OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE GÓMEZ ROBLEDO
L’effet utile de l’avis consultatif pour les Nations Unies Le caractère étatique de la Palestine : les conditions requises en droit international La reconnaissance du droit à l’autodétermination en tant que norme impérative du droit international (jus cogens) : de l’occupation illicite à la domination étrangère conformément à la résolution 1514 (XV).
1. Je souscris sans réserve à toutes les conclusions de la Cour selon lesquelles la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite, que ce dernier est dans l’obligation de mettre fin à cette présence illicite dans les plus briefs délais, qu’il doit cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation, évacuer tous les colons du Territoire palestinien occupé et réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques et morales concernées dans ledit territoire (voir par. 285 3), 4), 5) et 6)). J’acquiesce en outre aux conclusions de la Cour d’après lesquelles tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la présence illicite d’Israël dans le Territoire Palestinien occupé (voir par. 285 7)). Enfin, je suis tout à fait d’accord avec l’obligation de non-reconnaissance incombant aux organisations internationales, y compris l’Organisation des Nations Unies, et avec l’impératif pour cette dernière, et en particulier pour l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, d’examiner les modalités précises et les mesures supplémentaires qui sont requises pour mettre fin, dans les plus brefs délais, à la présence illicite d’Israël dans le Territoire Palestinien occupé (voir par. 285 8) et 9)).
2. Néanmoins, et bien que l’avis consultatif soit certainement à la hauteur des attentes qu’il a suscitées, je tiens à souligner l’importance de son effet vis-à-vis du rôle qui est celui des Nations Unies pour contribuer au règlement de la situation en Palestine. Il n’appartient évidemment pas à la Cour de dire de quelle façon l’Assemblée générale doit procéder pour relancer le processus de paix et mettre un terme au conflit israélo-palestinien, et la Cour renvoie, à juste titre, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité à leurs responsabilités (par. 281 et 285 9)). La Cour se doit d’encourager l’Organisation des Nations Unies à redoubler ses efforts, comme elle le fit dans la demande d’avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 200-201, par. 161-162) et le rappelle aujourd’hui dans le présent avis consultatif (par. 282). La Cour doit, toutefois, veiller à ce que son avis consultatif soit à même de déployer tous ses effets. En d’autres termes, cet avis doit pouvoir être pleinement utile aux organes politiques des Nations Unies dans leur quête d’une solution juste et définitive au conflit, conformément au droit international.
À cet égard, deux aspects du raisonnement de la Cour méritent d’être approfondis, en formant le voeu que l’analyse qui va suivre permette d’élargir la portée de l’avis consultatif.
3. Il s’agit, d’une part, de la question du caractère étatique de la Palestine qui, pour moi, ne fait pas de doute et, d’autre part, de la qualification du droit à l’autodétermination en tant que norme impérative du droit international général (jus cogens).
I. Le caractère étatique de la Palestine
4. L’avis consultatif aurait dû être explicite au sujet du caractère étatique de la Palestine. Il est de coutume de dire, dans les résolutions des Nations Unies, que le règlement du conflit passe par « la solution des deux États » ou par « la solution des deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte
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dans la paix et la sécurité à l’intérieur de frontières reconnues » (voir, par exemple, A/RES/78/781 et S/RES/2735 (2024)2). Or, l’emploi de ces expressions, ou encore celle choisie par la Cour dans cet avis, « y compris [le] droit [du peuple palestinien] à un État indépendant et souverain, coexistant dans la paix avec l’État d’Israël, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues pour les deux États » (par. 283), semble mettre en doute l’existence aujourd’hui de la Palestine en tant qu’État, comme s’il fallait créer ou former cet État dans un avenir pour le moins incertain, à la suite de négociations devant mener à une paix juste et durable du conflit israélo-palestinien. Ce genre d’expression contribue à rendre encore plus inégale la situation de l’une des parties (la Palestine) par rapport à l’autre (Israël) et fausse ab initio les paramètres de la négociation qui devra être engagée entre elles. En revanche, si l’existence de la Palestine ne devait plus être mise en doute, un quelconque débat au sujet de la personnalité juridique de la Palestine, en tant qu’État avec lequel Israël devra s’entendre et vivre en bon voisinage, ne devrait plus avoir lieu. L’ambiguïté contenue dans l’expression « son droit à un État indépendant et souverain » constitue un obstacle supplémentaire à la pleine mise en oeuvre du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, en ce sens qu’elle contribue, de manière indirecte, à la position selon laquelle la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948 se serait produite, en quelque sorte, au regard d’une terre sans maître ou terra nullius3 puisque les États arabes avaient refusé le plan de partition des Nations Unies contenu dans la résolution 181 (II) de 1947 de l’Assemblée générale et que les droits du Royaume-Uni en tant que mandataire avaient cessé d’exister au 15 mai 1948, date de départ de son haut-commissaire qui marque la fin du mandat britannique sur la Palestine4. Faut-il rappeler cependant que, pendant la durée de ce mandat, la Palestine disposait d’un gouvernement, d’une police, d’une monnaie et de lois qui découlaient d’un cadre « constitutionnel » datant de 1922, même s’il revenait au Royaume-Uni de promulguer l’ensemble de ces dispositions ?
