Annexe II
PROTECTION DE L’ATMOSPHÈRE
(M. Shinya Murase)
I. Introduction
dans la troposphère et la stratosphère, constitue à elle seule
la ressource naturelle la plus importante de la planète et
est indispensable à la survie de l’humanité. La dégrada
rendue dans l’affaire de la Fonderie de Trail
4
(États-Unis/
Canada, 1938, 1941), a constitué la décision de principe
un sujet de grave préoccupation pour la communauté
internationale
1
. Même s’il y a eu un certain nombre de
les années 1950, les essais nucléaires dans l’atmosphère
sont apparus comme l’un des premiers problèmes envi
conventions conclues pour la protection de l’atmosphère
mondiale et transfrontière, celles-ci ont néanmoins laissé
dû faire face
5
. L’affaire des Essais nucléaires (Australie c.
France
Nouvelle-Zélande c. France, 1973, 1974), soumise
substances contrôlées et, surtout, les principes et les règles
applicables. Cette approche fragmentaire a montré ses
6
.
-
Dans son avis consultatif de 1996 concernant la Licéité de
la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, la CIJ a également
visé
l’obligation
des
États
de
ne
pas
causer
de
dom
ment aucune convention couvrant tout l’éventail des problèmes
environnementaux
de
l’atmosphère
d’une
manière
7
. Les
la Commission peut apporter une contribution importante
-
peuvent avoir des incidences directes sur l’environnement
de l’atmosphère, comme l’ont montré les accidents de Three
dommages causés à la centrale nucléaire de Fukushima par
-
actuellement une source de préoccupation majeure pour la
tional accorde toute l’attention nécessaire aux besoins de
les projets d’article relatifs aux cours d’eau internationaux
4
, Nations Unies, Recueil des sen-
2
comportent certaines dis-
tences arbitrales, vol. III (numéro de vente: 1949.V.2), p. 1905 et suiv.
Un passage souvent cité de la sentence de 1941 se lit ainsi: «[S]elon
les principes du droit international […] un État n’a pas le droit d’uti
positions utiles pour la protection de l’environnement,
la Commission n’a traité aucun sujet dans ce domaine
depuis la conclusion du sujet sur la responsabilité internationale
(c’est-à-dire
la
prévention
des
dommages
transfrontières
et
la
répartition
des
pertes
territoire ou au territoire d’un autre État ou aux biens et aux personnes
3
clairement établi sur la foi de preuves convaincantes» (ibid., p. 1965).
5
Voir, par exemple, l’affaire du
(«Dragon
chanceux n
o
5»)
en 1954: S. Oda,
««The hydrogen bomb tests and international law», Die FriedensWarte
futurs, envisage d’aborder le sujet de «la protection de
of international environmental law. A survey of capabilities, trends and
limits», dans A. C. Kiss (dir. publ.), La protection de l’environnement
et le droit international
1
Voir notamment A. Kiss et D. Shelton, International Environmen-
de La Haye, Leyde, Sijthoff, 1975, p. 25 à 143, notamment p. 72 et 73.
tal Law, 3
e
éd., Ardsley (New York), Transnational Publishers, 2004,
6
Essais nucléaires (Australie c. France), mesures conservatoires,
p. 555 à 592. Voir aussi Ph. Sands, Principles of International Environmental
Law,
2
e
éd., Cambridge University Press, 2003, p. 317 à
ordonnance du 22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 99, et arrêt, C.I.J.
Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France),
International Law and
the Environment, 3
e
mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973, C.I.J. Recueil
1973, p. 135, et arrêt,
, p. 457.
D. Hunter, J. Salzman et D. Zaelke, International Environmental Law
and Policy, 3
7
e
avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 226 et suiv. La Cour a déclaré dans
H. Xue, Transboundary Damage in International Law, Cambridge University Press, 2003,
p.
200 à 203.
2
, vol. II (2
e
partie), p. 143, par. 222, et Annuaire…
2008, vol. II (2
e
partie), p. 21 et suiv., par. 53 et 54.
3
Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie), p. 157 et suiv., par. 97 et 98, et
Annuaire… 2006, vol. II (2
e
partie), p. 59 et suiv., par. 66 et 67.
les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des
zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie
du corps de règles du droit international de l’environnement» (ibid.,
p. 242).
195
196
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-troisième session
le 20 avril 2010 en l’affaire relative aux Usines de pâte à
– Accord entre le Gouvernement du Canada et le
(Argentine c. Uruguay), la
Cour internationale de Justice a fait partiellement référence
de l’air (1991)
12
-
– Convention-cadre des Nations Unies sur les chan-
8
). En outre, l’affaire des Épandages aériens d’her-
bicides (Équateur c. Colombie) actuellement pendante
devant la Cour internationale de Justice traitera peut-être
aussi du sujet. L’affaire
l’essence nouvelle et anciennes formules (1996), soumise
du droit interne d’un pays [en l’occurrence la loi des États
Clean Air Act) de 1990] avec
– Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des
– Accord de l’Association des nations de l’Asie du
Sud-Est (ASEAN) sur les nuages de pollution transfrontières
(2002)
13
les règles commerciales de l’OMC et du GATT
9
décisions pertinentes de juridictions internes peuvent également être
instructives
– Déclaration de la Conférence des Nations Unies
10
.
sur l’environnement humain (Déclaration de Stockholm)
[1972]
14
-
ventionnelle pertinentes comprennent notamment les éléments suivants:
– Résolution de l’Institut de droit international sur la
pollution transfrontière de l’air (1987)
15
-
– Déclaration de Rio sur l’environnement et le déve-
frontière à longue distance (1979, entrée en vigueur en
loppement (1992)
16
du programme concerté de surveillance continue et
d’évaluation du transport à longue distance des polluants
– Projet d’articles de la Commission du droit inter-
national sur la prévention des dommages transfrontières
résultant d’activités dangereuses (2001)
17
relatif à la réduction des émissions de soufre ou de leurs
– Projet de principes de la Commission du droit inter-
relatif à la lutte contre les émission d’oxydes d’azote ou
national sur la répartition des pertes en cas de dommage
transfrontière découlant d’activités dangereuses (2006)
18
.
-
-
-
cation et de développement progressif du droit international
est
multiple:
tout
d’abord,
et
principalement,
il
est
– Convention de Vienne pour la protection de la cou
en provenance de grandes installations de combustion (
des Communautés européennes, n
o
L 336, du 7 décembre 1988, p. 1) et
Directive (2001/80/CE) du Parlement européen et du Conseil relative
à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère
en provenance de grandes installations de combustion (
des Communautés européennes, n
o
L 309, du 27 novembre 2001, p. 1).
12
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1852, n
o
31532, p. 79.
– Directives de la Communauté européenne relative
à la limitation des émissions de certains polluants dans
13
Entré en vigueur le 25 novembre 2003.
14
Le principe 21 de la Déclaration de Stockholm est ainsi libellé:
«Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit
-
l’atmosphère en provenance des grandes installations de
combustion (1988-2001)
11
vités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle
ne causent pas de dommages à l’environnement dans d’autres États ou
dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale» [Rapport
8
-
arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p, 14 et suiv., en particulier p. 75,
5-16 juin 1972 (A/CONF.48/14/Rev.1, publication des Nations Unies,
numéro de vente: F.73.II.A.14), première partie, chap. I]. Voir aussi
L. Sohn, «The Stockholm Declaration on the human environment»,
orale (8 juin 2006, CR 2006/47, par. 22, 28 et 34, disponible sur le site
vol 14 (1973), p. 423 à 515.
15
L’article 2 est ainsi libellé: «Dans l’exercice de leur droit sou-
9
Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis – Normes concernant
l’essence nouvelle et anciennes formules
l’environnement, les États ont le devoir de prendre toutes mesures pro
dispute settlement», dans S. S. C. Tay et D. C. Esty (dir. publ.), Asian
de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de pollution
transfrontière de l’air» [Annuaire de l’Institut de droit international,
Law, Singapour, Times Academic Press, 1996, p. 137 à 144.
10
Voir, par exemple, Massachusetts c. EPA, décision de la Cour
l’Institut, à l’adresse suivante: http://justitiaetpace.org/)].
16
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement
, vol. I: Résolutions
de l’Agence de protection de l’environnement [Environmental Protection
Agency (EPA)] en matière de réglementation des gaz à effet de serre.
adoptées par la Conférence (publication des Nations Unies, numéro de
11
Directive (88/609/CEE) du Conseil du 24 novembre 1988 relative
17
Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie), p. 157 et suiv., par. 97 et 98.
à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère
18
Annuaire… 2006, vol. II (2
e
partie), p. 59 et suiv., par. 66 et 67.
Protection de l’atmosphère
197
nécessaire de combler les lacunes dans les conventions
-
à certaines activités menées au sol dans les limites de la
juridiction territoriale d’un État, il peut exister des situa
dans l’espace aérien au-dessus du territoire
21
. Dans un tel
-
tée d’activités réglementées et de substances contrôlées
19
.
la souveraineté de l’État sur l’espace aérien national. Il con
L’approche progressive montre particulièrement ses limi
des problèmes environnementaux de l’atmosphère de
-
actuellement établi en droit international.
8. La présente proposition ne fait pas double emploi avec
les travaux antérieurs de la Commission. La Commission a
adopté un projet d’articles sur la prévention des dommages
transfrontières résultant d’activités dangereuses en 2001
position envisage un instrument analogue à la partie XII
de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
relative à la protection et la préservation du milieu marin.
22
et un projet de principes sur la répartition des pertes en cas
de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses
en
2006
6. En deuxième lieu, la Commission devra en principe
fournir des lignes directrices appropriées en vue d’une
harmonisation et d’une coordination avec d’autres régimes
conventionnels extérieurs au droit international de
23
. Les deux projets comportent d’importantes
dispositions potentiellement applicables à des dommages
causés à l’atmosphère. Néanmoins, le champ d’application
couvrir tous les types de dommages environnementaux) et,
de mettre en œuvre les obligations prévues
20
. En troisième
-
-
tes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités
-
d’harmoniser les lois et réglementations nationales avec les
-
-
jet proposé établira un cadre directeur pour les mécanismes
l’atmosphère.
renforcement des capacités dans le domaine de la protection transfrontière et mondiale de
l’atmosphère.
7. Il importe de bien distinguer la notion d’atmosphère
de la notion d’espace aérien. L’article 1 de la Convention
du droit international sur la protection de l’atmosphère,
entoure le globe terrestre
24
». Les principaux éléments
projet d’articles proposé soient peut-être plus applicables
19
Ces dernières années, il y a eu de plus en plus de preuves scien-
gazeux (et leur proportion) présents dans l’atmosphère
sont l’azote (78,08 %), l’oxygène (20,95 %), l’argon
(0,93 %) et le dioxyde de carbone (0,03 %), et d’autres
de serre visés dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les chan
vers la couche supérieure: la troposphère, la stratosphère,
la mésosphère et la thermosphère) en fonction de la
met clairement en évidence le lien
-
comblées par une convention multilatérale globale sur l’atmosphère.
Voir l’étude du PNUE et de l’OMM, «Measures to limit near-term
21
L’annexe 16 à la Convention relative l’aviation civile internatio-
nale est intitulée «Protection de l’environnement» [voir OACI, Annexe
16 - Protection de l’environnement, vol. I (5
e
éd.) et vol. II (3
e
éd.),
assessment of tropospheric ozone and black carbon» (Mesures visant
juillet 2008]. L’OACI a établi des règles sur les «Normes d’émissions
-
d’«assurer le maximum de compatibilité entre le développement sûr et
-
par exemple, l’Europe a actuellement du mal à satisfaire aux normes de
tion A18-11 de l’Assemblée de l’OACI (doc 8958 - A18 RES), par. 2].
Ces normes d’émissions établissent des règles régissant notamment les
-
-
naux de pollution de l’air ne peuvent être résolus sans tenir compte de
leurs causes et de leurs effets dans le cadre mondial.
20
Voir S. Murase, «Perspectives from international economic law on
22
Vo i r supra la note 17.
transnational environmental issues», Recueil des cours de l’Académie
23
Vo i r supra la note 18.
, vol. 253, p. 283 à 431.
24
Le Grand Robert de la langue française, 2
e
éd., Paris 2001.
198
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-troisième session
Figure 1. Zonage de l’atmosphère
Altitude (km)
180
Thermosphère
100
Haute atmosphère
Mésopause
Mésosphère
Stratopause
40
Stratosphère
Basse atmosphère
-------r:c:--r---
20
Tropopause
10
Troposphère
Niveau de la mer
de la terre d’une manière complexe, appelée «circulation
dans l’atmosphère se diluent progressivement. Environ
80 % de la masse d’air se trouve dans la troposphère et
environ 20 % dans la stratosphère. Dans la troposphère
et la stratosphère, les proportions relatives de la plupart
25
et de la Lune a aussi des incidences sur ces mouvements
26
».
25
G. Jones et autres,
,
Glasgow, Harper Collins Publishers, 1990, p. 40.
moyenne de 50 km, et sont distinctes de la «haute
atmosphère». L’atmosphère se déplace et circule autour
26
M. Allaby, A Dictionary of the Environment, 3
e
éd., New York
University Press, 1989, p. 34.
Figure 2. Délimitation de l’atmosphère
Altitude (km)
Espace
extra-atmosphéri ue
Limite horizontale
de l’espace aérien
Orbite la plus basse
des satellites
100 km
a
•
(pas de consensus)
90 km Pression de l’air 0,0001
Espace aérien
50 km Pression de l’air 0,1
Couche d’o one
Altitude maximale
(concentration principale)
15-40 km
25 km
des aérone s
10 km
Pression de l’air 25
Circulation
atmosphéri ue
État A
Terre
Protection de l’atmosphère
199
12. L’environnement naturel et le milieu humain
peuvent tous deux subir les effets de certains changements
dans l’état de l’atmosphère. Il y a trois causes
particulièrement importantes de la dégradation de
l’atmosphère
27
. Premièrement, l’introduction de subs-
tances nocives (pollution de l’air par exemple) dans la
-
comme un ensemble complet de projets d’article pour
une convention-cadre sur la protection de l’atmosphère.
La partie XII de la Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer, relative à la protection et à la préservation
du
milieu
marin,
peut
constituer
un
exemple
de
sont les acides, les oxydes d’azote (NOx), les oxydes
de soufre (SOx) et les émissions d’hydrocarbures tels
suivantes:
2
). De forts vents hori-
28
, peuvent transporter
et propager rapidement ces gaz à l’état de traces horizontalement
dans
le
monde
entier,
loin
de
leurs
sources
15.
Pour commencer à formuler des prin-
cipes et règles pertinents relatifs à la protection de
les halons émis dans la troposphère et la stratosphère
supérieures appauvrissent la couche d’ozone. Celle-ci,
-
tantes d’ozone (O3
la plus grande partie existe dans la troposphère et la stratosphère.
Il
faudra
peut-être
traiter
aussi
non
seulement
de
principales concentrations d’ozone se trouvent à des altitudes de 15 à 40 km (les concentrations maximales
sont
l’atmosphère la notion d’espace aérien et sa pertinence
particulière.
16. Champ d’application
-
le champ d’application du projet, il faudra d’abord
2
),
l’oxyde nitreux (N2
O), le méthane (CH4
-
3
). Ces gaz sont
appelés «gaz à effet de serre
29
». Les conditions dans la
par l’activité humaine). Deuxièmement, le projet d’articles
devra désigner clairement les objets à protéger,
à savoir l’environnement naturel et le milieu humain,
à la surface de la terre, notamment la formation des
nuages, la turbidité et les précipitations. La plupart des
gaz et aérosols disparaissent grâce à un «processus de
-
émissions saturent ce processus, des changements cli
sièmement, il faudra nécessairement faire référence
aux différentes façons de causer des dommages à
l’environnement dans l’atmosphère: l’une est l’introduction
de substances (délétères) dans l’atmosphère,
de l’atmosphère.
17. Objectif
la troposphère et la stratosphère
30
unité mondiale unique
-
cas. La haute atmosphère, à savoir la mésosphère et la
vironnement. Tout en ayant conscience des différences,
modalités
-
concernent pas davantage les vastes régions de l’espace
mondiale, il convient de traiter l’un et l’autre dans le
27
Voir R. Dolzer, «Atmosphere, protection», dans R. Bern-
pement
progressif
du
droit
international
sur
le
sujet.
En
d’autres
termes,
l’atmosphère
doit
être
traitée
comme
un
hardt (dir. publ.), Encyclopedia of Public International Law, vol. 1
(1992), p. 290.
28
Les courants-jets (jet streams) sont des vents d’ouest (c’est-à-dire
de la troposphère. Ils se déplacent à grande vitesse, de 240 à 720 km à
l’heure.
18.
29
-
au moins peuvent être considérées comme pertinentes
supra la note 19.
30
Kiss et Shelton, International Environmental Law (voir supra la
note 1), p. 556 à 562.
l’espace aérien, les ressources naturelles partagées
ou communes, les biens communs, le patrimoine
commun et la préoccupation commune (intérêt
200
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-troisième session
commun
31
). Chacune de ces notions doit être exami-
-
nées en relation avec les obligations de l’État au titre des
paragraphes 19 à 23.
elle est applicable à la protection de l’atmosphère. Par
exemple, les États voudront peut-être réaffirmer leur
25. Règlement des différends. Tout en reconnais
-
au paragraphe 7.
19. Principes fondamentaux de la protection de
l’atmosphère
l’applicabilité de principes bien connus, notamment
les suivants: l’obligation générale des États de protéger
V. Approches de base
-
sic utere tuo ut
-
alienum non laedas aux activités menées sous «la juridiction
ou
le
contrôle»
d’un
État,
l’obligation
générale
des
-
-
développement durable et celui des obligations communes mais
différenciées.
20. Mesures de prévention et de précaution visant à
protéger l’atmosphère
et des règles juridiques se rapportant à la protection de
l’atmosphère et non de l’élaboration de propositions pra
dans ce projet sera la différenciation et la relation entre
le principe traditionnel de «prévention» et le principe
relativement nouveau de «précaution». Les mesures de
-
problèmes distincts et particuliers de l’atmosphère et les
dommage est prévisible en raison de liens de causalité et
-
-
aidera les États, les organisations internationales et la
société civile dans son ensemble à mieux comprendre les
l’environnement sera essentielle dans certaines situations.
21. Mise en œuvre des obligations. La mise en œuvre
des obligations prescrites doit être réalisée dans le cadre
-
-
les internes et l’effet de l’application extraterritoriale
ont été des sujets sensibles dans le droit international de
l’environnement. Le rôle des organisations internationales
compétentes et des conférences des parties ne doit pas être
-
l’environnement. En d’autres termes, les principes et les
mercial seront également particulièrement importants.
22. Mécanismes de coopération. Les procédures sou
à la jurisprudence du droit international général. Cela
et autres formes de coopération) et les mesures perti-
l’application des principes et des règles du droit interna-
nentes pour renforcer les capacités devraient toutes être
explorées.
tional général aux différents aspects du problème relatif à
la protection de l’atmosphère.
23. Règles procédurales visant au respect des obligations
VI. Coopération avec d’autres organismes
consultations, les systèmes de suivi, les engagements et
l’examen, les procédures visant à promouvoir et faire respecter
les
obligations,
entre
autres,
doivent
être
examinés.
24. Responsabilités. L’attribution de responsabilité, la
28. Pour conduire une étude et élaborer un projet
d’articles sur la protection de l’atmosphère, différents
modes de coopération avec d’autres organismes sont
concevables. L’Association de droit international, entre
autres, a réalisé plusieurs études portant sur le sujet proposé.
L’auteur a tenu des consultations préliminaires
avec les juristes du Programme des Nations Unies pour
31
l’environnement (PNUE) à Nairobi en janvier 2011. Il a
aussi tenu des consultations préliminaires en juillet 2011
Voir A. E. Boyle, «International law and the protection of the glo-
bal atmosphere: Concepts, categories and principles», dans R. Churchill
et
D.
Freestone
(dir.
publ.),
International Law and Global
Climate
Change
à la Maison internationale de l’environnement, à Genève,
avec les experts d’organisations internationales sises à
-
mon heritage, and common concern», dans D. Bodansky, J. Brunnée et
E. Hey (dir. publ.), The Oxford Handbook of International Environmen-
et de plusieurs secrétariats d’accords multilatéraux sur
tal Law, Oxford University Press, 2007, p. 550 à 573.
l’environnement.
Protection de l’atmosphère
201
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à 290.
PROTECTION DE L’ATMOSPHÈRE
[Point 11 de l’ordre du jour]
DOCUMENT A/CN.4/667
Premier rapport sur la protection de l’atmosphère, par M. Shinya Murase, Rapporteur spécial
*
[Original : anglais]
[14 février 2014]
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Instruments multilatéraux cités dans le présent rapport .................................................................................................................................. 252
Ouvrages cités dans le présent rapport ............................................................................................................................................................ 254
Paragraphes
IntroductIon ............................................................................................................................................................................
1-19
257
A. Inscription du sujet au programme de travail de la Commission du droit international .................................... 1-7 257
B. Objet du présent rapport ..................................................................................................................................... 8-9 259
C. Intérêt du sujet et plans d’attaque ....................................................................................................................... 10-19 259
1. Intérêt du sujet ............................................................................................................................................ 10-14 259
2. Approches ................................................................................................................................................... 15-19 260
Chapitres
I. consIdÉratIons gÉnÉrales ..........................................................................................................................................
20-63
262
A. Évolution du droit international de la protection de l’atmosphère ..................................................................... 20-28 262
B. Sources................................................................................................................................................................ 29-63 265
1. Conventions ................................................................................................................................................ 30-41 265
2. Jurisprudence des juridictions internationales ............................................................................................ 42-50 271
3. Droit international coutumier ..................................................................................................................... 51-62 275
4. Doctrine ...................................................................................................................................................... 63 278
II. dÉfInItIon ...................................................................................................................................................................
64-70
279
A. Caractéristiques physiques de l’atmosphère ....................................................................................................... 64-68 279
B. Définition de l’atmosphère ................................................................................................................................. 69-70 281
III. champ d’applIcatIon du projet de dIrectIves .............................................................................................................
71-78
282
A. Dégradation de l’environnement d’origine anthropogénique ............................................................................. 71-74 282
B. Protection des environnements naturel et humain .............................................................................................. 75 283
C. Causes de la dégradation de l’atmosphère .......................................................................................................... 76 283
D. Rapports avec d’autres branches du droit international ...................................................................................... 77-78 284
Iv. statut jurIdIque de l’atmosphère ...............................................................................................................................
79-90
284
A. Distinction entre espace aérien et atmosphère .................................................................................................... 80-83 284
B. Ressources naturelles partagées ou communes .................................................................................................. 84-85 285
C. Préoccupation commune de l’humanité ............................................................................................................. 86-90 286
v. conclusIon .................................................................................................................................................................
91-92
287
*
Le Rapporteur spécial tient à remercier M
me
Maya Inuzuka, JD, faculté de droit d’Osgoode Hall, Université York, au Canada, et M. Masayuki
Hiromi, attaché de recherche, Institut de droit comparé, Université Waseda, au Japon, pour leur contribution inestimable au présent rapport, ainsi que
M
me
Nadia Sanchez, doctorante, Université de Leyde, aux Pays-Bas, pour son aide. Il tient également à remercier ses stagiaires, M. Joseph Jerome
(2010), M. Joseph Rome (2011), M
me
Annie Hillman (2012) et M. Michael Lu (2013), de la faculté de droit de l’Université de New York, pour le
concours qu’ils lui ont apporté durant les sessions de la Commission du droit international.
251
252
Documents de la soixante-sixième session
Instruments multilatéraux cités dans le présent rapport
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Protection de l’atmosphère 253
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yoshIda, Osamu
The International Legal Régime for the Protection of the Stratospheric
Ozone
Layer, International
Law, International
Régimes,
and Sustainable
Development,
La
Haye, Kluwer Law
International,
2001.
Introduction
A. Inscription du sujet au programme de travail
de la Commission du droit international
présentation du sujet et une bibliographie sommaire, est
annexé au rapport de la Commission à l’Assemblée générale à sa soixante-sixième
session
2
.
1. À sa soixante-troisième session, en 2011, la Commission du droit international
a décidé d’inscrire le sujet
«
Protection
de
l’atmosphère
» à son programme
de travail
à long
terme
1
. Le plan d’étude, qui comprend une brève
2. À sa soixante-sixième session, l’Assemblée générale,
dans sa résolution 66/98 du 9 décembre 2011 concernant
le rapport de la Commission du droit international sur les
1
Annuaire… 2011, vol. II (2
e
partie), p. 17, par. 32.
2
Ibid., annexe II, p. 195.
258
Documents de la soixante-sixième session
travaux de sa soixante-troisième session, a notamment
pris acte du fait que cette dernière avait inscrit le sujet
« Protection de l’atmosphère » à son programme de travail
à long terme (paragraphe 7).
remarquer que « la structure actuelle du droit dans ce
domaine [était] fondée sur les traités, spécialisés et relativement
efficaces,
et
[qu’]à
la
lumière
des
négociations
en
cours face
à
des
situations complexes
en
évolution
constante, il [était]
préférable de ne pas tenter pour le
moment
de codifier de règles en la matière
3. Durant l’examen du rapport de la Commission par la
Sixième Commission, un certain nombre d’États se sont
félicités que la Commission ait inscrit ce sujet à son programme
de
travail,
disant
tout
l’intérêt
qu’ils
y
portent
11
». Le Rap-
3
.
Certains ont même souhaité qu’elle en fasse une priorité
4
. On a exprimé également l’avis que la « protection
porteur spécial prend ces observations très au sérieux et
il a tenté d’y répondre dans le présent rapport, en espérant
sincèrement que les États Membres se laisseront
persuader que la protection de l’atmosphère est un sujet
important, qui doit figurer au programme de travail de la
Commission.
de l’atmosphère [était] une préoccupation croissante de
la communauté internationale » et qu’il « serait louable
que la Commission fasse le point sur les dispositions
existantes des diverses conventions pertinentes et qu’elle
élabore un nouveau régime juridique en la matière »
5
.
4. À sa soixante-cinquième session, en 2013, la
Commission a décidé d’inscrire le sujet à son programme
de travail actuel et a nommé M. Shinya Murase Rapporteur spécial sur le
sujet
Une autre délégation, partageant cet avis, a estimé que
la « détérioration de l’atmosphère en rend[ait] la protection
urgente
12
.
6
». On a exprimé le souhait que la Sixième
5. La Commission a subordonné l’inscription du sujet
aux conditions suivantes :
Commission encourage vivement la Commission à examiner
le
sujet.
On
a
vu
d’un
bon
œil
le
fait
que
celle-ci
décide d’explorer de
nouvelles branches du droit
international,
un
représentant
faisant
observer
qu’elle
abordait
désormais
des matières jusque-là inexplorées, comme
a) Les travaux sur ce sujet seraient conduits de façon à ne pas
l’environnement, le droit humanitaire et le droit des inves-
tissements, et que ses travaux, en phase avec l’état du
droit international contemporain et répondant aux intérêts
de la communauté internationale, promettaient de donner
des résultats particulièrement utiles
7
. On a fait remarquer
empiéter sur les négociations politiques concernant, notamment, les
changements climatiques, l’appauvrissement de la couche d’ozone ou
la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance. Les travaux
ne concerneraient pas non plus des questions telles que la responsabilité
de l’État et de ses ressortissants, le principe « pollueur-payeur », le principe de précaution, les responsabilités communes mais
différenciées, et
le
transfert
de fonds et
de technologie,
y compris
des droits de propriété
intellectuelle,
vers
les
pays en
développement,
mais
seraient
aussi
sans
préjudice de ces
questions.
que la protection de l’atmosphère méritait « le plus d’être
examiné[e] car [elle] [touche] des aspects fondamentaux
de la protection de l’environnement », domaine dans
lequel il existait de nombreux instruments internationaux
et une doctrine abondante mais qui devait « être étudié
plus avant et systématisé afin de répondre aux inquiétudes
croissantes de la communauté internationale »
b) Dans le cadre des travaux sur ce sujet, la Commission ne trai-
terait pas non plus de questions relatives à certaines substances qui font
l’objet de négociations interétatiques, comme le noir de carbone ou
l’ozone troposphérique, et d’autres substances à double impact. Le projet ne viserait pas à
«
combler
» les lacunes des régimes
conventionnels.
8
c) Les questions relatives à l’espace extra-atmosphérique, y
. Certains
États ont toutefois relevé que le sujet était « hautement
technique » et ont douté que la Commission ait à s’en saisir
9
. On a craint que le caractère extrêmement technique
du sujet ne rende vaine toute tentative de codification et de
développement progressif du droit
10
. On a fait également
compris sa délimitation, seraient exclues du sujet.
d) Les travaux de la Commission sur le sujet viseraient à élaborer
un projet de directives, sans chercher à compléter les régimes conventionnels actuels par de nouvelles règles ou de nouveaux principes
juridiques.
Les
rapports
du
Rapporteur
spécial
seraient
fondés
sur le
respect
de
ces
conditions
13
.
3
Par exemple, Algérie, Documents officiels de l’Assemblée géné-
rale, soixante-sixième session, Sixième Commission, 28
e
séance
6. Lors de l’examen du rapport de la Commission
sur les travaux de sa soixante-cinquième session par la
(A/C.6/66/SR.28), par. 50 ; Danemark (au nom des pays nordiques),
ibid., 18
e
séance (A/C.6/66/SR.18), par. 30 ; Canada, ibid., 19
e
séance
(A/C.6/66/SR.19), par. 46 ; Chine, ibid., par. 15 ; Nigéria, ibid.,
20
e
séance (A/C.6/66/SR.20), par. 85 ; Pologne, ibid., par. 64 ; Slovénie,
11
États-Unis d’Amérique, ibid., 20
ibid., par. 9 ; Espagne, ibid., 27
e
séance (A/C.6/66/SR.20),
e
séance (A/C.6/66/SR.27), par. 37 ; et
Sri Lanka, ibid., par. 29.
par. 15. Des observations allant dans le même sens ont été formulées
en 2012 : Chine, ibid., soixante-septième session, 19
e
séance (A/C.6/67/
4
Danemark (au nom des pays nordiques), ibid., 18
e
séance
(A/C.6/66/SR.18), par. 31 ; et Pologne, ibid., 20
e
séance (A/C.6/66/
SR.19), par. 52 ; États-Unis, ibid., par. 118 ; France, ibid., par. 91 ; PaysBas,
ibid.,
par.
31
;
Royaume-Uni,
ibid.,
par.
68
;
et
Fédération
de
Russie, ibid.,
22
SR.20), par. 64.
e
séance (A/C.6/67/SR.22), par. 103.
5
Autriche, ibid., 19
e
séance (A/C.6/66/SR.19), par. 4.
12
Annuaire… 2013, vol. II (2
e
partie), p. 83, par. 168.
6
Japon, ibid., 18
e
séance (A/C.6/66/SR.18), par. 63.
13
Ibid. On notera que ces restrictions concernent les seules « négo-
7
République tchèque.
8
Italie, Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-
sixième session, Sixième Commission, 26
e
séance (A/C.6/66/SR.26),
par. 43. Pour la Slovénie également, la question est particulièrement
pertinente [ibid., 20
e
séance (A/C.6/66/SR.20), par. 9].
9
On a fait observer que le sujet était hautement technique et qu’il
comportait de nombreux aspects qui ne relevaient pas de la compétence
de la Commission [France, ibid., 20
e
séance (A/C.6/66/SR.20), par. 48].
Les Pays-Bas, qui ont partagé ce doute, ont estimé que la « question de
la protection de l’atmosphère sembl[ait] plus relever d’un débat entre
spécialistes » [ibid., 28
e
séance (A/C.6/66/SR.28), par. 64].
10
République islamique d’Iran, ibid., 27
e
séance (A/C.6/66/SR.27),
ciations politiques [sur la matière] » et les « questions […] qui font
l’objet de négociations », et que rien n’interdit d’envisager des matières
qui n’entrent pas dans le cadre de telles négociations. Le Rapporteur
spécial n’avait du reste nullement l’intention de bousculer des processus
politiques
en
cours
ou
de
traiter
de
thèmes
qui
y
seraient
abordés.
Le
fait que les « travaux ne concerneraient pas non plus » certaines
questions mentionnées plus haut et « seraient aussi sans préjudice de
ces questions » n’interdit certes pas de les mentionner ici. Le projet n’a
pas vocation à combler les lacunes des régimes conventionnels qu’il
ne manquera pas de déceler. Il convient également de noter que ces
restrictions n’empêchent pas non plus d’examiner les aspects du droit
international coutumier ayant trait au sujet à la lumière de la pratique
conventionnelle, considérée soit comme simple pratique des États, soit
par. 52.
comme pratique acceptée comme étant le droit (opinio juris).
Protection de l’atmosphère 259
Sixième Commission, en 2013, un certain nombre d’États
ont salué l’inscription du sujet
14
, d’autres ont réitéré les
mêmes doutes que ceux que le sujet leur avait précédemment
inspirés
15
.
qu’elle suscite et de jeter les fondements d’une définition
commune des concepts de base, des objectifs et de la portée
du
projet.
L’espoir
est
que
ce
rapport
suscite
un
débat
au
sein
de
la
Commission
qui
viendrait
donner
au
Rapporteur
spécial
les
orientations
voulues
quant
à
l’approche
à
suivre et l’objectif à
atteindre.
7. Le Rapporteur spécial a entrepris de nouer des
contacts avec des représentants d’organismes intergouvernementaux
intéressés et
d’organisations
internationales,
comme
le
Programme des
Nations
Unies pour
l’environnement
(PNUE),
l’Organisation
météorologique
mondiale
(OMM) et la Commission économique pour
l’Europe des Nations Unies (CEE)
16
.
B. Objet du présent rapport
9. Le présent rapport traitera dans un premier temps
de l’intérêt et des plans d’attaque du sujet, avant de faire
l’historique de la protection de l’atmosphère en droit
international puis d’énumérer les sources utiles aux fins
du développement progressif et de la codification du droit
dans ce domaine et de décrire les caractéristiques physiques
de
l’atmosphère,
qui
serviront
de
point
de
départ
pour
dégager une définition juridique de l’atmosphère.
Il donnera également une première approximation des
différents aspects du sujet, l’idée étant de recenser les
principales questions juridiques à étudier. Enfin, le rapport
envisagera
la
question
du
statut
juridique
de
l’atmosphère,
préalable
à l’examen
du sujet
par la
Commission.
Le
Rapporteur spécial
proposera
à titre
provisoire
des
conclusions
sur
ces
questions
préliminaires
sous
la
forme
d’un projet de
directives.
8. Le présent rapport voudrait traiter de la finalité du
projet envisagé dans le but d’apprécier l’opportunité de
faire œuvre de développement progressif et de codification
du
droit
international
en
cette
matière
;
et
circonscrire
le champ du sujet.
Toutefois, loin de revêtir
un caractère
purement exploratoire,
il se veut l’occasion de dégager les
concepts
de
base,
angles
d’attaque
et
approches
du
sujet,
le
but
étant
de
délimiter
les
contours
des
questions
que
la
Commission doit examiner
à titre
préalable
s’agissant de
la
protection
de
l’atmosphère
et
des
problèmes
juridiques
C. Intérêt du sujet et plans d’attaque
1. IntÉrêt du sujet
14
Autriche, Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-
huitième session, Sixième Commission, 17
e
séance (A/C.6/68/SR.17),
par. 73 ; Portugal, ibid., par. 86 ; Singapour, ibid., par. 78 ; Pérou, ibid.,
18
e
séance (A/C.6/68/SR.18), par. 27 ; République tchèque, ibid.,
par. 102 ; Roumanie, ibid., par. 116 ; et Indonésie, ibid., 19
e
séance
10. Si ses projets d’article sur le droit relatif aux utilisations
des
cours
d’eau
internationaux
à
des
fins
autres
que
la
navigation
17
et le droit des aquifères transfrontières
(A/C.6/68/SR.19), par. 69 ; ainsi que Cuba (au nom de la Communauté
des États d’Amérique latine et des Caraïbes), Espagne, Inde, Italie,
Malaisie, Slovénie et Thaïlande. L’Autriche a suggéré de redéfinir ces
conditions, estimant que l’examen de certaines questions exclues du
mandat à ce stade, comme la responsabilité et le principe de précaution,
était inévitable [ibid., 17
18
e
séance (A/C.6/68/SR.17), par. 73]. De l’avis
du Japon, la protection de l’environnement atmosphérique « appel[ait]
une action coordonnée de la communauté internationale », l’espoir
étant que « les travaux sur le sujet [soient] fructueux » (ibid., par. 81).
15
États-Unis, Documents officiels de l’Assemblée générale,
soixante-huitième session, Sixième Commission, 17
e
séance (A/C.6/68/
comportent des dispositions qui intéressent la protection
de l’environnement, la Commission n’a traité d’aucun
sujet de droit international de l’environnement depuis
qu’elle a achevé ses travaux sur la responsabilité internationale
pour
les
conséquences
préjudiciables
découlant
d’activités
qui ne sont pas interdites par le droit international,
c’est-à-dire
depuis
l’adoption
du projet
d’articles
sur la
prévention des
dommages transfrontières
résultant
d’activités
dangereuses
19
et des projets de principe sur la
SR.17), par. 50 ; France, ibid., par. 106 ; Royaume-Uni de GrandeBretagne
et d’Irlande du Nord, ibid.,
18
e
séance (A/C.6/68/SR.18),
par. 21 ; Chine, ibid., 19
e
répartition des pertes en cas de dommage transfrontière
découlant d’activités dangereuses
séance (A/C.6/68/SR.19), par. 60 ; Fédéra-
20
, omission de taille à
tion de Russie, ibid., par. 55. Aux yeux de la France, la limitation du
champ des travaux semblait une « sage précaution » [ibid., 17
e
séance
une époque où le monde connaissait une grave dégradation de
l’environnement
21
.
(A/C.6/68/SR.17), par. 106].
16
Dans ce contexte, la Division du droit et des conventions relatifs
11. On se souviendra que la Commission a précisé en
1997 et en 1998 que, pour choisir un nouveau sujet, elle
à l’environnement du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE)
a
organisé un atelier
de deux jours au siège du PNUE
à Nairobi,
les 17 et
18
janvier
2011, sur le thème
de la
«
Protection
de
l’atmosphère
». Le Rapporteur
spécial exprime
ses vifs remerciements
à
M.
Masaharu
Nagai,
Directeur
adjoint
par
intérim
de
la
Division,
qui
a
organisé
l’atelier.
Un
atelier
a
été
organisé
sur
le
même
thème
à
la
Maison
internationale
de
l’environnement
de
Genève,
le
15
juillet
2011
;
y
ont
participé
des
spécialistes
des
organisations
internationales
environnementales
sises à Genève, comme
le Bureau
régional
pour
l’Europe
du
PNUE,
l’Organisation
météorologique
mondiale
(OMM)
et
la Commission économique pour l’Europe (CEE). Le Rapporteur
spécial tient à remercier M
applique les critères ci-après : le sujet doit correspondre
aux besoins des États en ce qui concerne le développement
progressif
et
la
codification
du
droit
international
;
il
doit
être
suffisamment
mûr
sur
le
terrain
de
la
pratique
des
États
pour
se
prêter
à
une
codification
et
à
un
développement
progressif
;
et
il
doit
être
concret
et
suffisamment
me
Barbara Ruis du Bureau régional pour
17
Voir Annuaire… 1994, vol. II (2
e
partie), p. 94, par. 222. Le projet
l’Europe du PNUE d’avoir organisé cet atelier. Enfin, un atelier sur
le même thème, organisé conjointement par le PNUE et le Gouvernement
japonais,
s’est
tenu
à
New
York, le
26
octobre
2011, à
la
Mission
permanente
du Japon auprès de
l’Organisation des
Nations
Unies. Le
d’articles est devenu la Convention sur le droit relatif aux utilisations
des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation.
18
Voir Annuaire… 2008, vol. II (2
e
partie), p. 21, par. 53.
Rapporteur spécial exprime toute sa gratitude à M. Tsuneo Nishida pour
19
Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif, p. 157, par. 97.
avoir organisé l’atelier et à M. Chusei Yamada (ancien membre de la
Commission du droit international) pour avoir fait office de modérateur,
ainsi qu’aux personnes suivantes qui sont intervenues en tant qu’orateurs
:
M.
