Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18868
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES
D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ,
Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST
(DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DE L’ÉTAT DE PALESTINE
VOLUME I
24 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE 1 INTRODUCTION ............................................................................................................ 1
I. TENEUR DE LA DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF ET HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE ......... 1
II. CONTEXTE HISTORIQUE ET JURIDIQUE DANS LEQUEL S’INSCRIT LA DEMANDE
D’AVIS CONSULTATIF .......................................................................................................... 2
A. La Palestine sous l’Empire ottoman et le mandat britannique ....................................... 2
B. La guerre de 1967 et l’occupation par Israël du reste de la Palestine
(Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et bande de Gaza) ........................................... 7
C. L’avis sur le mur ............................................................................................................ 9
D. Évolution de la situation depuis le prononcé de l’avis sur le mur ............................... 12
E. L’actuelle demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale .................................. 13
III. COMPÉTENCE DE LA COUR .............................................................................................. 14
IV. STRUCTURE DU PRÉSENT EXPOSÉ ÉCRIT .......................................................................... 17
CHAPITRE 2 DROIT APPLICABLE.................................................................................................... 20
I. RÈGLES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET DU DROIT INTERNATIONAL
DES DROITS DE L’HOMME APPLICABLES ............................................................................ 20
A. Droit international humanitaire .................................................................................... 20
B. Droit international des droits de l’homme .................................................................... 23
II. NORMES IMPÉRATIVES DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL APPLICABLES
DANS LA PRÉSENTE PROCÉDURE ........................................................................................ 25
A. L’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la menace ou
l’emploi de la force ..................................................................................................... 25
B. L’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid ........................................ 32
C. L’obligation de respecter le droit à l’autodétermination .............................................. 34
CHAPITRE 3 ANNEXION DU TERRITOIRE PALESTINIEN PAR ISRAËL .............................................. 38
PARTIE A ANNEXION DE JÉRUSALEM ET MODIFICATIONS APPORTÉES
À SA COMPOSITION DÉMOGRAPHIQUE, À SON CARACTÈRE ET
À SON STATUT PAR ISRAËL ............................................................................................ 42
I. LOIS, RÈGLEMENTS ET AUTRES TEXTES ADMINISTRATIFS ADOPTÉS PAR ISRAËL
POUR ANNEXER JÉRUSALEM ET FAIRE VALOIR SA « SOUVERAINETÉ » SUR LA VILLE ...... 45
A. Caractère et statut particuliers de Jérusalem ................................................................ 45
- ii -
B. Lois et autres mesures adoptées par Israël pour annexer Jérusalem-Ouest .................. 47
C. Lois et autres mesures adoptées par Israël pour annexer Jérusalem-Est ...................... 47
D. Adoption par Israël de lois faisant de Jérusalem sa capitale « entière et unifiée » ...... 53
II. DÉCLARATIONS DE HAUTS REPRÉSENTANTS DU GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN
TENDANT À FAIRE VALOIR LA « SOUVERAINETÉ » D’ISRAËL SUR JÉRUSALEM ................. 58
III. CONSTRUCTION PAR ISRAËL DE COLONIES DE PEUPLEMENT À JÉRUSALEM-EST
ET DANS LES ENVIRONS ET DÉPLACEMENT DES PALESTINIENS HORS DE CES
SECTEURS .......................................................................................................................... 60
A. Construction de colonies de peuplement ..................................................................... 60
1. Construction illicite de colonies de peuplement à Jérusalem-Est par Israël ......... 60
2. Mépris persistant d’Israël à l’égard des demandes l’invitant à cesser la
construction illicite de colonies de peuplement à Jérusalem-Est .......................... 69
B. Déplacement de Palestiniens ........................................................................................ 72
1. Démolition de logements palestiniens .................................................................. 73
2. Déplacement forcé de Palestiniens par des colons israéliens ............................... 74
3. Refus de délivrer des permis de construire aux Palestiniens ................................ 75
4. Révocation du statut de résident ........................................................................... 76
5. Violences commises par les colons contre les Palestiniens .................................. 77
IV. CONSTRUCTION ET UTILISATION D’INFRASTRUCTURES PAR ISRAËL POUR RELIER
JÉRUSALEM-EST À JÉRUSALEM-OUEST ............................................................................. 77
A. Utilisation d’infrastructures pour relier Jérusalem-Est à Jérusalem-Ouest .................. 77
B. Séparation de Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie ............................................... 79
V. MESURES MISES EN PLACE PAR ISRAËL POUR MODIFIER LE CARACTÈRE HISTORIQUE
ET RELIGIEUX DE LA VILLE SAINTE DE JÉRUSALEM .......................................................... 81
Conclusion ........................................................................................................................ 84
PARTIE B ANNEXION DE LA CISJORDANIE PAR ISRAËL ................................................... 85
I. EXTENSION PAR ISRAËL DU CHAMP D’APPLICATION DE SES LOIS, DE SES AUTRES
TEXTES ADMINISTRATIFS ET DE SA JURIDICTION À LA CISJORDANIE ................................ 92
A. Lois visant à étendre et à appliquer le droit israélien à la Cisjordanie ......................... 93
B. Ordonnances prises par le commandant militaire ........................................................ 95
C. Prise des pouvoirs administratifs directs sur la Cisjordanie par le Gouvernement
israélien ....................................................................................................................... 95
- iii -
II. DÉCLARATIONS DE HAUTS REPRÉSENTANTS DE L’ÉTAT ISRAÉLIEN FAISANT VALOIR
LA « SOUVERAINETÉ » D’ISRAËL SUR LA CISJORDANIE .................................................... 97
III. CRÉATION DE CENTAINES DE COLONIES ISRAÉLIENNES EN CISJORDANIE ET
DÉPLACEMENT DES PALESTINIENS PAR ISRAËL .............................................................. 101
A. Construction de colonies et installation de centaines de milliers de colons
israéliens en Cisjordanie par Israël ........................................................................... 101
B. Déplacement et confinement des Palestiniens en Cisjordanie ................................... 110
1. Démolition d’habitations palestiniennes ............................................................ 111
2. Violences contre les Palestiniens ........................................................................ 115
IV. CONSTRUCTION ET CONTRÔLE D’INFRASTRUCTURES ET EXPLOITATION DES
RESSOURCES NATURELLES DE LA CISJORDANIE PAR ISRAËL .......................................... 116
A. Construction et contrôle d’autoroutes et de routes ..................................................... 117
B. Exploitation des ressources hydriques et d’autres ressources naturelles ................... 119
Conclusion ...................................................................................................................... 121
CHAPITRE 4 VIOLATION DE L’INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE
ET DE L’APARTHEID PAR ISRAËL 123
I. DISCRIMINATION RACIALE À L’ÉGARD DU PEUPLE PALESTINIEN DANS LE
TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ ET DÉNI DE SES DROITS FONDAMENTAUX ................ 124
A. Le double système juridique israélien à caractère discriminatoire ............................ 127
1. Le système de justice militaire israélien à caractère discriminatoire.................. 128
2. Le système de justice militaire israélien à caractère discriminatoire n’est
pas permis par le droit international humanitaire ............................................... 130
3. En toute hypothèse, les conditions définies par l’article 66 de la quatrième
convention de Genève ne sont pas réunies ......................................................... 131
B. Arrestation et détention arbitraires des Palestiniens, y compris les enfants ............... 132
C. Actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants commis
par Israël contre les détenus palestiniens .................................................................. 137
D. Emploi illicite de la force par Israël contre les civils palestiniens ............................. 142
E. Discrimination exercée par Israël contre les Palestiniens par le déni de la liberté
de circulation ............................................................................................................ 150
F. Discrimination exercée par Israël contre les Palestiniens en ce qui concerne le
droit au mariage et au choix du conjoint .................................................................. 158
G. Discrimination exercée par Israël à l’égard des Palestiniens en matière de liberté
de religion ................................................................................................................. 161
- iv -
H. Régime discriminatoire de répartition des terres et d’aménagement du territoire
mis en place par Israël dans le Territoire palestinien occupé ................................... 163
I. Accès discriminatoire aux ressources naturelles et restrictions frappant leur
utilisation dans le Territoire palestinien occupé ....................................................... 168
J. Discrimination raciale exercée par Israël en ce qui concerne les droits sociaux et
économiques dans les domaines du travail, de l’éducation et de la santé ................. 172
1. Droits relatifs au travail ...................................................................................... 172
2. Accès à l’éducation............................................................................................. 173
3. Accès à la santé .................................................................................................. 175
K. Punitions collectives infligées de manière discriminatoire par Israël
aux Palestiniens ........................................................................................................ 177
1. Démolition d’habitations et autres biens palestiniens ........................................ 177
2. Actes de violence commis par les colons contre la population palestinienne .... 181
3. Blocus de Gaza ................................................................................................... 184
II. DISCRIMINATION RACIALE CONTRE LES PALESTINIENS POSSÉDANT
LA NATIONALITÉ ISRAÉLIENNE ........................................................................................ 189
A. Restrictions discriminatoires frappant le droit à la nationalité et le droit de
résider en Israël ......................................................................................................... 191
B. Loi relative à l’État-nation de 2018 ........................................................................... 193
C. Discrimination relative à la terre et au logement ....................................................... 193
Conclusion ...................................................................................................................... 195
III. LA DISCRIMINATION RACIALE EXERCÉE PAR ISRAËL CONTRE LE PEUPLE
PALESTINIEN EST CONSTITUTIVE D’APARTHEID ............................................................ 195
A. Définition de l’apartheid ............................................................................................ 200
B. La discrimination raciale qu’exerce Israël contre le peuple palestinien
est constitutive d’apartheid ....................................................................................... 202
1. Présence de deux groupes raciaux ...................................................................... 202
2. Existence d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de
domination d’un groupe racial sur un autre ........................................................ 202
3. Commission d’actes inhumains .......................................................................... 204
4. Intention ou but d’entretenir le régime ............................................................... 204
Conclusion ................................................................................................................ 205
- v -
CHAPITRE 5 VIOLATION PERSISTANTE PAR ISRAËL DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN
À L’AUTODÉTERMINATION ...................................................................................... 206
I. LE CONTENU DU DROIT À L’AUTODÉTERMINATION ........................................................ 207
A. Droit à l’intégrité territoriale ...................................................................................... 207
B. Interdiction de la manipulation démographique ......................................................... 208
C. Droit à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles .............................. 209
D. Droit de déterminer librement son statut politique et d’assurer librement son
développement économique, social et culturel ......................................................... 210
II. DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION ........................................... 211
III. DÉNI DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION PAR ISRAËL
ET REFUS PERSISTANT DE CE DERNIER DE RECONNAÎTRE CE DROIT ................................ 218
A. Violation de l’intégrité territoriale ............................................................................. 219
B. Manipulation démographique .................................................................................... 221
1. Transfert de ressortissants israéliens dans le Territoire palestinien occupé ....... 221
2. Expulsion de Palestiniens ................................................................................... 221
C. Déni de souveraineté sur les ressources naturelles ..................................................... 223
D. Déni des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ........................ 225
Conclusion ...................................................................................................................... 233
CHAPITRE 6 L’ILLICÉITÉ DE L’OCCUPATION DU TERRITOIRE PALESTINIEN PAR ISRAËL ............ 234
I. L’OCCUPATION PAR ISRAËL DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ CONSTITUE
UNE GRAVE VIOLATION DE NORMES IMPÉRATIVES DU DROIT INTERNATIONAL
GÉNÉRAL.......................................................................................................................... 235
II. L’OCCUPATION PAR ISRAËL DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ EST
INDISSOCIABLE DE SES GRAVES VIOLATIONS DE NORMES IMPÉRATIVES
DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL .............................................................................. 237
CHAPITRE 7 CONSÉQUENCES JURIDIQUES ................................................................................... 240
PARTIE A OBLIGATIONS D’ISRAËL RÉSULTANT DE SES FAITS
INTERNATIONALEMENT ILLICITES ............................................................................ 240
I. ISRAËL A L’OBLIGATION DE METTRE FIN À SON COMPORTEMENT ILLICITE
ET D’OFFRIR DES ASSURANCES ET DES GARANTIES DE NON-RÉPÉTITION ........................ 241
A. Obligation de cessation .............................................................................................. 241
1. Principes applicables .......................................................................................... 241
2. Obligation incombant à Israël de mettre fin à ses faits illicites .......................... 243
- vi -
B. Assurances et garanties de non-répétition .................................................................. 246
II. ISRAËL EST TENU DE RÉPARER INTÉGRALEMENT LE PRÉJUDICE ..................................... 247
A. Restitution .................................................................................................................. 251
B. Indemnisation ............................................................................................................. 254
C. Satisfaction ................................................................................................................. 258
Conclusions .......................................................................................................................... 261
PARTIE B CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR LES ÉTATS TIERS ET LES
ORGANISATIONS INTERNATIONALES, DONT L’ORGANISATION
DES NATIONS UNIES ....................................................................................................... 266
I. OBLIGATION DE NON-RECONNAISSANCE ........................................................................ 269
A. Obligation incombant aux États ................................................................................. 269
B. Obligations incombant à l’Organisation des Nations Unies ...................................... 274
II. OBLIGATION DE NE PAS CONTRIBUER AUX VIOLATIONS DES DROITS
DU PEUPLE PALESTINIEN .................................................................................................. 274
III. OBLIGATION DE COOPÉRER POUR PROTÉGER LES DROITS DU PEUPLE PALESTINIEN
ET METTRE FIN AUX VIOLATIONS DE CES DROITS COMMISES PAR ISRAËL ...................... 277
Conclusions ..................................................................................................................... 284
CONCLUSIONS ................................................................................................................................ 287
LISTE DES ANNEXES ....................................................................................................................... 291
TABLE DES FIGURES
Figure 3.1 Territoire palestinien occupé ..................................................................................... 39
Figure 3.2 Jérusalem avant son extension unilatérale par Israël et extension unilatérale
de Jérusalem par Israël après juin 1967 .................................................................... 50
Figure 3.3 Colonies de peuplement israéliennes implantées à Jérusalem-Est ............................ 63
Figure 3.4 Zone du « Grand » Jérusalem .................................................................................... 65
Figure 3.5 « Bloc » de colonies E1 d’Israël et division de la Cisjordanie .................................. 68
Figure 3.6 Mur d’annexion israélien .......................................................................................... 80
Figure 3.7 Cisjordanie ................................................................................................................ 88
Figure 3.8 Colonisation de la Cisjordanie par Israël .................................................................. 89
Figure 3.9 Nombre de colons par année (publié par Peace Now) ............................................ 101
- vii -
Figure 3.10 Colonies de peuplement israéliennes déjà implantées en Cisjordanie
en mai 1983 ............................................................................................................ 106
Figure 4.1 Régime de contrôle israélien ................................................................................... 154
Figure 4.2 Régime de contrôle israélien ................................................................................... 186
Figure 5.1 Mandat britannique pour la Palestine ...................................................................... 215
Figure 5.2 Plan de partage de la Palestine adopté par L’ONU ................................................. 216
Figure 5.3 Plan de partage adopté par l’ONU en 1947 et lignes d’armistice établies par
l’ONU en 1949 ........................................................................................................ 217
Dernière figure ............................................................................................................................... 290
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1. L’État de Palestine dépose le présent exposé écrit conformément à l’ordonnance en date
du 3 février 2023 rendue par la Cour à la suite de la demande d’avis consultatif dont elle a été saisie
par l’Assemblée générale des Nations Unies sur la question de Palestine (ci-après, la « demande
d’avis consultatif »).
1.2. La présente introduction retrace l’historique de la procédure et dégage la teneur de la
demande d’avis consultatif (I), avant d’exposer le contexte historique et juridique dans lequel celle-ci
s’inscrit (II). Elle traite ensuite de la compétence de la Cour pour connaître de la demande d’avis
consultatif, ainsi que de l’absence de raisons décisives de refuser de donner l’avis consultatif
demandé par l’Assemblée générale (III). Elle s’achève par la présentation de la structure du reste de
l’exposé écrit, composé des chapitres 2 à 7 et d’un volume d’annexes (IV).
I. TENEUR DE LA DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF
ET HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE
1.3. L’Assemblée générale a formé sa demande d’avis consultatif dans sa résolution 77/247
du 30 décembre 2022. Dans cette résolution, elle a décidé, en vertu du paragraphe 1 de l’article 96
de la Charte des Nations Unies et de l’article 65 du Statut de la Cour internationale de Justice, de
demander à cette dernière de donner un avis sur les questions ci-après, compte tenu des règles et
principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire,
le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du
Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le
9 juillet 2004 :
« a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du
droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa
colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis
1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le
caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des
lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a)
ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les
conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des
Nations Unies ? »
1.4. Ainsi qu’il ressort du libellé de ces questions et, en particulier, de l’évocation de « la
violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination » au tout début
de la première question, bien qu’elles portent sur des sujets intéressant principalement le Territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, elles débordent le champ de ceux-ci, comme il sera
expliqué de façon détaillée dans le présent exposé écrit.
1.5. La demande d’avis consultatif a été transmise à la Cour par le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies dans une lettre datée du 17 janvier 2023.
- 2 -
1.6. Par ordonnance en date du 3 février 2023, la Cour a fixé au 25 juillet 2023 la date
d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur les questions pourraient lui être présentés et
a décidé que l’État de Palestine avait le droit de le faire. L’État de Palestine soumet le présent exposé
écrit conformément à cette ordonnance.
II. CONTEXTE HISTORIQUE ET JURIDIQUE DANS LEQUEL S’INSCRIT
LA DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF
A. La Palestine sous l’Empire ottoman et le mandat britannique
1.7. Située entre la mer Méditerranée et le Jourdain, au confluent de trois continents, la
Palestine est une terre sainte pour les trois religions monothéistes. Elle a une histoire riche qui a
façonné l’identité et la diversité de son peuple. Le peuple palestinien est un produit, un acteur, un
témoin et une victime de cette histoire, étant présent sans interruption sur la terre de Palestine depuis
des millénaires. Ses racines remontent aux anciens Cananéens et la nation palestinienne a été forgée
par ceux qui ont habité cette terre et tous ceux qui ont trouvé le chemin de ses rivages ainsi que par
leurs descendants.
1.8. Dans l’histoire contemporaine, comme l’a relevé la Cour dans son avis consultatif sur les
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé :
« La Palestine avait fait partie de l’Empire ottoman. À l’issue de la première
guerre mondiale, un mandat “A” pour la Palestine fut confié à la Grande-Bretagne par
la Société des Nations en application du paragraphe 4 de l’article 22 du Pacte, qui
disposait que
“[c]ertaines communautés, qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman,
ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme
nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition
que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration
jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules”.
La Cour rappellera ce qu’elle avait relevé dans son avis consultatif sur le Statut
international du Sud-Ouest africain, alors qu’elle s’exprimait de manière générale sur
les mandats, à savoir que “[l]e Mandat a été créé, dans l’intérêt des habitants du
Territoire et de l’humanité en général, comme une institution internationale à laquelle
était assigné un but international : une mission sacrée de civilisation”. … Elle avait
également constaté à cet égard que “deux principes furent considérés comme étant
d’importance primordiale : celui de la non-annexion et celui qui proclamait que le
bien-être et le développement de … peuples [qui n’étaient pas encore capables de se
gouverner eux-mêmes] formaient “une mission sacrée de civilisation” »1.
1.9. Le mandat pour la Palestine ne devait consister qu’à exercer une « tutelle temporaire » qui
s’achèverait par l’accession du peuple palestinien à la souveraineté et à l’indépendance2. Cependant,
la déclaration Balfour émise par la Grande-Bretagne en 1917 et incorporée dans le texte du mandat
qui lui fut confié lors de la conférence de San Remo en avril 1920 allait directement à rebours de la
mission sacrée, celle d’assurer l’indépendance du peuple palestinien. Elle proclamait ce qui suit :
1 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 165, par. 70.
2 Ibid., opinion individuelle du juge Elaraby, p. 249-250, par. 2.1.
- 3 -
« Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en
Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et fera tous ses efforts pour faciliter la
réalisation de cet objectif, étant bien entendu que rien ne sera fait qui puisse porter
préjudice aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine ;
non plus qu’aux droits et au statut politique dont jouissent les Juifs dans tout autre
pays. »3
1.10. Au fond, la déclaration Balfour faisait peu de cas de l’identité nationale et des droits
nationaux du peuple palestinien, le qualifiant vaguement de « collectivités non juives existant en
Palestine ». Elle promettait en revanche à des tiers « un foyer national » sur un territoire
expressément désigné pour l’accession du peuple palestinien à l’indépendance. Le fait qu’elle ne
reconnaissait pas l’existence et les droits du peuple palestinien en tant que nation, la seule réserve
étant la reconnaissance des « droits civils et religieux » de ce dernier, et qu’elle était ainsi contraire
à l’obligation impérative qui incombait à la Grande-Bretagne d’aider le peuple palestinien à accéder
à l’indépendance pleine et entière, comme pour tous les autres mandats de la catégorie « A »,
constituait un abus de confiance qui a eu des répercussions sur la question de Palestine jusqu’à ce
jour.
1.11. Au lieu de prendre des mesures pour soutenir l’accession de la Palestine à l’indépendance
et la faciliter, la puissance mandataire a adopté des politiques délibérées visant à mettre en application
sa déclaration Balfour, notamment en encourageant activement les Juifs à immigrer en Palestine et à
y acquérir des terres4 au détriment du peuple palestinien et de ses droits, en dépit de l’opposition
constante de celui-ci et de ses révoltes successives qui ont été violemment réprimées. Si
l’immigration juive s’est accélérée en raison des souffrances endurées par les Juifs en Europe,
notamment des actes de racisme et des violents pogroms commis contre eux qui ont atteint leur
paroxysme avec la montée du nazisme et finalement les horreurs de l’Holocauste, elle était également
motivée par une idéologie politique, le sionisme, dont les partisans convoitaient la terre de Palestine
et contestaient l’existence du peuple palestinien, sa présence de longue date et ses racines en
Palestine, ainsi que sa prétention légitime à la Palestine.
1.12. En 1947, les politiques et pratiques britanniques tendant à l’application de la déclaration
Balfour, conjuguées à la décision de la Grande-Bretagne de quitter la Palestine, ont jeté les bases de
l’adoption d’un plan de partage par l’Organisation des Nations Unies. Ce plan était manifestement
incompatible avec le statut de territoire sous mandat « A » conféré à la Palestine et contraire au but
déclaré du régime de mandat, à savoir assurer l’accession du peuple palestinien à l’indépendance et
la concrétisation de sa volonté exprimée. De plus, le peuple palestinien s’est vu délibérément refuser
toute participation à ce processus. Comme l’a relevé la Commission spéciale des Nations Unies pour
3 Mandate for Palestine — Interim report of the Mandatory to the League of Nations/Balfour Declaration text,
30 juillet 1921 (texte en anglais accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/
auto-insert-204267/ ; version française de la citation reprise du document suivant : Commission spéciale des Nations Unies
pour la Palestine, rapport à l’Assemblée générale (Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, deuxième
session, Supplément no 11), vol. II, doc. A/364, Add. 1, p. 19, accessible à l’adresse suivante :
https://digitallibrary.un.org/record/563036?ln=fr).
4 En 1920, selon le rapport d’activité soumis à la Société des Nations par le Gouvernement britannique, la Palestine
comptait environ 700 000 habitants, dont quelque 480 000 musulmans, 77 000 chrétiens et 76 000 juifs, « presque tous
entrés en Palestine au cours des 40 dernières années ». Voir « Mandate for Palestine — Interim report of the Mandatory to
the League of Nations/Balfour Declaration text », 30 juillet 1921 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/
unispal/document/auto-insert-204267/). En 1947, le nombre des Palestiniens dépassait 1,2 million et celui des Juifs
600 000, selon le rapport soumis à l’Assemblée générale par la Commission spéciale des Nations Unies pour la Palestine
(Commission spéciale des Nations Unies pour la Palestine, rapport à l’Assemblée générale (Nations Unies, Documents
officiels de de l’Assemblée générale, deuxième session, Supplément no 11), vol. I, doc. A/364, accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/364(Supp)).
- 4 -
la Palestine (dont le rapport en date du 3 septembre 1947 a servi de base au plan de partage adopté
par l’Assemblée générale) :
« En ce qui concerne le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
s’il a été internationalement reconnu à la fin de la première guerre mondiale et s’il a été
admis en ce qui concerne les autres territoires arabes à l’époque de la création des
Mandats A, il ne s’appliquait pas à la Palestine, car on avait sans doute l’intention de
permettre la création d’un foyer national juif dans ce pays. En fait, il est permis de dire
que le foyer national juif et le Mandat conçu spécialement pour la Palestine vont à
l’encontre de ce principe. »5
1.13. Le plan de partage, adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 181 (II) du
29 novembre 1947, attribuait plus de 55 % de la terre de Palestine à l’« État juif » et environ 42 % à
l’« État arabe », et disposait que « [l]a Ville de Jérusalem sera[it] constituée en corpus separatum
sous un régime international spécial et sera[it] administrée par les Nations Unies ». Selon le plan, la
ville de Jérusalem comprenait la municipalité de Jérusalem de l’époque plus les villages et centres
environnants, y compris Bethléem6.
1.14. Préoccupée par le projet de partage de la Palestine, la Sous-Commission 2 de la
Commission ad hoc chargée de la question palestinienne, créée en septembre 1947 par l’Assemblée
générale, a souligné ce qui suit :
« [L]e peuple de la Palestine est mûr pour l’autonomie, et … tout le monde admet
qu’il y a lieu de lui accorder l’indépendance dans le plus bref délai possible. Il découle
également de ce qui a été dit ci-dessus, que l’Assemblée générale n’a pas compétence
pour recommander une solution autre que la reconnaissance de l’indépendance de la
Palestine, et encore moins pour imposer une telle décision. »7
1.15. La Sous-Commission 2 a insisté sur le fait qu’il était nécessaire d’apporter des précisions
sur les questions juridiques pertinentes, notamment sur celle de savoir « si un Membre ou un groupe
de Membres de l’Organisation des Nations Unies a[vait] le droit de mettre à effet l’une ou l’autre des
solutions proposées sans le consentement du peuple de Palestine »8.
1.16. La Sous-Commission avait demandé instamment de soumettre la question à l’examen
juridictionnel de la Cour internationale de Justice, en sa qualité d’organe judiciaire principal des
Nations Unies. Cet appel étant resté lettre morte, la Sous-Commission a relevé ce qui suit :
« Un refus de présenter cette question à la Cour internationale de Justice en vue
d’obtenir un avis équivaudrait à avouer que l’Organisation des Nations Unies est
déterminée à faire des recommandations dans un certain sens, non point parce que ces
recommandations sont conformes aux principes de la justice et de l’équité
internationales, mais parce que la majorité des délégués désire régler le problème d’une
certaine façon, sans tenir compte du fond du problème ou des obligations juridiques qui
5 Commission spéciale des Nations Unies pour la Palestine, rapport à l’Assemblée générale (Documents officiels
de l’Assemblée générale, deuxième session, Supplément no 11), vol. I, doc. A/364, p. 37, par. 176, accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/364(Supp).
6 Assemblée générale, résolution 181 (II) du 29 novembre 1947.
7 Nations Unies, Commission ad hoc chargée de la question palestinienne, rapport de la Sous-Commission 2,
doc. A/AC.14/32 et Add.1, 11 novembre 1947, par. 18 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/AC.14/32).
8 Ibid., par. 37.
- 5 -
peuvent exister pour les parties. Une telle attitude n’aura point pour effet de rehausser
le prestige de l’Organisation des Nations Unies. »9.
1.17. Cette observation est d’autant plus pertinente qu’à l’époque, l’Assemblée générale ne
revêtait pas le caractère universel et représentatif dont elle jouit aujourd’hui à la suite de la
décolonisation et de l’accession de la majorité des pays du monde à l’indépendance. Néanmoins, ces
décisions, mesures et propositions tendant à fixer le sort du peuple palestinien sont intervenues sans
consultation de ce dernier et sans son consentement, au mépris flagrant de son droit fondamental à
l’autodétermination.
1.18. Bien que le plan de partage ne fût qu’une recommandation, les fondateurs d’Israël l’ont
mis à profit pour mieux faire valoir leur prétention territoriale et proclamer en mai 1948 la création
d’un État « conformément à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies »10. À cette
époque, le peuple palestinien a subi la Nakba (« catastrophe » en arabe), terme désignant les actes de
nettoyage ethnique et de dépossession commis contre lui par les milices sionistes et, plus tard, par
les forces militaires israéliennes qui cherchaient à étendre le territoire sous contrôle israélien et à y
créer une nette majorité juive. Cette situation a entraîné le déplacement forcé des deux tiers de la
population palestinienne — entre 750 000 et 900 000 personnes, auxquelles se sont ajoutés par la
suite leurs descendants, portant à plus de sept millions le nombre de réfugiés palestiniens dans le
monde aujourd’hui — qui attendent toujours le moment où ils pourront rentrer dans leur patrie plus
de 75 ans plus tard, ainsi que la destruction de plus de 500 villages palestiniens et la saisie de milliers
de maisons et de terrains palestiniens. Au moment où un accord d’armistice a été conclu en 1949,
Israël avait déjà pris le contrôle de 78 % de la Palestine historique, soit un territoire bien plus vaste
que celui attribué à l’« État juif » dans le plan de partage, le reste de la Palestine historique, à savoir
la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza, relevant respectivement de
l’administration jordanienne et égyptienne conformément aux dispositions de l’accord d’armistice
de 1949 et ayant pour limite la ligne d’armistice, dénommée « Ligne verte ».
1.19. En décembre 1948, l’Assemblée générale a adopté la résolution 194 (III), dans laquelle
elle :
« [d]écide qu’en raison des liens qu’elle a avec trois religions mondiales, la région de
Jérusalem, y compris la municipalité actuelle de Jérusalem plus les villages et centres
environnants, … devrait jouir d'un traitement particulier et distinct de celui des autres
régions de Palestine et devrait être placée sous le contrôle effectif des Nations Unies » ;
et
« [d]onne pour instructions à la Commission de conciliation de présenter à l’Assemblée
générale … des propositions détaillées concernant un régime international permanent
pour la région de Jérusalem … compatible avec le statut international spécial de la
région de Jérusalem »11.
9 Ibid., par. 40.
10 Pour le texte de la proclamation, voir le site Internet de la Knesset à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
5yuwmehf (en anglais).
11 Assemblée générale, résolution 194 (III) du 11 décembre 1948, par. 8.
- 6 -
En outre, l’Assemblée :
« [d]écide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs
foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités
doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne
pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu
des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être
réparé par les Gouvernements ou autorités responsables » ; et
« [d]onne pour instructions à la Commission de conciliation de faciliter le rapatriement,
la réinstallation et le relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le
payement des indemnités »12.
1.20. Le 11 mai 1949, Israël a été admis comme Membre de l’Organisation des Nations Unies
par la résolution 273 (III), dans laquelle l’Assemblée générale prend acte de « la déclaration par
laquelle l’État d’Israël “accepte sans réserve aucune les obligations découlant de la Charte des
Nations Unies et s’engage à les observer du jour où il deviendra Membre des Nations Unies” »13,
« [r]appel[le] ses résolutions du 29 novembre 1947 [résolution 181 (II)] et du 11 décembre 1948
[résolution 194 (III)] et pren[d] acte des déclarations faites et explications fournies devant la
Commission politique spéciale par le représentant du Gouvernement d’Israël en ce qui concerne la
mise en oeuvre desdites résolutions »14.
1.21. Pour garantir son admission à l’Organisation des Nations Unies, Israël a souligné que
« ni l’attitude, ni la politique poursuivie par Israël [n’étaient] incompatibles en quoi que ce [fût] avec
la Charte ou avec les résolutions de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité »15. C’est sur la
base de ces assurances qu’il a finalement été admis.
1.22. Toutefois, immédiatement après l’admission d’Israël, son ministre des affaires étrangères
a déclaré ce qui suit :
« La guerre contre Israël et ses conséquences ont modifié certains éléments des
normes envisagées dans la résolution du 29 novembre 1947 [résolution 181 (II)]. Le
futur règlement de paix doit nécessairement tenir compte de ces modifications. Aucune
raison intrinsèque ne s’oppose à ce que ces modifications, fondées sur des réalités
nouvelles, fassent l’objet d’un consentement général. »16
1.23. Israël a ainsi fait savoir instantanément que ce qu’il avait obtenu par l’emploi de la force,
notamment la moitié du territoire attribué à l’État arabe dans la résolution 181 (II) et
Jérusalem-Ouest, conquis par les armes, devait être accepté comme des « réalités nouvelles ». Il a
12 Ibid., par. 11.
13 Assemblée générale, résolution 273 (III) du 11 mai 1949, préambule (note de bas de page omise). Voir également
la lettre adressée au Secrétaire général le 29 novembre 1948 par le ministre des affaires étrangères d’Israël et relative à la
demande d’admission d’Israël comme Membre des Nations Unies ; déclaration acceptant les obligations découlant de la
Charte, doc. S/1093, annexe.
14 Assemblée générale, résolution 273 (III) du 11 mai 1949, préambule (notes de bas de page omises). Voir
également les documents A/AC.24/SR.45-48 ; et 50-51.
15 Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session, Commission politique spéciale, 45e séance,
5 mai 1949, doc. A/AC.24/SR.45, p. 230 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/AC.24/SR.45).
16 Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session, 207e séance plénière, 11 mai 1949,
doc. A/PV.207, p. 334 (Moshe Sharett) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/PV.207).
- 7 -
également continué à priver les réfugiés palestiniens leur droit au retour garanti par le droit
international et la résolution 194 (III). Il s’ensuit que, depuis sa création et son admission par la suite
comme Membre de l’Organisation des Nations Unies, Israël viole la Charte des Nations Unies et les
résolutions pertinentes de l’Organisation. Son recours à la force pour déterminer les résultats et tenter
de les imposer a marqué le début d’un ensemble cohérent de politiques et de pratiques qu’il allait
poursuivre au cours des décennies suivantes.
B. La guerre de 1967 et l’occupation par Israël du reste de la Palestine
(Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et bande de Gaza)
1.24. En juin 1967, les forces armées israéliennes ont pris illicitement le contrôle de la
Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de la bande de Gaza. Au cours des 56 dernières années,
Israël n’a cessé d’occuper et de contrôler ces régions, que l’Organisation des Nations Unies et ses
institutions qualifient collectivement de Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et
subsidiairement d’État de Palestine.
1.25. Le 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 242 (1967) dans
laquelle, en réaction à la conquête par Israël de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, de la bande
de Gaza et d’autres territoires arabes, il a souligné « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par
la guerre » et demandé sans ambiguïté le « [r]etrait des forces armées israéliennes des territoires
occupés lors du récent conflit »17. Israël a refusé de se conformer à ces exigences et continue de les
fouler aux pieds.
1.26. Depuis plus d’un demi-siècle qu’Israël a pris par la force le contrôle du Territoire
palestinien occupé, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont adopté des centaines de
résolutions condamnant ses politiques et pratiques, notamment la poursuite de l’occupation dudit
territoire, la création de centaines de colonies de peuplement et le transfert de plus de 700 000 colons
dans le territoire ainsi que le traitement discriminatoire et oppressif réservé au peuple palestinien.
Dans ces résolutions, ils ont également exigé qu’Israël retire ses forces militaires du Territoire
palestinien occupé, démantèle ses colonies de peuplement, conformément au droit international, et
cesse de violer les droits du peuple palestinien, y compris son droit à l’autodétermination. Israël n’a
respecté aucune des résolutions en question et continue de les violer de manière flagrante.
1.27. Comme le montre le présent exposé écrit, au lieu de respecter les obligations mises à sa
charge par les résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies et le droit international,
Israël a maintenu et renforcé son occupation du territoire palestinien dans le but de la rendre
permanente. À cette fin, il est allé jusqu’à annexer Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie par
divers moyens de droit et de fait. Ses plus hautes autorités publiques ont affirmé qu’il ne renoncerait
jamais à ce territoire, bien que le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et d’autres
instruments du droit international contraignants interdisent expressément l’acquisition de territoire
par l’emploi de la force.
1.28. En outre, en annexant Jérusalem-Est pour la fusionner avec Jérusalem-Ouest — dont il
s’était emparé par la force militaire en 1948 — et en faisant de la Ville sainte sa capitale, en violation
du droit international, notamment de la Charte des Nations Unies et de la résolution 181 (II) de
l’Assemblée générale, Israël a bafoué le statut spécial de Jérusalem reconnu par la communauté
internationale. En installant plus de 230 000 de ses ressortissants à Jérusalem-Est dans le but exprès
17 Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, préambule et par. 1.
- 8 -
de créer une majorité israélienne juive, il a modifié la composition démographique de la Ville sainte
et a cherché à en modifier le caractère et le statut par la force.
1.29. Comme le montrent les preuves rassemblées par les organes compétents des
Nations Unies qui sont citées tout au long du présent exposé écrit, à Jérusalem-Est et dans le reste de
la Cisjordanie, soit en territoire palestinien, Israël applique ses lois et mécanismes juridiques internes,
a exproprié de vastes étendues de terre pour y installer ses forces militaires et des centaines de milliers
de colons, a déplacé des Palestiniens, y compris des collectivités entières, de leurs foyers et de leurs
terres pour faciliter et stimuler la croissance et l’extension de ses colonies de peuplement illicites, et
s’est emparé des ressources naturelles du territoire à ses propres fins. Dans la bande de Gaza, s’il a
retiré ses 8 000 colons pour en installer 12 000 en Cisjordanie, il continue d’imposer un blocus
terrestre, aérien et maritime étouffant qui dure depuis 16 ans, comme moyen supplémentaire de
contrôler le territoire et la population, en dépit des conséquences catastrophiques qui en résultent sur
le plan humanitaire. Tous ces actes sont commis quotidiennement et publiquement en violation
flagrante du droit international.
1.30. De plus, des deux côtés de la Ligne verte, le Gouvernement israélien a adopté et imposé
un régime de discrimination raciale dirigé contre les Palestiniens et les prive de leurs droits
fondamentaux. C’est dans le Territoire palestinien occupé que ce régime se manifeste le plus. Il
ressort des éléments de preuve produits dans le présent exposé écrit — qui sont une fois de plus tirés
de sources et rapports de l’Organisation des Nations Unies faisant autorité — qu’Israël a mis en place
un double ordonnancement juridique, divisé selon des critères raciaux et composé de lois, de
juridictions, de procédures et de sanctions distinctes qui défavorisent ouvertement les Palestiniens au
profit des colons israéliens transférés et vivant illicitement sur le même territoire.
1.31. Les Palestiniens sont soumis à une pléthore de restrictions fondées sur leur appartenance
raciale et internationalement illicites qui frappent leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux
et culturels dans le cadre d’un régime conçu pour les assujettir et les empêcher d’exercer leur droit à
l’autodétermination dans leur propre patrie. Les titulaires de mandat au titre des procédures
spéciales de l’Organisation des Nations Unies, des organisations de défense des droits de l’homme
respectées et des responsables israéliens ont expressément dit que cette discrimination raciale était
constitutive d’apartheid.
1.32. En dépit de ces injustices qu’il subit de longue date — depuis la déclaration Balfour
jusqu’à aujourd’hui —, le peuple palestinien a recherché des moyens d’aller de l’avant. Il l’a fait de
bonne foi et dans le respect du droit international, à l’effet de parvenir à la liberté, à la justice et à la
paix. À cette fin, malgré les décennies de déplacements, de souffrances, de traumatismes et de pertes
qu’il avait endurées, il a accepté, il y a quarante ans, un compromis historique fondé sur les
résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, notamment celles intéressant ses droits
inaliénables à l’autodétermination et à l’indépendance et le droit au retour des réfugiés palestiniens,
et conforme au consensus international établi en faveur d’une solution à deux États démocratiques :
un État palestinien libre, indépendant et souverain vivant côte à côte avec Israël, dans la paix et la
sécurité, sur la base des frontières d’avant 1967. Ce compromis historique visait à garantir les droits
inaliénables du peuple palestinien et à assurer une paix juste et durable.
1.33. Cependant, le lancement d’un processus de paix et toutes ses reprises qui ont eu lieu au
cours des quatre dernières décennies n’ont pas permis de mettre fin à l’occupation, à la colonisation
et à l’annexion du territoire palestinien par Israël et d’amener ce dernier à cesser d’assujettir le peuple
palestinien, de pratiquer la discrimination à son égard et de le priver de ses droits fondamentaux, y
compris le droit à l’autodétermination. Au contraire, Israël a de plus en plus renforcé ses politiques
- 9 -
et mesures illicites pendant cette période dans le but de créer de nouveaux faits accomplis et
d’imposer par la force un résultat, en violation des normes fondamentales du droit international.
Plutôt que de respecter les droits inaliénables du peuple palestinien et de faciliter la réalisation de la
solution à deux États en mettant fin à l’occupation, Israël a décidé de mener une politique d’apartheid
entre la mer Méditerranée et le Jourdain. Il est devenu tout à fait clair que pour Israël, les Palestiniens
qui résident encore sur le territoire de la Palestine historique doivent soit accepter de survivre dans
des enclaves territoriales où ils sont privés de leurs droits fondamentaux, soit quitter purement et
simplement leur patrie pour rejoindre leurs millions de compatriotes en exil forcé.
C. L’avis sur le mur
1.34. La demande d’avis consultatif dont la Cour est saisie n’est pas le premier cas où elle est
invitée à examiner la licéité du comportement d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. En 2003,
Israël a commencé la construction d’un mur dans le Territoire palestinien occupé par laquelle il
s’appropriait un territoire palestinien et tentait manifestement d’absorber les colonies de peuplement
israéliennes qui y avaient été illicitement établies du côté occidental du mur, afin d’annexer des terres
palestiniennes et les ressources naturelles qu’elles contenaient, le tout en violation flagrante du droit
international.
1.35. Par sa résolution ES-10/14, adoptée le 8 décembre 2003, l’Assemblée générale a
demandé à la Cour de lui donner un avis sur la question suivante : « Quelles sont en droit les
conséquences de l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans
le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, … ,
compte tenu des règles et des principes du droit international ? »18.
1.36. Dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 (ci-après, l’« avis sur le mur »), la Cour a
conclu notamment que « [l]’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, [était] en train de
construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est, et le régime qui lui [était] associé [étaient] contraires au droit international »19.
1.37. Les principales conclusions dégagées par la Cour au sujet de la construction du mur dans
le Territoire palestinien occupé sont les suivantes :
Israël, puissance occupante, a l’obligation juridique de respecter la quatrième convention de
Genève dans le Territoire palestinien occupé20 ;
Toutes les colonies de peuplement israéliennes sont illicites en ce qu’elles constituent des
violations du paragraphe 6 de l’article 49 de la quatrième convention de Genève21 ;
Israël est lié par les conventions internationales relatives aux droits de l’homme dans le Territoire
palestinien occupé et, par conséquent, son comportement doit être apprécié à l’aune du droit
18 Assemblée générale, résolution ES-10/14 du 8 décembre 2003 portant sur les mesures illégales prises par Israël
à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire palestinien occupé.
19 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 201, par. 163.
20 Ibid., p. 173-177, par. 90-101.
21 Ibid., p. 183-184, par. 120-121.
- 10 -
international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, y compris la quatrième
convention de Genève22 ;
Le peuple palestinien jouit du droit à l’autodétermination23 ; la construction du mur
« dresse … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à
l’autodétermination »24 et Israël manque à « l’obligation [qui lui] incomb[e] de respecter ce
droit »25 ;
La création d’une zone fermée entre le mur et la Ligne verte et la constitution d’enclaves portent
atteinte au droit des habitants de circuler librement (« à l’exception des ressortissants israéliens
et assimilés »26) ainsi qu’à l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Elles portent également atteinte aux droits des habitants au travail, à la santé, à l’éducation et à
un niveau de vie suffisant, tels qu’ils sont énoncés dans le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels27 ;
La destruction de biens opérée en vue de la construction du mur constitue une violation de
l’article 53 de la quatrième convention de Genève et ne peut être justifiée par des impératifs
militaires ou des nécessités de sécurité nationale28 ;
Les territoires occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, « demeurent des
territoires occupés » et les mesures illicites prises à l’effet de modifier le statut de la ville de
Jérusalem « n’ont rien changé à cette situation »29 ;
L’édification d’un mur par Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et
sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé sont contraires au droit
international ; et Israël est juridiquement tenu de cesser les travaux d’édification du mur, de le
démanteler et de réparer les dommages causés par sa construction30 ;
Tous les États ont l’obligation juridique de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la
construction du mur, de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation et de faire
respecter par Israël la quatrième convention de Genève31 ;
L’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de
sécurité, doit, « en tenant dûment compte du présent avis consultatif », examiner quelles
nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de
la construction du mur et du régime qui lui est associé32.
1.38. À la suite de l’avis sur le mur, le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et le Conseil
des droits de l’homme ont adopté de nombreuses résolutions dans lesquelles ils exigent qu’Israël
22 Ibid., p. 181, par. 114.
23 Ibid., p. 182-183, par. 118.
24 Ibid., p. 184, par. 122.
25 Ibid.
26 Ibid., p. 189, par. 133.
27 Ibid., p. 189-193, par. 133-136.
28 Ibid., p. 192-194, par. 135-137.
29 Ibid., p. 167, par. 78.
30 Ibid., p. 201-202, par. 163.
31 Ibid., p. 202, par. 163.
32 Ibid.
- 11 -
respecte ses obligations juridiques déterminées par la Cour et condamnent son manquement
persistant à ces obligations. À cet égard, l’avis sur le mur et les résolutions qui le confirment et en
exigent le respect constituent un acquis à l’aune duquel les pratiques israéliennes ultérieures dans le
Territoire palestinien occupé peuvent être appréciées.
1.39. En 2004, la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale et l’avis qui a été donné
à celle-ci par la Cour se limitaient à une et une seule question, celle de savoir « [q]uelles [étaient] en
droit les conséquences de l’édification du mur »33. Ainsi, la Cour n’était pas invitée à se prononcer
sur la question de la licéité de l’occupation en tant que telle et ne l’a donc pas abordée. Elle ne s’est
pas non plus intéressée aux diverses autres violations commises par Israël dans l’ensemble du
Territoire palestinien occupé et contre le peuple palestinien dans son ensemble qui avaient été déjà
condamnées par l’Organisation des Nations Unies, notamment les actes d’expulsion34, le massacre35,
les actes de violence, d’incitation et d’intrusion dans des endroits situés à proximité des Lieux
saints36, les attaques militaires37 et le recours illicite à la force contre les Palestiniens qui a « fait des
blessés et causé des pertes en vies humaines »38, les pertes matérielles39, la destruction des
infrastructures civiles et des installations de sécurité40, les restrictions systémiques et généralisées
frappant les droits civils, sociaux et économiques qui ont créé une « situation épouvantable dans
laquelle se trouve la population civile palestinienne sur le plan humanitaire »41 ainsi que le refus de
permettre le retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers et de les indemniser des pertes qu’ils
ont subies42.
1.40. L’objet de la demande d’avis consultatif formulée par l’Assemblée générale dans sa
résolution ES-10/14 étant limité, la Cour a demandé à Israël d’abolir les mesures illicites qu’il avait
prises, mettant l’accent sur les actes « adoptés en vue de [l’]édification [du mur] et de la mise en
place du régime qui lui [était] associé »43. Néanmoins, lorsque la Cour a conclu que l’édification du
mur était illicite au regard du droit international, elle s’est déclarée préoccupée par le contexte général
des mesures connexes prises par Israël, notamment la création et l’extension des colonies de
peuplement israéliennes et l’annexion potentielle du territoire palestinien par Israël, questions qui
sont au coeur de l’actuelle demande d’avis consultatif.
1.41. À cet égard, la Cour elle-même a estimé que « la construction du mur et le régime qui
lui [était] associé cré[ai]ent sur le terrain un “fait accompli” qui pourrait fort bien devenir permanent,
33 Assemblée générale, résolution ES-10/14 du 8 décembre 2003 portant sur les mesures illégales prises par Israël
à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire palestinien occupé.
34 Conseil de sécurité, résolution 726 (1992) du 6 janvier 1992, par. 1.
35 Ibid., résolution 904 (1994) du 18 mars 1994, par. 1.
36 Ibid., résolution 1073 (1996) du 28 septembre 1996, préambule et par. 1.
37 Ibid., résolution 1402 (2002) du 30 mars 2002, préambule.
38 Ibid., résolution 1322 (2000) du 7 octobre 2000, par. 2.
39 Ibid., résolution 26[5] (1969) du 1er avril 1969, par. 2 (« Déplore les pertes de vies humaines parmi la population
civile, ainsi que les pertes matérielles »).
40 Ibid., résolution 1435 (2002) du 24 septembre 2002, par. 2.
41 Ibid., résolution 1405 (2002) du 19 avril 2002, préambule.
42 Assemblée générale, résolution 194 (III) du 11 décembre 1948, par. 11.
43 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 198, par. 151.
- 12 -
auquel cas, et nonobstant la description officielle qu’Israël donn[ait] du mur, la construction de
celui-ci équivaudrait à une annexion de facto »44.
D. Évolution de la situation depuis le prononcé de l’avis sur le mur
1.42. Les observations formulées par la Cour en 2004 se sont révélées prémonitoires. En effet,
deux décennies plus tard, il est évident que — comme le met parfaitement en évidence le présent
exposé écrit — « la construction du mur et le régime qui lui [était] associé [ont] cré[é] sur le terrain
un “fait accompli” qui [est] deven[u] permanent, auquel cas, et nonobstant la description officielle
qu’Israël donn[ait] du mur, la construction de celui-ci équivau[t] à une annexion de facto »45.
1.43. Au cours des 19 années qui se sont écoulées depuis que la Cour a donné son avis sur le
mur, Israël en a poursuivi l’édification au mépris flagrant des conclusions de la Cour sur l’illicéité
de cette activité et l’obligation d’y renoncer qui incombe à Israël. Ce dernier a également continué
d’étendre son vaste réseau de colonies de peuplement à Jérusalem-Est et dans le reste de la
Cisjordanie. Parallèlement, il a continué d’étendre l’application de ses lois et mécanismes juridiques
internes, d’exproprier à son profit des terres et des ressources naturelles de la Cisjordanie et de
prendre des mesures visant à relier ses colonies de peuplement illicites les unes aux autres et à
lui-même par la construction et l’intégration de routes et d’autres infrastructures, dans le but de créer
sur le terrain des faits destinés à rendre la prise et la colonisation du Territoire palestinien occupé
irréversibles.
1.44. De même, Israël a continué de perpétrer contre les Palestiniens une discrimination raciale
systématique qui ne se distingue plus de l’apartheid, ainsi que des violations des droits fondamentaux
dont ils jouissent en tant qu’êtres humains, dans le but de les soumettre et de faire échouer leur
aspiration nationale à la réalisation de leurs droits inaliénables, notamment de leur droit à
l’autodétermination, y compris à l’indépendance de leur État.
1.45. Plus généralement, au cours des années qui ont suivi le prononcé de l’avis sur le mur,
Israël a totalement cessé de prétexter que l’occupation du Territoire palestinien occupé à laquelle il
s’était livré pendant plus d’un demi-siècle était temporaire comme l’exigeait le droit international.
Ses dirigeants ont déclaré à plusieurs reprises qu’il ne renoncerait jamais à sa prétendue
« souveraineté » sur l’ensemble de Jérusalem ni n’évacuerait aucune des centaines de colonies de
peuplement israéliennes implantées dans toute la Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et qu’au
contraire il transférerait d’autres colons israéliens dans ce qu’il qualifie de « Judée-Samarie ». Selon
son premier ministre actuel, Benjamin Netanyahu, Israël est résolu à :
« faire valoir la souveraineté israélienne sur toutes les collectivités implantées en
Judée-Samarie, qu’elles se trouvent dans les blocs [de colonie], y compris leurs
environs, ou à l’extérieur des blocs, ainsi que celles qui se trouvent dans d’autres zones
indispensables pour garantir notre sécurité et protéger notre patrimoine culturel »46.
44 Ibid., p. 184, par. 121.
45 Ibid.
46 Services du premier ministre israélien, « Cabinet Approves PM Netanyahu’s Proposal to Establish the
Community of Mevo’ot Yericho & PM Remarks at the Start of the Cabinet Meeting », 15 septembre 2019 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/22tfxt2n).
- 13 -
E. L’actuelle demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale
1.46. Les violations du droit international commises par Israël dans le Territoire palestinien
occupé et les atteintes qu’il porte aux droits du peuple palestinien ont été condamnées par de
nombreuses résolutions de l’Organisation des Nations Unies et sont bien mises en évidence dans une
multitude de rapports établis par le Secrétaire général de l’Organisation, le haut-commissaire aux
droits de l’homme, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires et
d’autres organismes des Nations Unies, des commissions spéciales, des commissions d’enquête et
des missions d’établissement des faits indépendantes, des rapporteurs spéciaux, des organes créés en
vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et toute une série d’autres organes
des Nations Unies, ainsi que des organisations non gouvernementales respectées établies dans l’État
de Palestine, en Israël et dans le reste du monde. Le nombre et l’étendue de ces rapports témoignent
non seulement de la gravité, de la prolongation et du caractère systématique des manquements
d’Israël à ses obligations internationales, mais aussi de la mesure dans laquelle la communauté
internationale est consciente de cette situation injuste et de ses effets sur les efforts déployés pour
parvenir à une solution juste et pacifique.
1.47. Par l’adoption de la résolution 77/247 du 30 décembre 2022, l’Assemblée générale a une
fois de plus pris position en faveur des efforts que l’Organisation des Nations Unies déploie de
longue date pour faire en sorte qu’Israël respecte le droit international sur la question de Palestine,
conformément à la responsabilité permanente, sans cesse réaffirmée dans les résolutions pertinentes,
que l’Organisation doit assumer sur cette question jusqu’à ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects
de manière juste.
1.48. Le libellé des questions sur lesquelles la Cour est invitée à donner un avis consultatif
découle directement des faits mis en évidence dans les résolutions et rapports susvisés, à savoir « la
violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination », « son
occupation, … sa colonisation et … son annexion prolongées » du Territoire palestinien occupé et
l’adoption par Israël de « mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le
statut de la ville sainte de Jérusalem » ainsi que de « lois et mesures discriminatoires ». L’existence
de ces faits et violations est établie par des éléments accablants tirés de la documentation de
l’Organisation des Nations Unies qui sont traités en détail dans le présent exposé écrit.
1.49. Les questions dont la Cour a été saisie par l’Assemblée générale visent à élucider les
conséquences juridiques des faits et violations en cause. La détermination autorisée de ces
conséquences par la Cour est indispensable pour obliger Israël à répondre de ses faits
internationalement illicites et faire cesser ceux-ci une fois pour toutes, afin de mettre fin à l’injustice
que le peuple palestinien subit de longue date et de garantir la réalisation de ses droits inaliénables
que la poursuite et l’aggravation de cette situation illicite continuent d’entraver. Comme l’a expliqué
à la suite de l’adoption de la résolution 77/247 la Commission internationale indépendante chargée
d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël créée par
l’Organisation des Nations Unies (ci-après, la « commission d’enquête internationale
indépendante ») :
« l’élucidation définitive des conséquences juridiques du refus d’Israël de mettre fin à
l’occupation et de l’obligation qui incombe aux tierces parties de veiller au respect du
droit international est indispensable pour que les États Membres et l’Organisation des
- 14 -
Nations Unies puissent étudier les nouvelles mesures qu’il convient d’adopter pour
garantir le plein respect du droit international »47.
1.50. Il importe de noter que l’examen des questions dont la Cour est saisie et l’avis consultatif
qu’elle donnera sur ces points apporteront à tous les États et à l’Organisation des Nations Unies des
indications autorisées pour faire en sorte qu’ils ne reconnaissent pas cette situation illicite, qu’ils ne
prêtent pas aide ou assistance à son maintien et qu’ils coopèrent pour y mettre fin et contribuer à la
réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Seule l’existence d’une impunité
durable peut expliquer comment Israël a pu commettre des infractions aussi graves et pendant une
période aussi longue. L’avis consultatif contribuera donc à guider les États et l’Organisation des
Nations Unies dans l’exécution de l’obligation qui leur incombe de veiller à ce que les personnes
responsables répondent de leurs actes et de promouvoir la primauté du droit international.
1.51. L’État de Palestine se félicite de ce que l’Assemblée générale a demandé à la Cour de
s’acquitter d’une fonction pour laquelle elle est particulièrement bien équipée : rendre une décision
judiciaire impartiale et faisant autorité sur l’étendue et la nature des faits internationalement illicites
commis par Israël ainsi que sur les conséquences juridiques qu’ils entraînent pour Israël et pour la
communauté internationale dans son ensemble. Ayant pleinement confiance que l’organe judiciaire
principal des Nations Unies qui est en même temps le gardien de l’ordre juridique international
s’acquittera fidèlement de cette responsabilité solennelle, il s’adresse à la Cour avec le plus grand
respect et la plus grande foi en la primauté du droit international et en la capacité de la Cour à rendre
justice en orientant l’action nationale et internationale.
III. COMPÉTENCE DE LA COUR
1.52. Le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies dispose que
« [l]’Assemblée Générale ou le Conseil de Sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice
un avis consultatif sur toute question juridique »48.
1.53. Le paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour dispose également que « [l]a Cour
peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution
qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander
cet avis »49.
1.54. Ces dispositions suffisent à établir que l’Assemblée générale a qualité pour demander un
avis consultatif à la Cour et que celle-ci a compétence pour donner l’avis demandé.
1.55. La résolution 77/247, qui énonce la demande d’avis consultatif, a été adoptée à une nette
majorité des Membres de l’Organisation des Nations Unies ayant voté sur la question et doit donc
être considérée comme l’expression de la volonté juridiquement valable de l’Assemblée générale.
47 « Commission of Inquiry welcomes General Assembly resolution requesting an ICJ Advisory Opinion relating
to the Israeli occupation of Palestinian territory », communiqué de presse de l’Organisation des Nations Unies en date du
31 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/26c6u6e9).
48 Charte des Nations Unies, art. 96, par. 1.
49 Ibid., art. 65, par. 1.
- 15 -
1.56. Bien que le libellé du paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour laisse à celle-ci la
faculté d’accepter ou de refuser, elle n’a jamais refusé de donner un avis consultatif lorsque la
demande en a été faite. Selon sa jurisprudence constante50, il faudrait des « raisons décisives » pour
l’amener à opposer un tel refus. En l’espèce, il est évident que de telles raisons n’existent pas. Au
contraire, les questions juridiques soumises à la Cour sont à la fois urgentes et pertinentes, en
particulier au vu de l’évolution récente de la situation dans le Territoire palestinien occupé, marquée
par la poursuite et l’intensification des violations du droit international, notamment de la Charte des
Nations Unies et des normes impératives du droit international, qui font l’objet des chapitres
suivants.
1.57. En outre, la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale s’inscrit dans le cadre
de la responsabilité permanente qui incombe à l’Organisation des Nations Unies de régler la question
de Palestine. Comme l’a relevé la Cour dans son avis consultatif sur le mur, cette responsabilité
découle des obligations mises à la charge de l’Organisation par la Charte en matière de paix et de
sécurité internationales et « trouve également son origine dans le mandat et dans la résolution relative
au plan de partage de la Palestine »51. La Cour a aussi relevé ce qui suit :
« Cette responsabilité a été décrite par l’Assemblée générale comme “une
responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de Palestine jusqu’à
ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect de
la légitimité internationale” … Dans le cadre institutionnel de l’Organisation, cette
responsabilité s’est concrétisée par l’adoption de nombreuses résolutions du Conseil de
sécurité et de l’Assemblée générale, ainsi que par la création de plusieurs organes
subsidiaires spécifiquement établis pour oeuvrer à la réalisation des droits inaliénables
du peuple palestinien. »52
1.58. À ce jour, le Conseil de sécurité a adopté environ 90 résolutions sur la question de
Palestine. Celles-ci sont complétées par de nombreuses résolutions importantes de l’Assemblée
générale qui qualifient également la situation de menace pour la paix et la sécurité internationales53.
Par ces résolutions, adoptées au cours des 75 dernières années, l’Organisation des Nations Unies a
reconnu à plusieurs reprises qu’elle est investie d’une « responsabilité permanente en ce qui concerne
la question de Palestine, jusqu’à ce que celle-ci soit réglée sous tous ses aspects »54.
1.59. Tout au long de cette période, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont
proclamé dans leurs résolutions relatives à la Palestine un certain nombre de principes fondamentaux
qui intéressent directement les questions énoncées dans la demande d’avis consultatif, à savoir :
i) l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force55 ;
50 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 156, par. 44. Voir également Conformité au droit international de la déclaration unilatérale
d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 416, par. 30 ; Effets juridiques de la
séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 113, par. 65.
51 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 159, par. 49.
52 Ibid.
53 Assemblée générale, résolution ES 10/2 du 25 avril 1997, préambule.
54 Ibid., résolution 75/20 du 2 décembre 2020, préambule.
55 Voir par. 2.15 à 2.43 ci-dessous.
- 16 -
ii) l’applicabilité de la quatrième convention de Genève de 1949 au Territoire palestinien
occupé56 ;
iii) la nullité et l’illicéité des mesures, pratiques et politiques législatives et administratives
visant à modifier le caractère, le statut et la composition démographique de la ville sainte de
Jérusalem57 et du Territoire palestinien occupé dans son ensemble, notamment de la création
de colonies de peuplement israéliennes58 ;
iv) le principe selon lequel Israël, puissance occupante, est tenu de promouvoir les droits
humains de la population palestinienne dans le Territoire palestinien occupé59 ; et
v) l’obligation incombant à tous les États, dont Israël, d’oeuvrer à la réalisation du droit du
peuple palestinien à l’autodétermination.
1.60. Ainsi qu’il est abondamment démontré dans le présent exposé écrit, c’est constamment
qu’Israël viole ces résolutions et foule aux pieds les principes qui y sont mentionnés.
1.61. Dans sa résolution 77/247, et dans de nombreuses résolutions antérieures, l’Assemblée
générale souligne qu’il est nécessaire que « les institutions spécialisées et organismes des
Nations Unies … continue[nt] de soutenir le peuple palestinien et de l’aider à exercer au plus tôt ses
droits inaliénables, notamment son droit à l’autodétermination, avec toute la célérité voulue ». Cet
appel fait écho à la position prise par la Cour dans l’avis sur le mur :
« La Cour, soucieuse d’apporter son soutien aux buts et principes inscrits dans la
Charte des Nations Unies, en particulier le maintien de la paix et de la sécurité
internationales et le règlement pacifique des différends, tient à souligner la nécessité
urgente que l’Organisation des Nations Unies dans son ensemble redouble ses efforts
en vue de mettre rapidement un terme au conflit israélo-palestinien, qui continue de
poser une menace à la paix et à la sécurité internationales, et d’établir ainsi une paix
juste et durable dans la région. »60
1.62. Les mêmes considérations commandent que la Cour réponde aux questions juridiques
que l’Assemblée générale lui a soumises dans sa résolution 77/247. Si l’Assemblée générale a décidé
de demander l’avis de la Cour sur un large éventail de sujets intéressant la question de Palestine dans
son ensemble et non pas sur un point particulier de la question comme dans le cas du mur, c’est dans
l’intention d’obtenir les indications dont la communauté internationale a besoin pour intervenir sur
le fondement du droit à ce moment critique pour le peuple palestinien et pour accroître les
perspectives d’instauration d’une paix juste et durable.
56 Voir par. 2.3-2.9 ci-dessous.
57 Voir par. 3.12-3.145 ci-dessous.
58 Voir par. 3.72-3.117 ; et 3.194-3.238 ci-dessous.
59 Voir par. 4.7-4.202 ci-dessous.
60 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 200, par. 161.
- 17 -
IV. STRUCTURE DU PRÉSENT EXPOSÉ ÉCRIT
1.63. L’exposé écrit de l’État de Palestine comprend sept chapitres. Après le présent chapitre
introductif, le chapitre 2 expose les règles et principes du droit international pertinents. Il accorde en
particulier une large place à trois normes impératives du droit international général auxquelles il n’est
pas permis de déroger : 1) l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi
de la force ; 2) l’interdiction d’imposer des régimes de discrimination raciale ou d’apartheid ; et
3) l’obligation de respecter le droit des peuples à l’autodétermination.
1.64. Le chapitre 3 traite, dans sa partie A, de l’annexion illicite de Jérusalem par Israël ainsi
que des modifications que ce dernier a apportées illicitement à la composition démographique, au
caractère et au statut de la Ville sainte et, dans sa partie B, de l’annexion illicite du reste de la
Cisjordanie par Israël. Comme il est indiqué dans la partie A, depuis qu’il a pris le contrôle de
Jérusalem-Ouest (en 1948) et de Jérusalem-Est (en 1967) par la force, Israël a adopté un nombre
important de lois et de règlements visant à proclamer sa « souveraineté » sur Jérusalem et l’espace
environnant et à l’exercer. Au mépris de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de
l’Assemblée générale, ses dirigeants et ses gouvernements ont à plusieurs reprises déclaré que
Jérusalem était la « capitale éternelle de l’État d’Israël » — position que la Knesset a expressément
exprimée et codifiée dans la « loi fondamentale » constitutionnelle d’Israël — et agi comme si tel
était le cas. En outre, Israël a construit 14 colonies de peuplement à Jérusalem-Est et y a installé plus
de 230 000 colons israéliens afin de créer une majorité israélienne juive et d’asseoir davantage sa
domination sur la Ville sainte. Depuis le début des décennies d’occupation, Israël a également démoli
des milliers de maisons palestiniennes et privé les Palestiniens habitant la ville de leurs droits, dans
le but délibéré de chasser la population palestinienne autochtone et de modifier davantage la
composition démographique de la ville.
1.65. La partie B du chapitre 3 montre qu’Israël a adopté des lois, des règlements et des
mesures administratives tendant à proclamer, expressément et implicitement, sa « souveraineté » sur
le reste de la Cisjordanie. De hautes autorités administratives israéliennes, y compris les premiers
ministres successifs, ont proclamé à de nombreuses reprises en public la « souveraineté » d’Israël sur
la Cisjordanie et sa détermination à conserver de manière permanente ce territoire occupé. Ces lois
et propos annexionnistes ont été accompagnés d’un très large éventail d’actes annexionnistes,
notamment l’implantation de plus de 270 colonies israéliennes illicites abritant près d’un
demi-million de colons israéliens dans toute la Cisjordanie, dans le cadre d’une politique délibérée
de colonisation du territoire et de création de faits matériels sur le terrain visant à établir de manière
permanente la présence d’Israël en Cisjordanie et son contrôle sur celle-ci. Parallèlement et dans le
même but, Israël a créé un environnement coercitif qui vise à déplacer de force les Palestiniens de la
Cisjordanie.
1.66. Le chapitre 4 traite des lois et mesures discriminatoires qu’Israël a mises en place pour
établir un régime systématique de discrimination raciale à l’égard du peuple palestinien qui équivaut
à l’apartheid. Ce régime, qui présume et consacre l’existence d’une hiérarchie raciale marquée entre
les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens, est en vigueur des deux côtés de la Ligne verte et plus
rigoureux dans le Territoire palestinien occupé, où il se caractérise par l’application de lois et de
mécanismes juridiques différents aux deux groupes raciaux distincts vivant dans le même territoire
occupé. C’est un système de discrimination raciale et de persécution qui porte atteinte aux droits des
Palestiniens à la vie, à la liberté, à la liberté d’expression et de réunion, à la liberté de circulation, à
la liberté de religion et à toute une série de droits économiques, sociaux et culturels, en violation du
droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, ainsi que de
l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid qui constitue une norme du jus cogens,
dans le but d’étouffer les droits et les aspirations nationales légitimes du peuple palestinien et de
pérenniser le contrôle permanent d’Israël sur le Territoire palestinien occupé.
- 18 -
1.67. Le chapitre 5 explique pourquoi les actes d’Israël exposés aux chapitres 3 et 4 constituent
des dénis graves, flagrants et permanents du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. La
colonisation, l’annexion, la discrimination raciale et l’apartheid sont considérés comme des
violations flagrantes de ce droit fondamental. Le chapitre montre que le droit du peuple palestinien
à l’autodétermination est reconnu depuis longtemps par l’Organisation des Nations Unies et la
communauté internationale dans son ensemble. Dans son avis consultatif de 2004, la Cour a relevé
que le peuple palestinien jouissait du droit à l’autodétermination, a confirmé qu’il s’agissait d’un
droit opposable erga omnes et a constaté qu’Israël le violait. Il ressort du chapitre 5 qu’Israël continue
de violer cette norme du jus cogens, en dépit de l’avis de la Cour et de la position de l’Organisation
des Nations Unies qui estime de longue date qu’il doit respecter ce droit.
1.68. Au chapitre 6, l’État de Palestine explique pourquoi les faits relatés dans les chapitres
précédents conduisent inexorablement à la conclusion que l’occupation par Israël du Territoire
palestinien occupé, dans son intégralité, est en soi un fait internationalement illicite. L’occupation du
Territoire palestinien occupé par Israël et la poursuite de la présence de ce dernier dans le territoire
portent atteinte à plusieurs normes impératives du droit international général auxquelles il n’est pas
permis de déroger, notamment 1) l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force ;
2) l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid ; et 3) l’obligation de respecter le droit
des peuples à l’autodétermination. Ces violations intentionnelles de normes juridiques
internationales fondamentales sont indissociables de l’occupation elle-même et mettent en évidence
l’illicéité de son but.
1.69. Le chapitre 7 traite, dans sa partie A, des conséquences juridiques que les faits
internationalement illicites commis par Israël entraînent pour lui. Deux obligations fondamentales
naissent des faits illicites d’Israël :
a) Premièrement, Israël est tenu de mettre fin — totalement, inconditionnellement et
immédiatement — à toutes ses violations du droit international et de fournir dûment des
assurances et garanties de non-répétition de ces violations ;
b) Deuxièmement, Israël est tenu de réparer intégralement le préjudice que ses violations du droit
international ont causé à l’État de Palestine et au peuple palestinien.
1.70. Enfin, la partie B du chapitre 7 traite des conséquences juridiques que les faits
internationalement illicites commis par Israël entraînent pour les États tiers et les organisations
internationales, dont l’Organisation des Nations Unies. Trois obligations distinctes, mais liées, en
découlent :
a) Premièrement, l’obligation de non-reconnaissance commande que les États et les organisations
internationales, dont l’Organisation des Nations Unies, s’abstiennent de reconnaître la licéité de
la situation qu’Israël a créée par ses faits illicites ;
b) Deuxièmement, ils sont également tenus de s’abstenir de contribuer à la violation des droits du
peuple palestinien ;
c) Troisièmement, les États et l’Organisation des Nations Unies ont l’obligation positive de
coopérer pour protéger les droits du peuple palestinien et mettre fin à la violation de ces droits
par Israël.
- 19 -
1.71. Le présent exposé écrit est assorti d’un volume d’annexes contenant des documents dont
l’État de Palestine estime qu’ils peuvent être utiles à la Cour, mais qui ne figurent pas parmi ceux
que l’Organisation des Nations Unies lui a déjà communiqués et pourraient ne pas être facilement
accessibles en ligne.
- 20 -
CHAPITRE 2
DROIT APPLICABLE
2.1. L’Assemblée générale a demandé à la Cour de donner son avis consultatif
« compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des
Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de
l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de
l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet
2004 »61.
2.2. Le présent chapitre recense les règles du droit international humanitaire et du droit
international des droits de l’homme applicables (section I) dont la violation sous-tend les atteintes
portées aux normes impératives du droit international général par Israël et en fait partie intégrante
(section II).
I. RÈGLES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET DU DROIT INTERNATIONAL
DES DROITS DE L’HOMME APPLICABLES
A. Droit international humanitaire
2.3. Il est de jurisprudence constante que la convention (IV) de La Haye de 1907 concernant
les lois et coutumes de la guerre sur terre, ainsi que le règlement qui y est annexé62, et la
convention (IV) de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre63
sont applicables au Territoire palestinien occupé64. Comme l’a relevé la Cour dans l’avis sur le mur,
les dispositions du règlement de La Haye de 1907 « ont acquis un caractère coutumier » et sont donc
applicables au Territoire palestinien occupé65. De même, après avoir rejeté l’argument d’Israël selon
lequel la quatrième convention de Genève n’était pas applicable de jure au Territoire palestinien
occupé, la Cour a estimé, sur le fondement du droit des traités, qu’elle s’y appliquait effectivement
comme « dans tout territoire occupé en cas de conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs parties
contractantes »66.
2.4. Il convient de noter que le conflit armé qui dure depuis 1967, notamment l’occupation par
Israël du Territoire palestinien occupé et d’autres territoires arabes, intéresse des Hautes Parties
61 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, par. 18.
62 Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (conclue le 18 octobre 1907 et entrée en vigueur
le 26 janvier 1910), annexe (ci-après le « règlement de La Haye de 1907 »).
63 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (conclue le 12 août 1949
et entrée en vigueur le 21 octobre 1950), Nations Unies, Recueil des traités (RTNU), vol. 75, p. 287 (ci-après la « quatrième
convention de Genève »).
64 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 172 et 177, par. 89 et 101.
65 Ibid., p. 172, par. 89. Voir également Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 256, par. 75 ; Jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg du 30 septembre et
1er octobre 1946, p. 455 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 229, par. 171.
66 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 177, par. 101.
- 21 -
contractantes à la quatrième convention de Genève, à savoir Israël67, l’Égypte68, la Jordanie69, la
Syrie70 et l’État de Palestine71. Israël est la seule de ces parties à avoir émis des réserves à la
convention, dont aucune n’est d’ailleurs pertinente dans la présente procédure72. Le protocole
additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des
conflits armés internationaux, conclu le 8 juin 197773, est également digne d’intérêt dans la
procédure. Tous les États susmentionnés, à l’exception d’Israël, en sont parties74.
2.5. En ce qui concerne le droit coutumier, il découle du nombre des Hautes Parties
contractantes à la quatrième convention de Genève — 196 États au 30 juin 2023 — que celle-ci est
largement considérée comme une codification de la coutume75. C’est la position adoptée par le
Secrétaire général dans son rapport de mai 1993 sur la création du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie, où il déclare que
« [l]a partie du droit international humanitaire conventionnel qui est sans aucun doute
devenue partie du droit international coutumier est le droit applicable aux conflits
armés qui fait l’objet des instruments suivants : les Conventions de Genève du 12 août
1949 pour la protection des victimes de la guerre »76.
2.6. Le rapport du Secrétaire général a ensuite été entériné par le Conseil de sécurité dans sa
résolution 827 du 5 mai 199377.
2.7. Depuis 1967, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont constamment réaffirmé
que la quatrième convention de Genève était applicable au Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et invité Israël à respecter scrupuleusement les obligations et les responsabilités mises
à sa charge par cette convention. La dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée
67 Signée le 12 août 1949 et ratifiée le 6 juillet 1951.
68 Signée le 12 août 1949 et ratifiée le 10 novembre 1952.
69 Ratifiée le 29 mai 1951.
70 Signée le 12 août 1949 et ratifiée le 2 novembre 1953.
71 Voir Comité international de la Croix-Rouge (CICR) — Bases de données du CICR sur le droit international
humanitaire, en ligne, Palestine (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5w9vxxtd).
72 Voir CICR — Bases de données du CICR sur le droit international humanitaire, en ligne, Israël (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/bdevyce9). Voir également Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans
le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 173, par. 91.
73 Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux, conclu le 8 juin 1977, RTNU, vol. 1125, p. 3 (ci-après le « protocole additionnel Ⅰ »).
74 L’Égypte a ratifié le protocole le 9 octobre 1992 et la Jordanie le 1er mai 1979 ; la Syrie y a adhéré le 14 novembre
1983 et l’État de Palestine le 2 avril 2014.
75 Pour un rappel du droit international humanitaire coutumier, voir J.-M. Henckaerts et L. Doswald-Beck, « Droit
international humanitaire coutumier — Volume I : Règles », Comité international de la Croix-Rouge et éditions Bruyland,
2005.
76 Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de
sécurité, en date du 3 mai 1993, doc. S/25704, par. 35 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/S/25704).
77 Conseil de sécurité, résolution 827 (1993) du 25 mai 1993, préambule et par. 1. Il est aussi largement admis que
nombre de dispositions du protocole additionnel I sont l’expression du droit international coutumier. Voir J. Pictet et autres,
« Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949 », CICR, 1987,
p. 19, par. 7, dans CICR, bases de données de droit international humanitaire, protocole additionnel aux conventions de
Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I), 8 juin 1977.
Commentaire de 1987, titre du protocole (accessible à l’adresse suivante : https://ihl-databases.icrc.org/
fr/ihl-treaties/api-1977/title/commentary/1987?activeTab=undefined.
- 22 -
générale, convoquée pour la première fois en avril 1997, a également affirmé cette position à
plusieurs reprises et a maintes fois invité les Hautes Parties contractantes à se réunir pour examiner
la question et d’autres questions juridiques pertinentes78.
2.8. En 2001, la conférence des Hautes Parties contractantes a « réaffirmé » que la quatrième
convention de Genève était applicable au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et
a notamment fait la déclaration suivante :
« Les Hautes Parties Contractantes participantes appellent la Puissance occupante
à s’abstenir immédiatement de commettre des infractions graves qui comportent l’un ou
l’autre des actes mentionnés dans l’article 147 de la Quatrième Convention de Genève,
tels que l’homicide intentionnel, la torture, la déportation illégale, le fait de priver (une
personne protégée) de son droit d’être jugée régulièrement et impartialement, la
destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire. Les Hautes Parties
Contractantes participantes rappellent que selon l’article 148 aucune Haute Partie
Contractante ne pourra s’exonérer elle-même des responsabilités encourues par
elle-même en raison des infractions graves. Les Hautes Parties Contractantes
participantes rappellent également les responsabilités de la Puissances occupante selon
l’article 29 de la Quatrième Convention de Genève concernant le traitement des
personnes protégées. »79
2.9. Après le prononcé de l’avis sur le mur, le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et le
Conseil des droits de l’homme ont affirmé dans de nombreuses résolutions que la quatrième
convention de Genève était toujours applicable au Territoire palestinien occupé. Par exemple, dans
sa résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité a réaffirmé « qu’Israël,
Puissance occupante, [était] tenu de respecter scrupuleusement ses obligations et responsabilités
juridiques découlant de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre »80. De même, dans sa résolution 77/247 du 30 décembre 2022 contenant
la demande d’avis consultatif dont la Cour est saisie, l’Assemblée générale a réaffirmé que « la
Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août
194911, [était] applicable au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »81. En outre,
dans sa résolution 49/4 du 31 mars 2022, le Conseil des droits de l’homme a rappelé que la quatrième
convention de Genève était « applicable au Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est »82. Cette position a également été confirmée sans équivoque par la conférence des
Hautes Parties contractantes à la quatrième convention de Genève qui, en 2014, a « soulign[é] que la
quatrième Convention de Genève … [était] toujours applicable et pertinente » dans le Territoire
78 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolution ES-10/7 du 20 octobre 2000, portant sur les mesures illégales
prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du Territoire palestinien occupé.
79 Conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième convention de Genève, déclaration en date du
5 décembre 2001, par. 13 (accessible à l’adresse suivante : https://www.eda.admin.ch/content/dam/EDA-Event/GVA%20
Convention/CHCP-Declaration-2001_FR.pdf.
80 Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, préambule.
81 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, préambule.
82 Conseil des droits de l’homme, résolution 49/4 du 31 mars 2022, préambule.
- 23 -
palestinien occupé et a « appel[é] la Puissance occupante à respecter pleinement et effectivement la
quatrième Convention de Genève dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »83.
B. Droit international des droits de l’homme
2.10. Plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme s’appliquent dans la
présente procédure. Parmi les plus importants figurent le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques84, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels85, la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale86, la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes87, la convention relative aux droits de l’enfant88 et la convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants89. L’État de Palestine et Israël sont tous deux
parties à ces instruments90.
2.11. Tous les organes des Nations Unies chargés de veiller au respect de ces instruments ont
confirmé que ceux-ci s’appliquaient aux actes accomplis par Israël dans le Territoire palestinien
occupé, rejetant uniformément et catégoriquement l’argument d’Israël selon lequel les obligations
mises à sa charge par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ne s’étendaient
83 Lettre datée du 29 décembre 2014 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Suisse
auprès de l’Organisation des Nations Unies, annexe, « Déclaration adoptée par la conférence de Hautes Parties
contractantes à la quatrième Convention de Genève du 17 décembre 2014 », doc. A/69/711-S/2015/1 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/69/711). Dans leur pratique, les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales de
l’Organisation des Nations Unies confirment que la quatrième convention de Genève est toujours applicable au Territoire
palestinien occupé et dans son intégralité, y compris les dispositions qui auraient pu être exclues en vertu de la règle
prévoyant la cessation de l’application de la convention « un an après » la fin générale des opérations militaires qui est
énoncée au troisième alinéa de l’article 6. Voir, par exemple, le rapport de la mission d’établissement des faits de
l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, en date du 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48, par. 46, 50, 53
et 1169 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48), et le rapport du rapporteur spécial sur la
situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, en date du 13 avril 2017,
doc. A/HRC/34/70, par. 25 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/34/70).
84 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (conclu le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le
23 mars 1976), RTNU, vol. 999, p. 171 (ratifié par Israël le 3 octobre 1991).
85 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (conclu le 16 décembre 1966 et entré en
vigueur le 3 janvier 1976), RTNU, vol. 993, p. 3 (ratifié par Israël le 3 octobre 1991).
86 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (conclue le 7 mars 1966
et entrée en vigueur le 4 janvier 1969), RTNU, vol. 660, p. 195 (ratifiée par Israël le 3 janvier 1979).
87 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (conclue le
18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre 1981), RTNU, vol. 1249, p. 13 (ratifiée par Israël le 3 octobre 1991).
88 Convention relative aux droits de l’enfant (conclue le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur le 2 septembre
1990), RTNU, vol. 1577, p. 3 (ratifiée par Israël le 3 octobre 1991).
89 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (conclue le
10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987), RTNU, vol. 1465, p. 65 (ratifiée par Israël le 3 octobre 1991).
90 Les dates d’adhésion de la Palestine aux instruments pertinents sont les suivantes : Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (2 juillet 2014) ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2 juillet
2014) ; convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (2 mai 2014) ; convention
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (2 juillet 2014) ; convention relative aux
droits de l’enfant (2 mai 2014) ; convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(2 mai 2014).
- 24 -
pas à ce territoire91. Par exemple, le 2 mai 2022, le Comité des droits de l’homme a fait l’observation
suivante :
« Le Comité dit une nouvelle fois sa préoccupation face à la position inchangée
de l’État partie selon laquelle le Pacte ne s’applique pas aux personnes relevant de sa
juridiction mais se trouvant hors de son territoire, une position qui va à l’encontre de
l’interprétation de l’article 2 (par. 1) du Pacte, telle qu’elle ressort de la jurisprudence
du Comité, d’autres organes conventionnels et de la Cour internationale de Justice, et
de la pratique des États. Il est également préoccupé par la position de l’État partie selon
laquelle le droit international des droits de l’homme ne s’applique pas en cas
d’application du droit international humanitaire (art. 2). »92
2.12. Dans l’avis sur le mur, la Cour a conclu que le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la
convention relative aux droits de l’enfant s’appliquaient au Territoire palestinien occupé93. De
manière plus générale, elle a estimé que « la protection offerte par les conventions régissant les droits
de l’homme ne cess[ait] pas en cas de conflit armé », sous réserve uniquement des clauses
dérogatoires spécifiques prévues par les conventions concernées94. Elle a en outre déclaré que les
instruments relevant du droit des droits de l’homme étaient applicables « aux actes d’un État agissant
dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire »95.
2.13. En ce qui concerne le droit coutumier, diverses normes relatives aux droits de l’homme
considérées comme des principes du droit à caractère coutumier lient également Israël, y compris
dans le cadre de son occupation du Territoire palestinien occupé. La Déclaration universelle des
droits de l’homme est un exemple majeur parmi les instruments relatifs aux droits de l’homme qui
portent codification de la coutume96.
91 Voir, par exemple, Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport
périodique d’Israël, 5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 6 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5) ; Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales
concernant le quatrième rapport périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 8 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/E/C.12/ISR/CO/4) ; Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,
observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier
2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 9 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19) ;
Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, observations finales concernant le sixième rapport
périodique d’Israël, 17 novembre 2017, doc. CEDAW/C/ISR/CO/6, par. 14 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/CEDAW/C/ISR/CO/6) ; Comité des droits de l’enfant, observations finales concernant les deuxième,
troisième et quatrième rapports périodiques d’Israël soumis en un seul document, 4 juillet 2013, doc. CRC/C/ISR/CO/2-4,
par. 3 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CRC/C/ISR/CO/2-4) ; Comité contre la torture, observations
finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 3 juin 2016, doc. CAT/C/ISR/CO/5, par. 8 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/CAT/C/ISR/CO/5).
92 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 6 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/
C/ISR/CO/5).
93 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 180-181, par. 111-113.
94 Ibid., p. 178, par. 106.
95 Ibid., p. 178 et 180, par. 106 et 111. Voir également Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 242-243, par. 216 ; Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 386, par. 109.
96 Assemblée générale, résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, intitulée « Déclaration universelle des droits
de l’homme ».
- 25 -
II. NORMES IMPÉRATIVES DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL APPLICABLES
DANS LA PRÉSENTE PROCÉDURE
2.14. Comme l’a déclaré la Commission du droit international (ci-après, la « CDI »), les
normes impératives du droit international général (jus cogens) présentent « trois principales
caractéristiques » : 1) elles protègent des valeurs fondamentales pour l’ordre juridique international
« qui sont partagées par la communauté internationale dans son ensemble » ; 2) elles sont
« universellement applicables » du fait qu’elles ne souffrent aucune dérogation, les États ne pouvant
s’en affranchir en créant leurs propres règles spéciales qui seraient incompatibles avec elles ; et
3) elles sont « hiérarchiquement supérieures aux autres normes du droit international » qui n’ont pas
le même caractère97, et emportent des obligations erga omnes. La Cour elle-même a constaté le
caractère erga omnes de ces obligations.
A. L’inadmissibilité de l’acquisition de territoire
par la menace ou l’emploi de la force
2.15. L’interdiction du recours à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État est consacrée par le paragraphe 4 de l’article 2
de la Charte des Nations Unies et constitue une des pierres angulaires indispensables de l’ordre
juridique international. Elle a trouvé une expression universelle dans le principe de l’interdiction de
l’acquisition de territoire par la force. Le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte dispose que « [l]es
Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la
menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de
tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les Buts des Nations Unies »98.
2.16. En l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique
du Congo c. Ouganda), la Cour a indiqué que « [l]’interdiction de l’emploi de la force constitu[ait]
une pierre angulaire de la Charte des Nations Unies »99.
2.17. Le terme « force » tel qu’il est utilisé au paragraphe 4 de l’article 2 inclut nécessairement
la force armée100. Cela étant, l’article 2 s’applique notamment aux situations d’occupation militaire,
ces situations emportant ipso facto emploi permanent de la force à l’intérieur du territoire occupé et
contre celui-ci, et interdit l’acquisition de tout ou partie de ce territoire par les forces militaires
d’occupation101.
2.18. L’interdiction de l’emploi de la force s’applique également dans les cas où la force est
employée de toute autre manière incompatible avec les « buts des Nations Unies », notamment le but
qui consiste à développer entre les nations « des relations amicales fondées sur le respect du principe
97 Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit
international général (jus cogens), rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session
(18 avril-3 juin et 4 juillet-5 août 2022), doc. A/77/10, p. 18 et 22-24, par. 2-3, 10 et 14 du commentaire relatif à la
conclusion 2.
98 Charte des Nations Unies, art. 2, par. 4.
99 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J.
Recueil 2005, p. 223, par. 148.
100 B. Simma et autres (sous la dir. de), The Charter of the United Nations: A Commentary, deuxième édition
(Oxford University Press, 2002), p. 25. Voir également Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 101, par. 191.
101 Voir, par exemple, Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171, par. 87.
- 26 -
de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », tel qu’il est énoncé au
paragraphe 2 de l’article 1 de la Charte des Nations Unies102.
2.19. Cette interdiction a été reprise et renforcée dans trois résolutions historiques adoptées
par l’Assemblée générale : la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, intitulée « Déclaration
relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les
États conformément à la Charte des Nations Unies »103, la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre
1974, intitulée « Définition de l’agression »104 et la résolution 42/22 du 18 novembre 1987, intitulée
« Déclaration sur le renforcement de l’efficacité du principe de l’abstention du recours à la menace
ou à l’emploi de la force dans les relations internationales »105.
2.20. Dans sa résolution 2625 (XXV), l’Assemblée générale a adopté par consensus sept
principes découlant de la Charte et en a précisé le contenu. Elle l’a fait de manière à garantir leur
applicabilité à tous les États, et pas seulement aux Membres de l’Organisation des Nations Unies,
estimant que ces principes fondamentaux étaient d’une importance capitale pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales106. De ce fait, elle a déclaré que « [l]es principes de la Charte qui
[étaient] inscrits dans la … Déclaration constitu[ai]ent des principes fondamentaux du droit
international » et a demandé en conséquence « à tous les États de s’inspirer de ces principes dans
leur conduite internationale et de développer leurs relations mutuelles sur la base du respect
rigoureux desdits principes »107. Comme l’a relevé la Cour en l’affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), « [l]’effet
d’un consentement au texte » de la déclaration relative aux relations amicales « ne peut être interprété
comme celui d’un simple rappel ou d’une simple spécification de l’engagement conventionnel pris
dans la Charte. Il peut au contraire s’interpréter comme une adhésion à la valeur de la règle ou de la
série de règles déclarées par la résolution … elles-mêmes »108. La déclaration relative aux relations
amicales a été citée avec approbation par la Cour à de multiples reprises109.
2.21. Le premier principe énoncé dans la déclaration relative aux relations amicales est libellé
comme suit :
« [L]es États s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la
menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance
102 Charte des Nations Unies, art. 1, par. 2.
103 Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, portant sur la déclaration relative aux principes
du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des
Nations Unies (ci-après la « déclaration relative aux relations amicales »).
104 Assemblée générale, résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974, intitulée « Définition de l’agression ».
105 Assemblée générale, résolution 42/22 du 18 novembre 1987, intitulée « Déclaration sur le renforcement de
l’efficacité du principe de l’abstention du recours à la menace ou à l’emploi de la force dans les relations internationales ».
106 H. Keller, « Friendly Relations Declaration (1970) », Max Planck Encyclopedia of International Law
(juin 2009), par. 13.
107 Déclaration relative aux relations amicales, dispositions générales, point 3.
108 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 99-100, par. 188.
109 Voir, par exemple, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 133 et 139, par. 155 et 180 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 226 et 268, par. 162 et 300.
- 27 -
politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des
Nations Unies. »110
2.22. Dans l’exposé détaillé du contenu de ce principe, la déclaration relative aux relations
confirme que :
« Le territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une acquisition par un autre État à la suite du
recours à la menace ou à l’emploi de la force ».
« Tout État a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait de leur
droit à l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance les peuples » ; et
« Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue
comme légale »111.
2.23. Dans sa résolution 3314 (XXIX), l’Assemblée générale a adopté une définition de
l’agression fondée sur le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte : « L’agression est l’emploi de la
force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique
d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies »112.
2.24. La résolution 3314 (XXIX) cite au nombre des actes susceptibles d’être qualifiés
d’agression « [l]’invasion ou l’attaque du territoire d’un État par les forces armées d’un autre État,
ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque,
ou toute annexion par l’emploi de la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un autre
État »113.
2.25. La CDI a reconnu le caractère de jus cogens attaché à l’interdiction de l’agression114. Le
crime d’agression est également considéré par le Statut de Rome comme l’un des crimes les plus
graves touchant l’ensemble de la communauté internationale qui relèvent de la compétence de la
Cour pénale internationale115.
2.26. Dans sa résolution 42/22, l’Assemblée générale a réaffirmé que « [t]out État a[vait] le
devoir de s’abstenir, dans ses relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la
force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies », ajoutant que « [p]areil recours à la menace
ou à l’emploi de la force constitu[ai]t une violation du droit international et de la Charte des
Nations Unies et engage[ait] la responsabilité internationale ». La déclaration dispose en outre que
« [n]e seront reconnues comme légales ni l’acquisition de territoire résultant du recours à la menace
110 Déclaration relative aux relations amicales, annexe, point 1.
111 Ibid.
112 Assemblée générale, résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974, annexe, art. premier.
113 Ibid., art. 3, al. a) (les italiques sont de nous).
114 Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit
international général (jus cogens), Rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session
(18 avril-3 juin et 4 juillet-5 août 2022), doc. A/77/10, p. 86-87, paragraphe 7 du commentaire relatif à la conclusion 23 et
annexe du projet de conclusions.
115 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, RTNU, vol. 2187, p. 90, art. 5 et art. 8bis.
- 28 -
ou à l’emploi de la force, ni l’occupation de territoire résultant du recours à la menace ou à l’emploi
de la force en violation du droit international »116.
2.27. Le principe fondamental interdisant l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi
de la force trouve donc son origine dans un objectif qui consiste à sauvegarder deux des valeurs les
plus fondamentales du système international — manifestement en cause dans la présente
procédure —, à savoir l’illicéité de l’acquisition de territoire résultant du recours à la menace ou à
l’emploi de la force et l’obligation de respecter le droit des peuples à l’autodétermination. Dans l’avis
sur le mur, la Cour a confirmé sans réserve l’interdiction de « l’acquisition de territoire résultant du
recours à la menace ou à l’emploi de la force », telle qu’elle est énoncée dans la déclaration relative
aux relations amicales117 :
« Comme la Cour l’a dit dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), les principes
énoncés dans la Charte au sujet de l’usage de la force reflètent le droit international
coutumier (voir C.I.J. Recueil 1986, p. 98-101, par. 187-190) ; cela vaut également pour
ce qui en est le corollaire, l’illicéité de toute acquisition de territoire résultant de la
menace ou de l’emploi de la force. »118
2.28. La Cour a ensuite relevé que « tant l’Assemblée générale que le Conseil de sécurité
[s’étaient] référés, à propos de la Palestine, à la règle coutumière de “l’inadmissibilité de l’acquisition
de territoire par la guerre” »119. Parmi les résolutions qu’elle a citées à cet égard figurent la
résolution 242 (1967) adoptée par le Conseil de sécurité le 22 novembre 1967 et la
résolution ES-10/14 adoptée par l’Assemblée générale le 8 décembre 2003120.
2.29. Nombreuses sont les résolutions antérieures à l’avis sur le mur donné par la Cour en
2004 qui affirment que le principe interdisant l’acquisition de territoire par la force est applicable au
Territoire palestinien occupé. Il s’agit notamment des résolutions 267 (1969) du 3 juillet 1969121,
298 (1971) du 25 septembre 1971122, 476 (1980) du 30 juin 1980123 et 478 (1980) du 20 août 1980124
du Conseil de sécurité, ainsi que des résolutions 2628 (XXV) du 4 novembre 1970125, 32/20 du
116 Assemblée générale, résolution 42/22 du 18 novembre 1987, annexe, sect. I, par. 1 et 10.
117 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 171, par. 87.
118 Ibid.
119 Ibid., p. 182-183, par. 117.
120 Ibid., p. 139, 166 et 182-183, par. 1, 74 et 117.
121 Conseil de sécurité, résolution 267 (1969) du 3 juillet 1969, préambule (« Réaffirmant le principe établi selon
lequel l’acquisition de territoire par la conquête militaire est inadmissible »).
122 Ibid., résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, préambule (« Réaffirmant le principe que l’acquisition d’un
territoire par une conquête militaire est inadmissible »).
123 Ibid., résolution 476 (1980) du 30 juin 1980, préambule (« Réaffirmant que l’acquisition de territoire par la force
est inadmissible »).
124 Ibid., résolution 478 (1980) du 20 août 1980, préambule (« Réaffirmant de nouveau que l’acquisition de
territoire par la force est inadmissible »).
125 Assemblée générale, résolution 2628 (XXV) du 4 novembre 1970, préambule.
- 29 -
25 novembre 1977126, 35/207 du 16 décembre 1980127, 40/168 A du 16 décembre 1985128, 45/83 A
du 13 décembre 1990129, 50/84 D du 15 décembre 1995130 et 55/55 du 1er décembre 2000131 de
l’Assemblée générale. Il ne s’agit là que d’un petit échantillon de celles qui énoncent ce principe.
2.30. Depuis le prononcé de l’avis sur le mur, l’interdiction de l’acquisition de territoire par la
force a été continuellement rappelée, en ce qui concerne le Territoire palestinien occupé, par de
nouvelles résolutions du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de
l’homme. Il s’agit notamment, pour les plus récentes, de la résolution 2334 (2016) du Conseil de
sécurité du 23 décembre 2016132, de la résolution 77/25 de l’Assemblée générale du 30 novembre
2022133 et de la résolution 49/4 du Conseil des droits de l’homme du 31 mars 2022134, qui réaffirment
toutes expressément « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force ». Là encore, il ne
s’agit que d’un échantillon des nombreuses résolutions de ce type qui ont été adoptées au cours de la
période allant de 2004 à aujourd’hui.
2.31. À ces résolutions s’ajoutent les vues d’autres organes et organismes compétents des
Nations Unies. Le Conseil économique et social, par exemple, a affirmé que l’interdiction de
l’acquisition de territoire par la force s’appliquait au Territoire palestinien occupé135, de même que
plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’Organisation des Nations Unies,
comme il est expliqué ci-dessous.
2.32. Ainsi, dans son rapport du 14 septembre 2022 destiné à l’Assemblée générale, la
commission d’enquête internationale indépendante a recommandé :
« au Conseil de sécurité d’envisager d’adopter d’urgence des mesures pour garantir
qu’Israël se conforme immédiatement à ses obligations juridiques internationales et aux
dispositions de ses résolutions antérieures, notamment celles dans lesquelles il a
demandé qu’il soit mis fin à l’occupation, déclaré que l’acquisition de territoires par la
force était inadmissible et estimé que les activités de peuplement constituaient une
violation flagrante du droit international »136.
2.33. De même, plusieurs rapporteurs spéciaux de l’Organisation des Nations Unies sur la
situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 ont
126 Ibid., résolution 32/20 du 25 novembre 1977, préambule.
127 Ibid., résolution 35/207 du 16 décembre 1980, préambule.
128 Ibid., résolution 40/168 du 16 décembre 1985, préambule.
129 Ibid., résolution 45/83 A du 13 décembre 1990, préambule.
130 Ibid., résolution 50/84 D du 15 décembre 1995, préambule.
131 Ibid., résolution 55/55 du 1er décembre 2000, préambule.
132 Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, préambule.
133 Ibid., Assemblée générale, résolution 77/25 du 30 novembre 2022, préambule.
134 Ibid., Conseil des droits de l’homme, résolution 52/34 du 4 avril 2022, préambule.
135 Ibid., Conseil économique et social, résolution 2022/22 du 1er août 2022, préambule.
136 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 94 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
- 30 -
affirmé que l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force s’appliquait au Territoire
palestinien occupé137.
2.34. En résumé, il ressort clairement des principes fondamentaux énoncés dans la Charte des
Nations Unies qui ont été développés et confirmés par divers organes des Nations Unies depuis des
décennies, notamment le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, le Conseil des droits de
l’homme, le Conseil économique et social et la Cour, que la situation qui règne dans le Territoire
palestinien occupé est régie par les suivants :
Le principe que le territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une acquisition par un autre État à
la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force138 ;
Le principe que nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne
sera reconnue comme légale139 ; et
Le principe que l’interdiction de l’acquisition de territoire [par la guerre] s’applique au Territoire
palestinien occupé140.
2.35. Cette interdiction sous-tend les règles de droit régissant l’occupation de guerre. La
première de ces règles est que l’occupation est une situation temporaire dans laquelle la puissance
occupante ne peut agir qu’en tant qu’administratrice de fait du territoire, en toute loyauté et bonne
foi et au profit de la population protégée.
2.36. L’occupation est donc un état de choses exceptionnel et provisoire dans lequel il est
interdit à l’occupant belligérant de modifier de manière permanente le statut du territoire occupé et
de priver les personnes protégées des protections que le droit international humanitaire leur garantit,
comme le prévoit l’article 47 de la quatrième convention de Genève.
2.37. Le commentaire du CICR sur l’article 47 est tout à fait clair quant aux intentions des
rédacteurs de la convention :
« L’occupation de guerre … est un état de fait essentiellement provisoire, qui
n’enlève à la Puissance occupée ni sa qualité d’État, ni sa souveraineté ; elle entrave
seulement l’exercice de ses droits. Elle se distingue par là de l’annexion, par laquelle la
137 Voir, par exemple, rapport du rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. John Dugard, sur
la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, soumis conformément à
la résolution 1993/2 A de la Commission, 8 septembre 2003, doc. E/CN.4/2004/6, par. 14 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/E/CN.4/2004/6) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 du 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 27 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 du 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 31 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/72/556) ; et rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, du 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 10 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/356).
138 Déclaration relative aux relations amicales, annexe, point 1.
139 Ibid.
140 Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, préambule et par. 4 ; Conséquences
juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 182,
par. 117.
- 31 -
Puissance occupante acquiert tout ou partie du territoire occupé pour l’incorporer à son
propre territoire »141.
2.38. En conséquence, la deuxième règle régissant l’occupation de guerre est que celle-ci
n’emporte pas transfert de titre de souveraineté à l’occupant. Ce principe a été bien formulé par
Oppenheim lorsqu’il a déclaré que l’occupation de guerre ne faisait pas passer plus qu’« un atome
de souveraineté sous le pouvoir de l’occupant »142.
2.39. Le principe trouve son expression dans l’article 4 du protocole additionnel Ⅰ, qui dispose
que « [l]’application des Conventions et du présent Protocole … n’aur[a] pas d’effet sur le statut
juridique des Parties au conflit. Ni l’occupation d’un territoire ni l’application des Conventions et du
présent Protocole n’affecteront le statut juridique du territoire en question »143.
2.40. Cette disposition est une codification du droit international coutumier. Selon le
commentaire du CICR relatif à l’article 4 du protocole additionnel Ⅰ :
« Chacun reconnut ce dernier principe comme un principe incontesté du droit
international, sous-jacent d’ailleurs tant au Règlement de La Haye qu’à
la IVe Convention. Il découle aujourd’hui de l’inadmissibilité du recours à la force
consacrée par la Charte des Nations Unies et élaborée dans la Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
les États conformément à la Charte des Nations Unies (résolution 2625 (XXV) de
l’Assemblée générale des Nations Unies). »144
2.41. Lors d’une réunion d’experts organisée par le CICR en juin 2020, les principes
fondamentaux du droit de l’occupation de guerre ont été réaffirmés. Selon les experts, « [e]n règle
générale », le droit de l’occupation de guerre
« définit le cadre juridique de l’exercice temporaire de l’autorité par l’occupant. … En
droit de l’occupation, le titre de souveraineté relatif au territoire occupé ne se transfère
pas à l’occupant et ce dernier est par conséquent tenu de préserver le statu quo ante
dans la mesure du possible »145.
2.42. Les principes de « temporalité » et de « non-souveraineté » qui sous-tendent le droit de
l’occupation de guerre ont été confirmés par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité à propos
de l’occupation de la Palestine par Israël146.
141 J. Pictet, Conventions de Genève du 12 août 1949 : Commentaire — Convention de Genève (IV) relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre, CICR, 1958, p. 296 (les italiques sont de nous).
142 L. Oppenheim, « The Legal Relations Between an Occupying Power and the Inhabitants », Law Quarterly
Review, vol. 33, 1917, no 4, p. 364, cité dans Y. Dinstein, « The International Law of Belligerent Occupation and Human
Rights », Israel Yearbook on Human Rights, vol. 8, 1978, p. 106.
143 Protocole additionnel I, art. 4.
144 J. Pictet et autres, Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du
12 août 1949, CICR, 1987, p. 74, par. 172.
145 T. Ferraro (sous la dir. de), Occupation and Other Forms of Administration of Foreign Territory, Expert
Meeting, CICR, 2012, p. 7, note 1.
146 L’Assemblée générale a clairement et sans équivoque approuvé ces principes. Voir Assemblée générale,
résolution 77/126 du 12 décembre 2023. Le Conseil de sécurité les a reconnus en ce qu’il réaffirme depuis des années
- 32 -
2.43. Comme on le verra au chapitre 3, Israël a incontestablement violé ces principes en faisant
valoir sa « souveraineté » sur Jérusalem-Est et la Cisjordanie, en annexant de jure et de facto ces
parties du Territoire palestinien occupé et en s’engageant à ne jamais les céder ou permettre au peuple
palestinien d’y exercer son droit à l’autodétermination. Ces actes illicites, contraires aux normes
impératives du droit international général, font de l’occupation un fait internationalement illicite de
caractère continu.
B. L’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid
2.44. L’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid trouve sa plus grande
expression dans la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale. Comme la Cour l’a souligné tout récemment, 182 États sont parties à cette convention, ce
qui « attest[e] » sa « vocation universelle »147. Au nombre de ces parties figurent l’État de Palestine
et Israël.
2.45. Il n’y a pas de doute que l’interdiction de la discrimination raciale, telle qu’elle est
codifiée dans la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale, fait partie du droit international coutumier et est considérée de longue date comme une norme
impérative à vocation universelle. Dès 1970, en l’affaire de la Barcelona Traction, Light and Power
Company, Limited, la Cour a estimé que l’interdiction de la discrimination raciale était une norme
applicable erga omnes, en déclarant que :
« [c]es obligations découlent par exemple, dans le droit international contemporain, de
la mise hors la loi des actes d’agression et du génocide mais aussi des principes et des
règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la
protection contre la pratique de l’esclavage et la discrimination raciale »148.
2.46. La CDI convient également depuis de nombreuses années que l’interdiction de la
discrimination raciale revêt le caractère de jus cogens149 et l’a confirmé tout récemment en 2022150.
2.47. La pratique de l’apartheid est considérée comme une forme particulièrement flagrante
de discrimination, comme en témoignent son interdiction et son incrimination dans de nombreux
instruments internationaux. Aux termes de la convention internationale sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination raciale, « [l]es États parties condamnent spécialement la ségrégation
raciale et l’apartheid et s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer sur les territoires relevant
de leur juridiction toutes les pratiques de cette nature »151. La convention internationale sur
l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de la force dans ses résolutions relatives au
Territoire palestinien occupé. Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016.
147 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Qatar c. Émirats arabes unis), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 99, par. 87.
148 Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne),
deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 34.
149 Voir Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, Annuaire de la
Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie (ci-après les « articles sur la responsabilité de l’État »),
doc. A/56/10, p. 120, commentaire relatif à l’article 40, par. 4.
150 Texte du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du
droit international général (jus cogens) dans le rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session
(18 avril-3 juin et 4 juillet-5 août 2022), doc. A/77/10, p. 91 et 93, commentaire relatif à la conclusion 23, par. 11, et annexe
du projet de conclusions.
151 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, art. 3 (les italiques
sont de nous). Voir également le préambule de cette convention.
- 33 -
l’élimination et la répression du crime d’apartheid, adoptée en 1973, prévoit la poursuite de
personnes coupables d’avoir commis le crime d’apartheid152. Le protocole additionnel Ⅰ aux
conventions de Genève, adopté en 1977, dispose également que les « pratiques de l’apartheid »
fondées sur la discrimination raciale constituent une violation grave de cet instrument153. Enfin, le
crime d’apartheid a été inclus dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 1998 à titre
de crime contre l’humanité154.
2.48. Les résolutions répétées de l’Assemblée générale155 et du Conseil de sécurité156,
conjuguées à la condamnation et à l’incrimination de l’apartheid dans les instruments internationaux
susmentionnés, ont abouti à la reconnaissance de l’illicéité de l’apartheid en droit international
coutumier157 et à celle du caractère de jus cogens attaché à l’interdiction de l’apartheid. La CDI a
confirmé de nouveau en 2022 que l’interdiction de l’apartheid pouvait être considérée comme une
norme impérative du droit international général158.
2.49. L’Assemblée générale, ainsi que d’autres organes des Nations Unies, ont condamné à
plusieurs reprises un large éventail de politiques et de pratiques israéliennes qui sont discriminatoires
à l’égard des Palestiniens, les touchent de façon disproportionnée et les privent de leurs droits
fondamentaux159.
2.50. Comme on le verra au chapitre 4, en violation flagrante des normes du jus cogens et des
obligations erga omnes susmentionnées, Israël impose et maintient délibérément un système de
discrimination raciale constitutif d’apartheid à l’égard des Palestiniens. Il le fait dans le but de
prolonger indéfiniment son occupation, d’affirmer sa domination permanente sur le Territoire
palestinien occupé et d’empêcher l’autodétermination du peuple palestinien sur sa terre ancestrale,
en privilégiant un groupe racial au détriment des droits fondamentaux de l’autre entre le Jourdain et
la mer Méditerranée. Ce faisant, il prive les Palestiniens des droits de l’homme les plus
fondamentaux : le droit à la vie, le droit de déterminer librement leur statut politique, le droit au
développement économique, social et culturel, le droit de ne pas être arrêté, détenu ou puni
arbitrairement, le droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres traitements cruels ou inhumains,
le droit à la liberté de circulation et le droit à la liberté de culte, entre autres, reconnus dans la
152 Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, RTNU, vol. 1015, p. 243
(entrée en vigueur le 18 juillet 1976), art. II et V.
153 Protocole additionnel I, art. 85, par. 4, al. c).
154 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, RTNU, vol. 2187, p. 90, art. 7, par. 1, al. j).
155 Voir, par exemple, les résolutions 1761 (XVII) de 1962, 2396 (XXII) de 1968 et 39/72 de 1984.
156 Voir, par exemple, les résolutions 134 (1960), 181 (1963), 282 (1970), 418 (1977) et 569 (1985).
157 Voir M. Jackson, « The definition of apartheid in customary international law and the International Convention
on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination », The International and Comparative Law Quarterly, vol. 71,
2022, no 4, p. 835 ; A. Cassese, P. Gaeta et autres, Cassese’s International Criminal Law, 3rd ed, Oxford University Press,
2013, p. 107 ; J.-M. Henckaerts et L. Doswald-Beck, “Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles”,
Comité international de la Croix-Rouge et éditions Bruyland, 2005, p. 588-589.
158 Texte du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du
droit international général (jus cogens), dans le rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session
(18 avril-3 juin et 4 juillet-5 août 2022), doc. A/77/10, p. 91 et 93, commentaire relatif à la conclusion 23, par. 11, et annexe
du projet de conclusions. Voir également articles sur la responsabilité de l’État, doc. A/56/10, p. 120, commentaire relatif
à l’article 40, par. 4.
159 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolution 77/126 du 30 décembre 2022 ; Conseil des droits de
l’homme, résolution 49/29 du 1er avril 2022, par. 7, al. c) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/RES/49/29).
- 34 -
Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments applicables auxquels
Israël est partie.
C. L’obligation de respecter le droit à l’autodétermination
2.51. Il est bien établi que l’obligation de respecter le droit de tout peuple à l’autodétermination
est une norme impérative du droit international général. Comme la Cour l’a relevé en l’affaire relative
au Timor oriental (Portugal c. Australie), le principe du droit à l’autodétermination est « un des
principes essentiels du droit international contemporain » et jouit d’un caractère erga omnes160. En
plus d’être un principe « d’application universelle » produisant des effets erga omnes, il est une
norme du jus cogens161.
2.52. En 1971, la Cour a souligné que l’évolution du droit international avait rendu le principe
de l’autodétermination applicable non seulement aux territoires sous tutelle, mais à tous les territoires
non autonomes, et que l’autodétermination était l’« objectif ultime » de la « mission sacrée » visée
au paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte de la Société des Nations162. Dans l’avis sur le mur, elle a
rappelé qu’aujourd’hui le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est « un des principes essentiels
du droit international contemporain » et est un droit opposable erga omnes163. Dans son avis
consultatif au sujet de l’archipel des Chagos, elle a confirmé que, dans les années 1960, le droit à
l’autodétermination existait en droit international coutumier et que l’un de ses corollaires essentiels
était le droit à l’intégrité territoriale164.
