LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique) - La Cour dit que les Etats-Unis ont violé les obligations dont ils étaient tenus envers l'Allemagne et les frères LaGrand en vertu de la convention de Vie

Document Number
104-20010627-PRE-01-00-EN
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2001/16
Date of the Document
Document File

COURINTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél.(31-70-30223 23). Télégr.:Intercourt, La Haye.
Télécopie (31-70-364 99 28). Télex32323. Adresse Internet: http: Il www.icj-cij.org

Communiqué
non officiel
poudiffusion inunédiate

N° 2001/16

Le 27 juin 2001

LaGrand
(Allemagne c. Etats-Unis d'Amérigue)

La Cour dit gue les Etats-Unis ont violéles obligations dont ils étaient tenus envers l'Allemagne

et les frères LaGrand en vertu de la convention de Vienne sur les relations consulaires

La Cour dit, pour la première fois de son histoire, gue les ordonnances en indication
de mesures conservatoires ont force obligatoire

• LA HAYE, le 27juin 200 1. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal
des Nations Unies, a rendu aujourd'hui son arrêt en l'affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis

d'Amérique).

Dans son arrêt,qui est définitif, sans recoursobligatoire pour les Parties, la Cour, en ce qui
concerne le fond du différend,

dit par quatorze voix contre une qu'en informant pas sans retard Karl Walter LaGrand, après

leur arrestation, des droits qui étaientles leurstu de l'alinéab) du paragraphe 1 de l'article 36
de la convention de Vienne sur les relations consulaires et en privant de ce fait l'Allemagne de la
possibilité de fournir aux intéressés,emps opportun, l'assistance prévue par la convention, les
Etats-Unisont violé les obligations dont ils étaient tenus envers l'Allemagne et envers les frères
LaGrand en vertu du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention;

dit par quatorze voix contre une qu'en ne permettant pas, à la lumière des droits reconnus par la
convention, Je réexamen et la revision des verdicts de culpabilité des frères LaGrand et de leurs
peines, une fois constatées les violations susmentionnées, les Etats-Unis ont violé l'obligation dont
ils étaient tenus envers l'Allemagne et envers les frères LaGrand en vertu du paragraphe 2 de
l'article 36 de la convention;

dit par treize voix contre deux qu'en ne prenant pas toutes les mesurest ils disposaient pour
que Walter LaGrand ne soit pas exécutétant que la Cour internationale de Justice n'aurait pas
rendu sa décision définitive l'affaire, les Etats-Unis ont violé l'obligation dont ils étaient tenus
en vertu de l'ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour
le 3 mars 1999;

prend acteà l'unanimité de l'engagement pris par les Etats-Unis d'assurer la mise en Œuvre des

mesures spécifiques adoptées en exécution de leurs obligations au titre de l'alinéa .!ùdu
paragraphe 1 de l'article 36 de la convention et dit que cet engagement doit êtreconsidérécomme
satisfaisanàla demande de l'Allemagne visant àobtenir une assurance généralede non-répétition;

dit par quatorze voix contre une que si des ressortissants allemands devaient néanmoins être
condamnés à une peine sévèresans que les droits qu'ils tiennent de l'hlidu paragraphe 1 de

l'article 36e la convention aient étérespectés, les Etats-Unis devront, en mettant en Œuvre les
moyens de leur choix, permettre le réexamenet la revision du verdict de culpabilité et de la peine
en tenant compte de la violation des droits prévuspar la convention. (

Raisonnement de la Cour

-Dans son arrêt,la Cour retrace d'abord l'historique du différend. Elle rappelle que les frères ·

Karl et Walter LaGrand- des ressortissants allemands résidant de façon permanente aux Etats-Unis
depuis leur enfance- ont étéarrêtés en 1982 en Arizona pour leur participation à une tentative de vol
à main armée dans une banque, au cours de laquelle le directeur de la banque a ététué et une autre

employée grièvement blessée. En 1984, une cour de l'Arizona l~ asreconnus tous deux coupables de
meurtre aggravé et d'autres crimes, et elle les a condamnés à mort. Du fait que les LaGrand étaient des
ressortissants allemands, la convention de Vienne sur les relations consulaires imposait aux autorités
compétentes des Etats-Unis de les informer sans délai de leur droit de communiquer avec le consulat