Donald McRae (faculté
de droit de l’Université
d’Ottawa et
membre
de la
Commission
du droit
international),
M.
Richard
Stewart
(faculté
de droit
de la
New
York University)
et
M.
Masaharu Nagai
20
Annuaire… 2006, vol. II (2
e
partie), p. 59, par. 66.
21
La décision de la Commission, en 2013, de retenir deux sujets
ayant trait à l’environnement, dont le présent, était donc bienvenue.
L’autre sujet retenu en 2013 était « La protection de l’environnement
en rapport avec les conflits armés » (M
me
Marie G. Jacobsson étant
Rapporteuse spéciale sur le sujet), Annuaire… 2013, vol. II (2
e
partie),
(PNUE).
p. 83, par. 167.
260
Documents de la soixante-sixième session
facile à traiter à ces fins
22
. On soulignera que la Commis-
principes et règles juridiques applicables à toute l’étendue
des problèmes atmosphériques, et ce, en interrogeant la
pratique des États et la jurisprudence.
sion est convenue de ne pas s’en tenir à des sujets
classiques, mais de s’intéresser aussi à ceux qui correspondent
à
«
des
tendances
nouvelles
du
droit
international
et à des préoccupations
pressantes de l’ensemble
de la
communauté
internationale
23
». Le sujet de la protection
13. L’entreprise de développement progressif et de
codification du droit international envisagée poursuit un
quadruple objectif. Premièrement, examiner l’état du
droit international coutumier établi ou en gestation, et
recenser les lacunes et chevauchements éventuels dans
le droit positif de l’atmosphère. Deuxièmement, proposer
des directives appropriées à des fins d’harmonisation et
de coordination entre régimes conventionnels ressortissant ou non au droit
international de l’environnement.
À
cet
égard,
la
question
du
commerce
dans
ses
rapports
avec
l’environnement
ne manquera pas de poser problème
de l’atmosphère satisfait de toute évidence à ces critères.
Premièrement, la détérioration de l’atmosphère fait de sa
protection une question pressante pour la communauté
internationale aujourd’hui. Deuxièmement, il y a abondance
de
preuves
de
la
pratique
des
États
(jurisprudence,
traités et autres textes
normatifs, etc.).
Troisièmement,
on
est
essentiellement en présence d’une question non pas
tant politique que juridique. C’est pour ces raisons que
la Commission et la Sixième Commission ont approuvé
l’examen du sujet proposé.
25
.
12. Comme il est dit aux paragraphes 84 et 85 ci-après,
l’atmosphère (masse d’air), ressource naturelle la plus
importante de la planète, est indispensable à la survie
de l’humanité. La dégradation des conditions atmosphériques
est
de
longue
date
un
sujet
de
grave
préoccupation
pour la communauté
internationale
24
. Diverses conven-
tions traitent de questions atmosphériques transnationales
et mondiales mais constituent un ensemble hétéroclite,
Troisièmement, aider, à travers un projet de directives, à
définir un cadre permettant d’harmoniser les lois et réglementations
internes et les règles, normes et pratiques et
procédures recommandées dans l’ordre international en
matière de protection de l’atmosphère. Quatrièmement,
établir un cadre directeur pour mécanismes et procédures
de coopération interétatique, le but étant de faciliter le
renforcement des capacités dans le domaine de la protection
transfrontière
et
mondiale
de
l’atmosphère.
Il
faut
souligner
qu’il
s’agit
non
pas
tant
de
suivre
les
modèles
consistant à
jeter l’opprobre sur les pollueurs potentiels
en
les
montrant
du
doigt
que
de
rechercher
des
moyens
possibles de coopération
internationale
pour régler
des
problèmes
communs.
et il subsiste de nombreuses lacunes quant à leur champ
d’application géographique, aux activités et substances
qu’elles réglementent et, chose plus importante, quant
aux principes et règles applicables. Cette approche parcellaire
ou graduelle
a
particulièrement
montré ses limites
s’agissant
de la protection de l’atmosphère qui, par
essence, appelle une approche globalisante. Il n’existe
pas à l’heure actuelle de cadre juridique envisageant l’ensemble
des
problèmes
environnementaux
atmosphériques
de
manière globale et systématique. La Commission
peut donc apporter sa pierre à l’édifice en dégageant les
22
Annuaire… 1997, vol. II (2
e
partie), p. 72 et 73, par. 238 ;
Annuaire… 1998, vol. II (2
e
partie), p. 114, par. 553. Dans la même
14. Enfin, il faut rappeler que le projet en question ne
fait pas double emploi avec les travaux antérieurs de la
Commission. Celle-ci a bien adopté le projet d’articles
sur la prévention des dommages transfrontières résultant
d’activités dangereuses en 2001 et le projet de principes
sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière
découlant
d’activités
dangereuses
en
2006,
qui
comportent
tous deux d’importantes
dispositions
potentiellement
applicables à des dommages causés à
l’atmosphère.
Toutefois,
leur
champ
d’application
est,
d’une
part,
trop
étendu
(en
ce
qu’ils
sont
censés
couvrir
tous
les
types
de dommages
environnementaux) et, d’autre part, trop
restreint
(en
ce
qu’ils
sont
axés
sur
les
questions
de
prévention et de répartition des pertes en cas de dommage
transfrontière
découlant
d’activités dangereuses). Ils ne
traitent
donc pas comme il se doit de la protection
de
l’atmosphère.
Aussi le
Rapporteur spécial
propose-t-il à la
veine, trois critères sont proposés pour choisir les sujets : le premier est
un critère d’ordre pratique, c’est-à-dire la question de savoir si le choix
opéré répond à un besoin pressant pour l’ensemble de la communauté
internationale ; le deuxième critère est celui de la faisabilité technique,
c’est-à-dire celui de la maturité du sujet au regard de la pratique des
États et de la doctrine ; le troisième étant celui de la faisabilité politique,
c’est-à-dire la question de savoir si le choix est susceptible de recueillir
un vaste soutien de la part des États. Voir Ramcharan, The International
Law Commission: Its Approach to the Codification and Progressive
Development of International Law, p. 60 à 63 ; Murase, Kokusai Rippo:
Kokusaiho no Hogenron (Formation du droit international : sources du
Commission d’envisager le problème d’une manière glo-
droit international), p. 217 à 221.
23
Annulaire… 1997, vol. II (2
e
partie), p. 73, par. 238. M. Amrith
bale et systématique, en s’inspirant de ses travaux antérieurs, dès lors qu’il y aurait
lieu.
Rohan Perera, membre de la Commission pendant la période quinquennale
2006-2011, a noté qu’« au fil du temps le droit international de
la coexistence a évolué et s’est transformé en droit international de la
coopération, à caractère positif, pour répondre aux besoins et aspirations
de
la
nouvelle
communauté
mondiale
et
relever
les
défis
qui
les
accompagnent
»
et
qu’«
en
dernière
analyse
l’aptitude
de
la
Commission
à
répondre
à
ces
questions
complexes
et
difficiles
pour
définir
le
nouveau
cadre juridique des relations internationales contemporaines
sera le gage de sa pertinence et du rôle qui lui sera dévolu » [voir Perera,
« Role of international law in meeting challenges to contemporary
international relations: contribution of the International Law Commis-
2. approches
a) Approche exclusivement juridique
sion (ILC) »].
15. Ayant pour vocation d’œuvrer au développement
progressif et à la codification du droit international, la
Commission retiendra bien entendu une approche strictement
juridique
du
sujet.
Étant
composée
de
juristes,
elle
s’efforcera
d’éviter
les
débats
politiques
ou
idéologiques
24
Voir, par exemple, Kiss et Shelton, International Environmental
Law, p. 555 à 592. Voir également Sands, Principles of International
Environmental Law, p. 317 à 390 ; et Sands et Peel, Principles of International
Environmental
Law,
p.
238
à
298
;
Birnie,
Boyle
et
Redgwell,
International
Law and the
Environment,
p.
335
à
378
;
Hunter,
Salzman
et
Zaelke,
International
Environmental
Law and
Policy,
p.
558
à
733
;
25
Voir Murase, « Perspectives from international economic law
on transnational environment issues », p. 283 à 431 ; voir également
Murase, International Law: An Integrative Perspective on Transboundary
Issues,
p.
1
à
127
;
et
Murase,
«
Conflict
of
international
regimes:
Xue, Transboundary Damage in International Law, p. 200 à 203.
trade and the environment ».
Protection de l’atmosphère 261
passionnés auxquels donnent lieu certaines questions
environnementales, en envisageant les seuls principes et
règles juridiques qui intéressent la protection de l’atmosphère. La Commission doit opérer une distinction
entre
les
arguments
fondés sur la
lex
lata (droit
positif)
et
ceux
tirés
de
la
lex
ferenda
(la loi telle qu’elle doit être). En
droit international de l’environnement, les propositions
et préférences de la lex ferenda s’introduisent parfois
subrepticement dans « l’interprétation » de la lex lata, ce
qu’il faudrait éviter. La Commission procédera donc avec
prudence pour élaborer le projet de directives sur la protection
de
l’atmosphère. Elle
commencera
par préciser
le
sens et la finalité des principes juridiques en vigueur
dans leur interprétation et leur application de lege lata.
Ensuite, si le droit positif s’avère lacunaire, elle envisagera de réinterpréter
les concepts, principes et règles de
droit
existants. Enfin, après avoir soigneusement étudié
les perspectives et contours des principes en vigueur, elle
pourrait s’arrêter sur le développement progressif des
règles naissantes du droit international.
devrait, autant que faire se peut, envisager les principes et
règles juridiques relatifs à l’atmosphère par référence à la
doctrine et à la jurisprudence du droit international général
27
. Elle devrait par la suite appliquer les principes et
règles du droit international général aux différents aspects
du problème de la protection de l’atmosphère. Ayant
épuisé la plupart des sujets « classiques » majeurs de droit
international, la Commission doit rechercher de nouvelles
questions de droit international donnant matière à développement
progressif
et
à
codification
dans
des
domaines
spécialisés
comme les droits de l’homme,
la protection
de
l’environnement,
et
le
commerce
et
les
investissements.
Il
y
a
quelque
vérité
à
dire
que
les
organes
spécialisés
et
les
spécialistes seraient
mieux
placés
pour
œuvrer
au
développement de ces branches du droit, mais il en
résulterait
un droit
international
encore
plus parcellaire.
Il est donc absolument
essentiel
de faire
une place
aux
différents compartiments
isolés dans le droit international
général
pour les tisser en
maillage.
Transcendant
les
frontières
entre
régimes
spéciaux,
l’approche
«
généraliste
»
ou
«
globalisante
» s’impose donc aujourd’hui dans toute
entreprise
d’élaboration
du
droit,
l’œuvre
de
codification
et
de
développement
progressif
du droit
international
étant plus importante que
jamais.
16. Naturellement, toutes les questions de droit international,
y compris le sujet considéré, présentent
des
aspects
tant juridiques que politiques. La Commission
gagnerait toutefois à s’intéresser aux seuls aspects juri-
diques du sujet. Préciser les principaux concepts d’un
point de vue juridique devrait permettre d’en étudier plus
rigoureusement le statut, le sens, la finalité, les effets, possibilités
et limites dans le cadre des régimes juridiques
existants et de créer les conditions de la formation et du
développement progressif plus cohérents du droit international
dans
l’avenir. Il s’agira
pour la
Commission
de
rationaliser en un unique ensemble souple les divers
cadres juridiques venus à ce jour régir tel(s) ou tel(s)
problème(s) bien déterminé(s) de l’atmosphère. Comme
convenu au moment du choix du sujet, il ne sera pas question
ici des négociations politiques en la matière (voir
supra le paragraphe 5).
18. D’aucuns penseront sans doute qu’étant composée
essentiellement de spécialistes
du droit international
général, la Commission est mal outillée
pour traiter
de
nouvelles branches
subsidiaires du droit international.
Le
b) Référence au droit international général
transnationales secrètent de facto des pratiques aussi bonnes, ou meilleures,
que le droit formel sous l’angle de l’efficacité réglementaire,
pourquoi se soucier de “codification et de développement progressif
du droit international” (article premier du statut de la Commission du
droit international) au lieu de se contenter de peaufiner les immunités
diplomatiques et les détails techniques du droit des traités ? » (Koskenniemi,
«
International
law
and
hegemony:
a
reconfiguration
»,
p.
212).
Voir
également
Koskenniemi,
The
Politics
of
International
Law,
p.
237.
Il
semble
toutefois
que
cette
affirmation
de
Koskenniemi
est
à
rebours
de la conclusion générale
du Groupe d’étude sur la fragmentation
du
droit international,
document
A/CN/L.682 et
Corr.1 et
Add.1
[disponible
sur le site Web de la Commission, documents de la cinquantehuitième
session
;
le
texte
définitif
sera
publié
sous
la
forme
d’un
additif
à
l’Annuaire…
2006,
vol.
II
(1
17. La Commission doit replacer les principes et règles
de droit sur le sujet dans le contexte du droit international
général. Bien entendu, les principales questions qu’elle
doit étudier intéressent entre autres les droits fondamentaux et les obligations de l’État, la compétence
de
l’État,
la
transposition
des obligations
internationales
re
partie)], qu’il a pourtant présidé [voir
également The Work of the International Law Commission, 8
e
éd.,
vol. II (publication des Nations Unies, numéro de vente : E.12.V.2),
p. 231 à 234 et p. 430 à 444]. Bien entendu, les organes de défense des
droits de l’homme seront toujours mieux à même de promouvoir les
droits de l’homme que n’importe quel autre type d’organe ; il en est de
même des questions environnementales et des organes à vocation environnementale
ou des questions commerciales et des organes à voca-
de l’État en droit interne, la responsabilité de l’État et le
tion commerciale. Toutefois, abandonner l’élaboration du droit à des
règlement des différends, ainsi que les sources du droit
international – questions classiques pour le juriste international
en général
et la Commission en
particulier.
Celleci
devra
donc
résister
à
la
tendance
au
«
cloisonnement
(ou à la
fragmentation)
» résultant
des approches
classiques
« axées sur un problème unique » du droit international
de
l’environnement
organes spécialisés conduirait à la fragmentation du droit international
dans une société internationale sans cour suprême ni cour constitutionnelle qui viendraient concilier les intérêts en
présence.
27
Par exemple, l’utilisation du concept d’« équité » dans le contexte
26
. En d’autres termes, elle
26
Murase, International Law, p. 10. M. Martti Koskenniemi, ancien
des changements climatiques – souvent ambiguë et arbitraire – montre
bien qu’il faut se reporter à la jurisprudence de la Cour internationale
de Justice, notamment à l’arrêt de la Chambre en 1985 dans l’affaire du
différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali (Différend frontalier, arrêt,
C.I.J.
Recueil
1986,
p.
554)
dans
lequel
la
Cour
a
retenu
trois
formes
d’équité
en
droit
international
:
l’équité
infra
legem
(découlant
du
droit),
l’équité
praeter
legem (extérieure
au droit, mais proche) et
l’équité
contra legem (contraire au droit), la notion d’équité praeter
legem étant particulièrement importante en ce qu’elle permet de com-
membre de la Commission, remet en question la raison d’être même de
la Commission : « Les vieux organes ayant pour mission d’élaborer le
droit, comme la Commission du droit international, en font de moins
en moins. Incapables d’identifier les intérêts des parties prenantes ou
les objectifs réglementaires, les organes à vocation “généraliste” disparaîtront
dans la mesure où il n’y a pas de raison de s’intéresser à
ce
qui n’a qu’un caractère “général”. Si les intérêts dans le domaine
des droits de l’homme, de l’environnement ou du commerce sont le
mieux servis par les organes ayant pour vocation, respectivement, les
bler les lacunes du droit positif. Voir, en général, Weil, « L’équité dans
droits de l’homme, l’environnement ou le commerce, et les activités
la jurisprudence de la Cour [i]nternationale de Justice : un mystère en
voie de dissipation ? » ; Kokott, « Equity in international law », p. 186 à
188 ; Shelton, « Equity », p. 653 à 658. Voir également le rapport établi
par la Japan Branch Committee on Climate Change, « Legal principles
relating to climate change: preliminary issues on the methodology and
scope of the work », Japanese Yearbook of International Law, vol. 52
(2009), p. 500 à 537.
262
Documents de la soixante-sixième session
Rapporteur spécial voit là au contraire s’ouvrir de nouvelles perspectives et de nouveaux horizons à la
Commission en ce
XXI
subsidiaires (compartiments) du droit international, étant
la mieux placée pour y procéder.
e
siècle. La prolifération des traités dans
ces domaines spécialisés est à l’origine d’une véritable
« congestion » ou « inflation »
28
. Les nombreuses conven-
c) Consultation des institutions et des spécialistes du
monde scientifique
tions en vigueur se recoupent mais présentent aussi des
lacunes, faute de coordination ou d’harmonisation, de
sorte que l’ensemble manque de cohérence. On a maintes
fois souligné qu’il fallait renforcer les synergies entre les
conventions en vigueur
29
. Il s’agit là d’une occasion à
saisir. Aux fins de développement progressif et de codification,
la Commission devrait envisager ces nouvelles
matières spécialisées sous l’angle du droit international
général, dans le but d’harmoniser les différentes branches
28
Voir Brown Weiss, « International environmental law: contempo-
rary issues and the emergence of a new world order », p. 697 à 702 ;
Murase, « Compliance with international standards: environmental case
studies » ; Anton, « Treaty congestion in contemporary international
environmental law ».
29
Le PNUE a souligné la nécessité de renforcer la synergie entre
19. Pour examiner un sujet comme la protection de
l’atmosphère, la Commission doit tenter de le cerner
dans ses aspects scientifiques et techniques, par exemple
les sources et les effets du dommage considéré. Aussi
doit-elle faire appel aux organisations internationales de
défense de l’environnement et aux milieux scientifiques,
l’article 16 e de son statut l’autorisant à « consulter des
institutions scientifiques et des experts individuels » aux
fins du développement progressif du droit international.
Les précédents ne manquent pas du reste : M. Chusei
Yamada, Rapporteur spécial sur le droit des aquifères
transfrontières, s’est attaché les services d’hydrologues
des aquifères de l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à l’occasion de l’élaboration
des projets d’article
sur le
sujet.
Comme le Rapporteur
spécial l’a déjà dit, il a entrepris
de solliciter
le concours et les conseils des
organisations
internationales
compétentes et de scientifiques/techni-
les accords multilatéraux dans le domaine de l’environnement : voir
l’appendice à la décision SS.VII/1 sur la gouvernance internationale en
matière d’environnement, adoptée le 15 février 2002 lors de la septième
session extraordinaire du Conseil d’administration, intitulé « Rapport
du groupe intergouvernemental à composition non limitée de ministres
ou de représentants de ministres sur la gouvernance internationale en
matière d’environnement », section III.C intitulée « Amélioration de la
coordination entre les accords multilatéraux sur l’environnement et de
l’efficacité de ces accords », en particulier le paragraphe 27 [voir Documents
officiels de l’Assemblée générale, cinquante-septième session,
Supplément n
ciens, le but étant de permettre à la Commission de cerner
o
25 (A/57/25), annexe I]. Le Conseil d’administration du
la matière à réglementer. La situation n’est pas sans rappeler
celle
du
juge
international
qui,
face
à
un
contentieux
de
plus
en
plus
étendu
en
matière
d’environnement,
se
trouve
dans l’obligation
de faire
appel
à des experts
pour
établir
le
bien-fondé
de
preuves
scientifiques
en
présence
de dossiers fourmillant de données
factuelles
30
.
PNUE a adopté des décisions similaires presque chaque année, dont
la dernière en date est la Déclaration de Nusa Dua du 26 février 2010
[Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-cinquième session,
Supplément
n
30
Voir notamment Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
o
25 (A/65/25), annexe
I, décision SS.XI/9, par. 10
à 12]. Voir également Roch et Perrez, « International environmental
governance: the strive towards a comprehensive, coherent, effective
and efficient international environmental regime ».
(Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 14, aux pages 70
à 73, par. 160 à 168 (sur la charge de la preuve et les témoignages
d’experts), et ibid., p. 108 à 111, par. 1 à 6 (opinion dissidente commune
de MM. les juges Al-Khasawneh et Simma).
chapItre I
Considérations générales
A. Évolution du droit international
de la protection de l’atmosphère
considérée comme participant de la conservation de la
vie elle-même, celle-ci étant l’un des buts essentiels de
la Loi islamique »
32
.
20. Le fluide gazeux constituant l’atmosphère, l’air (du
latin et du grec aer), est classé depuis l’Antiquité romaine
au nombre des choses communes. Dans Institutes de
l’empereur Justinien, on trouve ce passage célèbre : « Suivant
le
droit
naturel,
sont
communs à
tous
:
l’air*, l’eau
courante, la
mer, et par suite ses
rivages
22. Les océans occupent pendant des siècles une place
centrale dans le droit international moderne et il faudra
attendre le XX
e
siècle pour que l’on commence à envisa-
ger toute réglementation de l’atmosphère et de l’air
33
. Ce
31
. »
21. Selon la charia, ou Loi islamique, systématisée au
début de l’ère musulmane (VIII
e
et IX
e
siècles), l’air est
n’est qu’en 1783, lorsque les frères Montgolfier lancent
leur ballon à air chaud après y avoir été autorisés par la
police française, que les juristes commencent à s’intéresser au ciel.
Cette
autorisation, assortie
d’un ensemble
de conditions à
respecter, est la manifestation
du
pouvoir
de l’État de réglementer les activités dans ce qu’il
considéré comme un élément indispensable de la « continuité et de la préservation de la
vie
». Il ressort
d’une
étude
majeure
que
cet
«
élément
n’est
pas
moins
impor-
tant que l’eau » et que « [l’]atmosphère étant investie
de ces fonctions vitales et sociales, il s’ensuit que sa
conservation dans un état de propreté et de pureté est
32
Bagader, La protection de l’environnement en Islam, p. 4. Le
Rapporteur spécial tient à exprimer sa gratitude à l’auteur de l’étude,
Wolfgang E. Burhenne.
33
Le législateur entreprend çà et là de lutter contre la pollution
31
Ortolan, Explication historique des Instituts de l’empereur Jus-
tinien, 6
e
éd., t. 2, livre second, titre I : « De la division des choses »,
p. 245 ; voir Sand, « Transboundary air pollution ».
atmosphérique dès 1273, année où une ordonnance vient interdire
l’usage du charbon comme combustible à Londres (voir Rowlands,
« Atmosphere and outer space », p. 317).
Protection de l’atmosphère 263
est aujourd’hui convenu d’appeler l’« espace aérien »
34
.
On sait comment le concept d’espace aérien a évolué
depuis
35
. Pourtant, ce n’est qu’à partir des années 1950
que les juristes internationaux commencent véritablement
à s’intéresser aux substances qui composent l’atmosphère
et au rôle de cette dernière dans la propagation des polluants
36
. Pendant longtemps, ces juristes ne font pas clai-
l’inspection de cette dernière et à ne pas utiliser davantage
de fours à minerai vert que nécessaire. Toutefois, aucun
accord n’ayant été conclu avec la société Ducktown, la
Cour suprême a rendu un deuxième arrêt le 10 mai 1915.
Tout en faisant droit à la demande de la Géorgie, la Cour
a estimé impossible de dire si Ducktown avait suffisamment
réduit la teneur en soufre de ses fumées pour que
celles-ci ne portent pas préjudice à cet État et a prescrit à
la société un ensemble de mesures concernant la tenue de
livres, la conduite d’inspections et la limitation du niveau
des émissions.
rement la distinction entre espace aérien et atmosphère,
et l’on s’accorde à considérer que la limite supérieure de
l’espace aérien correspond à la hauteur de vol maximale
des aéronefs. Ainsi, commentant la formulation « espace
aérien » employée à l’article premier de la Convention
relative à l’aviation civile internationale
37
, un auteur a
24. Cette affaire a véritablement valeur de précédent de
la célèbre affaire de la Fonderie de Trail
pu affirmer que cet espace était aussi vaste que l’atmosphère.
Au
début du
vingtième
siècle,
la
Cour
suprême
des
États-Unis
sera toutefois
saisie d’une
affaire
de pollution
atmosphérique
qui
aura
un
grand
retentissement
en
droit
international.
39
, qui opposa
23. L’une des toutes premières affaires de pollution
atmosphérique à être portée devant une juridiction interne
est l’affaire State of Georgia v. Tennessee Copper Company
and Ducktown
Sulphur, Copper and
Iron
Company,
Ltd
38
, dont la Cour suprême des États-Unis est saisie en
les États-Unis au Canada (encore dominion britannique à
l’époque) dans les années 1930. L’affaire de la Fonderie
de Trail, qui a consacré le principe coutumier des relations de bon voisinage
dans les relations
bilatérales
entre
pays voisins, continue de faire autorité
en matière
de
pollution
atmosphérique
transfrontière
en
droit
international
contemporain.
Dans sa
sentence
de
1941,
où il
cite
longuement la décision de la Cour suprême américaine
dans
l’affaire
State
of
Georgia
v.
Tennessee
Copper Company
and Ducktown
Sulphur, Copper and
Iron
Company,
Ltd
40
,
1907 et 1915. Le litige opposait deux sociétés minières
le tribunal a démontré que certains des principes les plus
de cuivre situées dans l’État du Tennessee qui, effectuant
des opérations d’extraction et de fonte près de la frontière
avec l’État de la Géorgie, émettaient de grandes quantités
de dioxyde de soufre, substance qui contribue à la formation
d’acide
sulfurique
dans
l’atmosphère.
La
Géorgie
a
demandé
à la
Cour suprême
d’ordonner aux deux
sociétés
d’arrêter
leurs
émissions
de
gaz
nocifs
au
motif
que,
transportés
par
le
vent,
ces
gaz
faisaient
des
ravages
dans
les forêts,
vergers et
cultures
situés
sur son territoire.
La
Cour
suprême
a
jugé
la
demande
fondée
comme
émanant
d’une
entité
souveraine
soucieuse
d’éviter
que
l’air
situé
au-dessus de son territoire
ne
soit
trop
sévèrement
pollué.
En
1914, la
Géorgie
et
la
Tennessee
Copper
Company
sont
parvenues
à
un
accord
en
vertu
duquel
cette
dernière
s’engageait
à
contribuer
à
un fonds d’indemnisation
des
victimes
des fumées émises par son usine, à autoriser
fondamentaux du droit international résultent de décisions
des juridictions internes. Cette affaire est un exemple
type de litige en droit international de l’environnement à
double titre : d’une part, les causes et conséquences du
préjudice environnemental sont déterminables et, d’autre
part, tout État territorial est tenu d’une obligation de diligence
raisonnable lui prescrivant de s’assurer que les
activités des personnes morales et physiques situées sur
son territoire ne portent pas préjudice à d’autres États et
à leurs ressortissants. Ce principe de prévention sera par
la suite consacré en tant que principe 21 de la Déclaration de la Conférence
des
Nations
Unies sur
l’environnement (la
«
Déclaration
de
Stockholm
») de
1972
41
. La
pollution atmosphérique transfrontière causée par des
accidents industriels commence à prendre des proportions
d’une tout autre ampleur dans les années 1970, comme en
attestent les catastrophes de Seveso (Italie), en 1976, et
de Bhopal (Inde), en 1984
42
. La Convention sur les effets
34
Durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, les deux par-
transfrontières des accidents industriels
ties utilisèrent des ballons, en particulier durant le siège de Paris. Cette
expérience a conduit la première Conférence de la paix de la Haye de
1899 à adopter la Déclaration de 1899 relative à l’interdiction de lancer
des projectiles et des explosifs du haut de ballons (voir Sand, Pratt et
Lyon, An Historical Survey of the Law of Flight, p. 9 ; et Heere, « Pro-
43
a pour objet de
blems of jurisdiction in air and outer space »).
protéger les hommes et l’environnement face aux conséquences
des
accidents
industriels,
imposant
l’adoption
de
mesures préventives et, en cas d’accident,
l’adoption
de
mesures propres à réduire
la
gravité
et
à atténuer
les
effets
des accidents.
35
Au tout début du XX
e
siècle, Paul Fauchille, principal théoricien
de la liberté de l’air, soutient essentiellement que l’air n’est susceptible
ni de propriété ni de souveraineté, nul ne pouvant l’occuper et les États
ne pouvant le dominer. Par la suite, l’espace aérien est res communis
omnium, partant libre. Toutefois, il proposait qu’une zone de protection soit instituée dans la limite
de
1
500
mètres depuis la surface du
sol
(Fauchille, « Le domaine aérien et le régime juridique des aérostats
»). La
Convention
portant
réglementation
de
la
navigation
aérienne
consacre
la souveraineté
complète
et exclusive
de l’État
sur l’espace
aérien
situé
au-dessus de
son territoire
(voir
Mateesco
Matte,
Traité
de
droit
aérien-aéronautique,
p.
95 et
suiv.).
25. Durant les années 1960, le droit international de
l’environnement sera confronté à de nouveaux défis
venus s’ajouter aux problèmes environnementaux transfrontières
déjà connus. Ces défis sont de deux ordres.
L’un tient à la diversification des causes et conséquences
des dommages environnementaux, comme dans le cas
des pluies acides, qui rend difficile toute détermination
36
Voir, par exemple, Hogan, « Legal terminology for the upper
regions of the atmosphere and for the space beyond the atmosphere ».
39
Fonderie de Trail, Nations Unies, Recueil des sentences arbi-
trales, vol. III (numéro de vente : 1949.V.2), p. 1905-1982.
37
La Convention est entrée en vigueur en 1947 ; voir Cheng, « Air
Law » ; et Cheng, The Law of International Air Transport, p. 120 et 121.
40
Ibid., p. 1965.
38
Cour suprême des États-Unis, State of Georgia v. Tennessee Cop-
41
Voir Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environ-
per Company and Ducktown Sulphur, Copper and Iron Company, Ltd,
13 mai 1907 et 10 mai 1915, United States Reports, vol. 237, p. 474 et
477 ; décision reproduite dans Robb, International Environmental Law
nement, Stockholm, 5-16 juin 1972 (publication des Nations Unies,
numéro de vente : F.73.II.A.14), chap. I.
42
Murase, International Law, p. 74 à 96.
Reports, p. 514 à 523.
43
La Convention est entrée en vigueur en 2000.
264
Documents de la soixante-sixième session
de l’origine précise de la pollution et des lieux touchés.
Les dommages découlant de l’accumulation d’une multitude
de
causes,
il
est
devenu
particulièrement
compliqué
d’en
identifier les responsables. La Convention sur la
pollution atmosphérique transfrontière à longue distance
se donnera pour but de répondre à ces problèmes dans
un cadre régional
programme Action 21 est consacré à la « Protection de
l’atmosphère »
52
et, dans les années qui suivent l’adoption
du programme, la Commission du développement durable
consacre des débats de fond à ce sujet en 2001
53
et en
2007
54
, à l’occasion desquels elle aborde un ensemble de
44
. L’autre défi tient à la multiplication
questions thématiques, dont l’atmosphère et la pollution
de l’air. Selon la Déclaration de Johannesburg sur le développement
durable,
l’environnement
mondial
continue
de
souffrir et la pollution
de
l’air, de l’eau
et du milieu
marin
continue d’empêcher des
millions d’individus
d’accéder à un niveau de vie
correct
des « activités présentant des risques exceptionnels »,
comme l’exploitation de pétroliers, d’aéronefs, de centrales nucléaires et d’engins spatiaux. Si ces activités
ont
globalement permis d’améliorer le bien-être des
populations,
les
dommages
qu’elles
sont
susceptibles
de
causer
à la vie humaine sont considérables s’il se produit
un
accident, et il s’en est déjà produit. Il faudra donc
instituer un régime de responsabilité
sui
generis dans
les
conventions
pertinentes
55
. Pour autant, les efforts
45
.
déployés pour protéger l’atmosphère ne se traduisent
pas par l’adoption d’instruments contraignants, même si
l’idée d’une convention multilatérale globale sur l’atmosphère semble connaître un regain d’intérêt
ces dernières
années.
Ainsi,
le
quinzième
Congrès
mondial
sur
l’air
pur
(World Clean
Air Congress) tenu à
Vancouver (Canada),
en
septembre
2010,
adoptera
une
déclaration
finale
intitulée
« One atmosphere », dans laquelle les participants
plaident en faveur de l’intégration des politiques relatives
26. Depuis les années 1980, on assiste à une dégradation
rapide
de
l’environnement
mondial
qui
se
manifeste
par l’appauvrissement
de la couche d’ozone et des
changements
climatiques. La Convention de Vienne pour la
protection de la couche d’ozone
46
et le Protocole de Mont-
réal relatif à des substances qui appauvrissent la couche
d’ozone
47
organisé une conférence à Toronto sur le changement atmosphérique
réunissant des scientifiques et des représentants de gouvernements,
de l’ONU et d’autres organisations intergouvernementales et non
sont au nombre des premières mesures prises
par la communauté internationale. Elles seront suivies,
gouvernementales. Les participants à la Conférence avaient demandé
dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques,
par
la
Convention-cadre
des
Nations
Unies
sur
les
changements
climatiques
48
et le Protocole de Kyoto à la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques
49
. Face à ces défis planétaires, le droit inter-
national dégage un certain nombre de solutions inédites
pour pallier l’incertitude scientifique associée aux problèmes
environnementaux
: consécration du principe de
précaution
;
adoption
d’une
combinaison
de
conventionscadres
et
de
protocoles
;
et
mise
en
place
de
mécanismes
novateurs
et flexibles, le but étant de faire respecter les
dispositions adoptées
50
.
27. À la fin des années 1980, d’importants mouvements
de promotion du « droit de l’atmosphère » voient le jour
qui préconisent l’adoption d’une stratégie globale de lutte
contre les problèmes atmosphériques
51
. Le chapitre 9 du
44
La Convention est entrée en vigueur en 1983 ; voir Sand, « Regio-
nal approaches to transboundary air pollution ».
45
Voir, par exemple, Goldie, « Liability for damage and the pro-
gressive development of international law » ; Jenks, « Liability for
aux gouvernements de travailler d’urgence à l’élaboration d’un plan
d’action pour la protection de l’atmosphère qui comprendrait une
convention-cadre internationale. L’année suivante, en février 1989,
une réunion de juristes et d’experts politiques se tint à Ottawa. Les
participants recommandèrent l’élaboration d’une convention-cadre
sur la protection de l’atmosphère et définirent les éléments qu’un
tel instrument devrait comprendre. Bien évidemment, les choses ont
évolué et le changement climatique a pris une place centrale, et bien
que certaines des idées émises lors de cette réunion ont trouvé place
dans d’autres conventions, aucune convention-cadre sur la protection
de
l’atmosphère
n’a
jamais
été
conclue.
J’ai
dit
que
l’on
pouvait
établir un lien entre les travaux de la réunion de 1989 et ceux de
la
Commission du droit international.
Alan
Beesley, juriste
international
et diplomate canadien, acteur clef des négociations sur la
Convention
sur le droit de la mer et de la Conférence de Stockholm, et
membre
de
la
Commission
à
l’époque,
a
joué
un
rôle
de
premier
plan
durant
ladite
réunion
de
juristes
et
d’experts
politiques.
Dès
l’ouverture
de
la
réunion,
il
a
fait
valoir
qu’il
appartenait
aux
juristes
de
trouver
des
solutions novatrices et de jouer un rôle moteur pour faire
progresser
ce
domaine
sur
le
plan
politique.
Participaient
également
à
cette
réunion
Julio Barboza, membre de la Commission à l’époque, Vaclav
Mikulka, Hanqin Xue et moi-même, tous devenus membres de la
Commission par la suite. On peut dire que, d’une certaine manière,
la proposition du professeur Murase tendant à ce que la Commission
examine le sujet de la protection de l’atmosphère était déjà en germe il
y a une vingtaine d’années. Or, si le sujet était déjà considéré comme
suffisamment mûr à l’époque, qu’en dire aujourd’hui ? » (Donald
McRae, intervention lors de l’atelier sur la protection de l’atmosphère
ultra-hazardous activities in international law », p. 111-120 ; Dupuy, La
responsabilité internationale des États pour les dommages d’origine
technologique et industrielle.
tenu le 26 octobre 2011 à la Mission permanente du Japon auprès de
46
La Convention est entrée en vigueur en 1988.
47
Le Protocole est entré en vigueur en 1989.
l’ONU, à New York, et organisé conjointement par le Gouvernement
japonais et le PNUE). Voir Murase, « Protection of the atmosphere
and international law: rationale for codification and progressive development
»,
p.
9,
note
10.
48
La Convention est entrée en vigueur en 1994.
52
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement
49
Le Protocole est entré en vigueur en 2005.
50
Murase, International Law, p. 24 à 30.
et le développement, Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992, vol. I, Résolutions
adoptées par la Conférence (publication des Nations Unies, numéro de
vente : F.93.I.8 et rectificatif), résolution 1, annexe II.
51
Pour les conférences de 1988 et 1989 organisées par le Gouver-
nement canadien, voir « International Conference on Atmosphere »,
Environmental Policy and Law, vol. 18, n
53
Commission du développement durable, Rapport sur les travaux
o
5 (1988), p. 155 ; « Pro-
de sa neuvième session (5 mai 2000 et du 16 au 27 avril 2001), Documents
officiels
du
Conseil
économique
et
social,
2001,
Supplément
n
tection of the atmosphere: statement of the International Meeting of
Legal and Policy Experts, Ottawa, Ontario, Canada, February 22,
1989 », American University Journal of International Law and
Policy, vol. 5 (1989-1990), p. 529 à 542 ; Bruce, « Law of the air: a
conceptual outline » ; Sand, « UNCED and the development of international
environmental
law
»
;
voir
également
Soroos,
The
Endangered
Atmosphere:
Preserving
a
Global
Commons.
M.
Donald
McRae
a
rappelé
que
la
protection
de
l’atmosphère
était
un
sujet
qui
entretenait
des
liens
avec
les
travaux
de
la
Commission
depuis
la
fin
des
o
9
(E/2001/29).
54
Commission du développement durable, rapport sur les travaux
de sa quinzième session (12 mai 2006 et 30 avril-11 mai 2007), Documents
officiels
du
Conseil
économique
et
social,
2007,
Supplément
n
o
9
(E/2007/29).
55
Rapport du Sommet mondial pour le développement durable,
Johannesburg (Afrique du Sud), 26 août-4 septembre 2002 (publication
des
Nations
Unies, numéro
de
vente
:
F.03.II.A.1),
chap.
I, annexe,
par.
13.
années 1980, faisant remarquer qu’« en juin 1988 le Canada avait
Protection de l’atmosphère 265
au climat et à la pollution et de l’élaboration d’un « droit
de l’atmosphère » qui fasse pendant à la Convention sur le
droit de la mer
1. conventIons
56
. Toutefois, parler d’un « droit de l’atmos-
30. On trouvera ci-après une liste indicative d’accords
multilatéraux et bilatéraux contraignants relatifs aux
questions atmosphériques.
phère » semble prématuré en l’état actuel des choses et
il serait plus réaliste d’envisager un « droit de la protection
de
l’atmosphère
»
de
portée
nettement
plus
limitée.
Il
est
néanmoins
encourageant
de
voir
qu’une
dynamique
semble
se
dégager
dans le
sens d’une
approche
globalisante du
sujet.
a) Accords multilatéraux relatifs à la pollution de l’air
– Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière
à longue distance
et les protocoles
y
relatifs
:
celui relatif au financement à long terme du
programme concerté de surveillance continue et d’évaluation
du transport à longue distance
des polluants
atmosphériques
en
Europe
;
celui
relatif
à
la
réduction
des
émissions
de
soufre
ou
de
leurs
flux
transfrontières
d’au moins
30
pour cent et celui relatif
à une nouvelles
réduction
des émissions de soufre ; celui relatif à la
lutte contre les émissions d’oxydes d’azote ou leurs
flux transfrontières ; celui relatif à la lutte contre les
émissions des composés organiques volatils ou leurs
flux transfrontières ; celui relatif aux métaux lourds ;
celui relatif aux polluants organiques persistants ; et
celui relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation
et de l’ozone troposphérique (Protocole de
Göteborg) , tel que modifié le 4 mai 2012
28. On signalera enfin que l’une des recommandations issues de l’atelier sur les stratégies
internationales
de
lutte contre la pollution atmosphérique, organisé à
Göteborg (Suède), du 24 au 26 juin 2013, par l’Agence
suédoise de protection de l’environnement et l’Institut
suédois
de
recherche
environnementale,
en
étroite
collaboration avec le secrétariat de la Convention
sur
la
pollution
atmosphérique
transfrontière
à
longue
distance et la Commission européenne, tend à demander
à
la Commission de mettre ses compétences
spécialisées
au service de la protection de l’atmosphère. Les
participants suggèrent au secrétariat de la Convention
d’inviter
la
Commission
à
continuer
de
définir
les
contours
d’un
«
droit
de l’atmosphère » qui faciliterait l’adoption de
mesures intégrées en matière de changement climatique
et de pollution troposphérique
58
.
