Consequences juridiques decoulant des politiques et pratiques israeliennes affectant les
droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupe, y compris
Jerusalem-Est
Reg uete pour a vis consultatif transmise a la Cour en vertu de la resolution 77 /24 7
de I' Assemblee generate de l'Onu adoptee le 30 decembre 2022
Introduction
Observations ecrites du Gouvernement Algerien
25 octobre 2023
1. En vertu de l'ordonnance du 3 fevrier 2023 de la Cour, la Republique Algerienne
Democratique et Populaire presente les observations ecrites suivantes a propos des exposes
des autres Etats concemant la requete d 'a vis consultatif sur les deux questions po sees par
l 'Assemblee Generale de l 'Onu dans sa resolution A/RES/77 /24 7 du 30 decembre 2022
intitulee «Pratiques israeliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le
Territoire palestinien occupe, y compris Jerusalem-Est ».
2. Par I' ordonnance susmentionnee, la Cour a fixe au 25 octobre 2023 la date d' expiration du
delai dans lequel les Etats et organisations peuvent presenter leurs observations conformement
au paragraphe 4 de }'article 66 du Statut de la Cour.
Observations d'ordre general
3. Plusieurs Etats ont expose de maniere approfondie leurs points de vue sur les deux
questions posees par l' Assemblee generale de l'ONU dans sa resolution A/RES/77/247
relative aux consequences juridiques decoulant des politiques et pratiques israeliennes
affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Te1Titoire palestinien occupe, y
compris Jerusalem-Est.
4. A cet egard, l' Algerie est d'accord avec la majorite des Etats qui ont souligne dans leurs
exposes ecrits que la Cour est competente pour donner un avis consultatif sur les questions
dont elle est saisie, et reprend totalement a son compte le rapprochement qui peut etre fait
entre les arguments developpes par la CIJ en 2004 - en s'appuyant notamment sur le
paragraphe 12 de son avis consultatif du I 6 octobre 1975 sur le Sahara occidental 1, et le
paragraphe 54 de son demier avis consultatif sur Jes iles Chagos de 20192 -, et ceux qui
pourraient l'etre dans la procedure actuelle. De !'ensemble des ces arguments, I' Algerie tire la
conclusion que la Cour doit rejeter Jes eventuelles objections qui pourraient etre avancees
pour contester la requete de l 'Assemblee generale des Nations Unies.
La Cour doit egalement tirer les conclusions du fait que, comme de coutume, Israel, membre
de l'Organisation des Nations Unies, rejette systematiquement les decisions et les resolutions
de l 'Assemblee Generale, du Conseil de Securite, et denonce les rapports des titulaires de
mandats et des organes conventionnels charges des droits de l'Hornme, ainsi que le propre
1 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J Recueil 1975, p 12.
2 Archipel de Chagos, avis consultatit: CIJ, Recuei l 2019, p 20.
avis de la Cour du 9 juillet 2004, puisqu'Israel avait souligne qu'il « n'etait pas de la
competence de la Cour Internationale de Justice de « traiter de sujet politiques litigieux sans
l'accord des differentes parties impliquees ... » et que par consequent, « Israel poursuivra ...
la construction du mur 3».
Ainsi, le non-respect des resolutions et decisions de ! 'Organisation des Nations Unies et de
ses organes par Israel et ce, depuis la resolution de l 'Assemblee Generale 194 (194 7) 4 a ce
jour, illustre le mepris qu'Israel a pour le droit international, le principe de «bonne foi», et
plus generalement le peu de respect qu' ont les officiels israeliens pour la vie humaine des
palestiniens consideres comme des « animaux humains » 5 .
5. A l'instar des autres Etats participants ace processus, l'Algerie considere qu'Israel viole le
droit du peuple palestinien a l'autodetermination, regle imperative du droit international. Par
consequent, ce qui prevaut en Palestine, tant en Cisjordanie que dans la Bande de Gaza et a
Jerusalem-Est, est une situation d'occupation illegale. En effet, la demande d'avis consultatif
de l 'Assemblee generale accorde une place importante au droit du peuple palestinien a
l'autodetermination, puisqu'il est le premier element juridique auquel la question de
l 'Assemblee generale se refere.
Ace sujet, l'Algerie tient a souligner que le preambule de la Resolution 77/247 s'y est refere
a plusieurs reprises, considerant le droit a l'autodetermination la cle de vofite du droit
international, aussi bien general que special. De fait, il a ete au centre de la requete de
l' Assemblee generale de decembre 2003 et du contenu de l'avis consultatif du 9 juillet 2004.
Dans ce dernier, le paragraphe 88 est totalement consacre au principe du droit des peuples a
disposer d'eux-memes. La Cour a tout d'abord tenu a rappeler qu' il est consacre dans la
Charte des Nations Unies et a ete reaffirme dans la resolution 2625 (XXV) de l' Assemblee
generale dans des termes que la Cour reprend dans ce paragraphe.
Cette resolution a precise que « tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir a toute mesure
de coercition qui priverait de leur droit a l'autodetermination .. .les peuples mentionnes (dans
ladite resolution)». Elle a, ensuite, precise la place qu'il occupe dans les deux Pactes de 1966,
consacres respectivement aux droits civils et politiques et aux droits economiques, sociaux et
culturels ou leur article 1er commun « reaffirme le droit de tousles peuples a disposer d'euxmemes
et fait obligation aux Etats de faciliter la realisation de ce droit et de le respecter,
conformement aux dispositions de la Charte des Nations Unies au droit a
l 'autodetermination ».