d'Allemagne. Les Etats-Unis ont admis que cela n'a pas étéle cas. En fait, le consulat n'a étéinformé
de l'affaire qu'en 1992 par les détenus eux-mêmes,qui ont eu connaissance de leurs droits par d'autres
sources. A ce stade, les LaGrand ont étéempêchés,en raison de la doctrine de droit américain dite de
la «carence procédurale», de remettre en cause leurs condamnations et leurs peines en se prévalant de

la méconnaissance de leurs droits en vertu de la Convention de ,Vienne. Karl LaGrand a étéexécuté
le 24 février 1999. Le 2 mars 1999, un jour avant la date prévue pour l'exécutionde Walter LaGrand,
l'Allemagne a portél'affaire devant la Cour internationale de Justice. Le 3 mars 1999, la Cour a rendu

une ordonnance en indication de mesures conservatoires (une sorte de référé)qui précisait notamment
que les Etats-Unis devaient prendre toutes les mesures dont. ils disposaient pour que M. Walter •
LaGrand ne soit pas exécutédans l'attente d'une décision définitive de la Cour. Le mêmejour, Walter
LaGrand a étéexécuté.

La Cour examine ensuite certaines objections formulées par les Etats-Unis à la compétence de la
Cour et à la recevabilité des conclusions de l'Allemagne. Elle dit qu'elle a compétence pour connaître
de l'ensemble des conclusions de l'Allemagne et que celles-ci son:trecevables.

Statuant sur le fond, la Cour note que les Etats-Unis ne :nient pas avoir violé, à l'encontre de
l'Allemagne, l'alinéab) du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne, qui imposait aux

autorités compétentes des Etats-Unis d'informer les LaGrand de leur droit de faire avertir le consulat
d'Allemagne de leur arrestation. Elle ajoute qu'en l'espèce, cette violation a entraîné la violation des
alinéas a) et c) du paragraphe 1 du même article, qui portent respectivement sur le droit de
communication entre les fonctionnaires consulaires et leurs ressortissants, et le droit des fonctionnaires

consulaires de rendre visite à leurs ressortissants incarcéréset de pourvoir à leur représentation en
justice. La Cour indique encore que les Etats-Unis ont non seulement violé leurs obligations envers
l'Allemagne en tant qu'Etat partie à la convention, mais qu'ils ont commis une violation des droits
individuels des frères LaGrand en vertu du paragraphe 1 de ,J'article 36, droits qui peuvent être

invoqués devant la Cour par l'Etatdont ces derniers détenaient la nationalité. ·•

La Cour se penche ensuite sur la conclusion de l'AlJemagne selon laquelle les Etats-Unis ont
violé le paragraphe 2 de l'article 36 de la convention en appliquant des règles de leur droit interne, en

particulier celle de la «carence procédurale>>. Selon cette disposition, le droit des Etats-Unis doit
«permettre la pleine réalisation des fins pour lesquelles les. droits sont accordés en vertu de
[l'article 36]». La Cour indique qu'en elle-même, la règle de 14 «carence procédurale» ne viole pas

l'article 36. Le problème, constate la Cour, se pose lorsque la règle en question empêcheune personne
détenue de remettre en cause sa condamnation et sa peine en se prévalant du manquement des autorités
nationales compétentes à leurs obligations en vertu du paragraphe 1 de l'article 36. La Cour conclut
qu'en l'espèce, la règle de la carence procédurale a eu pour effet d'empêcherl'Allemagne d'assister en

temps opportun les LaGrand dans leur défense, comme le prévoit la convention. Dans ces conditions,
la Cour dit que la règle susmentionnée a violéen l'espèce le paragraphe 2 de l'article 36.

S'agissant de la violation alléguée,par les Etats-Unis, de l'ordonnance en indication de mesures

conservatoires du 3 mars 1999, la Cour fait remarquer que c'est là première fois qu'elle est appelée à se
prononcer sur les effets juridiques de telles ordonnances rendues en vertu de J'article 41 de son Statut
- dont l'interprétation a fait i'objet d'abondantes controverses doctrinales. Après avoir interprété

l'article 41, la Cour ditque ces ordonnances ont force obligatoire. En l'espèce, indique la Cour,
l'ordonnance du 3 mars 1999 «ne constituait pas une simple exhortation», mais «mettait une obligationi

-3-

juridiqueà la charge des Etats-Unis».La Cour examine ensuite les mesures prisés par les Etats-Unis
pour se conformer à l'ordonnance. Elle relève que la simple transmission de l'ordonnance au
gouverneur de l'Arizona, sans l'accompagner d'aucun commentaire, était «assurément très en deçà de
ce que l'on aurait pu attendre des autorités des Etats-Unis, dans les dési brefs eussent-ils été­
dont elles disposaient».Elle estime qu'il en va de mêmede la déclaration catégorique faite par le

Solicitor General, dans la brève lettre qu'il a adàela Cour suprêmedes Etats-Unis, selon laquelle
<<Uneordonnance de la Cour internationale de Justice en indication de mesures conservatoires ne revêt
pas un caractère obligatoire». La Cour note encore que le gouverneur de l'Arizona a décidéde ne pas
donner suiteà l'ordon alnrsqueclac~mmission des grâces de l'Arizona lui avait recommandé de
surseoir à l'exécution de Walter LaGrand. Elle relève enfin que la Cour suprême des Etats-Unis a

rejeté une demande de l'Allemagne tendant au sursis de l'exécution «e[u] égard à la tardiveté de la
procédure engagée et aux obstacles d'ordre juridictionnel que cela soulève», alors qu'elle eût pu,
comme l'un de ses membres le lui avait demandé, ordonner un sursis temporaire qui lui aurait donné
«le temps d'étudier ...les questions juridictionnelles et les questions de droit international en jem>.
La Cour en conclut que les Etats-Unis n'ont pas respecté l'ordonnance du 3 mars 1999.

Quant à la demande de l'Allemagne visant à obtenir l'assurance que les Etats-Unis ne répéteront
pas leurs actes illicites, la prend acte du fait que ces derniers ont rappeàétous les stades de la
procédure qu'ils mettaient en Œuvre un programme vaste et détaillépour assurer le respect par les

autorités compétentes de l'article 36 la convention. La Cour estime que cet engagement doit être
considérécomme satisfaisant à la demande ainsi présentéepar l'Allemagne. Néanmoins, dit la Cour,
si les Etats-Unis, en dépit de cet engagement, manquaient à nouveàuleur obligation de notification
consulaireau détriment de ressortissants allemands, des excuses ne suffiraient pas dans les cas où les
intéressésauraient fait l'objet d'une détention prolongée ou étécondamnéss peines sévères. Dans

le cas d'une telle condamnation, les Etats-Unis devraient, en mettant en Œuvre les moyens de leur
choix, permettre le réexament la revision du verdict de culpabilité et de la peine en tenant compte de
la violation des droits prévus la convention.

Composition de la Cour

La Cour était ainsi composée: M. Guillaume, président; M. Shi, vice-président;
MM. Oda, Bedjaoui, Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,
MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, juges; M. Couvreur, greffier.

M. Guillaume, président, joint une déclaration à l'arrêt. M. Shi, vice-président,àjl'arrêt
l'exposéde son opinion individuelleM. Oda, ~.joint à l'arrêtl'exposéde son opinion dissidente .
MM. Koroma et Parra-Aranguren, juges, joignent à l'arrêtles exposés de leur opinion individuelle.
M. Buergenthal, juge, joiàtl'arrêtl'exposéde son opinion dissidente.

Un résuméde l'arrêtest fourni dans le communiqué de presse N° 200l/16bis, auquel est annexé
un résumédes opinions. Le texte intégral de l'arrêtet des opinions figure par ailleurs sur le site

Internete la Cour (http://www.icj-cij.org).

Département de l'information:
M. Arthur Witteveen, premier secrétaire (1 70 302 23 36)
Mme Laurence Blairon, attachée d'information+(31 70 302 23 37)

Adresse électronique: information@icj-cij .org

ICJ document subtitle

- La Cour dit que les Etats-Unis ont violé les obligations dont ils étaient tenus envers l'Allemagne et les frères LaGrand en vertu de la convention de Vienne sur les relations consulaires - La Cour dit, pour la première fois de son histoire, que les ordonnances en indication de mesures conservatoires ont force obligatoire

Document file FR
Document Long Title

LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique) - La Cour dit que les Etats-Unis ont violé les obligations dont ils étaient tenus envers l'Allemagne et les frères LaGrand en vertu de la convention de Vienne sur les relations consulaires - La Cour dit, pour la première fois de son histoire, que les ordonnances en indication de mesures conservatoires ont force obligatoire

Links