Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège) - Arrêt de la Cour du 18 décembre 1951

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12099
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1951/58
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C.I.J. Communiqué no 51/58 :
non-officiel

Les renseignements suivants, émanant du Greffe de la Cour;inter-
nationale de Justice, ont été mis à la disposition de la presse:

La Cour internetionale de Justice a rendu aujourd'hui, 18 décembre

193, son arrêt dans l'affaire des pêcheries .introduite par le Royaume-
Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre le Norvège.

Par décret du 12 juillet 1935, le Gouvernement norvégien avait
délimité dans la partie septentrionale du pays (au nord du carcle polaire)
la zone dans laquella la pêchc était réservée à ses ressortissants. Le
Royaume-Uni demandait à la Cour de dire si cette délinutation était ou non
contraire au droit iiiternational,. Dans son arrêt de ce jour, la Cour juge
que ni la méthode de délimitation cmployéc par le décret, ni les lignes
mêmesqui y sont fixées no sont contraires au droit interi-xtional; la
première conclusion était adoptée par dix voix contrc deux, et la seconde
par huit voix contrc quatre.

Trois juges - l!~IlAlvarez, Hackworth et Hsu Ivio - ont joint à l'arrêt

une déclaration ou une opinion individuelle énonçant los motifs particu-
liers pour lesquels ils sc prononcent; deux autres juges - Sir Arnold
14cNair et M. J.E.Read - y ont joint les exposés de leur opinion dissidente.

Llétat de choses qui a donné lieu au différend et les faits qui ont
précéaé la soumission de la requête britannique à lc Cour sont rappelés
dans 1 'arrst .

La zone côtier? en litige est d'une configuration caractéristique.

A vol d'oiseau, sa longueur dépasse 1500 kilomètres, PP-rtout montagneuse,
profondément découpée en fjords et baies, porsoniée dlinnornbrables îles,
flots et récifs (dont certains formcnt un nrchipcl continu connu sous le
nom de sk-jaergaard, "rempart d.e rocherstt), elle nc présente pas comme
presque p~-rtout aillcurs dans lc nonde une ligne dc séparation nette de la
terre et dc l'eê-11. Lc rclicf du continent se prolonge dans la mer et ce
qui constitue vraii;~t~il12 côtc iiorvégicnne, ci est la ligne extérieure de
l'ensemble. Lc long dc 13 zone cfitièrc sc trouvcnt des hauts-fonds très
poissonnem~. De tsr~l'psimmémoriel les hnbitants de 12 terre ferme et des
îhs les ont exploités: clest la base essentielle da leur subsistance.

Dans lcs sièclcs ps.ssés, des f3Bchèurs'brit~nniqucs svaient fait des
incursions dans les eau;: cvoisinant lcs côtés dc Norvège.
k la suite de
plaintes du roi dc Norvège, ils s'abstinrent, à partir du début du XVIIème
siècle et pendant, trois cents ans. Pinis,:en 1906, des bateeux britcnni-
ques apparurent 2 nouveau. Il s'agissait cette fois de chalutiers dotés
d'engins perfectionnés et puissants. La population locala slémut, et
des mesures furent prises par le Norvège pour préciser les limites en deçà
desquelles la p8che était intcrditc aux étrangers. Des incidents se
produisirent : de plus en plus' nombreux et, le 12 juiw935, lo Gouverne-
ment de la Norvège d6limita par décret la zone de p8cho norvégienne, Des
négociations avaient ét6 cntmées entre lcs deux Gouvernements; elles
se poursuivirent après le décret nais sms aboutir. Des chalutiers
britanniques en nombre importz.nt furent saisis et condaimés en 1948 et
1949.' Clest alors que le Gouverncnont du Roycmc-Uni snisit la Cour.

