Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique) - La Cour juge recevable une demande reconventionnelle des Etats-Unis

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090-19980319-PRE-01-00-EN
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Number (Press Release, Order, etc)
1998/10
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, 2517 KI La Haye. Tél.(31-70-30223 23). Télégr.:Intercourt, La Haye.
Télécopie(31-70-364 99 28). Télex32323. Adresse Internet: http: Il www.icj-cij.org

Communiqué
nonofficiel
pour diffw;ionimmédiate

N° 98/10
Le 19 mars 1998

Affaire des Plates-formes pétrolières

(République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique)

La Cour juge recevable une demande reconventionnelle des Etats-Unis

LA HAYE, le 19 mars 1998. La Cour internationale de Justice (CIJ) a décidé,par une

ordonnance publiéece jour dans l'affaire des PlateS=fonnes pétrolières(République isiamique d'Iran
c. Etats-Unis d'Amériqye), qu'une demande reconventionnelle présentée par les Etats-Unis
d'Amérique contre l'Iran <<estrecevable comme teJie et fait partie de l'inscours~>.

Dans leur demande reconventionnelle (soumise le 23 juin 1997 dans leur contre-mémoire),

lesEtats-Unis ont priéla Cour de dire et juger qu'«en attaquant les navires, en mouillant des mines
dans le Golfe et en menant d'autres actions militaires en 1987 et 1988 qui étaient dangereuses et
dommageables pour le commerce maritime», l'Iran a «enfreint ses obligations envers les Etats-Unis
au titre de l'article X» du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires signé à Téhéran
le 15 août 1955 entre les deux pays. En conséquence, les Etats-Unis ont demandé à la Cour de dire

que la République islamique d'Irant <denue de réparer intégralement le préjudice qu'elle a causé
aux Etats-Unis ... selon des formes et un montant qui seront détenninés par la Cour à un stade
ultérieur de la procédure>>.

La décision de la Cour au sujet de la recevabilité de la demande reconventionnelle américaine

signifieue cette demande sera examinée par la Cour en mêmetemps que les demandes iraniennes
dans lecadre de la procédure sur le fond.

Aux termes du Règlement de la Cour (art. 80, par. 1), une demande reconventionnelle peut
êtreprésentée pourvu qu'elle soit en connexité directe avec l'objet de la demande de la partie

adverse et qu'eUe relève de la compétence de la Cour.

Le 2 octobre 1997, l'Iran avait mis en cause la recevabilité de la demande reconventionnelle
américaine, indiquant qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 80, paragraphe 1 du
Règlement. En conséquence, les Parties avaient étéinvitées à déposer des observations écrites.
Après avoir reçu ces observations, dans lesquelles, notamment, l'Iran demandait une audience sur

la question et les Etats-Unis s'yopposaient, la Cour a considéréqu'elle étaitsuffisamment informée
de laposition des Parties en ce qui concerne la recevabilité et qu'il n'étaitpas nécessaire d'entendre
lesParties plus avant sur le sujet.

Dans son ordonnance, la Cour a préciséque la demande reconventionnelle des Etats-Unis était

«en connexité directe avec l'objet des demandes de l'Iran» : les demandes des deux Parties
reposaient sur des faits de mêmenature s'inscrivant dans le mêmeensemble factuel complexe, et
la demande reconventionnelle américaine relevait de la compétence de la Cour «dans la mesure où
les faits alléguésont pu porter atteinte aux libertés garanties par le paragraphe 1 de l'article X))
(liberté de commerce et de navigation) du traité de 1955.

Compte tenu de ces conclusions, la Cour a prescrit le dépôt, par les Parties, de pièces de
procédure sur le fond concernant l'ensemble de leurs demanL'Iran doit présenter une réplique
·d'ici le 10 septembre 1998 et les Etats-Unis une duplique d'ici le 23 novembre 1999. M. Oda et Mme Higgins, j,ug§, ont joint chacun une opinion individuelle à l'ordonnance et
M. Rigaux, ~ ad hoc, une opinion dissidente.

Le dispositif de l'ordonnance de la Cour, les résumésdes opinions des juges, ainsi que le
texte de la demande reconventionnelle des Etats-Unis et des demandes de l'Iran,telles que figurant
dans le mémoirede cet Etat, ont étéinclus dans une annexe au présentcommuniquéde presse (qui
peut êtreconsultéesur le site Internet de la Cour ou adresséepar courrier sur demande).