57
. On peut donc dire que
les attentes de la communauté internationale auxquelles
la Commission doit répondre sont particulièrement
élevées.
B. Sources
– Accord concernant l’adoption de conditions uniformes
d’homologation et la reconnaissance réciproque de
l’homologation des équipements et pièces de véhicules
à
moteur,
rebaptisé
Accord
concernant
l’adoption
de
prescriptions
techniques
uniformes
applicables
aux
véhicules
à
roues,
aux
équipements
et
aux
pièces
susceptibles
d’être montés ou utilisés
sur un véhicule
à
roues
et
les
conditions
de
reconnaissance
réciproque
des
homologations délivrées
conformément
à ces
prescriptions lors de son entrée en
vigueur
29. Aux fins de l’étude du sujet de la protection de l’atmosphère, le Rapporteur spécial s’appuiera sur diverses
sources. Les conventions multilatérales
sur la matière
peuvent
grosso modo se répartir entre celles qui sont
essentiellement d’application régionale et celles qui sont
d’application universelle. Les conventions bilatérales sont
peu nombreuses (à la différence des conventions multilatérales),
ce
qui
montre
bien
le
caractère
fondamentalement
régional
et planétaire
de la plupart des problèmes liés à
l’atmosphère.
L’existence
des principes et règles
coutumiers
de
la
protection
de
l’atmosphère
s’appuiera
par
référence
aux deux éléments
de la coutume
internationale
que
sont
l’opinio
juris
et
la
pratique
générale
des
États.
Pour ce faire, le Rapporteur spécial
interrogera
outre la
jurisprudence
des
juridictions
internationales,
qui
a
bien
59
, devenu par
la suite un accord à portée universelle intitulé Accord
concernant l’établissement de règlements techniques
mondiaux applicables aux véhicules à roues, ainsi
qu’aux équipements et pièces qui peuvent être montés
et/ou utilisés sur les véhicules à roues
60
.
– Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière
61
.
– Convention sur les effets transfrontières des accidents
industriels, ainsi que le Protocole sur la responsabilité
évidemment valeur de source essentielle à cet égard, les
civile et l’indemnisation en cas de dommages causés
instruments non conventionnels, la législation interne et
la jurisprudence interne, toutes sources qui servent de
base aux fins de la codification et du développement progressif du
droit.
par les effets transfrontières d’accidents industriels sur
les eaux transfrontières, se rapportant à la Convention
de 1992 sur la protection et l’utilisation des cours
58
Organe exécutif de la Convention sur la pollution atmosphé-
56
Disponible à l’adresse suivante : www.iuappa.com/newsletters/
rique transfrontière à longue distance, décisions 2012/1 et 2012/2. Voir
C.N.171.2013.TREATIES-XXVII.1.h et C.N.155.2013.TREATIESXXVII.1.h
(disponible à l’adresse
suivante
:
https://treaties.un.org,
rubrique
«
État des
traités
»,
chap.
XXVII,
1.h).
VancouverDeclaration.pdf. Le Congrès mondial sur l’air pur est organisé par l’Union internationale
des associations pour la prévention de
la
pollution
atmosphérique,
qui
regroupe
des
organisations
non
gouvernementales de
40
pays.
59
L’Accord est entré en vigueur en 1959. Le titre a été modifié en
1995 au moment de l’entrée en vigueur des amendements adoptés par
le Comité des transports intérieurs de la Commission économique pour
57
Grennfelt, Saltjöbaden V – Taking International Air Pollution
Policies into the Future, Gothenburg, 24-26 June 2013, p. 14. À sa
l’Europe des Nations Unies (CEE) à sa cent troisième séance le 18 août
trente-deuxième session, du 9 au 13 décembre 2013, l’organe exécutif
de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue
distance a pris note des recommandations formulées à l’issue de l’atelier
«
Saltsjöbaden
V
» (voir
ECE/EB.AIR/122). Une recommandation
similaire
a été adressée à la Commission du droit international
à l’issue
du
seizième Congrès sur l’air pur, tenu au Cap (Afrique du Sud) du
1994 (voir E/ECE/324/Rev.2-E/ECE/TRANS/505/Rev.2) ; il a été mis
en œuvre par une série de règlements techniques sur les émissions de
polluants (en particulier les règlements n
os
40, 41, 47, 49, 51 et 83).
60
L’Accord est entré en vigueur en 2000 et a été mis en œuvre par
une série de règlements techniques, notamment ceux sur la mesure des
émissions de dioxyde de carbone et autres gaz d’échappement.
29 septembre au 4 octobre 2013.
61
La Convention est entrée en vigueur en 1997.
266
Documents de la soixante-sixième session
d’eau transfrontières et des lacs internationaux et à la
Convention de 1992 sur les effets transfrontières des
accidents industriels
62
.
– Protocole de 1997 (nouvelle annexe VI : Règles relatives
à la prévention de la pollution de l’atmosphère par les
navires) modifiant la Convention internationale de 1973
pour la prévention de la pollution par les navires, telle
que modifiée par le Protocole de 1978 y relatif
– Directives du Conseil de l’Union européenne sur la pollution
atmosphérique
70
.
63
, en particulier la Directive 2001/81/
CE fixant des plafonds d’émission nationaux pour certains
polluants
atmosphériques
64
– Accord de l’ASEAN sur les nuages de pollution
transfrontières.
; la Directive 2007/46/
CE établissant un cadre pour la réception des véhicules à
moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants
et
des
entités
techniques
destinés
à
ces
véhicules
65
– Convention de Stockholm sur les polluants organiques
persistants
71
.
,
ainsi que les annexes correspondantes et les règlements
techniques mettant en œuvre/adaptant les accords CEE
correspondants pour les véhicules à roues
66
– Convention-cadre sur la protection de l’environnement
pour le développement durable en Asie centrale
; la Directive
72
.
2008/50/CE concernant la qualité de l’air ambiant et un
air pur pour l’Europe
67
; et la Directive 2010/75/UE rela-
tive aux émissions industrielles (prévention et réduction
intégrées de la pollution)
68
.
– Convention de Minamata sur le mercure.
b) Accords bilatéraux sur la pollution atmosphérique
transfrontière
– Traité entre la Tchécoslovaquie et la Pologne concernant la protection
de l’atmosphère
contre la
pollution
– Normes et pratiques recommandées internationales
de l’Organisation de l’aviation civile internationale
(OACI) concernant les émissions des moteurs d’aviation
:
annexe
16 (Protection
de l’environnement)
à la
Convention relative à l’aviation civile
internationale
73
.
69
.
– Mémorandum déclaratif d’intention entre les ÉtatsUnis
d’Amérique
et
le
Canada
concernant
la
pollution
atmosphérique
transfrontière
74
.
62
Le Protocole n’est pas encore entré en vigueur.
63
Pour une synthèse actuelle, voir Jans et Vedder, European Envi-
ronmental Law: After Lisbon, p. 419 à 430.
64
Directive 2001/81/CE du Parlement européen et du Conseil du
– Accord de coopération entre les États-Unis du Mexique
et les États-Unis d’Amérique relatif à la protection et à
l’amélioration de l’environnement dans la zone frontalière
23 octobre 2001 fixant des plafonds d’émission nationaux pour certains
polluants
atmosphériques,
Journal
officiel
de
l’Union
européenne,
n
75
et ses deux accords complémentaires
76
.
o
L 309, 27 novembre 2001, p. 22.
65
Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du
– Accord entre le Gouvernement du Canada et le
Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur la qualité de
l’air
5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à
moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités
techniques destinés à ces véhicules (ibid., n
77
.
o
L 263, 9 octobre 2017, p. 1).
66
En particulier le règlement (CE) n
o
715/2007 du Parlement euro-
– Accords entre l’Allemagne et la République tchèque
de 1992, 1994, 2000 et 2004
péen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à
moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires
légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien
des véhicules
(ibid.,
n
78
.
o
L 171, 29 juin 2007, p. 1) tel que modifié par
le Règlement (CE) n
o
595/2009 du Parlement européen et du Conseil du
vigueur en 1982 ; elle est régulièrement actualisée par le Conseil de
l’OACI. Voir Sand, Lessons Learned in Global Environmental Governance,
p.
18 à
20.
18 juin 2009 relatif à la réception des véhicules à moteur et des moteurs
au regard des émissions des véhicules utilitaires lourds (Euro VI) et à
l’accès aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules,
et modifiant le règlement (CE) n
70
L’annexe VI est entrée en vigueur en 2005 ; elle a été réguliè-
o
rement actualisée par le Comité de la protection du milieu marin de
l’Organisation maritime internationale.
715/2007 et la directive 2007/46/CE,
et abrogeant les directives 80/1269/CEE, 2005/55/CE et 2005/78/CE
(ibid., n
71
La Convention est entrée en vigueur en 2004.
o
L 188, 18 juillet 2009, p. 1) ; entré en vigueur en 2013.
72
La Convention-cadre n’est pas encore entrée en vigueur. Les pays
67
Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du
21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour
signataires sont le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan.
L’article
8 traite de la protection de
l’air.
l’Europe (ibid., n
o
L 152, 1
1
juin 2008, p. 1), remplaçant à compter du
73
Signé à Varsovie le 24 septembre 1974, Nations Unies, Recueil
11 juin 2010 plusieurs directives relatives à la qualité de l’air ambiant
portant sur des substances spécifiques [telles que le dioxyde de soufre
(1980), le plomb (1982), le dioxyde d’azote (1985), l’ozone au sol
(1992) et les composés organiques volatiles (1999/2004)], et la Directive 96/62/CE du Conseil du
27
septembre 1996 concernant
l’évaluation
et la gestion de la qualité de l’air ambiant (Journal officiel des
Communautés européennes, n
des Traités, vol. 971, n
o
14068, p. 403, et entré en vigueur en 1975. Voir
Sommer, « Transboundary co-operation between Poland and its neighbouring
States ».
74
Signé à Washington le 5 août 1980, Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 1274, n
o
21009, p. 235.
o
L 296, 21 novembre 1996).
75
Signé à La Paz (Basse-Californie) le 14 août 1983, ibid., vol. 1352,
68
Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du
n
o
22805, p. 67.
24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et
réduction intégrées de la pollution) [Journal officiel de l’Union européenne,
n
76
Accord de coopération relatif à la pollution transfrontière de l’air
o
L 334, 17 décembre 2010, p. 17], remplaçant à compter du
causée par des fonderies de cuivre le long de leur frontière commune,
constituant l’annexe IV à l’Accord susmentionné du 14 août 1983, signé
à Washington le 29 janvier 1987 (ibid., vol. 1465, n
7 janvier 2016 la Directive 2001/80/CE du Parlement européen et du
Conseil du 23 octobre 2001 relative à la limitation des émissions de
o
22805, p. 373), et
Agreement of cooperation between the United States of America and
certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes instal-
the United Mexican States regarding international transport of urban
lations de combustion (Journal officiel des Communautés européennes,
n
o
L 309, 27 novembre 2001, p. 1), qui avait elle-même remplacé une
air pollution (annexe V), signé à Washington, le 3 octobre 1989 [Treaties and Other International
Acts
Series,
Washington, United States
Government Printing Office (TIAS
11269)].
directive de 1988, et la Directive 2000/76/CE du Parlement européen et
du Conseil du 4 décembre 2000 sur l’incinération des déchets (Journal
officiel des Communautés européennes, L 332, 28 décembre 2000, p. 91).
77
Signé à Ottawa le 13 mars 1991, Nations Unies, Recueil des Trai-
tés, vol. 1852, n
o
31532, p. 79.
69
La première édition de l’annexe 16, vol. II (« Émissions des
78
L’Accord de 1994 prévoit la mise en œuvre de projets pilotes
moteurs d’aviation ») a été adoptée le 30 juin 1981 et est entrée en
environnementaux conjoints d’épuration des gaz de combustion des
Protection de l’atmosphère 267
c) Conventions multilatérales concernant
des problèmes atmosphériques mondiaux
technique
81
. Les engagements qui en résultent sont plus
– Convention de Vienne pour la protection de la couche
d’ozone et son Protocole de Montréal relatif à des
substances qui appauvrissent la couche d’ozone.
– Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et son Protocole de
Kyoto.
31. Certains de ces accords sont brièvement présentés
ci-après. Ce sont assurément là d’importantes sources
dont la Commission peut s’inspirer pour élaborer un projet de directives sur la protection de
l’atmosphère.
équitables pour l’ensemble des parties, puisqu’ils se
fondent sur le calcul de sources et effets réels. Le Protocole
relatif
à la lutte
contre les émissions d’oxydes
d’azote, en 1988, prescrit aux parties de stabiliser leurs
émissions
d’oxydes
d’azote
ou
leurs
flux
transfrontières
aux niveaux de 1987 en 1994 au plus tard. Portant sur
les
principales
sources
fixes
(telles
que
les
centrales
électriques)
et
mobiles
(telles
que
les
émissions
de
véhicules),
il
envisage
la
négociation
de
charges
critiques
internationalement
reconnues
de
pollution par
les
oxydes d’azote
devant
entrer en vigueur après 1996. On considère que
cette façon de procéder convient mieux à la protection
régionale de l’environnement que toute réduction uniforme des
émissions
82
. Entre 1991 et 1998, trois protocoles
32. Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance
79
. La Convention, éla-
viendront réglementer les émissions de composés organiques
volatiles, de polluants organiques persistants, de
plomb, de cadmium et de mercure. Enfin, en 1999, la CEE
adopte le Protocole relatif à la réduction de l’acidification,
de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique (Protocole
de
Göteborg), visant à
atténuer leurs
effets néfastes
sur la
santé, les écosystèmes
naturels
et
les cultures
en
raison
de la pollution atmosphérique transfrontière. Le
Protocole reconnaît la nécessité d’une approche de pré-
borée sous les auspices de la CEE, est un accord-cadre
censé répondre aux préoccupations majeures concernant
les pluies acides et autres polluants dispersés. Elle définit
en son article 1 b l’expression « pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance » comme toute pollution
ayant des effets à une distance telle « qu’il n’est généralement
pas possible
de
distinguer
les
apports
des sources
individuelles ou groupes de sources d’émission ». Sans
caution et prescrit de limiter les émissions aux charges
fixer de limites précises d’émissions des polluants industriels,
elle
établit
un
régime
d’examen
continu
de
la
question.
On a pu dire que, « en dépit de lacunes évidentes,
l’intérêt réel de la Convention de Genève tient en ceci
qu’elle institue un cadre utile de coopération et d’élaboration d’autres mesures de contrôle
de la
pollution
80
critiques précisées dans les annexes. Il convient de noter
que les parties à la Convention prendront en mai 2012 la
décision historique de modifier le Protocole de Göteborg à
l’égard de certaines substances, à l’effet d’inclure dans la
version révisée du Protocole le carbone noir – composant
de matière particulaire
». Une
83
– et le carbone noir, l’ozone et le
série de huit protocoles distincts seront négociés et adoptés par la
suite.
méthane, polluants atmosphériques importants et agents
de forçage climatique à courte durée de vie dans les plans
de travail sur les conventions à moyen et à long terme
84
.
33. Protocoles se rapportant à la Convention sur la
pollution atmosphérique transfrontière à longue distance.
Les
protocoles
font
œuvre
d’innovations
majeures
dans
l’élaboration des règles. Le premier Protocole sur
les émissions de soufre, en 1985, prescrit aux parties de
réduire
leurs
émissions
de
soufre
ou
de
leurs
flux
transfrontières
d’au
moins
30
%
à
l’horizon
1993,
appliquant
un taux uniforme
à l’ensemble
des parties.
En revanche,
le second Protocole sur
les émissions de soufre, en 1994,
faisant
application
de
la
notion
de
«
charge
critique
»,
vient
fixer
des
objectifs
différenciés
à
chaque
partie.
Ces
objectifs vont d’une réduction de
80
% pour l’Allemagne
à une
augmentation
de
49
% pour la Grèce, la réduction
col-
34. Convention sur les effets transfrontières des accidents
industriels. Comme la Convention sur la
pollution
atmosphérique
transfrontière
à
longue
distance,
la
Convention sur
les
effets
transfrontières
des
accidents
industriels
a
été négociée par la CEE en tant qu’élément du cadre
juridique de protection de l’environnement. Elle vise à
protéger l’homme et l’environnement des effets transfrontières
étendus d’accidents industriels tels que la fuite de
résidus d’extraction minière à Baia Mare (Roumanie). La
Convention réaffirme au paragraphe 4 de son article 3 le
principe de la responsabilité de l’État et prescrit aux parties de prendre des mesures législatives,
réglementaires,
lective globale des émissions étant de 50,8 %. Alors que
administratives et financières pour prévenir les accidents
l’objectif du premier Protocole – réduction de 30 % – est
essentiellement arbitraire, les objectifs nationaux différenciés du second Protocole résultent de l’application
de
la
méthode
des
charges
critiques
et
du
coût-efficacité,
dénotant
un haut degré de connaissance scientifique et
industriels, s’y préparer et y faire face. Les parties doivent
81
Ibid., p. 346. Pour cette raison, a-t-il été noté, le principe de pré-
caution n’a pas dû être appliqué dans ce cas, même si le préambule
du Protocole le mentionne et convient de l’existence d’une incertitude
scientifique.
centrales électriques au charbon ; les Accords de 2000 et 2004 prévoient la mise en place conjointe d’un
«
fonds
air
pur
» et d’autres
projets
pilotes en République tchèque, le but étant de réduire l’effet de
la pollution atmosphérique transfrontière en Allemagne ; l’Accord de
2004 prévoit expressément une « mise en œuvre conjointe » en vertu
du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques.
82
Ibid., p. 347.
83
Voir amendement du texte et des annexes II à IX du Protocole et
ajout de nouvelles annexes X et XI (disponible à l’adresse suivante :
https://treaties.un.org, rubrique « État des traités », chap. XXVII, 1.h),
annexe, article 10, nouveau paragraphe 3.
84
Pour une étude de fond, voir « Transport hémisphérique des pol-
79
Voir Sliggers et Kakebeeke, Clearing the Air: 25 years of the
Convention on Long-range Transboundary Air Pollution ; Lidskog et
Sundqvist, Governing the Air: The Dynamics of Science, Policy, and
Citizen Interaction.
80
Birnie, Boyle et Redgwell, International Law and the Environ-
ment, p. 345.
luants atmosphériques (2010) » (ECE/EB.AIR/2010/10 et Corr.1 et 2).
Sur la nécessité d’intégrer la réglementation des polluants atmosphériques
et
les
agents
de
forçage
climatiques,
voir
aussi
le
nouveau
rapport
global
intitulé
On Thin Ice: How Cutting
Pollution
Can Slow
Warming
and Save
Lives
(Banque
mondiale
et
International
Cryosphere
Climate
Initiative,
2013), disponible à l’adresse
suivante
:
http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/146561468180271158/Main-report.
268
Documents de la soixante-sixième session
identifier les activités dangereuses relevant de leur juridiction
(art.
4,
par.
1) et implanter les nouveaux projets
là
où
les
risques
de
dégâts
à
l’environnement
sont
moindres
(art.
7). La Convention crée un cadre de coopération
internationale
qui
va
au-delà
de
l’assistance
en
cas
d’accident.
Les parties sont tenues d’informer et de consulter les
autres
parties pouvant subir les
effets transfrontières
d’opérations
dangereuses et d’élaborer des plans
d’urgence
conjoints
ou compatibles. La Convention encourage
également
l’échange
d’informations
et
de
techniques
de
sécurité
et
la
coopération
en
matière
de
recherche-développement.
Afin
d’aider les États à mieux faire face aux accidents, elle
invite
les parties à mettre en place un système d’alerte
permettant
d’informer immédiatement les parties touchées. La
Conférence des parties,
organe
directeur, examine
l’application
de la Convention et définit les priorités des
travaux.
35. Accord de l’Association des Nations de l’Asie du
Sud-Est (ASEAN) sur les nuages de pollution transfrontières.
L’Accord est un instrument régional de protection
de
l’environnement
juridiquement
contraignant
rédigé
en
collaboration avec le PNUE pour tenter de remédier à
certains
problèmes
de
non-respect
d’obligations
découlant
d’initiatives préalables visant à résoudre le problème de
l’impor-
36. Convention de Stockholm sur les polluants organiques
persistants. La Convention vise à protéger
la
santé
humaine et l’environnement des risques résultant
des polluants organiques persistants, substances chimiques
aux propriétés toxiques, qui résistent à la dégradation et
s’accumulent dans les organismes vivants par la chaîne
alimentaire. Le PNUE entame des négociations face aux
appels lancés en faveur d’une action mondiale, la preuve
ayant été faite que ces polluants ont des effets néfastes et
peuvent franchir de longues distances par air et par eau.
La Convention consacre le principe de précaution et prescrit aux parties d’éliminer ou de réduire la production
et
l’utilisation
de 12 polluants organiques persistants (pesticides,
substances
chimiques
industrielles
et
polluants
organiques
persistants
produits
involontairement).
Entre
autres
dispositions
essentielles,
elle
prescrit
d’interdire
ou
de
restreindre l’importation et l’exportation de polluants
organiques
persistants répertoriés ; d’élaborer et d’utiliser des
produits de remplacement plus sûrs et de pourvoir à la gestion
écologiquement
rationnelle
des
stocks
et
des
déchets
;
et
de
promouvoir
de
meilleures
techniques
disponibles
et
de
meilleures
pratiques
environnementales.
Les
pays
en
développement devant, pour honorer leurs obligations,
pouvoir
compter
sur
le
transfert
de
technologie,
de
ressources
finan-
tante pollution atmosphérique dans la région, telles que le
cières et d’assistance technique de pays industrialisés, la
plan d’action régional contre les effets des nuages bruns
(Regional Haze Action Plan). Reconnaissant les effets transfrontières de ces nuages (provenant en grande partie de
feux
de forêts et de prairies, récurrents en Indonésie et au
Brunéi
Darussalam) sur la santé et l’environnement, il encourage
en
son
article
2 la
coopération
régionale
et
internationale
aux
fins
de
prévenir
et
de
contrôler
la
pollution
atmosphérique
transfrontière.
Adoptant le principe de précaution, il
prescrit
aux
États
d’identifier
et
de
surveiller
les
zones
exposées
au
risque
d’incendie
et
de
prendre
les
mesures
de
prévention
nécessaires,
sans définir ni les mesures en question ni de
normes précises. Fidèle à la philosophie de coopération de
l’ASEAN, il envisage l’échange d’informations et de technologies,
la mise
en place d’un système
régional
d’alerte
rapide
et
l’entraide.
Il
charge un
centre
de
coordination
régionale de la lutte contre la pollution transfrontière due
à
ces nuages de faciliter la coopération et la coordination
dans
la gestion des
effets des incendies. Cependant, eu égard
à
l’importance
traditionnelle
de
la
souveraineté,
il
précise
que
toute partie doit solliciter une telle assistance ou y
consentir,
quels
que soient les effets transfrontières. Même s’il pâtit
en définitive de problèmes de non-respect, faute de dispo-
Convention désigne le Fonds pour l’environnement mondial
comme mécanisme intérimaire de financement aux
fins de l’assistance. Elle crée des institutions et procédures
importantes, qui en font la souplesse et le dynamisme. Les
réunions de la Conférence des parties, organe directeur de
la Convention, sont l’occasion d’un examen périodique de
son application et de l’adoption d’amendements. À la première de ces réunions, il sera décidé de créer le
Comité
d’étude
des
polluants
organiques
persistants.
Composé
de
31
experts,
cet
organe
scientifique
examine
les
propositions
d’ajouts
à
la
liste
des
substances
chimiques
réglementées
selon la procédure instituée par la Convention.
Premièrement,
le
Comité
applique
les
critères
de
sélection
résultant
de la Convention concernant les nouveaux polluants
organiques
persistants.
Deuxièmement,
s’il
est
satisfait
à
tous
les
critères,
le
Comité
établit
un
profil
des
risques,
déterminant
ainsi
la
probabilité
que
telle
substance,
à
la
suite
d’une
propagation à longue
distance dans l’environnement,
ait
d’importantes incidences néfastes sur la santé humaine
ou
l’environnement,
justifiant une action mondiale. Troisièmement,
il
établit
une
évaluation
de
la
gestion
des
risques
en
tenant
compte
des
considérations
socioéconomiques
et
sitions sur le contrôle et l’exécution et du fait de la non-
formule une recommandation à l’attention de la Confé-
participation du principal acteur visé, il tente cependant de
surmonter certains des obstacles à l’application, notamment
en créant un fonds de lutte contre les nuages de pollution
transfrontières pour régler la question de la capacité financière. Il institue également un
organe
intergouvernemental,
la Conférence des parties, ayant pour mission
d’évaluer
l’application et
d’adopter, si nécessaire, des protocoles
ou
amendements.
Dans
l’ensemble,
on
peut
dire
qu’il
s’attaque
d’une
façon
plus
pragmatique
et
plus
juridique
au
problème
des nuages de
pollution
rence des parties, qui prend la décision finale. À ce jour,
la Conférence des parties a décidé d’ajouter 10 nouvelles
substances, dont neuf à sa quatrième réunion, en 2009, et
l’endosulfan à sa dernière réunion, en avril 2011.
85
.
85
Voir Tan, « The ASEAN Agreement on Transboundary Haze
Pollution: prospects for compliance and effectiveness in post-Suharto
Indonesia » ; et Rodziana Mohamed Razali, « The shortcomings of the
ASEAN’s legal mechanisms to address transboundary haze pollution
and proposal for improvement », exposé présenté à la troisième Conférence
biannuelle
de l’Asian Society
of International
Law, Beijing,
27 et 28 août 2011.
37. Accord entre le Gouvernement du Canada et le
Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur la qualité de
l’air. Signé le
13
mars 1991, l’Accord vise à
régler
le
problème de la pollution atmosphérique transfrontière
à l’origine des pluies acides. Il repose essentiellement sur
l’engagement souscrit par l’une et l’autre parties de contrôler
la
pollution
atmosphérique
transfrontière.
Il
fixe
en
son
annexe
1 à l’un et l’autre pays des objectifs et
échéances
précis pour limiter les émissions de dioxyde de soufre
et
d’oxydes
d’azote, principales substances chimiques à
l’origine des pluies acides. Réaffirmant la décision rendue
dans l’affaire de la Fonderie de Trail et le principe 21 de
Protection de l’atmosphère 269
la Déclaration de Stockholm, il crée un cadre permettant
de traiter les préoccupations communes. Il « applique des
règles coutumières de droit de l’environnement telles que
l’évaluation préalable des mesures, activités et projets envisagés
dès
lors
qu’ils
risquent
de
causer
une
pollution
atmosphérique
transfrontière importante, le devoir d’informer
l’autre État de ces activités ou projets ainsi que de celles
créant un risque de dommage transfrontière important, et
de tenir des consultations à la demande de l’autre partie
86
».
Le dispositif envisage manifestement un degré élevé de coopération,
encourageant
la
coopération
scientifique
et
technique,
outre
le
contrôle
des
émissions
et
la
consultation.
Un
Comité
de
la
qualité
de
l’air,
organe
bilatéral
permanent,
est
chargé
d’aider
à
la
mise
en
œuvre
de
l’Accord
et
d’examiner
les
progrès
accomplis.
Organe
de
tutelle
du
Comité,
la
Commission
mixte
internationale,
créée
en
vertu
du
Traité
de 1909
sur les eaux
limitrophes
87
, joue un rôle crucial de
police de l’Accord, toute partie pouvant lui soumettre un
différend. En outre, elle sollicite les vues du public, en rend
compte et soumet le processus à l’examen du public
88
. En
décembre 2000, l’annexe sur l’ozone viendra compléter
l’Accord face au problème de la pollution atmosphérique
transfrontière entraînant des degrés élevés d’ozone troposphérique.
Les deux pays s’y engagent à contrôler et
réduire leurs émissions d’oxydes d’azote et de composés
organiques volatils (précurseurs de la formation d’ozone
troposphérique) pour établir des normes de qualité de l’air
à long terme
89
.
qui, pense-t-on, ont un effet sur la couche d’ozone) et ne
crée pas non plus d’obligation juridique de réduire les émissions de substances appauvrissant la couche d’ozone,
la
nature des mesures à prendre étant laissée à la discrétion
de
chaque
État
partie.
En
revanche,
la
Convention
insiste
sur
la
coopération
sous
la
forme
d’observations
systématiques,
de recherches, d’échange de renseignements et de
technologies,
ainsi
que
sur
la
coopération
aux
fins
de
formuler
des
«
mesures, procédures et normes convenues pour
l’application de la […]
Convention
»
[art.
2,
par.
2
c]. Conscients
de
la
dimension planétaire
du problème,
les
auteurs
de
l’instrument tentent d’amener tous les pays à devenir partie.
Ils
tiennent
compte
de
certaines
des
réserves
que
pourrait
inspirer aux pays en développement le coût de
l’application
du texte, à savoir le coût des technologies de substitution
et
l’incidence
sur
le
développement.
De
ce
fait,
la
disposition
sur le transfert de technologie
(art.
4) est faible et les
parties
sont censées prendre les mesures
«
selon les moyens
dont
elles disposent et selon leurs
possibilités
»
(art.
2,
par.
2).
La
Convention, cadre minimaliste, est cependant une
réussite
en
ce
qu’elle
jette
les
bases
d’une
coopération
future
et
crée
les
institutions,
telles
que
la
Conférence
des
parties,
censées
lui permettre de s’adapter à de nouvelles données
scientifiques
à
la
faveur
d’examens
de
l’application
et
de
nouveaux
protocoles
ou
de
modifications.
Elle
dénote
également
une
façon plus prudente d’envisager les traités sur
l’environnement, les
effets de l’appauvrissement de la couche
d’ozone
et les
effets néfastes des rayons ultraviolets relevant
toujours
de la
conjecture.
38. Convention de Vienne pour la protection de la
couche d’ozone. La Convention de Vienne est le second
instrument multilatéral concernant un problème atmosphérique
mondial
90
. Avec le Protocole de Montréal relatif à
39. Protocole de Montréal relatif à des substances
qui appauvrissent la couche d’ozone. Le Protocole
de Montréal fait aux États parties obligation de limiter
la production et la consommation de chlorofluorocarbones et de halons,
principales substances appauvrissant
la couche d’ozone. Il est adopté
à la suite d’une étude
internationale
effectuée
par le PNUE et
l’OMM, après
qu’un
« trou » dans la couche d’ozone a été découvert
au-dessus de l’Antarctique. Cette étude révèle que la
production de chlorofluorocarbones aux niveaux d’alors
appauvrirait dangereusement la couche d’ozone et qu’il
faut fixer des objectifs fermes de réduction des émissions
des substances concernées
des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et ses
modifications ultérieures, il constitue le régime juridique de
protection de la couche d’ozone stratosphérique. Des négociations
sur
un
instrument
juridique
sont
entamées
à
l’initiative
du
PNUE,
la
preuve
ayant
été
scientifiquement
rapportée
que
les chlorofluorocarbones, substances chimiques abondamment utilisées, détruisent la couche d’ozone. Il en
est
issu une convention-cadre mettant à la
charge des
États
l’obligation générale de prendre des mesures législatives
ou
administratives appropriées pour
–
aux termes du
préambule
–
«
protéger la santé humaine et l’environnement
contre
les
effets
néfastes
résultant
des
modifications
de
la
couche
d’ozone
».
La Convention de Vienne ne fixe pas d’objectifs
spécifiques,
ne
précise
pas
les
substances
visées
par
ces
mesures
(tout au
plus
trouve-t-on
en
annexe les
substances
91
. Le Protocole de Montréal
prescrit aux pays industrialisés de geler la production et
la consommation des chlorofluorocarbones aux niveaux
de 1986 (l’année de référence), de les réduire de moitié
à l’horizon 1999 et de geler la consommation de halons
aux niveaux de 1986. Il charge aussi une réunion des
86
Kiss et Shelton, International Environmental Law, p. 572.
87
Signé à Washington le 11 janvier 1909. Voir Bevans, Treaties and
Other International Agreements of the United States of America 17761949,
vol.
12,
p.
319.
88
Buhi et Feng, « The International Joint Commission’s role in the
parties d’effectuer des observations systématiques de
la couche d’ozone et de suivre l’évolution des connaissances
scientifiques
en
imposant
au
besoin
de
nouvelles
obligations
juridiques aux États, élément crucial de
son succès. Des amendements effectués en 1989 (Helsinki), en 1990
(Londres)
United States-Canada transboundary air pollution control regime: a
century of experience to guide the future », p. 129.
92
, en 1992 (Copenhague)
93
,
89
Une autre annexe consacrée à la matière particulaire est en cours
91
Yoshida, The International Legal Régime for the Protection of the
de négociation.
90
Le premier instrument bilatéral fut le Traité interdisant les essais
Stratospheric Ozone Layer, International Law, International Régimes,
and Sustainable Development ; Sands, Principles of International Environmental
Law,
p.
575.
d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphé-
rique et sous l’eau, face au risque mondial de pollution atmosphérique
92
Ajustements et amendements au Protocole de Montréal rela-
due aux retombées radioactives. On retiendra le discours historique lors
duquel le Président des États-Unis John F. Kennedy (le 10 juin 1963,
à la cérémonie de remise des diplômes de l’American University, à
Washington) a annoncé son appui au Traité, disant : « Nous habitons
tous cette petite planète. Nous respirons tous le même air. L’avenir de
nos enfants nous est cher à tous » (The Department of State Bulletin,
vol. XLIX, n
tif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone adoptés à
la deuxième Réunion des parties, qui s’est tenue à Londres du 27 au
29 juin 1990.
93
Amendement au Protocole de Montréal du 16 septembre 1987
o
1253, 1
er
juillet 1963, p. 4).
relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone adopté à la
quatrième Réunion des parties, qui s’est tenue à Copenhague du 23 au
25 novembre 1992.
270
Documents de la soixante-sixième session
en 1997 (Montréal)
94
et en 1999 (Beijing)
95
viendront
traiter de l’accélération de l’élimination de diverses substances et de l’ajout de nouvelles substances mais
aussi
des
questions
importantes
de
la
participation
des
pays
en
développement, du non-respect et des non-parties.
Les
modifications
de Londres seront particulièrement importantes, renforçant le principe des responsabilités
conjointes
mais
différenciées.
Modifié,
le
paragraphe
6
du
préambule
consacre la nécessité de tenir compte des « besoins
des
pays en développement en matière de développement
».
De
plus, l’ancien article 5, qui fixait un délai de dix ans
aux pays dont la consommation de chlorofluorocarbones
était inférieure à 0,3 kilogramme par habitant (en fait, les
pays en développement) sera remplacé par un nouvel article
5 reconnaissant que la suite donnée par les pays en
développement dépendrait d’une assistance financière et
du transfert de technologie
96
. En outre, l’article 10 crée un
elle qualifie ceux-ci de « préoccupation commune de l’humanité
» (voir résolution 43/53 de l’Assemblée
générale
du
6
décembre 1988).
L’année suivante, consciente de
la
nécessité d’adopter des mesures pour contrôler les
émissions
anthropiques de gaz à effet de serre, elle charge le
Comité intergouvernemental de négociation de négocier un
instrument en vue de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement. Comme la Convention de
Vienne pour la protection de la couche d’ozone,
la
Convention-cadre
des
Nations
Unies sur
les
changements
climatiques
n’impose pas d’engagements quantitatifs
pour limiter les gaz à effet de serre. Elle se fixe en son article
2 généralement pour objectif de
«
stabiliser […]
les
concentrations de gaz à
effet de serre dans
l’atmosphère
à
un niveau qui empêche toute perturbation anthropique
dangereuse du système climatique ». Elle ne prescrit pas
expressément de ramener les émissions de gaz à effet de
serre aux niveaux de 1990 à l’horizon 2000, se bornant à
fixer mollement un objectif de cet ordre. Elle pose plusieurs
principes fondamentaux aux fins de toute action internationale
face
aux
changements
climatiques
(dont
beaucoup
se
retrouvent également dans la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le
développement
fonds multilatéral financé volontairement par les parties
non visées à l’article 5, le but étant d’aider les pays en développement à faire face au coût de l’exécution de leurs
obligations.
En
ce
qui
concerne
le
non-respect,
le
Protocole
de
Montréal repose sur une méthode souple mettant
l’accent
sur
la
facilitation
et
la
promotion.
Les
parties
en
difficulté
peuvent saisir elles-mêmes un comité de l’application
ou
99
et dans Action 21), tels
que le principe d’équité et des responsabilités communes
être renvoyées devant celui-ci par une autre partie ou le
mais différenciées, le développement durable, le rapport
Secrétariat. Le Protocole organise des mesures telles que
le financement par le Fonds pour l’environnement mondial
97
, l’assistance technique ou l’envoi de mises en garde
visant principalement à rappeler aux parties de s’acquitter
de leurs obligations en matière de communication de données. Il envisage le problème des non-parties sous
l’angle
de
la
coercition.
Il
applique
des
mesures
de
restriction
des
échanges commerciaux, interdisant le commerce de
substances
contrôlées
ou
de
produits
contenant
ces
substances
avec les non-parties et luttant contre le commerce illicite
de
chlorofluorocarbones
par
un
régime
de
licences
d’exportation et d’importation, incitant ainsi à adhérer au
Protocole
de Montréal et à s’y
conformer. Le Protocole de
Montréal
peut
être
considéré
comme
une
réussite
en
ce
qu’il
a
été
largement
adopté
et
appliqué
et
que
la
production
de
chlorofluorocarbones
a
diminué
depuis
le
pic
de
1998.
Il
convient
cependant
de
le
situer
dans
le
large
contexte
de
la
protection
atmosphérique.
Certains
produits
de
substitution
des
chlorofluorocarbones
sont
des
gaz
à
effet
de
serre,
ce
qui
met
en
évidence la nécessité d’une coordination de l’action
menée
sous l’empire du Protocole de Kyoto à la
Convention-cadre
des
Nations
Unies sur les changements
climatiques
98
.
coût-efficacité et les mesures de précaution (art. 3). L’essentiel des engagements à souscrire par les parties
résulte
de
l’article 4. Les parties qui sont des pays développés
(annexe I) sont tenues d’« adopte[r] des politiques nationales
et [de] prend[re] en conséquence les mesures voulues
pour
atténuer
les
changements
climatiques
en
limitant
[leurs]
émissions
anthropiques
de
gaz
à
effet
de
serre
et
en
protégeant et renforçant [leurs] puits et réservoirs de gaz
à
effet de
serre
»
(art.
4,
par.
2
a).
Afin
de
promouvoir
l’application,
l’article
4 fait
obligation
également
à
chacune
des
parties de
«
soumettr[e], conformément à
l’article
12,
dans
les six mois suivant l’entrée en vigueur de la Convention
à
son
égard,
puis
à
intervalles
périodiques,
des
informations
détaillées
sur
ses
politiques
et
mesures
[…],
de
même
que
sur
les projections qui en résultent quant aux émissions
anthropiques par ses sources et à l’absorption par ses puits
de gaz à effet de serre non réglementés par le Protocole de
Montréal » (art. 4, par. 2 b). Dans l’ensemble, la Convention
constitue
un
cadre
solide
pour
l’examen
de
la
question
à
l’avenir ; elle institue une Conférence des parties dotée
d’un mandat assez étendu – comprenant l’examen de l’application et l’adoption de
protocoles
– d’édicter des
obliga-
tions spécifiques.
40. Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques.
L’Assemblée
générale
entreprend
de redoubler
d’efforts pour faire face aux changements
climatiques
en
1988,
en
adoptant
une
résolution
dans
laquelle
94
Amendement au Protocole de Montréal relatif à des substances
qui appauvrissent la couche d’ozone adopté par la neuvième Réunion
des parties, qui s’est tenue à Montréal du 15 au 17 septembre 1997.