L'arrêt précise d'abord llobjet du d2ffércnd. Ln hrgcur de la
ceinture de mcr tcrritori2le norvégienne n'est ps en c~use: les quatre
milles revendiqués par la Norvège sont ~dnis par le Royaume-Uni. liais
il s'agit de savoir si lcs lignes que le decrct de 1935 a fixées aux finsde la délimitation de la zonc norvégicnnc dc pêche ont ou non été tracées
,confom6mnt au droit intzrmtional (ces lignes, dites Illigncs de Saself,
sont celles à p~rtir desqucllcs sc calcule 12 ccinturc dc ndr territoriale).
Le Royaume-Uni le nie, cn invoquant dcs principes qu'il considère corne
applicables à llespèce. De son côtc, 12 NorvEge, tout cn nc contsstant pas
qu'il y zit des rkglcs, soutient. que col1.e~ avancees par le Royaume-Uni ne

sont pas applicables; ct dlcutrc part ellc sc prévaut d~ son propre système
de délimitation qiilell~: dit être on tout confornc P.G: exigcnces du droit
international. Lizrret omfinern dI<>bord l'npplicabilité des principes du
Royaume-Uni, puis lc: systènc norvégien, et, znfin,lz conforr-Uté do cc systèr.~e
au droit intarnationûl.

Le premier des principcs brit~.nniqucs est quc toute ligne de base
devrcit suivre la kisçe dc bnsso ncr. Tc1 cst cn effet lc critère généralc-
ment adopté par la prctiquc dcs Etats. Lcs pzrties llcdr-lcttcnt toutes deux,
mis elles sont en désaccord sur son npplicction. Or, los réalités géogra-

phiques décrites plus hzut, qui mènent forcénent à prcndrc cn considération
non la ligne de la terre ferme nais cellc du skjacrgaard, conduiscnt aussi à
exclure que la ligne de bz.se suive toujours la lnissc de basse mer. Partant
de points appropri6s sur ccttc laisse, si éccrtant dans unc rnesure r~.isonnable
de la ligne physique de lu côte, clle nc peut être obtenue que pp-r une cons-
truction géonétrique. Des lignes droites tr~.vers~ront les bcies caractéri-0
sées, les courbcs mineures de lc côte et les espcccs dieau séparant les $les,
îlots ct récifs, CG qui donner2 à L? ccinturc des eax tcrritorixles une forix
plus simple. Et il no s'agit p2s dlcxccptions à unc règle: c'est tout l'en-
senble de cette côte tounxntee qui 2ppclle la ~~éthodcs dcs lignes droites de
b~se.

Faut-il, corme le prétcnd le Roy~.w-ic-Uni que -sauf qucnd il s1zgit de
13 ligne de f enleturc di eaux int6riüures ~uxquell~es lc Royc'me-Uni rcconn~ît
que la Norvège droit à titre historique - lcs lignes droites cient une
longueur aaxir~~a? Si certcins Et2t s ont rdopté lc règle des dix nillcs pour
la lign.2 de fermeture des baies, di autres sien tiennent à unc longucur dif-
férénte: la règle des dix millcs n'a donc pas acquis llcutorité diune règle
générale du aroit int~r~tionnl, ni pour les b,zics ni pour los eaux séparant
les îles des rrchipcls. Au surplus, clle na ST-urc.it 8tr2 opposée à h Norvège,
qui slost toujours élevée contrc: son zpplicc.t.:.on à 12, côtc! norvégianne.

Donc, à sian tenir c-.uxconclusions britznniques, 1s délinitrtion de
1935 ne viole pas lc droit intcrnationnl. .8iaj.s une délinit,?tion dl
neritines a toujours un 2.spcct intorn~tioncl puisqu~cllc intSrssse les EXe
autres que le riverp'in; cllc. nc snur:-.it donc dgpendrc dc l,?. seulc volonté
de ce dernier. A cet égard, ccrtnincs considérations f~nd~llicnteles liées à
la mture de lc ixer tcrritorialz co~duisont à dégng~r les critères suivants,
dont s'inspirera le juge: 12 ncr torritorizle &:nt étroitenant d4pcndante
du donaine terrestra, la ligne de basc ne put slécartor d~ façon ~ppréciable
de la direction généxle dc lu côte; ccrt2ines c2u sont cn rz.pport pp.rti-
culièremcnt inthe avcc l~s fom?.tions terr2strcs qui les sép~.rcnt ou lcs

entourent (idée qui doit rczcvoir unv large npplicution en 1' espèce, du
fait de 12 coniiguration cil:Ir: côte); il:peut y cvoir lieu dc tenir conpte
de certnins intérets é~ononiqucs propres à.unc région lorsquc lcur rénlité
et leur inportcinca ss trouvùnt r.ttdstéos par UR long usage.