5. Ce courant d’opinion, au pouvoir en Israël à présent par le biais de partis politiques représentatifs de positions religieuses extrémistes, prétend que les pratiques de colonisation sur de vastes portions du Territoire palestinien occupé sont justifiées tout simplement par le dessein divin de la Terre promise à Abraham et sa descendance, au point de ne jamais désigner, depuis 1967, la Cisjordanie par son nom mais, au contraire, par les appellations géographiques de la Bible, à savoir la Judée et la Samarie.
6. On pourra faire valoir, certes, que la qualité d’État de la Palestine est implicite dans les multiples résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité parce qu’elles prônent que le règlement du conflit a pour base l’existence « de deux États ».
1 Accessible à l’adresse suivante : https://documents.un.org/api/symbol/access?j=N2339813&t=pdf.
2 Accessible à l’adresse suivante : https://documents.un.org/api/symbol/access?j=N2416512&t=pdf.
3 Sur la notion de terra nullius, voir Sahara occidental, avis consultatif, C.1.J. Recueil 1975, p. 38-39, par. 79-80.
4 Voir principe de base 1 a) de la loi fondamentale : Israël en tant qu’État-nation du peuple juif, de juillet 2018 et amendée en mai 2022, qui proclame que la Terre d’Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’État d’Israël a été créé. Le principe de base 1 c) de cette loi dispose également que la réalisation du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est exclusive du peuple juif (accessible en anglais à l’adresse suivante : https://main.knesset.gov.il/EN/ activity/documents/BasicLawsPDF/BasicLawNationState.pdf). Voir aussi les déclarations de Golda Meir, quatrième première ministre d’Israël, qui a soutenu : « [i]t was not as if there was a Palestinian people in Palestine and we came and threw them out and took their country away from them. They did not exist » (accessible à l’adresse suivante : https://www. jewishvirtuallibrary.org/golda-meir-quotes-on-israel-and-judaism). Voir également The New York Times, « A talk with Golda Meir », où elle a réaffirmé la position selon laquelle “there never was a Palestinian nation”, accessible à l’adresse suivante : https://www.nytimes.com/1972/08/27/archives/a-talk-with-golda-meir.html. Voir enfin le discours plus récent de la ministre israélienne des implantations et des missions nationales, Orit Strook, devant la Knesset où elle affirme que « [t]here is no such thing as a Palestinian people, there is no such people » (accessible à l’adresse suivante : https://x.com/ MiddleEastEye/status/1760273162976059627).
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Pourtant, Israël a tout fait et persiste à tout faire pour tenter de faire disparaître ce à quoi il s’était engagé au titre du plan de partage de 1947, fondement de sa déclaration d’indépendance, et plus tard dans le cadre des accords d’Oslo de 1993 et 1995. Le processus de paix ne peut pas être le même dès lors que la puissance occupante nie la personnalité juridique de la Palestine, prétend que la quatrième convention de Genève ne s’applique pas au Territoire palestinien occupé et conteste de surcroît le caractère occupé de ce Territoire. L’invisibilisation de la Palestine qui va jusqu’au déni constitue, à mon avis, une autre entrave au droit du peuple palestinien à disposer de lui-même. Pis encore, cette forme de déni ne peut que rappeler les arguments qui furent ceux des protagonistes de la conquête des Amériques au XVIe siècle et qui, déjà à l’époque, furent combattus par le célèbre Francisco de Vitoria qui n’admit pas que l’on ait pu considérer le nouveau continent comme une res nullius, au motif qu’il était habité par des gens dépourvus de civilisation5. Tant pour Vitoria que pour Bartolomé de Las Casas, les populations autochtones étaient les vrais propriétaires des terres convoitées par les Espagnols6.