95
Amendement au Protocole de Montréal relatif à des substances
qui appauvrissent la couche d’ozone adopté par la onzième Réunion des
parties, qui s’est tenue à Beijing du 29 novembre au 3 décembre 1999.
96
Voir supra la note 92.
97
Sand, « Carrots without sticks? New financial mechanisms for
global environmental agreements ».
98
41. Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques. Négocié
après la première Conférence des parties, tenue à Berlin
(Mandat de Berlin), venue mettre en évidence l’inadéquation des engagements résultant de
l’article
4 de la
Convention,
le
Protocole
de
Kyoto
fixe
des
objectifs
chiffrés
et
un
calendrier précis de réduction des émissions. Son
principal
apport est l’engagement souscrit par les pays
développés
(parties
visées
à
l’annexe
I)
de
réduire
d’une
quantité
donnée leurs émissions de six gaz à
effet de serre (dioxyde
de
carbone,
méthane, oxyde nitreux, hexafluorure de soufre,
hydrofluorocarbones et hydrocarbures perfluorés) en vue
d’une réduction collective des émissions d’au moins 5 %
Voir PNUE, Environmental Effects of Ozone Depletion and its Inter-
actions with Climate Change: 2010 Assessment (Nairobi, 2010), disponible à l’adresse
suivante
:
www.unenvironment.org/resources/report/
environmental-effects-ozone-depletion-and-its-interactions-climate-
99
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement
et le développement, Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992, vol. I (voir supra
change-2010.
la note 52), annexe I.
Protection de l’atmosphère 271
par rapport aux niveaux de 1990 durant la période d’engagement entre 2003 et 2012
(art.
3,
par.
1), les parties
pouvant honorer leurs engagements de plusieurs
manières
:
accroissement
de
l’efficacité
énergétique,
protection
et
renforcement des puits et des réservoirs de gaz à
effet de
serre
et promotion de formes d’agriculture durable,
notamment
(art.
2,
par.
1
a).
On notera que, au nom du principe de
responsabilités communes mais différenciées, les pays en
développement ne sont pas tenus de souscrire d’engagements de limitation ou de
réduction
des émissions.
Ce
principe est consacré aussi dans les dispositions sur le
transfert
de
technologie
et
l’assistance
financière.
Il
est
spécialement
tenu compte des pays les plus exposés aux
effets des
changements
climatiques,
tels
que
les
petits
États
insulaires
en
développement, les pays à zones côtières de faible
élévation, les pays à zones exposées aux catastrophes
naturelles
et les pays à zones susceptibles de sécheresse et
désertification
(article 4, paragraphe 8 de la Convention ellemême).
On
retiendra
que
le
Protocole
de
Kyoto
consacre
plusieurs innovations. Il comprend trois
«
mécanismes
de
flexibilité
»
du
marché,
visant
essentiellement
à
optimaliser
le
coût-efficacité
du
respect
des
engagements
de
réduction
des
émissions
et,
accessoirement,
à
favoriser
la
participation la plus
large possible.
L’article
4 permet aux
parties
visées à
l’annexe
I de remplir conjointement leurs
engagements de limitation des émissions. Les deux
premiers
mécanismes
– mécanisme de mise en œuvre conjointe et
mécanisme pour un développement propre – fonctionnent
sur la base de projets. La mise en œuvre conjointe permet
à tel pays développé de gagner des unités de réduction
d’émissions en investissant dans un projet de réduction des
émissions de tel autre pays développé (art. 6). Le mécanisme pour un développement propre, seul mécanisme
de
flexibilité
à faire intervenir les pays en développement,
permet à tout pays développé partie de gagner des crédits
négociables de réduction d’émissions en investissant dans
des projets de réduction ou de limitation des émissions dans
des pays en développement en vue de stimuler le développement durable
(art.
12). Le mécanisme est supervisé
par
un conseil exécutif, les réductions d’émissions
découlant
des
projets devant être certifiées par des autorités nationales désignées
(art.
12,
par.
4). Le troisième
mécanisme
concerne le marché international des permis
d’émission
négociables.
Des
permis
d’émission
sont
attribués
à
chaque
partie en fonction de ses obligations de limitation
d’émissions
;
tout
permis
d’émission
non
utilisé
peut
être
vendu
à d’autres parties sur le
«
marché des droits d’émission
de
carbone
»
(art.
17)
un mécanisme qui vient charger un groupe de l’exécution
d’examiner les cas d’inexécution par des pays visés à l’annexe
I
101
et d’imposer une sanction égale à 1,3 fois la part
non respectée de leurs engagements, cette quantité étant
ajoutée aux engagements pour la deuxième période
102
. La
première période d’engagements prenant fin en 2012, la dixseptième session de la Conférence des parties
(Conférence
de Durban), en
2011, décide de se pencher sur le
contenu
d’une
deuxième
période
d’engagements,
qui
commencerait
en 2013. Cependant, le Canada, la Fédération de Russie
et
le
Japon
signifient
qu’ils
n’entendent
souscrire
aucune
obligation lors de cette deuxième période. Le Canada
annonce
le
12
décembre
2011
qu’il
se
retirerait
entièrement
du
Protocole de Kyoto. La Conférence de Durban décide
également de
«
lancer un processus en vue d’élaborer au titre
de
la
Convention
un
protocole,
un
autre
instrument
juridique
ou un texte convenu d’un commun accord ayant
valeur
juridique,
applicable à toutes les parties
103
», qui, adopté
au plus tard en 2015, entrerait en vigueur à partir de 2020.
La dix-huitième Conférence des parties (Conférence de
Doha), en 2012, adopte officiellement un amendement au
Protocole de Kyoto contenant les engagements des parties
visées à l’annexe I pour la deuxième période d’engagements (2013-2020) mais certains pays développés
décident
de ne pas voir consacrer leurs engagements dans cet
amendement
104
. À la dix-neuvième session de la Conférence
des parties (Conférence de Varsovie), en 2013, les parties
examinent les éléments d’un accord à adopter à la vingt et
unième session de la Conférence des parties, qui se tiendra
à Paris en 2015. La Conférence de Varsovie invite « toutes
les parties » à déterminer quelles seraient leurs « contributions
»
nationales et à les communiquer suffisamment tôt
avant la vingt et unième session, sans préjudice de la nature
juridique de leurs contributions
105
.
2. jurIsprudence des jurIdIctIons InternatIonales
42. Il conviendrait de s’arrêter ici sur plusieurs décisions
judiciaires de juridictions internationales. L’affaire de la
Fonderie de Trail
106
a jeté les bases du droit de la pollu-
tion atmosphérique transfrontière. À la suite de la décision rendue en l’espèce, les
affaires des
Essais
nucléaires
(Australie
c.
France et
Nouvelle-Zélande
c.
France)
107
,
100
. Les dispositions concernant le suivi
portées en 1973 et en 1974 devant la Cour internationale
de Justice, susciteront une vive controverse autour d’une
possible pollution atmosphérique. La Cour évoque également l’obligation de l’État de ne pas causer de
dommages
significatifs
à l’environnement par la pollution transfrontière,
notamment la pollution atmosphérique, dans
son avis consultatif de 1996 sur la Licéité de la menace
ou de l’emploi d’armes nucléaires
de l’application sont importantes pour ce qui est du respect
du régime. Les parties visées à l’annexe I doivent mettre en
place des systèmes nationaux pour évaluer les émissions
anthropiques par source et l’absorption par les puits (art. 5)
et dresser annuellement un inventaire afin de communiquer
les informations complémentaires montrant que les engagements pris au titre du Protocole ont été respectés
(art.
7,
par.
2). À sa septième session, tenue à Marrakech
(Maroc)
en 2001, la Conférence des parties à la
Convention-cadre
décide
que l’approche fondée sur la promotion, issue du
Protocole de Montréal, ne permettrait pas de garantir
l’exécution de leurs obligations par les parties visées à
l’annexe I. Adoptant une approche coercitive, elle établit
108
. En 1997, l’affaire
101
Voir FCCC/CP/2001/13/Add.3, décision 24/CP.7, annexe. La
décision est adoptée par la première réunion des parties au Protocole de
Kyoto, les 9 et 10 décembre 2005.
102
Murase, International Law, p. 174.
103
Voir FCCC/CP/2011/9/Add.1, décision 1/CP.17, par. 2. On notera
qu’il n’est plus question ici du principe des « responsabilités communes
mais différenciées ».
104
Voir FCCC/KP/CMP/2012/13/Add.1, décision 1/CMP.8.
105
Voir FCCC/CP/2013/10/Add.1, décision 1/CP.19, par. 2 b.
106
Voir supra la note 39.
107
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil
100
Rowlands estime que l’apparition de ces instruments du marché
1974, p. 253, et Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 457.
dans le droit de l’environnement est d’autant plus significatif qu’« il
représente une marchandisation plus poussée de l’environnement international
» (Rowlands,
«
Atmosphere and outer
space
»,
p.
332).
108
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 226.
272
Documents de la soixante-sixième session
du Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie)
109
,
apparentées aux États-Unis d’Amérique ainsi que le droit
et la pratique internationaux, et tenir compte du désir des
hautes parties contractantes de parvenir à une juste solution
pour toutes
les
parties
concernées
». Est souvent
cité
le passage ci-après de la sentence
arbitrale
:
certes non directement liée à la pollution atmosphérique,
intéresse plus largement la question des dommages environnementaux. Dans son arrêt d’avril 2010 en
l’affaire
relative à
des
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine
c.
Uruguay)
110
, la Cour évoque en partie
la question de la pollution atmosphérique alléguée (dans
la mesure où elle touche le milieu aquatique du fleuve).
L’affaire des Épandages aériens d’herbicides (Équateur
c.
Colombie)
Selon les principes du droit international et du droit des États-Unis,
111
, portée devant la Cour en 2008 puis
aucun État n’a le droit d’utiliser ou de laisser utiliser son territoire de
telle sorte que celui-ci soit la source de fumées causant sur le territoire ou au territoire
d’un autre État
ou aux biens ou aux personnes
qui
s’y trouvent des dommages importants établis de façon claire et
convaincante
réglée et rayée du rôle depuis lors, intéresse également ce
sujet. En 1996, l’affaire États-Unis – Normes concernant
l’essence nouvelle et ancienne formules
116
.
112
soulève l’im-
L’affaire de la Fonderie de Trail était un cas classique de
différend né d’une pollution atmosphérique transfrontière,
où la cause et l’effet des dommages étaient suffisamment
identifiables. On invoque souvent la sentence à l’appui de
la thèse que, en droit international, l’État a le devoir de
s’assurer que les activités menées sous sa juridiction et sous
son contrôle ne causent pas de dommage transfrontière
lorsque le préjudice est prévisible et établi de façon claire
et convaincante
portante question de la compatibilité du droit interne d’un
pays (en l’espèce, le United States Clean Air Act de 1990)
avec les règles commerciales de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC) et de l’Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce. Autre décision notable, l’arrêt
rendu en décembre 2011 par la Cour de justice européenne
de Luxembourg en l’affaire Air Transport Association of
America et autres contre Secretary of State for Energy and
Climate Change
117
, la norme de preuve étant celle de la
113
viendra confirmer la validité de l’inclu-
sion par voie de directive de l’Union européenne des activités aériennes dans le système communautaire
d’échange
de
quotas
d’émission
114
. La décision pourrait être attaquée
probabilité empirique. Il importe de noter que le tribunal
arbitral a réaffirmé le principe de prévention sur la base de
données scientifiques et a adopté un régime correspondant
pour maintenir un certain niveau d’émissions. Cependant,
il faut nuancer la valeur jurisprudentielle de la sentence
auprès de l’OMC par les États-Unis (et peut-être la Chine),
en un nouveau cas de conflit « commerce contre environnement
». Il
serait
bon
de
donner
ici,
à
titre
préliminaire,
un
bref aperçu de chacune de ces
affaires dans la mesure
où
elles intéressent le sujet de la protection de
l’atmosphère.
118
;
le tribunal arbitral s’est fondé sur les principes du droit des
États-Unis conformément au compromis d’arbitrage, mais
les notions de nuisance, d’atteinte aux biens d’autrui et de
responsabilité objective invoquées dans la sentence ne s’assimilent pas aisément aux principes établis du droit
international en
toutes
circonstances
43. Affaire de la Fonderie de Trail. Cette affaire résultait
d’un
dommage
transfrontalier
dans
l’État
de
Washington (États-Unis), causé par des activités
de fonderie
à
Trail,
en
Colombie-Britannique
(Canada).
La
fonderie
faisait
griller
du minerai
de zinc
et
de plomb pour en
extraire
le
métal.
Ainsi
chauffés,
ces
minerais,
qui
contenaient aussi du soufre, rejetaient
du dioxyde de soufre
dans
l’atmosphère.
Du
fait
des
conditions
géographiques
et
météorologiques
de
la
région,
les
nuages
de
dioxyde
de
soufre se
déplaçaient
vers le
sud et
pénétraient
aux
ÉtatsUnis,
endommageant
sévèrement
récoltes,
bois,
pâtures,
bétail
et
bâtiments.
Le
tribunal
arbitral
créé
conformément
à
la
Convention
pour
le
règlement
des
difficultés
soulevées par
l’activité
de la fonderie de
Trail
119
. L’intérêt de la sentence
réside en ce que le tribunal arbitral a pu concilier les intérêts de l’industrie et ceux de
l’agriculture
120
et, par analogie,
ceux du développement économique et de la protection de
l’environnement, préfigurant le concept moderne de développement
durable.
44. Affaires des Essais nucléaires. Dans sa requête en
l’affaire des Essais nucléaires, l’Australie a prié la Cour
de « dire et juger que […] la poursuite des essais atmosphériques
d’armes nucléaires dans l’océan Pacifique
Sud n’est pas compatible avec les règles applicables du
droit international et ordonner à la République française
de ne plus faire de tels essais
121
». La Cour indique des
115
était censé,
aux termes de l’article IV de cette convention, appliquer
« le droit et la pratique suivis pour traiter de questions
mesures conservatoires le 22 juin 1973 et rend un arrêt le
20 décembre 1974. Elle juge que l’objectif recherché par les
requérants, la cessation des essais nucléaires, a été atteint
par les déclarations de la France selon lesquelles elle ne
109
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1997, p. 7.
ferait plus d’essais atmosphériques, et qu’il n’y avait donc
plus lieu à statuer sur les demandes des requérants
110
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uru-
122
. On
guay) [voir supra la note 30].
111
Épandages aériens d’herbicides (Équateur c. Colombie), ordon-
116
Ibid., p. 1965 ; Kuhn, « The Trail Smelter arbitration, United
nance du 30 mai 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 174.
States and Canada » ; et Read, « The Trail Smelter dispute ».
112
Organisation mondiale du commerce (OMC), rapport de l’Or-
117
Recueil des sentences arbitrales, vol. III (publication des
gane d’appel, États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et
ancienne formules, WT/DS2/AB/R, adopté le 20 mai 1996.
Nations Unies, numéro de vente : 1949.V.2), p. 1965.
118
Madders, « Trail Smelter arbitration », p. 903.
113
Air Transport Association of America et autres contre Secre-
119
Rubin, « Pollution by analogy: the Trail Smelter arbitration ».
tary of State for Energy and Climate Change, affaire C-366/10, arrêt
de la Cour (Grande Chambre) du 21 décembre 2011, Recueil de juris-
120
Handl, « Balancing of interests and international liability for the
pollution of international watercourses: customary principles of law
prudence 2011, p. I-13833.
revisited ».
114
Directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du
121
Mémoire sur la compétence et la recevabilité soumis par le Gou-
19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer
les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de
quotas d’émission de gaz à effet de serre, Journal officiel de l’Union
européenne, n
vernement de l’Australie, C.I.J. Mémoires, Essais nucléaires (Australie
c. France), par. 430.
122
Essais nucléaires (Australie c. France), mesures conserva-
o
L8, 13 janvier 2009, p. 3.
115
Signée à Ottawa le 15 avril 1935 [Nations Unies, Recueil des
sentences arbitrales, vol. III (numéro de vente : 1949.V.2), p. 1905].
toires, ordonnance du 22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 99 ; et
arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 253 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande
c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973, C.I.J.
Protection de l’atmosphère 273
notera que l’Australie avait intenté son action aux fins de
protéger non seulement ses propres intérêts mais aussi ceux
d’autres États, puisqu’elle considérait les essais nucléaires
de la France comme des infractions à la liberté de la haute
mer. Dans son mémoire, elle déclarait notamment que
Elle nuancera toutefois sa position en ajoutant ce qui suit :
La Cour n’estime pas que les traités en question aient entendu pri-
ver un État de l’exercice de son droit de légitime défense en vertu du
droit international, au nom des obligations qui sont les siennes de protéger
l’environnement.
Néanmoins,
les
États
doivent
aujourd’hui
tenir
compte
des considérations écologiques lorsqu’ils décident de ce qui
est nécessaire et proportionné dans la poursuite d’objectifs militaires
légitimes. Le respect de l’environnement est l’un des éléments qui permettent
de juger si une action
est conforme
aux principes
de nécessité
et de
proportionnalité
[l]a mer n’est pas statique ; ses systèmes de vie sont complexes et étroitement
liés les uns aux autres. Personne ne peut donc évidemment
dire
que
de
la
pollution
en
un
lieu
–
en
particulier
si
elle
est
radioactive
–
ne
peut
au bout du compte avoir des conséquences en un autre lieu. La
Cour faillirait à la mission qui est la sienne de protéger par des moyens
judiciaires les intérêts de la communauté internationale en méconnaissant des considérations de cette
nature
126
.
Elle observera par ailleurs que
123
.
Sur ce point, dans leur opinion dissidente, les juges
Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga et Waldock
déclareront ce qui suit :
En ce qui concerne son droit de ne pas être exposée à des essais
l’article 35, paragraphe 3, et l’article 55 du protocole additionnel I
offrent à l’environnement une protection supplémentaire. Considérées
ensemble, ces dispositions consacrent une obligation générale de protéger
l’environnement
naturel
contre
des dommages
étendus, durables
et
graves ; une interdiction d’utiliser des méthodes et moyens de
guerre conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu’ils causeront,
de tels dommages ; et une interdiction de mener des attaques contre
l’environnement naturel à titre de représailles. Ce sont là de puissantes
contraintes pour tous les États qui ont souscrit à ces dispositions
atmosphériques, droit qu’elle dit posséder en commun avec d’autres
États, la question de l’« intérêt juridique » nous semble là encore faire
partie de la question juridique générale qui forme le fond du différend.
Si les éléments de preuve produits par l’Australie devaient convaincre
la Cour de l’existence d’une règle générale de droit international interdisant
les
essais
nucléaires
en
atmosphère,
il
appartiendrait
à
celle-ci
de se prononcer en même temps sur le caractère
et le contenu précis
de
cette
règle
et,
notamment,
sur
la
question
de
savoir
si
elle
confère
à tout État
le droit d’introduire
individuellement
une action
pour faire
respecter
cette règle. En résumé, la question de l’« intérêt juridique »
ne peut être dissociée de la question juridique de fond relative à l’existence
et
à
la
portée
de
la
règle
de
droit
international
coutumier
qui
est
alléguée.
Nous admettons que l’existence d’une actio popularis en
droit international est discutable, mais les observations émises par la
Cour actuelle dans l’affaire de la Barcelona Traction, Light and Power
Company, Limited (deuxième phase, C.I.J. Recueil 1970, p. 32) suffisent
à
démontrer
que
la
question
peut
être
considérée
comme
susceptible
de
faire
l’objet
d’une
argumentation
juridique
rationnelle
et
d’être
valablement portée devant la
Cour
127
.
Dans son opinion dissidente, le juge Weeramantry s’étendra
sur les
effets
des
armes
nucléaires,
spécialement
les
dommages à l’environnement
et aux écosystèmes, et aux
générations
futures
128
.
124
.
45. Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires. À l’occasion de la procédure consultative sur
la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires
(sur la requête de l’Assemblée générale en 1996), la Cour
internationale de Justice a recherché si l’emploi d’armes
nucléaires entraînerait des dommages à l’environnement,
y incluant supposément l’environnement atmosphérique.
Elle s’est dite
46. Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie).
Cette espèce qui résulte essentiellement de l’utilisation
d’un cours d’eau international ne concerne pas directement
l’atmosphère. La Cour internationale de Justice envisagera
néanmoins à cette occasion plusieurs questions ayant trait
au sujet, ses conclusions pouvant aussi être applicables à
la protection de l’atmosphère. La Hongrie invoquait essentiellement
un
«
état
de
nécessité
écologique
»
pour
justifier
la
suspension
ou
l’abandon
de
certains
travaux
nécessaires
à
la
construction
des
barrages
prévus,
la
Slovaquie
soutenant
que
le
prétendu
état
de
nécessité
n’existait
pas
et
qu’il
ne constituait de toute manière pas un motif de
suspension
d’obligations conventionnelles. La Cour souscrira à
cette
dernière
position. En ce qui concerne les mesures prises
par la Slovaquie pour détourner les eaux, elle concluait
que celles-ci ne pouvaient constituer une contre-mesure
licite et que la Slovaquie n’avait donc pas le droit de mettre
en service les installations de détournement
consciente de ce que l’environnement est menacé jour après jour et
de ce que l’emploi d’armes nucléaires pourrait constituer une catastrophe
pour
le
milieu
naturel
[et]
[…]
que
l’environnement
n’est
pas
une abstraction, mais bien l’espace
où vivent les êtres humains et dont
dépendent
la
qualité
de
leur
vie
et
leur
santé,
y
compris
pour
les
générations
à
venir.
L’obligation
générale
qu’ont
les
États
de
veiller
à
ce
que
les
activités
exercées dans les
limites de leur juridiction
ou sous
leur
129
. Durant la
procédure, la Hongrie présentera plusieurs arguments à
l’appui de la licéité de son action, notamment l’impossibilité d’exécuter l’Accord de
1977
130
(due en partie à des
contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des
zones ne relevant d’aucune juridiction nationale [faisait] maintenant
partie du corps de règles du droit international de l’environnement
125
.
impératifs écologiques), un changement fondamental des
circonstances (dû en partie aux progrès des connaissances
en matière d’environnement) et l’avènement de nouvelles
normes et prescriptions du droit international de l’environnement. Cependant, la
Cour, rejetant les moyens de la
Hongrie,
invoquera
essentiellement
le
droit
des
traités
consacré
par la Convention de
Vienne de 1969 et le droit de la
responsabilité de l’État consacrée dans les projets
d’article
Recueil 1973, p. 135 ; et arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 457. Voir Thierry,
« Les arrêts du 20 décembre 1974 et les relations de la France avec la
Cour internationale de Justice » ; Franck, « Word-made law: the decision
of the ICJ in the nuclear tests cases » ; Lellouche, « The International
Court of Justice: the Nuclear Tests cases » ; McWhinney, « International
law-making and the judicial process: the world court and the French
Nuclear Tests case » ; Sur, « Les affaires des essais nucléaires (Australie
c. France, Nouvelle-Zélande c. France ; C.I.J. – arrêts du 20 décembre
1974) » ; MacDonald et Hough, « The Nuclear Tests case revisited ».
126
Ibid., p. 242, par. 30.
127
Ibid., par. 31.
128
Ibid., p. 429 à 555 (opinion dissidente de M. Weeramantry). Voir
Brown Weiss, « Opening the door to the environment and to future
123
Mémoire sur la compétence et la recevabilité soumis par le Gou-
generations » ; Momtaz, « The use of nuclear weapons and the protec-
vernement de l’Australie, Plaidoiries, C.I.J. Recueil, Affaires des essais
nucléaires, vol. 1, p. 337 et 338 (en anglais seulement).
tion of the environment: the contribution of the International Court of
Justice ».
124
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil
129
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) [voir supra
1974, p. 253, aux pages 369 et 370, par. 117 (opinion dissidente commune de
MM.
Onyeama,
Dillard, Jiménez
de
Aréchaga et Sir
Humphrey
Waldock).
la note 109], p. 55 à 57, par. 82 à 87.
130
Accord d’assistance mutuelle relative à la construction du sys-
tème d’écluses de Gabčikovo-Nagymaros, Budapest, 16 septembre
125
Ibid., p. 241 et 242, par. 29.
1977, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1724, n
o
30074, p. 120.
274
Documents de la soixante-sixième session
établis par la Commission en 2001
131
et non les principes
et règles du droit international de l’environnement
132
. On
notera que le juge Weeramantry s’arrêtera longuement sur
le concept du développement durable dans son opinion
individuelle
133
.
47. Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay). Dans cette espèce, qui concerne
avant tout la qualité des eaux du fleuve, la Cour internationale
de
Justice
s’est
intéressée
en
partie
à
la
question
de
la
pollution
atmosphérique
dans
la
mesure
où
elle
touchait
celle
du
milieu
aquatique
du
fleuve
134
. L’Argentine
requête, l’Équateur, soutenant que « l’épandage [avait] déjà
gravement porté atteinte aux populations, aux cultures, à la
faune et au milieu naturel du côté équatorien de la frontière
et risqu[ait] sérieusement, avec le temps, de causer d’autres
dommages », priait la Cour de « dire et juger que : a) la
Colombie a violé les obligations qui lui incombent en vertu
du droit international en causant ou permettant le dépôt
sur le territoire de l’Équateur d’herbicides toxiques qui ont
porté atteinte à la santé humaine, aux biens et à l’environnement
;
[et que] b) la Colombie est tenue d’indemniser
l’Équateur pour tout dommage ou perte causés par ses actes
internationalement illicites, à savoir l’utilisation d’herbicides, y compris par épandage
aérien
»
soutenait que les rejets des cheminées de l’usine avaient
déposé des substances nocives dans le milieu aquatique.
La Cour a toutefois estimé que « les éléments versés au
dossier n’établiss[ai]ent pas clairement que des substances
toxiques [avaient] été introduites dans le milieu aquatique
en conséquence des rejets atmosphériques de l’usine
138
. L’affaire sera
cependant rayée du rôle de la Cour le 13 septembre 2013 à
la demande de l’Équateur, les parties étant parvenues à un
accord prévoyant entre autres l’arrêt par la Colombie de
l’épandage aérien et la création d’une commission mixte.
135
».
Ce qui frappe dans l’arrêt, c’est que la Cour a rejeté, faute
de preuve, sans guère s’attarder sur les questions de fond,
pratiquement tous les arguments de l’Argentine selon
lesquels l’Uruguay aurait failli à ses obligations de fond.
L’arrêt essuiera des critiques dans une opinion dissidente
commune, une opinion individuelle et une déclaration
49. États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle
et ancienne formules. Le règlement de cette affaire devant
l’Organe d’appel de l’OMC (1996) a suscité plusieurs
questions importantes touchant la protection de l’atmosphère. C’est là la première décision issue des procédures
de
règlement des
différends
139
. Dans cette espèce, le Brésil et
selon laquelle la Cour aurait dû suivre une procédure
la République bolivarienne du Venezuela ont prié l’Organe
inquisitoire (par exemple, charger une commission de
procéder à une enquête) au lieu de se fier entièrement aux
éléments de preuve produits par les parties
136
. Une des
caractéristiques des différends environnementaux tels que
celui-ci tient en ceci qu’ils reposent souvent en grande
partie sur des faits. Il est donc primordial de recueillir et
d’évaluer des éléments de preuve scientifiques. L’affaire
des Usines de pâte à papier a donc posé la question supplémentaire
de
savoir
quel
rôle
la
Cour
devait
jouer
dans
l’appréciation
d’éléments
de
preuve
scientifiques
et
techniques en présence de
différends
environnementaux.
48. Épandages aériens d’herbicides (Équateur
c. Colombie). Cette espèce intéresse strictement une allégation
de
pollution
atmosphérique
transfrontière.
En
mars
2008,
l’Équateur
a
introduit
une
action
contre
la
Colombie
à
propos
de
«
l’épandage aérien
[par
la
Colombie]
d’herbicides
toxiques
en
des
endroits
situés
le
long,
à
proximité
ou
de
l’autre
côté
de
sa
frontière
avec
l’Équateur
137
». Dans sa
131
Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait interna-
tionalement illicite, Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif,
p. 26, par. 76.
132
Voir « Symposium: the Case concerning the Gabčíkovo-
Nagymaros Project », Yearbook of International Environmental Law,
vol. 8 (1997), p. 3 à 116 ; Fitzmaurice, « The Gabčíkovo-Nagymaros
case: the law of treaties » ; Lefeber, « The Gabčíkovo-Nagymaros Project and the law of State
responsibility
».
133
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) [voir supra
la note 109], p. 88 à 119.
134
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uru-
guay) [voir supra la note 30], p. 100 et 101, par. 263 et 264. La question
a été soulevée durant la procédure orale, voir audience publique tenue
le 8 juin 2006, CR 2006/47, par. 22, 28 et 34.
135
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uru-
guay) [voir supra la note 30], p. 101, par. 264.
136
Voir ibid., p. 108 à 111, par. 1 à 6 (opinion dissidente commune
de règlement des différends d’examiner la compatibilité de
la loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique (Clean
Air Act) et des « méthodes d’établissement des niveaux de
base » de la « réglementation sur l’essence » promulguée
par l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (Environment Protection
Agency) au regard
des
dispositions applicables de l’OMC. Le
Clean Air
Act
et
la réglementation y relative visent à prévenir et
contrôler
la
pollution atmosphérique aux États-Unis en fixant des
normes de qualité de l’essence et d’émissions des véhicules
à
moteur.
La
modification
de
la
loi,
en
1990,
est
venue
instituer de nouvelles règles sur les émissions de
polluants
atmosphériques
toxiques
et
de
composés
organiques
volatils
précurseurs d’ozone, le but étant d’améliorer la qualité de l’air dans les zones les plus polluées du pays,
ces
nouvelles
règles
s’appliquant
aux
raffineurs,
mélangeurs
et
importateurs nationaux.
L’air pur étant une ressource
naturelle
épuisable,
le
Groupe
spécial
conclut
que
les
méthodes
d’établissement des niveaux de base n’étaient pas
compatibles avec
l’article
III,
paragraphe
4 de l’Accord
général
sur les tarifs douaniers et le commerce, et ne pouvaient
se
justifier
en
vertu
de
l’article
XX,
paragraphes
I
b,
d et
g.
Le
Groupe
spécial
estimait
que
l’essence
importée
et
l’essence
nationale
étaient
des
«
produits
similaires
»
et
que
l’essence
importée était soumise à un traitement moins
favorable
que
l’essence nationale. Les États-Unis ont saisi l’Organe
d’appel, au motif que le Groupe spécial avait commis une
erreur pour avoir conclu que les règles d’établissement des
niveaux de base ne constituaient pas une mesure de préservation de l’air pur au sens de
l’article
XX,
paragraphe
I
g.
L’Organe
d’appel
dira
que
la
réglementation
sur
l’essence
des États-Unis entrait dans le cadre de l’exception visée
à
l’article
XX,
paragraphe
I
g,
mais
que
la
mesure
prise
par
les États-Unis constituait une discrimination
«
arbitraire
»
ou
«
injustifiable
»
ou
une
«
restriction
déguisée
»
au
commerce
international et ne répondait donc pas aux conditions
du
de MM. les juges Al-Khasawneh et Simma) ; ibid., p. 191, par. 151 (opinion
individuelle
de
M.
le
juge
Cançado
Trindade)
;
et
ibid.,
p.
216
à
220 (déclaration de
M.
le juge
Yusuf).
137
Épandages aériens d’herbicides (Équateur c. Colombie), requête
138
Ibid., p. 5, par. 2, et p. 27, par. 38.
introductive d’instance de l’Équateur (rôle général n
o
138), 31 mars
139
Voir, d’un point de vue général, Murase, « Unilateral measures
2008, p. 27, par. 37.
and the WTO dispute settlement ».
Protection de l’atmosphère 275
texte introductif de l’article XX. L’affaire était donc un
conflit entre une loi interne de protection de l’air pur et un
régime international de libre-échange, l’Organe d’appel
tranchant en faveur de ce dernier.
que l’on ne peut considérer comme droit coutumier telle
opinio non adossée à la coutume (l’usage) ni une simple
coutume non adossée à l’opinio
143
. Il est aussi des cas où
le droit coutumier est en formation et non encore établi :
on parle alors de « règle[s] de droit coutumier en voie de
formation [règles émergentes de droit coutumier]
50. Air Transport Association of America et autres contre
Secretary of State for Energy and Climate Change. L’arrêt
rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en cette
affaire
144
».
140
confirmera la validité de l’inclusion par la Direc-
tive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du
19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin
d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire
d’échange
de
quotas
d’émission
de
gaz
à
effet
de
serre.
Cette
décision
pourrait
être
attaquée
devant
d’autres
fors
par
des
pays
non
européens,
en
un
exemple
de
conflit
opposant commerce et
environnement
141
52. Comme pour les autres projets, la Commission
devrait consacrer une bonne part de ses travaux sur le présent projet à déterminer
le caractère
coutumier
de règles et
principes
concernant la protection
de l’atmosphère.
D’un
point
de
vue
analytique,
la
distinction
entre
règles
établies
et
émergentes
devient
importante
si on établit
un
parallèle
entre
l’entreprise
de
codification,
fondée
sur
le
droit
coutumier
établi,
et
celle
de
développement
progressif,
fondée sur des règles
émergentes de droit
coutumier
.
145
.
3. droIt InternatIonal coutumIer
a) Opinio juris et pratique générale
51. Aux conventions multilatérales et bilatérales mentionnées
ci-dessus
s’ajoutent
une
pratique
des
États
et
une
doctrine abondantes en la matière. La sentence
arbitrale
rendue en l’affaire de la Fonderie de Trail, souvent citée,
Cependant, la Commission ne semble pas se préoccuper
outre mesure de la distinction entre l’une et l’autre entreprise,
ce qui donne à penser que la différence entre les
deux sources de règles n’est sans doute pas si importante
dans le contexte actuel de la codification et du développement
progressif
(alors
que,
dans
le
contexte
judiciaire,
la
distinction
peut
être
décisive
quant
à
savoir
si
telle
disposition
donnée
d’une
convention consacre
un droit
coutumier
préexistant). Plus
importante
est la distinction
entre
règles
émergentes de droit
coutumier
et
règles
n’ayant
pas
encore
atteint
un
degré
suffisant
de
maturité
pour
être
qualifiées
d’émergentes. Élaborer de telles règles serait
simplement faire œuvre législative, ce qui ne relève pas
du mandat de la Commission et qu’elle doit donc éviter.
La Commission a donc pour mission première de préciser
les éléments qui ont valeur de règles émergentes de droit
coutumier susceptibles de développement progressif. Elle
doit ici aussi procéder au cas par cas. Il convient donc de
déterminer ce qui constitue une règle émergente de droit
international coutumier en examinant les divers matériaux
susceptibles de présenter quelque intérêt, notamment les
sources matérielles praeter legem (en dehors des sources
formelles du droit mais proches de celles-ci).
reste le précédent faisant autorité en matière de pollution
atmosphérique transfrontière. Le principe sic utere tuo ut
alienum non laedas (« utilise ton bien de manière à ne pas
endommager celui d’autrui ») consacré dans la sentence
est désormais généralement reconnu en droit international
coutumier, quoique assorti de certains tempéraments et
conditions, en ce qui concerne la pollution atmosphérique
transfrontière entre pays voisins dans la mesure où le lien
de cause à effet peut être établi de manière claire et convaincante. Reste à savoir s’il peut être étendu à la
pollution
atmosphérique
à
longue
distance
(transcontinentale),
où
le
lien
de
cause
à
effet
est
difficile
à
établir,
et
à
des
problèmes
atmosphériques
mondiaux
tels
que
l’appauvrissement
de
la
couche
d’ozone
et
les
changements
climatiques.
Il
convient
de
déterminer
dans
chaque
espèce
par
une
analyse
minutieuse
dans
quelle
mesure
un
principe
ou
une
règle
peuvent
être considérés comme
«
établis
» en droit international
coutumier à la lumière de
l’opinio juris sive
necessitatis et de
la
pratique
générale
des
États
b) Instruments non contraignants
142
. Le caractère coutumier d’une
53. Les instruments non contraignants, source importante
s’agissant
de
déterminer
l’opinio
juris, sont les
suivants
:
règle doit s’apprécier au cas par cas. On s’accorde à dire
143
Il n’est pas toujours aisé de dire si tel texte constitue un élément
140
Voir Faber et Brinke, The Inclusion of Aviation in the EU Emis-
d’opinio juris ou de pratique des États. Il arrive que la même source
sions Trading System: An Economic and Environmental Assessment ;
Leggett, Elias et Shedd, Aviation and the European Union’s Emission
Trading Scheme ; Bartels, « The WTO legality of the application of the
EU emissions trading system to aviation ».
relève de l’une et l’autre catégorie.
144
Voir Plateau continental de la mer du Nord (note 142 supra),
141
Sur les litiges potentiels concernant le système communautaire
p. 41, par. 69 à 71. Le Danemark et les Pays-Bas soutenaient que,
même si on ne pouvait dire que la disposition figurant à l’article 6 de
la Convention sur le plateau continental consacrait une règle préexistante
de droit
coutumier, elle constituait
une disposition normative
«
ayant
servi
de
base
ou
de
point
de
départ
à
une
règle
qui
[…]
se
serait
depuis lors intégrée
à l’ensemble
du droit international
général
[…].
[C]ette situation est du domaine du possible et elle se présente de temps
à
autre
:
c’est
même
l’une
des
méthodes
reconnues
par
lesquelles
des
règles nouvelles de droit international
coutumier
peuvent se
former
»
(ibid.,
par.
71). Même si la Cour n’a pas suivi la thèse du Danemark et
des
Pays-Bas
concernant
cette
disposition
particulière
de
l’article
6,
le
Rapporteur
spécial
y voit
une base
solide
pour le
développement
pro-
d’échange de quotas d’émissions, voir Bae, « Review of the dispute
settlement mechanism under the International Civil Aviation Organization:
contradiction of political
body
adjudication
». Concernant
les
activités
de
l’OACI
de
lutte
contre
les
changements
climatiques
dans
le
domaine
aérien,
voir
les
résolutions adoptées
à la
trente-huitième
session de
l’Assemblée
de
l’OACI, en
2013,
intitulées
«
Exposé
récapitulatif
de
la
politique
permanente
et
des
pratiques
de
l’OACI
dans
le
domaine
de la protection
de
l’environnement
– Dispositions générales,
bruit
et
qualité
de
l’air
locale
»
(résolution
A38-17)
et
«
Exposé
récapitulatif
de
la
politique
permanente
et
des
pratiques
de
l’OACI
dans
le
domaine
de
la
protection
de
l’environnement
– Changements
climatiques
»
(résolution
A38-18),
Résolutions de
l’Assemblée
en
vigueur
(au
4
octobre
2013), Montréal, OACI,
2014.
gressif de « règle[s] de droit coutumier en voie de formation », si elle
est appuyée par d’autres sources matérielles du droit telles que des instruments
non contraignants,
le droit
interne,
la
jurisprudence
interne
et
d’autres cas pertinents de pratique des États.
142
Affaire colombo-péruvienne relative au droit d’asile, arrêt du
145
Pour une analyse instructive de la relation entre codification et
20 novembre 1950, C.I.J. Recueil 1950, p. 266, aux pages 276 et 277 ;
Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 3,
à la page 44, par. 77.
développement progressif, voir McRae « The interrelationship of codification
and
progressive
development
in
the
work
of
the
International
Law
Commission ».
276
Documents de la soixante-sixième session
– résolution du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, sur les problèmes frontaliers de
pollution
international de l’environnement au XX
e
siècle. Elle
146
;
contient un ensemble de « principes communs qui inspireront
et guideront
les
efforts des peuples du monde
en
vue
de
préserver
et
d’améliorer
l’environnement
– Déclaration de Stockholm ;
– Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), recommandation du Conseil sur
les principes concernant la pollution transfrontière
155
»,
sans toutefois mentionner expressément la protection de
l’atmosphère
156
. La disposition la plus importante en est
147
;
– OCDE, recommandation du Conseil pour la mise en
œuvre d’un régime d’égalité d’accès et de non-discrimination en matière de pollution
transfrontière
148
;
– Déclaration de Rio sur l’environnement et le
développement ;
le principe 21, selon lequel les États « ont le devoir de
faire en sorte que les activités exercées dans les limites
de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de
dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans
des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ».