11 convient de souligner que le concept d'autodetermination figure en bonne place dans la
Charte des Nations Unies. L'article 1, paragraphe 2, prevoit que l'un des objectifs de
!'organisation est le developpement de relations amicales entre les nations basees sur le
respect du principe de l'egalite des droits et de l'autodetermination des peuples, tandis que
!'article 55 traite des moyens par lesquels !'organisation devrait creer les conditions
necessaires pour des relations pacifiques et amicales entre Jes Etats, basees sur le respect du
principe de l'egalite des droits et de l'autodetermination des peuples.
3 Ministere israelien des affaires etrangeres, « The anti-terrorsit fence and the international court of justice»
h tips: I /www. gov. i I/en/Departments/ Gen era I/saving -Ii ves-i srae 1-s-an ti -terrorist -fence-answers-to-guest ion s-j an -2004
4 UN General Assembly, 194 (111). Palestine - Progress Report of the United Nations Mediator, 11
december 1948. AIRES/ 194.
5 Declaration du Ministre israelien de la Defense Yoav Gallant le 9 octobre 2023 : « J'ai ordonne un siege complet de Gaza.
Nous combattons les animaux humains et agissons en consequence »
2
Compte tenu de l' extreme importance de ce principe cardinal et son « intransgressibilite »,
l' Algerie, tout en faisant sienne l 'analyse de la Cour, estime necessaire de faire respecter ce
principe qui est consacre egalement dans l'avis consultatif de la Cour sur l'archipel des
Chagos (2019) ou elle rappelle que « la resolution 1514 (XV) du 14 decembre 1960 portant
Declaration sur l'octroi de l'independance aux pays et aux peuples coloniaux a un caractere
declaratoire s'agissant du droit a l'autodetermination en tant que norme coutumiere », et
observe plus loin que « le Ii belle de la resolution 1514 ... a un caractere no1matif » (par.153).
Dans l'affaire du Sahara occidental, la Cour a confome le principe contenu au paragraphe 6 de
la Declaration sur l'octroi de l'independance aux pays et aux peuples coloniaux, qui interdit la
perturbation partielle ou totale de !'unite nationale et de l'integrite territoriale d'un territoire
colonial, en tant que reflet du droit international coutumier.
Autre illustration de la centralite de ce principe, le Comite pour !'elimination de la
discrimination raciale (CERD) dans sa recommandation generale n°21 (1996) 6 concernant le
droit a l 'autodetermination, reconnait que « tous les peuples ont le droit de determiner
librement leur statut politique, et leur place dans la communaute intemationale sur la base du
principe de l'egalite des droits et ainsi que l' illustrent la liberation des peuples du
colonialisme et !'interdiction de la soumission des peuples a la sujetion, la domination et
l 'exploitation etrangeres ». Cette position a ete consacree egalement dans la Charte Africaine
des Droits de l'Homme et des peuples dans !'article 20 (1) qui dispose que tousles peuples ont
"le droit incontestable et inalienable a l'autodetermination". Et dans le meme esprit la Cour
Africaine des droits de l 'Homme et des peuples, dans son arret rendu le 22 novembre 2022 7 a
affirme que : « La Charte (africaine des droits de l'Homme et des Peuples) tisse le droit a
l'autodetermination dans le droit a !'existence des peuples, quelque chose qui denote un droit
ou un droit global a la survie en tant que peuple [ ... ]8» .
L' Algerie tient a rappeler que dans ce meme arret la Cour africaine des droits de I 'Homme et
des Peuples a egalement reaffirme le statut de « no1me imperative du droit a
l'autodetermination »9 et« !'obligation erga omnes pour tousles Etats » qu'il declenche10 .
Par ailleurs, et comme souligne par I' Afrique du Sud dans son expose ecrit : « le droit a
l'autodetermination a, a la fois, une composante politique et une composante economique : la
capacite d'un peuple de determiner Iibrement son statut politique, de choisir son propre
gouvernement et de se gouverner sans ingerence, ainsi que le droit collectif de poursuivre
librement son developpement economique, social et culture! et de jouir de ses richesses
naturelles et de ses ressources ».
Partageant entierement cette approche, I' Algerie tient a ajouter qu' outre la dimension
politique, le droit a l'autodetermination du peuple palestinien recouvre egalement une
dimension economique qui est «perpetuellement violee par !'occupant israelien », a savoir le
droit des peuples a la souverainete sur leurs ressources naturelles.
6 Comite pour )'elimination de la discrimination raciale, Recommandation generale no. 21, Le droit a l'autodeterminat ion,
(Quarante-huitieme session, 1996), U.N. Doc. N5 I/ I 8
7 Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Bernard Mornah c. Benin et 7 autres £tats, requete 11°028/2018, 22
septembre 2022
8 Ibid, μara 295
9 Ibid, para 298
10 Ibid, para 298
3
Ce droit et principe a ete consacre par l 'Assemblee Generale dans sa resolution 1803 (XVII)
du 14 decembre 196211
, qui a solennellement « proclame le droit de tout Etat de disposer
librement de ses richesses et de ses ressources naturelles »12 . Ce principe s'adresse a tous
ainsi que l'a rappele l'Assemblee generale des Nations Unies dans bon nombre de ses
resolutions 1
3
• La souverainete sur les ressources naturelles etant l'un des principaux corollaires
du droit des peuples a disposer d'eux-memes, on peut legitimement penser que cette
souverainete est egalement un droit opposable erga ornnes.
Ce droit a ete reaffirme par l'Assemblee generale, en ce qui concerne le peuple palestinien,
dans sa resolution 72/240 intitulee « Souverainete permanente du peuple palestinien dans le
Territoire palestinien occupe, y compris Jerusalem-Est, et de la population arabe dans le
Golan syrien occupe sur leurs ressources naturelles », qui reconnait « les droits inalienables
du peuple palestinien sur ses ressources naturelles, notamment ses terres et les ressources en
eau et en energie »14 et« exige qu'Israel, puissance occupante, cesse d'exploiter, d' alterer, de
detruire, d'epuiser et de mettre en peril les ressources naturelles du Territoire palestinien
occupe, y compris Jerusalem-Est »15
. Cette resolution reconnait egalement le droit du peuple
palestinien de demander reparation si ses ressources naturelles sont exploitees, alterees,
detruites, epuisees ou mises en peril par suite de mesures illegales prises par Israel, Puissance
occupante, ou des colons israeliens dans le Territoire palestinien occupe, y compris JerusalemEst
».
