Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria) - Ordonnance de la Cour en indication de mesures conservatoires

Document Number
094-19960315-PRE-01-00-EN
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1996/13
Date of the Document
Document File

; -

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palaisdela Paix, 2517 KJ La Haye. Tél(070-30223 23).Télégr.l:ntercourt.La Haye.

Téléfax (07a-.3649928). Télex32323.

Comm..niqué_

non officiel
pour publication ~4iate

N° 96/13
Le 15 mars 1996

Affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria)

Ordonnance de la Cour en indication de mesures conservatoires

Comme il est indiqué dans le communiqué de presse n° 96/5, le Cameroun a présenàéla
Cour, le 12 février 1996, une demande en indication de mesures conservatoiresdans l'affaire
précitée,en se référantaux <<gravesincidents qui oppos[aient] les forces [des deux Parties] dans la
péninsule de Bakassi depuisle ... 3 février 1996». ·

Aujourd'hui, 15 mars 1996, la Cour internationale de Justice rend une ordonnance dans
laquelle elle indique les mesures suivantes :

«1) A l'unanimité,

Les deux Parties veillent à éviter tout acte. et en particulier tout acte de leurs forces armées,
qui risquerait de porter atteinte aux droits de l'autre au regard de tout arrêtque la Cour
pourrait rendre en l'affaire, ou qui risquerait d'aggra\·er ou d'etendre le differend porte devant elle:

2) Par seize voix contre une,

• Les deux Parties se conforment aux termes de l'accord auquel sont parvenus les ministres des
affaires étrangèresà Kara (Togo), 17 février 1996. aux fins de l'arrêtde toutes les hostilités dans
la presqu'île de Bakassi;

POUR : M. Bedjaoui, Préside11t:M. Schwebel. l-ïa-Président: MM. Oda. Guillaume,
Shahabuddeen, Weeramantry. Ranjeva. Herczegh. Shi. Fleischhauer. Koroma,
Vereshchetin, Ferrari Bravo, Mme Higgins, M. Parra-Aranguren.jugeM. Mbaye,juge
ad hoc;

CONTRE: M. Ajibola,juge ad hoc.

3) Par douze voix contre cinq..

Les deux Parties veillent à ce que la présence de toutes forces armées dans la presqu'île de
Bakassi ne s'étendepas au-delà des positions où elles se trou vaient avant le 3 février 1996;

POUR : M. Bedjaoui, Président; M. Schwebel. Vice-Président; MM. Oda, Guillaume,
Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer. Koroma, Ferrari Bravo. Mme Higgins,
M. Parra-Aranguren, juges; M. Mbaye, juge ad hoc:

CONTRE: MM. Shahabuddeen, Weeramantry. Shi. Vereshchetin,juges; M. Ajibola,
juge ad hoc. - 2 -

4) Par seize voix contre une,

Les deuxarties prennent toutes les mesures nécessaires pour préserver les éléments de
preuve pertinents aux fins de la présente instance dans la zonk en litige:

POUR : M. Bedjaoui, Président; M. ScViceel. MM. -OdaPGuiaume. sident;
Shahabuddeen.Weeramantry,Ranjeva,Herczegh, Shi,FleischhauerKoroma.
Vereshchetîn, FerrarieBravo, Mme Higgins, M. Pami-AraM.uMbaye,juge:

ad hoc:

CONTRE :M. Ajibola,jugad hoc.

5) Par seize voix contre une,

Les deux Parties prêtenttoute l'assistance voulue d'enquêteque le Secrétai•e
généralde l'Organisation des Nations Unies dép~opodanhlepresqu'île de Bakassi.

POUR: M. BedjaouiPrésidenM. SchwebelVice-PtsideMM. Oda. Guillaume.
Shahabuddeen,Weeramantry,Ranjeva.Herczegh,Shi, FleischhauerKoroma,
Vereshchetin, Ferrari Bravo, Mme Higgins, M. Parra-ArM. Mbaye,juge;
ad hoc;

CONTRE : M. Ajiboljugead hoc.»