L’expression responsibility to ensure (traduite en français
par « devoir de faire en sorte ») est quelque peu ambiguë
mais on s’accorde à dire que ce principe, consacré dans
plusieurs conventions, a maintenant acquis le statut de
droit international coutumier en ce qui concerne la protection atmosphérique
transfrontière
– Déclaration de Malé sur la lutte et l’action préventive
contre la pollution atmosphérique et ses effets transfrontières probables pour l’Asie du
Sud
157
.
149
;
– Réseau de surveillance des dépôts acides en Asie de
l’Est ;
– Commission du droit international, projet d’articles sur
la prévention des dommages transfrontières résultant
d’activités dangereuses
150
;
56. Déclaration de Rio sur l’environnement et le
développement. La Déclaration de Rio est issue de la
Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le
développement en 1992. Non contraignante, elle énonce
cependant des principes généraux du développement
durable, constituant ainsi le fondement des régimes futurs
de protection de l’environnement. Elle consacre en outre
– Commission du droit international, projets de principe
sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités
dangereuses
151
;
– Accord-cadre régional de l’Afrique de l’Est sur la pollution atmosphérique (Nairobi,
2008)
152
;
– Cadre politique régional de la Communauté de développement
de
l’Afrique
australe
sur
la
pollution
atmosphérique (Lusaka,
2008)
153
des dispositions spécifiques à des questions de procédure,
telles que l’accès aux informations et les possibilités de
participation du public (principe 10), les études d’impact
sur l’environnement (principe 17) et la notification, la
communication d’informations et la consultation (principe
19). On peut
ainsi
y voir
un cadre
d’élaboration
de
textes
législatifs de droit de l’environnement
aux niveaux
national
et
international
et
une référence
pour mesurer
les
résultats
futurs
;
158
. Il convient de noter que la Déclaration
– Accord-cadre régional pour l’Afrique occidentale et centrale sur la pollution atmosphérique (Abidjan,
2009)
154
;
consacre une rupture d’orientation conceptuelle, opérant
le passage du droit de l’environnement à celui du développement
durable. Cette rupture ressort clairement
du
libellé
du
principe
2,
qui,
différant
légèrement
de
celui
du
principe
21 de la Déclaration de Stockholm, dit que,
– Accord-cadre nord-africain sur la pollution atmosphérique
(2011).
54. Bien que non contraignants par leur forme, certains
instruments de droit souple sont très importants puisqu’ils
constituent des sources matérielles de droit international ;
il convient donc d’en donner une brève description.
[c]onformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit
international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres
ressources selon leur politique d’environnement et de développement,
et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à
l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne
relevant d’aucune juridiction nationale.
55. Déclaration de la Conférence des Nations Unies
sur l’environnement (Déclaration de Stockholm). La
La Déclaration tient compte du fait que pour donner lieu
Déclaration de Stockholm est le texte fondateur du droit
à des changements de fond, les préoccupations environ-
146
Résolution (71) 5, 26 mars 1971.
147
C (74) 224, 14 novembre 1974.
148
C (77) 28/FINAL, 17 mai 1977.
149
Report of the Seventh Governing Council Meeting of the South
Asia Cooperative Environment Programme, annexe XVI, Malé,
22 avril 1998.
150
Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif, p. 157, par. 97.
151
Annuaire… 2006, vol. II (2
e
partie), p. 59, par. 66.
nementales doivent s’intégrer dans le cadre du développement
économique
;
son
objectif
déclaré
est
l’élaboration
de
stratégies et de mesures dans le but de mettre fin à la
dégradation de l’environnement et d’en inverser la dynamique,
dans
le
cadre
d’actions
nationales
et
internationales
de
promotion
d’un
développement
durable
et
écologiquement rationnel de l’ensemble des pays. On peut la
considérer comme un compromis entre pays développés,
soucieux
avant tout de la protection de l’environnement, et pays
en
152
Disponible à l’adresse suivante : https://www.york.ac.uk/media/
sei/documents/publications/gapforum/Eastern_Africa_Air_Pollution_
Agreement.pdf. Voir aussi Nordberg, Air Pollution: Promoting Regio-
155
Préambule, paragraphe 2.
nal Cooperation.
156
Selon le principe 6, « [l]es rejets de matières toxiques ou d’autres
153
Disponible (en anglais) à l’adresse suivante : https://web.archive.
org/web/20111226174616/www.unep.org/urban_environment/PDFs/
SADC-LusakaAgreement.pdf.
matières et les dégagements de chaleur en des quantités ou sous des
concentrations telles que l’environnement ne puisse plus en neutraliser
les effets doivent être interrompus de façon à éviter que les écosystèmes
ne subissent des dommages graves ou irréversibles ».
154
Disponible à l’adresse suivante : https://www.york.ac.uk/media/
sei/documents/publications/gapforum/West_and_Central_Africa_Air_
157
Murase, International Law, p. 24.
Pollution_Agreement_English_final.pdf.
158
Sands, Principles of International Environmental Law, p. 54.
Protection de l’atmosphère 277
développement, soucieux avant tout du développement
économique. Cet équilibre ressort de ses principales dispositions,
les
principes
3
et
4.
Le
principe
3
énonce
que
«
[l]e
droit au développement doit être réalisé de façon à
satisfaire
équitablement
les
besoins
relatifs
au
développement
et à l’environnement des
générations
présentes et
futures
».
Le
principe
4
pose
que,
«
[p]our
parvenir
à
un
développement durable, la protection de l’environnement doit
faire
partie intégrante du processus de développement et ne
peut
être considérée
isolément
». Lus ensemble, ces
deux
principes constituent l’essentiel du concept de
développement
durable.
La Déclaration codifie en outre plusieurs autres
principes importants relevant du développement durable :
le principe de précaution
licites. Sur la recommandation du Groupe de travail (chargé
d’examiner le sujet), elle a décidé de traiter séparément les
deux aspects du sujet – mesures préventives et mesures correctives
163
. En 2001, elle adopte et soumet à l’Assemblée
159
, celui d’équité (intragénération-
nelle et intergénérationnelle)
160
, et celui des responsabili-
tés communes mais différenciées
161
. Les principes énoncés
dans la Déclaration de Rio inspireront largement les traités
ultérieurs sur l’environnement.
57. Réseau de surveillance des dépôts acides en Asie
de l’Est. Le Réseau de surveillance des dépôts acides
en Asie de l’Est est issu d’une initiative visant à établir
un cadre régional de contrôle de la pollution atmosphérique
transfrontière.
Du
fait
d’une
croissance
économique
générale le texte définitif du projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières, venant non
seulement
codifier
mais
aussi
développer
progressivement
le
droit
en
élaborant
les
aspects
de
procédure
et
de
fond
du
devoir
de
prévention.
Le
principe
sic
utere
tuo
ut
alienum
non
laedas
(consacré
dans
l’affaire
de
la
Fonderie de
Trail et
dans
le
principe
21 de la Déclaration de Stockholm) sous-tend
le
projet d’articles. Le projet
d’article
3 prescrit à l’État
d’origine de prendre toutes les mesures appropriées pour
prévenir
les
dommages
transfrontières
significatifs
ou
en
tout
état
de
cause
pour
en
réduire
le
risque
au
minimum.
L’obligation
de
prévenir
les
dommages
transfrontières
significatifs
dérive
de la règle de la diligence raisonnable, celle-ci
comportant
l’obligation
d’évaluer le risque que des activités puissent
causer un dommage transfrontière significatif (projet d’article
7) et d’en avertir le ou les États susceptibles
d’être
affectés
en
leur
communiquant
les
informations
pertinentes
(projet
d’article
8). Rapproché de l’obligation
d’autorisation préalable de l’État en prévision d’activités
présentant
des
risques, le projet d’articles illustre le caractère inter-
et d’une industrialisation rapides, de nombreux pays de
dépendant de la prévention et de la précaution, adoptant le
l’Asie de l’Est sont en proie à un sérieux problème de
pollution atmosphérique, notamment de dépôts acides. La
coopération régionale s’impose d’urgence pour prendre
des mesures de prévention de la pollution atmosphérique
dans la région. Sous l’impulsion du Japon, le Réseau vise
à réduire les effets néfastes des dépôts acides sur la santé
et l’environnement. Cadre institutionnel du Réseau, la
Réunion intergouvernementale en est l’organe de décision.
Elle
établit
le
Comité
consultatif
scientifique,
composé
d’experts
scientifiques
et
techniques.
Le
secrétariat
et le Centre du Réseau appuient les travaux du Réseau.
En 2010,
54
sites de contrôle
des dépôts avaient
été
créés
dans
10
États participants,
et des recherches sur
l’environnement
avaient
été
effectuées
dans
44
sites (forêts, lacs et
rivières) de la
sous-région
principe de précaution pour ce qui est de la protection de
l’environnement. Le projet d’articles explicite l’obligation
de diligence raisonnable, mais codifie également plusieurs
principes fondamentaux, dont certains déjà bien établis en
droit international et d’autres de plus en plus souvent mentionnés dans les traités internationaux sur
l’environnement.
La
Commission
évoque
l’obligation
de
coopérer
de
bonne
foi (projet
d’article
4) pour prévenir tout dommage
transfrontière
significatif
et
de
rechercher
des
solutions
«
fondées
sur un juste équilibre des
intérêts
» (projet
d’article
9).
162
.
59. Projet de principes de la Commission du droit
international sur la répartition des pertes en cas de
dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses. La Commission a repris ses travaux sur le sujet
de
la responsabilité concernant les dommages
transfrontières
en 2002,
«
en tenant compte des liens entre les volets
“prévention” et
“responsabilité”
58. Projet d’articles de la Commission du droit international
sur la prévention des dommages
transfrontières
résultant d’activités
dangereuses.
Tout en s’intéressant
à
la responsabilité des États pour faits illicites, la
Commission s’est également penchée sur la responsabilité pour
actes
164
». Le champ des activités
retenues dans le projet de principes reste le même que celui
du projet d’articles. Le projet de principes a pour double
but « d’assurer une indemnisation prompte et adéquate aux
victimes de dommages transfrontières » et « de préserver
159
Le principe 15 de la Déclaration est une version quelque peu atté-
et de protéger l’environnement en cas de dommage trans-
nuée du principe de précaution.
160
Le principe 3 de la Déclaration renvoie aux besoins des généra-
tions présentes et futures : « Le droit au développement doit être réalisé
de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et
futures.
»
161
Selon le principe 7 de la Déclaration, « [l]es États doivent coopé-
rer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre.
Étant
donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de
l’environnement
mondial, les États ont des responsabilités communes mais
différenciées.
Les
pays
développés
admettent
la
responsabilité
qui
leur
incombe
dans
l’effort international en faveur du développement durable, compte
tenu
des
pressions
que
leurs
sociétés
exercent
sur
l’environnement
mondial
et
frontière, en particulier en ce qui concerne l’atténuation
des dommages à l’environnement et sa restauration ou sa
remise en état » (projet de principe 3). On retiendra que les
principes consacrent la valeur intrinsèque de l’environnement et accordent une grande importance à sa protection
et
à sa préservation.
Avec le projet d’articles, ils renforcent
les
principes
d’équité
et
de
développement
durable.
L’indemnisation repose sur le principe du
pollueur-payeur.
L’exigence
d’une
«
indemnisation
prompte
et
adéquate
»
(projet
de
principe
4) en cas de dommage transfrontière à
l’environnement
modifie l’analyse coût-avantage des mesures
des techniques et des ressources financières dont ils disposent ».
162
Le Réseau de surveillance des dépôts acides en Asie de l’Est a
été établi à Jakarta en mars 2000 ; voir Takahashi, « Formation of an
East Asian regime for acid rain control: the prospective of comparative
regionalism » ; 13 pays participent au Réseau : le Cambodge, la Chine,
la Fédération de Russie, l’Indonésie, le Japon, la Malaisie, la Mongolie,
Myanmar,
les
Philippines,
la
République
de
Corée,
la
République
163
Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif, p. 156, par. 91
et 94, et p. 157, par. 97.
164
Conformément à la résolution 56/82 de l’Assemblée générale
du 12 décembre 2001, par. 3. Voir Annuaire… 2006, vol. II (2
e
partie),
p. 58 et 59, par. 62 et 63 ; voir aussi la résolution 61/36 de l’Assemblée
démocratique populaire lao, la Thaïlande et le Viet Nam.
générale du 4 décembre 2006, annexe.
278
Documents de la soixante-sixième session
préventives ; les coûts environnementaux (par exemple,
ceux des mesures de contrôle et des mesures correctives) sont internalisés, incitant l’exploitant à prendre
des
mesures préventives. Le projet de principes ne stipule
pas
la responsabilité de l’État mais celle de l’exploitant,
fondée
sur la responsabilité objective.
L’État a pour rôle de
mettre
en place un système d’indemnisation des victimes en
adoptant des lois nationales ou des accords internationaux.
Les
principes se veulent un cadre d’orientation à l’intention
des
États, proposant des dispositions de fond et de
procédure.
En
ce qui concerne le fond, le projet de principe 4 envisage
l’indemnisation
prompte
et
adéquate
des
victimes
de
dommages
transfrontières
interne ainsi que sur la jurisprudence interne, dont il est
question ci-après au paragraphe 61.
d) Jurisprudence interne
165
(comprenant la détermination
61. La jurisprudence interne est également riche d’enseignements
dans
la
mesure
où
elle
intéresse
la
protection
de
l’atmosphère. Comme pour la législation
interne, on
s’inspirera des décisions de tribunaux internes
susceptibles
de s’appliquer dans un contexte de droit international.
Les décisions les plus dignes d’intérêt
sont celles
touchant
la
pollution
atmosphérique
transfrontière,
telles
que
celle
de
1957
en
l’affaire
Walter
Poro
c.
Houillères
du
Bassin
de
Lorraine
(frontière
franco-allemande)
de la responsabilité sans preuve d’une faute, la formulation
de conditions minimales, et la constitution de sûretés ou
autres garanties financières couvrant la responsabilité). Il
convient de noter que le seuil de dommage transfrontière
« significatif » doit être atteint pour déclencher l’application
du régime
169
. Il
166
. En ce qui concerne la procédure, le principe 6
est aussi des décisions intéressantes traitant de questions
mondiales, notamment en l’affaire Massachusetts c. EPA
(2 avril 2007), à l’occasion de laquelle la question était
de savoir si l’Agence américaine de protection de l’environnement
pouvait
refuser
de
réglementer
des
émissions
de
dioxyde
de
carbone
et
d’autres
gaz
à
effet
de
serre
organise des procédures internes et internationales de
règlement des contestations (notamment un accès sans discrimination,
des
recours
juridiques
efficaces
et
l’accès
aux
informations).
Les
dispositions
ne
consacrent
pas
de
droits
et
d’obligations,
et
ne
traitent
pas
non
plus
de
la
question
de
la responsabilité de l’État non
exploitant.
170
.
Les tribunaux japonais ont connu de plusieurs affaires de
pollution atmosphérique
171
, dont d’importantes analogies
peuvent être tirées pour la protection de l’atmosphère au
niveau international.
e) Autres événements dignes d’intérêt
c) Législation interne
62. Il conviendrait également d’interroger des événements
qui
n’entrent
pas
dans
des
catégories
mentionnées
ci-dessus et de les étudier dans la mesure où ils sont
révélateurs
de la pratique des États. Par exemple, les essais
nucléaires des années 1950 ont constitué l’une des premières
questions d’environnement dont la communauté
internationale a dû se saisir
60. La législation interne est importante dans la mesure
où elle traite des dommages transfrontières causés à l’atmosphère et de la protection
mondiale de celle-ci.
On
s’inspirera
aussi de lois
purement
internes
pouvant
s’appliquer
par
analogie
aux
questions
juridiques
internationales en la matière.
Le droit interne
peut être cité comme
élément
de la pratique des États et à ce titre constituer
du droit international coutumier positif ou émergent.
On notera également que certaines législations internes
peuvent avoir l’effet normatif de l’opposabilité
172
. Les accidents survenus
167
. Par
dans des installations nucléaires peuvent avoir des effets
directs sur l’atmosphère, comme l’ont montré l’accident
de Tchernobyl en 1986 et celui de Fukushima en 2011
(dû au tremblement de terre et au tsunami dévastateurs du
11 mars 2011), qui constitue une préoccupation majeure
non seulement pour le Japon mais pour l’ensemble de la
communauté internationale.
exemple, on peut dire qu’en l’affaire États-Unis – Normes
concernant l’essence nouvelle et ancienne formules portée
devant
l’Organe
de
règlement
des
différends
de
l’OMC
(voir
plus
haut,
paragraphe
49),
la
question
cruciale
était
de savoir si le
Clean
Air
Act des États-Unis
pouvait
ou non
être
opposé
au
Brésil
et
à
la
République
bolivarienne
du
Venezuela
4. doctrIne
168
. En tout état de cause, le Rapporteur spécial
espère recevoir des informations utiles sur la législation
63. On trouvera une bibliographie sommaire sur les
questions de droit international sur la matière dans le plan
d’étude du sujet « Protection de l’atmosphère »
173
.
165
Selon le projet de principe 2, « [l]e terme “dommage” s’entend
d’un dommage significatif causé à des personnes, à des biens ou à l’environnement
». Il
comprend,
entre
autres, le
coût
de mesures
d’intervention
raisonnables
ou de
mesures
raisonnables
de
remise
en
état
du
bien
ou de l’environnement, y compris les ressources
naturelles.
169
Walter Poro c. Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), Cour
d’appel (Oberlandesgericht, 2
e
Chambre civile) de Sarrebruck (Alle-
166
Le paragraphe 2 du commentaire relatif au projet de principe 2
magne), 22 octobre 1957 (Z U 45/57), appel d’un jugement rendu le
12 février 1957 par le tribunal de première instance de Sarrebruck
(Landgericht) ; résumé en anglais dans Sand, Transnational Environmental
Law: Lessons in
Global
Change,
p. 89, 90 et 121; voir aussi
Rest, « International environmental law in German courts », p. 412.
souligne que « le terme “significatif” se réfère à quelque chose qui est
plus que “détectable”, mais sans nécessairement atteindre le niveau de
“grave” ou “substantiel” » [Annuaire… 2006, vol. II (2
170
e
Voir par exemple Massachusetts v. Environmental Protection
partie), p. 67].
Voir aussi Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif, p. 163 et
Agency, Cour suprême des États-Unis, 2 avril 2007 [United States
Reports, vol. 549, p. 497 (549 U.S. 497)], portant en partie sur certaines
obligations qu’a l’Environmental Protection Agency de réglementer les
émissions de gaz à effet de serre.
164, paragraphes 4 et 5 du commentaire relatif au projet d’article 2 du
projet d’articles relatif à la prévention des dommages transfrontières
résultant d’activités dangereuses.
167
On sait que certaines mesures internes fondées sur le droit interne
171
Voir Osaka, « Reevaluation of the role of the tort liability system
ont donné lieu à la création de droit international nouveau, telles que les
régimes des zones de conservation (voir Moore, « Fur seal arbitration »)
et des zones de pêche préférentielles [voir Compétence en matière de
pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974,
p. 3]. Sur le concept d’opposabilité et sa fonction normative, voir
Murase, International Law, p. 216 à 266.
in Japan », p. 413 à 423.
172
Voir par exemple l’incident du Daigo Fukuryu Maru (Dragon
chanceux n
o
5) entre le Japon et les États-Unis, en 1954 (Whiteman,
Digest of International Law, p. 565 et 566) ; Oda, « The hydrogen bomb
tests and international law » ; Goldie, « A general view of international
environmental law. A survey of capabilities, trends and limits », p. 72.
168
Murase, International Law, p. 273 et 274.
173
Annuaire… 2011, vol. II (2
e
partie), annexe II, p. 195.
Protection de l’atmosphère 279
chapItre II
Définition
A. Caractéristiques physiques de l’atmosphère
la stratosphère, la mésosphère et la thermosphère (voir
fig. 1). La température de l’atmosphère varie en fonction
de l’altitude. Dans la troposphère (qui s’étend jusqu’à environ
12
kilomètres),
la
température
baisse
à
mesure
qu’on
s’élève
en
raison
de
l’absorption
et
de
la
réflexion
des
rayons
du soleil par la surface de la
planète
64. Pour définir la portée et la finalité de l’entreprise
de codification et de développement progressif du droit
international de la protection de l’atmosphère et son statut
juridique, il faut au préalable comprendre la structure et
les caractéristiques physiques de l’atmosphère.
177
. Par contre, dans la
stratosphère (qui s’étend jusqu’à environ 50 kilomètres), la
température augmente à mesure qu’on s’élève
178
en raison
65. L’« atmosphère » s’entend de l’« enveloppe gazeuse
qui entoure le globe terrestre »
174
. Jusqu’à une altitude
de 25 kilomètres, elle se compose en moyenne d’azote
(78,08 %), d’oxygène (20,95 %), d’argon (0,93 %), de
dioxyde de carbone (0,03 %), d’autres gaz présents à l’état
de traces (0,01 %) et de vapeur d’eau
175
dans des proportions
extrêmement variables. En partant de la surface du globe,
on divise l’atmosphère en quatre couches successives
176
de l’absorption du rayonnement ultraviolet par l’ozone.
Dans la mésosphère (qui s’étend jusqu’à environ 80 kilomètres), les températures recommencent à chuter à
mesure
que
l’on
s’élève
et,
dans
la
thermosphère,
les
températures
augmentent rapidement sous
l’effet du
rayonnement
X
et
du rayonnement ultraviolet du soleil.
L’atmosphère
s’étend
au-delà de la mésopause mais ne possède pas de
limite
supérieure
bien définie par les scientifiques
en
179
, ce qui fait
fonction de leurs propriétés thermiques : la troposphère,
174
Dictionnaire Le Grand Robert de la langue française en ligne.
qu’il n’existe pas de frontière précise entre l’atmosphère et
l’espace extra-atmosphérique. Au-delà de 100 kilomètres,
la masse de l’atmosphère n’est que de 0,00003 % et celle-ci
La Société météorologique des États-Unis définit l’atmosphère comme
étant l’enveloppe gazeuse qui entoure les corps célestes sous l’effet de
la force gravitationnelle, voir à l’adresse suivante : http://glossary.ametsoc.org/wiki/Atmosphere.
se fond finalement dans le vide spatial
180
.
177
La troposphère est d’épaisseur variable en fonction de la lati-
175
La vapeur d’eau, qui représente environ 0,25 % de la masse de
tude et des saisons. Sa limite supérieure est d’environ 17 kilomètres
à l’équateur et plus basse aux pôles, pour une épaisseur moyenne
d’environ 12 kilomètres. Voir Tarbuck, Lutgens et Tasa, Earth Science,
p. 466 ; Thompson et Turk, Earth Science and the Environment, 4
l’atmosphère, est présente dans l’air à des concentrations extrêmement
variables. Il est donc de coutume, dans les sciences atmosphériques, de
donner la composition de l’air sec. La concentration d’ozone est, elle
aussi, extrêmement variable. On considère qu’une concentration supérieure
à
0,1
ppm
(partie
par
million)
est
dangereuse
pour
l’homme.
Voir
Wallace et Hobbs,
Atmospheric Science:
An
Introductory
Survey,
p.
8.
e
éd.
(Belmont, Californie, Brooks/Cole, 2009), p. 438.
178
Plus précisément, la température dans la stratosphère reste
constante jusqu’à une altitude d’environ 20 à 35 kilomètres avant de
baisser graduellement.
176
La Société météorologique américaine précise que l’atmosphère
est divisée en plusieurs couches ou strates (voir à l’adresse suivante :
http://glossary.ametsoc.org/wiki/Atmospheric_shell).
179
Tarbuck, Lutgens et Tasa, Earth Science, p. 467.
180
Ibid., p. 465 et 466.
fIgure 1
Couches atmosphériques
Note : tracé par l’auteur avec l’aide de Jun Okamoto, le diagramme est inspiré de l’ouvrage d’Ahrens, Essentials of Meteorology:
An Invitation to the Atmosphere.
Altitude (km)
Espace extraatmosphérique
Limite horizontale
de l’espace aérien
here
Thermo0sp
Atmosphère
100
Orbite a plus
(pas de consensus)
basse5
100km es site
supérieure
Espace aérien
90km Presson
atrosoh66
o.0644
80
60
Mesosphere
Strato
50k Presslon atmosphere
50
40
0,,a
here
Stratosp
25km ''auteur de vol
mam
Atmosphère
inférieure
20
es
ions
10
ropopause
10km_ pesson osoheaa see
%6osiers
0
0
État A
Terre
Th
280
Documents de la soixante-sixième session
66. L’atmosphère exerce une pression sur la surface de la
Terre sous l’effet de la gravité et se dilue à mesure que l’on
monte en altitude, ce qui explique que 80 % de sa masse
se trouve dans la troposphère (contre 20 % dans la stratosphère).
L’atmosphère,
c’est
cette
fine
couche
brumeuse
que
l’on voit autour de la Terre depuis l’espace (d’une
épaisseur inférieure à 1 % du rayon de la Terre). Dans la
troposphère et la stratosphère, la concentration de la plupart
des
gaz
est
relativement
stable.
Ces
couches,
qui
forment l’atmosphère
inférieure
moyenne de 50 kilomètres ; au-delà se trouve l’atmosphère
supérieure
182
. La circulation atmosphérique désigne
les mouvements complexes de l’atmosphère autour de la
Terre
183
. La force gravitationnelle du Soleil et de la Lune
exerce elle aussi une influence sur ces mouvements en
créant des marées atmosphériques
184
. La figure 2 montre où
se situent les problèmes atmosphériques, comme la pollution
atmosphérique
transfrontière,
l’appauvrissement
de
la
couche d’ozone et l’accumulation de gaz à
effet de
serre.
181
, vont jusqu’à une hauteur
182
La Société météorologique américaine définit l’atmosphère
181
La Société météorologique américaine définit l’atmosphère infé-
supérieure comme une catégorie résiduelle, à savoir la partie de l’atmosphère
qui se trouve au-dessus de la troposphère (http://glossary.
ametsoc.org/wiki/Upper_atmosphere).
rieure comme étant, de manière très vague, la partie de l’atmosphère où
la plupart des phénomènes météorologiques se produisent ; on l’oppose
à l’atmosphère supérieure (voir à l’adresse suivante : http://glossary.
ametsoc.org/wiki/Lower_atmosphere).
183
Jones, Collins Dictionary of Environmental Science, p. 40.
184
Allaby, Dictionary of the Environment, p. 34.
fIgure 2
Circulation atmosphérique
Figure(2): Circulation atmosphérique
Altitude (km)
50
40
Couche d’ozone
Couche d’ozone
20
,»e
·rant%e
State A
Earth
État A
Terre
Note : tracé par l’auteur avec l’aide de Jun Okamoto, le diagramme est inspiré de l’ouvrage d’Ahrens, Essentials of Meteorology,
p.
210.
67. La modification de l’atmosphère peut avoir des répercussions négatives sur l’environnement naturel et
humain.
Les principales causes de la dégradation de
l’atmosphère
sont au nombre de
trois
De puissants vents horizontaux, comme les courantsjets
188
, peuvent rapidement les transporter et les propager
185
. Premièrement, l’introduction de
substances nocives (à savoir, la pollution atmosphérique)
dans la troposphère et la stratosphère inférieure, et les réactions
chimiques
186
que cela déclenche. Les acides (tels que
l’oxyde d’azote, l’oxyde de soufre et le monoxyde de carbone),
les
matières
particulaires
et
les
composés
organiques
volatiles sont les principales sources de pollution
atmosphérique.
L’ozone
et
d’autres
oxydants
photochimiques
sont
le
d’un bout à l’autre du globe, loin de leur source d’origine
(contrairement à la propagation verticale, qui est généralement
lente).
Il
est
important
d’avoir
conscience
du
rôle
que
l’atmosphère joue dans la propagation des polluants.
Certains
polluants
qui
sont
relativement
inoffensifs
dans
l’atmosphère peuvent avoir des
effets particulièrement
nocifs
lorsqu’ils
s’accumulent dans les régions polaires, que ce
soit sur la faune, la flore et, en bout de chaîne alimentaire,
sur les hommes, comme c’est le cas pour les polluants orga-
résultat d’une réaction photochimique des oxydes d’azote
niques persistants et le mercure. Deuxièmement, le rejet de
et des composés organiques volatiles qui se produit dans
la troposphère sous l’effet du rayonnement solaire et ont
des effets nocifs sur les êtres humains et les écosystèmes
187
.
185
Voir Dolzer, « Atmosphere, protection », p. 290 ; Kreuter-
Kirchhof, « Atmosphere, international protection ».
186
Les scientifiques répartissent les polluants en deux catégories :
chlorofluorocarbones, halons et autres halocarbones dans
la troposphère supérieure et la stratosphère est à l’origine
de l’appauvrissement de la couche d’ozone, qui, comme
son nom l’indique, contient une grande quantité d’ozone.
Ce gaz conserve sa structure chimique, qu’il se trouve au
ras du sol ou à plusieurs kilomètres de la Terre, mais ses
effets peuvent être bénéfiques ou nocifs en fonction de l’endroit où il se situe. Les principales concentrations
d’ozone
bénéfique
se
trouvent
à
des
altitudes
comprises
entre
15
et
40
kilomètres (les concentrations maximales se situent
à
20-25
kilomètres). La couche d’ozone filtre les rayonnements
ultraviolets
nocifs
du
Soleil,
ceux
dont
on
sait
qu’ils
causent des cancers de la peau et d’autres lésions
graves.
les polluants primaires, à savoir les substances directement émises
par des sources identifiables, et les polluants secondaires, à savoir les
substances qui ne sont pas directement rejetées dans l’atmosphère mais
qui sont le produit de réactions chimiques entre polluants primaires.
Lorsque des polluants primaires sont rejetés dans l’atmosphère, ils se
combinent avec d’autres substances pour produire d’autres polluants
sous l’effet des rayonnements solaires et de réactions photochimiques.
Voir Tarbuck, Lutgens et Tasa, Earth Science, p. 464.
187
Voir The Royal Society, Ground-level Ozone in the 21st Cen-
tury: Future Trends, Impacts and Policy Implications, Londres, 2008 ;
disponible à l’adresse suivante : http://royalsociety.org/uploadedFiles/
Royal_Society_Content/policy/publications/2008/7925.pdf.
188
Les courants-jets sont des courants d’air étroits de la troposphère
supérieure qui soufflent d’ouest en est à des vitesses comprises entre
240 et 720 kilomètres par heure.
Protection de l’atmosphère 281
Troisièmement, la modification de la composition de la troposphère
et
de
la
stratosphère
inférieure,
qui
est
à
l’origine
des
changements climatiques. Les émissions de gaz (qui
existent déjà à l’état de trace dans l’atmosphère, comme
le dioxyde de carbone, l’oxyde d’azote, le méthane et les
hydrofluorocarbones) sont la principale source anthropique
du changement climatique. La liste des gaz à effet de serre
figure à l’annexe A du Protocole de Kyoto (voir supra le
paragraphe 33)
cependant que le glossaire figurant en annexe de la contribution
du
Groupe
de
travail
I
pour
le
quatrième
rapport
d’évaluation
du Groupe d’experts
intergouvernemental
sur l’évolution du climat
intitulée Changements
climatiques
2007
:
les
éléments
scientifiques
contient
la
définition suivante de
l’atmosphère
:
Enveloppe gazeuse de la Terre. L’atmosphère sèche est compo-
189
. Ce qui se passe dans la troposphère a
une influence majeure sur les conditions météorologiques
qui règnent sur Terre (formation de nuages, brume et précipitations).
Bien
que
certains
gaz
et
aérosols
soient
éliminés
de la troposphère de manière
naturelle
190
et qu’une certaine
quantité de dioxyde de carbone soit absorbée par les forêts
et les océans, il se peut que les émissions dérèglent ces
mécanismes et provoquent des changements climatiques.
sée presque entièrement d’azote (rapport de mélange en volume de
78,1 %) et d’oxygène (rapport de mélange en volume de 20,9 %) ainsi
que d’un certain nombre de gaz présents à l’état de trace, tels que
l’argon (rapport de mélange en volume de 0,93 %), l’hélium et des
gaz à effet de serre qui influent sur le rayonnement, notamment le
dioxyde de carbone (rapport de mélange en volume de 0,035 %) et
l’ozone. En outre, l’atmosphère contient de la vapeur d’eau en proportion très variable, mais généralement dans un rapport de mélange
en
volume d’environ
1
%.
L’atmosphère contient également des
nuages
et des
aérosols
193
.
68. Les trois principaux problèmes d’envergure internationale
qui touchent l’atmosphère, à savoir la pollution
atmosphérique, l’appauvrissement de la couche
d’ozone et le changement climatique, se produisent dans
la troposphère et la stratosphère
191
, même si différents
70. Si elle décide d’élaborer des directives sur le droit
de l’atmosphère, la Commission devra nécessairement
définir l’atmosphère. Ce faisant, il lui faudra sans doute
faire la distinction entre ses caractéristiques physiques, à
savoir une succession de différentes couches de gaz, et ses
aspects fonctionnels, à savoir un vecteur qui transporte et
propage des polluants en suspension dans l’air. Aussi le
facteurs peuvent entrer en ligne de compte chaque fois.
L’un de ces facteurs est le temps de séjour. Si les subs-
tances à l’origine de la pollution atmosphérique ont un
projet de directive suivant est-il proposé.
temps de séjour qui se compte en jours ou en semaines,
les gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone
et l’oxyde d’azote, ainsi que les composés détruisant
la couche d’ozone stratosphérique, ont eux un temps
de séjour qui dépasse souvent un siècle. L’atmosphère
supérieure, qui comprend environ 0,0002 % de la masse
totale de l’atmosphère, et l’espace extra-atmosphérique
ne jouent pas un grand rôle dans les problèmes environnementaux qui nous
préoccupent.
« Directive 1. Emploi des termes
« Aux fins des présentes directives,
« a) on entend par “atmosphère” la couche de gaz de
la troposphère et de la stratosphère qui entoure la terre
et au sein de laquelle sont transportées et propagées des
substances en suspension dans l’air
194
. »
B. Définition de l’atmosphère
69. Ses caractéristiques physiques brièvement définies,
il convient à présent de donner une définition juridique
de l’atmosphère qui corresponde raisonnablement à sa
définition scientifique. La plupart des traités et instruments
internationaux
ne
définissent
pas
l’«
atmosphère
»,
alors
même
qu’elle
est
l’objet
de
ces
traités
qui
visent
à
la
protéger, mais définissent généralement les causes et
conséquences des dommages qu’elle subit
192
. On notera
189
Toutefois, ces dernières années, les scientifiques ont découvert
que certaines substances présentes dans la troposphère étaient également
responsables
du
changement
climatique
et
que
les
chlorofluorocarbones faisaient
également
partie
des gaz à
effet de serre.
L’indice
de
«
potentiel
de
réchauffement
de la
planète
» permet
de mesurer la
contribution
à
l’effet
de
serre
de
ces
substances
(voir
Wallace
et
Hobbs,
Atmospheric
Science,
p.
453 et
454).
étant « la pollution atmosphérique dont la source physique est comprise
totalement ou en partie dans une zone soumise à la juridiction nationale
d’un État et qui exerce des effets dommageables dans une zone
soumise à la juridiction d’un autre État à une distance telle qu’il n’est
généralement pas possible de distinguer les apports des sources individuelles
ou
groupes
de
sources
d’émission
».
On
relèvera
que
la
définition de
l’article
1
a emploie
les termes
«
substances
» et
«
énergie
». Le
terme
«
atmosphère
» est
également
employé
dans le
préambule
et
les
articles sur l’objet et le but de certains protocoles de la Convention sans
toutefois
qu’il y soit défini. Le terme « émission » est défini comme
étant le « rejet dans l’atmosphère d’une substance à partir d’une source
ponctuelle ou diffuse ». Aux termes de l’article premier, paragraphe 2,
de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques,
les
«
changements
climatiques
»
s’entendent
des
«
changements
de
climat
qui
sont
attribués
directement
ou
indirectement
à
une
activité
humaine
altérant
la
composition
de
l’atmosphère
mondiale
», et,
selon
l’article
premier,
paragraphe
5,
les
«
gaz
à
effet
de
serre
»
s’entendent
des
« constituants gazeux de l’atmosphère, tant naturels qu’anthropiques,
qui absorbent et réémettent le rayonnement infrarouge ». Ces
définitions renvoient aux causes et conséquences des dommages provoqués à l’objet que la Convention vise à
protéger.
190
Les aérosols, qui sont de minuscules particules solides et
193
Annexe I du quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts
liquides, sont piégés par les gouttelettes des nuages et les particules de
glace présentes dans la troposphère, dont certaines retombent sur Terre
sous forme de pluie ou de neige (ibid., p. 11).
intergouvernemental sur l’évolution du climat, disponible sur le site
Web : www.ipcc.ch.
194
Des définitions d’autres termes seront proposées à un stade
191
Kiss et Shelton, International Environmental Law, p. 556 à 562.
192
Par exemple, la Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance définit la « pollution atmosphérique »
mais pas l’« air ». L’article 1 a définit la « pollution atmosphérique »
comme étant « l’introduction dans l’atmosphère par l’homme, directement
ou
indirectement,
de
substances ou
d’énergie
ayant
une
action
nocive
de nature
à
mettre
en danger la santé de l’homme,
à
endommager
les
ressources
biologiques
et
les
écosystèmes,
à
détériorer
les
biens
matériels,
et à porter atteinte
ou nuire aux valeurs d’agrément
et aux
autres
utilisations
légitimes
de
l’environnement
»
;
et
l’article
1
b
définit
la
«
pollution
atmosphérique
transfrontière
à
longue
distance
»
comme
ultérieur, selon qu’il conviendra. Néanmoins, il y aurait lieu de donner
à
ce
stade
une
définition
provisoire
du
terme
«
pollution
atmosphérique
»
(question
sur
laquelle
le
Rapporteur
spécial
s’arrêtera
dans
son
deuxième
rapport). Projet de
directive
1
b
:
«
On entend par “pollution
atmosphérique”
l’introduction dans l’atmosphère, sous l’effet d’activités
humaines, de produits chimiques, de matières particulaires, de
matières biologiques ou d’énergie qui dégradent ou altèrent l’atmosphère, ou entrent
dans un processus de dégradation
ou d’altération
de
l’atmosphère,
et
qui
ont
des
effets
particulièrement
nocifs
sur
la
vie
ou
la
santé
de
l’homme
ou
sur l’environnement
naturel
de
la
terre,
ou sont
susceptibles d’avoir de tels
effets.
»
282
Documents de la soixante-sixième session
chapItre III
Champ d’application du projet de directives
A. Dégradation de l’environnement
d’origine anthropogénique
pollution acoustique (le bruit), qui a été à l’origine de
litiges transfrontières dans le cas d’aéroports situés dans
des régions frontalières, a donné lieu à plusieurs traités
bilatéraux et à une jurisprudence de plus en plus étendue
71. Définir le champ d’application du projet de directives sur
la protection
de
l’atmosphère suppose de
déterminer sans ambiguïté aucune les principaux éléments
sur
lesquels
le
projet
portera.
À
cet
égard,
on
consultera
utilement
les
travaux antérieurs de la
Commission
199
. La modification du temps est un autre exemple
195
. D’une
d’utilisation de l’atmosphère. Les scientifiques ont
inventé différentes méthodes qui permettent de manipuler
l’atmosphère et certaines des techniques de géo-ingénierie
proposées (comme
l’interception
des rayonnements
solaires
et
la
captation
du
dioxyde
de
carbone)
sont à
prendre
en compte pour autant qu’elles deviennent réalisables.
Le Rapporteur
spécial
s’arrêtera
donc sur les
modalités d’utilisation de
l’atmosphère.
manière générale, les articles des traités multilatéraux
relatifs à l’environnement qui traitent du champ d’application
portent
soit sur les
effets de la pollution
(effets
particulièrement
nocifs), soit sur ses causes (activités
humaines).
Pourtant,
il
s’agit
de
deux aspects
complémentaires
puisque
les
causes
des
activités
humaines
produisent certains
effets
196
, et inversement
197
.
74. De toute évidence, l’essentiel des activités menées à
ce jour n’ont pas explicitement ou concrètement vocation à
modifier les conditions atmosphériques, à l’exception bien
sûr de celles qui ont précisément pour objet de modifier
et maîtriser le temps. Encore que cela soit interdit par la
72. Le projet de directives traitera uniquement des dommages
provoqués
par
les
activités
humaines.
