Opinion individuelle de M. le juge Iwasawa

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186-20240719-ADV-01-07-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE IWASAWA
[Traduction]
Avis consultatif ne traitant pas de la question du comportement adopté par Israël dans la bande de Gaza en réaction à l’attaque menée contre lui par le Hamas et d’autres groupes armés le 7 octobre 2023  Cour ayant adopté l’« approche fonctionnelle » en ce qui concerne l’application du droit de l’occupation à Gaza après 2005.
Cour n’ayant pas attaché assez d’importance à l’aspect discriminatoire du double système juridique mis en place par Israël en Cisjordanie — Cour ayant conclu que la « séparation » opérée par Israël en Cisjordanie entre la population palestinienne et les colons emportait violation de l’article 3 de la CIEDR, sans la qualifier d’apartheid.
Cour ayant conclu que la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé était illicite car les politiques et pratiques mises en oeuvre par cet État constituaient une violation de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et entravaient le droit à l’autodétermination — Illicéité de la présence continue d’Israël s’appliquant à l’intégralité du Territoire palestinien occupé, y compris Gaza — Israël ayant l’obligation de mettre fin à sa présence dans le Territoire palestinien occupé « dans les plus brefs délais » — Israël n’étant pas tenu de retirer ses forces armées du Territoire palestinien occupé de manière immédiate et inconditionnelle.
1. Pour répondre aux questions posées par l’Assemblée générale, la Cour commence par en examiner la portée et le sens (avis consultatif, par. 72-83). En ce qui concerne leur portée temporelle, elle relève que
« la demande d’avis consultatif a été adoptée par l’Assemblée générale le 30 décembre 2022 et … [l’]invitait … à traiter des politiques et pratiques d’Israël “persistantes” ou qui “continu[eraient] d’être mises en oeuvre” … [L]es politiques et pratiques visées dans la demande de l’Assemblée générale n’incluent pas le comportement adopté par Israël dans la bande de Gaza en réaction à l’attaque menée contre lui par le Hamas et d’autres groupes armés le 7 octobre 2023. » (Par. 81.)
Il s’agit là d’une limite temporelle importante de l’avis.
2. S’agissant de leur portée territoriale, les questions posées par l’Assemblée générale font référence aux politiques et pratiques d’Israël dans le « territoire palestinien occupé depuis 1967 ». Il est raisonnablement permis de penser que ce membre de phrase renvoie à l’expression « Territoire palestinien occupé » telle qu’utilisée par les organes des Nations Unies depuis 1967, et par la Cour dans son avis consultatif sur le mur. Il ne fait aucun doute que le « territoire palestinien occupé depuis 1967 » ou le « Territoire palestinien occupé » englobe non seulement la Cisjordanie et Jérusalem-Est, mais aussi la bande de Gaza. Le Conseil de sécurité a d’ailleurs confirmé que « la bande de Gaza fai[sai]t partie intégrante du territoire palestinien occupé depuis 1967 » (résolution 1860 (2009), préambule). Dans le présent avis, la Cour affirme que le « territoire palestinien occupé depuis 1967 … comprend la Cisjordanie, Jérusalem–Est et la bande de Gaza » (par. 78).
3. La situation à Gaza est toutefois différente. En 2004, Israël a décidé de « se désengager » de ce territoire, avec l’intention de mettre fin à son occupation de celui-ci1, tout en continuant à
1 « Quand le processus sera achevé, il ne demeurera dans les zones terrestres évacuées de la bande de Gaza aucune présence permanente des forces de sécurité israéliennes. En conséquence, rien ne permettra plus de dire que la bande de Gaza est un territoire occupé. » Israel Ministry of Foreign Affairs, « The Disengagement Plan  General Outline », 18 avril 2004, point 2, i.
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« contrôler et surveiller le périmètre terrestre extérieur de la bande de Gaza, … [à] exercer son autorité exclusive sur l’espace aérien de Gaza … et [à] mener des opérations de sécurité au large »
2. Bien qu’il ait retiré l’ensemble de ses forces terrestres et procédé à l’évacuation de ses colonies implantées sur ce territoire en 2005, Israël a continué à exercer des prérogatives essentielles relativement à celui-ci (avis consultatif, par. 89 et 93). Dans ce contexte, les avis sont partagés sur le point de savoir si, après 2005, Gaza est restée « occupée » au sens du droit de l’occupation, et si ce droit a continué de s’y appliquer.
4. L’article 42 du règlement de La Haye définit l’occupation comme suit : « Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer. » Au vu de cette disposition, ainsi que de l’article 6 de la quatrième convention de Genève, le contrôle effectif est généralement considéré comme le critère permettant de déterminer l’existence d’une occupation.
5. D’aucuns considèrent que Gaza est demeurée occupée et que le droit de l’occupation a continué de s’y appliquer après 2005. Tel est l’avis de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza3, du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 19674, de l’Union européenne5, et de plusieurs ONG. L’Assemblée générale a en outre estimé à maintes reprises que la quatrième convention de Genève était applicable « au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et aux autres territoires arabes occupés par Israël depuis 1967 », ce qui inclut Gaza (par exemple, résolution 73/97 (2018), par. 1).
6. Selon une autre thèse, Gaza n’est plus occupée, au sens du droit de l’occupation, depuis 2005. Ce point de vue repose notamment sur la décision rendue par la Cour en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda). Dans cette affaire, la Cour a défini comme suit les critères à appliquer pour déterminer l’existence d’une occupation :
« selon le droit international coutumier … un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie, et que l’occupation ne s’étend qu’au territoire où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer …
En vue de parvenir à une conclusion sur la question de savoir si un État … est une “puissance occupante” au sens où l’entend le jus in bello, la Cour examinera tout d’abord s’il existe des éléments de preuve suffisants démontrant que ladite autorité se trouvait effectivement établie et exercée dans les zones en question par l’État auteur de l’intervention. » (Arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 229-230, par. 172-173.)
2 Ibid., point 3, i.
3 Nations Unies, « La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés », rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, doc. A/HRC/12/48 (2009), par. 276.
4 Nations Unies, « La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés », rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, doc. A/HRC/7/17 (2008), par. 9-11.
5 European Coordination of Committees and Associations for Palestine, « EU Heads of Missions’ Report on Gaza », 2013.
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Appliquant ces critères, la Cour a conclu que l’Ouganda avait établi et exerçait son autorité en Ituri en tant que puissance occupante, mais pas dans d’autres régions (ibid., p. 230-231, par. 176-177).
7. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a exposé une autre approche concernant l’application du droit de l’occupation. Selon le CICR,
« Israël continue d’exercer des éléments essentiels de son autorité sur la bande de Gaza, notamment sur ses frontières (espace aérien, maritime et terrestre — à l’exception de la frontière avec l’Égypte). Même si Israël ne maintient plus une présence permanente à l’intérieur de la bande de Gaza, il reste lié en vertu du droit de l’occupation par certaines obligations qui sont proportionnelles au degré de contrôle qu’il y exerce. »6
Cette approche, connue sous le nom d’« approche fonctionnelle », ne s’attache pas au statut du territoire en tant que tel mais au point de savoir si l’État demeure lié par certaines obligations au regard du droit de l’occupation. Cette approche est également étayée par la décision rendue par la Commission des réclamations entre l’Érythrée et l’Éthiopie7.
8. Dans le présent avis, la Cour souscrit à cette approche. Elle indique que,
« [l]orsqu’une puissance occupante ayant établi son autorité dans le territoire occupé met partiellement ou totalement fin à sa présence physique, elle peut demeurer liée par les obligations découlant du droit de l’occupation dans la mesure où elle conserve la faculté d’exercer, et continue d’exercer, des prérogatives à la place du gouvernement local » (par. 92).
Appliquant cette approche à Gaza, la Cour conclut comme suit :
« Israël avait conservé la faculté d’exercer, et continuait d’exercer, certaines prérogatives essentielles sur la bande de Gaza, … et ce, en dépit du fait que cet État a mis fin à sa présence militaire en 2005 …
Compte tenu de ce qui précède, la Cour est d’avis que le retrait d’Israël de la bande de Gaza n’a pas totalement libéré cet État des obligations que lui impose le droit de l’occupation. Les obligations d’Israël sont demeurées proportionnées au degré de son contrôle effectif sur la bande de Gaza. » (Par. 93-94.)