2.53. La Charte des Nations Unies affirme expressément que l’un des buts premiers de
l’Organisation consiste à développer entre les nations « des relations amicales fondées sur le respect
du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes »165. La
reconnaissance dont bénéficie le principe de l’autodétermination en tant qu’un des buts de la Charte
des Nations Unies est renforcée dans le texte des articles 55 et 56 du chapitre Ⅸ de la Charte.
L’article 55 précise que les Nations Unies doivent s’employer à « créer les conditions de stabilité et
de bien-être … fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à
disposer d’eux-mêmes ». Par l’article 56 les États Membres s’engagent, « en vue d’atteindre [c]es
buts …, à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l’Organisation ». Ces
dispositions ont marqué « un tournant important » en indiquant que le principe de
160 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29. Voir également Conséquences
juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I),
p. 171-172, par. 88 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180.
161 M. Shaw, Title to Territory in Africa: International Legal Issues, Oxford University Press, 1986, p. 91 ; D. Raic,
Statehood and the Law of Self-Determination, Martinus Nijhoff Publishers, 2002, p. 219. Voir également le texte du projet
de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général
(jus cogens), dans le rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session (18 avril-3 juin et
4 juillet-5 août 2022), doc. A/77/10, p. 92-93, commentaire relatif à la conclusion 23, par. 14, et annexe du projet de
conclusions.
162 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52-53.
163 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 172, par. 88. Voir également Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102,
par. 28.
164 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil
2019 (I), p. 134, par. 160.
165 Charte des Nations Unies, art. 1, par. 2.
- 35 -
l’autodétermination était parvenu à maturité et en laissant présager son évolution, dans la pratique,
pour devenir un précepte « liant directement les États »166.
2.54. L’adoption de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux (résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960) a constitué
une évolution majeure de la pratique des États, comme l’a relevé la Cour dans ses avis consultatifs
au sujet de la Namibie et l’archipel des Chagos. Cette déclaration s’applique à tous les peuples et
territoires qui « n’ont pas encore accédé à l’indépendance ». Par la résolution 1514 (XV),
l’Assemblée générale a proclamé « la nécessité de mettre rapidement et inconditionnellement fin au
colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations »167 et a déclaré notamment ce
qui suit :
« 1. La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une
exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme, est
contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la
coopération mondiales.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6. Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale
et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la
Charte des Nations Unies. »
2.55. Si la résolution 1514 (XV) n’était formellement qu’une recommandation, elle avait,
comme la Cour l’a fait observer dans son avis consultatif au sujet de l’archipel des Chagos,
« un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en tant que norme
coutumière, du fait de son contenu et des conditions de son adoption. … Aucun des
États participant au vote n’a exprimé d’opposition à l’existence du droit des peuples à
l’autodétermination. »168.
2.56. La Cour a également souligné que « [l]e libellé de la résolution 1514 (XV) a[vait] un
caractère normatif en ce qu’elle affirm[ait] que “[t]ous les peuples ont le droit de libre
détermination” »169. Elle a conclu qu’au milieu des années 1960, voire un peu plus tôt, la
reconnaissance du droit à l’autodétermination était déjà entrée dans le champ du droit international170.
Le libellé de la résolution 1514 (XV) indique clairement que l’autodétermination n’est pas seulement
un droit (par opposition à un simple principe), mais un droit dont jouissent tous les peuples assujettis,
166 A. Cassese, Self-Determination of Peoples: A Legal Reappraisal, Cambridge University Press, 1995, p. 43.
167 Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, intitulée « Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » (les italiques sont de nous).
168 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil
2019 (I), p. 132, par. 152.
169 Ibid., p. 132-133, par. 153.
170 Ibid., p. 132, par. 150. La Cour veut dire par cela que l’autodétermination est devenue un principe du droit
international coutumier. Voir D. Raic, Statehood and the Law of Self-Determination, Martinus Nijhoff Publishers, 2002,
p. 217. Beaucoup considèrent également que la résolution 1514 (XV) représentait aussi une interprétation autorisée de la
Charte des Nations Unies elle-même. Voir, par exemple, T.A. Mensah qui souligne qu’« à l’Assemblée générale personne
n’a remis en question la thèse que la résolution était entièrement conforme à la lettre et à l’esprit de la Charte »
(Self-Determination Under United Nations’ Auspices: The Role of the United Nations in the Application of the Principle
of Self-Determination for Nations and Peoples (Yale Law School, 1968), p. 80-81). Voir également M. Shaw,
Title to Territory in Africa: International Legal Issues, Oxford University Press, 1986, p. 74 et 76 (qualifiant la
résolution 1514 (XV) d’interprétation autorisée de la Charte).
- 36 -
dominés et exploités par une puissance étrangère. Le droit à l’autodétermination ne se limite donc
pas aux territoires qui continuent d’être considérés comme des colonies, mais s’étend à tous les
peuples et territoires soumis à une domination étrangère qui « n’ont pas encore accédé à
l’indépendance ». Le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) précise en outre que le droit à
l’autodétermination emporte interdiction de détruire en tout ou en partie l’unité nationale et l’intégrité
territoriale du pays concerné171.
2.57. Le 16 décembre 1966, l’Assemblée générale a adopté le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
L’article premier commun à ces deux pactes dispose que « [t]ous les peuples ont le droit de disposer
d’eux-mêmes ». Reprenant les termes de la résolution 1514 (XV), il précise que, « [e]n vertu de ce
droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel ». Il va cependant plus loin que la déclaration relative à la
décolonisation en disposant que « [l]es États parties … sont tenus de faciliter la réalisation du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux
dispositions de la Charte des Nations Unies »172.
2.58. Les pactes susmentionnés proclament que le droit à l’autodétermination est un droit de
l’homme qui appartient à « [t]ous les peuples » et que tous les États ont l’obligation correspondante
de respecter et de promouvoir ce droit. Ils précisent également que le principe d’autodétermination
implique que tous les peuples ont le droit de « disposer librement de leurs richesses et de leurs
ressources naturelles » et de le faire « [p]our atteindre leurs fins ». Ils rappellent, en ce sens, les
termes de la résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962 qui dispose que la « souveraineté
permanente sur les richesses et les ressources naturelles » est un « élément fondamental du droit des
peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes ».
2.59. On notera que la déclaration relative aux relations amicales se voulait un exposé autorisé
des principes pertinents de la Charte des Nations Unies173. Reprenant les termes de la déclaration sur
l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux et des deux pactes internationaux, elle
énonce une disposition libellée comme suit :
« En vertu du principe de 1’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer
d’eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les peuples ont
le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté …, et de poursuivre leur
développement économique, social et culturel. »
2.60. On notera également que la déclaration relative aux relations amicales réaffirme que
« [t]out État a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait les
peuples … de leur droit à disposer d’eux-mêmes, de leur liberté et de leur indépendance » et que
« [t]out État doit s’abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou totalement l’unité
nationale et l’intégrité territoriale d’un autre État ou d’un autre pays ».
171 Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, par. 6.
172 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. premier, et Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, art. premier (les italiques sont de nous).
173 M. Shaw, Title to Territory in Africa: International Legal Issues, Oxford University Press, 1986q, p. 82, où
l’auteur affirme que « [l]a déclaration visait à élucider certaines dispositions importantes de la Charte, sans toutefois
réellement la modifier, et elle a été adoptée par les États Membres sur cette base ».
- 37 -
2.61. En 2019, la Cour a réaffirmé dans son avis consultatif au sujet de l’archipel des Chagos
que, « [en] incluant le droit à l’autodétermination parmi les “principes fondamentaux du droit
international”, la déclaration a[vait] confirmé son caractère normatif en droit international
coutumier »174.
2.62. Les organes des Nations Unies reconnaissent depuis longtemps le droit à
l’autodétermination du peuple palestinien. En 1970, par exemple, l’Assemblée générale a adopté la
résolution 2649 (XXV) condamnant « les gouvernements qui refus[ai]ent le droit à
l’autodétermination aux peuples auxquels on a[vait] reconnu ce droit, notamment les peuples
d’Afrique australe et de Palestine »175, et a reconnu dans sa résolution 2672 C (XXV) du 8 décembre
1970 que « le peuple de Palestine d[evait] pouvoir jouir de l’égalité de droits et exercer son droit à
disposer de lui-même, conformément à la Charte des Nations Unies » et que « le respect intégral des
droits inaliénables du peuple de Palestine [était] un élément indispensable à l’établissement d’une
paix juste et durable au Moyen-Orient »176.
2.63. Après ces résolutions, l’Assemblée générale a affirmé à plusieurs reprises les « droits
inaliénables du peuple palestinien » à l’autodétermination ainsi qu’à l’indépendance et à la
souveraineté nationales et le droit des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et de recouvrer leurs
biens ; elle a également exhorté tous les États et toutes les organisations internationales à défendre le
droit du peuple palestinien à l’autodétermination177.
2.64. Dans l’avis sur le mur, la Cour a réaffirmé que le droit à l’autodétermination revêtait un
caractère erga omnes et a reconnu que le peuple palestinien jouissait de ce droit : « S’agissant du
principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Cour observera que l’existence d’un
“peuple palestinien” ne saurait plus faire débat »178. Elle a ajouté que la construction du mur
« dress[ait] … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à
l’autodétermination et viol[ait] de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit »179.
2.65. Comme on le verra au chapitre 5, non seulement Israël manque à l’obligation qui lui
incombe à cet égard, mais il cherche activement à empêcher l’exercice du droit du peuple palestinien
à l’autodétermination, notamment son droit à l’indépendance de son État sur le Territoire palestinien
occupé par Israël en 1967, y compris Jérusalem-Est.
174 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil
2019 (I), p. 133, par. 155.
175 Assemblée générale, résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970, par. 5.
176 Ibid., résolution 2672 C (XXV) du 8 décembre 1970, par. 1[-2].
177 Voir, par exemple, ibid., résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974 ; pour un exemple plus récent, voir la
résolution 77/208 du 15 décembre 2022.
178 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 181-182, par. 118.
179 Ibid., p. 184, par. 122.
- 38 -
CHAPITRE 3
ANNEXION DU TERRITOIRE PALESTINIEN PAR ISRAËL
3.1. Dans sa demande d’avis consultatif, l’Assemblée générale prie la Cour de déterminer,
entre autres, les conséquences juridiques de « [l’]occupation, de [l]a colonisation et de [l’]annexion
prolongées [par Israël] du territoire palestinien depuis 1967, notamment des mesures visant à
modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ». Le
Territoire palestinien occupé est représenté à la figure 3.1 ci-après.
3.2. Le présent chapitre est composé de deux parties. La partie A traite des mesures adoptées
par Israël pour annexer la ville sainte de Jérusalem en tentant d’en modifier de manière permanente
la composition démographique, le caractère et le statut. Il est ensuite démontré dans la partie B que
des méthodes analogues ont été employées pour annexer le reste de la Cisjordanie.
3.3. Comme cela a été explicité au chapitre 2, les règles du droit de l’occupation de guerre sont
notamment conçues pour empêcher qu’une telle occupation ne devienne un moyen d’acquérir
illicitement des territoires. L’occupation de guerre est une situation temporaire par essence dans
laquelle la puissance occupante se voit uniquement confier des pouvoirs d’administration provisoires
et doit administrer le territoire occupé dans l’intérêt des personnes vivant sous occupation.
L’occupant n’acquiert pas la souveraineté sur le territoire qu’il occupe.
3.4. Le transfert de la population de l’occupant dans le territoire occupé ainsi que le transfert
forcé de la population en place hors du territoire occupé sont expressément interdits, notamment par
le paragraphe 6 de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, qui dispose que « [l]a
puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre
population civile dans le territoire occupé par elle ». Les rédacteurs du texte y ont introduit cette
disposition afin d’empêcher les puissances occupantes d’abuser de leur position d’administrateurs
temporaires de territoires occupés pour y apporter des changements démographiques permanents
dans le but de les conquérir. Comme cela a été relevé dans le commentaire du CICR, cette disposition
vise expressément à « s’oppose[r] à des transferts de population tels qu’en ont pratiqué, pendant la
deuxième guerre mondiale, certaines puissances qui, pour des raisons politico-raciales ou dites
colonisatrices, ont transféré des éléments de leur propre population dans des territoires occupés »180.
Il s’ensuit que les politiques et les pratiques d’Israël, dont l’installation de plus de 230 000 de ses
ressortissants à Jérusalem-Est et dans les environs et de plus de 460 000 autres dans le reste de la
Cisjordanie, dans plus de 280 colonies soutenues par l’État, alors même que des milliers de
Palestiniens sont contraints de quitter leurs logements, leurs villages et leurs villes, voire le Territoire
palestinien occupé, s’apparentent aux politiques et aux pratiques adoptées jadis par les puissances
coloniales pour étendre leur domination et leur contrôle sur d’autres territoires et sur les ressources
de ceux-ci, et les exploiter dans leur propre intérêt. Les colonies de peuplement et le régime qui leur
est associé constituent la preuve irréfutable de l’intention d’Israël de coloniser et de conserver à titre
permanent le territoire palestinien qu’il occupe depuis 56 ans.
3.5. Comme on le verra dans les parties A et B du présent chapitre, les propres dirigeants
d’Israël, dont une série de premiers ministres, n’ont cessé de réaffirmer qu’Israël était « souverain »
à Jérusalem et en « Judée-Samarie » (terme employé pour désigner la Cisjordanie) et qu’il ne
renoncerait jamais au contrôle de ces parties du Territoire palestinien occupé.
180 J. Pictet, Conventions de Genève du 12 août 1949 : Commentaire — Convention de Genève (IV) relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, CICR, 1958, p. 305 (art. 49, al. 6).
- 39 -
3.6. Depuis 1967, Israël a confiné les Palestiniens sur une superficie qui ne correspond qu’à
13 % de Jérusalem-Est et à 40 % du reste de la Cisjordanie, cela lui permettant de confisquer des
terres palestiniennes afin de faciliter l’implantation, le développement et l’extension d’un nombre
toujours croissant de colonies, que ses dirigeants ont pris l’engagement de ne jamais supprimer. De
cette manière, Israël n’a cessé de créer sur le terrain des faits accomplis dont le nombre et la situation
stratégique visent à assurer la permanence de sa présence sur le territoire et de sa domination sur ce
dernier. Le responsable israélien actuellement chargé de l’administration du Territoire palestinien
occupé a même donné un nom à cette politique : la « victoire par la colonisation »181.
3.7. Pour consolider sa présence dans le Territoire palestinien occupé, Israël a construit un
vaste ensemble d’infrastructures, dont un mur et un réseau routier destiné à établir une continuité
entre les colonies israéliennes et entre ces dernières et Israël, ce qui entraîne une fragmentation du
peuple palestinien en communautés séparées et isolées et perturbe l’intégrité et la continuité
territoriales de l’État de Palestine. Par ces mesures, il a imposé le déplacement et le confinement des
Palestiniens par la force, tout en implantant et en étendant ses colonies illicites, s’emparant ainsi de
fait du maximum de terres palestiniennes tout en réduisant au minimum le nombre de d’habitants
palestiniens et montrant ainsi que l’occupation n’est qu’un prétexte pour faciliter la réalisation de
son objectif ultime, à savoir la colonisation et l’acquisition permanente du territoire palestinien.
Figure 3.1
Territoire palestinien occupé
Légende :
Mediterranean Sea = Mer Méditerranée
West Bank = Cisjordanie
181 « MK’s controversial plan nixes two-state solution, calls for annexation », The Jerusalem Post, 11 septembre
2017 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yp88a3uz).
- 40 -
Jordan River = Jourdain
Jordan = Jordanie
Jerusalem = Jérusalem
Green Line = Ligne verte
Gaza Strip = Bande de Gaza
West Bank = Cisjordanie
Dead Sea = Mer Morte
Israel = Israël
Egypt = Égypte
Sources : Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires : https://www.ochaopt.org/content/
west-bank-access-restrictions-may-2023.
Palestinian Academic Society for the Study of International Affairs (PASSIA) : http://www.passia.org/maps/view/60.
3.8. Dès la fin de la guerre de juin 1967, le Gouvernement israélien a commencé à implanter
ses colonies dans le Territoire palestinien occupé alors qu’il savait parfaitement que, de manière
générale, le droit international interdisait catégoriquement ce type de pratique ainsi que l’acquisition
de territoires conquis. En septembre 1967, Theodor Meron, alors conseiller juridique auprès du
ministère israélien des affaires étrangères, avait rédigé un avis juridique à l’intention du
Gouvernement israélien au sujet de l’illicéité de ces colonies. En 2017, dans une analyse de cet avis
juridique qu’il avait émis 50 ans auparavant, il a déclaré ce qui suit :
« [L]’implantation de colonies civiles dans la Cisjordanie occupée et les autres
territoires conquis constitue une violation de la quatrième convention de Genève relative
à la protection des victimes de la guerre et plus particulièrement de l’interdiction qu’elle
fait d’établir des colonies (paragraphe 6 de l’article 49). Comme je l’ai écrit, cette
prohibition est catégorique et “n’est pas subordonnée aux motivations ni aux objectifs
du transfert, et vise à empêcher la colonisation du territoire conquis par les ressortissants
de l’État conquérant”. … Alors que le Gouvernement israélien soutenait que la
Cisjordanie était un territoire disputé et donc pas un “territoire occupé”, j’estimais que
la communauté internationale avait rejeté ce postulat et considérait le territoire en cause
comme un simple territoire occupé. J’ai appelé l’attention sur le fait que les colonies
israéliennes situées dans la zone du “bloc d’Etzion” seraient considérées comme la
preuve de l’intention d’annexer le secteur en question. »182
3.9. Depuis lors, Israël a poursuivi ses politiques et pratiques visant à exercer une domination
permanente sur le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, malgré les condamnations
répétées de la communauté internationale, exprimées notamment dans de multiples résolutions du
Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. En 2016, dans sa résolution 2334, le Conseil de
sécurité, « [g]uidé par les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies » et « rappelant
notamment que l’acquisition de territoire par la force est inadmissible », a condamné
« toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le
statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est,
notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de
colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement
de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions
pertinentes ».
182 T. Meron, « The West Bank and International Humanitarian Law on the Eve of the Fiftieth Anniversary of the
Six-Day War », American Journal of International Law, vol. 111, 2017, no 2, p. 358 (notes de bas de page omises).
- 41 -
Le Conseil a réaffirmé en outre
« que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien
occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’[avait] aucun fondement en droit et
constitu[ait] une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la
réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et
durable ».
Puis, il a « [e]xig[é] de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses
activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte
pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incomb[aient] à cet égard » et a rappelé
expressément l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004, soulignant par là même toute
l’importance de cet avis183.
3.10. Plus récemment, en décembre 2022, dans sa résolution 77/126, l’Assemblée générale a
souligné « que l’occupation d’un territoire d[evait] être un état de fait provisoire, par lequel la
Puissance occupante ne p[ouvait] ni revendiquer la possession de ce territoire ni exercer sa
souveraineté sur le territoire qu’elle occupe » et a rappelé
« à cet égard le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et
donc le caractère illégal de l’annexion de toute partie du Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, qui constitue une violation du droit international, compromet
la viabilité de la solution des deux États et remet en cause les perspectives d’un
règlement pacifique, juste, durable et global ».
L’Assemblée s’est dite également « gravement préoccupée par les déclarations récentes au sujet de
l’annexion par Israël de secteurs dans le Territoire palestinien occupé » et a condamné
« à cet égard les activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et dans le Golan syrien occupé et toutes les activités entraînant la
confiscation de terres, la perturbation des moyens d’existence de personnes protégées,
le transfert forcé de civils et l’annexion de territoire, de fait ou par l’adoption d’une loi
nationale »184.
3.11. Il sera démontré dans le présent chapitre qu’Israël viole les règles du droit de l’occupation
dans le but délibéré de réaliser un objectif général contraire à un principe fondamental découlant du
paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, pierre angulaire de l’ordre international
fondé sur le droit qui a été établi après la seconde guerre mondiale : l’inadmissibilité de l’acquisition
de territoire par la force. Comme on le verra ci-après, l’acquisition du Territoire palestinien occupé
constitue la raison d’être de l’occupation proprement dite.
183 Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, préambule.
184 Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, par. 7-8.
- 42 -
PARTIE A
ANNEXION DE JÉRUSALEM ET MODIFICATIONS APPORTÉES
À SA COMPOSITION DÉMOGRAPHIQUE, À SON CARACTÈRE
ET À SON STATUT PAR ISRAËL
3.12. Israël s’est emparé de Jérusalem-Est par la force armée en juin 1967 et l’a officiellement
annexée avant même la fin de ce mois en la rattachant à Jérusalem-Ouest, qu’il contrôlait depuis qu’il
l’avait illicitement prise par la force militaire en 1948, et en intégrant la totalité de la Ville sainte
dans l’État d’Israël. Le général Moshe Dayan, ministre de la défense de l’époque, déclara à cet égard
ce qui suit : « Les forces de défense israéliennes ont libéré Jérusalem. Nous avons réunifié … [la]
capitale d’Israël. Nous sommes revenus dans la Ville sainte et n’en repartirons plus jamais »185.
3.13. L’annexion de 1967 ne s’est pas limitée à Jérusalem-Est, mais s’est largement étendue à
des secteurs palestiniens adjacents situés dans la Cisjordanie occupée, sur une superficie totale de
plus de 70 kilomètres carrés. Israël a ensuite adopté des lois pour officialiser l’annexion, dans le but
de la rendre irréversible. Ses dirigeants eux-mêmes ont déclaré à maintes reprises que l’annexion de
Jérusalem et de ses environs était permanente et proclamé qu’Israël ne renoncerait en aucun cas à
quelque partie que ce soit de la Ville sainte. Le premier ministre actuel a ainsi déclaré : « Nous
conserverons à jamais Jérusalem unifiée sous la souveraineté israélienne »186.
3.14. Afin qu’il en soit bien ainsi, Israël a peuplé le territoire annexé de plus de 230 000 colons
israéliens, nombre qui continue d’augmenter ; en procédant ainsi au transfert de sa propre population,
Israël a radicalement modifié la composition démographique et le caractère de Jérusalem et de ses
environs afin d’y garantir la présence d’une majorité de Juifs israéliens. Ses colonies sont disposées
de manière à encercler la ville afin de la couper de son environnement palestinien. Dans le même
temps, et avec le même objectif, Israël a procédé au déplacement forcé de milliers de Palestiniens
hors de la ville en révoquant leurs permis de séjour, en refusant de leur accorder des permis de
construire, en démolissant leurs logements et en conspirant avec les organisations de colons pour les
chasser de la ville et les contraindre à s'installer ailleurs en Cisjordanie ou à l’extérieur du Territoire
palestinien occupé. Pour renforcer encore son emprise, Israël a construit des infrastructures — routes,
lignes de transport d’électricité et réseau d’approvisionnement en eau — qui relient étroitement
Jérusalem-Est à Jérusalem-Ouest ainsi qu’à Israël, et a poursuivi la construction du mur déclaré
illicite par la Cour en 2004, cela ayant pour effet de séparer davantage Jérusalem du reste de la
Palestine, de déplacer des communautés entières de Palestiniens de la ville et de consolider
l’annexion.
3.15. L’annexion de Jérusalem et de ses environs constituait et constitue toujours une violation
flagrante du droit international. Elle est contraire à la Charte des Nations Unies et à la règle de droit
bien établie interdisant l’acquisition de territoire par la conquête militaire, comme cela a été reconnu
dans de multiples résolutions par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Dès le 4 juillet 1967,
dans sa résolution 2253 (ES-V) adoptée sans objection de la part de quelque État Membre,
l’Assemblée générale s’est déclarée « [p]rofondément préoccupée par la situation qui exist[ait] à
Jérusalem du fait des mesures prises par Israël pour modifier le statut de la ville », qu’elle considérait
185 Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Le statut de
Jérusalem », New York, 1997, p. 12 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org/
pdfs/97-24262f.pdf).
186 Services du premier ministre israélien, « PM Netanyahu’s Remarks at the State Ceremony at Ammunition Hill
Marking 48 Years to the Reunification of Jerusalem », 17 mai 2015 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/ycx7j3nk).
- 43 -
comme « non valides ». Elle a demandé à Israël « de rapporter toutes les mesures déjà prises et de
s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le statut de Jérusalem »187.
3.16. Le 21 mai 1968, le Conseil de sécurité a adopté sa résolution 252 dans laquelle il
« [r]éaffirma[it] que l’acquisition de territoire par la conquête militaire [était] inadmissible » et
« [d]éplor[ait] qu’Israël ait manqué de se conformer aux résolutions … de l’Assemblée générale »
de juillet 1967. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité a déclaré que « toutes les mesures et
dispositions législatives et administratives prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de
biens immobiliers, qui tend[ai]ent à modifier le statut juridique de Jérusalem [étaient] non valides et
ne p[ouvaient] modifier ce statut » et a demandé d’urgence à Israël « de rapporter toutes les mesures
de cette nature déjà prises et de s’abstenir immédiatement de toute nouvelle action qui tend[ait] à
modifier le statut de Jérusalem »188.
3.17. Comme cela est expliqué en détail ci-après, des résolutions analogues ainsi que d’autres
résolutions condamnant la construction de colonies de peuplement par Israël à Jérusalem-Est ont été
adoptées par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité en 1968, 1969, 1971, 1973, 1974, 1975,
1976, 1977, 1978, 1979, 1980, 1981, 1982, 1983, 1984, 1985, 1986, 1987, 1988, 1989, 1990, 1991,
1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007,
2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022. Israël
a catégoriquement refusé de se conformer à ces résolutions et continue de les bafouer, en déclarant
d’ailleurs publiquement son intention de le faire. C’est ainsi qu’immédiatement après l’adoption par
le Conseil de sécurité de sa résolution 2334 (2016), un représentant du Gouvernement israélien a
déclaré au Conseil que ladite résolution marquait « un jour sombre pour le Conseil de sécurité » et
que « le Conseil a[vait] perdu du temps précieux et gaspillé des efforts en condamnant … Israël pour
avoir construit des logements dans la patrie historique du peuple juif »189. Il a assimilé la résolution
à une tentative qui serait faite pour « interdir[e] aux Français de construire à Paris » et a indiqué
clairement qu’Israël n’avait aucune intention de s’y conformer en déclarant : « [N]ous triompherons
de ce décret maléfique »190.
3.18. Comme cela a été rappelé au paragraphe 2.22 du chapitre 2, la déclaration relative aux
relations amicales dispose que « [l]e territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une acquisition par un
autre État à la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force. Nulle acquisition territoriale
obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale »191. Or, il s’agit
précisément de ce qu’Israël avait l’intention d’accomplir en annexant les parties Est et Ouest de la
ville sainte de Jérusalem, ainsi que le reste de la Cisjordanie comme cela sera démontré dans la
partie B du présent chapitre.
3.19. Comme cela a été expliqué au paragraphe 2.37 du chapitre 2, le commentaire autorisé du
CICR sur l’article 47 de la quatrième convention de Genève souligne que l’occupation « est un état
187 Assemblée générale, résolution 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967, par. 2.
188 Conseil de sécurité, résolution 252 (1968) du 21 mai 1968, par. 2-3.
189 Ibid., 7853e séance, 23 décembre 2016, doc. S/PV.7853, p. 15 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.
org/S/PV.7853).
190 Ibid.
191 Assemblée générale, déclaration relative aux relations amicales, annexe. En outre, dans la déclaration sur l’octroi
de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux qu’elle a adoptée en 1960, l’Assemblée générale a affirmé ce qui
suit : « Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est
incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. » (résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960,
annexe).
- 44 -
de fait essentiellement provisoire, qui n’enlève à la Puissance occupée ni sa qualité d’État, ni sa
souveraineté »192.
3.20. Israël a clairement indiqué à maintes reprises que son occupation de Jérusalem, son
annexion de celle-ci et l’exercice de sa « souveraineté » sur cette ville qui durent depuis 56 ans
n’avaient rien de « provisoire ». La situation actuelle est totalement incompatible avec la notion
juridique d’occupation. Elle correspond au contraire à une tentative flagrante pour coloniser et
acquérir un territoire conquis en temps de guerre il y a plus d’un demi-siècle, en violation du droit
international. Dans son rapport de 2018, le rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies
sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 a constaté
que, loin de se conformer à l’article 47 de la quatrième convention de Genève ou aux résolutions de
l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité exigeant qu’il rapporte toutes les mesures visant à
annexer Jérusalem, Israël faisait exactement le contraire en ce qu’il avait « entrepris de créer, sur le
terrain, une situation démographique, structurelle et institutionnelle irréversible en vue d’étayer sa
revendication de souveraineté »193. Le rapporteur spécial a apporté la précision suivante :
« S’employant à garantir l’irréversibilité de son annexion de jure de
Jérusalem-Est, Israël a, pendant le demi-siècle écoulé, étendu sa législation nationale et
son autorité civile à la partie occupée de la ville, proclamé sa souveraineté permanente
à de multiples occasions, transformé l’aspect physique et le caractère historique de
Jérusalem-Est, transféré certaines de ses institutions nationales, dont le Ministère de la
justice, et lancé un programme intensif d’implantation et d’extension de colonies
israéliennes. »194
3.21. En 2020, le rapporteur spécial a constaté en outre qu’« Israël a[vait] continué à intensifier
son annexion de Jérusalem-Est » et a relevé que le premier ministre israélien avait « proclamé … que
le Gouvernement avait réussi son annexion de Jérusalem-Est malgré une forte opposition de la
communauté internationale »195. En 2022, il a dégagé la conclusion suivante :
« L’occupation israélienne est menée au mépris total du droit international et de
centaines de résolutions de l’ONU, sans réaction forte de la part de la communauté
internationale. Cette occupation, vieille de cinquante-cinq ans, a dépassé depuis
longtemps les limites du provisoire. Israël s’est progressivement livré à une annexion
de jure et de facto des territoires occupés. »196
3.22. Un an plus tard, au moment du dépôt du présent exposé écrit, Israël continue de manquer
à ses obligations juridiques et d’enfreindre les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de
sécurité. Son annexion illicite de la ville sainte de Jérusalem reste aussi profondément ancrée et
illicite que jamais.
192 J. Pictet, Conventions de Genève du 12 août 1949 : Commentaire — Convention de Genève (IV) relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, CICR, 1958, p. 296 (art. 47).
193 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 34 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
194 Ibid., par. 37 (note de bas de page omise).
195 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 42 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/75/532).
196 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 11 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 45 -
3.23. La suite de cette partie du présent chapitre, composée de cinq sections, sera consacrée
aux faits qui montrent qu’Israël a annexé la totalité de Jérusalem et des environs dans l’intention
d’intégrer la totalité de la ville dans l’État israélien à titre permanent.
3.24. La section I est consacrée à l’exposé des lois et autres textes administratifs adoptés et
publiés par Israël pour proclamer et exercer sa « souveraineté » sur Jérusalem et les environs. La
section II regroupe les déclarations officielles de dirigeants israéliens affirmant la « souveraineté »
d’Israël sur l’ensemble de Jérusalem et sa détermination à conserver à jamais la ville comme partie
intégrante de l’État d’Israël. La section III présente des informations détaillées sur l’implantation de
14 colonies de peuplement israéliennes, regroupant plus de 230 000 colons israéliens, à
Jérusalem-Est et dans les zones adjacentes ainsi que sur le déplacement forcé de milliers de
Palestiniens, effectués dans le but de créer une majorité israélienne juive, de modifier de manière
permanente le caractère et le statut de la Ville sainte et d’en faire définitivement une partie intégrante
d’Israël. La section IV donne un aperçu d’autres mesures prises par Israël pour renforcer le
rattachement de Jérusalem-Est à Jérusalem-Ouest, ainsi qu’à Israël même, et pour couper les liens
entre la Ville sainte et le reste de la Palestine, notamment la réalisation de projets d’infrastructures
visant à relier et à intégrer pleinement la ville à Israël et l’extension du mur qui a fait l’objet de l’avis
consultatif donné par la Cour en 2004 et qui aujourd’hui, 20 ans plus tard, entoure la totalité de
Jérusalem et des environs du côté qu’Israël considère comme lui appartenant. À la section V, il est
expliqué comment l’annexion de Jérusalem par Israël et les mesures spécifiques de gouvernance
adoptées et mises en oeuvre dans la ville compromettent son caractère et son statut, en violation du
droit international.
3.25. Tous les faits recensés dans ces cinq sections ont été abondamment évoqués dans les
résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale et attestés par les rapports
d’organismes des Nations Unies faisant autorité, des experts indépendants et d’autres sources
éminemment fiables ; de plus, ils ont trouvé leur expression dans des déclarations contraires à leurs
intérêts faites par le Gouvernement israélien et ses représentants de haut niveau.
I. LOIS, RÈGLEMENTS ET AUTRES TEXTES ADMINISTRATIFS ADOPTÉS PAR ISRAËL POUR
ANNEXER JÉRUSALEM ET FAIRE VALOIR SA « SOUVERAINETÉ » SUR LA VILLE
A. Caractère et statut particuliers de Jérusalem
3.26. La ville sainte de Jérusalem possède un caractère historique et religieux sans équivalent,
puisqu’elle est considérée comme sacrée par trois religions monothéistes : l’islam, le christianisme
et le judaïsme. L’Organisation des Nations Unies l’a décrite comme une « ville [au] cachet culturel
et religieux singulier », qui « a toujours été un carrefour de cultures et de civilisations »197. Invoquant
« les intérêts spirituels et religieux sans pareils qu’abrite la Ville », l’Assemblée générale a
recommandé dans sa résolution 181 (II) adoptée le 29 novembre 1947 la création d’un « corpus
separatum » plaçant Jérusalem « sous un régime international spécial » qui « sera[it]
administré … par les Nations Unies »198.
197 Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Le statut de
Jérusalem », New York, 1997, p. 1 (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org/pdfs/97-24262f.pdf).
198 Assemblée générale, résolution 181 (II) du 29 novembre 1947, troisième partie, sect. A et C, paragraphe 1 du
plan de partage avec union économique.
- 46 -
3.27. Au cours de la Nakba qui a eu lieu de1947 à 1949, les forces militaires israéliennes se
sont emparées de Jérusalem-Ouest par la force. À la cessation des hostilités, les forces palestiniennes
et arabes ont conservé le contrôle de Jérusalem-Est, y compris la vieille ville.
3.28. Le 11 décembre 1948, l’Assemblée générale a adopté la résolution 194 (III) dans
laquelle elle a :
« [d]écid[é] qu’en raison des liens qu’elle a[vait] avec trois religions mondiales, la
région de Jérusalem, y compris la municipalité actuelle de Jérusalem plus les villages et
centres environnants … devrait jouir d’un traitement particulier et distinct de celui des
autres régions de Palestine et devrait être placée sous le contrôle effectif des
Nations Unies » et
« [d]onn[é] pour instructions à la Commission de conciliation de présenter à
l’Assemblée générale … des propositions détaillées concernant un régime international
permanent pour la région de Jérusalem … compatible avec le statut international spécial
de la région de Jérusalem »199.
3.29. L’année suivante, le 9 décembre 1949, l’Assemblée générale a adopté la
résolution 303 (IV) intitulée « Palestine : question d’un régime international pour la région de
Jérusalem et de la protection des Lieux saints ». Dans cette résolution, elle a réaffirmé son intention
« de voir instaurer à Jérusalem un régime international permanent qui prévoie des
garanties satisfaisantes pour la protection des Lieux saints, tant à Jérusalem qu’en
dehors de cette ville, et de confirmer expressément les dispositions suivantes de sa
résolution 181 (II) : 1) la Ville de Jérusalem sera constituée en corpus separatum sous
un régime international spécial et sera administrée par les Nations Unies »200.
3.30. Au cours de la période de plus de 70 ans qui s’est écoulée depuis l’adoption de ces
résolutions, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont adopté de nombreuses autres
résolutions exigeant la fin des violations du droit international commises par Israël à Jérusalem ou
au sujet de Jérusalem, et réaffirmant la nécessité de protéger le caractère et le statut particuliers de la
Ville sainte. En 1980, par exemple, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 476 dans laquelle il
soulignait notamment « le statut particulier de Jérusalem et, spécialement, la nécessité de protéger et
de préserver la dimension spirituelle et religieuse unique des Lieux saints de cette ville » et insistait
sur le fait qu’Israël, qui contrôlait alors la totalité de la ville, ne devait pas « modifier le caractère
physique, la composition démographique, la structure institutionnelle et le statut de la Ville sainte de
Jérusalem »201. Dans des résolutions ultérieures, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont
souligné que les États avaient l’obligation de s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de
légitimer les efforts déployés par Israël pour modifier le caractère et le statut de la ville ou d’y
contribuer202.
199 Ibid., résolution 194 (III) du 11 décembre 1948, par. 8.
200 Ibid., résolution 303 (IV) du 9 décembre 1949, par. 1 (notes de bas de page omises).
201 Conseil de sécurité, résolution 476 (1980) du 30 juin 1980, préambule.
202 Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980 ; Assemblée générale,
résolution ES-10/19 du 21 décembre 2017.
- 47 -
B. Lois et autres mesures adoptées par Israël
pour annexer Jérusalem-Ouest
3.31. Après sa création le 15 mai 1948, Israël a commencé à adopter des lois intégrant
Jérusalem-Ouest dans son territoire. Le 2 août 1948, alors que la guerre faisait rage, son ministre de
la défense a publié une proclamation dans laquelle il affirmait : « [L]e secteur de Jérusalem,
notamment la plus grande partie de la ville, une partie de ses environs et ses abords occidentaux, est
sous le contrôle de l’armée de défense israélienne qui se trouve sous mon autorité » et « [l]a loi de
l’État d’Israël prévaut dans le secteur administré »203.
3.32. Six semaines plus tard, le 16 septembre 1948, Israël a adopté l’ordonnance no 29 de 5708
relative à la zone de juridiction et aux pouvoirs, dont une disposition se lisait comme suit : « Toute
loi qui s’applique à l’ensemble de l’État d’Israël est considérée comme applicable à l’ensemble de la
zone composée de l’État d’Israël et de toute partie de la Palestine que le ministre de la défense place
par voie de proclamation sous le contrôle de l’armée de défense israélienne»204. Cette ordonnance a
ainsi confirmé et consacré l’applicabilité de la législation israélienne à Jérusalem-Ouest 205.
3.33. Le 5 décembre 1949, le premier ministre israélien David Ben-Gourion a déclaré que
« [l]a Jérusalem juive [était] une partie organique et intégrante de l’État d’Israël »206. Une semaine
plus tard, le 13 décembre 1949, il a affirmé à la Knesset qu’« Israël a[vait] et n’aura[it] qu’une seule
capitale, la Jérusalem éternelle »207. Le mois suivant, le 23 janvier 1950, « la Knesset [a] fait de
Jérusalem la capitale d’Israël et commen[cé] à y transférer les services de l’État »208. De ce moment
jusqu’au déclenchement de la guerre de 1967, Israël a maintenu sa capitale à Jérusalem-Ouest, faisant
valoir sa « souveraineté » sur cette partie de la Ville sainte et la considérant comme une partie
intégrante et permanente de l’État israélien, en dépit des nombreuses résolutions de l’Assemblée
générale et du Conseil de sécurité qui condamnaient toutes les mesures israéliennes visant à modifier
le caractère ou le statut de la Ville sainte et demandaient instamment l’abolition de ces mesures.
C. Lois et autres mesures adoptées par Israël
pour annexer Jérusalem-Est
3.34. Après que son ministre de la défense eut annoncé le 7 juin 1967, là encore en pleine
guerre, que les forces militaires israéliennes avaient « réunifié » la ville et « n’en repartir[aient] plus
203 Government Proclamation, « Jerusalem Declared Israel-Occupied City », Official Gazette, No 12, 2 août 1948
(https://tinyurl.com/4s4cukj9).
204 Area of Jurisdiction and Powers Ordinance No. 29 of 5708-1948, Official Gazette, no 23, 22 septembre 1948.
Voir Laws of the State of Israel, Authorised Translation from the Hebrew, Vol. I (Ordinances, 5708-1948) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ycx3h2c4), p. 64. L’article 3 de l’ordonnance dispose qu’elle s’applique
« rétroactivement » à partir du 15 mai 1948.
205 Comme l’a expliqué Ruth Lapidoth, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, « [l]’applicabilité de la
législation israélienne au secteur ouest de Jérusalem a été garantie par des proclamations faites par le ministre de la défense
en 1948 et par l’ordonnance relative à la zone de juridiction et aux pouvoirs de 1948 ». (R. Lapidot, « Jerusalem – The
Legal and Political Background », Justice, automne 1994, no 3 (publié en ligne le 30 juin 1998) (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/yax8cpj3).
206 Cité dans « The Knesset’s Anniversary: Early Years », accessible à l’adresse suivante : https://
main.knesset.gov.il/en/about/pages/birthday/birthday.aspx.
207 Cité dans « This Week in Haaretz 1949 Jerusalem Is Declared the Eternal Capital of Israel », Haaretz,
16 décembre 2010 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3c97pj6c).
208 Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Le statut de
Jérusalem », New York, 1997, p. 12 (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org/pdfs/97-24262f.pdf).
- 48 -
jamais »209, Israël a rapidement pris des mesures pour annexer Jérusalem-Est, la relier à
Jérusalem-Ouest et proclamer sa « souveraineté » sur l’ensemble de la Ville sainte, en adoptant un
certain nombre de lois, d’ordonnances administratives et d’autres textes administratifs.
3.35. Le 27 juin 1967, la Knesset a modifié l’ordonnance relative à l’organisation juridique et
administrative de 1948210 en adoptant une nouvelle disposition qui se lisait comme suit : « La
législation, la juridiction et l’administration de l’État s’étendent à tout secteur d’Eretz Israel [la
“Terre d’Israël”] désigné par acte du gouvernement »211.
3.36. Le même jour, la Knesset a adopté une autre loi disposant que le ministre de l’intérieur
« p[ouvait], s’il le juge[ait] bon … élargir, par proclamation, la superficie d’une municipalité donnée
en y intégrant une zone désignée par un texte »212.
3.37. Le lendemain, le 28 juin 1967, le ministre israélien de l’intérieur a exercé les pouvoirs
que lui avait conférés la Knesset la veille en prenant des textes officiels qui appliquaient
expressément « la législation, la juridiction et l’administration de l’État » à Jérusalem-Est213 et
repoussaient les frontières de Jérusalem pour y inclure le territoire adjacent dont s’étaient emparées
les forces militaires israéliennes214. Le même jour, la Knesset a adopté un autre texte de loi
— l’ordonnance relative aux municipalités portant déclaration sur l’extension des limites de la ville
de Jérusalem — qui apportait un appui législatif aux textes pris par le ministre. La nouvelle
ordonnance relative aux municipalités disposait que les limites de la « municipalité de Jérusalem »
— comprenant Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest — à l’intérieur desquelles « la législation, la
juridiction et l’administration » de l’État d’Israël s’appliqueraient étaient officiellement étendues
pour y inclure le territoire adjacent désigné par le ministre215.
3.38. En conséquence de ces mesures législatives et administratives, non seulement
Jérusalem-Est a été placée sous « la législation, la juridiction et l’administration » d’Israël, mais sa
superficie est passée du jour au lendemain de 6,5 à plus de 70 kilomètres carrés, soit une
multiplication par 11 de l’étendue du secteur vers l’intérieur de la Cisjordanie, rendue possible par
la conquête militaire israélienne réalisée au début du mois. La figure 3.2 ci-après représente
Jérusalem-Est avant et après son extension par Israël en juin 1967216.
209 Ibid., (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org/pdfs/97-24262f.pdf).
210 Law and Administration Ordinance No. 1 of 5708-1948, Official Gazette, no 2, 21 mai 1948 (vol. II, annexe 1).
211 Law and Administration Ordinance (Amendment No. 11) Law of 5727-1967, art. premier (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/yf3fjy7n) (Voir aussi vol. II, annexe 4).
212 Municipalities Ordinance (Amendment No. 6) Law of 5727-1967 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/yf3fjy7n) (Voir aussi vol. II, annexe 4).
213 Government and Law Procedures Ordinance No. 1 of 5727-1967, Israeli Collection of Regulations, no 2064,
28 juin 1967, p. 2690 (vol. II, annexe 5).
214 Order by the Minister of the Interior, Israeli Collection of Regulations, no 2063, 28 juin 1967, p. 2670.
215 Municipalities Ordinance (Announcement of the Expansion of the Jerusalem Municipality Boundaries), Israeli
Collection of Regulations, no 2065, 28 juin 1967, p. 2694 (vol. II, annexe 6).
216 Le paragraphe 34 du rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, apporte la précision suivante : « Plusieurs semaines
après avoir occupé militairement, entre autres territoires, Jérusalem-Est et la Cisjordanie lors de la guerre de juin 1967,
Israël a officiellement commencé d’administrer, en y appliquant sa loi, Jérusalem-Est et 28 villages palestiniens alentours,
en Cisjordanie, agrandissant ainsi considérablement la municipalité de Jérusalem. À l’issue de l’annexion de 1967, Israël
avait absorbé non seulement Jérusalem-Est (6 400 dounoums), jusqu’alors sous administration jordanienne, mais
- 49 -
3.39. Le but de ces mesures israéliennes était sans équivoque : il s’agissait de faire valoir la
« souveraineté » israélienne sur Jérusalem-Est et ses environs et d’intégrer dans Jérusalem-Ouest
l’espace territorial nouvellement conquis. En 1967 à la Knesset, lors de l’examen en première lecture
du projet de modification de l’ordonnance de 1948 relative à la l’organisation juridique et
administrative, le ministre israélien de la justice a qualifié cette mesure d’« acte manifeste de
souveraineté » et a demandé son adoption sur cette base :
« Selon le Gouvernement …, outre le contrôle exercé par les F[orces de]
D[éfense] I[sraéliennes], un acte manifeste de souveraineté doit être accompli par l’État
pour que sa loi s’applique sur le territoire en question … En conséquence, le
Gouvernement a décidé de demander à la Knesset d’adopter la loi que je propose,
laquelle dispose que la législation, la juridiction et l’administration de l’État
s’appliquent à toute partie d’Eretz Israel désignée par acte du gouvernement. »217
3.40. Le but de cette loi a été confirmé à maintes reprises par les plus hautes juridictions
israéliennes. Le président de la Cour suprême israélienne l’a expliqué dans les termes suivants :
« L’importance de cette modification apportée à la loi et du texte pris sur son
fondement réside en ce que, outre le contrôle militaire exercé par les forces de défense
israéliennes, “un acte manifeste de souveraineté [a été accompli] par l’État pour que la
législation israélienne s’applique à ce secteur”, pour reprendre les propos du ministre
de la justice intervenant devant la Knesset lors de l’examen du projet de modification
en première lecture. »218
3.41. La Haute Cour de justice d’Israël a également expliqué au sujet de la modification
apportée en 1967 à la loi de 1948 que « l’intention du législateur était d’autoriser le Gouvernement
à annexer les territoires de Palestine à l’État d’Israël », de sorte que Jérusalem-Est et ses environs
« soient annexés à l’État d’Israël et constituent une partie de son territoire »219. Comme l’a fait
observer Yoram Bar-Sela, ancien procureur général adjoint d’Israël, les plus hautes juridictions
israéliennes ont « déclaré plus d’une fois » que la modification législative et le texte administratif de
1967 avaient réalisé dans les faits « l’annexion de Jérusalem-Est par l’État d’Israël »220.
également 65 000 dounoums en Cisjordanie, qui se sont ajoutés à Jérusalem-Ouest (38 000 dounoums). » (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
217 Cité par A. Maoz, « Application of Israeli Law to the Golan Heights Is Annexation », Brooklyn Journal of
International Law, vol. 20, 1994, no 2, p. 359-360.
218 Cour suprême d’Israël siégeant comme Haute Cour de justice, affaire no 223/67, Ben-Dov v. Minister of
Religious Affairs, Piske Din, vol. 22, partie 1 (1968), p. 441-442 (les italiques sont de nous) ; voir International Law
Reports, vol. 47, 1974, p. 472-476. Ce passage est cité dans un arrêt de la Haute Cour d’Israël portant la référence suivante :
H.C.J 4185/90, Temple Mount Faithful Association v. Attorney General, [47] 5 PD 221 (1993) (Cour suprême d’Israël
siégeant comme Haute Cour de justice, affaire no 4185/90, Temple Mount Faithful Association v. Attorney General, Piske
Din, vol. 47, partie 5 (1993), p. 221) ; reproduit sous la référence H.C.J. 4185/90 Temple Mount Faithful Association v.
Attorney General (1993), 47(5) PD 221 dans Catholic University Law Review, vol. 45, 1996, p. 886-939.
219 Cour suprême d’Israël siégeant comme Haute Cour de justice, affaire no 283/69, Ravidi v. Military Court,
Hebron Zone, Piske Din, vol. 24, partie 2 (1969), p. 424 (cité dans A. Maoz, « Application of Israeli Law to the Golan
Heights Is Annexation », Brooklyn Journal of International Law, vol. 20, 1994, no 2, p. 361-362) (les italiques sont de
nous).
220 Bar-Sela, « Law Enforcement in the Eastern Sector of Jerusalem », dans O. Ahimeir, Jerusalem – Aspects of
Law, 2nd revised edition, Jerusalem: Jerusalem Institute for Legal Studies, Discussion Paper No. 3, 1983, p. xix (les
italiques sont de nous).
- 50 -
Figure 3.2
Jérusalem avant son extension unilatérale par Israël et
extension unilatérale de Jérusalem par Israël après juin 1967
Légende :
Green Line = Ligne verte
West Jerusalem = Jérusalem-Ouest
Israel’s unilateral expansion of West Jerusalem’s limits = Extension unilatérale des limites de Jérusalem-Ouest
par Israël
Green Line = Ligne verte
East Jerusalem = Jérusalem Est
Old City = Vieille ville
West Jerusalem = Jérusalem-Ouest
Israel’s unilateral expansion of East Jerusalem’s limits = Extension unilatérale des limites de Jérusalem Est par
Israël
Source : Palestinian Academic Society for the Study of International Affairs (PASSIA) : http://www.passia.org/
maps/view/60.
3.42. Le 4 juillet 1967, moins d’une semaine après la mise en place par Israël des mesures
visant à annexer Jérusalem-Est, l’Assemblée générale a adopté une résolution dans laquelle elle les
a déclarées « non valides » et a demandé à Israël « de rapporter toutes les mesures déjà prises et de
s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le statut de Jérusalem »221. Aucun État
Membre n’a voté contre cette résolution 222. Israël a néanmoins refusé de s’y conformer, si bien que
l’Assemblée générale a adopté une seconde résolution dix jours plus tard 223. Au cours du débat qui
a précédé l’adoption, les mesures prises par Israël ont été condamnées par de nombreux États comme
constituant une « annexion » illicite de Jérusalem-Est et de ses environs224. Les États-Unis, par
exemple, ont fait observer que la résolution « reconn[aissait], en appelant à leur abrogation, que les
mesures administratives qui [avaient] été prises constitu[aient] une annexion de Jérusalem par
221 Assemblée générale, résolution 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967.
222 Au total, 99 États ont voté en faveur de la résolution, 20 États se sont abstenus et il n’y a eu aucun vote contre
la résolution.
223 Assemblée générale, résolution 2254 (ES-V) du 14 juillet 1967.
224 Assemblée générale, Documents officiels, cinquième session extraordinaire d’urgence (1967), doc. A/PV.1554.
- 51 -
Israël »225. Dans sa résolution, adoptée sans aucune voix contre226, l’Assemblée générale a
« [d]éplor[é] qu’Israël ait manqué » à l’obligation de respecter la précédente résolution du 4 juillet
1967 et a demandé de nouveau à Israël « de rapporter toutes les mesures déjà prises et de s’abstenir
immédiatement de toute action qui changerait le statut de Jérusalem »227.
3.43. Là encore, Israël a refusé de se conformer à la résolution. Dans son rapport à l’Assemblée
générale en date du 12 septembre 1967, le Secrétaire général a déclaré ce qui suit :
« Au cours des nombreuses conversations que le Représentant personnel a eues
avec des dirigeants israéliens, et notamment le premier ministre et le ministre des
affaires étrangères, il lui a été signifié on ne peut plus clairement qu’Israël prenait toutes
les mesures nécessaires pour placer sous sa souveraineté les parties de la Ville qui ne
se trouvaient pas sous son contrôle avant juin 1967. Les fondements juridiques de cette
action avaient déjà été institués et les autorités administratives avaient commencé à
appliquer les lois et règlements israéliens dans ces parties de la Ville. … Les autorités
israéliennes ont déclaré catégoriquement que le processus d’intégration était
irréversible et non négociable. »228
3.44. Le 21 mai 1968, le Conseil de sécurité a emboîté le pas à l’Assemblée générale en
condamnant l’annexion illicite de Jérusalem par Israël. Dans sa résolution 252 adoptée à cette date,
il a « [r]éaffirm[é] que l’acquisition de territoire par la conquête militaire [était] inadmissible » et a
« [d]éplor[é] qu’Israël ait manqué de se conformer aux résolutions … de l’Assemblée générale » de
juillet 1967. Faisant écho aux propos de l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité a déclaré que
« toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, y compris
l’expropriation de terres et de biens immobiliers, qui tend[ai]ent à modifier le statut juridique de
Jérusalem [étaient] non valides et ne [pouvaient] modifier ce statut ». Dans sa résolution 252, le
Conseil a « [d]emand[é] d’urgence à Israël de rapporter toutes les mesures de cette nature déjà prises
et de s’abstenir immédiatement de toute nouvelle action qui tend[ait] à modifier le statut de
Jérusalem »229. Israël a enfreint la résolution du Conseil de sécurité, tout comme il avait rejeté les
résolutions adoptées par l’Assemblée générale l’année précédente.
3.45. Le Conseil de sécurité est resté saisi de la question et a refusé d’accepter l’annexion de
Jérusalem par Israël. Le 3 juillet 1969, il a adopté la résolution 267, dans laquelle il a « [d]éplor[é]
qu’Israël n’ait tenu aucun compte des résolutions … de l’Assemblée générale et du Conseil de
sécurité » et a « [c]ensur[é] dans les termes les plus énergiques toutes les mesures prises pour
modifier le statut de la ville de Jérusalem ». Dans la même résolution, il a « [d]emand[é] d’urgence
une fois de plus à Israël de rapporter immédiatement toutes les mesures prises par lui qui p[ouvaient]
tendre à modifier le statut de la ville de Jérusalem » et de s’abstenir à l’avenir de toutes dispositions
de même nature230.
225 Ibid., par. 102 (les italiques sont de nous).
226 Au total, 99 États ont voté en faveur de la résolution, 18 États se sont abstenus et il n’y a eu aucun vote contre
la résolution.
227 Assemblée générale, résolution 2254 (ES-V) du 14 juillet 1967, par. 1-2.
228 Rapport du Secrétaire général présenté en application de la résolution 2254 (ESV) de l’Assemblée générale
relative à Jérusalem, doc. S/[8]146, 12 septembre 1967, par. 33 et 35 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse
suivante : https://digitallibrary.un.org/record/519164?ln=fr ).
229 Conseil de sécurité, résolution 252 (1968) du 21 mai 1968, par. 3.
230 Conseil de sécurité, résolution 267 (1969) du 3 juillet 1969, par. 5.
- 52 -
3.46. Israël ne voulant toujours rien entendre, le Conseil de sécurité a adopté le 25 septembre
1971 la résolution 298 dans laquelle il a de nouveau « [d]éplor[é] » qu’Israël n’ait pas respecté les
résolutions précédentes concernant les mesures qu’il avait prises à l’effet de modifier le statut de la
ville sainte de Jérusalem et a
« [c]onfirm[é] de la façon la plus explicite que toutes les dispositions législatives et
administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y
compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et
la législation visant à incorporer la partie occupée, [étaient] totalement nulles et non
avenues et ne p[ouvaient] modifier le statut de la ville ».
Il a aussi de nouveau « [i]nvit[é] instamment Israël à rapporter toutes les mesures et dispositions
précédentes et à ne prendre dans la partie occupée de Jérusalem aucune autre mesure pouvant viser
à modifier le statut de la ville »231. Une fois encore, Israël n’a fait aucun cas de ces appels et a violé
la résolution, tout comme il l’avait fait pour toutes les précédentes.
3.47. Au cours des années suivantes, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont adopté
d’autres résolutions dans lesquelles ils ont continué d’affirmer sans détour que les dispositions prises
par Israël à Jérusalem-Est et dans ses environs constituaient une annexion illicite. Le 29 novembre
1974, par exemple, l’Assemblée générale a adopté la résolution 3240 qui se lit comme suit :
« L’Assemblée générale,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3. Se déclare très profondément préoccupée de l’inobservation continue et
persistante par Israël de la Convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, et d’autres instruments internationaux
applicables, en particulier des violations suivantes :
a) L’annexion de certaines parties des territoires occupés ;
b) L’établissement de colonies de peuplement israéliennes dans lesdits territoires et le
transfert dans ces territoires d’une population étrangère ;
c) La destruction et la démolition de maisons, de villages et de villes arabes ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4. Déclare que ces politiques israéliennes sont non seulement en contravention et
en violation directes des buts et principes de la Charte des Nations Unies, en particulier
des principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, des principes et dispositions
du droit international applicable en matière d’occupation et des droits de l’homme
fondamentaux des populations, mais qu’elles constituent aussi un obstacle à
l’établissement d'une paix juste et durable ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7. Exige qu’Israël renonce immédiatement à l’annexion et à la colonisation des
territoires arabes qu’il occupe »232.
231 Ibid., résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, par 4.
232 Assemblée générale, résolution 3240 A (XXIX) du 29 novembre 1974 (les italiques sont de nous).
- 53 -
3.48. En décembre 1975, l’Assemblée générale a adopté la résolution 3414 dans laquelle elle
a fait référence aux « principes du droit international qui interdisent l’occupation ou l’acquisition
d’un territoire par la force et selon lesquels toute occupation militaire, pour temporaire qu’elle soit,
ou toute annexion par la force d’un territoire, ou d’une partie de ce territoire, est un acte
d’agression ». Elle a « [c]ondamn[é] la poursuite de l’occupation par Israël de territoires arabes, en
violation de la Charte des Nations Unies, des principes du droit international et des résolutions
réitérées de l’Organisation des Nations Unies »233. Dix jours plus tard, elle a adopté la
résolution 3525 dans laquelle elle a « [c]ondamn[é], en particulier … [l]’annexion de certaines
parties des territoires occupés » et « [e]xig[é] qu’Israël renonce immédiatement à l’annexion et à la
colonisation des territoires arabes qu’il occup[ait]»234.
3.49. Entre 1976 et 1979, l’Assemblée générale a adopté tous les ans d’autres résolutions dans
lesquelles elle « [c]ondamn[ait] … [l’]annexion de certaines parties des territoires occupés » et
faisait état de la « poursui[te par Israël de] sa politique d’annexion ou de colonisation » dans les
territoires occupés235.
3.50. Le 22 mars 1979, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 446 dans laquelle il a, tout
comme dans des résolutions antérieures, « [d]éplor[é] vivement qu’Israël ne respecte pas » ses
résolutions précédentes et celles de l’Assemblée générale relatives à l’annexion de Jérusalem et
d’autres territoires palestiniens occupés236. Dans ladite résolution, il a
« [d]emand[é] une fois encore à Israël, en tant que Puissance occupante, de
respecter scrupuleusement la Convention de Genève relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, de rapporter les mesures qui ont
déjà été prises et de s’abstenir de toute mesure qui modifierait le statut juridique et le
caractère géographique des territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem,
et influerait sensiblement sur leur composition démographique, et, en particulier, de ne
pas transférer des éléments de sa propre population civile dans les territoires arabes
occupés »237.
D. Adoption par Israël de lois faisant de Jérusalem
sa capitale « entière et unifiée »
3.51 Au lieu de respecter le droit international et les résolutions de l’Organisation des
Nations Unies, Israël a pris des mesures législatives visant à conférer un caractère permanent à
l’annexion de Jérusalem. En 1980, il a adopté une loi qui faisait officiellement de Jérusalem « entière
et unifiée », à savoir Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest, la « capitale d’Israël » et ancrait
expressément ce statut de Jérusalem dans sa législation quasi constitutionnelle238.
3.52. Après le dépôt de la proposition de loi devant la Knesset, le Conseil de sécurité a adopté,
le 30 juin 1980, la résolution 476 dans laquelle il a « [d]éplor[é] qu’Israël persiste à modifier … la
233 Ibid., résolution 3414 (XXX) du 5 décembre 1975, par. 2.
234 Ibid. résolution 3525 A (XXX) du 15 décembre 1975, par. 5 et 9 (les italiques sont de nous).
235 Ibid., résolutions 31/106 C du 16 décembre 1976, 32/91 C du 13 décembre 1977, 33/113 C du 18 décembre 1978
et 34/90 A du 12 décembre 1979.
236 Conseil de sécurité, résolution 446 (1979) du 22 mars 1979.
237 Ibid., par. 3.
238 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 35 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
- 54 -
structure institutionnelle et le statut de la Ville sainte de Jérusalem ». Le Conseil s’est dit
« [g]ravement préoccupé par les mesures législatives entamées à la Knesset israélienne en vue de
modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem ». Il a demandé instamment à Israël
de se conformer à ses résolutions précédentes et de mettre immédiatement un terme au processus
législatif tendant à l’adoption de mesures de modification du statut de Jérusalem239.
3.53. En dépit de la sommation sans équivoque du Conseil de sécurité, moins de six semaines
plus tard, le 5 août 1980, la Knesset a adopté la loi fondamentale intitulée « Jérusalem, capitale
d’Israël » (1980) (ci-après, la « loi fondamentale de 1980 ») dont l’article premier se lit comme suit :
« Jérusalem entière et unifiée est la capitale d’Israël. »240
3.54. Selon les membres de la Knesset qui ont déposé la proposition de loi devenue la loi
fondamentale de 1980, celle-ci avait pour but de garantir « le statut de Jérusalem en tant que capitale
d’Israël ainsi que l’unification et l’intégrité du Grand Jérusalem »241. Comme l’a expliqué la Cour
suprême d’Israël, « [l]a législation de l’État d’Israël et les décisions de cette Cour établissent que
Jérusalem, entière et indivisée, est la capitale d’Israël … et que les lois, la juridiction et
l’administration de l’État d’Israël s’y appliquent »242.
3.55. D’après la Cour suprême d’Israël, ces lois « ont établi la souveraineté de l’État d’Israël
sur Jérusalem entière et unifiée, en tant que capitale d’Israël»243.
3.56. L’adoption de la loi fondamentale de 1980 par Israël a déclenché de nouvelles
condamnations dans la communauté internationale. Le 22 août 1980, le Conseil de sécurité a adopté
la résolution 478 dans laquelle il a « [c]ensur[é] dans les termes les plus énergiques l’adoption par
Israël de la “loi fondamentale” sur Jérusalem et son refus de se conformer aux résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité ». Il a affirmé en outre que « l’adoption de la “loi fondamentale” par Israël
constitu[ait] une violation du droit international » et a jugé que
« toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la
Puissance occupante, qui [avaient] modifié ou vis[aient] à modifier le caractère et le
statut de la Ville sainte de Jérusalem, et en particulier la récente “loi fondamentale” sur
Jérusalem, [étaient] nulles et non avenues et d[evaient] être rapportées
immédiatement »244.
3.57. Le 10 décembre 1981, l’Assemblée générale a adopté la résolution 36/120, dans laquelle
elle a
« [e]xig[é] ... qu’Israël se conforme intégralement aux dispositions de toutes les
résolutions de l’Organisation des Nations Unies qui [avaient] trait au caractère
239 Conseil de sécurité, résolution 476 (1980) du 30 juin 1980.
240 Basic Law: Jerusalem, Capital of Israel, Israeli Collection of Regulations, 5740-1980 (vol. II, annexe 7).
241 Cité dans B’Tselem, « The Israeli Information Center for Human Rights in the Occupied Territories, « A Policy
of Discrimination, Land Expropriation, Planning and Building in East Jerusalem », Jérusalem, Janvier 1997, p. 12, note 10
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2ekthfw9).
242 Cour suprême d’Israël siégeant comme Haute Cour de justice, affaire no 4185/90 (1993), Piske Din, vol. 47,
partie 5, p. 221, dans Catholic University Law Review, vol. 45, 1996, p. 938 (les italiques sont de nous).
243 Ibid., p. 920.
244 Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980, par. 2-3.
- 55 -
historique de la Ville sainte de Jérusalem, en particulier des résolutions 476 (1980)
et 478 (1980) du Conseil de sécurité, en date des 30 juin et 20 août 1980 »
et a « rejet[é] la promulgation par la Knesset israélienne d’une “loi fondamentale” proclamant
Jérusalem capitale d’Israël »245. Elle a exigé en outre qu’Israël se retire de tous les territoires
palestiniens dont il s’était emparé par la force militaire en 1967, y compris Jérusalem-Est.
3.58. Le 19 décembre 1983, l’Assemblée générale a adopté la résolution 38/180 dans laquelle
elle a
« [d]éclar[é] que la politique et les pratiques israéliennes d’annexion ou visant à
l’annexion des territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés, y compris
Jérusalem, [étaient] contraires aux principes du droit international et aux résolutions
pertinentes de l’Organisation des Nations Unies »
et a « [d]éclar[é] une fois de plus que la décision prise par Israël d’imposer ses lois, sa juridiction et
son administration à la ville sainte de Jérusalem [était] illégale, et par conséquent nulle et non avenue
et sans validité aucune »246. Entre 1984 et 1991, elle a également adopté tous les ans des résolutions
dans lesquelles elle « [e]stim[ait] que la décision d’Israël d’annexer Jérusalem et d’en faire sa
“capitale” ainsi que les mesures prises pour en modifier le caractère physique, la composition
démographique, la structure institutionnelle et le statut [étaient] nulles et non avenues » et
« exige[ait] qu’elles soient rapportées immédiatement »247.
3.59 Tous les ans entre 1992 et 2000, l’Assemblée générale a adopté des résolutions dans
lesquelles elle « [c]onstat[ait] que la décision prise par Israël d’imposer ses lois, sa juridiction et son
administration à la ville sainte de Jérusalem [était] illégale et, de ce fait, nulle et non avenue et sans
validité aucune »248.
3.60. Comme dans les cas précédents, Israël a répondu aux résolutions du Conseil de sécurité
et de l’Assemblée générale par des mesures exactement contraires à celles qui étaient exigées. Au
lieu d’abroger la loi fondamentale de 1980, il a adopté de nouvelles mesures législatives visant à
consolider son annexion de Jérusalem-Est et à faire valoir sa « souveraineté » sur l’ensemble de la
Ville sainte. Le 27 novembre 2000, en particulier, la Knesset a adopté une loi portant modification
de la loi fondamentale de 1980 (ci-après, la « loi de 2000 portant modification de la loi
fondamentale ») dans ce but précis. Comme cela ressort clairement de sa disposition modificative
numéro 1, cette loi avait pour but de conférer un caractère permanent à l’annexion de Jérusalem et
d’empêcher sa restitution, en tout ou partie, à la Palestine : elle était conçue expressément pour
« interdire le transfert de tout pouvoir gouvernemental ou municipal relatif au territoire de Jérusalem
à quelque entité que ce soit qui n’agirait pas en vertu d’une loi de l’État d’Israël »249.
245 Assemblée générale, résolution 36/120 D du 10 décembre 1981, par. 6.
246 Ibid., résolutions 38/180 A du 19 décembre 1983, par. 4 (les italiques sont de nous) et 38/180 C du 19 décembre
1983, par. 1.
247 Ibid., résolutions 39/146 du 14 décembre 1984, 40/168 du 16 décembre 1985, 41/162 du décembre 1986, 42/209
du 11 décembre 1987, 43/54 du 6 décembre 1988, 44/40 du 4 décembre 1989, 45/83 du 13 décembre 1990 et 46/82 du
16 décembre 1991 (les italiques sont de nous).
248 Ibid., résolution 49/87 du 16 décembre 1994. Voir également ibid., résolutions 48/59 du 14 décembre 1993,
50/22 du 4 décembre 1995, 51/27 du 4 décembre 1996, 52/53 du 9 décembre 1997, 53/37 du 2 décembre 1998, 54/37 du
1er décembre 1999 et 55/50 du 1er décembre 2000.
249 Basic Law: Jerusalem The Capital of Israel, Amendment No. 1, 7 décembre 2020 (les italiques sont de nous)
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3sxunx7j).
- 56 -
3.61. La loi de 2000 portant modification de la loi fondamentale a introduit dans celle-ci un
nouvel article 5 (intitulé « Ressort de la circonscription de Jérusalem ») qui dispose que
« les limites de Jérusalem, aux fins de la présente loi fondamentale, [incluent] la totalité
de la zone décrite dans l’additif à la déclaration sur l’extension des limites de la
municipalité de Jérusalem du 20 sivan 5727 (28 juin 1967), émise en application de
l’ordonnance relative aux municipalités »250.
3.62. L’article 5 établissait donc par la voie législative que « Jérusalem », proclamée capitale
« entière et unifiée » d’Israël par la loi fondamentale de 1980, était constituée de la totalité du
territoire qui avait été intégré à la municipalité de Jérusalem par l’ordonnance du ministre de
l’intérieur en date du 28 juin 1967, à savoir Jérusalem-Ouest, Jérusalem-Est et ses environs.
3.63. Le 3 décembre 2001, l’Assemblée générale a adopté une fois encore une résolution dans
laquelle elle a « [c]onstat[é] que la décision prise par Israël d’imposer ses lois, sa juridiction et son
administration à la ville sainte de Jérusalem [était] illégale et, de ce fait, nulle et non avenue et sans
validité aucune »251.
3.64. Un an plus tard, constatant qu’Israël persistait à faire valoir sa « souveraineté » sur
Jérusalem, l’Assemblée générale a adopté, en réaction, la résolution 57/111 le 3 décembre 2002.
Dans celle-ci, elle a commencé par rappeler ses résolutions précédentes dans lesquelles elle avait
« constaté que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises
par Israël, puissance occupante, qui [avaient] modifié ou visaient à modifier le caractère
et le statut de la ville sainte de Jérusalem, en particulier la prétendue “loi fondamentale”
sur Jérusalem et la proclamation de Jérusalem capitale d’Israël, étaient nulles et non
avenues et devaient être immédiatement rapportées ».
Ensuite, elle a « [r]appel[é] qu’elle a[vait] établi que toute mesure prise par Israël en vue d’imposer
ses lois, sa juridiction et son administration à la ville sainte de Jérusalem était illégale et, de ce fait,
nulle et non avenue et sans validité aucun »252. Entre 2003 et 2018, elle a adopté tous les ans d’autres
résolutions dans lesquelles elle réitérait ces affirmations et exigences253.
3.65. En 2018, Israël a néanmoins adopté d’autres modifications visant à empêcher la
restitution de quelque partie de Jérusalem à la Palestine. Au cours de cette même année, il a apporté
à l’article 7 de la loi fondamentale de 1980 une modification disposant que l’article 6 (aux termes
duquel « aucun pouvoir concernant les limites du ressort de la municipalité de Jérusalem … ne peut
être transféré à une puissance politique ou gouvernante étrangère, ou à toute autre autorité étrangère
analogue, que ce soit de manière permanente ou pour une période donnée ») ne pourrait être abrogé
que par une loi fondamentale adoptée à la majorité qualifiée (80 voix) des membres de la Knesset, et
250 Basic Law: Jerusalem The Capital of Israel, telle que modifiée, art. 5 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/3sxunx7j). Voir également vol. II, annexe 7.
251 Assemblée générale, résolution 56/31 du 3 décembre 2001, par. 1.
252 Assemblée générale, résolution 57/111 du 3 décembre 2002, par. 1.
253 Assemblée générale, résolutions 58/22 du 3 décembre 2003, 59/32 du 1er décembre 2004, 60/41 du 1er décembre
2005, 61/26 du 1er décembre 2006, 62/84 du 10 décembre 2007, 63/30 du 26 novembre 2008, 64/20 du 2 décembre 2009,
65/17 du 30 novembre 2010, 66/18 du 30 novembre 2011, 67/25 du 30 novembre 2012, 68/16 du 26 novembre 2013, 69/24
du 10 novembre 2014, 70/16 du 24 novembre 2015, 71/25 du 16 décembre 2016, 72/15 du 7 décembre 2017 et 73/22 du
4 décembre 2018.
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non pas à la majorité simple (61 voix)254. En outre, l’article 3 de la loi relative à l’État-Nation
souligne et ancre dans le droit israélien le fait que « Jérusalem entière et unifiée est la capitale
d’Israël »255.
3.66. À la suite de ces modifications apportées en 2018, la haute-commissaire des
Nations Unies aux droits de l’homme a formulé l’observation suivante : « En ce qu’elle désigne “la
ville complète et indivisible de Jérusalem” comme étant la capitale d’Israël, la loi relative à
l’État-Nation, adoptée le 19 juillet 2018, réaffirme l’annexion illégale de Jérusalem-Est, en violation
de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité. » La haute-commissaire a ajouté :
« En déclarant que “l’État d’Israël considère que le développement des colonies
juives constitue une valeur nationale et prendra des mesures pour encourager et
promouvoir davantage leur implantation et leur consolidation”, la loi semble justifier
l’expansion des colonies israéliennes dans Jérusalem-Est, zone qu’Israël estime être sur
son territoire. »256
3.67. Le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 a lui aussi conclu que la loi fondamentale de 2018 était l’une des
« initiatives législatives [ayant] récemment vu le jour à la Knesset pour consolider la souveraineté
israélienne sur Jérusalem-Est et rétablir l’“équilibre démographique” de la ville », afin de « garantir
l’irréversibilité de son annexion de jure de Jérusalem-Est »257.
3.68. Le 1er décembre 2021, l’Assemblée générale a adopté la résolution 76/12 dans laquelle,
après avoir évoqué nombre de ses résolutions précédentes relatives à Jérusalem, elle a
« [r]appel[é] qu’elle a[vait] déterminé que toute mesure prise par Israël, Puissance
occupante, en vue d’imposer ses lois, sa juridiction et son administration à la Ville sainte
de Jérusalem était illégale et, de ce fait, nulle et non avenue et sans validité aucune, et
demand[é] à Israël de renoncer immédiatement à toutes ces mesures illégales et
unilatérales »258.
254 En 2018, le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967 a fait observer ce qui suit : « La Loi fondamentale disposait jusqu’alors qu’une majorité simple suffisait. [Ce
changement] compliquerait l’obtention de l’appui de la Knesset à un éventuel accord de paix reconnaissant la souveraineté
palestinienne sur Jérusalem-Est... » (Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 45 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447)).
255 Basic Law: Israel – The Nation State of the Jewish People, 19 juillet 2018 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/yc2r5he3).
256 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 30 janvier 2019,
doc. A/HRC/40/42, par. 13 (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante : https://
documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G19/021/53/PDF/G1902153.pdf?OpenElement).
257 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 44 (note de bas de page omise) et 37 respectivement (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
258 Assemblée générale, résolution 76/12 du 1er décembre 2021, par. 1.
- 58 -
3.69. Malgré les nombreuses condamnations et demandes de cessation des violations et de
respect du droit international formulées par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, « Israël
ne respecte toujours pas l’ensemble des résolutions de l’ONU sur la question de Jérusalem »259.
II. DÉCLARATIONS DE HAUTS REPRÉSENTANTS DU GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN
TENDANT À FAIRE VALOIR LA « SOUVERAINETÉ » D’ISRAËL SUR JÉRUSALEM
3.70. Depuis 1967, les gouvernements israéliens successifs affirment que la totalité de la ville
sainte de Jérusalem (à savoir Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest) relève de la « souveraineté » d’Israël
en conséquence de la conquête militaire de Jérusalem-Ouest et de Jérusalem-Est réalisée par Israël
et des lois et ordonnances exposées plus haut. En voici quelques exemples, et on pourrait en citer
bien d’autres :
a) Le 29 décembre 1969, Golda Meir, première ministre, déclare : « Jérusalem unifiée restera la
capitale d’Israël »260.
b) Le 31 mars 1976, Ygal Allon, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères, déclare :
« Jérusalem, capitale éternelle du peuple juif, est une partie indissociable de l’État souverain
d’Israël et ne sera plus jamais divisée. … Jérusalem unifiée, capitale de l’État d’Israël sous la
souveraineté israélienne, constitue un fait incontestable par qui que ce soit. »261
c) Le 14 octobre 1990, le Conseil des ministres israélien charge le vice-premier ministre et ministre
des affaires étrangères d’Israël de communiquer les informations suivantes au Secrétaire général :
« Aucune partie de Jérusalem n’est un territoire occupé ; Jérusalem est la capitale souveraine
de l’État d’Israël. L’Organisation des Nations Unies n’a donc pas à intervenir dans quelque
affaire que ce soit concernant Jérusalem. »262
d) En juillet 1992, le Gouvernement israélien, dirigé par le premier ministre Yitzhak Rabin, publie
les principes directeurs fondamentaux officiels de la politique du vingt-cinquième Gouvernement
qui se lisent comme suit :
« Jérusalem restera unifiée, et entièrement sous la souveraineté israélienne.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jérusalem unifiée — capitale éternelle d’Israël — restera unifiée et totalement sous
la souveraineté d’Israël. »263
259 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 46 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/72/556).
260 Ministère israélien des affaires étrangères, « Statement to the Knesset by Prime Minister Golda Meir »,
29 décembre 1969 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/593wmkyv).
261 Ministère des affaires étrangères, « Statement in the Knesset by Deputy Premier and Foreign Minister Allon on
the US statement in the Security Council », 31 mars 1976 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2s3eppu8).
262 Déclaration adoptée par le Conseil des ministres israélien le 14 octobre 1990, citée dans le rapport présenté au
Conseil de sécurité par le Secrétaire général conformément à la résolution 672 (1990), doc. S/21919, 31 octobre 1990, p. 3
(les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N90/
287/67/PDF/N9028767.pdf?OpenElement).
263 Basic Policy Guidelines of the 25th Government – July 1992, 13 juillet 1992, préambule et section 4 (les
italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p89uhj5).
- 59 -
e) Le 22 novembre 1995, le Gouvernement israélien, dirigé par le premier ministre Shimon Peres,
publie ses principes directeurs fondamentaux dont l’un est ainsi libellé : « Jérusalem unifiée,
capitale éternelle d’Israël, restera unifiée et totalement sous la souveraineté d’Israël. »264
f) En juin 1996, le Gouvernement israélien, dirigé par le premier ministre Benjamin Netanyahu,
publie ses principes directeurs qui se lisent comme suit :
« 1. Jérusalem, capitale d’Israël, est une ville une, entière et indivisible qui restera à
jamais sous la souveraineté d’Israël.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3. Le Gouvernement fera échec à toute tentative faite pour porter atteinte à l’unité
de Jérusalem et empêchera toute action allant à l’encontre de la souveraineté
exclusive d’Israël sur la ville. »265
g) En juillet 1999, le Gouvernement israélien, dirigé par le premier ministre Ehud Barak, publie ses
principes directeurs dont l’un est ainsi libellé : « Le Grand Jérusalem, capitale éternelle d’Israël,
restera unifié et entier sous la souveraineté d’Israël. »266
h) En février 2003, le Gouvernement israélien, dirigé par le premier ministre Ariel Sharon, publie
ses principes directeurs dont l’un est ainsi libellé : « Garantir le statut de Jérusalem en tant que
capitale d’Israël »267.
i) En mai 2006, le Gouvernement israélien, dirigé par le premier ministre Ehud Olmert, publie ses
principes directeurs dont l’un est ainsi libellé : « Il prendra des mesures pour transformer
Jérusalem en un centre politique, culturel et économique, digne de son statut de capitale d’Israël
et de capitale du peuple juif. »268
j) Le 19 juillet 2009, le premier ministre Benjamin Netanyahu déclare :
« Je tiens à souligner une fois encore que Jérusalem unifiée est la capitale du
peuple juif et de l’État d’Israël. Notre souveraineté sur elle ne peut être contestée ;
cela signifie notamment que les habitants de Jérusalem peuvent acheter des
appartements dans tous les quartiers de la ville. Cela a été la politique de tous les
gouvernements israéliens. »269
k) Le 8 mai 2022, le premier ministre Naftali Bennett déclare :
« [T]outes les décisions relatives à … Jérusalem seront prises par le
Gouvernement israélien, qui est souverain dans la ville, sans aucune considération
extérieure quelle qu’elle soit. Nous rejetons assurément toute participation étrangère
264 Basic Policy Guidelines of the Israel Government – November 1995, 22 novembre 1995, par. 3.1 (les italiques
sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2y8czrez).
265 Guidelines of the Government of Israel – June 1996, 18 juin 1996 (les italiques sont de nous) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/k6pfx9cr).
266 Guidelines of the Government of Israel – July 1999, 6 juillet 1999, par. 3.1 (les italiques sont de nous)
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/bpavc4zw).
267 Basic Guidelines of the 30th Government of Israel, février 2003 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/2c8exx2b).
268 Basic Guidelines of the 31st Government of Israel (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
spmcyds7).
269 Services du premier ministre israélien, « Statement by PM Netanyahu at the Weekly Cabinet Meeting »,
19 juillet 2009 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/y7fjcbd5).
- 60 -
aux décisions du Gouvernement d’Israël [concernant Jérusalem]. … Jérusalem
unifiée est la capitale d’un seul pays, l’État d’Israël. »270
l) Le 31 décembre 2022, le premier ministre Benjamin Netanyahu, condamnant la demande d’avis
consultatif dont l’Assemblée générale a saisi la Cour comme étant une « décision abjecte »,
déclare : « Le peuple juif n’est pas occupant sur sa propre terre ni occupant dans notre capitale
éternelle de Jérusalem et aucune résolution de l’ONU ne peut altérer cette vérité historique. »271
3.71. Ces déclarations répétées faites par les plus hautes autorités gouvernementales
israéliennes au cours des 50 dernières années — ainsi que bien d’autres de même nature que l’on
pourrait ajouter à cette liste déjà longue — montrent que, selon le Gouvernement israélien lui-même,
c’est de manière illicite qu’Israël a annexé Jérusalem et ses environs et s’est déclaré « souverain »
sur la totalité de la Ville sainte. Le comportement d’Israël constitue indéniablement une violation de
la règle fondamentale du droit international consacrée par la Charte des Nations Unies qui interdit
toute acquisition de territoire par un État par la conquête militaire ou par l’occupation de guerre.
III. CONSTRUCTION PAR ISRAËL DE COLONIES DE PEUPLEMENT À JÉRUSALEM-EST ET
DANS LES ENVIRONS, ET DÉPLACEMENT DES PALESTINIENS HORS DE CES SECTEURS
3.72. Afin de consolider et de pérenniser le contrôle qu’il exerce sur la ville sainte de
Jérusalem, Israël a engagé un vaste programme de construction de colonies israéliennes dans
Jérusalem-Est occupée, qu’il a peuplées de plus de 230 000 colons israéliens. Il a également adopté
une série de mesures et de pratiques qui ont pour but et pour effet de chasser les Palestiniens de leurs
foyers à Jérusalem-Est, modifiant par là même la composition démographique de la ville.
A. Construction de colonies de peuplement
1. Construction illicite de colonies de peuplement à Jérusalem-Est par Israël
3.73. Comme l’a expliqué la Cour dans l’avis sur le mur, le sixième alinéa de l’article 49 de la
quatrième convention de Genève « prohibe … toutes les mesures que peut prendre une puissance
occupante en vue d’organiser et de favoriser des transferts d’une partie de sa propre population dans
le territoire occupé »272. Cette interdiction vise notamment à empêcher la puissance occupante
d’utiliser le transfert et l’installation de sa propre population pour prendre le contrôle du territoire
occupé ou renforcer son contrôle sur ledit territoire de manière permanente, comme le faisaient les
puissances coloniales273.
270 Ministère israélien des affaires étrangères, « PM Bennett’s remarks at the start of the weekly Cabinet meeting »,
8 mai 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4552f6z4).
271 « Netanyahu says Israel not bound by “despicable” U.N. vote », Reuters, 31 décembre 2022 (les italiques sont
de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3w3ec5a4).
272 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 184, par. 120.
273 Comme l’ont expliqué Awn Al-Khasawneh et Ribot Hatano dans une étude réalisée en 1993 pour le Conseil
économique et social de l’Organisation des Nations Unies, « [c]ertains transferts de populations ont pour but ou pour effet
de modifier la composition démographique d’un territoire en fonction d’objectifs politiques ou d’une idéologie dominante,
surtout si cette politique ou cette idéologie affirment la dominance de tel ou tel groupe sur un autre. L’objectif d’un transfert
de populations peut être l’acquisition ou le contrôle de territoires, une conquête militaire ou l’exploitation d’une population
autochtone ou de ses ressources. » (Conseil économique et social de l’Organisation des Nations Unies, « Réalisation des
droits économiques, sociaux et culturels : Les transferts de populations, y compris l’implantation de colons et de colonies,
considérés sous l’angle des droits de l’homme », 6 juillet 1993, doc. E/CN.4/Sub.2/1993/17, par. 17). Voir également
- 61 -
3.74. En dépit de cette interdiction, Israël procède depuis 1967 à une colonisation de grande
envergure de Jérusalem-Est et des alentours. L’illicéité de ses colonies ne fait aucun doute. Dans
l’avis sur le mur, la Cour a conclu que « les colonies de peuplement installées par Israël dans le
territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est) l’[avaie]nt été en méconnaissance du droit
international »274.
3.75. L’objectif qu’Israël cherche à atteindre par la construction de ces colonies à
Jérusalem-Est ne fait non plus aucun doute. Comme l’a expliqué le rapporteur spécial, ces activités
visent à concrétiser « la volonté d’Israël d’inscrire son annexion de Jérusalem-Est dans la durée »275.
En particulier, « Israël a toujours eu pour politique, depuis 1967, d’installer des colons … afin
d’assurer la présence d’une écrasante majorité de Juifs israéliens à Jérusalem »276. Plus précisément :
« Dès les premiers temps de l’occupation, les responsables israéliens ont
officiellement pris, aux niveaux national et municipal, deux orientations pour pérenniser
l’annexion de Jérusalem-Est : étendre les limites de la ville afin d’accroître sa capacité
d’absorption de colonies juives israéliennes ; parvenir à un “équilibre démographique”
dans la ville, avec 70 % de Juifs israéliens et 30 % de Palestiniens. »277
3.76. La politique d’Israël visant à modifier la composition démographique de Jérusalem-Est
est illustrée par son « plan directeur de Jérusalem » dans lequel il s’est fixé pour objectif de maintenir
à Jérusalem une majorité démographique juive dans un rapport de 60 à 40, n’ayant pas atteint
l’objectif antérieur fixé à 70 contre 30278. Ce plan s’inscrit dans une politique planifiée de longue
date constituée de nombreuses mesures illicites adoptées par Israël à Jérusalem et dans les alentours
depuis 1967 qui ont globalement abouti à une modification totale des limites et de la composition
démographique de la ville.
3.77. En application de cette politique, Israël a construit au total 14 colonies officielles à
Jérusalem-Est279. Plus de 230 000 Israéliens y vivent actuellement et leur nombre continue
d’augmenter. En conséquence du programme de colonisation, Jérusalem dans son ensemble comptait
en 2021 quelque 951 000 habitants, dont 61 % d’Israéliens et 39 % de Palestiniens280.
3.78. La politique d’implantation de nouvelles colonies israéliennes de peuplement dans le but
de consolider la prétendue « souveraineté » d’Israël sur la Ville sainte a été conçue et mise en oeuvre
peu après l’occupation de Jérusalem-Est par les forces militaires israéliennes en 1967. Comme l’a
expliqué dans son rapport la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée
J. Pictet, Conventions de Genève du 12 août 1949 : Commentaire – Convention de Genève (IV) relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, Genève, CICR, 1958, p. 305 (art. 49, al. 6).
274 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 183, par. 120.
275 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 37 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
276 Ibid., par. 38.
277 Ibid. (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
278 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 44 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
279 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 15 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
280 Jerusalem Institute for Policy Research, « Jerusalem Facts and Trends 2022 », p. 18-20 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/5h463scu).
- 62 -
d’étudier les effets des colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans le territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est (ci-après, la « mission internationale indépendante d’établissement des faits »)
en 2013, « [l]e plan directeur de Jérusalem établi en 1968 et ceux qui ont été établis par la suite
prévoient la construction d’une ceinture de 12 “quartiers” [c’est-à-dire de colonies] israéliens
enveloppant et coupant en deux les quartiers palestiniens de la ville »281. Le nombre de colonies est
plus tard passé à 14282.
3.79. L’emplacement des 14 colonies de peuplement israéliennes et les zones placées sous leur
contrôle sont représentés à la figure 3.3. L’année de création de chacune de ces colonies et le nombre
approximatif de ses habitants le plus récent sont indiqués dans une note de bas de page ci-dessous283.
3.80. Par la création de ces colonies de peuplement, Israël a radicalement modifié la
composition démographique de Jérusalem-Est. En 1967, aucun Israélien ne vivait à Jérusalem-Est284.
En 1993, après la création des 14 colonies de peuplement israéliennes285, plus de 160 000 colons y
avaient été transférés286. Depuis lors, le nombre de colons israéliens dans Jérusalem-Est occupée a
progressé rapidement, tout comme l’extension des colonies elles-mêmes. Au cours de la période de
dix ans allant de 1992 à 2002, le nombre de colons a augmenté d’environ 176 000287.
281 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, annexe I, p. 26 (note de bas
de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
282 Voir Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Occupied Palestinian Territory
Humanitarian Atlas 2019 », p. 49 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3zctxwky).
283 Giv’at Ha-Mivtar (1968), nombre d’habitants non disponible ; Giv’at Shapira (1968), nombre d’habitants non
disponible ; quartier juif (1968), 2 960 habitants ; Maalot Dafna Est (1968), 3 260 habitants ; Ramat Eshkol Ouest (1968),
1 985 habitants ; zone industrielle d’Atarot (1970), aucun habitant ; Gillo (1971), 30 820 habitants ; Neve Ya’akov (1972),
21 780 habitants ; Talpiyyot Est (1973), 14 380 habitants ; Ramot Allon (1973), 44 980 habitants ; Ramat Shlomo (1973),
15 070 habitants ; Pisgat Ze’ev (1985), 41 210 habitants ; Giv’at Ha-Matos (1991), nombre d’habitants non disponible ;
Har Homa (1991), 19 950 habitants. (Voir Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires,
« Occupied Palestinian Territory Humanitarian Atlas 2019 », p. 49 (accessible à l’adresse suivante : https://
tinyurl.com/3zctxwky).
284 Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Le Statut de
Jérusalem », New York, 1997, p. 22 (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org/pdfs/97-24262f.pdf).
285 Les 14 colonies implantées à Jérusalem-Est ont toutes été établies avant 1993. Voir Bureau des Nations Unies
pour la coordination des affaires humanitaires, « Occupied Palestinian Territory Humanitarian Atlas 2019 », p. 49
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3zctxwky).
286 Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Le Statut de
Jérusalem », New York, 1997, p. 22 (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org/pdfs/97-24262f.pdf).
287 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 25 août 2009, doc. A/64/328, par. 41 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/64/328).
- 63 -
Figure 3.3
Colonies de peuplement israéliennes implantées à Jérusalem-Est
Légende :
Israeli Settlements in East Jerusalem = Colonies de peuplement israéliennes implantées à
Jérusalem-Est
Israeli Settlements = Colonies de peuplement israéliennes
Areas Under Control of Settlements = Zones sous contrôle des colonies
Atarot Industrial Area = Zone industrielle d’Atarot
Israel’s unilateral expansion of West Jerusalem’s limits = Extension unilatérale des limites de Jérusalem-Ouest
par Israël
Green Line = Ligne verte
Ramat Eshkol West = Ramat Eshkol-Ouest
Maalot Dafina East = Maalot Dafina-Est
Property Occupied by Israeli Settlers = Propriété occupée par les colons israéliens
- 64 -
Old city = Vieille ville
West Jerusalem = Jérusalem-Ouest
East Jerusalem = Jérusalem-Est
East Talpiyyot = Talpiyyot-Est
Israel’s unilateral expansion of East Jerusalem’s limits = Extension unilatérale des limites de Jérusalem-Est par
Israël
Source : Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires : https://www.ochaopt.org/content/
west-bank-access-restrictions-may-2023.
3.81. En 1997, comme le montre la carte de l’Organisation des Nations Unies reproduite à
la figure 3.4 ci-dessous, non seulement les colonies israéliennes occupaient l’essentiel du territoire
de Jérusalem-Est, mais elles l’encerclaient concrètement, le coupant dans une large mesure du reste
de la Cisjordanie.
3.82. Au cours des deux dernières décennies, le rythme de construction des colonies dans
Jérusalem-Est occupée et le nombre de colons israéliens résidant dans les colonies en question ont
connu une progression rapide. En 2009, le rapporteur spécial a constaté que « les soumissions pour
la construction de nouvelles implantations [avaient] augmenté de 550 % depuis 2007 » et que « [l]es
constructions de colonies autour de Jérusalem [avaient] été multipliées par 38 »288. En 2015, on
dénombrait déjà environ 208 000 colons289. En 2017, le rapporteur spécial a fait observer que
« [d]epuis 1967, le nombre de colons vivant dans les territoires occupés a[vait] toujours augmenté
entre la prise de fonction et la cessation de fonction de chacun des gouvernements ayant assumé le
pouvoir en Israël »290.
288 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 25 août 2009, doc. A/64/328, par. 39 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/64/328).
289 Colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan
syrien occupé, 13 avril 2017, doc. A/HRC/34/39, par. 11 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/34/
39).
290 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 50 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/72/556).
- 65 -
Figure 3.4
Zone du « Grand » Jérusalem
Légende :
West Bank = Cisjordanie
Neutral zone = Zone neutre
West Jerusalem = Jérusalem-Ouest
East Jerusalem = Jérusalem-Est
Government House = Palais du gouvernement
UN = ONU
East Talpiot = Talpiot-Est
Bethlehem = Bethléem
Approximate boundary of 100 square mile area = Limite approximative d’une zone de 259 kilomètres
carrés
Expanded municipal boundary, 28 June 1967 = Limite de la municipalité étendue (28 juin 1967)
- 66 -
East Jerusalem municipal boundary, prior to June 1967 = Limite de la municipalité de Jérusalem-Est avant juin
1967
Armistice demarcation line, 1949 = Ligne de démarcation établie dans le cadre de
l’armistice en 1949
Jerusalem occupied and expanded by Israel in June 1967 = Jérusalem occupée et étendue par Israël en juin 1967
Israeli settlement = Colonie de peuplement israélienne
The designations employed and the presentation of
material on this map do not imply the expression of any
opinion whatsoever on the part of the Secretariat of the
United Nations concerning the legal status of any
country, territory, city or area or of its authorities, or
concerning the elimitation of its frontiers or boundaries.
= Les appellations employées dans la présente carte et
la présentation des données qui y figurent
n’impliquent de la part du Secrétariat de
l’Organisation des Nations Unies aucune prise de
position quant au statut juridique des pays, territoires,
villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé
de leurs frontières ou limites.
Source : Carte no 3996 Nations Unies, Juin 1997, Département de l’information Section de cartographie.
3.83. En 2021, l’Union européenne a conclu dans un rapport à une « forte augmentation des
projets d’implantation … depuis 2017, la hausse étant continue depuis 2019 ». Elle a constaté qu’il
y avait eu en 2021 « une multiplication encore plus marquée des projets de construction de logements
dans les colonies implantées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est … ceci traduisant dans les faits la
tendance à l’extension continue des colonies dans les territoires palestiniens occupés »291. L’année
suivante, elle a indiqué que « [l]e nombre de projets d’implantation et d’appels d’offres de 2022 était
supérieur à celui de l’année précédente … En 2022, il a été prévu de construire 23 586 logements à
Jérusalem-Est »292.
3.84. En juillet 2022, plus de 230 000 colons israéliens résidaient à Jérusalem-Est293. Au début
2023, leur nombre avait passé la barre des 233 000294.
3.85. La présente procédure d’avis consultatif engagée devant la Cour n’a pas atténué la
volonté d’Israël de construire de nouvelles colonies à Jérusalem-Est. Le 22 mars 2023, par exemple,
Israël a publié des appels d’offres pour la construction de 89 nouveaux logements dans ce secteur295.
Moins de deux semaines plus tard, le 3 avril 2023, les autorités israéliennes présentaient un projet de
construction de 6 500 logements supplémentaires au total dans les colonies implantées à
Jérusalem-Est296.
291 Union européenne, bureau du représentant de l’Union européenne (Cisjordanie et bande de Gaza, UNRWA),
« 2021 Report on Israeli settlements in the occupied West Bank, including East Jerusalem », 20 juillet 2022, p. 1 et 6
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4cx8tt6u).
292 Union européenne, bureau du représentant de l’Union européenne (Cisjordanie et bande de Gaza, UNRWA),
« 2022 Report on Israeli settlements in the occupied West Bank, including East Jerusalem », 15 mai 2023, p. 1 (note de bas
de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mwn34d2j).
293 Union européenne, bureau du représentant de l’Union européenne (Cisjordanie et bande de Gaza, UNRWA),
« 2021 Report on Israeli settlements in the occupied West Bank, including East Jerusalem », 20 juillet 2022, p. 2 (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5n6echjm).
294 Peace Now, Settlements Map 2023, 5 janvier 2023, p. 2 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
2p97bz6p).
295 Peace Now, « Tenders were published for 1,029 housing units: 940 in the West Bank, and 89 in East Jerusalem »,
24 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5n92ye7a).
296 « Israeli Authorities Advance Plans for some 6500 Housing Units in Settlements across East Jerusalem »,
Ir Amim, 3 avril 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yckuamu8). Voir aussi Foundation for Middle
East Peace, « Settlement & Annexation Report », 7 avril 2023 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/yxf43962).
- 67 -
3.86. Parallèlement aux mesures qu’il prend pour assurer une augmentation considérable de la
population des colons, Israël freine la croissance des quartiers palestiniens dans Jérusalem-Est
occupée, afin de limiter le nombre de Palestiniens vivant dans la Ville sainte. L’emplacement des
colonies implantées à Jérusalem-Est et dans les alentours est choisi dans le but exprès de bloquer
l’extension des communautés palestiniennes et de briser les liens qui les unissent ainsi que ceux qui
les rattachent à d’autres zones palestiniennes en Cisjordanie. Ainsi que l’a expliqué le rapporteur
spécial, « [l]es colonies de peuplement israéliennes sont implantées de telle manière qu’elles
fragmentent gravement la [continuité] du territoire palestinien à Jérusalem-Est et en Cisjordanie ».
En particulier, comme le montrent les figures 3.3 et 3.4 ci-dessus, les colonies de peuplement
israéliennes implantées à Jérusalem-Est « sont situées principalement autour des périmètres nord, est
et sud de la ville, empêchant toute continuité territoriale palestinienne avec la Cisjordanie »297.
3.87. La commission d’enquête internationale indépendante a opéré la constatation suivante :
« Une ceinture de colonies situées au-delà des frontières municipales de
Jérusalem contribue également à rompre la contiguïté géographique entre Jérusalem-Est
et le reste de la Cisjordanie occupée. Ainsi, le plan concernant la zone E1 à l’est de
Jérusalem (en dehors des frontières municipales) est destiné à renforcer les colonies de
la zone de Maalé Adoumim et à les relier à Jérusalem, ce qui aurait pour effet de diviser
la Cisjordanie en deux entités distinctes. »298
3.88. La figure 3.5 ci-dessous montre de quelle manière le « bloc » de colonies E1 permet
d’assurer la continuité du territoire israélien dans l’ensemble de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est
jusqu’au Jourdain et à la mer Morte, en reliant Jérusalem au « bloc » de colonies de Ma’ale Adumim,
dont la limite orientale est contiguë à la vallée du Jourdain, zone dont Israël a interdit l’accès aux
Palestiniens.
3.89. Si l’emplacement de certaines des colonies a été choisi de manière à encercler
Jérusalem-Est, d’autres ont été construites au milieu de quartiers palestiniens. En 1997,
l’Organisation des Nations Unies a fait état de « l’installation des colons juifs en nombres de plus en
plus importants dans les quartiers arabes traditionnels » et « y [a] vu non seulement une atteinte à
l’intégrité démographique de la zone mais également une initiative s’inscrivant dans le cadre d’une
vaste politique d’occupation »299. Depuis la publication de son rapport, l’implantation de colonies
israéliennes au sein de quartiers traditionnellement palestiniens s’est poursuivie. En 2019, le
rapporteur spécial a fait observer que « Jérusalem-Est occupée compt[ait] 3 500 habitants israéliens
qui viv[ai]ent dans des colonies implantées au coeur des communautés palestiniennes »300.
3.90. Outre la modification de la composition démographique de Jérusalem-Est, le nombre et
la disposition des colonies israéliennes ont des répercussions négatives profondes sur la vie et les
297 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 55 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/
47/57).
298 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 21 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/328).
299 Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, « Le Statut de
Jérusalem », New York, 1997, p. 18 (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org/pdfs/97-24262f.pdf).
300 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 30 mai 2019, doc. A/HRC/40/73, par. 19 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/40/73).
- 68 -
moyens de subsistance de la population palestinienne. En 2020, le rapporteur spécial a fait la
constatation suivante :
« Les terribles répercussions qu’ont les colonies sur les droits humains des
Palestiniens à Jérusalem-Est et en Cisjordanie sont omniprésentes. La hautecommissaire
des Nations Unies aux droits de l’homme a établi que les violations des
droits de l’homme commises dans les colonies prenaient, entre autres, les formes
suivantes : confiscation et aliénation de terres, violence de la part des colons, lois de
planification discriminatoires, appropriation des ressources naturelles, démolition de
logements, transfert forcé de population, exploitation par le travail, expulsions et
déplacements forcés, enfermement physique, application discriminatoire de la loi et
imposition d’un système à deux niveaux de droits politiques, sociaux et économiques
inégaux fondés sur l’origine ethnique. »301
Figure 3.5
« Bloc » de colonies E1 d’Israël et division de la Cisjordanie
Légende :
Area Israel has restricted for Palestinians = Zone dont Israël a limité l’accès pour les Palestiniens
301 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 54.
- 69 -
Israel’s expanded limit of East Jerusalem = Limite de Jérusalem-Est repoussée par Israël
Israel’s expanded limit of West Jerusalem = Limite de Jérusalem-Ouest repoussée par Israël
Israel’s annexation wall – constructed = Mur d’annexion israélien : partie construite
Israel’s annexation wall – planned = Mur d’annexion israélien : tel que prévu
Israel = Israël
Jenin = Jénine
West Bank = Cisjordanie
Nablus = Naplouse
Jordan Valley = Vallée du Jourdain
Mediterranean Sea = Mer Méditerranée
The Green Line = Ligne verte
East Jerusalem = Jérusalem-Est
Jerico = Jéricho
Ma’ale Adumim settlement “block” = « Bloc » de colonie de Ma’ale Adumim
West Jerusalem = West Jerusalem
Jordan = Jordanie
Israel’s annexation wall = Israel’s annexation wall
Bethlehem = Bethléem
Dead Sea = Mer Morte
Source : Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires : https://reliefweb.int/map/
occupied-palestinian-territory/occupied-palestinian-territory-settlement-jerusalem-area-december
3.91. « Par-dessus tout, » a conclu le rapporteur spécial, « les colonies servent l’objectif plus
large du Gouvernement israélien de revendiquer une souveraineté inadmissible sur certaines parties
du territoire occupé tout en refusant l’autodétermination des Palestiniens »302.
2. Mépris persistant d’Israël à l’égard des demandes l’invitant à cesser la construction illicite
de colonies de peuplement à Jérusalem-Est
3.92. Israël crée des colonies de peuplement et installe des ressortissants israéliens à
Jérusalem-Est au mépris délibéré des demandes répétées que la communauté internationale lui
adresse pour l’inviter à mettre un terme à ces activités illicites. Le Conseil de sécurité a adopté
plusieurs résolutions dans lesquelles il exige expressément qu’Israël s’abstienne de construire des
colonies à Jérusalem-Est.
a) Le 1er mars 1980, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 465 dans laquelle il a « [d]éplor[é]
la décision du Gouvernement israélien de soutenir officiellement l’installation d’Israéliens dans
les territoires palestiniens et dans les autres territoires arabes occupés depuis 1967 » et s’est
déclaré « [p]rofondément préoccupé par la manière dont les autorités israéliennes appliqu[aient]
cette politique de colonisation dans les territoires arabes occupés, y compris Jérusalem, et par ses
conséquences pour la population locale arabe et palestinienne ». Le Conseil a
« [c]onsidér[é] que toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère
physique, la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut
des territoires palestiniens et des autres territoires arabes occupés depuis 1967, y
compris Jérusalem, ou de toute partie de ceux-ci n’[avaient] aucune validité en droit
et que la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa
population et de nouveaux immigrants dans ces territoires constitu[aient] une
302 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 54.
- 70 -
violation flagrante de la Convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre ».
En outre, il a
« [d]éplor[é] vivement qu’Israël persiste et s’obstine dans ces politiques et pratiques
et demand[é] au Gouvernement et au peuple israéliens de rapporter ces mesures, de
démanteler les colonies de peuplement existantes et, en particulier, de cesser
d’urgence d’établir, édifier et planifier des colonies de peuplement » dans le
territoire occupé303.
b) Plus récemment, le 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2334 dans
laquelle il a rappelé que « l’acquisition de territoire par la force [était] inadmissible » et a
« [c]ondamn[é] toutes les mesures visant à modifier la composition démographique,
le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris
Jérusalem-Est, notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement
[et] le transfert de colons israéliens ».
Dans cette résolution, il a « [c]onstat[é] avec une vive préoccupation que la poursuite des
activités de peuplement israéliennes met[tait] gravement en péril la viabilité de la solution des
deux États fondée sur les frontières de 1967 ». La résolution précise que le Conseil de sécurité :
« 1. Réaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire
palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en
droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur
à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale,
juste et durable ;
2. Exige de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses
activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui
incombent à cet égard »304.
3.93. Conformément au paragraphe 12 de la résolution 2334, depuis mars 2017 le Secrétaire
général a soumis à 26 reprises au Conseil de sécurité des rapports trimestriels sur l’application de
ladite résolution par Israël, notamment sur sa disposition ordonnant à ce dernier d’arrêter
« immédiatement et complètement » toutes ses activités de colonisation et de « respecte[r]
pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incomb[aient] à cet égard ». Dans chacun de ces
26 rapports, le Secrétaire général a informé le Conseil de sécurité qu’Israël ne s’était conformé à
aucune des instructions énoncées dans la résolution. Le 22 mars 2023, par exemple, le Secrétaire
général a indiqué ce qui suit :
« Dans sa résolution 2334 (2016), le Conseil de sécurité exige d’Israël “qu’il
arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est” et “respecte pleinement toutes
303 Conseil de sécurité, résolution 465 (1980) du 1er mars 1980.
304 Ibid., résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016.
- 71 -
les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard”. Les activités de peuplement se
sont néanmoins poursuivies au cours de la période considérée. »305
3.94. Depuis 1971, l’Assemblée générale a adopté pas moins de 164 résolutions concernant la
question de Palestine. Lors de chaque session annuelle, elle adopte au moins une résolution dans
laquelle elle condamne expressément l’implantation de colonies de peuplement israéliennes dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Il s’agit d’une des questions sur lesquelles
l’Assemblée générale se prononce le plus fréquemment, notamment dans le cadre de sa dixième
session extraordinaire d’urgence qui s’est tenue pour la première fois en avril 1997 dans le but exprès
d’examiner les mesures illicites prises par Israël dans Jérusalem-Est occupée ainsi que dans le reste
du Territoire palestinien occupé et en particulier les activités de colonisation menées dans la ville.
Dans les résolutions susvisées, l’Assemblée générale qualifie les colonies israéliennes de violation
flagrante du droit international, demande à Israël de démanteler les colonies existantes et de ne pas
en construire de nouvelles et déplore le fait qu’Israël continue de ne pas appliquer ses résolutions et
celles du Conseil de sécurité relatives à l’illicéité des colonies de peuplement. Il est en outre à noter
que dans les résolutions adoptées dans le cadre de sa dixième session extraordinaire d’urgence, à
commencer par la résolution ES-10/3 du 15 juillet 1997, l’Assemblée générale demande aux Hautes
Parties contractantes à la quatrième convention de Genève de « convoquer une conférence sur les
mesures à prendre pour imposer la Convention dans le territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem, et la faire respecter, comme elles y sont tenues conformément à l’article premier commun
aux quatre Conventions de Genève »306.
3.95. En plus des condamnations émises à maintes reprises par le Conseil de sécurité et
l’Assemblée générale, le Secrétaire général a publié en 2014 un rapport sur les colonies de
peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, dans lequel
il les a qualifiées d’illicites :
« Dix ans après que la Cour internationale de Justice a donné son avis consultatif
sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien
occupé, en 2004, Israël continue de violer le droit international relatif aux droits de
l’homme et le droit international humanitaire en poursuivant la construction du mur et
des colonies de peuplement et en les agrandissant en Cisjordanie, y compris à
Jérusalem-Est. Depuis 2004, plusieurs nouvelles colonies ont été implantées,
notamment à Jérusalem-Est, alors qu’on comptait environ 415 000 colons implantés en
Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, en 2004, ils auraient été entre 500 000
et 650 000 en 2012 (A/HRC/25/38, par. 8). On compte donc au moins 85 000 colons de
plus depuis que la Cour a donné cet avis qui a fait date. »307
3.96. Au mépris du droit international et des demandes formulées par les plus hauts organes
judiciaires et politiques de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que le Conseil des droits de
l’homme et le Conseil économique et social, Israël a clairement indiqué qu’il ne cesserait ni de
construire des colonies de peuplement ni d’augmenter le nombre de colons israéliens à Jérusalem-Est
305 Bureau du coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, « Security
Council Briefing on the Situation of the Middle East, Report of the Secretary-General on the Implementation of
UN SCR 2334 », 22 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yckhcws3).
306 Assemblée générale, résolution ES-10/3 du 15 juillet 1997, par. 10.
307 Rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 25 août 2014, doc. A/69/348, par. 10 (notes de bas de page
omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/69/348).
- 72 -
occupée. C’est ainsi qu’en mai 2021, le premier ministre Benjamin Netanyahu a tenu les propos
suivants lors d’une allocution télévisée :
« Nous repoussons vigoureusement les pressions qui sont exercées sur nous pour
que nous ne construisions pas à Jérusalem. J’ai le regret de constater que ces pressions
se sont récemment intensifiées … Jérusalem est la capitale d’Israël et de la même
manière que toutes les nations construisent dans leurs capitales et les développent, nous
avons nous aussi le droit de construire à Jérusalem et de la développer. C’est ce que
nous avons fait et ce que nous continuerons de faire. »308
3.97. En octobre 2022, le Secrétaire général a indiqué qu’au cours de l’année précédente,
« [l]es propositions d’implantations [s’étaient] poursuivies, ayant pour effet de consolider un anneau
de colonies entourant Jérusalem-Est »309. Dans son rapport, il a rendu compte du rythme de cette
extension continue et des répercussions de celle-ci sur les Palestiniens de Jérusalem-Est en relatant,
par exemple, les cas suivants :
« Les 4 et 18 octobre et le 8 novembre, l’administration civile israélienne a tenu
des discussions sur les objections soulevées à l’égard de deux plans d’implantation de
logements, pour un total de près de 3 500 logements, dans la zone stratégique E1,
immédiatement à l’est de Jérusalem-Est. Le 5 janvier, les autorités israéliennes ont lancé
des appels d’offres pour environ 300 logements dans le quartier de Talpiot-Est, à
Jérusalem-Est. Les 10 et 24 janvier, le Comité de planification du district de Jérusalem
a proposé des projets consistant à construire environ 800 et 400 logements,
respectivement, dans la colonie de Gillo à Jérusalem-Est. Le 17 janvier, le même
Comité a proposé un projet de construction d’environ 1 200 logements à proximité de
Ramat Rachel — dont un bon nombre sont destinés à être construits à Jérusalem-Est.