Il aurait été très utile, par conséquent, que la Cour déclare expressément que l’existence de l’État palestinien est établie en droit international, tout comme elle le fît au sujet du peuple palestinien lorsqu’elle a observé que son existence « ne saurait plus faire débat » et que « cette existence a été reconnue par Israël dans l’échange de lettres intervenu le 9 septembre 1993 entre M. Yasser Arafat, président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et M. Yitzhak Rabin, premier ministre d’Israël » (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 182-183, par. 118)7. N’oublions pas que, en application des accords d’Oslo susmentionnés, l’Autorité palestinienne a pu s’établir à Gaza et que la mainmise sur ce territoire par le Hamas en juin 2007 est une question interne à la Palestine, qui n’emporte une quelconque cession de souveraineté, Israël s’étant par ailleurs retiré en 2005 de cette partie du Territoire occupé tout en y conservant un contrôle effectif (par. 93 et 94). Ce qui précède ne doit pas être compris comme si l’on voulait dire que le droit du peuple palestinien à l’autodétermination a atteint sa pleine réalisation. Comme la Cour l’a constaté, ce droit a été violé et continue d’être violé par Israël. Cependant, dire que ce droit comprend celui d’un État souverain et indépendant a pour effet de le réduire, dans le meilleur des cas, à un droit in statu nascendi (voir par. 237 et 283).
7. À cet égard, il peut être constaté que le caractère étatique de la Palestine, dont l’existence fut proclamée le 15 novembre 1988 par le Conseil national palestinien en se fondant sur la résolution 181 (II) précitée8, est une réalité pour l’immense majorité des États, puisque l’Assemblée générale en prit acte dans sa résolution 43/177 du 15 décembre 1988. En 2012, par sa résolution 67/19, l’Assemblée générale accorda à la Palestine le statut d’État non membre observateur auprès de l’Organisation des Nations Unies, alors que l’Autorité palestinienne, en tant que représentante du peuple palestinien, exerçait depuis 1993 son autorité dans certaines parties du territoire palestinien.
5 M. Rodríguez Molinero, La doctrina colonial de Francisco de Vitoria o el derecho de la paz y de la guerra. Un legado perenne de la escuela de Salamanca, Librería Cervantes, Salamanca, 1993, p. 55-68.
6 G.C. Marks, « Indigenous Peoples in International Law: the significance of Francisco de Vitoria and Bartolomé de Las Casas », Australian Yearbook of International Law, 13 Aust YBIL 1 (1990-1991), p. 35-51.
7 Dans ce contexte, il faut rappeler que, dans sa déclaration d’indépendance du 14 mai 1948, Israël s’est déclaré « prêt à coopérer avec les organismes et représentants des Nations Unies pour l’application de la résolution adoptée par l’Assemblée le 29 novembre 1947 », à savoir le plan de partage qui reconnaît l’existence de deux peuples juif et palestinien et prévoit la création de deux « États indépendants arabe et juif ainsi qu[’un] Régime international particulier … pour la Ville de Jérusalem » (voir A/RES/181(II) B, par. 3).
8 Voir proclamation de l’État palestinien, par le conseil national palestinien, Alger, 15 novembre 1998.
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8. Plus récemment, le 1er mai 2024, l’Assemblée générale a débattu, en vertu de sa résolution 76/2629, de la question du veto exercé par les États-Unis au Conseil de sécurité le 18 avril 2024, qui a empêché — malgré le soutien de 12 membres et l’abstention du Royaume-Uni et de la Suisse — l’adoption d’un projet de résolution S/2024/312, présenté par l’Algérie et recommandant l’admission de l’État de Palestine à l’ONU. À cette occasion, les États-Unis ont déclaré que le vote qui leur est reproché n’est pas une opposition au caractère étatique de la Palestine, mais une manière de souligner qu’il ne peut émaner que de négociations entre les deux parties (voir Assemblée générale, débat au sujet du veto des États-Unis au projet de résolution présenté par l’Algérie concernant l’admission de l’État de Palestine à l’ONU, soixante-dix-huitième session, 74e et 75e séances plénières). Il faut rappeler que la Cour a tranché cette question dans son avis consultatif relatif aux conditions de l’admission d’un État comme membre des Nations Unies en vertu de l’article 4 de la Charte. À cette occasion, elle a conclu
« qu’un Membre de l’Organisation des Nations Unies, appelé, en vertu de l’article 4 de la Charte, à se prononcer par son vote, soit au Conseil de Sécurité, soit à l’Assemblée générale, sur l’admission d’un État comme Membre des Nations Unies, n’est pas juridiquement fondé à faire dépendre son consentement à cette admission de conditions non expressément prévues au paragraphe 1 dudit article » (Conditions de l’admission d’un État comme Membre des Nations Unies (article 4 de la Charte), avis consultatif, 1948 C.I.J Recueil 1947-1948, p. 65, dispositif, par. 1).
