Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Barak

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192-20240126-ORD-01-05-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC BARAK
[Traduction]
1. L’Afrique du Sud s’est adressée à la Cour pour demander la suspension immédiate des opérations militaires menées dans la bande de Gaza. Elle a cherché à tort à imputer à Abel le crime de Caïn. La Cour a rejeté sa thèse principale et a préféré adopter des mesures qui reproduisent des obligations incombant déjà à Israël au regard de la convention sur le génocide. Elle a réaffirmé le droit d’Israël de défendre ses citoyens et souligné l’importance de la fourniture de l’aide humanitaire à la population de Gaza. Les mesures conservatoires qu’elle a indiquées sont donc bien plus étroites dans leur portée que celles demandées par l’Afrique du Sud.
2. La Cour a, en particulier, relevé que « toutes les parties au conflit dans la bande de Gaza [étaie]nt liées par le droit international humanitaire », ce qui comprend assurément le Hamas. En outre, elle s’est dite « gravement préoccupée par le sort des personnes enlevées pendant l’attaque en Israël le 7 octobre 2023 et détenues depuis lors par le Hamas et d’autres groupes armés et [a] appel[é] à la libération immédiate et inconditionnelle de ces otages » (voir ordonnance, par. 85).
I. GÉNOCIDE : REMARQUES D’ORDRE AUTOBIOGRAPHIQUE
3. La convention sur le génocide occupe une place toute particulière dans le coeur et l’histoire du peuple juif, dans l’État d’Israël comme ailleurs. Le terme « génocide » est apparu en 1942, sous la plume du juriste juif polonais Raphaël Lemkin, et c’est le meurtre méticuleusement planifié et exécuté de six millions de Juifs pendant l’Holocauste qui a motivé l’adoption de la convention.
4. J’avais cinq ans lorsque ma ville natale, Kaunas, en Lituanie, est passée sous occupation de l’armée allemande dans le cadre de l’opération Barbarossa. En quelques jours, près de 30 000 Juifs de Kaunas ont été emmenés de chez eux et parqués dans un ghetto. Nous étions tels des condamnés à mort, attendant notre exécution. Le 26 octobre 1941, l’ordre a été donné à tous les Juifs du ghetto de se rassembler sur la place centrale, nommée « place de la Démocratie ». Ce sont quelque 9 000 Juifs qui, ce jour-là, ont été emmenés et fusillés.
Dans le ghetto surpeuplé, la faim était omniprésente. Or, malgré toutes les difficultés vivait une communauté organisée, une communauté dont les membres étaient condamnés à mort, mais demeuraient, au plus profond, animés de l’espoir de vivre et du désir de conserver une dignité humaine élémentaire.
5. Au début de l’année 1944, lors de la tristement célèbre « Kinder Aktion », les nazis ont rassemblé tous les enfants de moins de 12 ans, les ont fait monter dans des camions et les ont abattus. Il est devenu évident que pour pouvoir survivre, je devais partir. Après avoir quitté le ghetto caché dans un sac, j’ai été confié à un fermier lituanien. Quelques semaines plus tard, ma mère et moi avons été emmenés chez un autre fermier. Pour rendre notre présence la plus discrète possible, le fermier a construit une double cloison dans l’une des pièces. Nous nous sommes cachés dans cet espace étroit jusqu’à ce que nous soyons finalement délivrés par l’armée rouge le 1er août 1944. Seuls 5 % des Juifs de Lituanie ont survécu.
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6. Le génocide est, pour moi, davantage qu’un simple mot ; il représente une entreprise de destruction et le pire de ce dont l’humanité est capable. Il s’agit de la plus grave accusation qui puisse être portée et d’un crime qui a profondément marqué mon histoire personnelle.
7. J’ai beaucoup réfléchi à la manière dont ce passé avait résonné sur ma vie en tant que juge et il m’apparaît qu’il a eu un effet double. Premièrement, je suis profondément convaincu de l’importance de l’existence de l’État d’Israël. Si celui-ci avait existé en 1939, le sort du peuple juif aurait pu être tout autre. Deuxièmement, je crois fermement en la dignité humaine. Les nazis et leurs collaborateurs ont cherché à nous anéantir. Ils voulaient nous dépouiller de notre dignité humaine. En cela, toutefois, ils ont échoué. Même aux heures les plus sombres de la vie dans le ghetto, nous avons conservé notre humanité et notre conscience d’appartenir au genre humain. Les nazis sont parvenus à assassiner un grand nombre d’entre nous, mais pas à nous ôter notre humanité.