Historique du différend

Le 2 novembre 1992, la Républiqueislamique d'Irana déposéune requêteintroduisant une
instance contre les Etats-Unis au sujet de la destruction de plates-formes pétrolièresiraniennes.

L'Irana fondéla compétencede la Cour en l'espècesur l'articleXXI, paragraphe 2, du traité
d'amitié,de commerce et de droits consulaires entre l'Iran et les Etats-Unis, signéà Téhéran
le 15 août 1955.

Dans sa requête,l'Iran a affirméque la destruction par plusieurs navires de guerre de la

marine des Etats-Unis, les 19 octobre 1987 et 18 avril 1988, de trois installations de production
pétrolièreoffshore possédées etexploitées àdes fms commerciales par lasociété nationale iranienne
des pétroles,a constituéune violation fondamentale de diverses dispositions tant du traitéd'amitié
que du droit international. L'Iran a fait référencenotamment à l'article premier du traité et à
l'article X, paragraphe 1, qui disposent respectivement: «<l y aura une paix stable et durable et

amitiésincère entre les Etats-Unis d'Amériqueet I'Iram>e ,t «Ily aura libertéde commerce et de
navigation entre les territoires des deux HautesParties contractantes.>>

Par une ordonnance du 4 décembre1992, le présidentde la Cour, compte tenu d'un accord
entre les Parties, a fixé les délaispour le dépôtdu mémoirede l'Iran et du contre-mémoire des
Etats-Unis. Ces délais ont, par la suite, étéprorogés au 8 juin et au 16 décembre 1993,

respectivement.

Le 16 décembre1993, les Etats-Unis ont déposéune exception préliminaire,affirmant que
laCour n'avaitpas compétencepour examiner l'affairesur le fond. L'Irana déposéun exposéécrit
contenant ses observations et conclusions à cet égard. Des audiences publiques pour entendre les •
plaidoiries des Parties se sont tenues du 16 au 24 septembre 1996.

Le 12 décembre 1996, la Cour a rendu son arrêtdans lequel elle a dit qu'elle avait
compétence pour connaître des demandes formulées par l'Iran en vertu du paragraphe 1 de
l'article X du traitéde 1955, la destructione plates-formes pétrolièresétantsusceptible de porter
atteinteà la «libertéde commerce» garantie par cette disposition du traitéde 1955. ·

Par une ordonnance du 16 décembre1996, le présidentde la Cour, compte tenu de l'accord
intervenu entre lesParties, a ftxéau 23 juin 1997 la date d'expirationdes délaispour le dépôtd'un
contre-mémoire par les Etats-Unis. Dans les délaisprescrits, les Etats-Unis ont déposéleur
contre-mémoireet une demande reconventionnelle.

Adresse du site Internet de la Cour: http://www.icj-cij.org

Départementde l'information:

M. Arthur Witteveen, secrétairede la Cour (tél: 31-70-302 23 36)
Mme Laurence Blairon, attachéed'infonnation (tél: 31-70-302 23 37)"J

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1

Annexe au communiquéde presse n° 98110

Dispositif de l'ordonnance du 10 mars 1998 (par. 46)

Par ces motifs,

LA COUR,

A) Par quinze voix contre une,

D..q!ue la demande reconventionnelle présentéepar les Etats-Unis dans leur contre-mémoire
est recevable comme telle et fait partie de l'instance cours;

POUR : M. Weeramantry, vice-président.. faisant fonction de président en l'affaire:
M. Schwebel, président de la Cour:. MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,
juges;

CONTRE : M. Rigaux,- ad hoc;

B) A l'unanimité,

Prescrit la présentationd'une répliquede l'Iranet d'une duplique des Etats-Unis portant sur
les demandes soumises par les deux Parties eti..comme suit les dates d'expirationdes délaispour
le dépôtde ces pièces de procédure:

pour la répliquede l'Iran, le 10 septembre 1998;

pour la duplique des Etats-Unis, le 23 novembre 1999.

Résuméde l'opinion individueUe de M. Oda. juge

M. Oda a voté- bien qu'avec réticence- pour l'ordonnance qui a étéadoptée à la
quasi-unanimité,mais il ajugéanormal que la Cour décide,à ce stade et dans une ordonnance, que
«la demande reconventionnelle présentéepar les Etats-Unis dans leur contre-mémoireest recevable
comme telle et fait partie de l'instance enurs». Il estime que la décisionprise par la Cour dans
cette ordonnance établitun précédentassez malencontreux dans sa jurisprudence en matière de
demandes reconventionneJles.