Son
champ
d’application
n’englobera
pas,
par
exemple,
les
dommages
causés
par
des
éruptions
volcaniques
ou
des
tempêtes
de
sable,
sauf
à
avoir
été
amplifiés
par
des
activités
humaines
Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de
198
. Par « activités humaines », on entend non
modification de l’environnement à des fins militaires ou
toutes autres fins hostiles
seulement les activités des États, mais aussi celles des
personnes physiques et morales.
200
, on se livre couramment à des
manipulations en vue d’obtenir le temps souhaité depuis les
années 1940. L’Assemblée générale s’intéresse à la question en
1961
201
. Ce genre de modification vise aussi bien
73. L’atmosphère est utilisée à plusieurs fins, la plus
importante d’entre elles étant la navigation aérienne. La
195
Voir le projet d’article 1 (« Champ d’application ») du projet d’ar-
ticles sur le droit des aquifères transfrontières [Annuaire… 2008, vol. II
(2
e
partie), p. 21, par. 53] : « Le présent projet d’articles s’applique :
a) à l’utilisation des aquifères ou systèmes aquifères transfrontières ;
b) aux autres activités qui ont un impact sur ces aquifères ou systèmes
aquifères ou qui sont susceptibles d’en avoir un ; c) aux mesures de
protection, de préservation et de gestion de ces aquifères ou systèmes
aquifères. »
196
Par exemple, aux termes de l’article 1 de la Convention sur la
à prévenir la survenance d’événements météorologiques
dévastateurs, comme des ouragans ou des tornades, qu’à
provoquer des événements bénéfiques, par exemple à faire
pleuvoir dans des régions frappées par la sécheresse ou à
faire cesser la pluie dans un endroit où doit se tenir une
manifestation importante. L’ensemencement de nuages est
une technique couramment utilisée pour faire pleuvoir. Elle
consiste à pulvériser de petites particules de glace sèche ou
d’iodure d’argent, ou autres substances, dans le ciel afin
de déclencher la formation de nuages de pluie. Réputée
sûre, cette technique ne semble toutefois pas véritablement
avoir fait la preuve de son efficacité. En 1980, le Conseil
d’administration du PNUE approuve un ensemble de
recommandations à l’intention des États et d’autres acteurs
susceptibles de modifier le temps
pollution atmosphérique transfrontière à longue distance : « Aux fins
de la présente Convention : a) l’expression “pollution atmosphérique”
désigne l’introduction dans l’atmosphère par l’homme, directement ou
indirectement, de substances ou d’énergie ayant une action nocive ».
Selon le projet de principe 1 (« Champ d’application ») des projets de
principe sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière
découlant d’activités dangereuses [Annuaire… 2006, vol. II (2
202
. Toute modification
e
par-
tie), p. 59, par. 66] : « Les présents projets de principe s’appliquent aux
dommages transfrontières causés par des activités dangereuses qui ne
199
Par exemple, dans le cas de la frontière franco-suisse, voir l’ar-
sont pas interdites par le droit international. » D’après le projet d’article
premier (« Champ d’application ») du projet d’articles sur la prévention
des dommages
transfrontières
résultant
d’activités
dangereuses
[Annuaire…
2001,
vol.
II
(2
e
partie) et rectificatif, p. 157, par. 97] : « Les
présents articles s’appliquent aux activités non interdites par le droit
international qui comportent un risque de causer un dommage transfrontière significatif de
par
leurs conséquences
physiques.
»
197
Par exemple, l’article premier, paragraphe 2, de la Convention-
rêt de la cour d’appel de Lyon dans l’affaire de l’aéroport de Cointrin
[Gazette du
Palais,
vol.
74-II (1954),
p.
205] et le traité bilatéral
conclu
en
1956
;
voir
Guinchard,
«
La
collaboration
franco-helvétique
en
matière d’aéroports (Bâle-Mulhouse et Genève) ». Au nombre
des régimes multilatéraux relatifs à la pollution causée par les bruits
d’aviation, on citera la Convention entre les États parties au Traité de
l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces ; par exemple, voir Kiss
et Kambrechts, « Les dommages causés au sol par les vols supersoniques
»,
p.
771.
En
1971,
l’OACI
a
défini
des
normes
techniques
mondiales
pour les émissions sonores des aéronefs ; voir Davies et Goh,
« Air transport and the environment: regulating aircraft noise ».
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques dispose que,
aux fins de la Convention, on entend par « changements climatiques »
des « changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité
humaine
».
200
La Convention est entrée en vigueur en 1978.
198
Dans le cadre de la Convention sur la pollution atmosphérique
201
À la section C, paragraphe 1 a, de sa résolution 1721 (XVI) du
transfrontière à longue distance, l’Islande a d’ailleurs émis une réserve
au moment de la signature à l’effet de décliner toute responsabilité en
20 décembre 1961 sur la coopération internationale touchant les utilisations
pacifiques de l’espace extra-atmosphériques, l’Assemblée
recommande aux États et aux autres organisations pertinentes de
« [f]aire progresser la science et la technique atmosphériques de manière
à faire mieux connaître les forces physiques fondamentales affectant le
climat et à donner la possibilité de modifier à grande échelle les conditions
météorologiques
».
cas de pollution atmosphérique transfrontière à longue distance causée
par des éruptions volcaniques sur son territoire (voir ECE/HLM.1/2/
Add.1, vol. II, annexe IV). On notera cependant que certains instruments
régionaux traitent également de la pollution atmosphérique
d’origine naturelle, par exemple, l’Accord de l’ASEAN sur les nuages
de pollution transfrontière (article premier, paragraphe 6) et les accordscadres régionaux africains.
202
Décision 8/7 A du Conseil d’administration du PNUE sur la co-
opération interétatique en matière de modification du temps, adoptée à
Protection de l’atmosphère 283
du temps à vaste échelle, si elle devenait possible un jour,
pourrait avoir des conséquences néfastes, comme des effets
secondaires inattendus, l’endommagement des écosystèmes
existants
et la mise en
danger de
la santé de
l’homme.
S’ils devaient causer des dommages transfrontières,
ces
effets pourraient susciter des litiges
internationaux
ayant une action nocive
205
. Les principaux polluants sont
203
. Le
Rapporteur spécial recommande à la Commission de faire
œuvre de développement progressif du droit international
dans ce domaine
204
.
B. Protection des environnements naturel et humain
les acides (oxyde d’azote, oxyde de soufre, monoxyde de
carbone, etc.), les matières particulaires et les oxydants
photochimiques. L’appauvrissement de la couche d’ozone
est le résultat de l’introduction dans l’atmosphère de substances
(nocives),
comme
les
chlorofluorocarbones
et
les
halons. Par contre, la
principale
cause
du changement
climatique
est
l’émission
de
gaz
à
effet
de
serre,
comme
le
dioxyde
de
carbone,
l’oxyde
de
diazote
et
le
méthane.
Sans être
eux-mêmes
nocifs pour l’homme,
ces gaz
ont
indirectement
pour
effet
d’altérer la composition
de
l’atmosphère
et d’induire des changements climatiques
206
.
75. Il conviendra de préciser dans le projet que les directives
ont pour but de protéger
les environnements
naturel,
s’entendant
de
«
la
composition
et
la
qualité
de
l’atmosphère
», et humain, s’entendant de
«
la santé de l’homme
ou les ressources matérielles
dont l’humanité
a
besoin
».
Comme il porte sur l’atmosphère,
le projet accordera
bien
évidemment
la
priorité
à
l’environnement
naturel,
mais,
du
fait
de
la
relation
étroite
que
les
deux
environnements
entretiennent,
on ne
saurait
faire
entièrement
abstraction
de
l’environnement
humain
(qui
est
en
réalité
beaucoup
plus
vaste
que
la
seule
santé
humaine
puisqu’il
englobe
également
la végétation,
les cultures,
les ressources
maté-
Pour ce qui est des causes, le projet de directives traitera
donc de l’introduction de substances et d’énergie dans l’atmosphère,
de manière
à appréhender
les problèmes
liés
à la
pollution radioactive
et
nucléaire
207
, et de la modification
205
Par exemple, selon l’article 1 de la Convention sur la pollu-
rielles et le patrimoine historique). Il convient égale-
ment de préciser que toute réglementation internationale
appréhenderait les seules répercussions néfastes à effets
« majeurs » sur l’environnement.
C. Causes de la dégradation de l’atmosphère
tion atmosphérique transfrontière à longue distance : « a) l’expression
“pollution atmosphérique” désigne l’introduction dans l’atmosphère
par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie ayant une action nocive de nature à mettre en danger la santé de
l’homme,
à
endommager
les
ressources
biologiques
et
les
écosystèmes,
à détériorer les biens matériels,
et
à porter
atteinte
ou nuire
aux valeurs
d’agrément
et aux autres
utilisations
légitimes
de
l’environnement
»,
tandis
que,
aux
termes
de
l’article
premier,
paragraphe
1,
de
l’Accord
entre
le Gouvernement
du Canada
et le Gouvernement
des États-Unis
d’Amérique
sur
la
qualité
de
l’air,
l’«
expression
“pollution
atmosphérique”
désigne
l’introduction
dans
l’atmosphère
par
l’homme,
directement
ou
indirectement,
de substances ayant
une action
nocive
de nature
à
mettre
en
danger
la
santé
de
l’homme,
à
endommager
les
ressources
biologiques
et les écosystèmes, à détériorer les biens matériels, et à
porter atteinte ou nuire aux valeurs d’agrément et aux autres utilisations
légitimes
de
l’environnement
».
Il
convient
de
noter
que,
d’après
l’article
premier,
paragraphe
1, de la Convention
des
Nations
Unies
sur le
droit
de
la
mer
:
«
4)
on entend
par
“pollution
du milieu
marin”
l’introduction […] de substances ou
d’énergie dans le milieu
marin
».
76. La dégradation de l’atmosphère, dont les divers
aspects (transfrontières et planétaires) seront traités dans
le projet de directives, a de multiples causes, qui peuvent
toutefois se répartir en deux grandes catégories : l’introduction dans l’atmosphère
de substances ou
d’énergie
206
Par exemple, aux termes de l’article premier, paragraphe 2, de la
sa huitième session, le 29 avril 1980 [Documents officiels de l’Assemblée
générale,
trente-cinquième
session, Supplément
n
o
25 (A/35/25),
annexe I]. On notera que l’OMM recommande, dès 1963, la prudence
dans le maniement des techniques de modification du temps, déclarant
que la complexité des mécanismes atmosphériques est telle qu’une
modification artificielle du temps dans une partie du monde aurait
nécessairement des répercussions dans une autre partie du monde,
que si l’état actuel des connaissances en matière de mouvements de
l’atmosphère permet de formuler ce principe, on est encore bien loin
de pouvoir prédire avec certitude le degré, la nature ou la durée des
effets secondaires que les changements apportés au temps ou au climat
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques :
« On entend par “changements climatiques” des changements de climat
qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine
altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent
s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de
périodes comparables ». Voir également l’article premier, paragraphe 1,
de la résolution III sur la pollution transfrontière de l’air adoptée par
l’Institut de droit international à sa session du Caire, en 1987, d’où il
résulte que, « [a]ux fins de la présente résolution, on entend par “pollution
transfrontière de l’air” toute altération physique, chimique ou
biologique de la composition ou de la qualité de l’atmosphère résultant
directement ou indirectement d’un acte ou d’une omission de l’homme
et produisant des effets dommageables ou nocifs dans l’environnement
d’autres États ou de zones situées au-delà des limites de la juridiction
nationale » [Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 62-II (session du Caire, 1987),
«
La pollution transfrontière de
l’air
»,
p.
297].
dans un coin de la terre pourraient avoir ailleurs, ni même de savoir si
ces effets seraient bénéfiques ou nocifs, et qu’avant d’entreprendre une
modification du temps à vaste échelle il convenait d’en déterminer soigneusement
les
conséquences
possibles
et
souhaitables
et
de
conclure
des arrangements
internationaux
satisfaisants.
Roslycky,
«
Weather
modification
operations
with
transboundary
effects:
the
technology,
the
activities and the
rules
»,
p.
20.
207
La question de la pollution radioactive de l’air est débattue lors
203
Sand, « Internationaler Umweltschutz und neue Rechtsfragen
der Atmosphärennutzung » ; voir également Taubenfeld, « International
environmental law: air and outer space », p. 195 ; Brown Weiss, « International responses to weather
modification
»,
p.
813.
204
Le Rapporteur spécial recommande à la Commission de s’in-
des négociations sur la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière
à
longue
distance.
Dans
le
mémoire
explicatif
sur
la
Convention
qu’il
adresse
au
Parlement
(«
Entwurf
eines
Gesetzes
zu
dem
Übereinkommen vom,
13,
November 1979 über weiträumige
grenzüberschreitende
Luftverunreinigung », Deutscher Bundestags-Drucksache 9/1119,
2 décembre 1981, p. 14), le Gouvernement allemand considère que la
Convention ne s’applique pas aux substances radioactives (voir également Rest,
«
Tschernobyl und die Internationale
Haftung
»,
p.
612 et
613).
Le
Gouvernement
autrichien
défend,
quant
à
lui,
la
position
contraire
et
déclare
durant les préparatifs de la Convention, en janvier 1979, que
la Convention devrait également inclure l’étude des éventuelles répercussions
négatives
des
utilisations
pacifiques
de
l’énergie
nucléaire
sur
l’environnement
d’un État, ou d’États, autre que celui dans lequel ces
activités sont menées. En ce sens, voir également Rauschning, « Interim
report of the Committee: legal problems of continuous and instantaneous
long-distance air pollution », p. 219 ; et Sands, Chernobyl: Law
and Communication – Transboundary Nuclear Air Pollution – The Legal
Materials, p. 163 (qui estime que la définition donnée dans la Convention
sur
la
pollution
atmosphérique
transfrontière
à
longue
distance
est
de
téresser aux questions suivantes : obligation d’agir pour le bien de
l’humanité ; obligation de ne pas causer de dommages transfrontières
majeurs ; obligation de réaliser des études d’impact environnemental ;
obligation de consulter les populations ; obligation de coopérer ; obligation
de partager des informations et de notification ; obligation de
consultation ; obligation de faire appel aux organisations internationales
;
et
responsabilité
des
États.
Voir
Roslycky,
«
Weather
modification
operations
with
transboundary
effects
»,
p.
27
à
40
;
voir
également
Davis,
«
Atmospheric water resources development
and international
law », p. 17 et suivantes.
(Suite de la note page suivante.)
284
Documents de la soixante-sixième session
de la composition de l’atmosphère, à l’exclusion – faut-il
le rappeler – des substances proprement dites qui causent
la dégradation de l’atmosphère.
droit commercial international
210
et le droit international
des droits de l’homme
211
. Le projet de directives mettra
ces rapports en exergue, s’il y a lieu et pour autant qu’ils
présentent par ailleurs quelque intérêt aux fins du projet.
D. Rapports avec d’autres branches
du droit international
78. Par suite, le Rapporteur spécial propose le projet de
directive 2 suivant :
77. De toute évidence, le droit de l’atmosphère est intrinsèquement
lié
à
d’autres
branches
du
droit
international,
comme
le droit de la
mer
208
et de la biodiversité (sylvi-
culture, désertification et zones humides)
209
, ainsi que le
« Directive 2. Champ d’application des directives
« a) Les présentes directives traitent des activités
humaines qui ont, directement ou indirectement, pour
effet d’introduire dans l’atmosphère des substances ou
de l’énergie nocives ou d’altérer la composition de l’atmosphère,
et qui ont, ou sont susceptibles d’avoir, des
répercussions néfastes majeures sur la vie et la santé de
l’homme et l’environnement naturel de la terre.
« b) Les présentes directives définissent les principes
fondamentaux de la protection de l’atmosphère et les rapports qu’ils entretiennent entre
eux.
»
(Suite de la note 207.)
toute évidence suffisamment large pour englober les retombées radioactives).
Au
niveau
mondial,
le
Comité
scientifique
des
Nations
Unies
pour
l’étude des
effets des rayonnements ionisants, créé par l’Assemblée
générale par sa
résolution
913
(X) du
3
décembre 1955, siégeant à
Vienne
sous les auspices du PNUE, contrôle régulièrement le niveau de
ces
rayonnements et en évalue les
effets, indépendamment de leur origine,
y
compris
les
émissions
atmosphériques
provenant
d’essais
nucléaires
souterrains non interdits par le
Traité interdisant les essais d’armes
nucléaires
dans
l’atmosphère,
dans
l’espace
extra-atmosphérique
et
sous
l’eau.
Ces
relevés rendent compte de
l’effet cumulatif de la pollution
atmosphérique
radioactive
transnationale
causée
par
une
multitude
de
sources
de
par
le monde ; voir Sources and Effects of Ionizing Radiation: United
Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation 2008
Report to the General Assembly with Scientific Annexes (publication des
Nations Unies, numéro de vente : E.10.IX.3, 2010). Sur la communication de données du Comité au Système de surveillance international
dans
le cadre du
Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (voir
résolution
50/245 de l’Assemblée générale du
10
septembre 1996 et
document
A/50/1027), voir
Weiss,
«
The global dimensions of
atmospheric
radioactivity detection: experience and conclusions after
Fukushima
Daiichi nuclear power plant
accident
».
climatiques sur les écosystèmes naturels, et encourage, en son article 4,
paragraphe 1, les États parties à renforcer les « puits et réservoirs de
tous les gaz à effet de serre […], notamment la biomasse, les forêts
208
et les océans de même que les autres écosystèmes terrestres, côtiers
et marins ». Voir également l’article 2, paragraphe 1 a ii), du Protocole
de
Kyoto
ainsi
que
la
Convention
sur
la
diversité
biologique,
la
Convention
des
Nations
Unies
sur
la
lutte
contre
la
désertification
dans
les
pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification,
en particulier en Afrique, et la Convention relative aux zones humides
d’importance internationale, particulièrement comme habitats des
oiseaux d’eau.
Voir Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ar-
ticle 212 (Pollution d’origine atmosphérique ou transatmosphérique) et
article 195 (Obligation de ne pas déplacer le préjudice ou les risques et
de ne pas remplacer un type de pollution par un autre).
210
Voir Murase, International Law, p. 130 à 166.
211
Voir Schulze, Wang-Helmreich et Sterk, Human Rights in a
209
Le préambule de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques évoque les effets néfastes des changements
Changing Climate: Demands on German and International Climate
Policy – The Human Rights to Food and to Water ; Knox, « Climate
change and human rights law ».
chapItre Iv
Statut juridique de l’atmosphère
79. Le statut juridique de l’atmosphère peut s’apprécier
par référence aux cinq notions suivantes : espace aérien,
ressources naturelles communes ou partagées, choses
communes, patrimoine commun et préoccupation commune (ou
intérêt
commun)
212
. Elles sont brièvement envi-
Convention définit le territoire de l’État comme étant « les
régions terrestres et les eaux territoriales y adjacentes ».
De même que la haute mer, l’espace aérien situé au-delà
des eaux territoriales ne relève plus de la souveraineté
d’aucun État et peut être librement utilisé par tous (on se
sagées ci-après pour déterminer si, et dans quelle mesure,
reportera également à cet égard à l’article 2 de la Conven-
elles sont applicables à la protection de l’atmosphère.
A. Distinction entre espace aérien et atmosphère
80. L’« espace aérien » et l’« atmosphère » sont deux
notions très différentes, ces deux appellations ne pouvant
être utilisées indifféremment. L’espace aérien désigne la
portion de l’air sur laquelle les États exercent leur souveraineté
à
des
fins
de
contrôle
de
la
circulation
aérienne
et
de
défense
tion des Nations Unies sur le droit de la mer
214
).
81. Si la notion d’« espace aérien » renvoie à une étendue
géographique délimitée
215
, celle d’« atmosphère » désigne
214
« Article 2 (Régime juridique de la mer territoriale et de l’espace
213
. Ainsi, selon l’article premier de la Conven-
aérien surjacent, ainsi que du fond de cette mer et de son sous-sol)
« 1. La souveraineté de l’État côtier s’étend, au-delà de son territoire
et
de
ses eaux
intérieures
et,
dans le
cas
d’un État
archipel,
de
ses
eaux
archipélagiques,
à
une
zone
de
mer
adjacente
désignée
sous
le
nom de mer
territoriale.
tion relative à l’aviation civile internationale, « chaque
État a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace
« 2. Cette souveraineté s’étend à l’espace aérien au-dessus de la
aérien au-dessus de son territoire ». L’article 2 de la même
212
Boyle, « International law and the protection of the global atmos-
mer territoriale, ainsi qu’au fond de cette mer et à son sous-sol.
« 3. La souveraineté sur la mer territoriale s’exerce dans les conditions
prévues
par
les dispositions
de
la
Convention
et
les
autres
règles
du droit
international.
»
phere: concepts, categories and principles » ; voir également Brunnée,
« Common areas, common heritage, and common concern ».
215
Si l’on peut dire que la délimitation entre l’atmosphère et l’espace
extra-atmosphérique est relativement simple à établir, pour la simple
213
Voir Hobe, « Airspace », et Tomas, « Air law ».
et bonne raison qu’il n’y a plus d’air dans l’espace, la délimitation
Protection de l’atmosphère 285
une ressource naturelle qui ne se laisse pas enserrer dans
des frontières nationales. L’atmosphère étant une substance
dynamique et fluctuante, il semble mieux indiqué d’en
envisager le statut juridique sous un angle fonctionnel, et
non territorial. Comme l’atmosphère (l’air) circule librement
au gré des « mouvements atmosphériques » et des
courants-jets, il est impossible, contrairement à l’espace
aérien, de la délimiter (verticalement) en traçant des lignes
verticales imaginaires le long des frontières terrestres. L’atmosphère
est
une
entité
fluide,
unifiée
et
indivisible,
alors
que l’espace aérien est statique et
divisible.
de stipuler que rien dans le projet ne saurait modifier le
statut juridique de l’espace aérien tel qu’il résulte d’autres
conventions.
B. Ressources naturelles partagées ou communes
84. L’atmosphère (la masse d’air) a été classée au
nombre des ressources naturelles de la terre, au même titre
que les minéraux, l’énergie et l’eau, par le Comité des ressources
naturelles
218
, la Déclaration de Stockholm
219
et la
Charte mondiale de la nature
220
. Il s’agit même de la plus
importante d’entre elles. Elle représente une ressource
renouvelable indispensable à la survie de l’homme, des
plantes et des animaux sur terre et sert, outre de facteur
économique de production fondamental (par exemple,
sous forme d’oxygène et de précipitations) et de permettre
l’absorption des résidus (par exemple, par la captation ou
la dilution des émissions de combustion), de moyen de
transport et de communication (en tant que « ressource
géographique » ou spatial-extension resource
82. La méthode des zones employée dans la Convention des
Nations
Unies sur le droit de la mer
(partie
XII
:
«
Protection et préservation du milieu
marin
») semble
donc
impossible à transposer en matière de protection de
l’atmosphère. Les dispositions de la Convention consacrées
à
la protection de l’environnement reposent avant tout sur
des
critères
géographiques
(territoriaux),
comme
la
mer
territoriale,
la
zone
contiguë,
la
zone
économique
exclusive
et
la
haute
mer, pour délimiter les responsabilités en matière
de
maîtrise de la pollution marine entre, par exemple, l’État
du
pavillon, l’État côtier et l’État du
port
221
). N’ou-
216
.
blions pas que l’atmosphère est une ressource épuisable
aux capacités d’assimilation limitées. Dans l’affaire ÉtatsUnis – Normes concernant
l’essence
nouvelle
et
ancienne
formules, le Groupe spécial et
l’Organe d’appel de l’OMC
83. Les États pourraient néanmoins juger opportun de
consacrer la notion d’« espace aérien » dans le projet pour
faire écho à l’article premier de la Convention relative à
l’aviation civile internationale, qui réaffirme le principe
selon lequel « chaque État a la souveraineté complète et
exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire ».
Il est probable que les règles et principes envisagés dans
le projet de directives viendront avant tout régir des activités
menées au sol sur le
territoire
de l’État,
mais
il
n’est
pas
exclu
que
certaines
d’entre
elles
soient
menées
dans
l’espace
aérien
ont déclaré que l’air pur était une ressource naturelle qui
pouvait s’appauvrir. On a longtemps considéré que l’atmosphère
était
illimitée,
non
exclusive
et
neutre
(parce
que
cela
ne
valait
pas
la
peine
de
se
la
disputer)
car
on
pensait
que
chacun
pouvait
en
profiter
sans
en
priver
les
autres
222
. Ce temps est révolu. Bien que l’atmosphère ne
émissions (partie III), fixant en particulier des limites aux émissions de
fumée et de certaines particules chimiques.
218
C’est dès sa première session, à New York, du 22 février au
217
. Le Rapporteur spécial propose donc
d’insérer une clause de sauvegarde dans le projet à l’effet
10 mars 1971, que l’ancien Comité des ressources naturelles a retenu
les « ressources atmosphériques » au nombre des autres ressources
naturelles [rapport du Comité sur la première session, Documents officiels
du Conseil
économique
et
social,
cinquantième
session,
Supplément
n
(horizontale) entre l’espace aérien et l’espace extra-atmosphérique
semble plus difficile, voire impossible, à établir en l’état actuel des
choses. Savoir où finit l’espace aérien et où commence l’espace extraatmosphérique
continue
de
faire
débat.
Classiquement,
deux
écoles
de
pensée
s’opposent : l’une considère que la limite se situe à l’altitude
de vol la plus élevée des aéronefs, l’autre estime qu’elle correspond
à l’orbite la plus basse des satellites (voir Mateesco Matte, « Space
law », p. 555). Cheng affirme, lui, que l’espace aérien s’étend jusqu’aux
confins de l’atmosphère, s’appuyant pour ce faire sur une interprétation
de
l’expression
«
espace
aérien
»
employée
à
l’article
premier
de
la Convention
relative
à l’aviation
civile
internationale.
D’après cette
théorie, la frontière
entre l’espace aérien et l’espace
extra-atmosphérique
et
la
frontière
entre
ce
dernier
et
l’atmosphère
coïncideraient
(Van
Bogaert,
Aspects of Space
Law,
p.
12).
o
6 (E/4969-E/C.7/13), sect. 4 (« Autres ressources naturelles »),
par. 94 d]. Les travaux du Comité (rebaptisé Comité de l’énergie et
des ressources naturelles pour le développement) seront repris par la
Commission du développement durable.
219
Principe 2 : « Les ressources naturelles du globe, y compris
l’air […] doivent être préservé[e]s dans l’intérêt des générations présentes
et à venir par une planification ou une gestion attentive selon
que de besoin. »
220
« [L]es ressources […] atmosphériques qu’utilise l’homme,
seront géré[e]s de manière à assurer et maintenir leur productivité
optimale et continue » (résolution 37/7 de l’Assemblée générale du
28 octobre 1982, annexe, par. 4).
221
Voir la terminologie proposée par Von Ciriacy-Wantrup, Resource
216
Nordquist, Rosenne et Yankov, United Nations Convention on
Conservation: Economics and Policies, p. 40 à 42, et McDougal, Lasswell
et Vlasic,
Law and Public
Order in
Space,
p.
777 à
779.
the Law of the Sea 1982: A Commentary, p. 3 à 22. On fera toutefois
observer que l’article 216 (Mise en application de la réglementation
relative à la pollution par immersion) de la Convention, qui figure dans
la partie en question, envisage la mer sous un aspect fonctionnel, en
tant que chose commune : il dispose en son paragraphe 1 que « réduire
et maîtriser la pollution du milieu marin par immersion sont mis en
application par » « tout État, pour ce qui est du chargement de déchets
ou autres matières sur son territoire ou à ses installations terminales au
large » (par. 1 c). Les obligations qui incombent à ce que l’on appellera
l’« État du chargement » reposent sur les mêmes fondements théoriques
que celles qui incombent aux États en matière de protection de l’atmos-
222
On se souviendra à cet égard de la célèbre controverse qui avait
opposé aux XVI
e
et XVII
e
siècles Hugo Grotius, dans son ouvrage Mare
Liberum, et John Selden, dans son ouvrage Mare Clausum, sur le fait
de savoir si les ressources maritimes étaient limitées ou illimitées. Grotius,
tenant
de
la
liberté
des
mers,
était
d’avis
qu’il
était
impossible
de
s’approprier
l’océan,
qui,
par
sa
nature
même,
ne
pouvait
être
occupé,
et
que
les
États
ne
pouvaient
donc
faire
valoir
un
droit
de
pêche
exclusif.
De
plus,
il
était
d’avis
qu’il
était
inutile
de
revenir
sur
ce
principe
ancestral
puisqu’il
considérait
que
les
ressources
maritimes
étaient
illimitées.
En
conséquence,
la
liberté
des
mers
faisait
que
tout
le
monde
phère dans le présent projet de directives.
pouvait exploiter les stocks de poissons sans risque de nuire aux intérêts
217
L’annexe 16 de la Convention relative à l’aviation civile interna-
tionale est intitulée « Protection de l’environnement ». Depuis 1981, le
Conseil de l’OACI édicte des normes et des pratiques recommandées
sur les émissions des moteurs d’aéronefs en vue d’assurer le développement
sûr et
ordonné de l’aviation
civile
tout
en préservant
au mieux
la
qualité
de
l’environnement
humain.
Ces
normes
réglementent,
entre
des uns ou des autres (voir Grotius, La liberté des mers: Mare Liberum,
chap. 5). Selden soutenait à l’opposé qu’il était possible pour les États
de posséder et de s’approprier des portions de l’océan pour autant qu’ils
puissent les placer sous leur contrôle effectif. Il était également d’avis
que les ressources maritimes étaient épuisables et que la liberté d’utilisation
des mers
pouvait
conduire
à
leur
épuisement
(voir
Selden,
Of the
autres, les décharges intentionnelles de carburant (partie II) et les
Dominion, Or, Ownership of the Sea).
286
Documents de la soixante-sixième session
soit pas exploitable au sens usuel du terme, à l’exemple
des ressources pétrolières ou gazières, il convient d’en
faire une utilisation judicieuse pour que nous puissions
continuer à respirer et à jouir de conditions climatiques
stables. On peut donc dire des industries ou États qui
polluent l’atmosphère qu’ils exploitent cette dernière
car ils en détériorent la qualité et amenuisent sa capacité
d’absorption des polluants émis par d’autres industries ou
États
et préservée pour le bénéfice de l’humanité tout entière,
cette désignation impliquerait la mise en place d’un vaste
mécanisme institutionnel pour pouvoir contrôler l’allocation des droits d’exploitation
et la répartition
des
bénéfices.
Consacrer l’atmosphère patrimoine commun de
l’humanité aurait pour effet d’instituer la gestion collective
des
problèmes
liés
à
l’atmosphère,
ce
que
beaucoup
trouvent
prématuré
225
.
223
. C’est ce même raisonnement qui sous-tend, par
exemple, le mécanisme d’échange des droits d’émission.
Il semble donc que le concept de ressource naturelle partagée
puisse
s’appliquer
en
partie
aux
problèmes
de
pollution
atmosphérique
transfrontière
bilatéraux
et
régionaux,
et le concept de ressource naturelle commune aux
problèmes de pollution atmosphérique mondiaux.
88. Contrairement aux notions de chose commune et
de patrimoine commun, qui ne rendent pas véritablement
compte du statut juridique de l’atmosphère, la notion
d’intérêt commun semble convenir et devrait trouver
place dans le statut juridique de l’atmosphère en droit
international. En 1988, l’Assemblée générale a quelque
peu atténué l’échec de l’initiative maltaise en déclarant,
dans sa résolution 43/53 du 6 décembre 1988 sur la protection
du
climat
mondial
pour les générations
présentes
et
futures,
que
l’évolution
du
climat
était
une
«
préoccupation
commune
de
l’humanité
». La
même
formulation
sera
reprise au
paragraphe
1 du préambule
de la
Conventioncadre
des
Nations
Unies
sur
les
changements
climatiques.
L’application
de la notion de
«
préoccupation
commune
» à
l’ensemble
des
problèmes
atmosphériques
semble
opportune à l’heure où on prend de plus en plus conscience des
liens
que
la
pollution
atmosphérique
transfrontière
entretient avec le changement du climat
mondial
85. Si l’on considère que l’atmosphère est une ressource
naturelle qui doit être protégée, il faudra sans doute préciser
le
sens du terme
«
protection
» dans le
projet.
En
matière
d’environnement,
on lui
donne
généralement,
consciemment
ou non, deux
acceptions
: préservation
et
conservation.
La préservation
s’entend des mesures prises
pour préserver
la
nature
dans son état
originel
en
interdisant toute
activité
humaine
dans certaines
zones
protégées,
la
conservation
s’entendant,
quant
à
elle,
du
fait
de
préserver l’environnement
de telle
ou telle
zone donnée
par des
activités humaines
ciblées,
comme
la création
d’une
zone de conservation des ressources halieutiques
en haute mer. Comme cela a été indiqué plus haut au paragraphe
73,
on
utilise
l’atmosphère
à
des
fins
de
plus
en
plus nombreuses et
le projet
de directives
devra
non
seulement
traiter
de sa préservation
(pour inciter
la
communauté
internationale
à
s’efforcer le
plus possible de
ne pas
en
modifier
la
composition
actuelle
et
l’équilibre
entre
ses
composantes),
mais aussi de sa conservation (afin d’en
assurer l’utilisation durable).
226
.
89. D’un point de vue juridique, la notion de préoccupation
commune signifie que les États ne pourront plus
prétendre que les problèmes atmosphériques relèvent
du domaine réservé de leur seule compétence puisqu’ils
seront désormais au nombre des questions intéressant la
communauté internationale dans son ensemble, ce qui
conduira très certainement à la consécration d’obligations
erga
omnes de protéger l’atmosphère de la planète
à la
charge de tous les
États
227
. Il est peut-être encore trop
C. Préoccupation commune de l’humanité
225
Ibid., p. 9 et 10.
86. On qualifie de choses communes, ou res communes,
les zones, comme la haute mer, que tout État peut légitimement
utiliser
sans
pour
autant
pouvoir
en
revendiquer
la souveraineté.
L’espace
aérien au-dessus de la haute mer
est donc, lui
aussi, chose
commune. Cela
étant,
comme
la
notion d’espace aérien souverain, celle de chose commune
revêt
une
dimension
fondamentalement
géographique
qui
ne
permet
pas d’envisager
l’atmosphère
comme
un tout
unifié
226
Les implications de la notion de « préoccupation commune de
l’humanité » en rapport avec les problèmes environnementaux mondiaux
ont
été
examinées
à
une
réunion
du
Groupe
d’experts
juridiques
du PNUE, tenue
à Malte,
du 13 au
15
décembre
1990. On a fait
observer
que
cette
notion
recouvrait
au
moins
deux
aspects
importants
:
l’un
géographique
et
l’autre
temporel.
L’aspect
géographique
était
que
les
États
devaient
tous
coopérer
à
la
solution
des
problèmes
qui
touchent
l’ensemble
des pays, la communauté
internationale
tout entière,
l’aspect
temporel
étant lié
aux répercussions à long terme
des principaux
problèmes
environnementaux
qui
affectent
les
droits
et
obligations
des
224
, comme cela a été expliqué plus haut aux para-
générations actuelles et à venir (voir Attard, « The meeting of the Group
graphes 81 à 85.
87. La notion de patrimoine commun est employée dans
la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et
dans le Traité sur les principes régissant les activités des
États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace
extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps
célestes. Toutefois, la proposition soumise par Malte à
l’Assemblée générale en 1988, tendant à voir déclarer
l’atmosphère aussi patrimoine commun de l’humanité,
n’aboutira pas. Dans la mesure où la notion de patri-
of Legal Experts to examine the concept of the common concern of
mankind in relation to global environmental issues », p. 37). On voit
tout de suite les liens qui unissent cette notion et des principes comme
l’équité intergénérationnelle, consacrée dans la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement et d’autres instruments internationaux
relatifs à l’environnement.
On a envisagé
l’application
du concept
de
préoccupation commune en rapport avec la gestion d’un écosystème
bien
précis, les bassins hydrographiques régionaux (voir Brunnée et
Toope, « Environmental security and freshwater resources: ecosystem
regime building »).
227
Comme la Cour internationale de Justice l’a indiqué dans l’af-
moine commun suppose qu’une ressource soit exploitée
223
Biermann, « “Common concern of humankind” : the emergence
of a new concept of international environmental law », p. 428.
224
Boyle, « International law and the protection of the global atmos-
faire de la Barcelona Traction, ces obligations sont assumées envers
la communauté internationale dans son ensemble. En raison de leur
importance, elles « concernent tous les États » (Barcelona Traction,
Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 3,
à la page 32, par. 33). On rappellera à cet égard que durant l’examen
en première lecture du projet d’articles sur la responsabilité des États,
des membres de la Commission ont qualifié la « pollution massive de
l’atmosphère ou des mers » de crime international dans le contexte du
projet d’article 19, paragraphe 3 d [Annuaire… 1976, vol. II (2
e
partie),
phere: concepts, categories and principles », p. 9.
p. 70] ; cet article ne sera pas retenu en deuxième lecture dans le projet
Protection de l’atmosphère 287
tôt pour interpréter la notion de préoccupation commune
comme conférant à tous les États intérêt ou qualité pour
agir en vue de faire appliquer les règles concernant la protection
de
l’atmosphère
228
, dans la mesure où il n’existe
l’intégrité des écosystèmes, et que, par suite, sa protection
est une préoccupation commune de l’humanité. Il importe
également de préciser, afin d’éviter tout malentendu, que
le projet de directives n’a nullement pour ambition de
remettre en question le statut de l’espace aérien en droit
international contemporain. En conséquence, le Rapporteur spécial propose le projet de
directive
3
suivant
:
pas encore de mécanisme procédural permettant de donner
effet à
cette interprétation.
Il est sans doute également
prématuré
de dire que la notion de préoccupation commune
crée
des
droits
au
profit
des
individus
et
des
générations
futures.
« Directive 3. Statut juridique de l’atmosphère
90. Pourtant, de ce qui précède, on peut conclure que
l’atmosphère a le statut de ressource naturelle internationale,
partagée
ou
commune, indispensable
à la vie sur
terre,
à la santé et au bien-être
de l’homme,
aux cultures
et à
« a) L’atmosphère est une ressource naturelle indis-
pensable à la vie sur terre, à la santé et au bien-être de
l’homme, et aux écosystèmes aquatiques et terrestres,
dont la protection est la préoccupation commune de
l’humanité.
final [projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement
illicite,
Annuaire…
2001,
vol.
II
(2
e
partie) et rectificatif,
p. 26, par. 76].
« b) Rien dans les présentes directives ne vient
228
Boyle, « International law and the protection of the global atmos-
phere », p. 11 à 13.
remettre en cause le statut de l’espace aérien dans le droit
international applicable. »
chapItre v
Conclusion
91. Le présent rapport se voulait l’occasion de camper le plus solidement possible le sujet en s’arrêtant
sur
son
évolution, les sources de droit qui s’y rapportent
et son fondement logique ainsi que sur ses différents
plans d’attaque, sa finalité et sa portée. On a pu dire
à juste titre que, au fond, la valeur de la Commission
du droit international tenait à ceci qu’elle est capable
d’envisager systématiquement le droit international dans
sa globalité, d’intégrer les innovations et les différents
corps de droit et de dégager des conclusions motivées
et solidement assises
de développement progressif du droit international, pour
autant qu’on l’envisagerait selon l’approche indiquée. Il
s’agit d’un sujet dont l’étude bénéficiera grandement à la
communauté internationale tout entière.
229
. À ce stade, le Rapporteur spé-
cial s’est contenté d’une première approximation d’un
certain nombre de problèmes, l’idée étant de s’arrêter le
moment venu sur les diverses questions juridiques ainsi
esquissées. Il espère avoir réussi à démontrer que la protection
de l’atmosphère est un sujet essentiel qui peut
tout à fait se prêter à une entreprise de codification et
229
Boyle et Chinkin, The Making of International Law, p. 172.
92. Pour ce qui est de la suite des travaux, le Rapporteur spécial compte consacrer les deux dernières
années
(2015
et
2016)
du
mandat
quinquennal
à
l’étude
des
principes de base de la protection de l’atmosphère,
comme
l’obligation
générale
faite
à
l’État
de
protéger
l’atmosphère, le principe
sic
utere tuo ut alienum non
laedas
(tel
qu’appliqué
à
la
pollution
atmosphérique
transfrontière)
et
les
principes
d’équité,
de
développement
durable
et
de
bonne
foi.