9. Cet avis a été mis en oeuvre par l’Assemblé générale qui a adopté la résolution 506 (VI), intitulée « Admission de nouveaux Membres et droit pour les États candidats de présenter des preuves en ce qui concerne les conditions requises aux termes de l’Article 4 de la Charte », en date du 1er février 1952, et dans laquelle elle établit que le jugement de l’Organisation aux fins de l’admission d’un État
« doit reposer sur des faits tels que le maintien des relations amicales avec les autres États, l’exécution des obligations internationales, et la disposition constante constatée dans le passé, comme dans le présent, de soumettre les revendications ou différends internationaux aux moyens pacifiques de règlement institués par le droit international »
et sur nulle autre condition (A/RES/506(VI) A). La Palestine remplit parfaitement ces conditions.
10. À la suite de l’échec de l’adoption du projet de résolution S/2024/312 mentionné ci-dessus, l’Assemblée générale a adopté, le 10 mai 2024, la résolution ES-10/23 avec 143 votes pour, soit plus des deux tiers des États membres. En vertu de cette résolution, l’Assemblée générale décide d’élargir les droits de la Palestine en tant qu’État observateur et souligne « qu’elle est convaincue que l’État de Palestine remplit toutes les conditions requises pour devenir Membre de l’Organisation des Nations Unies conformément à l’Article 4 de la Charte ».
11. La Cour pénale internationale, pour sa part, fut invitée par le procureur à se prononcer sur l’étendue de sa compétence territoriale en Palestine, suite à la décision de la Palestine du 22 mai 2018 de lui déférer la situation y relative, l’État palestinien ayant adhéré le 2 janvier 2015 au Statut de
9 La résolution 76/262 oblige l’Assemblée générale à se réunir à chaque fois que le Conseil de sécurité se heurte à un véto, dans les 10 jours ouvrables suivant l’adoption manquée (A/RES/76/262).
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Rome. Dans sa décision du 5 février 2021, la chambre préliminaire I a estimé que la Cour pouvait exercer sa compétence pénale dans la situation en cause et a statué que sa compétence territoriale s’étendait à Gaza et à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est10. S’il est vrai que la Cour pénale internationale prit soin de préciser que son mandat ne l’autorisait pas à se prononcer sur le caractère étatique de la Palestine, cette décision confirme pourtant que la Palestine ne saurait être traitée autrement qu’au titre d’un État au sens du droit international.
12. Tout ce qui précède ne fait que renforcer l’idée selon laquelle la Palestine constitue une entité étatique capable de remplir les obligations de la Charte. Il convient de souligner, à cet égard, que l’histoire de l’Organisation démontre que des Membres peuvent être admis même si leur qualité étatique doit encore être pleinement réalisée, comme ce fut le cas de l’Inde11. Pendant fort longtemps, des doutes s’exprimèrent sur la question de savoir si tel ou tel micro-État réunissait tous les critères permettant d’identifier l’État en droit international, et par conséquent si cet État pouvait être admis au sein des Nations Unies, en raison d’une assise territoriale extrêmement exiguë ou parce que l’exercice de compétences souveraines significatives est dévolu à un autre État12. En définitive, tous ceux qui ont en fait la demande ont été admis dans l’Organisation.
13. Comme indiqué ci-dessus, je suis convaincu que la Palestine doit être considérée comme un État selon le droit international. En vertu de l’article 1 de la convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États de 1933, en vigueur depuis le 26 décembre 1934, « [l’]État comme personne de Droit international doit réunir les conditions suivantes : I. [p]opulation permanente ; II. [t]erritoire déterminé ; III. [g]ouvernement ; [et] IV. capacité d’entrer en relations avec les autres États ». La question de l’absence du contrôle effectif de la Palestine sur la totalité du territoire palestinien ne diminue en rien le fait que la Palestine répond aux critères permettant d’identifier l’État, tels que définis dans la convention de Montevideo. L’absence de contrôle de l’État sur une partie de son territoire est sans incidence directe sur son caractère étatique. Le regretté juge Crawford semble admettre qu’après 1993, en vertu des accords d’Oslo, et avec toutes les limitations que l’on sait, un transfert de contrôle territorial en faveur de l’Autorité palestinienne a eu lieu dans les zones dites A et B de la Cisjordanie13. James Crawford soutient, par ailleurs, qu’il n’existe pas de règle de
10 Cour pénale internationale, Décision relative à la demande présentée par l’Accusation en vertu de l’article 19-3 du Statut pour que la Cour se prononce sur sa compétence territoriale en Palestine, ICC-01/18, 5 février 2021, p. 55, par. 118.