MM. Oda, Shahabuddeen, Ranjeva et Koroma,jugdes déclarations à l'ordonnance;
MM. Weeramantry,hi et Vereshchetin, juges, joignent une dbclaration commune à l'ordonnance.

M. Mbaye, juad hocjoint une déclaration à l'ordonhance.

M. Ajibola, jad hocjoint à l'ordonnance l'exposéhe son opinion individuelJe.
1
Des résumésdes déclarations et de l'opinion individuelle sont joints en annexes au présent
communiqué de presse.

La composition deCour était la suivante :

M. Bedjaoui, Président; M. Schwebel. Vice-Présidem: MM. Oda. Guillaume. Shahabuddeen.,
Weeramantry, Ranjeva, Herczegh.Fleischhauer. KoromJ. Vereshchetin, Ferrari Bravo,
Mme Higgins, M. Parra-Aranguren.MM. Mbaye, AjiHo!a,jugad hoc; M. Valencia­
Ospina, Greffier.

On trouvera ci-après le résuméde l'ordonnance. Ce résumé,établi par le Greffe, n'engage
en ·aucune façon la Cour et en particulier ne saurait ètre cité à l'encontre du texte mêmede
l'ordonnance, dont il ne constitue pas une interprétation.

Le texte imprimé de J'ordonnance sera disponible en tempà la section desser
la distribution et des ventes, Office des Nations Unies, 1211 Genève 10; à la Section des ventes,
Nations Unies, New York, N.Y. ~ou à toute 1ibrairie spécialisée).

* * ------------

~ 3 ~

Dans son ordonnance, la Cour rappelle que 29 mars 1994, le Cameroun a introduit une

instance contre le Nigéria à propos d'un différend présentécomme «port[ant] essentiellement sur
la question de la souveraineté sur la presqu'île de>.

Dans cette requête, le Cameroun, qui fonde la compétence de la Cour sur les déclarations

faitesar les deux Etats en application du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut. indique que le
Nigéria «conteste l'appartenance [de la presqu'ile de Bakassi auCameroun qu>:<(cette
contestation a pris la forme, depuis -la -finde ra.d~u 1anession de la part .,. du Nigéria
dont les troupes occupent ·plusieurs localités camerounaises.situées dans la presq!Lîle .deBakassi»:

et qu'il cŒn résulte de graves .préjudices pour l[e] ... Cameroundont il est demandé
respectueusement à la Cour de bien vouloir ordonner la réparation». Le Cameroun expose en outre
que la (<délimitation[de la frontière maritime entre les deux Etats] est demeurée partielle et [que]
les deux Parties n'ont pas pu, malgré de nombreuses tentatives, se mettre d'accord pour la
compléter»: et qu'il prie en conséquence la Cour, <(afin d'éviter de nouveaux incidents entre les

deux pays, ... de bien vouloirenniner le tracé de la frontière maritime entre les deux Etats
au~de decelui qui avait étéfixéen 1975>>.

Au tenne de sa requêtele Cameroun conclut comme suit :

((Sur la base de J'exposédes faits et des moyens juridiques qui précèdent, la
République duCameroun, tout en se réservant le droit de compléter, d'amender aude
modifier la présente requêtependant la suite de la procédure et de présenter à la Cour

une demande en indication de mesures conservatoires si celles secrivélaient
nécessaires, prie la Cour de dire et juger :

a)que la souveraineté sur la presqu'île de Bakassi est camerounaise. en vertu du droit

international, et que cette presqu'ile fait partie intégrante du territoire de la
République du Cameroun;

b)que là République fédéraledu Nigeria a violéet viole Je principe fondamental du

respect des frontières héritéesde la colonisfuri possidetis juris):

c)qu'en utilisant la force contre la République du Cameroun. la République fédérale
du Nigéria a violé et viole ses obligationsen vertu du droit international

