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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC COUVREUR
« Loyauté procédurale » — Principe de bonne foi — Obligation générale
de ne pas porter atteinte, pendente lite, aux droits en litige — Situation de
vive tension entre les Parties — Mesures conservatoires réitérant une telle
obligation générale à titre de précaution — Mesures sollicitées par le
demandeur tendant à affecter la tenue du référendum projeté par le
défendeur — Considérations liminaires — « Domaine réservé » — La Cour
et le droit interne — Législations nationales et licéité internationale —
Référendum convoqué et questions posées — Conditions traditionnellement
posées à l’indication de mesures conservatoires — Compétence prima facie
pour connaître du fond et compétence à l’effet d’indiquer certaines
mesures — Nécessaire respect, par la Cour, de l’article 2, paragraphe 7, de
la Charte dans l’exercice des pouvoirs à elle conférés par l’article 41 du
Statut — « Plausibilité » des droits invoqués au fond et lien de connexité
suffisant entre ces droits et les mesures conservatoires sollicitées — Absence
d’un tel lien lorsque les mesures demandées ne sont pas de nature à protéger
les droits en question car l’objet desdites mesures est incapable d’affecter
ces droits — Risque réel et imminent de préjudice irréparable aux droits
considérés plausibles — Acte interne de souveraineté non assorti de mesures
d’application capables d’affecter la « sphère externe » insusceptible de
constituer ou de créer per se un tel risque.
1. J’ai voté pour l’ordonnance de la Cour car c’est, selon moi, un principe
général que le lien d’instance qui s’établit entre les parties et le juge, et entre
les parties elles-mêmes, par référence au juge, génère à leur endroit, aussitôt
le procès engagé, un devoir de « loyauté procédurale »1 qui trouve son
expression concrète dans une obligation générale de ne pas porter atteinte,
pendente lite, aux droits en litige. Lorsqu’il y va de droits territoriaux, le
« gel » des prétentions et le statu quo des situations en sont le nécessaire
corollaire. La préservation de ces droits, en l’état, tout au long de l’instance,
est décisive pour que la décision que le juge est ultimement appelé à prendre
sur ceux-ci ne soit pas dépourvue d’effectivité2. Ce principe fondamental,
également protecteur de tous les droits en cause, est garant de l’intégrité du
1 Voir par exemple Ph. Couvreur, « Réflexions sur la “loyauté” dans les rapports judiciaires
internationaux », dans La loyauté, Mélanges offerts à Étienne Cerexhe, Larcier, 1997, p. 67 et
suiv.
2 Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires du 5 décembre 1939 en l’affaire
de la Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, la CPJI s’est notamment exprimée
comme suit :
676
SEPARATE OPINION OF JUDGE AD HOC COUVREUR
[Translation]
“Procedural loyalty” — Principle of good faith — General obligation not
to prejudice the rights at issue pendente lite — Situation of heightened tension
between the Parties — Provisional measures reiterating such a general
obligation as a precaution — Measures requested by the Applicant aimed at
influencing the holding of the referendum planned by the Respondent —
Preliminary considerations — “Domaine réservé” — The Court and
domestic law — Domestic legislation and international lawfulness — Referendum
convened and questions posed — Conditions traditionally imposed
for the indication of provisional measures — Prima facie jurisdiction to
entertain the merits and jurisdiction to indicate certain measures — Need
for the Court to respect Article 2, paragraph 7, of the Charter in exercising
the powers conferred on it under Article 41 of the Statute — “Plausibility”
of the rights invoked on the merits and sufficient link between those rights
and the provisional measures sought — Absence of such a link when the
measures requested cannot protect the rights in question since the object of
those measures is not capable of affecting those rights — Real and imminent
risk of irreparable prejudice to the rights considered plausible — Domestic
act of sovereignty unaccompanied by implementing measures capable of
affecting the “external sphere” is unlikely, per se, to constitute or create
such a risk.
1. I voted in favour of the Court’s Order because, in my opinion, it is a general
principle that the procedural relationship established between the parties
and a court, and between the parties themselves in relation to the court, gives
rise to a duty of “procedural loyalty”1 incumbent on them from the outset of
the proceedings, which finds practical expression in a general obligation not
to prejudice the rights at issue pendente lite. When territorial rights are
involved, “freezing” claims and maintaining the status quo of situations are
the necessary corollary of this. Preserving these rights as they stand,
throughout the proceedings, is crucial to ensuring that the decision the court
is ultimately required to take in respect of them is not deprived of effect2.
This fundamental principle, which also protects all the rights at issue, guar-
1 See e.g. Ph. Couvreur, “Réflexions sur la ‘loyauté’ dans les rapports judiciaires internationaux”,
in La loyauté, Mélanges offerts à Étienne Cerexhe, Larcier, 1997, pp. 67 et seq.
2 In its Order of 5 December 1939 indicating interim measures of security in the case
concerning the Electricity Company of Sofia and Bulgaria, the PCIJ stated the following, in
particular:
677 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
procès et de la bonne administration de la justice. Émanation du principe de
la bonne foi, il détermine, implicitement mais nécessairement, la conduite de
toute partie au procès, du fait même de l’être. L’obligation correspondante
mise à sa charge est immédiate. Ainsi a-t-on pu affirmer que l’introduction
de l’instance ferait, en elle-même, office de mesure conservatoire3. Les
mesures indiquées par la Cour en l’espèce ne font que réitérer, sous une
forme quelque peu plus précise, et adaptée aux circonstances telles que perçues
par elle, cette obligation générale préexistante4. Face à une situation de
tension croissante et passablement préoccupante entre les Parties, la Cour,
exerçant les responsabilités que lui confère l’article 41 de son Statut, a estimé
de son devoir d’indiquer des mesures de « précaution », destinées exclusivement
à sauvegarder leurs droits sub judice, sans nullement en préjuger ni,
a fortiori, y porter atteinte.
2. Si j’adhère donc à ce rappel d’une obligation inhérente à la qualité de
partie, je n’aurais en revanche pu souscrire à l’indication de l’une quelconque
des mesures sollicitées par le demandeur à l’effet de prévenir la tenue du
référendum convoqué par les autorités vénézuéliennes ou d’obtenir que fût
modifié le libellé des questions qu’elles ont prévu de poser, même si je reconnais
que l’exercice discrétionnaire, par le défendeur, de ses prérogatives
constitutionnelles n’est pas insusceptible, dans le contexte actuel, d’influer
négativement sur les relations entre les Parties et, partant, d’affecter la sérénité
de la procédure en cours.
3. La Cour a choisi de ne pas indiquer de telles mesures. Je n’en crois pas
moins utile d’exposer brièvement les motifs pour lesquels, à mon sens, elle a
bien fait.
4. Je commencerai par formuler quelques considérations liminaires ayant
successivement trait au « domaine réservé » des États, à l’attitude traditionnelle
de la Cour vis-à-vis du droit interne des États, aux relations
qu’entretiennent les législations internes et la licéité internationale, et, enfin,
au référendum envisagé.
« [L’article 41] du Statut applique le principe universellement admis devant les juridictions
internationales et consacré … dans maintes conventions … d’après lequel les parties
en cause doivent s’abstenir de toute mesure susceptible d’avoir une répercussion préjudiciable
à l’exécution de la décision à intervenir. » (Compagnie d’électricité de Sofia et de
Bulgarie, C.P.J.I. série A/B no 79, p. 199 (les italiques ont de moi).)
3 Voir S. Rosenne, The Law and Practice of the International Court, Nijhoff, 2005, p. 427,
et référence à l’affaire du Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 152.
4 Commentant la décision précitée de la Cour permanente dans l’affaire de la Compagnie
d’électricité de Sofia et de Bulgarie, J. Sztucki écrit :
« Premièrement, la Cour reconnaît … clairement l’existence de certains devoirs
incombant aux parties au regard du droit international général, et semble considérer que
les dispositions conventionnelles allant dans le même sens ne sont que déclaratoires de
ces devoirs. Deuxièmement, la Cour reconnaît … la fonction des mesures conservatoires
en tant que corollaire de ces devoirs », J. Sztucki, Interim Measures in the Hague Court,
Kluwer, 1983, p. 82 (les italiques sont de moi).
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 677
antees the integrity of the proceedings and the sound administration of
justice. Arising from the principle of good faith, it implicitly but necessarily
determines the conduct of every party to the proceedings by the very fact of
its existence. The corresponding obligation to which it gives rise is immediate.
One could therefore contend that the institution of proceedings in itself
serves as a provisional measure3. The measures indicated by the Court in
this case merely reiterate this pre-existing general obligation, in a slightly
more precise form and tailored to the circumstances as perceived by the
Court4. Faced with a situation of mounting and rather troubling tension
between the Parties, the Court, in performing its duties under Article 41 of
its Statute, considered that it was obliged to indicate “precautionary” measures,
intended solely to safeguard the Parties’ rights sub judice, without
prejudging or, a fortiori, prejudicing those rights in any way.
2. While I therefore endorse this reiteration of an obligation inherent in the
status of party, I could not have supported the indication of any of the measures
sought by the Applicant aimed at preventing the holding of the
referendum called by the Venezuelan authorities or changing the wording of
the questions that those authorities propose to ask, even though I recognize
that in the current climate, the discretionary exercise by the Respondent of
its constitutional prerogatives may well have a negative impact on relations
between the Parties and thus affect the equanimity of the ongoing proceedings.
3. The Court chose not to indicate such measures. Nevertheless, I think it
is helpful to set out briefly the reasons why I believe it acted appropriately.
4. I will first make some preliminary remarks relating, in turn, to the
domaine réservé of States, the traditional attitude of the Court towards
States’ domestic law, the relationship between domestic legislation and
international lawfulness, and, finally, the envisaged referendum.
“[Article 41] of the Statute applies the principle universally accepted by international
tribunals and . . . laid down in many conventions . . . to the effect that the parties to a case
must abstain from any measure capable of exercising a prejudicial effect in regard to the
execution of the decision to be given.” (Electricity Company of Sofia and Bulgaria,
P.C.I.J., Series A/B, No. 79, p. 199 (emphasis added).)
3 See S. Rosenne, The Law and Practice of the International Court, Nijhoff, 2005, p. 427
and reference to the Right of Passage over Indian Territory (Portugal v. India), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1957, p. 152.
4 Commenting on the above-mentioned decision of the Permanent Court in the case concerning
the Electricity Company of Sofia and Bulgaria, J. Sztucki writes:
“First, the Court clearly . . . recognises the existence of certain duties of the litigants
under general international law and apparently regards treaty provisions to the same
effect as only declaratory of those duties. Secondly, the Court recognises . . . the function
of interim measures as a corollary of those duties”, J. Sztucki, Interim Measures in the
Hague Court, Kluwer, 1983, p. 82 (emphasis added).
678 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
5. Je passerai ensuite à l’examen des trois conditions auxquelles l’indication
de telles mesures conservatoires aurait dû satisfaire, selon la jurisprudence
bien établie de la Cour.
I. Considérations liminaires
A. Le domaine réservé
6. Les trois premières mesures conservatoires dont le Guyana sollicitait
l’indication étaient à vrai dire sans précédent en ce qu’elles invitaient la
Cour à interférer directement, et en profondeur, avec l’exercice, par les autorités
compétentes d’un État souverain, de prérogatives constitutionnelles
essentielles. Une telle demande ne pouvait manquer d’évoquer, quasi instantanément,
la question du « domaine réservé », sans surprise mentionnée à
l’audience5.
7. Les internationalistes contemporains montrent assez communément
quelque inconfort lorsque est invoqué le « domaine réservé ». Non seulement
la notion, ou plutôt son contenu matériel, leur paraît-il souvent incertain,
mais ils éprouvent parfois, au-delà, une manière de gêne quand un État s’en
prévaut, comme s’il s’agissait d’un acte socialement peu séant dans une
communauté internationale supposée être de plus en plus intégrée et solidaire,
où les intérêts égoïstes des États individuels doivent nécessairement
s’effacer devant ceux, supérieurs, de la collectivité. Certes, l’invocation du
« domaine réservé » n’a pas toujours été exempte d’abus, mais cela ne signifie
à l’évidence pas que la notion appartienne au passé. Il suffit, à titre d’exemple,
de se reporter aux déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de
la Cour aujourd’hui en vigueur, pour constater que le recours au « domaine
réservé » est encore bien présent dans la pratique des États6.
8. Il est à peine besoin de rappeler ici la teneur du paragraphe 7 de l’article
2 de la Charte, dont le libellé est familier :
« Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies
à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des
affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la
présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l’application
des mesures de coercition prévues au chapitre VII. »7
5 Voir CR 2023/24, p. 22-24. On peut regretter de ne pas avoir pu entendre le Guyana sur
cette question.