S’ils sont approuvés, ces projets isoleront davantage Jérusalem-Est occupée du reste de
la Cisjordanie, rompront le lien entre le sud et le nord de la Cisjordanie et saperont
gravement toute possibilité d’un État palestinien viable et contigu. »310
3.98. Israël a indiqué que la construction et l’extension de ses colonies de peuplement et
l’augmentation du nombre d’Israéliens à Jérusalem-Est occupée étaient, pour reprendre les propos
de son premier ministre, « ce qu[’il faisait] et continuer[ait] de faire »311. Les colonies et les
manipulations démographiques — visant à créer une majorité de Juifs israéliens — qui en découlent
ont la même finalité que les lois d’Israël portant annexion de Jérusalem et les déclarations publiques
de ses premiers ministres et autres hauts responsables dans lesquelles les intéressés affirment
qu’Israël ne renoncera jamais à sa « souveraineté » sur la Ville sainte : conférer un caractère
permanent à l’acquisition de Jérusalem par Israël par la force militaire survenue en 1948 et en 1967.
B. Déplacement de Palestiniens
3.99. Parallèlement aux colonies de peuplement qu’il construit à Jérusalem-Est occupée afin
d’augmenter le nombre de ses résidents israéliens, Israël a mis en place un ensemble de politiques
qui ont créé un environnement coercitif et oppressif pour les résidents palestiniens, afin de provoquer
308 « Israel rejects pressure not to build in Jerusalem, as global concern mounts over planned evictions of
Palestinians », ABC News, 9 mai 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mrxuh85z).
309 Rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 6.
310 Ibid. (note de bas de page omise).
311 « How a Jerusalem neighborhood reignited the Israeli-Palestinian conflict », The Washington Post, 9 mai 2021
(accessible à l’adresse suivante : https:/tinyurl.com/4zahhyyx).
- 73 -
leur déplacement hors de la Ville sainte et des environs. La mission internationale indépendante
d’établissement des faits a ainsi opéré la constatation suivante en 2013 :
« À Jérusalem-Est, de multiples facteurs, comme les règlements de construction
discriminatoires, le grand nombre d’ordres de démolition, les restrictions à l’octroi de
permis de séjour, la pénurie aiguë de logements et les actes de violence et d’intimidation
commis par des colons, concourent à exercer une pression considérable sur la population
palestinienne de la ville. »312
3.100. De même, la commission d’enquête internationale indépendante a « soulign[é] que la
situation des Palestiniens continu[ait] de se détériorer à Jérusalem-Est à mesure qu’Israël y étend[ait]
ses colonies et appliqu[ait] des mesures et des politiques visant à réduire encore l’espace dont
disposent les Palestiniens et à contraindre ceux-ci à quitter leurs foyers »313.
1. Démolition de logements palestiniens
3.101. Depuis 1967 Israël a démoli un nombre considérable de biens immobiliers palestiniens
à Jérusalem-Est. Comme le montrent des données publiées par le Bureau des Nations Unies pour la
coordination des affaires humanitaires (ci-après, le « Bureau de la coordination des affaires
humanitaires »), ces démolitions ont entraîné le déplacement de milliers de Palestiniens hors de
Jérusalem-Est, tout en ayant des répercussions directes sur la vie de milliers d’autres314.
3.102. Pour les trois dernières années par exemple, soit de 2020 à 2022, le Bureau de la
coordination des affaires humanitaires315 dit qu’Israël a démoli 508 biens immobiliers appartenant à
des Palestiniens à Jérusalem-Est, ce qui a entraîné le déplacement de 1 064 Palestiniens
(dont 526 enfants) et directement touché 3 028 autres personnes.
3.103. En 2020, la haute-commissaire aux droits de l’homme a constaté que « l’expansion
accrue des colonies … s’[était] accompagnée d’une forte augmentation des démolitions à
Jérusalem-Est », où l’on avait enregistré un « nombre inédit de démolitions »316.
312 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 68 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
313 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 81 (les italiques sont de nous) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/328).
314 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Breakdown of data on demolition
and displacement in the West Bank » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/y36ejsmy). De même, le Comité
spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres
Arabes des territoires occupés explique dans un rapport que « la menace constante et imminente de démolition à
Jérusalem-Est … p[èse] sur plus de 100 000 Palestiniens, qui craign[ent] de voir leur logement détruit et d’être déplacés »
(Voir rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple
palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 20 septembre 2019, doc. A/74/356, par. 27 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/74/356).
315 Voir les statistiques figurant dans les rapports du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires intitulés « West Bank Demolitions and Displacement: An Overview », publiés pour chaque mois de 2020,
2021 et 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/35eua4b5).
316 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 30 janvier 2020,
doc. A/HRC/43/67, par. 43 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/43/67).
- 74 -
3.104. En 2021, le comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes a lui aussi
signalé que « [l]es démolitions [s’étaient] multipliées … par rapport à 2019 » et que « [d]es
communautés palestiniennes entières [étaient] confrontées au risque de transfert forcé »317. En 2023,
le haut-commissaire aux droits de l’homme a expliqué que « [l]es démolitions [de biens appartenant
à des Palestiniens s’étaient] poursuivies à un niveau alarmant » à Jérusalem-Est318. Il a fait état de
« l’accélération récente des démolitions de structures palestiniennes nouvellement construites à
Jérusalem-Est » tout en expliquant que « [l]e nombre de Palestiniens de Jérusalem-Est qui [avaient]
été contraints de démolir eux-mêmes leurs biens [était] en augmentation »319. Il a ajouté qu’au
31 octobre 2022, on dénombrait plus de 4 200 « ordres de démolition et d’expulsion en attente contre
des structures palestiniennes, le plus grand nombre d’ordres concernant Jérusalem-Est »320.
2. Déplacement forcé de Palestiniens par des colons israéliens
3.105. Les Palestiniens de Jérusalem-Est risquent non seulement de voir leurs logements
démolis par les autorités israéliennes, mais aussi d’être déplacés par la force par les tribunaux
israéliens à la demande de colons israéliens. Le rapporteur spécial a décrit la situation comme suit :
« En plus de voir leur maison être démolie, les résidents palestiniens de
Jérusalem-Est peuvent être expulsés de force de chez eux. … [L]es organisations de
colons israéliens qui cherchent à prendre le contrôle de certaines parties de
Jérusalem-Est, en particulier des zones musulmanes et chrétiennes de la vieille ville, ont
engagé des procédures d’expulsion contre des familles palestiniennes. »321
3.106. En 2021, le comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes a parlé de
« la situation préoccupante des Palestiniennes et Palestiniens menacés d’expulsion forcée à
Jérusalem-Est » et relevé que le tribunal de première instance de Jérusalem avait ordonné l’expulsion
de plusieurs familles palestiniennes du quartier Batn el-Haoua à Silwan (Jérusalem-Est), lesquelles
seraient remplacées par des colons. Le comité spécial a fait l’observation suivante :
« La majorité des expulsions à Jérusalem-Est ont été initiées par des
“organisations de colons”, qui invoquent la loi israélienne sur les biens des absents et la
loi sur les questions juridiques et administratives de 1970. L’application de ces lois à
Jérusalem-Est faciliterait le transfert par Israël de sa population dans une zone occupée.
La situation de ces familles et l’exécution prévue des ordres d’expulsion mettent en
évidence l’objectif d’Israël de modifier de manière permanente le caractère palestinien
de Jérusalem-Est et de faciliter l’installation de nouveaux colons et le déplacement
d’autres Palestiniennes et Palestiniens. »322
317 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du
peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 29 septembre 2021, doc. A/76/360, par. 22-23 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/360).
318 Rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 15 mars 2023,
doc. A/HRC/52/76, par. 26 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/52/76).
319 Ibid., par. 32.
320 Ibid., par. 26 (note de bas de page omise).
321 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 13 avril 2017, doc. A/HRC/34/70, par. 15 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/34/70).
322 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du
peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 29 septembre 2021, doc. A/76/360, par. 24 (note de bas de
page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/360).
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3.107. En 2021, le rapporteur spécial a fait observer que « [l]es demandes d’expulsion
présentées par des organisations de colons israéliens [s’étaient] multipliées, augmentant
considérablement le nombre de poursuites judiciaires à l’encontre de familles palestiniennes » et que
de telles expulsions « constitu[aient] une violation par Israël, Puissance occupante, de l’interdiction
du transfert forcé d’une population protégée en vertu de l’article 49 de la Convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre »323.
3. Refus de délivrer des permis de construire aux Palestiniens
3.108. La haute-commissaire aux droits de l’homme a déclaré que « [l]e régime israélien de
zonage et d’aménagement … à Jérusalem-Est [était] discriminatoire et considéré comme
incompatible avec les normes du droit international »324 et, en particulier, que « [l]a politique
israélienne de zonage et d’aménagement à Jérusalem-Est [était] intrinsèquement discriminatoire et
constitu[ait] un facteur clef du climat de coercition … forçant des Palestiniens à fuir la communauté
où ils [étaient] implantés depuis des générations »325.
3.109. Les conséquences de ce régime discriminatoire sont radicales. La haute-commissaire
les a exposées en 2020 comme suit :
« Les autorités israéliennes n’ont alloué que 15 % de la zone annexée
illégalement en 1967 à la construction de logements palestiniens, contre 38 % à la
construction de colonies. D’après des données fournies par la municipalité de Jérusalem,
les Palestiniens représentent 38 % de la population totale de la ville mais, entre 1991 et
2018, seuls 16,5 % des permis de construire octroyés l’ont été pour la construction
d’habitations palestiniennes, essentiellement des projets individuels de faible envergure.
À l’inverse, 37,8 % des permis délivrés l’ont été pour la construction de colonies à
Jérusalem-Est. Cette stratégie d’aménagement discriminatoire, associée au coût et à la
complexité des procédures, fait qu’il est quasiment impossible pour les habitants
palestiniens d’obtenir des permis de construire. »326
3.110. À Jérusalem-Est, un tiers au moins de l’ensemble des logements palestiniens ont été
construits sans permis délivré par les autorités israéliennes, document quasiment impossible à
obtenir, de sorte que plus de 100 000 résidents palestiniens courent le risque d’être déplacés327. Le
refus de délivrer des permis de construire constitue l’une des composantes clés de la politique
israélienne de réduction de la population palestinienne à Jérusalem-Est. Les Palestiniens n’ont
d’autre solution que de construire sans permis et de s’exposer ainsi au risque de voir démolir leurs
logements ou de vivre sous cette menace constante. « [L]e refus [d’Israël] d’accorder des permis de
construire, même aux Palestiniens qui sont des résidents de longue date, dans le cadre d’un effort
323 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 18 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/47/57).
324 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 30 janvier 2020,
doc. A/HRC/43/67, par. 30 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/43/67).
325 Ibid., par. 41 (notes de bas de page omises).
326 Ibid., par. 42.
327 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « West Bank/East Jerusalem: key
humanitarian concerns », dans Humanitarian facts and figures, 21 décembre 2017 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/3fhb6c3t).
- 76 -
persistant visant à modifier la composition démographique de la ville en faveur d’Israël »328 est un
fait avéré.
4. Révocation du statut de résident
3.111. Ce régime de construction discriminatoire s’accompagne d’un régime de droits et de
statut de résidence qui l’est tout autant. Les Palestiniens de Jérusalem-Est possèdent « en droit
israélien un statut particulier qui peut être révoqué assez facilement, de sorte qu’ils vivent sous la
menace constante d’être déplacés »329. Israël réglemente la vie des Palestiniens vivant à
Jérusalem-Est, depuis des générations pour nombre d’entre eux, de la même manière que pour les
ressortissants étrangers, sans égard pour leur statut de personnes protégées par le droit international
humanitaire. En conséquence, les Palestiniens perdent leur statut de résident permanent s’ils
demeurent pendant sept ans dans une autre partie du Territoire palestinien occupé ou à l’étranger, ou
s’ils obtiennent la résidence permanente ou la nationalité dans un autre pays330.
3.112. Depuis le début de l’occupation de Jérusalem-Est en 1967, Israël a révoqué le droit de
résidence de plus de 14 500 Palestiniens331. Le rapporteur spécial a fait à cet égard la constatation
suivante :
« Si les Palestiniens de Jérusalem sont des “personnes protégées” au regard du
droit de l’occupation, Israël ne leur reconnaît pas ce statut. Depuis 1967, plus de
14 500 Palestiniens de Jérusalem-Est ont été déchus de leur statut de résident. Depuis
1995, les résidents palestiniens de Jérusalem-Est doivent prouver que leur “centre de
vie” est dans la ville pour conserver leur statut de résident permanent. À défaut, ils
risquent de le perdre et de ne plus pouvoir retourner dans leurs résidences à
Jérusalem-Est. Sans statut de résident permanent, les Palestiniens vivant dans d’autres
parties du Territoire palestinien occupé ne peuvent pas légalement résider à Jérusalem,
ni même s’y rendre temporairement. De plus, la loi israélienne restreint drastiquement
le droit au regroupement familial en empêchant de nombreux Palestiniens de Jérusalem
d’étendre leur statut de résident permanent à leur conjoint et à leurs enfants, lesquels ne
sont pas reconnus comme résidents de la ville. »332
3.113. On trouvera ci-après au chapitre 4 des détails supplémentaires sur les mesures
discriminatoires prises contre les Palestiniens à Jérusalem-Est, lesquelles constituent la principale
méthode employée pour modifier la composition démographique de la ville afin d’y créer et
conserver une majorité de Juifs israéliens et de s’emparer du maximum de terres palestiniennes tout
en réduisant au minimum le nombre de Palestiniens.
328 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par
Israël depuis 1967, 25 août 2009, doc. A/64/328, par. 45 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/64/328).
329 Norwegian Refugee Council, The Legal Status of East Jerusalem, décembre 2013, p. 5 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/yazm8rea).
330 Rapport du Secrétaire général intitulé « Pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple
palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », 14 septembre 2012, doc. A/67/372, par. 38
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/67/372).
331 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « West Bank/East Jerusalem: key
humanitarian concerns », dans Humanitarian facts and figures, 21 décembre 2017 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/3fhb6c3t).
332 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 41 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447).
- 77 -
5. Violences commises par les colons contre les Palestiniens
3.114. Les colons israéliens ont fréquemment recours à la violence, avec la protection et la
complicité des forces d’occupation israéliennes, pour pousser les Palestiniens à quitter leurs
communautés à Jérusalem-Est et dans les alentours. Le Secrétaire général a souligné que
« Jérusalem-Est [était] … particulièrement touchée par la violence des colons »333.
3.115. Alors même qu’Israël a l’obligation de protéger la population civile palestinienne qui
vit sous son occupation contre de tels actes de violence, la mission internationale indépendante
d’établissement des faits a constaté dans son rapport de 2013 que « les autorités israéliennes
connaiss[aient] l’identité des colons qui [étaient] responsables d’actes de violence et d’intimidation
mais que ces derniers continu[aient] d’agir en toute impunité ». Elle a conclu que « ces actes de
violence et d’intimidation à l’égard des Palestiniens et de leurs propriétés [avaient] pour but de
conduire les populations locales à partir de leurs terres et de permettre aux colonies de peuplement
de s’élargir »334.
3.116. En 2023, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a indiqué qu’au
cours de la période couverte par son dernier rapport « la violence des colons s’[était] encore
intensifiée, atteignant les niveaux les plus élevés jamais enregistrés par l’Organisation des
Nations Unies »335.
3.117. L’ampleur des violences commises par les colons contre des Palestiniens dans le
Territoire palestinien occupé ainsi que la tolérance et le soutien manifestés par Israël à cet égard sont
exposés plus en détail au chapitre 4 ci-après.
IV. CONSTRUCTION ET UTILISATION D’INFRASTRUCTURES PAR ISRAËL
POUR RELIER JÉRUSALEM-EST À JÉRUSALEM-OUEST
3.118. Israël a procédé à Jérusalem-Est à la construction d’infrastructures qu’il a intégrées à
celles de Jérusalem-Ouest dans le but de placer la totalité de la ville sous sa « souveraineté » et de
rendre son annexion irréversible. La construction et l’extension du mur séparant Jérusalem-Est du
reste de la Cisjordanie, au mépris de l’avis relatif à ce mur donné par la Cour en 2004, s’inscrivent
dans ce cadre.
A. Utilisation d’infrastructures pour relier
Jérusalem-Est à Jérusalem-Ouest
3.119. L’utilisation d’infrastructures pour relier Jérusalem-Est à Jérusalem-Ouest constitue
l’un des éléments majeurs des politiques israéliennes depuis qu’Israël a occupé Jérusalem-Est en
1967. S’agissant par exemple des infrastructures d’approvisionnement en eau, Israël a rapidement
333 Rapport du Secrétaire général intitulé « Colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 25 août 2014, doc. A/69/348, par. 42 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/69/348).
334 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 107 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
335 Rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 15 mars 2023,
doc. A/HRC/52/76, par. 38 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/52/76).
- 78 -
fusionné le réseau de Jérusalem-Est avec celui de Jérusalem-Ouest et transféré la responsabilité de
son exploitation et de sa gestion à Jérusalem-Ouest336.
3.120. Israël s’appuie également sur les infrastructures de transport pour consolider
l’intégration de Jérusalem-Est et de Jérusalem-Ouest. C’est ainsi que les quatre blocs de colonie
habituellement désignés par l’appellation de « Grand Jérusalem » qui se situent à l’extérieur de la
« municipalité de Jérusalem » sont reliés à cette dernière par un ensemble de routes, de tunnels, de
ponts et de liaisons ferroviaires qui créent une « zone métropolitaine de Jérusalem »337. De fait, les
colonies font désormais partie de la ville.
3.121. Dans le cadre de l’intégration des infrastructures de transport, le Gouvernement
israélien a approuvé en 1999 la construction d’un réseau de lignes de tramway à Jérusalem. Ce projet
avait un double objectif :
« L’objectif affiché de ce projet était de relier tous les quartiers de la ville entre
eux, l’objectif implicite étant de relier les colonies israéliennes situées dans les banlieues
(dont Neve Ya’acov, Pisgat Ze’ev, French Hill, Ma’alot Dafna et Ramot) à la partie
occidentale de la ville. »338
3.122. Ainsi que l’a constaté le rapporteur spécial en 2020, « Israël a continué à intensifier son
annexion de Jérusalem-Est » tant en construisant des colonies qu’en « consolidant l’intégration
politique et infrastructurelle de Jérusalem-Est et de Jérusalem-Ouest »339. À cette fin, outre les
colonies elles-mêmes, « des infrastructures de peuplement massives ont été construites autour de
Jérusalem et, dans une moindre mesure, d’Hébron, les encerclant et rompant les liens sociaux et
économiques avec le reste de la société palestinienne, tout en reliant les diverses colonies et le
territoire de l’État d’Israël »340.
3.123. Le Gouvernement israélien ne fait pas mystère du fait que l’intégration des colonies de
peuplement avec Israël et entre elles à l’aide d’infrastructures a pour but de créer « sur le terrain une
situation de fait » irréversible permettant de consolider son emprise sur Jérusalem-Est.
336 « Dans les jours qui ont suivi l’occupation de Jérusalem-Est et des secteurs annexés ultérieurement à Israël, le
service des eaux de la municipalité israélienne de Jérusalem a raccordé les deux systèmes et réparé les pompes et les
canalisations qui avaient été endommagées au cours des combats. Cela s’inscrivait dans le cadre de “l’intégration des
services”, expression préférée par Israël au terme d’annexion. L’intégration des services recouvrait le transfert des bureaux,
des archives et du personnel du service des eaux de la municipalité jordanienne de Jérusalem à Jérusalem-Ouest, ainsi que
le démontage de ses moteurs et de ses pompes. … Résolue à devenir le seul et unique fournisseur d’eau de l’ensemble des
résidents de Jérusalem, à l’est comme à l’ouest, la municipalité israélienne de Jérusalem a rapidement pris le contrôle des
canalisations et des systèmes exploités par des prestataires palestiniens indépendants. » (M. T. Dumper, « Jerusalem’s
Infrastructure: Is Annexation Irreversible? », Journal of Palestine Studies, vol. 22, 1993, no 3, p. 81 (notes de bas de page
omises)).
337 B’Tselem, « Land Grab, Israel’s Settlement Policy in the West Bank », mai 2002, p. 102-114 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p9ru8fy).
338 S. Thawaba et H. Al-Rimmawi, « Spatial Transformation of Jerusalem: 1967 to Present », Journal of Planning
History, vol. 12, 2012, no 1, p. 6.
339 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 42 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/75/532).
340 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 58 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
- 79 -
3.124. Certains des plus hauts responsables israéliens ont confirmé qu’Israël considérait
l’intégration permanente de Jérusalem-Est à Jérusalem-Ouest et au reste d’Israël comme un impératif
de politique nationale. En février 2020, par exemple, le premier ministre Benjamin Netanyahu a
annoncé un projet de construction de plus de 5 000 nouveaux logements destinés aux colons à
Jérusalem-Est. Ce faisant, il a clairement signifié que ces activités de peuplement avaient pour but
de consolider l’intégration de Jérusalem-Est avec Jérusalem-Ouest : « Nous créons des liaisons à
Jérusalem. Nous relions toutes les parties de la Jérusalem unifiée, de la Jérusalem reconstruite … Et
ceci malgré une opposition farouche de la communauté internationale. »341
B. Séparation de Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie
3.125. Dans l’avis sur le mur qu’elle a donné en 2004, la Cour a jugé que la construction par
Israël d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, était illicite et
qu’Israël avait l’obligation juridique de le démanteler342. Au lieu de le faire, Israël non seulement a
conservé les 190 kilomètres de mur déjà construits au moment du prononcé de l’avis343, mais a
considérablement prolongé le mur, comme le montre la figure 3.6 ci-après.
3.126. La longueur totale prévue du mur est de plus de 700 kilomètres, dont près des deux tiers
(465 km environ) ont été construits344. Le rapporteur spécial a constaté qu’en construisant le mur le
long du tracé prévu, Israël avait « délibérément … plac[é] un certain nombre de quartiers palestiniens
du côté cisjordanien », les coupant ainsi de Jérusalem. Israël a notamment « m[is] unilatéralement de
côté plusieurs grands quartiers palestiniens de la ville, tels que Kafr Aqab et Chouafat »345. Au total,
« [e]nviron 120 000 à 140 000 Palestiniens de Jérusalem ont été contraints de vivre du côté
cisjordanien du mur de séparation, se retrouvant physiquement privés d’accès à la ville et à ses
services »346.
3.127. Le choix du tracé du mur obéit à un objectif clair :
« Force est de conclure que le tracé du mur de séparation autour de Jérusalem,
en incluant toutes les implantations israéliennes de Jérusalem-Est et plusieurs colonies
environnantes de Cisjordanie, tout en excluant environ un tiers des Palestiniens de
Jérusalem, obéit à des considérations d’ordre démographique, afin de maximiser la
population israélienne à Jérusalem et d’y réduire sensiblement la présence
palestinienne. »347
341 « Israel leader vows thousands of new homes in east Jerusalem », The Boston Globe, 20 février 2020 (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4576u89h).
342 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 201, par. 163.
343 Ibid., p. 169, par. 81.
344 Nations Unies, La question de Palestine — Occupation israélienne du Territoire palestinien, 2021 (accessible
à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/fr/faits-et-chiffres/).
345 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 43 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
346 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 44 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
347 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 43 (les italiques sont de nous ; note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
- 80 -
3.128. Le Secrétaire général a également conclu que « [l]e Mur et les obstacles connexes à la
liberté de circuler coup[aient] effectivement les habitants de Jérusalem-Est du reste du territoire
palestinien occupé »348.
3.129. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires explique que le mur « a
transformé la géographie, l’économie et la vie sociale des Palestiniens vivant à Jérusalem-Est, ainsi
que la vie de ceux qui résident dans l’agglomération. Des quartiers, des banlieues et des familles ont
été divisés et séparés du centre urbain et des communautés rurales ont été coupées de leurs terres »349.
Figure 3.6
Mur d’annexion israélien
Légende :
Wall segments completed or under construction = Segments du mur achevés ou en construction
Wall segments planned = Segments du mur prévus
Giv’at Ze’ev settlement “block” = « Bloc » de colonie de Giv’at Ze’ev
Israel’s annexation wall = Mur d’annexion israélien
East Jerusalem = Jérusalem-Est
E1 Area = Zone E1
Ma’ale Adumim settlement “block” = « Bloc » de colonie de Ma’ale Adumim
West Jerusalem = Jérusalem-Ouest
348 Rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé, y
compris Jérusalem-Est, 22 août 2013, doc. A/HRC/24/30, par. 32 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/24/30).
349 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « The humanitarian impact of 20 years
of the Barrier, 30 décembre 2022 », par. 6 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4xpjr3bd).
- 81 -
The Green Line = Ligne verte
Gush Etzion settlement block = « Bloc » de colonie de Gush Etzion
Source : Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires : https://reliefweb.int/map/occupiedpalestinian-
territory/occupied-palestinian-territory-settlement-jerusalem-area-december.
3.130. Le mur et le régime qui lui est associé ont donc deux buts. En premier lieu, ils facilitent
l’intégration des colonies de peuplement israéliennes implantées à Jérusalem-Est et dans les alentours
et l’interconnexion entre les colonies et Israël. En second lieu, ils réduisent la population
palestinienne de Jérusalem-Est en coupant des communautés entières, y compris celles des
circonscriptions ou des banlieues proches, de la ville, et en éloignant les personnes résidant dans
l’enceinte du mur de la vie familiale, sociale et économique qui se déroule à l’extérieur, ce qui les
pousse à se déplacer. Cela s’est inévitablement traduit par une forte augmentation du nombre de
colons israéliens, une diminution de la population palestinienne et un changement démographique
global qui facilite la réalisation de l’objectif ultime d’Israël, à savoir acquérir la totalité de la Ville
sainte de manière permanente et y exercer sa « souveraineté ».
V. MESURES MISES EN PLACE PAR ISRAËL POUR MODIFIER LE CARACTÈRE
HISTORIQUE ET RELIGIEUX DE LA VILLE SAINTE DE JÉRUSALEM
3.131. Outre les modifications qu’il a apportées à la composition démographique de Jérusalem,
Israël a apporté des modifications tout aussi fondamentales au caractère religieux et historique de la
Ville sainte, afin d’assurer la réalisation de ses objectifs annexionnistes. Il a en particulier adopté des
politiques et des pratiques visant à renforcer la dimension israélienne juive de Jérusalem au détriment
de sa dimension palestinienne, musulmane et chrétienne.
3.132. Israël s’est employé à atteindre ces objectifs en déployant des efforts concertés pour
modifier le caractère si particulier de Jérusalem, y compris la vieille ville, coeur historique de la cité,
qui revêt une importance religieuse et spirituelle inestimable pour les fidèles des trois religions
monothéistes.
3.133. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité soulignent de longue date que le libre
accès aux lieux saints de la ville et le droit de chacun d’y pratiquer sa religion sans entrave
conformément au statu quo historique sont des éléments indispensables pour préserver le caractère
et le statut particuliers de Jérusalem. Comme il a été établi plus haut, la résolution 181 (II) adoptée
par l’Assemblée générale en novembre 1947 comportait des dispositions spécifiques prescrivant la
préservation des droits existants concernant les lieux saints, la garantie du droit d’avoir accès aux
lieux saints et d’y pratiquer le culte ainsi que la préservation des lieux saints et des autres édifices et
sites religieux350. De même, dès 1948,le Conseil de sécurité a adopté la résolution 50 (1948) dans
laquelle il a reconnu la liberté de culte ainsi que le droit d’accéder aux lieux saints de la ville et a
invité instamment toutes les autorités intéressées « à prendre toutes les précautions possibles pour la
protection des Lieux saints et de la ville de Jérusalem, et à permettre notamment l’accès à tous les
sanctuaires et lieux saints à ceux qui ont le droit reconnu de les visiter pour y pratiquer leur culte »351.
3.134. Nonobstant ces résolutions, depuis 1967 Israël a provoqué ou permis d’innombrables
intrusions et attaques au Haram al-Charif — site d’une importance religieuse et culturelle inestimable
pour le peuple palestinien et les musulmans du monde entier — qui ont entraîné des dégâts sur le site
sacré et empêchent considérablement les musulmans d’y pratiquer leur culte. Depuis l’annexion de
Jérusalem par Israël, le site, qui est étroitement contrôlé par les forces d’occupation israéliennes, a
350 Assemblée générale, résolution 181 (II) du 29 novembre 1947.
351 Conseil de sécurité, résolution 50 (1948) du 29 mai 1948, par. 5.
- 82 -
fait l’objet de nombreuses intrusions de la part de l’armée, de responsables et de parlementaires, ainsi
que de colons et autres extrémistes israéliens, lesquels tiennent à en revendiquer la propriété et à
priver les fidèles musulmans de leurs droits, en violation du statu quo historique et juridique régnant
de longue date sur le site352.
3.135. En 1969, deux années seulement après l’occupation de Jérusalem-Est par Israël, des
attaques lancées contre la mosquée Al Aqsa par des ressortissants israéliens ont suscité l’émoi et la
condamnation du Conseil de sécurité. Dans sa résolution 271, le Conseil s’est dit « [a]ffligé par les
importants dommages qu’un incendie criminel a[vait] causés à la sainte mosquée Al Aqsa à
Jérusalem … sous l’occupation militaire d'Israël » et a noté « l’indignation universelle causée par cet
acte sacrilège dans l’un des sanctuaires les plus vénérés de l’humanité ». En outre, le Conseil a
« [c]onstat[é] que l’acte exécrable de violation et de profanation de la sainte mosquée
Al Aqsa soulign[ait] l’immédiate nécessité pour Israël de renoncer à agir en violation
des résolutions précitées et de rapporter immédiatement toutes les mesures et
dispositions prises par lui qui tend[ai]ent à altérer le statut de Jérusalem ; [et]
[d]emand[é] à Israël d’observer scrupuleusement les dispositions des Conventions de
Genève et du droit international régissant l’occupation militaire et de s’abstenir
d’entraver en quoi que ce soit l’exercice des fonctions qui appart[enai]ent au Conseil
suprême musulman de Jérusalem »353.
3.136. Non contentes de mener ou de tolérer de violentes attaques contre la mosquée, ou de ne
rien faire pour les prévenir, les autorités israéliennes ont fréquemment bloqué l’accès des Palestiniens
à ce lieu ou fermé complètement l’édifice en prétextant des « raisons de sécurité », déniant par là
même aux fidèles musulmans le droit de pratiquer leur culte dans l’un des lieux les plus sacrés de
l’Islam354. Les fidèles chrétiens sont eux aussi soumis à des restrictions, comme on a pu le constater
lors des dernières fêtes de Pâques. Des fidèles et des prêtres ont été la cible d’actes de harcèlement
et de violence et des églises ont été profanées.
352 Royaume hachémite de Jordanie et État de Palestine, « Status Report on The State of Conservation of the Old
City of Jerusalem and Its Walls », 16 mars 2015, p. 4-12 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mr2rkytz).
353 Conseil de sécurité, résolution 271 (1969) du 15 septembre 1969, par. 3-4.
354 En 1997, par exemple, l’Organisation des Nations Unies a expliqué que « [l]es habitants de la Cisjordanie et de
Gaza (qu’ils [fussent] musulmans ou chrétiens) ne p[ouvaient] pas se rendre à Jérusalem pour prier sur leurs lieux saints
respectifs, même à l’occasion des plus grandes fêtes religieuses, en raison de mesures de bouclage prolongé de Jérusalem-
Est pour motif de sécurité ». (Voir Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien,
« Le Statut de Jérusalem », New York, 1997, p. 19 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://unispal.un.org/pdfs/97-24262f.pdf)). En juillet 2021, le rapporteur spécial a signalé que « pendant les derniers jours
du Ramadan, les forces de sécurité israéliennes [avaient] encore restreint l’accès des fidèles palestiniens à l’enceinte de
l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa et limité leurs déplacements, tout en faisant un usage excessif de la force à l’intérieur
même de la mosquée ». (Voir rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 7 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57). Dans son rapport soumis en septembre 2022, le Comité des Nations Unies pour
l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a demandé à Israël de « respecter ses obligations en vertu du droit
international humanitaire et des droits de l’homme, de préserver le statu quo des lieux saints de Jérusalem, y compris le
statu quo historique et juridique de l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa, et de veiller à ce que les musulmans puissent
exercer leur culte et pratiquer leur religion de manière pacifique, sans crainte de violences ni de représailles ». (rapport du
Comité pour l’exercice des droits inaliénables du people palestinien, 31 août 2022, doc. A/77/35, par. 91 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/35)).
- 83 -
3.137. Israël a également mené de nombreuses fouilles à proximité des lieux saints islamiques
et chrétiens de la vieille ville355, sans tenir compte des dégâts pouvant en résulter pour lesdits lieux
saints et pour les logements des Palestiniens, et au mépris total du statu quo historique ainsi que du
droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. Il ne tient aucun
compte des appels de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et de l’UNESCO (qui a inscrit la
vieille ville et ses remparts sur la liste du patrimoine mondial en péril), qui lui demandent de
s’abstenir de procéder à des fouilles à proximité immédiate des lieux saints. En 1972, par exemple,
l’UNESCO
« [l]anç[ait] à nouveau un pressant appel à Israël pour qu’il s’abstienne de toutes
opérations de fouilles archéologiques ou de transport des biens culturels, ainsi que de
toute modification de leur caractère ou aspect culturel et historique, et particulièrement
en ce qui concerne les sites religieux chrétiens et islamiques »356.
3.138. L’UNESCO a par la suite dénoncé le fait qu’Israël « persiste à modifier le caractère
historique de la ville de Jérusalem … [en] entrepren[ant] des fouilles qui constituent un danger pour
ses monuments, par suite de son occupation illégitime de cette ville »357.
3.139. En 1981, l’Assemblée générale a adopté la résolution 36/15 intitulée « Événements
récents concernant les excavations dans la partie est de Jérusalem » dans laquelle elle
« [c]onsidère que les fouilles et les transformations du paysage et des sites historiques,
culturels et religieux de Jérusalem constituent une violation flagrante des principes de
droit international et des dispositions pertinentes de la Convention de Genève relative à
la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949 » ; [et]
3. [e]xige qu’Israël cesse immédiatement toutes les fouilles et les transformations des
sites historiques, culturels et religieux de Jérusalem, notamment celles qui sont
exécutées aux alentours et au-dessous du Saint Sanctuaire musulman de AI-Haram
AI-Sharif (Al Masjid Al Aqsa et la Sacrée Coupole du Rocher), dont les structures
risquent de s'effondrer »358.
3.140. Les risques inhérents aux fouilles réalisées par Israël dans la vieille ville ont amené
l’UNESCO à condamner Israël « pour [le fait d’]avoir continué … à modifier et à judaïser la
configuration historique et culturelle de Jérusalem »359.
355 Rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 31 août 2015, doc. A/70/351, par. 33-36 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/70/351). En outre, entre 2008 et 2017, Israël a soumis au Comité du patrimoine
mondial des rapports annuels sur les activités de « conservation » qu’elle menait dans la vieille ville de Jérusalem, y compris
ses fouilles archéologiques (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5bp62vd2) (Pour 2017, voir la section
intitulée « Conservation issues presented to the World Heritage Committee in 2017 ». Les rapports relatifs aux autres
années peuvent être consultés aux onglets correspondants sur le même site de l’UNESCO. On trouvera également sur ce
site les informations recueillies par le Comité du patrimoine mondial au cours des années antérieures à 2017).
356 Conférence générale de l’UNESCO, résolution 3.422 de novembre 1972, par. 2 (accessible à l’adresse suivante :
https://en.unesco.org/sites/default/files/france_ratconv72_frorof.pdf).
357 Conférence générale de l’UNESCO, résolution 3427 de novembre 1974, par. 2 (accessible à l’adresse suivante :
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000114040_fre).
358 Assemblée générale, résolution 36/15 du 28 octobre 1981, par. 1-3.
359 Conférence générale de l’UNESCO, résolution 4/7.6/13 du 28 novembre 1978, doc. 20C/RES/4/7.6/13, par. 3
(accessible à l’adresse suivante : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000114032_fre).
- 84 -
3.141. La mission internationale indépendante d’établissement des faits a confirmé les
conclusions de l’UNESCO, ayant jugé qu’Israël tentait abusivement de modifier le caractère et le
statut de la ville sainte de Jérusalem « en effaçant le patrimoine culturel en fonction de l’appartenance
religieuse … [avec] des effets néfastes »360.
3.142. Il ressort des rapports périodiques de la directrice générale de l’UNESCO qu’Israël
continue de mener des fouilles illicites dans la vieille ville361. L’extension des fouilles à proximité
des piliers extérieurs et inférieurs de la sainte mosquée Al-Aqsa a en particulier été signalée par les
autorités palestiniennes et jordaniennes en 2022362.
3.143. Le Conseil de sécurité363 et l’Assemblée générale364 ont maintes fois réaffirmé la
nécessité de maintenir le statu quo historique, sans qu’Israël en tienne compte.
Conclusion
3.144. Comme l’attestent abondamment les faits exposés dans cette partie du présent exposé,
Israël a montré sans ambiguïté aucune, par ses lois et des déclarations publiques répétées de ses
dirigeants depuis 1967, qu’il considère la totalité de la Ville sainte, tant Jérusalem-Ouest que
Jérusalem-Est, comme son propre territoire « souverain », en violation du droit international. De fait,
on ne saurait trouver preuve plus éclatante de l’intention d’annexer un territoire que celle qui
transparaît dans les lois adoptées par Israël et les déclarations faites par ses dirigeants au fil des
décennies. Les lois et les déclarations en question ont trouvé leur expression dans une large gamme
de faits illicites, dont, en particulier, la construction de vastes colonies de peuplement israéliennes et
l’installation de plus de 230 000 citoyens israéliens dans Jérusalem-Est occupée qui ont transformé
une zone urbaine palestinienne en zone à majorité israélienne, ainsi que la mise en place simultanée
d’une série de mesures illicites, discriminatoires et coercitives conçues pour déplacer les Palestiniens
de la Ville sainte ou pour les confiner dans le plus petit espace géographique possible à l’intérieur de
la ville, s’ils y demeurent. Israël a également poursuivi ses attaques contre l’identité palestinienne de
la ville. Non content de la couper géographiquement de son environnement palestinien, il tente
activement de nier sa fonction naturelle de centre historique, politique, religieux, culturel,
économique et social de la vie palestinienne. De plus, en s’efforçant de consolider encore son
annexion et de lui conférer un caractère irréversible, Israël porte atteinte au statu quo historique qui
360 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2012, doc. A/HRC/22/63, par. 61 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
361 Le 18 mai 2023, par exemple, le Conseil exécutif de l’UNESCO a adopté une décision dans laquelle il
« [r]egrette que les autorités d’occupation israéliennes n’aient pas mis un terme aux fouilles, creusements de tunnels,
travaux et projets constamment menés dans Jérusalem-Est, en particulier à l’intérieur et aux alentours de la vieille ville, qui
ont un caractère illégal au regard du droit international » (accessible à l’adresse suivante :
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000385627_fre).
362 Voir la lettre en date du 25 avril 2022 émanant des délégations permanentes du Royaume hachémite de Jordanie
et de l’État de Palestine auprès de l’UNESCO (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5n8kbmjs).
363 Le Conseil de sécurité a « appel[é] à maintenir inchangé le statu quo historique sur les lieux saints à Jérusalem
en paroles et en pratique » et souligné le rôle joué à cet égard par le Royaume hachémite (déclaration de la présidente du
Conseil de sécurité en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1) et « [l]es membres du Conseil ont demandé de faire
preuve de retenue, en s’abstenant de tout acte et discours provocateurs et en maintenant inchangé le statu quo historique au
Haram al-Charif, en paroles et dans les faits » (déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité sur la situation à
Jérusalem, doc. SC/12052-PAL/2196, 17 septembre 2015).
364 L’Assemblée générale a « [d]emand[é] que le statu quo historique soit respecté en paroles et en pratique dans
les Lieux saints à Jérusalem » (résolution 76/12 du 6 décembre 2021, par. 4).
- 85 -
constitue le fondement de la préservation de l’importance spirituelle et religieuse sans équivalent de
la ville pour les trois religions monothéistes.
3.145. Pour tous ces motifs, l’illicéité des 56 ans d’occupation et d’annexion de Jérusalem-Est
par Israël, ainsi que de la prise et de l’annexion de Jérusalem-Ouest par la voie des armes en 1948,
est indéniable. L’annexion de Jérusalem et de ses environs par Israël constitue une acquisition de
territoire par la force militaire réalisée en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et des
normes impératives du droit international.
PARTIE B
ANNEXION DE LA CISJORDANIE PAR ISRAËL
3.146. En juin 1967, Israël s’est emparé du reste de la Cisjordanie par la force militaire, dans
le cadre du même conflit armé où il s’est emparé de Jérusalem-Est. Bien qu’il ait officiellement
annexé Jérusalem-Est et des parties de la Cisjordanie peu après la conquête militaire de la Ville
sainte, comme il est expliqué dans la partie A du présent chapitre, Israël a suivi une approche plus
graduelle pour ce qui est de l’annexion des autres zones de la Cisjordanie, tout en recourant dans une
large mesure aux mêmes politiques et pratiques pour atteindre ce but. Il a adopté et mis en oeuvre une
multitude de lois, de textes administratifs et de mesures politiques tout au long des 56 années
d’occupation afin d’établir et d’asseoir son autorité, dont l’application des lois israéliennes aux
colons israéliens en Cisjordanie, la construction de centaines de colonies et l’installation de près d’un
demi-million de citoyens israéliens en Cisjordanie pour assurer l’extension de l’État d’Israël et
l’irréversibilité de la domination israélienne, ainsi que des déclarations publiques répétées des plus
hautes autorités politiques israéliennes selon lesquelles la « souveraineté » d’Israël sur la
« Judée-Samarie » (nom donné par Israël à la Cisjordanie) durera éternellement et ne sera jamais
abandonnée.
3.147. Dans son avis consultatif sur le mur, la Cour dit craindre que « la construction du mur
et le régime qui lui est associé créent sur le terrain un “fait accompli” qui pourrait fort bien devenir
permanent, auquel cas, et nonobstant la description officielle qu’Israël donne du mur, la construction
de celui-ci équivaudrait à une annexion de facto »365. Après plus de cinq décennies et demie,
l’occupation du territoire en cause par Israël est à vrai dire devenue un fait accompli qu’Israël qualifie
lui-même de permanent. Le régime qu’il y a établi ne constitue rien de moins que l’« annexion de
facto » que la Cour avait entrevue il y a 19 ans.
3.148. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus des organismes des Nations Unies et des
experts indépendants, dont la commission d’enquête internationale indépendante. Dans son rapport
de septembre 2022, la commission a fait la constatation suivante :
« Israël considère l’occupation comme une situation permanente et qu’il a — à
toutes fins utiles — annexé des parties de la Cisjordanie, tout en invoquant pour se
justifier le caractère temporaire de la situation, lequel n’est qu’une fiction. Israël a pris
des mesures qui sont constitutives d’une annexion de facto, à savoir notamment :
l’expropriation de terres et de ressources naturelles, l’établissement de colonies et
d’avant-postes, l’application aux Palestiniens d’un régime d’aménagement et de
construction restrictif et discriminatoire et l’application extraterritoriale de la législation
israélienne aux colons israéliens en Cisjordanie. La Cour internationale de Justice avait
365 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 184, par. 121.
- 86 -
anticipé cette situation dans son avis consultatif de 2004, dans lequel elle avait déclaré
que le mur créait sur le terrain un fait accompli qui pourrait fort bien devenir permanent,
auquel cas la construction du mur équivaudrait à une annexion. Il s’agit désormais d’une
réalité. »366
3.149. Ainsi que l’a estimé la commission internationale indépendante, de même que les
nombreux autres organes des Nations Unies qui ont fait des constatations autorisées ou publié des
rapports d’expert sur la question, les actes accomplis par Israël en Cisjordanie pendant plus de 50
ans prouvent que celui-ci est tout sauf un occupant temporaire. Au contraire, ces organismes
s’accordent à conclure qu’Israël méconnaît et viole le droit de l’occupation de guerre — ainsi que
les nombreuses injonctions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité qui l’invitent à
respecter ce droit et la Charte des Nations Unies — et qu’il fait valoir et exerce sa « souveraineté »
sur la Cisjordanie par un large éventail d’activités revêtant un caractère souverain, révélant et même
déclarant ainsi qu’il a manifestement l’intention d’établir sa domination sur le territoire à titre
permanent.
3.150. En particulier, depuis 1967, Israël a implanté des centaines de colonies dans lesquelles
des centaines de milliers de ressortissants israéliens ont été transférés et installés, dans le but exprès
de créer sur le terrain une situation permanente qu’il pourrait invoquer pour prétendre à la
« souveraineté » sur la Cisjordanie ou sur des parties importantes de celle-ci. La Cisjordanie compte
actuellement plus de 270 colonies israéliennes et plus de 465 000 colons israéliens (en plus de ceux
qui se trouvent à Jérusalem-Est) et les dirigeants israéliens, dont l’actuel premier ministre, se sont
engagés à ne jamais les réinstaller en Israël. Qui plus est, les chiffres ne cessent de croître.
3.151. Parallèlement, et dans le même but, Israël a mis en place des politiques et des pratiques
visant à déplacer un grand nombre de Palestiniens de leur foyer pour les pousser à se réinstaller
ailleurs et à confiner les autres dans des zones de plus en plus petites, créant ainsi concrètement plus
d’espace pour assurer l’extension des colonies israéliennes et séparant par là les zones palestiniennes
les unes des autres afin de détruire la continuité territoriale de l’État de Palestine.
3.152. Israël s’est également approprié les ressources naturelles de la Cisjordanie, en
particulier l’eau, l’élément vital du territoire, et a pris le contrôle des infrastructures matérielles afin
de rattacher plus étroitement l’ensemble de la région à son territoire et de consolider la permanence
et l’irréversibilité de sa présence. En 2017, le rapporteur spécial a estimé aussi que par ces moyens,
« Israël s’emplo[yait] activement à établir l’annexion de facto de certaines parties de la Cisjordanie
occupée »367.
3.153. L’annexion de la Cisjordanie par Israël se fait à un rythme de plus en plus rapide.
En 2018, le rapporteur spécial a fait la constatation suivante : « En pratique, …, peu de temps après
le début de l’occupation en juin 1967, Israël a commencé à prendre de nombreuses mesures allant
366 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 76 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
367 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 47 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/72/556).
- 87 -
dans le sens d’une revendication de souveraineté sur la Cisjordanie, qui se sont considérablement
intensifiées ces dernières années »368. Il a apporté des précisions qui se lisent comme suit :
« Tout au long des années d’occupation, depuis la guerre de juin 1967, Israël n’a
cessé de consolider son annexion de facto de la Cisjordanie en imposant sciemment aux
territoires occupés des changements irréversibles, qui sont proscrits au regard du droit
international humanitaire : établissement de 230 implantations peuplées de plus de
400 000 colons israéliens [actuellement plus de 270 implantations peuplées de plus de
465 000 colons] ; confinement physique et politique des 2,6 millions [actuellement
2,7 millions] de Palestiniens de Cisjordanie ; extension des lois israéliennes à la
Cisjordanie et mise en place d’un régime juridique discriminatoire ; inégalité d’accès
aux ressources naturelles, aux services sociaux, à la propriété et à la terre pour les
Palestiniens de la Cisjordanie occupée ; et appels explicites, de la part d’un large cercle
de dirigeants politiques israéliens de haut rang, à l’annexion officielle de la Cisjordanie,
en partie ou en totalité. Cette propension à l’annexion de territoire n’a fait que
s’accentuer ces deux dernières années. »369
3.154. Le rapporteur spécial a constaté qu’« Israël n’a[vait] cessé de renforcer sa présence
souveraine dans l’ensemble de la Cisjordanie »370, mais cette « présence » se manifeste le plus dans
la partie du territoire appelée « zone C », représentant 60 % de la Cisjordanie, qu’Israël a
expressément réservé pour lui-même et ses colons. Cette zone est illustrée en orange dans la
figure 3.7 ci-dessous.
3.155. Comme le montre la figure 3.8 ci-dessous, Israël a affecté 70 % de la superficie de la
zone à l’implantation de ses colonies de peuplement et près de 30 % aux bases militaires et aux zones
de tir de ses forces d’occupation, exposant plus de 6 000 Palestiniens appartenant à 38 collectivités
à un risque de transfert forcé. Il a également restreint la mise en valeur ou en culture du peu de terres
restantes par les Palestiniens en érigeant 14 % de celles-ci en « réserves naturelles ». Moins de 1 %
de la « zone C », où vivent 300 000 Palestiniens, est prévu pour les collectivités palestiniennes371.
3.156. Cette situation justifie à l’évidence l’observation suivante formulée par le rapporteur
spécial : « Auparavant qualifiée de “latente” par les organisations de la société civile, l’annexion
israélienne de la Cisjordanie est décrite maintenant comme “avançant à grands bonds” et comme une
“annexion-occupation”. »372
3.157. Les conséquences de cet état de choses dans la vallée du Jourdain, qui se situe à la
frontière orientale de l’État de Palestine et constitue la source d’approvisionnement en eau et en
nourriture de la Cisjordanie, sont représentatives de celles observées dans l’ensemble de ce territoire.
Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires a décrit cette situation
comme suit :
368 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 48 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
369 Ibid., par. 25.
370 Ibid., par. 50 (les italiques sont de nous ; note de bas de page omise).
371 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « West Bank Area C: Key
Humanitarian Concerns » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/49czry56).
372 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 52 (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447).
- 88 -
« La région de la vallée du Jourdain et de la mer Morte représente environ 30 %
de la Cisjordanie, et près de 60 000 Palestiniens y vivent.
[La majeure partie de cette région] est interdite à l’usage des Palestiniens et
réservée à l’armée israélienne ou relève de la juridiction des colonies israéliennes.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Environ le quart des Palestiniens de la région résident dans la zone C, dont
quelque 7 900 Bédouins et éleveurs. Environ 3 400 personnes résident partiellement ou
complètement dans des zones militaires fermées et sont exposées à un risque élevé
d’expulsion forcée.
Trente-sept colonies de peuplement israéliennes, comptant 9 500 habitants, sont
établies dans toute la région, en violation du droit international.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Figure 3.7
Cisjordanie
- 89 -
Légende :
So-called “Area C” restricted for Palestinians = « Zone C » à accès limité pour les Palestiniens
Israel = Israël
Mediterranean Sea = Mer Méditerranée
Nablus = Naplouse
West Bank = Cisjordanie
Jordan = Jordanie
East Jerusalem = Jérusalem-Est
West Jerusalem = Jérusalem-Ouest
The Green Line = Ligne verte
Bethlehem = Bethléem
Dead Sea = Mer Morte
Source : Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires : https://www.un.org/unispal/
west-bank-area-c-ocha-map/.
Figure 3.8
Colonisation de la Cisjordanie par Israël
Légende :
Closed and Restricted Areas = Zones fermées ou à accès limité
Israeli Military Base = Base militaire israélienne
- 90 -
(Access is prohibited) = (Accès interdit)
So-called “Area C” restricted for Palestinians = « Zone C » à accès limité pour les Palestiniens
Israeli Firing Zone/Jordan Valley = Zone de tir israélienne/Vallée du Jourdain
Military Buffer Zone (Access is prohibited) = Zone tampon militaire (accès interdit)
Israeli Settlements = Colonies de peuplement israéliennes
Areas under the Control of Settlements = Zones sous le contrôle des colonies de peuplement
Land Cultivated by Settlers = Terres mises en culture par les colons
Israeli Nature Reserves = Réserves naturelles israéliennes
Israel = Israël
West Bank = Cisjordanie
Mediterranean Sea = Mer Méditerranée
Jordan = Jordanie
East Jerusalem = Jérusalem-Est
West Jerusalem = Jérusalem-West
The Green Line = Ligne verte
Dead Sea = Mer Morte
La consommation d’eau chute à 20 litres par personne par jour (l/p/j) dans la
plupart des communautés pastorales de la région, alors que l’OMS recommande
100 l/p/j et que la consommation moyenne des colonies est de 300 l/p/j.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les restrictions d’accès aux voies de transport, aux terres agricoles et aux
ressources en eau pèsent sur le secteur agricole palestinien. L’interdiction d’accès au
littoral de la mer Morte empêche également les Palestiniens d’exploiter cette source
potentiellement importante de revenus et d’emplois. En revanche, les colons israéliens
ont la possibilité de créer des entreprises agricoles, extractives, touristiques, etc. très
rentables. »373
3.158. Dans son rapport de septembre 2022, la commission internationale indépendante
désignée par le Conseil des droits de l’homme, a estimé « qu’il y a[vait] des motifs raisonnables de
conclure que l’occupation israélienne du territoire palestinien [était désormais] illégale au regard du
droit international en raison de sa permanence et des mesures mises en oeuvre par Israël pour annexer
de facto et de jure certaines parties de ce territoire »374. Elle a relevé en particulier que « les
gouvernements israéliens successifs, quelle que [fût] leur composition politique, [avaient] encouragé
l’expansion des colonies »375 en Cisjordanie, et que « les responsables israéliens [avaient] exprimé
publiquement l’intention de leur pays de rendre irréversible la présence des colonies et d’annexer
tout ou partie de la zone C »376.
3.159. Cette déclaration faite par le premier ministre Benjamin Netanyahu en 2019 en est un
exemple :
373 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Humanitarian Fact Sheet on the
Jordan Valley and Dead Sea », février 2012 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/229su9e3).
374 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 75 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
375 Ibid., par. 51.
376 Ibid., par. 52.
- 91 -
« Je suis guidé par plusieurs principes en ce qui concerne la Cisjordanie.
Premièrement : il s’agit de notre patrie. Deuxièmement : nous continuerons de la
construire et de la développer. Troisièmement : aucun accord politique ne prévoira le
déracinement d’un résident ou d’une communauté. Quatrièmement : les forces
militaires et de sécurité israéliennes continueront de diriger l’ensemble du territoire,
jusque dans la vallée du Jourdain. Cinquièmement : je m’emploie à obtenir la
ratification de ces principes par la communauté internationale. »377
3.160. En application de ces « principes », le premier ministre israélien a pris l’engagement de
veiller à ce que son gouvernement « exerce la souveraineté d’Israël sur toutes les communautés »
dans lesquelles des colons israéliens sont transférés et installés378.
3.161. La position d’Israël concernant la Cisjordanie a été énoncée sans aucune ambiguïté dans
l’accord conclu en décembre 2022 par les partis politiques formant le Gouvernement israélien actuel.
L’article 118 de cet accord souligne que « [l]a nation d’Israël jouit d’un droit naturel sur la Terre
d’Israël », y compris la « Judée-Samarie », et énonce l’engagement que le premier ministre assurera
la « souveraineté » d’Israël en Cisjordanie :
« Le premier ministre élaborera et défendra une politique visant à assurer
l’exercice de la souveraineté dans la région de Judée-Samarie, à charge pour lui de
choisir le moment opportun et de tenir compte de tous les intérêts nationaux et
internationaux de l’État d’Israël. »379
3.162. Les objectifs d’Israël à l’égard de la Cisjordanie ont été exposés plus en détail dans des
déclarations publiques du ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, qui exerce également les
fonctions de ministre de « la coordination des activités gouvernementales dans les territoires et de
l’administration civile dans ceux-ci » au sein du ministère de la défense. À ce titre, il est le plus haut
représentant de l’État israélien chargé de l’administration du Territoire palestinien occupé. Lorsqu’il
a été nommé à la tête de ce portefeuille, il a annoncé qu’il exercerait ses « responsabilités relatives à
l’implantation de colonies de peuplement en Judée-Samarie et à l’administration civile » de façon à
« opérer un véritable changement sur le terrain »380. Le 19 mars 2023, à l’occasion d’un discours
prononcé à une manifestation officielle à Paris, il a insisté sur le fait que la domination israélienne
sur la Cisjordanie se voulait permanente en soulignant qu’il « n’y a[vait] pas de Palestiniens, le
peuple palestinien n’existant pas »381.
3.163. Le reste de la présente partie B est divisé en quatre sections. La section 0 montre
qu’Israël a adopté des lois, des règlements et d’autres textes administratifs qui proclament sa
377 « At West Bank Event, Netanyahu Promises No More Settlers, Arabs Will Be Evicted », Haaretz, 10 juillet
2019 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3zmj3xkt).
378 Services du premier ministre israélien, « Cabinet Approves PM Netanyahu’s Proposal to Establish the
Community of Mevo’ot Yeriho & PM’s Remarks at the Start of the Cabinet Meeting », 15 septembre 2019 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yc34cr7n).
379 Coalition Agreement between the Likud Party and the Religious Zionist Party for the Establishment of a National
Government, presented to the Knesset on December 28, 2022, art. 118 (les italiques sont de nous) (vol. II, annexe 12).
380 « Smotrich after the dispute with Gallant: The time has come for the residents of Judea and Samaria to stop
being second class citizens », Mivzak Live News, 23 janvier 2023 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/ycy58r4x).
381 « Smotrich : il n’y a pas de peuple palestinien, “les vrais Palestiniens” sont ma famille », The Times of Israel,
20 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://fr.timesofisrael.com/smotrich-il-ny-a-pas-de-peuple-palestinien-lesvrais-
palestiniens-sont-ma-famille/).
- 92 -
« souveraineté » sur la Cisjordanie, aussi bien expressément qu’implicitement, notamment en
étendant son autorité et sa juridiction civile et pénale à l’ensemble du territoire et en assimilant
celui-ci à lui-même. La section II présente de nombreuses déclarations officielles faites par de hauts
dirigeants de l’État israélien qui proclament la « souveraineté » d’Israël sur la Cisjordanie et la
détermination de ce dernier à conserver le territoire à titre permanent. La section III rend compte de
l’implantation de plus de 270 colonies de peuplement israéliennes, comptant plus de 465 400 colons
israéliens dont le nombre continue d’augmenter chaque année et réparties sur l’ensemble du territoire
de la Cisjordanie, en exécution d’une politique gouvernementale délibérée visant à créer sur le terrain
une situation qui justifierait l’administration permanente du territoire par Israël ; il s’agit d’une
stratégie que le ministre chargé de la « coordination des activités gouvernementales dans les
territoires palestiniens » a qualifiée de « victoire par la colonisation »382. La section III traite
également des mesures prises par Israël pour faciliter l’essor et l’extension de ses colonies en
déplaçant la population palestinienne de la Cisjordanie, en encourageant son émigration dans des
États tiers ou en la confinant de force dans de petites zones séparées les unes des autres. La section IV
explique comment Israël exerce sa « souveraineté » sur la Cisjordanie en s’appropriant les ressources
naturelles les plus précieuses du territoire, en particulier ses réserves d’eau douce, ainsi qu’en
construisant les infrastructures essentielles permettant de relier le territoire à Israël de manière
irrévocable et en conservant sa mainmise sur ces infrastructures. Elle est suivie des conclusions de
cette partie du chapitre 3.
I. EXTENSION PAR ISRAËL DU CHAMP D’APPLICATION DE SES LOIS,
DE SES AUTRES TEXTES ADMINISTRATIFS ET DE SA
JURIDICTION À LA CISJORDANIE
3.164. Immédiatement après la prise de la Cisjordanie par Israël, le 7 juin 1967, le commandant
militaire des forces d’occupation israéliennes a émis une proclamation tendant à mettre en place un
gouvernement militaire chargé de « prendre le contrôle de la Cisjordanie “pour y assurer la sécurité
et l’ordre public” »383, et a pris une ordonnance portant création de tribunaux militaires384. Le même
jour, il a émis une autre proclamation qui se lit comme suit : « Tous les pouvoirs de gouvernement,
de législation, de nomination et d’administration relatifs à la [Cisjordanie] ou à ses habitants seront
désormais exclusivement entre mes mains et ne seront exercés que par moi ou par toute personne
désignée à cette fin par moi ou agissant en mon nom. »385
3.165. Depuis cette date, par des lois et des ordonnances militaires, Israël étend et applique
son droit interne et sa juridiction à la Cisjordanie. La commission internationale indépendante a
constaté ce qui suit :
« Depuis le début de l’occupation, Israël a étendu l’application de sa législation
à la Cisjordanie, d’où des modifications profondes du droit applicable et, dans la
pratique, la coexistence de deux législations applicables : la législation militaire et la
législation interne israélienne, qui est appliquée extraterritorialement aux seuls colons
israéliens. Cette extension, qui a été opérée au moyen d’ordonnances militaires, de
382 « MK’s controversial plan nixes two-state solution, calls for annexation », The Jerusalem Post, 11 septembre
2017 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yp88a3uz).
383 Military Proclamation No. 1 concerning Assumption of Authority by the Israeli Military Forces, 7 juin 1967
(voir Israeli Military Orders in the Occupied Palestinian West Bank 1967-1992, Second edition, Jerusalem Media &
Communications Centre, 1995, p. 1).
384 Military Order No. 3 concerning Establishment of Military Courts (West Bank Area), 7 juin 1967 (voir Israeli
Military Orders in the Occupied Palestinian West Bank 1967-1992, Second edition, Jerusalem Media & Communications
Centre, 1995, p. 2).
385 Proclamation Regarding Regulation of Administration and Law (The West Bank Region) (No. 2), 1967, art. 3 a)
(vol. II, annexe 3).
- 93 -
dispositions législatives et de décisions de la Cour suprême, concerne le droit pénal, la
législation nationale relative à l’assurance maladie, le droit fiscal et des lois
électorales. »386
3.166. De hauts responsables israéliens n’ont pas seulement reconnu que le Gouvernement
appliquait le droit israélien aux colonies et aux colons en Cisjordanie dans l’intention de manifester
la « souveraineté » israélienne sur le territoire, mais s’en sont vanté. En 2018, le ministre du tourisme,
Yariv Levin, a proclamé ce qui suit lors d’une réunion du comité central du Likoud : « Nous sommes
ici pour rappeler l’évidence : toute la Terre d’Israël est à nous et nous exercerons notre souveraineté
sur toutes les parties de cette terre. »387
A. Lois visant à étendre et à appliquer
le droit israélien à la Cisjordanie
3.167. Depuis 1967, Israël n’a cessé d’adopter des lois visant à étendre et à appliquer son droit
interne aux colonies et aux colons israéliens en Cisjordanie, les assimilant ainsi à lui-même. Il
s’ensuit qu’une multitude de lois israéliennes influant sur presque tous les aspects de la vie et des
activités quotidiennes, qui sont trop nombreuses pour être énumérées dans le présent exposé écrit,
« régi[ssent] [désormais] la Cisjordanie comme s’il s’agissait d’une partie d’Israël »388. Les colons
israéliens sont soumis au droit israélien, et non au droit qui était en vigueur dans le Territoire
palestinien occupé au moment où l’armée israélienne en a pris le contrôle en 1967 ni aux ordonnances
militaires qui s’appliquent au peuple palestinien sous occupation.
3.168. Si au départ les lois israéliennes s’appliquaient extraterritorialement aux colonies et aux
colons israéliens, les lois récentes, en particulier celles adoptées depuis 2018, sont l’occasion pour
Israël de faire valoir sa « souveraineté » sur ceux-ci et sur le reste du territoire qu’il appelle
officiellement la « Judée-Samarie ». Voici quelques exemples :
a) La loi portant dissolution du « Conseil de l’enseignement supérieur de la Judée-Samarie » (nom
donné par Israël à la Cisjordanie), placé sous l’autorité du commandant militaire, et transfert des
pouvoirs dont cet organisme était investi à un organe des autorités civiles israéliennes, à savoir
le Conseil de l’enseignement supérieur389. Le membre de la Knesset qui a proposé cette loi a
insisté sur le fait qu’« [o]utre l’importance qu’elle revêt[ait] sur le plan de l’enseignement, elle
comport[ait] aussi manifestement un élément tendant à l’exercice de la souveraineté »390. Ainsi
que l’a fait observer le rapporteur spécial, « [c]ette loi, promulguée en février 2018, est un
386 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 46 (notes de bas de page omises) (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/328).
387 « With Netanyahu Weakened by Investigations, Talk of Annexation Rumbles », Haaretz, 1er janvier 2018
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/bdfnptj5).
388 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 14 juin 2018, doc. A/HRC/37/75, par. 18 et 20 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/
37/75).
389 The Council for Higher Education (Amendment no. 20) (Higher Education Institutions in the Area)
Law 5778-2018 (vol. II, annexe 11).
390 « Israel’s Creeping Annexation: Knesset Votes to Extend Israeli Law to Academic Institutions in the West
Bank », Haaretz, 12 février 2018 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
m4dad5h9).
- 94 -
exemple de l’application directe du droit interne israélien au territoire occupé, ce qui est pourtant
interdit en droit international et constitue un pas manifeste vers l’annexion. »391
b) La loi adoptée en juillet 2018 qui dispose que le tribunal des affaires administratives (tribunal de
district de Jérusalem) a compétence pour connaître des requêtes concernant les questions relatives
à la Cisjordanie, notamment i) l’aménagement du territoire et la construction ; ii) l’entrée dans
le territoire et la sortie de celui-ci ; et iii) les ordonnances de renvoi et de supervision392. Le
Secrétaire général s’est dit préoccupé par le fait que, « en étendant la compétence d’une
juridiction administrative israélienne à la Cisjordanie », la loi « brouillerait encore plus les
distinctions entre Israël et le Territoire palestinien occupé »393.
c) En particulier, la « loi relative à l’État-nation du peuple juif », adoptée en juillet 2018 à titre de
loi fondamentale, c’est-à-dire de loi à caractère quasi constitutionnel. Elle dispose que
« [l]’exercice du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservé au peuple
juif » et que, s’agissant du Territoire palestinien occupé, « [l]’État considère la mise en place de
colonies de peuplement juives comme une valeur nationale et il prend des mesures pour
encourager et faciliter leur création et leur consolidation »394. En 2019, la haute-commissaire aux
droits de l’homme a indiqué que des mesures législatives adoptées peu de temps auparavant par
la Knesset « favorisa[ie]nt … l’annexion de facto de la Cisjordanie »395.
391 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 55 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447).
392 The Courts for Administrative Affairs Law (Amendment no. 117) (loi autorisant les juridictions administratives
à contrôler les décisions administratives prises par les autorités administratives israéliennes de la zone) 5778-2018 (vol. II,
annexe 10).
393 Rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 5 octobre 2018, doc. A/73/410, par. 10 (note de bas de page
omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/410).
394 Loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif, 19 juillet 2018, art. 1 c) et 7 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/fe5b4m7j).
395 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 30 janvier 2019,
doc. A/HRC/40/42, par. 12 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/42). Outre les textes primaires
décrits dans le présent exposé, des ministres israéliens ont pris des règlements, ou textes secondaires, qui étendent le champ
d’application des lois israéliennes à la Cisjordanie afin d’assimiler davantage ce territoire. Comme l’explique
M. E. Benvenisti, « les textes secondaires pris par les ministres » sont « un moyen très efficace de rendre les conditions
économiques des colonies identiques à celles d’Israël ». (The International Law of Occupation, deuxième édition, Oxford
University Press, 2012, p. 235). Par exemple, en 1982 ont été pris des règlements étendant l’assurance publique aux
Israéliens qui avaient perdu leurs investissements en Cisjordanie à la suite de la sécheresse et aux pertes de biens subies en
Cisjordanie en raison de leur « caractère israélien » (voir Property Tax and Compensation Fund (Payment of Compensation
for Damages) (Israeli External Property) Regulations, 5742-1982). De même, en 1987, le ministre israélien du travail et
des affaires sociales a adopté des règlements étendant le champ d’application de la loi relative à l’assurance nationale aux
Juifs qui travaillaient en Cisjordanie ou faisaient du bénévolat dans des colonies israéliennes (voir National Insurance
Regulations (Application on Special Categories of Insured), 5747-1987, et National Insurance Regulations (Categories of
Volunteers Outside Israel), 5747-1987). Les autorités israéliennes ont également pris des mesures visant à étendre à la
Cisjordanie les pouvoirs administratifs et de maintien de l’ordre des différents organes et responsables de l’État israélien.
Par exemple, comme l’a relevé M. Benvenisti : « L’exercice des pouvoirs des forces de police israéliennes s’étend aux
infractions commises par des Israéliens dans les territoires ; les percepteurs d’impôts israéliens sont habilités à agir dans
les territoires en matière d’impôts, de taxes et de droits dus au Trésor israélien comme s’ils exerçaient leurs activités en
Israël. » [E. Benvenisti, Legal Dualism. The Absorption of the Occupied Territories into Israel, Westview Press, 1990,
p. 22 (notes de bas de page omises)].
- 95 -
B. Ordonnances prises par le commandant militaire
3.169. Les autorités militaires israéliennes ont pris « plus 1 800 ordonnances
militaires … dans des domaines comme la sécurité, la fiscalité, les transports, l’aménagement du
territoire et le zonage, les ressources naturelles, les déplacements et l’administration de la justice »396.
3.170. Ces multiples ordonnances, qui ont expressément étendu le champ d’application des
lois israéliennes à la Cisjordanie, « confèrent un statut particulier aux colonies juives … car elles
prescrivent l’application de certains éléments du droit israélien à ces unités territoriales dans divers
domaines » et « leur accordent des privilèges dont bénéficient des localités implantées en Israël »397.
3.171. Comme l’a relevé le rapporteur spécial en 2022 :
« Politiquement et juridiquement, les colons juifs israéliens bénéficient du même
éventail complet de protections et de droits attachés à la citoyenneté que les Juifs
israéliens vivant à l’intérieur des frontières qui étaient celles du pays en 1949. Les
475 000 colons israéliens de Cisjordanie, qui vivent tous dans des implantations
exclusivement juives, bénéficient, à titre personnel et de manière extraterritoriale, de
l’ensemble des lois israéliennes et des avantages liés à la citoyenneté israélienne. Tout
comme les Israéliens de Tel-Aviv ou d’Eilat, les colons de Cisjordanie ont accès à
l’assurance maladie, à l’assurance nationale, aux services sociaux, à l’éducation et aux
services municipaux ordinaires et ont le droit d’entrer en Israël et dans une grande partie
de la Cisjordanie et d’en sortir. Ils bénéficient également de prestations et de mesures
incitatives ciblées de la part du Gouvernement israélien pour vivre et travailler dans les
colonies. … Les colons ont le droit de voter aux élections israéliennes, même si
officiellement les lois israéliennes limitent le droit de vote des citoyens israéliens qui
vivent hors du territoire national. »398
C. Prise des pouvoirs administratifs directs sur la Cisjordanie
par le Gouvernement israélien
3.172. Récemment, Israël a pris des mesures tendant à conférer à ses autorités
gouvernementales les pouvoirs administratifs que détenait le commandant militaire du Territoire
palestinien occupé, y compris en Cisjordanie. L’accord conclu entre les partis politiques formant le
nouveau gouvernement mis en place le 29 décembre 2022 prévoyait le transfert d’importants
pouvoirs de contrôle et de gouvernance de la Cisjordanie de l’armée israélienne à un nouveau
ministre civil nommé au sein du ministère de la défense399. L’importance que revêt ce changement a
été soulignée dans l’accord de coalition conclu entre les partis en question :
« La scission du ministère de la défense et la nomination d’un ministre de la
défense qui n’exerce plus de fonctions militaires et se consacre uniquement à la
396 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, Michael Lynk, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 41 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/49/87).
397 A. Gross, The Writing on the Wall: Rethinking the International Law of Occupation, Cambridge University
Press, 2017, p. 174.
398 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, Michael Lynk, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 39 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
399 Coalition Agreement between the Likud Party and the Religious Zionist Party for the Establishment of a national
government, 28 décembre 2022, pièce jointe C, point 21 (vol. II, annexe 12).
- 96 -
promotion des intérêts politiques d’Israël conformément au nouveau cadre
organisationnel normatif constituent un profond changement organisationnel. Elles ont
pour effet de transférer aux autorités civiles d’Israël les responsabilités civiles qui
incombaient au commandant militaire sous l’empire de la législation régissant
l’occupation. »400
3.173. Pour donner effet à cet accord, la Knesset a adopté une loi portant modification de la
loi fondamentale relative au gouvernement qui crée au sein du ministère de la défense un nouveau
poste ministériel pour « la coordination des activités gouvernementales dans les territoires et
l’administration civile dans ceux-ci »401. Comme il est indiqué plus haut, M. Bezalel Smotrich, le
chef du parti sioniste religieux, a été nommé à ce poste ainsi qu’au poste de ministre des finances.
3.174. Dès sa nomination, le ministre a souligné sa détermination à assumer la responsabilité
de l’administration civile de la Cisjordanie et à appliquer pleinement les lois israéliennes sur le
territoire402. Pour le faciliter, le Gouvernement a, entre autres, transféré de l’armée israélienne au
ministère de la défense le service des avis juridiques sur l’administration civile, afin que le conseiller
juridique pour la Cisjordanie relève directement du ministre et non du commandant militaire403.
3.175. Le 23 février 2023, le transfert des pouvoirs et des responsabilités relatifs à
l’administration civile en Cisjordanie a officiellement eu lieu. Dans une déclaration publique, le
ministre Smotrich, qui assumait ces responsabilités, a indiqué que « les lois relatives à toutes les
questions civiles (touchant les colonies) ser[aie]nt alignées sur le droit israélien ». Sous ce régime,
« [l]’aménagement du territoire en Cisjordanie sera placé sous l’autorité du ministre
[Smotrich], lequel aura également autorité sur le Haut Conseil de l’aménagement du
territoire, chargé de la création et de l’extension des colonies de peuplement ainsi que
de l’examen des plans d’aménagement du territoire et des demandes de permis des
Palestiniens dans la zone C … Toutes les questions relatives à la régularisation des
avant-postes (colonies “informelles”) et des quartiers satellites relèveront de l’autorité
exclusive du ministre … Le service de la lutte contre les infractions, chargé de la
destruction des structures palestiniennes construites dans la zone C, ainsi que de la saisie
et de la destruction des structures d’aide humanitaire financées par des dons, sera placé
sous l’autorité exclusive du ministre … Le ministre aura le pouvoir de déclarer de
nouvelles “réserves naturelles” … Toutes les affaires relatives au logement, à la terre et
aux droits patrimoniaux, notamment au règlement des questions intéressant la propriété
foncière, à l’arpentage et à l’immatriculation, relèveront de l’autorité exclusive du
ministre … La planification et la mise en place d’infrastructures dans l’ensemble de la
Cisjordanie … relèveront de l’autorité exclusive du ministre, notamment en ce qui
400 R. Levine-Schnur et autres, « A Theory of Annexation », 2003, p. 37 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/mred48e6).
401 « Days before coalition is to take power, law clears path for ministers Deri, Smotrich », The Times of Israel,
27 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3yrf2uux).
402 « Smotrich after the Dispute with Gallant: “The time has come for the residents of Judea and Samaria to stop
being second class citizens” », Mivzak Live, 23 janvier 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
ycy58r4x).
403 Coalition Agreement between the Likud Party and the Religious Zionist Party for the Establishment of a national
government, 28 décembre 2022, pièce jointe C, point 21 (vol. II, annexe 12).
- 97 -
concerne les routes de surface, l’eau et l’assainissement, l’énergie et les énergies
renouvelables, les télécommunications et la gestion des déchets. »404
3.176. Les organisations non gouvernementales israéliennes Yesh Din, Association of Civil
Rights in Israel et Breaking the Silence ont qualifié d’« annexion licite et de jure » le transfert de ces
vastes pouvoirs sur la Cisjordanie de l’administration militaire au Gouvernement israélien405.
3.177. Que l’annexion de la Cisjordanie par Israël soit de jure ou de facto, ou les deux, ce qui
est très clair, c’est que la politique d’Israël vise à exercer sa « souveraineté » sur ce territoire.
3.178. Le ministre nommé par le premier ministre au poste de chef de l’administration civile
s’est prononcé publiquement en faveur d’un plan pour la Cisjordanie dans lequel « il n’y a[vait] de
place que pour une seule expression de l’autodétermination nationale à l’ouest du Jourdain : celle de
la nation juive. En conséquence, un État arabe exprimant des aspirations nationales arabes ne saurait
naître sur le même territoire »406. Cet objectif, a-t-il écrit, serait réalisé « surtout par des actes ». En
particulier :
« Il faut, pour ce faire, exercer pleinement la souveraineté d’Israël dans les
régions centrales de Judée-Samarie et mettre fin au conflit par la colonisation en créant
de nouvelles villes et colonies bien à l’intérieur du territoire et en y installant des
centaines de milliers de nouveaux colons. Cette opération ferait comprendre clairement
à tous que la réalité présente en Judée-Samarie est irréversible, que l’État d’Israël est là
pour rester et que le rêve arabe d’un État en Judée-Samarie n’est plus réalisable. »407
II. DÉCLARATIONS DE HAUTS REPRÉSENTANTS DE L’ÉTAT ISRAÉLIEN FAISANT VALOIR
LA « SOUVERAINETÉ » D’ISRAËL SUR LA CISJORDANIE
3.179. Le ministre israélien actuellement chargé de l’administration de la Cisjordanie a indiqué
de façon particulièrement directe qu’Israël avait pour objectif de maintenir la « souveraineté »
israélienne sur l’ensemble du territoire, en excluant toute possibilité d’indépendance de l’État de
Palestine. Ses déclarations ne diffèrent toutefois pas dans le fond de celles faites à maintes reprises
par de hauts représentants de l’État israélien avant lui, dont les premiers ministres successifs.
3.180. Le premier ministre Benjamin Netanyahu milite ouvertement et activement de longue
date en faveur de l’annexion. En 2010, il a pris l’engagement suivant envers un groupe de colons
israéliens en Cisjordanie dans la colonie de « Gush Etzion » : « Notre message est clair : nous
404 Voir Foundation for Middle East Peace, « Settlement & Annexation Report: February 24, 2023 » (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5awbpa64).
405 « Smotrich handed sweeping powers over West Bank, control over settlement planning », The Times of Israel,
23 février 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/sn6wvn9h). Le journal israélien Haaretz a aussi déclaré
ce qui suit : « Sur le plan juridique, l’attribution de pouvoirs de puissance publique en Cisjordanie à son nouveau
gouverneur civil, en particulier dans un contexte où il est prévu d’y étendre le champ d’application du double système de
justice, de sorte que le droit israélien s’applique pleinement et directement aux colons installés en Cisjordanie et que les
autorités civiles israéliennes exercent des pouvoirs de puissance publique directs dans les colonies — dispositions qui font
également partie de l’accord Gallant-Smotrich —, constitue une annexion de jure de la Cisjordanie. » (Voir « Israel’s
Cabinet Just Advanced Full-fledged Apartheid in the West Bank », Haaretz, 26 février 2023 (accessible à l’adresse
suivante : http://tinyurl.com/4nutrere).)
406 B. Smotrich, « Israel’s Decisive Plan », Hashiloach, 7 septembre 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://
hashiloach.org.il/israels-decisive-plan/).
407 Ibid.
- 98 -
plantons ici, nous resterons ici, nous construirons ici, ce lieu sera pour toujours une partie inséparable
de l’État d’Israël. »408
3.181. Le 31 décembre 2017, les 1 000 membres du comité central du Likoud, le parti au
pouvoir, ont adopté à l’unanimité une résolution plaidant en faveur de l’exercice de la
« souveraineté » d’Israël sur la Cisjordanie. Cette résolution « invit[ait] les élus du Likoud à prendre
les mesures requises pour permettre la libre construction dans toutes les zones d’implantation de
colonies juives libérées en Judée-Samarie, à y appliquer les lois d’Israël et à exercer sa
souveraineté »409.
3.182. En mars 2018, le vice-ministre israélien de la défense, le rabbin Eli Ben-Dahan, a
publiquement déclaré ce qui suit : « Nous devons porter toute notre attention sur l’enjeu principal.
Nous sommes en Judée-Samarie parce que cette terre est la nôtre, et nous y sommes pour de bon. La
souveraineté doit être exercée en Judée-Samarie dès que possible. »410
3.183. Se fondant sur les déclarations de cette nature faites par les plus hautes autorités
israéliennes, sur la poursuite de l’essor et de l’extension des colonies israéliennes et sur les lois
récentes, le rapporteur spécial a formulé la conclusion suivante dans son rapport de 2018 :
« Ces déclarations d’intention politique, ainsi que la réalité de la colonisation
d’Israël sur le terrain, ses activités législatives, et son refus de se plier aux obligations
solennelles qui lui incombent au regard du droit international ou de se conformer à la
volonté de la communauté internationale en ce qui concerne ses 51 ans d’occupation,
apportent la preuve qu’Israël a effectivement annexé une part importante de la
Cisjordanie et traite ce territoire comme le sien. »411
3.184. Le 6 avril 2019, le premier ministre Netanyahu a fait la déclaration suivante : « De mon
point de vue, tout lieu d’implantation de colonie appartient à Israël et nous en avons la responsabilité,
en tant que Gouvernement israélien. Je ne déracinerai personne et je ne transférerai pas la
souveraineté aux Palestiniens. »412
3.185. Le 8 août 2019, le premier ministre Netanyahu a affirmé ce qui suit :
« Je veux que les États-Unis reconnaissent notre souveraineté sur la vallée du
Jourdain. C’est important. … Il est temps d’exercer la souveraineté israélienne sur la
408 « Netanyahu Says Some Settlements to Stay in Israel », New York Times, 24 janvier 2010 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/2meyxrn3).
409 « Netanyahu’s Party Votes to Annex West Bank, Increase Settlements », Haaretz, 1er janvier 2018 (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mr2f488c).
410 « Sovereignty is not the granting of an immediate right to vote », Israel National News, 27 mars 2018 (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3xdtdncr).
411 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 59 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447).
412 « Israel’s Netanyahu vows to annex West Bank settlements if re-elected », Euronews, 7 avril 2019 (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yuxj2d7e).
- 99 -
vallée du Jourdain et de définir le statut de toutes les communautés juives en
Judée-Samarie … Elles feront partie de l’État d’Israël. »413
3.186. Moins d’un mois après ces propos, le premier ministre s’est rendu dans la colonie
israélienne d’Elkana sise en Cisjordanie occupée et a fait la déclaration suivante : « Ce territoire est
le berceau ancestral du peuple juif et nous continuerions de construire à Elkana. … [N]ous allons
faire valoir la souveraineté juive sur l’ensemble des communautés en tant que parties de la terre
d’Israël et de l’État d’Israël. »414
3.187. Le 8 janvier 2020, le ministre de la défense Naftali Bennett a fait la déclaration suivante
devant un groupe de réflexion à Jérusalem : « Nous avons pour objectif de parvenir dans un bref
délai, …, à exercer la souveraineté israélienne sur l’ensemble de la zone C, pas seulement sur les
colonies, pas seulement sur tel ou tel bloc. » Il a ajouté : « Je déclare solennellement que la zone C
appartient à Israël … Il y a environ un mois, j’ai expliqué à une réunion que j’ai organisée les
moyens par lesquels l’État d’Israël ferait tout son possible pour que ces zones [zone C] y soient
intégrées. »415
3.188. Le 17 mai 2022, le premier ministre Naftali Bennett a prononcé devant des colons dans
la colonie d’Elkana en Cisjordanie un discours dans lequel il a souligné que la colonie faisait partie
d’Israël et en ferait toujours partie : « Avec l’aide de Dieu, nous serons également présents aux
célébrations des cinquantième, soixante-quinzième, 100e, 200e et 2000e anniversaires d’Elqana, au
sein d’un État juif unifié et souverain sur la Terre d’Israël. »416
3.189. Le 1er novembre 2022, un nouveau gouvernement dirigé par le premier
ministre Netanyahu a été élu. Le programme électoral de ce dernier et de ses partenaires de coalition
comportait l’engagement à établir la « souveraineté de facto » d’Israël sur la Cisjordanie, énoncé
comme suit : « Souveraineté de facto : Mettre fin à l’administration civile et transférer aux ministères
les responsabilités relatives aux colonies implantées en Judée-Samarie »417.
3.190. Le nouveau gouvernement a officiellement pris ses fonctions le 29 décembre 2022418.
Le premier de ses « principes directeurs » se lit comme suit : « Le peuple juif jouit d’un droit exclusif
et incontestable sur toutes les parties de la Terre d’Israël. Le Gouvernement encouragera la
413 Services du premier ministre israélien, « Excerpts from PM Netanyahu’s Remarks to the Makor Rishon
Economic, Society and Innovation Conference in Jerusalem », 8 décembre 2019 (les italiques sont de nous) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p8tc8z8).
414 Services du premier ministre israélien, « PM Netanyahu Attends Ceremony Marking the Start of the 2019-2020
School Year and Gives a First Grade Lesson, together with Education Minister Rafi Peretz, at the Kramim State Religious
School in Elkana », 1er septembre 2019 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/vnj49ann).
415 « Bennett: Israel is working to apply sovereignty to all of Area C », Middle East Monitor, 9 janvier 2020 (les
italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p88djvm).
416 Voir rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 53 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
417 Voir « Peace Now group: Smotrich’s demand could lead to “de facto annexation” of West Bank », The Times
of Israel, 24 novembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/366xsmxs).
418 « 37th Government of the State of Israel is Sworn In », Knesset News, 29 décembre 2022 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/2sj7dt3n).
- 100 -
colonisation et l’intensifiera dans toutes les parties de la Terre d’Israël : la Galilée, le Néguev, le
Golan et la Judée-Samarie. »419
3.191. Dans l’accord de coalition entre les partis au pouvoir, le Likoud et le parti sioniste
religieux, ceux-ci ont expressément énoncé l’engagement du Gouvernement à exercer officiellement
la « souveraineté » sur la Cisjordanie : « Le premier ministre dirigera l’élaboration et la promotion
d’une politique tendant à assurer l’exercice de la souveraineté en Judée-Samarie, à charge pour lui
de choisir le moment opportun et de mettre en balance tous les intérêts nationaux et internationaux
de l’État d’Israël. »420
3.192. Pour mettre en oeuvre cette politique, le premier ministre a transféré la responsabilité
de l’administration civile du Territoire palestinien occupé à un nouveau ministre nommé au ministère
de la défense, lequel a affirmé avec assurance le 18 mai 2023 que la « principale mission » du
Gouvernement israélien était d’accroître le nombre de colonies en Cisjordanie pour y installer
500 000 colons supplémentaires sur une période de deux ans421. Avant sa nomination, ce ministre
avait écrit que l’« ambition nationale » d’Israël pour le territoire situé entre le Jourdain et la
Méditerranée consistait à « imposer la souveraineté sur toute la Judée-Samarie » afin de créer « une
réalité manifeste et irréversible sur le terrain »422 :
« À ce stade, nous établirons le fait fondamental le plus important : nous sommes
ici pour de bon. Nous ferons comprendre que notre aspiration nationale à un État juif
s’étendant du fleuve à la mer est un fait accompli ; un fait qui n’est pas sujet à discussion
ou à négociation.
Nous parviendrons à ce stade par un acte politico-juridique qui consistera à
imposer la souveraineté sur toute la Judée-Samarie, parallèlement à des actes de
colonisation : la création de villes et de municipalités, la mise en place d’infrastructures
à l’instar de ce qui se fait dans le “petit” Israël et l’incitation de dizaines ou de centaines
de milliers de résidents à aller vivre en Judée-Samarie. Nous créerons ainsi une réalité
manifeste et irréversible sur le terrain. »423
3.193. Comme il est expliqué en détail dans la section suivante, l’objectif visé par Israël depuis
1967 consiste à créer une « réalité irréversible sur le terrain », par l’incitation de dizaines ou de
centaines de milliers d’Israéliens à vivre dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et leur transfert effectif dans ce territoire. En violation flagrante de ses obligations
juridiques découlant de la quatrième convention de Genève et au mépris des condamnations et
demandes répétées des organes compétents des Nations Unies, Israël a poursuivi cet objectif avec
acharnement par la création d’un grand nombre de colonies situées dans des zones stratégiques en
Cisjordanie et par la mise en place d’un régime oppressif et discriminatoire, notamment la démolition
419 Yesh Din, OFEK, Breaking the silence, ACRI, « Policy paper: What Israel’s 37th government’s guiding
principles and coalition agreements mean for the West Bank », janvier 2023, p. 1 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/rwsr44vp). Voir Coalition Agreement between the Likud Party and the Religious Zionist Party for the
Establishment of a national government, 28 décembre 2022, Appendix A (vol. II, annexe 12).
420 Coalition Agreement between the Likud Party and the Religious Zionist Party for the Establishment of a national
government, 28 décembre 2022, point 118 (les italiques sont de nous) (vol. II, annexe 12). Voir également ibid.,
Appendix A.
421 « Far-right Israeli Minister Lays Groundwork for Doubling West Bank Settler Population », Haaretz, 18 mai
2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ym6pe63c).
422 B. Smotrich, « Israel’s Decisive Plan », Hashiloach, 7 septembre 2017 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/2s3k69sn).
423 Ibid.
- 101 -
de plusieurs milliers de logements et d’autres biens palestiniens, en vue de forcer les Palestiniens à
quitter la Cisjordanie.
III. CRÉATION DE CENTAINES DE COLONIES ISRAÉLIENNES EN CISJORDANIE
ET DÉPLACEMENT DES PALESTINIENS PAR ISRAËL
A. Construction de colonies et installation de centaines de milliers
de colons israéliens en Cisjordanie par Israël
3.194. La « réalité irréversible sur le terrain » voulue par Israël est le fait qu’il y a à présent en
Cisjordanie plus de 270 colonies israéliennes, comptant plus de 465 000 colons israéliens424, en plus
des 14 colonies comptant quelque 233 000 colons qui se trouvent à Jérusalem-Est. Ces colonies ont
délibérément été implantées à des endroits stratégiques afin de rompre fondamentalement la
continuité territoriale du Territoire palestinien occupé de façon à entraver l’indépendance de l’État
de Palestine. Depuis la création des premières colonies au début de la conquête militaire de 1967 et
de l’occupation de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, les gouvernements israéliens successifs
ont soutenu et facilité leur prolifération, leur essor, leur extension et leur consolidation. La figure 3.9
ci-dessous a été établie à l’aide de statistiques officielles du Gouvernement israélien. Elle montre
l’augmentation constante, année après année, du nombre de colons israéliens, passé de moins de
5 000 en 1970 à 12 500 en 1980, 81 900 en 1990, 198 300 en 2000, 311 000 en 2010 et 465 400 en
2021425.
Année
Figure 3.9
Nombre de colons par année (publié par Peace Now)426
Source : ICBS
424 Peace Now, Israel’s Settlements 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2nh4t2s8).
425 Voir le graphique publié par Peace Now à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ycy5f5hr.
426 Ibid.
- 102 -
3.195. La même courbe ressort des rapports officiels établis par des organes des
Nations Unies427. Dans un rapport de 2018, par exemple, le rapporteur spécial informe l’Assemblée
générale que « [l]es premières implantations civiles israéliennes en Cisjordanie, qui avaient
initialement l’apparence de camps militaires, ont été établies dans le courant de l’été 1967. Depuis,
Israël a construit et incité à construire environ 230 implantations en Cisjordanie, où vivent plus de
400 000 colons »428. Dans son rapport de 2022, la commission internationale indépendante a estimé
qu’il y avait plus de 490 000 colons israéliens en Cisjordanie429.
3.196. L’ampleur des activités de colonisation et la superficie des terres de la Cisjordanie qui
ont été prises pour les mener sont énormes. Dans 60 % de la Cisjordanie, Israël a unilatéralement
réservé presque toutes les terres à ses colonies ainsi qu’à leurs infrastructures connexes et à leur
dispositif militaire et de sécurité430, laissant aux 300 000 Palestiniens qui y vivent seulement 1 % des
lieux de résidence palestiniens et empêchant pratiquement tout autre Palestinien d’y emménager.
3.197. Depuis 1967, Israël a exproprié de vastes bandes de terre partout en Cisjordanie non
seulement pour la construction de colonies, mais également pour la mise en place de zones
industrielles, l’agriculture et l’élevage ainsi que la construction de routes pour l’usage exclusif des
colons431.
3.198. Compte tenu de ces faits ainsi que des déclarations répétées des premiers ministres
israéliens et d’autres porte-parole officiels du Gouvernement selon lesquelles Israël ne démantèlerait
jamais ses colonies ni ne retirerait ses colons du Territoire palestinien occupé, ses « activités de
peuplement » ont été qualifiées de « moteur politique et démographique par lequel il transforme en
annexion son occupation »432. De même, la commission internationale indépendante a estimé que la
création de colonies par Israël en Cisjordanie et le transfert d’une partie de sa population dans ce
territoire constituaient des « mesures prises par Israël pour créer des faits irréversibles sur le terrain
et pour étendre son contrôle sur le territoire … [ainsi que] des moteurs de son occupation
427 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 24-28 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme
dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 49 et 50 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/73/447) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 62 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57) ; rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022, doc. A/HRC/50/21, par. 34 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/50/21).
428 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 49 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447).
429 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022, doc. A/HRC/50/21, par. 34 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/50/21).
430 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 19 octobre 2016, doc. A/71/554, par. 52 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/71/554) ;
Banque mondiale, « West Bank and Gaza: Area C and the Future of the Palestinian Economy », 2 octobre 2013, par. 9
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/54p6rc4t).
431 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 39 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
432 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 60 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447).
- 103 -
permanente », et que l’« entreprise de peuplement [était] le principal moyen par lequel ces résultats
[étaie]nt obtenus »433.
3.199. Israël poursuit et étend ses « activités de peuplement » au mépris de nombreuses
résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale condamnant l’acquisition de territoire
par la force militaire comme étant contraire au droit international et exigeant le retrait des forces
israéliennes, le démantèlement des colonies et le retrait des colons. Dès novembre 1967, le Conseil
de sécurité a, dans sa résolution 242, « [s]oulign[é] l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par
la guerre » et demandé le « [r]etrait des forces armées [israéliennes] des territoires occupés lors du
récent conflit »434. En 1971, dans sa résolution 298, il a « [r]éaffirm[é] le principe que l’acquisition
d’un territoire par une conquête militaire [était] inadmissible »435. En 1972, l’Assemblée générale a,
dans sa résolution 3005 (XXVII), demandé à Israël de « rescinder immédiatement et d’abandonner
toutes les politiques et pratiques » en cause, notamment « a) [l]’annexion d’une quelconque partie
des territoires occupés ; [et] b) [l]’implantation de colonies israéliennes sur ces territoires et le
transfert d’éléments d’une population étrangère dans les territoires occupés »436.
3.200. En mars 1979, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 446, qui traitait directement
de la création de colonies par Israël dans le territoire palestinien :
« Affirmant une fois encore que la Convention de Genève relative à la protection
des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, est applicable aux territoires
arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem, [le Conseil de sécurité]
[c]onsidère que la politique et les pratiques israéliennes consistant à établir des
colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes
occupés depuis 1967 n’ont aucune validité en droit et font gravement obstacle à
l’instauration d’une paix générale, juste et durable au Moyen-Orient »437.
Cela étant, le Conseil de sécurité a
« demand[é] une fois encore à Israël, en tant que Puissance occupante, de respecter
scrupuleusement la [quatrième convention de Genève de 1949], de rapporter les
mesures qui [avaie]nt déjà été prises et de s’abstenir de toute mesure qui modifierait le
statut juridique et le caractère géographique des territoires arabes occupés depuis 1967,
y compris Jérusalem, et influerait sensiblement sur leur composition démographique,
et, en particulier, de ne pas transférer des éléments de sa propre population civile dans
les territoires arabes occupés »438.
3.201. La résolution 446 a également créé une commission composée de trois membres du
Conseil de sécurité qu’elle a « chargée d’étudier la situation concernant les colonies de peuplement »
433 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 75 (les italiques sont de nous) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/328).
434 Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, préambule et par. 1.
435 Ibid., résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, préambule.
436 Assemblée générale, résolution 3005 (XXVII) du 15 décembre 1972, par. 2.
437 Conseil de sécurité, résolution 446 (1979) du 22 mars 1979, préambule et par. 1 (les italiques sont de nous).
438 Ibid., par. 3 (les italiques sont de nous).
- 104 -
et « de présenter son rapport au Conseil de sécurité ». À cette époque, en 1979, il y avait environ
10 000 colons israéliens en Cisjordanie439.
3.202. Cette commission a remis son rapport en juillet 1979. Elle y a fait la constatation
suivante :
« Bénéficiant du ferme soutien de différents groupements privés, la politique de
colonisation est un programme gouvernemental officiel appliqué par un certain nombre
d’organisations et de comités représentant aussi bien le gouvernement que le secteur
privé à l’intérieur et à l’extérieur d’Israël. »440
Elle a ajouté ce qui suit :
« La Commission a réuni des éléments de preuve qui donnent à penser que le
Gouvernement israélien poursuit de propos délibéré, systématiquement et à grande
échelle un processus d’implantation de colonies dans les territoires occupés, processus
dont il porte l’entière responsabilité. »441
3.203. Sur la base de ces constatations, la commission a recommandé que le
« Conseil de sécurité, ayant présent à l’esprit le droit inaliénable des Palestiniens
à retourner dans leur patrie, lance un appel pressant au Gouvernement et au peuple
israéliens, attirant une fois encore leur attention sur les conséquences désastreuses que
la politique d’implantation de colonies ne peut manquer d’avoir sur toute tentative en
vue de parvenir à une solution pacifique au Moyen-Orient »442.
À cet égard, elle a ajouté qu’il convenait, « en tant que première mesure, d’inviter Israël à cesser de
toute urgence de créer, de mettre en place et de planifier des colonies dans les territoires occupés »443.
3.204. Lorsqu’il a reçu le rapport de la commission, le Conseil de sécurité a adopté la
résolution 452, dans laquelle il a déclaré que « la politique d’Israël qui consist[ait] à établir des
colonies de peuplement dans les territoires arabes occupés n’a[vait] aucune validité en droit et
constitu[ait] une violation de la [quatrième convention de Genève] » et que, par conséquent, il
« [a]ccept[ait] les recommandations énoncées dans le rapport de la Commission ». De plus, il a
« [d]emand[é] au Gouvernement et au peuple israéliens de cesser d’urgence d’établir, édifier et
planifier des colonies de peuplement dans les territoires arabes occupés depuis 1967, y compris
Jérusalem »444.
3.205. Malgré ce qui précède, Israël a poursuivi — et accéléré — l’exécution de son
programme visant à « établir, édifier et planifier des colonies de peuplement » en Cisjordanie, y
compris et particulièrement à l’intérieur et autour de Jérusalem. Le mépris dont il a fait preuve à
439 Voir le graphique publié par Peace Now à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ycy5f5hr.
440 Rapport de la Commission créée en application de la résolution 446 (1979), 12 juillet 1979, doc. S/13450,
par. 226 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/S/13450).
441 Ibid., par. 228.
442 Ibid., par. 238.
443 Ibid., par. 239.
444 Conseil de sécurité, résolution 452 (1979) du 20 juillet 1979, par. 3.
- 105 -
l’égard des résolutions du Conseil de sécurité a amené ce dernier à adopter en mars 1980 la
résolution 465, dans laquelle le Conseil :
« [d]éplor[e] la décision du Gouvernement israélien de soutenir officiellement
l’installation d’Israéliens dans les territoires palestiniens et dans les autres territoires
arabes occupés depuis 1967,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[c]onsidère que toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère physique,
la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut des territoires
palestiniens et des autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem,
ou de toute partie de ceux-ci n’ont aucune validité en droit et que la politique et les
pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux
immigrants dans ces territoires constituent une violation flagrante de la [quatrième
convention de Genève] et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix
d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient. »445
3.206. Dans la même résolution, le Conseil de sécurité :
« [d]éplore vivement qu’Israël persiste et s’obstine dans ces politiques et pratiques et
demande au Gouvernement et au peuple israéliens de rapporter ces mesures, de
démanteler les colonies de peuplement existantes et, en particulier, de cesser d’urgence
d’établir, édifier et planifier des colonies de peuplement dans les territoires arabes
occupés depuis 1967, y compris Jérusalem. »446
3.207. Là encore, Israël a choisi de défier le Conseil de sécurité et de continuer de manquer à
ses obligations juridiques découlant de la quatrième convention de Genève en poursuivant — et en
intensifiant considérablement — la création de colonies dans le territoire palestinien. En 1983,
comme le montre le croquis des Nations Unies représenté à la figure 3.10 ci-dessous, les colonies de
peuplement israéliennes parsemaient déjà l’ensemble de la Cisjordanie.
3.208. La Cour a traité la question de l’illicéité des colonies israéliennes dans le territoire
palestinien au paragraphe 120 de son avis consultatif de 2004 . Après avoir rappelé le sixième alinéa
de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, elle a fait observer que « les informations
fournies à la Cour montr[ai]ent … [qu’]Israël a[vait] mené une politique et développé des pratiques
consistant à établir des colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé, contrairement
aux prescriptions ainsi rappelées du sixième alinéa de l’article 49 ». Elle a relevé que le Conseil de
sécurité avait déclaré que de telles politiques et pratiques « n’[avaie]nt aucun fondement juridique »
et que « la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de
nouveaux immigrants dans [l]es territoires [occupés] » constituaient une « violation flagrante » de la
quatrième convention de Genève. Elle en a conclu « que les colonies de peuplement installées par
Israël dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est) l’[avaie]nt été en
méconnaissance du droit international »447.
445 Conseil de sécurité, résolution 465 (1980) du 1er mars 1980, préambule et par. 5.
446 Ibid., par. 6.
447 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 184, par. 120.
- 106 -
3.209. En décembre 2016, face à la violation flagrante et persistante par Israël de ses
résolutions antérieures et au vu de l’avis de la Cour sur le mur, le Conseil de sécurité a adopté la
résolution 2334. Dans celle-ci, il commence par réaffirmer « que l’acquisition de territoire par la
force est inadmissible » et « qu’Israël, Puissance occupante, est tenu de respecter scrupuleusement
ses obligations et responsabilités juridiques découlant de la quatrième Convention de Genève ».
Rappelant l’avis sur le mur donné le 9 juillet 2004, il :
« [r]éaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire
palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit
et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la
réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et
durable ; [et]
[e]xige de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses
activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est,
et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet
égard »448.
Figure 3.10
Colonies de peuplement israéliennes déjà implantées en Cisjordanie en mai 1983
Légende :
Jenin = Jénine
Nablus = Naplouse
West Bank = Cisjordanie
Jordan = Jourdain
Jericho = Jéricho
448 Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, par. 1-2.
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Jerusalem = Jérusalem
Bethlehem = Bethléem
Hebron = Hébron
Dead Sea = Mer Morte
Area Enlarged = Zone représentée dans le croquis
Source : Croquis no 3243 Nations Unies, mai 1983.
3.210. Israël a continué de bafouer les résolutions du Conseil de sécurité, dont la
résolution 2334, et de manquer à ses obligations découlant du droit international449. En 2018, il a
inscrit son engagement à intensifier la colonisation de la Cisjordanie dans une de ses lois
fondamentales, qui dispose explicitement que « [l]’État considère la mise en place de colonies de
peuplement juives comme une valeur nationale et il prend des mesures pour encourager et faciliter
leur création et leur consolidation »450.
3.211. C’est précisément ce qu’Israël fait et s’est publiquement engagé à continuer de faire.
Entre la date de l’adoption de la résolution 2334 du Conseil de sécurité en 2016 et celle de l’adoption
de la loi fondamentale « Israël, État-nation du peuple juif » qui a eu lieu deux ans plus tard, le nombre
de colons israéliens installés en Cisjordanie est passé de 399 300 à 427 800. Entre la date de
l’adoption de cette loi fondamentale et la fin de l’année 2021, le nombre est passé à 465 400451.
3.212. En décembre 2022, dans sa résolution 77/126, l’Assemblée générale a :
« [c]ondamn[é] les activités de peuplement menées par Israël, Puissance occupante,
dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qu’elle consid[érait]
comme des violations du droit international humanitaire, des résolutions pertinentes de
l’Organisation des Nations Unies, … et comme des actes commis au mépris des appels
lancés par la communauté internationale à la cessation de toutes les activités de
peuplement ; [et]
[e]xig[é] une fois de plus l’arrêt immédiat et complet de toutes les activités de
peuplement israéliennes dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, et demand[é] à cet égard l’application
intégrale de toutes les résolutions du Conseil de sécurité sur la question, notamment les
résolutions 446 (1979), 452 (1979) du 20 juillet 1979, 465 (1980), 476 (1980),
478 (1980), 1515 (2003) du 19 novembre 2003 et 2334 (2016) »452.
449 Pour expliquer pourquoi les États-Unis avaient décidé de ne pas voter contre cette résolution, le Secrétaire d’État
John Kerry a fait la déclaration publique suivante :
« Nous devons expliquer clairement ce qui se passe en Cisjordanie. … Les politiques de ce
gouvernement, dont le premier ministre lui-même a dit qu’il était plus attaché aux colonies de peuplement
que tout autre gouvernement formé dans l’histoire d’Israël, vont dans le sens … d’une solution à un
État. … Israël renforce de plus en plus son emprise sur une grande partie de la Cisjordanie pour servir ses
propres intérêts. … Je ne pense que la majorité des gens, en Israël et certainement dans le reste du monde,
savent à quel point ce processus s’est amplifié et généralisé, mais les faits parlent d’eux-mêmes. … Le
gouvernement vient d’approuver l’implantation d’une nouvelle colonie importante bien plus à l’est du mur,
plus près de la Jordanie que d’Israël. Qu’est-ce que cela dit aux Palestiniens en particulier, mais aussi aux
États-Unis et au reste du monde, des intentions d’Israël ? »
(« Read John Kerry’s Full Speech on Israeli Settlements and a Two-State Solution », Time, 28 décembre 2016 (accessible
à l’adresse suivante : https://time.com/4619064/john-kerrys-speech-israel-transcript/)).
450 Basic Law: Israel as the Nation-State of the Jewish People, 19 juillet 2018, art. 7 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/fe5b4m7j).
451 Peace Now, Israel’s Settlements 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2nh4t2s8).
452 Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, préambule et par. 3.
- 108 -
3.213. L’accord conclu entre les partis qui forment le Gouvernement israélien en place depuis
le 29 décembre 2022 n’a aucunement tenu compte de ces résolutions du Conseil de sécurité et de
l’Assemblée générale ; au contraire, il a prévu l’extension des colonies israéliennes dans le territoire
palestinien par diverses mesures administratives et structurelles453.
3.214. En exécution de cet accord, Israël a accéléré l’extension de ses colonies dans le
Territoire palestinien occupé. En février 2023, il a autorisé la construction de 7 349 logements
destinés aux colons israéliens en Cisjordanie. Cette mesure a amené le Conseil de sécurité à faire,
par l’intermédiaire de sa présidente, la déclaration suivante le 20 février 2023 :
« Le Conseil exprime sa profonde préoccupation et sa consternation face à
l’annonce par Israël, le 12 février 2023, de la poursuite de la construction et de
l’expansion de colonies de peuplement et de la “légalisation” des avant-postes de
colonies.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Conseil souligne avec force la nécessité pour toutes les parties de respecter
leurs obligations et engagements internationaux ; s’oppose fermement à toutes les
mesures unilatérales qui entravent la paix, notamment, entre autres, la construction et
l’expansion de colonies de peuplement par Israël, la confiscation de terres
palestiniennes et la “légalisation” des avant-postes de colonies, la destruction de
maisons palestiniennes et le déplacement de civils palestiniens. »454
3.215. Cela n’a cependant pas empêché Israël de publier des appels d’offres pour la
construction de 940 autres logements en Cisjordanie le 22 mars 2023455. Le 18 juin 2023, le Conseil
des ministres a conféré au ministre israélien de la coordination des activités gouvernementales dans
les territoires et de l’administration civile dans ceux-ci la quasi-totalité des pouvoirs de contrôle des
autorisations d’aménagement du territoire aux fins de la construction de colonies en Cisjordanie et a
accordé une autorisation rétroactive pour la construction de plusieurs « avant-postes » en
Cisjordanie456. Dans le courant de la journée, le ministre Bezalel Smotrich a publié sur Twitter une
déclaration annonçant qu’Israël avait l’intention de construire des « milliers d’autres logements dans
des colonies » en Cisjordanie :
« Les travaux de construction sont toujours en plein essor en Judée-Samarie et
dans l’ensemble du pays. Comme promis, nous projetons aujourd’hui de construire des
milliers d’autres logements à Yosh [colonie de peuplement israélienne située en
Cisjordanie]. Je remercie le premier ministre et le ministre de la défense de leur
coopération ; je remercie également le Bureau de la planification et de l’administration
des colonies de son travail acharné et méticuleux. Nous continuerons d’intensifier la
colonisation et de renforcer l’emprise d’Israël sur le territoire. »457
453 Yesh Din, OFEK, Breaking the silence, ACRI, « Policy paper: What Israel’s 37th government’s guiding
principles and coalition agreements mean for the West Bank », janvier 2023, p. 4-5 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/rwsr44vp).
454 Conseil de sécurité, déclaration de sa présidente en date du 20 février 2023, doc. S/PRST/2023/1, p. 1 (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/S/PRST/2023/1).
455 Peace Now, « Tenders were published for 1,029 housing units: 940 in the West Bank, and 89 in
East Jerusalem », 24 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/9t98wedd).
456 « Netanyahu hands Smotrich full authority to expand settlements », The Times of Israel, 18 juin 2023 (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/y3a5tktx).
457 B. Smotrich, Tweet, 18 juin 2023 (vol. II, annexe 13).
- 109 -
3.216. L’illicéité flagrante d’une telle politique de colonisation et d’annexion est indéniable,
comme l’ont souligné à maintes reprises de nombreux organes des Nations Unies. En réaction directe
aux mesures prises par Israël, le porte-parole du Secrétaire général a publié le 19 juin 2023 au nom
de ce dernier une déclaration qui se lit comme suit :
« Le Secrétaire général est profondément préoccupé par la décision prise hier par
le Gouvernement israélien de modifier les procédures d’aménagement des colonies de
peuplement. Ces modifications devraient accélérer l’avancement des plans de
colonisation israéliens en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est. Il est
également profondément alarmé par la construction prévue la semaine prochaine de plus
de 4 000 logements dans les colonies par les autorités israéliennes d’aménagement.
Le Secrétaire général réitère que les colonies constituent une violation flagrante
du droit international. Elles constituent un obstacle majeur à la réalisation d’une solution
viable prévoyant deux États et d’une paix juste, durable et globale. L’expansion de ces
colonies illégales est un facteur important de tensions et de violence et aggrave les
besoins humanitaires. Elle ancre encore plus l’occupation israélienne du territoire
palestinien, empiète sur les terres et les ressources naturelles palestiniennes, entrave la
libre circulation de la population palestinienne et sape les droits légitimes du peuple
palestinien à l’autodétermination et à la souveraineté.
Le Secrétaire général exhorte le Gouvernement israélien à mettre fin à ces
décisions et à revenir sur sa décision, à cesser immédiatement et complètement toutes
les activités de colonisation dans le territoire palestinien occupé et à respecter
pleinement ses obligations juridiques à cet égard. »458
3.217. Israël n’a pas tardé à réagir. Le 25 juin 2023, le Conseil des ministres a autorisé la
construction de 5 700 autres logements destinés aux colons israéliens en Cisjordanie. Cette décision
a fait grimper à 13 082 le nombre de nouveaux logements autorisés par Israël au cours du premier
semestre de l’année, soit une augmentation de plus de 900 logements par rapport à toute
l’année 2020, celle où avait été jusqu’alors autorisés le plus grand nombre de nouveaux logements459.
Selon l’organisation non gouvernementale israélienne Peace Now, ces dernières autorisations
« montrent clairement que le gouvernement se précipite vers un coup d’État d’annexion,
transformant Israël en un État d’apartheid »460.