• conventionnel et coutumier;

d)que la République fédéraledu Nigeria. en occupant militairement la presqu'ile
camerounaise de Bakassi, a violéet viole les obligations qui lui incombent en vertu
du droit conventionnel et coutumier:

e)que vu ces violations des obligations juridiques susvisées. la République fédérale
du Nigéria a le devoir exprès de meure fin à sa présence militaire sur le territoire
camerounais, et d'évacuer sans délai et sans condition ses troupes de la presqu'île

camerounaise de Bakassi:

e') que la responsabilité de la République fédéraledu Nigéria est engagée par les faits
internationalement illicites exposés sub liuerae a), b), c)ci~desse) .us;

e') qu'en conséquence une réparation d'un montant à déterminer par la Cour est due
par la République fédéraledu Nigériaà la République du Cameroun pour les
préjudices matériels et moraux subiscelle~ laRiépublique du Cameroun se

réservant d'introduire devanta Cour une évaluation précise des dommages
provoqués par la République fédéraledu Nigéria. (

- 4 -

j) Afin d'éviterla survenance de tout differend entre les d'eux Etats relativement à leur
frontière maritime, la République du Cameroun ptie la Cour de procéder au
prolongement du tracé de sa frontière maritime ave laRépublique fédéraledu
Nigéria jusqu'à la limite des zones maritimes que le droit international place sous

leur juridiction respective)). 1

Le 6 juin 1994, le Cameroun a déposé au Greffe une requête additionnelle «aux fins

d'élargissement de-l'objet duifférend» à un.autre.diffét:end,dédrit.dans cette requête.additionnelle
comme «port[ant] essentiellement sur la question de ·la souvetaineté sur une partie du territoire
camerounais dans la zone du lac Tchad)). _ 1 , -

Dans ladite requêteadditionnelle, il est indiqué que le Nigéria «conteste l'appartenance [de
cette partiede territoire au] ... Cameroum>: et que

«cette contestation a pris la forme d'une introduction massive de ressortissants nigérians
1
dans la zone litigieuse, suivie par celle des forces séc,uriténigérianes, avant d'être
formulée officiellement par le Gouvernement de la République fédéraledu Nigéria.tout
récemment, pour la première fois)); 1

Dans sa requête additionnelle, le Cameroun demande également à la Cour de «préciser
définitivement)) la frontière entre les deux Etats du lac Tchad\à la mer, et la prie de joindre les
deux requêteset «d'examiner l'ensemble en une seule et mêmeinstance>).
- - . 1

Au terme de sa requêteadditiqnnelle le Cameroun conclut ainsi :

«Sur la base de l'exposédes faits et des moyens jur1ques qui précèdent et sous
toutes les réserves formulées au paragraphe 20 de sa rbquête du 29 mars 1994. la
République du Cameroun prie la Cour de dire et juger :

a) que la souveraineté sur la parcelle litigieuse dans la zone du lac Tchad est
camerounaise en vertu du droit international. et que cette parcelle fait partie
intégrante du territoire de la République du CameroÙn:

b) que la République fédéraledu Nîgérîa a violé et vîollle principe fondamental du
respect des frontières héritéesde la colonisation (uripossidetis juris) ainsi que ses
engagements juridiques récents relativement à la dé~arc dea fonitiren dans

le lac Tchad; 1

c) que la République fédéraledu Nigéria. en occupant ilvec l'appui de ses forces de
sécuritédes parcelles du territoire camerounais dans la zone du lac Tchad. a violé

et viole ses obligations en vertu du droit conventionhel et.coutumier;
1
d) que, vu les obligations juridiques susvisées, la République fédéraledu Nigéria a le
devoir exprès d'évacuer sans délai et sans conditirlns ses troupes du territoire

camerounais dans la zone du lac Tchad; 1 .

e) que la responsabilité de la République fédéraledu Nigéria est engagée par les faits

intemationalement illicites exposés aux sous-paragraphes a),b),c) et d) ci-dessus;

e} qu'en conséquence une réparation d'un montant à délerminer par la Cour est due
par la République fédéraledu Nigéria à la Républ!ique du Cameroun pour les

préjudices matériels et moraux subis par celle-ci, la !République du Cameroun se
réservant d'introduire devant la Cour une évaluation précise des dommages
provoqués par la République fédéraledu Nigéria. 1

j) Que vu les incursions répétéesdes populations et des forces armées nigérianes en
territoire camerounais tout le long de la frontièrerb les deux pays, les incidents
graves et répétésui s'ensuivent, et l'anitude instaJteréversible de la République ...==~·.-~-~~~.·..~--.- ·.