6 Une petite trentaine de déclarations formulées au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du
Statut de la Cour — soit près de 40 % de leur nombre total — excluent en effet encore expressément,
à ce jour, de la juridiction de la Cour les matières appartenant à la compétence
exclusive du déclarant. Dans cinq cas, il est même encore précisé qu’il appartient au déclarant
lui-même de définir ces matières.
7 Les italiques sont de moi.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 678
5. I shall then examine the three conditions that would have to be satisfied,
in accordance with the well-established jurisprudence of the Court, for such
provisional measures to be indicated.
I. Introductory Remarks
A. The Domaine Réservé
6. The first three provisional measures whose indication was sought by
Guyana were frankly unprecedented in that they asked the Court to interfere
directly, and radically, with the exercise of basic constitutional prerogatives
by the competent authorities of a sovereign State. Such a request could not
fail to raise, almost instantaneously, the question of the domaine réservé,
which was unsurprisingly mentioned at the hearings5.
7. It is not unusual for contemporary international jurists to appear somewhat
uneasy when the domaine réservé is invoked. Not only does the
notion — or rather its substance — often seem ill-defined to them, but sometimes,
beyond that, they also experience a sense of embarrassment when a
State has recourse to it, as if such recourse were a socially unacceptable act
in an international community that is supposed to be increasingly integrated
and united, in which the selfish interests of individual States must give way
to those of the group, which take precedence. It is true that reliance on the
domaine réservé has not always been free of abuse, but this does not mean
of course that the notion belongs to the past. By way of example, one need
only refer to the declarations recognizing the jurisdiction of the Court as
compulsory which are currently in force to see that recourse to the domaine
réservé is still very much present in the practice of States6.
8. There is little need to recall here the content of Article 2, paragraph 7,
of the Charter, whose terms are familiar:
“Nothing contained in the present Charter shall authorize the United
Nations to intervene in matters which are essentially within the domestic
jurisdiction of any state or shall require the Members to submit
such matters to settlement under the present Charter; but this principle
shall not prejudice the application of enforcement measures under Chapter
VII.”7
5 See CR 2023/24, pp. 22-24. It is regrettable that it was not possible to hear from Guyana on
this matter.
6 Today, some 30 declarations made under Article 36, paragraph 2, of the Statute of the
Court — i.e. almost 40 per cent of all such declarations — still expressly exclude from the
Court’s jurisdiction matters falling within the exclusive jurisdiction of the declarant State. In
five instances, it is even specified that it is for the declarant State itself to define these matters.
7 Emphasis added.
679 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
9. On est frappé par les termes relativement larges de la définition du
« domaine réservé » des États dans cette disposition, en particulier si on les
compare à ceux du paragraphe 8 de l’article 15 du Pacte de la Société des
Nations : 1) ils concernent désormais tous les organes de l’Organisation, y
compris la Cour (et plus seulement le Conseil) ; 2) ils visent toutes les affaires
relevant « essentiellement » de la compétence des Membres, et plus seulement
celles relevant « exclusivement » de leur compétence nationale ; et 3) ils
ne font plus référence à la nécessité de se reporter au droit international pour
déterminer quelles sont les matières soumises à cette compétence. La volonté
des rédacteurs de la Charte d’élargir la portée de la « compétence nationale »
des États Membres face aux pouvoirs de l’Organisation ressort très clairement
des travaux préparatoires de cette disposition8.
10. En même temps, il est bien connu que la notion de « domaine réservé »
a fait l’objet d’interprétations progressivement plus restrictives depuis 1945,
notamment dans la doctrine9. Ainsi, celle-ci met aujourd’hui fréquemment
en doute la théorie du « domaine réservé par nature », selon laquelle certaines
matières échapperaient en toutes circonstances et de manière permanente
à l’emprise du droit international, eu égard à leur relation étroite
avec « l’existence même » de l’État10. Cette doctrine souligne qu’il n’est en
effet guère possible de déterminer a priori et de façon précise et immuable
toutes les matières qui appartiendraient au « domaine réservé » de l’État, et
que l’étendue de ce domaine se réduit nécessairement à mesure que le droit
international étend son champ d’application à des matières traditionnellement
regardées comme en faisant partie11.
11. Il n’y a là en réalité rien de neuf, la Cour permanente de Justice internationale
(CPJI) ayant déjà elle-même, dès 1923, affirmé, dans un obiter
célèbre, que « la question de savoir si une certaine matière entre ou n’entre
pas dans le domaine exclusif d’un État est essentiellement relative et dépend
du “développement des rapports internationaux” »12. C’est ainsi que, fort
heureusement, la pratique de l’Organisation des Nations Unies et de ses
États Membres a permis d’« extraire » de la compétence nationale exclusive
de ces États des questions d’intérêt collectif aussi majeures que celles touchant
au respect des droits de l’homme ou à la décolonisation.
8 Voir par exemple G. Guillaume, dans J.-P. Cot, A. Pellet et M. Forteau, La Charte des
Nations Unies, Commentaire article par article, 3e éd., Economica, 2005, p. 485 et suiv. Le
texte finalement adopté est le reflet de la volonté, exprimée sans ambiguïté, des quatre Puissances
invitantes.
9 Voir par exemple G. Arangio-Ruiz, « Le domaine réservé. L’organisation internationale et
le rapport entre droit international et droit interne », Recueil des cours de l’Académie de droit
international de La Haye (RCADI), vol. 225, 1990-VI, p. 29 et suiv.
10 Voir par exemple P. C. Ulimubenshi, L’exception du domaine réservé dans la procédure
de la Cour internationale, Université de Genève, IUHEI, thèse no 649, p. 35 et suiv.
11 Voir par exemple M. Forteau, A. Miron et A. Pellet, Droit international public, 9e éd.,
LGDJ, 2022, p. 686 et suiv.
12 Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, avis consultatif, 1923, C.P.J.I.
série B no 4, p. 24. Voir aussi Plateau continental de la mer Égée (Grèce c. Turquie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1978, p. 25, par. 59.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 679
9. One is struck by the relatively broad terms used to define the domaine
réservé of States in this provision, particularly when compared to those of
Article 15, paragraph 8, of the Covenant of the League of Nations: (1) they
now concern all organs of the United Nations, including the Court (and no
longer just the Council); (2) they cover all matters which are “essentially”
within the jurisdiction of the Members, and no longer only those “solely”
within their domestic jurisdiction; and (3) they no longer speak of the need
to refer to international law in order to determine which matters are subject
to that jurisdiction. The desire of the Charter’s drafters to enlarge the scope
of the “domestic jurisdiction” of Member States in the face of the powers of
the United Nations is very clearly discernible from the provision’s travaux
préparatoires8.
10. At the same time, it is well known that the notion of domaine réservé
has been the subject of increasingly restrictive interpretations since 1945,
particularly in legal writings9. Scholars today thus frequently cast doubt on
the theory of the “domaine réservé par nature”, according to which certain
matters remain under all circumstances and permanently outside the reach
of international law, owing to their close connection to the “very existence”
of the State10. They contend that it is not actually possible to determine a priori
and in a precise and definitive way all matters that would fall within the
domaine réservé of the State, and that the extent of this preserve necessarily
decreases as international law broadens its scope to encompass matters traditionally
regarded as forming a part of that domain11.
11. There is in fact nothing new in this, the Permanent Court of International
Justice (PCIJ) having itself already declared in a well-known obiter
of 1923 that “[t]he question whether a certain matter is or is not solely within
the jurisdiction of a State is an essentially relative question; it depends upon
‘the development of international relations’”12. This is how, fortunately, the
practice of the United Nations and its Member States has made it possible to
“remove” from the exclusive domestic jurisdiction of those States such
essential questions of collective interest as those concerning respect for
human rights and decolonization.
8 See e.g. G. Guillaume, in J.-P. Cot, A. Pellet and M. Forteau, La Charte des Nations Unies,
Commentaire article par article, 3rd ed., Economica, 2005, pp. 485 et seq. The text that was
ultimately adopted reflects the clearly expressed wish of the four host Powers.
9 See e.g. G. Arangio-Ruiz, “Le domaine réservé. L’organisation internationale et le rapport
entre droit international et droit interne”, Collected Courses of the Hague Academy of International
Law, Vol. 225, 1990-VI, pp. 29 et seq.
10 See e.g. P. C. Ulimubenshi, L’exception du domaine réservé dans la procédure de la Cour
internationale, University of Geneva, GIIS, Thesis No. 649, pp. 35 et seq.
11 See e.g. M. Forteau, A. Miron and A. Pellet, Droit international public, 9th ed., LGDJ,
2022, pp. 686 et seq.
12 Nationality Decrees Issued in Tunis and Morocco, Advisory Opinion, 1923, P.C.I.J.,
Series B, No. 4, p. 24. See also Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Judgment,
I.C.J. Reports 1978, p. 25, para. 59.
680 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
12. Cela étant, il est un autre obiter de la Cour permanente qui, mutatis
mutandis, garde aujourd’hui, au-delà de la référence aux termes spécifiques
du Pacte, sa valeur générale :
« Sans [la] réserve [de l’article 15, paragraphe 8 du Pacte], il serait possible
que les affaires intérieures d’un État, dès qu’elles paraissent toucher
aux intérêts d’un autre État, fussent portées devant le Conseil et fissent
l’objet de recommandations de la Société des Nations. Selon le paragraphe
8, l’intérêt de la Société de pouvoir recommander, en vue du
maintien de la paix, toutes solutions qu’elle considère comme les plus
équitables et les plus appropriées à l’espèce doit, à un point déterminé,
s’arrêter devant l’intérêt également primordial de chaque État de
conserver intacte son indépendance dans les affaires que le droit international
reconnaît comme étant de son domaine exclusif. »13
13. Le déroulement harmonieux des relations internationales suppose
ainsi un équilibre dynamique entre, d’une part, les impératifs de l’exercice,
par les organes de l’Organisation, de leurs fonctions statutaires et, de l’autre,
le nécessaire respect des compétences nationales de ses Membres.
14. Même s’il n’existe pas de domaine réservé « a priori » ou « par nature »,
et s’il est désormais établi que, nonobstant les termes du paragraphe 7 de
l’article 2 de la Charte, son étendue à un moment donné doit être déterminée
à l’aune du droit international, il est des matières que ce droit, bien qu’en
pleine expansion, laisse encore aujourd’hui, en principe, à la compétence
nationale des États.
15. Ainsi, la CPJI avait, en 1923, estimé que « les questions de nationalité
[étaie]nt, en principe … comprises dans ce domaine réservé »14. La présente
Cour l’a confirmé dans son fameux arrêt Nottebohm de 195515, sur lequel
j’aurai à revenir brièvement plus tard, et, récemment encore, dans son arrêt
de 2021 sur les exceptions préliminaires en l’affaire de l’Application de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Qatar c. Émirats arabes unis)16.
16. Il n’est pas davantage contesté aujourd’hui que l’aménagement et
l’exercice des pouvoirs constitutionnels d’un État appartiennent en principe,
comme tels, à son « domaine réservé »17.
17. Seule la soumission, d’une manière ou d’une autre, de matières de
compétence nationale à une règle de droit international, conventionnelle ou
générale, est susceptible d’« extraire » ces matières, ou certains de leurs
aspects, du « domaine réservé » de l’État. Comme l’a, une fois encore, expliqué
la CPJI dans son avis de 1923,
13 Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, avis consultatif, 1923, C.P.J.I.
série B no 4, p. 25. Les italiques sont de moi.
14 Ibid., p. 24.
15 Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1955, p. 20.
16 Exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 98, par. 81.
17 Voir par exemple Dictionnaire de droit international public, J. Salmon (dir. publ.),
Bruylant, 2001, p. 356.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 680
12. There is, however, another obiter of the Permanent Court which, mutatis
mutandis, beyond the reference to the specific terms of the Covenant,
remains generally valid today:
“[w]ithout th[e] reservation [in Article 15, paragraph 8, of the Covenant],
the internal affairs of a country might, directly they appeared to affect
the interests of another country, be brought before the Council and form
the subject of recommendations by the League of Nations. Under the
terms of paragraph 8, the League’s interest in being able to make such
recommendations as are deemed just and proper in the circumstances
with a view to the maintenance of peace must, at a given point, give way
to the equally essential interest of the individual State to maintain intact
its independence in matters which international law recognises to be
solely within its jurisdiction.”13
13. The smooth conduct of international relations thus entails a dynamic
balance between the demands on the organs of the United Nations to exercise
their statutory functions, on the one hand, and the need to respect the
national jurisdictions of its Members, on the other.
14. Even if there is no domaine réservé “a priori” or “par nature”, and
even though it is now established that, notwithstanding the terms of Article
2, paragraph 7, of the Charter, the scope of this domain at a given moment
is to be determined in the light of international law, there are matters that
this law, although expanding, still in principle leaves to the national jurisdiction
of States.
15. Thus in 1923, the PCIJ found that “questions of nationality [were] . . .
in principle within this reserved domain”14. The present Court confirmed
this in its celebrated 1955 Nottebohm Judgment15, to which I shall briefly
return later, and more recently in its 2021 Judgment on the preliminary
objections in the case concerning the Application of the International Convention
on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Qatar v.