11 L’Inde est considérée comme membre fondateur des Nations Unies, et prit part à la conférence de San Francisco de 1945, quand bien même elle n’accéda à son indépendance qu’en 1947. Selon le commentaire de l’article 4 de la Charte des Nations Unies, « [i]l est dit tout d’abord que le candidat doit être un État … Or la Charte ne donne aucune définition de l’État ». En revanche, l’Inde prit part à la conférence de San Francisco de 1945, alors qu’elle accédera à son indépendance en 1947 seulement, car on savait déjà que « l’Inde, l’Ukraine et la Biélorussie seraient admises comme Membres originaires alors que leur qualité d’États souverains prêtait à discussion » (J.-P. Cot, A. Pellet et M. Forteau, La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, Economica, Paris, 2005, p. 521).
12 C’est le cas, par exemple, de l’État de la Cité du Vatican ou de la Principauté de Monaco. Dans le premier cas, la personnalité juridique internationale est exercée par le Saint-Siège, en vertu des accords du Latran de 1929, et dans le second, un certain nombre de compétences propres de l’État sont exercées par la France, en vertu, à ce jour, de nombreux accords bilatéraux.
13 J. Crawford, The Creation of States in International Law (2nd Edition), Oxford Public International Law, 2007, p. 442.
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droit international qui impose une certaine étendue au territoire d’un État14. Un État peut exister même lorsqu’un autre réclame son territoire, et il ne disparaît pas s’il perd le contrôle sur une partie de son territoire15. L’existence de l’État palestinien ne devrait pas être mise en cause, pas plus que la possibilité d’être admis en tant qu’État membre des Nations Unies à part entière. L’éminent juriste australien conclut son analyse par une réflexion qui me semble très pertinente et qui aurait dû inspirer la Cour :
« There may come a point where international law may be justified in regarding as done that which ought to have been done, if the reason it has not been done is the serious prejudice to another. The principle that a State cannot rely on its own wrongful conduct to avoid the consequences of its international obligations is capable of novel applications, and circumstances can be imagined where the international community would be entitled to treat a new State as existing on a given territory, notwithstanding the facts. »16
14. Par ailleurs, il faut rappeler que l’existence d’un État ne dépend pas de la reconnaissance de la part d’autres États ou d’une quelconque organisation internationale. La reconnaissance d’un État par un autre n’a qu’un effet déclaratif. Elle n’est pas constitutive de l’État, elle ne le crée pas mais « signifie tout simplement que celui qui le reconnaît accepte la personnalité de l’autre avec tous les droits et devoirs déterminés par le Droit international » (article 6 de la convention de Montevideo susmentionnée). Pour sa part, l’article 13 de la Charte de l’Organisation des États américains confirme le caractère déclaratif de la reconnaissance en prévoyant que « [l]’existence politique de l’État est indépendante de sa reconnaissance par les autres États ». Cette conviction ne se limite pas au droit international régional et à sa doctrine. Le professeur Marcel Sibert disait, à une époque qui annonçait déjà l’émergence inédite de nouveaux États issus de la décolonisation, que
« [d]u fait que la reconnaissance est déclarative et en aucune manière attributive de personnalité juridique internationale, on déduit qu’elle ne peut être arbitrairement refusée sans que l’État qui la refuse manque par là au droit international. … De ce que la reconnaissance est constatative et non pas attributive, on doit aussi déduire qu’il ne saurait y avoir de reconnaissance sous condition. »17
15. La reconnaissance peut, néanmoins, renforcer la légitimité de l’État et sa capacité pour agir sur le plan international, ce qui n’est pas négligeable, comme c’est le cas pour la Palestine. En effet, la majorité des États (149 à ce jour) a déjà unilatéralement reconnu la Palestine en tant qu’État. De plus, la Palestine entretient des relations bilatérales avec plus de 140 États et est partie à une centaine de conventions multilatérales. Je ne comprends pas, par conséquent, l’excessive prudence de la Cour à cet égard.
16. En revanche, la question qui aurait dû être développée par la Cour est celle de la consolidation et de la viabilité de l’État de Palestine. L’avis consultatif aurait pu tenir compte de la situation présente en reconnaissant que ce dont il s’agit, désormais, c’est de consolider et de rendre
14 J. Crawford, « State », in Max Planck Encyclopedias of International Law, par. 15.
15 Ibid., par. 19.
16 J. Crawford, The Creation of States in International Law (2nd Edition), Oxford Public International Law, 2007, p. 447-448.
17 M. Sibert, Traité de droit international public : le droit de la paix, Dalloz, Paris, 1951, p. 192.
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viable l’État de Palestine, y compris en réglant par le moyen de négociations la question des frontières, le partage des ressources naturelles, le retour des réfugiés et la réparation des actes illicites commis par Israël, mais sans pour autant avoir recours à une expression ambiguë qui crée le doute au sujet de l’existence, en droit international, de l’État de Palestine.
17. En conclusion, la Cour aurait dû saisir l’occasion qui lui était fournie par cet avis consultatif pour se prononcer, d’une manière définitive, sur le caractère étatique de la Palestine. Une déclaration en ce sens aurait conféré à l’avis consultatif tout son effet utile, dans le but d’engager des négociations entre deux États, d’égal à égal, dans les meilleures conditions et sans qu’il soit permis de mettre en cause que, en dépit d’une occupation prolongée qui a donné lieu à l’annexion de vastes parties du territoire palestinien, la Palestine, en tant que sujet à part entière du droit international, est une réalité établie qui ne devrait plus faire de doute sur le plan juridique.
II. Le droit à l’autodétermination en tant que norme relevant du jus cogens
18. La Cour a considéré que, « en cas d’occupation étrangère comme celle dont il est question en la présente espèce, le droit à l’autodétermination constitue une norme impérative de droit international » (par. 233). Ce droit découle de la Charte des Nations Unies (article 1, paragraphe 2, ainsi que des articles 55 et 56 qui prévoient le développement des relations internationales fondées sur le respect des droits de l’homme et de l’autodétermination). Il a été développé dans la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale et dans le principe VII de la résolution 1541 (XV) sur la décolonisation, datant toutes deux de 1960. La résolution 2621 (XXV) de l’Assemblée générale de 1970 déclare quant à elle que « la persistance du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations représente un crime qui constitue une violation de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux et des principes du droit international » (A/RES/2621 (XXV)). Pour sa part, la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies qui figure en annexe de la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale de 1970 souligne l’importance du droit à l’autodétermination comme principe fondamental du droit international.
19. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes émane donc, dans une très large mesure, de ce parlement universel qu’est l’Assemblée générale des Nations Unies. Il me semble utile de rappeler, dans ce contexte, la question de la valeur juridique des résolutions des Nations Unies qui garde toute sa pertinence. Le grand juriste mexicain Jorge Castañeda nous dit
« [qu’i]l n’existe aucune raison essentielle qui interdise à d’autres organes internationaux, largement représentatifs, d’exprimer valablement, au nom de la communauté internationale, ce qui, dans l’opinion de celle-ci, est le droit international à un moment donné … Ces résolutions de l’Assemblée ne créent pas le droit, mais elles peuvent prouver, avec autorité, son existence. »18
20. Antonio Gómez Robledo, pour sa part, reprenant à son compte la notion du dédoublement fonctionnel chère à Georges Scelle, signale que l’Assemblée générale, sous couvert d’une résolution dont la valeur stricto sensu est celle d’une recommandation, donne naissance à une source du droit international aussi authentique que la coutume qui, au vu des moyens de communication
18 J. Castañeda, « Valeur juridique des résolutions des Nations Unies », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, t. 129, p. 317, 1970.
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contemporains extraordinairement rapides, n’a pas besoin de se conformer au lent et ancien rythme de la coutume traditionnelle. À partir de ce constat, il se demande comment on peut mettre en doute que le droit à l’autodétermination émane d’une source authentique du droit international alors que c’est la conscience juridique de l’humanité qui le reconnaît et le proclame19.
Au sujet de l’identification des normes relevant du jus cogens, Antonio Gómez Robledo nous dit aussi ce qui suit :
« Nous pensons pour notre part que l’on ne puisse pas attribuer à toutes les résolutions de l’Assemblée générale le caractère de ius cogens …, mais seulement à l’égard de ces résolutions législatives d’une certaine manière et qui traitent des intérêts les plus élevés de la communauté internationale. … Les résolutions de l’Assemblée générale auraient ainsi la valeur non pas de source génératrice … mais de source-témoignage. La résolution 1514 (XV), par exemple, prouverait largement cette appréciation. Lorsque pendant quinze ans (1945-1960) une écrasante majorité d’États membres des Nations Unies a plaidé en faveur de la décolonisation et en faveur de la consécration du droit de libre détermination des peuples, la résolution de l’Assemblée générale ne fait qu’authentifier une coutume internationale qui ne manque ni de la diuturnitas ni de l’opinio iuris. »20
21. La Cour avait déjà déclaré que le droit des peuples à l’autodétermination constitue un droit fondamental duquel découle une obligation qui, de par sa nature même, concerne tous les États et est donc opposable erga omnes (voir Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199, par. 155 et Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180), et le dit une fois de plus dans la présente procédure et cite également au titre des obligations erga omnes l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force, ainsi que certaines obligations incombant à Israël au regard du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l’homme (par. 274).
22. Bien que, par le passé, la Cour n’ait pas qualifié, expressis verbis, le droit à l’autodétermination comme relevant du jus cogens, cette qualification pouvait déjà être déduite des conséquences juridiques que la Cour a, à maintes reprises, tirées de sa violation, telles que l’obligation de ne pas reconnaître, de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation illicite et le devoir de coopérer pour y mettre fin (voir par exemple Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.1.J. Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159 et Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180 et 182). En la présente espèce, la Cour a établi ces conséquences en les rattachant à leur nature et à l’importance des droits et obligations en cause, qui impliquent que tous les États sont tenus « de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé » et « de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette présence. » (par. 279, voir aussi
19 A. Gómez Robledo, El derecho de autodeterminación de los pueblos y su campo de aplicación, Instituto Hispano-Luso-Americano de Derecho Internacional, Undécimo Congreso, Madrid, 4-12 de octubre de 1976, p. 19.
20 A. Gómez Robledo, « Le ius cogens international, sa genèse, sa nature, ses fonctions », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, t. 172 (III), p. 174-177, 1981.
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par. 275.) On peut cependant regretter que la Cour n’ait pas établi, de manière directe, le lien entre le constat de la valeur de norme impérative du droit à l’autodétermination et les conséquences de sa violation.
23. À cet égard, les conséquences que la Cour tire des violations du droit à l’autodétermination, examinées à l’aune des obligations erga omnes, vont dans le sens de ce qui est prévu dans les paragraphes 1 et 2 de l’article 41 des Articles sur la responsabilité de l’État pour faits internationalement illicites21.
24. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la Commission du droit international (ci-après la « Commission » ou la « CDI » ) a traité, dans la conclusion 19 de son Projet des conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), les conséquences particulières des violations graves des normes impératives du droit international général (jus cogens), à savoir l’obligation de coopération, de non-reconnaissance et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien d’une situation découlant d’une violation grave de ces normes22. La Commission a elle aussi reconnu la nature impérative du droit à l’autodétermination
21 Article 41 :
« 1. Les États doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens de l’article 40.
2. Aucun État ne doit reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave au sens de l’article 40, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation. »
Dans son commentaire de l’article 41, la Commission du droit international (CDI) a constaté que « le caractère impératif de certaines autres normes semble recueillir l’adhésion générale » et que « l’obligation de respecter le droit à l’autodétermination mérite d’être mentionnée » (Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, commentaire de l’article 41, p. 305, par. 5). La CDI s’est aussi référée à l’affaire du Timor oriental dans laquelle la Cour a jugé que « [l]e principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes [est l]’un des principes essentiels du droit international contemporain » (Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29), qui, toujours selon la Commission, « donne naissance à une obligation envers la communauté internationale dans son ensemble, qui est tenue d’en autoriser et d’en respecter l’exercice » (Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, commentaire de l’article 41, p. 306, par. 5).
Voir aussi l’article 26 des Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite : « Aucune disposition du présent chapitre n’exclut l’illicéité de tout fait de l’État qui n’est pas conforme à une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général. » Dans son commentaire de l’article 26, la CDI a indiqué que « [l]es normes impératives qui sont clairement acceptées et reconnues sont les interdictions de l’agression, du génocide, de l’esclavage, de la discrimination raciale, des crimes contre l’humanité et de la torture, ainsi que le droit à l’autodétermination » (Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, commentaire de l’article 26, par. 5, p. 223-224).