Le
Rapporteur
spécial
espère
que,
durant
la
période
quinquennale
suivante
(2017-2021),
la
Commission
achèvera l’examen d’autres questions connexes,
comme la coopération internationale, le respect des
normes internationales, le règlement des différends et
les rapports d’interdépendance.
Nations Unies
A/CN.4/692*
Assemblée générale
Distr. générale
25 février 2016
Français
Original : anglais
Commission du droit international
Soixante-huitième session
Genève, 2 mai-10 juin et 4 juillet-12 août 2016
Troisième rapport sur la protection de l’atmosphère
Établi par Shinya Murase, Rapporteur spécial**
Table des matières
Page
I. Introduction ................................................................... 2
II. Obligation faite aux États de protéger l’atmosphère .................................. 6
A. Obligation de prévenir la pollution atmosphérique transfrontière ................... 6
B. Devoir d’atténuation du risque de dégradation atmosphérique mondiale .............. 18
III. Obligations d’utilisation durable et équitable de l’atmosphère .......................... 36
A. Utilisation durable de l’atmosphère ............................................ 36
B. Utilisation équitable de l’atmosphère .......................................... 41
C. Limites juridiques à la modification intentionnelle de l’atmosphère ................. 49
IV. Conclusion .................................................................... 57
Annexe
Projets de directives proposés par le Rapporteur spécial ............................... 58
* Nouveau tirage pour raisons techniques (3 juin 2016).
** Nous tenons à remercier les chercheurs : Charles Wharton, maître de conférences à la faculté du
droit de l’Université Remnin; Masayuki Hiromi de l’Institut de droit comparé de l’Université
Waseda; Deng Hua, doctorant à la faculté de droit de l’Université Remnin; Zhang Maoli, Gao
Lihua, Wang Shan, Zhang Mengru, Ren Zhuoyao et Cheng Erquan de la faculté de droit de
l’Université de jeunesse d’études politiques de Chine pour le précieux concours qu’ils nous ont
prêté.
•
_.[!]
16-03341* (F) 030616 030616
*1602241*
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·.
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..
Merci de
:.-.'
5t
e
A/CN.4/692
I. Introduction
1. La Commission du droit international (CDI) était saisie à sa soixante -septième
session en 2005 de notre deuxième rapport sur la protection de l’atmosphère
[A/CN.4/681 et Corr.1 (chinois uniquement)] dans lequel nous proposions cinq
projets de directives consacrés à l’emploi des termes, au champ d’application des
directives, à la préoccupation commune de l’humanité, à l’obligation générale faite
aux États de protéger l’atmosphère et à la coopération internationale.
2. La CDI a examiné notre deuxième rapport à ses 3244
e
e
et 32249
séances,
tenues du 4 au 8 mai et le 12 mai 2015. Elle a également organisé le 7 mai 2015 une
rencontre non officielle sous forme de dialogue avec des scientifiques que nous
avions invités, rencontre dont les membres de la Commission ont dit tout l’intérêt
1
.
3. La CDI a décidé de transmettre tous les projets de directives à son Comité de
rédaction, à l’exception du projet 4 traitant de l’obligation générale faite aux États
de protéger l’atmosphère, que nous n’avions pas souhaité voir renvoyer audit
Comité. Elle a ainsi décidé également de consacrer le projet de directive 3 sur la
préoccupation commune de l’humanité dans le préambule des projets de directives.
Le Comité de rédaction a recommandé de retenir l’expression « préoccupation
commune de l’humanité » en lieu et place de celle de « préoccupation pressante de
l’ensemble de la communauté internationale », et l’a insérée telle quelle dans le
préambule. Il a également recommandé à la Commission d’adopter les projets de
directives 1, 2 et 5 sur l’emploi des termes (à savoir « atmosphère », « pollution
atmosphérique » et « dégradation atmosphérique »), le champ d’application et la
coopération internationale, respectivement. Cette dernière a provisoirement adopté
le préambule et lesdits projets de directives, avec les commentaires y relatifs
2
à sa
soixante-septième session.
__________________
1
Lors de ce dialogue avec les scientifiques sur la protection de l’atmosphère que nous avons
présidé, Øystein Hov (Président de la Commission des sciences de l’atmosphère, Organisation
météorologique mondiale) a traité du thème « Aspects scientifiques de l’atmosphère : vue
d’ensemble », Peringe Grennfelt (Président du Groupe de travail des effets, de la Convention sur
la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, Commission économique pour
l’Europe) de celui sur « Le transport transcontinental des polluants et ses effets », Masa Nagai
(Directeur adjoint de la Division du droit et des conventions relatifs à l’environnement du
Programme des Nations Unies pour l’environnement) ayant évoqué« Les polluants atmosphériques
qui affectent l’environnement mondial », Christian Blondin (Directeur du Cabinet et du Bureau
des relations extérieures de l’Organisation météorologique mondiale) « Le rôle de l’atmosphère
dans le climat mondial » et Jacqueline McGlade (Scientifique en chef et Directrice de la Division
de l’alerte rapide et de l’évaluation du Programme des Nations Unies pour l’environnement) les
questions de portée générale concernant la pollution atmosphérique et la dégradation de
l’atmosphère. Albena Karadjova (Secrétaire de la Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance de la Commission économique pour l’Europe) ayant pour sa part
parlé des conséquences économiques de la pollution atmosphérique transfrontière. Pour le résumé
de cette réunion, voir le document du Programme des Nations Unies pour l’environnement :
Charles Wharton, « UN ILC’s Dialogue with Scientists on the protection of the atmosphere »
disponible en anglais uniquement sur le lien suivant : www.unep.org/delc/Events/montevideoevents/tabid/1060317/Default.aspx.
2
Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante -dixième session, Supplément n° 10
(A/70/10), chap. V, par. 45 à 54.
16-02241
2/59
A/CN.4/692
Débat à la Sixième Commission de l’Assemblée générale
à sa soixante-dixième session
4. En novembre 2015, lors de la soixante-dixième session de l’Assemblée
générale, la Sixième Commission a examiné notre deuxième rapport et l’évolution
des travaux de la CDI sur le sujet. Les délégations se sont dans l’ensemble félicitées
de ces travaux
3
même si le sujet continuait d’inspirer quelque réserve à certaines
4
délégations
. La plupart des délégations se sont félicitées de voir la CDI se
rapprocher des spécialistes de l’atmosphère à l’occasion de ses travaux sur le sujet
5
.
5. La plupart des délégations ont convenu de remplacer la formule « préoccupation
commune de l’humanité », que nous avions proposée par les mots « préoccupation
pressante de l’ensemble de la communauté internationale » et de les insérer dans le
préambule du projet
6
, encore que certaines préféreraient voir conserver le libellé
7
originel
. Une délégation aurait souhaité voir invoquer en lieu et place de toute
« préoccupation pressante » « la notion de souci [porteuse d’] un signal plus positif
que l’utilisation de termes dénotant une vive inquiétude
8
. Certaines délégations se
sont demandées s’il était judicieux de circonscrire la définition donnée de « pollution
atmosphérique » à l’alinéa b) du projet de directive 1 aux activités ayant des effets
transfrontières
9
. D’autres délégations ont douté de l’opportunité de supprimer le mot
« énergie » de la définition, quand on sait que l’alinéa b) du paragraphe 1 de
l’article premier de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer vise
expressément l’énergie comme cause de pollution
10
. Une délégation était favorable à
l’évocation des effets nocifs significatifs sur les ressources biologiques à l’alinéa c)
du projet de directive 1
11
. Une autre délégation a également suggéré d’insérer
__________________
3
Finlande (au nom des pays nordiques), Documents officiels de l’Assemblée générale, soixantedixième
session,
comptes
rendus
analytiques
de
séances,
Sixième
Commission,
A/C.6/70/SR.17,
par.
36),
Singapour
(SR.17,
par.
46),
Italie
(SR.17,
par.
57),
Bélarus
(SR.17,
par.
68)
Autriche
(SR.17,
par.
81),
Roumanie
(SR.17,
par.
102),
Israël
(SR.18,
par.
4),
États
fédérés
de
Micronésie
(SR.18,
par.
11),
Chine
(SR.18,
par.
17),
Japon
(SR.18,
par.
25),
Inde
(SR.18,
par.
29),
République
islamique
d’Iran
(SR.18,
par.
32),
Sri
Lanka
(SR.18,
par.
40),
El
Salvador
(SR.18,
par.
47),
Pologne
(SR.18,
par.
63),
Thaïlande
(SR.18,
par.
67),
Afrique
du
Sud
(SR.18,
par.
73),
Viet
Nam
(SR.18,
par.
78),
République
de
Corée
(SR.18,
par.
81),
Malaisie
(SR.18,
par.
10),
Allemagne
(SR.18,
par.
12),
Philippines
(SR.19,
par.
15),
Portugal
(SR.19,
par.
24),
Algérie
(SR.19,
par.
34),
Argentine
(SR.19,
par.
42),
France
(SR.20,
par.
15)
et
Hongrie
(SR.21,
par.
81).
4
République tchèque (A/C.6/70/SR.17, par. 93), Royaume-Uni (SR.18, par. 10), Fédération de
Russie (SR.19, par. 5), États-Unis (SR.18, par. 18) et Slovaquie (SR.19, 19, para. 31).
5
Finlande (au nom des pays nordiques) (A/C.6/70/SR.17, par. 36), Singapour (SR.17, par. 46) et
Bélarus (SR.17, par. 68). Par exemple, l’Autriche s’est félicitée du « dialogue que la Commission
a organisé avec des scientifiques, et qui a permis de mieux comprendre les phénomènes physiques
complexes en cause » (SR.17, par. 81). Mais selon une délégation un tel dialogue « risque de
donner lieu à des conclusions trompeuses, notamment dans le cas où de nombreux éléments
importants sont définis par la physique et d’autres sciences naturelles et non par le droit. »
(Slovaquie, SR.19, par. 31).
6
Finlande (au nom des pays nordiques) (A/C.6/70/SR.17, par. 36), Singapour (SR.17, par. 46),
Israël (SR.18, par. 4), Chine (SR.18, par. 18), Japon (SR.18, par. 25), Sri Lanka (SR.18, par. 41),
Pologne (SR.18, par. 63), République de Corée (SR.18, par. 81) et France (SR.20, par. 15).
7
États fédérés de Micronésie (A/C.6/70/SR.18, par. 13 à 15), Allemagne (SR.19, par. 12) et
Portugal (SR.19, par. 24).
8
Bélarus (A/C.6/70/SR.17, par. 20).
9
Finlande (au nom des pays nordiques) (A/C.6/70/SR.17, par. 37), Autriche (SR.17, par. 81) et
Pologne (SR.18, par. 64).
10
Autriche (A/C.6/70/SR.17, par. 82) et Pologne (SR.18, par. 64).
11
Roumanie (A/C.6/70/SR.17, par. 102).
16-02241
3/59
A/CN.4/692
l’adverbe « mondiales » à la suite de l’expression« conditions atmosphériques »
dans la définition donnée de la « dégradation atmosphérique » à l’alinéa c) de la
directive 1, l’idée étant « [ de préciser] que la dégradation atmosphérique visée
consiste en une altération des conditions atmosphériques telle que les effets nocifs
s’en font sentir dans le monde entier »
12
.
6. Les délégations se sont dans l’ensemble félicitées de ce que le projet de
directive 2 délimite clairement le champ d’application des directives
13
même si de
l’avis d’une délégation serait « plus utile et judicieux de prévoir une clause dite
« sans préjudice » que d’exclure certaines substances du champ d’application du
projet de directive »
14
. À cet égard, une délégation a estimé que « la plupart des
problèmes sanitaires [étant] causés par les particules, notamment le carbone noir, et
par l’ozone troposphérique, [il faudrait également englober] ces polluants dans le
champ d’application du projet de directives », ajoutant qu’ « on pourrait envisager
d’en élargir la portée et voire d’élaborer une nouvelle convention mondiale
consacrée à la pollution atmosphérique »
15
. En ce qui concerne les conditions fixées
par la CDI en 2013
16
, une délégation a estimé que n’ayant pas de raison d’être
l’évocation de négociations politiques devait être supprimée du projet de directive 2
et du commentaire introductif
17
. Une autre délégation s’est interrogée sur le bien-
fondé de la double négation « ne traite pas de » suivie des mots « mais est aussi sans
préjudice » dans le projet de directive en question
18
.
7. Les délégations ont dans l’ensemble souscrit au texte du projet de directive 5
sur la coopération internationale, y compris la formule « selon qu’il convient »
19
même si certaines d’entre elles ont jugé qu’il conviendrait de revoir la formule en
question
20
. Le trouvant par trop restreint certains États ont souhaité voir étendre le
champ d’application de la coopération dans le projet de directive 5
21
au-delà des
connaissances scientifiques, à « d’autres domaines, tels que les institutions de
réglementation et les opérations et communications internationales d’urgence »,
ainsi qu’à « la promotion de la coopération technique, par exemple l’échange de
données d’expérience et le renforcement des capacités ».
22
. On a exprimé l’avis que
l’on pourrait reprendre les dispositions des projets d’articles pertinents de la CDI
sur la prévention des dommages transfrontières
23
.
__________________
12
Chine (A/C.6/70/SR.18, par. 18).
13
Italie (A/C.6/70/SR.17, par. 57), Chine (SR.18, par. 17), Pologne (SR.18, par. 65) et République
de Corée (SR.18, par. 83).
14
République islamique d’Iran (A/C.6/70/SR.18, par. 32).
15
Hongrie (A/C.6/70/SR.21, par. 81 et 82).
16
Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante -huitième session, Supplément n° 10
(A/68/10), chapitre XII, par. 168.
17
El Salvador (A/C.6/70/SR.18, par. 49).
18
Philippines (A/C.6/70/SR.19, par. 15).
19
Finlande (au nom des pays nordiques) (A/C.6/70/SR.17, par. 38) et Sri Lanka (SR.18, par. 41). Le
Singapour a également souligné que le principe de « bonne foi » devrait trouver une place dans le
commentaire (SR.17, par. 48).
20
Par exemple, le Bélarus (A/C.6/70/SR.17, par. 72).
21
Par exemple, El Salvador (A/C.6/70/SR.18, par. 48).
22
Singapour (A/C.6/70/SR.17, par. 50). D’autres États se sont exprimés dans ce sens : République
islamique d’Iran (SR.18, par. 35), Malaisie (SR.19, par. 11) et Algérie (SR.19, par. 34).
23
Fédération de Russie (A/C.6/70/SR.19, par. 7).
16-02241
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A/CN.4/692
Informations émanant des États Membres
8. Au chapitre III de son rapport sur les travaux de sa soixante-septième session,
la CDI a exprimé le souhait de recevoir toutes informations dignes d’intérêt
concernant le sujet
24
. Singapour lui communiquera le 30 janvier 2016 des
informations sur sa législation interne en la matière
25
.
Faits nouveaux
9. Tenu en réunion plénière de l’Assemblée générale du 25 au 27 septembre 2015
à New York, le Sommet des Nations Unies consacré à l’adoption du programme de
développement pour l’après-2015 a adopté officiellement le Programme de
développement pour l’après-2015, intitulé « Transformer notre monde : le
Programme de développement durable à l’horizon 2030 »
26
qui, censé, guider la
marche de la communauté internationale ces 15 prochaines années, engage tous les
pays à prendre des mesures pour le bien commun dans cinq domaines essentiels :
l’humanité, la planète, la prospérité, la paix et les partenariats. Le Sommet a été
l’occasion pour les chefs d’État et de gouvernement de se féliciter du Programme de
développement durable à l’horizon 2030, texte de rupture, inclusif, à vocation
universelle destiné à l’ensemble des pays et des parties prenantes, adossé à la
devise : ne laisser personne de côté
27
. Le Programme qui s’articule en 17 objectifs
de développement durable et 169 cibles connexes
28
, embrassant toute une série de
questions intégrées et indissociables, dont la lutte contre les changements
climatiques, vient remplacer les objectifs du Millénaire pour le développement
29
.
10. À sa vingt et unième session, tenue à Paris du 30 novembre au 12 décembre
2015, la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
30
a adopté, sans objection de la part des 196 parties,
l’Accord de Paris sous l’empire de la Convention
31
, qui ouvre un nouveau chapitre
pour l’humanité dans la lutte contre les changements climatiques après 2020.
Conscientes que « les changements climatiques sont un sujet de préoccupation pour
l’humanité tout entière »
32
, les parties à la Convention traiteront dans l’Accord de
Paris de questions comme l’atténuation des effets des changements climatiques,
l’adaptation à ces effets, les pertes et préjudices liés à ces effets, le financement, la
mise au point et le transfert de technologies, le renforcement des capacités, et la
transparence des mesures et de l’appui. L’Accord de P aris a pour but de « contenir
__________________
24
Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante -dixième session, Supplément n° 10
(A/70/10), par. 24.
25
« Informations relatives à la législation nationale de Singapour : Loi sur la brume sèche de
pollution transfrontalière de 2014 » Loi visée au paragraphe 34 et à la note de bas de page 96 du
présent document.
26
A/RES/70/1.
27
Voir la vue d’ensemble du document « Informal Summary on United Nations Summit on
Sustainable Development 2015 » disponible en anglais uniquement sur le lien suivant :
https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/8521Informal%20Summary%20 %20UN%20Summit%20on%20Sustainable%20Development%202015.pdf.
Voir
Birgit
Lode
et
al.,
«
Clean
Air
for
All?
Air
Quality
in
the
2030
Agenda,
and
in
International
Law
», Review of
European, Comparative and International Environmental Law, vol. 25, n° 2 (à paraître en 2016).
28
Résolution 70/1 de l’Assemblée générale, par. 59. Voir également par. 12, 31, 49 et 73.
29
Résolution 55/2 de l’Assemblée générale.
30
Consulter http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php.
31
FCCC/CP/2015/L.9/Rev.1.
32
Ibid., annexe, préambule.
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5/59
A/CN.4/692
l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C
par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter
l’élévation des températures à 1,5 °C » (alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2)
33
.
On retiendra qu’à la suite de la plateforme de Durban pour une action renforcée,
l’Accord de Paris fait obligation à « toutes les parties » d’honorer les engagements
qu’elles y ont souscrits (art. 3).
Objet du présent rapport
11. À la suite de nos deux précédents rapports, nous nous proposons d’envisager
dans le présent rapport (notre troisième), plusieurs questions cl efs qui intéressent le
sujet à savoir, l’obligation faite aux États de prévenir la pollution atmosphérique
transfrontière et d’atténuer la dégradation de l’atmosphère planétaire l et les
impératifs de diligence et d’étude d’impact sur l’environnement (voir infra sect . II,
ainsi que le principe d’utilisation durable et équitable de l’atmosphère et les
restrictions d’ordre juridique mises à certaines activités tendant à modifier
intentionnellement l’atmosphère (voir infra sect. III).
II. Obligation faite aux États de protéger l’atmosphère
A. Obligation de prévenir la pollution atmosphérique transfrontière
12. Nous avions proposé dans notre deuxième rapport (A/CN.4/681) en 2015 le
projet de directive 4 sur l’obligation générale faite aux États de protéger
l’atmosphère, d’où il résulte clairement que les « États ont l’obligation de protéger
l’atmosphère », ce libellé étant calqué sur l’article 192 de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer, qui porte que « les États ont l’obligation de protéger et
de préserver le milieu marin »
34
. Le débat suscité au sein de la CDI
35
et à la Sixième
36
Commission
par le parti que nous pris de qualifier cette obligation d’« obligation
erga omnes » n’est pas tranché. Le texte de projet de directive auquel ont souscrit
__________________
33
Ibid., annexe, alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2.
34
Voir A/CN.4/681, par. 41 à 59.
35
Des critiques ont été émises par Murphy (A/CN.4/SR.3246), Hassouna (SR.3247), Kittichaisaree
(SR.3247) et McRae (SR.3248), et Maina Peter a déclaré qu’il « pouvait accepter la proposition du
Rapporteur spécial, qui est plus susceptible de susciter une large adhésion », notant qu’« à partir
du moment où l’atmosphère est considérée comme une préoccupation commune de l’humanité,
tous les États sont tenus de la protéger. Par ailleurs, la nature même de l’atmosphère, qui est
constamment en mouvement autour de la terre, exige que l’on respecte cette obligation. »
(SR.3247). Nolte n’était pas convaincu que les « développements théoriques relatifs à la nature
des obligations erga omnes soient vraiment utiles » et craignait même « qu’ils aillent trop loin »
(SR.3246).
36
Les États fédérés de Micronésie soutiennent « une déclaration normative qui impose des
obligations erga omnes » (SR.18, par. 15). La République islamique d’Iran a appelé l’attention sur
la jurisprudence du Tribunal international du droit de la mer qui « illustre un mécanisme
susceptible d’être repris aux fins de la protection de l’atmosphère », citant l’avis consultatif du
1
er
février 2011 concernant les responsabilités et obligations des États qui patronnent des
personnes et des entités dans le cadre d’activités menées dans la Zone, qui faisait référence au
caractère erga omnes des obligations aux termes de l’article 137 de la Conférence des Nations
Unies sur le droit de la mer (SR.18, par. 34).
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certains membres de la CDI
37
, a été critiqué par d’autres comme étant de portée
« trop illimitée et générale »
38
. Pour répondre à cette critique, nous proposons de
distinguer ici entre deux dimensions de la protection de l’atmosphère, l’une
concernant la pollution atmosphérique transfrontière et l’autre la dégradation
atmosphérique au niveau planétaire suivant en cela les définitions résultant des
paragraphes 2 et 3 du projet de directive 1 adoptées provisoirement par la CDI.
13. La maxime sic utere tuo ut alienum non laedas (use de ton propre bien de
manière à ne pas porter préjudice au bien d’autrui) s’est imposée dans les relations
entre États comme principe voulant que le droit souverain qui appartient à tout État
d’utiliser son territoire est circonscrit par l’obligation à lui faite de ne pas causer de
dommage au territoire ou dans le territoire de tout autre État
39
. Cette maxime est à
l’origine de ladite « règle de ne pas causer de dommage », interdiction faite de
causer des dommages transfrontières par suite de pollution atmosphérique,
notamment à la suite de la célèbre affaire de la Fonderie de Trail (1938-41), à
l’occasion de laquelle le tribunal arbitral confirmera l’existence de cette règle en
droit international, en ces termes :
« [...] selon les principes du droit international [...] aucun État n’a le droit
d’utiliser ou de laisser utiliser son territoire de telle sorte que celui -ci soit la
source de fumées causant sur le territoire ou au territoire d’un autre État ou
aux biens ou aux personnes qui s’y trouvent des dommages importants établis
de façon claire et convaincante »
40
.
14. L’affaire de la Fonderie de Trail était un type classique de différend né d’une
pollution atmosphérique transfrontière, la cause et les effets des dommages étant
alors suffisamment identifiables. On invoque souvent cette jurisprudence à l’appui
de la thèse qu’en droit international, l’État a pour devoir de veiller que toutes
activités menées en tout territoire relevant de sa juridiction et de son contrôle ne
causent pas de dommage transfrontière dès lors que le préjudice est prévisible et
établi « de façon claire et convaincante »
41
. On considère ainsi que le principe sic
utere tuo ut alienum non laedas a valeur de règle du droit international coutumier,
applicable aux rapports entre tel État et tel autre « État adjacent » avec lequel il a
une frontière territoriale commune. Cette règle sera consacrée dans le principe 21 de
la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de 1972
(Déclaration de Stockholm)
42
, puis de nouveau, sous une forme légèrement
__________________
37
Nolte (A/CN.4/SR.3246), Hmoud (SR.3247), Comissario-Afonso (SR.3247), Peter (SR.3247),
Candioti (SR. 3248) et Vasquez-Bermudez (SR.3248).
38
Park (A/CN.4/SR.3244), Murphy (SR.3246), Wood (SR.3247), Hassona (SR3247), Kittichasaree
(SR.3247), Sturma (SR.3247), Petric (SR.3247), Jacobsson (SR.3248), Escobar -Hernandez
(SR.3248) et McRae (SR.3248).
39
Jutta Brunnée, « Sic utere tuo ut alienum non laedas », Encyclopedia of Public International Law,
vol. IX, (Oxford; Oxford University Press, 2012), p. 188.
40
Organisation des Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales , vol. III, p. 1907 (Sentence de
1941), à 1965; voir A/CN.4/667, par. 43. Voir également A.K. Kuhn, « The Trail Smelter
Arbitration, United States and Canada » American Journal of International Law, vol. 32, (1938),
p. 785 à 788; Ibid., vol. 35, (1941), p. 665 à 666; J. Read, « The Trail Smelter Dispute » Canadian
Yearbook of International Law, vol. 1, (1963), p. 213 à 229.
41
Recueil, ibid., p. 1965.
42
Adoptée à Stockholm le 16 juin 1972, voir le Rapport de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement, Stockholm, 5 -16 juin 1972 (A/CONF.48/14/Rev.1), partie 1, chap. 1. Voir Louis
B. Sohn, « The Stockholm Declaration on the Human Environment » Harvard International Law
Journal, vol. 14 (1973), p. 485 à 493.
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modifiée, dans le principe 2 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le
développement de 1992
43
. Lesdites déclarations, qui font aux États obligation de
« faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommages à l’environnement d’autres États ou dans
des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale » (non souligné dans le texte
original), sont venues étendre la portée de ce principe aux relations de causes à
effets transfrontières à longue distance entre l’État d’origine et les États touchés.
Nombre de conventions relatives à la pollution atmosphérique transfrontière, dont la
Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance de 1979
viendront consacrer la règle interdisant de causer tout dommage
44
.
1. Prévention
15. Corollaire du principe sic utere tuo, le principe de prévention (obligation faite
aux États de prendre des mesures préventives) est reconnu comme règle du droit
coutumier international en matière de pollution atmosphérique transfrontière
45
. Ce
principe s’articule en deux obligations distinctes : la première étant l’obligation de
« prévenir » toute pollution ou dégradation, et la seconde celle d’« éliminer » et
d’« atténuer » les dommages causés en cas de pollution ou de dégradation et
d’« indemniser » les victimes. Par exemple, l’énoncé « Obligation de ne pas causer
de dommages significatifs » de l’article 7 de la Convention sur le droit relatif aux
utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation de
1997, s’analyse en obligation de prévenir (par. 1), d’une part et d’indemniser en cas
de dommage (par. 2), d’autre part
46
. Dans ce contexte, on privilégie la prévention de
tout dommage futur prévisible par rapport à la réparation de tous dommages déjà
survenus. La CDI n’ignore pas avoir, à l’occasion de ses précédents travaux sur la
prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, « mis
l’accent sur l’obligation de prévenir par opposition à l’obligation de réparer, de
corriger ou d’indemniser comporte plusieurs aspects importants, [l]a prévention
[devant] être privilégiée parce qu’en cas de dommage les indemnisations ne
permettent bien souvent pas de rétablir la situation qui existait avant l’événement ou
l’accident. [...] Quoi qu’il en soit, et par principe, mieux vaut prévenir que
guérir »
47
. Privilégiant également la prévention, la Cour internationale de Justice
dira à l’occasion de l’affaire relative au Projet Gabčikovo-Nagymaros, ne pas
méconnaître ceci que « dans le domaine de la protection de l’environnement, la
vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des
dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes au mécanisme même
__________________
43
Adoptée à Rio de Janeiro le 14 juin 1992, voir Rapport de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, 3 -14 juin 1992, A/CONF.151/26/Rev.1 (vol. I),
p. 3; voir Leslie-Anne Duvic-Paoli et Jorge E. Vinuales, « Principle 2 : Prevention » dans Jorge E.
Vinuales, (dir.), The Rio Declaration on Environment and Development: A Commentary (Oxford,
Oxford University Press, 2015), p. 107 à 138.
44
Recueil des Traités des Nations Unies, vol. 1302, p. 217.
45
Gunther Handl, « Transboundary Impacts » dans Daniel Bodansky, et al., (dir.), Oxford Handbook
of International Environmental Law, (Oxford : Oxford University Press, 2007), p. 532, p. 538 à
540; Nicolas de Sadeleer, « The principle of prevention and precaution in international law: two
heads of the same coin? » dans Malgosia Fitzmaurice, et al., (dir.), Research Handbook on
International Environmental Law (Cheltenham: Edward Elgar, 2010), p. 182 à 199.
46
Résolution 51/229 de l’Assemblée générale, annexe.
47
Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II (deuxième partie), p. 148, par. 2.
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de réparation de ce type de dommages »
48
. Le tribunal arbitral saisi de l’affaire dite
de la ligne du Rhin de fer, déclarera également qu’« Actuellement, le droit
international de l’environnement met de plus en plus l’accent sur le devoir de
prévention »
49
.
16. La CDI a traité de l’obligation de prévention dans son projet d’articles de 2001
sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite qui porte au
paragraphe 3 de son article 14 que : « la violation d’une obligation internationale
requérant de l’État qu’il prévienne un événement donné a lieu au moment où
l’événement survient et s’étend sur toute la période durant laquelle l’événement
continue […] ». Selon le commentaire de cette disposition : « L’obligation de
prévention s’analyse normalement comme une obligation de diligence, imposant
aux États de prendre toutes les mesures raisonnables ou nécessaires pour éviter
qu’un événement donné ne se produise, mais sans garantir que l’événement ne se
produira pas »
50
. Le commentaire est venue illustrer « l’obligation de prévenir les
dommages transfrontières causés par la pollution atmosphérique, traitée dans
l’arbitrage relatif à l’affaire de la Fonderie de Trail » en tant qu’exemple
d’obligation de prévention
51
.
2. Diligence requise
17. Le principe de prévention en droit de l’environnement repose sur la notion de
diligence requise. Les effets nocifs significatifs sur l’atmosphère ont, dans une large
mesure, pour origine les activités de particuliers et d’entreprises privées, qui ne sont
normalement pas imputables à l’État. Sous ce rapport, la diligence requise exige de
l’État qu’il veille à ce que ces activités menées dans les limites de sa juridiction ou
de son contrôle n’entraînent pas de tels effets. Ce n’est cependant pas à dire que la
diligence requise ne joue que s’agissant d’activités privées, les activités de l’État
étant également soumises à ce principe
52
.
18. La diligence requise s’analyse en l’obligation faite à tout État sous le contrôle
duquel sont menées telles ou telles activités d’apporter toute son activité à sa
mission de prévention, dans les limites de ses moyens, de sorte que, même s’il
venait à se produire des effets nocifs significatifs, on ne pourrait lui reprocher
automatiquement d’avoir failli à l’obligation de diligence. L’État n’encourrait ce
reproche que dans la seule hypothèse où il aurait méconnu l’obligation à lui faite de
prendre toutes les mesures voulues pour contrôler, limiter, réduire ou prévenir toutes
activités humaines qui ont ou sont susceptibles d’avoir des effets nocifs
__________________
48
Projet GabCčikovo -Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 78, par. 140.
49
Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (« Ijzeren Rijn ») entre le Royaume de Belgique et le
Royaume des Pays-Bas, décision du 24 mai 2005, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVII,
p. 116, par. 222.
50
Annuaire … 2001, vol. II (deuxième partie), p. 65, par. 14.
51
Ibid.
52
Ibid., p. 165, par. 7 (« L’obligation faite à l’État d’origine de prendre des mesures pour prévenir
les dommages […] est un devoir de diligence. »); Affaire relative à des Usines de pâte à papier
sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J., Recueil 2010, p. 55, par. 101 (« le
principe de prévention, en tant que règle coutumière, trouve son origine dans la diligence
requise »). Voir, généralement, au sujet de la diligence requise, Duncan French (Président) et Tim
Stephens (Rapporteur) du Groupe d’étude sur la diligence requise de l’ Association de droit
international, « First report on due diligence in international law », p. 1 à 33 (2014), disponible en
anglais uniquement sur le lien suivant : http://www.ila-hq.org/en/study-groups/
index.cfm/cid/1045.
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significatifs. L’obligation ainsi faite à l’État « de veiller » n’est pas tant d’obtenir un
certain résultat (obligation de résultat), que de faire tout ce qui est en son pouvoir
pour ne pas causer d’effets nocifs (obligation de moyens). En ce sens, elle ne
garantit pas qu’il n’y aura jamais de dommage
53
.
19. En analysant précédemment la notion de diligence requise, la CDI a cru y voir
« une diligence proportionnelle à l’importance du sujet, à la dignité et à la force de
la puissance qui l’exerce »
54
qui était « appropriée et proportionnée au degré de
risque de dommages transfrontières dans le cas dont il s’agit »
55
. Par suite, « les
activités qui peuvent être considérées comme comportant un risque
exceptionnellement élevé exigent de la part de l’État qu’il mette beaucoup plus de
soin à élaborer les principes d’action », ce qui constitue une norme absolue
56
.
S’agissant d’activités touchant l’atmosphère, cette norme est fixée en fonction de
l’échelle et de l’ampleur de l’activité envisagée dans tel ou tel cas précis, d’une
part, et de l’importance et de l’irréversibilité des effets nocifs que cette activité
devrait ou est susceptible de causer, d’autre part.
3. Connaissance ou prévisibilité
20. L’État ne peut être réputé avoir failli à l’obligation de diligence requise que
s’il savait ou aurait dû savoir que les activités en cause provoqueraient des
dommages significatifs à d’autres États
57
. Comme la Cour internationale de Justice
l’a fait observer à l’occasion de l’affaire du Détroit de Corfou, tout État a
l’obligation de ne pas laisser sciemment utiliser son territoire aux fins d’actes
contraires aux droits d’autres États
58
(non souligné dans le texte original). En
employant l’adverbe « sciemment », en l’occurrence, la Cour a voulu préciser une
condition subjective essentielle de la diligence requise. Rapprochant par la suite la
condition de connaissance à la notion de contrôle, elle dira ce qui suit :
« Il est vrai, ainsi que le démontre la pratique internationale, qu’un État,
sur le territoire duquel s’est produit un acte contraire au droit international,
peut être invité à s’en expliquer. […] Mais on ne saurait conclure du seul
contrôle exercé par un État sur son territoire terrestre ou sur ses eaux
__________________
53
Désigner le principe de prévention « règle de ne pas causer de dommage », est une formule propre
à induire en erreur dans une certaine mesure. Patricia Birnie, Alan Boyle et Catherine Redgwell,
International Law and the Environment, 3
e
éd., (Oxford: Oxford University Press, 2009), p. 137.
En ce qui concerne les obligations de résultat et de moyens, voir, généralement, Pierre -Marie
Dupuy, « Reviewing the Difficulties of Codification: On Ago’s Classification of Obligations of
Means and Obligations of Result in Relation to State Responsibility », European Journal of
International Law, vol. 10 (1999), p. 371 à 385. Voir également S. Murase, International Law: An
Integrative Perspective on Transboundary Issues (Tokyo : Sophia University Press, 2011), p. 113
à 115.
54
Annuaire … 1998, vol. II (deuxième partie), p. 109, par. 4.
55
Ibid., … 2001, vol. II (deuxième partie), p. 166, par. 11.
56
Ibid.
57
Ibid. 1994, vol. II, 2
e
partie, p. 104, par. 8.
58
Affaire du Détroit de Corfou, arrêt du 9 avril 1949, C.I.J. Recueil 1949, p. 22. Bannelier, Karine
« Foundational Judgment or Constructive Myth? The Court’s Decision as a Precursor to
International Environmental Law », in Karine Bannelier, Theodore Christakis et Sarah Heathcote
(éds.), The International Court of Justice and the Evolution of International Law: The Enduring
Impact of the Corfu Channel Case, (New York, Routledge, 2012), p. 246 et 247.
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territoriales que cet État a nécessairement connu ou dû connaître tout fait
illicite international qui y a été perpétré
59
[…] »
21. En droit international de l’environnement, la connaissance requise de l’État est
étroitement liée à l’obligation à lui faite de procéder à une étude d’impact
environnemental. Étant « l’un des principaux mécanismes dont l’État se sert pour
s’informer des conséquences environnementales de ses actions »
60
ladite étude
« vient satisfaire à l’impératif de prévisibilité en exigeant des promoteurs de pro jets
qu’ils analysent sous tous leurs aspects les répercussions probables de toutes
activités envisagées, y compris leur impact transfrontière »
61
. Comme la Cour
internationale de Justice l’a souligné dans l’affaire relative aux Usines de pâte à
papier, « on ne pourrait considérer qu’une partie s’est acquittée de son obligation de
diligence, et du devoir de vigilance et de prévention que cette obligation implique,
dès lors que […] elle n’aurait pas procédé à une évaluation de l’impact sur
l’environnement permettant d’apprécier les effets éventuels de son projet »
62
. Elle
déclarera également à l’occasion des récentes affaires relatives à Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière et à la Construction d’une route
au Costa Rica le long du fleuve San Juan, que « afin de s’acquitter de l’obligation
qui lui incombe de faire preuve de la diligence requise en vue de prévenir les
dommages environnementaux transfrontières importants, un État doit, avant
d’entreprendre une activité pouvant avoir un impact préjudiciable sur
l’environnement d’un autre État, vérifier s’il existe un risque de dommage
transfrontière important, ce qui déclencherait l’obligation de réaliser une évaluation
de l’impact sur l’environnement »
63
. La Cour fera observer en outre que « la
réalisation d’une évaluation préliminaire du risque créé par une activité est l’un des
moyens par lesquels un État peut vérifier si ladite activité comporte un risque de
dommage transfrontière important »
64
. De ceci qu’à l’occasion de l’affaire relative
aux Usines de pâte à papier, la Cour a estimé que « l’on peut désormais considérer
qu’il existe, en droit international général, une obligation de procéder à une
évaluation de l’impact sur l’environnement lorsque l’activité industrielle projetée
risque d’avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en
particulier sur une ressource partagée »
65
, on peut conclure que tout État qui a mené
une étude d’impact environnemental savait nécessairement, ou aurait dû savoir,
qu’il existait un risque de dommage transfrontière significatif.
4. Degré de vigilance
22. Puisque l’obligation de diligence exige de l’État qu’il « agisse » de manière à
ne pas causer de dommages transfrontières significatifs, il est nécessaire de préciser
le degré de vigilance exigé de l’État, c’est-à-dire, le critère selon lequel doit
s’apprécier le comportement de l’État dans telle ou telle situation donnée au regard
__________________
59
Affaire du Détroit de Corfou, arrêt, p. 18.
60
Neil Craik, The International Law of Environmental Impact Assessment, Cambridge, Cambridge
University Press, 2008, p. 64.
61
Ibid.
62
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt, p. 83, par. 204.
63
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua)
et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, par. 104 et 153.
64
Ibid., par. 154.
65
C.I.J. Recueil 2010, p. 83, par. 204. Voir également par. 55 ci-après.
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de l’obligation de diligence à lui faite
66
. Si la condition de connaissance est un
élément subjectif de la diligence due, le degré de vigilance constitue un élément
objectif, ces conditions étant cumulatives. La théorie et la pratique du droit
international de l’environnement conçoivent deux catégories de degré de vigilance :
les « normes internationales généralement acceptées », d’une part, et les « meilleurs
moyens utilisables », d’autre part
67
.
23. La première catégorie, celle dite des normes internationales généralement
acceptées, est constituée « des normes minimales internationalement reconnues
résultant de traités ou de résolutions et décisions d’organismes internationaux »
68
.
C’est ainsi que les articles 207, 208 et 210 à 212 de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer visent les « règles et normes généralement acceptées,
établies par l’intermédiaire de l’organisation internationale compétente ou d’une
conférence diplomatique générale » (non souligné dans le texte original). Ces
dispositions peuvent, par renvoi, englober les recommandations et résolutions
d’organisations internationales comme l’Organisation maritime internationale
(OMI) dans les obligations conventionnelles
69
. Abstraction faite de leur
consécration conventionnelle, sans doute faudra-il voir dans ces critères des règles
de droit international coutumier découlant de l’obligation de diligence pour autant
qu’ils suscitent une adhésion internationale suffisamment large et représentative
70
.