United Arab Emirates)16.
16. Nor is it disputed today that the development and exercise of a State’s
constitutional powers as such fall, in principle, within its domaine réservé17.
17. It is only when matters of national jurisdiction are in some way subject
to a rule of international law, be it conventional or general, that they, or certain
aspects of them, can be “removed” from the domaine réservé of the
State. As the PCIJ again explained in its 1923 Opinion,
13 Nationality Decrees Issued in Tunis and Morocco, Advisory Opinion, 1923, P.C.I.J.,
Series B, No. 4, p. 25 (emphasis added).
14 Ibid., p. 24.
15 Nottebohm (Liechtenstein v. Guatemala), Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1955, p. 20.
16 Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2021, p. 98, para. 81.
17 See e.g. Dictionnaire de droit international public, J. Salmon (ed.), Bruylant, 2001, p. 356.
681 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
« il se peut très bien que, dans une matière qui, comme celle de la nationalité,
n’est pas, en principe, réglée par le droit international, la liberté
de l’État de disposer à son gré soit néanmoins restreinte par des engagements
qu’il aurait pris envers d’autres États »18.
De la même manière, comme la CPJI l’a reconnu, notamment, dans son avis
consultatif de 1932 sur le Traitement des nationaux polonais à Dantzig, si la
constitution et les lois d’un État n’entrent en principe pas « dans le domaine
des rapports internationaux » et sont « affaire d’ordre interne »19, il peut arriver
que la compétence exclusive qui s’y attache soit exercée en violation
d’engagements internationaux de cet État : la matière concernée « sort » alors
du « domaine réservé » dudit État20.
B. La Cour et le droit interne des États
18. Cela explique que la Cour soit assez fréquemment appelée à se pencher
sur le droit interne des États. En effet, l’appréciation de la licéité de la conduite
d’un État au regard de l’ensemble des règles du droit international exige
communément que la Cour procède à un examen d’actes de droit interne de
ses pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Les exemples en sont aussi nombreux
que variés dans la jurisprudence des deux Cours. Ainsi, s’agissant de
la CPJI, on peut citer les diverses affaires dans lesquelles elle fut amenée à
examiner la conformité du droit interne — au sens large — d’un État aux traités
de paix ou à des instruments connexes (voir par exemple l’affaire de
Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise21) et, pour ce qui est
de la CIJ, celles dans lesquelles elle a dû se pencher sur la conformité du
droit interne d’un État aux normes internationales régissant notamment les
immunités (voir par exemple les affaires du Mandat d’arrêt22, des Immunités
18 Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, avis consultatif, 1923,
C.P.J.I. Série B no 4, p. 24.
19 Traitement des nationaux polonais et des autres personnes d’origine ou de langue polonaise
dans le territoire de Dantzig, avis consultatif, 1932, C.P.J.I. série A/B no 44, p. 25. Voir
aussi les commentaires de G. Arangio-Ruiz, « Le domaine réservé. L’organisation internationale
et le rapport entre droit international et droit interne », RCADI, 1990, p. 210 et suiv.
20 Traitement des nationaux polonais et des autres personnes d’origine ou de langue polonaise
dans le territoire de Dantzig, avis consultatif, 1932, C.P.J.I. série A/B no 44, p. 23 et
suiv. ; cf. Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 131, par. 258. Voir aussi, par
exemple, P. C. Ulimubenshi, L’exception du domaine réservé dans la procédure de la Cour
internationale, Université de Genève, IUHEI, thèse no 649, p. 59-60.
21 Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, fond, arrêt no 7, 1926, C.P.J.I.
série A no 7, p. 12, 24, 34 et 81. Voir aussi Colons allemands en Pologne, avis consultatif, 1923,
C.P.J.I. Série B no 6, p. 29, 36-37 et 43.
22 Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 29-30, par. 70-71, et p. 32, par. 76.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 681
“it may well happen that, in a matter which, like that of nationality, is
not, in principle, regulated by international law, the right of a State to
use its discretion is nevertheless restricted by obligations which it may
have undertaken towards other States”18.
Likewise, as the PCIJ recognized in particular in its 1932 Advisory Opinion
on the Treatment of Polish Nationals in the Danzig Territory, while the constitution
and laws of a State do not in principle fall “within the domain of . . .
international relations” and are “matters of domestic concern”19, the exercise
of the exclusive jurisdiction involved can result in the breaching of that
State’s international obligations: the matter in question thus “leaves” the
domaine réservé of the said State20.
B. The Court and the Domestic Law of States
18. This is why the Court is quite often called upon to consider the
domestic law of States. Indeed, assessing the lawfulness of a State’s
conduct under all the rules of international law frequently requires the
Court to examine acts of a State’s legislative, executive and judicial powers
under its domestic law. The examples in the jurisprudence of both courts
are as numerous as they are diverse. For instance, one can cite the various
cases of the PCIJ in which it was required to examine whether a State’s
domestic law — in the broad sense — was in compliance with
peace treaties or related instruments (see for example the case concerning
Certain German Interests in Polish Upper Silesia21), and those of the
ICJ in which the Court had to consider the conformity of a State’s domestic
law with international norms governing, among other things, immunities
(see for example the Arrest Warrant22, Jurisdictional Immunities of the
18 Nationality Decrees Issued in Tunis and Morocco, Advisory Opinion, 1923, P.C.I.J.,
Series B, No. 4, p. 24.
19 Treatment of Polish Nationals and Other Persons of Polish Origin or Speech in the
Danzig Territory, Advisory Opinion, 1932, P.C.I.J., Series A/B, No. 44, p. 25. See also the
observations of G. Arangio-Ruiz, “Le domaine réservé. L’organisation internationale et le
rapport entre droit international et droit interne”, Collected Courses of the Hague Academy of
International Law, Vol. 225, 1990-VI, pp. 210 et seq.
20 Treatment of Polish Nationals and Other Persons of Polish Origin or Speech in the
Danzig Territory, Advisory Opinion, 1932, P.C.I.J., Series A/B, No. 44, pp. 23 et seq.; cf. Military
and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 131, para. 258. See also e.g. P. C. Ulimubenshi,
L’exception du domaine réservé dans la procédure de la Cour internationale, University of
Geneva, GISS, Thesis No. 649, pp. 59-60.
21 Certain German Interests in Polish Upper Silesia, Merits, Judgment No. 7, 1926, P.C.I.J.,
Series A, No. 7, pp. 12, 24, 34 and 81; also German Settlers in Poland, Advisory Opinion,
1923, P.C.I.J., Series B, No. 6, pp. 29, 36-37 and 43.
22 Arrest Warrant of 11 April 2000 (Democratic Republic of the Congo v. Belgium), Judgment,
I.C.J. Reports 2002, pp. 29-30, paras. 70-71 and p. 32, para. 76.
682 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
juridictionnelles de l’État23 ou Cumaraswamy24), les droits consulaires (voir
par exemple les affaires LaGrand25 et Avena26) ou encore le droit de la mer
(voir par exemple les affaires des Pêcheries27, de la Compétence en matière
de Pêcheries28 ou encore, plus récemment, des Violations alléguées de droits
souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes29).
19. Toutefois, comme il ressort de ces affaires, lorsque est en cause devant
la Cour le comportement d’un État, ce sont normalement ses actes concrets,
le plus souvent commis en vertu de sa législation interne (générale ou d’application),
ainsi que les effets de ces actes, qui font l’objet de la recherche de
conformité au droit international, plutôt que cette législation elle-même.
Cela se comprend, puisque aussi bien — et j’aurai l’occasion de revenir sur
ce point — « [g]énéralement … la violation du droit international ne résultera
pas de la simple contrariété de la loi avec une obligation de l’État, mais
de l’application effective de celle-ci »30.
20. J’ajouterai que, au contentieux, les arrêts purement déclaratoires sont
en tout état de cause l’exception, même si la Cour permanente comme celle
de céans en ont accepté le principe31.
23 Immunités juridictionnelles de l’État (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 153-154, par. 137.
24 Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission
des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 87-88, par. 62-65.
25 LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 497-498,
par. 90-91.
26 Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 56-57, par. 111-114, et p. 63, par. 133-134.
27 Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 125, 127, 129 et 132 et
suiv.
28 Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1974, p. 6-7, par. 11, et Compétence en matière de pêcheries (République fédérale
d’Allemagne c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 178-179, par. 12. Sur la législation
islandaise en cause, voir ibid., p. 10 et suiv., par. 19 et suiv., et p. 182 et suiv., par. 20 et suiv.
29 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 338, par. 187, p. 340, par. 194, p. 359,
par. 243, et p. 365, par. 260.
30 M. Forteau, A. Miron et A. Pellet, Droit international public, 9e éd., LGDJ, 2022, p. 1098.
31 On se souviendra que la CPJI, se référant notamment à l’article 14 du Pacte de la Société
des Nations ainsi qu’aux articles 36, paragraphe 2, et 63 du Statut de la Cour, a, dans l’affaire
de Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, expressément reconnu, dans les
termes suivants, qu’elle pouvait rendre des arrêts purement déclaratoires : « On ne voit pas
pourquoi les États ne pourraient pas demander à la Cour de donner une interprétation abstraite
d’une convention ; il semble plutôt que c’est une des fonctions les plus importantes qu’elle peut
remplir. » (Fond, arrêt no 7, 1926, C.P.J.I. série A no 7, p. 18-19.) Et de fait, la Cour a estimé
qu’en l’espèce elle avait en premier lieu à « rechercher si, d’une manière générale, les articles 2
et 5 de la loi [polonaise] du 14 juillet 1920 [étaie]nt ou non compatibles avec les articles 6 à 22
de la Convention de Genève [sur la Haute-Silésie polonaise] » (ibid., p. 20 ; les italiques sont de
moi). Mais en même temps, la Cour a été appelée à se prononcer, plus concrètement, « sur la
question de savoir si, en appliquant ladite loi, la Pologne agi[ssai]t ou non en conformité avec
les obligations que la Convention de Genève lui impose envers l’Allemagne » (ibid., p. 19 ; les
italiques sont de moi). Cf. Interprétation des arrêts nos 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt no 11,
1927, C.P.J.I. série A no 13, p. 20. Voir aussi affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 682
State23 and Cumaraswamy24 c ases), c onsular r ights ( see f or e xample t he
LaGrand 25 and Avena26 cases) and even the law of the sea (see for example
the Fisheries27 and Fisheries Jurisdiction28 cases or, more recently, the case
concerning Alleged Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces in
the Caribbean Sea29).
19. However, as is clear from these cases, when a State’s conduct is at issue
before the Court, it is typically its specific acts, usually committed by virtue
of its domestic legislation (general or implementing), as well as the effects of
those acts, which are the subject of the examination of compliance with
international law, rather than the legislation itself. This is understandable,
since it is equally typical — and I shall return to this point — that “the violation
of international law will result not from a simple conflict between the
law and an obligation of the State, but from the effective implementation of
that law”30.
20. I would add that in contentious proceedings, purely declaratory judgments
are in any event exceptional, even though both the Permanent Court
and this Court have accepted them in principle31.
23 Jurisdictional Immunities of the State (Germany v. Italy: Greece intervening), Judgment,
I.C.J. Reports 2012 (I), pp. 153-154, para. 137.
24 Difference relating to Immunity from Legal Process of a Special Rapporteur of the
Commission on Human Rights, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1999 (I), pp. 87-88, paras. 62-65.
25 LaGrand (Germany v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001,
pp. 497-498, paras. 90-91.
26 Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of America), Judgment,
I.C.J. Reports 2004 (I), pp. 56-57, paras. 111-114 and p. 63, paras. 133-134.
27 Fisheries (United Kingdom v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1951, pp. 125, 127, 129
and 132 et seq.
28 Fisheries Jurisdiction (United Kingdom v. Iceland), Merits, Judgments, I.C.J. Reports
1974, pp. 6-7, para. 11, and Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1974, pp. 178-179, para. 12. On the Icelandic legislation at
issue, see ibid., pp. 10 et seq., paras. 19 et seq., and pp. 182 et seq., paras. 20 et seq.
29 Alleged Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2022 (I), p. 338, para. 187, p. 340, para. 194,
p. 359, para. 243 and p. 365, para. 260.
30 M. Forteau, A. Miron and A. Pellet, Droit international public, 9th ed., LGDJ, 2022,
p. 1098.
