Observations écrites du Bangladesh

Document Number
186-20231025-WRI-03-00-EN
Document Type
Date of the Document
Document File

Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18887
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF)
OBSERVATIONS ÉCRITES DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU BANGLADESH
25 octobre 2023
[Traduction du Greffe]
I. LA COUR DOIT EXERCER SON POUVOIR D’APPRÉCIATION DE L’OPPORTUNITÉ DE RENDRE UN AVIS CONSULTATIF
1. La Cour est invitée à donner un avis consultatif sur des questions purement juridiques. Quoi que l’on puisse dire sur l’origine du conflit palestino-israélien, sur l’échec abominable du processus politique visant à le résoudre ou sur les pertes tragiques et incessantes de vies humaines en Palestine et en Israël, quatre points sont éminemment clairs :
i) premièrement, le peuple palestinien jouit juridiquement du droit à l’autodétermination ;
ii) deuxièmement, Israël est une puissance occupante ;
iii) troisièmement, l’occupation constitue une situation juridique ;
iv) quatrièmement, l’occupation prolongée du territoire palestinien par Israël ainsi que les pratiques et politiques que ce dernier adopte dans le cadre de cette occupation ou en marge de celle-ci entraînent des conséquences juridiques qui se répercutent notamment sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
2. Ce sont là des points de droit que l’on doit trancher en appliquant le droit aux faits. Ils sont au coeur des deux questions posées à la Cour. En bref, celle-ci a été priée de répondre à des questions juridiques et elle a compétence pour ce faire.
3. S’agissant des modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation de la Cour, trois brèves observations s’imposent, en sus de celles formulées par le Bangladesh dans son exposé écrit :
3.1. En premier lieu, comme le reconnaît la Cour de longue date, le fait qu’une question juridique puisse également revêtir des aspects politiques ou naître dans un contexte politique ne la prive pas de son caractère juridique1. Il serait d’ailleurs difficile de trouver une question dont la Cour a déjà été saisie, que ce soit dans le cadre d’une procédure consultative ou dans celui d’une affaire contentieuse, qui serait dépourvue d’aspects politiques ou pourrait être qualifiée de « politique » plutôt que de juridique. Cela participe de l’essence même des relations interétatiques.
3.2. En deuxième lieu, il n’est pas demandé à la Cour de faire fi de la réalité ou de la déformer, de passer sous silence les « droits et responsabilités » d’Israël, de faire abstraction des « obligations » qui incombent à la Palestine ou de fermer les yeux de toute autre manière sur les faits observés sur le terrain. Elle est au contraire priée de regarder la réalité en face, d’examiner les faits survenus sur le terrain, notamment en les replaçant dans leur contexte juridique, et de se prononcer souverainement sur les conséquences juridiques de la réalité qui existe actuellement en Palestine et en Israël.
3.3 En troisième lieu, en ce qui concerne les critiques tirées du caractère « déséquilibré » des questions soumises à la Cour, il convient de les mettre uniquement à l’épreuve de la réalité. Elles sont intellectuellement illogiques et font litière du contexte profondément déséquilibré qui est à l’origine de ces questions.
1 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.
- 2 -
4. Il ne faut jamais perdre de vue le contrôle absolu exercé par Israël sur le peuple palestinien, l’ampleur du pouvoir d’Israël et la violence de ses actes tendant à asservir, humilier et anéantir ce peuple. Jamais l’hégémonie d’Israël n’a été aussi manifeste qu’à l’heure actuelle où il exerce sur la bande de Gaza une mainmise qui empire au fil des jours et risque de pousser de façon illicite les Palestiniens à quitter ce territoire.
5. À ce jour, la voie politique a déçu les attentes du peuple palestinien. Une intervention juridique s’avère donc nécessaire.
II. NOUVELLES OBSERVATIONS BRÈVES
6. Les informations et éléments de preuve apportés à la Cour sont légion, notamment ceux qui intéressent les violations de normes impératives du droit international commises par Israël.
7. Annexion : La législation adoptée par Israël lui-même et certaines déclarations faites par ses plus hauts responsables sont autant de preuves attestant qu’il a annexé en grande partie le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
8. L’écrasante majorité des États ayant déposé un exposé écrit en l’espèce estiment qu’Israël a annexé illicitement de vastes parties du Territoire palestinien occupé par son occupation prolongée, ses colonies expansionnistes et le régime associé à ces colonies illicites, lequel comprend le mur de séparation et le lacis de lois, de textes réglementaires, de politiques et de pratiques qui s’applique au territoire en cause. De nombreux États ont aussi relevé que l’occupation était illicite dans son ensemble du fait de cette annexion et de son maintien sans interruption depuis son instauration, dans le but de réaliser l’annexion.
9. Apartheid : Les lois, politiques et pratiques d’Israël en vigueur dans le Territoire palestinien occupé, notamment la mise en place de lois et de juridictions distinctes pour les Palestiniens et les Israéliens juifs, ainsi que la discrimination institutionnelle et structurelle exercée contre le peuple palestinien sont constitutives du crime international d’apartheid2.
10. Un grand nombre d’États ayant déposé un exposé écrit font observer que le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme s’appliquent tous deux dans le Territoire palestinien occupé. Nombreux sont également ceux qui relèvent qu’Israël viole systématiquement ces deux régimes juridiques, notamment par la persécution et la discrimination qu’il exerce envers le peuple palestinien et par sa colonisation de terres palestiniennes, et que cette discrimination est constitutive d’apartheid.