3.218. La commission internationale indépendante a également qualifié cette situation
d’« annexion » :
« Israël considère l’occupation comme une situation permanente et qu’il a — à
toutes fins utiles — annexé des parties de la Cisjordanie, tout en invoquant pour se
justifier le caractère temporaire de la situation, lequel n’est qu’une fiction. … La Cour
internationale de Justice avait anticipé cette situation dans son avis consultatif de 2004,
dans lequel elle avait déclaré que le mur créait sur le terrain un fait accompli qui pourrait
458 Déclaration communiquée par le porte-parole de M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU,
« M. Guterres s’inquiète de la décision israélienne de modifier les procédures de colonisation en Cisjordanie occupée et
d’y construire plus de 4 000 logements », 19 juin 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://press.un.org/fr/2023/
sgsm21847.doc.htm#:~:text=Ces%20modifications%20devraient%20acc%C3%A9l%C3%A9rer%20l,les%20autorit%C3
%A9s%20isra%C3%A9liennes%20d'am%C3%A9nagement).
459 « Israel advances plans for 5,700 settlement homes, breaking annual record in 6 months », The Times of Israel,
26 juin 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ymkd9cy4).
460 Peace Now, « Record-breaking year: more than 13,000 settlement housing units promoted in the West Bank in
6 months », 26 juin 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2f3unvk2).
- 110 -
fort bien devenir permanent, auquel cas la construction du mur équivaudrait à une
annexion. Il s’agit désormais d’une réalité. »461
3.219. Rien n’indique qu’Israël ait la moindre intention de changer de cap quant à cette
« réalité », que ce soit par la cessation de ses activités de colonisation illicites, par l’abolition de ses
mesures d’annexion du territoire palestinien ou par le démantèlement de ses colonies en place et le
retrait de ses colons, dont le nombre s’élève à près d’un demi-million en Cisjordanie, comme l’exige
le droit international. Au contraire, ses plus hautes autorités administratives ont confirmé à maintes
reprises qu’il avait l’intention de pérenniser sa présence et sa domination sur le Territoire palestinien
occupé, ce que prouvent ses mesures récentes.
B. Déplacement et confinement des Palestiniens en Cisjordanie
3.220. Ainsi qu’il est indiqué plus haut, par la construction de colonies en Cisjordanie, y
compris Jérusalem-Est, Israël a délibérément fragmenté ce territoire et sa population autochtone
palestinienne. En 2021, le rapporteur spécial a conclu que, pour assurer
« une base terrestre pour les colonies et une liberté de circulation sans aucune restriction
pour les colons, le Gouvernement israélien a[vait] confiné les 2,7 millions de
Palestiniens de Cisjordanie dans un archipel fragmenté de 165 parcelles de terre
disparates (zones A et B), complètement entouré d’une zone sous contrôle israélien total
(zone C) et encerclé par des centaines de barrages routiers, de murs, de points de
contrôle et de zones interdites »462.
3.221. Les responsables israéliens déclarent franchement de longue date qu’ils sont préoccupés
de constater que la démographie est un obstacle empêchant Israël d’exercer et de conserver sa
« souveraineté » sur la Cisjordanie. En 1969, le ministre du travail Yigal Allon (nommé par la suite
vice-premier ministre) a déclaré : « Ici, nous créons un Grand Eretz Israël d’un point de vue
stratégique, et nous établissons un État juif d’un point de vue démographique. »463
3.222. Depuis lors, Israël s’emploie illicitement à modifier la démographie de la Cisjordanie
en sa faveur, principalement en étendant ses colonies afin d’accroître le nombre de colons israéliens
dans le territoire, et en encourageant ou en assurant de force le déplacement et le confinement des
Palestiniens. D’après un article rédigé par le ministre actuellement chargé de l’administration civile
d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, « l’amélioration de la réalité démographique
israélienne » nécessite à la fois la création de nouvelles colonies israéliennes et l’« émigration » à
grande échelle des Palestiniens464.
461 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 76 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
462 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 63 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/
47/57).
463 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, Michael Lynk, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 47 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/49/87).
464 B. Smotrich, « Israel’s Decisive Plan », Hashiloach, 7 septembre 2017 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/2s3k69sn).
- 111 -
3.223. Ces idées trouvent leur expression dans les pratiques et politiques d’Israël. Selon le
Secrétaire général, par exemple, Israël « exerce des pressions de plus en plus fortes sur les
Palestiniens afin qu’ils quittent les lieux où ils habitent, par des pratiques et des politiques qui
contribuent à la création d’un climat de coercition dans les régions entièrement sous son contrôle »465.
3.224. Ces « pratiques et politiques » sont définies comme suit :
« Il s’agit notamment des démolitions dans le cadre de la politique de zonage et
d’aménagement illégale et discriminatoire, et de la menace de démolition
(A/HRC/34/39, par. 47 ; A/74/357, par. 28 ; A/HRC/40/42, par. 17 à 20, A/68/513
par. 32), des plans des autorités israéliennes de réinstaller des communautés
palestiniennes entières, associés aux expulsions ordonnées par le passé (A/HRC/34/39,
par. 44 et 45 ; A/HRC/40/42, par. 17 ; A/72/564, par. 36 à 57), de l’exposition aux
exercices militaires à l’intérieur et dans les environs des secteurs qu’Israël définit
comme zones de tir (A/HRC/34/39, par. 52), des menaces et des actes de harcèlement
des forces de sécurité israéliennes et des agents de l’État (ibid., par. 50), et des actes de
violence commis en toute impunité par des colons (ibid., par. 24 ; A/74/357, par. 38). Il
a été souligné qu’un seul facteur pouvait suffire à créer un climat de coercition
(A/HRC/34/39, par. 42) et à faire craindre des transferts forcés. »466
3.225. En 2016, le Secrétaire général a expliqué dans un rapport qu’Israël avait « cré[é] un
environnement coercitif qui a[vait] pour effet de pousser des communautés à quitter des terres où
elles habit[ai]ent depuis des dizaines d’années », et a souligné que ce régime « pourrai[]t être
assimilable[] à des transferts forcés et à des expulsions forcées individuelles et en masse en violation
des obligations qui incombent à Israël en vertu du droit international humanitaire et du droit
international des droits de l’homme »467. Cinq ans plus tard, la haute-commissaire aux droits de
l’homme a déclaré que « [l]es politiques et les actes contribuant à créer un cadre coercitif, y compris
les démolitions de logements palestiniens et les déplacements qui en résult[ai]ent, [avaient] atteint
un niveau sans précédent » et que cette évolution « s’[était] inscrite dans un contexte d’intensification
du discours politique de l’annexion »468.
1. Démolition d’habitations palestiniennes
3.226. Les démolitions d’habitations palestiniennes et les menaces de démolition constituent
l’un des principaux éléments de l’« environnement coercitif » susmentionné. Selon le Secrétaire
général, les « démolitions ont été identifiées comme l’un des principaux moyens de coercition, en
particulier à l’égard des communautés de la zone C visées par les réinstallations, des communautés
465 Colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan
syrien occupé, 13 avril 2017, doc. A/HRC/34/39, par. 41 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/34/39).
466 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 30 janvier 2020,
doc. A/HRC/43/67, par. 55 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/43/67).
467 Rapport du Secrétaire général intitulé « Colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 20 janvier 2016, doc. A/HRC/31/43, par. 46 et 68 (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/31/43).
468 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 15 février 2021,
doc. A/HRC/46/65, par. 3-4 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/46/65).
- 112 -
vivant dans des zones militaires fermées et des communautés établies à proximité des colonies de
peuplement israéliennes »469.
3.227. Les destructions de biens palestiniens commises par Israël en Cisjordanie sont d’une
ampleur considérable. Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires, pendant la période allant de 2009 à la fin de 2022 seulement, le nombre de structures
appartenant à des Palestiniens en Cisjordanie qui ont été démolies par Israël s’élevait à plus de 7 500,
et le nombre de Palestiniens qui ont dû quitter leur logement en raison de ces démolitions était
supérieur à 10 100470.
3.228. Outre les Palestiniens qui ont été déplacés directement en raison de la destruction de
leur logement et de différentes structures essentielles, des dizaines de milliers d’autres vivent sous la
menace constante de l’expulsion, de la saisie et de la démolition. Le Bureau des Nations Unies pour
la coordination des affaires humanitaires a également fait part de sa « vive préoccupation … au sujet
des dizaines de milliers de Palestiniens qui vivent dans la peur et l’insécurité en raison des
ordonnances de démolition rendues qui peuvent être exécutées à tout moment »471.
3.229. La politique israélienne de démolition des habitations a des conséquences qui peuvent
être dévastatrices sur le plan humain pour les Palestiniens, que ce soit à titre individuel ou à titre
collectif. Les exemples de ces conséquences sont si nombreux qu’il est difficile d’en choisir certains,
mais celui d’Aïn Samiya — où 178 Palestiniens, dont 78 enfants, ont été contraints de quitter leur
foyer en mai 2022, comme l’a signalé la coordonnatrice des opérations humanitaires par intérim pour
le Territoire palestinien occupé — est parlant :
« Ces familles ne partent pas par choix ; les autorités israéliennes ont à plusieurs
reprises démoli leurs habitations et d’autres biens leur appartenant et ont menacé de
détruire leur unique école. Dans le même temps, de moins en moins de terres sont
disponibles pour faire paître le bétail à cause de l’extension des colonies, et enfants
comme adultes subissent des actes de violence de la part des colons.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nous assistons aux conséquences tragiques des vieilles pratiques d’Israël et de la
violence exercée de longue date par les colons.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les démolitions répétées, l’extension des colonies, la perte d’accès aux pâturages
et les actes de violence commis par les colons continuent de susciter des préoccupations
469 Colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan
syrien occupé, 13 avril 2017, doc. A/HRC/34/39, par. 47 (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/34/39).
470 Voir Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Data on demolition and
displacement in the West Bank » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4w5fysk6).
471 Ibid., « West Bank Demolitions and Displacement: An Overview », juillet-août 2022 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/2ccsfcs5).
- 113 -
au sujet de cet environnement coercitif qui, conjugué à la perte d’habitations et d’accès
aux terres, accroît les besoins humanitaires. »472
3.230. Israël a créé cet « environnement coercitif » afin de déplacer le peuple palestinien par
des démolitions qui forceraient les Palestiniens à se réinstaller dans d’autres zones du territoire ou à
l’étranger. Comme l’a constaté le rapporteur spécial en 2017, « [l]es démolitions en soi, les menaces
de démolition et l’absence de protection contre les démolitions participent toutes à la création d’un
environnement coercitif, qui peut pousser les gens à croire qu’ils n’ont pas d’autre choix que de
quitter leurs terres et leur maison »473. Selon le Secrétaire général, les Palestiniens de Cisjordanie
« savent que dans l’actuel système, leurs biens ne bénéficient d’aucune protection à long terme contre
la démolition, ce qui crée un environnement coercitif qui a pour effet de pousser des communautés à
quitter des terres où elles habitent depuis des dizaines d’années »474.
3.231. La pratique des démolitions d’habitations et d’autres biens de Palestiniens établie de
longue date par Israël a été condamnée à maintes reprises par le Conseil de sécurité et l’Assemblée
générale. En 2004, par exemple, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1544, dans laquelle il
demande expressément à Israël « de respecter les obligations que lui impose le droit humanitaire
international et souligne en particulier l’obligation qui lui est faite de ne pas se livrer aux destructions
d’habitations, qui sont contraires à ce droit »475. En 2016, dans sa résolution 2334, il a condamné
« toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le
statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est,
notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de
colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement
de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions
pertinentes »476.
3.232. L’Assemblée générale adopte tous les ans des résolutions formulées essentiellement
dans les mêmes termes. Dans la plus récente, elle exige
« d’Israël, Puissance occupante, qu’il renonce à l’ensemble des mesures contraires au
droit international ainsi qu’aux lois, politiques et actes discriminatoires dans le
Territoire palestinien occupé qui ont pour effet de violer les droits humains du peuple
palestinien, à savoir … déplacer de force [des civils], notamment chercher à transférer
de force des familles bédouines, … détruire ou confisquer les biens des civils, en
particulier démolir les habitations, notamment en guise de châtiment collectif, en
violation du droit international humanitaire, … et qu’il respecte scrupuleusement le
droit des droits de l’homme et s’acquitte de ses obligations juridiques à cet égard, y
472 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Statement by Yvonne Helle, Acting
Humanitarian Coordinator for the Occupied Palestinian Territory », 25 mai 2023 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/yky7s2cb).
473 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 13 avril 2017, doc. A/HRC/34/70, par. 10 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/34/70).
474 Rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 20 janvier 2016, doc. A/HRC/31/43, par. 46 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/31/43).
475 Conseil de sécurité, résolution 1544 (2004) du 19 mai 2004, par. 1.
476 Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, préambule.
- 114 -
compris celles découlant des résolutions de l’Organisation des Nations Unies sur la
question »477.
3.233. En 2021, la haute-commissaire aux droits de l’homme a conclu que « [l]a destruction
de biens privés dans le Territoire palestinien occupé … [était] illégale[] et constitutive[] d’expulsions
forcées ». Elle a souligné en particulier ce qui suit :
« Les démolitions et les expulsions forcées violent les droits à un logement
adéquat et à la vie privée, ainsi que d’autres droits de l’homme ; elles sont un élément
clef d’un cadre coercitif pouvant conduire à un transfert forcé, lequel constitue une
violation grave de la quatrième Convention de Genève. »478
3.234. En octobre 2022, le Secrétaire général a publié un rapport dans lequel il tirait la
conclusion suivante :
« Les démolitions systématiques de logements palestiniens, fondées sur des lois
et des politiques discriminatoires, se poursuivent et entraînent des expulsions : c’est une
violation flagrante des droits humains. Les expulsions résultant de démolitions dans le
Territoire palestinien occupé sont un instrument majeur dans la création d’un climat
coercitif. »479
3.235. Le 1er décembre 2022, le Conseil des droits de l’homme a adopté une résolution dans
laquelle il a
« [c]ondamn[é] la poursuite par Israël de la colonisation et des activités connexes,
notamment le transfert de ses ressortissants dans le Territoire palestinien occupé, la
construction et l’extension de colonies, l’expropriation et l’annexion de facto de terres,
la démolition d’habitations et d’équipements collectifs, la perturbation des activités de
subsistance de personnes protégées, la confiscation et la destruction de biens, y compris
des envois de secours humanitaires, le déplacement forcé ou la menace du déplacement
forcé de civils Palestiniens, y compris de communautés entières »480.
3.236. Israël a non seulement fait fi des demandes de ces organismes des Nations Unies visant
à faire cesser les démolitions d’habitations et d’autres biens des Palestiniens, mais également
augmenté de façon constante l’ampleur et le rythme des démolitions. En 2019, le rapporteur spécial
a constaté que « le rythme des démolitions d’habitations et [de] la saisie de structures appartenant à
des Palestiniens a[vait] connu une nette accélération … par rapport aux années précédentes »481. En
477 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, par. 2.
478 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 15 février 2021,
doc. A/HRC/46/65, par. 52 et 53 (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/46/65).
479 Rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 3 octobre 2022, doc. A/77/493, par. 75 (note de bas de page
omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/493).
480 Conseil des droits de l’homme, résolution 49/29, « Colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 1er avril 2022, doc. A/HRC/RES/49/29, par. 5
(les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/RES/49/29).
481 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 octobre 2019, doc. A/74/507, par. 16 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/74/507).
- 115 -
2021, le Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de
l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés a indiqué que « [l]es
démolitions [s’étaient] multipliées » et que « les expulsions de Palestiniennes et Palestiniens et les
démolitions de leurs habitations et de leurs installations sanitaires s’étaient … multipliées en
2020 »482. La haute-commissaire aux droits de l’homme a également indiqué que « [l]es politiques et
les actes contribuant à créer un cadre coercitif, y compris les démolitions de logements palestiniens
et les déplacements qui en résult[ai]ent, [avaie]nt atteint un niveau sans précédent depuis 2016,
malgré la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) »483. Elle a jugé important de relever
que « [c]ette évolution s’[était] inscrite dans un contexte d’intensification du discours politique de
l’annexion »484.
2. Violences contre les Palestiniens
3.237. Selon des responsables compétents de l’ONU, les démolitions d’habitations
palestiniennes ne sont pas la seule mesure prise par Israël contre les Palestiniens en Cisjordanie dans
le but de les forcer à partir ou de les confiner dans de petites zones isolées les unes des autres. Une
autre de ces mesures est la désignation de certains espaces comme zones militaires desquelles les
Palestiniens sont exclus — ou déplacés de force — pour des raisons dites de sécurité. Le cas de
Massafer Yatta, exposé dans une fiche d’information du Bureau des Nations Unies pour la
coordination des affaires humanitaires de juin 2022, illustre bien cette situation :
« Le 4 mai 2022, la Haute Cour de justice israélienne a jugé qu’il n’y avait pas
d’obstacles juridiques à l’expulsion des résidents palestiniens de Massafer Yatta prévue
pour en faire un lieu d’entraînement militaire, ce qui les exposait de fait à un risque
imminent d’expulsion forcée, de déplacement arbitraire et de transfert forcé.
Depuis le prononcé de cette décision, les autorités israéliennes intensifient de plus
en plus l’environnement coercitif dans lequel vivent les Palestiniens de Massafer Yatta :
18 mai : Les forces israéliennes ont émis un ordre de saisie militaire pour la construction d’une
route de patrouille à deux voies dans la “zone de tir”.
11 mai et 1er juin : Des dizaines de Palestiniens ont vu démolir leurs maisons à Khirbet Al Fakhiet
et Mirkez. Pour certains d’entre eux, la démolition du 1er juin était la troisième fois qu’ils
perdaient leur maison en moins d’un an.
7 juin : Les autorités israéliennes ont émis des ordres de démolition des sept maisons et de la
plupart des structures nécessaires à la subsistance qui se trouvaient à Khirbet at Tabban.
10 juin : Les forces israéliennes sont allées photographier de maison en maison les visages et les
pièces d’identité des résidents dans la plupart des communautés, suscitant chez les intéressés la
peur de voir restreindre davantage leur liberté de circulation.
482 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du
peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 29 septembre 2021, doc. A/76/360, par. 22 et 31 (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/360).
483̰ Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 15 février 2021,
doc. A/HRC/46/65, par. 3 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/46/65).
484 Ibid., par. 4 (note de bas de page omise).
- 116 -
16 juin : Le lendemain de l’annonce de la tenue d’un exercice d’entraînement militaire dans la
région, de nouveaux ordres de démolition ont été émis pour 20 structures situées à Khallet
Athaba. »485
3.238. Le chapitre 4 donne un aperçu d’autres mesures israéliennes prises contre les
Palestiniens en Cisjordanie dans le cadre de l’« environnement coercitif » créé par Israël pour les
contraindre à quitter leur foyer et leur village, en particulier la discrimination raciale pratiquée
systématiquement par Israël à l’égard des Palestiniens en ce qui concerne les conditions de résidence,
l’aménagement du territoire, la construction et la liberté de circulation, ainsi que les violences
généralisées (et souvent mortelles) qui leur sont infligées par les membres des forces d’occupation
israéliennes et les colons israéliens avec la complicité de ces forces. Des organes compétents des
Nations Unies ont conclu que, considérés individuellement ou dans leur ensemble, ces aspects du
régime mis en place par Israël en Cisjordanie mettaient une grande pression sur les Palestiniens afin
qu’ils partent, et aidaient Israël à atteindre l’objectif qu’il s’était fixé de réduire la présence
palestinienne dans le territoire, de modifier la composition démographique en sa faveur et, par
conséquent, de consolider son « empreinte souveraine ».
IV. CONSTRUCTION ET CONTRÔLE D’INFRASTRUCTURES ET EXPLOITATION
DES RESSOURCES NATURELLES DE LA CISJORDANIE PAR ISRAËL
3.239. En 2023, Israël investit 3,5 milliards de shekels (près d’un milliard de dollars des
États-Unis) dans des infrastructures matérielles visant à soutenir ses colonies dans l’ensemble de la
Cisjordanie, à faciliter leur développement et leur extension et à les relier directement les unes aux
autres et à lui-même486. Cet investissement comprend des fonds destinés à la construction et à
l’entretien de routes, à la création d’établissements d’enseignement et de centres de santé, à
l’approvisionnement en eau douce potable, à l’agriculture et à l’assainissement ainsi qu’à la mise en
place de réseaux de télécommunications et de réseaux d’électricité487. Selon les estimations, les
infrastructures de transport auraient coûté à elles seules 10 milliards de shekels488.
3.240. Les investissements que fait Israël dans les infrastructures en Cisjordanie — et les
restrictions strictes qu’il impose à la mise en place d’infrastructures par les Palestiniens — ne servent
pas seulement les intérêts des colons israéliens. Ils contribuent également à la réalisation de l’objectif
qu’Israël s’est fixé de relier plus étroitement la Cisjordanie à lui afin de rendre sa présence dans ce
territoire plus permanente. Selon le rapporteur spécial, « [les infrastructures du territoire — les
485 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Fact Sheet: Masafer Yata
Community At Risk Of Forcible Transfer – June 2022 », 6 juillet 2022 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/29tdpaju).
486 Par exemple, le dernier budget national d’Israël, adopté le 24 mai 2023, prévoit un investissement de
3,5 milliards de shekels dans la mise en place et le renforcement de colonies et d’infrastructures de transport en Cisjordanie,
notamment la construction de nouvelles routes et la réfection de routes existantes ainsi que l’exécution de projets dans des
colonies officielles et des « avant-postes » non officiels. Voir « Budget dedicates billions for West Bank roads, settlements
and illegal outposts », The Times of Israel, 25 mai 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/bdzc42e8).
487 « Au fil des ans, la Puissance occupante a dépensé des milliards de dollars pour construire des infrastructures
modernes et encourager l’extension des colonies, notamment des routes, des réseaux d’eau et d’égouts, des systèmes de
communication et d’alimentation électrique, des systèmes de sécurité et des établissements d’enseignement et de soins de
santé. » (rapport sur l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien : Évolution de l’économie du Territoire palestinien
occupé, 20 septembre 2021, doc. TD/B/EX(71)/2, par. 40 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/TD/B/
EX(71)/2).
488 B’Tselem, « Forbidden Roads – Israel’s Discriminatory Road Regime in the West Bank », août 2004, p. 5
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4wm3mvjj).
- 117 -
égouts, les systèmes de communication et le réseau électrique — ont été complètement intégrées au
système national israélien »489. En particulier :
« Le système hydrologique de la Cisjordanie, doté d’abondants aquifères
montagneux, est depuis 1982 la propriété de Mekorot, compagnie nationale des eaux, et
profite principalement à Israël. Le réseau routier qui, avant 1967, reliait principalement
le nord et le sud, a été transformé en système d’est en ouest pour relier les colonies entre
elles ainsi qu’avec les villes israéliennes. »490
3.241. Ces faits ont amené le rapporteur spécial à se poser la question suivante : « Quel pays
investirait aussi lourdement pendant tant d’années pour créer autant de réalités immuables dans un
territoire occupé s’il n’avait l’intention d’y demeurer en permanence ? »491
A. Construction et contrôle d’autoroutes et de routes
3.242. En 2004, la Cour a dit qu’elle « ne saurait … rester indifférente à certaines craintes
exprimées devant elle », dont « la crainte qu’Israël pourrait intégrer les colonies de peuplement et les
voies de circulation les desservant »492. Cette crainte était fondée. Par la construction d’un réseau
d’autoroutes et de routes reliant ses colonies implantées en Cisjordanie les unes aux autres et à elle,
la puissance occupante a de fait pleinement « intégr[é] les colonies de peuplement et les voies de
circulation les desservant »493.
3.243. En 2007, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires a
relevé ce qui suit :
« Il existe au moins 20 routes principales et régionales essentiellement réservées
à l’usage des Israéliens qui relient spécialement les colonies implantées en Cisjordanie
entre elles et à Israël. Aucune distinction n’est faite entre les noms ou les numéros des
tronçons des routes régionales situés en Israël et ceux des tronçons situés en Cisjordanie.
Les Israéliens circulent facilement d’un côté à l’autre de la Ligne verte, franchissant les
postes de contrôle avec un minimum d’attente. »494
3.244. Le rapporteur spécial a constaté que ce réseau était en grande partie construit sur des
terres palestiniennes confisquées en faveur des colonies israéliennes :
« Afin d’assurer un transport fluide entre les colonies et les zones urbaines
israéliennes, et d’encourager les nouveaux colons et l’expansion des colonies, le
Gouvernement israélien a investi massivement dans la construction d’un réseau dense
489 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 50 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
490 Ibid., par. 50 (note de bas de page omise).
491 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 47 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/72/556).
492 Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 184, par. 121 (les italiques sont de nous).
493 Ibid.
494 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « The Humanitarian Impact on
Palestinians of Israeli Settlements and Other Infrastructure in the West Bank », juillet 2007, p. 60 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/3cnz996b).
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d’autoroutes à travers la Cisjordanie et Jérusalem-Est, qui est construit sur des terres
palestiniennes confisquées et ne dessert que les colons. »495
3.245. Israël a commencé à construire des routes en Cisjordanie au début des années 1970.
L’implantation de nouvelles colonies à l’époque a été accompagnée de la construction de routes
d’accès pour relier ces colonies aux routes principales existantes496. Le réseau routier a ensuite été
modifié afin de relier les colonies entre elles et à Jérusalem ainsi qu’à des villes israéliennes, en
particulier Tel-Aviv. Pour ce faire, Israël a principalement investi dans la construction d’axes routiers
menant d’est en ouest, contrairement à ceux construits avant 1967, qui reliaient principalement le
nord et le sud, passant par les grandes villes et municipalités palestiniennes497. Dans le couloir
nord-sud, Israël a construit de nouvelles routes pour contourner les villes et municipalités
palestiniennes. Elles en sont venues à être appelées « routes de contournement », dont les Palestiniens
ne peuvent faire usage. À la fin des années 1990, la construction de ces routes visant à contourner
toutes les villes palestiniennes a été achevée498.
3.246. De hauts responsables de l’État israélien n’ont pas hésité à dire que la construction d’un
réseau routier complexe en Cisjordanie avait pour but de faciliter l’extension des colonies et de
permettre à Israël de mieux prétendre à la « souveraineté » sur le territoire. Ils ont notamment fait les
déclarations publiques suivantes à cet égard :
a) En 2019, le ministre des transports a qualifié d’expression de la « souveraineté par les
transports » le projet de construction d’infrastructures visant à prolonger la route reliant
Jérusalem à la colonie de Gush Etzion, située au sud de la ville entre Bethléem et Hébron, dont
le coût s’élevait à environ 1 milliard de shekels (283 millions de dollars des États-Unis)499.
b) En 2020, le ministre israélien de la défense Naftali Bennett a dit ce qui suit au sujet de la route
qu’Israël construisait pour empêcher les véhicules palestiniens de passer par le « bloc » de colonie
de Ma’aleh Adumim : « Nous appliquons la souveraineté [à la Cisjordanie] en actes, pas en
paroles. »500
c) Commentant le « plan directeur des transports et du réseau routier de la Cisjordanie pour 2045 »,
le chef du Conseil des colonies a expliqué que « ce projet vis[ait] à relier les colonies au reste du
pays et constitu[ait] un acte de souveraineté de facto »501.
495 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 55 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57).
496 B’Tselem, « Forbidden Roads – Israel’s Discriminatory Road Regime in the West Bank », août 2004, p. 5
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4wm3mvjj).
497 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 50 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
498 Breaking the Silence, « Highway to Annexation », décembre 2020, p. 5 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/4txwk7p7).
499 « Israeli ministry pushing “sovereignty through transportation” policy », Jewish News Syndicate, 4 novembre
2019 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ybyy752m).
500 « Bennett lance la “route de la souveraineté” et la construction en zone E1 », The Times of Israel, 9 mars 2020
(les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://fr.timesofisrael.com/bennett-lance-la-route-de-lasouverainete-
et-la-construction-en-zone-e1/).
501 « Gov’t launches initiative to expand public transportation in West Bank », The Jerusalem Post, 10 novembre
2020 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/y3nb5cy8).
- 119 -
3.247. Les routes et autoroutes qui relient les colonies israéliennes séparent les communautés
palestiniennes les unes des autres. Dès 2007, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des
affaires humanitaires a fait la constatation suivante :
« Le réseau routier a fragmenté la Cisjordanie en une série d’enclaves
palestiniennes. Ces enclaves sont géographiquement séparées les unes des autres par
des infrastructures israéliennes, notamment des colonies de peuplement, des
avant-postes, des zones militaires, des réserves naturelles et des barrières. Toutefois, le
réseau routier israélien est le principal élément qui marque la limite des enclaves. Il est
conçu de façon à établir des couloirs pour les déplacements à partir d’Israël et entre les
colonies implantées en Cisjordanie, et à créer des obstacles à la circulation des
Palestiniens. Les membres des communautés palestiniennes résidant d’un côté d’une
route de ce réseau ne peuvent plus la traverser à bord d’un véhicule pour se rendre dans
une communauté voisine située de l’autre côté, car il leur est interdit de traverser les
routes israéliennes. Ils sont désormais contraints de faire de longs détours pour parvenir
dans des lieux qu’ils atteignaient en quelques minutes auparavant. »502
3.248. Les infrastructures de transport israéliennes ont donc permis à Israël d’atteindre des
objectifs complémentaires, à savoir faciliter l’extension de ses colonies de peuplement et déplacer et
confiner les Palestiniens de Cisjordanie, cette mesure étant le principal moyen de faire valoir et
conserver sa « souveraineté » sur le territoire.
B. Exploitation des ressources hydriques et d’autres ressources naturelles
3.249. Toute puissance occupante n’est autorisée à agir que « comme administrateur et
usufruitier » des ressources naturelles du territoire qu’elle occupe et « [doit] sauvegarder le fonds »
de ces ressources et « les administrer conformément aux règles de l’usufruit »503. Malgré ces
obligations juridiques, Israël dépouille systématiquement la Cisjordanie (ainsi que le reste du
Territoire palestinien occupé) de ses ressources naturelles et les exploite pour son propre compte.
Comme l’explique dans un rapport de 2019 la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement (CNUCED), « [d]epuis le début de l’occupation, les habitants du Territoire
palestinien occupé ont progressivement perdu le contrôle de leurs terres et ressources naturelles,
s’agissant en particulier de leur approvisionnement en eau »504.
3.250. Israël ne se comporte pas comme un occupant du territoire, mais comme une puissance
coloniale. Le rapporteur spécial a émis à cet égard la conclusion suivante en 2019 : « Israël a choisi
502 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « The Humanitarian Impact on
Palestinians of Israeli Settlements and Other Infrastructure in the West Bank », juillet 2007, p. 70 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/3cnz996b). Plus récemment, l’ONG israélienne Breaking the Silence a publié un rapport dans
lequel elle dit ce qui suit : « Le développement du réseau routier et des transports en Cisjordanie crée sur le terrain des faits
qui constituent un important moyen de consolidation de l’annexion de facto déjà en cours dans ce territoire et permettra de
donner un énorme coup de fouet à la colonisation au cours des années à venir. En renforçant l’emprise d’Israël sur le
territoire cisjordanien, en facilitant l’essor de la colonisation et en fragmentant la terre palestinienne, ce développement des
infrastructures entrave considérablement la possibilité de mettre fin à l’occupation et de parvenir à une solution équitable
et pacifique au conflit israélo-palestinien ». (Breaking the Silence, « Highway to Annexation – Israeli Road and
Transportation Infrastructure Development in the West Bank », décembre 2020, p. 15 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/4txwk7p7)).
503 Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la quatrième convention de La Haye
de 1907, art. 55.
504 CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien: le potentiel gazier
et pétrolier inexploité », doc. UNCTAD/GDS/APP/2019/1, Genève, Nations Unies, 2019, p. 8 (accessible à l’adresse
suivante : https://digitallibrary.un.org/record/3833632?ln=fr).
- 120 -
d’utiliser les ressources naturelles du Territoire palestinien occupé comme un pays souverain
utiliserait ses propres avoirs. »505
3.251. La commission internationale indépendante est parvenue à la même conclusion dans
son rapport de 2022, ayant constaté que « l’occupation et les politiques d’annexion de facto d’Israël »
en Cisjordanie comprenaient « notamment … l’expropriation, [le] pillage et … l’exploitation de
terres et de ressources naturelles vitales »506. La « confiscation de ressources naturelles » par Israël
dans le territoire occupé est d’une ampleur telle qu’elle est « pratiquement impossible à distinguer
d’une annexion »507.
3.252. Les conséquences pour les Palestiniens qui vivent dans le territoire occupé sont
dévastatrices :
« La détérioration et l’aliénation des moyens d’approvisionnement en eau,
l’exploitation des ressources naturelles et la dégradation de l’environnement sont
symptomatiques du fait que les quelque 5 millions de Palestiniens qui vivent sous
l’occupation israélienne n’ont aucun contrôle sur leur existence quotidienne, car la
Puissance occupante exerce ses compétences administratives et militaires d’une manière
quasi souveraine, ce qui entraîne une large discrimination. »508
Dans un rapport de 2019, la CNUCED a aussi fait la constatation suivante :
« Depuis le début de l’occupation, les habitants du Territoire palestinien occupé ont
progressivement perdu le contrôle de leurs terres et ressources naturelles, s’agissant en
particulier de leur approvisionnement en eau. »509
3.253. Des organes des Nations Unies ont condamné à maintes reprises l’exploitation illicite
des ressources naturelles de la Cisjordanie par Israël. Il y a plus de 40 ans, en 1980, le Conseil de
sécurité a adopté une résolution qui faisait état de « la grave diminution des ressources naturelles »
de la Cisjordanie et soulignait qu’il était important « d’assurer la protection de ces importantes
ressources naturelles des territoires occupés »510. Pendant des décennies, l’Assemblée générale a
adopté tous les ans des résolutions dans lesquelles elle se disait « [p]réoccupée par le fait qu’Israël,
Puissance occupante, exploit[ait] les ressources naturelles du territoire palestinien occupé » et
« [e]xige[ait] qu’Israël, Puissance occupante, cesse d’exploiter, d’altérer, de détruire, d’épuiser ou
de mettre en péril les ressources naturelles du territoire palestinien occupé »511.
505 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 30 mai 2019, doc. A/HRC/40/73, par. 56 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/73).
506 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 77 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
507 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 30 mai 2019, doc. A/HRC/40/73, par. 27 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/73).
508 Ibid.
509 CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien: le potentiel gazier
et pétrolier inexploité », 2019, doc. UNCTAD/GDS/APP/2019/1, p. 8 (accessible à l’adresse suivante : https://
digitallibrary.un.org/record/3833632?ln=fr).
510 Conseil de sécurité, résolution 465 (1980) du 1er mars 1980, par. 8.
511 Voir Assemblée générale, résolutions 64/185 du 21 décembre 2009 ; 65/179 du 20 décembre 2010 ; 66/225 du
22 décembre 2011 ; 67/229 du 21 décembre 2012 ; 68/235 du 20 décembre 2013 ; 69/241 du 19 décembre 2014 ; 70/225
du 22 décembre 2015 ; 71/247 du 21 décembre 2016 ; 72/240 du 20 décembre 2017 ; 73/255 du 20 décembre 2018 ; 74/243
du 19 décembre 2019 ; 75/236 du 21 décembre 2020 ; 76/225 du 17 décembre 2021 ; et 77/187 du 14 décembre 2022.
- 121 -
3.254. D’autres organes des Nations Unies ont également appelé l’attention sur l’exploitation
illicite des ressources naturelles de la Cisjordanie par Israël. Le Conseil économique et social a
plusieurs fois « [d]emand[é] à Israël … de cesser immédiatement d’exploiter les ressources
naturelles, notamment … les ressources minières … dans le territoire palestinien occupé »512. Le
Conseil des droits de l’homme a adopté une résolution dans laquelle il disait que « les conditions de
culture et de production des produits provenant des colonies suppos[ai]ent, notamment, l’exploitation
des ressources naturelles du Territoire palestinien occupé »513. Il a demandé à Israël « [d]e cesser
d’exploiter, d’altérer, de détruire, d’épuiser et de mettre en péril les ressources naturelles du Territoire
palestinien occupé »514.
3.255. L’exploitation des ressources naturelles de la Cisjordanie par Israël est d’une grande
envergure et a de graves répercussions sur l’économie palestinienne. Comme l’a expliqué le
rapporteur spécial :
« La zone C est essentielle à la santé économique de la Palestine car elle possède
des sites d’extraction de minéraux, des carrières, des terres arables productives, des
zones à potentiel touristique, des infrastructures de télécommunications, des logements
récents, et sa situation géographique, au voisinage d’un autre territoire, est propice à la
liberté et au mouvement en Cisjordanie. … Bien que les dispositions du droit
international humanitaire interdisent clairement à la Puissante occupante de piller la
zone occupée, Israël exploite pour son propre compte les ressources naturelles de la
zone C, y compris les carrières, les minéraux de la mer Morte et l’eau. »515
3.256. Malgré les demandes persistantes de la communauté internationale invitant Israël à
s’abstenir d’exploiter les ressources naturelles de la Cisjordanie, il a continué de le faire. Cette ligne
de conduite délibérée a amené le rapporteur spécial à formuler la conclusion suivante dans un rapport
qu’il a soumis en 2017 à l’Assemblée générale : « Comme il ressort à l’évidence, Israël, puissance
occupante a administré le territoire palestinien comme une colonie interne, s’attachant avec
détermination à exploiter ses terres et ressources pour son propre bénéfice. »516
Conclusion
3.257. Les dirigeants mêmes d’Israël ont clairement défini le but commun de toutes ces
mesures illicites : faire valoir, exercer et pérenniser la « souveraineté » d’Israël sur Jérusalem-Est et
le reste de la Cisjordanie.
3.258. Comme le montrent les éléments présentés dans cette partie, Israël ne se considère ni
se comporte comme un occupant temporaire de la Cisjordanie. En fait, par ses déclarations, ses lois
512 Voir Conseil économique et social, résolutions 2009/34 du 31 juillet 2009 ; 2010/31 du 23 juillet 2010 ; 2013/8
du 19 juillet 2013 ; 2016/14 du 18 août 2016 ; 2018/20 du 24 juillet 2018 ; et 2021/4 du 14 septembre 2020.
513 Conseil des droits de l’homme, résolution 40/24 intitulée « Colonies de peuplement israéliennes dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 22 mars 2019, préambule (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/RES/40/24).
514 Ibid., par. 8, al. h).
515 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 19 octobre 2016, doc. A/71/554, par. 51 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/71/554).
516 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 58 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/72/556).
- 122 -
et ses actes, il a manifesté des intentions et une pratique exactement contraires qui consistent à traiter
la Cisjordanie comme son propre territoire « souverain », qu’il prétend avoir le droit de contrôler,
d’exploiter et de diriger à jamais. En étendant expressément le champ d’application de ses lois à la
Cisjordanie et en les y appliquant explicitement, Israël cherche à la diriger comme si elle faisait partie
de son territoire. Par la construction de centaines de colonies et le transfert de centaines de milliers
de colons israéliens dans celles-ci, Israël a créé de nombreux faits sur le terrain, qu’il s’est engagé à
ne jamais supprimer, à l’appui de ses opérations de colonisation et d’annexion. En construisant des
routes et des centaines de kilomètres de mur et d’autres barrières, Israël cherche à relier ces colonies
les unes aux autres et à lui, créant un réseau de « faits accomplis » unifié et bien établi dans
l’ensemble de la Cisjordanie. Par la démolition d’habitations palestiniennes et la mise en oeuvre d’une
multitude d’autres pratiques généralisées visant à déplacer la population palestinienne de la
Cisjordanie, Israël cherche à affermir sa domination sur la Cisjordanie en tentant de modifier de
manière radicale et permanente le caractère, le statut et la composition démographique du territoire.
Enfin, en saisissant sur une grande échelle les ressources naturelles de la Cisjordanie et en les
exploitant, Israël fait ce que ne pourrait faire de manière licite qu’une puissance souveraine — et non
occupante — et ce que les puissances coloniales ont fait illicitement tout au long de l’histoire.
- 123 -
CHAPITRE 4
VIOLATION DE L’INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE
ET DE L’APARTHEID PAR ISRAËL
4.1. Dans sa demande d’avis consultatif, l’Assemblée générale des Nations Unies a, entre
autres, invité la Cour à établir les conséquences juridiques de l’adoption par Israël de « lois et mesures
discriminatoires ».
4.2. Le présent chapitre porte en premier lieu sur les lois et mesures discriminatoires qu’Israël
a adoptées et imposées dans le but d’instituer, dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé, un
système de discrimination raciale d’une portée considérable et solidement établi contre les
Palestiniens, qui les met sous le joug de sa domination et les prive des droits fondamentaux dont ils
doivent jouir en tant qu’êtres humains (section I). Il montre que ce régime trouve son origine dans la
Nakba et dans les politiques menées par Israël à l’égard des Palestiniens restés sur le territoire de la
Palestine historique, et que ceux-ci continuent d’être l’objet d’une discrimination raciale qui les
empêche considérablement d’exercer leurs droits fondamentaux (section II). Il montre ensuite que ce
système institutionnalisé de discrimination raciale envers le peuple palestinien est constitutif
d’apartheid (section III).
4.3. Comme il sera exposé dans ce chapitre, Israël a créé, par une combinaison de lois et de
politiques et pratiques civiles et militaires fondées sur la discrimination raciale et distinguant
ouvertement entre les Juifs israéliens et les Palestiniens (qu’ils soient de confession musulmane,
chrétienne ou samaritaine), un système de discrimination raciale fermement établi qui affecte le
moindre aspect de la vie quotidienne des Palestiniens, de part et d’autre de la Ligne verte.
4.4. Cette discrimination multiforme et systématique a pour effet conjugué de soumettre à la
ségrégation et d’assujettir, pour des motifs raciaux, l’ensemble du peuple palestinien, y compris ses
membres qui ont été forcés de devenir des réfugiés et ont, pour des motifs raciaux, interdiction de
revenir sur leur terre natale. L’effet susvisé répond à l’engagement qu’Israël a publiquement pris de
créer et de préserver entre la mer Méditerranée et le Jourdain un État juif dans lequel seules les
aspirations des Juifs israéliens pourraient s’exprimer. Cet engagement trouve une confirmation
expresse dans la législation israélienne, notamment la « loi relative à l’État-nation » de 2018 qui
réserve « exclusivement au peuple juif » « le droit à l’autodétermination nationale » en Israël, défini
comme s’étendant à la « Judée-Samarie »517, reléguant ainsi le peuple palestinien à un statut inférieur
sur sa terre ancestrale. L’objectif premier d’Israël a toujours été et demeure l’appropriation des terres
et leur gestion dans le seul intérêt des Juifs israéliens.
4.5. La discrimination raciale exercée par Israël à l’égard du peuple palestinien n’est pas moins
généralisée ni moins pernicieuse dans ses objectifs et ses conséquences que le régime de
discrimination et de ségrégation raciale institutionnalisé qui sévissait en Afrique du Sud au siècle
dernier. À l’instar de l’apartheid sud-africain, le régime instauré par Israël contre les Palestiniens est
fondé sur une hiérarchie raciale sans fard, qui place les Juifs israéliens en haut de l’échelle et les
Palestiniens en bas. Cette hiérarchie est expressément consacrée par la législation d’Israël,
notamment ses « lois fondamentales » quasi constitutionnelles, et ressort des propos et des actes de
ses dirigeants, de ses forces d’occupation et de ses colons depuis de nombreuses décennies.
517 Loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif, 5778-2018, art. 1 c) (vol. II, annexe 9).
- 124 -
4.6. La perpétuation de cette situation constitue une atteinte à la primauté du droit international
et à la dignité humaine, et une violation des normes impératives du droit international, ainsi que des
normes du droit des droits de l’homme et du droit humanitaire établies de longue date.
I. DISCRIMINATION RACIALE À L’ÉGARD DU PEUPLE PALESTINIEN DANS LE TERRITOIRE
PALESTINIEN OCCUPÉ ET DÉNI DE SES DROITS FONDAMENTAUX
4.7. Depuis l’occupation de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de la bande de Gaza
par ses forces militaires en 1967, Israël n’a cessé d’appliquer un système de discrimination raciale
d’une portée considérable et solidement établi contre les Palestiniens dans l’ensemble du Territoire
palestinien occupé. Ce régime opère dans tous les domaines une distinction délibérée et systématique
fondée sur l’appartenance ethnique et religieuse entre la population palestinienne et les centaines de
milliers de colons juifs israéliens qui ont été transférés dans le Territoire palestinien occupé en
violation du droit international humanitaire, notamment du sixième alinéa de l’article 49 de la
quatrième convention de Genève. En violation du droit international, il prive aussi gravement les
Palestiniens de leurs droits fondamentaux en raison de leur identité.
4.8. Le but et l’effet direct de ces politiques discriminatoires sont manifestes : celles-ci créent
un environnement propice au transfert de colons juifs israéliens ainsi qu’à la construction et à
l’extension des colonies. Elles créent en même temps un environnement invivable pour les
Palestiniens qui entraîne le déracinement et le confinement forcés de ces derniers, favorise l’annexion
et la consolide.
4.9. Le caractère globalement discriminatoire du système appliqué au Territoire palestinien
occupé par Israël a été mis en évidence et condamné par de nombreux organes des Nations Unies.
En 2013, la mission internationale indépendante d’établissement des faits a fait la constatation
suivante :
« Le régime juridique de ségrégation en place dans le territoire palestinien occupé
a permis d’établir et de consolider les colonies à travers la création d’un espace juridique
privilégié pour les colonies et les colons. Il a pour conséquence des violations
quotidiennes d’une multitude de droits de l’homme des Palestiniens du territoire
palestinien occupé, y compris, incontestablement, des violations de leurs droits à la
non-discrimination, à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi. »518
4.10. En 2020, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a souligné ce qui suit
dans ses observations finales :
« S’agissant de la situation particulière du Territoire palestinien occupé, le
Comité demeure préoccupé … par les conséquences des politiques et des pratiques
assimilables à la ségrégation appliquées dans ce territoire, illustrées notamment par
l’existence de deux systèmes juridiques et institutionnels totalement distincts, dont l’un
est conçu pour les communautés juives vivant dans les implantations illégales, d’une
part, et l’autre pour les populations palestiniennes habitant dans les villes et les villages
palestiniens, d’autre part. Le Comité est consterné par le caractère hermétique de la
séparation entre ces deux groupes, qui vivent sur le même territoire mais ne sont pas sur
un pied d’égalité pour ce qui est de l’utilisation du réseau routier et des infrastructures
518 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 49 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
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et de l’accès aux services de base et aux ressources en eau. Cette séparation se manifeste
concrètement par l’existence d’un ensemble complexe de restrictions à la liberté de
circulation découlant de la présence du Mur, des implantations, des barrages routiers et
des postes de contrôle militaires, ainsi que de l’obligation d’utiliser des routes distinctes
et de l’application d’un régime de permis qui a des conséquences préjudiciables pour la
population palestinienne. »519
4.11. Dans un rapport daté du mois d’août 2022, le rapporteur spécial des Nations Unies sur
la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé a traité de la discrimination
raciale caractérisant les pratiques israéliennes en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est :
« Le projet colonial de peuplement élaboré par Israël est fondé sur un double
système juridique et politique complet qui garantit des droits étendus et de bonnes
conditions de vie aux colons juifs israéliens en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est,
tout en imposant aux Palestiniens un régime et un contrôle militaires qui n’offrent
aucune des protections fondamentales du droit international humanitaire et du droit
international des droits de l’homme … Israël accorde ces droits et ces conditions de
vie, ou les refuse, en fonction de l’origine ethnique et nationale. Politiquement et
juridiquement, les colons juifs israéliens bénéficient du même éventail complet de
protections et de droits attachés à la citoyenneté que les Juifs israéliens vivant à
l’intérieur des frontières qui étaient celles du pays en 1949. Les 475 000 colons
israéliens de Cisjordanie, qui vivent tous dans des implantations exclusivement juives,
bénéficient, à titre personnel et de manière extraterritoriale, de l’ensemble des lois
israéliennes et des avantages liés à la citoyenneté israélienne. … En complet décalage
avec cette situation, les 2,7 millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie n’ont accès à
aucun des droits, protections et privilèges dont bénéficient les colons juifs israéliens qui
vivent parmi eux … Israël a imposé un système de justice militaire en Cisjordanie qui
s’applique aux Palestiniens mais non aux colons juifs. »520
4.12. Le rapporteur spécial a formulé la conclusion suivante :
« [U]n régime institutionnalisé d’oppression raciale systématique et de
discrimination a bien été mis en place. Les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens de
Jérusalem-Est et de Cisjordanie vivent sous un régime unique qui répartit différemment
les droits et les avantages en fonction de l’identité nationale et ethnique, et qui organise
la suprématie d’un groupe sur un autre et au détriment de l’autre.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[C]e système de discrimination institutionnalisée visant à exercer une
domination permanente a été imposé en recourant régulièrement à des actes cruels et
inhumains, des exécutions arbitraires et extrajudiciaires et des actes de torture, en
acceptant que des enfants meurent de mort violente, en privant des personnes de leurs
droits humains fondamentaux, en mettant en place un système de tribunaux militaires
fondamentalement défectueux et en ne respectant pas les garanties d’une procédure
pénale régulière, en procédant à des détentions arbitraires, et en imposant des punitions
519 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant le rapport d’Israël valant
dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 22 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19).
520 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 38-41 (les italiques sont de nous ; note de bas de page omise)
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
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collectives. La répétition de tels actes sur de longues périodes, et le fait que la Knesset
et le système judiciaire israélien les cautionnent, montrent qu’ils ne sont pas le fruit du
hasard et n’ont rien de faits isolés mais font partie intégrante du système de domination
mis en place par Israël. »521
4.13. L’Assemblée générale a exigé à plusieurs reprises qu’Israël mette fin à la discrimination
qu’il exerce à l’égard du peuple palestinien. Tout récemment elle a adopté, le 30 décembre 2022, la
résolution 77/247 dans laquelle elle
« [e]xige d’Israël, Puissance occupante, qu’il renonce à l’ensemble des mesures
contraires au droit international ainsi qu’aux lois, politiques et actes discriminatoires
dans le Territoire palestinien occupé qui ont pour effet de violer les droits humains du
peuple palestinien, à savoir tuer ou blesser des civils, les détenir ou les emprisonner
arbitrairement, les déplacer de force, notamment chercher à transférer de force des
familles bédouines, transférer sa propre population dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, détruire ou confisquer les biens des civils, en particulier
démolir les habitations, notamment en guise de châtiment collectif, en violation du droit
international humanitaire, et entraver de quelque manière que ce soit l’acheminement
de l’aide humanitaire, et qu’il respecte scrupuleusement le droit des droits de l’homme
et s’acquitte de ses obligations juridiques à cet égard, y compris celles découlant des
résolutions de l’Organisation des Nations Unies sur la question »522.
4.14. Israël a refusé de se conformer à ces exigences, comme à toutes les précédentes, et
poursuit obstinément ses politiques et pratiques de discrimination raciale. En mars 2023, le hautcommissaire
des Nations Unies aux droits de l’homme a publié un rapport qui « met en évidence une
discrimination systématique dans les lois, les politiques et les pratiques, dans presque tous les
domaines » envers les Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé523.
4.15. Les graves violations des droits fondamentaux du peuple palestinien commises par Israël,
dont celles qui seront examinées ci-après, constituent « une composante structurelle de longue date
de la privation prolongée des droits des Palestiniens sous occupation »524. Autrement dit, ces
violations ne sont pas des conséquences accidentelles de l’occupation ; ce sont des éléments
fondamentaux de celle-ci qu’Israël utilise pour maintenir sa domination sur le Territoire palestinien
occupé et forcer les Palestiniens à en partir ou à accepter le contrôle qu’il exerce sur eux, notamment
en persécutant ceux qui y résident. La pratique de la discrimination raciale systématique constitue
donc une composante essentielle de l’occupation israélienne et fait partie intégrante du socle sur
lequel elle repose.
4.16. Au nombre des manifestations les plus notoires de la discrimination raciale systématique
exercée par Israël à l’égard du peuple palestinien, en violation des règles du droit international qui
l’interdisent, figurent les politiques et pratiques énoncées ci-après qui seront examinées plus loin
521 Ibid., par. 53 et 55 (les italiques sont de nous).
522 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, par. 2 (accessible à l’adresse suivante : https://
undocs.org/A/RES/77/247).
523 Rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Les colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 15 mars 2023,
doc. A/HRC/52/76, par. 2 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/52/76).
524 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 8 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/356).
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dans des sous-sections distinctes, dont la persécution des Palestiniens, laquelle emporte déni de leurs
droits fondamentaux en raison de leur identité :
le double système juridique israélien à caractère discriminatoire, marqué notamment par la
violation du principe de l’égalité de traitement devant les tribunaux et le traitement
discriminatoire appliqué aux enfants palestiniens (A) ;
les arrestations et détentions arbitraires de Palestiniens, y compris d’enfants, par Israël (B) ;
les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants commis par Israël contre
les détenus palestiniens (C) ;
l’emploi discriminatoire de la force létale par Israël contre les civils palestiniens (D) ;
la discrimination exercée par Israël à l’égard des Palestiniens en matière de liberté de circulation,
notamment celle intéressant la liberté de quitter le territoire et d’y revenir (E) ;
la discrimination exercée par Israël à l’égard des Palestiniens en matière de droit au mariage et
au choix du conjoint (F) ;
la discrimination exercée par Israël à l’égard des Palestiniens en matière de liberté de religion
(G) ;
le régime discriminatoire de répartition des terres et d’aménagement du territoire mis en place
par Israël dans le Territoire palestinien occupé (H) ;
la discrimination exercée par Israël à l’égard des Palestiniens en matière de droit aux ressources
naturelles, notamment à l’eau douce (I) ;
la discrimination exercée par Israël contre les Palestiniens en matière de droits économiques et
sociaux (J) ;
les châtiments collectifs infligés par Israël au peuple palestinien (K).
A. Le double système juridique israélien à caractère discriminatoire
4.17. Israël applique des systèmes juridiques différents aux Palestiniens et aux colons
israéliens en Cisjordanie. Cette application différenciée des lois et systèmes juridiques est
exclusivement fondée sur l’appartenance ethnique et constitue par conséquent une discrimination
raciale flagrante. En 2017, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a dit à cet
égard ce qui suit :
« Israël applique de larges pans de sa législation aux colons israéliens vivant dans
les territoires occupés, et les Palestiniens vivant en Cisjordanie sont soumis au régime
militaire israélien. L’application extraterritoriale du droit israélien aux colons
engendre la coexistence de deux systèmes juridiques différents sur un même territoire,
sur la seule base de la nationalité ou de l’origine. Cette application différenciée est
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discriminatoire et contraire au principe d’égalité devant la loi, déterminant pour le droit
à un procès équitable. »525
4.18. En 2020, la haute-commissaire aux droits de l’homme a réaffirmé que « [l]’application
de deux systèmes juridiques différents sur le même territoire, sur la seule base de la nationalité ou de
l’origine, [était] intrinsèquement discriminatoire »526.
4.19. De même, la commission d’enquête internationale indépendante a expliqué dans son
rapport de septembre 2022 qu’Israël avait établi un « double système juridique » ayant « pour résultat
que les Israéliens jouiss[ai]ent davantage des droits humains que les Palestiniens ; par conséquent, il
[était] discriminatoire ». Elle a ajouté qu’« [i]l y a[vait] des différences marquées entre les deux
systèmes juridiques, en particulier dans le droit pénal, d’où des répercussions importantes sur les
droits des Palestiniens »527.
4.20. Comme l’indique l’alinéa a) de l’article 5 de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’interdiction de la discrimination raciale
emporte droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice.
Elle garantit le droit de « toute personne qui demande justice devant un organe compétent de ne pas
être soumise à la discrimination pour des motifs racistes »528. Le Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale a souligné toute l’importance d’un système de justice impartial529. L’existence
d’un système juridique exempt de discrimination est en particulier indispensable pour garantir un
certain nombre d’autres droits de l’homme fondamentaux connexes, à savoir le droit à l’égalité
devant la loi et le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial530. La
présence de la discrimination raciale dans le système de justice est la porte ouverte à toutes les autres
formes de discrimination raciale.
1. Le système de justice militaire israélien à caractère discriminatoire
4.21. Israël arrête, interroge, poursuit, condamne et emprisonne les Palestiniens, y compris les
enfants, dans le Territoire palestinien occupé, souvent sans inculpation ni procès. Les Palestiniens
sont à cet égard soumis à un régime de justice militaire particulier qui n’est appliqué qu’au peuple
palestinien dans ce territoire. La rapporteuse spéciale a relevé en juin 2023 que « l’incrimination de
525 Rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Colonies de peuplement israéliennes
dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé , 13 avril 2017, doc. A/HRC/34/39,
par. 9 (les italiques sont de nous ; notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/34/39).
526 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé » , 30 janvier 2020,
doc. A/HRC/43/67, par. 29 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/43/67).
527 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 47 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
528 N. Lerner, The UN Convention on the Elimination of all Forms of Racial Discrimination, nouvelle édition
révisée, Leiden Boston, Brill Nijhoff, 2014, p. 59.
529 Nations Unies, Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale XXXI sur la
discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, soixante-cinquième session
(2005), p. 1 (accessible à l’adresse suivante : https://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/GC31Rev_fr.pdf).
530 Voir, par exemple, l’article 2 de la convention relative aux droits de l’enfant, l’article 5 de la convention relative
aux droits des personnes handicapées, l’article 7 de la convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille, l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels et les articles 14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
- 129 -
tout dans tous les domaines par Israël montr[ait] que la législation militaire, au lieu d’assurer la
sécurité des Palestiniens, expos[ait] chacun d’eux au risque d’être emprisonné pour des actes de la
vie ordinaires »531. Les colons juifs israéliens établis dans le Territoire palestinien occupé ne sont
pas, pour leur part, soumis à ce système de justice militaire, mais au système de justice civil et pénal
d’Israël, soit celui qui s’applique aux Israéliens vivant en Israël532.
4.22. Ainsi, tandis que les colons juifs israéliens résidant dans le Territoire palestinien occupé
sont poursuivis, jugés et condamnés par des juridictions civiles sises en Israël et appliquant le droit
israélien lorsqu’ils sont soupçonnés d’infractions, les Palestiniens qui y résident sont poursuivis,
jugés et condamnés par des tribunaux militaires appliquant le droit militaire533. Les colons juifs
israéliens et les Palestiniens habitant le Territoire palestinien occupé sont donc traités différemment
sur le seul fondement de leur origine ethnique respective534. La rapporteuse spéciale a fait observer
à cet égard ce qui suit :
« Dans le cadre d’une structure de discrimination institutionnalisée, les tribunaux
militaires appliquent la législation militaire contre les Palestiniens, tandis que les
juridictions israéliennes appliquent le droit interne applicable aux civils aux Israéliens,
y compris les colons, qui deviennent ainsi des vecteurs de l’annexion. L’application du
droit militaire israélien fondée sur ce dualisme racial intrinsèque est la clé de voûte du
régime d’apartheid colonial d’Israël qui est exclusivement dirigé contre le peuple
palestinien et prive celui-ci de ses droits fondamentaux, dont le droit à l’égalité devant
la loi. »535
4.23. Cette dichotomie rigide fondée sur l’appartenance ethnique établit dans le Territoire
palestinien occupé un régime de discrimination raciale qui porte gravement atteinte aux droits des
milliers de Palestiniens arrêtés et incarcérés par Israël chaque année, comme l’a souligné
l’Organisation des Nations Unies dans un rapport en 2022 :
« [L]es tribunaux militaires envoient des milliers de Palestiniens en détention au
motif qu’ils ont porté atteinte à la sécurité de l’État, se servant d’un système judiciaire
qui n’offre que quelques-unes des garanties relatives à la régularité de la procédure ou
531 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 36 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
532 Association for Civil Rights in Israel (ACRI), « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the
West Bank », octobre 2014, p. 19-20 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3). Voir aussi chap. 3,
par. 3.164-3.168.
533 Pour reprendre les mots de l’ACRI : « Le droit pénal est un des domaines dans lesquels les divergences entre
les deux systèmes juridiques en vigueur en Cisjordanie sont particulièrement visibles et ont les plus grandes conséquences
du point de vue des droits fondamentaux et, spécialement, du droit à la liberté. C’est l’identité nationale du suspect ou de
la personne poursuivie qui détermine la loi qui lui est applicable et la juridiction dont il relève. À chaque étape de la
procédure, de l’arrestation initiale à la condamnation en passant par l’inculpation, les Palestiniens sont ainsi victimes de
discrimination par rapport aux Israéliens ; et ce, qu’ils soient adultes ou mineurs. » Voir ibid., p. 75.
534 Voir O. Ben-Naftali, A. M. Gross et K. Michaeli, « Illegal Occupation: Framing the Occupied Palestinian
Territory », Berkeley Journal of International Law, vol. 23, 2005, no 3, p. 584.
535 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 31 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
- 130 -
à la prévention des arrestations et détentions arbitraires prévues par le droit
international. »536
4.24. Le traitement discriminatoire réservé aux Palestiniens est inscrit dans la législation
israélienne. La loi de 1977 portant prorogation des mesures d’urgence en Judée-Samarie et à Gaza
(compétence pénale et aide juridictionnelle ») exclut expressément les colons juifs israéliens, mais
non les Palestiniens, de la compétence des juridictions militaires de Cisjordanie537. Le 25 janvier
2023, soit tout récemment, la Knesset a prorogé cette loi538. Cette politique discriminatoire a été
avalisée par la Haute Cour de justice israélienne539.
4.25. Même les Juifs d’origine étrangère présents en Cisjordanie qui ne sont pas ressortissants
israéliens mais ont le droit d’immigrer en Israël en vertu de sa « loi relative au retour » de 1950 ne
peuvent être poursuivis devant les juridictions militaires israéliennes540. Le caractère discriminatoire
de cette différenciation fondée uniquement sur l’appartenance raciale est encore aggravé par le fait
que les Palestiniens détenteurs de pièces d’identité israéliennes (notamment les Palestiniens de
Jérusalem-Est) sont malgré tout jugés par des juridictions militaires israéliennes lorsqu’ils sont
accusés par Israël d’avoir commis des infractions dans le Territoire palestinien occupé. Tous ceux
qui tentent de se faire juger par des juridictions civiles israéliennes essuient des échecs541.
2. Le système de justice militaire israélien à caractère discriminatoire n’est pas permis par le
droit international humanitaire
4.26. Israël ne peut se prévaloir du droit international humanitaire pour justifier le maintien en
activité de son système de justice militaire dans le Territoire palestinien occupé. Premièrement, la
situation qui règne dans ce territoire après plus de 56 ans d’occupation rend illicite la poursuite de
l’existence des tribunaux militaires. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessus au chapitre 2, l’occupation
« est considérée comme une situation temporaire » en droit542. L’occupation prolongée du Territoire
palestinien occupé par Israël, qui dure depuis plus d’un demi-siècle, ne peut certainement être
qualifiée de « temporaire ». Par conséquent, toute tentative faite pour justifier la poursuite de
l’existence et du fonctionnement du système de justice militaire d’Israël, puissance occupante, dans
le Territoire palestinien occupé est manifestement vouée à l’échec.
536 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 50 a) (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
537 Remplaçant une loi de 1967 allant dans le même sens.
538 Knesset, « Knesset extends Judea and Samaria emergency regulations by five years », 25 janvier 2023
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/bddj6hau).
539 David v. State of Israel, Haute Cour de justice, affaire no 163/82, Piske Din, vol. 37, p. 622 (1983).
540 Emergency Regulations (Judea and Samaria – Adjudication of Offenses and Legal Assistance), 5727-1967,
Regulation 6B, Collection of Regulations 5727, p. 2741 ; Book of Laws 5728, p. 20 ; 5772, p. 476. Voir aussi ACRI, « One
Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 16 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
541 Cour suprême d’Israël siégeant comme Haute Cour de justice, Zrari v. Israeli Police, affaire no HCJ 6743/97,
arrêt non publié, 1997 (compte rendu fait par S. Weill dans « The Judicial Arm of the Occupation: The Israeli Military
Courts in the Occupied Territories », International Review of the Red Cross, vol. 89, 2007, no 866, p. 395-419) ; The Israeli
Police v. Nabulsi, Selected Judgements of the Military Courts (SJMC), n°7 (1990), p. 189 et suiv. (398).
542 V. Koutroulis, « The application of international humanitarian law and international human rights law in
situations of prolonged occupation: only a matter of time? », International Review of the Red Cross, vol. 94, 2012, no 885,
p. 166 (note de bas de page omise).
- 131 -
4.27. Deuxièmement, le droit international humanitaire ne saurait légitimer le traitement
discriminatoire appliqué aux Palestiniens par les tribunaux militaires par rapport aux Juifs israéliens
accusés des mêmes infractions dans le même territoire occupé543. Il ne permet pas de réserver un
traitement discriminatoire à la population autochtone d’un territoire occupé par rapport aux propres
ressortissants de la puissance occupante qui sont illicitement transférés dans ce territoire et y vivent.
Les distinctions fondées sur la race au sens de l’article premier de la CIEDR qui sont opérées au sein
du système judiciaire constituent par conséquent des violations de l’obligation de prévenir l’inégalité
de traitement fondée sur la race ou l’origine ethnique, obligation qui ne saurait être méconnue sur la
base d’une loi spéciale en droit international humanitaire.
3. En toute hypothèse, les conditions définies par l’article 66 de la quatrième convention de
Genève ne sont pas réunies
4.28. L’article 66 de la quatrième convention de Genève dispose que « [l]a Puissance
occupante pourra … déférer les inculpés à ses tribunaux militaires, non politiques et régulièrement
constitués »544. Selon le commentaire autorisé du Comité international de la Croix-Rouge sur
l’article 66, « [c]ette disposition interdit le recours à certaines pratiques de la deuxième guerre
mondiale, au cours de laquelle l’appareil judiciaire a été parfois utilisé comme moyen de persécution
politique ou raciale »545. Autrement dit, les juridictions militaires « d[oiv]ent respecter les mêmes
exigences d’indépendance et d’impartialité que les tribunaux civils »546. Or le système de justice
militaire établi par Israël dans le Territoire palestinien occupé ne satisfait pas à ces conditions définies
par la quatrième convention de Genève et fait partie intégrante du régime militaire instauré pour
persécuter les Palestiniens afin de les assujettir et d’annexer leurs terres.
4.29. Le signe le plus flagrant de la partialité des tribunaux militaires israéliens contre les
Palestiniens est le taux de condamnation de ces derniers. Ce taux, de près de cent pour cent, n’est
possible que par l’effet conjugué de deux facteurs. Le premier est l’élimination de presque toutes les
protections qui garantissent l’équité du procès. L’Organisation des Nations Unies fait observer à cet
égard ce qui suit dans un rapport établi en août 2022 :
« Les Palestiniens arrêtés pour atteinte à la sécurité peuvent être placés en
détention sans inculpation pendant une période beaucoup plus longue que les colons
israéliens. Le système de justice militaire est présidé par des juges militaires israéliens,
et les procès se tiennent en hébreu (langue que de nombreux détenus palestiniens ne
parlent pas). Le système n’offre que peu de garanties de procédure et de fond propres à
un système judiciaire pénal, les avocats des détenus ont un accès considérablement
restreint aux éléments de preuve et le taux de déclaration de culpabilité est supérieur
à 99 %. »547
543 En ce qui concerne les divergences entre les droits de la défense dont jouissent les Palestiniens poursuivis devant
les tribunaux militaires et ceux dont jouissent les Israéliens poursuivis pour les mêmes infractions dans le même territoire,
voir ACRI, « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 53-60
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
544 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, art. 66
(les italiques sont de nous).
545 J. Pictet, Conventions de Genève du 12 août 1949 : Commentaire — Convention de Genève (IV) relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, CICR, 1958, p. 365.
546 J.-M. Henckaerts et L. Doswald-Beck, Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles, Comité
international de la Croix-Rouge et éditions Bruyland, 2005, p. 472 (note de bas de page omise).
547 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 41 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 132 -
4.30. Le second est l’incrimination d’actes licites accomplis par les Palestiniens. Il est en effet
établi qu’à l’égard de ces derniers, le système de justice militaire israélien constitue un instrument
de pérennisation de l’occupation et non d’administration de la justice. Il sert d’artifice juridique pour
réprimer toute forme d’opposition à l’occupation. Les détenus palestiniens sont généralement
considérés comme des « personnes détenues pour des raisons de sécurité » et placés dans les quartiers
de sécurité des prisons ou des centres de détention provisoire d’Israël.
4.31. Amnesty International a expliqué que
« plus de 1 800 ordonnances militaires israéliennes continu[ai]ent de contrôler et de
restreindre toutes les facettes de la vie des Palestinienꞏneꞏs en Cisjordanie : leurs
moyens de subsistance, leur statut administratif, leurs déplacements, leur militantisme
politique, leur détention et procès, et leur accès aux ressources naturelles ».
La législation militaire israélienne en Cisjordanie
« est appliquée par le système judiciaire militaire. Depuis 1967, les autorités
israéliennes ont arrêté plus de 800 000 hommes, femmes et enfants palestiniens en
Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza, et nombre d’entre eux
ont été jugés dans des tribunaux militaires qui bafouent systématiquement les normes
internationales relatives à l’équité des procès et où l’écrasante majorité des affaires
aboutissent à une condamnation »548.
B. Arrestation et détention arbitraires des Palestiniens, y compris les enfants
4.32. Par ce double système de « justice », dont l’un est réservé aux Juifs israéliens et l’autre
aux Palestiniens, Israël viole les règles du droit international relatives aux arrestations et détentions
arbitraires549. Telle est la conclusion à laquelle les différents organismes des Nations Unies qui ont
enquêté sur ces pratiques sont invariablement parvenus. La mission internationale indépendante
d’établissement des faits a fait la constatation suivante en 2013 :
« Les Palestiniens font régulièrement l’objet d’arrestations et de détentions
arbitraires, y compris d’internements administratifs, d’arrestations massives et
d’incarcérations. Selon certaines estimations, plus de 700 000 Palestiniens, dont des
enfants, ont été maintenus en détention par l’armée israélienne depuis le début de
l’occupation, souvent dans des prisons situées à l’intérieur d’Israël même. En 2012,
environ 4 100 Palestiniens étaient détenus par l’armée israélienne, dont 143 personnes
âgées de 16 à 18 ans, et 21 de moins de 16 ans. Il est clairement établi que le système
de justice militaire n’apporte pas aux Palestiniens les garanties fondamentales d’un
procès équitable, et notamment qu’il n’assure pas le respect de normes minimales en
matière d’indépendance, de règles de preuve ou de procédure claires, de présomption
d’innocence ou du devoir d’entendre des témoins ou d’examiner toutes les preuves
pertinentes. »550
548 Amnesty International, Israel’s Apartheid against Palestinians: A Cruel System of Domination and a Crime
Against Humanity, février 2022, p. 17-18 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mt7a7c24) [p. 10 et 11 du
résumé exécutif du rapport en français : Israël : L’apartheid israélien envers le peuple palestinien : Un système cruel de
domination et un crime contre l’humanité].
549 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, art. 5,
71-73 ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 9-10 ; convention relative aux droits de l’enfant, art. 37.
550 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
- 133 -
4.33. Israël n’agissait pas de manière moins arbitraire et discriminatoire en 2023 au moment
où la rapporteuse spéciale des Nations Unies a relevé ce qui suit :
« Sous l’occupation israélienne, des générations de Palestiniens ont connu des
privations arbitraires de liberté systématiques et généralisées, souvent pour les actes les
plus simples de la vie. Depuis 1967, plus de 800 000 Palestiniens, dont des enfants, ont
été placés en détention sur le fondement d’un éventail de règles autoritaires édictées,
appliquées et appréciées par l’appareil militaire israélien. Les Palestiniens sont souvent
présumés coupables sans preuve, arrêtés sans mandat et incarcérés sans avoir été
inculpés ni jugés. Les violences physiques et psychologiques sont tristement
banales … la plupart des condamnations prononcées contre les Palestiniens sont le fruit
d’une longue liste de violations du droit international, dont celles des garanties d’une
procédure régulière, qui entament la légitimité de l’administration de la justice par la
puissance occupante. Nombre de ces condamnations ont trait à l’exercice légitime de
droits civils et politiques et du droit de résister à un occupant étranger en situation
illicite. »551
4.34. De même, le Comité des droits de l’homme s’est exprimé comme suit dans ses
observations finales :
« Le Comité est préoccupé par la pratique généralisée des arrestations et
détentions arbitraires de Palestiniens, notamment de journalistes, de défenseurs des
droits de l’homme et d’enfants, y compris dans des installations situées en Israël, en
violation du droit international humanitaire et du Pacte.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Comité est préoccupé par le fait que la loi antiterroriste 5776-2016 contient
des définitions vagues et trop larges des termes “organisation terroriste” et “acte
terroriste” et peut servir à réprimer et criminaliser des actes politiques ou humanitaires
légitimes, comme l’illustre le fait qu’en octobre 2021, six organisations palestiniennes
de la société civile ont été qualifiées d’“organisations terroristes”, sur le fondement
d’informations secrètes. Il est également préoccupé par l’utilisation, dans des procès liés
à la lutte contre le terrorisme, de preuves secrètes auxquelles les accusés et leurs avocats
n’ont pas accès, en violation de leur droit à un procès équitable. »552
4.35. Israël recourt en outre à une forme de détention arbitraire particulièrement flagrante,
l’usage généralisé de la « détention administrative », dans laquelle les forces d’occupation placent
les Palestiniens en détention sans inculpation ni procès pour une durée allant jusqu’à six mois sur la
base de renseignements secrets. Cette durée de six mois peut être renouvelée indéfiniment553. En
mars 2023, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a décrit le placement de
Palestiniens en détention administrative par Israël comme une pratique « consist[ant] à détenir
le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 47 (notes de bas de page
omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
551 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 94 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
552 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël,
5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 34 et 18 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/
CO/5).
553 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 41 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 134 -
arbitrairement des personnes pour des périodes souvent longues, sans inculpation ni procès »554. Cela
a conduit la rapporteuse spéciale des Nations Unies à formuler la conclusion suivante :
« [L]es violations liées à l’usage généralisé de la détention administrative par les
forces israéliennes peuvent être constitutives de violations graves de la quatrième
convention de Genève et des crimes de guerre de détention illégale d’une personne
protégée et de privation du droit à un procès équitable. »555
4.36. De même, le Comité des droits de l’homme s’est dit préoccupé par « la pratique
persistante de la détention administrative de Palestiniens, y compris d’enfants, sans inculpation ni
procès et sans garanties juridiques fondamentales » et par « l’utilisation de preuves secrètes dans les
procédures de détention administrative et le fait que les ordonnances de détention administrative sont
systématiquement approuvées et renouvelées par les tribunaux militaires, même dans le cas de
détenus ayant de graves problèmes de santé »556.
4.37. Le caractère discriminatoire du système de détention administrative instauré par Israël,
tel qu’il est appliqué contre les Palestiniens, a conduit le Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale à prier instamment Israël, dans ses observations finales de 2012, « de mettre
fin à sa pratique actuelle de la rétention administrative, qui est discriminatoire et constitue une
détention arbitraire au regard du droit international »557.
4.38. L’Assemblée générale des Nations Unies s’est également déclarée vivement préoccupée
par « le recours fréquent à un internement administratif d’une durée excessive sans chef d’inculpation
et sans garantie d’une procédure régulière »558. Le Conseil des droits de l’homme s’est dit
pareillement préoccupé par « la situation des prisonniers et des détenus palestiniens, y compris des
mineurs, dans les prisons et les centres de détention israéliens, ainsi que par le recours persistant à
l’internement administratif »559.
4.39. Selon des experts des Nations Unies, Israël détient actuellement dans ses prisons environ
4 900 Palestiniens, dont 1 016 placés en détention administrative pour une durée indéfinie sans
jugement ni inculpation sur la base de renseignements secrets. Le nombre de personnes placées en
détention administrative dans les prisons d’Israël n’a jamais été aussi élevé depuis 2008, en dépit des
nombreuses condamnations formulées par les organes internationaux chargés des droits de l’homme
et des recommandations faites à Israël de mettre un terme immédiat à cette pratique. Les experts des
554 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, déclaration du haut-commissaire concernant le
rapport sur le Territoire palestinien occupé, 3 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yssvhhx3).
555 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 43 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
556 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël,
5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 34 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
557 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la convention, observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
(Israël), 3 avril 2012, doc. CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 27 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/14-16).
558 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, préambule (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/77/247).
559 Conseil des droits de l’homme, résolution 52/3, « Situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et obligation de garantir les principes de responsabilité et de justice », 13 avril 2023,
doc. A/HRC/RES/52/3, par. 23 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/RES/52/3).
- 135 -
Nations Unies en ont tiré la conclusion suivante : « La pratique systématique de la détention
administrative est constitutive du crime de guerre consistant à priver une personne protégée de son
droit d’être jugé régulièrement et impartialement »560.
4.40. L’un des problèmes qui rendent la vie difficile aux prisonniers palestiniens consiste dans
le fait qu’ils sont détenus en Israël, en violation flagrante de l’article 76 de la quatrième convention
de Genève, ce qui a des conséquences pour leurs droits et pour leurs familles et leurs avocats, les
membres des familles et les avocats étant obligés d’obtenir des autorités d’occupation israéliennes
des permis pour entrer en Israël et rendre visite à leurs proches ou leurs clients. Israël refuse
catégoriquement de respecter l’obligation internationale qui lui incombe, en tant que puissance
occupante, de maintenir les détenus palestiniens dans le territoire occupé et les transfère
régulièrement dans des prisons situées en Israël561.
4.41. Même les enfants palestiniens sont jugés par les tribunaux militaires établis dans le
Territoire palestinien occupé et font l’objet d’arrestations arbitraires, voire de détentions
administratives. À l’inverse, les Juifs israéliens d’âge mineur résidant dans le Territoire palestinien
occupé comme colons sont jugés par des juridictions israéliennes civiles. Ce traitement différencié
est discriminatoire en soi. Dans la pratique, les effets discriminatoires sont aggravés par la
discordance des définitions de l’état de minorité, des protections applicables aux mineurs dans les
procédures d’arrestation, de détention et d’interrogation, et des condamnations prononcées contre les
mineurs.
4.42. Les autorités militaires israéliennes du Territoire palestinien occupé ont pris une
ordonnance militaire qui définit l’« enfant » comme toute personne âgée de moins de 16 ans, en
violation de l’article premier de la convention relative aux droits de l’enfant562.
4.43. En conséquence, les enfants palestiniens âgés de 16 et 17 ans sont généralement traités
comme des adultes dans les prisons et devant les tribunaux militaires. À l’inverse, la législation civile
israélienne applicable aux colons juifs israéliens dans le Territoire palestinien occupé dispose que
toute personne âgée de moins de 18 ans est poursuivie devant un tribunal civil pour mineurs et non
considérée comme un adulte563. Il en résulte notamment que les restrictions prévues en matière
d’emprisonnement des délinquants israéliens ne s’appliquent pas aux jeunes Palestiniens âgés de 16
à 18 ans qui sont soupçonnés d’avoir commis une infraction564.
4.44. Dans son rapport de juillet 2021, le rapporteur spécial explique que « [s]elon les
ordonnances militaires 1711 et 1726, les enfants palestiniens peuvent être détenus dans des tribunaux
militaires, où leur détention peut être prolongée jusqu’à dix jours avant qu’ils ne soient renvoyés
560 « Israel: UN experts demand accountability for death of Khader Adnan and mass arbitrary detention of
Palestinians », communiqué de presse de l’ONU, 3 mai 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
4skwhz4s).
561 Voir M. Sfard, « Devil’s Island: The Transfer of Palestinian Detainees into Prisons within Israel », dans
A. Baker et A. Matar (sous la dir. de), Threat: Palestinian Prisoners in Israel, Londres, Pluto Press, 2011.
562 Conseil des droits de l’homme, rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 23 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57).
563 Ibid.
564 Ordonnance militaire 1651 (2009), art. 168, par. B et C (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
48bd5c59).
- 136 -
devant d’autres instances »565. Étant par conséquent « vivement préoccupé par le nombre d’enfants
en détention ainsi que par les conditions de leur arrestation », il demande à Israël « de mettre
immédiatement fin à cette pratique, qui est en contradiction flagrante avec le droit international et ne
devrait être utilisée qu’en dernier recours »566.
4.45. Les enfants palestiniens font également l’objet de graves discriminations en matière de
condamnation. Il ressort des données de la police israélienne, par exemple, qu’environ 60 % des
mineurs israéliens déclarés coupables « ne subissent pas de condamnation » ; seuls 20,6 % d’entre
eux exécutent une peine d’emprisonnement et 20 % sont condamnés à d’autres sanctions567. À
l’inverse, le taux de condamnation des enfants palestiniens s’établit à près de 100 %568.
4.46. Une autre forme de détention préoccupante, comme l’a expliqué la rapporteuse
spéciale, est
« la privation de liberté [qui] guette les Palestiniens même après leur mort. Les forces
israéliennes confisquent souvent les corps de Palestiniens morts en détention ou qui ont
été tués pour de prétendues “raisons de sécurité”. Cette pratique, que la Haute Cour de
justice israélienne a légitimée, s’applique aux corps des adultes comme à ceux des
enfants. En mai 2023, les forces israéliennes auraient déjà confisqué les dépouilles
mortelles de 125 Palestiniens, dont celles de 13 détenus … Depuis des décennies, les
corps de Palestiniens qui n’ont pas été restitués à leur famille sont inhumés dans des
lieux de sépulture situés à proximité de zones militaires, appelés « cimetières de
numéros » (chaque corps portant un numéro) »569.
4.47. L’Assemblée générale a, à plusieurs reprises,
« [d]éplor[é] la pratique de rétention des dépouilles mortelles et demand[é] leur
restitution aux familles, lorsque cela n’a pas encore été fait, conformément au droit
international humanitaire et au droit international des droits de l’homme, afin de
permettre à celles-ci de faire leur deuil dans la dignité selon leurs croyances et traditions
religieuses »570.
4.48. Ces pratiques doivent être replacées dans le contexte général du dessein colonial d’Israël.
Comme l’ont en effet relevé des experts de l’Organisation des Nations Unies, « [o]n ne peut séparer
565 Conseil des droits de l’homme, rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 23 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57).
566 Ibid.
567 ACRI, « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », 2014, p. 73 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
568 B’Tselem, « No minor matter – Violation of the Rights of Palestinian Minors Arrested by Israel on Suspicion
of Stone Throwing », 2011, p. 16 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/33nx9vaf) ; ACRI, « One Rule, Two
Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 74 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/masa37p3).
569 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 75 et 76 (notes de bas de page omises) (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
570 Assemblée générale, résolutions 77/247 du 30 décembre 2022, préambule (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/77/247) ; 77/25 du 6 décembre 2022, préambule (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/77/25).
- 137 -
les politiques carcérales d’Israël du caractère colonial de son occupation qui vise à dominer et à
assujettir tous les Palestiniens sur le territoire qu’il entend contrôler »571.
4.49. La rapporteuse spéciale a souligné à cet égard que «[l]a carcéralité, définie comme un
système de privation de liberté à grande échelle réduisant à la captivité des populations entières, qui
se voient également dépossédées de leurs terres, est une caractéristique essentielle du colonialisme
de peuplement », et que
« [l]’image qu’elle produit est celle d’une population vivant sur un territoire entièrement
occupé qui est présentée comme une menace pour la sécurité, souvent présumée
coupable et punie par l’incarcération même lorsqu’elle tente d’exercer ses libertés
fondamentales. … Ce système comporte des éléments de persécution »572.
4.50. Ces pratiques perdurent bien que l’Assemblée générale ait exigé à plusieurs reprises
« [d’]Israël, Puissance occupante, qu’il renonce à l’ensemble des mesures contraires au
droit international ainsi qu’aux lois, politiques et actes discriminatoires dans le
Territoire palestinien occupé qui ont pour effet de violer les droits humains du peuple
palestinien, à savoir … détenir ou [] emprisonner arbitrairement [des civils] »573.
C. Actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants
commis par Israël contre les détenus palestiniens
4.51. Les mauvais traitements qu’Israël inflige aux détenus palestiniens commencent dès leur
arrestation. La façon dont les forces d’occupation israélienne procèdent généralement à ces
arrestations est particulièrement intimidante. Selon le dernier rapport en date de la rapporteuse
spéciale des Nations Unies, publié en juin 2023, « des dizaines de soldats armés font irruption dans
les villages, défoncent les portes des maisons et y pénètrent, saccagent tout, saisissent des biens et
arrêtent des individus, y compris des enfants, sans aucun mandat »574.
4.52. Les enfants sont souvent la cible de ces arrestations. Le Comité des droits de l’enfant
s’émeut depuis longtemps du traitement que leur inflige Israël. En 2013, par exemple, le Comité a
constaté que les enfants étaient « régulièrement arrêtés au milieu de la nuit par des soldats criant des
instructions à la famille et emmenés, avec les poignets ligotés et les yeux bandés, vers une destination
inconnue sans pouvoir dire au revoir à leurs parents, qui sav[ai]ent rarement où leurs enfants [étaient]
conduits »575.
571 « Israel: UN experts demand accountability for death of Khader Adnan and mass arbitrary detention of
Palestinians », communiqué de presse de l’ONU, 3 mai 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
4skwhz4s).
572 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 79 et 4 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
573 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, par. 2 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/RES/77/247).
574 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 47 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
575 Comité des droits de l’enfant, observations finales concernant les deuxième, troisième et quatrième rapports
périodiques d’Israël soumis en un seul document, 4 juillet 2013, doc. CRC/C/ISR/CO/2-4, par. 35 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/CRC/C/ISR/CO/2-4).
- 138 -
4.53. La mission internationale indépendante d’établissement des faits a constaté qu’après leur
arrestation, les enfants palestiniens étaient très durement traités pendant leur détention.
« La plupart des enfants sont arrêtés aux points de friction, par exemple les
villages proches des colonies ou les routes qui passent à proximité d’un village
palestinien et sont utilisées par l’armée ou par les colons. Dès leur arrestation, ils font
l’objet de multiples violations de leurs droits à la liberté, à la sécurité et à un procès
équitable, au cours des interrogatoires, lorsqu’ils sont détenus arbitrairement et soumis
à des mauvais traitements, ainsi que lors du procès et de la condamnation.
Environ 90 % des enfants plaident coupable et sont condamnés à des peines privatives
de liberté. »576
4.54. Chaque année, 500 à 700 enfants palestiniens en moyenne subissent le système de
détention israélien577. Le rapport de 2022 du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de
l’homme rend ainsi compte de la façon dont Israël les traite :
« Le nombre d’enfants arrêtés et placés en détention par les forces de sécurité
israéliennes a augmenté. Des enfants d’à peine 8 ans ont continué de rapporter des
mauvais traitements et leurs récits ont révélé un non-respect des garanties d’un procès
équitable, notamment de leur droit de ne pas témoigner contre eux-mêmes, de leur droit
d’avoir rapidement accès à une assistance juridique et de leur droit à la présence de leurs
parents ou représentants légaux lors des procédures judiciaires. Certains des cas
recensés peuvent être assimilables à des actes de torture ou à des mauvais traitements.
Le 1er mai, les forces de sécurité israéliennes ont arrêté et battu un garçon de 13 ans dans
la vieille ville de Jérusalem. Des agents de police l’ont emmené dans des locaux situés
au-dessus de la porte de Damas et lui ont assené des coups de pied au visage et à la tête
alors qu’il était allongé sur le sol, les mains attachées dans le dos. Ils l’ont frappé avec
un casque sur les parties génitales et lui ont brûlé la poitrine avec une cigarette. Ils ont
d’abord refusé d’appeler une ambulance, et ne l’ont fait qu’après l’intervention d’un
avocat. Ils ont interrogé le garçon sans qu’un avocat ou un parent soit présent, l’accusant
d’avoir agressé un agent de police, et lui ont demandé de signer des documents en
hébreu, une langue qu’il ne comprenait pas. Le garçon a été libéré sous réserve d’une
assignation à résidence de cinq jours et d’une restriction de ses déplacements pendant
douze jours. »578
4.55. L’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme ont à plusieurs reprises fait
état des mauvais traitements dont les prisonniers et détenus palestiniens sont l’objet, la première se
déclarant
« [p]rofondément préoccupée par le maintien en détention de milliers de Palestiniens,
y compris un grand nombre de femmes et d’enfants, dans des prisons ou des centres de
détention israéliens, dans des conditions très dures qui nuisent à leur bien-être et se
caractérisent notamment par le manque d’hygiène, la mise au secret, le recours fréquent
576 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 48 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
577 Voir Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied
since 1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 65 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
578 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, « Application des résolutions S-9/1
et S-12/1 du Conseil des droits de l’homme », 28 avril 2022, doc. A/HRC/49/83, par. 49 (notes de bas de page omises)
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/83).
- 139 -
à un internement administratif d’une durée excessive sans chef d’inculpation ni
jugement, l’absence de soins médicaux adaptés et les nombreuses négligences
médicales, y compris de prisonniers malades, lesquelles risquent d’avoir des
conséquences fatales »579.
4.56. Elle s’est déclarée pareillement préoccupée « par le fait que des prisonniers palestiniens
p[ouvai]ent être maltraités et faire l’objet de brimades et que des cas de torture [avaient] été
signalés »580.
4.57. L’interdiction de la torture est une norme du droit international ayant valeur de jus cogens
et lorsque des actes de torture sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique
lancée contre une population civile, ils constituent un crime contre l’humanité581. La torture est
interdite par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques582, la convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après, la « convention
contre la torture »)583, la convention relative aux droits de l’enfant584 et la quatrième convention de
Genève585. En violation flagrante de cette interdiction, Israël pratique régulièrement la torture sur les
détenus palestiniens, y compris les enfants.
4.58. Selon le Comité des droits de l’enfant, les enfants palestiniens sont
« systématiquement soumis à des actes de violence physique et verbale, des
humiliations, des techniques d’immobilisation douloureuses et à l’encapuchonna [et
continuent] de recevoir des menaces de mort, de violences physiques ou de sévices
sexuels à leur encontre ou à celle de membres de leur famille, et de se voir restreindre
l’accès aux toilettes, à l’eau et à la nourriture »586.
4.59. Un grand nombre de commissions d’enquête établies par l’Organisation des
Nations Unies, d’organes conventionnels de celle-ci et d’organisations non gouvernementales ont
confirmé que la torture était une arme régulièrement employée par les interrogateurs israéliens contre
les détenus palestiniens. En 2009, une mission d’établissement des faits des Nations Unies a enquêté
sur le traitement appliqué à des détenus palestiniens originaires de Gaza et conclu qu’ils avaient été
« roués de coups et [avaient]nt subi d’autres sévices constitutifs de torture »587. Elle a estimé que ce
579 Assemblée générale, résolution 69/93 du 5 décembre 2014, doc. A/RES/69/93), préambule (accessible à
l’adresse https://undocs.org/A/RES/69/93).
580 Ibid.
581 Voir art. 7, par. 1, al. f) du Statut de la Cour pénale internationale. Voir aussi TPIY, Le Procureur c. Anto
Furunddžija, affaire no IT-95-17/1-T, jugement, 10 décembre 1998.
582 Nations Unies, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 7.
583 Nations Unies, convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
584 Nations Unies, convention relative aux droits de l’enfant, art. 37 et 39.
585 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, art. 32.
586 Comité des droits de l’enfant, observations finales concernant les deuxième, troisième et quatrième rapports
périodiques d’Israël soumis en un seul document, 4 juillet 2013, doc. CRC/C/ISR/CO/2-4, par. 35 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/CRC/C/ISR/CO/2-4).
587 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza sur
la situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés, 25 septembre 2009,
doc. A/HRC/12/48, par. 1164 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48).
- 140 -
traitement constituait une violation de la convention contre la torture, ainsi qu’un crime de guerre588.
En 2015, la commission d’enquête internationale indépendante a enquêté sur le traitement appliqué
aux enfants en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et conclu que leurs récits dans lesquels ils
disaient avoir été soumis à de « multiples formes de traitements cruels, inhumains et dégradants par
des soldats, des interrogateurs ou des gardiens de prison lors de leur arrestation, de leur transfert, de
leur interrogatoire ou de leur détention » « concordaient avec les constatations faites par des organes
des Nations Unies et des organisations non gouvernementales au cours des dernières années »589.
4.60. Le Comité des droits de l’homme, le Comité contre la torture et le Comité des droits de
l’enfant se sont déclarés vivement préoccupés de constater que les gardes de l’administration
pénitentiaire et les forces d’occupation israéliennes continuaient de recourir à la torture physique et
psychologique lors des interrogatoires des détenus palestiniens et dans le traitement appliqué à
ceux-ci. En particulier, ces organes des Nations Unies ont invité Israël à reconnaître que l’interdiction
de la torture avait un caractère absolu, à cesser d’invoquer l’état de nécessité, à autoriser des
observateurs indépendants à examiner les salles d’interrogatoire, à enquêter sur toute allégation de
torture et à sanctionner les personnes responsables590.
4.61. Le Comité des droits de l’homme a dit, pour sa part, ce qui suit :
« Le Comité est profondément préoccupé par les informations relatives à la
pratique généralisée et systématique de la torture et des mauvais traitements par les
gardes de l’administration pénitentiaire israélienne et les forces de sécurité israéliennes
contre des Palestiniens, y compris des enfants, au moment de leur arrestation et en
détention. Il est particulièrement préoccupé par le recours à la violence physique et
psychologique, à la privation de sommeil, au maintien dans des positions éprouvantes
et à l’isolement prolongé, y compris contre des enfants et des détenus présentant un
handicap intellectuel ou psychosocial. Il note également avec préoccupation que les
allégations de torture et de mauvais traitements donnent très rarement lieu à des
enquêtes, des poursuites et des déclarations de culpabilité (art. 7, 9, 10 et 24). »591
4.62. Le Comité contre la torture s’est
« inquiét[é] des nombreuses allégations indiquant que des mineurs palestiniens seraient
torturés ou maltraités, notamment dans le but de leur extorquer des aveux, contraints de
signer des aveux en hébreu, langue qu’ils ne comprennent pas, et interrogés en l’absence
d’un avocat ou d’un membre de leur famille ».592
588 Ibid., par. 1129-1138, 1164, 1174-1175.
589 Human Rights Council, Report of the detailed findings of the independent commission of inquiry established
pursuant to Human Rights Council Resolution S-21/1, doc. A/HRC/29/CRP.4, 24 juin 2015, par. 517 et 518 (note de bas
de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/29/CRP.4).
590 Comité des droits de l’enfant, observations finales concernant les deuxième, troisième et quatrième rapports
périodiques d’Israël soumis en un seul document, 4 juillet 2013, doc. CRC/C/ISR/CO/2-4, par. 35 et 36 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/CRC/C/ISR/CO/2-4) ; Comité contre la torture, observations finales concernant le
cinquième rapport périodique d’Israël, 3 juin 2016, doc. CAT/C/ISR/CO/5, par. 14, 18, 19, 30, 31 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/CAT/C/ISR/CO/5) ; Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le
cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 28-31 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
591 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 30 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
592 Comité contre la torture, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 3 juin 2016,
doc. CAT/C/ISR/CO/5, par. 28 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CAT/C/ISR/CO/5).
- 141 -
4.63. Le Comité des droits de l’enfant a déclaré ce qui suit :
« Le Comité exprime sa plus profonde consternation devant les cas signalés de
torture et de mauvais traitements infligés à des enfants palestiniens arrêtés, inculpés et
détenus par l’armée et la police, et devant l’incapacité de l’État partie de mettre fin à
ces pratiques en dépit des préoccupations exprimées de façon répétée sur la question par
les organes conventionnels, les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales et
les organismes des Nations Unies. Le Comité note avec une vive inquiétude que les
enfants dans le territoire palestinien occupé continuent :
a) D’être régulièrement arrêtés au milieu de la nuit par des soldats criant des instructions à la famille
et emmenés, avec les poignets ligotés et les yeux bandés, vers une destination inconnue sans
pouvoir dire au revoir à leurs parents, qui savent rarement où leurs enfants sont conduits ;
b) D’être systématiquement soumis à des actes de violence physique et verbale, des humiliations,
des techniques d’immobilisation douloureuses et à l’encapuchonna, de recevoir des menaces de
mort, de violences physiques ou de sévices sexuels à leur encontre ou à celle de membres de leur
famille, et de se voir restreindre l’accès aux toilettes, à l’eau et à la nourriture. Ces crimes sont
commis lors de l’arrestation, du transfèrement et de l’interrogatoire en vue d’obtenir des aveux
mais aussi pour des motifs arbitraires, comme en ont témoigné plusieurs soldats israéliens, ainsi
que durant la détention avant jugement ;
c) D’être détenus en régime cellulaire, parfois durant des mois. »593
4.64. En 2018, après que la Cour suprême israélienne eut décidé qu’il n’y avait pas lieu
d’ouvrir une enquête pénale contre des agents de sécurité qui avaient pourtant incontestablement usé
de « techniques de pression » contre un détenu palestinien, le rapporteur spécial des Nations Unies
sur la torture a exprimé sa plus vive préoccupation en ces termes : « En mettant les auteurs présumés
à l’abri d’enquêtes pénales et de poursuites, la Cour suprême leur a en substance délivré un “permis
de torturer” d’ordre judiciaire »594.
4.65. En 2022, le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 a exprimé des préoccupations similaires au sujet du traitement
discriminatoire et inhumain réservé aux détenus palestiniens par Israël :
« Bien que la torture soit strictement interdite par le droit international, Israël
continue d’y recourir dans la pratique contre les Palestiniens placés en détention. Parmi
les méthodes de torture employées, on peut citer la privation de sommeil, les coups et
les gifles, l’humiliation, les conditions insalubres et l’utilisation d’entraves pendant de
longues périodes dans des positions de contorsion. Les actions engagées devant la Cour
suprême israélienne pour contester le recours à la torture n’ont pas abouti. Les coups
portés sur les Palestiniens par des soldats israéliens lors d’arrestations sont
593 Comité des droits de l’enfant, observations finales concernant les deuxième, troisième et quatrième rapports
périodiques d’Israël soumis en un seul document, 4 juillet 2013, doc. CRC/C/ISR/CO/2-4, par. 35 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/CRC/C/ISR/CO/2-4).
594« UN expert alarmed at Israeli Supreme Court’s “license to torture” ruling », communiqué de presse de l’ONU,
20 février 2018 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3x3v9exm).
- 142 -
régulièrement signalés mais les responsables sont rarement amenés à rendre compte de
leurs actes. »595
D. Emploi illicite de la force par Israël contre les civils palestiniens
4.66. L’observation générale no 36 du Comité des droits de l’homme, qui porte sur le droit à
la vie énoncé à l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, intéresse
particulièrement les actes accomplis par Israël dans le Territoire palestinien occupé. Elle souligne
que les États « doivent … respecter et protéger la vie des personnes se trouvant dans des lieux dans
lesquels ils exercent un contrôle effectif, comme des territoires occupés » et fait savoir que
« le fait de prendre pour cible des civils, des biens civils ou des biens indispensables à
la survie de la population civile, les attaques aveugles, le fait de ne pas appliquer les
principes de précaution et de proportionnalité, et l’utilisation de boucliers humains
constitueraient également une violation de l’article 6 du Pacte »596.
4.67. Comme il est exposé ci-après, Israël manque systématiquement à ses obligations
découlant de l’article 6 du Pacte, dans le but de maintenir sa domination sur le Territoire palestinien
occupé et son contrôle sur le peuple palestinien. Le rapporteur spécial a souligné qu’il y avait un
« recours accru à la violence nécessaire au maintien de l’occupation ». Comme la violation
permanente des droits fondamentaux des Palestiniens, cette violence est « entièrement fondée sur la
nationalité et l’appartenance ethnique » et une telle situation « devrait être impensable
au XXIe siècle »597.
4.68. Dans le cadre de l’occupation du Territoire palestinien occupé, Israël s’est rendu
responsable du meurtre de milliers de Palestiniens par ses incursions, descentes et attaques militaires,
ainsi que d’exécutions extrajudiciaires. L’utilisation systématique de la force létale par les forces
d’occupation israéliennes dans le Territoire palestinien occupé a fait de 2022 l’année la plus
meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis que l’Organisation des Nations Unies a
commencé à recenser systématiquement les décès en 2005598.
4.69. Dès 2001, une commission d’enquête de l’Organisation des Nations Unies avait fait la
constatation suivante :
« De nombreux incidents ont été signalés dans lesquels des coups de feu ont été
tirés sur des civils à proximité de manifestations ou ailleurs. En outre, les FDI [Forces
de défense israéliennes] sont soumises au principe de la proportionnalité qui veut que
les blessures infligées aux non-combattants ou les dommages causés à des biens civils
ne soient pas disproportionnés par rapport aux avantages militaires qui pourraient
découler d’une opération. L’usage d’armes meurtrières à l’encontre de manifestants et
595 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 50 e) (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
596 Comité des droits de l’homme, observation générale no 36 (art. 6 : droit à la vie), doc. CCPR/C/GC/36,
3 septembre 2019, par. 63 et 64 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
CCPR/C/GC/36).
597 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2021, doc. A/76/433, par. 27 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/433).
598 Voir « Israel: UN experts condemn record year of Israeli violence in the occupied West Bank », communiqué
de presse de l’ONU, 15 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ypxvacrz).
- 143 -
la destruction massive d’habitations et de biens le long des routes d’accès aux colonies
ne peuvent, aux yeux de la Commission, être considérés comme acceptables dans les
circonstances. »599
4.70. En 2022, le Comité des droits de l’homme s’est déclaré profondément préoccupé par
« les informations persistantes et cohérentes selon lesquelles les forces de sécurité israéliennes
emplo[yaient] la force létale contre des civils palestiniens, y compris des enfants, sans avoir à rendre
compte de ces actes, ce qui cré[ait] un climat général d’impunité »600.
4.71. La politique d’exécutions extrajudiciaires de Palestiniens qu’Israël mène de longue date
est particulièrement préoccupante. L’Assemblée générale a déploré « les exécutions
extrajudiciaires » perpétrées par Israël et souligné qu’elles constituaient « une violation du droit
international et du droit international humanitaire »601. De même, le Comité des droits de l’homme
a, à plusieurs reprises, prié Israël de « faire cesser la pratique des exécutions extrajudiciaires
d’individus »602. Le coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au
Proche-Orient a condamné ces exécutions extrajudiciaires, « réaffirmé l’opposition constante … de
la communauté mondiale à ces assassinats » et indiqué qu’« aucun pays n’a[vait] le droit de recourir
à pareilles mesures extrajudiciaires »603.
4.72. Israël poursuit néanmoins cette pratique, ce qui a conduit le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies à le condamner et à lui rappeler que « les exécutions
extrajudiciaires sont contraires au droit international ». Le Secrétaire général a invité « le
Gouvernement d’Israël à mettre un terme immédiat à ces pratiques »604.
4.73. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, rien que depuis 2008, au
moins 6 269 Palestiniens, dont 1 409 enfants, ont été tués dans le contexte de l’occupation et
146 618 ont été blessés605. Cela signifie qu’en moyenne, plus d’un Palestinien a été tué et plus de
25 blessés chaque jour au cours des quinze dernières années. Les enfants, en particulier, sont les
cibles des violences commises par l’armée israélienne. En août 2022, la haute-commissaire des
599 Rapport de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme établie en application de la résolution S-5/1 de
la Commission en date du 19 octobre 2000 sur la question de la violation des droits de l’homme dans les territoires arabes
occupés, y compris la Palestine, doc. E/CN.4/2001/121, 16 mars 2001, par. 43 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/E/CN.4/2001/121).
600 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël,
5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 26 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
601 Assemblée générale, résolution ES-10/12 du 25 septembre 2003, préambule (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/ES-10/12).
602 Comité des droits de l’homme, observations finales : Israël, 3 septembre 2010, doc. CCPR/C/ISR/CO/3, par. 10
(accessible à l’adresse https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/3).
603 Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Proche-Orient, « UN envoy
condemns Israel’s extra-judicial assassinations », 25 août 2003 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
4ux27ve9).
604 Bureau du porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, « Le Secrétaire général condamne fermement
l’assassinat par Israël du chef spirituel du Hamas, Cheikh Ahmed Yassin », qui a causé la mort de huit autres personnes,
22 mars 2004 (accessible à l’adresse suivante : https://press.un.org/fr/2004/sgsm9210.doc.htm).
605 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Data on Casualties » (accessible à
l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/data/casualties).
- 144 -
Nations Unies aux droits de l’homme s’alarmait du nombre d’enfants tués par les soldats des forces
d’occupation israéliennes et demandait la mise en oeuvre de la responsabilité d’Israël606.
4.74. En décembre 2022, la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les
territoires palestiniens occupés, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires et le rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté
d’association se sont déclarés consternés de constater que 2022 était déjà l’année la plus meurtrière
en Cisjordanie depuis 2005, 152 Palestiniens ayant été tués par les forces israéliennes. Déplorant le
fait que « [l]’impunité demeur[ait] la règle », ils ont souligné que
« [l]’emploi de la force létale en premier et non en dernier recours par les forces
israéliennes contre des Palestiniens qui ne représentent pas une menace imminente pour
la vie ou l’intégrité physique d’autrui peut constituer une exécution extrajudiciaire
— violation du droit à la vie — et un homicide intentionnel, prohibé par la quatrième
convention de Genève et le Statut de Rome »607.
4.75. Le personnel des organismes à vocation humanitaire et les journalistes ne sont pas non
plus été épargnés. Comme en a fait état la rapporteuse spéciale, « [p]ersonnel humanitaire et
journalistes figurent régulièrement parmi les victimes du recours généralisé à la force létale par Israël
et l’impunité demeure omniprésente »608. Depuis 2001, le Comité pour la protection des journalistes
a recensé au moins 20 journalistes tués par les forces de défense israéliennes609. En mai 2022, la
journaliste d’Al Jazira Shireen Abu Akleh a été abattue par un soldat israélien alors qu’elle couvrait
une descente israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine. En dépit « de nombreuses enquêtes
ayant mené à la conclusion que la journaliste avait été touchée par des tirs de soldats israéliens »610
et d’appels répétés lancés pour que les auteurs soient amenés à répondre de leurs actes, Israël a
continué de garantir l’impunité totale à ses forces d’occupation.
4.76. Cette situation a amené l’Assemblée générale à relever de nouveau en 2022 avec
« une vive préoccupation les violations systématiques des droits humains du peuple
palestinien qu’Israël, Puissance occupante, continue de commettre, notamment l’usage
excessif de la force et les opérations militaires occasionnant des morts et des blessés
parmi les civils palestiniens, y compris les enfants, les femmes et les manifestants
606 « Michelle Bachelet alarmée par le nombre d’enfants palestiniens tués lors de la récente escalade de violence à
Gaza », communiqué de presse de l’ONU, 11 août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://news.un.org/fr/story/
2022/08/1125272).
607 « Israel: UN experts condemn record year of Israeli violence in the occupied West Bank », communiqué de
presse de l’ONU, 15 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ypxvacrz). Voir les précédents
rapports des rapporteurs spéciaux dans lesquels ces derniers se déclarent préoccupés par la pratique israélienne des
exécutions extrajudiciaires de Palestiniens : rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 56 et 57 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/77/356) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 50 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
608 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 58 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/
77/356).
609 Committee to Protect Journalists, « Deadly Pattern. 20 Journalists died by Israeli military fire in 22 years. No one
has been held accountable », 9 mai 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4chy349z).
610 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 58 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/
77/356).
- 145 -
pacifiques et non violents, ainsi que les journalistes et les membres du personnel
médical et humanitaire »611.
4.77. Ces atteintes systématiques portées sans discernement à la vie ou à l’intégrité physique
des Palestiniens se poursuivent en 2023. Au milieu de cette année, Israël avait déjà mené plusieurs
incursions meurtrières dans des villes et camps de réfugiés palestiniens, ce qui a amené trois experts
des Nations Unies, dont le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires, à publier une déclaration commune dans laquelle ils relevaient ce qui suit :
« Le matin du 26 janvier, les forces israéliennes ont fait une descente dans le camp de réfugiés
de Jénine, situé dans le nord de la Cisjordanie occupée. Ils ont tiré à balles réelles, tuant au moins
neuf Palestiniens, dont une femme âgée et deux enfants. On aurait recensé plus de 20 blessés, dont
quatre sont toujours dans un état critique … La communauté internationale ne peut et ne doit tolérer
ce qui apparaît comme une manifestation d’une politique et d’une pratique délibérées d’Israël
consistant à recourir à la force létale sans égard pour les limites fixées par le droit international »612.
Les experts des Nations Unies ont fait observer qu’il s’agissait du plus grand nombre de Palestiniens
tués au cours d’une seule incursion militaire en Cisjordanie occupée depuis 2005. Ils ont dit en
conclusion qu’« aucune de ces violences n’aurait lieu si Israël mettait fin immédiatement et
inconditionnellement à son occupation illicite en cours depuis un demi-siècle ainsi que l’exige le
droit international »613. Moins d’un mois plus tard, Israël a mené une autre incursion militaire à
Naplouse, tuant 11 Palestiniens, dont un jeune garçon et trois hommes âgés, et blessant par balles
réelles plus de 100 autres614. En juillet 2023, Israël a mené une nouvelle incursion meurtrière dans le
camp de réfugiés de Jénine, causant la mort d’au moins 12 Palestiniens, dont 5 enfants, et blessant
plus de 100 autres. Des experts des Nations Unies ont dit à cet égard ce qui suit :
« Les attaques ont contraint des milliers de Palestiniens à fuir et ont endommagé
des infrastructures, des maisons et des immeubles d’habitation … ces attaques ont été
les plus violentes que la Cisjordanie ait connues depuis la destruction du camp de Jénine
en 2002 … Les frappes aériennes et les opérations au sol menées par Israël contre le
camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie occupée qui ont tué au moins 12 Palestiniens
pourraient à première vue constituer un crime de guerre. »615
4.78. L’usage illicite de la force contre des civils palestiniens par Israël est particulièrement
flagrant dans la bande de Gaza. Depuis 2005, les forces de défense israéliennes ont mené des attaques
répétées à Gaza616, parmi lesquelles les opérations « Plomb durci » (2008-2009) et « Bordure
protectrice » (2014), l’attaque lancée contre la « Grande marche du retour » (2018) ainsi que les
611 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, préambule (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/77/247).
612 « Israel/Palestine: UN experts condemn renewed violence and Israeli killings of Palestinians in the occupied
West Bank », communiqué de presse de l’ONU, 27 janvier 2023 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/562ps68h)
613 Ibid.
614 « Israel and the Occupied Palestinian Territory: UN Human Rights Chief concerned by escalating violence »,
communiqué de presse de l’ONU, 23 février 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5n7je6ds).
615 « Israeli airstrikes and ground operations in Jenin may constitute war crime: UN experts », communiqué de
presse de l’ONU, 5 juillet 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2kz25f8t).
616 Opérations « Pluies d’été », juin 2006 ; « Nuages d’automne », novembre 2006 ; « Hiver chaud », février 2008 ;
« Plomb durci », décembre 2008-janvier 2009 ; « Pilier de défense », novembre 2012 ; « Bordure protectrice », juillet-août
2014 ; « Grande marche du retour », mars-mai 2018 ; « Gardien des murs », mai 2021 ; « Bouclier et Flèche », mai 2023.
- 146 -
opérations « Gardiens des murs » (2021) et « Bouclier et Flèche » (mai 2023) ont causé le plus grand
nombre de victimes civiles.
4.79. En 2008/2009, plus de 1 400 Palestiniens, dont 300 enfants et 110 femmes, ont été
tués617. En 2014, 2 251 Palestiniens, dont 551 enfants et 299 femmes, ont été tués618. En 2018,
183 Palestiniens, dont 35 enfants, ont été tués619. En 2021, 260 Palestiniens, dont 66 enfants, ont été
tués620. Au 15 mai 2023, 34 Palestiniens, dont six enfants et deux femmes, avaient déjà été tués621.