31 It will be recalled that, referring in particular to Article 14 of the Covenant of the League
of Nations and to Article 36, paragraph 2, and Article 63 of the Statute of the Court, the PCIJ
expressly recognized in the case concerning Certain German Interests in Polish Upper Silesia
that it could render purely declaratory judgments, using the following terms: “There seems to
be no reason why States should not be able to ask the Court to give an abstract interpretation
of a treaty; rather would it appear that this is one of the most important functions which it can
fulfil.” (Merits, Judgment No. 7, 1926, P.C.I.J., Series A, No. 7, pp. 18-19.) And in fact the Court
considered that in that case it had in the first place to “ascertain[] whether, generally speaking,
Articles 2 and 5 of the [Polish] law of July 14th, 1920, [we]re or [we]re not compatible with
Articles 6 to 22 of the Geneva Convention [relating to Polish Upper Silesia]” (ibid., p. 20;
emphasis added). But at the same time, the Court was called upon to rule, more concretely, “on
the question whether or not, in applying that law, Poland [wa]s acting in conformity with its
obligations towards Germany under the Geneva Convention” (ibid., p. 19; emphasis added).
Cf. Interpretation of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), Judgment No. 11, 1927,
P.C.I.J., Series A, No. 13, p. 20. See also Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom),
683 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
21. Au demeurant, il n’est pas inutile de rappeler que, dans les cas où la
Cour a conclu qu’un instrument de droit interne était immédiatement à l’origine
d’une situation non conforme au droit international, elle a parfois
prescrit l’adoption de mesures à portée directe ou indirecte concernant cet
instrument ou, le plus souvent, son application, mais en veillant toujours
très prudemment à ne pas interférer avec le « domaine réservé » de l’État
intéressé. La Cour met ainsi typiquement, dans ces cas, une obligation de
résultat à charge de la partie intéressée, mais lui laisse expressément le libre
choix des moyens auxquels recourir à cet effet32.
22. A fortiori la Cour s’est-elle toujours gardée d’interférer, même à titre
conservatoire, avec l’adoption d’une législation nationale comme telle ou la
détermination de sa teneur, pour problématique qu’elle pût potentiellement
être au regard du droit international, n’intervenant que lorsque des mesures
d’application précises de ladite législation présentaient le risque réel d’affecter
concrètement, ou affectaient déjà, les droits de tiers dans la « sphère
externe ».
23. L’autonomie respective de l’ordre juridique international et des ordres
juridiques internes a, de la même manière, toujours empêché la Cour ellemême
de déclarer invalide un instrument de droit interne litigieux33.
Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 37 ; Application de l’accord
intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce),
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 662, par. 49.
32 Dans les affaires précitées du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique
du Congo c. Belgique) (arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 33, par. 78), ainsi que d’Avena et autres
ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d’Amérique) (arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I),
p. 73, par. 153), la Cour a, respectivement, ordonné à la Belgique de mettre à néant le mandat
litigieux « par les moyens de son choix » et aux États-Unis de permettre le réexamen et la
révision du verdict de culpabilité et de la peine prononcés à l’égard des personnes concernées
« en mettant en oeuvre les moyens de leur choix » (cf. LaGrand (Allemagne c. États-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 516, par. 128 ; Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt,
C.I.J. Recueil 2019 (II), p. 460, par. 149). Cf. Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un
rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil
1999, p. 90, par. 67. Voir aussi l’affaire des Violations alléguées de droits souverains et
d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil
2022 (I), p. 338, par. 187, et p. 367, par. 261, point 6. Comparer la très grande prudence observée
par la Cour, dans l’affaire de Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran
c. États-Unis d’Amérique), au moment de rechercher si les sociétés iraniennes intéressées
avaient épuisé les voies de recours internes aux États-Unis. Ayant conclu que lesdites sociétés
« n’avaient aucune possibilité raisonnable de faire valoir leurs droits avec succès dans les
procédures judiciaires américaines », elle s’est empressée d’ajouter ce qui suit :
« La Cour ne porte, par le constat qui précède, aucun jugement sur la qualité du système
judiciaire américain, ni sur la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le
pouvoir judiciaire, en droit américain, en ce qui concerne l’exécution des obligations
internationales dans l’ordre … interne. » (Arrêt, C.I.J. Recueil 2023 (I), p. 85, par. 72.)
33 Cf. par exemple Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 60, par. 123 ; Jadhav (Inde c. Pakistan), C.I.J.
Recueil 2019 (II), p. 455, par. 136. Toutefois, dans l’affaire du Statut juridique du Groënland
oriental, la CPJI, reprenant les termes de la conclusion danoise correspondante a, dans le
dispositif de son arrêt du 5 avril 1933, « décid[é] que la déclaration d’occupation promulguée
par le Gouvernement norvégien en date du 10 juillet 1931, ainsi que toutes mesures prises à cet
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 683
21. Furthermore, it is worth recalling that in cases where the Court has
found that an instrument of domestic law was the immediate cause of a
situation in breach of international law, it has sometimes ordered the adoption
of measures having a direct or indirect effect on that instrument or, most
often, its implementation, but has always taken great care not to interfere
with the domaine réservé of the State concerned. In such cases, the Court
thus typically imposes an obligation of result on the interested party, but
expressly allows it the freedom to choose the means by which it achieves that
end32.
22. A fortiori, the Court has always taken care not to interfere, even on a
provisional basis, with the adoption of national legislation as such or with
the determination of its content, however problematic it may have the potential
to be in international law, intervening only when specific measures
implementing the legislation were truly likely to have, or had already had,
tangible effects on the rights of third parties in the “external sphere”.
23. The respective autonomy of the international legal order and of domestic
legal orders has, similarly, always prevented the Court itself from
declaring invalid a contentious instrument of domestic law33.
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963, p. 37; Application of the Interim
Accord of 13 September 1995 (the former Yugoslav Republic of Macedonia v. Greece), Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (II), p. 662, para. 49.
32 In the above-mentioned cases of the Arrest Warrant of 11 April 2000 (Democratic Republic
of the Congo v. Belgium) (Judgment, I.C.J. Reports 2002, p. 33, para. 78) and Avena and
Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of America) (Judgment, I.C.J. Reports
2004 (I), p. 73, para. 153), the Court ordered, respectively, Belgium to cancel the contested
warrant “by means of its own choosing” and the United States to provide review and reconsideration
of the conviction and sentence handed down to the individuals concerned “by means
of its own choosing” (cf. LaGrand (Germany v. United States of America), Judgment, I.C.J.
Reports 2001, p. 516, para. 128; Jadhav (India v. Pakistan), Judgment, I.C.J. Reports 2019 (II),
p. 460, para. 149). Cf. Difference relating to Immunity from Legal Process of a Special
Rapporteur of the Commission on Human Rights, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1999 (I),
p. 90, para. 67. See also the case concerning Alleged Violations of Sovereign Rights and
Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports
2022 (I), p. 338, para. 187 and p. 367, para. 261 (6). Compare the extreme caution shown by the
Court in the case concerning Certain Iranian Assets (Islamic Republic of Iran v. United States
of America) in ascertaining whether the Iranian companies concerned had exhausted all local
remedies in the United States. Having concluded that the companies in question “had no reasonable
possibility of successfully asserting their rights in United States court proceedings”,
the Court was quick to add the following:
“The Court is not, by the above finding, making any judgment upon the judicial system
of the United States, or on the distribution of powers between the legislative and judicial
branches under United States law as regards the fulfilment of international obligations
within the domestic legal system.” (Judgment, I.C.J. Reports 2023 (I), p. 85, para. 72.)
33 Cf. e.g. Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of America), Judgment,
I.C.J. Reports 2004 (I), p. 60, para. 123; Jadhav (India v. Pakistan), Judgment,
I.C.J. Reports 2019 (II), p. 455, para. 136. However, in the operative part of its Judgment of
5 April 1933 in the case concerning the Legal Status of Eastern Greenland, the PCIJ, reproducing
the terms of the corresponding submission of Denmark, “decide[d] that the declaration
of occupation promulgated by the Norwegian Government on July 10th, 1931, and any steps
684 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
C. Législation interne et licéité internationale
24. Il échet par ailleurs de ne pas perdre de vue que, d’une manière plus
générale, il n’est pas considéré en droit international que la seule adoption,
par un État, d’une législation dépourvue d’applicabilité directe, dont le
contenu matériel serait susceptible, a priori, d’induire une situation non
conforme à ce droit, puisse constituer comme telle et à elle seule un acte
internationalement illicite, sauf bien entendu dans le cas particulier où l’État
en question aurait contracté un engagement international spécifique de ne
pas adopter une telle législation.
25. En d’autres termes, l’« effet potentiel » d’une législation contestable au
regard du droit international se situe en deçà du « seuil d’illicéité », lequel
n’est susceptible d’être franchi que du fait de la concrétisation de la portée de
cette législation par les organes de l’État chargés d’en assurer le respect34.
26. Ainsi, l’adoption d’une législation susceptible de préfigurer ou d’induire
un acte illicite international est tout au plus comparable à un « acte
préparatoire », lui-même dépourvu d’illicéité, comme la Cour, dans l’affaire
du Projet Gabčíkovo-Nagymaros, a qualifié les mesures prises et les travaux
effectués par la Slovaquie sur son territoire, avant le blocage du cours original
du Danube, dans le cadre de la mise en place de la « variante C ». La
Cour a justifié cette conclusion, bien établie selon elle en droit international,
en soulignant que l’auteur des actes préparatoires gardait en effet toute
liberté de ne pas leur donner effet35.
27. Ce n’est pas en vain que l’on citera ici certains passages des travaux de
la Commission du droit international auxquels la Cour s’est référée dans ce
contexte et qui apparaissent particulièrement pertinents dans notre affaire.
Ainsi, selon la Commission, « un acte législatif dont les dispositions seraient
de nature à ouvrir la voie à la commission par l’État d’un fait illicite peut en
fait ne pas aboutir à ce résultat, parce qu’il n’a pas été suivi des mesures
administratives ou judiciaires “ordonnées par le législateur” »36.
égard par ce même Gouvernement, constitu[ai]ent une infraction à l’état juridique existant, et,
par conséquent, [étaie]nt illégales et non valables » (arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B no 53, p. 75).
Le libellé de cette clause est quelque peu ambigu et les motifs de l’arrêt ne permettent pas de
saisir la portée exacte que la Cour a entendu lui conférer. Une telle déclaration, comme la
fameuse déclaration Ihlen de 1919, qui a servi de fondement à la décision de la Cour, a constitué
un acte unilatéral qui, par définition, trouve sa source dans le droit interne mais est destiné
à produire des effets en droit international. Ces actes se situent aux « confins » des deux ordres
juridiques. Dans ces conditions, il y a lieu de supposer que la Cour n’a pas prétendu dénier
toute validité à la résolution royale du 10 juillet 1931 (ibid., p. 43) et à ses mesures d’application
dans le droit interne norvégien, mais a plutôt voulu indiquer que la publication de ladite résolution
et sa transmission par note verbale au Gouvernement danois avaient été dépourvues de
tout effet dans l’ordre juridique international et que les actes d’occupation qui s’en étaient
suivis étaient illicites au regard du même ordre juridique.
34 Cf. M. Forteau, A. Miron et A. Pellet, Droit international public, 9e éd., LGDJ, 2022,
p. 1098.
35 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 54, par. 79.
36 Annuaire de la Commission du droit international, 1993, vol. II, deuxième partie, p. 59, par. 14.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 684
C. Domestic Legislation and International Lawfulness
24. It is also important not to lose sight of the fact that, more generally, in
terms of international law, the mere adoption by a State of legislation that
is not directly applicable, whose substance could a priori give rise to a
situation in breach of that law, cannot constitute as such and in and of itself
an internationally wrongful act, except of course in the particular event that
the State in question is said to have made a specific international commitment
not to adopt such legislation.
25. In other words, the “potential effect” of legislation contestable under
international law sits below the “unlawfulness threshold”, which can be
crossed only when the State organs responsible for ensuring that such legislation
is respected give concrete expression to its scope34.
26. Hence, the adoption of legislation that is likely to foreshadow or give
rise to an internationally wrongful act is at most comparable to a “preparatory
action”, itself not wrongful, as the Court, in the case concerning the
Gabčíkovo-Nagymaros Project, characterized the measures taken and works
carried out by Slovakia on its own territory in implementing “Variant C”,
prior to cutting off the original flow of the Danube. The Court justified this
finding, which it considered to be well established in international law, by
observing that the State performing the preparatory actions was entirely free
not to give effect to them35.
27. It is worth citing here some passages from the work of the International
Law Commission to which the Court referred in that context and which
appear particularly relevant in the present case. Thus, according to the Commission,
“a legislative act whose provisions might open the way to the
commission by a State of a wrongful act may not actually lead to such a
result because it is not followed by the administrative or judicial action
‘ordered by the legislator’”36.
taken in this respect by that Government, constitute[d] a violation of the existing legal situation
and [we]re accordingly unlawful and invalid” (Judgment, 1933, P.C.I.J., Series A/B,
No. 53, p. 75). The wording of this clause is somewhat ambiguous and it is not possible to
discern from the Judgment’s reasoning the exact scope that the Court intended to confer on it.