8. La renaissance qui a suivi l’Holocauste est celle de l’être humain, celle de l’humanité et des droits de l’homme comme valeurs fondamentales. De nombreux instruments internationaux consacrés aux droits des personnes ont été adoptés après 1945, et la protection des droits de l’homme est aussi profondément ancrée dans le système juridique israélien.
II. L’ATTACHEMENT D’ISRAËL À LA PRIMAUTÉ DU DROIT ET AU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
9. Israël est une démocratie dotée d’un solide système juridique et d’une justice indépendante. En cas d’antagonisme entre les intérêts nationaux en matière de sécurité et les droits de l’homme, il convient de défendre les premiers sans compromettre la protection des seconds. Comme je l’ai écrit, « [l]a sécurité et les droits de l’homme vont de pair. Il n’y a pas de démocratie sans sécurité ; il n’y a pas de démocratie sans droits de l’homme. La démocratie repose sur un équilibre délicat entre sécurité collective et liberté individuelle »1.
10. La nécessité de concilier ces deux impératifs a eu un effet positif sur les décisions de la Cour suprême d’Israël. Ainsi, alors qu’une opération militaire était en cours à Gaza, celle-ci a ordonné à l’armée de réparer, sans même attendre la fin de l’opération, les canalisations qui avaient été endommagées par ses blindés. Par la même décision, elle a enjoint à l’armée d’apporter une aide humanitaire aux civils et de suspendre les hostilités pour permettre l’inhumation des victimes2. Dans son arrêt relatif aux « exécutions ciblées », elle a jugé qu’Israël était tenu de toujours agir conformément au droit international humanitaire et de s’abstenir de cibler des terroristes lorsqu’un préjudice excessif était à craindre pour les civils3.
11. En ma qualité de juge de la Cour suprême d’Israël, j’ai écrit que chaque soldat israélien porte, dans son paquetage, les règles du droit international4. Cela signifie que le droit international guide les actes de tous les soldats israéliens où qu’ils se trouvent. J’ai également écrit que, lorsqu’un État démocratique combat le terrorisme, il le fait avec une main attachée dans le dos5. Même quand
1 Aharon Barak, « International Humanitarian Law and the Israeli Supreme Court » (2014), Israel Law Review, vol. 47, par. 185.
2 HCJ 4764/04, Physicians for Human Rights v. IDF Commander in Gaza (2004).
3 HCJ 769/02, Public Committee against Torture in Israel v. Government of Israel (2006) (“Targeted killings”).
4 HCJ 393/82, Jam’iat Iscan Al-Ma’almoun v. IDF Commander in the Judea and Samaria Area (1983).
5 HCJ 769/02, The Public Committee against Torture in Israel v. Government of Israel (2006).
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il lutte contre un groupe terroriste tel que le Hamas, qui bafoue le droit international, Israël doit respecter le droit et maintenir des valeurs démocratiques.
12. La Cour suprême israélienne a également jugé qu’il ne saurait être fait usage de la torture durant les interrogatoires des terroristes6, que les sites religieux et ministres du culte devaient être protégés, et que tous les détenus devaient se voir accorder des garanties fondamentales7. Ces décisions, si elles ont parfois été critiquées en Israël, comme cela se produit dans toute société démocratique, n’en sont pas moins soutenues par le public et régulièrement appliquées par l’armée. Les arrêts de la Cour suprême israélienne  dont beaucoup sont fondés sur le droit international  constituent les normes qui régissent le comportement d’Israël.
13. Le droit international fait aussi partie intégrante du code militaire et des pratiques de l’armée israélienne. Le code éthique des forces de défense israéliennes prévoit ce qui suit :
« Le soldat des forces de défense israéliennes n’exerce son autorité et ne fait usage de son arme qu’aux fins de l’exécution de sa mission, et seulement en cas de nécessité. Il fait preuve d’humanité au combat comme dans les opérations courantes. Il ne fait pas usage de son arme ou de son autorité pour porter atteinte à des civils non impliqués ou à des prisonniers et fait tout son possible pour empêcher toute atteinte à leur vie, à leur intégrité physique, à leur dignité et à leurs biens. »8
En cas de violation de ces règles, le procureur général, le procureur et l’avocat général militaire prennent les mesures nécessaires pour traduire les responsables en justice, et leurs décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire. La Cour suprême israélienne peut, dans certains cas, ordonner des mesures à prendre. On touche ici à la substance même des institutions d’Israël. Les gouvernements se succèdent, de même que les juges de la Cour suprême, mais les principes intrinsèques de la démocratie israélienne demeurent inchangés.