22 Dans le commentaire du projet de conclusion 19 précité, la Commission constate que
« [s]i, dans ses avis consultatifs sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé et sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, la Cour ne mentionne pas expressément les normes impératives du droit international général (jus cogens), les normes auxquelles elle associe l’obligation de coopérer pour mettre fin à des violations graves ont un caractère impératif ».
Elle explique que « les normes impératives du droit international général (jus cogens) et les obligations erga omnes se recoupent de manière substantielle, et il n’est donc pas injustifié de déduire que, dans ces avis, la Cour se référait aux normes impératives du droit international général (jus cogens) » (voir projet des conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) et commentaires y relatifs, commentaire du projet de conclusion 19, p. 76, par. 6).
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en l’incluant dans sa liste non exhaustive de normes impératives du droit international général, figurant à l’annexe de la conclusion 23 de son projet des conclusions susmentionné23.
25. Or, ce sont précisément les conséquences juridiques de la violation du droit à l’autodétermination qui plaident en faveur de sa reconnaissance comme norme hiérarchiquement supérieure, et non le fait que l’on soit en présence d’obligations erga omnes qui donnent lieu à un intérêt pour agir mais ne créent pas, en tant que telles, des normes impératives. C’est pour cela que la Cour franchit un pas fondamental dans le présent avis consultatif, même si elle semble encore faire preuve d’une certaine timidité à cet égard.
26. D’une manière plus large, le dictum de la Cour part du constat que le droit à l’autodétermination occupe « une place centrale » en droit international. Il convient de souligner que la référence à une situation d’occupation étrangère (par. 233) a le mérite de renvoyer la question au noyau central de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux (résolution 1514 (XV)), qui déclare que « [l]a sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales ». Dès lors, une occupation étrangère prolongée, comme celle examinée dans cette procédure, devient une domination étrangère au sens de la résolution 1514 (XV) et mérite, en conséquence, que le droit à l’autodétermination soit élevé au rang de norme impérative de droit international.
27. De surcroît, la Cour a depuis longtemps reconnu que des normes telles que l’interdiction du génocide et l’interdiction de la torture relèvent du jus cogens (voir Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 32, par. 64, et p. 52, par. 125 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 111, par. 161 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 47, par. 87 ; Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 457, par. 99 ; voir aussi Immunités juridictionnelles de l’État (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 140, par. 93, où la Cour traite de la relation entre le jus cogens et la règle de l’immunité de l’État).
23 Conclusion 23 Liste non exhaustive
« Sans préjudice de l’existence ou de l’émergence ultérieure d’autres normes impératives du droit international général (jus cogens), une liste non exhaustive de normes que la Commission du droit international a précédemment désignées comme ayant ce statut figure dans l’annexe du présent projet de conclusions.
Annexe
a) L’interdiction de l’agression ;
b) L’interdiction du génocide ;
c) L’interdiction des crimes contre l’humanité ;
d) Les règles fondamentales du droit international humanitaire ;
e) L’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid ;
f) L’interdiction de l’esclavage ;
g) L’interdiction de la torture ;
h) Le droit à l’autodétermination. »
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28. En conclusion, la Cour, en attachant toutes les conséquences propres de la violation d’une norme impérative du droit international général (jus cogens) aux violations multiples et continues, par Israël, du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, se place sans ambiguïté du côté de
« [la] garantie collective du respect de règles considérées comme essentielles pour le maintien de valeurs de la communauté internationale à un certain moment de son développement en tant qu’entité régie par le droit, [qui] n’est que l’aboutissement logique de l’importance que l’on donne à ces règles. Cela est conforme à l’évolution du droit international des droits de l’homme »24.
Ainsi, la Cour donne, d’une part, tout son sens et son entière dimension à la primauté du droit à l’autodétermination dans la hiérarchie des droits et devoirs fondamentaux qui structurent l’ordre international contemporain. Cet aspect est d’une importance essentielle et doit être rappelé à toute heure et en tout lieu, urbi et orbi.
La Cour confère, d’autre part, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes la plénitude de sa nature axiologique, au sens d’une notion qui reflète et, tout à la fois, inspire une vision du monde.
(Signé) Juan Manuel GÓMEZ ROBLEDO.
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24 J. M. Gómez Robledo, « L’avis de la Cour internationale de Justice sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé », Revue générale de droit international public, juillet-septembre 2005, no 3, p. 534.
Opinion individuelle de M. le juge Gómez Robledo