En tant norme imperative qui s'impose a tous, le principe d'autodetermination fait obligation
aux Etats et aux organisations internationales d'appliquer activement des politiques qui
respectent ce principe en ce qui conceme toutes les pratiques et mesures israeliennes illegales
dans le Territoire palestinien occupe, y compris Jerusalem-Est, en particulier les activites
d'implantation de colonies et !'exploitation des ressources naturelles. C'est dans ce sens que
le Conseil de Securite, dans sa resolution 2334 (2016), a demande a tous les Etats de faire une
distinction, dans leurs echanges entre le territoire de l'Etat d'Israel et les territoires occupes
depuis 196716 .
Lors de sa trente-quatrieme session, tenue du 27 fevrier au 24 mars 2017, le Conseil des droits
de l'homme soutient ce principe en reaffirmant dans sa resolution 34/29, le droit inalienable,
permanent et absolu du peuple palestinien a disposer de lui-meme, y compris son droit de
vivre dans la liberte, la justice et la <lignite, et son droit a l 'Etat independant de Palestine.
11 Souverainete permanente sur les ressources naturelles, Res. AG 1803 (XVII), Doc.Off. A.G.N.U., I 7e sess.,
supp. n° 17, Doc. NU A/5344/ Add I, A/L412/Rev2 ( 1962), 15.
12 Ainsi !'article 4 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et !'article 25 du Pacte international
relatif aux droits economiques, sociaux et culturels specifient : « aucune disposition du present pacte ne sera
interpretee comme portant atteinte aux droits inherents de tous Jes peuples a profiter et a user pleinement et
librement de leurs richesses et ressources naturelles ».
13 Voir notamment resolutions : Souverainete permanente sur les ressources naturelles, Res. AG 2386 (XXIII),
Doc.Off. A.G.N.U., 23e sess., 1968, 26; Declaration sur le progres et le developpement dans
le domaine social, Res. AG 2542 (XXIV), Doc.Off. A.G.N.U., 24e sess., 1969, 51; Souverainete pennanente des
pays en voie de developpement sur leurs ressources naturelles et expansion des sources interieures
d'accumulation aux fins du developpement economique, Res. AG 2692 (XXV), Doc.Off. A.G.N.U., 25e sess.,
1970, 69 ; Souverainete permanente sur les ressources naturelles, Res. AG 3171 (XXVIII), Doc.Off. A.G.N.U.,
28e sess., supp. n°30, Doc. NU A/9400, (1973), 55.
14Assemblee generate, resolution adoptee le 20 decembre 2017, A/RES/72/240, p. 4
15ldem.
16 Conseil de securite, resolution 2334 (2016) Adoptee a sa 7853• seance, le 23 decembre 2016, S/RES/2334 (
2016).
4
Dans cet esprit, le Conseil a confirme que le droit de souverainete permanent du peuple
palestinien sur ses richesses et ses ressources naturelles doit s'exercer dans l' inten~t du
developpement national et du bien-etre de ce peuple et dans le cadre de la realisation de son
droit a l'autodetermination, et a demande instamment a tous les Etats d'adopter Jes mesures
necessaires pour promouvoir la realisation du droit a l'autodetermination du peuple
palestinien et d'aider !'Organisation des Nations Unies a s'acquitter des responsabilites que
lui a conferees la Charte en ce qui concerne !'application de ce droit.
Cette meme position a ete reaffirmee une nouvelle fois dans la resolution du Conseil des
droits de !'Homme du 4 avril 2023 17 , qui demande « a tous Ies Etats de s'acquitter de leur
obligation de n'accorder ni reconnaissance, ni aide, ni assistance s'agissant des violations
graves de normes imperatives du droit international commises par Israel, en particulier de
!'interdiction d'acquerir des territoires par la force afin de garantir l'exercice du droit a
I' autodetermination, et leur demande egalement de cooperer davantage afin de mettre un
terme, par des moyens licites, a ces violations graves et aux politiques et pratiques illegales
d'Israel ».
De meme, dans son rapport sur « les effets sur I'ordre international qui s'exercent au
detriment des droits de l'homme, des accords internationaux d'investissement, des accords
bilateraux d'investissement et des accords multilateraux de libre-echange », M. Livingstone
Sewanyana, expert independant sur la promotion d 'un ordre international democratique et
equitable a note que les Etats parties au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques sont tenus de faciliter la realisation du droit des peuples a disposer d'eux-memes et
ne peuvent y faire echec en concluant des accords commerciaux qui, dans les faits, privent les
peuples de leurs ressources naturelles ou impliquent !'appropriation illicite de terres ou des
deplacements de population 18.
Dans la meme veine, la Mission internationale independante d'etablissement des faits chargee
d'etudier les effets des colonies de peuplement israeliennes sur les droits civils, politiques,
economiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans le territoire palestinien occupe, y
compris Jerusalem-Est a affirme que « Les entreprises privees doivent evaluer !'impact que
leurs activites ont sur les droits de l'homme et prendre toutes les mesures necessaires - y
compris en mettant fin a leurs interets commerciaux dans les colonies de peuplement - pour
s'assurer qu'elles n'ont pas d'effets nefastes sur les droits de l'homme du peuple palestinien,
conformement au droit international, ainsi qu'aux Principes directeurs relatifs aux entreprises
et aux droits de I'homme1
;,. Ladite Mission a demande a tous les Etats Membres de prendre
les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les entreprises commerciales domiciliees
sur leur territoire et/ou relevant de leurs competences, y compris celles qui sont la propriete de
l 'Etat ou controlees par l 'Etat, qui ont des activites dans Jes colonies de peuplement ou des
activites en relation avec les colonies respectent les droits de l'homme dans toutes leurs
activites. ))
17 A/HRC/RES/52/34
18Conseil des droits de l'homme, rapport de !'Expert independant sur la promotion d'un ordre international
democratique et equitable, A/HRC/33/40, par. 19
tY N HRC/17/3 1, annexe.