14. Les multiples garanties institutionnelles dont Israël s’est doté comprennent également des conseils juridiques fournis en temps réel, pendant les hostilités. Les frappes qui ne répondent pas à la définition d’un objectif militaire ou ne respectent pas le principe de proportionnalité ne peuvent se poursuivre. Les décisions de la Cour suprême israélienne et le cadre institutionnel d’Israël témoignent de son respect de l’état de droit et de la vie humaine, lequel imprègne la mémoire collective, les institutions et les traditions israéliennes.
III. LA COMPÉTENCE PRIMA FACIE DE LA COUR
15. La Cour a confirmé sa compétence prima facie pour indiquer des mesures conservatoires (voir ordonnance, par. 31). Or, il est douteux que l’Afrique du Sud ait introduit la présente instance de bonne foi. Après que celle-ci lui eut, le 21 décembre 2023, adressé une note verbale relative à la situation à Gaza, Israël a proposé, en réponse, d’entamer des consultations aussitôt que possible. Au lieu d’accepter cette proposition, ce qui aurait pu conduire à des échanges diplomatiques productifs, l’Afrique du Sud a décidé d’introduire une instance contre Israël devant la Cour. Il est regrettable que la tentative d’Israël d’ouvrir le dialogue se soit soldée par le dépôt d’une requête.
6 HCJ 5100/94, Public Committee Against Torture in Israel v. Government of Israel (1999) (“Interrogations”).
7 HCJ 3278/02, Center for the Defence of the Individual Founded by Dr Lotta Salzerberger v. Commander of IDF Forces in the West Bank (2002).
8 Israeli Defense Forces, Code of Ethics, Additional Values, Purity of Arms.
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L’histoire montre plutôt que les efforts les plus prometteurs en vue d’instaurer la paix au Moyen-Orient ont généralement été le fruit de négociations politiques et non de recours judiciaires. Les pourparlers de paix tenus en 1978 à Camp David entre l’Égypte et Israël en sont un bon exemple. Ces négociations ont abouti lorsqu’un tiers  les États-Unis  est intervenu pour aider les parties à trouver un accord. Selon moi, les choses auraient pu se dérouler de la même manière en l’espèce. Si la clause juridictionnelle de la convention sur le génocide n’exige pas la tenue de négociations formelles, le principe de bonne foi veut cependant que les parties aient au moins tenté de parvenir à un règlement amiable de leur différend avant de saisir la Cour. L’Afrique du Sud n’a fait aucun effort en ce sens et a refusé à Israël la possibilité raisonnable d’engager des échanges sérieux pour trouver une issue à la situation humanitaire difficile qui règne à Gaza.
16. Le cas d’espèce présente une difficulté supplémentaire : l’autre belligérant du conflit à Gaza, le Hamas, n’est pas partie à la présente instance. Aucune mesure ne peut donc être indiquée à son égard dans le dispositif de l’ordonnance. Si cela n’empêche pas la Cour d’exercer sa compétence, il est toutefois essentiel d’en tenir compte pour déterminer les mesures ou les réparations qui s’imposent en l’espèce.
IV. LE CONFLIT ARMÉ À GAZA
17. La Cour rappelle succinctement le contexte immédiat dans lequel l’affaire a été portée devant elle, à savoir l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023 et l’opération militaire par laquelle Israël a riposté (voir ordonnance, par. 13). Elle n’a cependant pas présenté de manière exhaustive les faits qui se sont produits à Gaza depuis ce jour funeste.
18. Le 7 octobre 2023, jour de shabbat et jour de la fête juive de « Sim’hat Torah », plus de 3 000 terroristes du Hamas, appuyés par des membres du djihad islamique palestinien, ont envahi le territoire israélien par la terre, les airs et la mer. L’assaut a débuté, à l’aube, par une pluie de roquettes visant le pays tout entier et l’infiltration des combattants du Hamas sur le territoire israélien. L’alerte a été donnée dans tout le pays, et civils et soldats se sont réfugiés dans des abris où nombre d’entre eux ont ensuite été massacrés. Ailleurs, des maisons ont été incendiées et leurs habitants, qui se trouvaient encore à l’intérieur, dans des pièces sécurisées, ont été brûlés vifs ou sont morts d’asphyxie. De jeunes Israéliens qui assistaient au festival musical Nova à Réïm ont été assassinés dans leur sommeil ou alors qu’ils tentaient de fuir à travers champs. On a trouvé des cadavres de femmes mutilées, violées, découpées, montrant des blessures par balles dans des parties du corps que je ne citerai pas. Au total, plus de 1 200 civils innocents, dont des nourrissons et des personnes âgées, ont été tués ce jour-là. Deux cent quarante Israéliens ont été enlevés et emmenés dans la bande de Gaza, et plus de 12 000 roquettes ont été tirées en direction d’Israël depuis le 7 octobre. Ces faits ont été largement relayés et sont incontestables.
19. En réponse à l’assaut continu contre son peuple et son territoire, Israël a lancé une opération militaire. Les autorités israéliennes ont déclaré que cette opération avait pour objectifs le démantèlement du Hamas et la destruction de ses capacités militaires et gouvernementales, le retour des otages et la protection des frontières d’Israël.
20. Le Hamas s’est juré de « répéter inlassablement le 7 octobre »9 et fait donc peser sur l’existence même de l’État d’Israël une menace que celui-ci se doit de repousser. Cette organisation
9 Voir « Hamas Official Ghazi Hamad: We Will Repeat the October 7 Attack Time and Again Until Israel Is Annihilated; We Are Victims — Everything We Do Is Justified #Hamas #Gaza #Palestinians », X (twitter.com), accessible à l’adresse suivante : https://t.co/kXu3U0BtAP.
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terroriste contrôle la bande de Gaza, où elle exerce des fonctions militaires et gouvernementales. Elle tente de mettre son appareil militaire hors d’atteinte en le cachant au sein des infrastructures civiles et en dessous  ce qui constitue, en soi, un crime de guerre , et met délibérément en danger sa propre population en creusant des tunnels sous les maisons et les hôpitaux. Le Hamas procède à des tirs aveugles de missiles contre Israël, y compris depuis des écoles et d’autres installations civiles de Gaza, en sachant pertinemment que beaucoup d’entre eux s’abattront dans Gaza, tuant et blessant des Palestiniens innocents. Ce modus operandi est monnaie courante pour le Hamas.
21. Un certain nombre d’exemples illustrent ce même point. Quand l’aide humanitaire entre à Gaza, le Hamas la détourne systématiquement pour ses propres besoins. Il a clairement indiqué que son réseau de tunnels était destiné à ses combattants, et non aux civils cherchant à se mettre à l’abri des hostilités. Le Hamas a bafoué le caractère intrinsèquement civil des écoles et des hôpitaux de Gaza, utilisant ces lieux et leurs sous-sols à des fins militaires, pour entreposer ou lancer des roquettes.
22. Le sort des otages est particulièrement préoccupant. L’acte de prise d’otages commis le 7 octobre par le Hamas emporte violation grave des conventions de Genève du 12 août 1949 et constitue un crime au regard du Statut de Rome10. Le Hamas n’a pas communiqué le nom des otages et n’a pas indiqué s’ils étaient encore en vie. Il n’a pas non plus autorisé le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à se rendre auprès d’eux, comme le droit l’exige. Le CICR n’a pas été en mesure de faire parvenir des fournitures médicales aux otages, ignore où ils se trouvent et n’a pas réussi à obtenir leur libération. À l’heure où j’écris ces mots, ce supplice dure depuis plus de 100 jours déjà.
23. Il ne s’agit pas ici de minimiser les souffrances des Palestiniens innocents. Je suis, à titre personnel, profondément affecté par les pertes en vies humaines et les destructions causées à Gaza. Des pénuries de nourriture et d’eau et des épidémies sont à redouter. La population vit dans des conditions précaires, confrontée aux conséquences insondables de la guerre. Dans le cadre des fonctions de juge ad hoc qui m’ont été confiées, mais également en tant qu’homme, je tiens à exprimer mes regrets les plus sincères et profonds pour les vies innocentes perdues dans ce conflit.
24. L’État d’Israël a été attrait devant la Cour alors même que ses dirigeants, ses soldats et ses enfants étaient en proie au choc et au traumatisme de l’attaque du 7 octobre. La nation tout entière a été bouleversée et a instantanément perdu le sentiment de sécurité le plus élémentaire. La peur de nouvelles attaques était palpable, alors que les infiltrations se poursuivaient les jours suivants. Le contexte immédiat dans lequel l’Afrique du Sud a déposé sa requête aurait dû peser davantage dans le raisonnement de la Cour. En effet, s’il ne décharge aucunement Israël de ses obligations, il constitue cependant la toile de fond indispensable sur laquelle l’analyse juridique des actions d’Israël doit être effectuée, même au stade actuel de la procédure.
V. LE CADRE JURIDIQUE DANS LEQUEL IL CONVIENT DE PROCÉDER À L’ANALYSE DE LA SITUATION À GAZA
25. L’Afrique du Sud a saisi la Cour sur le fondement de la convention sur le génocide, dont l’article IX prévoit que celle-ci a compétence pour régler les différends relatifs à « l’interprétation, l’application ou l’exécution » de cet instrument, « y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un
10 Statut de Rome, art. [8], litt. a), al. viii) et litt. c), al. iii).
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État en matière de génocide ». Cela ne signifie pas que la convention sur le génocide soit le prisme juridique à travers lequel il convient d’analyser la situation.