Such a declaration, like the well-known Ihlen declaration of 1919, which served as the basis of
the Court’s decision, was a unilateral act which, by definition, originates in domestic law but
is intended to produce effects in international law. These acts lie on the “outermost bounds” of
the two legal orders. In these circumstances, it can be assumed that the Court did not intend to
deprive of all validity the royal resolution of 10 July 1931 (ibid., p. 43) or the measures implementing
it in Norwegian domestic law, but rather wished to state that the publication of that
resolution and its transmission by Note Verbale to the Danish Government had been deprived
of all effect in the international legal order and that the acts of occupation that had followed
were unlawful under that same legal order.
34 Cf. M. Forteau, A. Miron and A. Pellet, Droit international public, 9th ed., LGDJ, 2022,
p. 1098.
35 Gabčíkovo-Nagymaros Project (Hungary/Slovakia), Judgment, I.C.J. Reports 1997, p. 54,
para. 79.
36 Yearbook of the International Law Commission, 1993, Vol. II, Part Two, p. 57, para. 14.
685 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
Et la Commission d’ajouter :
« De fait, un État qui est confronté de la part d’un autre État à un comportement
qui paraît constituer manifestement la phase initiale d’une
démarche, d’une action ou d’une omission de nature à conduire à un fait
illicite peut, avec toutes les précautions nécessaires, prendre les mesures
appropriées en l’occurrence, tout en respectant le principe de la noningérence
dans les affaires intérieures de l’autre partie, et proposer
amicalement à l’État en question de modifier son comportement de
manière à éviter d’encourir une responsabilité. »37
28. Un acte législatif de cette nature n’est en conséquence pas, comme tel,
« sorti » du « domaine réservé » de l’État concerné. Cela ne signifie à l’évidence
pas pour autant qu’il ne puisse donner lieu à la survenance d’un
fait illicite dans des délais assez brefs. Tout est question d’espèce et de
circonstances.
D. Le référendum annoncé par le Venezuela
29. En l’occurrence, le référendum que le Venezuela a prévu de tenir le
3 décembre prochain a été convoqué par accord de l’Assemblée nationale
sur le fondement de l’article 71 de la Constitution vénézuélienne38 ; or, selon
les termes mêmes de cette disposition, un tel référendum, contrairement à
d’autres organisés par la même Constitution, est de nature seulement « consultative
»39. Le caractère non contraignant des réponses données aux questions
posées dans ce cadre paraît bien établi dans la doctrine constitutionnelle40
37 Ibid., p. 60.
38 Voir l’arrêt no 1469 de la Chambre constitutionnelle du Tribunal suprême de justice du
Venezuela en date du 31 octobre 2023, affaire no 23-1081, partie III.
39 Le premier alinéa de l’article 71 dispose :
« Las materias de especial trascendencia nacional podrán ser sometidas a referendo
consultivo por iniciativa del Presidente o Presidenta de la República en Consejo de Ministros;
por acuerdo de la Asamblea Nacional, aprobado por el voto de la mayoría de sus
integrantes; o a solicitud de un numero no menor del diez por ciento de los electores y
electoras inscritos en el Registro Civil y Electoral. » (« Les questions d’importance nationale
particulière peuvent être soumises au référendum consultatif à l’initiative du
président de la République en Conseil des ministres ; par accord de l’Assemblée nationale,
approuvé par le vote de la majorité de ses membres ; ou à la demande d’au moins dix pour
cent des électeurs inscrits au registre civil et électoral. » [Ma traduction.])
40 Voir par exemple L. Salamanca, « La Constitución venezolana de 1999: de la representación
a la hiper-participación ciudadana », Revista de derecho público, 2000, vol. 82, p. 98 ;
H. Rondón de Sansó, « El referendo en la Constitución venezolana de 1999 », dans R. Duque
Corredor et Jesús María Casal (dir. publ.), Estudios de Derecho Público, vol. II, Caracas,
Universidad Católica Andrés Bello, 2004, II-7 ; Contra, C. G. Pellegrino Pacera, « Una introducción
al estudio del referendo como mecanismo de participación ciudadana en la
Constitución de 1999 », dans A. Arismendi A. et J. Caballero Ortiz (dir. publ.), El derecho
público a comienzos del siglo XXI — Estudios en homenaje al Profesor Allan R. Brewer
Carías, vol. I, Madrid, Civitas, 2003, p. 460.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 685
And the Commission adds:
“Indeed, in the presence of conduct of another State which manifestly
appears to constitute the initial phase of a course of action (or omission)
likely to lead to a wrongful act, the State could, with all the necessary
precautions, take the appropriate steps, with due respect for the principle
of non-intervention in the other party’s domestic affairs, to suggest in an
amicable manner an adjustment of the former State’s conduct which
might avert liability.”37
28. Consequently, a legislative act of this nature has not, as such, “left” the
domaine réservé of the State concerned. However, this does not mean, of
course, that it is not capable of giving rise to a wrongful act in the near
future. It depends on the act in question and the circumstances.
D. The Referendum Announced by Venezuela
29. In this case, the referendum that Venezuela plans to hold on 3 December
2023 has been convened by approval of the National Assembly on the
basis of Article 71 of the Venezuelan Constitution38; and under the very
terms of that provision, such a referendum, unlike others organized via the
same Constitution, is of a purely “consultative” nature39. The non-binding
nature of the responses given to the questions posed in this context appears
to be well established in the constitutional doctrine40 and, more clearly still,
37 Ibid., p. 58.
38 See Judgment No. 1469 of the Constitutional Chamber of the Supreme Court of Justice
of Venezuela, 31 October 2023, case No. 23-1081, Part III.
39 The first part of Article 71 provides:
“Las materias de especial trascendencia nacional podrán ser sometidas a referendo
consultivo por iniciativa del Presidente o Presidenta de la República en Consejo de Ministros;
por acuerdo de la Asamblea Nacional, aprobado por el voto de la mayoría de sus
integrantes; o a solicitud de un numero no menor del diez por ciento de los electores y electoras
inscritos en el Registro Civil y Electoral.” (“Matters of special national transcendence
may be referred to a consultative referendum, on the initiative of the President of the Republic,
taken at a meeting of the Cabinet; by resolution of the National Assembly, passed by a
majority vote; or at the request of a number of voters constituting at least 10 per cent of all
voters registered on the national, civil and electoral registry.” [English translation available
at: https://www.constituteproject.org/constitution/Venezuela_2009.])
40 See e.g. L. Salamanca, “La Constitución venezolana de 1999: de la representación a la
hiper-participación ciudadana”, Revista de derecho público, 2000, Vol. 82, p. 98; H. Rondón
de Sansó, “El referendo en la Constitución venezolana de 1999”, in R. Duque Corredor and
Jesús María Casal (eds.), Estudios de Derecho Público, Vol. II, Caracas, Universidad Católica
Andrés Bello, 2004, II-7; Contra, C. G. Pellegrino Pacera, “Una introducción al estudio del
referendo como mecanismo de participación ciudadana en la Constitución de 1999”, in
A. Arismendi A. and J. Caballero Ortiz (eds.), El derecho público a comienzos del siglo XXI —
Estudios en homenaje al Profesor Allan R. Brewer Carías, Vol. I, Madrid, Civitas, 2003,
p. 460.
686 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
et, plus clairement encore, dans la jurisprudence récente du Tribunal suprême
de justice du Venezuela, dont la Chambre constitutionnelle, dans un arrêt du
22 janvier 2003, a notamment expliqué en ces termes la portée d’une telle
« consultation » :
« [E]l resultado del referéndum consultivo previsto en el artículo 71 de
la Constitución de la República Bolivariana de Venezuela no tiene
carácter vinculante en términos jurídicos, respecto de las autoridades
legítima y legalmente constituidas, por ser éste un mecanismo de democracia
participativa cuya finalidad no es la toma de decisiones por parte
del electorado en materias de especial trascendencia nacional, sino su
participación en el dictamen destinado a quienes han de decidir lo relacionado
con tales materias. » (« [L]e résultat du référendum consultatif
prévu à l’article 71 de la Constitution de la République bolivarienne du
Venezuela ne lie pas juridiquement les autorités légitimes et légalement
constituées, car il s’agit d’un mécanisme de démocratie participative
dont l’objet n’est pas la prise de décisions par les électeurs sur des questions
d’une importance nationale particulière, mais leur participation à
l’avis donné à ceux qui sont appelés à décider de ces questions. » [Ma
traduction.])41
La même Chambre s’est exprimée en termes similaires dans son arrêt
du 31 octobre 2023 sur la constitutionnalité du référendum projeté et des
questions à poser dans ce cadre42. Les effets non contraignants de ce référendum
ont été confirmés à l’audience43. Il s’en évince que, même s’il a été
affirmé que « l’État vénézuélien ne tournera[it] pas le dos à ce que le peuple
décidera[it] lors du référendum »44, le Gouvernement vénézuélien demeurera
41 Tribunal suprême de justice, Chambre constitutionnelle, arrêt no 23 du 22 janvier 2003,
Exp. N. 03-0017, partie V (les italiques sont de moi).
42 « En consecuencia, con fundamento en los razonamientos precedentes, esta Sala
considera necesario reiterar que el resultado del referéndum consultivo previsto en el
artículo 71 de la Constitución de la República Bolivariana de Venezuela representa un
mecanismo de democracia participativa cuya finalidad no es la toma de decisiones por
parte del electorado en materias de especial trascendencia nacional, sino su participación
en el dictamen destinado a quienes han de decidir lo relacionado con tales materias
toda vez que el resultado del referendo consultivo supone un mandato constitucional a
través del ejercicio directo de la voluntad popular. » (Tribunal suprême de justice,
Chambre constitutionnelle, arrêt no 1469 du 31 octobre 2023, Exp. N. 23-1081, partie III.)
(Les italiques sont de moi.)
(« Par conséquent, sur la base du raisonnement qui précède, la présente Chambre
estime nécessaire de réaffirmer que le résultat du référendum consultatif prévu à l’article
71 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela représente un
mécanisme de démocratie participative dont l’objet n’est pas la prise de décisions par les
électeurs sur des questions d’une importance nationale particulière, mais leur participation
à l’avis donné à ceux qui doivent décider de ces questions, étant donné que le résultat
du référendum consultatif implique un mandat constitutionnel à travers l’exercice direct
de la volonté populaire. » [Ma traduction.])
43 Voir CR 2023/23, p. 22 (Reichler).
44 CR 2023/24, p. 13, par. 24 (Rodriguez).
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 686
in the recent jurisprudence of Venezuela’s Supreme Court of Justice, whose
Constitutional Chamber, in a judgment of 22 January 2003, notably described
the scope of such a “consultation” in the following terms:
“[E]l resultado del referéndum consultivo previsto en el artículo 71 de
la Constitución de la República Bolivariana de Venezuela no tiene
carácter vinculante en términos jurídicos, respecto de las autoridades
legítima y legalmente constituidas, por ser éste un mecanismo de
democracia participativa cuya finalidad no es la toma de decisiones por
parte del electorado en materias de especial trascendencia nacional,
sino su participación en el dictamen destinado a quienes han de decidir
lo relacionado con tales materias.” (“[T]he result of the consultative referendum
provided for in Article 71 of the Constitution of the Bolivarian
Republic of Venezuela is not legally binding on the legitimate and
legally constituted authorities, since it is a mechanism of participatory
democracy whose object is not decision-making by the electorate on
questions of particular national importance, but the participation of the
electorate in the guidance given to those called upon to decide those
matters.” [Translation by the Registry.])41
The same Chamber expressed itself in similar terms in its judgment
of 31 October 2023 on the constitutionality of the proposed referendum
and the questions to be put in that context42. The nonbinding effects of
this referendum were confirmed at the hearings43. It follows that, despite
stating that “the State of Venezuela w[ould] not turn its back on what the
people decide[d] in the referendum”44, the Venezuela Government will still
41 Supreme Court of Justice, Constitutional Chamber, Judgment No. 23, 22 January 2003,
case No. 03-0017, Part V (emphasis added).
42 “En consecuencia, con fundamento en los razonamientos precedentes, esta Sala considera
necesario reiterar que el resultado del referéndum consultivo previsto en el artículo 71
de la Constitución de la República Bolivariana de Venezuela representa un mecanismo
de democracia participativa cuya finalidad no es la toma de decisiones por parte del
electorado en materias de especial trascendencia nacional, sino su participación en el
dictamen destinado a quienes han de decidir lo relacionado con tales materias toda vez
que el resultado del referendo consultivo supone un mandato constitucional a través del
ejercicio directo de la voluntad popular.” (Supreme Court of Justice of Venezuela, Constitutional
Chamber, Judgment No. 1469 of 31 October 2023, case No. 23-1081, Part III.)
(Emphasis added.)