Ainsi, bien qu’elle indique clairement qu’Israël demeure lié par certaines obligations au regard du droit de l’occupation, la Cour ne prend pas position sur le point de savoir si Gaza est restée « occupée », au sens du droit de l’occupation, après 2005.
6 CICR, « Que dit le droit des responsabilités de la Puissance occupante dans le territoire palestinien occupé ? », 28 mars 2023, p. 4 (les italiques sont de moi). Voir aussi ibid., « Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains : rapport », document préparé par le CICR, Genève, octobre 2015, p. 12 ; ibid., « Article 2 », in Commentaire de la première convention de Genève, 2016, par. 307-313 ; Tristan Ferraro (conseiller juridique, CICR), « Comment déterminer le début et la fin d’une occupation au sens du droit international humanitaire », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 94, no 885, printemps 2012, p. 99.
7 Eritrea-Ethiopia Claims Commission, Partial Award, Western Front, Aerial Bombardment and Related Claims, Eritrea’s Claims 1, 3, 5, 9-13, 14. 21, 25, 26, Decision of 19 Dec. 2005, United Nations, Reports of International Arbitral Awards, Vol. XXVI, Part VIII, p. 307-308, par. 27.
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La situation à Gaza a radicalement changé depuis le 7 octobre 2023. Les événements qui ont eu lieu après cette date échappent cependant à la portée temporelle de l’examen de la Cour (voir le paragraphe 1 ci-dessus).
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9. Je souscris pour l’essentiel à l’analyse de la Cour concernant l’adoption par Israël de « lois et mesures discriminatoires », mais l’aspect discriminatoire du double système juridique instauré par cet État en Cisjordanie aurait, selon moi, mérité d’être approfondi. La Cour examine le double système juridique dans la partie consacrée à la « politique de colonisation » d’Israël, concluant que celui-ci a exercé son autorité réglementaire en tant que puissance occupante d’une manière qui n’est pas conforme à la règle reflétée à l’article 43 du règlement de La Haye et à l’article 64 de la quatrième convention de Genève (avis consultatif, par. 134-141). Elle n’accorde pas à cet aspect toute l’attention voulue. Dans la partie portant sur les « lois et mesures discriminatoires », la Cour ne fait qu’aborder brièvement la question, se contentant d’indiquer, dans le contexte de l’article 3 de la CIEDR, que les colons et les Palestiniens sont soumis à des systèmes juridiques distincts (ibid., par. 228).
10. L’application extraterritoriale du droit interne israélien en Cisjordanie a engendré deux systèmes juridiques distincts. Tandis que les colons relèvent du droit pénal israélien, les Palestiniens vivant en Cisjordanie sont pour leur part soumis au droit militaire8 et poursuivis devant des tribunaux militaires9. S’applique également aux Palestiniens et aux colons un traitement différencié au regard de la législation nationale relative à l’assurance maladie, du droit fiscal, des lois électorales et dans l’application du code de la route. De la même manière, il existe un dédoublement institutionnel et législatif du régime de l’aménagement et de la construction10. Ce double système juridique est renforcé par la loi fondamentale de 2018, qui précise que « l’État considère la mise en place de colonies de peuplement juives comme une valeur nationale et … prend des mesures pour encourager et faciliter leur création et leur consolidation » (par. 7).
11. Le double système juridique instauré par Israël en Cisjordanie traite les Palestiniens et les colons de manière différente sur la base, entre autres, de la race, de la religion ou de l’origine ethnique, et constitue une discrimination. Le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a ainsi affirmé que « [l]’application extraterritoriale du droit israélien aux colons engendr[ait] la coexistence de deux systèmes juridiques différents sur un même territoire, sur la seule base de la nationalité ou de l’origine. Cette application différenciée est discriminatoire »11. De même, la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé
8 Nations Unies, « Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël », doc. A/77/328 (2022), par. 46.
9 Nations Unies, « Colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, doc. A/HRC/43/67 (2020), par. 29.
10 Nations Unies, « Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël », doc. A/77/328 (2022), par. 46.
11 Par exemple, Nations Unies, « Colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », doc. A/HRC/34/39 (2017), par. 9.