- 5 -

fédéraledu Nigéria relativement aux instruments juridiques définissant la frontière
entre les deux pays et au tracéexact de cene frontière. la République du Cameroun
prie respectueusement la Cour de bien vouloir préciser définitivement la frontière

entre elle et la République fédéraledu Nigéria du lac Tchad à la mer)).

La Cour rappelle que, lors d'une réunion que Je Président de la Cour a tenue avec les
représentants des Parties le 14 juin 1994, l'agent du Nigéria a déclaréne pas voir d'objection à ce
que la requêteadditionnelle soiuraitée,.ainsi.queJe.Cam.erouncen.avait..exprimé le souhait. comme

un amendement à la requêteinitiale, de sone que la Cour·puisse examiner l'ensemble. en une seule
et mêmeinstance: et que, par une ordonnance en date du 16 juin I994,..Ja Cour a indiqué qu'elle
ne voyait pas elle-même d'objection à ce qu'il soit ainsi procédé.

Elle se réfèreen outre au fait que le Cameroun a déposéson mémoire et le Nigéria a déposé

certaines exceptions préliminaires à la compétence de la Cour et à la recevabilité des demandes du
Cameroun .

Il est ensuite rappelé dans l'ordonnance que, le 12 février 1996, l'agent du Cameroun, se

référantaux «graves incidents qui oppos[aient] les forces [des deux Parties] dans la péninsule de
Bakassi depuis le ... 3 février 1996)>,a communiqué à la Cour le texte d'une demande en indication
de mesures conservatoires fondée sur les articles 41 du Statut et 73 du Règlement de la Cour, au
terme de laquelle, le Cameroun prie la Cour de bien vouloir indiquer les mesures suivantes :

«1. les forces armées des Panies se retireront à l'emplacement qu'elles occupaient
avant l'attaque armée nigériane du 3 février 1996~

2. les Parties s'abstiendront de toute activité militaire Je long de la frontière jusqu'à

l'intervention de l'arrêtde la Cour:

3. les Parties s'abstiendront de tout acte ou action qui pourrait entraver la réunion des
éléments de preuve dans la présente instance)).

La Cour se réfèreensuite à une communication que l'agent du Nigeria lui a adressée le
16 février 1996, intitulée «Le Gouvernement du Cameroun obiige les Nigérians à s'inscrire et à
• voter aux élections municipales>}, et qui s'achève ainsi :

«Le Gouvernement du Nigéria invite par la présente la Cour internationale de

Justice à prendre acte de cette protestation et à rappeler à l'ordre le Gouvernement du
Cameroun .

... [L]e Gouvernement du Cameroun devrait êtremis en demeure de cesser de

harceler les citoyens nigérians dans la péninsule de Bakassi jusqu'à ce que l'affaire en
instance soit tranchée définitivement par la Cour internationale de Justice)).

Enfin, la Cour rappelle que des audiences publiques ont ététenues le 5, 6 et 8 mars 1996.

*

La Cour commence par relever que chacune des deux Parties a fait une déclaration
reconnaissant la juridiction obligatoirede la Cour conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du
Statut de la Cour, qu'aucune des deux déclarations ne comporte de réserve, et qu'elles constituent

primafacie une base sur laquelle sa compétence pourrait êtrefondéeen l'espèce. La Cour est aussi
d'avis qu'en l'espèce la requêteconsolidée du Cameroun n'apparaît pas prima facie irrecevable au
regard des exceptions préliminaires soulevées par le Nigeria.

La Cour relève ensuite que Je pouvoir qu'elle tient des articles 41 de son Statut et 73 de son
Règlement d'indiquer des mesures conservatoires a pour objet de sauvegarder le droit de chacune
des Parties en attendant que la Cour rende sa décision, et présuppose qu'un préjudice irréparable ne
doit pas êtrecauséaux droits en litige dans une procédurejudiciaire; qu'il s'ensuit que la Cour doit - 6-

se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droits que l'arrêt qu'elleaura ultérieurement
à rendre pourrait éventuellement reconnaîdemansoit oieaudéf.ndeur: et que de telles

mesures ne sont justifiées que s'il y a urgence. 1

La Cour estime quela médiation menée par le président de la République du Togo et le
cornrnuniqué annonçant l'arrêtde toutes les host1~i17févrie1996ne la privent des
droits et devoirs qui sont les siens dans l'affaire portIl ressort à suffisance des

déclarations faites par les deux Parties.de.quty.~-i.ls incidents. militaires et que
ceux-ci ont causé des souffrances,- des-pehuma en·-itnteiitaires- que civiles -, des
blessés et des disparus, ainsi que des dommages matériels imp6rtants. Les droits en litige dans la
présente instance sont des droits souverains que les Parties prétendent avoir sur des territoires. et

ces droits concernent aussi des personnes: regrl equetdtsacions armées se soient
produitesur un territoire qui est l'objet d'une procédure devaht la Cour.

Indépendamment des demandes en indication de mesurbs conservatoires présentéespar les

partieàl'effet de sauvegarder des droits détermdi~p,laeoveru ,e l'article 41 de son •
Statut. du pouvoir d'indiquer des mesures conseerl vue d'empêcher l'aggravation ou
l'extension du différend quand elle esticircon les lexgentnc~s

La Cour considère que les événementsàul'origine!de la demande, et tout spécialement
le fait que des personnes aient ététuées dans la presqu'île de Bakassi, ont porté un préjudice
irréparablex droits que les Parties peuvent avoir sur la presqu'ile; que les personnes se trouvant
dans la zone litigieuse, et par voie de conséquence les droits q'ueles Parties peuvent y avoir, sont
exposés au risque sérieux d'un nouveau préjudice irréparable: et que des actions armées sur le

territoire en litige pourraient mettre en périll'exide preuve pertinents aux fins de
la présente instance; et qu'au vu des élémentsd'information à sk disposition, la Cour est d'avis qu'il
existe un risque que des événements deànaggraver oàétendre Je différend puissent se
reproduire, rendant ainsi toute solution de ce différend plus difficile.

La Cour fait observer à ce stade que. dans le cadre dl la présente procédure concernant
l'indication de mesures conservatoires. elle n'est pas habilitée àlconclure définitivement sur les faits
ou leur imputabilité et que sa décision doit laisser intact le droit de chacune des Panies de contester
les faits alléguéscontre elle, ainsi que la resluest mputée quant à ces faits, et de

faire valoir, le cas échéant,ses molefond.r 1 •

La Cour appelle ensuite l'attention sur déci~itrndue en la présente procédure
ne préjuge en rien sa compétence pour connaître du fond de \!affaire. ni aucune question relative

à la recevabilité de la requête ou au fond lui-mêqu'elle laisse intact le droit des
Gouvernements du Camerount du Nigéria de faire valoir leurs movens en ces matières.
1 .
Après avoir évoquéles lettres, en date du 29 février \996, dans lesquelles le Président du

Conseil de sécuritéa appelé les deux Parties à :1

«respecter le cessez-le-feu dont elles ont convenu le 17 février[à]Kara (Togo) et
s'abstenir de tous nouveaux actes de vià]epréndre les mesures nécessaires
pour retirer leurs forces jusqu'aux positions qu'elles dccupaient avant que la Cour

internationale [de Justice] ne soit saisie 1u différend»:

de mêmeque la proposition du Secrétaire généraldes Nations Unies de dépêcherune mission
d'enquêtedans la presqu'île de Bakassî.ndiquemes~ cnseratoires mentionnées plus

haut.~'·---~~

Annexe au Communiqué de presse n° 96/ 13

Déclaration de M. Oda

Dans sa déclaration, M. Oda fait remarquer en premier lieu que, selon lui, la date indiquée
dans le passage conçuen ces termes : «veillent à ce que la présence de toutes forces années dans
la presqu'île de Bakassi ne s'étende pas au-delà des positions où elles se trouvaient avant le
3 février 1996)), aurait dû êtrele 29 mars 1994, c'est-à-dire la date à laquelle le Cameroun a déposé
la requêteintroductive d'instance dans la présente affaire et qui semble êtrela date indiquée dans
la médiation proposée parle président du Togo (voir par. 45). ·

En deuxième lieu, il se dit préoccupépar l'emploi de l'expre<~préju idripaable)), au
paragraphe 42 de l'ordonnance, étantdonnéqu'il se peut que le préjudice que la Cour juge avoir été
porténe concerne pas l'objet réelde l'affaire alors que la Cour, de surcroît, n'a pu se faire une image
claire et précise des événements.

Déclaration de M. Shahabuddeen

Dans sa déclaration, M. Shahabuddeen affirme que l'ordonnance de la Cour devrait contribuer
à maintenir des relations amicales entre deux pays frèresoisins. Il a voté pour quatre des cinq
points du dispositif, mais a estiméqu'il n'existait pas de base juridique satisfaisante pour l'indication
de la mesure restante. Il considère essentiel qu'une mesure visant à limiter le mouvement des

troupes contienne la mention d'un repère matériel clair qui permette de vérifier si les troupes ont
bien respecté cette limitation. En l'instance, les élémentsdu dossier ne permettaient pas à la Cour
de préciser un tel repère. Ainsi, cette mesure conservatoire pourrait êtreune nouvelle source de
conflit au lieu de servir le but proposé d'évitertout différend.

Déclaration de M. Ranjeya

M. Ranjeva observe, dans sa déclaration annexée à l'ordonnance, le développement d'une
nouvelle donnéedans les relations judiciaires internationales : l'apparition d'un incident de procédure
consistant en une demande de mesures conservatoires en raison de la survenance d'un conflit armé
qui se greffe sur un différendjuridique. Dans cette hypothèse, lorsque les circonstances de J'espèce
l'exigent (risques de préjudices irréparables atteignant les droits des parties, urgence ...), la Cour peut

prescrire des mesures ayant un caractère militaire, selon une jurisprudence déjàfixée dans l'affaire
du (Différendfrontalier (Burkina Faso/République du Mali). En ordonnant ces mesures provisoires,
• la Cour agit non pas en tant qu'autorité investie d'un quelconque pouvoir de police généralemais
comme organe principal judiciaire participant aux objectifsaintien de la paix et de la sécurité
internationale qui relèvent de la responsabilité des Nations Unies.

Déclaration de M. Koroma

Dans sa déclaration, M. Koroma a souligné qu'il avait votéen faveur de l'ordonnance, étant
bien entendu qu'elle ne préjugepas les questions dont la Cour est saisie mais qu'elle vise à préserver
les droits respectifs de chacune des Parties.

Il estimait que sur la base des éléments dont dispose la Cour, le risque d'un nouvel
engagement militaire entre les forces armées des deux pays entraînant desages irréparables
et notamment de nouvelles pertes de vies humaines, constituait, à lui seul, une raison suffisante pour
que la Cour rende l'ordonnance demandée.

Il faut espérer qu'en attendant la décision de la Cour, l'ordonnance dissuadera chacune des
Parties de prendre la moindre mesure risquant d'entraîner des dommages irréparables pour les
millions de ressortissants de chacune des Parties qui résident sur le territoire de l'autre Partie,
contribuera à réduire la tension entre les deux Etats et rétablira les relations fraternelles qui ont
toujours existé entre les deux pays.~·--..