5
Au niveau europeen, !'Union europeenne a adopte des lignes directrices relatives a l'eligibilite
des entites israeliennes etablies dans Jes territoires occupes par Israel depuis juin 1967 et des
activites qu 'elles y deploient, aux subventions, prix et instruments financiers finances par
l 'UE a partir de 201420. Ce dispositif non contraignant vise a garantir le respect des positions
et des engagements adoptes par l'UE en conformite avec le droit international en ce qui
concerne la non-reconnaissance par l'UE de la souverainete d'Israel sur les territoires occupes
par Israel depuis juin 1967. Cette approche decoule du fait que certaines entreprises ont
permis et facilite, directement et indirectement, la creation et I' extension de colonies
israeliennes dans le territoire palestinien occupe et en ont tire profit, permettant l 'extension et
la consolidation des colonies ce qui implique la violation des normes juridiques applicables,
notamment !'exploitation des ressources naturelles du territoire palestinien occupe, y compris
Jerusalem-Est.
Cette position est similaire a celle adoptee par la Cour de Justice de l'Union Europeenne dans
ses arrets du 22 decembre 2016 21 et du 29 septembre 202122 qui ont conclu a l' inapplicabilite
des accords signes entre l'UE et le Maroc sur le territoire du Sahara occidental, considere
comme territoire separe et distinct du Maroc. Et d'ajouter qu'etant donne la situation
d'occupation dans laquelle il se trouve, le consentement du peuple du Sahara occidental sur
ces instruments devient une condition prealable et necessaire pour leur entree en vigueur.
Le rappel du corpus juridiques et des situations presentant quelques similitudes avec la
presente affaire dont est saisie la CIJ, confirme que le droit du peuple palestinien a
l'autodetermination est un droit inalienable, et que les mesures prises par la puissance
occupante israelienne « dressent un obstacle grave a l'exercice par le peuple palestinien de
son droit a l'autodetermination »23
. Cette position a egalement ete affirmee par la Cour dans
son avis consultatif sur la construction du mur (2004) lorsqu'elle a note que !'existence du
"peuple palestinien" n'etait plus en question et avait ete reconnue par Israel, qui a le devoir de
respecter ce droit, mais avait pris des mesures qui "ont gravement entrave l'exercice par le
peuple palestinien de son droit a l'autodetermination, et viole done !'obligation d'Israel de
respecter ce droit".
Le refus d'Israel de reconnaitre le droit des Palestiniens a l'autodetermination, a
l'independance et a la souverainete sur le territoire, est une preuve claire de son intention
sous-jacente de poursuivre !'acquisition permanente du territoire palestinien. Aussi, l'Algerie
soutient-elle que l'effet cumulatif des facteurs susmentionnes devrait amener la Cour a
conclure que !'occupation elle-meme est devenue intrinsequement et fondamentalement
illegale au regard du droit international, comme elle l'a constate par le passe pour la presence
prolongee de l'Afrique du Sud en Namibie24
.
Elle observe egalement que non seulement !'obligation de respecter le droit a
l'autodetermination mais aussi celle d'en promouvoir la realisation constituent une obligation
erga omnes.
A cet egard, la Cour souligne dans le cadre de l'affaire une correlation directe entre le
caractere erga ornnes de !'obligation des Etats par rapport au droit a l'autodetermination et les
20 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/fXT/PDF/?uri=CELEX:520 I 3XC07 I 9(03 )&from=EN
21 Arrets dans l'affaire C-104/16
22 Arrets dans l'affaire T-279/19 et dans les affaires jointes T-344/19 et T-356/19
23 CIJ , Consequences juridiques de !'edification d'un mur dans le territoire palestinien occupe, 9 j uillet 2004 para 122
24 International Court of Justice Advisory Opinion on the Legal Consequences for States of the Continued Presence of South
Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 ( 1970).
6
termes de la resolution 2625 (XXV) de l' Assemblee generale des Nations unies. seion
laquelle : « [t]out Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d'autres Etats ou
separement, la realisation du principe de l'egalite de droits des peuples et de leur droit a
disposer d'eux-memes, conformement aux dispositions de la Charte, et d'aider )'Organisation
des Nations unies a s'acquitter des responsabilites que Jui a conferees la Charte en ce qui
conceme )'application de ce principe [ ... ] » (CIJ Recueil 2004, p. 136, paragraphe 156).
L 'Algerie tient a rappeler que le droit erga omnes des populations d'un territoire occupe a
disposer d'eux- memes a pour corollaire ]'obligation des Etats tiers de respecter ce droit, et ce
comme l'a affirme l'a CIJ dans son avis sur )'edification du mur (2004). Cette obligation,
conferee aux Etats tiers, possede elle-meme un caractere erga omnes. Ceci signifie que Jes
procedes d 'un Etat tiers, qu' ils soient ou non co1Teles a ceux de I 'Etat occupant, en violation
du droit des populations d'un territoire occupe a disposer d'eux-memes equivalent a un fait
internationalement illicite impliquant la responsabilite internationale de cet Etat tiers, non
seulement envers Jes habitants du territoire colonial, mais aussi envers les Etats tiers ayant un
interet juridique ace que ce droit soit protege.