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a conclu que « [c]e double système juridique a[vait] pour résultat que les Israéliens jouiss[ai]ent davantage des droits humains que les Palestiniens ; par conséquent, il est discriminatoire »
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12. L’application de la notion d’apartheid aux politiques et pratiques israéliennes dans le Territoire palestinien occupé n’est pas chose aisée, notamment parce qu’il n’existe pas de définition universellement reconnue de l’apartheid. L’apartheid est à la fois une violation du droit international des droits de l’homme et un crime international, et peut donc engager la responsabilité de l’État et la responsabilité pénale individuelle. S’agissant de l’apartheid en tant que violation du droit international des droits de l’homme, l’article 3 de la CIEDR indique que « [l]es États parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l’apartheid et s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer sur les territoires relevant de leur juridiction toutes les pratiques de cette nature ». La CIEDR ne définit cependant pas le terme. L’apartheid en tant que crime international, quant à lui, est régi par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, de 1998, et par le protocole additionnel I aux conventions de Genève, de 1977. Tout comme le génocide, le crime international d’apartheid requiert l’existence d’un dolus specialis envers un groupe particulier. La convention contre l’apartheid de 1973 présente un double caractère. Tout en faisant de l’apartheid un crime international, elle énonce certaines obligations interétatiques aux fins de l’élimination de celui-ci. Or, il y a des différences notables entre la définition de l’apartheid donnée à l’alinéa h) du paragraphe 2 de l’article 7 du Statut de Rome et celle figurant à l’article 2 de la convention contre l’apartheid. Par exemple, selon le Statut de Rome, il doit exister, pour que les éléments constitutifs du crime d’apartheid soient réunis, un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur un autre.
13. Les questions posées par l’Assemblée générale portent sur les « lois et mesures discriminatoires adoptées par Israël » au regard du droit international des droits de l’homme, et non sur l’apartheid en tant que crime international. La Cour indique que l’article 3 de la CIEDR renvoie à « deux formes particulièrement graves de discrimination raciale, la ségrégation raciale et l’apartheid » (avis consultatif, par. 225) et conclut que « les lois et mesures d’Israël emportent violation de l’article 3 de la CIEDR » (par. 229). Dans son raisonnement, elle met l’accent sur la « séparation » opérée par Israël en Cisjordanie entre la population palestinienne et les colons (par. 226-229), sans la qualifier d’apartheid.
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14. La première partie de la question b), dans laquelle la Cour est priée de dire quelle est l’incidence des politiques et pratiques d’Israël sur le statut juridique de l’occupation, appelle une évaluation de l’effet de ces politiques et pratiques sur la licéité de la présence continue de ce dernier dans le Territoire palestinien occupé. La Cour analyse cette question à la lumière de deux règles de droit international fondamentales, à savoir l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et le droit à l’autodétermination. Ces règles sont établies dans la Charte des Nations Unies et en droit international coutumier. Le droit de l’occupation, quant à lui, ne régit pas la licéité de la présence
12 Nations Unies, « Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël », doc. A/77/328 (2022), par. 47.
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militaire d’un État dans un territoire étranger, mais définit les droits et devoirs de la puissance occupante, qui restent applicables même lorsque sa présence sur le territoire en cause est illicite (voir avis consultatif, par. 251).
15. L’interdiction de l’acquisition de territoire par la force est un principe de droit international coutumier. La déclaration sur les relations amicales, adoptée par l’Assemblée générale en 1970, prévoit que « [n]ulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale » (résolution 2625 (XXV), annexe, premier principe). Le Conseil de sécurité a lui aussi souligné à maintes reprises « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre » (par exemple, résolution 242 (1967)) (voir avis consultatif, par. 175-176). L’interdiction de l’acquisition de territoire par la force exclut toute acquisition de ce type, que l’emploi de la force soit illicite ou autorisé au regard du droit international. Les politiques et pratiques d’Israël constituent une annexion de vastes parties du Territoire palestinien occupé, et emportent donc violation de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force (par. 179).
16. Dans les situations d’occupation, il est difficile de déterminer si l’obligation de respecter le droit à l’autodétermination a été violée. L’occupation sous toutes ses formes, de par sa nature même, a une incidence sur l’exercice du droit à l’autodétermination des personnes vivant dans le territoire occupé. Aussi l’occupation ne peut-elle en soi emporter manquement à l’obligation de respecter le droit à l’autodétermination. Dans le présent avis, la Cour recherche si les politiques et pratiques d’Israël entravent le droit du peuple palestinien à l’autodétermination à la lumière de quatre aspects de ce droit (par. 236-242) et conclut qu’elles emportent manquement à l’obligation incombant à cet État de respecter ledit droit (par. 243).
17. Ayant constaté que les politiques et pratiques d’Israël constituaient une violation de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et entravaient le droit à l’autodétermination, la Cour conclut que la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite (avis consultatif, par. 261-262 et point 3) du dispositif). Dans certaines parties de son raisonnement, elle affirme, curieusement, que ce sont les effets des politiques et pratiques d’Israël qui constituent une violation du droit international (par. 256-257). La Cour aurait dû éviter ce type de formulation, et dire sans détour que ce sont les politiques et pratiques d’Israël qui emportent violation des deux règles de droit international fondamentales précitées, et que, partant, la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite. En tout état de cause, cette dernière conclusion n’est pas fondée sur quelque constatation selon laquelle Israël aurait manqué aux obligations qui lui incombent au regard du droit de l’occupation.
18. Bien qu’Israël cherche à exercer sa souveraineté sur Jérusalem-Est et sur de vastes pans de la Cisjordanie, et non sur l’intégralité du Territoire palestinien occupé, je suis d’accord avec la Cour pour considérer que l’illicéité de la présence continue d’Israël concerne l’intégralité de ce territoire, y compris Gaza, sous réserve de la limite temporelle précisée dans l’avis (voir le paragraphe 1 ci-dessus). Ledit territoire constitue une seule et même entité territoriale, dont l’unité, la continuité et l’intégrité doivent être respectées. Le peuple palestinien doit pouvoir exercer son droit à l’autodétermination sur l’intégralité du Territoire palestinien occupé (avis consultatif, par. 78 et 262).
19. Étant donné que sa présence continue dans le Territoire palestinien occupé est un fait internationalement illicite à caractère continu, Israël est dans l’obligation d’y mettre fin. Cette conclusion est conforme aux résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. Le Conseil de sécurité a par exemple insisté sur la nécessité de procéder au « [r]etrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » (résolution 242 (1967), par. 1, al. i)) et sur « la nécessité … de mettre fin à l’occupation prolongée » (résolution 476 (1980), par. 1). Quant à l’Assemblée générale,
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elle a demandé à maintes reprises qu’« Israël se retire du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est » (par exemple, résolution 77/25 (2022), par. 12, al. a)).
20. Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence continue dans le Territoire palestinien occupé « dans les plus brefs délais » (avis consultatif, par. 267 et point 4) du dispositif). Étant donné ses préoccupations légitimes en matière de sécurité, il n’est cependant pas tenu de retirer l’ensemble de ses forces armées du Territoire palestinien occupé de manière immédiate et inconditionnelle, et notamment pas de la bande de Gaza, compte tenu des hostilités en cours depuis le 7 octobre 2023. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont rappelé l’importance du principe de l’échange de territoires contre la paix et de la solution à deux États. Ainsi, dans sa résolution 242 (1967), le Conseil de sécurité a établi un lien entre la fin de la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et la pleine réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, et le droit d’Israël de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force (par. 283). Les modalités précises pour qu’il soit mis fin à la présence illicite d’Israël découleront des dispositions qui seront prises à la lumière de ces principes, sous le contrôle de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité (voir par. 281 et point 9) du dispositif).
(Signé) IWASAWA Yuji.
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