(“Consequently, on the basis of the foregoing reasoning, this Chamber considers it
necessary to reaffirm that the result of the consultative referendum provided for in
Article 71 of the Constitution of the Bolivarian Republic of Venezuela is a mechanism of
participatory democracy whose object is not decision-making by the electorate on questions
of particular national importance, but the participation of the electorate in the
guidance given to those called upon to decide those matters, because the result of the
consultative referendum implies a constitutional mandate through the direct exercise of
the popular will.” [Translation by the Registry.])
43 See CR 2023/23, p. 22 (Reichler).
44 CR 2023/24, p. 13, para. 24 (Rodriguez).
687 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
toujours, en droit, libre de choisir les suites précises qu’il entendra réserver
à l’avis ainsi donné.
30. La teneur et le ton des questions posées peuvent certes parfois déconcerter,
mais je ne suis pas convaincu, contrairement aux auteurs de la
déclaration politique du CARICOM, en date du 25 octobre 2023, qu’on
puisse a priori y voir une stratégie visant à obtenir l’aval des Vénézuéliens à
la commission d’actes illicites internationaux aussi graves qu’une invasion et
une annexion futures du territoire contesté45. Le libellé des questions que les
autorités vénézuéliennes ont décidé de poser au peuple le 3 décembre prochain
ne fait aucune référence à des mesures aussi extrêmes, et semble même
devoir les écarter en faisant expressément état, à plusieurs reprises, du nécessaire
respect de l’accord de Genève de 1966 et du « Droit », notamment quant
aux mesures à prendre (questions nos 1 et 2), parfois même, plus spécifiquement,
du nécessaire respect du « droit international » (question no 5).
31. Les questions nos 1, 2 et 3 ne font en réalité que solliciter, il est vrai sans
tenir toujours compte des décisions déjà rendues par la Cour, l’appui de la
population aux thèses publiquement formulées depuis un certain temps par
les autorités vénézuéliennes, y inclus devant la Cour elle-même. La seule
question qui peut susciter quelque perplexité et requiert sans doute un examen
quelque peu plus approfondi me semble être la question no 5.
32. Une lecture attentive de son texte ne permet toutefois pas de conclure
qu’il chercherait à gagner le soutien de la population en vue de la commission
d’un futur acte illicite international. Et l’on ne saurait en tout état de
cause pas le présumer46. Il n’est certes pas aisé de cerner la portée exacte de
certains termes utilisés, tels que l’adoption de mesures législatives de « prise
en charge globale » (espagnol : « atención integral ») de la population établie
sur le territoire contesté ou l’inscription dudit territoire « sur la carte du
Venezuela »47. Toutefois, l’énoncé des moyens concrets auxquels, selon le
libellé de la question no 5, il est prévu d’avoir recours pour atteindre ces fins
— à savoir, en particulier, l’octroi à cette population de la citoyenneté et
45 Le Venezuela a d’ailleurs expressément écarté une telle éventualité dans son mémorandum
sur la requête du Guyana, en date du 28 novembre 2019 (par. 138), ainsi qu’il a été rappelé
à l’audience, CR 2023/24, p. 22. Il échet d’ajouter que, dans la lettre qu’il a adressée à la Cour
le 24 juillet 2020, le ministre du pouvoir populaire pour les relations extérieures du Venezuela
a expressément indiqué ce qui suit :
« Le Venezuela ne recourra pas à la force, non seulement parce que le droit international
actuel le lui interdit, mais aussi, et surtout, en raison de la politique régionale de paix,
d’intégration et de solidarité qu’il poursuit… Dans sa manière d’aborder ce différend
territorial, le Venezuela sera toujours guidé par les principes énoncés dans la Charte des
Nations Unies et par le souci de préserver la paix. » [Traduction du Greffe.]
46 Pas plus qu’on ne saurait présumer que le Venezuela n’exécuterait pas l’arrêt que la Cour
rendra sur le fond, voir par exemple Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J.
Recueil 1984, p. 437-438, par. 101.
47 Les italiques sont de moi.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 687
be free, in law, to choose the specific action it will take in response to the
opinion thus given.
30. While the content and tone of the questions posed may be disconcerting
at times, I am not convinced, unlike the authors of the political statement
issued by CARICOM on 25 October 2023, that it is possible a priori to see
therein a strategy aimed at obtaining the support of Venezuelans for the
commission of such grave internationally wrongful acts as a future invasion
and annexation of the disputed territory45. The questions which the Venezuelan
authorities have decided to put to the people on 3 December contain
no mention of such extreme measures and, indeed, seem to reject such
actions by making several express references to the need to respect the 1966
Geneva Agreement and the “Law”, in particular as concerns the measures to
be taken (first and second questions); and even on occasion — more specifically
— to the need to respect “International Law” (fifth question).
31. In reality, the first, second and third questions merely seek — admittedly
without always taking into account the decisions already handed down
by the Court — the support of the population for the arguments that have for
some time been publicly expressed by the Venezuelan authorities, including
before the Court itself. The only question that might be a source of some
confusion and may require a slightly more in-depth examination seems to
me to be the fifth question.
32. Nonetheless, a careful reading of its text does not support the conclusion
that it is seeking to garner popular support for the purpose of committing
an internationally wrongful act in the future. And in no event can this be
assumed46. Admittedly, it is not easy to discern the exact scope of some of
the terms used, such as the adoption of legislative measures for a “comprehensive
plan” (“atención integral” in Spanish) for the population of the
disputed territory, or the incorporation of the said territory “into the map
of Venezuelan territory”47. But the setting-out in the fifth question of the
specific means that would be used to achieve those ends — in particular, the
granting of Venezuelan citizenship and identity cards to that population —
45 Venezuela also expressly ruled out such an eventuality in its Memorandum on the Application
of Guyana, dated 28 November 2019 (para. 138), as was recalled during the hearings
(CR 2023/24, p. 22). It is worth adding that, in his letter addressed to the Court on 24 July
2020, the Minister of People’s Power for Foreign Affairs of Venezuela expressly stated as
follows:
“Venezuela will not resort to force, not only because it is prohibited by the current
international law, but also, and specially, because of its own regional policy of peace,
integration, and solidarity . . . The treatment of the territorial controversy by Venezuela
will always be in accordance with the principles of the UN Charter and the maintenance
of peace.”
46 Nor can it be assumed that Venezuela would not enforce the Court’s future judgment on
the merits, see e.g. Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua
v. United States of America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports
1984, pp. 437-438, para. 101.
47 Emphasis added.
688 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
d’une carte d’identité vénézuéliennes —, lu en conjonction avec la référence,
déjà commentée, à la conformité à l’accord de Genève et au droit international
des mesures envisagées, est à cet égard plutôt rassurant48. De tels moyens,
dans leur énoncé abstrait, ne seraient en effet pas a priori, en eux-mêmes,
contraires au droit international ni propres à causer un préjudice — moins
encore irréparable — aux droits du demandeur. Comme je l’ai déjà rappelé,
il est de jurisprudence constante de cette Cour que l’octroi de la nationalité
constitue un pouvoir discrétionnaire de l’État (qui est parfaitement libre d’en
fixer les critères) et qu’il relève de sa compétence exclusive49. Cela n’est
guère contesté en doctrine. Ainsi y lit-on par exemple que
« [r]ien ne confirme … que la nationalité qui serait acquise au mépris de
[l’] exigence [d’un lien raisonnable entre l’État octroyant sa nationalité
et la personne qui devient son national] ne le serait pas valablement ou
que l’État qui l’aurait ainsi octroyée aurait agi illicitement »50.
Tout autre est évidemment la question des effets, dans l’ordre juridique international,
d’un tel octroi, et notamment celle de son opposabilité aux États
tiers51.
E. Conclusions
33. Quelles conclusions y a-t-il lieu de tirer de ces quelques considérations
liminaires ?
34. À mon avis, les suivantes :
1) L’organisation du référendum projeté par le Venezuela constitue en ellemême,
a priori, une matière appartenant à son domaine réservé ;
48 Le Venezuela a d’ailleurs précisé à l’audience que « [a]ucune de ces mesures administratives
ne peut avoir la moindre incidence sur le titre que le Guyana prétend avoir sur le territoire
en litige », CR 2023/24, p. 20, par. 7 (Mbengue) (les italiques sont de moi). Il a expliqué que
l’octroi de cartes d’identité aux populations frontalières faciliterait la libre circulation des
personnes de part et d’autre de celle-ci, et rappelé que la cartographie officielle vénézuélienne
incorporait déjà depuis longtemps la Guayana Esequiba, ibid.
49 Voir Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1955,
p. 20-21 :
« Il appartient au Liechtenstein comme à tout État souverain de régler par sa propre
législation l’acquisition de sa nationalité ainsi que de conférer celle-ci par la naturalisation
octroyée par ses propres organes conformément à cette législation… La naturalisation
de Nottebohm est un acte accompli par le Liechtenstein dans l’exercice de sa
compétence nationale… Lorsqu’un État a conféré sa nationalité à une personne et qu’un
autre État a conféré sa propre nationalité à cette même personne, il arrive que chacun de
ces États, estimant qu’il a agi dans l’exercice de sa compétence nationale, s’en tient à sa
propre conception et se conforme à celle-ci pour son action propre. Chacun de ces États
reste jusque-là dans son ordre juridique propre. »
50 J. Verhoeven, Droit international public, Larcier, 2000, p. 139 (les italiques sont de moi).
51 Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1955, p. 21
et suiv.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 688
read in conjunction with the previously mentioned reference to the compliance
of the measures envisaged with the Geneva Agreement and international
law, nevertheless offers some reassurance in this regard48. Indeed,
such means, in their abstract formulation, would not a priori be in themselves
contrary to international law, nor likely to cause prejudice — much
less irreparable prejudice — to the rights of the Applicant. As I have already
recalled, it is the settled jurisprudence of this Court that granting nationality
is a discretionary power of the State (which is perfectly free to set the criteria
for doing so) and that it falls under its exclusive jurisdiction49. This is widely
recognized in legal writings, where one can read, for example, that
“[t]here is no evidence . . . that nationality acquired in defiance of th[e]
requirement [that there be a reasonable link between the State granting
nationality and the person becoming its national] would not be validly
acquired or that the State granting it would have acted unlawfully”50.
The effects of such granting within the international legal order and, in particular,
its opposability to third States are of course an entirely different
matter51.
E. Conclusions
33. What conclusions should be drawn from these few preliminary considerations?
34. In my opinion, the following:
(1) Venezuela’s organization of the proposed referendum is in itself, a priori,
a matter falling within that State’s domaine réservé;
48 Venezuela also stated at the hearings that “[n]one of these administrative actions can
affect Guyana’s alleged title to the disputed territory”, CR 2023/24, p. 20, para. 7 (Mbengue)
(emphasis added). It explained that granting identity cards to the frontier population would
facilitate the free movement of persons on both sides, and recalled that Guayana Esequiba had
long been incorporated in Venezuela’s official cartography, ibid.
49 See Nottebohm (Liechtenstein v. Guatemala), Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports
1955, pp. 20-21:
“It is for Liechtenstein, as it is for every sovereign State, to settle by its own legislation
the rules relating to the acquisition of its nationality, and to confer that nationality by
naturalization granted by its own organs in accordance with that legislation . . . The naturalization
of Nottebohm was an act performed by Liechtenstein in the exercise of its domestic
jurisdiction . . . When one State has conferred its nationality upon an individual and
another State has conferred its own nationality on the same person, it may occur that each
of these States, considering itself to have acted in the exercise of its domestic jurisdiction,
adheres to its own view and bases itself thereon in so far as its own actions are concerned.
In so doing, each State remains within the limits of its domestic jurisdiction.”
50 J. Verhoeven, Droit international public, Larcier, 2000, p. 139 (emphasis added).
51 Nottebohm (Liechtenstein v. Guatemala), Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1955,
pp. 21 et seq.
689 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
2) Le Venezuela n’appert pas s’être internationalement engagé à ne pas
tenir un tel référendum, de telle sorte que l’organisation de celui-ci aurait
été « extraite » de la compétence exclusive de cet État pour être régie par
le droit international ;
3) Il ne semble pas que l’organisation du référendum en question soit
contraire à une quelconque obligation internationale du Venezuela d’une
autre nature : même s’il poursuivait ultimement un but illicite — ce qui
n’a pas été démontré —, sa tenue, qui devrait dans ce cas être regrettée,
ne saurait pour autant, comme telle, revêtir d’emblée le caractère d’un
fait internationalement illicite ;
4) Lorsque le droit interne d’un État était à l’origine d’un fait illicite, la
Cour s’est invariablement intéressée aux mesures concrètes d’exécution
des législations concernées, plutôt qu’à ces législations elles-mêmes ; les
remèdes éventuellement indiqués ont toujours pris la forme d’obligations
de résultat, la Cour se gardant prudemment d’interférer directement
avec l’ordre juridique interne de l’État intéressé ; et
5) Le référendum envisagé, compte tenu de sa qualification constitutionnelle,
laissera le Gouvernement vénézuélien libre, en droit, de décider
des suites précises à lui donner, selon les modalités et dans les délais
qu’il jugera appropriés.