24. La seconde catégorie de critères prescrivent à l’ État d’employer les meilleurs
moyens opératoires à sa disposition, et dans les limites de ses capacités, afin de
prévenir dans la mesure du possible les dommages transfrontières
71
. À titre
d’exemple, aux termes du paragraphe 1 de l’article 194 de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer, « [l]es États prennent, […] toutes les mesures
[…] qui sont nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu
marin, quelle qu’en soit la source; ils mettent en œuvre à cette fin les moyens les
mieux adaptés dont ils disposent, en fonction de leurs capacités […] » (non souligné
dans le texte original). En faisant application de ce critère, on prendra en
considération la capacité de réglementation et les moyens technologiques de l’État
concerné, le but étant de pouvoir moduler le degré de vigilance requis , selon
l’État
72
. La CDI a consacré cette démarche à l’occasion de ses travaux sur la
Prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, en
déclarant que :
« [l]e principal élément de […] l’obligation de prévention pourrait donc être
énoncé comme suit : le degré de vigilance attendu d’un bon gouvernement.
Celui-ci doit être doté d’un système juridique et de ressources suffisantes pour
gérer l’appareil administratif chargé de contrôler et de surveiller les activités.
__________________
66
Pierre-Marie Dupuy, « La diligence due dans le droit international de la responsabilité » in
Aspects juridiques de la pollution transfrontière, Paris, OCDE, 1977, p. 369 à 379.
67
Birnie, Boyle et Redgwell, International Law and the Environment, op. cit., p. 148 à 150. Ilias
Plakokefalos, « Prevention obligations in international environmental law », Yearbook of
International Environmental Law, vol. 23 (2012), p. 32 à 36.
68
Ibid. (Birnie, Boyle et Redgwell), p. 149.
69
Alan Boyle et Christine Chinkin, The Making of International Law (Oxford, Oxford University
Press, 2007), p. 219.
70
Birnie, Boyle et Redgwell, op. cit., p. 150.
71
Ibid., p. 149.
72
Ibid., voir aussi Ilias Plakokefalos, « Prevention Obligations in International Environmental
Law », Yearbook of International Environmental Law, vol. 23 (2012), p. 32 à 36.
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Il est cependant entendu que le degré de vigilance attendu d’un État dont
l’économie et les ressources humaines et matérielles sont bien développées et
qui est doté de systèmes et de structures étatiques très élaborés est différent de
celui attendu d’États moins bien lotis. Il reste qu’une certaine vigilance est
censée être exercée dans l’utilisation des infrastructures et la surveillance des
activités dangereuses sur le territoire de l’État, ce qui est un attribut naturel de
tout gouvernement. »
Par conséquent, pour s’acquitter de l’obligation de diligence résultant du droit
international général, l’État est tenu d’utiliser les meilleurs moyens opératoires dont
il dispose et en fonction de ses capacités.
25. S’agissant du champ d’application temporel, la CDI a affirmé à l’occasion de
ses précédents travaux que « [l]’obligation de prévention fondée sur le devoir de
diligence ne s’exécute pas une fois pour toutes, mais exige des efforts continus. Il
en résulte que le devoir de diligence ne prend pas fin après l’octroi de l’autorisation
pour l’activité considérée et la mise en route de celle-ci; Il continue d’exister […]
aussi longtemps que celle-ci se poursuit
73
». Il faut dire que le contenu de la
diligence requise n’est pas fixe, le degré de vigilance pouvant évoluer dans le
temps. La Commission a estimé que « [c]e qui peut être considéré comme un degré
raisonnable de vigilance ou de diligence peut changer avec le temps; ce qui peut
être considéré comme étant une procédure, une norme ou une règle appropriée et
raisonnable à un moment donné peut ne pas l’être à [tel autre] moment. En
conséquence, le devoir de diligence nécessaire pour garantir la sûreté des opérations
oblige les États à suivre les progrès technologiques et scientifiques »
74
. La Chambre
pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins d u Tribunal international
du droit de la mer a également déclaré qu’en droit international général, « la notion
de diligence requise a un caractère variable », et qu’ « [e]lle peut changer dans le
temps lorsque les mesures réputées suffisamment diligentes à un moment donné
peuvent ne plus l’être en fonction, par exemple, des nouvelles connaissances
scientifiques ou technologiques
75
».
5. Charge de la preuve et critère d’établissement de la preuve
26. Dans l’affaire de la Fonderie de Trail, le tribunal n’a fait application du
principe sic utere tuo que lorsque « les dommages sont établis de façon claire et
convaincante
76
». D’une manière générale, il existe deux principaux critères
d’administration de la preuve : le plus strict, applicable en matière pénale exige de
__________________
73
Ibid., p. 177, par. 2. Dans un contexte certes légèrement différent, la Cour internationale de Justice
a précisé, dans l’affaire des Usines de pâte à papier, que « l’obligation … d’empêcher la pollution
[…] impose d’exercer la diligence requise (« due diligence ») vis-à-vis de toutes les activités qui
se déroulent sous la juridiction et le contrôle de chacune des parties. Cette obligation implique la
nécessité non seulement d’adopter les normes et mesures appropriées, mais encore d’exercer un
certain degré de vigilance dans leur mise en œuvre ainsi que dans le contrôle administratif des
opérateurs publics et privés, par exemple en assurant la surveillance des activités entreprises par
ces opérateurs […] », Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt, p. 79, par. 197.
74
Ibid., p. 166, par. 11.
75
Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du Tribunal international du
droit de la mer, Responsabilités et obligations des États qui patronnent des personnes et entités
dans le cadre d’activités menées dans la Zone, affaire n
o
17, avis consultatif, par. 117.
76
Affaire de la Fonderie de Trail (États-Unis c. Canada), 11 mars 1941, Recueil des sentences
arbitrales, vol. III, p. 1965.
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l’établir « au-delà de tout doute raisonnable », celui plus souple dit de « l’hypothèse
la plus probable », étant retenu en matière civile
77
. Il apparaît que dans l’affaire de
la Fonderie de Trail le Tribunal a retenu un critère de preuve plus strict en présence
de pollution atmosphérique transfrontière
78
; il ne faut pas méconnaître le contexte et
les circonstances propres à ladite espèce. En premier lieu, les deux parties ont
renvoyé l’affaire devant le tribunal par accord spécial. Par conséquent, elles se sont
montrées assez disposées à coopérer à dans la recherche d’une solution au litige, et
ont, par suite, pu confier la mission d’enquête scientifique à la Commission mixte
internationale créée en vertu du Traité sur les eaux limitrophes de 1909
79
. En second
lieu, à la suite de l’examen scientifique, on a estimé que le vent qui avait porté la
pollution au-delà de la frontière soufflait dans une seule direction en raison des
caractéristiques géographiques de la vallée de la Columbia et des conditions
météorologiques qui en découlent
80
. Ces facteurs ont permis au tribunal de retenir,
en ladite espèce, un plus strict critère de preuve .
27. Les péripéties de ladite espèce ne sont pas sans rappeler celles de l’affaire du
Lac Lanoux
81
portée devant un tribunal institué en vertu d’un compromis entre les
États. Concernant l’établissement des faits, considérant qu’« il n’a[vait] pas été
affirmé clairement que les ouvrages prévus [c’est-à-dire le détournement des eaux
de la rivière internationale] entraîneraient un risque anormal dans les relations de
voisinage ou dans l’utilisation des eaux » (non souligné dans le texte original)
82
, le
tribunal a fixé un critère de preuve plus élevé. Cependant, en ladite espèce, le débit
du cours d’eau étant à sens unique, il a été de même relativement aisé d’établir la
chaîne de causalité.
28. En revanche, lorsque l’une des parties soumet un différend à une juridiction
internationale en vertu d’une clause facultative, d’une clause compromissoire ou
d’un traité, ou de la règle dite du forum prorogatum, il y a généralement
contestation a quant aux faits et à la charge de la preuve . En pareil cas, selon la
célèbre maxime onus probandi incumbit actori (le fardeau de la preuve incombe au
demandeur), c’est à la partie qui allègue le fait d’en établir l’existence
83
. Or, il est
certainement difficile à tout État (potentiellement) d’établir les faits allégués par des
moyens de preuve clairs et convaincants, les « informations nécessaires étant pour
l’essentiel sans doute en la possession de la partie qui cause ou menace de causer le
dommage »
84
. C’est essentiellement pourquoi l’État (potentiellement) touché peut
__________________
77
Anna Riddell et Brendan Plant, Evidence before the International Court of Justice (Londres,
BIICL, 2009), p. 124; Eduardo Valencia-Ospina, « Evidence before the International Court of
Justice », International Law FORUM du droit international, vol. 1, p. 203 (1999).
78
Stephen C. McCaffrey, « Of paradoxes, precedents, and progeny: the Trail Smelter arbitration
65 years later », in Rebecca M. Bratspies et Russell A. Miller (éds.), Transboundary Harm in
International Law: Lessons from the Trail Smelter arbitration (New York, Cambridge University
Press, 2006), p. 39.
79
Affaire Fonderie de Trail , p. 1918.
80
Ibid., p. 1943 et 1969 à 1974. Voir aussi John E. Read, « The Trail Smelter dispute [abridged] », in
Bratspies et Miller (éds.), Transboundary Harm in International Law (New York, Cambridge
University Press, 2006), p. 27.
81
Affaire du Lac Lanoux (Espagne, France), 16 novembre 1957, Recueil des sentences arbitrales,
vol. XII, p. 281.
82
Ibid.
83
En matière civile interne , c’est la règle ei incumbit probatio qui dicit, non qui negat (la charge de
la preuve incombe à celui qui affirme, et non à celui qui nie) qui joue.
84
Opinion dissidente de M. Weeramantry, C.I.J. Recueil 1995, p. 342.
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demander le renversement de la charge de la preuve en invoquant le principe de
précaution. Il convient toutefois de noter que la Cour internationale de Justice a
souligné dans l’affaire des Usines de pâte à papier que l’approche de précaution n’a
pas nécessairement pour effet « d’opérer un renversement de la charge de la
preuve »
85
.
29. Dans ladite l’espèce, la majorité a préféré résoudre le problème du
renversement de la charge de la preuve en demandant à la partie adverse de coopérer
« en produisant tout élément de preuve en sa possession susceptible d’aider la Cour
à régler le différend dont elle est saisie »
86
. Dans la récente affaire relative à
l’Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Croatie c. Serbie), même si la partie demanderesse prétendu que « la
défenderesse serait la mieux placée […] pour fournir des explications relatives à des
faits qui se seraient produits sur un territoire sur lequel [la défenderesse] exerçait un
contrôle exclusif », la Cour a, pour l’essentiel, fait peser la charge principale de la
preuve sur la partie alléguant tel ou tel fait tout en invoquant le « devoir de
coopérer » de bonne foi mis à la charge de l’autre partie s’agissant de la production
d’éléments de preuve
87
. Or, le devoir de coopérer à la production de preuves est une
obligation de procédure dont l’inobservation ne donne pas prise à la responsabi lité
de l’État
88
.
30. À l’opposé, le juge Greenwood préconisera , dans son opinion individuelle en
l’affaire des Usines de pâte à papier, d’assouplir le critère d’administration de la
preuve vu les circonstances de la cause. Évoquant l’observation faite par la Cour à
l’occasion de l’affaire relative à l’Application de la Convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie -Herzégovine c. Serbie-etMonténégro)
selon laquelle toute accusation aussi grave que celle d’actes de
génocide exige d’être « prouvée avec un degré élevé de certitude, à la mesure de sa
gravité »
89
, il dira qu’ « [i]l en ressort, implicitement, qu’un critère d’établissement
de la preuve moins rigoureux peut être retenu dans le cas d’autres allégations, d’une
gravité moindre »
90
concluant que « la nature des différends environnementaux est
telle que l’application d’un critère d’établissement de la preuve plus élevé aurait
pour effet de placer un État dans la quasi-impossibilité de s’acquitter de la charge de
__________________
85
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 71, par. 164.
86
Ibid., p. 71, par. 163.
87
Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c.
Serbie), arrêt, par. 170 et 173.
88
Durward V. Sandifer, Evidence before International Tribunals (Charlottesville, University Press of
Virginia, 1975), p. 112 et 117; Mariko Fukasaka, « Burdens of proof before international
litigation: burden of proof and producing evidence (1), » Sophia Law Review, vol. 52 n
o
4 (2009),
p. 183 et 184 [en japonais].
89
Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine
c.
Serbie-et-Monténégro),
arrêt,
C.I.J.
Recueil
2007,
p.
130,
par.
210.
Le
critère
d’établissement
de
la
preuve,
c’est-à-dire
ce
qu’une
partie
doit
faire
pour
s’acquitter
de
la
charge
de
la
preuve
lorsque
cette
charge
lui
incombe,
est
essentiellement
une
tradition
de
la
common law.
En droit de tradition civiliste, « si le juge estime avoir été convaincu par les arguments développés
sur une question, le niveau de preuve a été atteint ». Composée de juges issus des « principaux
systèmes juridiques du monde » (art. 9 du Statut), la Cour, qui n’avait pas de longue date invoqué
le critère d’établissement de la preuve, s’y intéressera pour la première fois à l’occasion de son
arrêt en ladite affaire.
90
Opinion individuelle du juge Greenwood, C.I.J. Recueil 2007, p. 230, par. 25.
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la preuve », et que, par conséquent, l’État (potentiellement) touché n’était tenu
d’établir les faits qu’en termes de probabilité la plus forte
91
.
31. De fait, la Cour internationale de Justice avait déjà implicitement consenti à
« l’assouplissement du critère d’établissement de la preuve » dans l’affaire du
Détroit de Corfou de 1949
92
, en déclarant ce qui suit :
« Il est vrai, ainsi que le démontre la pratique internationale, qu’un État, sur le
territoire duquel s’est produit un acte contraire au droit international, peut être
invité à s’en expliquer […] Mais on ne peut pas conclure du seul contrôle
exercé par un État sur son territoire terrestre ou sur ses eaux territoriales que
cet État a nécessairement connu ou dû connaître tout fait illicite international
qui y a été perpétré […]. En revanche, le contrôle territorial exclusif exercé
par l’État dans les limites de ses frontières n’est pas sans influence sur le choix
des modes de preuve propres à démontrer cette connaissance. Du fait de ce
contrôle exclusif, 1’État victime d’une violation du droit international se
trouve souvent dans l’impossibilité de faire la preuve directe des faits d’où
découlerait la responsabilité. Il doit lui être permis de recourir plus largement
aux présomptions de fait, aux indices ou preuves circonstancielles
(circumstantial evidence). Ces moyens de preuve indirecte sont admis dans
tous les systèmes de droit et leur usage est sanctionné par la jurisprudence
internationale. On doit les considérer comme particulièrement probants quand
ils s’appuient sur une série de faits qui s’enchaînent et qui conduisent
logiquement à une même conclusion
93
. »
6. Juridiction et contrôle
32. Comme il ressort de l’observation faite par Max Huber à l’occasion de
l’affaire de l’Île de Palmas, le critère à privilégier pour déterminer l’État débiteur
de l’obligation de protection est celui de la juridiction territoriale
94
. Le territoire est
le premier fondement de la juridiction. Par conséquent, lorsque telle activité se
déroule dans le territoire de tel État, c’est sur celui-ci que pèse au premier chef le
devoir de protection. Le principe de la territorialité n’est pas sans exception
95
, et il
peut arriver qu’en présence de pollution atmosphérique transfrontière, l’application
__________________
91
Ibid., p. 230, par. 26.
92
Katherine Del Mar, « The International Court of Justice and Standards of Proof, » in Bannelier,
Christakis et Heathcote (éds.), The International Court of Justice and the Evolution of
International Law (Londres, Routledge, 2013), p. 98 à 123.
93
Affaire du Détroit de Corfou, arrêt, p. 18.
94
« Perspectives from international economic law on transnational environmental issues, » in Shinya
Murase, International Law: an Integrative Perspective on Transboundary Issues (Tokyo, Sophia
University Press, 2011), p. 92.
95
Ibid., p. 54 à 57, 295 à 304; American Law Institute, Foreign Relations of the United States,
Restatement Third, (Philadelphia/PA, ALI, 1987), section 402, p. 230 à 234. F. A. Mann, « The
doctrine of jurisdiction in international law, » in Studies in International Law, Oxford, Oxford
University Press, 1973, p. 39 à 41; F. A. Mann, « The doctrine of international jurisdiction
revisited after twenty years, » Further Studies in International Law, (Oxford, Clarendon Press,
1990), p. 5 à 10; Werner Meng, « Extraterritorial effects of administrative, judicial and legislative
acts, » in Bernhardt, éd., Encyclopedia of Public International Law, vol. II, 1992, p. 340; Menno
T. Kamminga, « Extraterritoriality, » in Rüdiger Wolfrum, éd., Encyclopedia of Public
International Law, vol. III, 2012, p. 1071.
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extraterritoriale de la loi interne soit envisagée
96
. En revanche, dans les espaces
communs, tels que la haute mer et l’espace aérien au-dessus de la haute mer, il
n’existe pas de lien territorial entre l’État et l’activité en cause, du fait du lieu de
celle-ci. En pareils cas, si l’activité a des effets néfastes significatifs sur
l’atmosphère, l’État qui exerce la juridiction sur la zone en question est en principe
débiteur de l’obligation de prévention. Ainsi en est-il lorsque des navires ou des
aéronefs battant son pavillon introduisent des substances ou d e l’énergie dans
l’atmosphère, dans la zone relevant de la juridiction d’autres États ou dans des
espaces situés au-delà de toute juridiction nationale, comme la haute mer et l’espace
aérien au-dessus de la haute mer.
33. Il convient de noter que l’obligation de prévention mise à la charge de l’État
tire désormais fondement du « contrôle » et non de la « juridiction » qu’il exerce.
Comme le principe 21 de la Déclaration de Stockholm de 1972 et le principe 2 de la
Déclaration de Rio de 1992 emploient l’un et l’autre la conjonction « ou », on
distinguera le terme « contrôle » du vocable « juridiction »
97
. L’une et l’autre
notions ont acquis une signification particulière, en ce sens que « les activités
exercées […] sous leur contrôle » sont envisagées seules et séparément
98
. La
Commission du droit international a estimé à l’occasion de travaux antérieurs que
__________________
96
La Section 4 de la Loi singapourienne sur la brume sèche de pollution dans la région de l’ASEAN,
(n
o
24 de 2014) envisage son application extraterritoriale en ces termes : « La présente loi
s’applique à et relativement à tout comportement ou chose en dehors de Singapour qui cause la
formation d’une brume sèche à Singapour ou y contribue. » La Ministre singapourienne de
l’environnement et des ressources aquatiques, D. Vivian Balakrishanan, a expliqué devant le
Parlement que « [c]omme nous devons faire face à une brume de pollution transfrontière, force est
de donner à la loi application extraterritoriale pour qu’elle soit efficace. L’exercice d’une
juridiction extraterritoriale en vertu de cette loi est conforme au droit international, notamment au
principe de la territorialité objective ». (Parliament of Singapore, Official Reports, n
o
12, Session
2, 4 août 2014). Il convient de noter, toutefois, que la Convention de l’ASEAN sur la brume de
pollution a désormais pris effet (l’Accord sur les brumes sèches de pollution transfrontières est
entré en vigueur le 25 novembre 2003, http://haze.asean.org/status -of-ratification/. À ce jour, tous
les États membres de l’ASEAN en sont parties l’Indonésie, le dixième et dernier des États
membres de l’ASEAN l’ayant ratifiée, le 14 octobre 2014), il n’est sans doute pas nécessaire de
recourir à l’application extraterritoriale de la loi interne, puisque le même objectif peut être atteint
par l’application de la Convention, solution jugée normalement préférable. Toutefois, si les
mesures qui sont envisagées en vertu de la loi débordent le champ de l’Accord, cette portion
excédante pourra être considérée comme opposable ou non, selon la légitimité et l’effectivité des
mesures en question. Voir « Unilateral measures and the concept of opposability in international
law », in Shinya Murase, International Law: An Integrative Perspective on Transboundary Issues,
(Tokyo, Sophia University Press, 2011), p. 214 à 266.
97
Toutefois, il y a une différence entre le libellé du principe 21 de la Déclaration de Stockholm et
celui de l’avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Le
principe 21 vise les « activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle »,
cependant que la version anglaise de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice parle
d’« activities within their jurisdiction and control ». Selon un auteur « [l’avis de la Cour
internationale de Justice] circonscrit l’application du principe en limitant son ap plication
extraterritoriale ». Edith Brown Weiss, « Opening the door to the environment and to future
generations, » in Laurence Boisson de Chazournes et Philippe Sands, éds., International Law, the
International Court of Justice and Nuclear Weapons (Cambridge, Cambridge University Press,
1999), p. 340.
98
Louis B. Sohn, « The Stockholm Declaration on the Human Environment, » Harvard
International Law Journal, vol. 14 (1973), p. 493; Shinya Murase, Kokusai Rippo (International
Lawmaking), Tokyo, Toshindo, 2002, p. 421 et 422 (en japonais), traduction chinoise, (Beijing,
Chinese People’s University of Public Safety Press, 2012), p. 210 à 212.
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« [l]a fonction de la notion de « contrôle » en droit international est d’assigner
certaines conséquences juridiques à un État dont la juridiction sur certaines activités
ou événements n’est pas reconnue en droit international; elle s’applique à des
situations où un État exerce une juridiction de facto, même lorsqu’il n’a pas de
juridiction de jure […] » Par suite, la juridiction se rattache aux liens « juridiques »,
le « contrôle » ayant trait à la capacité matérielle d’exercer un contrôle effectif sur
telles activités qui se déroulent en dehors de la juridiction de l’État
99
. S’agissant de
la notion de « contrôle », la Cour internationale de Justice a estimé dans l’affaire
relative à la Namibie que « [l]e fait que l’Afrique du Sud n’a plus aucun titre
l’habilitant à administrer le territoire [de la Namibie] ne la libère pas des obligations
et responsabilités que le droit international lui impose envers d’autres État s et qui
sont liées à l’exercice de ses pouvoirs dans ce territoire. C’est l’autorité effective
sur un territoire, et non la souveraineté ou la légitimité du titre, qui constitue le
fondement de la responsabilité de l’État en raison d’actes concernant d’au tres
États » (non souligné dans le texte original)
100
.
34. Suivant en cela la jurisprudence des cours et tribunaux internationaux, nous
concluons que, s’agissant de la pollution atmosphérique transfrontière, le principe
sic utere tuo ut alienum non laedas est désormais consacré comme principe du droit
international général
101
.
B. Devoir d’atténuation du risque de dégradation
atmosphérique mondiale
1. Le principe sic utere tuo dans le contexte mondial
35. Comme il est dit plus haut (par. 12), nous envisagerons ici le principe sic utere
tuo sous ses deux dimensions, l’une intéressant le contexte transfrontière et l’autre
le contexte mondial, suivant en cela la Cour internationale de Justice qui a, à
l’occasion de son arrêt en l’affaire relative à des Usines de pâtes à papier, dégagé
deux formes d’obligation distinctes découlant de ce principe
102
, l’une correspondant
à l’interprétation restrictive du principe sic utere tuo, issue de la sentence arbitrale
rendue dans l’affaire de la Fonderie de Trail, l’autre à sa conception extensive allant
au-delà du domaine transfrontière. D’une part, dans l’affaire dite des Usines de
pâtes à papier, la Cour, limitant le champ d’application du principe aux dommages
causés à l’environnement d’un autre État, a déclaré que tout « État est tenu de
mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se
déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent
un préjudice sensible à l’environnement d’un autre État » (non souligné dans le
texte original)
103
, formule qui, selon la Cour, découle de l’arrêt rendu dans l’affaire
__________________
99
Annuaire… 2001, vol. II (2
e
partie), p. 151, par. 12.
100
Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 118.
101
Voir A/CN.4/681, par. 58.
102
Karine Bannelier, « Foundational Judgment or Constructive Myth? The Court’s Decision as a
Precursor to International Environmental Law », in Karine Bannelier, Theodore Christakis et
Sarah Heathcote (dir.), The International Court of Justice and the Evolution of International Law:
The Enduring Impact of the Corfu Channel Case, New York, Routledge, 2012, p. 251.
103
C.I.J. Recueil 2010, p. 56, par. 101.
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du Détroit de Corfou
104
. D’autre part, l’interprétant extensivement, elle dira que le
principe sic utere tuo a depuis vu son champ d’application s’étendre
géographiquement, en invoquant son avis consultatif sur la licéité de la menace ou
de l’emploi d’armes nucléaires, d’où résulte « l’obligation générale qu’ont les États
de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne
relevant d’aucune juridiction nationale » (non souligné dans le texte original)
105
.
36. Nous disions dans notre deuxième rapport que le principe sic utere tuo ut
alienum non laedas, dont l’application était au départ circonscrite à la relation entre
« États adjacents » partageant une frontière territoriale commune, sera par la suite
étendu aux questions atmosphériques de portée mondiale
106
. Si le principe classique
ne visait que les dommages transfrontières causés à d’autres États au sens strict, il
avait vu sa portée territoriale s’étendre à l’indivis mondial en soi
107
. Reformulation
de ce principe, le principe 21 de la Déclaration de Stockholm pose que « les États
[…] ont le devoir de s’assurer que les activités exercées dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans
d’autres États ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ».
Cette partie du principe a été reprise dans le principe 2 de la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement. Les zones situées au-delà des limites de la
juridiction et de la souveraineté des États, qu’on appelle généralement « indivis
mondial », comprennent en principe la haute mer, l’espace extra-atmosphérique et
l’atmosphère mondiale
108
. Même si la notion d’atmosphère, qui ne peut être décrite
en termes de zone, ne correspond pas à celle de « zones situées au-delà de la
juridiction nationale », il est néanmoins évident que l’atmosphère qui se trouve au dessus
desdites
zones
est
désormais
couverte
par
le
principe
21
de
la
Déclaration
de
Stockholm
109
.
37. Il convient de noter que le principe sic utere tuo se heurte à des difficultés de
preuve en présence de phénomènes mondiaux tels que la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance, l’appauvrissement de la couche d’ozone et les
changements climatiques. S’agissant de ces phénomènes, on peut difficilement
établir la chaîne causale, autrement dit le lien matériel entre la cause (activité) et
l’effet (dommage), en raison du caractère généralisé, à long terme et cumulatif des
effets. De nature complexe et synergique, les effets néfastes résultent d’une
multitude de sources et ne sont donc pas imputables à une seule et unique activité.
Dans le contexte mondial, pratiquement tous les États sont susceptibles d’être à la
fois responsables et lésés. Par conséquent, même s’il survient effectivement quelque
dommage, il est difficile, sinon impossible, d’en imputer la responsabilité à un seul
__________________
104
Ibid., p. 55, par. 101. La Cour a consacré dans l’affaire du Détroit de Corfou, « l’obligation, pour
tout État, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres
États ». C.I.J. Recueil 1949, p. 22.
105
Ibid., p. 78, par. 193.
106
Voir A/CN.4/681, par. 52 à 57.
107
Xue Hanqin, Transboundary Damage in International Law (Cambridge, Cambridge University
Press, 2003), p. 191.
108
Ibid., p. 191 à 193; Alan E. Boyle, « State responsibility for breach of obligations to protect the
global environment », in W. E. Butler (dir.), Control over Compliance with International Law,
Dordrecht, Nijhoff, 1991, p. 69.
109
Birnie, Boyle et Redgwell, International Law and the Environment, op. cit., p. 145, citant les
préambules de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et d’autres
conventions mondiales.
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110
État
. La difficulté d’établir l’existence d’un lien de causalité entre l’acte illicite et
le dommage subi a été reconnue dans la Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance de 1979. Aux termes de l’article 1 de ladite
Convention, l’expression « pollution atmosphérique transfrontière à longue
distance » désigne toute pollution « à une distance telle qu’il n’est généralement pas
possible de distinguer les apports des sources individuelles ou groupes de sources
d’émission ». Nonobstant cette définition, le principe 21 de la Déclaration de
Stockholm est repris dans le préambule de la Convention, qui y voit l’expression
d’une « conviction commune ». La Convention de Vienne pour la protection de la
couche d’ozone et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques tiennent également compte des difficultés susmentionnées. Néanmoins,
ces deux instruments consacrent expressément aussi le principe 21 de la D éclaration
de Stockholm dans leur préambule, ce qui permet de considérer celui -ci comme
faisant partie intégrante du droit international
111
.
38. De fait, la Cour internationale de Justice viendra confirmer dans son avis
consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires que les
dispositions du principe 21 de la Déclaration de Stockholm et du principe 2 de la
Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement font « maintenant
partie du corps de règles du droit international de l’environnement »
112
. Réaffirmant
cette opinion à l’occasion de l’affaire relative au Projet Gabčikovo-Nagymaros, la
Cour précisera « [avoir] récemment eu l’occasion de souligner […] l’importance
que le respect de l’environnement revêt à son avis, non seulement pour les États
mais aussi pour l’ensemble du genre humain » (non souligné dans le texte
original)
113
. Elle citera également ce même paragraphe dans l’affaire relative à des
Usines de pâtes à papier
114
. En outre, le tribunal arbitral saisi de l’affaire relative à
la ligne du Rhin de fer, déclarera que « le droit de l’environnement […] [suppose
que] lorsque le développement risque de porter atteinte de manière significative à
l’environnement, doit exister une obligation d’empêcher, ou au moins d’atténuer,
__________________
110
En revanche, on pourrait, même en pareil cas, identifier tout « État lésé » aux fins du droit de la
responsabilité des États. Selon l’article 42 b) i) des articles sur la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite, si l’obligation violée est due à la communauté internationale dans son
ensemble, un État spécialement atteint est considéré comme un État lésé. D’après le commentaire :
« Même dans les cas où les effets juridiques d’un fait internationalement illicite s’étendent, par
implication, à […] la communauté internationale dans son ensemble, le fait illicite peut avoir des
effets néfastes spécifiques sur un État ou sur un petit nombre d’États. » Annuaire … 2001, vol. II,
deuxième partie, art. 43, par. 12. Le commentaire donne l’exemple de la pollution de la haute mer,
qui constitue une violation de la règle coutumière, lorsque la pollution a une incidence particulière
sur la mer territoriale d’un État donné. En pareil cas, « l’obligation existe pour tous les autres
États, mais, parmi ces derniers, l’État côtier qui est particulièrement touché par la pollution doit
être considéré comme “spécialement” atteint ». Giorgio Gaja, « The Concept of an Injured State »,
in James Crawford, Alain Pellet et Simon Olleson (dir.), The Law of International Responsibility,
Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 947. Il en est de même, par exemple, s’agissant de
dommages causés par les pluies acides résultant de la pollution atmosphérique transfrontière ou de
ceux causés par le trou dans la couche d’ozone.
111
Yoshida Osamu, The International Legal Régime for the Protection of the Stratospheric Ozone
Layer (La Haye, Kluwer Law International, 2001), p. 62 à 67; Malgosia Fitz maurice,
« Responsibility and climate change », German Yearbook of International Law, vol. 53, 2010,
p. 117 et 118.
112
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996,
p. 241 et 242, par. 29.
113
Projet Gabčikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 41, par. 53.
114
Affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, p. 78, par. 193.
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cette pollution […] [C]e devoir est désormais devenu un principe du droit
international général. »
115
Ces affaires ont confirmé que l’obligation de ne pas
causer de dommages significatifs à l’atmosphère dans d’autres États, non limitée
exclusivement aux États adjacents, constituait un principe établi du droit
international coutumier.
2. Précaution
39. S’agissant de la protection de l’atmosphère contre la dégradation
atmosphérique mondiale, les conventions traitant de la matière consacrent, entre
autres obligations de fond, le principe dit de mesures de précaution. À la différence
des « mesures de prévention », adossées à la science, la précaution s’impose en
l’absence de certitude scientifique. L’impératif de précaution est donc
incontournable s’agissant de la protection de l’atmosphère. La notion de précaution
se dédouble en deux impératifs, d’une part, celui des « mesures de précaution »
(approche de précaution), d’autre part, celui dit du « principe de précaution ». Le
premier impératif conduit à adopter des mesures administratives pour donner effet
aux règles de précaution, le second consistant dans le principe juridique dont le
demandeur en cas de dommage peut se prévaloir devant le juge essentiellement pour
faire reporter sur la partie defenderesse la charge de prouver l’inexistence du
dommage
116
. S’il est quelques conventions qui consacrent le principe de
117
précaution
, les juridictions internationales n’y ont à ce jour pas vu une règle du
droit international coutumier, encore que des demandeurs l’aient invoqué plus d’une
__________________
115
Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (« Ijzeren Rijn ») entre le Royaume de Belgique et le
Royaume des Pays-Bas, décision du 24 mai 2005, Recueil des sentences arbitrales internationales
des Nations Unies, vol. XXVII, p. 66 et 67, par. 59. Il était peut-être prématuré d’affirmer que le
principe 21 n’était qu’un point de départ et qu’il n’était pas encore entré dans le droit international
coutumier à la date de l’adoption de la Déclaration de Stockholm en 1972. Toutefois, l’évolution
ultérieure de la jurisprudence de la Cour – l’affaire des Essais nucléaires II de 1995, l’affaire de la
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires de 1996, l’affaire relative au Projet
Gabčikovo-Nagymaros de 1997 et l’affaire relative à des Usines de pâte à papier de 2010 –
confirme le caractère coutumier du principe, qui est également attesté par la pratique des États et
l’opinio juris; voir Birnie, Boyle et Redgwell, International Law and the Environment, op. cit.,
p. 143; Paolo Galizzi, « Air, Atmosphere and Climate Change », in Shawkat Alam, et al. (dir.),
Routledge Handbook of International Environmental Law, Londres, Routledge, 2014, p. 333 à
347.
116
Dans le Protocole de Cartagena de 2000 sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à
la Convention sur la diversité biologique, les États ont préféré la solution dite de l’« approche de
précaution » à celle du « principe de précaution », comme il résulte du préambule (Nicolas de
Sadeleer, « The principle of prevention and precaution in international law: two heads of the same
coin? » in Malgosia Fitzmaurice, et al. (dir.), Research Handbook, op. cit., p. 191 et 192). À ce
sujet, voir Jonathan B. Wiener, « The rhetoric of precaution », in Jonathan B. Wiener et al. (dir.),
The Reality of Precaution: Comparing Risk Regulation in the United States and Europe,
Washington/DC et Londres, Earthscan, 2011, p. 3 à 35.
117
Par exemple, le Protocole de 1996 à la Convention de Londres sur l’immersion des déchets et la
Convention de Stockholm de 2001 sur les polluants organiques persistants. Sadeleer, op. cit.,
p. 186 et 187. Arie Trouwborst, Evolution and Status of the Precautionary Principle in
International Law (La Haye, Kluwer Law International, 2002), p. 15; Jonathan B. Wiener,
« Precaution », in Daniel Bodansky et al. (dir.), Oxford Handbook of International Environmental
Law, op. cit., p. 601. Voir Antonio A. Cançado Trindade, « Principle 15: precaution », in DuvicPaoli
et
Vinuales,
The
Rio
Declaration
on
Environment
and
Development,
op.
cit.,
p.
417
à
421.
16-02241
21/59
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118
fois devant elles
. On aurait donc tort de consacrer le principe de précaution dans
les présentes directives
119
. Comme on l’a vu plus haut, le droit relatif à la
dégradation de l’atmosphère est assis sur l’idée de précaution, les conventions sur la
matière consacrant expressément ou tacitement les approches ou mesures de
précaution comme éléments essentiels de l’obligation faite à l’État de réduire au
minimum le risque de dégradation atmosphérique.
40. Vu les développements qui précèdent, nous proposons le projet de directive
suivant :
Projet de directive 3 : Obligation faite aux États de protéger l’atmosphère
Les États ont l’obligation de protéger l’atmosphère de la pollution
transfrontière et de la dégradation atmosphérique mondiale.
a) Ils prendront toutes mesures dictées par la diligence requise pour
prévenir la pollution atmosphérique tel que prescrit par le droit international.
b) Ils prendront toutes mesures indiquées adéquates pour réduire au
minimum le risque de dégradation atmosphérique, tel que prescrit par les
conventions consacrées à la matière.
C. Le devoir de procéder à des études d’impact
sur l’environnement
41. S’agissant de protéger l’atmosphère en prévenant la pollution atmosphérique
et en réduisant au minimum le risque de dégradation atmosphérique, tout État est
tenu, entre autres obligations majeures, de procéder à l’étude/évaluation de l’impact
sur l’environnement de toute activité envisagée. La Cour internationale de Justice a
déclaré à l’occasion de la récente affaire de la Construction d’une route au Costa
Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), qu’« au titre de
l’obligation qui lui incombe de faire preuve de la diligence requise en vue de
prévenir les dommages transfrontières importants, un État doit vérifier s’il existe un
risque de dommage transfrontière important avant d’entreprendre une activité
pouvant avoir un impact préjudiciable sur l’environnement d’un autre État. Si tel est
__________________
118
Dans son ordonnance du 27 août 1999 portant mesures conservatoires en l’affaire du Thon à
nageoire bleue (Nouvelle -Zélande c. Japon; Australie c. Japon), le Tribunal international du droit
de la mer a indiqué que les parties devraient « agir avec prudence et précaution et veiller à ce que
des mesures de conservation efficaces soient prises dans le but d’empêcher que le stock du thon à
nageoire bleue ne subisse des dommages graves » (non souligné dans l’original), sans toutefois
viser le « principe de précaution » invoqué par les demandeurs (par. 77 de l’ordonnance, laquelle
sera annulée par la sentence rendue par le tribunal arbitral le 4 août 2000). Dans l’affaire de
l’Usine Mox (Irlande c. Royaume-Uni), le Tribunal a de nouveau visé « la prudence et la
précaution » et non le « principe de précaution » (ordonnance du 3 décembre 2001, par. 84). Il
retiendra cette solution de nouveau dans l’affaire relative aux Travaux de poldérisation par
Singapour à l’intérieur et à proximité du détroit de Johor (Malaisie c. Singapour) (ordonnance du
8 octobre 2003, par. 99). Voir Sadeleer, op. cit., p. 189 et 208.
119
En balisant le terrain de nos travaux sur le sujet en 2013, nous avions souligné cette distinction et
il a été convenu que l’on pourrait envisager « l’approche/les mesures de précaution » dans le
projet de directives, sinon le « principe de précaution ». Il convient toutefois de noter la réserve
« mais seraient aussi sans préjudice de ces questions », faite à cette occasion. Nous nous sommes
abstenus d’invoquer l’une et l’autre notions dans les présents projets de directives. La notion
d’approche ou de mesures de précaution est sous-entendue dans le projet de directive 3 a) ci-après.
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le cas, il lui faut effectuer une évaluation de l’impact sur l’environnement. »
120
La
Cour conclura que l’État en question ne s’était « pas acquitté de l’obligation qu’il
avait, en droit international général, d’effectuer une évaluation de l’impact sur
l’environnement avant d’entreprendre la construction de la route »
121
. Il convient de
noter que l’existence d’une étude/évaluation de l’impact sur l’environnement est
une donnée importante, voire décisive, pour apprécier si l’État en question fait
preuve de la diligence requise par le droit international général de
l’environnement
122
.
1. Évolution de l’étude/évaluation d’impact sur l’environnement
en droit international
42. Le principe de l’étude/évaluation d’impact sur l’environnement, qui permet de
mesurer et d’analyser l’impact sur l’environnement de tout projet, plan ou
programme
123
, a vu le jour dans la loi de 1969 portant politique environnementale
nationale des États-Unis d’Amérique (National Environmental Policy Act).
Aujourd’hui, plus de 130 États dans le monde ont repris ou transposé ce modèle
dans leur droit interne
124
. Au niveau international, l’origine en remonterait au
lendemain de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de Stockholm
de 1972. Si la Déclaration de Stockholm n’envisage pas expressément
l’étude/évaluation d’impact sur l’environnement, on peut en voir la logique en
__________________
120
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
arrêt, par. 153.
121
Ibid., par. 168.
122
Opinion individuelle du juge Hisashi Owada (en anglais uniquement), par. 18.
123
Astrid Epiney, « Environmental impact assessment », in Encyclopedia of Public International
Law, vol. III, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 580 à 592; Philippe Sands et Jacqueline
Peel, Principles of International Environmental Law, 3
e
éd., Cambridge, Cambridge University
Press, 2012, p. 601 à 623; Olufemi Elias, « Environmental impact assessment » in Malgosia
Fitzmaurice et al. (dir.), Research Handbook on International Environmental Law, op. cit., p. 227
à 242; John Glasson, Riki Therivel et Andrew Chadwick, Introduction To Environmental Impact
Assessment (Oxford, Routledge, 2013); David B. