Exposé écrit du Liechtenstein

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186-20230724-WRI-05-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18727
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES
D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ,
Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST
(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT PRÉSENTÉ PAR LA PRINCIPAUTÉ DU LIECHTENSTEIN
CONFORMÉMENT À L’ORDONNANCE DE LA COUR DU 3 FÉVRIER 2023
17 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
1. Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la
résolution 77/247, par laquelle elle a décidé, conformément à l’article 96 de la Charte des
Nations Unies et en vertu de l’article 65 du Statut de la Cour internationale de Justice (ci-après la
« Cour »), de demander à celle-ci de donner un avis consultatif sur les questions ci-après :
« [C]ompte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des
Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de
l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de
l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du
droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa
colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis
1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le
caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des
lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a)
ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les
conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des
Nations Unies ? »
2. Par une ordonnance du 3 février 2023, la Cour a décidé
« que l’Organisation des Nations Unies et ses États Membres, ainsi que l’État
observateur de Palestine, [étaie]nt jugés susceptibles de fournir des renseignements sur
les questions soumises à la Cour pour avis consultatif et qu’ils pourr[aie]nt le faire dans
les délais fixés par la présente ordonnance ».
Elle a fixé au 25 juillet 2023 la date d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur les
questions pourront lui être présentés.
3. La Principauté du Liechtenstein (ci-après le « Liechtenstein ») saisit la possibilité ainsi
offerte et soumet à la Cour, dans le délai prescrit et en bonne et due forme, les observations suivantes.
I. INTRODUCTION
4. La présentation par le Liechtenstein d’un exposé écrit est motivée par la conscience du rôle
important que joue la Cour en donnant des avis consultatifs et par l’intérêt général que le
Liechtenstein porte au renforcement de la primauté du droit au niveau international, objectif auquel
la Cour apporte une contribution essentielle. Plus précisément, le Liechtenstein soumet le présent
exposé parce que, en tant que membre de la communauté internationale, il estime que le cadre
juridique international régissant le droit à l’autodétermination et le droit de l’occupation doit être
mieux défini, notamment en affirmant le caractère de jus cogens du droit à l’autodétermination et la
nature erga omnes des obligations qui en découlent. Il considère que l’autodétermination et les
conséquences juridiques d’une occupation, d’une colonisation et d’une annexion prolongées sont des
questions qui se prêtent à un avis consultatif, étant donné le rôle de premier plan que joue
l’Assemblée générale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
5. Le Liechtenstein est fermement convaincu de l’utilité de la fonction consultative de la Cour.
En outre, le différend relatif à la situation au Moyen-Orient, qui figure au programme de travail de
l’Organisation des Nations Unies depuis sa création, soulève manifestement des questions qui
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doivent être clarifiées. Les problèmes posés par le droit à l’autodétermination, l’occupation, la
colonisation et l’annexion sont au coeur de ce différend persistant, les analyses de la Cour sur les
aspects juridiques pertinents pouvant contribuer à la fois à mieux appréhender la situation au
Moyen-Orient et au-delà, et à favoriser une solution pacifique du conflit au Moyen-Orient qui soit
conforme au droit international.
6. Le Liechtenstein considère donc que l’Assemblée générale et la communauté internationale
pourraient tirer profit d’un avis consultatif sur les conséquences juridiques découlant des politiques
et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
7. Le Liechtenstein s’est abstenu, pour des raisons de procédure, lors du vote sur la
résolution 77/247 de l’Assemblée générale, qui est à l’origine de la demande d’avis consultatif. La
résolution a cependant été adoptée par l’Assemblée générale le 30 décembre 2022, et la Cour a donc
été dûment saisie.
8. Le Liechtenstein attache une grande importance au droit international public et au rôle de
la Cour dans l’examen des questions de droit international. Par le présent exposé écrit, il entend faire
connaître ses vues sur la compétence de la Cour et l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de donner
l’avis consultatif qui lui a été demandé.
II. LA COUR A COMPÉTENCE POUR DONNER UN AVIS CONSULTATIF
SUR LES QUESTIONS POSÉES
A. L’Assemblée générale a compétence pour présenter la demande
9. La Cour a compétence pour donner un avis consultatif en vertu du paragraphe 1 de
l’article 65 de son Statut car la demande émane de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui est
dûment autorisée à solliciter un tel avis. La disposition précitée définit sa compétence consultative
et l’habilite à donner des avis consultatifs sur des questions juridiques à la demande d’organes
autorisés par la Charte des Nations Unies1. Conformément au paragraphe 1 de l’article 96 de la
Charte, l’Assemblée générale est l’un de ces organes2. Le paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la
Cour prévoit ce qui suit : « La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la
demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou
conformément à ses disposition à demander cet avis. »
10. Au regard de ces dispositions, la Cour a compétence car i) l’Assemblée générale est
autorisée par le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte à formuler une demande d’avis consultatif,
ce qu’elle a fait par sa résolution 77/247, adoptée le 30 décembre 2022 ; ii) l’Assemblée générale a
compétence pour formuler la demande puisque celle-ci porte sur des questions relevant de son champ
d’action ; et iii) la demande a pour objet un avis sur des questions juridiques. Le Liechtenstein ne
juge nécessaire que de commenter les deux derniers points, étant donné que la résolution
susmentionnée a été adoptée par un vote enregistré, par 87 voix contre 26, avec 53 abstentions, et
1 Statut de la Cour internationale de Justice, art. 65 1) (« La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question
juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies, ou conformément
à ses dispositions, à demander cet avis. »).
2 Charte des Nations Unies, art. 96 1) (« L’Assemblée générale … peut demander à la Cour internationale de Justice
un avis consultatif sur toute question juridique. »).
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qu’elle a donc été dûment adoptée par la majorité requise des États Membres de l’ONU présents et
votants, conformément à l’article 86 du Règlement intérieur de l’Assemblée générale3.
B. La demande a pour objet un avis consultatif
sur des questions juridiques
11. Le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte autorise l’Assemblée générale à formuler une
demande d’avis consultatif « sur toute question juridique ». La Cour a jugé que les questions qui
étaient « libellées en termes juridiques et soul[evai]ent des problèmes de droit international » étaient,
« par leur nature même, susceptibles de recevoir une réponse fondée en droit »4. Par sa
résolution 77/247, l’Assemblée générale demande à la Cour d’interpréter des règles et des principes
de droit international concernant des aspects fondamentaux de l’ordre juridique international et du
système des Nations Unies, dont le droit à l’autodétermination. Les questions posées dans la
résolution sont incontestablement de nature juridique.
12. Le fait qu’une demande d’avis consultatif puisse avoir une dimension politique n’enlève
rien à sa nature juridique. De fait, dans l’avis consultatif relatif au Kosovo, la Cour a estimé qu’elle
« ne saurait refuser de répondre aux éléments juridiques d’une question qui, quels qu’en soient les
aspects politiques, l’invit[ait] à s’acquitter d’une tâche essentiellement judiciaire, à savoir, en la
présente espèce, l’appréciation d’un acte au regard du droit international »5. En déterminant sa
compétence sur une question juridique, la Cour a clairement indiqué qu’elle « ne d[eva]it tenir
compte ni de la nature politique des motifs qui pourraient avoir inspiré la demande, ni des
conséquences politiques que pourrait avoir son avis »6.
13. Ainsi, dans l’avis consultatif relatif à l’Édification d’un mur, la Cour a jugé qu’elle avait
compétence pour connaître d’une question concernant les « conséquences juridiques » de
l’édification par Israël d’un mur dans le territoire palestinien occupé, puisqu’il lui était demandé de
3 Selon l’article 86 du Règlement intérieur de l’Assemblée générale, l’expression « membres présents et votants »
utilisée aux paragraphes 2 et 3 de l’article 18 de la Charte s’entend des membres votant pour ou contre. Les membres qui
s’abstiennent de voter sont considérés comme non votants.
4 Sahara occidental, avis consultatif, C.1.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15 (ci-après « avis consultatif relatif au Sahara
occidental »). Voir aussi Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 73-74, par. 15-16 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en
1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 112, par. 58 (ci-après « avis consultatif relatif aux Chagos ») (« La Cour
considère qu’une demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale tendant à ce qu’elle examine une situation à l’aune
du droit international concerne une question juridique. ») ; Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.1.J. Recueil 2004 (I), p. 153, par. 37 (ci-après « avis consultatif relatif à
l’édification d’un mur »)
(« [la Cour] observera tout d’abord que cette question vise les conséquences juridiques d’une situation de
fait donnée, compte tenu des règles et des principes du droit international … La question posée par
l’Assemblée générale a donc, pour reprendre les termes employés par la Cour dans son avis consultatif sur
le Sahara occidental, “été libell[ée] en termes juridiques et soulèv[e] des problèmes de droit international” ;
elle est, par sa nature même, susceptible de recevoir une réponse fondée en droit ; elle ne serait guère
susceptible d’ailleurs de recevoir une autre réponse. La Cour est d’avis que cette question a bien un
caractère juridique »).
5 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 415, par. 27 (ci-après « avis consultatif relatif au Kosovo »). Voir aussi l’avis
consultatif relatif à l’édification d’un mur, [p. 155,] par. 41.
6 Ibid.
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« déterminer les principes et règles existants, les interpréter et les appliquer …, apportant ainsi à la
question une réponse fondée en droit »7.
14. Les questions posées dans la résolution 77/247 sont de nature juridique car elles concernent
la détermination des conséquences juridiques de l’occupation, de la colonisation et de l’annexion
prolongées du territoire palestinien occupé, y compris les mesures visant à en modifier la composition
démographique, le caractère et le statut, de l’incidence que ces politiques et pratiques ont sur le statut
juridique de l’occupation et des conséquences qui en découlent pour tous les États et l’Organisation
des Nations Unies. Pour répondre à ces questions, la Cour devra évaluer certains principes de droit
international, y compris des principes de droit international humanitaire et de droit international des
droits de l’homme.
III. AUCUNE RAISON DÉCISIVE N’EMPÊCHE LA COUR
DE DONNER UN AVIS CONSULTATIF
15. En vertu du paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour, celle-ci conserve le pouvoir
discrétionnaire de refuser de donner un avis même lorsque les conditions pour qu’elle soit
compétente sont remplies8. Les avis consultatifs ayant pour objet de fournir à l’organe qui les sollicite
les éléments de droit nécessaires à son action9, le pouvoir discrétionnaire de la Cour de refuser de
donner un tel avis est utilisé avec beaucoup de parcimonie10. Comme l’a précisé la Cour, « la réponse
constitue une participation de la Cour, elle-même “organe des Nations Unies”, à l’action de
l’Organisation et, en principe, elle ne devrait pas être refusée »11. La Cour a en outre estimé que
seules des « raisons décisives » devraient lui permettre de refuser d’émettre un avis12. De fait, la
présente Cour n’a jamais refusé d’émettre un avis consultatif.
16. Il n’existe aucune raison décisive pour que la Cour refuse de donner un avis consultatif en
l’espèce. Les avis consultatifs concernant le droit à l’autodétermination sont d’une grande importance
pour l’Assemblée générale. Ils sont demandés pour aider celle-ci dans ses travaux et sont émis à
l’intention de l’organe qui en a fait la demande et non à l’intention des États. Plus précisément,
l’Assemblée générale a reconnu à plusieurs reprises que l’Organisation des Nations Unies était
investie d’« une responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de Palestine
7 Avis consultatif relatif à l’édification d’un mur, [p. 154,] par. 38 (citant Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13).
8 Ibid., [p. 156,] par. 44.
9 Dans son avis consultatif relatif à la convention sur le génocide, la Cour a observé ceci : « L’objet de la présente
demande d’avis est d’éclairer les Nations Unies dans leur action propre. » Voir Réserves à la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 19.
10 Avis consultatif relatif aux Chagos, [p. 113,] par. 65 ; avis consultatif relatif au Kosovo, [p. 416,] par. 30 ; avis
consultatif relatif à l’édification d’un mur, [p. 156,] par. 44.
11 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71.
12 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 73, par. 14 ;
Jugements du Tribunal administratif de l’OIT sur requêtes contre 1’UNESCO, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1956, p. 86.
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jusqu’à ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect de la
légitimité internationale »13.
17. En outre, la Cour a estimé que les motifs ayant inspiré les États qui sont à l’origine, ou
votent en faveur, d’une résolution portant demande d’avis consultatif n’étaient « pas pertinents au
regard de l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire de répondre ou non à la question qui
lui est posée »14. Ces motifs sont donc aussi peu pertinents en ce qui concerne l’exercice par la Cour
de son pouvoir discrétionnaire de rendre un avis consultatif qu’ils le sont en ce qui concerne sa
compétence.
18. Il n’y a donc aucune raison décisive pour que la Cour ne donne pas l’avis consultatif qui
lui a été demandé. Les questions posées à la Cour sont à la fois urgentes et pertinentes, et elles sont
susceptibles d’avoir une incidence pratique et immédiate et de contribuer au développement général
du droit international.
IV. CONCLUSIONS
19. Le Liechtenstein considère donc que :
a) La demande d’avis consultatif présentée par l’Assemblée générale remplit les conditions fixées
dans le Statut de la Cour et la Charte des Nations Unies, tant en ce qui concerne la compétence
de l’organe requérant que le contenu de la demande ; la Cour a donc compétence en l’espèce.
b) Il n’existe pas de « raisons décisives » pour lesquelles la Cour ne devrait pas rendre l’avis
consultatif qui lui a été demandé.
20. La Principauté du Liechtenstein se réserve le droit de fournir des informations ou de
présenter toute autre observation sur les questions soumises à la Cour pour avis consultatif dans un
éventuel deuxième exposé écrit, dont la date limite a été fixée au 25 octobre 2023.
Bruxelles, le 17 juillet 2023.
L’ambassadeur,
Ambassade du Liechtenstein en Belgique.
___________
13 Voir, par exemple, les préambules des résolutions suivantes de l’Assemblée générale des Nations Unies : Comité
pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, 3 décembre 2002, doc. A/RES/57/107 ; Comité pour l’exercice
des droits inaliénables du peuple palestinien, 3 décembre 2003, doc. A/RES/58/18 ; Comité pour l’exercice des droits
inaliénables du peuple palestinien, 3 décembre 2019, doc. A/RES/74/10 ; Comité pour l’exercice des droits inaliénables du
peuple palestinien, 2 décembre 2020, doc. A/RES/75/20 ; Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple
palestinien, 30 novembre 2022, doc. A/RES/77/22.
14 Voir avis consultatif relatif au Kosovo, [p. 417,] par. 33.

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