Déclaration commune deMM. Weeramantcy. Sbi et Veresbcbetin
1
MM. Weeramantry, Shi et Vereshchetin ont voté~amajoritéde la Cour sur les points
1, 2, 4 et 5 du dispositif mais se sont trouvésdans l'impossibilàla majorité sur le
troisième point. 1

Cette impossibilité tient à ce que les Parties ont donnéà la Cour deux versions entièrement
différentes des incidents du 3 février 1996. Ces ~dicérenaotaenssur l'emplacement
de leursor.ces.respectives.le jour. en que. .on.. 1· . .

L'ordonnance de la Cour, dans laquelle il est1demandé aux Parties de veiller à ce que la
présencede toutes forces arméesdans la presqu'île de Bakassiepas au-delà des positions
où elles trouvaient avant le 3 février 1996, laisse en fait auxiParties le soin de déterminerquelles
étaient ces positions et d'agir en conséquence.e pourrait qu'il y ait contradiction en la
matière, d'oùdes risques de confusion sur le terrain. L'ordonnànce pourrait donc s'analyser comme
contenant une contradiction interne. 1

Pour ces raisons, MM. Weeramantry, Shi et Vereshchetin n'ont pu voter pour Je troisième

point du dispositif.

Déclaration de M. Mbaye

Après avoir souligné les "similitudes frappantes" entre l'affaire du Différend frontalier
(Burkina Faso/Républiquedu Mali), mesures conservhtola présenteprocédurede demande
en indication de mesures conservatoires (affaire de lare terrestre et maritime entre le

Cameroun eteNigéria),lejuge Mbaye, tout en admettant quelles affaires sont rarement identiques,
s'estfélicitéque la Cour ait consolidélajurisprudence deedans la première affaire citée
ci-dessus, en indiquant que "les deu• Parties vqulla présencede toutes forces armées
dans la presqu'ile de Bakassi ne s'étendepas au-delà des positions où elles se trouvaient avant le
3 février 1996". Il estime que cette disposition cumulée avJc l'indication de l'arrêtde tout acte
risquant d'aggraver ou d'étendrele différend ou d'entraver la réunion des élémentsde preuve,
constituaient ensemble indispensable dans d'évén del~ eanrtds ceux qui sont à
la base de la présente demande en indication de mesures corlservatoires.

Opinion individuelle de M. Ajibola •

J'aivotéavec les autres Membres de la Cour pour la pre,mièremesure conservatoire indiquée
dans la présenteordonnance parce que je considère qu'unetelle mesure, qui est conforme au Statut
et au Règlement de la Cour (article 41 du Statu75,paragraphe 2, du Règlement), cadre
aussi avec lajurisprudence de la Cour. En des affaires analogues, faisant également intervenir des
incidents armés, la Cour n'a pas hésitédans le passént à indiquer de telles mesures

conservatoires, comme on a pu le voir, par exemple, danslles affaires Nicaragua c.Etats-Unjs
d'Amériqueet Différendfrontalier CBurkjnaFaso/Républiquedu Mali) et l'affairede Bosnje relative
àla convention sur le génocide. L'~rdonestonnfcmelà bon nombre de décisions récentes
de la Cour indiquant aux parties d'évitertout acte ou mesure susceptible d'aggraver ou d'étendrele
différend. La Cour a le pouvoir et le devoir d'indiquermesures.

Toutefois, j'ai le regret de dire que je ne suis pas en meL re de voter avec les autres Membres
de la Cour pour les autres mesures conservatoires que la Coilira indiquées,parce qu'elles ne sont
ni nécessairesni juridiquement fondéeset qu'elles vont à l'endontredu but recherché. J'estime que

la Cour n'estpas tenue d'indiquer de telles mesur1fait de mentionner les circonstances
dans les considérants est, à mon avis, suffisant.

Document file FR
Document Long Title

Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria) - Ordonnance de la Cour en indication de mesures conservatoires

Links