11. Autodétermination : Il est incontestable qu’Israël dénie de longue date au peuple palestinien le droit à l’autodétermination, notamment par son occupation coloniale de terres palestiniennes et par la discrimination raciale constitutive d’apartheid qu’il exerce contre les Palestiniens.
2 Voir la loi relative aux biens des absents (1950), la loi relative au retour (1950) et la loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif (2018).
- 3 -
12. Les auteurs de la quasi-totalité des exposés écrits soumis à la Cour reconnaissent le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et conviennent que ce droit recouvre le droit à l’indépendance et à la souveraineté de l’État de Palestine. En outre, ils estiment que la cessation de l’occupation israélienne est un des éléments nécessaires pour réaliser ce droit.
13. Obligations incombant à tous les États : Tous les États sont tenus de mettre fin aux faits internationalement illicites qu’Israël commet, dont la colonisation et l’annexion du Territoire palestinien occupé ; de ne pas prêter aide ou assistance aux actes commis en violation du droit international (que l’aide ou l’assistance soit l’oeuvre de leurs gouvernements, d’autres acteurs étatiques ou d’acteurs privés relevant de leur juridiction, tels que les entreprises, les sociétés, les entités et les personnes physiques) ; de ne pas reconnaître de tels actes (notamment en s’abstenant de transférer à Jérusalem leurs ambassades en Israël) ; et d’amener les personnes responsables de violations du droit international à répondre de leurs actes, notamment en tant que Hautes Parties contractantes à la quatrième convention de Genève.
14. En respectant la Charte des Nations Unies et le droit international, tous les États ont l’obligation de veiller à la cessation de toute entrave à l’exercice du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et d’aider ce peuple en vue de la réalisation rapide de ce droit.
15. L’Organisation des Nations Unies (ONU), en particulier le Conseil de sécurité, a aussi la responsabilité d’adopter des moyens pratiques d’action permettant d’assurer la pleine mise en oeuvre de ses résolutions et des obligations internationales pertinentes, ainsi que le respect de la Charte des Nations Unies.
16. Obligations incombant à Israël : Israël est tenu de mettre fin immédiatement aux faits illicites susmentionnés, en procédant notamment à l’abolition de toutes les lois, politiques et pratiques en cause, à la fourniture d’assurances et garanties de non-répétition et à la réparation intégrale du préjudice causé.
17. Reprise des négociations et droit international : Le cadre établi pour la recherche de la paix se fonde sur le droit international. Le processus politique ne peut se dérouler dans le vide et il ne donne nullement à Israël toute latitude pour commettre de graves violations du droit international. Rien n’interdit que les processus politique et juridique coexistent.
18. Le cadre de référence internationalement reconnu du processus de paix comprend toutes les résolutions pertinentes de l’ONU, le mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, l’initiative de paix arabe et la feuille de route du quartet. Toutes ces composantes du cadre font sans équivoque état du droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination, du droit au retour des réfugiés palestiniens, de la cessation de l’occupation israélienne et de la réalisation de la solution à deux États sur la base des frontières antérieures à 1967, par la création d’un État de Palestine indépendant, souverain et d’un seul tenant, vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité. Elles font également état de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force, notamment de l’illicéité des activités de colonisation et de toutes les tentatives d’annexion du territoire palestinien. Dans toutes leurs résolutions portant sur la question de Palestine, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale font expressément référence à la Charte des Nations Unies et au droit international.
- 4 -
19. Le Bangladesh est d’avis que les négociations ont donc pour but de parvenir à un règlement pacifique conforme au droit international et aux résolutions applicables de l’ONU.
20. Il incombe par conséquent à la Cour, organe judiciaire de l’ONU, de préciser et de dire le droit lorsqu’elle est invitée à le faire par l’Assemblée générale ou d’autres organes compétents des Nations Unies. En précisant les droits et obligations juridiques des parties, ainsi que les obligations incombant à tous les États et à l’ONU, la Cour contribue au règlement pacifique de différends sur le fondement du droit international.
21. Le Bangladesh reconnaît que l’État de Palestine réaffirme constamment et sans conteste sa volonté de négocier les termes de la paix conformément au droit international et sur le fondement du cadre de référence susmentionné, de veiller à la réalisation des droits inaliénables que le peuple palestinien tient du droit international, notamment son droit à l’autodétermination, de retrouver les frontières antérieures à 1967 et de réaliser son indépendance et sa souveraineté à l’intérieur de ces frontières, ayant pour capitale Jérusalem-Est et vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité.
22. L’existence ou l’absence de négociations politiques n’a pas pour effet de suspendre les obligations juridiques des parties, des États tiers ou de l’ONU découlant du droit international. En fait, les manquements d’Israël à de telles obligations, commis en toute impunité, et le fait que la communauté internationale ne l’amène pas à en répondre sont les raisons pour lesquelles aucune issue négociée du conflit n’a encore été trouvée.
L’ambassadeur de la République populaire
du Bangladesh à La Haye,
(Signé) S. Exc. M. Riaz HAMIDULLAH.
___________

Document file FR
Document Long Title

Observations écrites du Bangladesh

Order
3
Links