M. Oda examine d'abord les deux précédentsqui constituent la jurisprudence de la Cour en
matièrede demandes reconventionnelles, àsavoir l'affaire du Droit d'asile et celle des Droits des
ressortissants destats-Unis d'Amériqueau Maroc.

Il déclareensuite que la fonction d'une demande reconventionnelle est d'assurer une bonne
administration de lajustice en permettantà la Cour, dans un souci d'économiejudiciaire, de statuer

sur toutes les demandes connexes dans le cadre d'une seule instance, en d'autres termes d'éviter
l'inconvénientque pourrait causer la partie adverse ou une tierce partie en introduisant une nouvelle
requêtesur des questions directement connexes. Toutefois, pour M. Oda, un préjudicegrave serait
causé àl'Etatdemandeur si la portéedes questions envisagéesdans la demande reconventionnelle
de l'Etatdéfendeurétaitplus large que celle de la demande initiale de l'Etatdemandeur, etla Cour
ne devrait pas se contenter de réuniren une seule instance des questions qui peuvent être'origine
quelque peu distinctes sans examiner soigneusement le caractère essentiel de cette demande.

M. Oda se demande si, dans la présente affaire, il est bien approprié de confirmer la
recevabilitéde la demande reconventionnelle des Etats-Unis et de décider qu'elle fait partie de
l'instancesansi) donner aux Parties, et en particulier au demandeur, la possibilitéd'exprimer leurs
vues sur cette question dans le cadre de la procédureécriteet ii) sans tenir de procédure orale au

motif que l'échangede vues réalisédans le cadre de la procédureécriteest maintenant achevé. r

- 2 -

Il lui semble que les précédentsindiquent que d'unemanière générale,la question présentée
par le défendeur à titre de demande reconventionnelle et l'objet poursuivi par le demandeur sont

tellement liésque l'on ne peut statuer sur leur connexité directe sans un examen attentif, quant au
fond, des questions abordées dans leurs demandes reconventionnelles respectives. Dans les deux
affaires mentionnées ci-dessus, certaines des demandes reconventionnelles présentées par les
défendeurs ont certes étérejetéespar la Cour mais uniquement après qu'il eut étéétabli,au moyen
d'unexamen approfondi dans Jecadre d'uneprocédure écriteet orale, que ces demandes étaienten
connexité directe avec l'objet de la demande de la partie adverse. Cette question, s'agissant
notamment de savoir s'ily a un <<rapportde connexité entre la demande présentéecomme demande
reconventionneJle et J'objetde la demande de la partie adverse)) aurait dû pouvoir êtreanalysée par
l'Iran dans la répliquequ'il doit présenteret, ultérieurement, par les Etats-Unis dans leur duplique.

M. Oda conclut qu'il est difficile de comprendre pourquoi la recevabilité de la demande
reconventionnelle doit êtredéterminée à ce stade, avant que la Cour ait, à tout le moins, reçu la
réplique de l'Iran.Il ne comprend pas non plus pourquoi cela doit êtrefait aussi hâtivement en
l'espèce,spécialement si l'onconsidère avec quel soin la Cour a procédépar le passé.

En outre, M. Oda estime que cette question, c'est-à-dire celle de savoir si la demande
(reconventionnelle) est recevableou non, devrait êtretranchéepar la Cour non dans une ordonnance
mais dans l'arrêtsur le fond.


Résuméde l'opinion individuelle de Mme Higgigs, juge

Mme Higgins est d'accord avec la Cour pour juger que la demande reconventionnelle est
recevable en ce qui concerne les demandes des Etats-Unis fondéessur le paragraphe l de l'articlX

du traité d'amitié. Elle soutient toutefois, dans son opinion individuelle, qu'il aurait aussi fallu
examiner d'autres questions, soit pour les retenir, soit pour les écarter.

Mme Higgins estime, en particulier, que la question de savoir si les demandes relatives aux
navires de guerre sont recevables en vertu du paragraphe 1 de l'article X et si Je paragraphe 1 de
l'articlX se limite au commerce entre les Parties doivent faire l'objet de décisionsà ce stade, dans
la mesure où la Cour retient la méthode dont elle s'est servie dans son arrêtde 1996 sur la
compétence en l'affaire des Plates-formes pétrolièreset qui consiste à supposer provisoirement que
les allégations du requérant sont fondéeset à déterminer si des demandes peuvent êtredéfendues
sur la base des diverses dispositions invoquées. Si la Cour avait agi de la sorte au lieu de laisser
ces questions en suspens jusqu'au stadedu fond, les deux Parties auraient bénéficid'untraitement
égal.