26. J’estime que c’est au regard du droit international humanitaire  et non de la convention sur le génocide  qu’il convient d’examiner la situation à Gaza. Selon le droit international humanitaire, une frappe ne doit pas causer aux civils innocents et aux infrastructures civiles des dommages excessifs par rapport à l’avantage militaire attendu. La perte de vies innocentes, aussi tragique soit-elle, n’est pas considérée comme illicite tant que les règles et les principes du droit international humanitaire sont respectés.
27. Au cours de leurs débats, les rédacteurs de la convention sur le génocide ont précisé ce qui suit :
« Le fait d’infliger des pertes même étendues aux populations civiles au cours d’opérations de guerre ne constitue pas, en principe, le génocide. … [D]ans la guerre moderne, les belligérants procèdent normalement à des destructions d’usines, de voies de communication[], de bâtiments publics qui s’accompagnent fatalement de pertes plus ou moins étendues pour la population civile. Il y a certainement intérêt à limiter les pertes subies par la population civile. Diverses mesures pourraient être prises à cet effet, mais cela rentre dans le domaine de la réglementation des conditions de la guerre et non dans celui du génocide. »11
28. C’est aux autorités israéliennes compétentes qu’il incombe de mener des enquêtes sur les violations du droit international humanitaire commises dans le cadre du conflit armé et d’en poursuivre les auteurs.
VI. ABSENCE D’INTENTION
29. L’élément essentiel du crime de génocide est l’intention, c’est-à-dire l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial, ou religieux, comme tel. Les juridictions internationales sont peu disposées à conclure à l’existence de cette intention et à qualifier certaines atrocités de génocide. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a été créé principalement pour poursuivre les auteurs de ce crime. Il a néanmoins fixé des critères exigeants à remplir pour que soit établie l’intention spécifique qui caractérise le génocide. Dans sa toute première affaire, l’affaire Akayesu, le TPIR a évoqué, au sujet de l’intention spécifique requise, une « relation psychologique entre le résultat matériel et l’intelligence de l’auteur » qui « exige que l’auteur de l’infraction ait eu nettement l’intention de provoquer le résultat incriminé »12. La rigueur de ce critère explique certains des acquittements totaux ou partiels prononcés par cette juridiction13. Un critère similaire a été retenu par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.
30. La Cour a elle aussi adopté une approche restrictive, s’agissant de la responsabilité de l’État, dans les affaires où des allégations de génocide sont formulées au fond. Dans l’affaire relative
11 Nations Unies, Conseil économique et social, projet de convention sur le crime de génocide, section II : commentaire de chaque article, doc. E/447, [26] juin 1947.
12 TPIR, affaire no ICTR-96-04-T, Chambre de première instance I, jugement, 2 septembre 1998, par. 518.
13 Sur les 75 prévenus jugés par le TPIR, 14 ont été acquittés de tous les chefs d’accusation et plusieurs autres ont été acquittés des chefs de génocide, souvent en raison de la difficulté d’établir l’intention spécifique requise. Voir, notamment, TPIR, affaire no ICTR-99-50-A, Chambre d’appel, arrêt, 4 février 2013, par. 91 ; affaire no ICTR-99-52-A, Chambre d’appel, arrêt, 28 novembre 2007, par. 912.
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à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), elle est parvenue à la conclusion que  sous réserve du cas de Srebrenica  les amples et graves atrocités commises en Bosnie-Herzégovine ne l’avaient pas été avec l’intention spécifique de détruire, en partie, le groupe des Musulmans de Bosnie (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 194, par. 370). Plusieurs années plus tard, en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), la Cour a conclu à l’absence totale d’intention et a par conséquent rejeté dans leur intégralité les demandes de la Croatie (C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 154, par. 524, point 2).
31. J’admets que la preuve requise dans la phase préliminaire pour établir l’intention diffère de celle exigée dans la procédure au fond. Il n’est pas nécessaire, à ce stade, de prouver de manière convaincante la mens rea du génocide en référence à des circonstances précises, ou l’existence d’une ligne de conduite telle qu’elle ne puisse qu’en dénoter l’existence14. Il est cependant nécessaire de prouver l’intention dans une certaine mesure et, à tout le moins, d’une manière permettant de rendre plausible une allégation de génocide.
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32. Je suis en total désaccord avec le point de vue de la Cour sur la plausibilité et, plus particulièrement, sur la question de l’intention.
33. La Cour ne peut indiquer des mesures conservatoires « que si elle estime que les droits allégués par le demandeur sont au moins plausibles » (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 18, par. 43). En la présente instance, la Cour a conclu, sur la foi de maigres éléments de preuve, à la plausibilité « du droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide » (voir ordonnance, par. 54).
34. Pour comprendre en quoi la logique de la Cour est erronée, il y a lieu de comparer le cas d’espèce à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires que celle-ci a rendue le 23 janvier 2020 en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar). Pour conclure à la plausibilité des droits revendiqués dans cette affaire, la Cour s’est appuyée sur deux rapports établis par une mission internationale indépendante d’établissement des faits15 sur la base de preuves recueillies méticuleusement pendant plus de deux ans et notamment 400 entretiens menés avec des victimes et des témoins oculaires, l’analyse d’images satellitaires, de photographies et de vidéos, des recoupements avec des informations crédibles de seconde main, des consultations d’experts et des données brutes16. Les experts indépendants s’étaient rendus au Bangladesh, en Indonésie, en Malaisie et en Thaïlande pour entendre les victimes et témoins et s’entretenir avec d’autres personnes. Le secrétariat avait, en outre, effectué six autres missions sur le terrain17. Dans son rapport en date du 12 septembre 2018, la mission internationale indépendante d’établissement des faits a estimé qu’elle avait « des motifs raisonnables de conclure que des crimes graves de droit international [avaie]nt été commis », y
14 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 67, par. 148.
15 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 22, par. 55.
16 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, 12 septembre 2018, doc. A/HRC/39/64, par. [7].
17 Ibid., par. [8].
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compris celui de génocide
18. Elle a également estimé avoir « des motifs raisonnables de penser que les éléments permettant de conclure à l’existence d’une intention génocidaire [étaient] réunis »19. Elle a répété ses conclusions, sur la base de nouvelles enquêtes, dans son second rapport, en date du 8 août 201920.
35. En la présente instance, il n’existe aucun élément de preuve comparable à ceux dont disposait la Cour en l’affaire Gambie c. Myanmar. Pour apprécier la plausibilité des droits allégués en la présente espèce, la Cour s’est appuyée sur quatre types d’éléments factuels. Elle a d’abord pris en considération les chiffres relatifs aux morts, aux blessés et aux infrastructures endommagées fournis par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) (voir ordonnance, par. 46). Elle s’est ensuite référée à une déclaration du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires (par. 47), à un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (par. 48) et à une déclaration du commissaire général de l’UNRWA (par. 49). Elle a en outre pris note des déclarations de trois responsables israéliens (par. 52). Enfin, elle a tenu compte des vues exprimées par un groupe de rapporteurs spéciaux et par le Comité de la CIEDR (par. 53).
36. En ce qui concerne les nombres de morts, de blessés et d’infrastructures endommagées, la Cour a omis de préciser que ces chiffres émanaient du ministère de la santé de Gaza, qui est contrôlé par le Hamas. Il ne s’agit pas de données fournies par l’ONU. De surcroît, ces chiffres ne font pas de distinction entre civils et combattants, ni entre objectifs militaires et biens à caractère civil. Il est donc difficile d’en tirer la moindre conclusion.
Les déclarations du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, de l’OMS et du commissaire général de l’UNRWA ne suffisent pas à prouver une intention plausible. Le génocide n’y est pas mentionné et l’on n’y trouve pas la moindre trace d’une intention génocidaire. Ces déclarations dépeignent, certes, une situation humanitaire tragique, résultat déplorable d’un conflit armé, mais elles ne font nullement référence à l’objet de la convention sur le génocide. En outre, les informations et les méthodes sur la base desquelles elles ont été faites n’ont pas été portées à la connaissance de la Cour. Il en allait tout autrement des éléments de preuve produits en l’affaire Gambie c. Myanmar.
Les déclarations faites par le président d’Israël et par le ministre israélien de la défense ne fournissent pas une base factuelle suffisante pour conclure à l’existence plausible d’une intention génocidaire. Ceux-ci ont l’un et l’autre clairement précisé, à plusieurs reprises, que l’intention d’Israël était de détruire le Hamas et non les Palestiniens de Gaza. Le ministre israélien de la défense a ainsi déclaré, le 29 octobre 2023, que « ce n’[était] pas la population palestinienne dans son ensemble ni le peuple palestinien qu[’Israël] combatt[ait] à Gaza ». Le président d’Israël a dit, le 29 novembre 2023, qu’« Israel fai[sai]t tout son possible, en coopération avec divers partenaires, pour accélérer l’acheminement de l’aide humanitaire aux citoyens de Gaza ». Il est regrettable que la Cour n’ait pas tenu compte de ces déclarations. Pour ce qui est, enfin, des déclarations du ministre de l’énergie et des infrastructures, ce dernier n’est investi d’aucune autorité sur les forces armées. Les éléments factuels pertinents permettant de déduire l’intention génocidaire doivent émaner des organes qui ont le pouvoir d’agir sur les opérations militaires. Or, ces organes ont expliqué à maintes reprises que le but de l’opération militaire était de cibler le Hamas, et non les Palestiniens de Gaza.
18 Voir Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, 12 septembre 2018, doc. A/HRC/39/64, par. 83 et 84-87.
19 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, rapport portant constatations détaillées de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, 17 septembre 2018, doc. A/HRC/39/CRP.2, par. 1441.
20 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, 8 août 2019, doc. A/HRC/42/50, par. 18.
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37. Il est préoccupant que certains responsables israéliens aient tenu des propos déplacés et dégradants, ainsi que l’ont relevé le groupe de rapporteurs spéciaux et le Comité de la CIEDR. La question devra, de fait, faire l’objet d’enquêtes des autorités israéliennes compétentes, mais il n’était nullement plausible d’inférer de ces déclarations, faites au lendemain d’attaques effroyables menées contre la population israélienne, une intention de commettre le génocide.
38. Les preuves produites par Israël démontrent que c’est l’intention contraire qui est plausible et qui préside à l’opération militaire menée à Gaza. Israël a souligné qu’il avait adopté plusieurs mesures visant à réduire au minimum l’impact des hostilités sur les civils. Par exemple, il continue de fournir ses propres ressources hydriques à Gaza via deux conduites d’eau ; il a amélioré l’accès aux fournitures médicales, soutenu la création d’hôpitaux de campagne et distribué du carburant et des équipements pour l’hiver (voir ordonnance, par. 64, renvoyant au CR 2024/2, p. 50-52). En outre, le premier ministre israélien a, le 17 octobre 2023, déclaré que « [c]haque civil mort [étai]t une tragédie … [et que] tout [était] fait pour mettre les civils à l’abri du danger ». Le 28 octobre 2023, il a ajouté que « les forces de défense israéliennes f[aisaie]nt tout leur possible pour épargner ceux qui n[’étaient] pas impliqués ».
39. Il est surprenant que la Cour, bien que prenant note des précisions apportées par Israël sur les mesures qu’il a prises pour atténuer les difficultés auxquelles est soumise la population de Gaza, ainsi que de l’annonce faite par le procureur général d’Israël selon laquelle tout appel à s’en prendre délibérément à la population civile ferait l’objet d’une enquête (voir ordonnance, par. 73), se soit ensuite abstenue d’en tirer la moindre conclusion dans son examen de la question de l’intention. Il est encore plus surprenant que la Cour ait considéré qu’aucune de ces mesures et déclarations ne suffisait pour écarter l’existence d’une intention plausible de commettre le génocide.
40. La position adoptée par la Cour en l’espèce quant à la plausibilité diffère de celle qu’elle avait adoptée en l’affaire Gambie c. Myanmar. Dans cette espèce, la Cour disposait de preuves convaincantes d’« opérations de nettoyage » menées contre les Rohingya, au cours desquelles ceux-ci avaient subi des violences sexuelles, des actes de torture et des massacres méthodiquement planifiés, s’étaient vu priver de statut juridique et avaient été la cible d’actes d’incitation à la haine pour des motifs ethniques, raciaux ou religieux21.
41. L’application des dispositions de la convention sur le génocide à la présente espèce a pour effet regrettable de compromettre l’intégrité de cet instrument et de vider d’une partie de sa substance la notion de génocide . La convention sur le génocide vise à prévenir et à punir la destruction physique d’un groupe en tant que tel. Elle n’est pas destinée à proscrire les conflits armés en général. La Cour a ouvert une brèche dans laquelle les États pourraient s’engouffrer pour faire un usage dévoyé de la convention en vue de limiter le droit à la légitime défense, en particulier en cas d’attentats commis par des groupes terroristes.
VII. LES MESURES INDIQUÉES PAR LA COUR
42. J’en viens maintenant aux mesures indiquées par la Cour. Il importe de rappeler que celle-ci ne s’est pas prononcée sur les griefs formulés par l’Afrique du Sud sur le fondement de la convention. Les conclusions auxquelles la Cour est parvenue à ce stade préliminaire de la procédure
21 Voir Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, 12 septembre 2018, doc. A/HRC/39/64, par. 27 et 52 ; voir aussi ibid., rapport portant constatations détaillées de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, 17 septembre 2018, doc. A/HRC/39/CRP.2, par. 458-748 et 1140.
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ne préjugent en rien des prétentions de l’Afrique du Sud, dont le bien-fondé reste à démontrer (voir ordonnance, par. 30 et 62).
43. En ce qui concerne les conditions qui doivent être remplies pour que la Cour puisse indiquer des mesures conservatoires, je ne suis pas convaincu, pour les raisons énoncées ci-dessus, par les arguments présentés par l’Afrique du Sud quant à la plausibilité des droits invoqués, dès lors que rien n’indique l’existence d’une intention génocidaire. C’est pourquoi j’ai voté contre les première et deuxième mesures conservatoires indiquées par la Cour. Il est néanmoins de la plus haute importance de souligner que ces deux mesures ne font que réaffirmer des obligations incombant déjà à Israël au regard des articles premier et II de la convention sur le génocide. La Cour a énoncé expressément ce que prévoient déjà de manière implicite les obligations d’Israël au titre de la convention.
44. Bien que convaincu que l’allégation de génocide est dénuée de plausibilité, j’ai voté en faveur des troisième et quatrième mesures conservatoires.
Pour ce qui est de la troisième mesure, qui concerne les actes constitutifs d’incitation publique, j’ai choisi de la soutenir dans l’espoir qu’elle aide à apaiser les tensions et à décourager les discours délétères. J’ai évoqué les déclarations préoccupantes que certains dirigeants ont faites et je ne doute pas que celles-ci seront examinées par les institutions israéliennes.
Si j’ai voté en faveur de la quatrième mesure, c’est en raison de mes profondes convictions humanitaires et dans l’espoir d’aider à atténuer les répercussions du conflit armé sur les plus vulnérables. Par cette mesure, la Cour rappelle à Israël des obligations internationales essentielles qui font déjà partie des principes fondateurs sur lesquels repose son armée. Elle entend ainsi veiller à ce qu’Israël continue de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, ce qui, selon moi, constitue une obligation de droit international humanitaire.
45. Il est toutefois regrettable que la Cour n’ait pas su prescrire à l’Afrique du Sud de prendre des mesures pour protéger les droits des otages et faciliter leur libération par le Hamas. De telles mesures sont fondées sur le droit international humanitaire, comme le sont celles qui visent à permettre la fourniture d’aide humanitaire. En outre, le sort des otages fait partie intégrante de l’opération militaire menée à Gaza. En prenant des mesures pour faciliter leur libération, l’Afrique du Sud aurait pu contribuer à mettre fin au conflit.
46. J’ai voté contre la cinquième mesure conservatoire, relative à la conservation des éléments de preuve. Si je ne l’ai pas soutenue, ce n’est pas parce que cette question ne me semble pas importante, mais parce que l’Afrique du Sud n’a pas démontré qu’Israël avait détruit ou dissimulé des preuves. Cette demande était dénuée de fondement et n’aurait donc pas dû être accueillie par la Cour.
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47. Le génocide pèse lourdement sur l’histoire du peuple juif et il fait partie intégrante de mon passé. L’idée qu’Israël soit aujourd’hui accusé de commettre un génocide m’est très pénible, à titre personnel, étant moi-même rescapé d’un génocide et pleinement conscient de l’attachement d’Israël, en tant qu’État juif et démocratique, à la primauté du droit. Tout au long de ma vie, j’ai oeuvré sans relâche pour que, en pratique, l’objet et le but de la convention sur le génocide soient réalisés. J’ai aussi lutté pour veiller à ce que le génocide disparaisse à tout jamais.
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48. Si la Cour avait accueilli la demande de l’Afrique du Sud de faire cesser immédiatement l’opération militaire à Gaza, Israël se serait trouvé sans défense face à une attaque brutale, dans l’incapacité de remplir ses devoirs les plus élémentaires envers ses citoyens. Cela aurait conduit à le paralyser en le privant de toute possibilité de se battre, y compris en accord avec le droit international. Parallèlement, le Hamas aurait gardé les mains libres pour continuer de nuire aux Israéliens comme aux Palestiniens.
49. C’est avec le plus grand respect que j’ai accepté de siéger à la Cour en qualité de juge ad hoc. J’ai été désigné par Israël ; je ne suis pas agent de cet État. Je suis guidé par une quête de morale, de vérité et de justice. C’est pour défendre ces valeurs que les filles et les fils d’Israël ont sacrifié leurs vies et leurs rêves, victimes d’une guerre qu’Israël n’a pas choisie.
(Signé) Aharon BARAK.
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Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Barak

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