4.80. Au cours de ces agressions, les forces de défense israéliennes ont sciemment attaqué des
zones civiles, tirant contre des immeubles résidentiels, de l’air et du sol, des missiles et des bombes
qui ont entraîné leur effondrement et tué dans plusieurs cas des familles entières, dont un grand
nombre de femmes et d’enfants.
4.81. Les trois premières attaques militaires ont fait l’objet de rapports d’enquête exhaustifs
établis par des commissions d’enquête indépendantes créées par le Conseil des droits de l’homme.
Les trois rapports ont conclu que l’armée israélienne avait fait un usage aveugle, excessif et
disproportionné de la force contre des civils palestiniens et que les attaques visaient la population
palestinienne de Gaza dans son ensemble622.
4.82. La mission d’établissement des faits des Nations Unies chargée d’enquêter sur
l’opération « Plomb durci »623 (2008-2009) a constaté, par exemple, que les forces armées
israéliennes avaient causé des pertes en vies humaines excessives624 et n’avaient pas pris les mesures
de précaution requises pour causer le moins de dommages possible à la population civile625.
617 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, « La
situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes », 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48,
par. 352-365 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48).
618 Conseil des droits de l’homme, Report of the detailed findings of the independent commission of inquiry
established pursuant to Human Rights Council Resolution S-21/1, 24 juin 2015, doc. A/HRC/29/CRP.4, par. 574
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/29/CRP.4).
619 Conseil des droits de l’homme, Report of the detailed findings of the independent international Commission of
inquiry on the protests in the Occupied Palestinian Territory, 18 mars 2019, doc. A/HRC/40/CRP.2 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/CRP.2).
620 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Application des résolutions
S-9/1 et S-12/1 du Conseil des droits de l’homme », 28 avril 2022, doc. A/HRC/49/83, par. 7 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/83).
621 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Humanitarian situation in Gaza,
Flash Update #5 », 15 mai 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p9yzs7p).
622 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza sur
la situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes, 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48,
par. 1186 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation
des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, doc. A/HRC/28/78, 22 janvier 2015, par. 21
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/28/78) ; Conseil de sécurité, lettre datée du 27 avril 2015,
adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, doc. S/2015/286, 27 avril 2015 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/S/2015/286).
623 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza sur
la situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes, 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48).
624 Ibid., par. 1919, 1923.
625 Ibid., par. 595, 1919.
- 147 -
« La Mission a constaté de nombreux cas d’attaques délibérées contre des
personnes civiles et des biens de caractère civil (individus, familles entières, habitations,
mosquées) qui ont causé des pertes en vies humaines et des blessures et violé le principe
fondamental du droit international humanitaire qu’est le principe de distinction. Dans
ces cas, la Mission a conclu que la protection statutaire due aux populations civiles
n’avait pas été respectée et que les attaques étaient délibérées, ce qui constitue une
violation flagrante du droit coutumier tel que consacré dans le paragraphe 2 de
l’article 51 et dans l’article 75 du Protocole additionnel I, dans l’article 27 de la
quatrième Convention de Genève et dans les articles 6 et 7 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques. Dans certains cas, la Mission a conclu en outre que
l’attaque avait été lancée dans l’intention de répandre la terreur parmi la population
civile. De surcroît, dans plusieurs des incidents sur lesquels la Mission a enquêté, les
forces armées israéliennes non seulement n’ont pas fait de leur mieux pour faciliter
l’accès des organismes humanitaires aux blessés ainsi que la fourniture de secours
médicaux, comme l’exige le droit international coutumier tel qu’il ressort du
paragraphe 2 de l’article 10 du Protocole additionnel I, mais encore ont fait obstacle à
l’accès des organismes humanitaires. »626
4.83. Parmi les victimes se trouvaient des membres de la famille al-Samouni. Le 4 janvier
2009, des soldats israéliens avaient ordonné à plus de 100 membres de cette famille élargie de se
rassembler dans une maison. Un jour plus tard, celle-ci avait été touchée par des obus d’artillerie et
des balles réelles tirés par Israël. Vingt-sept membres de la famille avaient été tués, dont 11 enfants
et six femmes, et 35 autres blessés627. Au total, 48 membres de la famille al-Samouni avaient été tués
ce jour-là628.
4.84. Le rapport sur l’opération « Bordure protectrice » (2014)629 a conclu que le lourd bilan
de 2 251 morts enregistré dans les rangs palestiniens « [étai]t révélateur »630. Outre ces décès, 11 231
Palestiniens avaient été blessés, dont 3 540 femmes et 3 436 enfants631. L’examen de nombre d’actes
commis au cours de l’opération a révélé à la commission d’enquête que les forces de défense
israéliennes n’avaient ni respecté le principe de distinction dans les attaques632, ni « veillé
constamment » à épargner les civils633, ni pris toutes les mesures de précaution possibles pour éviter
ou, à tout le moins, réduire au minimum les cas accidentels de pertes en vies humaines ou de lésions
dans la population civile634. La commission en a conclu qu’Israël avait utilisé la force sans
626 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza sur
la situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes, 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48), par. 1921.
627 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « 50 stories of Palestinian life under
occupation » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4x9n8c9x).
628 « Amid dust and death, a family’s story speaks for the terror of war », The Guardian, janvier 2009 (accessible
à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2wfk7fea)
629 Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante créée en vertu de la résolution S-21/1 du
Conseil des droits de l’homme, 24 juin 2015, doc. A/HRC/29/52 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/29/52).
630 Ibid., par. 20.
631 Ibid.
632 Ibid., par. 51-52 et 58.
633 Ibid., par. 48.
634 Ibid., par. 41-43 et 48.
- 148 -
discrimination635 et de façon disproportionnée636 et a souligné que nombre de ses actes pouvaient
constituer des crimes de guerre637.
4.85. Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, au
moins 142 familles palestiniennes ont perdu chacune trois membres ou plus dans la destruction de
bâtiments résidentiels par des frappes aériennes israéliennes, qui ont fait 742 morts638. Au nombre
des personnes tuées à cette occasion en l’espace de deux semaines en juillet 2014 figuraient
18 membres de la famille al-Batsh, dont six enfants639 ; 26 membres de la famille Abu Jama, parmi
lesquels 19 enfants et cinq femmes, dont trois étaient enceintes640 ; 19 membres de la famille
Al-Najjar, dont 11 enfants, la plus jeune des victimes étant un bébé de huit mois641 ; 19 personnes
dans la maison de la famille Abu Jabr, parmi lesquelles six enfants et six femmes, dont une était
enceinte642 ; et 37 membres des familles Abu Amr, Breikeh, al-Najjar et Mu’amer, parmi lesquels
18 enfants643.
4.86. Le rapport de la commission d’enquête internationale indépendante relatif à la « Grande
marche du retour » a traité de la manifestation palestinienne de grande ampleur organisée au pied du
mur édifié par Israël dans la bande de Gaza644. Des tireurs embusqués appartenant aux forces de
défense israéliennes ont tiré sur des manifestants à Gaza même, faisant 183 morts et plus de
700 blessés. Les tirs ouverts sur des manifestants palestiniens à coup d’armes à grande vitesse se sont
soldés par « des décès et ont provoqué des blessures avec des conséquences irréversibles pouvant
bouleverser la vie des victimes, telles que des paralysies et des amputations »645.
4.87. La commission d’enquête a conclu que les victimes, qui se trouvaient à quelques
centaines de mètres des forces de défense israéliennes et avaient toutes les apparences de civils, ou
pour certaines de secouristes et de journalistes, visiblement engagés dans des activités civiles,
« avaient été délibérément abattues »646. Elle a constaté que dans tous les cas sur lesquels elle avait
enquêté, sauf un, « l’utilisation de balles réelles par les forces israéliennes contre les manifestants
était illicite »647, car elles avaient tué ou mutilé des manifestants palestiniens qui ne représentaient
pas une menace imminente, dans des circonstances où le recours à la force létale n’était « ni
nécessaire, ni proportionné »648. Les victimes avaient donc été tuées en violation du principe de
635 Ibid., par. 50.
636 Ibid., par. 40, 48 et 58.
637 Ibid., par. 40, 50-53.
638 Report of the Detailed Findings of the Independent Commission of Inquiry on the 2014 Gaza Conflict,
24 juin 2015, doc. A/HRC/29/CRP.4, par. 111 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/29/CRP.4).
639 Ibid., par. 158.
640 Ibid., par. 161.
641 Ibid., par. 126.
642 Ibid., par. 132.
643 Ibid., par. 153.
644 Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur les manifestations dans le Territoire
palestinien occupé, 6 mars 2019, doc. A/HRC/40/74 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/74).
645 Ibid., par. 99.
646 Report of the detailed findings of the independent international Commission of inquiry on the protests in the
Occupied Palestinian Territory, 18 mars 2019, doc. A/HRC/40/CRP.2, par. 692 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/40/CRP.2).
647 Ibid., par. 693.
648 Ibid., par. 694.
- 149 -
distinction consacré par le droit international humanitaire et « en violation de leur droit à la vie »649.
La commission d’enquête a également constaté qu’Israël n’avait pas mené d’enquêtes sur les
allégations faisant état d’actes illicites commis par ses forces armées et qu’un esprit d’impunité
régnait au regard de ses actes650.
4.88. La commission d’enquête a également relevé ce qui suit :
« Les forces de sécurité israéliennes ont tué ou mutilé des manifestants
palestiniens qui ne faisaient peser sur autrui aucune menace imminente de mort ou
d’atteinte grave à son intégrité au moment où ils ont subi des tirs ni ne participaient
directement aux hostilités. Des solutions moins létales étaient disponibles et des
méthodes efficaces de défense étaient en place, d’où il résulte que l’utilisation de la
force létale n’était ni nécessaire ni proportionnée et donc inadmissible651.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La Commission d’enquête considère que la responsabilité des décès et des
blessures résultant d’actes illégaux est partagée. Premièrement, ces actes engagent la
responsabilité de ceux qui ont fait usage de la force létale, qui y ont contribué ou qui
ont autorisé son usage dans des cas spécifiques qui ne constituaient pas une menace
imminente pour la vie ou lorsque la victime ne participait pas directement aux hostilités,
à savoir notamment les tireurs embusqués et leurs observateurs ainsi que les
commandants sur le terrain. Deuxièmement, ils engagent la responsabilité de ceux qui
ont rédigé ou approuvé les règles d’engagement des forces. »652
4.89. L’Assemblée générale s’est exprimée au sujet des mêmes faits, « [s]e déclarant
profondément alarmée par les pertes en vies civiles et le nombre élevé de blessés parmi les civils
palestiniens qu’ont causé les forces israéliennes, notamment dans la bande de Gaza, y compris parmi
les enfants », « [c]ondamnant tous les actes de violence visant des civils » et « [r]éaffirmant la liberté
de réunion pacifique, le droit de manifester pacifiquement et la liberté d’expression et
d’association ». Elle a également
« [d]éplor[é] le recours excessif, disproportionné et indiscriminé à la force par les
forces israéliennes contre les civils palestiniens dans le Territoire palestinien occupé, y
compris Jérusalem-Est, et tout particulièrement dans la bande de Gaza, notamment
l’utilisation de balles réelles contre des manifestants civils, y compris les enfants, ainsi
que contre le personnel médical et les journalistes, et s[’]e[st] déclar[é]e vivement
préoccupée par les pertes en vies innocentes »653.
4.90. Dans son rapport de mai 2022, le Comité des droits de l’homme a déclaré à cet égard ce
qui suit :
649 Ibid. (note de bas de page omise).
650 Ibid., par. 700 et 726.
651 Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur les manifestations dans le Territoire
palestinien occupé, 6 mars 2019, doc. A/HRC/40/74, par. 96 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/40/74).
652 Ibid., par. 107.
653 Assemblée générale, résolution ES-10/20 du 18 juin 2018, préambule et par. 2 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/ES-10/20).
- 150 -
« [Le Comité] est particulièrement préoccupé par l’emploi excessif de la force
dans le cadre du maintien de l’ordre lors de manifestations, notamment celles de la
Grande marche du retour qui ont eu lieu entre mars 2018 et décembre 2019, au cours
desquelles 183 personnes, dont des enfants, des auxiliaires de santé, des journalistes et
des personnes handicapées, ont été abattues. Il est également préoccupé par le fait
qu’aucun auteur n’a été traduit en justice pour l’emploi excessif de la force contre
260 Palestiniens, dont des enfants, lors de l’escalade des hostilités à Gaza en mai
2021. »654
4.91. Les attaques incessantes lancées contre Gaza ont conduit l’Assemblée générale à
déplorer encore récemment, en décembre 2022,
« les retombées négatives persistantes de la poursuite des conflits à l’intérieur de la
bande de Gaza et sur son pourtour, ainsi que le nombre élevé de victimes pendant la
période récente parmi les civils palestiniens, notamment parmi les enfants, et toutes les
violations du droit international, et [à] appel[er] au plein respect du droit international
humanitaire et du droit international des droits de l’homme, ainsi que des principes de
légalité, de distinction, de précaution et de proportionnalité »655.
E. Discrimination exercée par Israël contre les Palestiniens
par le déni de la liberté de circulation
4.92. Israël pratique la discrimination raciale entre colons juifs israéliens et Palestiniens dans
le Territoire palestinien occupé en privant les seconds de leur droit de circuler librement. Qu’ils
vivent en Cisjordanie, à Jérusalem-Est ou dans la bande de Gaza, les Palestiniens sont soumis à de
graves restrictions de la liberté de circulation à l’intérieur, à la sortie ou à l’entrée du Territoire
palestinien occupé, alors que les colons juifs israéliens non seulement ne sont pas soumis à ces
restrictions, mais bénéficient d’un réseau de transport et d’autres facilités, notamment d’un
mécanisme d’accompagnement militaire, qui facilitent leurs déplacements dans l’ensemble de ce
territoire, à sa sortie et à son entrée. En Cisjordanie, ces restrictions séparent matériellement les
communautés palestiniennes les unes des autres et ouvrent des espaces entre elles qui sont comblés
par de nouvelles colonies de peuplement israéliennes ou l’extension de colonies existantes. Par cette
politique, comme l’a constaté le rapporteur spécial en 2021, « le Gouvernement israélien a confiné
les 2,7 millions de Palestiniens de Cisjordanie dans un archipel fragmenté de 165 parcelles de terre
disparates … , encerclé par des centaines de barrages routiers, de murs, de postes de contrôle et de
zones interdites » et assuré « une base terrestre pour les colonies et une liberté de circulation sans
aucune restriction pour les colons »656.
4.93. Ainsi qu’il est expliqué au chapitre 3, Israël a massivement investi dans la construction
d’autoroutes et de routes reliant les colonies de Cisjordanie les unes aux autres, à Jérusalem et au
654 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël,
5 mai 2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 26 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5). Israël a continué de lancer des attaques contre les civils de Gaza lors de l’assaut
militaire de mai 2021, au cours duquel un missile a frappé la maison de la famille al-Qolaq, dans la ville de Gaza, tuant
22 de ses membres : ONU Femmes, « Zainab Al-Qolaq, a Survivor of an Israeli Airstrike on Gaza in May 2021 Tells her
Story », 26 mai 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5jn53wef).
655 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, préambule (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/77/247).
656 Conseil des droits de l’homme, rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 63 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57).
- 151 -
territoire israélien657. Les infrastructures de transport nouvelles ou prolongées, que les colons juifs
israéliens, mais non les Palestiniens, sont libres d’utiliser, permettent aux premiers de se rendre en
Israël pour leur travail, comme le font chaque jour environ 60 % d’entre eux658. Le fait que l’accès
aux emplois en Israël soit rationalisé et sans restriction et que la circulation soit aisée entre les
colonies elles-mêmes a facilité la création de larges « blocs » de colonie en constante extension qui
fonctionnent comme des banlieues de Jérusalem et de Tel-Aviv659. Cette situation renforce les liens
entre Israël et le Territoire palestinien occupé, consolide et étend sa présence et sert ses objectifs
consistant à annexer ce territoire et à y exercer un contrôle permanent.
4.94. Dans la poursuite de ces objectifs, Israël soumet également les Palestiniens à « un
système complexe de contraintes administratives, bureaucratiques et physiques qui touche
pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne », notamment à de pénibles restrictions de la
liberté de se déplacer d’un endroit à l’autre660. En particulier, Israël limite à des degrés divers l’accès
des Palestiniens aux routes de Cisjordanie, allant jusqu’à leur interdire totalement l’utilisation de
certaines routes construites pour l’usage exclusif des colons661. Il utilise un éventail de mesures
complémentaires pour veiller au respect de ces restrictions, dont un régime de permis définissant les
routes que les Palestiniens sont occasionnellement autorisés à emprunter, des centaines de postes de
contrôle permanents ou temporaires, ainsi que des obstacles matériels tels que des barrières de
sécurité, monticules de terre, barrages routiers et tranchées662, comme l’illustre la figure 4.1.
4.95. Ces obstacles à la circulation des Palestiniens de Cisjordanie, qui ne s’appliquent pas
aux colons juifs israéliens, réduisent considérablement la capacité des Palestiniens à se rendre sur
leurs lieux de travail, dans leurs exploitations agricoles ou auprès des membres de leurs familles dans
d’autres communautés palestiniennes ou à accéder aux services médicaux, d’éducation ou autres dont
ils ont besoin dans d’autres parties du Territoire palestinien occupé. Ce sont des éléments de
l’« environnement coercitif » qu’Israël a créé en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, afin
d’encourager les Palestiniens à partir ou de les confiner dans de petites enclaves où ils entraveront
moins l’extension de la « souveraineté » israélienne à la Cisjordanie.
4.96. En 2022, la commission d’enquête internationale indépendante a constaté que les
infrastructures de transports mises en place par Israël dans ce territoire étaient destinées à desservir
uniquement la population juive israélienne des colonies et que, à l’inverse, la circulation des
Palestiniens continuait d’être restreinte, ce qui compromettait leur accès à l’emploi et aux services :
« Alors qu’Israël a mis en oeuvre de vastes projets d’infrastructure visant à
faciliter la circulation des colons, comme la construction de réseaux de routes de
contournement, les Palestiniens de Cisjordanie continuent d’être restreints dans leurs
657 Voir ci-dessus, par. 3.242-3.248.
658 Breaking the Silence, « Highway to Annexation », décembre 2020, p. 4 (accessible à l’adresse suivante : https://
tinyurl.com/4txwk7p7).
659 Ibid., p. 4-12.
660 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 62 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/72/556).
661 ACRI, « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 105-107
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
662 Nations Unies, CNUCED, rapport sur l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien intitulé « Évolution de
l’économie du Territoire palestinien occupé », 8 août 2022, doc. TD/B/EX(72)/2, par. 21 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/TD/B/EX(72)/2).
- 152 -
déplacements, ce qui limite considérablement leur liberté de circulation et leur accès
aux services et aux moyens de subsistance. »663
4.97. La circulation des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est a également été
sérieusement restreinte par le mur de séparation et le régime qui lui est associé664. Comme le montre
la figure 3.6, le mur pénètre sur une longue distance dans le Territoire palestinien occupé, bien
au-delà même des limites de Jérusalem-Est telles qu’elles ont été unilatéralement repoussées par
Israël, et ampute profondément le reste de la Cisjordanie. C’est une structure physique composite,
qui s’étend maintenant sur plus de 450 kilomètres, constituée de murs en béton, de clôtures, de fossés,
de fils barbelés, de bandes de sable, d’un système de surveillance électronique, de chemins de
patrouille, d’une zone tampon et de plusieurs postes de contrôle militaires. Tous ces éléments
restreignent sévèrement la circulation et l’accès à la terre des Palestiniens qui résident à l’intérieur
de ses limites, ainsi que l’accès des Palestiniens du reste de la Cisjordanie à la Ville sainte665. En
revanche, la circulation des Juifs israéliens ne connaît aucune restriction à l’intérieur, à l’entrée ou à
la sortie de cette zone et aucun permis n’est non plus requis pour leurs déplacements à l’intérieur de
la « zone de jointure »666 667.
4.98. Le mur et le régime qui lui est associé servent à couper Jérusalem-Est du reste du
Territoire palestinien occupé. Les Palestiniens du reste de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, à la
différence des colons israéliens qui vivent en Cisjordanie ou des Israéliens qui vivent en Israël
« doivent se procurer des permis spéciaux … auprès de l’armée israélienne » pour entrer dans
Jérusalem-Est et ne peuvent le faire qu’à travers quatre des 14 postes de contrôle existants668. Israël
a rendu extrêmement difficile l’obtention de ces permis par les Palestiniens en durcissant sans cesse
et de plus en plus les conditions d’obtention669. Le taux élevé de rejet des demandes de permis, la
complexité des procédures de demande et la limitation des plages d’ouverture des points de passage
ont eu pour conséquence inévitable que le nombre de permis sollicités par les propriétaires fonciers
663 Conseil des droits de l’homme, rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans
le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022, doc. A/HRC/50/21, par. 49 (note de bas
de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/50/21).
664 Voir HaMoked : Center for Defence of the Individual, « The Permit Regime. Human Rights Violations in the
West Bank Area Known as the “Seam Zone” », mars 2013 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/jhzmtf55).
Voir aussi ci-dessus, par. 3.125-3.130.
665 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Fact Sheet: The humanitarian impact
of 20 years of the Barrier », 30 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ybhm7d7v).
666 La zone du Territoire palestinien occupé située entre la Ligne verte et le mur d’annexion est appelée « zone de
jointure ».
667 Voir ACRI, « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014,
p. 109-114 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
668 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Fact Sheet: The humanitarian impact
of 20 years of the Barrier », 30 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ybhm7d7v) ; rapport
du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 12 août
2022, doc. A/HRC/49/87, par. 42 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
669 Le nombre de ces conditions a quadruplé entre 2003 et 2022. Initialement, les Palestiniens devaient simplement
donner leurs noms et leur numéro de carte d’identité pour accéder à leurs terres. Il leur faut à présent fournir, entre autres,
leur nom, leur numéro d’identité, leur numéro d’inscription au registre foncier, leur titre de propriété, des copies de leur
carte d’identité, leurs attestations de succession et, pour les travailleurs, les documents du propriétaire foncier ainsi qu’une
déclaration de responsabilité émanant de ce dernier. Les conjoints et les enfants des propriétaires fonciers doivent souvent
déposer leur demande à titre d’ouvriers agricoles. Les demandes de permis sont régulièrement rejetées au motif que les
exploitants agricoles n’ont pas suffisamment prouvé leur « lien avec la terre » aux yeux des autorités israéliennes ou pour
des « raisons de sécurité » non précisées. Entre 2014 et 2021, le taux de rejet des demandes de permis a fluctué entre 31 et
67 %. Voir Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Fact Sheet: The humanitarian impact
of 20 years of the Barrier, 30 décembre 2022 » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/42v82t92).
- 153 -
et les travailleurs agricoles a chuté de 77 % entre 2014 et 2021670. Même lorsque les permis ont été
obtenus, ils sont « annulés chaque fois que l’armée impose un “bouclage complet” du Territoire
palestinien occupé, comme c’est le cas à l’occasion des fêtes juives, par exemple »671. L’obligation
d’obtenir un permis entraîne de graves conséquences sur le plan pratique. Ainsi, entre 2019 et 2021,
les autorités israéliennes ont rejeté 24 000 demandes présentées par des Palestiniens de Cisjordanie
qui sollicitaient l’autorisation d’entrer à Jérusalem-Est afin de recevoir des soins dans des hôpitaux
palestiniens672. L’obtention d’un permis est plus difficile encore pour les Palestiniens de la bande de
Gaza qui subissent un blocus depuis 17 ans673. Comme l’a indiqué le Bureau de la coordination des
affaires humanitaires, « quelque 2,1 millions de Palestiniens de Gaza sont “en captivité” et sont, dans
leur grande majorité, privés d’accès au reste du Territoire palestinien occupé et au monde extérieur,
ce qui limite leur accès aux traitements médicaux qui ne sont pas disponibles à Gaza, à
l’enseignement supérieur, à la vie familiale et sociale, à l’emploi et aux possibilités
économiques »674.
670 Ibid.
671 B’Tselem, « Restrictions on Movement », 11 novembre 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://
tinyurl.com/bde74zyc).
672 Organisation mondiale de la Santé, « Right to Health: Barriers to health and attacks on health care in the occupied
Palestinian territory, 2019 to 2021 », Report 2022, 2023, p. 9 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
3nh6fmnn).
673 Voir ci-dessous, par. 4.104, 4.105 et 4.192-4.202.
674 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Gaza Strip, the humanitarian impact
of 15 years of the blockade », juin 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/d58awzrz).
- 154 -
Figure 4.1
Régime de contrôle israélien
Légende :
So-called “Area C” restricted for Palestinians = « Zone C » à accès limité pour les Palestiniens
Checkpoint = Poste de contrôle
Partial checkpoint = Poste de contrôle partiel
Road Gate = Barrière routière pivotante
Road Block = Barrage routier
Earthmound = Monticule de terre
Wall = Mur
Trench = Tranchée
Road Barrier = Barrière routière levante
Israel = Israël
Jenin = Jénine
West Bank = Cisjordanie
Mediterranen Sea = Mer Méditerranée
Nablus = Naplouse
Jordan Valley = Vallée du Jourdain
Jordan = Jordanie
East Jerusalem = Jérusalem-Est
The Green Line = Ligne verte
- 155 -
Bethlehem = Bethléem
Hebron = Hébron
Dead Sea = Mer Morte
Source : Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, https://www.ochaopt.org/content/westbank-
access-restrictions-may-2023.
4.99. En Cisjordanie, ce système ouvertement discriminatoire imposé par Israël influe
sérieusement sur la vie de quelque 10 000 Palestiniens vivant dans la « zone de jointure » et de
plusieurs milliers d’autres qui sont tributaires des exploitations agricoles qui s’y trouvent. Comme
l’a constaté le aux droits de l’homme en mars 2023, « [l]e mur de séparation divise des milliers de
Palestiniens et les sépare de leurs terres. Il constitue un obstacle majeur à leur liberté de circulation,
notamment en entravant l’accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’emploi, et étouffe leur vie »675.
4.100. Ces restrictions discriminatoires ont de vastes et profondes conséquences. Elles violent
un certain nombre de droits humains fondamentaux — dont le droit à la liberté de circulation — et
entravent sérieusement l’accès des Palestiniens aux moyens de subsistance, au logement, aux
établissements scolaires et universitaires, aux établissements sanitaires, aux institutions culturelles et
religieuses et aux rassemblements sociaux sur les plans individuel et national, ainsi qu’à d’autres
éléments essentiels d’une vie normale676. Selon les conclusions d’un rapport de l’Organisation des
Nations Unies de 2021,
« [d]es restrictions ont été imposées aux déplacements des Palestiniens entre la
Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza, ainsi qu’aux déplacements
à l’étranger. Quelque 593 points de contrôle et barrages routiers israéliens continuent
d’entraver effectivement l’accès des Palestiniens à leurs droits et services, notamment
en matière de santé, d’éducation et de travail. En outre, les Palestiniens en Cisjordanie
n’ont pas le droit d’utiliser les routes construites pour les colons israéliens. Les
personnes qui tentent de franchir les points de contrôle font régulièrement l’expérience
d’actes de harcèlement et de difficultés, ce qui entrave gravement leur liberté de
mouvement. »677
4.101. Dans ses observations finales de 2022, le Comité des droits de l’homme a déclaré ce
qui suit :
« Le Comité exprime à nouveau sa profonde inquiétude quant aux restrictions à
la liberté de circulation que l’État partie continue d’imposer dans l’ensemble du
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, moyennant son régime de
permis discriminatoire et la désignation de zones d’accès restreint. Il [se déclarait] en
outre préoccupé par le fait que, pour faire respecter les restrictions à la circulation et à
l’accès, les forces de sécurité israéliennes emploient souvent la force létale, notamment
des balles réelles, ce qui provoque des décès et des blessures graves, notamment chez
les Palestiniens qui font la navette [depuis] la Cisjordanie … , chez les agriculteurs de
Gaza dont les terres ont été désignées comme zone d’accès restreint, et chez les pêcheurs
675 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, déclaration du haut-commissaire concernant le
rapport sur le Territoire palestinien occupé, 3 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/fr/
statements/2023/03/statement-high-commissioner-report-occupied-palestinian-territory).
676 Nations Unies, CNUCED, rapport sur l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien : Évolution de
l’économie du Territoire palestinien occupé, 8 août 2022, doc. TD/B/EX(72)/2, par. 21 et suiv. (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/TD/B/EX(72)/2).
677 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2021, doc. A/76/433, par. 13 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/76/433).
- 156 -
de Gaza qui pêchent le long de la côte de Gaza, où les zones de pêche autorisées sont
souvent réduites ou entièrement fermées (art. 2, 12 et 26). »678
4.102. En décembre 2022, dans sa résolution 77/247, l’Assemblée générale a noté également
avec une « profonde préoccupation »
« la politique israélienne de bouclage et l’imposition de restrictions draconiennes,
notamment par la mise en place de centaines d’obstacles à la circulation et de postes de
contrôle et d’un régime de permis, qui contribu[ai]ent à entraver, dans tout le Territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, la liberté de circulation des personnes et
des biens, notamment des articles médicaux et humanitaires, et l’accès aux projets de
coopération pour le développement et d’assistance humanitaire financés par des
donateurs et leur suivi, et à mettre à mal la continuité territoriale et, par conséquent,
port[ai]ent atteinte aux droits humains du peuple palestinien et nuis[ai]ent à sa situation
socioéconomique et humanitaire, qui demeur[ait] catastrophique dans la bande de Gaza,
et aux efforts de relèvement et de développement de l’économie palestinienne, et [a]
appel[é] de ses voeux la levée complète des restrictions en la matière »679.
4.103. Cette situation a de graves effets sur les moyens de subsistance des Palestiniens de
Cisjordanie. Comme l’a déclaré la CNUCED en 2021,
« [l]e durcissement des bouclages et des restrictions imposés par Israël en Cisjordanie
en réaction à la deuxième Intifada a bloqué le développement, exercé des effets durables
et aggravé la vulnérabilité et les faiblesses structurelles profondément ancrées de
l’économie cisjordanienne. Cela se traduit par une croissance économique instable, des
déficits budgétaires et extérieurs chroniques et des taux de chômage et de pauvreté
constamment élevés. Les mesures imposées par la puissance occupante ont eu des
répercussions durables qui continuent à peser sur l’économie régionale de la
Cisjordanie … Le coût économique cumulé du durcissement des restrictions imposées
par Israël au cours de la période 2000-2019 est estimé à 58 milliards de dollars (en
dollars constants de 2015), soit quatre fois et demie la taille de l’économie régionale de
la Cisjordanie ou trois fois et demie la taille de l’ensemble de l’économie du Territoire
palestinien occupé en 2019. »680
4.104. Ces effets sont encore aggravés pour les Palestiniens résidant à Gaza. Comme l’a
constaté la CNUCED en 2020,
« [l]es 2 millions de Palestiniens vivant à Gaza sont soumis à un bouclage total et à des
restrictions des accès terrestres, maritimes et aériens depuis juin 2007 et ont subi, après
décembre 2008, trois grandes périodes d’hostilités en l’espace de six ans. La présente
étude tente de chiffrer les coûts économiques de l’occupation liés au bouclage, aux
restrictions et aux opérations militaires au cours de la période 2007-2018. D’un point
de vue macroéconomique, la croissance économique ainsi sacrifiée aurait pu se traduire
par un PIB par habitant de 50 à 100 % supérieur au niveau actuel. La perte cumulée de
678 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 36 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
679 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, préambule.
680 Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien :
Arrêt du développement et pauvreté en Cisjordanie », doc. UNCTAD/GDS/APP/2021/2, Genève, 2021, p. 36 (accessible
à l’adresse suivante : https://unctad.org/system/files/official-document/gdsapp2021d2_fr.pdf).
- 157 -
PIB potentiel, soit une partie des coûts économiques de l’occupation, pour la
période 2007-2018 est estimée à 16,7 milliards de dollars (dollars réels de 2015), ce qui
équivaut à six fois le PIB de Gaza ou 107 % du PIB du Territoire palestinien occupé en
2018. Le PIB total sur cette période aurait pu croître de près de 40 %, ce qui aurait
permis de ramener le taux de pauvreté en 2017 de 56 à 15 % et de resserrer l’écart de
pauvreté de 20 à 4 %. »681
4.105. La conséquence inévitable de ces restrictions est l’existence d’un environnement
coercitif qui oblige les Palestiniens à se déplacer vers d’autres parties du Territoire palestinien
occupé, s’ils parviennent à obtenir l’autorisation de le faire des autorités israéliennes, ou à quitter
purement et simplement la Palestine, laissant leurs foyers, leurs terres et leurs familles derrière eux.
4.106. Cependant, Israël a également sévèrement restreint la capacité des Palestiniens à quitter
le Territoire palestinien occupé et y revenir, faisant fi de l’article 12 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et du droit international coutumier, qui consacrent le droit des personnes de
quitter leur propre pays et d’y revenir682. Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies de
2021, « [d]es restrictions ont été imposées aux déplacements des Palestiniens entre la Cisjordanie, y
compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza, ainsi qu’aux déplacements à l’étranger »683.
4.107. Les Palestiniens qui sont originaires de Jérusalem-Est ne peuvent vivre dans leur ville
que s’ils obtiennent et conservent le statut de « résident permanent », lequel est accordé par décision
des autorités israéliennes684. Depuis 1995, la Cisjordanie et la bande de Gaza sont considérées par
Israël comme des « pays étrangers » aux fins d’octroi de la résidence permanente à Jérusalem685.
Seuls les Palestiniens natifs de Jérusalem détiennent par conséquent le statut de « résidents
permanents ». En outre, même les Palestiniens qui remplissent les conditions requises pour bénéficier
du statut de « résident permanent » à Jérusalem peuvent perdre ce statut si le ministre israélien de
l’intérieur détermine que leur « centre de vie » s’est éloigné de Jérusalem686. Ainsi, les Palestiniens
de Jérusalem qui partent passer quelques années à l’étranger pour faire des études, travailler ou vivre
avec des membres de leur famille peuvent voir les autorités déclarer que leur « centre de vie » a
changé et perdre par conséquent leur statut de « résident permanent » et la possibilité de revenir. Ils
se retrouvent ainsi sans titre d’identité officiel, ce qui entame leur capacité à vivre dans une
quelconque partie du Territoire palestinien occupé.
4.108. Le rapporteur spécial a qualifié de discriminatoire le fait que « leur statut de résident
p[uisse] être annulé s’ils quittent Jérusalem pendant un certain temps, une menace qui ne pèse pas
sur les Israéliens juifs »687. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a jugé
681 Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien :
l’appauvrissement de Gaza sous le blocus », doc. UNCTAD/GDS/APP/2020/1, Genève, 2020, p. 37 (accessible à l’adresse
suivante : https://unctad.org/system/files/official-document/gdsapp2020d1_fr.pdf).
682 Norwegian Refugee Council, « Fractured Lives. Restrictions on Residency Rights and Family Reunification in
Occupied Palestine », décembre 2015 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3rv4w5rp).
683 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2021, doc. A/76/433, par. 13 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/433).
684 Voir loi relative à l’entrée en Israël ainsi que ses textes d’application, 5734-1974, disposition 11, point c), et
disposition 11 A ; Israeli Collection of Regulations, no 3201, 18 juillet 1974, p. 1517.
685 Aux termes d’une modification apportée au point c) de la disposition 11 de la loi relative à l’entrée en Israël.
686 Voir loi relative à l’entrée en Israël ainsi que ses textes d’application, 5734-1974, disposition 11, point c), et
disposition 11 A ; Israeli Collection of Regulations, no 3201, 18 juillet 1974), p. 1517.
687 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 44 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 158 -
« discriminatoire » la loi relative à l’entrée en Israël (loi no 5712-1952) qui fonde ces pratiques,
déclarant :
« Le Comité est également préoccupé par l’adoption de la modification no 30 de
2018 de la loi relative à l’entrée en Israël (loi no 5712-1952), qui avait déjà un caractère
discriminatoire, dont les dispositions confèrent au ministre de l’intérieur un large
pouvoir discrétionnaire lui permettant de révoquer le permis de séjour permanent des
Palestiniens vivant à Jérusalem-Est. »688
4.109. Le rapporteur spécial a résumé ainsi la discrimination pratiquée à Jérusalem :
« [L]a loi israélienne confère à presque tous les Palestiniens de Jérusalem le statut
de “résidents permanents”, au même titre que les ressortissants étrangers résidant en
Israël. Les résidents permanents palestiniens paient des impôts … , mais aucun droit ne
leur garantit, comme [aux citoyens israéliens], la possibilité de demeurer à Jérusalem.
Si les Palestiniens de Jérusalem sont des « personnes protégées » au regard du droit de
l’occupation, Israël ne leur reconnaît pas ce statut. … Sans statut de résident permanent,
les Palestiniens vivant dans d’autres parties du Territoire palestinien occupé ne peuvent
pas légalement résider à Jérusalem, ni même s’y rendre temporairement. »689
F. Discrimination exercée par Israël contre les Palestiniens en ce qui concerne
le droit au mariage et au choix du conjoint
4.110. Les lois et politiques d’Israël limitent considérablement le droit des Palestiniens de se
marier et de choisir librement leur conjoint. La loi (temporaire) relative à la nationalité et à l’entrée
en Israël, telle que prorogée, a consolidé une décision du ministère israélien de l’intérieur gelant les
demandes de regroupement familial relatives aux conjoints palestiniens résidant dans le Territoire
palestinien occupé690. Elle a été reconduite en mars 2022691 et prorogée tout récemment en
mars 2023692.
4.111. Cette loi exclut, sauf dans de rares exceptions, la possibilité de regroupement familial
entre un ressortissant israélien et une personne résidant dans quelque lieu du Territoire palestinien
occupé, ce qui affecte sérieusement les liens familiaux et restreint le droit au mariage et au choix du
conjoint693. Elle vise en particulier les couples palestiniens dont l’un des membres a la nationalité
688 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant le rapport d’Israël valant
dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 15 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19).
689 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 41 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
690 Loi (temporaire) relative à la nationalité et à l’entrée en Israël, 5763-2003.
691 « Knesset Plenum passes Citizenship and Entry into Israel Bill into law », Knesset News, 10 mars 2022
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/72znymaf).
692 « La Knesset prolonge d’un an la loi interdisant le regroupement familial palestinien », Times of Israel, 6 mars
2023 (accessible à l’adresse suivante : https://fr.timesofisrael.com/la-knesset-prolonge-dun-an-la-loi-interdisant-leregroupement-
familial-palestinien/).
693 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la Convention, observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
(Israël), 3 avril 2012, doc. CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 18 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
CERD/C/ISR/CO/14-16).
- 159 -
israélienne ou réside à Jérusalem-Est occupée et l’autre réside en Cisjordanie ou dans la bande de
Gaza694.
4.112. Cette politique est parfaitement discriminatoire dans son application, les restrictions
susmentionnées n’étant pas imposées aux couples juifs israéliens, qu’ils résident en Israël ou
illicitement en qualité de colons dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et
qu’ils soient de nationalité israélienne ou des personnes de nationalité étrangère à qui Israël a conféré
le droit de prétendre à la nationalité israélienne en vertu de leur ascendance juive.
4.113. Les Palestiniens vivant dans le Territoire palestinien occupé qui souhaitent fonder une
famille avec un conjoint qui n’est pas résident de ce territoire doivent demander un permis de
résidence pour ledit conjoint. Ce permis est rarement, pour ne pas dire jamais, accordé695. De même,
les Palestiniens de Cisjordanie qui épousent des Palestiniens de la bande de Gaza ont besoin d’un
permis israélien pour vivre avec ces derniers. En revanche, les colons juifs israéliens peuvent
librement choisir de vivre dans le Territoire palestinien occupé, en violation du droit international, et
leur conjoint peut de même librement les y rejoindre, et recevoir en outre une allocation financière à
leur arrivée696.
4.114. Les Palestiniens de Jérusalem-Est qui épousent des personnes vivant dans une autre
partie du Territoire palestinien occupé et souhaitent vivre à Jérusalem-Est avec ces dernières doivent
déposer une demande de regroupement familial auprès du ministère israélien de l’intérieur697. En mai
2002, le ministère de l’intérieur a adopté sa décision 1813 suspendant le traitement de toutes les
demandes de regroupement familial déposées par des personnes de nationalité israélienne et des
résidents de Jérusalem-Est mariés à des Palestiniens vivant dans le Territoire palestinien occupé698.
Il ressort clairement de certaines déclarations faites par des représentants de l’État que le
gouvernement avait décidé de la suspension parce qu’il craignait que les Palestiniens ne se servent
du processus de regroupement familial pour obtenir « subrepticement le droit au retour »699.
4.115. Cette politique a conduit le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale à
déclarer ce qui suit :
« Le Comité est préoccupé par la décision de suspension temporaire prise par
Israël en mai 2002, transformée en loi sur la nationalité et l’entrée en Israël (suspension
temporaire), le 31 juillet 2003, qui suspend pendant une période d’un an renouvelable
la possibilité de regroupement familial, sous réserve d’exceptions limitées et
discrétionnaires, dans les cas de mariages entre citoyens israéliens et personnes résidant
en Cisjordanie et à Gaza. … La loi … soulève de graves questions au titre de la
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
694 Ibid.
695 Al-Haq, « Engineering Community: Family Unification, Entry Restrictions and other Israeli Policies of
Fragmenting Palestinians », février 2019, p. 9-11 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2h9dwyk2).
696 Ibid., p. 6.
697 Norwegian Refugee Council, « Fractured Lives. Restrictions on Residency Rights and Family Reunification in
Occupied Palestine », décembre 2015, p. 41(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3rv4w5rp).
698 B’Tselem et HaMoked, « Forbidden Families: Family Unification and Child Registration in East Jerusalem »,
janvier 2004, p. 11 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4e48s88u).
699 Al-Haq, « Engineering Community: Family Unification, Entry Restrictions and other Israeli Policies of
Fragmenting Palestinians », février 2019, p. 18 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2h9dwyk2).
- 160 -
raciale. L’État partie devrait l’abroger et reconsidérer sa politique en vue de faciliter le
regroupement familial de manière non discriminatoire. »700
4.116. En 2007, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a conclu que « [d]e
telles restrictions qui vis[ai]ent un groupe national ou ethnique particulier [n’étaient] pas
compatibles, d’une façon générale, avec les dispositions de la Convention, en particulier avec
l’obligation, pour l’État partie, de garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi »701. Il a
recommandé par conséquent à Israël « d’abroger la loi sur les règles relatives à la nationalité et à
l’entrée en Israël (dispositions provisoires) et de revoir sa politique dans ce domaine de façon à
faciliter le regroupement familial sans discrimination »702.
4.117. Dans son examen de 2012 concernant Israël, le Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale s’est déclaré à nouveau préoccupé par « la persistance de lois
discriminatoires » dans ce domaine. Il a en particulier prié instamment Israël « d’abroger la loi sur la
nationalité et l’entrée en Israël (Disposition temporaire) et de faciliter le regroupement familial pour
tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique ou leur origine nationale ou autre »703.
4.118. Dans ses observations finales de 2020, le Comité pour l’élimination de la discrimination
raciale a demandé de nouveau à Israël de « revoir sa législation afin de garantir le respect des
principes d’égalité, de non-discrimination et de proportionnalité, et de s’employer à faciliter le
regroupement familial de tous ses citoyens et résidents permanents »704.
4.119. De même, dans ses observations finales de 2019, le Comité des droits économiques,
sociaux et culturels a demandé instamment « à l’État partie de revoir la loi sur la citoyenneté et
l’entrée en Israël (dispositions temporaires) en vue … de faciliter le regroupement familial pour tous
les citoyens et résidents permanents, quels que soient leur statut ou leur origine »705.
4.120. En réponse à ces critiques répétées et aux appels pressants lancés pour qu’il abolisse le
régime discriminatoire empêchant le regroupement familial, Israël a fait exactement l’inverse. En
2022, l’État israélien a introduit dans la loi relative à la nationalité et à l’entrée en Israël un nouveau
point qui dispose expressément qu’elle a pour but de garantir la création d’une majorité
démographique juive :
700 Décisions adoptées par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale lors de sa soixante-troisième
session, décision 2 (63) : Israël, 1599e séance, 14 août 2003, doc. CERD/C/63/Dec.2 (les italiques sont de nous).
701 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapportés présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la Convention, observations finales (Israël), 14 juin 2007, doc. CERD/C/ISR/CO/13, par. 20
(les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/13).
702 Ibid. (les italiques sont de nous).
703 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la Convention, observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
(Israël), 3 avril 2012, doc. CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 18 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/14-16).
704 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant le rapport d’Israël valant
dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 25 (les italiques
sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19).
705 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 41 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/E/C.12/ISR/CO/4).
- 161 -
« La présente loi a pour but d’établir des restrictions pour limiter l’obtention de
la nationalité et du statut de résident en Israël par des ressortissants ou des résidents de
pays hostiles ou de la région, ainsi que les arrangements illicites tendant à l’obtention
d’autorisations de résidence ou de permis de séjour en Israël, tout en prenant en
considération le fait qu’Israël est un État juif et démocratique et d’une manière
susceptible de garantir la protection des intérêts vitaux de l’État en matière de sécurité
nationale. »706
4.121. Dans son rapport de mai 2022, la commission d’enquête internationale indépendante
« [a] constat[é] que …, le 10 mars 2022, les autorités israéliennes [avaie]nt reconduit la loi sur la
citoyenneté et l’entrée en Israël (ordonnance temporaire) ». Au vu de son effet discriminatoire à
l’égard des Palestiniens, la Commission a fait observer que « [c]ette loi [étai]t en opposition radicale
avec la loi du retour (1950), qui établit le droit de “tout Juif” de s’installer en Israël »707.
4.122. Une conclusion similaire a été formulée par le Comité des droits de l’homme dans son
rapport de mai 2022 :
« Le Comité est préoccupé par le fait que la loi sur la citoyenneté et sur l’entrée
en Israël (ordonnance temporaire) continue d’interdire le regroupement familial des
citoyens israéliens avec leurs conjoints palestiniens vivant en Cisjordanie ou dans la
bande de Gaza, ou avec des conjoints vivant dans des États qualifiés d’« États
ennemis ». Il est également préoccupé par le fait que, selon la loi, les résidents de
Jérusalem-Est doivent soit renoncer à leur résidence et vivre en Cisjordanie, soit
demander un permis annuel pour le conjoint non résident. »708
G. Discrimination exercée par Israël à l’égard des Palestiniens
en matière de liberté de religion
4.123. Le droit international coutumier, tel qu’il est consigné à l’article 5 de la CIEDR, prévoit
la protection de toute personne contre la discrimination raciale dans l’exercice de son droit à la liberté
de pensée, de conscience et de religion. Or, ainsi qu’il est indiqué plus haut au chapitre 3709, les
autorités israéliennes imposent de sévères restrictions à l’accès des Palestiniens chrétiens et
musulmans vivant dans le Territoire palestinien occupé aux sites religieux, tandis que les colons
israéliens qui y vivent et les autres ressortissants israéliens peuvent librement se rendre aux différents
lieux saints situés dans ce territoire, y compris Jérusalem-Est, et y prier.
4.124. Des centaines de milliers de Palestiniens, musulmans ou chrétiens, sont régulièrement
empêchés de pratiquer leur culte sur des sites religieux qui sont au nombre des plus importants pour
leur foi dans le monde, notamment à Jérusalem-Est. Les Palestiniens résidant en Cisjordanie ou dans
la bande de Gaza ont ainsi besoin d’un permis chaque fois qu’ils veulent entrer à Jérusalem-Est pour
706 Traduction d’une version anglaise de ce passage de la loi faite dans Adalah, « Israel Reinstates Ban on
Palestinian Family Unification », 10 mars 2022 (accessible à l’adresse https://tinyurl.com/4c53rtvr). Voir aussi « Family
Unification Bill Meant to Stop Palestinian “Creeping Right of Return,” Israel’s Shaked Says », Haaretz, 9 février 2022
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/y5uemref).
707 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022, doc. A/HRC/50/21, par. 46 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/50/21).
708 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 44 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
709 Voir ci-dessus, par. 3.133.
- 162 -
prier à la mosquée Al-Aqsa, au Haram Al-Sharif ou à l’église du Saint-Sépulcre710. Israël impose
aussi régulièrement des restrictions fondées sur l’âge à l’accès des Palestiniens au Haram Al-Sharif
situé à Jérusalem-Est et les autorités israéliennes interdisent parfois l’entrée des fidèles musulmans
pendant plusieurs jours711.
4.125. Les conditions qui empêchent les Palestiniens de la bande de Gaza d’exercer leur droit
de culte sont particulièrement rigoureuses. En règle générale, seules certaines catégories de
Palestiniens chrétiens originaires de Gaza sont autorisées à déposer une demande de permis pour
aller prier à Jérusalem ou à Bethléem et ces demandes sont souvent rejetées, ou accueillies pour
délivrer de façon aveugle ou sélective les permis demandés à certains membres d’une famille et pas
aux autres712.
4.126. Le caractère profondément discriminatoire des restrictions israéliennes frappant l’accès
des Palestiniens aux sites religieux chrétiens et musulmans du Territoire palestinien occupé apparaît
dans toute son évidence si l’on tient compte du fait qu’Israël promeut et protège activement l’exercice
des droits religieux des colons juifs israéliens dans le même territoire713.
4.127. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a critiqué les restrictions
discriminatoires établies par Israël à l’égard du droit des Palestiniens à la liberté de religion. En 2019,
par exemple, il s’est dit :
« préoccupé par le fait que les Palestiniens qui viv[ai]ent dans la bande de Gaza [étaient]
empêchés de se rendre sur les sites religieux de Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est,
en raison de la politique de bouclage appliquée par l’État partie, et par le fait que les
Palestiniens vivant en Cisjordanie [étaient] eux aussi entravés dans leur accès aux sites
religieux de Jérusalem-Est »714.
En conséquence, le Comité a
« recommand[é] à l’État partie [Israël] de faire en sorte que les Palestiniens qui
viv[ai]ent dans le Territoire palestinien occupé puissent exercer leur droit de prendre
part à la vie culturelle et religieuse sans autres restrictions que celles qui [étaient]
strictement proportionnelles aux exigences de sécurité et [étaient] non discriminatoires
dans leur application »715.
710 Voir ci-dessus, par. 4.92-4.109. Voir également Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires, « Some 320,000 West Bank ID holders permitted into East Jerusalem for Ramadan Friday prayers », dans
The Monthly Humanitarian Bulletin, juin 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/48suwp79).
711 Voir « Violence in Middle East Increased Despite Major Religious Observances, Special Coordinator Tells
Security Council, Urging Two-State Solution », Security Council Meetings Coverage, 9309th Meeting, SC/15 264, 25 avril
2023, en particulier l’exposé de Tor Wennesland, coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient ; voir
aussi Ir Amim, « Collective Restrictions on the Entry of Muslim Worshippers to the Temple Mount/Haram al-Sharif »,
novembre 2015 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ydc4uwyc).
712 M. Luft, « Living in a Legal Vacuum: The Case of Israel’s Legal Position and Policy towards Gaza Residents »,
Israel Law Review, vol. 51, 2018, no°2, p. 207-210.
713 ACRI, « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 104-106
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
714 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 70 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org
/E/C.12/ISR/CO/4).
715 Ibid., par. 71 (les italiques sont de nous).
- 163 -
H. Régime discriminatoire de répartition des terres et d’aménagement du territoire
mis en place par Israël dans le Territoire palestinien occupé
4.128. Dès le début de son occupation en 1967, Israël a confiné les Palestiniens de Cisjordanie,
y compris Jérusalem-Est, dans des zones déjà construites afin de faciliter la réalisation de l’objectif
qu’il s’était fixé de s’emparer du maximum de terres palestiniennes tout en réduisant au minimum le
nombre d’habitants palestiniens. Ces zones représentaient moins de 15 % de Jérusalem-Est et 40 %
environ du reste de la Cisjordanie.
4.129. Soixante pour cent de la Cisjordanie sont ainsi devenus en grande partie interdits aux
Palestiniens depuis le début de l’occupation en 1967 (comme le montre la figure 3.7 ci-dessus), Israël
ayant déclaré « terres domaniales » la grande majorité des terres situées dans cette partie du territoire
occupé716. Plus de 99,7% de ces « terres domaniales » ont été allouées à des colons israéliens dans
plus de 270 colonies de peuplement illicites, à l’armée israélienne ou à d’autres organes de l’État
israélien. Moins de 1 % d’entre elles a été attribué à des Palestiniens717. En conséquence, les
Palestiniens se trouvent automatiquement empêchés de faire le moindre usage de presque deux tiers
de la Cisjordanie. Parallèlement, de vastes parcelles de ces « terres domaniales » ont été affectées à
des colonies de peuplement israéliennes à des fins d’aménagement, de construction et d’extension.
Des colonies ont même été implantées sur des terres palestiniennes privées718.
4.130. Dans ses observations finales de 2020, le Comité pour l’élimination de la discrimination
raciale a souligné le caractère et les effets discriminatoires des politiques de confiscation et de
distribution des terres menées par Israël dans le Territoire palestinien occupé, déclarant que
« les implantations israéliennes situées dans le Territoire palestinien occupé, en
particulier en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, [étaie]nt illégales au regard du
droit international et que, de surcroît, elles constitu[ai]ent une entrave à l’exercice des
droits de l’homme par l’ensemble de la population sans distinction fondée sur l’origine
nationale ou ethnique719 ».
4.131. Ayant exclu les Palestiniens de la majeure partie de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est,
Israël cherche en outre à limiter au maximum leur capacité à construire des habitations et à vivre
dans les zones du Territoire palestinien occupé dont ils n’ont pas été officiellement exclus. Ce dessein
s’accomplit essentiellement par une politique d’urbanisme consistant à encourager la construction de
colonies de peuplement pour les Juifs israéliens et à geler concurremment les constructions dans les
communautés palestiniennes. Le caractère discriminatoire de ce régime est largement reconnu. La
haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a ainsi déclaré que « [l]e régime
israélien de zonage et d’aménagement dans la zone C et à Jérusalem-Est [étai]t discriminatoire et
716 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 33-34 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
717 Ibid. Voir également Al-Haq, « Settling Area C: The Jordan Valley Exposed », 2018, p. 18 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/34j4kfam) ; Peace Now, « State Land Allocation in the West Bank – For Israelis
Only », 17 juillet 2018 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3v5za7f4).
718 Voir, par exemple, P. Beaumont, « Israel Votes to Authorise Illegal Settler Homes in Palestine », The Guardian,
5 décembre 2016 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yb57ar75).
719 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant le rapport d’Israël valant
dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 4 (les italiques sont
de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19).
- 164 -
considéré comme incompatible avec les normes du droit international. »720 De même, dans son
rapport de septembre 2022, la commission d’enquête internationale indépendante a formulé la
conclusion suivante : « [L]e régime de planification et de zonage appliqué par Israël se caractérise
manifestement par une approche discriminatoire, puisqu’il est très restrictif lorsqu’il est appliqué
aux projets de construction des Palestiniens alors qu’il est beaucoup moins strict lorsqu’il s’agit de
l’aménagement et du zonage dans les colonies. »721
4.132. La grande majorité des colonies israéliennes du Territoire palestinien occupé
bénéficient de plans de développement modernes et détaillés, promptement avalisés par les autorités
israéliennes chargées de l’aménagement du territoire, ce qui a pour effet de stimuler encore leur
croissance et leur extension. À l’inverse, le développement de la plupart des villages palestiniens est
sérieusement limité par les politiques et la législation israéliennes722. En ce qui concerne Jérusalem-
Est, par exemple, il est établi que
« [l]es lois et l’autorité nationale israéliennes s’appliquent dans l’ensemble de
Jérusalem-Est, tout en introduisant une discrimination systématique à l’égard des
habitants palestiniens, comme pour ce qui a trait à l’urbanisme. Depuis 1967, Israël a
exproprié plus de 38 % des terrains de Jérusalem-Est afin d’y construire uniquement
des implantations et n’en a réservé que 15 %, soit 8,5 % de la superficie totale de la
ville, à la construction de logements destinés aux Palestiniens »723.
4.133. La situation est comparable en Cisjordanie. Dans 60 % de ce territoire, les plans
directeurs qui ont été approuvés pour des constructions palestiniennes concernent moins de 1% de la
superficie totale724. Même dans le 1 % de la zone C que possèdent encore les quelque 180 000 à
300 000 Palestiniens qui y résident, l’administration civile israélienne a imposé un régime
d’aménagement très restrictif qui rend pratiquement impossible l’obtention d’un permis de construire
à des fins résidentielles ou commerciales725. En conséquence, « [l]es Palestiniens de la
zone C … souffrent … du rejet systématique de la presque totalité des plans directeurs présentés,
autant de facteurs qui … s’apparentent à un climat coercitif contraignant les Palestiniens à partir. »726
720 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 30 janvier 2020,
doc. A/HRC/43/67, par. 30 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/43/67).
La haute-commissaire ajoute au paragraphe 41 du rapport que « [l]a politique israélienne de zonage et d’aménagement à
Jérusalem-Est est intrinsèquement discriminatoire et constitue un facteur clef du climat de coercition … , forçant des
Palestiniens à fuir la communauté où ils sont implantés depuis des générations ».
721 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 45 (les italiques sont de nous) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A//77/328).
722 ACRI, « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 99
(accessible à l’adresse https://tinyurl.com/masa37p3) ; B’Tselem, « Planning Policy in the West Bank », 11 novembre 2017
(mise à jour le 6 février 2019) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3uhbet7m).
723 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 40 (les italiques sont de nous) (notes de bas de page omises) (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/73/447).
724 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 50 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/E/C.12/ISR/CO/4).
725 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 51 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/73/447).
726 Ibid. (notes de bas de page omises).
- 165 -
4.134. En 2022, la commission d’enquête des Nations Unies a vu dans le double régime
d’urbanisation mis en place par Israël, l’un pour les colons israéliens, l’autre pour les Palestiniens,
« des schémas de violations du droit à la terre et au logement en Cisjordanie, y compris les violations
systémiques résultant des lois et politiques discriminatoires en matière d’urbanisation et de
zonage »727. Ainsi,
« tandis que les colonies s’étendent rapidement et que les colons israéliens peuvent bâtir
des structures sur les terres occupées, il est presque impossible pour les Palestiniens
d’obtenir des permis de construire dans la zone C car les régimes de zonage et
d’urbanisation sont discriminatoires »728.
4.135. Les régimes séparés et inégalitaires d’aménagement du territoire et de zonage se
traduisent par d’importantes distorsions entre le nombre de demandes de permis de construire
approuvées pour les Palestiniens, d’un côté, et pour les colons israéliens, de l’autre729. En 2021,
ONU-Habitat a fait la constatation suivante :
« La grande majorité des demandes de permis de construire dans la zone C
déposées par des Palestiniens auprès des autorités israéliennes est rejetée au motif que
la zone concernée n’a pas été déclarée constructible. C’est le cas même lorsque le terrain
pour lequel le permis est sollicité appartient incontestablement au demandeur
palestinien »730.
4.136. Les statistiques concernant la délivrance des permis de construire montrent qu’il est
presque impossible à des Palestiniens d’obtenir un tel permis. Ainsi, entre 2009 et 2018, seuls 2 %
des demandes de permis de construire dans la « Zone C » déposées par des Palestiniens auprès des
autorités d’occupation israéliennes ont reçu une réponse favorable (98 sur 4 422)731. Le Bureau des
Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires a souligné plusieurs fois qu’il était
« presque impossible » ou « pratiquement impossible » [« almost impossible »732, « nearly
impossible »733 et « virtually impossible »734] aux Palestiniens de Cisjordanie d’obtenir des permis
de construire officiels des mains des autorités israéliennes, ce qui a entraîné une multitude de
727 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022, doc. A/HRC/50/21, par. 51 (les italiques sont de nous) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/50/21).
728 Ibid., par. 49 (les italiques sont de nous).
729 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 50 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/E/C.12/ISR/CO/4).
730 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, [contributed by] UN-Habitat —
Special Human Settlements Programme for the Palestinian People, « Most Palestinian plans to build in Area C not
approved », dans The Humanitarian Bulletin, janvier-mai 2021 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/ydnbyypp).
731 Peace Now, « (Dis)Approvals for Palestinians in Area C – 2009-2020, 31 janvier 2021 » (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/2yp3num).
732 Voir, par exemple, Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « West Bank
Demolitions and Displacement: An Overview », novembre 2018 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/3z7vkm8j).
733 Voir, par exemple, Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « West Bank
Demolitions and Displacement », janvier 2018 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/yhp9k666).
734 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « West Bank Demolitions and
Displacement: An Overview », mars 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4fkprd9c).
- 166 -
démolitions et expulsions forcées « administratives » opérées par les forces d’occupation israéliennes
contre des Palestiniens qui avaient été contraints de construire sans permis735.
4.137. L’issue discriminatoire du processus d’obtention de permis se trouve pratiquement
garantie par les procédures qu’Israël a mises en place pour l’examen des demandes palestiniennes.
En Cisjordanie, le commandant militaire israélien a établi des conseils régionaux et locaux composés
de représentants élus des colons juifs israéliens qui constituent des « commissions locales spéciales
d’aménagement du territoire »736 et leur a conféré les pouvoirs dont étaient normalement investies
les commissions locales et régionales d’aménagement du territoire737. Ces commissions sont ainsi
habilitées à élaborer des plans d’aménagement du territoire et à délivrer des permis de construire, y
compris aux membres de leurs propres communautés, pouvoir que n’ont pas les Palestiniens de
Cisjordanie. Il s’ensuit que les colons israéliens illicitement présents dans le Territoire palestinien
occupé — mais pas les Palestiniens autochtones — voient leurs intérêts représentés dans les
commissions d’aménagement du territoire compétentes et sont pleinement associés au processus
d’aménagement de leurs colonies, notamment à la délivrance des permis de construire et à la
supervision des travaux de construction, ce qui aggrave le caractère illicite de ces mesures738.
4.138. La procédure d’aménagement des villages palestiniens est tout à fait différente. En
particulier, les conseils de ces villages ne peuvent pas jouer le rôle des commissions locales
d’aménagement. En application de l’ordonnance militaire 418, les commissions chargées de
l’aménagement des villes et des villages palestiniens sont exclusivement constituées de représentants
d’Israël739. Comme l’a relevé le rapporteur spécial en 2022, « [c]ontrairement aux colons juifs, les
Palestiniens ne sont pas représentés et n’ont pas voix au chapitre dans la prise de décisions concernant
le zonage et l’affectation des biens dans la majeure partie de la Cisjordanie »740.
4.139. En 2014, le Secrétaire général des Nations Unies a exposé en détail les diverses
manières dont la politique d’aménagement du territoire israélienne était « discriminatoire à l’égard
des Palestiniens par rapport aux colons israéliens » :
« Dans la zone C de Cisjordanie, les Palestiniens n’ont pas le droit de construire
sur 70 % environ du territoire et, sur les 30 % restants, ils sont soumis à de strictes
restrictions de construction. Il a été prévu de réserver moins de 1 % de la zone C au
développement urbain des Palestiniens. Les Palestiniens, à la différence des colons
israéliens, ne sont pas associés au processus d’aménagement. La conjugaison de ces
facteurs rend quasiment impossible l’obtention par les Palestiniens d’une autorisation
735 Voir ci-dessus, par. 3.108-3.110 et 3.226-3.236. Voir également Bureau des Nations Unies pour la coordination
des affaires humanitaires, UN-Habitat — Special Human Settlements Programme for the Palestinian People, « Most
Palestinian plans to build in Area C not approved », dans The Humanitarian Bulletin, janvier-mai 2021 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ydnbyypp). Voir la déclaration de T. Wennesland, coordonnateur spécial pour le
processus de paix au Moyen-Orient, « Security Council Briefing on the Situation in the Middle East: Report of the
Secretary-general on the implementation of UNSCR 2334 » (2016), 22 mars 2023, p. 2 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/5fv5t8hy).
736 Pour de plus amples détails sur cette question, voir Norwegian Refugee Council, « A Guide to Housing, Land
and Property Law in Area C of the West Bank », février 2012, p. 57-58. (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/y8rxf5at).
737 Art. 2a City Planning Order. Voir aussi Amendment No. 2 (Military Order No. 604).
738 ACRI, « One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 93-97
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
739 Ibid., p. 95.
740 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 43 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 167 -
de construire des logements ou des infrastructures dans la zone C. De nombreux
Palestiniens construisent donc sans permis, et risquent de ce fait d’être expulsés, de voir
leurs maisons détruites et d’être déplacés.
Au contraire, les autorités israéliennes ont fait bénéficier les colonies de plans
d’urbanisme détaillés et de politiques préférentielles, notamment en accordant des
incitations et des avantages aux colons, en attribuant aux colonies des terrains en vue de
leur extension et en les raccordant aux infrastructures et aux services publics. En outre,
l’application rigoureuse des lois d’urbanisme aux communautés palestiniennes, qui
cause un grand nombre d’expulsions et de démolitions de structures palestiniennes,
contraste avec la souplesse manifestée par les autorités dans ce domaine envers les
colonies de peuplement israéliennes.
La politique d’aménagement du territoire est donc discriminatoire à l’égard des
Palestiniens par rapport aux colons israéliens. »741
4.140. En 2019, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a exprimé une
préoccupation similaire, déclarant que :
« les lois et politiques d’aménagement et de zonage territorial ont des effets
discriminatoires sur les Palestiniens et les communautés bédouines en Cisjordanie,
comme l’illustre le fait que moins de 1 % des terrains dans la zone C et 13 % des terrains
à Jérusalem-Est sont affectés à la construction d’infrastructures palestiniennes »742.
4.141. Dans ses observations finales sur Israël, le Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale a constaté « avec une préoccupation particulière »
« a) Que les lois et politiques d’aménagement et de zonage territorial [avaie]nt des
effets discriminatoires sur les Palestiniens et les communautés bédouines en
Cisjordanie, que les démolitions de bâtiments et d’infrastructures, y compris de puits
d’eau, se poursuiv[ai]ent, ce qui provoqu[ait] de nouveaux déplacements de
Palestiniens ;
b) Que la procédure de demande de permis de construire [était] longue, complexe et
onéreuse et que peu de demandes [étaie]nt approuvées, alors qu’un traitement
préférentiel continu[ait] d’être réservé à l’expansion des implantations israéliennes,
du fait notamment que des “terres du domaine public” [étaie]nt utilisées pour créer
des implantations »743.
741 Rapport du Secrétaire général intitulé « Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et dans le Golan syrien occupé », 12 février 2014, doc. A/HRC/25/38, par. 12-14 (notes
de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/25/38).
742 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 50 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/E/C.12/ISR/CO/4).
743 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant le rapport d’Israël valant
dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 42 (les italiques
sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19). Sur le caractère discriminatoire
du régime de répartition des terres et d’aménagement du territoire instauré par Israël, voir aussi Conseil des droits de
l’homme, rapport de la rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie
suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, Raquel Rolnik. Additif. Mission en Israël et dans le
Territoire palestinien occupé, 24 décembre 2012, doc. A/HRC/22/46/Add.1, par. 50-51 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/22/46/Add.1) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 23 octobre 2017, doc. A/72/556, par. 54 (accessible à l’adresse suivante :
- 168 -
4.142. En 2022, le Comité des droits de l’homme a conclu que l’existence de régimes
d’aménagement du territoire différents dont l’un était applicable aux colonies israéliennes et l’autre
aux communautés palestiniennes en Cisjordanie constituait une violation de l’interdiction de la
discrimination inscrite à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a
déclaré « prend[re] note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle les démolitions [étaie]nt
limitées aux constructions illégales » mais regretter
« que les Palestiniens soient depuis des décennies systématiquement privés de leurs
droits à la terre et au logement, qu’il leur [soit] quasi impossible d’obtenir un permis de
construire, à cause du régime restrictif de zonage et d’aménagement en Cisjordanie, et
qu’ils n’[aie]nt de ce fait d’autre choix que de construire illégalement et risquer la
démolition et l’expulsion. À cet égard, le Comité [a] exprim[é] sa profonde
préoccupation quant au fait que la pratique systématique de démolitions et d’expulsions,
fondée sur des politiques discriminatoires, a[vait] conduit à la séparation des
communautés juives et palestiniennes dans le Territoire palestinien occupé, qui [était]
constitutive de ségrégation raciale (art. 2, 7, 12, 14, 17, 26 et 27). »744
4.143. Le Comité a rappelé avec force ses précédentes recommandations, libellées comme
suit :
« [L]’État partie [Israël] doit s’abstenir de procéder à des expulsions et des
démolitions fondées sur des politiques d’aménagement, des lois et des pratiques
discriminatoires à l’égard des Palestiniens, et aussi des Bédouins, en Cisjordanie, y
compris à Jérusalem-Est. L’État partie devrait revoir et réformer son régime
d’aménagement et de zonage ainsi que son système de permis de construire afin de
prévenir les expulsions et les démolitions dues à l’impossibilité pour les Palestiniens
d’obtenir des permis de construire, et veiller à ce que les populations concernées
puissent participer à la planification de l’aménagement. Il devrait également veiller à ce
que des garanties procédurales et les garanties d’une procédure régulière soient offertes
contre les expulsions et les démolitions. »745
4.144. Israël continue néanmoins d’user de ces pratiques, politiques et lois discriminatoires en
matière d’aménagement du territoire dans le Territoire palestinien occupé, en violation du droit
international et des droits du peuple palestinien.
I. Accès discriminatoire aux ressources naturelles et restrictions frappant
leur utilisation dans le Territoire palestinien occupé
4.145. Depuis le début de l’occupation du territoire palestinien, Israël s’approprie
systématiquement les ressources naturelles de ce territoire, dont les réserves d’eau douce, pour son
bien propre et celui de ses colonies de peuplement illicites, à l’exclusion du peuple palestinien qui,
au regard du droit international, jouit d’une souveraineté permanente sur ces ressources. Cette
https://undocs.org/A/72/556) ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 7 et 38-44 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87) ; Conseil des droits de l’homme, rapport de la Commission internationale indépendante
chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022,
doc. A/HRC/50/21, par. 51 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/50/21).
744 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
745 Ibid., par. 43.
- 169 -
appropriation constitue une violation du droit international746 en même temps qu’un moyen de
consolider sa colonisation et son annexion illicites de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est747.
4.146. L’appropriation par Israël des ressources naturelles sur la base d’une discrimination
raciale est particulièrement marquée en ce qui concerne l’accès à l’eau, la ressource la plus vitale du
Territoire palestinien occupé. La commission d’enquête internationale indépendante a expliqué
qu’« Israël a[vait] pris le contrôle de toutes les ressources en eau de la Cisjordanie et en utilis[ait]
une grande partie pour satisfaire ses propres besoins »748.
4.147. Le Jourdain et l’aquifère montagneux constituent les deux principales sources d’eau en
Cisjordanie. En ce qui concerne le premier, « Israël a interdit aux Palestiniens d’y puiser, en déclarant
ses berges zones militaires d’accès réglementé et en détruisant les pompes à eau et les puits
d’irrigation palestiniens »749. Pour ce qui est du second, il existe de grandes disparités en matière
d’usage et d’extraction. En 2014, par exemple, la part des eaux de l’aquifère revenant à Israël était
estimée à 87 %, contre 13 % pour les Palestiniens750. La haute-commissaire des Nations Unies aux
droits de l’homme a dit qu’il s’agissait d’une « répartition extrêmement inéquitable de l’eau »751.
4.148. L’expropriation par Israël des ressources en eau de la Cisjordanie et leur répartition
discriminatoire sont les fruits conjugués de lois, de mesures administratives ainsi que
d’infrastructures physiques d’approvisionnement en eau construites et contrôlées par Israël. Peu
après s’être emparé de la Cisjordanie, le commandant militaire israélien a pris, le 15 août 1967, une
ordonnance transférant le contrôle de toutes les ressources en eau de Cisjordanie à l’armée
israélienne752, qui a assuré la gestion directe du réseau d’approvisionnement en eau de Cisjordanie
jusqu’en 1982. Cette année-là, le ministère de la défense a transféré cette compétence à Mekorot,
une société israélienne dont le Gouvernement israélien est actionnaire à 50% et qui contrôle le réseau
depuis lors753. La haute-commissaire aux droits de l’homme a décrit comment Mekorot exploite des
746 Voir règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la quatrième convention de
La Haye de 1907, art. 55.
747 Voir ci-dessus, par. 3.249-3.256.
748 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 35 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
749 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 30 mai 2019, doc. A/HRC/40/73, par. 44 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante : https:
//undocs.org/A/HRC/40/73).
750 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 30 mai 2019, doc. A/HRC/40/73, par. 48 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/73).
751 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Répartition des ressources
en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », 15 octobre 2021, doc. A/HRC/48/43, par. 27
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/48/43).
752 Military Order No. 92: « Order Concerning Jurisdiction over Water Regulations ».
753 Comme l’a fait observer le rapporteur spécial : « Le système hydrologique de la Cisjordanie, doté d’abondants
aquifères montagneux, est depuis 1982 la propriété de Mekorot, compagnie nationale des eaux, et profite principalement à
Israël. » (Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2018, doc. A/73/447, par. 50 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/73/447).)
- 170 -
dizaines de puits, de conduites principales et de réservoirs qui prélèvent de l’eau dans le territoire
palestinien pour alimenter les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie754.
4.149. Nombre d’autres rapports établis par des organismes indépendants ont également
épinglé la politique discriminatoire d’Israël en matière d’allocation des ressources en eau dans le
Territoire palestinien occupé. En 2018, le rapporteur spécial a indiqué que « [l]’accès à l’eau potable
en quantité suffisante dans le Territoire palestinien occupé [étai]t gravement compromis en raison de
l’accès discriminatoire aux sources d’eau en Cisjordanie »755. En 2019, la Commission internationale
de juristes a fait savoir que « les politiques et pratiques israéliennes en vigueur en Cisjordanie en
matière d’approvisionnement en eau opéraient une discrimination contre la population palestinienne
et en faveur des colons, le réseau d’approvisionnement en eau palestinien de Cisjordanie ayant été
intégré à celui d’Israël »756. En 2022, la commission d’enquête internationale indépendante a fait la
constatation suivante :
« Le contrôle total exercé par Israël sur les ressources hydriques est un obstacle
clé à l’approvisionnement abordable et adéquat des Palestiniens en eau. Conjugué à
l’interdiction de construire de nouvelles installations hydriques et d’entretenir les
installations existantes sans permis militaire, ce contrôle accroît le risque de pénurie
d’eau qui pèse sur les Palestiniens. »757
4.150. En conséquence des actions d’Israël, « 180 villages palestiniens en Cisjordanie n’ont
pas accès à l’eau courante » tandis que « l’eau est souvent coupée même dans les villes et villages
reliés au réseau d’approvisionnement ». En revanche, « [l]es colons israéliens qui sont installés à
côté, parfois à quelques centaines de mètres, des Palestiniens en Cisjordanie ne sont pas concernés
par de telles restrictions et coupures d’eau, et peuvent profiter de terres agricoles bien irriguées et de
piscines »758.
4.151. En 2013, le rapporteur spécial a recommandé qu’Israël « mette fin immédiatement à
ses politiques et pratiques discriminatoires qui ont pour objet de dénier aux Palestiniens la part des
ressources qui leur revient dans les ressources en eau en Cisjordanie et dans la bande de Gaza »759.
754 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Répartition des ressources
en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », 15 octobre 2021, doc. A/HRC/48/43, par. 18
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/48/43).
755 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 14 juillet 2018, doc. A/HRC/37/75, par. 27 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/
HRC/37/75).
756 International Commission of Jurists, The Road to Annexation – Israel’s Maneuvers to Change the Status of the
Occupied Palestinian Territories: A Briefing Paper, novembre 2019, p. 14 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/5n82b9xk).
757 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 70 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
758 Amnesty International, L’occupation de l’eau, 29 novembre 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://
www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2017/11/the-occupation-of-water/).
759 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par
Israël depuis 1967, 10 septembre 2013, doc. A/68/376, par. 76 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A
/68/376).
- 171 -
4.152. De même, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale « [a] engag[é] l’État
partie à réexaminer l’ensemble de sa politique de façon à garantir aux Palestiniens … l’accès aux
ressources naturelles (et principalement aux ressources en eau) »760.
4.153. L’étendue de la discrimination qu’Israël fait subir aux Palestiniens en matière d’accès
à l’eau et les conséquences qui en résultent ont été mis en évidence par la haute-commissaire des
Nations Unies aux droits de l’homme dans un rapport de septembre 2021 sur la « répartition des
ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est »761 :
« Les autorités israéliennes soumettent les quelque 450 000 colons israéliens et
les 2,7 millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie (à l’exclusion de Jérusalem-Est) à
deux régimes juridiques distincts, ce qui donne lieu à des inégalités de traitement dans
divers domaines, notamment l’accès à l’eau. »762
« La priorité accordée par Israël/Mekorot à l’approvisionnement permanent en
eau des colonies de peuplement israéliennes, au détriment de la population
palestinienne, porte gravement atteinte à l’exercice des droits humains des Palestiniens,
y compris leurs droits à l’eau potable et à l’assainissement. Les Palestiniens continuent
de subir des pratiques discriminatoires qui les empêchent d’exercer leurs droits à l’eau
potable et à l’assainissement. »763
760 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la Convention, observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
(Israël), 3 avril 2012, doc. CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 25 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/
C/ISR/CO/14-16). Voir également, sur la politique discriminatoire d’Israël en matière d’eau et de ressources naturelles en
Cisjordanie : rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, doc. A/72/556, 23 octobre 2017, par. 54 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/72/556) ;
Conseil des droits de l’homme, rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 58 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57) ; Conseil des droits de l’homme, rapport de la Commission internationale indépendante
chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022,
doc. A/HRC/50/21, par. 52 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/50/21) ; rapport de la Commission
internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël,
14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 35 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/328).
761 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Répartition des ressources
en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », 15 octobre 2021, doc. A/HRC/48/43 (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/48/43).
762 Ibid., par. 31 (les italiques sont de nous) (note de bas de page omise).
763 Ibid., par. 66 (les italiques sont de nous). Comme l’a également expliqué le rapporteur spécial, « les colonies
israéliennes jouent un rôle important dans la poursuite des pratiques discriminatoires d’extraction et d’utilisation de l’eau
en Cisjordanie. Toutes les colonies israéliennes sont raccordées au réseau national d’approvisionnement en eau exploité
par Mekorot et elles reçoivent des volumes d’eau d’un niveau correspondant à ceux des pays développés aux fins
d’approvisionnement en eau de boisson, d’assainissement et d’utilisation commerciale. Par contraste, dans la zone C, près
de 180 communautés palestiniennes ne sont pas reliées à un réseau d’alimentation en eau, ce qui les rend tributaires de
puits peu profonds ou les contraint à acheter de l’eau livrée par camion-citerne à des prix prohibitifs. C’est dans la vallée
du Jourdain que les disparités sont les plus marquées : selon des chiffres de 2013, l’essentiel des 32 millions de mètres
cubes d’eau puisés cette même année par Mekorot dans l’aquifère de montagne ont bénéficié à 10 000 colons israéliens à
des fins d’utilisation domestique et agricole. Par comparaison, les 2,7 millions de Palestiniens de Cisjordanie n’ont reçu
que 103 millions de mètres cubes puisés dans l’aquifère de l’ouest ». (rapport du rapporteur spécial sur la situation des
droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 30 mai 2019, doc. A/HRC/40/73, par. 52 (notes de
bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/73)).
- 172 -
J. Discrimination raciale exercée par Israël en ce qui concerne les droits sociaux et
économiques dans les domaines du travail, de l’éducation et de la santé
4.154. L’une des pratiques discriminatoires israéliennes fondées sur l’appartenance raciale que
les Palestiniens subissent porte sur divers droits économiques et sociaux.
1. Droits relatifs au travail
4.155. La mise en place de centaines de postes de contrôle et d’autres points de fermeture et
restrictions ainsi que la construction du mur et le régime qui y est associé, notamment les restrictions
frappant les déplacements dans la « zone de jointure », portent gravement atteinte au droit des
Palestiniens du Territoire palestinien occupé de choisir et d’exercer librement leur emploi et à leur
droit d’accéder à leur lieu de travail.
4.156. Les agriculteurs palestiniens, notamment, sont systématiquement privés de conditions
de travail favorables, l’accès à leurs terres agricoles étant entravé, en particulier dans la « zone de
jointure » située entre le mur et la Ligne verte. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des
affaires humanitaires a constaté que plus de la moitié des communautés de Cisjordanie examinées
n’avaient pas directement accès à leurs terres de façon systématique :
« Les restrictions mises en place pour limiter l’ouverture de l’accès et les
attributions de permis ont déjà une incidence négative sur les pratiques agricoles et les
moyens de subsistance des familles rurales. De nombreux agriculteurs ne cultivent plus
du tout ou que rarement leurs terres ou ont opté pour des cultures moins exigeantes et
de rendement inférieur. Les conséquences à long terme pour ces communautés [sont]
incertaines, car ils perdent le contact avec la terre dont dépendent leurs moyens de
subsistance actuels et leur survie dans le futur. »764
4.157. L’inégalité marquée existant en matière de liberté de circulation qui a été décrite cidessus
et son incidence sur les droits des Palestiniens relatifs au travail a conduit le Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale à formuler la conclusion suivante :
« [L]es restrictions importantes de la liberté de circulation imposées dans les
territoires palestiniens occupés, qui visent un groupe national ou ethnique donné, en
particulier au moyen du mur, des postes de contrôle, des restrictions de la circulation
sur certaines routes et du système de permis, sont à l’origine de graves difficultés et ont
eu des effets hautement préjudiciables sur la jouissance des droits de l’homme par les
Palestiniens, en particulier leurs droits … au travail. »765
4.158. Dans le Territoire palestinien occupé, les travailleurs palestiniens les plus touchés par
les politiques discriminatoires d’Israël sont ceux qui travaillent à Jérusalem-Est mais vivent ailleurs
en Cisjordanie. Jérusalem-Est fait partie intégrante de la Cisjordanie et en a constitué le centre
économique pendant des décennies. Du fait du renforcement des restrictions d’accès à Jérusalem-Est,
764 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Three Years Later: The
Humanitarian Impact of the Wall since the International Court of Justice Opinion », 9 juillet 2007 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/4wbvhn4e).
765 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la Convention, observations finales (Israël), 14 juin 2007, doc. CERD/C/ISR/CO/13, par. 34
(les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/13). Voir également
rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967,
12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 50 b) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 173 -
notamment par la construction du mur et le régime qui lui est associé, les Palestiniens qui vivent dans
d’autres parties de la Cisjordanie ont besoin de permis israéliens pour travailler à Jérusalem-Est,
permis qui, dans la pratique, sont très difficiles à obtenir766.
4.159. Certains secteurs sont plus durement touchés que d’autres par ces restrictions : de
nombreux enseignants travaillant dans des établissements palestiniens de Jérusalem ne peuvent plus
enseigner, et de nombreux médecins et infirmières qui travaillaient dans des hôpitaux de Jérusalem
ont été contraints de quitter leurs postes en raison des difficultés rencontrées à l’entrée de la ville767.
D’après les estimations des Nations Unies, 95 % des Palestiniens vivant dans d’autres parties de la
Cisjordanie et 77 % des Palestiniens de Jérusalem-Est ont du mal à se rendre sur leurs lieux de
travail768. En 2011, plus de la moitié des ménages de Jérusalem-Est détenteurs de cartes d’identité
cisjordaniennes ont dit que leur soutien de famille avait été contraint de changer de lieu de travail à
cause du mur769. La situation est bien différente pour les colons israéliens du Territoire palestinien
occupé, qui peuvent librement se rendre chaque jour à leur travail à Jérusalem, comme les autres
personnes de nationalité israélienne, ou à n’importe quel endroit du Territoire palestinien occupé
sans aucune restriction ou limite.
2. Accès à l’éducation
4.160. Les restrictions frappant les déplacements qui s’appliquent à la seule population
palestinienne et pas aux colons israéliens vivant illicitement dans le Territoire palestinien occupé ont
également une incidence majeure sur l’éducation dans l’ensemble du territoire. Les élèves et
étudiants palestiniens de Jérusalem-Est ou d’autres parties de la Cisjordanie, en particulier ceux qui
vivent à proximité des colonies de peuplement israéliennes, pâtissent chaque jour ou presque des
retards qu’ils subissent aux postes de contrôle. Les fouilles corporelles et de sacs, invasives,
coercitives et humiliantes, sont fréquentes, et les élèves comme leurs enseignants sont souvent
harcelés par des colons israéliens, en particulier dans le secteur « H2 » d’Hébron et les zones
adjacentes aux colonies israéliennes770.
4.161. En 2019, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels s’est déclaré préoccupé
par :
« a) la pénurie d’établissements scolaires due à la démolition, fréquente, des bâtiments
scolaires et à la confiscation des locaux ou des supports pédagogiques par les
766 S. Bashi et E. Diamond, « Separating Land, Separating People: Legal Analysis of Access Restrictions between
Gaza and the West Bank », Gisha, 2015, p. 4 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/umshw5dw). Voir aussi
B’Tselem, « Restrictions on Movement », 11 novembre 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
57kxw4tt).
767 Nations Unies, CNUCED, « L’économie palestinienne de Jérusalem-Est : face à l’annexion, à l’isolement et au
risque de désintégration », Genève, 2013, p. 25 (accessible à l’adresse suivante : https://unctad.org/system/files/
official-document/gdsapp2012d1_fr.pdf) ; Civic Coalition for Palestinian Rights in Jerusalem, « Parallel Report to the
Committee on the Elimination of Racial Discrimination on Israel’s Seventeenth to Nineteenth Periodic Reports »,
1er novembre 2019, p. 12, par. 35 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/makd8992).
768 UNISPAL, « The Separation Wall in Jerusalem: Economic Consequences », 28 février 2007 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2vshb2s9).
769 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Barrier Update », juillet 2011, p. 15
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/y92hmb4k).
770 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 64 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/E/C.12/ISR/CO/4) ; voir également Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires, « The Humanitarian Situation in the H2 Area of Hebron City: Findings of Needs Assessment », avril 2019,
p. 7, 10 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/24czapu4).
- 174 -
autorités israéliennes, ainsi que les difficultés rencontrées pour obtenir des permis
de construire et se procurer les matériaux de construction qui, pour la plupart, sont
interdits au titre des restrictions à l’importation de biens à double usage ;
b) la précarité de l’environnement éducatif dans lequel les élèves palestiniens sont
scolarisés, précarité liée aux perquisitions auxquelles se livrent, en armes ou sans
armes, les forces de sécurité israéliennes dans les écoles palestiniennes ;
c) la fréquence des cas de harcèlement ou de menaces de la part des forces de sécurité
ou des colons israéliens envers les élèves et les enseignants aux points de contrôle
ou le long des routes, qui empêche tout particulièrement les filles de se rendre à
l’école. »771
4.162. Même lorsque les élèves et étudiants palestiniens parviennent à accéder à leurs
établissements, c’est parfois pour constater qu’ils ont été démolis par les autorités israéliennes. Dans
ses observations finales de 2022, le Comité des droits de l’homme s’est ainsi déclaré préoccupé « par
l’augmentation et l’intensification de la pratique de l’État partie [Israël] consistant à démolir
des … infrastructures palestiniennes, notamment des écoles … en Cisjordanie, comme à Cheik
Jarrah »772.
4.163. Israël exerce également une discrimination contre les Palestiniens du Territoire
palestinien occupé en ce qui concerne l’accès à l’enseignement supérieur. Les Palestiniens de la
bande de Gaza sont soumis à des restrictions particulièrement lourdes à cet égard. En 2019, le Comité
des droits économiques, sociaux et culturels s’est déclaré préoccupé par « l’interdiction générale
imposée depuis 2014 aux étudiants de la bande de Gaza d’accéder à l’enseignement dispensé en
Cisjordanie, qui fai[sai]t que les étudiants gazaouis [avaient] un accès limité à l’enseignement
supérieur tout particulièrement »773.
4.164. Les forces militaires israéliennes entravent aussi l’accès des Palestiniens à l’éducation
en arrêtant, intimidant et harcelant les étudiants et le personnel des universités. Un rapport des
Nations Unies de 2021 a souligné que « [l]es arrestations et le harcèlement d’étudiants et de
professeurs d’université palestiniens s’[étaie]nt » intensifiés, notamment à l’Université de Bir Zeit
sise à Ramallah, où « plus de 74 arrestations d’étudiants » avaient été signalées pour la seule période
de septembre 2019 à janvier 2020774. Le rapporteur spécial a rappelé à cet égard qu’« il incomb[ait]
à la puissance occupante de veiller à ce que le droit à l’éducation [fût] respecté »775.
771 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 64 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org
/E/C.12/ISR/CO/4).
772 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
773 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 66 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.
org/E/C.12/ISR/CO/4).
774 Conseil des droits de l’homme, rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les
territoires palestiniens occupés depuis 1967, 29 juillet 2021, doc. A/HRC/47/57, par. 20 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/47/57).
775 Ibid.
- 175 -
4.165. À l’inverse, les colons israéliens ne subissent aucune de ces restrictions ni d’actes de
harcèlement. Ils accèdent librement à l’éducation dans des établissements situés dans les colonies, à
Jérusalem ou en Israël776.
3. Accès à la santé
4.166. Le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme font
obligation à Israël de veiller à la protection du droit à la santé777. Or la fourniture de services de santé
aux Palestiniens du Territoire palestinien occupé est considérablement entravée par des restrictions
que n’ont pas à subir les colons israéliens du même territoire. Ces restrictions sont contraires aux
principes fondamentaux du droit humanitaire et du droit des droits de l’homme ainsi qu’à
l’interdiction de la discrimination raciale.
4.167. Dans son rapport de 2022 sur le Territoire palestinien occupé, l’OMS a décrit la
situation de la façon suivante :
« De 2019 à 2021, les Palestiniens de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de
la bande de Gaza ont continué de voir entraver sérieusement l’exercice de leur droit à la
santé. La santé des Palestiniens est soumise à des facteurs d’iniquité structurels au
nombre desquels figurent l’occupation persistante, les divisions politiques, la
fragmentation du territoire, le blocus de la bande de Gaza, les obstacles physiques aux
déplacements et la mise en place d’un régime de permis. Ces facteurs ont une incidence
sur la disponibilité des services de santé, par l’effet notamment de la limitation des
financements, d’entraves à l’accès à la santé, en particulier pour les personnes orientées
vers des spécialistes exerçant leurs activités en dehors du Territoire palestinien occupé,
et d’attaques subies par le secteur de la santé. »778
4.168. Selon l’OMS, les éléments suivants sont de graves facteurs d’iniquité :
les retards de traitement et rejets arbitraires des demandes de permis pour les patients palestiniens
orientés vers des hôpitaux de Jérusalem-Est ou d’Israël ;
les actes arbitraires de retardement des ambulances et des professionnels de la santé et de refus
de les laisser entrer commis aux postes de contrôle ;
les obstacles bureaucratiques à l’approvisionnement en médicaments qui ont trouvé « une
illustration criante dans l’accès différencié des Palestiniens aux vaccins contre la
COVID-19 »779 ; et
776 Rapport du Secrétaire général au Conseil des droits de l’homme intitulé « Situation des droits de l’homme dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », février 2016, doc. AHRC/31/44, p. 5-6 (accessible à l’adresse
suivante : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G16/008/55/PDF/G1600855.pdf?OpenElement) ; ACRI,
« One Rule, Two Legal Systems: Israel’s Regime of Laws in the West Bank », octobre 2014, p. 104-114 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/masa37p3).
777 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre,12 août 1949, art. 55
et 56.
778 OMS, « Right to Health: Barriers to health and attacks on health care in the occupied Palestinian territory, 2019
to 2021 », Report 2022, 2023, p. 7 (les italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
3nh6fmnn).
779 Ibid., p. 21.
- 176 -
les politiques d’aménagement du territoire discriminatoires dans des zones rurales
représentant 60 % du territoire de la Cisjordanie, qui empêchent l’implantation de structures de
santé permanentes780.
4.169. Ces constatations sont corroborées par des données qui montrent une forte disparité
entre l’espérance de vie des Palestiniens et celle des colons israéliens en Cisjordanie. En ce qui
concerne les seconds, cette espérance s’établit à 85,2 ans pour les femmes et 81,6 ans pour les
hommes ; les femmes palestiniennes, quant à elles, ne vivent en moyenne que 75,6 ans et les hommes
73,3 ans781. Sur la période 2019-2021, l’OMS a rapporté en outre 563 attaques lancées contre des
structures de santé dispensant des soins à la population palestinienne du Territoire palestinien occupé,
lesquelles ont été marquées par des violences physiques, des obstructions et des arrestations de
patients, de leurs accompagnants ou de professionnels de la santé782.
4.170. Les Palestiniens de la bande de Gaza ont un accès aux services de santé plus restreint
encore, du fait du blocus et des attaques militaires régulières auxquels Israël soumet ce territoire.
En 2019, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a fait état de :
« la très faible disponibilité des services de santé dans la bande de Gaza et [de] la baisse
de la qualité de ces services, baisse liée aux restrictions imposées aux produits à double
usage, y compris aux fournitures et matériels médicaux, et à l’escalade des hostilités,
qui ont contraint les habitants à se rendre en Cisjordanie ou en Israël pour se faire
soigner »783.
4.171. Le Comité s’est aussi dit préoccupé :
« par la lenteur et la complexité du système de visa de sortie, qui a ôté aux habitants de
la bande de Gaza toute possibilité de se procurer en Cisjordanie, y compris Jérusalem-
Est, en Israël et dans d’autres pays le traitement qui leur avait été recommandé sur le
plan médical et n’était pas disponible à Gaza. De plus, le Comité s’inquiète de
l’augmentation notable du nombre de refus de visa et des retards dans la délivrance de
ces visas, constatée ces dernières années, et par les conséquences désastreuses qui
s’ensuivent, notamment le décès de patients qui attendaient qu’un visa de sortie leur soit
délivré et la réalisation d’interventions médicales lourdes sur des enfants sans que leurs
parents puissent les accompagner. »784
780 Ibid., p. 12-13.
781 OMS, « Right to Health: Barriers to health and attacks on health care in the occupied Palestinian territory, 2019
to 2021 », Report 2022, 2023, p. 20 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3nh6fmnn).
782 Ibid., p. 57 et 59. Le rapport précise, à la page 57, que « [l]’OMS définit une attaque contre les soins de santé
comme “tout acte de violence verbale ou physique, toute obstruction ou menace de violence qui entrave la disponibilité et
la prestation de services de santé curatifs et/ou préventifs ainsi que l’accès à ces derniers lors de situations d’urgence” »
(note de bas de page omise).
783 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport
périodique d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 58 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
E/C.12/ISR/CO/4).
784 Ibid.
- 177 -
K. Punitions collectives infligées de manière discriminatoire
par Israël aux Palestiniens
4.172. Les punitions collectives sont interdites par la quatrième convention de Genève, dont
l’article 33 dispose : « Aucune personne protégée ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a
pas commise personnellement. Les peines collectives, de même que toute mesure d’intimidation ou
de terrorisme, sont interdites. »
4.173. Cette disposition trouve son origine dans le règlement de La Haye de 1907785 et a été
confirmée par le protocole additionnel I aux conventions de Genève786. Elle relève également du droit
international coutumier787.
4.174. Dans le Territoire palestinien occupé, Israël se livre à diverses pratiques qui constituent
des violations flagrantes de l’interdiction des punitions collectives et, par conséquent, d’un nombre
considérable de droits humains. Ces mesures servent deux objectifs connexes : assujettir le peuple
palestinien pour étouffer toute opposition à l’occupation et réprimer ses ambitions d’indépendance
politique. Dans la poursuite de ces objectifs, Israël a imposé de nombreuses formes de punitions
collectives au peuple palestinien du territoire occupé. Le rapporteur spécial a dégagé à cet égard la
conclusion suivante en 2020 :
« Les peines collectives constituent une blessure qui ne se referme pas depuis le
début de l’occupation israélienne du territoire palestinien, il y a cinquante-trois ans. Au
cours de cette période, 2 millions de Palestiniens à Gaza ont subi un blocus aérien,
maritime et terrestre complet depuis 2007, plusieurs milliers de logements palestiniens
ont été détruits à titre punitif, des couvre-feux prolongés ont paralysé des villes et des
régions entières, les dépouilles de Palestiniens n’ont pas été restituées aux familles des
défunts, et la population a été privée à plusieurs reprises de biens et services essentiels
— y compris de produits alimentaires, d’eau et de services publics. En dépit de
nombreuses résolutions et de nombreux rapports et rappels critiquant le recours à cette
pratique, Israël continue d’utiliser les peines collectives comme l’un des outils clefs de
sa panoplie de mesures coercitives visant à contrôler la population. »788
1. Démolition d’habitations et autres biens palestiniens
4.175. L’un des plus flagrants exemples de punitions collectives infligées par Israël consiste
dans les démolitions d’habitations pratiquées à titre punitif. En particulier, Israël a pour pratique
courante de démolir les maisons appartenant à la famille de personnes qu’il accuse d’avoir enfreint
une ordonnance militaire israélienne. Ont ainsi été démolies « des habitations dans lesquelles [les
auteurs présumés d’infractions] vivaient avec leur famille immédiate ou d’autres proches ou des
logements qu’ils louaient à d’autres propriétaires »789. Ces destructions de logements, qui
« bouleverse[nt] la vie de [leur]s habitants », ont lieu « alors même qu’il n’[a] pas été prouvé que les
785 Art. 50.
786 Art. 75, par. 2, al. d).
787 Voir J.-M. Henckaerts et L. Doswald-Beck, Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles,
Comité international de la Croix-Rouge et éditions Bruyland, 2005, p. 374 (règle 103).
788 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 décembre 2020, doc. A/HRC/44/60, par. 24 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/44/60).
789 Ibid., par. 38.
- 178 -
familles ou les propriétaires avaient pris part à l’infraction présumée, les personnes concernées
n’ayant jamais été inculpées, et encore moins condamnées » par les tribunaux militaires israéliens790.
4.176. Si les démolitions punitives d’habitations palestiniennes sont monnaie courante,
« [a]ucune démolition à titre punitif n’a jamais été ordonnée contre l’habitation d’un civil israélien
juif » soupçonné d’avoir commis une infraction similaire791. Depuis le début de l’occupation, Israël
a démoli ou scellé, à titre punitif, des milliers d’habitations palestiniennes dans les territoires occupés.
Ces démolitions ont touché des dizaines de milliers de Palestiniens, dont des enfants792.
4.177. Outre ces démolitions faites pour des motifs ouvertement punitifs, Israël démolit aussi
couramment pour des raisons dites « administratives » des maisons, établissements d’enseignement
et autres biens palestiniens à Jérusalem-Est et dans le reste de la Cisjordanie793. Ces démolitions
revêtent également un caractère de punition collective, puisqu’elles privent de domicile des familles
entières dans des circonstances où il ne peut raisonnablement leur être imputé aucune faute. Le lien
entre les démolitions et l’installation de colons par Israël dans le Territoire palestinien occupé ne fait
aucun doute ; les démolitions ont généralement lieu dans des zones devant servir à l’extension des
colonies ou à la construction d’infrastructures y afférentes, ou dans des zones où des organisations
de colons ont décidé d’étendre leur implantation au détriment des communautés palestiniennes qui y
vivent, comme à Sheikh Jarrah, Silwan et d’autres quartiers de Jérusalem-Est. À ce titre, les
démolitions d’habitations font partie intégrante des efforts généraux qu’Israël déploie à l’effet de
déplacer les Palestiniens pour les remplacer par des colons israéliens. Selon le Bureau de la
coordination des affaires humanitaires, depuis seulement 2009, Israël a démoli plus de
2 800 structures palestiniennes à Jérusalem-Est et plus de 9 500 dans le reste de la Cisjordanie,
démolitions qui ont entraîné le déplacement d’environ 14 000 Palestiniens et touché plus de
184 000 personnes794.
4.178. L’article 53 de la quatrième convention de Genève interdit à toute puissance occupante
de détruire des habitations et autres biens appartenant à des personnes privées « sauf dans les cas où
ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires »795. Cette
interdiction est une règle du droit international coutumier796. L’enfreindre, c’est commettre une grave
violation de la quatrième convention de Genève797 et un crime de guerre au sens du Statut de Rome798.
Israël s’est néanmoins livré à la destruction massive et délibérée de biens palestiniens dans tout le
790 Ibid., par. 38-39.
791 Ibid., par. 51.
792 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 décembre 2020, doc. A/HRC/44/60, par. 38 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/44/60). Voir également la base de données du Bureau de la coordination des affaires
humanitaires sur les démolitions de logements, accessible à l’adresse suivante : suivante :
https://www.ochaopt.org/data/demolition.
793 Voir ci-dessus, par. 3.101-3.104 et 3.226-3.236.
794 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Data on demolition and displacement
in the West Bank » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4w5fysk6).
795 Voir également règlement de La Haye de 1907, art. 23, al. g).
796 La règle 50 de l’étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier interdit « [l]a destruction ou la
saisie des propriétés d’un adversaire …, sauf si elle est exigée par d’impérieuses nécessités militaires » (J.-M. Henckaerts
et L. Doswald-Beck, Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles, Comité international de la
Croix-Rouge et éditions Bruyland, 2005, p. 234).
797 Art. 147.
798 Art. 8, par. 2, al. a), point iv) ; et par. 2 al. b), point xiii).
- 179 -
Territoire palestinien occupé. Ce sont cependant les attaques de l’armée israélienne contre la bande
de Gaza qui ont causé certaines des pires destructions.
4.179. Au cours de l’opération militaire menée par Israël contre la bande de Gaza en 2008-
2009, plus de 3 000 habitations ont été détruites et plus de 11 000 endommagées. Deux cent quinze
usines et 700 entreprises privées ont essuyé de graves dommages ou été détruites ; 15 hôpitaux et
43 centres de santé primaire ont été détruits ou endommagés ; 28 bâtiments publics ont été détruits ;
30 mosquées ont été détruites et 28 endommagées ; 10 établissements d’enseignement ont été
détruits et 168 ont subi des dommages ; trois universités ou grandes écoles ont été détruites et
14 endommagées799. La mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le
conflit de Gaza a conclu que « les forces armées israéliennes [avaie]nt procédé à la destruction de
maisons privées, de puits et de réservoirs d’eau sur une grande échelle et de façon illicite et
arbitraire »800, ce qui constituait une violation du droit international humanitaire ainsi que des
articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels801.
4.180. À l’issue de l’offensive militaire d’Israël contre Gaza de 2014, environ 18 000
logements étaient détruits ou gravement endommagés et quelque 80 000 maisons et autres biens
nécessitaient des réparations802. Les offensives militaires de 2008-2009 et de 2014 dénotaient une
claire intention de punir la population palestinienne, notamment par l’infliction de pertes humaines
et matérielles importantes et douloureuses. Elles ont été répétées en mai 2021, où en seulement
11 jours, Israël a commis des actes de « violence intense qui ont causé de lourdes pertes civiles et la
destruction massive de biens à Gaza »803. Au cours de cette offensive militaire, 1 384 logements ont
été détruits et près de 58 000 endommagés. D’autres infrastructures civiles ont subi des dommages :
331 établissements d’enseignement, 33 établissements de santé et 290 installations
d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène804. Des frappes aériennes ont détruit
quatre immeubles de grande hauteur dans le quartier densément peuplé Al-Rimal, à Gaza. Ces
immeubles abritaient des entreprises industrielles, commerciales et de services et leur destruction a
entraîné des déplacements massifs et des pertes d’emplois. L’un des immeubles abritait les bureaux
d’organisations de média internationales. Israël a affirmé que ces bâtiments servaient à des fins
militaires sans fournir de preuves à l’appui de ses dires et des enquêteurs de Human Rights Watch
n’ont trouvé aucun élément allant dans ce sens805. De même, la dernière offensive en date d’Israël
799 Independent Fact Finding Committee on Gaza to the League of Arab States, « No Safe Place », report presented
to the League of Arab States, 30 avril 2009, p. 3 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5fsksjrd).
800 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, La
situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes, 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48,
par. 1929 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48).
801 Ibid., par. 1930.
802 Conseil des droits de l’homme, « Report of the detailed findings of the independent commission of inquiry
established pursuant to Human Rights Council Resolution S-21/1 », 24 juin 2015, doc. A/HRC/29/CRP.4, par. 576
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/29/CRP.4).
803 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2021, doc. A/76/433, par. 38 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/433).
804 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Application des
résolutions S-9/1 et S-12/1 du Conseil des droits de l’homme », 28 avril 2022, doc. A/HRC/49/83, par. 49 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/83).
805 Human Rights Watch, Gaza : Enquête sur les frappes aériennes israéliennes contre des tours d’habitation en
mai, 23 août 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://www.hrw.org/fr/news/2021/08/23/gaza-enquete-sur-lesfrappes-
aeriennes-israeliennes-contre-des-tours-dhabitation-en).
- 180 -
contre Gaza, menée en mai 2023, a endommagé 2 943 logements et détruit 103 autres biens.
Vingt-six établissements d’enseignement et quatre centres de santé ont subi des dommages806.
4.181. C’est donc de longue date qu’Israël s’emploie, de façon systématique, à détruire les
biens palestiniens lors de ses offensives militaires contre Gaza et en Cisjordanie, y compris
Jérusalem-Est, en violation flagrante du droit international, commettant ainsi de graves violations de
la quatrième convention de Genève et des violations manifestes des droits humains. En 2009, une
mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies a formulé les observations
suivantes au sujet de la stratégie et de la tactique employées par Israël lors de l’offensive de
2008-2009 contre Gaza :
« La Mission rappelle à cet égard son analyse des objectifs et de la stratégie
d’Israël pendant les opérations militaires (voir chap. XVI). La Mission y fait référence
aux propos suivants tenus le 6 janvier 2009 par M. Eli Yishai, vice-premier ministre :
“Il devrait être possible de détruire Gaza, pour faire comprendre à ces gens qu’il ne faut
pas plaisanter avec nous … c’est une excellente occasion de démolir les milliers de
maisons qui abritent tous ces terroristes, ce qui les fera réfléchir à deux fois avant de
lancer des roquettes”. La Mission y évoque également la doctrine “de Dahiya”, qui
prône des destructions massives comme moyen de dissuasion et semble avoir été mise
en pratique. »807
« La tactique utilisée par les forces armées israéliennes au cours de l’offensive de
Gaza est conforme aux pratiques précédentes, les plus récentes ayant été utilisées au
cours de la guerre du Liban en 2006. Une doctrine dite “doctrine Dahiya” est alors
apparue, consistant à faire usage d’une force disproportionnée, ce qui a causé de grandes
destructions et d’importants dégâts aux biens et équipements civils, et de grandes
souffrances aux populations civiles. La Mission conclut de l’examen des faits qu’elle a
pu observer sur place que la stratégie présentée comme la meilleure semble avoir été
effectivement mise en pratique. »808
4.182. En juin 2023, dans un rapport présenté au Conseil de sécurité, le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies a déclaré qu’il « rest[ait] profondément préoccupé par la poursuite
des démolitions et des saisies de bâtiments appartenant à des Palestiniens ». Il a ajouté ce qui suit :
« Les démolitions et les expulsions, notamment des projets humanitaires financés
par des sources internationales, ainsi que de bâtiments utilisés pour générer des revenus
et fournir des services essentiels, donnent lieu à de nombreuses violations des droits de
l’homme et suscitent des inquiétudes quant au risque de transfert forcé. Je demande une
fois encore au Gouvernement israélien de mettre fin immédiatement à la démolition de
biens appartenant à des Palestiniens et de prévenir les déplacements forcés et les
expulsions de Palestiniens, conformément aux obligations internationales qui lui
incombent. »809
806 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Humanitarian Situation in Gaza,
Flash Update #5 », 15 mai 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p9yzs7p).
807 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, La
situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes, 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48,
par. 1304 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48).
808 Ibid., par. 62.
809 Rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, 21 juin 2023,
doc. S/2023/458, par. 64 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/S/2023/458).
- 181 -
4.183. L’Assemblée générale a également condamné les démolitions continues d’habitations
palestiniennes auxquelles se livre Israël dans le Territoire palestinien occupé810, notamment « en
guise de châtiment collectif »811. Elle s’est en particulier déclarée « gravement préoccupée »
« de voir Israël procéder, à un rythme sans précédent, à la démolition d’habitations
palestiniennes et de structures, dont des écoles, fournies dans le cadre de l’assistance
humanitaire internationale, en particulier dans Jérusalem-Est occupée et sur son
pourtour, notamment en guise de châtiment collectif, en violation du droit international
humanitaire »812.
2. Actes de violence commis par les colons contre la population palestinienne
4.184. Les colons israéliens, également, se livrent à la destruction d’habitations, de véhicules,
d’arbres, de cultures et de bétail appartenant à des Palestiniens, tant à Jérusalem-Est que dans le reste
de la Cisjordanie. Ces actes de destruction constituent des éléments récurrents d’une campagne
permanente de harcèlement, d’intimidation, de provocation et de terrorisation des civils palestiniens
menée par les colons israéliens et participent de l’environnement coercitif général créé et entretenu
par Israël pour déplacer de force le peuple palestinien de ses terres ancestrales.
4.185. Les attaques lancées par les colons contre les Palestiniens et leurs biens à l’intérieur du
Territoire palestinien occupé sont à la fois tolérées, activement encouragées et soutenues par les
autorités israéliennes, qui, notamment, protègent militairement les colons et s’abstiennent de leur
faire répondre de leurs actes. Du point de vue des colons qui les commettent et des autorités
israéliennes qui acquiescent à leur perpétration ou y contribuent, ces actes de violence ont un but
bien défini : intimider et assujettir la population palestinienne locale, l’encourager ou la forcer à partir
et faciliter ainsi l’extension des colonies. Comme l’a constaté la mission internationale indépendante
d’établissement des faits dans un rapport en 2013, « ces actes de violence et d’intimidation à l’égard
des Palestiniens et de leurs propriétés ont pour but de conduire les populations locales à partir de
leurs terres et de permettre aux colonies de peuplement de s’élargir »813. Certains des actes de
terrorisme les plus effroyables perpétrés par les colons se sont produits dans les années qui ont suivi
la publication de ce rapport. Il s’agit notamment du cas de Mohammed Abu Khdeir, un Palestinien
de 16 ans enlevé et tué par le feu le 2 juillet 2014 à Jérusalem814, et de celui de la famille Dawabsheh
dont le domicile a été attaqué et incendié dans le village de Duma, près de Naplouse, le 31 juillet
2015, causant la mort par le feu d’un bébé de 18 mois, Ali Dawabsheh815, ainsi que de ses parents816
810 Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022.
811 Ibid., résolution 77/247 du 30 décembre 2022.
812 Ibid., préambule.
813 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 107 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
814 Security Council Press Statement on Killing of Palestinian Teenager, 2 juillet 2014, SC/11462 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2hwjz7b9).
815 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Protection of Civilians, Reporting
period: 28 July–3 August 2015 » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mry9mmpu).
816 Les parents sont décédés quelques jours plus tard des suites des blessures qu’ils avaient subies lors de l’attaque.
Voir Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Protection of Civilians, Reporting period:
4–10 August 2015 » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/r78udru3) ; « Protection of Civilians, Reporting
period: 1–7 September 2015 » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/53ccsmfn).
- 182 -
et blessant grièvement son frère de quatre ans817. Après l’attentat, le Secrétaire général des Nations
Unies a fait la déclaration suivante : « Les échecs continus pour lutter efficacement contre l’impunité
des colons pour leurs actes répétés de violence ont conduit à un autre horrible incident causant la
mort d’un innocent. Cela doit cesser. »818
4.186. Le rapporteur spécial a confirmé en 2021 que la violence perpétrée par les colons
« [était] principalement motivée par des raisons idéologiques et a[vait] pour but de terroriser les
Palestiniens et de les empêcher d’accéder à leurs terres »819. Cette violence « a un impact inéluctable
sur la vie des Palestiniens … et crée un sentiment persistant de terreur et d’intimidation »820.
