
juridictionnelle universelle en matière pénale constitue une violation d'un principe de droit
international. Elle rejette cet argument aprèsavoir fait un certain nombre de constatations. Ainsi,
en ce qui concerne le présidentSassou Nguesso, la Cour souligne que la demande de déposition

écriteformulée par le juge d'instruction au titre de l'article 656 du code de procédurepénale
français n'a pas ététransmise à l'intéressépar le ministère français des affaires étrangères,alors
qu'il s'agit du seul moyen de la recueillir. Pource qui est du généralOba et du généralAdoua, la
Cour relève que ceux-ci n'ont fait l'objet d'aucun acte de procédure de la part du juge

d'instruction. Des mesures conservatoires ne s'imposent donc pas de façon urgente. En ce qui
concerne le généralDabira, la Cour observe que la procédurepénaleengagéeà Meaux a eu une
incidence sur la situation juridique de l'intéressdans la mesure où celui-ci possèdeune résidence
en France, était présent en France et y a étéentendu en qualité de témoin assisté, et, plus

particulièrement, où, étant reparti pour le Congo, il n'a pas déféré à une convocation du juge
d'instïuctiûn, ce qui â cûndüit celui-ci à délivrerà son encontre un mandat d'amener. La Cour
indique néanmoins que l'indication d'une mesure conservatoire de la nature de celle demandée

aurait comme effet pratique de permettre au généraD l abira de se rendre en France sans craindrede
conséquence juridique et que le Congo n'a pas démontréqu'il est probable, voire seulement
possible, que les actes de procédure dont le généralDabira a fait l'objet causent un préjudice
irréparablequelconque aux droits en litige.

La Cour ne voyant, dans les circonstances de l'espèce, aucune nécessitéd'indiquer des
mesures conservatoires indépendamment des demandes présentées par les Parties, rejette
la demande du Congo, non sans avoir rappeléque sa décision ne préjugeen rien sa compétence

pour examiner le fond du différend. -3 -

Compositionde la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président;
MM.Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans,
Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges; M. De Cara, juge ad hoc;

M. Couvreur,greffier.

MM. les juges Koroma et Vereshchetin joignent à l'ordonnance l'exposéde leur opinion
individuellecommune. M. lejuge ad hoc De Carayjoint l'exposéde son opinion dissidente.

Un résuméde l'ordonnance est fourni dans le document intitulé«Résumé n°200311»,auquel
est annexéun résumé des opinions. Le présentcommuniquéde presse, le résuméde l'ordonnance,
ainsi que le texte intégral de celle-ci figurent également sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org).

Départementde l'information:
M. Arthur Witteveen, premier secrétaire(+31 70 302 23 36)
Mme Laurence Blairon et M. Boris Heim, attachésd'information(+ 31 70 302 23 37)
Adresse électronique: [email protected]

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