Mme Higgins soutient, dans son opinion, que la Cour aurait dû se prononcer clairement sur
le point de savoirsi elle est compétentepour connaître des demandes présentéespar les Etats-Unis •.
en vertu des paragraphes 2 à 5 de l'article X. La Coura préférése déclarercompétenteseulement
en vertu du paragraphe l de l'articlX. Selon Mme Higgins, il est erroné de supposer que, pour
satisfaire à l'exigence du paragraphe 1de l'article 80 du Règlement,lesdemandes reconventionnelles
doivent êtrefondéesexactement sur la mêmebase de compétenceque la demande initiale, et il en
est ainsi pour les raisons qu'elle développedans son opinion.

Résuméde l'opinion dissidente de M. Rigaux. juge ad hoc

Des écritséchangéspar les Partiesilse dégage que la seule question déféréeà la Cour était
de savoir s'ily avait lieu d'accéderà la demande de la Républiqueislamique d'Irantendantà ce que
des débats oraux fussent tenus sur la question du caractère non apparent de la connexité directe
entre la demande originaire et les demandes reconventionnelles.

Au lieu de se bomer soit à satisfaire à cette demande, comme il eût étjustifiéde le faire eu
égard à la complexité desquestions débattuesentre les Parties, soit à J'écarterpour joindre au fond
la question de la recevabilité des demandes reconventionnelles, l'ordonnance s'inspire de
l'ordonnance du 17 décembre 1997(Application de la convention pour la prévention etla répression
du crime de génocide(Bosnie-Herzé!WYinec. Yougoslavie)) pour se prononcer sur l'existence du
liende connexitéalors que les circonstances particulières des deux espèces sont trèsdifférentes les
unes des autres. Il faut en outre regretter queette question ait étéabordéedans une ordonnance
procédurale.~--

1 :~
i

- 3 -

Demande reconventionnelle des Etats-Unis d'Amérique du 13 juin 1997 (contre-mémoire)

S'agissant de leur demande reconventionnellet conformément àl'article 80 du Règlement
de la Cour, les Etats-Unis d'Amériqueprient la Cour de dire et juger :

1. qu'en attaquant les navires, en mouillant des mines dans le Golfe et en menant d'autres actions
militaires e1987 et1988 qui étaientdangereuses et dommageables pour le commerce maritime,
la République islamique d'Iran a enfreint ses obligations envers lesats-Unis au titre de
l'article du traitéde1955; et

2. que la République islamique d'Iran est en conséquence tenue de réparer intégralement le
préjudice qu'elle a causéauxEtats-Unis en violant le traité1955, selon des formes et un
montant qui seront déterminésparla Cour à un stade ultérieur de la procédure.

Les Etats-Unis se réservent le droit de soumettre à la Cour, en temps voulu, une évaluation
précisede la réparation due par l'Iran.

Demandes de la République islamique d'Iran du 8 juin 1993 (mémoire)

A la lumièredes faits et des arguments exposésci-dessus, le Gouvernement de la République
islamique d'Iran prie la Cour de dire etr :

1. Que laCour a compétenceen vertu du traitéd'amitiépour connaître du différendet statuer sur
Jes demandes présentéespar l'Iran;

2. Qu'en attaquant et détruisant,les 19 octobre 1987 et 18avril 1988, les plates-formes pétrolières
mentionnées dans la requêtede l'Iran, les Etats-Unis ont enfreint leurs obligations envers l'Iran,
notamment celles qui découlent de l'article premier, du paragraphe de l'article IV et du
paragraphe 1 de l'article X du traité d'amitié, ainsi que du droit international, et que la
responsabilité de ces attaques incombe aux Etats-Unis;

3. Que les Etats-Unis sont donc tenus d'indemniser pleinement l'Iran pour avoir enfreint leurs
obligations juridiques internationales, selon des modalités et un moàtdéterminer par }a
Cour à un stade ultérieurde la procédure. L'Iran se réservele droit d'introduire devant la Cour
et de luiprésenter,en temps utile, une évaluationprécisedes réparationsdues par les Etats-Unis;
et

4. Tout autre remède que la Cour jugerait approprié.

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