II. Examen de la réunion en l’espèce des conditions requises
pour pouvoir indiquer les mesures conservatoires sollicitées
35. Ces quelques observations préliminaires ayant été formulées, je peux à
présent, en les gardant à l’esprit, rechercher si les mesures sollicitées par le
demandeur auraient pu remplir les conditions, désormais bien établies, pour
que la Cour soit en mesure de les indiquer.
A. Première condition
36. La première condition, comme on le sait, est que la Cour apparaisse
« prima facie » avoir compétence pour statuer au fond. Cette formule, déjà
ancienne52, constitue le meilleur compromis identifié par la Cour aux fins de
respecter autant que faire se peut les impératifs du système consensualiste
établi par le Statut tout en permettant au juge d’agir dans l’urgence pour préserver
pendente lite les droits en litige.
37. Dans la présente espèce, il est indubitable que cette condition est dûment
réunie, puisque la Cour a déjà décidé, dans son arrêt du 18 décembre
2020, qu’elle avait compétence pour connaître de la question de la validité
52 Voir l’opinion dissidente commune des juges Winiarski et Badawi Pacha jointe à l’ordonnance
du 5 juillet 1951 en l’affaire de l’Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), mesures
conservatoires, ordonnance du 5 juillet 1951, C.I.J. Recueil 1951, p. 96-98, et les ordonnances
rendues dans les affaires de la Compétence en matière de pêcheries, par exemple Royaume-Uni
c. Islande (mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972), C.I.J. Recueil 1972, p. 15,
par. 15.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 689
(2) Venezuela does not appear to be internationally obliged not to hold such
a referendum, which would have “removed” the organization of the latter
from that State’s exclusive jurisdiction in order to be governed by
international law;
(3) The organization of the referendum in question does not appear to be
contrary to any international obligation of Venezuela of a different
nature: even if it were ultimately pursuing an unlawful goal — which
has not been established — the holding of the referendum, which would
be regrettable in that event, cannot, as such, be characterized from the
outset as an internationally wrongful act;
(4) When the domestic law of a State has given rise to an unlawful act, the
Court has invariably concerned itself with the concrete measures implementing
the legislation in question, rather than the legislation itself;
any remedies indicated have always taken the form of obligations of
result, with the Court taking great care not to interfere directly with the
domestic legal order of the State involved; and,
(5) The referendum envisaged, in view of its constitutional characterization,
will leave the Venezuelan Government free, in law, to determine
the specific action to be taken in response, by the means and within the
time frame that it deems appropriate.
II. Whether the Conditions Necessary for the Indication of the
Requested Provisional Measures Were Met in This Case
35. Having made those few preliminary remarks, and bearing them in
mind, I can now examine whether the measures requested by the Applicant
could have satisfied the now well-established conditions enabling them to be
indicated by the Court.
A. First Condition
36. The first condition, as is well known, is that the Court appears “prima
facie” to have jurisdiction to entertain the merits. This long-standing formula52
is the best compromise the Court has found between respecting as far
as possible the requirements of the consent-based system established by the
Statute and simultaneously allowing the Court to take immediate action to
preserve the rights in dispute pendente lite.
37. In this case, there is no question that this condition is duly satisfied, the
Court having already found in its Judgment of 18 December 2020 that it has
jurisdiction to entertain the question of the validity of the Arbitral Award
52 See the joint dissenting opinion of Judges Winiarski and Badawi Pacha appended to the
Order of 5 July 1951 in the case concerning the Anglo-Iranian Oil Co. (United Kingdom v.
Iran), Interim Protection, Order of 5 July 1951, I.C.J. Reports 1951, pp. 96-98, and the orders
made in the cases concerning Fisheries Jurisdiction, e.g. United Kingdom v. Iceland (Interim
Protection, Order of 17 August 1972), I.C.J. Reports 1972, p. 15, para. 15.
690 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
de la sentence arbitrale du 3 octobre 1899, ainsi que de « la question connexe
du règlement définitif du différend concernant la frontière terrestre » entre
les deux Parties53. Cette décision, quelque discutables que soient ses fondements,
est coulée en force de chose jugée et constitue partant une base plus
« solide » pour indiquer d’éventuelles mesures conservatoires qu’une simple
compétence « prima facie ». Cela étant, la Cour est tout aussi manifestement
dépourvue de compétence pour s’intéresser au problème de la frontière
maritime comme tel, qui fait l’objet de la question no 4 du projet de référendum,
et elle ne saurait donc indiquer aucune mesure conservatoire à cet
égard, même si ce problème est à l’origine de multiples tensions. Le Guyana
est certes revenu sur cette question à l’audience, mais a reconnu ne pas pouvoir
demander de mesures conservatoires à ce sujet54.
38. Néanmoins, la compétence pour connaître du fond d’une affaire est
une chose, et la compétence pour indiquer certaines mesures conservatoires
en est une autre. La compétence prima facie pour connaître du fond permet
logiquement au juge de protéger les droits qui y sont revendiqués avant de se
prononcer définitivement sur ceux-ci. Mais elle ne saurait bien évidemment
pas l’autoriser à indiquer n’importe quelle mesure à cet effet. La Cour ne peut
exercer les pouvoirs que lui confère l’article 41 de son Statut que dans le
strict respect de la Charte, auquel ledit Statut est annexé. Elle devait donc,
en particulier, se garder d’indiquer des mesures qui eussent porté atteinte
au domaine réservé visé à l’article 2, paragraphe 7, de la Charte, tel qu’il
doit être interprété aujourd’hui. Il y va d’une limite générale à toute forme
d’action de la Cour55. En l’occurrence, la décision, par les autorités vénézuéliennes,
de convoquer un référendum sur son territoire incontesté,
conformément à son droit constitutionnel, relève de la compétence nationale
exclusive de cet État, comme c’est aussi le cas de la détermination des questions
à poser, tant qu’il n’est pas établi que cette matière en est « sortie » du
fait d’obligations internationales pesant sur le Venezuela. L’indication par la
Cour de l’une quelconque des trois premières mesures conservatoires sollicitées
par le demandeur, qui tendaient respectivement à empêcher la tenue
du référendum du 3 décembre 2023 sous la forme prévue, à modifier le
libellé des questions devant être posées dans ce cadre, ou encore, plus largement,
à interdire à l’État vénézuélien de consulter sa population sur l’une
quelconque des questions juridiques dont la Cour est saisie, m’eût en conséquence
paru, pour dire le moins, problématique. De telles mesures seraient
allées bien au-delà de celles que la Cour a jamais indiquées.
39. Last but not least, je rappellerai que l’article 41 du Statut fait obligation
à la Cour de protéger également les droits de toutes les parties. Or, alors que,
comme je le montrerai dans un instant, les mesures sollicitées par le demandeur
n’auraient pu protéger les droits qu’il invoque, elles auraient clairement
porté atteinte à ceux du défendeur.
53 Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela), compétence de la Cour,
arrêt, C.I.J. Recueil 2020, p. 493, par. 138, point 1.
54 Voir CR 2023/23, p. 25 (Reichler) et 29-30 (Pellet).
55 Cf. S. Rosenne, The Law and Practice of the International Court, Nijhoff, 2005, p. 394.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 690
of 3 October 1899, and “the related question of the definitive settlement of
the land boundary dispute” between the two Parties53. That decision, however
questionable its basis, has acquired the force of res judicata and is thus
a more “solid” foundation for the indication of any provisional measures
than mere “prima facie” jurisdiction. Nevertheless, the Court also clearly
lacks jurisdiction to consider the maritime boundary problem as such — the
subject of the fourth question in the proposed referendum — and it therefore
cannot indicate any provisional measures in this regard, even if that problem
is the source of much tension. Although Guyana revisited this question
during the hearings, it nonetheless recognized that it could not request provisional
measures in this connection54.
38. However, jurisdiction to entertain the merits of a case and jurisdiction
to indicate certain provisional measures are not the same thing. Having
prima facie jurisdiction to entertain the merits logically allows a court to
protect the rights claimed before it, prior to ruling on those rights definitively.
But it does not of course authorize it to indicate any measure to that
end. The Court can only exercise the powers conferred on it by Article 41 of
its Statute in strict compliance with the Charter, to which that Statute is
annexed. In particular, it was therefore required to refrain from indicating
measures that would infringe on the domaine réservé referred to in Article
2, paragraph 7, of the Charter, as it is to be understood today. This is a
general limitation on any form of action by the Court55. In this instance, the
decision of the Venezuelan authorities to hold a referendum within Venezuela’s
undisputed territory in accordance with Venezuelan constitutional
law falls within the exclusive domestic jurisdiction of that State, as does determining
the questions to be asked, as long as it is not established that this
matter has been “removed” from that jurisdiction because of international
obligations incumbent on Venezuela. I would thus have considered it problematic,
to say the least, for the Court to indicate any of the first three
provisional measures requested by the Applicant, which concerned, respectively,
preventing the holding of the referendum on 3 December 2023 in its
envisaged form, modifying the wording of the questions to be posed in that
context and, more widely, prohibiting the Venezuelan State from consulting
its population on any of the legal questions of which the Court is seised.
Such measures would have gone far beyond any previously indicated by the
Court.
39. Last but not least, I would recall that Article 41 of the Statute obliges
the Court also to protect the rights of all parties. And, as I shall demonstrate
shortly, while the measures requested by the Applicant could not have safeguarded
the rights it invokes, it is clear that they could have caused prejudice
to those of the Respondent.
53 Arbitral Award of 3 October 1899 (Guyana v. Venezuela), Jurisdiction of the Court,
Judgment, I.C.J. Reports 2020, p. 493, para. 138 (1).
54 See CR 2023/23, pp. 25 (Reichler) and 29-30 (Pellet).
55 Cf. S. Rosenne, The Law and Practice of the International Court, Nijhoff, 2005, p. 394.
691 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
B. Deuxième condition
40. La deuxième condition à laquelle est traditionnellement56 subordonnée
l’indication de mesures conservatoires est celle de la « plausibilité » des
droits invoqués au fond, dont la protection est demandée. Bien que cette
condition ait fait couler beaucoup d’encre57, elle apparaît elle aussi plus que
raisonnable (la Cour ne pouvant protéger des droits « improbables » que
ferait valoir une partie, sans porter atteinte à ceux de l’autre) et, au moins
théoriquement, assez claire58.
41. En l’espèce, il ne semble pas davantage faire de doute que les droits
dont le Guyana sollicite la protection sont « plausibles » au sens de la jurisprudence
de la Cour, dans la mesure où ils reposent sur un acte international
— en l’occurrence une sentence arbitrale — ayant donné lieu à une situation
de contrôle — au moins de facto — du territoire en litige, même si la validité
de cet acte est radicalement mise en cause par le défendeur. Il va de soi
qu’une telle constatation ne préjuge en rien du fond à ce stade, puisqu’elle
n’affecte en rien l’égale plausibilité des droits revendiqués par le
défendeur59.
42. Cette condition va toutefois de pair avec une autre. Il faut de surcroît,
pour que les mesures sollicitées puissent être indiquées, qu’elles soient en
relation de connexité suffisamment étroite avec la protection des droits allégués
au fond, reconnus comme étant « plausibles ». Sur ce point, je crains
que l’indication de l’une quelconque des trois premières mesures conservatoires
demandées par le Guyana eût également été problématique. En effet,
comme il ressort de ce qui a été exposé ci-avant, le référendum « consultatif
» que les autorités vénézuéliennes entendent organiser et les questions
qu’elles entendent poser au peuple vénézuélien par cette voie sont des actes
de compétence nationale et de pur droit interne, insusceptibles, comme tels,
de porter atteinte aux droits du demandeur dans la « sphère externe » ; le
56 Même si elle n’a fait l’objet d’une formulation expresse, pour la première fois, que dans
l’ordonnance de la Cour du 28 mai 2009 en l’affaire des Questions concernant l’obligation de
poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai
2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151-152, par. 57 et 60, la réunion de cette condition avait, logiquement,
déjà été requise en substance antérieurement (voir par exemple Passage par le Grand-Belt
(Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J.
Recueil 1991, p. 17, par. 21-22, et opinion individuelle du juge Shahabuddeen, ibid., p. 28 et suiv.).
57 Voir par exemple R. Kolb, « Digging deeper into the “plausibility of rights” — criterion in
the provisional measures jurisprudence of the ICJ », The Law and Practice of International
Courts and Tribunals, 2020, vol. 19, p. 365-387.
58 La mise en oeuvre pratique de ce « test » n’en a pas moins révélé, selon certains auteurs, une
manière de confusion conceptuelle entre « plausibilité des droits » et « plausibilité des demandes »,
voir par exemple Ph. Couvreur, « La confiance dans la Cour internationale de Justice et ses procédures
», dans La confiance dans les procédures devant les juridictions internationales, Actes du
colloque international de Nice des 3 et 4 juin 2021, Pedone, 2022, p. 102 et suiv.