4.187. Tous les organismes des Nations Unies qui ont examiné cette question s’accordent à
dire qu’Israël est responsable des destructions d’habitations et autres biens palestiniens commises
par ses colons dans le Territoire palestinien occupé et qu’il s’abstient de manière persistante d’obliger
ces derniers à répondre de leurs crimes. Dans ses observations finales de 2012, le Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale a fait état d’informations selon lesquelles 90 % des enquêtes
menées par la police israélienne sur des actes de violence commis par des colons entre 2005 et 2010
avaient été classées sans suite821. En 2013, la mission internationale indépendante d’établissement
des faits a également jugé que « les autorités israéliennes connaiss[ai]ent l’identité des colons qui
[étaie]nt responsables d’actes de violence et d’intimidation mais que ces derniers continu[ai]ent
d’agir en toute impunité »822. Elle a ajouté la précision suivante :
« Les témoignages concordent en ce qui concerne les faits suivants : les attaques
et les actes d’intimidation sont régulièrement commis en plein jour ; l’identité des
auteurs est bien connue, ou les auteurs sont facilement identifiables ; la police et l’armée
sont fréquemment présentes sur les lieux ; des agents de sécurité des colonies sont
présents et impliqués ; il existe souvent des séquences vidéo et des photographies
attestant des infractions, et les actes de violence demeurent impunis. »823
4.188. La haute-commissaire aux droits de l’homme a formulé des conclusions similaires
en 2020, faisant observer que « [l]es actes de violence et de harcèlement commis quotidiennement à
l’encontre de Palestiniens par des colons, la plupart du temps en toute impunité … , particip[ai]ent
du climat de coercition »824. Elle a également opéré la constatation suivante :
817 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Protection of Civilians, Reporting
period: 28 July–3 August 2015 » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mry9mmpu).
818 Ibid.
819 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2021, doc. A/76/433, par. 16 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/433).
820 Ibid., par. 19.
821 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la Convention, observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
(Israël), 3 avril 2012, doc. CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 28 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/
C/ISR/CO/14-16).
822 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 107 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
823 Ibid., par. 50.
824 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 30 janvier 2020,
doc. A/HRC/43/67, par. 49 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/43/67).
- 183 -
« Les actes de violence commis par des colons sont restés nombreux, et la gravité
des attaques perpétrées et des blessures infligées à des Palestiniens s’est accrue, sans
qu’aucune décision forte n’ait été prise par les autorités israéliennes pour protéger la
population palestinienne, conformément aux obligations qui leur incombent en tant que
Puissance occupante … Les actes de violence perpétrés par les colons continuent
d’influer négativement sur la société palestinienne, violant une série de droits. »825
4.189. En 2022, une autre commission d’enquête indépendante a constaté ce qui suit :
« [L]es forces de sécurité civiles et militaires d’Israël protègent rarement les
Palestiniens contre les violences des colons. Des éléments indiquent qu’elles ont
observé sans intervenir des attaques violentes commises par des colons et, dans certains
cas, participé à de telles attaques. Les autorités judiciaires obligent rarement les colons
à rendre compte de leurs actes. »826
Elle a « soulign[é] qu’Israël, en sa qualité de Puissance occupante, a[vait] la responsabilité de
protéger les Palestiniens contre les attaques des colons [et que c]es attaques viol[ai]ent le droit des
Palestiniens à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne »827. Elle a également constaté les faits
suivants :
« Les actes de violence des colons sont une manifestation clé de l’environnement
coercitif, et leur nombre et leur gravité augmentent au fil des ans. De janvier à
juillet 2022, 398 attaques ont été menées par des colons en Cisjordanie, dont 84 qui ont
fait des victimes. À titre de comparaison, 496 attaques se sont produites pendant toute
l’année 2021 et 358 en 2020. Les attaques sont également devenues plus graves :
récemment, des informations vérifiées ont fait état d’attaques commises par des colons
alors que les forces de sécurité israéliennes étaient à proximité, ainsi que de cas où les
forces de sécurité israéliennes ont attaqué des Palestiniens aux côtés de colons. »828
4.190. Le problème ne cesse de s’aggraver. Dans ses observations finales de 2022, le Comité
des droits de l’homme a confirmé l’existence d’une « augmentation significative du nombre et de la
gravité des actes de violence commis par des colons »829. Le rapporteur spécial, quant à lui, a attesté
que « [d]es cas de plus en plus flagrants [avaie]nt été recensés en 2021, ainsi que des cas impliquant
un soutien et une collaboration actifs entre les colons et les forces de sécurité israéliennes »830, et
souligné que « [l]’atmosphère d’impunité qui entour[ait] les attaques de colons [étai]t très
préoccupante et laiss[ait] entendre à ceux-ci que leurs actes illégaux et scandaleux contre les
Palestiniens n’aur[aie]nt aucune conséquence »831.
825 Ibid., par. 66-67.
826 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 66 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
827 Ibid., par. 64.
828 Ibid. (notes de bas de page omises).
829 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 24 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
830 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 22 octobre 2021, doc. A/76/433, par. 16 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/76/433).
831 Ibid., par. 19.
- 184 -
4.191. Le 26 février 2023, lors de l’un des récents épisodes poignants, des centaines de colons
israéliens ont attaqué des Palestiniens dans le village d’Huwwara et les trois villages voisins. Ils ont
incendié au moins 35 habitations, endommagé une quarantaine d’autres et mis le feu à des dizaines
de véhicules, terrorisant la population et laissant derrière eux des scènes de destruction et un bilan
d’un Palestinien tué et de centaines d’autres blessés, le tout sous la protection et avec
l’accompagnement des forces d’occupation israéliennes832. Le jour suivant, des Palestiniens ont
signalé que les colons israéliens avaient lancé plus de 300 attaques dans tout le Territoire palestinien
occupé. Une scène comparable à celle qui vient d’être décrite s’est déroulée le 21 juin 2023 dans le
village de Turmusayya, lorsque des centaines de colons israéliens ont fait une descente sur le village,
attaquant des civils palestiniens et mettant là encore volontairement le feu à des dizaines
d’habitations et de véhicules. Les forces israéliennes ont tué par balles un Palestinien et blessé
41 autres, dont deux enfants833. Ce jour-là, le Secrétaire général des Nations Unies a déclaré dans son
rapport au Conseil de sécurité :
« [Je suis] particulièrement bouleversé par le nombre élevé d’actes de violence
commis par les colons, y compris les cas signalés de colons armés menant des attaques
à l’intérieur de communautés palestiniennes, parfois tout près des forces de sécurité
israéliennes ou avec leur appui. Les informations selon lesquelles les forces de sécurité
israéliennes restent impassibles et n’empêchent pas les colons d’attaquer les
Palestiniens, ou n’interviennent pas au moment où les violences éclatent, sont très
préoccupantes. Les colons sont rarement amenés à répondre de ces attaques, ce qui
accroît le niveau de menace pour les Palestiniens et leurs biens. Israël, en tant que
puissance occupante, a l’obligation de protéger les Palestiniens et leurs biens dans le
Territoire palestinien occupé et de garantir des enquêtes rapides, indépendantes,
impartiales et transparentes sur tous les actes de violence. »834
3. Blocus de Gaza
4.192. De toutes les punitions collectives infligées aux civils palestiniens, la plus lourde de
conséquences est celle que subit la bande de Gaza où un blocus, imposé à toute la population, sévit
depuis maintenant 16 ans. Comme l’a expliqué la rapporteuse spéciale en septembre 2022, Israël a
« [transformé] la bande de Gaza en une enclave à haute densité de population particulièrement
appauvrie, [qu’il contrôle] au moyen d’un blocus maritime, terrestre et aérien étouffant »835. La
figure 4.2, établie à l’aide de cartes et données du Bureau de la coordination des affaires
humanitaires, montre l’étroit contrôle exercé par Israël sur la circulation des personnes et des
marchandises en provenance et à destination de la bande de Gaza.
4.193. Plusieurs dispositions de la quatrième convention de Genève sont applicables, à savoir :
l’article 50 (obligation de faciliter le bon fonctionnement des établissements consacrés aux soins et
à l’éducation des enfants), l’article 55 (obligation d’assurer l’approvisionnement de la population en
vivres et en produits médicaux) et l’article 56 (obligation d’assurer et de maintenir le fonctionnement
832 « Israel’s military called the settler attack on this Palestinian town a “pogrom”. Videos show soldiers did little
to stop it », CNN, 15 juin 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4k3n2npc).
833 Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Protection of Civilians Report
13 June–4 July 2023 », 8 juillet 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2w34w3b6).
834 Rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, 21 juin 2023,
doc. S/2023/458, par. 69 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/S/2023/458).
835 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 46 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/356).
- 185 -
des établissements et des services médicaux hospitaliers)836. L’obligation inscrite à l’article 55 de la
quatrième convention de Genève, libellée comme suit, revêt une pertinence particulière :
« Le principe de la responsabilité de la Puissance occupante dans le ravitaillement
de la population impose, le cas échéant, des obligations précises à cette Puissance pour
maintenir la situation matérielle de la population du territoire occupé à un niveau
raisonnable. »837
4.194. La mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit
de Gaza de 2008-2009 a conclu qu’« Israël demeur[ait] lié par les obligations lui incombant en vertu
de la quatrième Convention de Genève … [de] répondre aux besoins humanitaires de la population
de la bande de Gaza sans restrictions »838. Elle a estimé en outre que, par son blocus, Israël avait
« violé son obligation de respecter le droit de la population de la bande de Gaza à un niveau de vie
suffisant, y compris son droit à une alimentation suffisante et à l’eau et son droit au logement »839.
Et d’ajouter :
« Enfin, la Mission s’est demandé si les divers actes qui privent les Palestiniens
de la bande de Gaza de moyens de subsistance, de travail, de logements et d’eau, qui
dénient leur liberté de circulation et leur droit de quitter leur propre pays et d’y entrer,
qui restreignent leur accès aux tribunaux et à des moyens de recours utiles ne sont pas
assimilables à une persécution constituant un crime contre l’humanité. Au vu des
éléments disponibles, la Mission est d’avis que certains des actes du Gouvernement
israélien pourraient amener un tribunal compétent à conclure que des crimes contre
l’humanité ont été commis. »840
4.195. En janvier 2009, Le Conseil de sécurité a souligné la nécessité « de faire en sorte que
les biens et les personnes puissent emprunter régulièrement et durablement les points de passage de
Gaza » et appelé « à la fourniture et à la distribution sans entrave dans tout Gaza de l’aide
humanitaire, y compris les vivres, le carburant et les traitements médicaux »841.
836 Voir rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza,
intitulé « La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes », 25 septembre 2009,
doc. A/HRC/12/48, par. 1301 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48).
837 J. Pictet, Conventions de Genève du 12 août 1949 : Commentaire — Convention de Genève (IV) relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, CICR, 1958, p. 333.
838 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, La
situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes, 25 septembre 2009, doc. A/HRC/12/48,
par. 28, 326 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48).
839 Ibid., par. 73.
840 Ibid., par. 75.
841 Conseil de sécurité, résolution 1860 (2009) du 8 janvier 2009, par. 2.
- 186 -
Figure 4.2
Régime de contrôle israélien
Légende :
Israel = Israël
20 Nautical miles = 20 milles marins
Access prohited by Israel = Accès interdit par Israël
No-Fishing Zone = Zone interdite de pêche
1.5 Nautical miles = 1,5 mille marin
6 Nautical miles = 6 milles marins
15 Nautical miles = 15 milles marins
No-Fishing Zone = Zone interdite de pêche
1 Nautical Mile = 1 mille marin
Mediterranean Sea = Mer Méditerranée
Palestinian Authority checkpoint (passengers) = Poste de contrôle de l’Autorité palestinienne
(passagers)
De facto authorities checkpoint (passengers) = Poste de contrôle des autorités de fait (passagers)
Gaza strip = Bande de Gaza
Nahal Oz = Nahal Oz
Closed since 2010 = Fermé depuis 2010
Karni = Karni
Closed gradually between 2007 and 2011 = Fermé progressivement entre 2007 et 2011
- 187 -
60-Km-long Israeli fence = Barrière israélienne de 60 km de long
Salah Ad Din (goods) = Salah Ad Din (marchandises)
Sufa = Sufa
Closed since 2008 (except Mar-Apr 2011) = Fermé depuis 2008 (sauf mars-avril 2011)
Egypt = Égypte
Occupied Palestinian Territory = Territoire palestinien occupé
Gaza strip = Bande de Gaza
Israel = Israël
West Bank = Cisjordanie
Jordan = Jordanie
Egypt = Égypte
North Gaza = Gaza-Nord
De facto authorities checkpoint (passengers) = Poste de contrôle des autorités de fait (passagers)
Palestinian Authority checkpoint (passengers) = Poste de contrôle de l’Autorité palestinienne
(passagers)
Gaza = Gaza
Middle Area = Zone médiane
Palestine = Palestine
Gaza Strip = Bande de Gaza
Gaza International Airport (destroyed/non-operational
since 2002)
= Aéroport international de Gaza (détruit/hors service
depuis 2002)
Egypte = Égypte
Israel’s perimeter fence and access restricted area = Clôture d’enceinte d’Israël et zone d’accès restreint
Gaza Strip = Bande de Gaza
100-300 metres = 100-300 mètres
Access permitted on foot and for farmers only = Accès autorisé aux piétons et réservé aux
agriculteurs
0-100 metres = 0-100 mètres
No-go and high-risk zone = Zone interdite et à haut risque
Underground Concrete Barrier = Barrière souterraine en béton
Fence = Clôture
Observation Tower = Tour d’observation
Israel = Israël
OCHA Map has been modified = La carte établie par le Bureau de la coordination des
affaires humanitaires a été modifiée
Source : Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, https://www.google.com/serach?q=
OCHA+2022+map+of+the+Gaza+Strip&tbm=isch&sa=X&ved=2ahUKEwj7ju_zrpSAAxVVEVkFHeWaAvEQ0pQJeg
QIDBAB&biw=2535&bih=1298&dppr=2#imgrc=ZuJ_D1Bum2bT5M.
4.196. Cet appel, auquel Israël est resté sourd, a été réitéré par le Secrétaire général Ban
Ki-moon en 2016 en ces termes :
« [L]e peuple palestinien de Gaza endure des conditions de vie très difficiles. Le
blocus du territoire suffoque ses habitants, étouffe son économie et entrave les efforts
de reconstruction. Il s’agit d’une punition collective dont doivent répondre les
auteurs … Aujourd’hui, quelque 70 % de la population de Gaza ont besoin d’une aide
humanitaire et plus de la moitié des jeunes n’ont guère ou pas de perspectives d’emploi
ou d’espoir. Cette situation ne peut continuer. »842
4.197. Les conséquences du blocus israélien de la bande de Gaza sont particulièrement
dévastatrices. Ainsi que l’a indiqué la commission d’enquête internationale indépendante en 2019 :
« Le blocus a plongé Gaza dans une profonde récession. En 2015, selon la Banque
mondiale, il avait déjà réduit de 50 % le PIB de Gaza.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
842 Secrétaire général, « Secretary-General’s Remarks at Press Encounter », 28 juin 2016 (les italiques sont de nous)
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mryjv2n6).
- 188 -
Gaza, lieu d’échanges et de commerce de longue date, a été réduite à une situation
humanitaire profondément dépendante de l’aide. L’aide humanitaire et la reconstruction
des biens détruits par les opérations militaires israéliennes occupent à présent le devant
de la scène dans son économie. Aujourd’hui, le revenu réel d’un habitant moyen de
Gaza est d’environ 30 % inférieur à ce qu’il était en 1999. Selon la Banque mondiale,
l’économie de Gaza ne connaîtra jamais d’améliorations sans un assouplissement des
restrictions frappant la circulation et l’accès des biens et des personnes. »843
4.198. En 2022, le rapporteur spécial a expliqué que le blocus de Gaza « a[vait] confiné les
2 millions de Palestiniens qui viv[ai]ent à Gaza dans ce que l’ancien premier ministre britannique,
David Cameron, a[vait] qualifié de “prison à ciel ouvert”, une méthode de contrôle de la population
sans équivalent à l’ère moderne ». Le rapporteur spécial a ajouté qu’Israël était parvenu à « parquer
indéfiniment une population indésirable de 2 millions de Palestiniens, qu’il a[vait] confinée dans une
étroite bande de terre au moyen d’un blocus aérien, terrestre et maritime complet vieux de
quinze ans »844.
4.199. Les conséquences dévastatrices du blocus de Gaza sur les Palestiniens qui y vivent ont
été mises en évidence par la Banque mondiale, entre autres, comme l’a rappelé le rapporteur spécial :
« En 2021, la Banque mondiale a indiqué que Gaza avait subi, durant plusieurs
décennies, un processus de dé-développement et de désindustrialisation qui avait abouti
à un taux de chômage de 45 % et un taux de pauvreté de 60 %, 80 % de la population
dépendant de l’aide internationale sous une forme ou sous une autre, à cause,
essentiellement, de la fermeture hermétique coupant Gaza du monde extérieur.
L’aquifère côtier, seule source d’eau potable naturelle de Gaza, est pollué, et l’eau étant
contaminée par l’eau de mer et les eaux usées, elle est impropre à la consommation, ce
qui a entraîné une augmentation considérable du prix de l’eau, alors que la population
est déjà démunie. Pour son approvisionnement en électricité, la bande de Gaza est
fortement tributaire de sources extérieures, à savoir Israël et l’Égypte, et les Palestiniens
subissent quotidiennement des coupures de courant tournantes de douze à vingt heures,
ce qui perturbe fortement la vie quotidienne et l’économie. L’importation et
l’exportation de marchandises sont strictement contrôlées par Israël, ce qui a étouffé
l’économie locale. Le système de santé de Gaza est mal en point, à cause d’une grave
pénurie de professionnels de la santé, d’équipements médicaux insuffisants et de stocks
insuffisants de produits médicinaux et de médicaments. Les Palestiniens de Gaza
peuvent rarement sortir de la bande de Gaza, ce qui constitue un déni de leur droit
fondamental à la liberté de circulation. Pire encore, au cours des treize dernières années,
ils ont subi quatre guerres fortement asymétriques contre Israël, qui ont causé d’énormes
pertes en vies humaines et des destructions de biens considérables. À propos de ces
souffrances, [le Secrétaire général] Antonio Guterres a déclaré, en mai 2021 : “S’il
existe un enfer sur Terre, ce sont les enfants de Gaza qui le vivent”. »845
843 Conseil des droits de l’homme, « Report of the detailed findings of the independent international Commission
of inquiry on the protests in the Occupied Palestinian Territory », 18 mars 2019, doc. A/HRC/40/CRP.2, par. 152 et 154
(notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/40/CRP.2).
844 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 45 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
845 Ibid. (les italiques sont de nous ; notes de bas de page omises).
- 189 -
4.200. Dans son rapport de 2022, le Comité des droits de l’homme a conclu expressément que
le blocus israélien de Gaza constituait « une punition collective de ses habitants »846. Il rejoignait
ainsi le haut-commissaire aux droits de l’homme847, les commissions d’enquête sur la situation à
Gaza848, divers autres organes de l’ONU chargés de contrôler le respect des droits de l’homme849 et
le CICR850, qui étaient également parvenus à la conclusion que le blocus de Gaza constituait une
punition collective infligée au peuple palestinien et appelait à sa cessation.
4.201. En 2023, la rapporteuse spéciale a souligné ce qui suit :
« À l’intérieur du Territoire palestinien occupé déjà fragmenté, Israël a confiné
les Palestiniens dans une structure physique qui ressemble à une prison, mais à une bien
plus grande échelle sociale et territoriale … Le blocus illicite de la bande de Gaza est
l’exemple le plus connu de cette sorte de confinement physique, plus de 2 millions de
Palestiniens subissant une punition collective depuis 2007. La barrière fortement
militarisée qui entoure la bande de Gaza et sa “zone interdite” réduisent encore la
superficie de l’enclave de 17 % et la surface agricole de 35 %, tandis que le blocus
maritime imposé au moyen de nombreuses patrouilles ampute de 85 % l’accès à la zone
maritime. »851
4.202. Israël continue de maintenir sur la bande de Gaza un blocus dont on ne voit pas la fin.
II. DISCRIMINATION RACIALE CONTRE LES PALESTINIENS POSSÉDANT
LA NATIONALITÉ ISRAÉLIENNE
4.203. La discrimination systématique qu’Israël exerce contre les Palestiniens ne se manifeste
pas seulement dans le Territoire palestinien occupé. Elle trouve son origine dans les politiques
846 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 38 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
847 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur l’application des résolutions
S-9/1 et S-12/1 du Conseil des droits de l’homme, 28 avril 2022, doc. A/HRC/49/83, par. 14-15 et 55 f) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/83).
848 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza intitulé
« La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes », 25 septembre 2009,
doc. A/HRC/12/48, par. 326, 73 et 75, respectivement (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/12/48) ;
Conseil des droits de l’homme, « Report of the detailed findings of the independent commission of inquiry established
pursuant to Human Rights Council Resolution S-21/1 », 24 juin 2015, doc. A/HRC/29/CRP.4, par. 681, al. d) (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/29/CRP.4) ; Conseil des droits de l’homme, « Report of the detailed
findings of the independent international Commission of inquiry on the protests in the Occupied Palestinian Territory »,
18 mars 2019, doc. A/HRC/40/CRP.2, par. 797, al. a) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/
40/CRP.2).
849 Comité des droits de l’homme, observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai
2022, doc. CCPR/C/ISR/CO/5, par. 38-39 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5) ;
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales concernant le quatrième rapport périodique
d’Israël, 12 novembre 2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 11, al. a) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
E/C.12/ISR/CO/4).
850 « ICRC says Israel’s blockade breaks law », BBC, 14 juin 2010 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.
com/2wwvea9t).
851 « Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967 », 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 81 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
- 190 -
menées par Israël à l’égard de ses ressortissants palestiniens, qui constituent environ 20 % de la
population, de 1948 à nos jours852.
4.204. Établi, selon ses propres termes, comme « État juif », Israël exerce depuis sa création
une discrimination fondée sur la race en faveur de ses ressortissants juifs et contre ses ressortissants
palestiniens. Lors de la Nakba, 750 000 à 900 000 Palestiniens ont été chassés du territoire de la
Palestine mandataire et dénationalisés. Depuis lors, en violation du droit international, Israël interdit
à ces Palestiniens et à leurs descendants de retrouver leurs foyers ou d’autres biens qu’ils possédaient
sur leur terre ancestrale853. Ce traitement contraste fortement avec celui qui est appliqué aux Juifs
nés à l’étranger, que la législation israélienne autorise à s’installer en Israël et à obtenir la nationalité
israélienne de plein droit.
4.205. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a fait plusieurs fois état de la
discrimination et de la ségrégation raciales subies par les Palestiniens ressortissants d’Israël.
En 2012, dans ses observations finales sur Israël, le Comité a « not[é] avec une préoccupation
croissante qu’il exist[ait] toujours en Israël des secteurs juifs et non juifs, [et que cela] soul[evait]
des questions au regard de l’article 3 de la Convention ». Il a souligné que « les préoccupations
relatives à la ségrégation rest[ai]ent d’une actualité brûlante » et a engagé instamment Israël « à
donner pleinement effet à l’article 3 et à n’épargner aucun effort pour éradiquer toutes les formes
de ségrégation entre les communautés juives et non juives »854.
En 2020, le Comité a appelé l’attention d’Israël « sur sa recommandation générale no 19 (1995)
concernant l’article 3 de la Convention [et] port[ant] sur la prévention, l’interdiction et
l’élimination de toutes les politiques et pratiques de ségrégation raciale et d’apartheid », et l’a
invité instamment
« à donner pleinement effet à l’article 3 de la Convention en éliminant toutes les formes
de ségrégation entre les communautés juives et les communautés non juives et toutes
les politiques ou pratiques à caractère ségrégationniste qui [avaie]nt des conséquences
graves pour la population palestinienne en Israël proprement dit et dans le Territoire
palestinien occupé et l’affectent de manière disproportionnée »855.
4.206. De nombreuses lois israéliennes établissent une discrimination raciale entre les Juifs
israéliens et les Palestiniens ressortissants d’Israël. Dans ses observations finales de 2020, le Comité
pour l’élimination de la discrimination raciale se déclare préoccupé par l’existence de lois
israéliennes qui
« ont un caractère discriminatoire à l’égard des Arabes israéliens et des Palestiniens
vivant dans le Territoire palestinien occupé, et qui établissent des différences de
852 Israel Central Bureau of Statistics, « Population of Israel on the Eve of 2023 », 29 décembre 2022, p. 1
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mm84y9p).
853 Voir ci-dessous, par. 4.214.
854 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la convention, observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
(Israël), 3 avril 2012, doc. CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 11 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/
C/ISR/CO/14-16).
855 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant le rapport d’Israël valant
dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 23 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19).
- 191 -
traitement en ce qui concerne l’état civil, la protection juridique, l’accès aux avantages
sociaux et économiques ou le droit à la terre et à la propriété »856.
4.207. Dans son rapport de septembre 2022, la commission internationale indépendante a fait
la constatation suivante :
« En 2022, les Palestiniens citoyens d’Israël restent soumis à des politiques
discriminatoires, notamment la confiscation de terres, les démolitions et les expulsions
qui touchent en particulier les Bédouins du Néguev et les Palestiniens résidant dans
d’autres régions d’Israël. En outre, plusieurs lois israéliennes sont discriminatoires à
l’égard des Palestiniens citoyens d’Israël. »857
4.208. Elle a formulé ensuite la conclusion suivante :
« En ce qui concerne la situation à l’intérieur d’Israël, la Commission a examiné
le traitement des Palestiniens citoyens d’Israël et constaté qu’ils étaient toujours soumis
à des lois et à des politiques publiques discriminatoires, notamment dans les domaines
de l’éducation, du logement et du bâtiment, et de l’emploi. »858
4.209. De fait, la commission d’enquête a retenu qu’il existait des « similitudes entre le
traitement qu’Israël a[vait] réservé aux Palestiniens à l’intérieur du pays à partir de 1948 et les
politiques qu’il appliqu[ait] dans le Territoire palestinien occupé »859.
4.210. Les exemples qui suivent offrent une illustration, qui est très loin d’en rendre
pleinement compte, de la discrimination raciale systématique exercée par Israël à l’égard de ses
propres ressortissants d’origine palestinienne.
A. Restrictions discriminatoires frappant le droit à la nationalité
et le droit de résider en Israël
4.211. Peu après sa création, l’État d’Israël a adopté des lois établissant expressément une
discrimination entre Juifs et Palestiniens en ce qui concerne le droit à la nationalité israélienne et le
droit de résider en Israël. En 1950, Israël a adopté la loi relative au retour qui dispose que « [t]out
Juif a le droit de venir dans ce pays en tant qu’oleh [Juif immigrant en Israël] »860.
856 Ibid., par. 15. Il existe au moins 50 lois israéliennes ouvertement discriminatoires à l’égard des Palestiniens
vivant en Israël, que l’on peut consulter dans la base de données des lois discriminatoires (Discriminatory Laws Database)
produite par Adalah, le centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël (The Legal Centre for Arab Minority
Rights in Israel) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4yzuukkv).
857 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 23 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/328).
858 Ibid., par. 83.
859 Ibid., par. 21.
860 Loi relative au retour, 5710-1950, art. premier (les italiques sont de nous).
- 192 -
4.212. Selon les précisions apportées par le premier ministre israélien David Ben-Gurion à la
Knesset, « [c]ette loi ne charge pas l’État de conférer le droit de s’installer au Juif d’un pays étranger.
Elle confirme que ce droit lui est immanent du fait même qu’il est juif »861.
4.213. En 1970, Israël a modifié la loi relative au retour par une loi comportant, notamment,
la disposition suivante :
« Les droits conférés aux Juifs par la présente loi et les droits conférés aux oleh
[Juifs d’origine étrangère immigrant en Israël] par la loi de 5712-1952 relative à la
nationalité, ainsi que les droits conférés aux oleh par tout autre texte, sont également
conférés aux enfants et aux petits-enfants d’un Juif, à son conjoint et au conjoint de son
enfant ou de son petit-enfant, à l’exception des personnes d’origine juive qui ont
volontairement changé de religion. »862
4.214. Par conséquent, les lois d’Israël confèrent à tout Juif le droit absolu de s’établir en
Israël, droit qui, s’il est exercé, entraîne automatiquement le droit à la nationalité israélienne863. En
revanche, seuls les Palestiniens qui sont restés sur leur terre lors de la Nakba et sont ainsi devenus
des résidents de l’État nouvellement créé d’Israël ont droit à la nationalité israélienne864. Les
centaines de milliers de Palestiniens qui ont été expulsés ou contraints de fuir leur pays natal au cours
de la Nakba, ainsi que leurs descendants, ont été et sont encore privés de ce droit. L’organisation
Human Rights Watch a dit à cet égard ce qui suit :
« En Israël, l’acte de proclamation de l’indépendance d’Israël affirme “l’égalité
complète” de tous les résidents, mais il existe en réalité une structure de nationalité à
deux voies qui contredit cette assurance et traite les Juifs et les Palestiniens de manière
séparée et inégalitaire. La loi relative à la nationalité adoptée par Israël en 1952 établit
une voie réservée aux seuls Juifs qui leur permet d’obtenir automatiquement la
nationalité. Cette loi découle de la loi relative au retour de 1950 qui garantit aux
ressortissants juifs d’autres pays le droit de s’installer en Israël. En revanche, la voie
prévue pour les Palestiniens subordonne l’octroi de la nationalité à l’existence de la
preuve que la personne concernée résidait avant 1948 dans le territoire qui est devenu
Israël, était inscrite au registre de la population en 1952 et a été présente de manière
continue en Israël ou y est entrée légalement au cours de la période allant de 1948 à
1952. Les autorités ont utilisé ces dispositions pour priver du droit de résidence les plus
de 700 000 palestiniens qui avaient fui ou été expulsés en 1948 et leurs descendants,
dont le nombre s’élève aujourd’hui à plus de 5,7 millions. Cette loi crée un état de
choses dans lequel un ressortissant juif de n’importe quel autre pays qui ne s’est jamais
rendu en Israël peut s’y établir et acquérir automatiquement la nationalité, tandis qu’un
Palestinien expulsé de son foyer qui se languit depuis plus de 70 ans dans un camp de
réfugiés d’un pays voisin ne le peut. »865
861 Martin Edelman, « Who is an Israeli?: Halakhah and Citizenship in the Jewish State », Jewish Political Studies
Review, vol. 10, 1998, nos 3/4, p. 91 (les italiques sont de nous).
862 Loi relative au retour (modification no 2), 5730-1970, art. 4A, al. a).
863 Loi relative au retour, 5710-1950, art. premier ; loi (temporaire) relative à la nationalité et à l’entrée en Israël,
5763-2003.
864 Y. Harpaz et B. Herzog, « Report on Citizenship Law: Israel, Country Report 2018/02 (June 2018) », European
University Institute, 2018, p. 9 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ycjsfhxb).
865 Human Rights Watch, « A Threshold Crossed – Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and
Persecution », 27 avril 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4ufjn368).
- 193 -
B. Loi relative à l’État-nation de 2018
4.215. Comme il a été expliqué au chapitre 3866, la Knesset a adopté en 2018 la loi
fondamentale « Israël, État-nation du peuple juif »867 (ci-après, la « loi relative à l’État-nation »).
Cette loi dispose que « [l]’exercice du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est
réservé au peuple juif » et, entre autres, « retire à l’arabe le statut de langue officielle dont il
bénéficiait aux côtés de l’hébreu »868. Le caractère foncièrement discriminatoire de la loi relative à
l’État-nation, qui est fondé sur l’appartenance raciale, et le rôle central qu’il joue dans la définition
de l’État d’Israël ont été exposés comme suit dans un rapport de l’Organisation des Nations Unies :
« La loi relative à l’État-nation sert de point d’ancrage à l’inégalité
constitutionnelle et à la discrimination raciale ou nationale dans le droit israélien en
établissant une distinction entre les droits des Israéliens juifs, ceux des Palestiniens et
ceux des autres citoyens non juifs d’Israël. … La loi relative à l’État-nation s’inscrit
dans le droit fil des propos que tiennent régulièrement des dirigeants politiques
israéliens, dont Benjamin Netanyahu, à savoir qu’Israël est l’État national, non pas de
tous ses citoyens, mais uniquement du peuple juif. »869
4.216. Le caractère discriminatoire de cette loi fondé sur l’appartenance raciale a également
été mis en lumière par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans ses observations
finales de 2020 où il a déclaré ce qui suit :
« Le Comité est préoccupé par le fait que la Loi fondamentale de 2018 érigeant
Israël en État-nation du peuple juif a un caractère discriminatoire à l’égard des non-Juifs
dans l’État partie en ce qu’elle dispose que l’exercice du droit à l’autodétermination en
Israël est réservé au peuple juif et fait de l’hébreu la seule langue officielle du pays,
reléguant l’arabe au rang de “langue à statut spécial”. »870
C. Discrimination relative à la terre et au logement
4.217. Israël a adopté un grand nombre de lois et de pratiques et politiques administratives qui
instaurent une discrimination contre ses ressortissants d’origine palestinienne en matière de droit à
la propriété. Comme dans le Territoire palestinien occupé, ces lois et mesures sont destinées à
acquérir les terrains de Palestiniens, à empêcher le développement des communautés palestiniennes
et à faciliter l’extension des communautés juives. L’organisation Human Rights Watch a récemment
résumé leur effet conjugué sur les Palestiniens vivant en Israël comme suit :
« Des décennies de confiscation de terre et de politiques foncières
discriminatoires ont permis aux autorités israéliennes de corseter les villes et les villages
palestiniens tout en alimentant la croissance et l’extension des communautés juives.
866 Voir ci-dessus, par. 3.164 et 3.210.
867 Loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif, 5778-2018.
868 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, par. 23 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/328).
869 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 48 (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
870 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant le rapport d’Israël valant
dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, doc. CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 13 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/CERD/C/ISR/CO/17-19).
- 194 -
Quatre-vingt-treize pour cent des terres d’Israël sont des terres domaniales,
placées sous le contrôle direct du Gouvernement israélien. Les autorités israéliennes ont
confisqué une grande partie de ces terres, représentant plusieurs milliers de kilomètres
carrés, à des Palestiniens au moyen de divers instruments juridiques.
Un organisme public, l’Autorité foncière israélienne, assurait l’administration et
l’allocation de ces terres. Près de la moitié de son comité directeur était constituée de
membres du [fonds national juif], qui a explicitement pour mission d’aménager et de
louer des terrains pour des Juifs, à l’exclusion de tout autre segment de la population.
Le fonds possède 13 % des terres d’Israël, que l’État a mandat d’utiliser “pour assurer
l’installation de Juifs”.
Les autorités israéliennes affectent presque exclusivement les terres domaniales
au développement et à l’extension des communautés juives. Depuis 1948, le
Gouvernement a autorisé la création de plus de 900 “localités juives” en Israël, mais
aucune à l’intention des Palestiniens, à l’exception de quelques agglomérations et
villages aménagés par l’État dans le Néguev et en Galilée qui ont été créés en grande
partie pour y concentrer des communautés bédouines déplacées. Moins de 3 % des
terres d’Israël relèvent de la compétence des municipalités palestiniennes, sur le
territoire desquelles vivent la majorité des ressortissants israéliens d’origine
palestinienne. »871
4.218. Israël a ainsi poursuivi sa politique de dépossession et de déplacement des Palestiniens,
même envers ceux qui sont ses ressortissants, en vue de s’approprier la terre au profit de ses
ressortissants juifs.
4.219. Les politiques discriminatoires d’Israël ont été reconduites et même renforcées par le
gouvernement actuel. L’accord de coalition entre les partis politiques qui le constituent prévoit
l’implantation de colonies juives dans toutes les parties de la Palestine historique, baptisée « Terre
d’Israël », entre la mer Méditerranée et le Jourdain :
« Le peuple juif a un droit exclusif et incontesté sur toutes les parties de la terre
d’Israël. Le gouvernement poursuivra et étendra sa politique d’implantation dans toutes
les parties de la Terre d’Israël, en Galilée, dans le Néguev, le Golan, la Judée et la
Samarie. »872
4.220. Quelles terres seront utilisées pour construire les nouvelles colonies de peuplement
juives en Israël (en Galilée et dans le Néguev) ? Les seules terres disponibles sont des terres
domaniales et des terres palestiniennes privées. Destiner une quelconque partie de ces terres aux
seuls Juifs israéliens, à l’exclusion des Palestiniens, constitue une discrimination raciale ouverte et
illicite. C’est pourtant la politique qu’Israël a adoptée.
871 Human Rights Watch, « A Threshold Crossed — Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and
Persecution », 27 avril 2021, p. 151-152 (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/4ufjn368).
872 Accord de coalition entre le Likoud et le Matzad pour la formation d’un gouvernement national, 28 décembre
2022, appendice A (vol. II, annexe 12).
- 195 -
Conclusion
4.221. Comme le montrent clairement les faits exposés ci-dessus, Israël a établi un régime de
discrimination raciale solidement enraciné qui affecte tous les aspects de la vie du peuple palestinien,
de part et d’autre de la Ligne verte. Dans le Territoire palestinien occupé, ce régime repose sur un
double système juridique appliquant aux Palestiniens et aux colons juifs israéliens des lois différentes
administrées par des juridictions différentes, auquel s’ajoute une panoplie complète de politiques et
de pratiques discriminatoires qui violent les droits du peuple palestinien et portent atteinte au droit
international. Il se caractérise notamment par la détention discriminatoire de milliers de civils
palestiniens, adultes et enfants, la démolition discriminatoire de milliers d’habitations palestiniennes
et le déni discriminatoire des droits des Palestiniens à la liberté de circulation, de religion et de
mariage ainsi que d’un large éventail d’autres droits civils, politiques, économiques, sociaux et
culturels fondamentaux. Par ses lois discriminatoires et ses procédures administratives et
bureaucratiques, Israël traite délibérément les Palestiniens comme une population inférieure ou de
second rang par rapport aux colons juifs israéliens. C’est bien là, en réalité, son objectif : transformer
de façon indélébile le Territoire palestinien occupé en une extension de facto et de jure de son propre
territoire, à laquelle il applique les lois qu’il a adoptées, dont la loi de 2018 relative à l’État-nation,
pour assurer la suprématie et la domination juives entre la mer Méditerranée et le Jourdain. Il cherche
à favoriser et à consolider la possession permanente de la terre par les Juifs israéliens ainsi que leur
domination permanente sur celle-ci, ce qui, comme l’a écrit l’actuel ministre israélien chargé de
l’administration civile dans le Territoire palestinien occupé, ne peut être accompli que par
l’étouffement des droits et des aspirations légitimes du peuple palestinien873.
4.222. Le régime qu’Israël a instauré dans le Territoire palestinien occupé est ainsi
délibérément marqué par des atteintes généralisées et systématiques à l’interdiction de la
discrimination raciale, en violation flagrante de règles du droit international coutumier ayant valeur
de jus cogens, ainsi que par d’innombrables autres violations des droits humains. Il est, en réalité,
indifférenciable du régime d’apartheid, ainsi qu’il sera expliqué dans la section suivante, et pire
même, à bien des égards, que celui qui a sévi en Afrique du Sud entre 1948 et le début des années
1990, comme l’ont fait observer de nombreuses personnes qui avaient vu pratiquer l’apartheid en
Afrique du Sud et en Namibie où elles vivaient.
4.223. Même dans son territoire proprement dit, Israël continue de s’approprier la terre au
profit de ses ressortissants juifs et au détriment de ses ressortissants palestiniens et de leurs droits
fondamentaux. Ses lois, politiques et pratiques sont identiques de part et d’autre de la Ligne verte,
car elles découlent du rejet de la présence palestinienne, vieille de plusieurs milliers d’années, et du
droit à l’autodétermination du peuple palestinien sur le territoire qui s’étend de la mer Méditerranée
au Jourdain, ainsi que de son aspiration légitime à jouir de ses droits fondamentaux sur sa terre
ancestrale.
III. LA DISCRIMINATION RACIALE EXERCÉE PAR ISRAËL CONTRE
LE PEUPLE PALESTINIEN EST CONSTITUTIVE D’APARTHEID
4.224. Les rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 et d’autres titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de
873 B. Smotrich, « Israel’s Decisive Plan », Hashiloach, 7 septembre 2017 (accessible à l’adresse suivante :
https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan/). Sur la déclaration de Smotrich, voir également par. 3.162, 3.175,
3.178-3.179 et 3.192 ci-dessus, et 5.50 ci-dessous.
- 196 -
l’Organisation des Nations Unies qualifient la discrimination raciale systématique exercée par Israël
contre les Palestiniens de régime d’apartheid depuis 2007874.
4.225. En 2010, par exemple, le rapporteur spécial a expliqué que « [l]es caractéristiques
coloniales et d’apartheid de l’occupation israélienne s[’étaient] enracinées »875. Il a énuméré certains
de ces éléments « d’apartheid » comme suit :
« Les traits d’apartheid les plus saillants de l’occupation israélienne sont les
suivants : une citoyenneté préférentielle, les perquisitions et des lois et pratiques en
matière de lieu de résidence qui empêchent les Palestiniens résidant en Cisjordanie ou
à Gaza de recouvrer leurs biens ou d’acquérir la citoyenneté israélienne, alors que le
droit des Juifs au retour donne à tout Juif, où qu’il soit dans le monde et même sans
attache préalable avec Israël, le droit de se rendre dans ce pays, d’y résider et de devenir
citoyen israélien ; des lois différenciées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, favorisant les
colons juifs qui relèvent de la justice civile israélienne et jouissent de la protection de
la Constitution alors que les résidents palestiniens relèvent de l’administration militaire ;
des dispositions inégales et discriminatoires appliquées aux déplacements en
Cisjordanie et à destination ou en provenance de Jérusalem ; des politiques
discriminatoires en matière de propriété foncière, d’occupation et d’utilisation des sols ;
des restrictions considérables imposées aux déplacements des Palestiniens, en
particulier des postes de contrôle qui limitent différemment les mouvements des
Palestiniens et ceux des colons israéliens, des conditions d’obtention de permis d’entrée
et de documents d’identité extrêmement pénibles pour les seuls Palestiniens ; des
démolitions de maisons en représailles, des expulsions et des restrictions imposées à
l’entrée et à la sortie des trois parties du territoire palestinien occupé. »876
4.226. En 2014, le rapporteur spécial a fait observer qu’il était « incontestable que les mesures
prises par Israël divis[ai]ent la population du Territoire palestinien occupé selon des critères raciaux
en créant des réserves et des ghettos séparés pour les Palestiniens et conduis[ai]ent à des
expropriations de leurs terrains »877. Dressant la liste des nombreuses « violations des droits de
l’homme » commises par Israël, il a précisé ce qui suit :
« [Leur perpétration] est le résultat de politiques, de lois et de pratiques
systématiques et discriminatoires, qui déterminent dans quelles parties des territoires
occupés les Palestiniens peuvent ou non se rendre, vivre et travailler. Ces lois et
politiques ont également institutionnalisé le peu de valeur accordée à la vie d’un civil
palestinien au regard de prétendus impératifs de sécurité, valeur qui contraste avec la
protection juridique que le système constitutionnel israélien offre aux colons israéliens
illégitimes. L’effet conjugué des mesures … constitue l’hafrada, c’est-à-dire la
discrimination, l’oppression systématique et la domination du peuple palestinien. »878
874 Voir rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 29 janvier 2007, doc. A/HRC/4/17, par. 49, 50, 58-63 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.
org/A/HRC/4/17).
875 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 30 août 2010, doc. A/65/331, par. 3 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/65/331).
876 Ibid., par. 5.
877 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 13 janvier 2014, doc. A/HRC/25/67, par. 71 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/25/67).
878 Ibid., par. 77.
- 197 -
Ces « pratiques et politiques », a-t-il conclu, « apparaiss[ai]ent comme constitutives d’apartheid »879.
4.227. En 2020, 47 des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’Organisation
des Nations Unies désignés par le Conseil des droits de l’homme ont déclaré dans un communiqué
commun, publié en réaction au projet d’Israël de formaliser son annexion de la Cisjordanie, ce qui
suit :
« L’annexion ne ferait qu’entraîner l’intensification des violations des droits de
l’homme. Ce qui resterait de la Cisjordanie ne serait qu’un bantoustan palestinien, des
îlots de terre déconnectés, totalement encerclés par Israël et sans lien territorial avec le
monde extérieur. Israël a récemment promis de garantir un contrôle permanent de la
sécurité entre la Méditerranée et le Jourdain. Il s’ensuit que l’on assisterait au lendemain
de l’annexion à la cristallisation d’une réalité déjà injuste : deux peuples vivant dans le
même espace, dirigés par le même État, mais jouissant de droits profondément inégaux.
C’est la vision d’un apartheid du XXIe siècle. »880
4.228. Très récemment, en 2022, à l’issue d’un examen approfondi des faits, le rapporteur
spécial est parvenu à la conclusion que le régime mis en place par Israël dans le Territoire palestinien
occupé constituait un apartheid :
« Cette situation relève-t-elle de l’apartheid ? Appliquant chacun des trois critères
cumulatifs énoncés dans la Convention internationale sur l’élimination et la répression
du crime d’apartheid et le Statut de Rome, le Rapporteur spécial a conclu que le système
politique de gouvernement bien ancré dans le Territoire palestinien occupé, qui confère
à un groupe racial, national et ethnique des droits, des avantages et des privilèges
substantiels tout en contraignant intentionnellement un autre groupe à vivre derrière des
murs et des points de contrôle et sous un régime militaire permanent, sans droits, sans
égalité, sans dignité et sans liberté, satisfaisait aux normes de preuve généralement
reconnues pour déterminer l’existence d’un apartheid. »881
4.229. Trois éléments, en particulier, l’ont conduit à cette conclusion :
« Premièrement, un régime institutionnalisé d’oppression raciale systématique et
de discrimination a bien été mis en place. Les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens
de Jérusalem-Est et de Cisjordanie vivent sous un régime unique qui répartit
différemment les droits et les avantages en fonction de l’identité nationale et ethnique,
et qui organise la suprématie d’un groupe sur un autre et au détriment de l’autre. … Les
différences dans les conditions de vie et les droits et avantages liés à la citoyenneté sont
considérables, profondément discriminatoires et maintenues grâce à une oppression
systématique et institutionnalisée.
Deuxièmement, ce système d’administration étrangère a été établi dans
l’intention de maintenir la domination d’un groupe racial, national et ethnique sur un
autre. Les dirigeants politiques israéliens d’hier et d’aujourd’hui ont à maintes reprises
répété qu’ils avaient l’intention de conserver le contrôle de l’ensemble du territoire
879 Ibid., par. 78.
880 « Israeli annexation of parts of the West Bank would break international law – UN experts call on the
international community to ensure accountability », communiqué de presse de l’ONU, 16 juin 2020 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/jy7vkeze).
881 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 52 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 198 -
occupé afin d’étendre l’assise territoriale des parcelles des colonies juives actuelles et
futures tout en maintenant les Palestiniens confinés dans des réserves de population. Il
faut voir les deux faces de la pièce : les plans visant à accroître le nombre de colons juifs
et à augmenter l’assise territoriale des colonies juives sur les terres occupées ne peuvent
être menés à bien sans que davantage de Palestiniens soient expropriés et sans recourir
à des méthodes plus musclées et plus sophistiquées de contrôle de la population afin de
gérer l’inévitable résistance. Dans un tel système, un groupe ne peut exercer ses libertés
sans soumettre l’autre.
Troisièmement, ce système de discrimination institutionnalisée visant à exercer
une domination permanente a été imposé en recourant régulièrement à des actes cruels
et inhumains, des exécutions arbitraires et extrajudiciaires et des actes de torture, en
acceptant que des enfants meurent de mort violente, en privant des personnes de leurs
droits humains fondamentaux, en mettant en place un système de tribunaux militaires
fondamentalement défectueux et en ne respectant pas les garanties d’une procédure
pénale régulière, en procédant à des détentions arbitraires, et en imposant des punitions
collectives. La répétition de tels actes sur de longues périodes, et le fait que la Knesset
et le système judiciaire israélien les cautionnent, montrent qu’ils ne sont pas le fruit du
hasard et n’ont rien de faits isolés mais font partie intégrante du système de domination
mis en place par Israël. »882
4.230. Cela étant, le rapporteur spécial a clairement affirmé ce qui suit : « Ces actes relèvent
de l’apartheid. … Sous les yeux grands ouverts de la communauté internationale, Israël a imposé à
la Palestine la réalité d’un apartheid dans un monde de l’après-apartheid. »883
4.231. Les constatations et conclusions des rapporteurs spéciaux successifs et d’autres
titulaires de mandat au titre des procédures spéciales concordent avec les études exhaustives menées
par des organisations non gouvernementales de haute réputation qui ont retenu comme eux qu’Israël
pratiquait l’apartheid dans le Territoire palestinien occupé. Certaines de ces études sont même allées
jusqu’à conclure qu’Israël pratiquait l’apartheid à la fois dans le Territoire palestinien occupé et dans
son territoire même. Les rapports qui ont conclu qu’Israël commettait le crime d’apartheid ont
notamment été établis par Human Rights Watch884, Amnesty International885, la Fédération
internationale pour les droits humains886, les organisations non gouvernementales palestiniennes
réputées Al Haq887 et Al Mezan888, et les organisations non gouvernementales israéliennes respectées
882 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 53-55 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/
HRC/49/87).
883 Ibid., par. 56.
884 Human Rights Watch, « A Threshold Crossed: Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and
Persecution », 27 avril 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4ufjn368).
885 Amnesty International, « Israel’s Apartheid against Palestinians: A Cruel System of Domination and a Crime
Against Humanity », 1er février 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mt7a7c24).
886 Fédération internationale pour les droits humains, « La communauté internationale doit tenir Israël pour
responsable de ses crimes d’apartheid », 28 avril 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3nk2ycra).
887 Al-Haq, « Israeli Apartheid: Tool of Zionist Settler Colonialism », 29 novembre 2022 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/22x6t8ae). Voir aussi Al-Haq, « Addameer et Habitat International, Entrenching and
Maintaining an Apartheid Regime over the Palestinian People as a Whole », janvier 2022 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/253rbwux).
888 Al Mezan, « The Gaza Bantustan: Israeli Apartheid in the Gaza Strip », novembre 2021 (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/ye4vubwb).
- 199 -
Yesh Din889 et B’Tselem890. Amnesty International, par exemple, a formulé à l’issue d’une analyse
factuelle et juridique approfondie la conclusion suivante :
« L’ensemble du régime de lois, politiques et pratiques décrites par Amnesty
International démontre qu’Israël a instauré et perpétué un régime institutionnalisé
d’oppression et de domination contre la population palestinienne, mis en oeuvre au profit
de la population juive israélienne — un système d’apartheid — sur tous les territoires
où le pays exerce un contrôle sur la vie des [Palestiniens] depuis 1948. Amnesty
International conclut que l’État d’Israël considère et traite la population palestinienne
comme un groupe racial “non juif” inférieur. La ségrégation est mise en oeuvre de
manière systématique et fortement institutionnalisée, au moyen de lois, politiques et
pratiques, dont l’ensemble vise à empêcher la population palestinienne de revendiquer
les mêmes droits que les juives et juifs israéliens, et d’en bénéficier, en Israël et dans
les Territoire palestinien occupé ; autant de mesures dont l’objet est par conséquent
d’opprimer et de dominer le peuple palestinien. Ce système découle d’un régime
juridique qui contrôle les droits des [réfugiés] palestiniens qui vivent en dehors d’Israël
et des Territoire palestinien occupé de rentrer chez eux, et les en prive. »891
4.232. D’éminentes personnalités de stature internationale sont parvenues à la même
conclusion. Feu l’archevêque Desmond Tutu, lauréat du prix Nobel de la paix, qui avait dirigé une
mission d’établissement des faits du Conseil des droits de l’homme chargée d’enquêter sur l’une des
attaques menées par Israël contre Gaza892, a déclaré publiquement en 2014 : « J’ai moi-même
constaté qu’Israël a créé une situation d’apartheid à l’intérieur de ses frontières et par l’occupation.
Les similitudes avec mon bien-aimé pays, l’Afrique du Sud, sont frappantes. »893
4.233. Deux anciens ambassadeurs d’Israël en Afrique du Sud ont établi un parallèle similaire
entre l’apartheid pratiqué dans ce pays et celui en vigueur dans le Territoire palestinien occupé. Ils
ont fait observer à cet égard ce qui suit :
« Les bantoustans de l’Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid et la carte
des territoires palestiniens occupés aujourd’hui procèdent de la même volonté de
concentrer la population “indésirable” sur le plus petit espace possible, dans une série
d’enclaves séparées les unes des autres … Il est plus clair que jamais que l’occupation
n’est pas temporaire et le Gouvernement israélien n’a pas la volonté politique d’y mettre
un terme … Israël est la seule puissance souveraine qui agit dans ce territoire et il
pratique une discrimination systématique fondée sur la nationalité et l’appartenance
ethnique. Cette réalité est, comme nous l’avons nous-mêmes vu, un régime d’apartheid.
Il est temps que le monde reconnaisse que ce que nous avons vu en Afrique du Sud il y
889 M. Sfard, « The Israeli Occupation of the West Bank and the Crime of Apartheid: Legal Opinion », Yesh Din,
2020 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3k7prnks).
890 B’Tselem, « A Regime of Jewish Supremacy from the Jordan River to the Mediterranean Sea: This is
Apartheid », janvier 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3mvvyrav).
891 Amnesty International, « Israel’s Apartheid against Palestinians: A Cruel System of Domination and a Crime
Against Humanity », 1er février 2022, p. 266 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mt7a7c24) [p. 26 du
résumé exécutif du rapport établi en français : « Israël : L’apartheid israélien envers le peuple palestinien : Un système
cruel de domination et un crime contre l’humanité »].
892 Report of the high-level fact-finding mission to Beit Hanoun established under Council resolution S-3/1,
« Human Rights Situation in Palestine and Other Occupied Arab Territories », 1er septembre 2008, doc. A/HRC/9/26
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/9/26).
893 « Desmond Tutu: U.S. Christians Must Recognize Israel as Apartheid State », Haaretz, 17 juin 2014 (les
italiques sont de nous) (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/45tzubvw).
- 200 -
a des décennies se produit aussi actuellement dans les territoires palestiniens
occupés. »894
4.234. D’autres responsables israéliens ont dégagé la même conclusion. En 2017, l’ancien
premier ministre israélien Ehud Barak a appelé l’attention sur le fait qu’Israël se trouvait sur une
« pente glissante menant à l’apartheid »895.
4.235. En mai 2023, l’ancien premier ministre Ehud Olmert a déclaré :
« Nous ne pouvons nous permettre de continuer à vivre dans une situation où des
millions de personnes sont indûment privées de leurs droits. C’est une évidence … J’ai
le sentiment que nous nous approchons du point où Israël sera perçu comme un pays
d’apartheid … Une option consiste à nous retirer de l’ensemble des
territoires … L’autre option est d’occuper tous les territoires, de priver les Palestiniens
des territoires de leurs droits humains, de leur dénier le droit à l’autodétermination que
nous avons toujours revendiqué pour nous-mêmes. Et de faire effectivement ressembler
Israël à l’Afrique du Sud. »896
4.236. De même, le procureur général israélien Michael Benyair a déclaré : « Entre le Jourdain
et la Méditerranée, c’est Israël qui prive de façon permanente des millions de Palestiniens de leurs
droits civils et politiques. C’est l’apartheid israélien. »897
4.237. La présente analyse et l’ensemble de rapports résumé ci-dessus autorisent à conclure
que la discrimination raciale systématique, la ségrégation, l’oppression, la persécution et la
domination qu’Israël exerce sur le peuple palestinien, dans le but de réduire à néant son droit à
l’autodétermination et de permettre l’acquisition permanente du territoire au seul profit des Juifs
israéliens, constitue un cas avéré d’apartheid.
A. Définition de l’apartheid
4.238. Il n’existe pas de définition de l’apartheid dans la convention internationale pour
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la convention sur l’imprescriptibilité des
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité898 et le protocole additionnel I aux conventions de
Genève. La convention sur l’apartheid et le Statut de Rome définissent tous deux l’apartheid, mais
les définitions qu’ils énoncent diffèrent à certains égards. Bien que ces instruments portent aussi sur
la responsabilité pénale individuelle et les poursuites, ils proposent une définition acceptée de
l’apartheid. Ils offrent par conséquent une pierre de touche appropriée pour déterminer si les
politiques et pratiques d’Israël en vigueur dans le Territoire palestinien occupé constituent le fait
internationalement illicite d’apartheid.
894 Ilan Baruch et Alon Liel, « It’s apartheid, says Israeli ambassadors to South Africa », 8 juin 2021 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3wv2cf38).
895 « Former PM Barak: Israel on “slippery slope” towards apartheid », Deutsche Welle, 21 juin 2017 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2hevf7v4).
896 « If you love Israel, you must protect this government, says the former Prime Minister », Vox, 16 mai 2023
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2ftz8ube).
897 « With great sadness I conclude that my country now is an apartheid regime », The Journal, 10 février 2022
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/5n86ybmc).
898 Assemblée générale, résolution 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968.
- 201 -
4.239. La convention sur l’apartheid dispose que l’apartheid consiste dans la perpétration de
certains « [actes inhumains … en vue d’instituer ou d’entretenir la domination d’un groupe racial
d’êtres humains sur n’importe quel autre groupe racial d’êtres humains et d’opprimer
systématiquement celui-ci »899. Elle dresse une longue liste d’« actes inhumains » au nombre
desquels figurent le fait de refuser à autrui le droit à la vie et à la liberté (en lui ôtant la vie, en portant
atteinte à son intégrité physique ainsi qu’en l’arrêtant arbitrairement et en l’emprisonnant
illégalement)900 ; le fait de prendre des mesures législatives ou administratives destinées à empêcher
un groupe racial de participer à la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays et de créer
délibérément des conditions faisant obstacle au plein développement de ce groupe901 ; le fait de
prendre des mesures visant à diviser la population selon des critères raciaux en créant des réserves et
des ghettos séparés902 ; et le fait de persécuter des organisations ou des personnes parce qu’elles
s’opposent à l’apartheid903.
4.240. Le Statut de Rome définit quant à lui l’apartheid à l’alinéa h) du paragraphe 2 de son
article 7 comme étant la perpétration d’un certain nombre d’actes inhumains « dans le cadre d’un
régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre
groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime »904. Les actes
inhumains visés sont énoncés au paragraphe 1 du même article et incluent le meurtre, la déportation,
le transfert forcé de population, l’emprisonnement en violation des dispositions fondamentales du
droit international, la torture, le viol, la persécution, les disparitions forcées, le crime d’apartheid et
les « autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances »905.
4.241. Les deux définitions diffèrent principalement en ce que la convention sur l’apartheid
souligne que les actes inhumains doivent être commis en vue d’instituer ou d’entretenir la domination
d’un groupe racial sur un autre groupe et d’opprimer systématiquement celui-ci, tandis que le Statut
de Rome dispose que les actes inhumains doivent l’être « dans le cadre d’un régime institutionnalisé
d’oppression systématique et de domination ». La doctrine est divisée sur les implications de cette
différence, notamment en ce qui concerne la formation de la règle coutumière interdisant
l’apartheid906. Aux fins de la présente analyse, les différences existant entre les deux conventions
peuvent être conciliées sur la base des conditions principales d’applicabilité qui leur sont communes,
à savoir :
i) la présence de deux groupes raciaux ou plus ;
899 Convention sur l’apartheid, art. II.
900 Ibid., art. II, al. a).
901 Ibid., art. II, al. c).
902 Ibid., art. II, al. d).
903 Ibid., art. II, al. f).
904 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, art. 7 , par. 2. h). Le texte anglais du Statut de
Rome qualifie les actes proscrits d’« inhumane », tandis que le texte anglais de la convention sur l’apartheid emploie le
terme « inhuman ».
905 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, art. 7, par. 1.
906 Voir M. Jackson, « The definition of apartheid in customary international law and ICERD », International and
Comparative Law Quarterly, vol. 71, 2022, no 4, p. 831-855 (où l’auteur affirme que la règle coutumière est énoncée dans
la convention sur l’apartheid). Voir également P. Eden, « The Role of the Rome Statute in the Criminalization of
Apartheid », Journal of International Criminal Justice, vol. 12, 2014, no 2, p. 171-191, et A. Cassese, P. Gaeta et autres,
Cassese’s International Criminal Law, troisième édition (Oxford University Press, 2013), p. 107.
- 202 -
ii) l’existence d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe
par un autre ;
iii) la perpétration d’actes inhumains ;
iv) la perpétration de ces actes dans l’intention et le but d’entretenir le régime susmentionné.
B. La discrimination raciale qu’exerce Israël contre le peuple palestinien
est constitutive d’apartheid
1. Présence de deux groupes raciaux
4.242. Le droit israélien confirme que l’identité du groupe racial juif est distincte. La loi de
1952 relative à la nationalité907 établit une distinction stricte entre personnes juives et non juives et
la loi de 2018 relative à l’État-nation dispose que « [l]’État d’Israël est l’État-nation du peuple juif »
et qu’il « s’efforce de garantir le bien-être des membres du peuple juif »908. Le résultat de ces lois est
que les Juifs israéliens forment un groupe qui jouit d’un statut juridique privilégié dans toutes les
zones soumises au contrôle et à la domination d’Israël, au détriment des droits du peuple palestinien.
4.243. Les Palestiniens se considèrent comme un peuple marqué par des liens historiques,
politiques, sociaux et culturels communs à ses membres. Ils ont la même langue, les mêmes coutumes
et les mêmes pratiques culturelles. Ils s’identifient comme un groupe racial distinct doté d’un
patrimoine culturel commun909. Il est donc manifeste que, dans le contexte du Territoire palestinien
occupé et à l’intérieur d’Israël même, les Juifs israéliens et les Palestiniens sont perçus tant par euxmêmes
que par des acteurs externes comme des groupes stables et permanents distincts l’un de l’autre
qui peuvent être considérés comme des groupes raciaux différents au sens de la définition de
l’apartheid.
4.244. Dans son rapport de 2022, le rapporteur spécial a formulé la conclusion suivante :
« [P]our ce qui est des agissements d’Israël envers les Palestiniens vivant dans le
territoire occupé, les Israéliens juifs et les Arabes palestiniens peuvent être considérés
comme des groupes raciaux différents se distinguant par leur nationalité, leur origine
ethnique, leur religion, leur ascendance et leur descendance. »910
2. Existence d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un
groupe racial sur un autre
4.245. La convention sur l’apartheid et le Statut de Rome soulignent que l’apartheid consiste
dans l’oppression systématique et la domination d’un groupe racial sur un autre. En outre, le Statut
907 Loi relative à la nationalité, 5712-1952.
908 Loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif, 5778-2018, art. premier, al. a), et art. 6, al. a) (vol. II,
annexe 9).
909 Voir R. Khalidi, Palestinian Identity: The Construction of Modern National Consciousness (New York,
Columbia University Press, 2010), 310 pages.
910 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 33 (note de bas de page omise) (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/49/87).
- 203 -
de Rome exige que le crime soit « commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression
systématique et de domination »911.
4.246. Les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda
(TPIR) et la Cour pénale internationale ont interprété le terme « systématique » comme renvoyant à
un « modèle régulier »912 et à la « commission … continue » de crimes913. Dans l’affaire Le
Procureur c/ Kunarac, la Chambre d’appel du TPIY a déclaré que le terme « systématique »
connotait « le caractère organisé des actes de violence et l’improbabilité de leur caractère fortuit »914.
La domination « peut être interprétée comme une forme de contrôle particulièrement puissante »
tandis que l’oppression « peut être interprétée comme une cruauté continue et prolongée »915.
4.247. Comme il a été démontré à la section I du présent chapitre, Israël a instauré un régime
institutionnalisé de ségrégation, de discrimination, d’assujettissement et de domination fondé sur des
motifs raciaux. Les politiques et pratiques discriminatoires d’Israël envers les Palestiniens sont soustendues
par un système juridique qui distingue la nationalité juive de la nationalité israélienne,
privilégiant les personnes de nationalité juive par rapport aux non-Juifs, y compris les ressortissants
d’Israël d’origine palestinienne. Ce statut privilégié apparaît clairement dans la loi fondamentale de
2018 qui dispose que « [l]’État d’Israël est l’État-nation du peuple juif »916. La mission
d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza avait déjà fait la
constatation suivante en 2009 :
« Les avantages exclusifs réservés aux juifs découlent du statut civil dualiste
prévu par le droit interne israélien sur la base d’une “nationalité juive” qui accorde aux
“personnes de race ou d’ascendance juive” des droits et des privilèges particuliers,
notamment en ce qui concerne l’utilisation des terres, le logement, le développement,
l’immigration et l’accès aux ressources naturelles, comme le confirment les textes
fondamentaux de l’État. »917
4.248. Le rapporteur spécial a expliqué en 2022 que « le Gouvernement israélien a[vait]
attribué ou refusé des droits aux habitants du Territoire palestinien occupé au moyen d’une série de
lois, de pratiques et de politiques qui définiss[ai]ent qui [était] juif et qui ne l’[était] pas (la population
non juive étant en grande majorité palestinienne) »918. L’administration de la Cisjordanie, y compris
Jérusalem-Est, par Israël et le contrôle qu’il exerce sur la bande de Gaza constituent clairement un
« modèle régulier » marqué par la commission continue d’actes offensifs qui ne peuvent être qualifiés
911 Statut de Rome, art. 7, par. 2 h).
912 TPIR, Le Procureur c. Akayesu, affaire no ICTR-96-4-T, jugement, 2 septembre 1998, par. 580.
913 TPIY, Le Procureur c. Kordić et Čerkez, affaire no IT-95-14/2-T, jugement, 26 février 2001, par. 179.
914 TPIY, Le Procureur c. Kunarac, Kovač et Vuković, affaire no IT-96-23 & IT-96-23/1-A, arrêt, 12 juin 2002,
par. 94 ; CPI, Le Procureur c. Katanga et Ngudjolo, no ICC-01/04-01/07, décision relative à la confirmation des charges,
30 septembre 2008, par. 394.
915 M. Jackson, Expert Opinion on the Interplay between the Legal Regime Applicable to Belligerent Occupation
and the Prohibition of Apartheid under International Law, mars 2021, par. 18 (note de bas de page omise) (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/49b8n3w6).
916 Loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif, 5778-2018, art. premier, al. b) (accessible à l’adresse
suivante : https://tinyurl.com/5xru5m8s).
917 Rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza,
intitulé « La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes », 25 septembre 2009,
doc. A/HRC/12/48, par. 206 (notes de bas de page omises) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/
HRC/12/48).
918 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 33 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
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de « fortuits »919. Il s’ensuit qu’« un régime institutionnalisé d’oppression raciale systématique et de
discrimination a bien été mis en place » dans le Territoire palestinien occupé920.
3. Commission d’actes inhumains
4.249. Ainsi qu’il a été démontré dans le présent chapitre, Israël a commis et continue de
commettre un large éventail d’actes inhumains contre les Palestiniens dans le Territoire palestinien
occupé, mais aussi en Israël même : meurtres ; torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants ; arrestations et détentions illégales ; transferts forcés ; destruction de biens et punitions
collectives. En outre, Israël viole systématiquement les droits civils, politiques, économiques,
sociaux et culturels des Palestiniens pour des motifs raciaux dans le Territoire palestinien occupé.
Ces violations constituent elles aussi des actes inhumains au sens de la définition de l’apartheid
énoncée dans la convention sur l’apartheid921 et le Statut de Rome922.
4. Intention ou but d’entretenir le régime
4.250. Aux termes de l’alinéa h) du paragraphe 2 de l’article 7 du Statut de Rome, l’apartheid
n’est constitué que si les actes incriminés sont commis dans l’intention de maintenir un régime
institutionnalisé d’oppression systématique d’un groupe racial sur un autre923. Pareille intention
« peut, à défaut d’éléments de preuve directs et explicites, procéder d’un certain nombre de faits et
circonstances »924. Quant à la convention sur l’apartheid, elle dispose que les actes inhumains
concernés doivent être commis en vue d’instituer un régime de domination et d’oppression
raciales925.
4.251. L’occupation du Territoire palestinien occupé par Israël a un double but : étendre la
« souveraineté » d’Israël à Jérusalem et au reste du territoire palestinien qu’il occupe depuis juin
1967 et assujettir le peuple palestinien qui continue de vivre sur ce territoire en lui déniant le droit à
l’autodétermination et à l’indépendance. La pratique institutionnalisée et systématique de l’apartheid
est un élément essentiel de l’occupation en ce qu’elle favorise la réalisation des buts qu’Israël cherche
à atteindre par la colonisation et l’annexion, notamment l’assujettissement du peuple palestinien et
l’extinction de son droit à l’autodétermination dans son propre territoire. Comme l’a retenu le
rapporteur spécial en 2022, Israël est un « occupant cupide, déterminé à maintenir un contrôle
permanent sur un territoire et sa population autochtone »926. En effet, « les premiers ministres
israéliens ont régulièrement et ouvertement affirmé que la domination israélienne sur les Palestiniens
et leurs terres était permanente et qu’aucun État palestinien ne verrait le jour »927. En conséquence,
Israël a choisi de « redoubler d’efforts pour appliquer des méthodes de contrôle de la population de
plus en plus complexes et strictes, ce qui est inévitable lorsqu’il s’agit de consolider une domination
919 Ibid., par. 55.
920 Ibid., par. 53 (les italiques sont de nous).
921 Voir convention sur l’apartheid, art. II.
922 Le Statut de Rome cite la persécution au nombre des actes inhumains et la définit comme « le déni intentionnel
et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ».
923 Il s’agit d’une forme de dol spécial qui s’ajoute au dol général requis à l’article 30 du Statut de Rome.
924 TPIY, Le Procureur c. Jelisić, affaire no IT-95-10-A, arrêt, 5 juillet 2001, par. 47.
925 Convention sur l’apartheid, art. II.
926 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, par. 47 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
927 Ibid., par. 9 (note de bas de page omise).
- 205 -
étrangère permanente sur » un peuple, le peuple palestinien en l’occurrence928. Les méthodes
employées par Israël dans ce dessein, qui sont décrites dans le présent exposé, établissent amplement
l’intention qu’il a de pérenniser son occupation et, pour favoriser la réalisation de cet objectif,
d’imposer l’apartheid, celui-ci étant un élément indispensable des efforts qu’il déploie pour maintenir
son contrôle sur le Territoire palestinien occupé en assujettissant la population autochtone dudit
territoire par un vaste mécanisme de discrimination raciale dirigé contre elle.
4.252. Comme l’a montré la section précédente, Israël a également adopté un ensemble de lois,
politiques et pratiques qui sont discriminatoires envers ses ressortissants d’origine palestinienne et
profitent aux Juifs israéliens, notamment en allouant à ces derniers des terres domaniales, en
dépossédant les Palestiniens israéliens de leurs foyers pour les déplacer et en limitant les lieux où ils
peuvent vivre, afin de garantir le contrôle d’un groupe sur les terres au détriment de l’autre et
d’affirmer la suprématie des Juifs israéliens en Israël.
Conclusion
4.253. Le régime d’occupation mis en place par Israël dans le Territoire palestinien occupé se
caractérise par un système d’apartheid dans lequel un régime militaire institutionnalisé placé sous la
direction d’autorités politiques persécute systématiquement les Palestiniens et cherche à coloniser et
à annexer leur territoire. Plus généralement, Israël pratique la discrimination pour des motifs raciaux
envers l’ensemble des Palestiniens, qu’ils vivent de part et d’autre de la Ligne verte ou qu’ils soient
réfugiés ou encore membres de la diaspora, afin d’établir, de promouvoir et de perpétuer la
suprématie des Juifs israéliens et leur domination permanente sur l’ensemble du territoire compris
entre la Méditerranée et le Jourdain. La politique d’Israël envers le peuple palestinien offre un
exemple typique d’apartheid. Elle n’est pas moins pernicieuse quant à son but ni moins endémique
quant à ses conséquences dévastatrices pour le peuple palestinien que le régime d’apartheid qui a
sévi en Afrique du Sud (et en Namibie, sous l’occupation sud-africaine avant son indépendance)
jusque dans les années 1990. Il est par conséquent bien établi, au vu de l’abondance des preuves
produites devant la Cour dans le présent chapitre, qu’Israël commet le fait internationalement illicite
d’apartheid.
928 Ibid., par. 36.
- 206 -
CHAPITRE 5
VIOLATION PERSISTANTE PAR ISRAËL DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN
À L’AUTODÉTERMINATION
5.1. Le peuple palestinien jouit incontestablement du droit de disposer de lui-même, comme
la Cour elle-même l’a confirmé dans l’avis sur le mur929. Malheureusement, ce droit a été, et continue
d’être, violé par Israël, qui s’emploie à le contester et à l’étouffer en annexant le territoire palestinien,
en pratiquant la discrimination à l’égard du peuple palestinien et en privant celui-ci de ses droits
fondamentaux sur sa terre ancestrale.
5.2. Le présent chapitre revient plus en détail sur la nature et le contenu du droit du peuple
palestinien à l’autodétermination et sur la violation de ce droit par Israël. La section 0 traite du
contenu du droit à l’autodétermination et plus précisément des quatre composantes spécifiques de ce
droit, à savoir i) le droit à l’intégrité territoriale ; ii) l’interdiction de la manipulation démographique
par les puissances étrangères dans le territoire concerné ; iii) la souveraineté permanente sur les
ressources naturelles ; et iv) le droit des peuples de déterminer librement leur statut politique et
d’assurer librement leur développement économique, social et culturel.
5.3. La section II établit que le peuple palestinien jouit du droit à l’autodétermination en droit
international. Elle montre que la communauté internationale a reconnu ce droit pour la première fois
dans le cadre du système des mandats mis en place au lendemain de la première guerre mondiale et
après la création de la Société des Nations. Elle montre également que, si le plan de partage
recommandé en 1947 par l’Assemblée générale des Nations Unies a consacré le droit du peuple
palestinien à l’autodétermination, il a compromis ce droit dans les faits en limitant indûment son
champ d’application territorial contre le souhait exprès du peuple palestinien. Néanmoins, le droit du
peuple palestinien à l’autodétermination, notamment son droit à un État indépendant, n’a cessé d’être
réaffirmé depuis 75 ans par chacun des principaux organes des Nations Unies, dont la Cour, et par la
grande majorité des États et des organisations régionales et internationales.
5.4. La section III établit que, depuis sa création en 1948, l’État d’Israël conteste et refuse de
reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination dans l’ensemble du territoire qui
constituait la Palestine sous le mandat britannique. Sa politique de dépossession, de déplacement et
de remplacement, de purification ethnique, de discrimination et de déni de droits qui a débuté avec
la Nakba perpétrée de 1947 à 1949, est toujours d’actualité. Israël s’obstine à contester l’existence,
l’identité nationale, le patrimoine culturel, les racines historiques et les droits territoriaux du peuple
palestinien. De fait, c’est chacune des composantes du droit du peuple palestinien à
l’autodétermination qu’il viole de manière systématique.
5.5. La colonisation et l’annexion du territoire palestinien par Israël et la discrimination raciale
systématique constitutive d’apartheid à laquelle il soumet le peuple palestinien constituent deux des
pires formes de violation du droit des peuples à l’autodétermination en droit international. Comme il
sera montré ci-après, en prenant le contrôle de Jérusalem et du reste de la Cisjordanie, en faisant
valoir sa « souveraineté » sur ces territoires et en déclarant qu’il ne s’en retirera jamais, Israël porte
gravement atteinte à l’intégrité territoriale de la Palestine. En installant plus de 700 000 de ses
ressortissants dans le Territoire palestinien occupé et en contraignant des dizaines de milliers de
Palestiniens à quitter leur propre terre, il se livre à une manipulation démographique flagrante. En
s’emparant des réserves d’eau vitales, des gisements d’hydrocarbures et des carrières de minerais du
929 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 183, par. 118.
- 207 -
peuple palestinien et en les exploitant dans son propre intérêt, notamment pour créer ou étendre ses
colonies de peuplement, il prive ce peuple de l’exercice de sa souveraineté sur ses propres ressources
naturelles. Enfin, en réprimant l’expression nationale du peuple palestinien sous toutes ses formes et
en exerçant à l’égard de ce dernier une discrimination systématique touchant à chacun des aspects de
la vie quotidienne, il tente d’éteindre le droit du peuple palestinien de déterminer librement son statut
politique et d’assurer librement son développement économique, social et culturel.
I. LE CONTENU DU DROIT À L’AUTODÉTERMINATION
5.6. Le droit à l’autodétermination est considéré comme un principe d’« application
universelle » produisant des effets erga omnes, dans la suite logique de son statut de norme du jus
cogens930. La CDI l’a inclus dans sa liste non exhaustive des normes du jus cogens931.
5.7. Comme il est indiqué plus haut, le droit à l’autodétermination se compose de quatre
éléments, exposés ci-après.
A. Droit à l’intégrité territoriale
5.8. Dans ses résolutions 1514 (XV) et 2625 (XXV), l’Assemblée générale a affirmé le droit
à l’intégrité territoriale et dit qu’il était un corollaire indispensable du droit à l’autodétermination :
« Tout État doit s’abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou totalement l’unité
nationale et l’intégrité territoriale d’un autre État ou d’un autre pays. »932 et « Toute tentative visant
à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est
incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. »933
5.9. Dans son avis consultatif au sujet de l’archipel des Chagos, la Cour a conclu que « [t]ant
la pratique des États que l’opinio juris … confirm[ai]ent le caractère coutumier du droit à l’intégrité
territoriale » et que celui-ci représentait « un élément clef de l’exercice du droit à l’autodétermination
en droit international »934. Elle a ainsi reconnu le droit à l’intégrité territoriale et son lien avec
l’autodétermination des peuples.
5.10. L’acquisition, par la force militaire, d’un territoire appartenant à un autre État, ou à un
peuple titulaire du droit à l’autodétermination, est une des manifestations concrètes de la
« destruction » totale ou partielle de l’intégrité territoriale, et constitue une forme odieuse de déni du
droit du peuple de cet État à l’autodétermination. Comme l’a clairement déclaré l’Assemblée
930 M. Shaw, Title to Territory in Africa: International Legal Issues, Oxford University Press, 1986, p. 91 ; D. Raic,
Statehood and the Law of Self-Determination, Martinus Nijhoff Publishers, 2002, p. 219.
931 Texte du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du
droit international général (jus cogens), rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session
(18 avril–3 juin et 4 juillet–5 août 2022), doc. A/77/10, p. 92-93, commentaire relatif à la conclusion 23, par. 14, et annexe
du projet de conclusions. Voir également par. 2.50 ci-dessus.
932 Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, intitulée « Déclaration relative aux principes
du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États ».
933 Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, par. 6.
934 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil
2019 (I), p. 134, par. 160.
- 208 -
générale dans sa résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970935, « l’acquisition et la conservation
d’un territoire contrairement au droit à l’autodétermination du peuple de ce territoire est inadmissible
et constitue une violation flagrante de la Charte »936.
5.11. Dans ses résolutions 1514 (XV) et 2625 (XXV), l’Assemblée générale a reconnu de
surcroît que « [t]ous les États doivent … respect[er] … [l]es droits souverains et … l’intégrité
territoriale de tous les peuples »937 et que « [t]out État doit s’abstenir de toute action visant à rompre
partiellement ou totalement l’unité nationale … d’un autre État ou d’un autre pays »938.
B. Interdiction de la manipulation démographique
5.12. Outre qu’ils sont tenus de respecter l’intégrité territoriale des territoires non autonomes,
les États doivent s’abstenir de toute action susceptible de porter atteinte à l’unité (spatiale ou
politique) des peuples concernés. Les mesures visant à miner l’intégrité d’un peuple titulaire du droit
à l’autodétermination, que ce soit en déplaçant ses membres de son unité territoriale, en les confinant
dans des enclaves isolées au sein de l’unité, ou en intégrant un autre peuple dans l’unité, portent
gravement atteinte à ce droit.
5.13. Deux aspects du principe peuvent être distingués939. Le premier est l’interdiction des
transferts forcés de populations (par voie de purification ethnique ou de réinstallations forcées, ou
par la mise en place de conditions de vie insupportables pour la population dans l’unité territoriale)
portant atteinte à l’intégrité du peuple titulaire du droit à l’autodétermination. Comme l’ont expliqué
les rapporteurs spéciaux de l’ONU en 1993, le droit à l’autodétermination « ne peut nécessairement
plus s’exercer dès lors qu’une population est arrachée à sa patrie, et que son déplacement contribue
à l’anéantissement de son identité propre et lui ôte les moyens de déterminer son propre destin en
tant que peuple »940. Cette dimension du droit à l’autodétermination a été confirmée par la Cour dans
son avis sur le mur :
« La construction du mur risque également de conduire à de nouvelles
modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé, dans
la mesure où elle occasionne le départ de populations palestiniennes de certaines
zones ... Cette construction, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ainsi
un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit a
935 Assemblée générale, résolution 2649 (XXV) du 30 décembre 1970, préambule : « Soulignant l’importance, pour
la garantie et l’observation effectives des droits de l’homme, de la réalisation universelle du droit des peuples à
l’autodétermination et de l’octroi rapide de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ».
936 Ibid., par. 4.
937 Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, par. 7.
938 Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, intitulée « Déclaration relative aux principes
du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États » (les italiques sont de nous). Voir
également Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960.
939 C. Drew, « Self-Determination, Population Transfer and the Middle East Peace Accords », dans S. Bowen (sous
la dir. de), Human Rights, Self-Determination and Political Change in the Occupied Palestinian Territories, Brill, 1997,
p. 135.
940 A. Al-Khasawneh et R. Hatano, rapport préliminaire intitulé « Réalisation des droits économiques, sociaux et
culturels : Les transferts de populations, y compris l’implantation de colons et de colonies, considérés sous l’angle des
droits de l’homme », 6 juillet 1993, doc. E/CN.4/Sub.2/1993/17, p. 50, par. 203 (accessible à l’adresse suivante :
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G93/142/09/PDF/G9314209.pdf?OpenElement).
- 209 -
l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce
droit. »941
5.14. Le second aspect concerne le transfert d’autres populations dans le territoire d’un peuple
titulaire du droit à l’autodétermination (installation de colons), qui compromet également l’exercice
du droit à l’autodétermination. Ce transfert est, bien entendu, prohibé par la quatrième convention de
Genève942. L’Assemblée générale a clairement affirmé que les deux formes de manipulation
démographique — à savoir le déplacement de populations hors du territoire et l’intégration d’un autre
peuple dans le territoire — portaient atteinte au droit à l’autodétermination943.
C. Droit à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
5.15. L’Assemblée générale a souligné à maintes reprises que le droit à la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles était un « élément fondamental du droit des peuples ... à
disposer d’eux-mêmes »944. Cela est repris à l’article premier commun aux deux Pactes
internationaux, qui affirme le droit des peuples de « disposer librement … de leurs ressources
naturelles »945, et dans la résolution 3281 (XXIX) du 12 décembre 1974 qui dispose que « [c]haque
État détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses,
ressources naturelles et activités économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et
d’en disposer »946.
5.16. L’Assemblée générale a adopté cette approche dans sa déclaration sur la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles, dans laquelle elle a affirmé que la violation des « droits
souverains des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles [allait] à
l’encontre de l’esprit et des principes de la Charte des Nations Unies »947. Dans sa déclaration sur le
droit au développement, elle a indiqué que « [l]e droit de l’homme au développement suppos[ait]
941 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 184, par. 122.
942 Quatrième convention de Genève, art. 49.
943 Assemblée générale, résolutions 2105 (XX) du 20 décembre 1965, par. 5 : « Fait appel aux puissances
coloniales pour qu’elles mettent fin à leur politique qui viole les droits des peuples coloniaux par l’afflux systématique
d’immigrants étrangers et par la dispersion, la déportation et le transfert des autochtones » ; 3548 (XXX) du 10 décembre
1975, par. 7 ; 2228 (XXI) du 20 décembre 1966, par. 2 : « Demande à la Puissance administrante de faire en sorte que le
droit à l’autodétermination soit librement exprimé et exercé par la population autochtone du territoire sur la base du suffrage
universel des adultes et dans le plein respect des droits et des libertés fondamentales » ; 2356 (XXII) du 19 décembre 1967,
par. 3 : « Prie la Puissance administrante de créer les conditions politiques voulues pour accélérer la mise en oeuvre du droit
de la population à l’autodétermination et à l’indépendance, y compris le plein exercice des libertés politiques, et de
permettre à tous les réfugiés de revenir dans le territoire » ; et 3480 (XXX) du 11 décembre 1975, par. 3 : « Demande à la
Puissance administrante de créer toutes les conditions nécessaires pour accélérer le processus d’indépendance du peuple de
la prétendue Côte française des Somalis (Djibouti) en favorisant notamment la libération des prisonniers politiques et le
retour des représentants des mouvements de libération reconnus par l’Organisation de l’unité africaine, ainsi que celui de
tous les réfugiés ».
944 Assemblée générale, résolution 1803 (XVII) du 12 décembre 1962. Voir également ibid., résolutions 35/118 du
11 décembre 1980 ; 52/78 du 10 décembre 1997 ; 54/9 du 6 décembre 1999 ; 55/147 du 8 décembre 2000 ; et 56/74 du
10 décembre 2001.
945 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966 (entré en vigueur le
3 janvier 1976), RTNU, vol. 993, art. premier ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966
(entré en vigueur le 23 mars 1976), RTNU, vol. 999, art. premier.
946 Assemblée générale, résolution 3281 (XXIX) du 12 décembre 1974, art. 2, par. 1.
947 Ibid., résolution 1803 (XVII) du 12 décembre 1962, par. 7.
- 210 -
aussi la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », dont l’exercice de leur
« pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles »948.
5.17. Il va de soi que les « richesses et … ressources naturelles » relevant de la « pleine
souveraineté » des peuples incluent les réserves d’eau douce, les ressources minérales et les
gisements d’hydrocarbures, lesquels existent dans le Territoire palestinien occupé.
D. Droit de déterminer librement son statut politique et d’assurer librement
son développement économique, social et culturel
5.18. Le droit des peuples de déterminer librement leur statut politique, notamment de créer
un État indépendant, est un des éléments fondamentaux du droit à l’autodétermination, comme
l’indique l’Assemblée générale dans sa résolution 1514 (XV) : « Tous les peuples ont le droit de libre
détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique »949.
5.19. De même, l’Assemblée générale souligne dans sa résolution 2625 (XXV) ce qui suit :
« En vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer
d’eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les peuples ont
le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence
extérieure. »950
5.20. En 2007, l’Assemblée générale a adopté la déclaration des Nations Unies sur les droits
des peuples autochtones, dans laquelle elle a :
« [c]onstat[é] que la Charte des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ainsi que la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, affirm[ai]ent
l’importance fondamentale du droit de tous les peuples de disposer d’eux-mêmes, droit
en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique »951.
5.21. Le droit à l’autodétermination comprend également la liberté des peuples d’assurer leur
développement économique, social et culturel. Ce principe trouve sa confirmation dans les
résolutions 1514 (XV), 2625 (XXV) et 61/295 ainsi que dans l’article premier commun au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels qui ont tous deux été ratifiés par la grande majorité des membres
de la communauté internationale. L’Assemblée générale a maintes fois souligné le lien existant entre
le droit à l’autodétermination et le droit d’assurer son développement économique, social et culturel.
Sa déclaration sur le droit au développement qualifie le droit à l’autodétermination de « droit
inaliénable de l’homme en vertu duquel … tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer
à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l’homme
948 Assemblée générale, résolution 41/128 du 4 décembre 1986, art. premier, par. 2.
949 Ibid., résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, par. 2.
950 Ibid., résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, annexe (les italiques sont de nous). Voir également ibid.,
résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960.
951 Ibid., résolution 61/295 du 13 septembre 2007, annexe (les italiques sont de nous).
- 211 -
et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés »952. Comme l’a fait observer le
Comité des droits de l’homme dans son observation générale no 12 :
« Le droit [des peuples] de disposer d’eux-mêmes … revêt une importance
particulière, parce que sa réalisation est une condition essentielle de la garantie et du
respect effectif des droits individuels de l’homme ainsi que de la promotion et du
renforcement de ces droits. C’est pour cette raison que les États ont fait du droit des
peuples de disposer d’eux-mêmes, dans les deux Pactes, une disposition de droit positif,
qu’ils ont placée, en tant qu’article premier, séparément et en tête de tous les autres
droits énoncés dans ces Pactes. »953
II. DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION
5.22. La Cour a reconnu que le peuple palestinien était admis à jouir du droit à
l’autodétermination et qu’Israël violait ce droit. Dans son avis sur le mur, elle a déclaré que,
« [s]’agissant du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Cour observera[it] que
l’existence d’un “peuple palestinien ne saurait plus faire débat »954. Elle a ensuite jugé que la
construction du mur « dress[ait] … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son
droit à l’autodétermination et viol[ait] de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce
droit »955.
5.23. Bien avant que la Cour ne se prononce sur la question en 2004, des organes de l’ONU
avaient reconnu le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Ainsi, dans sa
résolution 2535 B (XXIV) du 10 décembre 1969, l’Assemblée générale avait reconnu que « le
problème des réfugiés arabes de Palestine prov[enait] du fait que leurs droits inaliénables, tels qu’ils
[étaient] énoncés dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des droits de
l’homme, leur [étaient] déniés », réaffirmé par conséquent reconnaître « les droits inaliénables du
peuple de Palestine » et prié le Conseil de sécurité de prendre des mesures efficaces en vue d’assurer
l’application de ses résolutions pertinentes.
5.24. L’année suivante, l’Assemblée générale a confirmé que les droits inaliénables en cause
incluaient le droit à l’autodétermination. Dans sa résolution 2649 (XXV), elle a condamné « les
gouvernements qui refus[ai]ent le droit à l’autodétermination aux peuples auxquels on a[vait]
reconnu ce droit, notamment les peuples d’Afrique australe et de Palestine »956 ; dans sa
résolution 2672 (XXV) du 8 décembre 1970, elle a reconnu que « le peuple de Palestine d[eva]it
pouvoir jouir de l’égalité de droits et exercer son droit à disposer de lui-même, conformément à la
Charte des Nations Unies » et que « le respect intégral des droits inaliénables du peuple de Palestine
[était] un élément indispensable à l’établissement d’une paix juste et durable au Moyen-Orient »957.
952 Assemblée générale, résolution 41/128 du 4 décembre 1986, art. premier, par. 1.
953 Comité des droits de l’homme, observation générale no 12 intitulée « Droit à l’autodétermination », 13 mars
1984, doc. HRI/GEN/1/Rev.9 (vol. I), p. 213, par. 1 (accessible à l’adresse suivante : https://documents-ddsny.
un.org/doc/UNDOC/GEN/G08/422/36/PDF/G0842236.pdf?OpenElement).
954 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 182-183, par. 118.
955 Ibid., p. 184, par. 122.
956 Assemblée générale, résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970.
957 Ibid., résolution 2672 (XXV) du 8 décembre 1970.
- 212 -
5.25. Dans sa résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, l’Assemblée générale a
réaffirmé « les droits inaliénables du peuple palestinien en Palestine, y compris : a) [l]e droit à
l’autodétermination sans ingérence extérieure ; b) [l]e droit à l’indépendance et à la souveraineté »,
ainsi que le « droit inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens, d’où
ils ont été déplacés et déracinés, et demand[é] leur retour »958.
5.26. L’Assemblée générale a, par la suite, maintes fois réaffirmé les « droits inaliénables du
peuple palestinien », notamment dans ses résolutions 3376 (XXX) du 10 novembre 1975 ; 37/43 du
3 décembre 1982 ; 38/17 du 22 novembre 1983 ; 39/17 du 23 novembre 1984 ; 40/25 du
29 novembre 1985 ; 41/101 du 4 décembre 1986 ; 42/95 du 7 décembre 1987 ; 46/87 du 16 décembre
1991 ; 46/130 du 17 décembre 1991 ; 47/82 du 16 décembre 1992 ; et 48/94 du 20 décembre 1993.
5.27. Depuis la résolution 49/149 du 23 décembre 1994, l’Assemblée générale adopte chaque
année une résolution explicitement intitulée « Le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination »959. La dernière en date est la résolution 77/208 du 15 décembre 2022, dans
laquelle elle « [r]éaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à
un État de Palestine indépendant » et exhorte tous les États ainsi que les institutions spécialisées à
« apporter soutien et aide au peuple palestinien en vue de la réalisation rapide de son droit à
l’autodétermination »960.
5.28. Le Conseil des droits de l’homme adopte lui aussi chaque année une résolution dans
laquelle il « [r]éaffirme le droit inaliénable, permanent et absolu du peuple palestinien à disposer de
lui-même, y compris son droit de vivre dans la liberté, la justice et la dignité, et son droit à l’État
indépendant de Palestine » ; « [d]emande à Israël, Puissance occupante, de mettre fin immédiatement
à son occupation du territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de lever tous les
obstacles à l’indépendance politique, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Palestine » ;
« [e]xprime sa vive inquiétude devant toute mesure qui contrevient aux résolutions de l’Assemblée
générale et du Conseil de sécurité relatives à Jérusalem » ; et
« [s]e déclare aussi profondément préoccupé par la fragmentation du territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et par les changements intervenus dans sa
composition démographique en raison de la poursuite de la construction et de
l’extension des colonies de peuplement, du transfert forcé de Palestiniens et de la
construction du mur par Israël, souligne que cette fragmentation, qui compromet la
possibilité pour le peuple palestinien de réaliser son droit à l’autodétermination, est
incompatible avec les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, et
souligne à cet égard la nécessité de respecter et de préserver l’unité, la continuité et
l’intégrité territoriales de tout le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-
Est »961.
958 Assemblée générale, résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974.
959 Ibid., résolutions 50/140 du 21 décembre 1995 ; 51/82 du 12 décembre 1996 ; 52/114 du 12 décembre 1997 ;
53/136 du 9 décembre 1998 ; 52/152 du 17 décembre 1999 ; 55/87 du 4 décembre 2000 ; 56/142 du 19 décembre 2001 ;
57/147 du 16 décembre 2002 ; 58/163 du 22 décembre 2003 ; 59/179 du 20 décembre 2004 ; 60/146 du 16 décembre 2005 ;
61/184 du 20 décembre 2006 ; 62/146 du 18 décembre 2007 ; 63/165 du 18 décembre 2008 ; 64/150 du 18 décembre 2009 ;
65/202 du 20 décembre 2010 ; 66/146 du 19 décembre 2011 ; 68/154 du 18 décembre 2013 ; 69/165 du 18 décembre 2014 ;
70/141 du 17 décembre 2015 ; 71/184 du 19 décembre 2016 ; 72/160 du 19 décembre 2017 ; 73/158 du 17 décembre 2018 ;
74/139 du 18 décembre 2019 ; 75/172 du 16 décembre 2020 ; et 76/150 du 16 décembre 2021.
960 Ibid., résolution 77/208 du 15 décembre 2022.
961 Voir, par exemple, Conseil des droits de l’homme, résolution 49/28 du 11 avril 2022, par. 1 et 3-5.
- 213 -
5.29. Dans ses résolutions annuelles également, le Conseil des droits de l’homme :
« [c]onfirme que le droit du peuple palestinien à la souveraineté permanente sur ses
richesses et ressources naturelles doit s’exercer dans l’intérêt du développement
national et du bien-être de ce peuple et dans le cadre de la réalisation de son droit à
l’autodétermination » ;
« [d]emande à tous les États de s’acquitter de leur obligation de n’accorder ni
reconnaissance, ni aide, ni assistance s’agissant des violations graves de normes
impératives du droit international commises par Israël, en particulier de l’interdiction
d’acquérir des territoires par la force, afin de garantir l’exercice du droit à
l’autodétermination, et leur demande également de coopérer davantage afin de mettre
un terme, par des moyens licites, à ces violations graves et aux politiques et pratiques
illégales d’Israël » ; et
« [d]emande instamment à tous les États d’adopter les mesures nécessaires pour
promouvoir la réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et d’aider
l’Organisation des Nations Unies à s’acquitter des responsabilités que lui impose la
Charte en ce qui concerne l’application de ce droit »962.
5.30. La reconnaissance du droit du peuple palestinien à l’autodétermination est même
antérieure à la création de l’Organisation des Nations Unies, puisque le système des mandats de la
Société des Nations reconnaissait déjà l’existence de ce droit. Comme l’a dit James Crawford :
« [E]n ce qui concerne son application à la Palestine, le principe
d’autodétermination n’est pas une règle incertaine ou établie ces derniers temps.
D’aucuns soutiennent qu’étant donné que l’autodétermination n’était pas une règle ou
un principe de caractère général du droit international en 1920 ni en 1948, elle n’était
nullement applicable à la Palestine à l’une ou l’autre de ces dates. Or le Pacte et … le
système des mandats ont expressément appliqué le principe d’autodétermination au
territoire de la Palestine et cette position a été réaffirmée, du moins implicitement, par
l’article 80 de la Charte. En 1948, la Palestine était une unité jouissant du droit à
l’autodétermination en droit international. »963
5.31. Le paragraphe 1 de l’article 80 de la Charte se lit comme suit :
« À l’exception de ce qui peut être convenu dans les accords particuliers de tutelle
conclus conformément aux Articles 77, 79 et 81 et plaçant chaque territoire sous le
régime de tutelle, et jusqu’à ce que ces accords aient été conclus, aucune disposition du
présent Chapitre ne sera interprétée comme modifiant directement ou indirectement en
aucune manière les droits quelconques d’aucun État ou d’aucun peuple ou les
dispositions d’actes internationaux en vigueur auxquels des Membres de l’Organisation
peuvent être parties. »964
5.32. Comme l’a clairement dit la Cour dans son avis consultatif au sujet de la Namibie, l’un
des « traits notables » de cette « clause de sauvegarde » est « la stipulation concernant le maintien
des droits des peuples, qui s’applique sans conteste aux habitants des territoires sous mandat et en
962 Ibid., par. 6-8.
963 J. Crawford, The Creation of States in International Law, deuxième édition (Oxford University Press, 2007),
p. 428.
964 Charte des Nations Unies, art. 80, par. 1.
- 214 -
particulier aux populations autochtones »965. Les droits ainsi maintenus « possèdent une existence
indépendante de celle de la Société des Nations ». La Cour a également souligné que l’article 80
servait à préserver les droits des peuples sous mandat non seulement jusqu’à la conclusion d’accords
de tutelle, mais aussi dans les cas où de tels accords ne se concluaient jamais. Elle a ainsi reconnu
que le peuple du Sud-Ouest africain continuait de jouir du droit à l’autodétermination. Par voie de
conséquence, le peuple palestinien doit continuer de jouir des droits qui lui ont été reconnus dans le
système des mandats. De fait, les droits reconnus au peuple du Sud-Ouest africain dans le cadre d’un
mandat C étaient moins étendus que ceux qui étaient reconnus au peuple palestinien dans le cadre
d’un mandat A966.
5.33. La figure 5.1 ci-dessous représente la Palestine sous le mandat britannique, l’unité
territoriale dans laquelle le peuple palestinien devait jouir du droit à l’autodétermination.
5.34. Or, au lieu de faciliter la réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination
comme dans le cas des peuples autochtones des autres territoires sous mandat A, la Puissance
mandataire a favorisé des politiques destinées à modifier la composition démographique du territoire
contre la volonté de sa population autochtone, dans le but de créer une patrie juive en Palestine, un
objectif qui avait été énoncé dans la déclaration Balfour de 1917967. Cette stratégie démographique a
porté atteinte au droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et a conduit
l’Assemblée générale à recommander le partage de la Palestine dans sa résolution 181 (II) de
novembre 1947, sans consulter le peuple palestinien ni tenir compte de sa volonté et de ses souhaits.
La figure 5.2 ci-dessous représente ce partage tel que proposé par l’Assemblée générale des
Nations Unies.
5.35. En l’espace de quelques mois, les milices sionistes ont pris le contrôle de la majeure
partie de la Palestine historique, dont la moitié environ du territoire attribué à l’État arabe dans le
plan recommandé par l’Assemblée générale, et 750 000 à 900 000 Palestiniens ont été arrachés à leur
terre natale et expulsés dans le cadre d’un événement connu sous le nom de Nakba (catastrophe) que
le peuple palestinien a enduré de 1947 à 1949. La figure 5.3 ci-dessous montre la mesure dans
laquelle Israël s’est étendu pendant cette période au-delà du territoire qui lui avait été attribué dans
le plan de partage ; cette extension a abouti à la ligne d’armistice de 1949 appelée « Ligne verte ».
Depuis 1967 et le début de l’occupation par Israël de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de
la bande de Gaza, cette ligne sert de limite du Territoire palestinien occupé.
5.36. Le mandat a pris fin sans que le peuple palestinien n’ait été autorisé à assurer la
réalisation de son droit à l’autodétermination. Par la suite, Israël a été admis comme Membre de
965 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 33, par. 59.
966 L’article 22 du Pacte de la Société des Nations a établi trois catégories de mandats. Les mandats A concernaient
les territoires ainsi décrits : « Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman, ont atteint un degré
de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition
que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration jusqu’au moment où elles seront capables de se
conduire seules. » Les mandats B concernaient les communautés dont « [l]e degré de développement … exige[ait] que le
mandataire y assume l’administration du territoire ». Les mandats C concernaient les « territoires … qui, par suite de la
faible densité de leur population, de leur superficie restreinte, de leur éloignement des centres de civilisation, de leur
contiguïté géographique au territoire du mandataire, ou d’autres circonstances, ne sauraient être mieux administrés que
sous les lois du mandataire comme une partie intégrante de son territoire ».
967 Déclaration Balfour en date du 2 novembre 1917, dans Commission spéciale des Nations Unies pour la
Palestine, rapport à l’Assemblée générale (Documents officiels de la deuxième session de l’Assemblée générale, Supplément
no 11), vol. II, doc. A/364, Add. 1, p. 19, accessible à l’adresse suivante : https://digitallibrary.un.org/
record/563036?ln=fr). Voir également M. C. Bassiouni, « “Self-Determination” and the Palestinians », American journal
of International Law Proceedings, vol. 65, 1971, p. 31 et 36.
- 215 -
l’Organisation des Nations Unies après avoir pris l’engagement de respecter les résolutions 181 (II)
et 194 (III) de l’Assemblée générale qui, respectivement, portaient notamment sur le partage de la
Palestine en deux États, la ville de Jérusalem étant placée sous régime international, et le droit des
réfugiés palestiniens au retour (voir par. 1.20 et 1.21 ci-dessus). Depuis lors il a cependant continué
de violer la lettre et l’esprit de ces résolutions, au mépris de son engagement susvisé.
5.37. La communauté internationale reconnaît le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination, y compris son droit à l’indépendance de son État. La résolution relative à ce
droit mentionnée plus haut jouit d’un soutien quasi universel. De plus, l’Assemblée générale a
réaffirmé dans sa résolution 67/19 du 29 novembre 2012, adoptée par 138 voix pour et 9 seulement
contre, « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans un État de
Palestine situé sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 », et a accordé à la Palestine le « statut
d’État non membre observateur » auprès de l’Organisation des Nations Unies.
Figure 5.1
Mandat britannique pour la Palestine
- 216 -
Légende :
Lebanon = Liban
Jerusalem = Jérusalem
Transjordan = Transjordanie
Mandatory Palestine = Palestine sous mandat
Egypt = Arabie saoudite
Original map modified = Version modifiée de la carte originale
Source : https://ar.wikipedia.org/wiki/%D9%85%D9%84%D9%81:Map_of Mandatory_Palestine_in_1946_with_major_
cities_%28in_English%29.svg.
Figure 5.2
Plan de partage de la Palestine adopté par L’ONU
Légende :
The United Nations Partition Plan for Palestine = Plan de partage de la Palestine adopté par l’ONU
Source : https://www.salon.com/2015/11/30/u_n_voted_to_partition_palestine_68_years_ago_in_an_unfair_plan_made_
even_worse_by_israels_ethnic_cleansing/.
- 217 -
Figure 5.3
Plan de partage adopté par l’ONU en 1947 et lignes d’armistice établies par l’ONU en 1949
Légende :
UN Partition Plan – 1947 and UN Armistice Lines – 1949 = Plan de partage adopté par l’ONU en 1947 et lignes
d’armistice en 1947 et lignes d’armistice établies par
l’ONU en 1949
Lebanon = Liban
Tyre = Tyr
Syrian Arab Republic = République arabe syrienne
Lake Tiberias = Lac de Tibériade
Jenin = Jénine
Nablus = Naplouse
West Bank = Cisjordanie
Jordan = Jourdain
Jerico = Jéricho
Jerusalem = Jérusalem
Bethlehem = Bethléem
Hebron = Hébron
Arab = Arabes
Mediterranean Sea = Mer Méditerranée
Dead Sea = Mer Morte
- 218 -
Israel = Israël
Jordan = Jordanie
Sinai = Sinaï
Egypt = Égypte
Boundary of Former Palestine Mandate = Limite du mandat pour la Palestine
Plan of Partition, 1947 = Plan de partage de 1947
Arab State = État arabe
Jewish State = État juif
Jerusalem = Jérusalem
Armistice Demarcation lines, 1949 (Shown where at
variance with Mandate boundary)
= Lignes de démarcation établies dans le cadre de
l’armistice en 1949 (indiquées dans les cas où elles
diffèrent des limites du mandat)
Gulf of Aqaba = Golfe d’Aqaba
The designations employed and the presentation of
material on this map do not imply the expression of any
opinion whatsoever on the part of the Secretariat of the
United Nations concerning the legal status of any
country, territory, city or area or of its authorities or
concerning the delimitation of its frontiers or boundaries
= Les appellations employées dans la présente carte et
la présentation des données qui y figurent
n’impliquent de la part du Secrétariat de
l’Organisation des Nations Unies aucune prise de
position quant au statut juridique des pays, territoires,
villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé
de leurs frontières ou limites.
Source : Carte no 4153 Nations Unies, Octobre 2000.
5.38. Plus de 140 États reconnaissent explicitement la Palestine en tant qu’État et conviennent
que le statut d’État est un des éléments essentiels du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
Nombre d’autres pays n’ayant pas encore officiellement reconnu l’État de Palestine ont fait savoir
qu’ils le reconnaîtraient sous certaines conditions, mais quelles que soient les conditions qu’ils
avancent à cet égard, ils s’accordent à affirmer que le droit international confère au peuple palestinien
un droit à l’autodétermination qui est violé et comprend le droit à la création d’un État palestinien
indépendant et souverain. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont, à maintes reprises,
appelé à la cessation de l’occupation israélienne et préconisé une solution à deux États démocratiques
— dont un État palestinien indépendant, souverain et d’un seul tenant vivant aux côtés d’Israël dans
la paix et la sécurité — fondée sur les résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies968.
III. DÉNI DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION PAR ISRAËL
ET REFUS PERSISTANT DE CE DERNIER DE RECONNAÎTRE CE DROIT
5.39. Israël conteste le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, sous tous ses aspects,
dans l’ensemble du territoire correspondant à celui de la Palestine sous mandat. Il ne s’en cache
d’ailleurs pas ; au contraire, il indique ouvertement son objectif par ses actes, les propos de ses
dirigeants et même ses propres lois quasi constitutionnelles portant sur le droit à l’autodétermination.
Sa politique transparaît dans une de ses lois fondamentales, qui dispose que « [l]’exercice du droit à
l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservé au peuple juif »969. Le peuple palestinien
n’est donc délibérément pas admis à exercer son droit à l’autodétermination dans l’ensemble du
territoire correspondant à celui de la Palestine sous mandat, y compris son droit à l’indépendance de
son État sur le Territoire palestinien occupé depuis 1967, à savoir la Cisjordanie, y compris
Jérusalem-Est, et la bande de Gaza. Il convient de noter que la loi fondamentale israélienne
susmentionnée ne précise pas les frontières de l’« État d’Israël » à l’intérieur desquelles le « peuple
juif », et lui seul, jouit en toute exclusivité du « droit d’exercer l’autodétermination nationale ».
Toutefois, elle retient expressément la totalité de Jérusalem, Est et Ouest, et d’autres parties du
Territoire palestinien occupé, qu’elle n’appelle pas « Palestine » ni même « Cisjordanie », mais
« Judée-Samarie », ce qui sous-entend que, pour Israël, ces régions font partie de la Terre d’Israël.
De plus en plus, de hauts responsables israéliens proclament ouvertement la « souveraineté » d’Israël
sur Jérusalem et la « Judée-Samarie » ainsi que l’intention d’Israël d’y rester définitivement, comme
968 Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolutions 242 (1967) du 22 novembre 1967 ; 1397 (2002) du 12 mars
2002 ; 1515 (2003) du 19 novembre 2003 ; et 2334 (2016) du 23 décembre 2016.
969 Loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif, 5778-2018, par. 1 al. c) (vol. II, annexe 9).
- 219 -
en témoignent leurs déclarations publiques citées au chapitre 3 (voir en particulier les
paragraphes 3.179 à 3.1930 ci-dessus).
5.40. Les conséquences subies par les Palestiniens sont désastreuses et d’une ampleur
considérable. Depuis plus de 75 ans, soit depuis la Nakba, Israël s’emploie sans cesse à déposséder
définitivement les Palestiniens de leur patrie ancestrale et à les déplacer de celle-ci, contestant leur
lien avec elle, leurs prétentions légitimes à elle et les droits inaliénables dont ils y jouissent. Depuis
1948, il empêche les réfugiés palestiniens de regagner leurs foyers. Les Palestiniens qui, au
lendemain de la Nakba, ont pu demeurer dans l’État d’Israël d’aujourd’hui et sont devenus
ressortissants israéliens continuent de subir une discrimination systémique qui touche leurs libertés
fondamentales et leurs droits fondamentaux et restreint considérablement leur accès aux biens et à la
terre. Ceux qui résident dans le Territoire palestinien occupé sont assujettis à un régime militaire qui
viole leurs droits de l’homme et profite clairement aux colons israéliens présents illicitement sur leur
territoire, au détriment de leurs droits fondamentaux, y compris, plus particulièrement et de manière
flagrante, leur droit à l’autodétermination.
A. Violation de l’intégrité territoriale
5.41. Israël a violé l’intégrité territoriale du Territoire palestinien occupé en annexant
Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie, tel qu’indiqué respectivement aux parties A et B du
chapitre 3. Toute prétendue annexion de l’unité territoriale d’un peuple par un autre État constitue
une grave violation du principe de l’intégrité territoriale. Les actes d’Israël portent atteinte à un
précepte fondamental consacré par la Charte des Nations Unies qui interdit de recourir à la menace
ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État,
soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ; ils portent atteinte
également au corollaire de ce précepte, à savoir le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de
territoire par la force. De plus, l’annexion de territoires palestiniens par Israël constitue une violation
d’un grand nombre de résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale dans lesquelles
ceux-ci condamnent et déclarent inadmissible l’acquisition de territoire palestinien par Israël au motif
qu’elle est contraire au droit international, notamment au droit du peuple palestinien à
l’autodétermination970.
5.42. Qui plus est, nombre d’organes des Nations Unies — tels que l’Assemblée générale971,
le Conseil de sécurité972 et le Conseil des droits de l’homme973 — ont affirmé la nécessité de préserver
« l’unité, la continuité et l’intégrité » du territoire palestinien. L’Assemblée générale, en particulier,
a maintes fois souligné « la nécessité de respecter et de préserver l’unité, la continuité et l’intégrité
de l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », notamment dans sa
résolution annuelle sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination974.