Entin, l'article 41 des articles sur la responsabilite de l'Etat pour fait internationalement
illicite enjoint les Etats tiers a ne reconnaitre comme licite aucune situation creee par une
violation grave d'une norme imperative du droit international general. « [ c Jette obligation
s' applique dans le cas des « situations » creees par ces violations, telles que, par exemple, la
tentative d'acquisition de la souverainete sur un territoire par le biais du deni du droit des
peuples a disposer d'eux-memes »25.
6. Une preoccupation commune dans la quasi-totalite des exposes soumis a la CIJ se degage
selon laquelle Jes politiques et pratiques israeliennes constituent des violations du droit
international humanitaire et du droit international des droits de l'homme. Pour sa pm1,
I' Algerie a demontre que Jes politiques et pratiques d'Israel dans les territoires palestiniens
occupes, y compris Jerusalem-Est, visant a maintenir le territoire sous occupation prolongee,
sont en violation du droit international humanitaire et )'obligation qui est faite a Israel de
respecter les regles applicables dans les territoires palestiniens occupes.
Les obligations d'Israel en la matiere decoulent du statut des territoires palestiniens
(territoires occupes), de la nature du conflit (occupation classee comme conflit arme
international) et de la competence et du controle effectif qu'il exerce en tant que puissance
occupante comme I' a declare la Cour internationale de Justice dans I' affaire de l' edification
du mur (2004) « Israel exerce une juridiction territoriale sur le Territoire palestinien occupe et
est done, a ce titre, lie par des obligations en matiere de droits de !'Homme a l'egard de la
population locale »26
. Par consequent, une puissance occupante doit garantir aux membres de
la population sous occupation !'ensemble des droits qu'elle est en droit d'exiger en vertu du
droit international27.
Par ailleurs, pour I' Algerie et beaucoup d' autres Etats, une situation de conflit arme ou
d'occupation ne libere pas un Etat de ses obligations en matiere de droits de l'Homme28. Elle
25 CDI, commentaire sur !'article 41, paragraphe 5.
26 Yoir Consequences juridiques de I ' edification d'un mur (par. 110 a 113)
27 !CJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) paras. 106---113 ; UN Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fifth Periodic Report of
Israel, ccpr/c/isr/co/5, 30 March 2022, para 7(b ).
28 Yoir, par exemple, la resolution 71 /98 de I' Assemblee generale; N69/348, par. 5 ; N HRC/8/17, par. 7 ; A/HRC/ 12/37, par.
5 et 6 ; A/HRC/28/44, par. 6 ; A/HRC/34/38, par. 7.
7
rappelle que l'applicabilite simultanee du Droit International des Droits de !'Homme et du
Droit International Humanitaire dans une situation de conflit arme ou d'occupation a ete
confirmee a de nombreuses reprises par les organes de Traites charges des droits de l'Hommei
notamment par le Comite des droits de !'Homme dans les observations finales concernant le
cinquieme rapport periodique d'Israel29
, ainsi que par la CIJ qui precise que « la protection
offerte par les conventions regissant les droits de !'Homme ne "cessait pas" en cas de conflit
arme, si ce n'etait par l'effet de clauses derogatoires »30.
Considerations relatives aux developpements recents dans la bande de Gaza
7. Le 7 octobre 2023, le Hamas a lance une attaque sur le sud d'Israel en reponse a laquelle
Israel a declenche une operation militaire d'une violence inedite sur la bande de Gaza, alliant
deplacements forces de population et frappes indiscriminees, tous deux constituant des crimes
de guerre. Cette sequence s'inscrit dans un contexte qu' il est indispensable de prendre en
compte pour comprendre ce qu'elle represente et les consequences devastatrices qu'elle peut
avo1r.
8. La bande de Gaza est, avec la Cisjordanie, l'une des deux composantes du Territoire
palestinien occupe. Apres la Guerre de 1967, elle a, comme la Cisjordanie, fait l 'objet d 'une
colonisation par Israel avant que ce dernier ne l'evacue unilateralement en 2005. L'annee
suivante et suite a la victoire du Hamas aux elections legislatives a Gaza, un blocus a ete
impose par Israel sur le territoire, prenant la forme d'une punition collective qui vise 2,3
millions de Palestiniens, a laquelle s'ajoutent depuis 2009 des bombardements reguliers et
indiscrimines auxquels les gazaouis ne peuvent echapper.
9. Ce blocus est l'un des aspects du regime d'apartheid qu'Israel impose a !'ensemble du
peuple palestinien, autrement dit un regime d'oppression et de domination systematiques et
institutionnalises etabli dans !'intention de maintenir la domination d'un groupe racial sur un
autre, tels que l 'ont recemment qualifies de nombreux rapports d' Amnesty31 et
des Rapporteurs speciaux de l'ONU 32.
10. En decembre 2022, un gouvernement d'extreme droite est arrive au pouvoir en Israel,
renfon;ant ce regime d'apartheid et intensifiant la colonisation israelienne en Cisjordanie et a
Jerusalem-Est. La violence des colons a augmente, autorisee et alimentee par le gouvernement
israelien, menant a de nombreuses attaques sur des villages palestiniens.
11. Depuis le debut de la reponse militaire israelienne aux attaques du Hamas, les officiels
israeliens multiplient les declarations deshumanisantes a l'egard des Palestiniens, punissant
collectivement la population de Gaza pour les actes perpetres par Hamas. Outre la declaration
du Ministre israelien de la Defense, Yoav Gallant, deja evoque plus haut33, l 'on citera celle
prononcee le 10 octobre, par le chef de la Coordination de !'administration civile dans Jes
territoires (COGA T), le general Ghassan Alian, qui a annonce vouloir appliquer un blocus
29 CCPR/C/ISR/C0/5, par. 7.
3° CIJ, Consequencesjuridiques de !'edification d 'un mur dans le Territoire palestinien occupe, op.cit., p. 177 et 178, par. I 02
a 106.