59 Cf. Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I),
p. 19, par. 58.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 691
B. Second Condition
40. The second condition to which the indication of provisional measures
is traditionally56 subject is that of the “plausibility” of the rights invoked on
the merits whose protection is sought. Although much has been said about
this condition57, it too appears to be more than reasonable (since the Court
cannot protect the “improbable” rights of one party without causing prejudice
to the rights of the other) and — in theory at least — fairly clear58.
41. Nor does there seem to be any doubt in this case that the rights Guyana
is seeking to protect are “plausible” within the meaning of the jurisprudence
of the Court, since they are based on an international act, in this instance an
arbitral award, that has given rise to a situation of control — at least de
facto — over the territory in dispute, even though the validity of that act is
called radically into question by the Respondent. It goes without saying that
such a finding in no way prejudges the merits at this stage, since it does
not affect in any way the equal plausibility of the rights claimed by the
Respondent59.
42. This condition goes hand in hand with another, however. It is also necessary,
for the indication of the requested measures, for them to have a
sufficiently close link to the protection of the alleged rights on the merits,
recognized as being “plausible”. In this regard, I fear that indicating any of
the first three provisional measures requested by Guyana would also have
proved problematic. Indeed, as is clear from the foregoing, the “consultative”
referendum that the Venezuelan authorities intend to hold, and the
questions they thereby intend to put to the Venezuelan people, are acts of
domestic jurisdiction and of domestic law alone, and are not capable, as
such, of causing prejudice to the Applicant’s rights in the “external sphere”;
the same reasoning also applies in respect of the answers given to those
56 Although only expressly stated for the first time in the Court’s Order of 28 May 2009 in
the case concerning Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v.
Senegal), Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, pp. 151-152,
paras. 57 and 60, satisfying this condition had, logically, already been required in essence
previously (see e.g. Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional
Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 17, paras. 21-22, and separate opinion
of Judge Shahabuddeen, ibid., pp. 28 et seq.).
57 See e.g. R. Kolb, “Digging deeper into the ‘plausibility of rights’ — criterion in the provisional
measures jurisprudence of the ICJ”, The Law and Practice of International Courts
and Tribunals, 2020, Vol. 19, pp. 365-387.
58 The practical application of this “test” has nonetheless revealed, according to some
authors, a kind of conceptual confusion between “plausibility of rights” and “plausibility of
claims”, see e.g. Ph. Couvreur, “La confiance dans la Cour internationale de Justice et ses
procédures” in La confiance dans les procédures devant les juridictions internationales,
Proceedings of the international conference in Nice, 3 and 4 June 2021, Pedone, 2022, pp. 102
et seq.
59 Cf. Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v.
Nicaragua), Provisional Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 19,
para. 58.
692 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
même raisonnement vaut aussi pour les réponses qui seraient apportées à ces
questions. Non seulement le référendum querellé sera-t-il dépourvu de tout
effet direct dans l’ordre juridique interne du défendeur, mais, comme on l’a
vu, même si les réponses fournies au questionnaire adopté devaient être
majoritairement affirmatives, et même si le Gouvernement vénézuélien
devait décider de prendre des mesures concrètes sur cette base, rien ne
permet d’affirmer à ce stade que celles-ci seraient contraires au droit international
ou autrement à même d’affecter les droits du Guyana60. Les trois
premières mesures demandées en l’espèce ne pouvaient protéger les droits
en litige (la souveraineté sur le territoire contesté) car l’objet de ces mesures
(la tenue du référendum) n’aurait pu affecter ces droits. Le lien de connexité
directe exigé entre droits invoqués au fond et mesures de protection demandées
faisait donc, à mon sens, défaut. La relation logique entre les uns et les
autres était par trop incertaine. Comme la Cour avait conclu dans l’affaire de
la Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau c. Sénégal), « aucune
mesure de ce genre ne saurait être incorporée dans l’arrêt … sur le fond »61.
43. Quant à la crainte exprimée par le Guyana de voir le Venezuela se retirer
de la procédure, à la supposer fondée, elle ne saurait à l’évidence faire
l’objet de mesures conservatoires, dès lors que le défaut, pour regrettable
qu’il soit, par principe, au regard de la bonne administration de la justice, est
un droit protégé par l’article 53 du Statut.
C. Troisième condition
44. Enfin, la troisième condition qui doit être remplie pour que la Cour
puisse indiquer des mesures conservatoires — et qui est fondamentale dans
tous les systèmes de droit — est la présence d’un risque de préjudice irréparable
aux droits invoqués au fond et d’une urgence. Cette condition essentielle
a fait l’objet de formulations variées dans la jurisprudence de la Cour. Ses
deux composantes — préjudice irréparable et urgence — ont tantôt été distinguées
(l’une ou l’autre étant parfois ignorée), tantôt confondues. C’est dans
l’affaire de Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua) que la Cour a mis au point les deux formules
générales afférentes au risque de préjudice irréparable et à l’urgence qui sont
désormais, en substance, reproduites dans ses ordonnances : « [L]a Cour tient
de l’article 41 de son Statut le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires
lorsqu’un préjudice irréparable risque d’être causé aux droits en litige dans
une procédure judiciaire » et
« le pouvoir de la Cour d’indiquer des mesures conservatoires ne sera
exercé que s’il y a urgence, c’est-à-dire s’il existe un risque réel et immi-
60 Comme l’a Cour l’a notamment relevé dans son ordonnance en date du 11 septembre 1976
sur les mesures conservatoires demandées par la Grèce en l’affaire du Plateau continental de
la mer Égée, « l’on ne saurait présumer que l’un ou l’autre État manquera aux obligations que
lui impose la Charte des Nations Unies », C.I.J. Recueil 1976, p. 13, par. 41.
61 Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 2 mars 1990, C.I.J. Recueil 1990, p. 70, par. 26.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 692
questions. Not only will the disputed referendum have no direct effect in the
domestic legal order of the Respondent, but, as we have seen, even if the
majority of the answers to the selected questions were in the affirmative, and
even if the Venezuelan Government decided to take concrete measures on
that basis, there is nothing to suggest at this stage that those measures would
be in breach of international law or otherwise capable of affecting Guyana’s
rights60. The first three measures requested in this case could not safeguard
the rights at issue (sovereignty over the disputed territory), because the
object of those measures (the holding of the referendum) was not capable of
affecting those rights. The direct link that must exist between the rights
invoked on the merits and the protective measures sought was therefore
lacking, in my opinion. The logical relationship between the two was far too
vague. As the Court concluded in the case concerning the Arbitral Award of
31 July 1989 (Guinea-Bissau v. Senegal), “any such measures could not be
subsumed by the . . . judgment on the merits”61.
43. As for Guyana’s concern that Venezuela might withdraw from the proceedings,
it is clear that this concern, assuming it to be founded, cannot be
the subject of provisional measures, since failure to appear, as regrettable as
it may be on principle for the sound administration of justice, is a right protected
under Article 53 of the Statute.
C. Third Condition
44. Lastly, the third condition that must be satisfied in order for the Court
to be able to indicate provisional measures —and which is fundamental in
all systems of law — is the existence of a risk of irreparable prejudice to the
rights invoked on the merits and urgency. This essential condition has been
formulated in various ways in the jurisprudence of the Court. Its two components
— irreparable prejudice and urgency — have been both set apart
(one or the other being disregarded on occasion) and joined together. It was
in the case concerning Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the
Border Area (Costa Rica v. Nicaragua) that the Court developed the two
general formulations relating to the risk of irreparable prejudice and urgency,
whose substance is now reproduced in its orders. “[T]he Court, pursuant to
Article 41 of its Statute, has the power to indicate provisional measures when
irreparable prejudice could be caused to rights which are the subject of the
judicial proceedings” and
“the power of the Court to indicate provisional measures will be exercised
only if there is urgency, in the sense that there is a real and
60 As the Court noted, inter alia, in its Order of 11 September 1976 on the provisional
measures requested by Greece in the case concerning the Aegean Sea Continental Shelf, “it is
not to be presumed that either State will fail to heed its obligations under the Charter of the
United Nations”, I.C.J. Reports 1976, p. 13, para. 41.
61 Arbitral Award of 31 July 1989 (Guinea-Bissau v. Senegal), Provisional Measures, Order
of 2 March 1990, I.C.J. Reports 1990, p. 70, para. 26.
693 sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (op. ind. couvreur)
nent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant que
la Cour n’ait rendu sa décision définitive »62.
45. J’avoue avoir éprouvé une certaine difficulté, à ce stade, à entrevoir en
l’espèce un risque « réel et imminent » d’un « préjudice irréparable » aux
« droits en litige » qui eût découlé directement de la tenue du référendum projeté
comme telle. Le seul fait objectivement « imminent » était en effet, au vu
de la décision en date du 31 octobre de la Chambre constitutionnelle du Tribunal
suprême de justice du Venezuela, ledit référendum lui-même. Pour le
reste, à supposer même que la Cour eût eu le pouvoir de prétendre empêcher
l’adoption d’un acte interne de souveraineté non assorti de mesures d’application
affectant la « sphère externe » — quod non —, les effets immédiats de la
consultation envisagée m’ont paru, eu égard à la teneur des questions posées
et à l’indétermination des suites que les autorités vénézuéliennes entendront
lui donner, relever trop largement, dans l’immédiat, de la spéculation, pour que
l’on puisse regarder ladite consultation comme constituant ou créant, per se,
un risque avéré et imminent de préjudice irréparable aux droits du demandeur.
Je n’ai pas trouvé au dossier les éléments permettant de conclure que la
tenue du référendum litigieux serait nécessairement, ou de façon suffisamment
vraisemblable, la dernière étape d’un processus conduisant inéluctablement à
des actes illicites aussi graves que l’invasion et l’annexion du territoire
contesté. Les mesures sollicitées ne pouvaient en conséquence, de ce point de
vue non plus, trouver à mon avis un fondement juridique à leur indication.
III. Conclusions générales
46. Si les mesures sollicitées, tendant à affecter la tenue du référendum
annoncé par le Venezuela (ou de tout autre concernant l’affaire pendante
devant la Cour), ne pouvaient, selon moi, être indiquées, pour les motifs
ci-avant exposés, en revanche, j’ai estimé, avec la Cour, que la situation de
tension aiguë qui, au-delà, prévaut pour l’instant entre les Parties — et que
certaines déclarations publiques risquent de ne pas contribuer à atténuer —
peut légitimement inquiéter et justifie que des mesures essentiellement
conservatoires, reflétant l’obligation générale de retenue qui pèse par principe
sur toute partie à un procès, soient indiquées à titre de précaution, dans
le but de protéger, en des termes également généraux, les droits territoriaux
des deux Parties, sans affecter ceux d’aucune d’elles.
(Signé) Philippe Couvreur.
62 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 21, par. 63-64.
arbitral award of 3 october 1899 (sep. op. couvreur) 693
imminent risk that irreparable prejudice may be caused to the rights in
dispute before the Court has given its final decision”62.
45. I admit that I found it somewhat difficult, at this stage, to foresee any
“real and imminent” risk of “irreparable prejudice” to the “rights in dispute”
in this case arising directly as a result of the holding of the proposed referendum
as such. The only objectively “imminent” event, given the decision of
31 October of the Constitutional Chamber of the Supreme Court of Justice of
Venezuela, is in fact the referendum itself. For the rest, even if the Court had
the power to seek to prevent the adoption of a domestic act of sovereignty
unaccompanied by implementing measures affecting the “external
sphere” — quod non — the immediate effects of the planned consultation
seemed to me, in view of the content of the questions posed and the lack of
certainty as to the actions the Venezuelan authorities will take in response,
to be too speculative at this point for that consultation to be regarded as constituting
or creating, per se, a proven and imminent risk of irreparable
prejudice to the Applicant’s rights. I did not find evidence in the case file to
suggest that holding the disputed referendum was bound or sufficiently likely
to be the final stage of a process that would inevitably lead to the commission
of such serious wrongful acts as the invasion and annexation of the
disputed territory. Consequently, I could see no legal basis for indicating the
measures sought in this respect either.
III. General Conclusions
46. Although I am of the opinion that the requested measures aimed at
influencing the holding of the referendum announced by Venezuela (or of
any other concerning the case pending before the Court) could not be indicated
for the reasons set out above, I nevertheless shared the Court’s view
that the situation of heightened tension which, moreover, currently exists
between the Parties — and which certain public statements risk exacerbating
further — is a legitimate cause for concern and justifies the indication,
on a precautionary basis, of what are essentially protective measures, reflecting
the general obligation of restraint incumbent on all parties to proceedings
as a matter of principle, and aimed at protecting, in equally general terms,
the territorial rights of the two Parties, without affecting those of either.
(Signed) Philippe Couvreur.
62 Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua),
Provisional Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 21, paras. 63-64.
Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Couvreur