5.43. Dans le but de s’emparer du maximum de terres palestiniennes tout en réduisant au
minimum le nombre de Palestiniens, Israël a fragmenté le territoire palestinien et confiné les
970 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolutions 67/120 du 18 décembre 2012 ; 68/82 du 11 décembre
2013 ; 69/92 du 5 décembre 2014 ; 70/89 du 9 décembre 2015 ; 71/97 du 6 décembre 2016 ; 72/86 du 7 décembre 2017 ;
73/98 du 7 décembre 2018 ; 75/97 du 18 décembre 2020 ; 76/82 du 9 décembre 2021 ; et 77/126 du 12 décembre 2022.
Voir également Conseil de sécurité, résolutions 242 (1967) du 22 novembre 1967 ; 252 (1968) du 21 mai 1968 ; 298 (1971)
du 25 septembre 1971 ; 465 (1980) du 1er mars 1980 ; et 2334 (2016) du 23 décembre 2016.
971 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolution 76/150 du 16 décembre 2021, préambule.
972 Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, par. 1, al. ii).
973 Conseil des droits de l’homme, résolution 52/34 du 18 avril 2023, par. 5.
974 Assemblée générale, résolution 77/208 du 28 décembre 2022, préambule.
- 220 -
Palestiniens dans des enclaves. Ces enclaves sont séparées les unes des autres par de vastes zones
dans lesquelles ne sont autorisées que les colonies de peuplement israéliennes et par un réseau routier
et de transport reliant les colonies les unes aux autres et à Israël qui les isole encore plus, ou sont
déclarées zones militaires ou réserves naturelles israéliennes pour permettre à Israël de continuer de
les soumettre à son contrôle.
5.44. La ville de Jérusalem, en particulier, a été séparé du milieu palestinien par des lois,
politiques et pratiques israéliennes, dont la création de colonies de peuplement (comptant aujourd’hui
plus de 230 000 colons israéliens à Jérusalem-Est)975 et le régime associé à celles-ci, qui ont aussi
profondément fragmenté la Cisjordanie et les communautés palestiniennes qui y sont confinées et les
ont coupées de leur capitale historique et de la plupart de leurs sites religieux sacrés.
5.45. Ainsi qu’il a été expliqué dans la partie A du chapitre 3 et au chapitre 4, cette situation
est le résultat de mesures telles que la construction et l’extension de colonies de peuplement réservées
aux Juifs israéliens qui encerclent la Ville sainte et le prolongement du mur, auxquelles s’ajoutent
des restrictions frappant l’entrée à Jérusalem des Palestiniens qui vivent en Cisjordanie et dans la
bande de Gaza. Ces restrictions empêchent les Palestiniens résidant de l’autre côté du mur d’annexion
de pénétrer dans la Ville sainte et d’accéder à leurs sources de moyens de subsistance dont ils sont
coupés par le mur, notamment les exploitations agricoles et les entreprises. Elles ont également pour
but d’empêcher l’intégration politique, économique, sociale et culturelle des Palestiniens de
Jérusalem-Est dans l’entité politique palestinienne en place dans le Territoire palestinien occupé.
5.46. Comme il a été démontré dans la partie B du chapitre 3 et au chapitre 4, Israël a
fragmenté la Cisjordanie en séparant les communautés palestiniennes les unes des autres. Pour ce
faire, il a déclaré de larges pans de ce territoire — représentant plus de 60 % — interdits d’accès aux
Palestiniens, dont la vallée du Jourdain qu’il s’est réservée à titre de zone « militaire ». Il a quadrillé
la Cisjordanie d’un réseau de routes et d’autoroutes dont l’accès est interdit aux Palestiniens ou ne
leur est ouvert que de façon restreinte, et qui isole les villes et villages palestiniens les uns des autres.
Enfin, il refuse d’accorder aux Palestiniens les permis de construire dont les intéressés ont besoin
pour faire face à la croissance normale de la population palestinienne, puis démolit des milliers de
logements construits sans les permis qu’il exige, et confine les diverses communautés palestiniennes
dans des zones isolées et fermées quand il ne s’agit pas de les contraindre tout simplement à quitter
la Palestine.
5.47. Ainsi qu’il a été montré au chapitre 4 (voir en particulier les paragraphes 4.192 à 4.202
ci-dessus), la bande de Gaza a été transformée en une « enclave à haute densité de population
particulièrement appauvrie, contrôlée par Israël au moyen d’un blocus maritime, terrestre et aérien
étouffant »976, totalement séparée et isolée de la Cisjordanie, y compris de Jérusalem-Est.
5.48. Selon la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, le « principal vecteur » de la fragmentation du territoire
palestinien, outre la séparation physique imposée par le blocus et le régime de restrictions décrit au
chapitre 4, est l’adoption délibérée de régimes distincts applicables à des zones distinctes au sein du
975 Peace Now, Settlements Map 2023, 5 janvier 2023, p. 2 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.
com/2p97bz6p).
976 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 46 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/356).
- 221 -
Territoire palestinien occupé977 qui, tant individuellement que cumulativement, violent le droit du
peuple palestinien à l’autodétermination.
B. Manipulation démographique
5.49. Israël se livre à une manipulation démographique de la population en Palestine, à la fois
par le transfert de sa propre population en territoire palestinien et par l’expulsion et le déplacement
de Palestiniens hors de leur patrie.
1. Transfert de ressortissants israéliens dans le Territoire palestinien occupé
5.50. Comme on l’a vu aux parties A et B du chapitre 3, Israël a implanté des centaines de
colonies de peuplement et installé des centaines de milliers de ses propres ressortissants à Jérusalem-
Est et dans le reste de la Cisjordanie, et a déclaré publiquement qu’ils y demeureraient définitivement.
Les premières dispositions qu’il a prises pour modifier la composition démographique du Territoire
palestinien occupé en y transférant ses propres ressortissants remontent à 1967 et ces mesures n’ont
cessé de prendre de l’ampleur depuis lors, le nombre prévu de colonies et de colons étant en
augmentation constante. Tout récemment, comme il est relaté au chapitre 3 (voir les paragraphes 3.85
et 3.214 ci-dessus), le Gouvernement israélien a simplifié la procédure d’autorisation de nouvelles
colonies et a immédiatement approuvé la construction de 6 500 nouveaux logements à Jérusalem-
Est ; puis, il a autorisé en février 2023 la construction de 7 349 nouveaux logements en Cisjordanie.
Le ministre chargé des colonies et de la prétendue administration civile du Territoire palestinien
occupé prévoit l’installation de « centaines de milliers » de nouveaux colons israéliens, consolidant
ainsi encore davantage les prétentions à la « souveraineté » exprimées par Israël dans le but affiché
de rendre impossible la réalisation des aspirations nationales du peuple palestinien, dont l’aspiration
à un État indépendant. À cet égard, il a préconisé la solution suivante :
« Il faut, pour ce faire, exercer pleinement la souveraineté d’Israël dans les
régions centrales de Judée-Samarie et mettre fin au conflit par la colonisation en créant
de nouvelles villes et colonies bien à l’intérieur du territoire et en y installant des
centaines de milliers de nouveaux colons. Cette opération ferait comprendre clairement
à tous que la réalité présente en Judée-Samarie est irréversible, que l’État d’Israël est là
pour rester et que le rêve arabe d’un État en Judée-Samarie n’est plus réalisable. »978
2. Expulsion de Palestiniens
5.51. Bien avant le début du transfert de ses propres ressortissants dans le territoire palestinien,
Israël a adopté et vigoureusement mené une politique d’expulsion des Palestiniens, dans le but de
faire émerger une majorité israélienne. Sur les quelque 1,4 million de Palestiniens qui vivaient dans
la Palestine sous mandat en 1948, 750 000 à 900 000 ont été arrachés à leurs foyers et expulsés
pendant la Nakba de 1947-1949979. Alors que cette politique de déplacements battait son plein, la
977 Ibid., par. 44.
978 B. Smotrich, « Israel’s Decisive Plan », 7 septembre 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
2d3bkfcy).
979 Voir First Interim Report of the United Nations Economic Survey Mission for the Middle East (16 novembre
1949, doc. A/AC.25/4), dans lequel le nombre de réfugiés était estimé à 774 000. Aujourd’hui, on dénombre plus de
7 millions de réfugiés palestiniens, dont plus de 5,7 millions répartis entre le Territoire palestinien occupé et les pays voisins
qui sont enregistrés et pris en charge par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine
dans le Proche-Orient. L’Office est un organisme des Nations Unies créé après la Nakba par la résolution 302 (IV) du
8 décembre 1949, avec pour fonctions initiales d’apporter un « secours direct et [d]es programmes de travaux
recommandés » aux réfugiés palestiniens, afin d’« empêcher que la famine et la détresse ne règnent … et pour réaliser un
état de paix et de stabilité ». L’Assemblée générale des Nations Unies a maintes fois renouvelé son mandat afin qu’il assure
- 222 -
création de l’État d’Israël a été proclamée le 15 mai 1948. Presque immédiatement après, en
juin 1948, le Gouvernement israélien a décidé d’interdire le retour des réfugiés palestiniens dans
leurs foyers désormais situés dans l’État d’Israël nouvellement créé980. Cette décision a par la suite
été codifiée dans une série de lois israéliennes destinées à déposséder les Palestiniens de leurs biens
et à les priver de leur nationalité, de manière massive. Ainsi, en vertu du règlement relatif à l’état
d’urgence du 2 décembre 1948 régissant les biens des absents, dénommé Emergency Regulations
(Absentees’ Property) et modifié par la suite pour en faire la loi de 1950 sur les biens des absents,
Israël a unilatéralement saisi les biens mobiliers et immobiliers de tous les réfugiés palestiniens ainsi
que ceux des Palestiniens déplacés sur le territoire devenu le sien, bien que ces deniers soient devenus
ressortissants israéliens.
5.52. En 1950, Israël a adopté la loi relative au retour, exposée ci-dessus au chapitre 4, qui
conférait aux Juifs nés à l’étranger le droit d’immigrer en Israël et de devenir ressortissants israéliens
(voir les paragraphes 4.211 à 4.214 ci-dessus). En revanche, la loi israélienne de 1952 relative à la
nationalité interdisait à l’ensemble des Palestiniens exilés de force de regagner leurs foyers et
annulait de manière unilatérale leur nationalité palestinienne, les rendant du même coup apatrides981.
De plus, la loi israélienne de 1954 relative à la prévention des infiltrations qui définissait les
infractions et les règles de compétence y afférentes disposait que les réfugiés palestiniens qui
tenteraient d’exercer leur droit légitime au retour seraient condamnés à des sanctions pénales et à
l’expulsion982.
5.53. Ces actes israéliens ont donné lieu à une nouvelle série de déplacements forcés et
délibérés au cours de la guerre de 1967, pendant laquelle quelque 400 000 Palestiniens ont été
contraints de quitter la partie de la Palestine sous mandat qui est devenue le Territoire palestinien
occupé983, à savoir la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza. Israël s’est comporté
à l’égard de ces exilés comme il l’avait fait à l’égard des réfugiés de 1948 : il a cherché à rendre leur
absence permanente en interdisant leur retour. L’ordonnance militaire no 1 a déclaré la Cisjordanie
et la bande de Gaza zones militaires fermées984. En 1969, Israël a adopté deux autres ordonnances
militaires (nos 290 et 329) interdisant aux Palestiniens qui se trouvaient en Jordanie, en Syrie, en
Égypte ou au Liban après le 7 juin 1967 de pénétrer dans le Territoire palestinien occupé985. Depuis
avril 2010, Israël a élargi le champ d’application de l’interdiction édictée par l’ordonnance militaire
no 329 en prévoyant l’expulsion de Cisjordanie de toute personne non titulaire d’un permis qu’il lui
aurait délivré986. Un déni aussi flagrant du droit des réfugiés palestiniens et des autres déplacés
des services au regard du bien-être, de la protection et du développement humain des réfugiés, en attendant qu’une solution
juste soit apportée à leur situation tragique conformément à la résolution 194 (III) du 11 décembre 1948, dans laquelle elle
avait affirmé, entre autres, leur droit au retour, droit qu’elle a rappelé dans d’innombrables résolutions de 1948 à
aujourd’hui, la plus récente étant la résolution 77/123 du 12 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/77/123).
980 Voir B. Morris, « Falsifying the Record: a Fresh Look at the Zionist Documentation of 1948 », Journal of
Palestine Studies, vol. 24, 1995, no 3, p. 56.
981 Loi relative à la nationalité, 5712-1952 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p8yzs92).
982 Prevention of Infiltration Law (Offenses and Jurisdiction) [Loi relative à la prévention des infiltrations portant
définition des infractions et des règles de compétence], no 5714-1954.
983 F. Albanese, Palestinian Refugees in International Law, deuxième édition (Oxford University Press, 2020),
p. 50, notes 265 et 266.
984 Order Closing Area, Gaza Strip and Northern Sinai, no 1, 1967.
985 Order Regarding Prevention of Infiltration (Judea and Samaria) (no 329), 1969, et son équivalente pour Gaza,
Military Order No. 290, 1969. Le texte de ces ordonnances est reproduit dans J. Hiltermann, « Israel’s Deportation Policy
in the Occupied West Bank and Gaza » (Al-Haq, 1986), p. 93-95 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/4ve6y865).
986 Order regarding Prevention of Infiltration, Amendment No. 2, No. 1650 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/2p98pm5d).
- 223 -
palestiniens de retourner dans leurs foyers, de rentrer en possession de leurs biens et de recevoir
réparation constitue également une violation fondamentale du droit du peuple palestinien à
l’autodétermination.
5.54. Israël a poursuivi le même objectif de déplacement à l’égard des Palestiniens qui sont
demeurés dans le Territoire palestinien occupé lorsque celui-ci est passé sous contrôle militaire
israélien après 1967. Ainsi qu’il est exposé aux parties A et B du chapitre 3 et au chapitre 4, il a
adopté et mis en oeuvre une série de politiques destinées à établir ce que des organes des Nations
Unies autorisés ont qualifié de « climat coercitif ». Dans ce climat, les Palestiniens sont soumis à des
conditions de vie si difficiles qu’ils sont contraints de quitter leur territoire ou de quitter les
collectivités dans lesquelles leurs familles vivent depuis des générations, pour trouver refuge dans
l’une des enclaves exiguës et de plus en plus isolées où ils sont confinés. Il s’agit d’un cas manifeste
de manipulation démographique, qui porte gravement atteinte au droit du peuple palestinien à
l’autodétermination.
C. Déni de souveraineté sur les ressources naturelles
5.55. L’Assemblée générale adopte chaque année une résolution intitulée « Souveraineté
permanente du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et
de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles ». Elle y
« [r]éaffirme le principe de la souveraineté permanente des peuples sous occupation étrangère sur
leurs ressources naturelles », indique qu’elle est « [g]uidée par les principes énoncés dans la Charte
des Nations Unies » et rappelle « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force » ainsi
que « les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment les résolutions 242 (1967) du
22 novembre 1967, 465 (1980) du 1er mars 1980, 497 (1981) du 17 décembre 1981 et 2334 (2016)
du 23 décembre 2016 ». Ensuite, elle :
« [r]éaffirme les droits inaliénables du peuple palestinien … sur leurs ressources
naturelles, notamment leurs terres et les ressources en eau et en énergie ; [et]
[e]xige d’Israël, Puissance occupante, qu’il cesse d’exploiter, d’altérer, de détruire,
d’épuiser et de mettre en péril les ressources naturelles du territoire palestinien occupé,
y compris Jérusalem-Est »987.
5.56. Dans un rapport qu’il a présenté à l’Assemblée générale en juin 2022, le Secrétaire
général a fait observer ce qui suit :
« La politique de restrictions que mène Israël à l’égard de l’activité économique,
des ressources et des terres palestiniennes depuis 1967 est un frein constant, sur bien
des points, au bon fonctionnement de l’économie palestinienne, qu’elle rend très
vulnérable aux chocs internes et externes. Ce système restrictif à plusieurs niveaux
continue de priver les Palestiniens du contrôle et de l’utilisation des ressources
naturelles, limitant leur accès aux marchés régionaux et internationaux ainsi que leur
marge de manoeuvre décisionnelle. »988
987 Assemblée générale, résolution 77/187 du 14 décembre 2022, par. 1-2.
988 Répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple
palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe du Golan syrien occupé,
note du Secrétaire général, 8 juin 2022, doc. A/77/90, par. 75 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/90).
- 224 -
Il a également relevé ce qui suit :
« Depuis 1967, Israël a placé toutes les ressources en eau du territoire palestinien
occupé sous le contrôle de son armée et interdit aux Palestiniens de construire de
nouvelles installations hydrauliques ou d’entretenir celles qui existaient déjà sans un
permis militaire. »989
5.57. La prise de contrôle des réserves d’eau douce de la Cisjordanie — ses ressources
naturelles les plus précieuses et essentielles à sa survie — par Israël et leur exploitation dans le propre
intérêt de cet État et de celui des colons israéliens mettent en péril la sécurité de l’eau qui est
indispensable à la subsistance et à l’économie du peuple palestinien. Le contrôle et l’exploitation par
Israël des ressources en eau du Territoire palestinien occupé et leurs effets néfastes sur les
Palestiniens qui habitent ce territoire ont été exposés en détail au chapitre 4 (voir les
paragraphes 4.145 à 4.153 ci-dessus).
5.58. La partie B du chapitre 3 a également retracé l’annexion de la Cisjordanie par Israël,
notamment celle de 60 % de ce territoire dont Israël a pris le contrôle dans leur quasi-intégralité en
vue d’y créer des colonies, des zones militaires et des réserves naturelles israéliennes, les rendant
presque totalement inaccessibles aux Palestiniens (voir en particulier le paragraphe 3.195 ci-dessus).
Israël ne s’est pas contenté de s’approprier la terre de cette zone ; il en a également confisqué les
ressources naturelles. La CNUCED souligne que «[l]a zone C, qui représente près de 60 % de la
superficie de la Cisjordanie, englobe des colonies israéliennes et est entièrement placée sous le
contrôle civil et sécuritaire d’Israël, alors qu’elle est dotée des plus riches ressources naturelles »990.
Elle relève à cet égard ce qui suit :
« La Cisjordanie est fracturée en une myriade d’îles déconnectées. La zone C est
la seule partie non discontinue du territoire, mais elle demeure sous le contrôle d’Israël
et reste inaccessible aux producteurs palestiniens, alors qu’elle est dotée des plus riches
ressources naturelles, notamment des terres fertiles, des minéraux et des pierres, ainsi
que de sites touristiques et d’un secteur de produits cosmétiques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les faits montrent que la Puissance occupante continue d’épuiser les ressources
naturelles, en particulier l’eau, dans le territoire occupé, les exploitant à son avantage et
au détriment du peuple palestinien. La politique d’Israël en matière d’eau favorise les
colonies sur les plans économique et politique et facilite leur expansion, tout en privant
l’économie et l’agriculture palestiniennes de ressources essentielles. »991
5.59. De même, il existe de nombreux documents attestant la prise de contrôle par Israël des
carrières palestiniennes dans le but d’en confier l’exploitation à des sociétés israéliennes de bâtiment
et travaux publics menant leurs activités en Israël même et dans ses colonies implantées dans le
Territoire palestinien occupé, ainsi que les mesures qu’il prend pour empêcher les Palestiniens
989 Ibid., par. 58.
990 Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : le
coût des restrictions dans la zone C vu du ciel », 9 mars 2023, doc. UNCTAD/GDS/APP/2022/1, p. vii (accessible à
l’adresse suivante : https://unctad.org/system/files/official-document/gdsapp2022d1_fr.pdf).
991 Ibid., p. 3 et 7.
- 225 -
d’exploiter leurs gisements d’hydrocarbures à terre et en mer992. En confisquant, dans la pratique, les
ressources naturelles du Territoire palestinien occupé dans son propre intérêt, Israël a privé le peuple
palestinien non seulement de son droit d’exercer sa « pleine souveraineté » sur ses ressources
naturelles, mais aussi de la possibilité d’en tirer des avantages considérables pendant des décennies
et il a épuisé ces ressources. Ces actes réduisent la capacité d’autonomie du peuple palestinien et
constituent une violation manifeste de son droit à l’autodétermination993.
D. Déni des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
5.60. Comme cela a été expliqué au chapitre 4, dans le but d’asseoir et de pérenniser sa
domination sur le peuple palestinien, Israël a mis en place un système complet de discrimination
raciale et de déni des droits fondamentaux dirigé contre ce peuple, en violation de la norme
impérative du droit international qui interdit de pratiquer la discrimination à l’égard d’un peuple et
de l’asservir en raison de sa race. La politique de discrimination raciale systématique menée par
Israël à l’égard du peuple palestinien et son refus de reconnaître à ce peuple la liberté d’exercer ses
droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels constituent également des manquements
à l’obligation impérative qui lui incombe de respecter le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination. Comme l’a noté la CNUCED dans son rapport de 2023, « [l]a violence et les
contraintes imposées aux Palestiniens impactent tous les aspects de leur vie, depuis le droit au
logement jusqu’au droit au développement économique, en passant par l’éducation et l’accès aux
services de santé »994.
5.61. Le déni de ces droits fondamentaux trouve son origine dans le refus d’Israël de
reconnaître l’existence d’un peuple palestinien. La déclaration publique faite en mars 2023 par le
ministre chargé de l’« administration civile » dans le Territoire palestinien occupé dans laquelle
l’intéressé dit que « le peuple palestinien n’exist[e] pas »995 n’est que le dernier exemple en date du
déni par Israël de l’existence du peuple palestinien et des droits de ce peuple. Ce déni sert l’objectif
d’Israël : si le peuple palestinien n’existe pas, celui-ci ne peut jouir de droits civils, politiques,
économiques, sociaux ou culturels en tant que tel.
5.62. Sur cette base, Israël interdit et réprime toute expression politique de l’identité
palestinienne et de l’appartenance à une nation palestinienne. Les symboles palestiniens sont
proscrits et fréquemment attaqués. Le drapeau national est le reflet de l’identité d’un peuple et
l’expression de son existence et de sa présence. Pour ceux qui nient l’existence du peuple palestinien
et combattent sa présence, le drapeau palestinien ne saurait être toléré. Selon la rapporteuse spéciale
de l’ONU, ce drapeau est « systématiquement pris pour cible[] et détruit[], que ce soit dans les lieux
publics ou lors de manifestations publiques, de rassemblements et même de funérailles »996. Plus
992 Voir, par exemple, Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le
peuple palestinien : le potentiel gazier et pétrolier inexploité », Nations Unies, 2019, doc. UNCTAD/GDS/APP/2019/1
(accessible à l’adresse suivante : https://unctad.org/system/files/official-document/gdsapp2019d1_fr.pdf) ; Banque
mondiale, « West Bank and Gaza – Area C and the Future of the Palestinian Economy », 2 octobre 2013 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2p982j6x).
993 I. Scobbie, « An Intimate Disengagement: Israel’s withdrawal from Gaza, the Law of Occupation and of Self-
Determination », Yearbook of Islamic and Middle Eastern Law Online, vol. 11, 2004, no 1, p. 3-31.
994 Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : le
coût des restrictions dans la zone C, vu du ciel », 9 mars 2023, doc. UNCTAD/GDS/APP/2022/1, p. 9 (accessible à
l’adresse suivante : https://unctad.org/system/files/official-document/gdsapp2022d1_fr.pdf).
995 « Smotrich says there’s no Palestinian people, declares his family ‘real Palestinians’ », The Times of Israel,
20 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/3k368zh7).
996 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 53 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/356).
- 226 -
récemment, le ministre israélien de la sécurité nationale a déclaré : « J’ai ordonné à la police
israélienne de veiller au respect de l’interdiction de hisser dans l’espace public tout drapeau de l’OLP
montrant que celle-ci a des liens avec une organisation terroriste »997. Le fait que le ministre israélien
ait choisi de ne pas qualifier ce drapeau de « palestinien » est révélateur, l’intéressé niant l’existence
d’un peuple palestinien. Sa déclaration cadre avec une politique menée de longue date par Israël qui
consiste à considérer comme un acte terroriste toute expression de l’identité palestinienne, toute
opposition à l’occupation ou tout rejet de celle-ci.
5.63. Tel que l’a noté la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale de
l’ONU :
« Les ordonnances militaires israéliennes appliquées en Cisjordanie permettent
aux dirigeants de l’armée de qualifier d’“illégaleˮ, d’“hostileˮ ou de “terroristeˮ
pratiquement toute association et de mettre en détention pour instigation toute personne
manifestant de la “sympathieˮ ou du “soutienˮ pour ces entités “illégalesˮ, y compris
en chantant des slogans. Ces multiples restrictions comportent un risque important de
criminalisation de l’exercice légal des libertés d’expression, de réunion pacifique et
d’association. En mars 2020, Israël avait interdit 430 organisations qu’il qualifiait
d’“illégalesˮ, dont tous les grands partis politiques, tels que le Fatah – parti au
pouvoir. »998
5.64. Le Comité des droits de l’homme s’est dit préoccupé par la loi antiterroriste 5776-2016,
au motif qu’elle
« contient des définitions vagues et trop larges des termes “organisation terroristeˮ et
“acte terroristeˮ et peut servir à réprimer et criminaliser des actes politiques ou
humanitaires légitimes, comme l’illustre le fait qu’en octobre 2021, six organisations
palestiniennes de la société civile ont été qualifiées d’“organisations terroristesˮ, sur le
fondement d’informations secrètes »999.
5.65. Il s’est également dit préoccupé par « l’utilisation, dans des procès liés à la lutte contre
le terrorisme, de preuves secrètes auxquelles les accusés et leurs avocats n’ont pas accès, en violation
de leur droit à un procès équitable », ainsi que par le fait que
« la modification no 30 apportée à la loi de 2018 sur l’entrée en Israël, prévoyant le
retrait de permis de séjour permanent au vague motif de “rupture d’allégeance à l’égard
de l’État d’Israëlˮ, définie comme un acte terroriste dans la loi antiterroriste, a été
utilisée pour révoquer la résidence permanente de résidents palestiniens et de défenseurs
des droits humains des Palestiniens »1000.
997 « Israel security minister bans Palestinian flag-flying in public », The Guardian, 9 janvier 2023 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/mw3ebn5v).
998 Conseil économique et social, « Répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les
conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population
arabe du Golan syrien occupé », 8 juin 2022, doc. A/77/90-E/2022/66, par. 6 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/77/90).
999 Comité des droits de l’homme, observations finales sur le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai 2022,
CCPR/C/ISR/CO/5, par. 18 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/CCPR/C/ISR/CO/5).
1000 Ibid.
- 227 -
5.66. Les institutions politiques, économiques et culturelles palestiniennes, en particulier
celles qui mènent leurs activités à Jérusalem, font aussi fréquemment l’objet d’attaques et de
fermetures, ce qui a conduit l’Assemblée générale, tout récemment en 2021, à se déclarer
« profondément préoccupée par la persistance de la fermeture des institutions palestiniennes dans la
ville »1001. Nombre de ces institutions, en particulier la Maison d’Orient, sont fermées depuis 2001,
en dépit des appels à leur réouverture lancés à maintes reprises par la communauté internationale.
5.67. Ces attaques ne sont pas un phénomène nouveau. Elles s’inscrivent dans une campagne
de lutte incessante contre la présence palestinienne à Jérusalem-Est qui est menée depuis plusieurs
décennies. Comme le faisait remarquer un rapport de l’ONU dès 1997 :
« Les Palestiniens ont également, en particulier pendant l’Intifada, vu leurs
libertés publiques soumises à des restrictions, comme la censure des publications en
arabe, la fermeture de journaux et d’établissements d’enseignement, d’institutions
culturelles et autres situées à Jérusalem-Est, et l’arrestation de leurs représentants. »1002
5.68. Plus généralement, Israël cherche activement à réprimer le mouvement national
palestinien et à perturber la vie politique palestinienne, y compris les élections. Les actes d’agression
qu’il commet contre les dirigeants palestiniens et les représentants élus du peuple palestinien1003,
notamment les meurtres1004, l’exil forcé1005 et les arrestations1006, se poursuivent depuis des
décennies.
1001 Assemblée générale, résolution 76/12 du 6 décembre 2021 relative à Jérusalem (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/RES/76/12).
1002 Nations Unies, « Le statut de Jérusalem — Étude établie à l’intention et sous la direction du Comité pour
l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien », 1997, p. 24 (accessible à l’adresse suivante : https://unispal.un.org
/pdfs/97-24262f.pdf).
1003 Voir Conseil de sécurité, résolution 1435 (2002) du 24 septembre 2002, préambule (« Gravement préoccupé
par la réoccupation du quartier général du Président de l’Autorité palestinienne dans la ville de Ramallah, le 19 septembre
2002, et exigeant qu’il y soit mis fin immédiatement ») (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
S/RES/435(2002)).
1004 Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 611 (1988) du 25 avril 1988, préambule et par. 1 (« Ayant
noté avec préoccupation que l’agression perpétrée le 16 avril 1988 dans la localité de Sidi Bou Saïd a causé des pertes en
vies humaines, particulièrement l’assassinat de M. Khalil Al-Wazir » … « Condamne avec vigueur l’agression perpétrée
le 16 avril 1988 contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Tunisie, en violation flagrante de la Charte des Nations
Unies, du droit et des normes de conduite internationaux ») (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
S/RES/611(1988)).
1005 Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 484 (1980), préambule et par. 3 (« Exprimant la grave
préoccupation que lui inspire l’expulsion par Israël du maire d’Hébron et du maire d’Halhoul », « Déclare qu’il est de
nécessité impérieuse que le maire d’Hébron et le maire d’Halhoul soient en mesure de regagner leurs foyers et de reprendre
leur charge ») (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/S/RES/484(1980)). Voir également Conseil de sécurité,
résolution 608 (1988) du 14 janvier 1988, préambule et par. 1 (« Déplorant profondément qu’Israël, Puissance occupante,
ait, au mépris de cette résolution, expulsé des civils palestiniens », « Demande à Israël d’annuler l’ordre d’expulsion de
civils palestiniens et d’assurer le retour immédiat et en toute sécurité dans les territoires palestiniens occupés de ceux qui
ont déjà été expulsés », « Prie Israël de cesser immédiatement d’expulser d’autres civils palestiniens des territoires
occupés ») (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/S/RES/608(1988)). Voir en outre Conseil de sécurité,
résolutions 636, 641, 681, 694, 726 et 799 dans lesquelles le Conseil déplore et condamne l’expulsion de civils palestiniens.
1006 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022 (« Profondément préoccupée
par le maintien en détention de milliers de Palestiniens, dont un grand nombre de femmes et d’enfants ainsi que de
représentants élus, dans des prisons ou des centres de détention israéliens, dans des conditions éprouvantes ») (accessible
à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/RES/77/247).
- 228 -
5.69. Comme le note la rapporteuse spéciale de l’Organisation des Nations Unies, le système
mis en place par Israël « permet de sanctionner même les Palestiniens qui se contentent d’exprimer
leur opinion ou leur désaccord, ou de s’opposer pacifiquement à l’occupation ». Elle ajoute que
« [l]’incrimination et l’incarcération privent les Palestiniens de leurs droits de circuler
librement, de travailler, de se réunir pacifiquement, d’exprimer leur identité, leur culture
et leurs opinions, de poursuivre leurs études et de mener leur vie économique, sociale
et politique. Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, véritable cible de ces
restrictions, semble être la “menaceˮ ultime qu’il convient d’éliminer. »1007
5.70. Tel que l’ont souligné dans une déclaration commune en 2020 47 des titulaires de mandat
indépendants désignés par le Conseil des droits de l’homme au titre de procédures spéciales :
« À de nombreuses reprises, les Nations Unies ont déclaré que l’occupation
israélienne, vieille de 53 ans, était la source de profondes violations des droits humains
du peuple palestinien. … L’occupation israélienne se traduit avant tout par le déni du
droit à l’autodétermination des Palestiniens. »1008
5.71. Israël restreint également le droit des Palestiniens à la liberté de culte et leur droit
d’assurer leur développement culturel. Le développement culturel joue un rôle crucial dans la
création du sentiment d’identité, d’appartenance et de cohésion au sein d’un peuple et est donc
indispensable à son existence et à son développement. Il est indéniable que le peuple palestinien jouit
du droit d’avoir accès à la vie culturelle, d’y prendre part et d’y contribuer1009, en vue d’exprimer son
identité collective sur ses propres terres sans la moindre ingérence1010. Or Israël y fait obstacle,
notamment en restreignant l’accès aux sites religieux et culturels, en entravant la tenue de
manifestations religieuses, sociales et culturelles et en détruisant le patrimoine culturel palestinien
ou en se l’appropriant.
5.72. L’occupation israélienne limite la liberté de circulation du peuple palestinien au point de
restreindre son accès aux sites religieux et culturels, comme on l’a vu dans la partie A du chapitre 3
et au chapitre 4. Depuis des décennies, des millions de musulmans et de chrétiens sont empêchés de
se recueillir sur des sites qu’ils considèrent comme certains de leurs principaux lieux saints au monde,
surtout à Jérusalem1011. Les Palestiniens se voient enlever ou restreindre le droit de pratiquer leurs
rites dans leurs lieux de culte pendant des périodes précises, comme celles de Ramadan et de
1007 Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since
1967, 9 juin 2023, doc. A/HRC/53/59 (Advance Unedited Version), par. 33 et 37 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/ynuxb5kv).
1008 « Israeli annexation of parts of the Palestinian West Bank would break international law – UN experts call on
the international community to ensure accountability », 16 juin 2020 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com
/3jvwmt28).
1009 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observation générale no 21 intitulée « Droit de chacun de
participer à la vie culturelle » (art. 15, par. 1, al. a), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels), 21 décembre 2009, doc. E/C.12/GC/21 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/E/C.12/GC/21).
1010 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, par. 53 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/356).
1011 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, additif, mission en Israël et dans
le Territoire palestinien occupé, 12 janvier 2009, doc. A/HRC/10/8/Add.2, 12 janvier 2009, par. 26 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/10/8/Add.2).
- 229 -
Pâques1012. Les Palestiniens de Gaza sont également empêchés de se rendre sur les sites religieux de
Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, Bethléem et Hébron1013. Restreindre l’accès à de tels lieux nuit au
développement culturel du peuple palestinien.
5.73. L’occupation israélienne entrave l’accès à l’éducation et, partant, au développement
culturel dans le territoire palestinien en éliminant, par exemple, l’histoire palestinienne des
programmes scolaires1014. Qui plus est, les établissements d’enseignement palestiniens de Jérusalem
qui n’adhèrent pas aux politiques israéliennes en matière de programmes scolaires se voient retirer
leur agrément1015. Qui plus est, tel qu’il est expliqué au chapitre 4, les restrictions discriminatoires
israéliennes frappant la liberté de circulation entravent l’accès à l’éducation dans les universités
palestiniennes. Les réfugiés palestiniens résidant hors du Territoire palestinien occupé sont privés du
droit d’étudier dans les universités palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza, tandis que les
Palestiniens de Gaza ne sont admis à étudier en Cisjordanie que s’ils disposent d’une autorisation
délivrée à cette fin par Israël, autorisation qu’il est presque impossible d’obtenir1016. Les attaques
lancées par les forces armées israéliennes contre les établissements d’enseignement, les crèches et
d’autres centres de formation et les démolitions d’infrastructures et de centres de formation qu’elles
effectuent en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza entravent également
l’accès à l’éducation1017.
5.74. Comme l’a expliqué une experte indépendante de l’ONU, le droit des peuples d’assurer
librement leur développement culturel, qui est une composante de leur droit à l’autodétermination,
« est clairement lié au patrimoine culturel »1018. Le patrimoine culturel tel que les monuments, les
bâtiments, les musées ou les sites religieux préserve l’expression de l’identité culturelle et de
l’histoire du peuple palestinien pour les générations futures. Le Conseil des droits de l’homme a
condamné ce qu’il a qualifié de « d[es]tru[ction] systématique[] » du patrimoine culturel du peuple
palestinien par Israël1019. Des lieux palestiniens sont fermés, détruits, saisis ou convertis en sites
culturels israéliens1020, tel qu’il est expliqué au chapitre 4. Outre les attaques qu’il mène contre le
patrimoine culturel matériel du peuple palestinien, Israël attaque son patrimoine culturel immatériel,
y substitue le sien et se l’approprie1021.
1012 Ibid., par. 27 ; rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les
effets des colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des
Palestiniens dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 60
(accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
1013 Conseil économique et social, observations finales sur le quatrième rapport périodique d’Israël, 12 novembre
2019, doc. E/C.12/ISR/CO/4, par. 70 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/E/C.12/ISR/CO/4).
1014 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 54 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/77/356).
1015 Ibid.
1016 Voir par. 4.163 ci-dessus.
1017 Voir par. 4.162 ci-dessus.
1018 Conseil des droits de l’homme, rapport de l’experte indépendante dans le domaine des droits culturels, 21 mars
2011, doc. A/HRC/17/38, par. 45 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/17/38).
1019 Conseil des droits de l’homme, résolution 16/29 relative à la situation des droits de l’homme dans le territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 13 avril 2011, par. 4 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/A/HRC/RES/16/29).
1020 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 53 et 54 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/77/356).
1021 State of Palestine, « Periodic reporting on the Convention for the Safeguarding of the Intangible Cultural
Heritage », 15 décembre 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/4ndtbx52).
- 230 -
5.75. Les destructions du patrimoine culturel palestinien sont particulièrement graves dans la
vieille ville de Jérusalem, tel qu’il est expliqué dans la partie A du chapitre 3. Certains des lieux
détruits étaient inscrits sur la liste des sites du patrimoine national de la Palestine ou sur la liste du
patrimoine mondial en péril de l’UNESCO1022. Une mission indépendante d’établissement des faits
de l’ONU a indiqué que des fouilles archéologiques s’effectuaient à l’intérieur et autour de la vieille
ville de Jérusalem dans le but de mettre en valeur le patrimoine culturel juif, tout en dépréciant la
culture palestinienne1023. En portant atteinte au patrimoine culturel palestinien, en y empiétant et en
le détruisant, Israël prive donc le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination.
5.76. L’occupation israélienne compromet également le développement économique du
peuple palestinien. L’annexion de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et le blocus de la bande
de Gaza, les colonies de peuplement et le mur, ainsi que le régime et les infrastructures qui leur sont
associés, la fragmentation du territoire, la privation de ressources et les restrictions sévères frappant
l’exercice de la liberté de circulation des personnes et des biens sapent le développement économique
de la Palestine et rendent le pays tributaire de l’aide, alors que l’accès à ses propres terres et
ressources lui permettrait non seulement de s’en affranchir, mais également de bénéficier d’une
croissance économique durable. Dans les rapports qu’elle a établis sur la situation à ce jour, la
CNUCED évalue le coût de l’occupation à des milliards de dollars, alors qu’elle n’a examiné qu’une
fraction de ses répercussions sur l’économie palestinienne1024. En revanche, « la contribution des
colonies de la zone C et de Jérusalem-Est occupée à l’économie israélienne est estimée en moyenne
à 30 milliards de dollars (dollars constants de 2015) par an. En d’autres termes, la contribution
cumulée des colonies à l’économie israélienne entre 2000 et 2020 est évaluée à 628 milliards de
dollars (dollars constants de 2015) »1025.
5.77. Cette situation a de graves répercussions négatives sur les plans économique et social en
ce qu’elle engendre la pauvreté et le chômage. Dans une de ses résolutions annuelles sur les
répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne, le Conseil économique et social
se déclare :
« [c]onvaincu que l’occupation israélienne a gravement entravé l’action menée pour
assurer un développement durable et un environnement économique viable dans le
territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est … et profondément préoccupé
par la dégradation de la situation économique et des conditions de vie qui en
résulte »1026.
1022 UNESCO, décision 39 Com 7A.27, intitulée « Vieille ville de Jérusalem et ses remparts » (site proposé par la
Jordanie) (C 148 rev), 8 juillet 2015, par. 30 (accessible à l’adresse suivante : https://whc.unesco.org/fr/decisions/6243/).
Voir également UNESCO, décision 44 Com 8C.2, intitulée « Mise à jour de la Liste du patrimoine mondial en péril (biens
maintenus) » (accessible à l’adresse suivante : https://whc.unesco.org/fr/decisions/7988/).
1023 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 59 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
1024 Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : le
coût des restrictions dans la zone C, vu du ciel », 9 mars 2023, doc. UNCTAD/GDS/APP/2022/1, p. vii (accessible à
l’adresse suivante : https://unctad.org/system/files/official-document/gdsapp2022d1_fr.pdf).
1025 Ibid.
1026 Conseil économique et social, résolution 2016/14 du 25 juillet 2016 (accessible à l’adresse suivante :
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N16/246/15/PDF/N1624615.pdf?OpenElement).
- 231 -
5.78. S’agissant du mur construit dans le Territoire palestinien occupé et déclaré illicite par la
Cour, le Conseil souligne qu’il :
« [s]’inquiète vivement de la gravité des répercussions que la construction du mur par
Israël et le régime qui lui est associé ont, à l’intérieur du territoire palestinien occupé, y
compris dans Jérusalem-Est et alentour, sur les conditions de vie du peuple palestinien,
et de la violation qui en résulte de ses droits économiques et sociaux, notamment les
droits au travail, à la santé, à l’éducation, à la propriété et à un niveau de vie suffisant,
ainsi qu’à la liberté d’accès et de circulation »1027.
5.79. Les restrictions touchant la liberté de circulation, en particulier, qui ont été exposées au
chapitre 4 entravent gravement l’accès du peuple palestinien à l’emploi1028. Les bouclages et les
postes de contrôle empêchent les travailleurs du Territoire palestinien occupé de se rendre sur leur
lieu de travail, les privant ainsi de revenus et de moyens de subsistance1029. Les agriculteurs
palestiniens sont victimes d’actes de violence et d’intimidation commis par les colons israéliens qui,
de surcroît, détruisent ou confisquent leurs cultures, en particulier leurs oliviers, ou en bloquent
l’accès1030. Le mur est également une des principales causes de l’inaccessibilité de l’emploi1031. Pour
le construire, un certain nombre d’entreprises palestiniennes ont été détruites. Des agriculteurs
palestiniens se sont retrouvés isolés de leurs terres agricoles, tandis que d’autres activités ont fermé,
le mur empêchant les échanges commerciaux entre villages voisins1032. À Gaza, le blocus a des
conséquences néfastes sur les pêcheurs et agriculteurs, et a contraint des entreprises et industries à
fermer leurs portes ou à réduire considérablement leurs activités.1033 Dans des conditions aussi
difficiles, le taux de chômage dans le Territoire palestinien occupé dépasse les 50 %1034. Les obstacles
à l’exercice des droits des Palestiniens dans ces domaines retardent considérablement le
développement et la croissance économique de la Palestine, ainsi que l’accroissement de la prospérité
1027 Ibid.
1028 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 73 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
1029 Conseil économique et social, observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels,
4 décembre 1998, doc. E/C.12/1/Add.27, par. 18 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/E/C.12/1/dd.27).
1030 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 54 (accessible à l’adresse
suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63). Voir également Conférence internationale du Travail, rapport du directeur
général, annexe : La situation des travailleurs des territoires arabes occupés, Conférence internationale du Travail,
110e session, 2022, doc. ILC.110/DG/APP, par. 77 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ilo.org/wcmsp5/
groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_845775.pdf).
1031 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les États parties
conformément à l’article 9 de la convention, observations finales concernant Israël, 14 juin 2007,
doc. CERD/C/ISR/CO/13, par. 34. Voir également Conseil des droits de l’homme, rapport du rapporteur spécial sur la
situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87,
par. 57 al. b) (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/49/87).
1032 Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des
colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, doc. A/HRC/22/63, par. 89-91 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/HRC/22/63).
1033 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales sur le troisième rapport périodique
d’Israël, 16 décembre 2011, doc. E/C.12/ISR/CO/3, par. 12 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
E/C.12/ISR/CO/3).
1034 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales sur le deuxième rapport périodique
d’Israël, 26 juin 2003, doc. E/C.12/1/Add.90, par. 20 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
E/C.12/1/Add.90).
- 232 -
nationale. Outre la mainmise opérée sur les terres et les ressources naturelles du peuple palestinien,
cette ingérence extérieure entrave son autodétermination économique.
5.80. Comme le note la CNUCED :
« Les colonies limitent l’espace de développement socioéconomique des
Palestiniens. Elles appauvrissent le peuple palestinien en le dépossédant de ses terres et
de ses ressources naturelles, d’autant que de nouvelles terres palestiniennes sont
confisquées pour la création des infrastructures et des réseaux routiers desservant les
colonies. »1035
5.81. Le Conseil économique et social s’est également intéressé aux répercussions
socioéconomiques des déplacements forcés et des dépossessions dont sont victimes les civils
palestiniens, en particulier à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est :
« Profondément préoccupé également par le fait que les civils palestiniens, dont
la communauté bédouine, continuent d’être spoliés et contraints à se déplacer du fait de
la poursuite et de l’intensification de la politique de démolition des habitations,
d’expulsion et de révocation des droits de résidence à Jérusalem-Est occupée et alentour,
ainsi que par les mesures visant à isoler davantage la ville de ses environs palestiniens
naturels, qui ont sérieusement exacerbé la situation socioéconomique déjà critique de la
population palestinienne »1036.
5.82. Le droit du peuple palestinien d’assurer son développement économique est un autre
élément essentiel de son droit à l’autodétermination, puisqu’un tel droit donne aux peuples les
moyens nécessaires à leur survie et à leur bien-être, notamment l’accès aux soins de santé, à
l’alimentation et à un logement adéquat. Or Israël entrave gravement le développement social du
peuple palestinien. Le Conseil économique et social s’est déclaré :
« [g]ravement préoccupé par divers rapports de l’Organisation des Nations Unies et des
institutions spécialisées concernant la forte dépendance à l’égard de l’aide, due aux
bouclages prolongés des frontières, aux taux démesurés de chômage, à la pauvreté
généralisée et aux graves difficultés d’ordre humanitaire, telles l’insécurité alimentaire
et l’augmentation des problèmes de santé, notamment les taux de malnutrition élevés,
parmi le peuple palestinien, en particulier les enfants, dans le territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est »1037.
5.83. Pour qu’un peuple puisse donner la pleine mesure de ses capacités, il est essentiel qu’il
ait accès aux soins de santé. Or l’OMS a qualifié de « fragmenté et fragile » le système de santé en
1035 Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : le
coût des restrictions dans la zone C, vu du ciel », 9 mars 2023, doc. UNCTAD/GDS/APP/2022/1, p. 9 (accessible à
l’adresse suivante : https://unctad.org/system/files/official-document/gdsapp2022d1_fr.pdf).
1036 Conseil économique et social, résolution 2016/14 relative aux répercussions économiques et sociales de
l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et de la population arabe du Golan syrien occupé, 25 juillet 2016 (accessible à l’adresse suivante :
https://undocs.org/E/C.12/1/Add.90).
1037 Ibid., résolution 2022/22 relative aux répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les
conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population
arabe du Golan syrien occupé, 1er août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/E/RES/2022/22).
- 233 -
place dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est1038, situation qu’elle attribue à
plusieurs caractéristiques de l’occupation israélienne. C’est ce que décrit le chapitre 4 (voir en
particulier les paragraphes 4.166 à 4.171 ci-dessus).
5.84. L’accès à l’alimentation est aussi crucial, puisqu’il favorise la santé, réduit la pauvreté,
améliore les perspectives scolaires et contribue au développement économique. Or les Palestiniens
du Territoire palestinien occupé « souffrent d’une entrave à … l’accès à … l’alimentation »1039. En
effet, l’insécurité alimentaire s’aggrave dans la population palestinienne1040, laquelle souffre de
manière accrue de malnutrition en raison du blocus de Gaza et des autres mesures restrictives mises
en place par Israël1041. Cette insécurité alimentaire empêche le peuple palestinien d’assurer le
développement social nécessaire à son autodétermination.
5.85. Enfin, l’accès à un logement adéquat est un aspect fondamental du développement social.
À cet égard, le droit du peuple palestinien est considérablement compromis par les actes d’Israël
exposés au chapitre 4 : expulsions, ordres de démolition, main basse sur les biens ou destruction de
ceux-ci, aménagement discriminatoire du territoire et réglementation relative aux travaux de
construction qui limitent les mises en chantier, ainsi que les actes de violence et d’intimidation
commis par les colons (voir en particulier les paragraphes 4.128 à 4.144 ci-dessus).
Conclusion
5.86. Pris séparément, chacun des actes commis par Israël ou attribuables à celui-ci qui sont
exposés ci-dessus suffit pour établir que cet État porte gravement atteinte au droit du peuple
palestinien à l’autodétermination. Pris collectivement, ce sont des actes tendant à faire main basse
sur les terres palestiniennes et à les annexer ainsi qu’à déplacer le peuple palestinien et à le soumettre
par la discrimination raciale, la persécution et la pratique de l’apartheid — dont ils sont tous des
manifestations et en sont indissociables — qui constituent une violation manifeste, grave, de longue
date et persistante du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, l’une des pires violations de
cette nature perpétrées dans l’histoire contemporaine.
1038 Organisation mondiale de la Santé, « Right to health in the occupied Palestinian territory: 2018 », 2019, p. 18
(accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/ycxvxbsk).
1039 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales sur le deuxième rapport périodique
d’Israël, 26 juin 2003, doc. E/C.12/1/Add.90, par. 19 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/E/C.12
/1/Add.90).
1040 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observations finales sur le troisième rapport périodique
d’Israël, 16 décembre 2011, doc. E/C.12/ISR/CO/3, par. 28 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/E/
C.12/ISR/CO/3).
1041 Le blocus de Gaza par Israël fait l’objet du chapitre 4, par. 4.192-4.202, ci-dessus.
- 234 -
CHAPITRE 6
L’ILLICÉITÉ DE L’OCCUPATION DU TERRITOIRE PALESTINIEN PAR ISRAËL
6.1. Dans sa résolution 77/247 du 30 décembre 2022, l’Assemblée générale a notamment saisi
la Cour de la question suivante : « Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au
paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation ? » Les chapitres 3 à 5 ont
traité de ces politiques et pratiques, à savoir :
a) « [l’]occupation, [l]a colonisation et [l’]annexion prolongées [par Israël] du territoire palestinien
occupé depuis 1967, notamment [l]es mesures visant à modifier la composition démographique,
le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem » ;
b) l’adoption par Israël de « lois et mesures discriminatoires », précisément d’un régime de
discrimination raciale systématique constitutif d’apartheid auquel il soumet le peuple palestinien,
et la violation systématique des droits fondamentaux de ce peuple qu’il commet ; et
c) « la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ».
6.2. Il ressort de ces chapitres que l’occupation israélienne du territoire palestinien, en cours
depuis 56 ans, constitue un manquement persistant, flagrant et systématique aux obligations
juridiques mises à la charge d’Israël par la Charte des Nations Unies, le droit international général,
le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit international
coutumier, cette occupation étant notamment contraire à au moins trois normes impératives du droit
international général qui ont valeur de jus cogens et sont applicables erga omnes. Les éléments de
preuve produits dans le présent exposé écrit établissent abondamment qu’Israël a annexé Jérusalem
et le reste de la Cisjordanie et envisage de poursuivre cette politique d’annexion, qu’il soumet le
peuple palestinien à un régime de discrimination raciale complet et systématique constitutif
d’apartheid en raison de la race de ce peuple et qu’il prive ce dernier de son droit à
l’autodétermination sur ses propres terres dans l’objectif d’éteindre ce droit inaliénable de manière
définitive.
6.3. En particulier, l’ensemble des éléments de preuve disponibles — dont certains sont des
faits ouvertement et continuellement accomplis par diverses générations de dirigeants israéliens
depuis cinq décennies — établissent qu’Israël lui-même ne considère pas sa présence dans le
Territoire palestinien occupé comme une occupation temporaire. Ses actes et ses propos attestent que
pour lui, sa domination sur le Territoire palestinien occupé et sur le peuple palestinien est permanente
et irréversible. Les preuves en sont les suivantes :
a) Son annexion de Jérusalem-Est et du reste de la Cisjordanie, décrite au chapitre 3, dans l’objectif
explicite de posséder et de dominer de manière permanente le Territoire palestinien occupé, tel
que l’ont constamment affirmé et poursuivi les gouvernements israéliens successifs au cours des
50 dernières années.
b) Son imposition et son maintien d’un régime de discrimination raciale systématique possédant
tous les éléments constitutifs de l’apartheid, ainsi que son déni, pour des motifs raciaux, des droits
fondamentaux dont le peuple palestinien peut se prévaloir en droit international, comme on l’a
vu au chapitre 4.
c) Son déni du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et sa tentative d’extinction de ce
droit, qui consistent dans le fait qu’il nie l’existence d’un « peuple palestinien » et a déclaré
publiquement que le droit à l’autodétermination sur le territoire compris entre le Jourdain et la
- 235 -
mer Méditerranée était réservé à un seul groupe, celui des Juifs israéliens, et qu’aucun État
palestinien ne serait jamais autorisé à y exister, comme on l’a vu aux chapitres 3, 4 et 5.
6.4. Le présent chapitre marque la conclusion de la première partie de l’exposé écrit. Il montre
qu’il découle de ces politiques et pratiques que l’occupation par Israël du Territoire palestinien
occupé est en soi illicite, ce qui fait de la présence persistante d’Israël dans ce territoire un fait
internationalement illicite, celle-ci constituant une grave violation d’au moins trois normes
impératives du droit international général insusceptibles de dérogation. L’occupation du Territoire
palestinien occupé à laquelle se livre Israël est indissociable des graves violations des normes
impératives du droit international général qu’il y commet, compte tenu des liens de réciprocité,
d’interdépendance organique et de synergie qui les unissent1042.
I. L’OCCUPATION PAR ISRAËL DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ CONSTITUE
UNE GRAVE VIOLATION DE NORMES IMPÉRATIVES
DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL
6.5. L’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé constitue une grave violation d’au
moins trois normes impératives du droit international général insusceptibles de dérogation . Tel qu’il
a été indiqué au chapitre 2, il s’agit de 1) l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la menace
ou l’emploi de la force ; 2) l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid ; et
3) l’obligation de respecter le droit des peuples de disposer d’eux-mêmes.
6.6. En tant que normes hiérarchiquement supérieures, les normes impératives présentent,
selon la CDI, « trois principales caractéristiques » : 1) elles protègent des valeurs qui sont
fondamentales pour l’ordre juridique international et sont « partagées par la communauté
internationale dans son ensemble » ; 2) elles sont « universellement applicables » en raison de leur
intangibilité, car les États ne peuvent s’en affranchir en créant leurs propres règles spéciales qui
seraient incompatibles avec elles ; et 3) elles sont « hiérarchiquement supérieures aux autres normes
du droit international … n’ayant pas le même caractère »1043, entraînant dès lors des obligations erga
omnes1044.
1042 Dans le respect des questions soumises à la Cour par l’Assemblée générale, l’État de Palestine limite son
argumentation relative à l’illicéité de l’occupation aux actes d’Israël suivants : le déni du droit du peuple palestinien à
l’autodétermination, l’occupation prolongée, la colonisation et l’annexion du territoire palestinien, ainsi que l’imposition
de lois et mesures discriminatoires connexes. Cela n’enlève cependant rien au fait que, pour l’État de Palestine, l’occupation
israélienne est également illicite en ce qu’elle découle d’un emploi illicite de la force réalisé en 1967.
1043 Texte du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du
droit international général (jus cogens), rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session
(18 avril-3 juin et 4 juillet-5 août 2022), doc. A/77/10, p. 19, 24-25, commentaire relatif à la conclusion 2 (« Nature des
normes impératives du droit international général (jus cogens) »), par. 2, 3, 10 et 14.
1044 Ibid., p. 11, par. 43. En ce qui concerne le caractère particulier des graves violations des normes en cause, voir
par. 6.12-6.19 ci-dessous.
- 236 -
6.7. Tel qu’il ressort de la liste non exhaustive des normes impératives du droit international
général adoptée par la CDI en 2022, chacune des normes supérieures invoquées dans la présente
procédure est une norme du jus cogens1045.
6.8. S’agissant de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de
la force, il a été démontré que l’occupation du Territoire palestinien occupé par Israël depuis 56 ans
ne saurait être raisonnablement considérée comme une domination militaire temporaire, puisque
cette occupation a évolué au fil du temps pour donner lieu à une situation d’annexion et de conquête
coloniale pure et simple, totalement interdite par le droit international. Comme l’a fait observer
Sir Ilan Brownlie, « il n’y a rien de magique dans la proclamation officielle de la souveraineté d’un
État » sur des territoires qu’il entend annexer. L’annexion est au contraire une question de fait1046. Et
les faits qui sont énoncés dans le présent exposé écrit vont incontestablement dans un et un seul sens :
celui de l’annexion du territoire palestinien par Israël en violation de l’une des normes suprêmes du
droit international, à savoir l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force, dans l’intention
de coloniser et de contrôler ce territoire de façon permanente.
6.9. Selon les principes directeurs du Gouvernement israélien définissant ses politiques et
priorités officielles tels qu’il les a publiés, « [l]e peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur
toutes les parties de la Terre d’Israël. Le gouvernement encouragera et intensifiera la colonisation de
toutes les parties de la Terre d’Israël : en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan et en
Judée-Samarie »1047. Les faits montrent que cette déclaration est le point culminant de décennies de
politiques et de pratiques israéliennes ouvertement menées par chacun des gouvernements israéliens
depuis 1967, dans l’objectif commun de renforcer et de pérenniser la conquête du Territoire
palestinien occupé par Israël, tout en refusant de restituer le territoire à son souverain légitime, à
savoir le peuple palestinien. L’occupation israélienne est donc assimilable, et en tous points
identique, à une annexion1048.
6.10. De même, s’agissant de la discrimination raciale, il a été démontré qu’Israël avait mis en
place depuis 1967 un régime solidement ancré de discrimination raciale dans le Territoire palestinien
occupé. Ce régime opère ouvertement, et de manière assumée, une distinction fondée sur la race entre
la population palestinienne et les colons israéliens qui ont été transférés dans le Territoire palestinien
occupé en violation du droit international. Il a également été démontré que ce régime de
discrimination raciale revêtait le caractère de l’apartheid tel que celui-ci est défini par les règles
pertinentes du droit international coutumier et du droit international conventionnel. Comme l’a
récemment relevé le rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies :
« [U]n régime institutionnalisé d’oppression raciale systématique et de
discrimination a bien été mis en place [par Israël dans le territoire palestinien occupé].
Les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie vivent
1045 Ibid., p. 17, annexe, dans laquelle, outre l’« interdiction de l’agression » et le « droit à l’autodétermination »,
la CDI cite « l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid », « l’interdiction des crimes contre l’humanité »
et « les règles fondamentales du droit international humanitaire » au nombre des normes du jus cogens. L’inadmissibilité
de l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de la force est un corollaire de l’interdiction de l’agression. Selon
la déclaration relative aux relations amicales, l’Assemblée semble être d’avis qu’il n’y a guère ou pas de différence
normative entre l’interdiction de l’agression et son corollaire interdisant l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi
de la force.
1046 I. Brownlie, Principles of Public International Law, sixième édition (Oxford University Press, 2003), p. 140.
1047 « Judicial reform, boosting Jewish identity: the new coalition’s policy guidelines », The Times of Israel,
28 décembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2mne27kj). Voir également vol. II, annexe 12.
1048 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, 12 août 2022, doc. A/HRC/49/87, p. 18-19, par. 51 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/
A/HRC/49/87).
- 237 -
sous un régime unique qui répartit différemment les droits et les avantages en fonction
de l’identité nationale et ethnique, et qui organise la suprématie d’un groupe sur un autre
et au détriment de l’autre. … Les différences dans les conditions de vie et les droits et
avantages liés à la citoyenneté sont considérables, profondément discriminatoires et
maintenues grâce à une oppression systématique et institutionnalisée. … [C]e système
d’administration étrangère a été établi dans l’intention de maintenir la domination d’un
groupe racial, national et ethnique sur un autre. »1049
6.11. S’agissant de l’autodétermination, il a été démontré au chapitre précédent que, depuis
1948, Israël non seulement contestait le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, mais
cherchait aussi activement à l’étouffer et à l’éteindre. Même après que la Cour eut jugé en 2004 qu’il
avait l’obligation erga omnes de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, Israël
a intensifié ses politiques et pratiques dans l’intention spécifique de faire obstacle de manière
permanente à l’exercice de ce droit par le peuple palestinien, y compris l’exercice de son droit à
l’indépendance de son État. Comme le prévoit la déclaration relative aux relations amicales, les États
ont le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait les peuples de leur
droit à l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance. Les éléments de preuve produits dans le
présent exposé écrit établissent que l’occupation prolongée par Israël du Territoire palestinien
occupé, son annexion du territoire palestinien et le fait qu’il soumette le peuple palestinien par une
discrimination raciale constitutive d’apartheid ainsi que par le déni de ses droits fondamentaux
constituent les pires violations du droit de ce peuple à l’autodétermination qui est garanti par le droit
international.
II. L’OCCUPATION PAR ISRAËL DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ
EST INDISSOCIABLE DE SES GRAVES VIOLATIONS DE NORMES
IMPÉRATIVES DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL
6.12. Toute puissance occupante qui occupe de bonne foi un territoire étranger respecterait
scrupuleusement les principes fondamentaux du droit international. Or Israël ne respecte aucun de
ces principes. En particulier, il traite depuis le début le Territoire palestinien occupé comme le fruit
de sa conquête et défie la position de la communauté internationale clairement exprimée pendant
plus de 50 ans par d’innombrables résolutions du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale, du
Conseil des droits de l’homme et son prédécesseur, à savoir que la colonisation et l’annexion du
territoire palestinien par Israël sont illicites et que l’occupation doit cesser, que la discrimination
raciale systématique et la violation généralisée des principes fondamentaux du droit des droits de
l’homme et du droit humanitaire sont illicites et doivent cesser et que le déni du droit du peuple
palestinien à l’autodétermination est illicite et doit cesser. Israël continue, en toute impunité, de violer
les règles de droit applicables et de faire preuve de mépris à l’égard des exigences de la communauté
internationale susmentionnées fondées sur ces règles. Tout ceci établit que, dans le cadre de
l’occupation, Israël manque aux obligations qu’il a solennellement contractées en droit international.
6.13. Dès 1977, soit dix ans après le début de l’occupation, l’Assemblée générale s’est déclarée
« [p]rofondément préoccupée de ce que les territoires arabes occupés depuis 1967
demeur[ai]ent depuis plus de dix ans sous l’occupation illégale d’Israël et de ce que le
peuple palestinien, après trois décennies, continu[ait] d’être privé de l’exercice de ses
droits fondamentaux inaliénables »1050.
1049 Ibid., p. 19, par. 53-54.
1050 Assemblée générale, résolution 32/20 du 25 novembre 1977, préambule.
- 238 -
6.14. Dès 1981, l’Assemblée générale a commencé à appeler au « retrait immédiat,
inconditionnel et total » d’Israël du Territoire palestinien occupé1051. Elle a également fait savoir à
maintes reprises qu’elle était « [p]rofondément préoccupée de ce que les territoires arabes occupés
depuis 1967 demeur[ai]ent sous l’occupation militaire illégale d’Israël »1052 et a sans équivoque
« demandé à Israël de mettre fin à son occupation illégale des territoires arabes et d’évacuer tous ces
territoires »1053.
6.15. Dans sa résolution 476 (1980), le Conseil de sécurité s’est dit vivement préoccupé par la
longue durée et la gravité de l’occupation israélienne, en cours à l’époque depuis 13 ans, et a affirmé
la « nécessité impérieuse » d’y mettre fin, tout en « déplor[ant] » le refus continu d’Israël de se
conformer à ses propres résolutions et à celles de l’Assemblée générale. La résolution se lit comme
suit :
« 1. Réaffirme la nécessité impérieuse de mettre fin à l’occupation prolongée des
territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem ;
2. Déplore vivement le refus continu d’Israël, la Puissance occupante, de se conformer
aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale »1054.
6.16. Si au bout de 10 et 13 ans d’occupation respectivement l’Assemblée générale a jugé
illicite l’occupation militaire israélienne et le Conseil de sécurité a réaffirmé la nécessité impérieuse
de mettre fin à cette occupation prolongée, il ne fait pas de doute que l’illicéité de celle-ci est encore
plus flagrante à l’heure actuelle où l’occupation est entrée dans sa 57e année. De fait, quatre décennies
plus tard, Israël continue de consolider son occupation au lieu de répondre aux appels du Conseil de
sécurité et de l’Assemblée générale lui demandant d’y mettre fin, conformément à la Charte des
Nations Unies et au droit international.
6.17. Les éléments de preuve produits montrent abondamment qu’Israël ne se comporte pas
comme une puissance occupante qui commet certaines violations des droits dans le cadre de
l’occupation tout en respectant les obligations que le droit international lui impose à l’égard de la
population protégée du Territoire palestinien occupé. Au contraire, il en ressort que les actes d’Israël
sont ceux d’une puissance étrangère expansionniste qui a ouvertement transformé, par la force, son
occupation du territoire d’un autre peuple en moyen pur et simple de conquérir et coloniser ce
territoire, d’étouffer les droits du peuple occupé qu’il a l’obligation de protéger et de tenter d’éteindre
ces droits. En conséquence, l’Assemblée générale réaffirme régulièrement qu’elle est « [c]onvaincue
que l’occupation représente en soi une grave violation des droits humains »1055.
6.18. Israël ayant manqué de façon persistante, flagrante et systématique à ses obligations à
l’égard du Territoire palestinien occupé depuis plus de 50 ans, il est impossible de dissocier
l’occupation elle-même des violations des normes impératives susmentionnées qui sont commises
dans le cadre de cette occupation. En effet, il ressort des éléments de preuve disponibles que, loin
1051 Assemblée générale, résolution 36/226 du 17 décembre 1981, par. 1.
1052 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolutions 32/20 du 25 novembre 1977 ; 33/29 du 7 décembre 1978 ;
34/70 du 6 décembre 1979 ; 35/122 E du 11 décembre 1980 ; 35/207 du 16 décembre 1980 ; et 36/147 E du 16 décembre
1981.
1053 Voir, par exemple, ibid., résolutions 3414 (XXX) du 5 décembre 1975, 31/61 du 9 décembre 1976 ; 32/20 du
25 novembre 1977 ; 33/28 et 33/29 du 7 décembre 1978 ; 34/70 du 6 décembre 1979 ; et 35/122 E du 11 décembre 1980.
1054 Conseil de sécurité, résolution 476 (1980) du 30 juin 1980, par. 1-2.
1055 Pour l’exemple le plus récent, voir Assemblée générale, résolution 76/80 du 9 décembre 2021 (accessible à
l’adresse suivante : https://undocs.org/A/RES/76/80).
- 239 -
d’être de simples produits de l’occupation, ces violations en sont le fondement. Elles en constituent
les éléments structurels fondamentaux, et non des manifestations collatérales, et trouvent toutes leur
origine dans le même objectif illicite poursuivi par Israël qui consiste à maintenir une domination
permanente sur le Territoire palestinien occupé — objectif poursuivi depuis 1967 — et à reléguer
perpétuellement les Palestiniens qu’il n’est pas parvenu à déplacer à un rang inférieur sur leurs
propres terres, privés de leurs droits inaliénables, dont leur droit à l’autodétermination.
6.19. Puisque l’occupation prolongée du Territoire palestinien occupé à laquelle Israël se livre
depuis 56 ans est indissociable des graves violations des normes impératives du droit international
général insusceptibles de dérogation qu’Israël commet et que sa structure et son existence reposent
sur ces violations, l’occupation elle-même doit être considérée comme illicite et entraîner toutes les
conséquences juridiques pertinentes qui s’y rattachent en droit de la responsabilité internationale. Il
en découle que l’occupation doit cesser de manière « immédiate, inconditionnelle et totale »1056.
1056 Assemblée générale, résolution 36/147 E du 16 décembre 1981. Pour des appels similaires lancés par
l’Assemblée, voir ses résolutions 36/226 A du 17 décembre 1981 ; 37/123 F du 20 décembre 1982 ; 38/180 D du
19 décembre 1983 ; 39/146 A du 14 décembre 1984 ; 40/168 A du 16 décembre 1985 ; 41/162 A du 4 décembre 1986 ;
42/209 B du 11 décembre 1987 ; 43/54 A du 6 décembre 1988 ; 44/40 A du 4 décembre 1989 ; 45/83 A du 13 décembre
1990 ; et 46/82 A du 16 décembre 1991.
- 240 -
CHAPITRE 7
CONSÉQUENCES JURIDIQUES
7.1. Le présent chapitre traite des conséquences juridiques qui découlent pour Israël et pour
les États tiers et les organisations internationales, notamment l’Organisation des Nations Unies, des
faits internationalement illicites exposés de manière détaillée aux chapitres 3 à 6 ci-dessus.
7.2. La partie A porte sur les conséquences juridiques pour Israël et la partie B sur les
conséquences juridiques pour les États tiers et les organisations internationales, dont l’Organisation
des Nations Unies.
PARTIE A
OBLIGATIONS D’ISRAËL RÉSULTANT DE SES FAITS
INTERNATIONALEMENT ILLICITES
7.3. Conformément aux articles de la CDI sur la responsabilité de l’État, l’expression « faits
internationalement illicites d’Israël » désigne tous les manquements aux obligations internationales
d’Israël qui lui sont attribuables1057.
7.4. Sont attribuables à Israël le comportement de tout organe de l’État, que cet organe exerce
des fonctions législative, exécutive, judiciaire ou autres (article 4), et celui de toute personne ou entité
qui n’est pas un organe de l’État, mais est habilitée par le droit de cet État à exercer des prérogatives
de puissance publique, pour autant que, en l’espèce, cette personne ou entité agisse en cette qualité
(article 5).
7.5. Les articles sur la responsabilité de l’État reconnaissent également que la responsabilité
de l’État peut être engagée si des personnes privées agissent sur ses instructions ou ses directives ou
sous son contrôle (article 8) ou si « cet État reconnaît et adopte [leur] comportement comme étant
sien » (article 11). Il ne fait pas de doute que tel est le cas des colonies de peuplement israéliennes
illicites établies dans tout Jérusalem-Est et dans le reste de la Cisjordanie dont la création, la
pérennisation et l’extension ont été planifiées, avalisées, encouragées, favorisées, financées et
soutenues de mille et une façons par le Gouvernement israélien1058. De même, la responsabilité
d’Israël est engagée par son manquement à l’obligation d’empêcher « [l]es effets du comportement
d’entités privées, s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir ces effets »1059 ou pour en
punir les auteurs1060. Dès lors, Israël est également responsable des actes de violence généralisés
1057 Voir articles sur la responsabilité de l’État, p. 35, art. 2 (« Éléments du fait internationalement illicite de
l’État »).
1058 Voir chap. 3B, Annexion de la Cisjordanie par Israël, par. 3.179-3.193. Voir également, par exemple, CICR,
« Bases de données de droit international humanitaire », règle 149, « La responsabilité des violations du droit international
humanitaire », al. c) et d) (« c) les violations commises par des personnes ou des groupes agissant en fait sur ses instructions
ou ses directives ou sous son contrôle ; et d) les violations, commises par des personnes privées ou des groupes, qu’il
reconnaît et adopte comme son propre comportement ») (accessible à l’adresse suivante : https://ihl-databases.icrc.org/
fr/customary-ihl/v1/rule149).
1059 Articles sur la responsabilité de l’État, p. [40, paragraphe 4 du commentaire].
1060 Voir Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil
2012 (II), p. 460, par. 115.
- 241 -
commis par les colons israéliens dans l’impunité contre les Palestiniens dans le Territoire palestinien
occupé1061.
7.6. Ainsi que la CDI l’explique dans le commentaire relatif à l’article 28 de ses articles sur la
responsabilité de l’État, « [l]es conséquences juridiques essentielles d’un fait internationalement
illicite énoncées dans la deuxième partie sont l’obligation pour l’État responsable de mettre fin au
comportement illicite (art. 30) et de réparer intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite (art. 31) »1062. Par conséquent, Israël est tenu de mettre fin à ses violations
du droit international (I) et de réparer intégralement le préjudice subi par l’État de Palestine et le
peuple palestinien (II).
I. ISRAËL A L’OBLIGATION DE METTRE FIN À SON COMPORTEMENT ILLICITE
ET D’OFFRIR DES ASSURANCES ET DES GARANTIES DE NON-RÉPÉTITION
7.7. L’article 30 des articles sur la responsabilité de l’État se lit comme suit :
« L’État responsable du fait internationalement illicite a l’obligation :
a) D’y mettre fin si ce fait continue ;
b) D’offrir des assurances et des garanties de non-répétition appropriées si les
circonstances l’exigent ».
7.8. La présente section traite par conséquent de l’obligation qui incombe à Israël de mettre
fin à son comportement illicite (A) et, étant donné qu’il ne fait aucun doute que les circonstances de
l’affaire l’exigent, de l’obligation connexe d’offrir des assurances et des garanties de non-répétition
appropriées (B).
A. Obligation de cessation
1. Principes applicables
7.9. Ainsi que la Cour l’a expliqué dans l’avis sur le mur, « [l]’obligation d’un État responsable
d’un fait internationalement illicite de mettre fin à celui-ci est bien fondée en droit international
général et la Cour a, à diverses reprises, confirmé l’existence de cette obligation »1063.
1061 Voir chap. 3A, par. 3.114-3.117, et chap. 4, par. 4.184-4.191.
1062 Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 93, paragraphe 2 du
commentaire.
1063 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 197, par. 150. Voir également les précédents suivants mentionnés par la Cour dans le même
paragraphe : « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 149 ; Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis
d’Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 44, par. 95 ; Haya de la Torre (Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil
1951, p. 82) ».
- 242 -
7.10. La cessation d’un fait internationalement illicite est requise ipso facto dès lors que celuici
présente un caractère continu (ou composite)1064. L’obligation d’y mettre fin est une conséquence
nécessaire et inévitable de la poursuite de la commission du fait illicite en question et (sous réserve
que l’obligation violée soit toujours en vigueur au moment où la violation est constatée) elle n’est
assujettie à aucune autre condition. Ainsi qu’un tribunal arbitral l’a expliqué en l’affaire du Rainbow
Warrior :
« L’autorité pour prononcer une ordonnance de cessation d’acte ou omission
illicite émane des pouvoirs inhérents à un tribunal compétent saisi d’une violation
continue d’une obligation internationale en vigueur et qui continue de l’être. Une
ordonnance de la sorte tient dès lors à deux conditions étroitement liées : que l’acte
illicite ait un caractère continu et que la règle violée soit toujours en vigueur au moment
de l’émission de cette ordonnance. »1065
7.11. La jurisprudence de la Cour concorde pleinement avec cette observation. Ainsi, dans
l’arrêt qu’elle a rendu en 1951 en l’affaire Haya de la Torre, la Cour a dit ce qui suit :
« Dans son [précédent] arrêt du 20 novembre, la Cour a jugé que l’octroi de l’asile
par le Gouvernement de la Colombie à Haya de la Torre n’avait pas été fait en
conformité de l’article 2, paragraphe 2, “premièrement”, de la Convention. Cette
décision entraîne une conséquence juridique, celle de mettre fin à une situation
irrégulière : le Gouvernement de la Colombie, qui a octroyé irrégulièrement l’asile, est
obligé de le faire cesser. L’asile ayant été maintenu jusqu’à présent, le Gouvernement
du Pérou est fondé en droit à en demander la cessation. »1066
7.12. Dans l’avis consultatif au sujet de l’archipel des Chagos, la Cour a fait savoir ce qui
suit :
« La Cour ayant constaté que la décolonisation de Maurice ne s’est pas réalisée
dans le respect du droit des peuples à l’autodétermination, le maintien de
l’administration de l’archipel des Chagos par le Royaume-Uni constitue un fait illicite
qui engage la responsabilité internationale de cet État …[1067] Il s’agit d’un fait illicite à
caractère continu qui résulte de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice.
Dès lors, le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son
administration de l’archipel des Chagos, ce qui permettra à Maurice d’achever la
1064 Voir les articles sur la responsabilité de l’État, p. 65, art. 15 :
« 1. La violation d’une obligation internationale par l’État à raison d’une série d’actions ou d’omissions,
définie dans son ensemble comme illicite, a lieu quand se produit l’action ou l’omission qui, conjuguée
aux autres actions ou omissions, suffit à constituer le fait illicite.
2. Dans un tel cas, la violation s’étend sur toute la période débutant avec la première des actions ou
omissions de la série et dure aussi longtemps que ces actions ou omissions se répètent et restent non
conformes à ladite obligation internationale. »
1065 Voir, par exemple, Affaire concernant les problèmes nés entre la Nouvelle-Zélande et la France relatifs à
l’interprétation ou à l’application de deux accords conclus le 9 juillet 1986, lesquels concernaient les problèmes découlant
de l’affaire du Rainbow Warrior, sentence du 30 avril 1990, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA),
vol. XX, p. 270-271, par. 114.
1066 Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 82 (les italiques sont de nous).
1067 La Cour fait référence aux précédents suivants : Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1949, p. 23 ; Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 38, par. 47 ; voir
aussi l’article premier des articles sur la responsabilité de l’État.
- 243 -
décolonisation de son territoire dans le respect du droit des peuples à
l’autodétermination. »1068
7.13. Dans l’avis sur le mur, la Cour a également dit ce qui suit :
« La Cour ayant constaté que l’édification du mur dans le territoire palestinien
occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui
est associé, étaient contraires à diverses obligations internationales d’Israël, il s’ensuit
que la responsabilité de cet État est engagée selon le droit international. »1069
Elle a ajouté que la responsabilité d’Israël emportait, entre autres, « obligation de mettre un terme à
la violation de ses obligations internationales, telle qu’elle résult[ait] de la construction du mur en
territoire palestinien occupé »1070.
7.14. L’obligation bien établie de mettre fin à un fait internationalement illicite continu est
inséparable du principe de « maintien du devoir d’exécuter l’obligation » consacré par l’article 29
des articles sur la responsabilité de l’État, qui se lit comme suit :
« Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite prévues dans
la [deuxième partie du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite, intitulée “Contenu de la responsabilité internationale de
l’État”,] n’affectent pas le maintien du devoir de l’État responsable d’exécuter
l’obligation violée. »
7.15. Dans le droit fil de ce principe, la Cour a appelé à de multiples reprises des États à cesser
de commettre des faits internationalement illicites et à respecter leur devoir d’exécuter l’obligation
qu’ils violaient.
7.16. Il faut également noter que, « [à] la différence de la restitution, la cessation n’est pas
soumise aux limitations imposées par le critère de la proportionnalité »1071.
2. Obligation incombant à Israël de mettre fin à ses faits illicites
7.17. L’une des principales caractéristiques des faits internationalement illicites attribuables à
Israël est leur caractère continu.
7.18. Ainsi qu’il a été démontré dans les chapitres précédents, les faits internationalement
illicites d’Israël sont multiples et de diverses natures.
7.19. Ils s’inscrivent dans la colonisation du Territoire palestinien occupé à laquelle Israël se
livre au moyen de centaines de colonies de peuplement et de centaines de milliers de colons ainsi
1068 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil
2019 (I), p. 138-139, par. 177-178 (les italiques sont de nous).
1069 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 197, par. 147.
1070 Ibid., p. 197, par. 150. Voir également ibid., p. 197-198, par. 151.
1071 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 95, paragraphe 7 du commentaire relatif à l’article 30.
- 244 -
que dans son annexion de Jérusalem et du reste de la Cisjordanie, dans la discrimination raciale
pratiquée par Israël et son déni des droits fondamentaux du peuple palestinien qui constituent des
actes d’apartheid, et dans son déni du droit du peuple palestinien à l’autodétermination qui dure
depuis des décennies. Israël a par conséquent l’obligation de mettre fin à ces faits illicites.
7.20. Les faits illicites d’Israël sont inséparables de son occupation du territoire palestinien et
inhérents à celle-ci, qui est en conséquence illicite dans les circonstances présentes1072 et doit être
qualifiée, sans l’ombre d’un doute, de « violation d’une obligation internationale par le fait de l’État
ayant un caractère continu » au sens des articles de la CDI de 20011073.
7.21. Les obligations qu’Israël n’a pas respectées étant incontestablement toujours en vigueur,
il ne peut faire de doute que ce dernier est tenu de mettre fin — immédiatement, totalement et de
manière permanente — à l’ensemble de ses manquements auxdites obligations. Compte tenu de la
durée, de l’ampleur, de la nature et du caractère de ces manquements à ses obligations internationales,
qui trouvent leur origine dans son occupation illicite du territoire palestinien, il est essentiel qu’Israël
mette fin à ces faits illicites, y compris l’occupation proprement dite.
7.22. L’Assemblée générale a invité à plusieurs reprises Israël à mettre fin à l’occupation
illicite du Territoire palestinien occupé. Ainsi, dès 1970, dans sa résolution 2628 (XXV), elle a
« [r]éaffirm[é] que l’appropriation de territoires par la force [était] inadmissible et que, en
conséquence, les territoires occupés de cette manière d[evai]ent être restitués »1074. En 1977, elle a
adopté la résolution 32/20, dans laquelle elle se disait « [p]rofondément préoccupée de ce que les
territoires arabes occupés depuis 1967 demeur[ai]ent depuis plus de dix ans sous l’occupation illégale
d’Israël et de ce que le peuple palestinien, après trois décennies, continu[ait] d’être privé de l’exercice
de ses droits nationaux inaliénables »1075. Dans sa résolution 44/42 adoptée en 1989, elle a souligné
la nécessité du « retrait d’Israël du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem, et
des autres territoires arabes occupés »1076. De même, en 2000, elle a de nouveau souligné « la
nécessité [du] … retrait d’Israël du territoire palestinien occupé depuis 1967 »1077. Tout récemment,
dans le cadre de sa demande d’avis consultatif qui fait l’objet de la présente procédure, elle a exigé
de nouveau :
« d’Israël, Puissance occupante, qu’il mette fin à toutes ses activités d’implantation, à
la construction du mur et à toute autre mesure visant à modifier le caractère, le statut ou
la composition démographique du Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est et son pourtour, qui ont toutes des conséquences graves et préjudiciables,
entre autres pour les droits humains du peuple palestinien, notamment son droit à
l’autodétermination, et pour la perspective de mettre fin le plus tôt possible à
l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 et de parvenir à un accord de paix
juste, durable et global entre les parties israélienne et palestinienne, et demand[é] que
ses résolutions pertinentes et celles du Conseil de sécurité, notamment la
1072 Voir plus haut, chap. 6, par. 6.12-6.19.
1073 Voir articles sur la responsabilité de l’État, art. 14, p. 62.
1074 Assemblée générale, résolution 2628 (XXV) du 4 novembre 1970, par. 1.
1075 Assemblée générale, résolution 32/20 du 25 novembre 1977, préambule. Voir également ibid.,
résolutions 33/29 du 7 décembre 1978 ; 34/70 du 6 décembre 1979 ; 35/122 E du 11 décembre 1980 ; 35/207 du
16 décembre 1980 ; et 36/147E du 16 décembre 1981.
1076 Assemblée générale, résolution 44/42 du 6 décembre 1989.
1077 Ibid., résolution 55/55 du 1er décembre 2000.
- 245 -
résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, soient pleinement respectées et
appliquées »1078.
7.23. La même année, l’Assemblée générale a de nouveau demandé, entre autres, « [q]u’Israël
se retire du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est »1079.
7.24. Le Conseil de sécurité a exprimé des préoccupations et exigences similaires. Ainsi, en
1967, il a adopté la résolution 242 dans laquelle il soulignait la nécessité d’un « retrait des forces
armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit »1080. En 1980, il a adopté la
résolution 471 dans laquelle il soulignait « la nécessité primordiale de mettre fin à l’occupation
prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem »1081. Dans sa
résolution 2334, adoptée en 2016, il a « [c]ondamn[é] toutes les mesures visant à modifier la
composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y
compris Jérusalem-Est, notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le
transfert de colons israéliens », « [e]xig[é] … d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement
toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et
respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard »1082 et
« [p]réconis[é] vivement à cet égard l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques
entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir sans tarder
[à la] fin [de] l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 »1083.
7.25. Malgré ces résolutions et de nombreuses autres adoptées par les Nations Unies et la
décision de la Cour invitant les Parties à les mettre en oeuvre, Israël n’a toujours pas mis fin à son
occupation du Territoire palestinien occupé1084.
7.26. La conclusion qui s’en dégage est claire : la première et la plus incontestable
conséquence des atteintes portées par Israël à de multiples règles et principes du droit international,
y compris des normes fondamentales du jus cogens, est qu’Israël doit dans les plus brefs délais1085
et sans autre retard1086 mettre fin à ces atteintes. Par-dessus tout, cela signifie qu’Israël doit
« immédiatement » et « inconditionnellement » se retirer de l’ensemble du Territoire palestinien
occupé1087. Il s’ensuit notamment qu’Israël doit abandonner sa politique d’annexion de Jérusalem et
du reste de la Cisjordanie, démanteler ses colonies de peuplement et infrastructures illicites mises en
1078 Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, par. 6 (les italiques sont de nous). Voir
également, parmi de nombreuses résolutions, Assemblée générale, résolution 75/172 du 16 décembre 2020 ou
résolution 73/255 du 20 décembre 2018.
1079 Assemblée générale, résolution 77/25 du 6 décembre 2022, par. [12 al. a)].
1080 Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967. Le texte anglais se lit comme suit :
« Withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict ».
1081 Conseil de sécurité, résolution 471 (1980) du 5 juin 1980, par. 6. Voir également ibid., résolution 2334 (2016)
du 23 décembre 2016, par. 9.
1082 Ibid., résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016.
1083 Ibid. (les italiques sont de nous).
1084 Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197-201, par. 150-162.
1085 Voir par. 7.12 ci-dessus.
1086 Voir affaire Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II), p. 36, par. 134.
1087 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolutions 37/123 F du 20 décembre 1982 ; 46/82 A du 16 décembre
1991, par. 5 ; 77/187 du 14 décembre 2022, par. 5 ; et 77/208 du 15 décembre 2022.
- 246 -
place dans le territoire palestinien, mettre fin à son blocus de la bande de Gaza, abolir l’ensemble de
ses lois et mesures discriminatoires à l’égard du peuple palestinien et s’abstenir de toute nouvelle
violation des droits fondamentaux que le peuple palestinien tient du droit international, y compris le
droit à l’autodétermination1088.
7.27. De plus, comme il a été relevé plus haut1089, les conséquences des faits internationalement
illicites d’Israël ne se limitent pas à celles qui sont énoncées dans l’exposé des « principes généraux »
codifiés aux articles 28 à 33 des articles sur la responsabilité de l’État. Ayant manqué à de multiples
reprises à des obligations découlant de normes impératives du droit international général1090, Israël
doit également subir les conséquences particulières des « violation[s] grave[s] » de telles obligations
qui sont définies à l’article 40.
B. Assurances et garanties de non-répétition
7.28. Bien que l’obligation d’offrir des assurances et des garanties de non-répétition ne naisse
pas automatiquement de tous les faits internationalement illicites1091, le cas présent est un exemple
type de situation dans laquelle les « circonstances … exigent » les mesures prévues à l’alinéa b) de
l’article 30 des articles sur la responsabilité de l’État. De fait, il est difficile d’envisager une situation
dans laquelle la nécessité d’offrir des assurances et des garanties de non-répétition d’une myriade de
faits illicites serait plus grande. Les actes illicites qu’Israël commet font subir au peuple palestinien
le déni du droit à l’autodétermination le plus prolongé du monde, ces actes ayant notamment pour
effet de forcer le peuple palestinien à s’exiler de ses terres ancestrales et de l’empêcher d’y retourner.
La durée de l’occupation illicite de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de la bande de Gaza
par Israël — plus d’un demi-siècle sans fin en vue — et les violations des principes fondamentaux
du droit international qui en résultent sont sans égal. Les nombreuses violations de normes du
jus cogens et de principes fondamentaux du droit international commises par Israël ont eu lieu au
mépris de multiples appels et exhortations que la communauté internationale, notamment tous les
organes compétents des Nations Unies, lui a adressés pour qu’il mette fin à ses faits
internationalement illicites. Compte tenu de ces faits et de leurs conséquences humaines, politiques,
économiques et sociales dévastatrices pour le peuple palestinien, il est essentiel qu’Israël fournisse
des garanties et des assurances de non-répétition.
7.29. Ces garanties sont d’autant plus indispensables que les dirigeants d’Israël ont proclamé
à maintes reprises qu’il n’avait pas l’intention de mettre fin à ses faits illicites1092. Pour ce qui est de
la nature et de la teneur de telles garanties, la CDI a fait observer ce qui suit : « En ce qui concerne
le type de garanties qui peuvent être demandées, la pratique internationale n’est pas uniforme »1093.
Toutefois, de manière générale, « [l]orsqu’un État lésé cherche à obtenir des assurances et garanties
de non-répétition, c’est essentiellement pour renforcer une relation juridique continue et l’accent est
mis sur le respect futur d’une obligation et non pas sur sa violation passée »1094.
1088 Voir chap. 6, par. 6.11 et 6.18-6.19.
1089 Voir ci-dessus, par. 7.5.
1090 Voir chap. 6, par. 6.5-6.11.
1091 La CDI a qualifié pareilles mesures de mesures ayant un « caractère plus ou moins exceptionnel » (articles sur
la responsabilité de l’État, p. 96, par. 13 du commentaire relatif à l’article 30).
1092 Voir ci-dessus, chap. 3, par. 3.70-3.71 et 3.179-3.193.
1093 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 96, par. 12 du commentaire relatif à l’article 30.
1094 Ibid., par. 11.
- 247 -
7.30. Les assurances qu’il conviendrait de demander à Israël de fournir seraient (sans s’y
limiter) les garanties suivantes1095 :
a) garanties de mettre fin immédiatement, inconditionnellement et totalement à l’occupation du
territoire de l’État de Palestine, de respecter pleinement la souveraineté et l’indépendance
politique de celui-ci et de ne pas tenter de modifier d’une quelconque manière, notamment par la
force, les frontières de l’État de Palestine issues de la « Ligne verte », conformément aux
résolutions pertinentes des Nations Unies, notamment la résolution 2334 (2016) du Conseil de
sécurité et la résolution 77/25 de l’Assemblée générale en date du 30 novembre 2022 ;
b) engagement à soumettre tout différend opposant Israël et l’État de Palestine à un mécanisme
impartial permettant de parvenir à un règlement contraignant (y compris à la Cour) ;
c) garanties de retirer les forces d’occupation israéliennes du Territoire palestinien occupé, y
compris Jérusalem-Est, et de démanteler les colonies de peuplement israéliennes, le mur et le
régime qui leur est associé en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ;
d) garantie de lever le blocus de la bande de Gaza, qui fait partie de la restitutio in integrum que doit
assurer Israël1096, mais constituerait également une assurance forte contre la prolongation et la
répétition des violations les plus graves de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de
l’indépendance politique de l’État de Palestine ;
e) garanties de mettre fin à l’annexion par Israël de la ville sainte de Jérusalem, de respecter et
d’appliquer le statut international de Jérusalem, y compris le statu quo historique, et d’abolir toute
mesure législative ou administrative contraire au droit international et au statut international de
la Ville sainte ;
f) garanties de mettre fin à toute discrimination pratiquée à l’égard des Palestiniens et de ne la
rétablir sous aucun prétexte contraire à l’interdiction de la discrimination raciale et de
l’apartheid ;
g) garanties relatives à la reconnaissance et à l’exercice du droit des réfugiés palestiniens au retour
dans leurs foyers, au recouvrement de leurs biens et à l’indemnisation ; et
h) garantie de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris à
l’indépendance de l’État de Palestine.
7.31. Qui plus est, au vu du mépris manifesté par Israël à l’égard du droit international tout au
long de ses décennies d’occupation illicite du Territoire palestinien occupé, ainsi que de l’ampleur,
de la gravité et des conséquences de ses manquements à ses obligations juridiques internationales, il
est nécessaire qu’Israël offre des garanties internationales de son futur respect desdites obligations,
lesquelles font l’objet de la partie B du présent chapitre.
II. ISRAËL EST TENU DE RÉPARER INTÉGRALEMENT LE PRÉJUDICE
7.32. La deuxième obligation fondamentale découlant de la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite est l’obligation de réparer intégralement le préjudice. Cette obligation est
1095 Ainsi que l’a relevé la CDI, les assurances ou garanties de non-répétition et la satisfaction « se
recouvrent … dans la pratique » (voir supra). Dans les cas de recouvrement, l’État de Palestine a, par souci de clarté, choisi
de traiter des conséquences des faits internationalement illicites d’Israël sous l’intitulé « Satisfaction » ; voir par. 7.72 et
suiv. ci-dessous. Cela ne revient cependant pas à reconnaître qu’il ne pourrait pas se prévaloir de l’obligation qui incombe
à Israël de mettre fin à ses faits internationalement illicites.
1096 Voir par. 7.46 et suiv. ci-dessous.
- 248 -
clairement énoncée à l’article 31 du projet d’articles sur la responsabilité de l’État, qui se lit comme
suit :
« 1. L’État responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite.
2. Le préjudice comprend tout dommage, tant matériel que moral, résultant du fait
internationalement illicite de l’État. »
7.33. En 1928, la devancière de la Cour a dit dans une célèbre observation incidente ce
qui suit :
« C’est un principe du droit international, voire une conception générale du droit,
que toute violation d’un engagement comporte l’obligation de réparer. … Le principe
essentiel qui découle de la notion même d’acte illicite et qui semble se dégager de la
pratique internationale, notamment de la jurisprudence des tribunaux arbitraux, est que
la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite
et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été
commis. »1097
7.34. Loin d’être un élément accessoire de la responsabilité internationale de l’État, la
réparation a été qualifiée par la Cour permanente de « complément indispensable d’un
manquement »1098.
7.35. Certains des faits illicites d’Israël, voire tous, sont certainement aussi des violations
consistant en des faits composites au sens des articles de la CDI, lesquelles, ainsi qu’il est expliqué
dans le commentaire relatif à ces articles, constituent une sous-catégorie des faits revêtant un
caractère continu. Aux termes de l’article 15 :
« 1. La violation d’une obligation internationale par l’État à raison d’une série d’actions
ou d’omissions, définie dans son ensemble comme illicite, a lieu quand se produit
l’action ou l’omission qui, conjuguée aux autres actions ou omissions, suffit à
constituer le fait illicite.
2. Dans un tel cas, la violation s’étend sur toute la période débutant avec la première
des actions ou omissions de la série et dure aussi longtemps que ces actions ou
omissions se répètent et restent non conformes à ladite obligation internationale. »
7.36. Plusieurs des faits illicites d’Israël relèvent pleinement de cette définition. Ainsi que l’a
expressément indiqué la CDI, « [c]ertains des faits illicites les plus graves au regard du droit
international sont définis comme tels au vu de leur caractère composite »1099. Selon la CDI, « [à] titre
1097 Usine de Chorzów, fond, arrêt no 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 29 et 47. Voir, par exemple, Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 59, par. 119 ;
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), indemnisation, arrêt,
C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 25, par. 29 ; Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II), p. 455-456, par. 138.
1098 Usine de Chorzów, compétence, arrêt no 8, 1927, C.P.J.I. série A no 9, p. 21 ; voir également Usine de
Chorzów, fond, arrêt no 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 29 ; Affaire concernant les problèmes nés entre la
Nouvelle-Zélande et la France relatifs à l’interprétation ou à l’application de deux accords conclus le 9 juillet 1986,
lesquels concernaient les problèmes découlant de l’affaire du Rainbow Warrior, sentence du 30 avril 1990, RSA, vol. XX,
p. 251, par. 75. Voir aussi les articles sur la responsabilité de l’État, p. 97, paragraphe 1 du commentaire relatif à l’article 31.
1099 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 65, paragraphe 2 du commentaire relatif à l’article 15.
- 249 -
d’exemple, on citera notamment les obligations concernant … l’apartheid ou les crimes contre
l’humanité, les actes systématiques de discrimination raciale ». Ces obligations sont précisément au
nombre de celles qu’Israël ne respecte pas, ainsi qu’il a été établi au chapitre 4 ci-dessus.
7.37. Dans le cas présent, le caractère continu des manquements d’Israël à ses obligations
internationales ne peut être dissocié de la durée de leur prolongement dans le temps, notamment de
celle du déni prolongé des droits inaliénables du peuple palestinien à l’autodétermination et au retour
des réfugiés palestiniens, de celle particulièrement inhabituelle et injustifiable de l’occupation
israélienne et de celles des politiques et mesures adoptées par Israël dès le début de l’occupation pour
annexer et coloniser le territoire palestinien.
7.38. Par conséquent, l’occupation proprement dite et les violations qui en découlent ou y sont
inhérentes, telles que la colonisation continue et l’annexion connexe de territoire par la puissance
occupante, l’imposition par Israël d’un régime de discrimination raciale et de politiques d’apartheid
dirigés contre le peuple palestinien, ainsi que la violation continue du droit du peuple palestinien à
l’autodétermination, relèvent de la définition donnée au paragraphe 2 de l’article 14 des articles sur
la responsabilité de l’État (« Extension dans le temps de la violation d’une obligation
internationale ») : « La violation d’une obligation internationale par le fait de l’État ayant un
caractère continu s’étend sur toute la période durant laquelle le fait continue et reste non conforme à
l’obligation internationale. »
7.39. La définition ci-dessus a été reprise à son compte par le tribunal arbitral constitué en
l’affaire du Rainbow Warrior. Selon ce tribunal, il était
« évident que la violation constituée par le fait de ne pas ramener [deux agents des
services secrets français sur une installation militaire française dans une île isolée située
en dehors de l’Europe où ils auraient dû être transférés pour une durée de trois ans]
représent[ait] une violation non seulement substantielle mais aussi continue »1100.
Et le tribunal d’ajouter :
« Et cette classification n’est pas purement théorique, mais au contraire, a des
conséquences pratiques puisque la gravité de la violation et son prolongement dans le
temps ont nécessairement une importance considérable pour la fixation de la réparation
appropriée dans le cas d’une violation présentant ces deux caractéristiques. »1101
7.40. Le même raisonnement s’applique dans le cas présent, où le moment de la commission
des violations « s’étend sur toute la période durant laquelle le fait continue et reste non conforme à
l’obligation internationale ». Pour paraphraser la décision rendue en l’affaire du Rainbow Warrior,
il est évident qu’Israël a « commis une violation continue de ses obligations, sans interruption ni
suspension, durant toute la période pendant laquelle » il a privé le peuple palestinien de son droit à
l’autodétermination, violé les droits fondamentaux des Palestiniens et perpétré l’occupation ainsi que
les violations que celle-ci a entraînées. Il suit de là que « la gravité de la violation » commise par
Israël « et son prolongement dans le temps ont nécessairement une importance considérable pour la
fixation de la réparation appropriée dans le cas d’une violation présentant ces deux caractéristiques ».
1100 Affaire concernant les problèmes nés entre la Nouvelle-Zélande et la France relatifs à l’interprétation ou à
l’application de deux accords conclus le 9 juillet 1986, lesquels concernaient les problèmes découlant de l’affaire du
Rainbow Warrior, sentence du 30 avril 1990, RSA, vol. XX, p. 263-264, par. 101.
1101 Ibid.
- 250 -
7.41. L’obligation de réparer intégralement le préjudice est indépendante des obligations de
mettre fin aux violations continues du droit international et d’offrir des garanties et des assurances
de non-répétition lorsque les circonstances l’exigent1102. C’est pourquoi, en examinant l’obligation
de mettre fin à un fait internationalement illicite, la Cour explique souvent aussi comment l’État
responsable peut s’acquitter concrètement de son obligation de réparer intégralement le préjudice
causé par le fait illicite en question. Par exemple, dans l’avis sur le mur, elle a indiqué que l’obligation
incombant à Israël de mettre fin aux violations du droit international liées à l’édification du mur
emportait obligation de restitution :
« Israël est en conséquence tenu de restituer les terres, les vergers, les oliveraies
et les autres biens immobiliers saisis à toute personne physique ou morale en vue de
l’édification du mur dans le territoire palestinien occupé. Au cas où une telle restitution
s’avérerait matériellement impossible, Israël serait tenu de procéder à l’indemnisation
des personnes en question pour le préjudice subi par elles. De l’avis de la Cour, Israël
est également tenu d’indemniser, conformément aux règles du droit international
applicables en la matière, toutes les personnes physiques ou morales qui auraient subi
un préjudice matériel quelconque du fait de la construction de ce mur. »1103
7.42. L’article 34 des articles sur la responsabilité de l’État énumère plusieurs formes
distinctes, mais connexes, que peut revêtir l’obligation de réparation intégrale : « La réparation
intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de restitution,
d’indemnisation et de satisfaction, séparément ou conjointement, conformément aux dispositions du
présent chapitre. »
7.43. L’État de Palestine est conscient que la Cour pourrait refuser de statuer concrètement sur
la forme et le contenu de la réparation au vu du caractère continu des manquements d’Israël à ses
obligations.
7.44. Cependant, le cas présent diffère des cas antérieurs à d’importants égards. L’élément le
plus pertinent est qu’il s’agit d’une procédure consultative, dans laquelle l’Assemblée générale a
expressément demandé à la Cour d’établir les « conséquences juridiques » des divers faits illicites
commis par Israël dans le Territoire palestinien occupé. Un aspect important de ces « conséquences
juridiques » consiste dans la forme et le contenu de l’obligation qui incombe à Israël de réparer le
préjudice causé par ses faits internationalement illicites. La décision que rendra la Cour sur ce point
fournira aux États et à l’Organisation des Nations Unies des bases permettant de définir les mesures
et mécanismes pratiques requis pour exécuter effectivement les obligations de réparation. Certes, le
caractère continu des violations commises par Israël empêche de déterminer à ce stade le montant de
l’indemnité due à l’État de Palestine à raison de ces violations, mais il n’empêche pas la Cour de
déterminer en principe les formes de réparation qu’il conviendrait d’exiger d’Israël.
7.45. Cela étant, l’État de Palestine exposera autant que possible dans la présente section du
chapitre les différentes formes de réparation que lui doit Israël, à savoir la restitution (restitutio in
integrum) (A), l’indemnisation (B) et la satisfaction (C).
1102 Voir articles sur la responsabilité de l’État, art. 29 (maintien du devoir d’exécuter l’obligation), cité au
paragraphe 7.14 ci-dessus.
1103 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 198, par. 153. Voir également Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de
l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 118.
- 251 -
A. Restitution
7.46. « [L]a restitution est la première forme de réparation à laquelle peut prétendre un État
lésé par un fait internationalement illicite »1104. L’article 35 des articles sur la responsabilité de l’État
apporte la précision suivante :
« L’État responsable du fait internationalement illicite a l’obligation de procéder
à la restitution consistant dans le rétablissement de la situation qui existait avant que le
fait illicite ne soit commis, dès lors et pour autant qu’une telle restitution :
a) N’est pas matériellement impossible ;
b) N’impose pas une charge hors de toute proportion avec l’avantage qui dériverait de
la restitution plutôt que de l’indemnisation. »
7.47. Bien plus que d’autres formes de réparation, la restitution a pour but d’« effacer toutes
les conséquences de l’acte illicite et [de] rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit
acte n’avait pas été commis »1105. En conséquence, il y a lieu de la privilégier — autant que faire se
peut — sur d’autres formes de réparation1106.
7.48. À cet égard, « [e]n tant que première forme de réparation, la restitution revêt une
importance particulière lorsque l’obligation violée a un caractère continu, et plus encore lorsqu’elle
découle d’une norme impérative du droit international général »1107. De plus, en pareil cas, « la
restitution peut être exigée en ce qu’elle constitue un aspect du respect de l’obligation primaire »1108.
Étant donné que les manquements d’Israël à ses obligations internationales présentent un caractère
continu1109 et concernent plusieurs normes impératives du droit international1110, la restitution revêt
une importance particulière en l’espèce1111.
7.49. La restitution peut prendre diverses formes en fonction des circonstances. Les obligations
auxquelles Israël a manqué étant variées et les formes de préjudice que les manquements ont causées
à l’État de Palestine et au peuple palestinien présentant une grande diversité, c’est tout un éventail
de mesures de restitution qui sont requises.
1104 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 102-103, par. 1. Voir également ibid., par. 3 (la restitution « prime
tout autre mode de réparation »).
1105 Voir note 1097 ci-dessus.
1106 Voir, par exemple, dans la jurisprudence récente de la Cour, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 103-104, par. 273 ; Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 26, par. 31 ; Activités
armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil
2022 (I), p. 50, par. 101.
1107 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 104, paragraphe 6 du commentaire relatif à l’article 35.
1108 Ibid., p. 103, par. 3.
1109 Voir par. 7.17-7.20 ci-dessus.
1110 Voir notamment chap. 6, par. 6.5-6.11 ci-dessus.
1111 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 104, paragraphe 6 du commentaire relatif à l’article 35.
- 252 -
7.50. S’agissant de l’occupation illicite par Israël du Territoire palestinien occupé et de son
annexion de Jérusalem et du reste de la Cisjordanie, les premières mesures qui s’imposent et sont,
du reste, indispensables pour assurer la restitution sont les suivantes :
a) le retrait immédiat, inconditionnel et total d’Israël, y compris de ses forces d’occupation, du
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est1112 ;
b) le démantèlement des colonies de peuplement illicites et du mur, ainsi que le retrait des colons ; et
c) l’abrogation des lois, règlements et ordonnances d’annexion concernant Jérusalem et le reste de
la Cisjordanie, ainsi que ceux imposant un régime de discrimination raciale constitutif d’apartheid
à l’égard du peuple palestinien.
Ainsi qu’il a été relevé plus haut, ces mesures sont également une conséquence nécessaire de
l’obligation de cessation qui incombe à Israël1113.
7.51. Il ne peut y avoir de doute que la nullité des lois et règlements adoptés par Israël pour
favoriser son occupation illicite du territoire palestinien et son annexion de Jérusalem et du reste de
la Cisjordanie est une conséquence nécessaire de leur illicéité en droit international. Il existe des
précédents manifestes qui vont dans ce sens. En l’affaire du Groenland oriental, par exemple, la
Cour permanente a jugé que
« la déclaration d’occupation promulguée par le Gouvernement norvégien en date du
10 juillet 1931, ainsi que toutes mesures prises à cet égard par ce même Gouvernement,
constitu[ai]ent une infraction à l’état juridique existant, et, par conséquent, [étaient]
illégales et non valables »1114.
7.52. Il s’ensuit que le rétablissement du statu quo ante suppose l’adoption par Israël1115 de
mesures abrogeant l’ensemble de ses lois et règlements qui donnent effet à son occupation et à son
annexion illicites, notamment ceux qui autorisent ou facilitent l’implantation de colonies de
peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé ou imposent des restrictions
discriminatoires touchant les droits des Palestiniens.
7.53. Il suppose également qu’Israël prenne des mesures tendant à effacer les conséquences
de l’adoption et de l’application des lois en question. Par conséquent, Israël est tenu de prendre des
mesures tendant à garantir (entre autres) :
a) le retour des Palestiniens expulsés et déracinés de leurs foyers, terres, villes et villages, ainsi que
de leurs descendants ;
1112 Voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54,
par. 32.
1113 Voir articles sur la responsabilité de l’État, p. 104, paragraphe 6 du commentaire relatif à l’article 35. Voir aussi
ibid., p. 95, paragraphes 7 et 8 du commentaire relatif à l’article 30.
1114 Statut juridique du Groenland oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B no 53, p. 75. Voir également l’affaire des
Zones franches, dans laquelle la Cour permanente a décidé que la France « [devait] reculer sa ligne de douanes
conformément aux stipulations » de traités et actes antérieurs (Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt,
1932, C.P.J.I. série A/B no 46, p. 172). Le débat doctrinal sur la question de savoir si la responsabilité d’un État peut être
retenue à raison de l’adoption d’une loi n’est pas pertinent en l’espèce : les lois et règlements en question ont été non
seulement adoptés, mais aussi pleinement mis en oeuvre.
1115 Voir par. 7.32 ci-dessus.
- 253 -
b) le retrait des forces d’occupation israéliennes et des colons israéliens du Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est ;
c) la restitution des biens meubles et immeubles saisis à des Palestiniens pendant le conflit armé et
l’occupation1116 ; et
d) la libération des Palestiniens privés de liberté, notamment ceux qui le sont en raison de leur statut
de Palestiniens ou pour des motifs liés à leur opposition à l’occupation illicite par Israël du
Territoire palestinien occupé.
7.54. Il va sans dire qu’Israël ne peut invoquer le fait accompli qu’il a délibérément choisi
d’instaurer dans le Territoire palestinien occupé, notamment par la construction de centaines de
colonies de peuplement illicites et l’installation de centaines de milliers de colons israéliens1117, pour
se soustraire à l’obligation de restitution qui lui incombe ou la vider d’une partie de sa substance1118.
7.55. En outre, dans un contexte où Israël a construit des colonies de peuplement et les
infrastructures qui leur sont associées en pleine connaissance de leur illicéité et dans le but précis
d’affermir sa présence dans un territoire qui ne lui appartient pas, ce serait faire un grave affront à la
justice que de le récompenser pour ce comportement illicite délibéré et calculé en se fondant sur la
présence des colonies et infrastructures en question pour le dégager de son obligation de restitution.
7.56. Israël ne saurait non plus invoquer le contenu de ses propres lois ou d’éventuelles
difficultés politiques ou pratiques entravant le rétablissement du statu quo ante pour faire réduire ou
supprimer son obligation de restitution. Bien qu’il soit évident qu’à l’impossible nul n’est tenu, il est
tout aussi établi que « la restitution n’est pas impossible uniquement du fait de difficultés juridiques
ou pratiques, même si l’État responsable peut avoir à faire des efforts particuliers pour les
surmonter »1119.
7.57. Pour ce qui est de la réserve énoncée à l’alinéa b) de l’article 35 des articles sur la
responsabilité de l’État, elle doit être interprétée à la lumière des explications données par la CDI
dans son commentaire relatif à cette disposition :
« Cette disposition ne s’applique que lorsqu’il existe une disproportion
importante entre la charge qu’imposerait la restitution à l’État responsable et l’avantage
qu’en tirerait l’État lésé ou toute victime de la violation. Elle est donc fondée sur des
critères d’équité et d’acceptabilité, avec toutefois une préférence pour la position de
l’État lésé chaque fois que le processus de mise en balance ne penche pas clairement en
faveur de l’indemnisation plutôt que de la restitution. La mise en balance favorise
1116 Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 686 (1991) du 2 mars 1991 ; articles sur la responsabilité de
l’État, p. 104, paragraphe 6 du commentaire relatif à l’article 35.
1117 Pour ce qui est de l’invocation du fait accompli résultant de la durée de l’occupation par de hauts responsables
israéliens, voir chap. 3 ci-dessus, en particulier par. 3.6, 3.98 et 3.123.
1118 Voir les articles sur la responsabilité de l’État, art. 32 (non-pertinence du droit interne) : « L’État responsable
ne peut pas se prévaloir des dispositions de son droit interne pour justifier un manquement aux obligations qui lui incombent
en vertu de la présente partie. »
1119 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 104, paragraphe 8 du commentaire relatif à l’article 35.
- 254 -
invariablement l’État lésé chaque fois que la non-restitution risque de mettre en danger
son indépendance politique ou sa stabilité économique »1120.
7.58. Dans le contexte présent, on ne saurait dire que la fin de l’occupation illicite du Territoire
palestinien occupé dont Israël et les colons vivant dans ses colonies de peuplement illicites ont
énormément profité depuis plus de 50 ans (notamment en exploitant ce territoire et en le dépouillant
de ses ressources en eau, de ses gisements minéraux et d’autres ressources naturelles, tous de très
grande valeur1121) pourrait être injuste ou déraisonnable. En effet, le refus de restitution mettrait très
gravement en péril l’indépendance et la stabilité économique de l’État de Palestine et continuerait de
porter préjudice à sa population. En outre, il serait manifestement contraire au principe ex injuria jus
non oritur (un droit ne peut naître d’un fait illicite)1122.
7.59. On ne saurait non plus raisonnablement dire que le retrait d’Israël du Territoire
palestinien occupé et le démantèlement de ses colonies de peuplement illicites sont impossibles sur
le plan pratique. De fait, il existe des précédents sur ce point. Le démantèlement des colonies de
peuplement et du régime qui leur est associé est indispensable à l’indépendance politique de l’État
de Palestine et on ne saurait le juger excessivement contraignant ou coûteux, d’autant plus qu’Israël
profite de cette situation illicite depuis des décennies ; il doit à présent en assumer les conséquences.
B. Indemnisation
7.60. Certes, la restitution est « la première forme de réparation » et l’obligation de rétablir le
statu quo ante peut amplement être mise en oeuvre en l’espèce et devrait l’être, mais le simple
rétablissement de cet état de choses antérieur ne suffirait pas à exécuter pleinement les obligations
qui incombent à Israël « de réparer intégralement le préjudice causé par le fait internationalement
illicite »1123 et d’« effacer toutes les conséquences de [ses] acte[s] illicite[s] »1124. Outre la restitution,
l’indemnisation est nécessaire à l’exécution de ces obligations.
7.61. L’article 36 des articles sur la responsabilité de l’État se lit comme suit :
« 1. L’État responsable du fait internationalement illicite est tenu d’indemniser le
dommage causé par ce fait dans la mesure où ce dommage n’est pas réparé par la
restitution.
2. L’indemnité couvre tout dommage susceptible d’évaluation financière, y compris le
manque à gagner dans la mesure où celui-ci est établi. »
7.62. En l’affaire de l’Usine de Chorzów, la Cour permanente a déclaré ce qui suit : « Il est un
principe de droit international que la réparation d’un tort peut consister en une indemnité
1120 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 105, paragraphe 11 du commentaire relatif à l’article 35 (note de bas
de page omise).
1121 Voir chap. 3B, « Exploitation des ressources hydriques et d’autres ressources naturelles », en particulier
par. 3.249-3.256.
1122 Voir par. 7.54 ci-dessus.
1123 Articles sur la responsabilité de l’État, art. 31. Voir par. 7.32 ci-dessus.
1124 Usine de Chorzów, fond, arrêt no 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 29 et 47. Voir par. 7.33 ci-dessus.
- 255 -
correspondant au dommage que les ressortissants de l’État lésé ont subi par suite de l’acte contraire
au droit international »1125.
7.63. La Cour qualifie cette obligation de « règle bien établie du droit international »1126
applicable « [d]ans la mesure où la restitution est impossible »1127.
7.64. L’État de Palestine ne dit pas que les questions dont la Cour a été saisie par l’Assemblée
générale dans sa résolution 77/247 l’obligent à évaluer et à quantifier le montant de l’indemnité que
doit verser Israël en conséquence de ses activités illicites. Une telle opération relèverait
inévitablement et largement de la conjecture dans un contexte où les faits illicites en cause se
poursuivent et où la Cour ne s’est pas vu présenter d’éléments permettant de déterminer le quantum
de l’indemnité. Il incombe toutefois à la Cour « d’éclairer les Nations Unies dans leur action
propre »1128. Dans le contexte présent, la Cour est donc tenue d’aider les autres organes des Nations
Unies à évaluer les conséquences précises des faits internationalement illicites d’Israël1129.
7.65. Ainsi que l’ont montré les chapitres précédents1130, les mesures et politiques d’Israël ont
causé des préjudices d’une ampleur exceptionnelle à l’État de Palestine et au peuple palestinien. Au
cas où la réparation intégrale d’une partie de ces préjudices serait réellement impossible (et non
simplement difficile), Israël est tenu de verser une indemnité.
7.66. Bien qu’il soit impossible de faire preuve d’exhaustivité sur ce point dans le cadre de la
présente procédure consultative, il convient de donner des exemples des nombreux types de préjudice
causés par les violations du droit international qu’Israël a commises et d’exposer leurs conséquences
juridiques. À cette fin, il est nécessaire d’opérer une distinction entre les préjudices causés à l’État
de Palestine et ceux causés au peuple palestinien.
7.67. Pour ce qui est des principaux préjudices causés à l’État de Palestine proprement dit, la
cessation de l’occupation et de l’annexion illicites de son territoire, le retrait des forces d’occupation
israéliennes et des colons israéliens ainsi que le démantèlement des colonies de peuplement, du mur
et des infrastructures connexes qui ont été créées dans le territoire sont des aspects essentiels des
obligations d’Israël à l’égard de l’État de Palestine qui découlent de ses faits illicites. Il est cependant
manifeste que la cessation de l’occupation et le démantèlement des colonies de peuplement et du mur
1125 Ibid., p. 27-28.
1126 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 81, par. 152 ; Application de
la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 232-233, par. 460 (citant Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 152-153).
1127 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 232-233, par. 460.
1128 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1951, p. 19. Voir aussi Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil
1971, p. 24, par. 32 ; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 27, par. 41 ; Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 162-163, par. 60.
1129 Voir par. 1.50 ci-dessus.
1130 Voir, par exemple, chap. 4, par. 4.32-4.91, ou chap. 5, par. 5.59.
- 256 -
ne constitueraient pas une réparation intégrale des préjudices, matériels et moraux, causés à l’État de
Palestine par les faits internationalement illicites d’Israël1131.
7.68. Bien que le rétablissement du statu quo ante puisse empêcher la survenue d’un nouveau
préjudice ouvrant droit à une autre réparation, il ne réparerait en aucun cas les préjudices subis au
cours des 56 années d’occupation illicite du Territoire palestinien occupé. Ces préjudices
comprennent (sans toutefois s’y limiter) :
a) le coût de l’occupation et des restrictions israéliennes pour l’économie palestinienne ;
b) le coût de la reconstruction ou de la réparation du nombre important d’installations et
établissements collectifs détruits ou endommagés par Israël, notamment les établissements de
santé et d’enseignement1132 ;
c) les pertes causées par l’expropriation des ressources naturelles de la Palestine par Israël 1133,
notamment l’exploitation de terres, de ressources en eau et de quantités importantes de minerais
précieux, la destruction de structures de gestion et de répartition de l’approvisionnement en eau
des Palestiniens1134 ainsi que la destruction d’oliviers1135 et d’autres sources de moyens de
subsistance ;
d) les préjudices importants causés par les graves attaques perpétrées par Israël contre le
développement économique et social de l’État de Palestine et de sa population, notamment le
blocus imposé à la bande de Gaza1136 et l’impossibilité pour les Palestiniens d’accéder aux
ressources halieutiques disponibles dans une partie importante de la mer dans laquelle ils ont le
droit de pêcher en vertu du droit international, à savoir les eaux territoriales et la zone économique
exclusive (ZEE) de la Palestine, ainsi que leur incapacité à accéder aux gisements
d’hydrocarbures que renferme le plateau continental de la Palestine1137 ;
1131 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 198, par. 152.
1132 Voir Organisation mondiale de la Santé (OMS), bureau régional de la Méditerranée orientale, « Attacks on
health care during the Great March of Return in Gaza », communiqué de presse du 11 avril 2019. Voir, entre autres
nombreux exemples, Euro-Med Human Rights Monitor, « Israel’s targeting of economic facilities in Gaza signals
disastrous consequences », communiqué de presse du 19 mai 2021. Voir également Activités armées sur le territoire du
Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 92, par. 240.
1133 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolution 3175 (XXVIII) du 17 décembre 1973, par. 3 ; ibid.,
résolution 31/186 du 21 décembre 1976, par. 1.
1134 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Répartition des ressources
en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », 15 octobre 2021, doc. A/HRC/48/43, par. 24 et
34. Voir aussi B’Tselem, « Parched, Israel’s policy of water deprivation in the West Bank », mai 2023 (accessible à
l’adresse suivante : https://tinyurl.com/2dpxa4cx).
1135 Voir, par exemple, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 153. Voir également Assemblée générale et Conseil économique et
social, « Répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien
dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est , et de la population arabe du Golan syrien occupé », note
du Secrétaire général, 8 juin 2022, doc. A/77/90–E/2022/66, par. 41.
1136 Voir, par exemple, Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le
peuple palestinien : l’appauvrissement de Gaza sous le blocus », 2020, doc. UNCTAD/GDS/APP/2020/1 ; ibid., « Les
coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : le coût des restrictions dans la zone C, vu du
ciel », 2022, doc. UNCTAD/GDS/APP/2022/1/Corr.1.
1137 Voir, par exemple, Assemblée générale, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple
palestinien », note du Secrétaire général, 10 octobre 2018, doc. A/73/201, par. 7.
- 257 -
e) les dommages causés par Israël à l’environnement du territoire palestinien, notamment par le
dépôt et l’épandage de substances toxiques1138 ; et
f) le coût de la remise en état des monuments historiques et des trésors culturels palestiniens
endommagés par Israël1139.
7.69. Les préjudices causés au peuple palestinien par les faits internationalement illicites
d’Israël comprennent (sans non plus s’y limiter) :
a) les atteintes à l’intégrité physique, les souffrances et les décès causés par les actes de torture et
les traitements inhumains ou dégradants qu’Israël a fait subir à des Palestiniens et par ses
violations de leur droit à la vie1140 ;
b) les frais médicaux et les pertes de revenus résultant des actes de violence illicites commis par les
forces d’occupation israéliennes ainsi que du refus illicite d’accorder aux Palestiniens l’accès aux
établissements de santé1141 ;
c) les privations de liberté découlant de la détention arbitraire de centaines de milliers de
Palestiniens par Israël1142 ;
d) le préjudice moral et les souffrances considérables (pretium doloris) résultant de ce qui
précède1143 ;
e) la confiscation de terres palestiniennes privées et la destruction de dizaines de milliers
d’habitations et autres biens privés palestiniens1144 ; et
f) les pertes de cultures agricoles et de bétail1145.
7.70. De plus, comme dans le cas de l’obligation de restitution1146, l’État de Palestine a le droit
de réclamer à Israël l’exécution de l’obligation de réparation « dans l’intérêt … des bénéficiaires de
l’obligation violée », comme le prévoit l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 48 des articles sur la
responsabilité de l’État. En l’espèce, l’obligation peut être exécutée dans l’intérêt de l’ensemble des
1138 Voir, par exemple, Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Environmental
and health risk still unfolding: the bombing of Gaza’s largest agrochemical warehouse », communiqué de presse du
3 novembre 2021. Voir également Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 14, par. 41 ; Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 122, par. 348. Voir en
outre Assemblée générale, résolution 75/236 du 21 décembre 2020, préambule et par. 6 et 8.
1139 Voir, par exemple, UNESCO, Comité du patrimoine mondial, décision 44 COM 7A.10 intitulée « Vieille ville
de Jérusalem et ses remparts », 31 juillet 2021, doc. WHC/21/44.COM/18, p. 28-29.
1140 Voir chap. 4, par. 4.32-4.109.
1141 Voir ibid., par. 4.66-4.91 et 4.166-4.171.
1142 Voir ibid., par. 4.32-4.50.
1143 Voir, par exemple, OMS, Emergency Trauma Response to the Gaza Mass Demonstrations 2018-2019,
« A One-Year Review of Trauma Data and the Humanitarian Consequences », mai 2019 ; Navire «SAIGA» (No. 2) (Saint-
Vincent-et-les Grenadines c. Guinée), arrêt, TIDM Recueil 1999, p. 66-67, par. 173 et 175.
1144 Voir chap. 3, par. 3.101-3.104 ; chap. 4, par. 4.175-4.183 ; et chap. 5, par. 5.51.
1145 Voir chap. 4, par. 4.156 et 4.184 ; et chap. 5, par. 5.79.
1146 Voir par. 7.49 ci-dessus.
- 258 -
Palestiniens qui sont victimes, à la fois à titre individuel et collectif, de la politique de discrimination
raciale et d’apartheid menée par Israël1147.
7.71. Le présent exposé écrit n’est pas le lieu approprié pour présenter de manière détaillée les
méthodes d’évaluation de l’indemnité due à raison de ces différents types de préjudice. Pour ses
besoins, on se bornera à relever que, quelle que soit la nature des préjudices, le montant des
indemnités devra couvrir le manque à gagner (lucrum cessans) subi par les bénéficiaires1148 et être
assorti d’intérêts en fonction du temps écoulé, seul moyen de garantir la réparation intégrale du
préjudice subi1149. En outre, il conviendrait de confier l’évaluation à des experts neutres qui
l’effectuerait au moyen d’un mécanisme de documentation, d’enregistrement, de vérification et
d’évaluation du préjudice causé par les activités illicites d’Israël.
C. Satisfaction
7.72. Outre les obligations qui lui incombent de procéder à la restitution et d’indemniser l’État
de Palestine et le peuple palestinien des préjudices causés par ses décisions et pratiques illicites,
conformément à l’article 37 des articles sur la responsabilité de l’État, Israël est également tenu de
donner satisfaction à l’État de Palestine et au peuple palestinien pour le préjudice causé par ces
mêmes faits « dans la mesure où il ne peut pas être réparé par la restitution ou l’indemnisation ».
7.73. Le paragraphe 2 de l’article 37 dispose que « [l]a satisfaction peut consister en une
reconnaissance de la violation, une expression de regrets, des excuses formelles ou toute autre
modalité appropriée ». Dans l’arrêt relatif aux réparations qu’elle a rendu récemment en l’affaire des
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), la
Cour a expliqué que « la satisfaction p[ouvai]t prendre une tout autre forme en fonction des
circonstances de l’espèce et dans la mesure où l’indemnisation ne parv[enai]t pas à effacer toutes les
conséquences d’un fait internationalement illicite »1150. Elle a ajouté que « les formes de satisfaction,
énumérées au deuxième paragraphe de [l’article 37], [n’étaient] pas exhaustives »1151 et qu’elles
dépendaient largement des circonstances de l’espèce1152.
7.74. Compte tenu de la gravité des violations commises par Israël1153 et des préjudices que
celles-ci ont causés sur les plans matériel et moral à l’État de Palestine et au peuple palestinien
pendant de nombreuses décennies, la conjugaison de la restitution et de l’indemnisation ne suffirait
pas à réparer les préjudices moraux causés par les faits internationalement illicites d’Israël.
1147 Voir ci-dessus, chap. 4 et chap. 6, par. 6.10-6.11.
1148 Voir, par exemple, Usine de Chorzów, fond, arrêt no 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 53, ou Ahmadou Sadio
Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I),
p. 339-340, par. 40. Voir aussi articles sur la responsabilité de l’État, art. 36, par. 2.
1149 Voir, par exemple, Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 40-41, par. 151-155 ; Activités armées sur le territoire du
Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 136, par. 402.
1150 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations,
arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 132, par. 387.
1151 Ibid., p. 132, par. 389.
1152 Voir par. 7.72 ci-dessus.
1153 Voir ci-dessus chap. 6, par. 6.5-6.11.
- 259 -
7.75. Là encore, la présente procédure consultative n’est sans doute pas le cadre approprié
pour traiter en détail des formes de satisfaction qu’Israël doit offrir à l’État de Palestine et au peuple
palestinien pour réparer les préjudices matériels et moraux que leur a causés son comportement
illicite. La satisfaction pourrait notamment être donnée par des discours solennels dans lesquels les
plus hautes autorités politiques de l’État d’Israël présenteraient des excuses pour les préjudices
causés1154 et par le versement d’une somme forfaitaire visant à effacer les stigmates de
l’occupation1155 et à encourager la coopération entre les deux États1156.
7.76. Toutefois, sans préjudice des obligations qui incombent déjà à Israël1157, il est une forme
de satisfaction qui est non seulement appropriée, mais indispensable, dans les circonstances de
l’espèce et constitue une conséquence nécessaire de la violation de certaines règles du droit
international commise par Israël. Il s’agit de l’obligation de mener des enquêtes pour poursuivre les
personnes qui sont à l’origine des graves manquements d’Israël à ses obligations internationales
découlant de normes impératives du droit international ou y ont contribué.
7.77. Ainsi que l’a montré la décision rendue par le Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies en l’affaire du Rainbow Warrior, l’imposition de sanctions contre les auteurs d’un fait
internationalement illicite attribuable à l’État peut être une composante de l’obligation de réparation
due à l’État lésé1158.
7.78. De même, le Conseil de sécurité a confirmé que tout État ayant la qualité de Haute Partie
contractante à la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre du 12 août 1949 était à ce titre « tenu d’en respecter pleinement toutes les dispositions et, en
particulier, que sa responsabilité [était] engagée, en vertu de la Convention, en ce qui concern[ait]
les infractions graves commises par lui, comme [était] engagée la responsabilité des particuliers qui
commett[ai]ent ou donn[ai]ent l’ordre de commettre de telles infractions »1159.
7.79. La Cour elle-même a fait observer que l’article 146 de la convention de Genève relative
à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième convention de Genève) du 12 août
1949 et l’article 85 du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la
protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I) imposaient à tout État
1154 Voir, par exemple, Affaire concernant les problèmes nés entre la France et la Nouvelle-Zélande de l’incident
du Rainbow Warrior, règlement du 6 juillet 1986, Nations Unies, RSA, vol. XIX, p. 213 ; LaGrand (Allemagne
c. États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 489, par. 63 ; Certains actifs iraniens (République islamique
d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt du 30 mars 2023, par. 232.
1155 Concessions Mavrommatis à Jérusalem, arrêt no 5, 1925, C.P.J.I. série A no 5, p. 21 ; Arbitrage Arctic Sunrise,
Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2014-02, Award on Compensation, 10 juillet 2017, RSA, vol. XXXII, p. 341,
par. 84.
1156 Affaire concernant les problèmes nés entre la France et la Nouvelle-Zélande de l’incident du Rainbow Warrior,
règlement du 6 juillet 1986, RSA, vol. XIX, p. 215, par. 5 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 133, par. 391.
1157 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations,
arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 132-133, par. 390.
1158 Dans l’affaire en question, le Secrétaire général a décidé que les deux agents des services français devaient
« être transférés sur une installation militaire française dans une île isolée située en dehors de l’Europe pour une durée de
trois ans » (Affaire concernant les problèmes nés entre la France et la Nouvelle-Zélande de l’incident du Rainbow Warrior,
règlement du 6 juillet 1986, RSA, vol. XIX, p. 224).
1159 Conseil de sécurité, résolution 670 du 25 septembre 1990, par. 13 (les italiques sont de nous).
- 260 -
« l’obligation d’enquêter, de poursuivre et de réprimer les personnes responsables de telles
violations »1160.
7.80. Ce raisonnement et cette conclusion s’appliquent pleinement dans le cas présent où, en
conséquence de ses violations flagrantes des règles régissant l’occupation qui sont consacrées par la
quatrième convention de Genève et le protocole additionnel I, Israël est tenu de mener des enquêtes
pour poursuivre les « personnes responsables de telles violations ». Cette obligation découle
également des règles du droit international coutumier, comme le confirme le CICR à la règle 158 de
son étude des règles coutumières :
« Les États doivent enquêter sur les crimes de guerre qui auraient été commis par
leurs ressortissants ou par leurs forces armées, ou sur leur territoire, et, le cas échéant,
poursuivre les suspects. Ils doivent aussi enquêter sur les autres crimes de guerre
relevant de leur compétence et, le cas échéant, poursuivre les suspects. »1161
7.81. Le même raisonnement s’applique à d’autres violations perpétrées par des ressortissants
israéliens qui sont attribuables à Israël, que les intéressés aient ou non agi à titre officiel. Par
conséquent, Israël, doit « condamne[r] … la ségrégation raciale et l’apartheid et s’engage[r] à
prévenir, à interdire et à éliminer sur les territoires relevant de [sa] juridiction toutes les pratiques de
cette nature » et a également l’obligation de ne pas « permettre aux autorités publiques ni aux
institutions publiques, nationales ou locales, d’inciter à la discrimination raciale ou de l’encourager »,
selon les articles 3 et 4 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale. L’article 6 de cette convention se lit comme suit :
« Les États parties assureront à toute personne soumise à leur juridiction une
protection et une voie de recours effectives, devant les tribunaux nationaux et autres
organismes d’État compétents, contre tous actes de discrimination raciale qui,
contrairement à la présente Convention, violeraient ses droits individuels et ses libertés
fondamentales, ainsi que le droit de demander à ces tribunaux satisfaction ou réparation
juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle
discrimination. »
7.82. Qui plus est, la plupart des violations du droit international dont Israël est responsable
sont de graves manquements à ses obligations découlant de normes impératives du droit international
général1162. L’une des conséquences en est qu’elles relèvent de la doctrine de la « transparence de
1160 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations,
arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 133, par. 390. Pour une déclaration comparable concernant l’obligation de « répression »,
voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 235, par. 465.
1161 Ainsi que le précise le CICR, cette obligation est rappelée dans de nombreux instruments, notamment les
suivants :
« Convention sur le génocide (1948), article VI ; Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels (1954), article 28 ; Convention contre la torture (1984), article 7 ; Convention sur les armes
chimiques (1993), article VII, par. 1 ; Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu’il a été
modifié (1996), article 14 ; Convention d’Ottawa (1997), article 9 ; Deuxième Protocole à la Convention
de La Haye pour la protection des biens culturels (1999), article 15 à 17 ».
Le CICR indique également les résolutions du Conseil de sécurité qui mentionnaient cette obligation : « Conseil de sécurité
de l’ONU, résolutions 978 (par. 558) ; 1193 (par. 559) ; et 1199 (par. 560) ; ibid., déclarations du président (ibid., par. 561-
569) ». Pour de plus amples renseignements, voir CICR, « Bases de données de droit international humanitaire », en ligne,
règle 158, « Les poursuites pour crimes de guerre » (accessible à l’adresse suivante : https://ihldatabases.
icrc.org/fr/customary-ihl/v1/rule158).
1162 Voir notamment ci-dessus, chap. 6, par. 6.5-6.11.
- 261 -
l’État », selon laquelle « les agents de l’État peuvent être tenus de répondre personnellement devant
une juridiction pénale d’actes officiels qui ont joué un rôle dans l’infraction sans que la qualité
officielle des intéressés fasse obstacle à leur condamnation »1163. Pareilles violations ne peuvent être
réputées avoir été commises dans l’exercice de fonctions officielles si l’on respecte la primauté du
droit. Il s’ensuit qu’Israël ne peut invoquer le fait que ses responsables qui ont commis les violations
en question agissaient dans le cadre de leurs responsabilités définies par le droit israélien pour ne pas
les poursuivre du chef de ces faits illicites.
7.83. L’obligation qui incombe à Israël de poursuivre et de sanctionner pareilles violations est
d’autant plus évidente qu’il serait paradoxal que tous les États soient invités à coopérer pour les faire
cesser et les sanctionner, ainsi qu’il est expliqué dans la partie B du présent chapitre1164, à l’exception
de l’État responsable. En outre, dans l’arrêt qu’elle a rendu au fond en 2007 en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour a, par quatorze voix contre une, dit que l’État
défendeur
« a[vait] violé les obligations qui lui incomb[ai]ent en vertu de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide en ne transférant pas » l’un de ses
ressortissants « accusé de génocide et de complicité de génocide, au Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie pour y être jugé, et en ne coopérant donc pas
pleinement avec ledit Tribunal »1165.
7.84. Cette conclusion s’applique mutatis mutandis en l’espèce. En s’abstenant de poursuivre
et de punir les personnes responsables de graves manquements à des obligations découlant d’une
norme impérative du droit international général et en refusant officiellement de coopérer avec la CPI,
Israël a manqué à ses obligations secondaires découlant des conséquences de ses propres faits
internationalement illicites.
Conclusions
7.85. Israël est tenu de réparer intégralement les préjudices causés à l’État de Palestine et au
peuple palestinien par ses faits internationalement illicites. Comme indiqué plus haut, il doit à ce titre
s’acquitter d’obligations de cessation, d’assurances de non-répétition, de restitution, d’indemnisation
et de satisfaction. Chacune de ces obligations est exposée dans le point correspondant. Prises
ensemble, elles relèvent de trois catégories :
a) Cessation
7.86. La première et la plus importante conséquence des violations de multiples règles et
principes du droit international, y compris de normes fondamentales du jus cogens, qu’Israël a
commises est qu’il doit dans les plus brefs délais et sans autre retard mettre fin à ces violations. Pardessus
tout, Israël doit immédiatement et inconditionnellement mettre fin à son occupation du
territoire palestinien et se retirer de l’ensemble du Territoire palestinien occupé.
1163 R. Maison, « The “Transparency” of the State », dans J. Crawford, A. Pellet et S. Olleson (sous la dir. de), The
Law of International Responsibility (Oxford University Press, 2010), p. 717-718.
1164 Voir ci-dessous, par. 7.150-7.161.
1165 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 238, par. 471, point 6.
- 262 -
7.87. Israël doit pleinement rétablir à tous égards le statu quo qui existait avant la commission
de ses faits internationalement illicites. Pour s’acquitter de cette obligation il doit, entre autres, retirer
ses agents militaires et civils du Territoire palestinien occupé, annuler et abandonner sa politique
d’annexion de Jérusalem et du reste de la Cisjordanie, démanteler ses colonies de peuplement
illicites, le mur et les autres infrastructures connexes mises en place dans le territoire palestinien,
retirer ses ressortissants illicitement installés dans le territoire palestinien, mettre fin à son blocus de
la bande de Gaza, abolir l’ensemble de ses lois, mesures et actes qui sont discriminatoires à l’égard
du peuple palestinien ou l’assujettissent à l’apartheid, cesser de dénier aux Palestiniens les droits
qu’ils tiennent du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme,
consentir au retour des Palestiniens expulsés de leurs foyers, terres, villes et villages et celui de leurs
descendants ainsi qu’à la restitution de leurs biens saisis, et respecter le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination, y compris son droit à un État de Palestine indépendant.
7.88. Le deuxième aspect de l’obligation de réparation intégrale incombant à Israël consiste à
indemniser l’État de Palestine et le peuple palestinien de l’ensemble des préjudices causés par ses
faits internationalement illicites qui ne peuvent être réparés par voie de restitution. S’agissant de
l’État de Palestine, Israël est tenu de lui verser des indemnités destinées à réparer (entre autres) ses
pertes résultant du pillage généralisé et systématique des ressources naturelles du Territoire
palestinien occupé commis par Israël ainsi que les énormes préjudices que lui ont causés les attaques
militaires israéliennes perpétrées contre la bande de Gaza et le blocus imposé à la population de celleci
qui dure depuis 16 ans. En ce qui concerne le peuple palestinien, Israël est tenu de lui verser des
indemnités destinées à réparer (entre autres) ses pertes découlant de la confiscation de terres
palestiniennes, des atteintes portées aux biens palestiniens ou de leur destruction par Israël, les
atteintes à l’intégrité physique, les souffrances et les décès résultant de l’emploi illicite de la force
contre le peuple palestinien et de la soumission de ce dernier à des actes de torture et à des traitements
inhumains et dégradants, ainsi que les privations de liberté découlant de la détention arbitraire de
centaines de milliers de personnes.
7.89. Le troisième aspect de l’obligation de réparation intégrale incombant à Israël consiste à
donner satisfaction pour l’ensemble des préjudices qui ne peuvent être réparés par voie de restitution
ou d’indemnisation. Un de ses éléments essentiels consiste à mener des enquêtes pour poursuivre les
personnes, y compris les agents de l’État, qui sont à l’origine des graves manquements d’Israël à ses
obligations internationales découlant de normes du droit international ayant valeur de jus cogens ou
qui y ont contribué.
b) Assurances de non-répétition
7.90. Les assurances qu’il conviendrait d’exiger d’Israël sont les garanties suivantes : a) les
garanties de mettre fin immédiatement et inconditionnellement à l’occupation illicite du territoire de
l’État de Palestine, de respecter pleinement la souveraineté de celui-ci et de ne pas tenter de modifier
par la force ses frontières issues de la « Ligne verte », conformément aux résolutions pertinentes des
Nations Unies, notamment la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité et la résolution 77/25 de
l’Assemblée générale en date du 30 novembre 2022 ; b) la garantie de soumettre tout différend
opposant Israël et l’État de Palestine à un mécanisme impartial permettant de parvenir à un règlement
contraignant ; c) les garanties de retirer les forces d’occupation militaires et civiles israéliennes du
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de démanteler les colonies de peuplement
israéliennes, le mur et le régime qui leur est associé en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ; d) la
garantie de lever le blocus de la bande de Gaza à tous égards ; e) les garanties de respecter et
d’appliquer le statut international de Jérusalem, y compris le statu quo historique, et d’abolir toute
mesure législative ou administrative contraire au statut international de la Ville sainte ; f) les
garanties de mettre fin à toute discrimination pratiquée à l’égard des Palestiniens et de ne la rétablir
sous aucun prétexte contraire à l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid ; g) la
- 263 -
garantie de reconnaître le droit des réfugiés palestiniens de rentrer dans leurs foyers et de se faire
indemniser conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies, notamment la
résolution 194 (III) ; et h) la garantie de respecter le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination, y compris son droit à l’indépendance de l’État de Palestine.
c) Restitution
7.91. Les premières et les plus indispensables mesures de restitution sont les suivantes : a) le
retrait immédiat, inconditionnel et total d’Israël, y compris ses forces d’occupation, du Territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ; b) le démantèlement des colonies de peuplement
illicites, le retrait des colons ainsi que le démantèlement du mur et du régime qui leur est associé,
c) l’abrogation des lois, règlements et ordonnances d’annexion concernant Jérusalem et le reste de la
Cisjordanie ainsi que ceux imposant un régime de discrimination raciale constitutif d’apartheid ; et
d) la cessation du blocus de la bande de Gaza.
7.92. Il s’ensuit que le rétablissement du statu quo ante suppose l’adoption par Israël1166 de
mesures abrogeant l’ensemble de ses lois et règlements qui donnent effet à son occupation et à son
annexion illicites du territoire palestinien, notamment ses lois qui autorisent ou facilitent
l’implantation de colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé et celles
qui imposent des restrictions discriminatoires touchant les droits des Palestiniens.
7.93. Le rétablissement du statu quo ante suppose également qu’Israël prenne des mesures
tendant à effacer les conséquences de l’adoption et de l’application des lois en question. Par
conséquent, Israël est tenu de prendre des mesures tendant à garantir (entre autres : a) le retour des
Palestiniens expulsés et déracinés de leurs foyers, terres, villes et villages, ainsi que de leurs
descendants ; b) le retrait des colons israéliens du Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est ; c) la restitution des biens meubles et immeubles saisis à des Palestiniens pendant le
conflit armé et l’occupation1167 ; et d) la libération des Palestiniens privés de liberté, notamment ceux
qui le sont en raison de leur statut de Palestiniens ou pour des motifs liés à leur opposition à
l’occupation illicite par Israël du Territoire palestinien occupé.
d) Indemnisation
7.94. Bien que le rétablissement du statu quo ante puisse empêcher la survenue d’un nouveau
préjudice ouvrant droit à une autre réparation, il ne réparerait en aucun cas les préjudices subis au
cours des 56 années d’occupation illicite du Territoire palestinien occupé. Ces préjudices
comprennent (sans toutefois s’y limiter) : a) le coût de la reconstruction ou de la réparation du
nombre important d’installations et établissements collectifs détruits ou endommagés par Israël,
notamment les établissements de santé et d’enseignement1168 ; b) les pertes causées par
l’expropriation des ressources naturelles de la Palestine par Israël1169, notamment l’exploitation de
1166 Voir par. 7.32 ci-dessus.
1167 Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 686 du 2 mars 1991 ; articles sur la responsabilité de l’État,
p. 104, paragraphe 6 du commentaire relatif à l’article 35.
1168 Voir OMS, bureau régional de la Méditerranée orientale, « Attacks on health care during the Great March of
Return in Gaza », communiqué de presse du 11 avril 2019. Voir, entre autres nombreux exemples, Euro-Med Human Rights
Monitor, « Israel’s targeting of economic facilities in Gaza signals disastrous consequences », communiqué de presse du
19 mai 2021. Voir aussi Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 92, par. 240.
1169 Voir, par exemple, Assemblée générale, résolutions 3175 (XXVIII) du 17 décembre 1973, par. 3 ; et 31/186
du 21 décembre 1976, par. 1.
- 264 -
terres, de ressources en eau et de quantités importantes de minerais précieux, la destruction de
structures de gestion et de répartition de l’approvisionnement en eau des Palestiniens1170 ainsi que la
destruction d’oliviers1171 et d’autres sources de moyens de subsistance ; c) les préjudices importants
causés par les graves attaques perpétrées par Israël contre le développement économique et social de
l’État de Palestine et de sa population, notamment le blocus imposé à la bande de Gaza1172 et
l’impossibilité pour les Palestiniens d’accéder aux ressources halieutiques disponibles dans une
partie importante de la mer dans laquelle ils ont le droit de pêcher en vertu du droit international, à
savoir les eaux territoriales et la zone économique exclusive (ZEE) de la Palestine, ainsi que leur
incapacité à accéder aux gisements d’hydrocarbures que renferme le plateau continental de la
Palestine1173 ; d) les dommages causés par Israël à l’environnement du territoire palestinien,
notamment par le dépôt et l’épandage de substances toxiques1174 ; et e) le coût de la remise en état
des monuments historiques et des trésors culturels palestiniens endommagés par Israël1175.
7.95. Les préjudices causés au peuple palestinien par les faits internationalement illicites
d’Israël comprennent (sans non plus s’y limiter) : a) la confiscation de terres palestiniennes privées
et la destruction de dizaines de milliers d’habitations et autres biens privés palestiniens1176 ; b) les
pertes de cultures agricoles et de bétail1177 ; c) les atteintes à l’intégrité physique, les souffrances et
les décès causés par les actes de torture et les traitements inhumains ou dégradants qu’Israël a fait
subir à des Palestiniens et par ses violations de leur droit à la vie1178 ; d) les frais médicaux et les
pertes de revenus résultant des actes de violence illicites commis par les forces d’occupation
israéliennes ainsi que du refus illicite d’accorder aux Palestiniens l’accès aux établissements de
santé1179 ; e) les privations de liberté découlant de la détention arbitraire de centaines de milliers de
1170 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intitulé « Répartition des ressources
en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », [15 octobre] 2021, doc. A/HRC/48/43, par. 24 et
34. Voir aussi B’Tselem, « Parched, Israel’s policy of water deprivation in the West Bank », mai 2023 (accessible à
l’adresse suivante: https://tinyurl.com/2dpxa4cx).
1171 Voir, par exemple, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 153. Voir aussi Conseil économique et social, « Répercussions
économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe du Golan syrien occupé », note du Secrétaire général,
8 juin 2022, doc. A/77/90–E/2022/66, par. 41.
1172 Voir, par exemple, Nations Unies, CNUCED, « Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le
peuple palestinien : l’appauvrissement de Gaza sous le blocus », 2020, doc. UNCTAD/GDS/APP/2020/1 ; CNUCED,
« Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : le coût des restrictions dans la zone C, vu
du ciel », 2022, doc. UNCTAD/GDS/APP/2022/1.
1173 Voir, par exemple, Assemblée générale, note du Secrétaire général, 10 octobre 2018, doc. A/73/201, par. 7.
1174 Voir, par exemple, Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Environmental
and health risk still unfolding: the bombing of Gaza’s largest agrochemical warehouse », communiqué de presse du
3 novembre 2021. Voir également Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 14, par. 41 ; Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 122, par. 348. Voir aussi
Assemblée générale, résolution 75/236 du 21 décembre 2020, préambule et par. 6 et 8.
1175 Voir, par exemple, UNESCO, Comité du patrimoine mondial, décision 44 COM 7A.10 intitulée « Vieille ville
de Jérusalem et ses remparts », 31 juillet 2021, doc. WHC/21/44.COM/18, p. 28-29.
1176 Voir chap. 3, par. 3.101-3.104 ; chap. 4, par. 4.175-4.183 ; et chap. 5, par. 5.51.
1177 Voir chap. 4, par. 4.156 et 4.184 ; et chap. 5, par. 5.79.
1178 Voir chap. 4, par. 4.32-4.109.
1179 Voir ibid., par. 4.66-4.91 ; et par. 4.166-4.171.
- 265 -
Palestiniens par Israël1180 ; et f) le préjudice moral et les souffrances considérables (pretium doloris)
résultant de ce qui précède1181.
e) Satisfaction
7.96. Là encore, la présente procédure consultative n’est sans doute pas le cadre approprié
pour traiter en détail des formes de satisfaction qu’Israël doit offrir à l’État de Palestine et au peuple
palestinien pour réparer les préjudices matériels et moraux que leur a causés son comportement
illicite. La satisfaction pourrait notamment être donnée par des discours solennels dans lesquels les
plus hautes autorités politiques de l’État d’Israël reconnaîtraient sa responsabilité dans les préjudices
causés et présenteraient des excuses pour ceux-ci1182 ou par le versement d’une somme forfaitaire
visant à effacer les stigmates de l’occupation1183 et des souffrances endurées par le peuple palestinien
et à encourager la coopération entre les deux États1184.
7.97. Toutefois, sans préjudice des obligations qui incombent déjà à Israël1185, il est une forme
de satisfaction qui est non seulement appropriée, mais indispensable, dans les circonstances de
l’espèce et constitue une conséquence nécessaire de la violation de certaines règles du droit
international commise par Israël. Il s’agit de l’obligation de mener des enquêtes pour poursuivre les
personnes qui sont à l’origine des graves manquements d’Israël à ses obligations internationales
découlant de normes impératives du droit international ou y ont contribué.
1180 Voir chap. 4, par. 4.32-4.50.
1181 Voir, par exemple, OMS, Emergency Trauma Response to the Gaza Mass Demonstrations 2018-2019,
« A One-Year Review of Trauma Data and the Humanitarian Consequences », mai 2019 ; Navire «SAIGA» (No. 2)
(Saint-Vincent-et-les Grenadines c. Guinée), arrêt, TIDM Recueil 1999, p. 66-67, par. 173 et 175.
1182 Voir, par exemple, Affaire concernant les problèmes nés entre la France et la Nouvelle-Zélande de l’incident
du Rainbow Warrior, règlement du 6 juillet 1986, Nations Unies, RSA, vol. XIX, p. 213 ; LaGrand (Allemagne
c. États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 489, par. 63 ; Certains actifs iraniens (République islamique
d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt du 30 mars 2023, par. 232.
1183 Concessions Mavrommatis à Jérusalem, arrêt no 5, 1925, C.P.J.I. série A no 5, p. 21 ; Arbitrage Arctic Sunrise,
Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2014-02, Award on Compensation, 10 juillet 2017, Nations Unies, RSA,
vol. XXXII, p. 341, par. 84.
1184 Affaire concernant les problèmes nés entre la France et la Nouvelle-Zélande de l’incident du Rainbow Warrior,
règlement du 6 juillet 1986, Nations Unies, RSA, vol. XIX, p. 215, par. 5 ; Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations, arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 133, par. 391.
1185 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), réparations,
arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 132, par. 390.
- 266 -
PARTIE B
CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR LES ÉTATS TIERS ET LES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES, DONT L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
7.98. Cette partie du chapitre 7 traite des conséquences juridiques découlant, pour les États
tiers et les organisations internationales, dont l’Organisation des Nations Unies,
« de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à
l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion
prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant
à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de
Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes »,
telles qu’elles ont été demandées à l’alinéa a) du paragraphe 18 de la résolution 77/247 de
l’Assemblée générale.
7.99. L’avis consultatif que la Cour donnera en l’espèce constituera un exposé autorisé du droit
applicable aux États et à l’Organisation des Nations Unies. Ainsi qu’une chambre spéciale du
Tribunal international du droit de la mer (TIDM) l’a expliqué dans l’arrêt qu’elle a rendu en 2021 en
l’affaire du Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives
dans l’océan Indien (Maurice/Maldives), « il est … admis qu’un avis consultatif comporte un énoncé
de droit international faisant autorité pour les questions sur lesquelles il porte »1186.
7.100. La Chambre spéciale du TIDM a apporté des précisions sur « l’autorité » attachée aux
avis consultatifs de la Cour en ces termes :
« [L]es conclusions judiciaires qui y sont formulées n’ont pas moins de poids et
font tout autant autorité que celles formulées dans les arrêts puisqu’elles le sont de
manière tout aussi rigoureuse et minutieuse par “l’organe judiciaire principal” des
Nations Unies ayant compétence en matière de droit international.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De l’avis de la Chambre spéciale, les conclusions formulées par la CIJ dans un
avis consultatif ne sauraient être ignorées au seul motif que l’avis consultatif n’est pas
obligatoire. »1187
7.101. Cela étant, elle s’est fondée sur la conclusion « autorisée » de la Cour selon laquelle
l’archipel des Chagos faisait partie intégrante du territoire de Maurice en droit international pour
retenir que le statut juridique de l’archipel ne faisait pas de doute, rejetant ainsi un moyen qui faisait
valoir que l’exposé du droit applicable fait par la Cour avait moins d’autorité au motif que celui-ci
avait été fait dans une procédure consultative et non contentieuse1188.
1186 Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien
(Maurice/Maldives), exceptions préliminaires, arrêt, TIDM Recueil 2020-2021, p. 77, par. 202.
1187 Ibid., p. 61-63, par. 203 et 205.
1188 Ibid.
- 267 -
7.102. Des mesures collectives sont prises de façon constante — par l’Assemblée générale et
une majorité d’États — en faveur du respect des avis consultatifs1189. Trois mois après le prononcé
de l’avis consultatif de la Cour au sujet de l’archipel des Chagos, l’Assemblée générale a adopté la
résolution 73/295 dans laquelle, après avoir réaffirmé les principales conclusions dégagées par la
Cour, elle a :
« [e]xig[é] du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord qu’il procède au
retrait de son administration coloniale de l’archipel des Chagos de manière
inconditionnelle dans un délai maximum de six mois à compter de l’adoption de la
présente résolution, permettant ainsi à Maurice de parachever la décolonisation de son
territoire dans les plus brefs délais »1190 et
« [p]ri[é] instamment le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de
coopérer avec Maurice en facilitant la réinstallation des nationaux mauriciens, y
compris ceux d’origine chagossienne, dans l’archipel des Chagos, et de n’opposer
aucune entrave ni obstacle à cette réinstallation »1191.
7.103. S’agissant plus particulièrement des États tiers, l’Assemblée générale a :
« [d]emand[é] à tous les États Membres de coopérer avec l’Organisation des
Nations Unies aux fins du parachèvement de la décolonisation de Maurice dans les plus
brefs délais et de s’abstenir de toute mesure de nature à entraver ou à retarder le
parachèvement de ce processus, en application de l’avis consultatif de la Cour et de la
présente résolution »1192.
7.104. La résolution adoptée par l’Assemblée générale à la suite de l’avis consultatif au sujet
de la Namibie en est un autre exemple pertinent1193. Dans sa résolution 2871 (XXVI), l’Assemblée
générale a souligné l’importance attribuée aux avis consultatifs donnés par la Cour, non seulement
en citant ou en paraphrasant plusieurs passages de cet avis, mais aussi en
« 6. Demand[ant] à tous les États :
a) D’observer strictement les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de
sécurité concernant la Namibie, ainsi que l’avis consultatif de la Cour internationale
de Justice en date du 21 juin 19711194 ».
7.105. De même, à la suite de l’avis consultatif sur le mur construit par Israël dans le Territoire
palestinien occupé, l’Assemblée générale a adopté une résolution
« [e]xige[ant] qu’Israël, puissance occupante, s’acquitte de ses obligations juridiques
telles qu’elles sont énoncées dans l’avis consultatif ; [et]
1189 Voir l’analyse exhaustive de ces mesures faite dans M.N. Shaw et S. Rosenne, Rosenne’s Law and Practice of
the International Court: 1920-2015, cinquième édition, Brill Nijhoff, 2016, p. 310-332.
1190 Assemblée générale, résolution 73/295 du 22 mai 2019, par. 3.
1191 Ibid., par. [4].
1192 Ibid., par. 5.
1193 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16.
1194 Assemblée générale, résolution 2871 (XXVI) du 20 décembre 1971, par. 6 (les italiques sont de nous).
- 268 -
[d]emand[ant] à tous les États Membres de l’Organisation des Nations Unies de
s’acquitter de leurs obligations juridiques telles qu’elles sont énoncées dans l’avis
consultatif »1195.
7.106. Il s’ensuit que les États tiers sont censés respecter leurs obligations juridiques découlant
des conclusions juridiques formulées par la Cour dans son avis. L’avis aurait également des
conséquences juridiques pour les organisations internationales, en particulier l’Organisation des
Nations Unies. Compte tenu du statut d’« organe judiciaire principal » des Nations Unies dont jouit
la Cour, du rôle qu’elle joue à ce titre et du fait que l’avis consultatif qu’elle donne « constitue [sa]
participation … à l’action de l’Organisation »1196, les organes des Nations Unies ne peuvent
valablement s’écarter de la position adoptée par la Cour lorsqu’ils sont appelés à se prononcer sur
des questions juridiques1197.
7.107. Cette règle est bien illustrée par la résolution 73/295 mettant en oeuvre l’avis donné par
la Cour au sujet de l’archipel des Chagos, dans laquelle l’Assemblée générale
« [d]emande à l’Organisation des Nations Unies et à toutes ses institutions spécialisées
de reconnaître que l’archipel des Chagos fait partie intégrante du territoire de Maurice,
de soutenir la décolonisation de Maurice, qui doit intervenir dans les plus brefs délais,
et de s’abstenir d’entraver ce processus en reconnaissant toute disposition prise par le
“Territoire britannique de l’océan Indien” ou en son nom, ou en donnant effet à une telle
disposition »1198.
7.108. Le reste de la partie B est fondé sur le régime établi par la CDI aux articles 40 et 41 des
articles sur la responsabilité de l’État de 2001 qui portent sur les conséquences particulières de
violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit international général1199.
1195 Assemblée générale, résolution ES-10/15 du [2 août] 2004, par. 2-3.
1196 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil
2019 (I), p. 113, par. 65 citant « Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie,
première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71 ; Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur
spécial de la Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 78-79, par. 29 ; Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 156,
par. 44 ».
1197 L’unanimité règne dans la doctrine sur ce point. Voir, par exemple, R. Kolb, The International Court of Justice,
Hart Publishing, 2014, p. 1094-1100, et les références doctrinales qui y figurent.
1198 Assemblée générale, résolution 73/295 du 22 mai 2019, par. 6.
1199 Les articles 40 et 41 des articles de 2001 correspondent, mutatis mutandis, aux articles 41 et 42 des articles de
2011 de la Commission du droit international sur la responsabilité des organisations internationales pour fait
internationalement illicite. Or, ni les articles de 2001 ni ceux de 2011 ne traitent de la responsabilité l’État à l’égard des
organisations internationales. Dans le reste du présent chapitre, l’État de Palestine fera uniquement référence aux articles
sur la responsabilité de l’État.
- 269 -
I. OBLIGATION DE NON-RECONNAISSANCE
A. Obligation incombant aux États1200
7.109. L’obligation qui incombe aux États de ne pas reconnaître une situation née d’une
violation grave d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général est
prévue au paragraphe 2 de l’article 41 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite, qui se lit comme suit : « Aucun État ne doit reconnaître comme licite une
situation créée par une violation grave au sens de l’article 40[1201], ni prêter aide ou assistance au
maintien de cette situation »1202. Cette disposition trouve son origine dans une règle indéniable du
droit international coutumier1203.
7.110. En 1971, la Cour a dit dans son avis consultatif au sujet de la Namibie ce qui suit :
« Les États Membres [des Nations Unies] sont tenus de ne pas établir avec
l’Afrique du Sud des relations conventionnelles dans tous les cas où le Gouvernement
sud-africain prétendrait agir au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne. S’agissant
des traités bilatéraux en vigueur, les États Membres doivent s’abstenir d’invoquer ou
d’appliquer les traités ou dispositions des traités conclus par l’Afrique du Sud au nom
de la Namibie ou en ce qui la concerne qui nécessitent une collaboration
intergouvernementale active.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De l’avis de la Cour, la cessation du mandat et la déclaration de l’illégalité de la
présence sud-africaine en Namibie sont opposables à tous les États, en ce sens qu’elles
rendent illégale erga omnes une situation qui se prolonge en violation du droit
international ; en particulier aucun État qui établit avec l’Afrique du Sud des relations
concernant la Namibie ne peut escompter que l’Organisation des Nations Unies ou ses
Membres reconnaîtront la validité ou les effets de ces relations ou les conséquences qui
en découlent. »1204
1200 Étant donné que presque tous les États sont Membres de l’Organisation des Nations Unies ou, comme l’a fait
l’État de Palestine, ont accepté les principes de la Charte (voir Assemblée générale, résolution 67/19 du 4 décembre 2012,
intitulée « Statut de la Palestine à l’Organisation des Nations Unies », il n’y a pas d’utilité pratique à faire une distinction
entre les conséquences pour les États Membres et pour les États non membres. Dans l’avis consultatif au sujet de la Namibie,
la Cour note que
« la déclaration de l’illégalité de la présence sud-africaine en Namibie [est] opposabl[e] à tous les États, en
ce sens qu’ell[e] ren[d] illégale erga omnes une situation qui se prolonge en violation du droit international ;
en particulier aucun État qui établit avec l’Afrique du Sud des relations concernant la Namibie ne peut
escompter que l’Organisation des Nations Unies ou ses Membres reconnaîtront la validité ou les effets de
ces relations ou les conséquences qui en découlent »
(Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 56, par. 126 (les
italiques sont de nous)).
1201 Aux termes de l’article 40, « une violation grave par État d’une obligation découlant d’une norme impérative
du droit international général … dénote de la part de l’État responsable un manquement flagrant ou systématique à
l’exécution de l’obligation ».
1202 Ibid., art. 41, par. 2.
1203 Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 122-124, paragraphes 6,
11-12 du commentaire relatif à l’article 41.
1204 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 55-56, par. 122
et 126.
- 270 -
7.111. Cette obligation de non-reconnaissance a été réaffirmée à de nombreuses reprises par
la suite. Par exemple, le Conseil de sécurité a souligné l’obligation de ne pas reconnaître les situations
nées de violations de normes impératives du droit international, notamment dans sa
résolution 276 (1970) concernant l’Afrique du Sud, dans laquelle il a :
« 2. [d]éclar[é] que la présence continue des autorités sud-africaines en Namibie [était]
illégale et qu’en conséquence toutes les mesures prises par le Gouvernement sudafricain
au nom de la Namibie ou en ce qui la concern[ait], après la cessation du Mandat,
[étaient] illégales et invalides ; » [et]
« 5. [d]emand[é] à tous les États, en particulier ceux qui [avaie]nt des intérêts
économiques et autres en Namibie, de s’abstenir de toutes relations avec le
Gouvernement sud-africain qui [étaie]nt incompatibles avec le paragraphe 2 de la
présente résolution »1205.
7.112. La déclaration de 1987 adoptée par l’Assemblée générale sur le renforcement de
l’efficacité du principe de l’abstention du recours à la menace ou à l’emploi de la force dans les
relations internationales dispose que « [n]e seront reconnues comme légales ni l’acquisition de
territoires résultant du recours à la menace ou à l’emploi de la force, ni l’occupation de territoire
résultant du recours à la menace ou à l’emploi de la force en violation du droit international »1206.
7.113. Pour ce qui est de l’exploitation par Israël de son occupation illicite du territoire
palestinien pour annexer celui-ci et, par là même, l’acquérir de façon permanente, le Conseil de
sécurité a souligné dans sa résolution 2334 (2016) que la création de colonies de peuplement n’était
pas valable en droit et constituait une violation flagrante du droit international, et a relevé l’obligation
de ne pas reconnaître l’acquisition de territoire par la force et de faire une distinction entre le territoire
de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 19671207.
7.114. L’obligation de ne pas reconnaître la situation née des violations de normes impératives
du droit international commises par Israël a également été rappelée dans la résolution 77/25 de
l’Assemblée générale de novembre 2022, qui demandait dans les mêmes termes que ceux employés
par le Conseil de sécurité à tous les États de respecter, conformément à leurs obligations découlant
de la Charte et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, entre autres, leur obligation de
non-reconnaissance et de distinction. Elle invitait plus particulièrement les États à veiller à ce que
1205 Conseil de sécurité, résolution 276 (1970) du 30 janvier 1970.
1206 Assemblée générale, résolution 42/22 du 18 novembre 1987, intitulée « Déclaration sur le renforcement de
l’efficacité du principe de l’abstention du recours à la menace ou à l’emploi de la force dans les relations internationales »,
par. 10. Voir également résolutions 375 (IV) du 6 décembre 1949, intitulée « Projet de déclaration sur les droits et devoirs
des États », par. 9 et 11 ; 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, intitulée « Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies »,
ou Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, acte final, Helsinki, 1975, déclaration sur les principes régissant
les relations mutuelles des États participants :
« De même, les États participants s’abstiennent chacun de faire du territoire de l’un d’entre eux
l’objet d’une occupation militaire ou d’autres mesures comportant un recours direct ou indirect à la force
contrevenant au droit international, ou l’objet d’une acquisition au moyen de telles mesures ou de la menace
de telles mesures. Aucune occupation ou acquisition de cette nature ne sera reconnue comme légale. »
1207 Conseil de sécurité, résolution 2234 (2016) du 23 décembre 2016.
- 271 -
« les accords avec Israël n’impliquent pas la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur les
territoires qu’il a[vait] occupés en 1967 »1208.
7.115. En décembre 2022, l’Assemblée générale a de nouveau
« [d]emand[é] à tous les États, agissant conformément aux obligations que leur
impos[ai]ent le droit international et les résolutions sur la question, de ne pas reconnaître
le maintien de la situation créée par des mesures qui [étaient] illégales au regard du droit
international, dont celles visant à faire avancer l’annexion du Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et des autres territoires arabes occupés par Israël
depuis 1967, et de ne pas prêter aide ou assistance en la matière »1209.
7.116. Pour sa part, la Cour a vivement rappelé dans son avis sur le mur l’obligation faite aux
États tiers « de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est »1210.
7.117. Dans le cas précis de l’annexion de Jérusalem qu’Israël prétend avoir réalisée par
l’adoption de sa loi fondamentale relative à Jérusalem en 19801211, le Conseil de sécurité a adopté la
résolution 478 (1980) dans laquelle il a , en particulier, « [r]éaffirm[é] de nouveau que l’acquisition
de territoire par la force [était] inadmissible ». Dans cette résolution, il a également souligné que tous
les États étaient tenus de ne pas reconnaître un tel manquement d’Israël à ses obligations découlant
de normes impératives du droit international général, en déclarant ce qui suit :
« Décide de ne pas reconnaître la “loi fondamentale” et les autres actions d’Israël
qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem et
demande :
a) À tous les États Membres d’accepter cette décision ;
1208 Assemblée générale, résolution 77/25 du 30 novembre 2022, intitulée « Règlement pacifique de la question de
Palestine », par. 13. Voir également ibid., résolutions 2949 (XXVII) du 8 décembre 1972 ; 3411 D (XXX) du 28 novembre
1975 ; 31/106 du 16 décembre 1976 ; 32/91 du 13 décembre 1977 ; 32/161 du 19 décembre 1977, intitulée « Souveraineté
permanente sur les ressources nationales dans les territoires arabes occupés » ; et 33/113 C du 18 décembre 1978. Voir,
pour les résolutions récentes, Assemblée générale, résolutions 75/97 du 10 décembre 2020, intitulée « Les colonies de
peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé »; et
77/187 du 14 décembre 2022, intitulée « Souveraineté permanente du peuple palestinien dans le Territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles ».
1209 Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, intitulée « Les colonies de peuplement
israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », par. 17.
1210 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159.
1211 Voir par. 3.53-3.57.
- 272 -
b) Aux États qui ont établi des missions diplomatiques à Jérusalem de retirer ces
missions de la Ville sainte »1212.
7.118. Les termes forts employés dans cette résolution et dans d’autres résolutions analogues
à celle-ci (« Décide », « Considère », « Censure dans les termes les plus énergiques »,
« Profondément préoccupé », « Demande instamment », « Demande », etc.), traduisent l’intention
du Conseil de sécurité d’imposer une obligation juridique à tous les États1213. L’article 25 de la Charte
des Nations Unies dispose que « [l]es Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et
d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ». Ainsi que la
Cour l’a expliqué dans son avis consultatif au sujet de la Namibie, une fois que le Conseil de sécurité
a adopté une décision, « il incombe aux États Membres de se conformer à cette décision, notamment
aux membres du Conseil de sécurité qui ont voté contre elle et aux Membres des Nations Unies qui
ne siègent pas au Conseil »1214.
7.119. De même, dès 1980, l’Assemblée générale a pris la décision suivante :
« Décide de ne pas reconnaître la “loi fondamentale” et toutes autres mesures
prises par Israël qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de
Jérusalem, demande à tous les États, institutions spécialisées et autres organisations
internationales de se conformer à la présente résolution et aux autres résolutions
pertinentes et les prie instamment de ne mener aucune action qui ne soit en accord avec
les dispositions de la présente résolution et des autres résolutions pertinentes »1215
7.120. Tout récemment dans sa résolution 76/12, l’Assemblée générale, a
« [r]appel[é], en particulier, la résolution 478 (1980) du Conseil de sécurité en date du
20 août 1980, dans laquelle celui-ci a[vait] notamment décidé de ne pas reconnaître la
“Loi fondamentale” sur Jérusalem ni les autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi,
cherch[ai]ent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem, et demand[é] aux États
d’agir conformément à cette décision »,
1212 Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980, par. 5. Voir également ibid., résolutions 476 (1980)
du 30 juin 1980 et 2334 (2016) du 23 décembre 2016. Concernant la situation en Namibie, voir ibid., résolution 276 (1970)
du 30 janvier 1970, par. 2 et 5. Voir également Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1971, p. 55, par. 123 (« Conformément au devoir de non-reconnaissance imposé par les paragraphes 2 et 5 de la
résolution 276 (1970), les États Membres doivent s’abstenir d’accréditer auprès de l’Afrique du Sud des missions
diplomatiques ou des missions spéciales dont la juridiction s’étendrait au territoire de la Namibie ; ils doivent en outre
s’abstenir d’envoyer des agents consulaires en Namibie et rappeler ceux qui s’y trouvent déjà. Ils doivent également
signifier aux autorités sud-africaines qu’en entretenant des relations diplomatiques ou consulaires avec l’Afrique du Sud,
ils n’entendent pas reconnaître par là son autorité sur la Namibie. »)
1213 Voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 53,
par. 114. Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolutions 476 (1980) du 30 juin 1980 ; 478 (1980) du 20 août 1980 ;
1402 (2002) du 30 mars 2002 ; 1435 (2002) du 24 septembre 2002 ; et 1544 (2004) du 19 mai 2004.
1214 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 116.
Voir également Charte des Nations Unies, art. 25, qui dispose que « [l]es Membres de l’Organisation conviennent
d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ».
1215 Assemblée générale, résolution 35/169 E du 15 décembre 1980, par. 5.
- 273 -
puis elle a
« [r]appel[é] qu’elle a[vait] déterminé que toute mesure prise par Israël, Puissance
occupante, en vue d’imposer ses lois, sa juridiction et son administration à la Ville sainte
de Jérusalem était illégale et, de ce fait, nulle et non avenue et sans validité aucune »1216.
7.121. L’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé qui dure depuis 56 ans étant
totalement illicite, l’obligation de non-reconnaissance s’applique nécessairement à la totalité de ce
fait illicite ainsi qu’à la multitude de ses éléments constitutifs et de ses conséquences, notamment à
l’annexion du territoire palestinien et à toutes les mesures visant à modifier la composition
démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem et du Territoire palestinien
occupé dans son ensemble. L’obligation de non-reconnaissance commande dès lors aux États de ne
traiter aucune partie du Territoire palestinien occupé comme un espace faisant partie intégrante
d’Israël ou soumis à sa « souveraineté ». Elle leur commande également de ne pas traiter la ville de
Jérusalem comme « la capitale d’Israël » et d’en retirer leurs missions diplomatiques1217. Les États
ont aussi l’obligation de ne pas conclure avec Israël d’accords internationaux incluant, expressément
ou implicitement, tout ou partie du Territoire palestinien occupé dans leur objet ou dans leur champ
d’application géographique. Ils sont en outre tenus de ne pas représenter une quelconque portion du
Territoire palestinien occupé comme faisant partie du territoire d’Israël sur des documents
cartographiques1218.
7.122. L’obligation de ne pas reconnaître les situations nées des manquements d’Israël à ses
obligations découlant d’une norme du jus cogens a également des conséquences en matière de
relations économiques. Pour paraphraser l’avis consultatif de la Cour au sujet de la Namibie1219,
l’obligation de non-reconnaissance « impos[e] aux États Membres [des Nations Unies] de ne pas
entretenir avec [Israël] agissant au nom [du Territoire palestinien occupé] ou en ce qui l[e] concerne
des rapports ou des relations de caractère économique ou autre qui seraient de nature à affermir
l’autorité [d’Israël] dans le territoire ». Le même principe a été rappelé par le Conseil de sécurité1220
et l’Assemblée générale1221 lorsqu’ils ont souligné que les États devaient « faire une distinction, dans
leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis
1967 »1222.
7.123. L’obligation de non-reconnaissance mise à la charge des États emporte aussi obligation
de s’abstenir de prendre des mesures ou d’adopter des positions de nature à reconnaître la licéité de
la situation née de la discrimination raciale constitutive d’apartheid qu’Israël pratique à l’égard du
peuple palestinien, ou du déni par Israël du droit de ce peuple à l’autodétermination, y compris son
droit à l’indépendance de l’État de Palestine.
1216 Assemblée générale, résolution 76/12 du 1er décembre 2021, préambule et par. 1.
1217 Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980 ; Assemblée générale,
résolutions 50/22 du 4 décembre 1995 ; 71/25 du 30 novembre 2016 ; ES-10/19 du 21 décembre 2017, intitulée « Statut de
Jérusalem » ; et 76/12 du 1er décembre 2021.
1218 Conseil de sécurité, résolution 2234 (2016) du 23 décembre 2016, par. 5.
1219 Voir par. 7.110 ci-dessus.
1220 Voir par. 7.113 ci-dessus.
1221 Voir par. 7.114 ci-dessus.
1222 Conseil de sécurité, résolution 2234 (2016) du 23 décembre 2016, par. 5.
- 274 -
B. Obligations incombant à l’Organisation des Nations Unies
7.124. L’obligation de non-reconnaissance s’applique tout autant à l’Organisation des
Nations Unies qu’aux États tiers. Ainsi que l’ont reconnu plusieurs organes des Nations Unies,
l’Organisation est tenue de ne pas reconnaître les situations illicites nées de violations graves de
normes impératives du droit international, dont l’interdiction de l’agression, l’interdiction de la
discrimination raciale et de l’apartheid et le droit à l’autodétermination1223.
7.125. S’agissant de la situation particulière du Territoire palestinien occupé, l’Assemblée
générale a indiqué clairement dans de nombreux contextes que l’obligation de non-reconnaissance
s’appliquait aux organisations internationales, y compris l’Organisation des Nations Unies
elle-même. Ainsi, dans sa résolution 3005 (XXVII), elle :
« [d]emande à tous les États, organisations internationales et institutions spécialisées
de n’accorder ni reconnaissance, ni concours, ni aucune aide à toutes mesures prises
par la puissance occupante pour exploiter les ressources des territoires occupés ou pour
modifier d’une façon quelconque la composition démographique, le caractère
géographique ou l’organisation institutionnelle de ces territoires »1224.
7.126. Cette demande s’inscrit dans le droit fil des positions du Conseil de sécurité et de
l’Assemblée générale susmentionnées, dans lesquelles ces derniers refusent de reconnaître la
situation créée par les faits internationalement illicites d’Israël1225. L’obligation de nonreconnaissance
qui en découle s’applique à la fois aux États et aux organisations internationales, en
particulier l’Organisation des Nations Unies. Elle commande que l’ensemble des documents, cartes
et déclarations de l’Organisation des Nations Unies soient conformes au principe de
non-reconnaissance des faits illicites d’Israël, dont son occupation et son annexion du territoire
palestinien et l’exercice de sa « souveraineté » sur ce territoire. Elle commande également à
l’Organisation des Nations Unies de ne pas reconnaître, expressément ou implicitement, Jérusalem
comme la « capitale d’Israël » dans ses déclarations ou ses actes.
II. OBLIGATION DE NE PAS CONTRIBUER AUX VIOLATIONS DES DROITS
DU PEUPLE PALESTINIEN
7.127. Outre l’obligation qui leur incombe de s’abstenir de reconnaître les situations nées de
violations graves du droit international dont Israël est responsable, tous les États et toutes les
organisations internationales, dont l’Organisation des Nations Unies, doivent également s’abstenir
de contribuer à la violation des droits du peuple palestinien. Il s’agit de la deuxième conséquence des
principes énoncés à l’article 41 des articles sur la responsabilité de l’État de 20011226.
7.128. Le Conseil de sécurité a expressément reconnu cette obligation dans sa résolution 465
du 1er mars 1980, dans laquelle il a « [d]emand[é] à tous les États de ne fournir à Israël aucune
1223 Voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 56,
par. 126.
1224 Assemblée générale, résolution 3005 (XXVII) du 15 décembre 1972, par. 5 (les italiques sont de nous). Voir
également, entre autres nombreuses résolutions, ibid., résolutions 3240 (XXIX) du 29 novembre 1974, par. 8 ; 31/106 du
16 décembre 1976, par. 8 ; 32/91 du 13 décembre 1977, par. 8 ; 32/161 du 19 décembre 1977, par. 7 ; et 33/113 C du
18 décembre 1978, par. 8.
1225 Voir par. 7.112 et 7.119 ci-dessus.
1226 Voir par. 7.109 ci-dessus.
- 275 -
assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les colonies de peuplement des territoires
occupés »1227. L’Assemblée générale a réaffirmé à de multiples reprises cette obligation, et tout
récemment encore en novembre 20221228. De même, dans son avis sur le mur, la Cour, après avoir
évoqué le mur construit par Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et
le régime qui lui est associé, a déclaré que « [les autres États] [étaie]nt également dans l’obligation
de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction »1229.
7.129. L’obligation qui incombe aux États de ne pas contribuer au préjudice causé au peuple
palestinien par les violations graves commises par Israël découle aussi d’autres engagements
particuliers, par exemple celui contracté au paragraphe 3 de l’article 6 du traité sur le commerce des
armes du 3 juin 2013, qui se lit comme suit :
« Un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes classiques visées par
l’article 2 (1) ou de tout autre bien visé par les articles 3 ou 4 s’il a connaissance, lors
de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide,
des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de
1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés
comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux
auxquels il est partie. »1230
7.130. L’existence de l’obligation de ne pas aider Israël à maintenir son occupation illicite du
Territoire palestinien occupé, notamment sa colonisation et son annexion de ce territoire, signifie
qu’il est interdit aux États tiers de prendre des mesures susceptibles de renforcer ou de consolider la
situation illicite créée par les faits internationalement illicites d’Israël. Cette interdiction est à certains
égards analogue à l’obligation de non-reconnaissance. Par exemple, elle se rapproche de l’obligation
de ne pas conclure de traités susceptibles d’affermir le contrôle illicite exercé par Israël sur les
territoires occupés ou annexés1231, ou de l’interdiction d’échanges commerciaux portant sur des biens
ou des services industriels ou agricoles israéliens émanant du Territoire palestinien occupé1232. Il
convient également d’interdire aux États de fournir à Israël des armes susceptibles d’être utilisées
dans le Territoire palestinien occupé pour perpétuer son occupation illicite, pour préserver ou étendre
ses colonies de peuplement illicites, pour pratiquer la discrimination à l’égard du peuple palestinien
ou pour priver celui-ci de ses droits fondamentaux, dont le droit à l’autodétermination.
7.131. L’obligation de non-assistance est liée à la protection du droit des peuples à
l’autodétermination. Elle est expressément consacrée par la déclaration relative aux relations
amicales, qui dispose que « [t]out État a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de
1227 Conseil de sécurité, résolution 465 (1980) du 1er mars 1980, par. 7.
1228 Assemblée générale, résolution 77/25 du 30 novembre 2022, par. 13 c).
1229 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159.
1230 Traité sur le commerce des armes, 2 avril 2013, RTNU, vol. 3013, p. 269 (entrée en vigueur : 24 décembre
2014). Le texte du traité peut être consulté à l’adresse suivante : https://treaties.un.org/doc/Treaties/2013/04/
20130410%2012-01%20PM/Ch_XXVI_08.pdf.
1231 Voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 55,
par. 122.
1232 Voir la note 1205 ci-dessus.
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coercition qui priverait … les peuples … de leur droit à disposer d’eux-mêmes »1233. Cette obligation
s’applique à l’Organisation des Nations Unies et aux États. Comme il a été indiqué plus haut, la
résolution [3]005 (XVII) de l’Assemblée générale fait obligation « à tous les États, organisations
internationales et institutions spécialisées de n’accorder ni reconnaissance, ni concours, ni aucune
aide à toutes mesures prises par la puissance occupante pour exploiter les ressources des territoires
occupés »1234.
7.132. L’obligation de ne pas contribuer aux graves manquements d’Israël à ses obligations
découlant de normes impératives du droit international général emporte également interdiction
d’exécuter dans l’État de Palestine occupé, que ce soit dans son territoire, dans son espace aérien ou
dans ses zones maritimes, des projets qui :
ne répondent pas à l’intérêt de la population protégée de ce territoire ; ou
n’ont pas reçu l’aval de l’État de Palestine.
7.133. La primauté des intérêts de la population protégée du Territoire palestinien occupé, qui
est un élément constitutif de l’État de Palestine, est consacrée par le paragraphe 1 de [la déclaration
énoncée dans la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale relative à la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles], qui se lit comme suit : « Le droit de souveraineté
permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit s’exercer
dans l’intérêt du développement national et du bien-être de la population de l’État intéressé »1235.
7.134. Dans son avis consultatif au sujet de la Namibie, la Cour rappelle qu’il est absolument
nécessaire de prendre en compte les intérêts de la population touchée pour définir les actes et les
mesures qu’il convient de reconnaître malgré l’obligation générale de non-reconnaissance exposée à
la section I ci-dessus :
« D’une manière générale, la non-reconnaissance de l’administration sudafricaine
dans le territoire ne devrait pas avoir pour conséquence de priver le peuple
namibien des avantages qu’il peut tirer de la coopération internationale. En particulier,
alors que les mesures prises officiellement par le Gouvernement sud-africain au nom de
la Namibie ou en ce qui la concerne après la cessation du mandat sont illégales ou nulles,
cette nullité ne saurait s’étendre à des actes, comme l’inscription des naissances,
mariages ou décès à l’état civil, dont on ne pourrait méconnaître les effets qu’au
détriment des habitants du territoire. »1236
7.135. En conséquence, « la non-reconnaissance de l’administration [israélienne] dans le
territoire ne devrait pas avoir pour conséquence de priver le peuple [palestinien] des avantages qu’il
1233 Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, annexe. Voir également Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199,
par. 156, et Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2019 (I), opinion individuelle de la juge Sebutinde, p. 276, par. 12.
1234 Voir la note 1214 ci-dessus.
1235 Les italiques sont de nous.
1236 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 56, par. 125.
Voir également Assemblée générale, résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962, intitulée « Souveraineté permanente
sur les ressources naturelles », par. 1.
- 277 -
peut tirer de la coopération internationale »1237. L’appréciation de l’intérêt du peuple palestinien dans
un acte ou un projet de développement donnés doit être effectuée non par la puissance occupante,
mais par le représentant légitime de ce peuple.
7.136. Ainsi qu’il ressort de plusieurs résolutions des Nations Unies, notamment de la
résolution 67/19 adoptée par l’Assemblée générale le 29 novembre 2012, il a été
« [d]écid[é] d’accorder à la Palestine le statut d’État non membre observateur auprès
de l’Organisation des Nations Unies, sans préjudice des droits et privilèges acquis et du
rôle de l’Organisation de libération de la Palestine auprès de l’Organisation des
Nations Unies en sa qualité de représentante du peuple palestinien, conformément aux
résolutions et à la pratique en la matière »1238.
7.137. En conséquence, tout accord, projet ou acte concernant le territoire de l’État de Palestine
doit répondre à l’intérêt du peuple palestinien et cet intérêt ne peut être apprécié que par le
représentant légitime dudit peuple.
7.138. De toute évidence, la discrimination raciale constitutive d’apartheid dont le peuple
palestinien est victime ne répond pas à son intérêt. En conséquence, tous les États sont également
tenus de n’accorder ni concours ni aide aux politiques et pratiques d’Israël à cet égard ; cette
obligation consiste notamment à veiller à ce que leurs relations politiques, diplomatiques, militaires,
économiques et financières, entre autres, avec Israël ne contribuent pas, directement ou
indirectement, à la perpétuation de la discrimination raciale systémique subie par le peuple
palestinien.
III. OBLIGATION DE COOPÉRER POUR PROTÉGER LES DROITS DU PEUPLE PALESTINIEN
ET METTRE FIN AUX VIOLATIONS DE CES DROITS COMMISES PAR ISRAËL
7.139. Les obligations jumelles de s’abstenir de reconnaître la licéité des situations contraires
aux normes impératives du droit international et de s’abstenir d’y contribuer s’accompagnent de
l’obligation positive de coopérer en vue de mettre fin à pareilles violations. Cette obligation est
codifiée au premier paragraphe de l’article 41 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’État
pour fait internationalement illicite, qui se le lit comme suit : « Les États doivent coopérer pour mettre
fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens de l’article 40 »1239.
7.140. Dans son commentaire, la CDI relève ce qui suit :
« Le paragraphe 1 n’explicite pas non plus quelles mesures les États devraient
prendre pour mettre fin à toute violation au sens de l’article 40. Une telle coopération
doit s’exercer par des moyens licites, dont le choix dépend des circonstances de
l’espèce. Il est dit clairement, cependant, que l’obligation de coopérer s’applique à tous
les États, qu’ils aient été ou non directement touchés par la violation grave. Face à des
1237 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 56, par. 125.
1238 Assemblée générale, résolution 67/19 du 29 novembre 2012, intitulée « Statut de la Palestine à l’ONU », par. 2.
Voir également ibid., résolution 43/177 du 15 décembre 1988, intitulée « Question de Palestine ».
1239 Pour la définition d’une telle violation, voir la note 1200 ci-dessus.
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violations graves, un effort concerté et coordonné de tous les États s’impose pour en
contrecarrer les effets »1240.
7.141. La première mesure requise par cette obligation de coopération consiste à reconnaître
clairement, sans ambiguïté et expressément l’illicéité de l’occupation du territoire palestinien par
Israël, à l’instar des États qui étaient tenus de reconnaître l’illicéité de l’occupation du territoire
namibien par l’Afrique du Sud. Ainsi que la Cour l’a expliqué dans son avis consultatif au sujet de
la Namibie, « [l]es États Membres des Nations Unies [avaient] … l’obligation de reconnaître
l’illégalité et le défaut de validité du maintien de la présence sud-africaine en Namibie »1241. Elle a
ajouté :
« Quant aux conséquences générales de la présence illégale de l’Afrique du Sud
en Namibie, tous les États doivent se souvenir qu’elle porte préjudice à un peuple qui
doit compter sur l’assistance de la communauté internationale pour atteindre les
objectifs auxquels correspond la mission sacrée de civilisation. »1242
7.142. De même, dans son avis consultatif au sujet de l’archipel des Chagos, la Cour a déclaré
que « tous les États Membres [étaie]nt tenus de coopérer avec l’Organisation des Nations Unies aux
fins du parachèvement de la décolonisation de Maurice »1243.
7.143. Les conclusions formulées par la Cour dans ses avis consultatifs au sujet de la Namibie
et de l’archipel des Chagos peuvent être transposées au cas présent, où la présence d’Israël dans le
Territoire palestinien occupé est illicite et donne naissance à l’obligation pour tous les États de
contribuer à mettre fin à cette situation. L’exécution de l’obligation en question doit se traduire par
l’octroi d’une aide importante au peuple palestinien, dont les droits, la souveraineté et le
développement sont compromis par l’occupation illicite prolongée du territoire palestinien et le
régime d’asservissement, d’oppression et de persécution qui la maintient.
7.144. Les États tiers et l’Organisation des Nations Unies ont l’obligation de prendre les
mesures nécessaires pour que le peuple palestinien puisse exercer son droit à l’autodétermination,
comme il ressort du paragraphe 2 de l’article premier de la Charte des Nations Unies, qui dispose
que l’un des buts de l’Organisation des Nations Unies et de ses États Membres consiste à
« [d]évelopper entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité
de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures
propres à consolider la paix du monde ».
1240 Articles sur la responsabilité de l’État, p. 122, paragraphe 3 du commentaire relatif à l’article 41.
1241 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 119.
1242 Ibid., p. 56, par. 127.
1243 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil
2019 (I), p. 140, par. 182.
- 279 -
7.145. Cette obligation est aussi confirmée par l’article premier commun aux deux pactes
internationaux de 1966 auxquels Israël est partie, à savoir le Pacte relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels et le Pacte relatif aux droits civils et politiques1244, qui se lit comme suit :
« 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs
richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui
découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de
l’intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être
privé de ses propres moyens de subsistance.
3. Les États parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité
d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus
de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de
respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »
7.146. L’obligation de coopérer pour favoriser l’autodétermination du peuple palestinien
consiste, entre autres, à faciliter l’exercice du droit « à l’autodétermination », y compris le droit « à
l’indépendance dans un État de Palestine situé sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 »1245.
Cette obligation a été soulignée par l’Assemblée générale, notamment dans sa résolution 77/208
adoptée le 15 décembre 2022, qui :
« 1. Réaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à
un État de Palestine indépendant ; [et]
2. Exhorte tous les États ainsi que les institutions spécialisées et les organismes des
Nations Unies à continuer d’apporter soutien et aide au peuple palestinien en vue de
la réalisation rapide de son droit à l’autodétermination »1246.
7.147. L’obligation de coopération consiste aussi à contribuer au respect de l’interdiction de
la discrimination raciale et de l’apartheid et à l’abolition de toutes les lois et mesures israéliennes qui
ont porté atteinte à cette interdiction depuis 1948.
7.148. Nombreuses sont les modalités de coopération par lesquelles les États et l’Organisation
des Nations Unies peuvent contribuer à mettre fin aux violations des droits du peuple palestinien. De
manière générale, les États et l’Organisation des Nations Unies doivent faire tout leur possible pour
garantir la réalisation des objectifs suivants : la cessation des atteintes graves portées par Israël aux
droits fondamentaux du peuple palestinien, y compris le droit à l’autodétermination ; la cessation de
l’occupation, de la colonisation et de l’annexion illicites du territoire palestinien par Israël ;
l’abolition des lois et mesures discriminatoires israéliennes, notamment de la discrimination raciale
et de l’apartheid systématiques pratiqués à l’égard du peuple palestinien des deux côtés de la Ligne
1244 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966 (entrée en vigueur : 23 mars 1976),
RTNU, vol. 999, p. 171 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966 (entrée
en vigueur : 3 janvier 1976), RTNU, vol. 993, p. 3. Pour la ratification de ces pactes par Israël, voir RTNU, vol. 1651,
p. 566, et p. 564.
1245 Assemblée générale, résolution 67/19 du 29 novembre 2012, intitulée « Statut de la Palestine à l’ONU », par. 1.
1246 Voir également ibid., résolution 76/126 du 10 décembre 2021, intitulée « Assistance au peuple palestinien ».
Pour une liste partielle des résolutions allant dans le même sens, voir chap. 5, par. 5.25-5.27 ci-dessus.
- 280 -
verte ; l’abolition des politiques et lois israéliennes interdisant aux réfugiés palestiniens et autres
Palestiniens déplacés d’exercer leur droit au retour et à l’indemnisation ; ainsi que l’abolition des lois
et pratiques israéliennes visant à modifier le caractère, le statut et la composition démographique de
la ville sainte de Jérusalem et du Territoire palestinien occupé dans son ensemble.
7.149. L’obligation qui incombe à tous les États et à l’Organisation des Nations Unies de
coopérer pour faire cesser ces actes et pratiques contraires aux normes impératives du droit
international exclut la possibilité de subordonner le respect desdites normes par Israël à l’abandon
ou à la limitation des droits souverains de l’État de Palestine. Les normes violées par Israël étant des
normes du jus cogens insusceptibles de dérogation, leur respect, en particulier celui de l’obligation
de non-reconnaissance, ne peut être soumis à aucune condition1247.
7.150. De plus, comme il a été expliqué plus haut, le « principe de transparence », dont
l’application s’impose en l’occurrence en raison du caractère de jus cogens que revêtent les normes
violées par Israël1248, a pour effet de mettre à la charge des États et de l’Organisation des
Nations Unies l’obligation de coopérer en vue de mener des enquêtes pour traduire en justice les
personnes responsables des infractions commises dans le cadre de la colonisation illicite de
Jérusalem-Est et du reste de la Cisjordanie ou de l’annexion illicite de Jérusalem et du reste de la
Cisjordanie, ou, plus généralement, les personnes responsables des violations des droits
fondamentaux du peuple palestinien, notamment de son droit à l’autodétermination et de son droit
de ne pas être soumis à la discrimination raciale et à l’apartheid systématiques.
7.151. Il s’agit d’une obligation particulière liée à l’obligation d’assistance qui découle aussi
de la quatrième convention de Genève, applicable au Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est1249. Aux termes de l’article premier de cette convention, « [l]es Hautes Parties
contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes
circonstances ». En outre, son article 146 se lit comme suit :
« Chaque Partie contractante aura l’obligation de rechercher les personnes
prévenues d’avoir commis, ou d’avoir ordonné de commettre, l’une ou l’autre de ces
infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur
nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa
propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée
1247 Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 53 ; articles sur la responsabilité de l’État, p. 77, paragraphe 7
du commentaire relatif à l’article 20, et p. 85, paragraphe 4 du commentaire relatif à l’article 26.
1248 Voir R. Maison, « The “Transparency” of the State », dans J. Crawford, A. Pellet et S. Olleson (sous la dir. de),
The Law of International Responsibility, Oxford University Press, 2010, p. 717-718.
1249 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 177, par. 101. Voir également Assemblée générale, résolution 72/85 du 7 décembre 2017, intitulée
« Applicabilité de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août
1949, au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et aux autres territoires arabes occupés » ; et Conseil de
sécurité, résolution 694 (1991) du 24 mai 1991, par. 1.
- 281 -
à la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites
personnes des charges suffisantes. »1250
7.152. Il découle de cette disposition et de l’obligation générale de coopération énoncée à
l’article 41 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’État que l’obligation de rechercher les
auteurs et de les poursuivre prévue par la quatrième convention de Genève incombe à tous les États.
Il en va de même, par exemple, pour l’obligation prévue par la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, conclue le 21 décembre 19651251.
7.153. Qui plus est, l’article 148 de la quatrième convention de Genève dispose qu’« [a]ucune
Haute Partie contractante ne pourra s’exonérer elle-même, ni exonérer une autre Partie contractante,
des responsabilités encourues par elle-même ou par une autre Partie contractante » en raison
d’atteintes graves portées aux droits visées à l’article 147 de la même convention, à savoir :
« l’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les
expériences biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou
de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, la déportation ou le
transfert illégaux, la détention illégale, le fait de contraindre une personne protégée à
servir dans les forces armées de la Puissance ennemie, ou celui de la priver de son droit
d’être jugée régulièrement et impartialement selon les prescriptions de la présente
Convention, la prise d’otages, la destruction et l’appropriation de biens non justifiées
par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et
arbitraire »1252.
7.154. La conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième convention de Genève,
tenue le 5 décembre 2001, a « appel[é] toutes les parties, impliquées directement dans le conflit ou
non, [à] respecter et [à] faire respecter les Conventions de Genève en toutes circonstances, [à] les
diffuser et [à] prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser les infractions aux
Conventions » et a « réaffirm[é] les obligations des Hautes Parties Contractantes au titre des
articles 146, 147 et 148 de la Quatrième Convention de Genève concernant les sanctions pénales, les
infractions graves et les responsabilités des Hautes Parties Contractantes ». Elle a également
« appel[é] la Puissance occupante à s’abstenir immédiatement de commettre des
infractions graves qui comportent l’un ou l’autre des actes mentionnés dans l’article 147
de la Quatrième Convention de Genève, tels que l’homicide intentionnel, la torture, la
déportation illégale, le fait de priver (une personne protégée) de son droit d’être jugée
régulièrement et impartialement, la destruction et l’appropriation de biens non justifiées
1250 Selon le CICR, l’obligation qui incombe à toutes les Hautes Parties contractantes de « faire respecter » la
convention n’est pas une « vague promesse, mais … un engagement ayant force juridique » (CICR, commentaire de 2016
de la Convention (I) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne,
12 août 1949, par. 170). Le CICR ajoute qu’en cas de violations des conventions de Genève, les Hautes Parties
contractantes ne sont présumées avoir exécuté leurs obligations découlant de l’article premier qu’« aussi longtemps qu’elles
ont fait tout ce qui était raisonnablement en leur pouvoir pour faire cesser les violations » (ibid, par. 165). Dans l’arrêt
rendu en l’affaire concernant la Bosnie-Herzégovine (2007), la Cour a fait observer que le terme « s’engagent » employé à
l’article premier « ne revêt[ait] pas un caractère purement incitatif et ne se limit[ait] pas à l’énoncé d’une finalité » ou ne
constituait pas une simple introduction aux « obligations énoncées par la suite », mais qu’elle avait en soi pour but
d’« accepter une obligation » (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 111, par. 162.
1251 Voir en particulier les articles 2 et 3 de la convention, ratifiée par Israël le 3 janvier 1979 (RTNU, vol. 1136,
p. 416).
1252 Dans le même esprit, voir, mutatis mutandis, les articles 6 et 7 de la convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par Israël le 3 octobre 1991 (Nations Unies, RTNU, vol. 1651,
p. 580).
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par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et
arbitraire »
et a « rappel[é] que selon l’article 148 aucune Haute Partie contractante ne pourra[it] s’exonérer
elle-même des responsabilités encourues par elle-même en raison des infractions graves »1253. La
conférence des Hautes Parties contractantes tenue en décembre 2014 a réaffirmé cette
observation1254.
7.155. Bien que la demande d’avis consultatif dont la Cour est saisie ne concerne pas le
génocide, il convient de rappeler les conclusions que celle-ci a formulées dans l’arrêt qu’elle a rendu
en 2007 en l’affaire relative l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), son raisonnement général étant
aussi applicable par analogie en l’espèce :
« [L]e demandeur prie à cet égard la Cour de déclarer plus précisément que “[le
défendeur] doit immédiatement prendre des mesures efficaces pour s’acquitter
pleinement de l’obligation qui lui incombe, en vertu de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide, de punir les actes de génocide ou autres actes
prohibés par la convention, de transférer au Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie les
personnes accusées de génocide ou d’autres actes prohibés par la convention et de
coopérer pleinement avec ledit Tribunal”.
Des conclusions qu’elle a formulées ci-dessus sur la question de l’obligation de
répression prévue par la Convention, il ressort clairement que la Cour tient pour établi
que le défendeur doit encore, pour honorer les engagements qu’il a contractés aux
termes des articles premier et VI de la convention sur le génocide, s’acquitter de
certaines obligations en matière de transfert au TPIY de personnes accusées de
génocide. »1255
7.156. Sur ce fondement, la Cour a, par quatorze voix contre une, dit que l’État défendeur
avait
« violé les obligations qui lui incomb[ai]ent en vertu de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide en ne transférant pas Ratko Mladić, accusé de
génocide et de complicité de génocide, au Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie pour y être jugé, et en ne coopérant donc pas pleinement avec ledit
Tribunal »1256.
7.157. Par analogie, il incombe à tout État qui est en mesure d’arrêter les auteurs ou les autres
personnes responsables des violations graves attribuables à Israël ou de faciliter leur arrestation de
les juger ou d’enquêter sur leurs responsabilités afin de s’acquitter de ses obligations1257.
1253 Conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième convention de Genève, déclaration, 5 décembre
2001, par. 4 et 13.
1254 Conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième convention de Genève, déclaration, annexe,
17 décembre 2014 (accessible à l’adresse suivante : https://undocs.org/fr/A/69/711).
1255 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 235, par. 464-465.
1256 Ibid., p. 238, par. 471, point 6.
1257 Cette obligation est réaffirmée dans de nombreuses conventions, notamment à l’article VI de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, à l’article 146 de la convention (IV) de Genève relative à la
- 283 -
7.158. Dans son avis sur le mur, la Cour elle-même a confirmé que les États avaient
l’obligation « de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans [la
quatrième] convention [de Genève] »1258. De même, chaque État doit faire respecter l’article IV de
la convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid ainsi que d’autres
conventions pertinentes relatives aux droits de l’homme en poursuivant les personnes présentes dans
son territoire qui sont responsables de violations flagrantes des droits du peuple palestinien.
7.159. Pour ce qui est de l’Organisation des Nations Unies, elle aussi doit faire tout son
possible pour que les auteurs de ces infractions soient traduits en justice. En particulier, le Conseil
de sécurité peut et doit se fonder sur l’article 13 du Statut de Rome pour déférer la situation au
procureur de la CPI. Cet article se lit comme suit :
« La Cour peut exercer sa compétence à l’égard d’un crime visé à l’article 5,
conformément aux dispositions du présent Statut :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été
commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du
Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ».
7.160. Aux termes du Statut de Rome, la CPI a compétence à l’égard des crimes contre
l’humanité1259, dont la définition, donnée à l’article 7, retient notamment les actes suivants :
« a) Meurtre ; … d) Déportation ou transfert forcé de population ; e) Emprisonnement ou autre
forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit
international ; f) Torture ; … h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour
des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux … ; i) Disparitions forcées
de personnes ; [et] j) Crime d’apartheid ». Israël commet tous ces actes dans le cadre de ses attaques
généralisées et systématiques lancées contre le peuple palestinien. La CPI a également compétence
à l’égard des crimes de guerre, dont la définition, donnée à l’article 8, retient notamment les actes
suivants : « a) [l]es infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 » ; et « b) [l]es
autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le
cadre établi du droit international ».
7.161. Pour certains États, il y a lieu de saisir le procureur de la CPI des faits de cette nature
commis par Israël, en exécution de l’obligation d’assistance ; quelques-uns s’opposent toutefois à ce
que l’État de Palestine le fasse1260. Le Conseil de sécurité n’a pas usé de sa capacité à engager des
protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 et aux articles 6 et 7 de la convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984.
1258 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159.
1259 Voir art. 5, al. b) du Statut de Rome, auquel l’État de Palestine est partie (la Palestine a adhéré au Statut de
Rome le 2 janvier 2015 (voir RTNU, vol. 3023, p. 354, et la page qui y est consacrée sur le site Internet de la Collection
des traités des Nations Unies, à l’adresse suivante : https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=
TREATY&mtdsg_no=XVIII-10&chapter=18&clang=_fr)). Concernant l’adhésion de l’État de Palestine au Statut et ses
activités dans les organes de la Cour, voir CPI, Chambre préliminaire I, « Situation dans l’État de Palestine », décision
relative à la demande présentée par l’accusation en vertu de l’article 19-3 du Statut pour que la Cour se prononce sur sa
compétence territoriale en Palestine, no ICC-01/18, 5 février 2021, p. 46-48, par. 100.
1260 Ibid., p. 28, par. 53, ainsi que les pièces de procédure qui y sont visées ; voir aussi ibid., p. 48, par. 101. Les
États-Unis d’Amérique sont même allés jusqu’à adopter le décret 13928 du 11 juin 2020 dont l’objet est ainsi libellé :
« Blocking Property of Certain Persons Associated With the International Criminal Court ». Par ce décret, ils entendaient
geler les avoirs de l’ensemble des fonctionnaires de la CPI et limiter leur accès au territoire américain en raison des efforts
déployés par la CPI pour procéder à des enquêtes, à des arrestations, à des placements en détention et à des poursuites
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poursuites pour saisir le procureur de la situation. Ce dernier a cependant jugé qu’il « exist[ait] une
base raisonnable de croire que des crimes de guerre [avaie]nt été ou [étaie]nt en voie d’être commis
en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza »1261. Cette affirmation a été
retenue par la Chambre préliminaire1262. Celle-ci a aussi relevé que « [l]’ouverture d’une enquête par
le Procureur signifi[ait] également que les États parties [étaie]nt liés par l’obligation de coopérer avec
la Cour en application du chapitre IX du Statut »1263. Tous les États parties sont tenus de s’acquitter
de cette obligation.
Conclusions
7.162. On peut tirer de ce qui précède les conclusions suivantes :
a) Étant essentiellement des manquements graves à des obligations découlant de normes impératives
du droit international général, les faits commis par Israël engagent sa responsabilité à l’égard de
la communauté internationale dans son ensemble et imposent des obligations particulières aux
États tiers et à l’Organisation des Nations Unies elle-même.
b) Au premier chef, les États tiers et l’Organisation des Nations Unies (ainsi que toute autre
organisation internationale concernée) doivent s’abstenir de reconnaître la licéité de la situation
qu’Israël a créée par ses faits illicites ou d’y prêter leur concours ou leur aide ; il s’agit des faits
suivants : a) l’annexion illicite de Jérusalem et du reste de la Cisjordanie ; b) la discrimination
raciale illicite constitutive d’apartheid pratiquée à l’égard du peuple palestinien ; c) le déni illicite
du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; et d) l’occupation illicite du territoire
palestinien.
c) Les obligations générales susvisées emportent des conséquences très concrètes qui consistent
(sans toutefois s’y limiter) dans les obligations suivantes :
l’obligation de ne pas reconnaître, expressément ou implicitement, la juridiction d’Israël ou ses
prétentions à la « souveraineté » sur une quelconque partie du territoire de l’État de Palestine, y
compris son espace aérien et ses zones maritimes ;
l’obligation de ne pas reconnaître, expressément ou implicitement, la validité de la thèse d’Israël
selon laquelle Jérusalem est sa capitale, notamment en s’abstenant de déplacer des
représentations ou bureaux diplomatiques à Jérusalem, en retirant toute représentation qui s’y
trouve déjà et en respectant le caractère universel singulier de la ville et son statut, y compris le
statu quo historique ;
l’obligation de ne pas reconnaître, expressément ou implicitement, qu’Israël est une autorité
légitime à Jérusalem et dans le reste du Territoire palestinien occupé ou y détient une quelconque
juridiction et de ne pas reconnaître, expressément ou implicitement, les décisions émanant de ses
visant des ressortissants américains et des ressortissants de ses alliés, dont Israël. Ce décret a été abrogé par le président
américain J. Biden le 1er avril 2021 (voir Maison Blanche, « Executive Order on the Termination of Emergency With
Respect to the International Criminal Court » (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/c33mh3nk)). Voir aussi
département d’État américain, « Ending Sanctions and Visa Restrictions against Personnel of the International Criminal
Court », communiqué de presse d’A. J. Blinken, Secrétaire d’État, 2 avril 2021 (accessible à l’adresse suivante :
https://tinyurl.com/3b4ssfwc).
1261 CPI, Chambre préliminaire I, « Situation dans l’État de Palestine », décision relative à la demande présentée
par l’accusation en vertu de l’article 19-3 du Statut pour que la Cour se prononce sur sa compétence territoriale en Palestine,
no ICC-01/18, 5 février 2021, p. 32-33, par. 64.
1262 Ibid., p. 33, par. 65.
1263 Ibid., p. 41, par. 86 (les italiques sont de nous).
- 285 -
institutions, notamment de ses organes gouvernementaux ou administratifs, de ses juridictions
ou de ses organes militaires ;
l’obligation de ne pas fournir à Israël une quelconque aide susceptible de faciliter le maintien de
la situation illicite et de ne pas conclure d’accords susceptibles de contribuer directement ou
indirectement à cette situation, notamment des accords de coopération ou d’assistance d’ordre
politique, financier, économique, militaire ou autre ;
l’obligation de ne conclure aucun traité qui ne distingue pas clairement Israël du Territoire
palestinien occupé ni n’exclut expressément le Territoire palestinien occupé de son champ
d’application ;
l’obligation de veiller à ce que tous les organes de l’État, ses ressortissants, ses entreprises et ses
autres entités ne prêtent pas leur concours ou leur aide au maintien de la situation illicite ;
l’obligation de ne pas représenter, expressément ou implicitement, une quelconque partie du
Territoire palestinien occupé comme relevant de la « souveraineté » israélienne, notamment sur
des cartes ou sur d’autres documents cartographiques ;
l’obligation de s’abstenir d’envoyer dans des zones occupées ou annexées, y compris
Jérusalem, des missions diplomatiques ou spéciales invitées ou accompagnées par des
représentants israéliens ;
l’obligation de ne pas accepter les lettres de créance de représentants israéliens issus des zones
occupées ou annexées, y compris Jérusalem.
d) En plus des obligations susmentionnées, les États tiers et l’Organisation des Nations Unies ont
l’obligation positive de coopérer en vue de mettre fin aux graves manquements d’Israël à ses
obligations découlant de normes impératives du droit international général. Cette obligation
générale emporte également des conséquences juridiques pratiques qui consistent (sans s’y
limiter) dans les obligations suivantes :
l’obligation pour chaque État et l’Organisation des Nations Unies de faire tout leur possible pour
permettre au peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination, notamment son droit
à l’indépendance de l’État de Palestine dans le territoire palestinien occupé en 1967, y compris
Jérusalem-Est, et de contraindre Israël, par tous les moyens juridiques, politiques, diplomatiques
et économiques possibles, à mettre fin à ses faits illicites qui portent atteinte à ce droit,
notamment la politique de discrimination raciale et d’apartheid qu’il mène contre le peuple
palestinien ainsi que sa colonisation et son annexion du territoire palestinien ;
l’obligation pour chaque État de mener des enquêtes pour poursuivre devant ses juridictions
nationales toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui aurait commis des infractions graves
prévues par le droit international contre le peuple palestinien ;
l’obligation pour les parties au Statut de Rome de coopérer avec le procureur de la CPI dans le
cadre de toute enquête menée sur des crimes internationaux commis contre le peuple palestinien
dans le Territoire palestinien occupé1264.
1264 Le commentaire de 2016 du CICR contient une liste détaillée des mesures qui ont été prises et peuvent être
prises par les Hautes Parties contractantes pour faire respecter les conventions de Genève conformément à l’article premier.
Il s’agit notamment des embargos sur les armes, des restrictions commerciales et financières, des interdictions de vol, de
la réduction ou de la suspension des accords d’aide et de coopération et des mesures de rétorsion (par exemple, arrêt des
négociations en cours ou refus de ratifier des accords déjà signés, non-renouvellement de privilèges commerciaux et
suspension de l’aide publique volontaire). Voir CICR, commentaire de 2016 de la convention (I) de Genève pour
l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne du 12 août 1949, par. 181.
- 286 -
7.163. Le Conseil de sécurité fait part de « sa détermination d’examiner … des moyens
pratiques en vue d’assurer l’application intégrale de s[es] résolution[s] »1265 depuis des décennies,
notamment dans ses résolutions 476 (1980), 478 (1980) et 2334 (2016), mais il n’a pas encore donné
suite à cette détermination. En 75 ans, il n’a adopté aucune résolution intéressant la question de
Palestine au titre du Chapitre VII. Ainsi que l’ont relevé 47 titulaires de mandats au titre des
procédures spéciales de l’Organisation des Nations Unies :
« Les enseignements qu’apportent le passé sont clairs : les critiques dénuées de
conséquences ne permettront ni de faire échec à l’annexion ni de faire cesser
l’occupation. La communauté internationale doit se fixer pour priorité immédiate de
veiller à ce que les auteurs de violations répondent de leurs actes et de mettre fin à
l’impunité. Elle dispose d’un large éventail de mesures de mise en oeuvre de la
responsabilité que le Conseil de sécurité des Nations Unies a appliquées de façon
générale et avec succès dans d’autres crises internationales ces 60 dernières
années. »1266
7.164. Israël ayant refusé depuis des années de se conformer à l’avis donné par la Cour en
2004 dans la procédure relative au mur et bravé de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et
de l’Assemblée générale, les États et les organes des Nations Unies ont l’obligation particulière de
rechercher tous les moyens appropriés pour donner effet aux conséquences juridiques que la Cour
recensera dans son avis consultatif en l’espèce, notamment en sanctionnant le non-respect de ces
conséquences, en mettant en place une force internationale chargée de superviser le retrait d’Israël
du Territoire palestinien occupé et le démantèlement de ses colonies de peuplement, du mur et du
régime qui leur est associé, et en assurant la protection du peuple palestinien jusqu’à la fin du retrait.
7.165. Compte tenu du rôle qu’elle joue de longue date dans la question de Palestine, de la
responsabilité permanente qui lui incombe par conséquent en la matière et du fait qu’elle ne cesse de
réaffirmer les droits inaliénables du peuple palestinien, y compris son droit à l’autodétermination et
à l’indépendance, l’Organisation des Nations Unies doit prendre des mesures pour garantir le
renforcement de la protection de ces droits, notamment en admettant l’État de Palestine comme
Membre de l’Organisation. Quant aux États, ceux qui ne l’ont pas encore fait doivent reconnaître
l’État de Palestine.
1265 Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980, préambule.
1266 « Israeli annexation of parts of the Palestinian West Bank would break international law – UN experts call on
the international community to ensure accountability », 16 juin 2020 (accessible à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/
43s7xskw).
- 287 -
CONCLUSIONS
Au cours du siècle dernier, le peuple palestinien a subi une politique de déplacements forcés
et de remplacements, ainsi qu’un déni systématique de ses droits fondamentaux, dont le droit à la
vie, à la liberté, à la dignité et à la sécurité, en plus de son droit inaliénable à l’autodétermination.
Une nation tout entière se trouve soit confinée dans des enclaves sur sa terre ancestrale, soit contrainte
de quitter cette terre, tandis que le territoire sur lequel elle est autorisée à vivre se rétrécit de plus en
plus et que les violences et le déni de droits dont elle est victime s’intensifient sans cesse.
Le peuple palestinien subit le déni du droit à l’autodétermination, la crise des réfugiés, la crise
de protection et l’occupation les plus prolongés de l’histoire contemporaine, qui trouvent leur origine
dans un processus long et ardu de nettoyage ethnique, de dépossessions et de déplacements, de déni
de droits et de discrimination ainsi que d’acquisition de son territoire par la force.
Au moment même où la communauté internationale, en réaction aux horreurs de la seconde
guerre mondiale, établissait un ordre mondial fondé sur le droit et adoptait les règles et principes
fondamentaux destinés à faire respecter cet ordre, dont la Charte des Nations Unies, la Déclaration
universelle des droits de l’homme et les conventions de Genève de 1949, le peuple palestinien a été
privé des droits que ces instruments avaient précisément vocation à protéger. Alors que le
colonialisme disparaissait de la surface de la terre et que l’apartheid se voyait frappé d’interdiction,
la communauté internationale les a laissés se consolider et s’envenimer en Palestine.
L’injustice manifeste et la privation des droits fondamentaux en cause n’auraient pas été
possibles si les règles et principes susvisés avaient été appliqués et respectés. La question de Palestine
reste irrésolue parce que la communauté internationale ne s’est pas acquittée de ses obligations à
l’égard du peuple palestinien, dont celles clairement énoncées dans l’avis consultatif sur le mur que
la Cour a donné en 2004.
La question de Palestine a également des conséquences universelles, qui s’expliquent par ses
liens étroits avec l’ordre mondial fondé sur le droit et l’incapacité persistante des mécanismes
internationaux en place à la résoudre. Cette incapacité fait peser une menace imminente sur
l’Organisation des Nations Unies et les principes universels qu’elle incarne.
L’évolution tragique de l’histoire du peuple palestinien est illustrée en partie sur les
quatre cartes représentées à la fin des présentes conclusions qui la retracent. Outre cette réalité
d’ordre territorial, le présent exposé écrit a rendu compte des répercussions qu’ont sur le peuple
palestinien les faits internationalement illicites commis par Israël depuis 75 ans, notamment du déni
du droit de ce peuple à l’autodétermination.
Une conséquence pour le peuple palestinien en est qu’il voit son territoire devenir un archipel
de plus en plus restreint de bantoustans non contigus, morcelés et séparés les uns des autres qui ne
représentent plus qu’une fraction de la Palestine sous mandat, laquelle aurait dû être le cadre
territorial de l’exercice de son droit à l’autodétermination. Une autre conséquence pour lui en est
qu’il se voit subir, des deux côtés de la Ligne verte, une situation de discrimination raciale et
d’apartheid qui touche également les réfugiés palestiniens et les membres de la diaspora palestinienne
en exil forcé.
La question de Palestine est inscrite en permanence dans les préoccupations de l’Organisation
des Nations Unies depuis que celle-ci a été créée. Après s’être abstenue de demander à la Cour
internationale de Justice de donner un avis autorisé sur les dimensions juridiques de la question en
1947 pour orienter ses actions, l’Assemblée générale l’a finalement fait. Sa demande est
particulièrement opportune. Elle intervient au moment critique où le peuple palestinien est exposé à
une menace existentielle imminente, la plus urgente depuis la Nakba de 1947-1949, que font peser
sur lui l’engagement pris ouvertement et sans réserve par Israël de garantir aux Juifs israéliens un
droit exclusif à l’autodétermination entre la mer Méditerranée et le Jourdain et d’étouffer le droit à
- 288 -
l’autodétermination du peuple palestinien dans son ensemble ainsi que les mesures qu’Israël applique
à cet effet.
Dans le présent exposé écrit, l’État de Palestine a présenté à la Cour des preuves incontestables
des politiques et pratiques illicites d’Israël. Les faits et le droit applicable qui y ont été exposés
donnent un aperçu des actes illicites et vexations dont le peuple palestinien est victime depuis des
décennies et mettent en évidence les responsabilités juridiques découlant de cette situation qui
incombent à Israël et à la communauté internationale, dont l’Organisation des Nations Unies. Selon
l’État de Palestine, la conclusion qui se dégage des faits présentés devant la Cour est simple :
l’occupation coloniale et l’annexion du territoire palestinien par Israël, la discrimination raciale et
l’apartheid qu’il pratique contre le peuple palestinien et son déni systématique des droits inaliénables
de ce peuple, notamment du droit à l’autodétermination et du droit au retour, sont manifestement
illicites et doivent cesser immédiatement, inconditionnellement et totalement.
En déterminant les conséquences juridiques des faits internationalement illicites commis par
Israël, la Cour fournira à l’Organisation des Nations Unies et à tous les États des indications sur les
obligations qui leur incombent à cet égard afin de garantir le respect des règles du droit international
sur la question de Palestine. Le droit international doit être respecté et appliqué en toute égalité dans
toutes les circonstances, sans exception et sans pratique d’exceptionnalisme.
L’État de Palestine réaffirme son attachement indéfectible à l’oeuvre de la Cour et à la primauté
du droit international, qui sont des fondements de la justice et de la paix entre les nations.
*
* *
Pour les motifs énoncés dans le présent exposé écrit, l’État de Palestine formule les
conclusions suivantes à l’intention de la Cour :
1) La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale dans sa
résolution 77/47 du 30 décembre 2022, et il n’y a pas de raisons pour elle de refuser d’exercer
cette compétence.
2) Israël est responsable de graves manquements à des obligations découlant de normes impératives
du droit international général, notamment du principe de l’illicéité ou de l’inadmissibilité de
l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de la force (qui est un corollaire de
l’interdiction de l’agression), de l’interdiction de la discrimination raciale et de l’apartheid ainsi
que du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
3) L’occupation menée par Israël visait dès le départ à coloniser et à annexer le territoire palestinien
et a abouti à la mise en place d’un double régime favorisant ses colons présents de manière illicite
dans le Territoire palestinien occupé, au détriment des droits fondamentaux du peuple palestinien.
Elle constitue donc, par l’intention qui la sous-tend et par son but même, une violation des trois
normes impératives susmentionnées. Israël viole également d’autres normes impératives, dont
l’interdiction des crimes contre l’humanité, les règles fondamentales du droit international
humanitaire et l’interdiction de la torture.
4) En conséquence de ces graves violations, Israël est tenu :
a) de mettre fin immédiatement, inconditionnellement et totalement à son occupation du
Territoire palestinien occupé et de se retirer de ce territoire, notamment en abolissant toutes
- 289 -
ses lois et mesures destinées à annexer Jérusalem et le reste de la Cisjordanie, en mettant fin
au blocus de la bande de Gaza, en retirant toutes ses forces d’occupation et en démantelant
ses colonies illicites ainsi que le régime qui leur est associé ;
b) d’abolir toutes ses lois et mesures discriminatoires dirigées contre le peuple palestinien des
deux côtés de la Ligne verte, contre les réfugiés palestiniens et contre la diaspora
palestinienne ;
c) de respecter les droits inaliénables du peuple palestinien, principalement son droit à
l’autodétermination, et le droit inaliénable des réfugiés palestiniens au retour dans leurs
foyers ;
d) de donner des assurances et garanties de non-répétition des violations susvisées ;
e) de réparer intégralement les préjudices causés par ses faits internationalement illicites dans
le cadre de ses politiques et pratiques dirigées contre l’État de Palestine et le peuple
palestinien dans son ensemble, et d’effacer toutes les conséquences de ces politiques et
pratiques.
5) Tous les États et toutes les organisations internationales, dont l’Organisation des Nations Unies,
sont tenus :
a) de ne pas reconnaître la situation illicite née des faits internationalement illicites commis
par Israël, principalement de ses graves manquements à ses obligations découlant de normes
impératives du droit international ;
b) de ne pas contribuer aux violations des droits du peuple palestinien, notamment en
s’abstenant de prêter leur concours ou leur aide aux faits internationalement illicites d’Israël,
et en veillant à ce que les personnes et entités relevant de leur juridiction ne prêtent pas non
plus leur concours ou leur aide au maintien de cette situation illicite ;
c) de coopérer pour protéger les droits du peuple palestinien et pour mettre fin aux violations
de ces droits commises par Israël, notamment en reconnaissant sans ambiguïté et
expressément l’illicéité de l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé, en
prenant les mesures requises pour permettre au peuple palestinien d’exercer son droit à
l’autodétermination et en veillant, par l’ouverture d’enquêtes et l’exercice de poursuites
contre elles, à ce que répondent de leurs actes les personnes responsables des infractions
commises dans le cadre de la colonisation de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, de
l’annexion illicite de Jérusalem et du reste de la Cisjordanie, du blocus de la bande de Gaza
et des attaques successives dont elle a fait l’objet et, plus généralement, des violations des
droits fondamentaux du peuple palestinien dans son ensemble, dont son droit à
l’autodétermination, son droit de ne pas être soumis à la discrimination raciale ni à
l’apartheid, ainsi que le droit des Palestiniens à la vie et à la liberté.
La Haye, le 24 juillet 2023.
Le ministre des affaires étrangères et des expatriés
de l’État de Palestine,
(Signé) S. Exc. M. Riad MALKI.
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Dernière figure
Légende :
Mandatory Palestine = Palestine sous mandat
1947 UN Partition Plan = Plan de partage de 1947 adopté par l’ONU
Mediterranean Sea = Mer Méditerranée
Sea of Galilee = Mer de Galilée
Jenin = Jénine
Nablus = Naplouse
Jericho = Jéricho
Jerusalem = Jérusalem
Bethlehem = Bethléem
Hebron = Hébron
Dead Sea = Mer Morte
Jordan = Jordanie
Egypt = Égypte
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LISTE DES ANNEXES
[Les annexes n’étant pas traduites, veuillez consulter la pièce originale (volume II).]
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ATTESTATION
Conformément au paragraphe 1 de l’article 50 et au paragraphe 2 de l’article 51 du Règlement
de la Cour, j’atteste par la présente que les documents annexés au présent exposé écrit sont des copies
conformes aux documents originaux et que les traductions en anglais fournies sont fidèles.
La Haye, le 24 juillet 2023.
Le ministre des affaires étrangères et des expatriés
de l’État de Palestine,
(Signé)S. Exc. M. Riad MALKI.
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Exposé écrite de l'État de Palestine