31 https://www.amnesty. fr/discriminations/actualites/israel-les-palestiniens-sont-victimes-dun-apartheid
32 Report of the Special Rapporteur on the situation of Human Rights in the Palestinian territories occupied since 1967,
Conseil des droits de l'homme, 49th session 28 February- I April 2022
https:/ /rel iefweb. i nt/sites/reliefweb. int/fi les/resources/EN 78. pdf
33 On October 9, Israeli Defence Minister Yoav Gallant declared in a video statement, "We are putting a complete siege on
Gaza ... No electricity, no food, no water, no gas - everything is closed."
8
complet sur la bande de Gaza, coupant le territoire en electricite et en eau, ne lui promettant
que des dommag.es.
Deux jours plus tard, le ministre israelien de l' Energie, Israel Katz, Jui emboite 1e pas en
affirmant qu'Israel n'autoriserait pas l'entree de produits de premiere necessite ou d'aide
humanitaire a Gaza tant que le Hamas n'aurait pas libere les otages. II a declare : « Aucun
interrupteur electrique ne sera allume, aucune pompe a eau ne sera mise en route et aucun
camion de carburant n' entrera tant que les Israeliens enleves ne seront pas rentres chez eux
t .•. ). Et personne ne peut nous fa.ire la morale ». 34
Le 13 octobre, le gouvernement israelien a ordonne une evacuation de toute la population du
nord de la Bande de Gaza, soit 1, 1 million de Palestiniens vers le sud de la Bande de Gaza. II
s'agit d'un deplacement force de la moitie de la population de Gaza, deja coupee d'electricite,
d' eau et de carburant. Les organisations humanitaires ont tout de suite denonce cette decision
qui viole les regles du droit international humanitaire et souligne avec force Jes consequences
catastrophiques35 que ce deplacement force de civils engendrerait. Depuis, plusieurs organes
et responsables de l'ONU, l'UNRWA, !'OMS et le Chef de l'aide humanitaire de l'ONU
30 ont tire la sonnette d'alarme pour souligner la gravite de la situation.
12. Depuis le debut de l'attaque militaire israelienne contre Gaza, 5 087 personnes, dont 2
055 enfants, sont morts et davantage encore ont ete blessees dans un systeme de sante qui
s'est totalement effondre, ce qui a pousse !'ONG Medecins sans frontieres (MSF) a multiplier
Jes declarations ale11ant sur l'insoutenabilite de la situation. Par ailleurs, !'intensification des
bombardements israeliens ces derniers jours a eu un impact sur Jes locaux abritant « la
population gazaouie deplacee »37
( centre de sante, ecoles, lieux de culte ). Sur 150 batiments,
32 ont ete touches causant des centaines de morts, parrni lesquels 18 journalistes et 35
employes de !'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les refugies de Palestine
dans le Proche-Orient (UNRWA) (bilan provisoire arrete au 23 octobre 2023)
13. Ce qui se passe a Gaza est qualifie par des ONG mais aussi par la Rapporteuse speciale
des Nations Unies sur Ja situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens
occupes depuis 1967, Francesca Albanese38 comme un « nettoyage ethnique » : « . . . . Israel
has already carried out mass ethnic cleansing of Palestinians under the fog of war, .... again, in
the name of self-defence, Israel is seeking to justify what would amount to ethnic
:leansing .. »39
• Pour les principales organisations palestiniennes de defense des droits humains
(Al Haq, Al Mezan, PCHR), il est evident « qu'Israel impose deliberement au peuple
?alestinien des conditions de vie susceptibles d'entra'iner sa destruction physique totale ou
partielle ». Ce constat est similaire a celui etabli par la Federation internationale des droits
humains (FIDH) qui qualifie l'ordre d'evacuation donne par l'armee israelienne aux 1,1
:nillion de Palestiniens du nord de la bande de Gaza de « tentative de deplacement force et
illegal de civil( e )s pouvant refleter une intention genocidaire ».
14. Le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Turk, a quanta lui declare
dans un communique publie le 10 octobre 2023 que « !'imposition de sieges qui mettent en
34 https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/israel-katz-ni-eau-ni-electricite-a-gaza-tant-que-les-otages-ne-seront-pas-rentres/
35https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/l 0/israel-must-rescind-evacuation-order-northern-gaza-and-complyinternational
36 https://twitter.com/UNReliefChief/status/l 713544239546581307?s=20
37 h Ups:/ /www.justsecurity.org/8961 7 /the-directive-to-evacuate-northern-gaza-ad vance-warn ing-or-forced-displacement/
38 https://twitter.com/UN _ SPExperts/status/l 713178425777598881 ?s=20
39 https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/ I 0/un-expert-warns-new-i nstance-mass-eth n ic-cleansi ng-paleslin ians-cal Is
9
danger la vie des civils en Jes privant de biens essentiels a leur survie est interdite par le droit
international humanitaire ». L'ONU rappelle que « toute restriction a la circulation des
personnes et des biens visant a mettre en reuvre un siege doit etre justifiee par des necessites
militaires, sinon elle peut constituer une punition collective».
15. II ressort de ce qui precede que l'une des violations les plus notables du Droit
International Humanitaire par Israel est le blocus de Gaza, bande terrestre densement peuplee
qui fait partie integrante du territoire palestinien. Le bouclage et le blocus terrestre, maritime
et aerien de Gaza, qui est applique depuis 16 ans, constituent une « peine collective »40 et
continuent d' avoir des repercussions sur la liberte de circulation et sur I' exercice des droits
economiques, sociaux et culturels, y compris les droits a un niveau de vie suffisant, a la sante,
a !'education, au travail et a la vie de famille41 .
16. Le blocus a notamment pour consequence de restreindre considerablement l'acces des
Palestiniens a des produits essentiels tels que la nourriture, l'eau, le carburant, les
medicaments, les materiaux de construction et d'autres biens essentiels entrainant une grave
crise humanitaire et sanitaire. II empeche les Palestiniens de quitter la bande de Gaza, ce qui a
coupe les liens familiaux et sociaux et a rendu difficile l'acces a !'education et aux soins
medicaux.
17. En outre, les autorites israeliennes ont cherche a « differencier »42 leurs approches
politique a l'egard de Gaza et de la Cisjordanie, notamment en imposant des restrictions plus
importantes a la circulation des personnes et des biens de Gaza vers la Cisjordanie, et a
promouvoir la separation entre ces deux parties du territoire palestinien occupe.
18. Outre cet objectif, Israel cherche a travers !'imposition d'un blocus total a affamer et a
assoiffer les gazaouis, ce qui est prohibe selon !'article 54 du Protocole additionnel I des
Conventions de Geneve qui stipule: « 1. II est interdit d'utiliser contre les civils la famine
comme methode de guerre ; 2. II est interdit d'attaquer, de detruire, d'enlever ou de mettre
hors d'usage des biens indispensables a la survie de la population civile, tels que des denrees
alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les recoltes, le betail, les installations et
reserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation, en vue d'en priver, a raison de leur valeur
de subsistance. la population civile ou la Partie adverse, quel que soit le motif dont on
s'inspire, que ce soit pour affamer des personnes civiles, provoquer leur deplacement ou pour
toute autre raison. ». L 'eau et l 'electricite etant des biens indispensables a la survie des civils,
en priver les Gazaouis constitue une violation du droit international humanitaire.
19. Le blocus est egalement contraire a !'article 23 de la IVe Convention de Geneve qui
stipule que « Chaque Haute Partie contractante accordera le libre passage de tout envoi de
medicaments et de materiel sanitaire ainsi que des objets necessaires au culte, destines
uniquement a la population civile d'une autre Partie contractante, meme ennemie. Elle
autorisera egalement le libre passage de tout envoi de vivres indispensables, de vetements et
de fortifiants reserves aux enfants de moins de quinze ans, aux femmes enceintes ou en
couches. ».
20. Or, Israel n'autorise aujourd'hui qu'une portion congrue de !'aide humanitaire (20
camions/jour, a peine 1 % des besoins quotidiens) pourtant disponible en masse au niveau du
4o A/HRC/46/63, par. 7 ; A/HRC/37/38, par. 4 ; A/HRC/34/36, par. 36.
41 Yoir A/73/420.
,z https://gisha.org/UserFiles/File/LegalDocumcnts/54868 response excerpt ENG.pdf
10
Jotm de passage de Rafah, et qui continue d'affluer de tous les coins du monde en solidarite
ivec ie oeuple palestinien.
; 1. Les represailles contre Jes civils sont egalement interdites par le droit international
:1umanitaire. Or. le blocus total de la bande de Gaza peut etre interprete comme une fo1me de
·:epresailles de meme que les bombardements indiscrimines qui ont touche des victimes
:1viies. Pourtant. en vertu de !'article 33 de la 1ve Convention de Geneve « Aucune oersonne
protegee ne peut etre punie pour une infraction qu'elle n'a pas commise personnellement. ( ... )
Les mesures de represailles a l'egard des personnes prote!lees et de leurs biens sont
intenine~
22. L'on ajoutera qu'au sens de !'article 48 du Protocole additionnel I des Conventions df.
Geneve « En vue d'assurer le respect et la protection de la population civile et des biens dr:
caractere civil, les Patties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre la
population civile et les combattants ainsi qu'entre les biens de caractere civil et les objectifs
m1iitaires et, par consequent, ne diriger leurs operations que contre des objectifs
militaires. » Les bombardements israeliens qui ne font pas la distinction entre les cibles civiles
et les cibles militaires ne sont done pas conformes au droit international humanitaire. Dans la
meme veine, !'article 35 dispose que « l. Dans tout conflit arme, le droit des Parties au conflit
de choisir des methodes ou moyens de guerre n'est pas illimite. 2. II est interdit d'employer
des armes, des projectiles et des matieres ainsi que des methodes de guerre de nature a causer
des maux superflus. »
23. En tout etat de cause, le statut d'Israel par rapport a Gaza est celui d'une puissancr:
occupante au sens du droit humanitaire international, malgre le retrait de ses forces militaires
et de ses colonies du territoire en 200543
. De ce fait, Israel al' obligation de respecter Jes droits
des palestiniens vivant a Gaza, notamment leur droit a une vie digne, a la liberte de circulation
dans !'ensemble du territoire palestinien occupe et a l'etranger.
vbservations finales
24. Pour I' Algerie, les consequences des politiques et pratiques israeliennes dans le territoire
palestinien occupe, y compris Jerusalem-Est sont de plusieurs ordres. Le premier reside dans
la mise en jeu de la responsabilite internationale d'Israel pour ses multiples violations du
Droit International Humanitaire et de !'obligation qui pese sur lui de mettre fin aces illiceites.
Les individus responsables de crimes de guerre, de crimes contre l'humanite ou d'autres
violations graves du droit international doivent etre tenus personnellement responsables
devant les tribunaux internationaux.
25. Le second ordre de consequences juridiques renvoie a son obligation de reparer, par les
formes de la restitution et de l'indemnisation comme l'exige le droit international, les
dommages causes par les violations graves et systematiques d'obligations essentielles envers
la communaute internationale.
26. S 'agissant de la situation a Gaza, l 'Algerie soutient que malgre le retrait unilateral des
troupes israeliennes de la bande de Gaza, ce territoire demeure sous occupation israelienne.
Elle partage l'avis des pays qui considerent que si pour·qu'une situation d' occupation soit
caracterisee, et done qu'une puissance etablisse son autorite sur un territoire, ii est necessaire
43 Benny Avni, The O Word: Is Gaza Occupied Territory?, N.Y. SUN, Feb. I I, 2008, http://www.nysun.com/foreign/o-wordis-
gaza-occupied-territory/7 1079/
11
d'y deployer ses forces armees, leur retrait ne signifie pas ipso facto la fin de l'occupation,
des lors que cet Etat continue d'en controler les frontieres terrestres. maritimes et aeriennes.
De meme, s'il est difficile d'envisager comment declarer un « blocus total » de la bande de
Gaza comme etant conforme au droit international humanitaire, les effets qu'il produit, en
revanche. conduisent inevitablemerit a des violations du droit international humanitaire et du
droit penal international. A titre d 'exemple, ne plus permettre l 'acheminement de l' aide
humanitaire ou empecher l'approvisionnement en eau potable peut conduire a la famine et a la
soif de la population qui se trouve sur ce territoire. Or la famine comme methode de guene est
:merdite44 et selon le Statut de la Cour Penale internationale. « le fait d'affamer deliberement
des civils comme methode de gue1Te » constitue un crime de gue1Te dans les conflits armes
intemationaux. Dans la meme veine, ne pas « faciliter le passage » 45 et la circulation des
personnes conduit a ce que les personnels humanitaires ne puissent pas mener leurs activites
de secours dans la zone assiegee.
Par consequent, le dechainement de violence a l'ceuvre dans la bande de Gaza, les actes poses
par Israel, la puissance occupante, comme la reponse qui y est apportee, conduisent
inevitablement a des violations massives du droit international humanitaire et du droit
international penal qui s'assimilent a des« crimes de guerre »46.
Conclusion
27. Compte tenu du contexte ci-dessus et des interventions emanant d'un nombre
considerable d 'Etats qui ont utilement presente de maniere approfondie les sources historiques
et juridiques concernant les evenements factuels en rapport avec la situation examinee,
l' Algerie reaffirme la pertinence des observations qu'elle avait formulees dans son expose
ecrit du 25 juillet 2023 et estime qu'en refusant systematiquement d'obliger Israel a respecter
le droit international et en laissant les violations impunies, la communaute internationale porte
une responsabilite ecrasante dans la situation desesperee que nous connaissions aujourd'hui.
28. Pour toutes les raisons presentees dans ses observations, l' Algerie prie la Cour de
conclure que les actes documentes et filmes commis par Israel violent:
les regles fondamentales du droit international (la Charte des Nations Unies, le droit
international coutumier, traites, resolutions de l 'Assemblee generate et du Conseil de
securite des Nations Unies, du Conseil des droits de l'homme) ;
- le droit du peuple palestinien a l 'autodetermination tel que stipule dans les resolutions
1514 (XV) et 2625 (XXV) et par la CIJ dans ses A vis consultatifs sur le Sahara occidental
(1975), sur !'edification du mur (2004) et sur l' Archipel de Chagos (2019);
le droit international humanitaire (DIH) et des droits de l'homme qui interdisent:
44 CICR Base de donnees, DIH Coutumier, La famine comme methode de guerre, https://ihl-databases.icrc.org/fr/customaryihl/
vl / rule53 (Derniere consultation le 24.10.2023)
45 CICR Base de donnees, DIH Coutumier, L'acces aux secours humanitaires pour les personnes civiles dans k
besoin, https://ihl-databases.icrc.org/fr/customary-ihl/v l /rule55 (Derniere consultation le 24.10.2023)
46 CICR Base de donnees, DIH Coutumier , La definition des crimes de gue1Te, https://ihl-databases.icrc.org/fr/customaryihl/
v I/rule 156 (Derniere consultation le 24.10.2023 J
12
• l' etablissement de colonies de peuplement israeliennes et les expulsions de
Palestiniens de leur territoire (quatrieme Convention de 1949articles 49 et 147, Avis
consultatif de la CIJ sur le mur, 2004);
• les demolitions et les expropriations de maisons et de terres palestiniennes situees dans
les territoires occupes (Reglements de La Haye, 1907, articles 46 et 55) ;
• de maltraiter, de torturer et de maintenir en detention administrative prolongee des
palestiniens dans des prisons israeliennes ( quatrieme Convention de Geneve, articles
3, 32 et 78);
■ de violer le droit des refugies palestiniens a regagner leurs foyers (A/RES/194/III,
paragraphe 11 et DIH coutumier tel que codifie par le Comite international de la
Croix-Rouge (CICR) en 2005, Regle 132);
• Jes attaques militaires contre des civils et Jes attaques indiscriminees et
disproportionnees contre Gaza et les camps de refugies palestiniens (DIH coutumier,
Regles 1 et 14);
• les peines collectives infligees a la population palestinienne de Gaza (article 33,
quatrieme Convention de Geneve);
• la violation des libertes et droits fondamentaux tels que la liberte de mouvement, la
liberte de culte et les droits au travail, a la sante et a l ' education du fait du mur et des
postes de controle israeliens dans le territoire (Pacte de 1966 relatif aux droits civils et
politiques, articles 12 et 18, Pacte international relatif aux droits economiques, sociaux
et culturels, a11icles 6, 12 et 13).
29. Sur cette base, l'Algerie soutient fe1mement que Jes pratiques et politiques d'Israel non
seulement enfreignent le droit international dans ses multiples branches, mais elles affectent
sm1out les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupe, y
compris Jerusalem-Est.
Salima ABD1//L
Am~e la R.ipublique AlgCrienne
Aupres du Royaume des Pays Bas
Observations écrites de l'Algérie