La Norvège pi-ésentc lo décret de 1935 coii~~cll,?pplication diun système
traditionnel do delinitation codornc 2,u drcit international, lcquel droit
tiendrait compte uc 1~. diversité des situntions de fait et ~.~lcttrait unc
délinitction zdaptée rux conditions pr~,rticulièrcs dss divcrscs régions.
Llerrêt const?te qu' en ~ffet un décrot norv<,gien dc 1812, ainsi que divers
textes postérieurs (dccrot s, rapports, corr~spond?.nc? diplor-ntique ) dénon-

trent que la néthoda des lignes droitos de b~c, inposée par 12 géogrs-
phie,.a étC consacrée p2.r lc systknc norvégien dt consolid6o pr une
przticjue constzntc et suf f is,?rr~icnt longue. LIapplication du ce systèrne

ne s 1est ...ne siest pas heurtGa & 11opposition dl atrs Ft2.t~. MGno 1¢ Royaumc-Uni
pi;ndant longteaps rie Il.:p?s cont~stée: clzst sculer-~cnt cn1933 gu'il a
&levéu :ne protestation forr-icllcct biun d6finic. Et cependunt, tradi-
tisnnellendnt zttmtif choscs'dc 12 r.it:ril nc pouvait ignorer les
nenife~t~~tions r.&itér\ko dr: 12 pr?tiqixc nnrv:'rgicrinquiétait notoire,
La tol6rnncc g6riGrnle de i:.ccomunmté inf;~rmtionc;le r.lontre donc que
ln néthode norvG~iannc nlstnit p.q,consiGfir&o co~mc contr~.ire au droit
int drn~tionzl.

Mcis, si le dGcyct uc 1935 srcst h1-n confome A co.Ltonethode
(ce que constnta llL?.rrêt}, lcRoy,~urne-Uni prctend quc cdrtzincsdes
Egncs droites de bese qu'il fLxo scr~~imt sans justification cornlene
répon&nt p?.s eux criteres rr2pp~lés plus hnut: cllcs nc rcspect~rniont

pzs ln direction génervlede lr,côtù ut nc sornient jxs tr?.cGcs dc fzçon
r?.isonnable.

Après ,zvair cxxUn6 les seztcurs zinsi critiques, liarr2tcohclut
que les lignes Lrzcécs sc justifiant, Dans un das cm - 1¢ Svaorholthavct -
il s'agitbien àiunjbcssin qui a lc c~ractèrc d'uno bcie, rn6!risril se
subd5viseen deux largesfjords. Dans un zutrl;.dcs ccs - le Lapphavct -
l'écartentre la ligne et les forWLtions tcrrcstrcsri1 est pas tcl qi*!il
défigure In direction g6nErale de h cVtc norvégi~nne; nu surplus, lc
Gouverns,~~?,ietorvegicn fcitvzloir 12 un tit rc historique nzt tzmnt
localisé: 1: concession excluslv~ dc pêche et dc chasse zccordée au
XVII+mù si4cle à un rcssorttss~n norvégien, dtaU il rdsultc quz ces cnux
étcierrt consid6rE~s com.~ rclcvznt cxclu3tvenmt dc 12 souvcrninetS
norvégienne. Dans un troisi3r2c cas - Ic Vcstfjord - il srngft d'une
divergence minine:
il fEuk I~.isser à lqt~t sivcrain Ic rkglai.~cnt de
telles questicns loc~~lcs et dl Lriportance s~conclnirc.

Pour ces inctifs, llnr.ri;tconclut quc 12 r.Gthodc cnploy6a p,sr le
décret de 1935 n1est ~2scontrnire nu droit int~rn~~tion~l; ct quo les
lignes de S2se Tix&zs p:.r le dccrct nc sont p~s non plus contrziros zu
droit int crnztional.

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- Arrêt de la Cour du 18 décembre 1951

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Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège) - Arrêt de la Cour du 18 décembre 1951

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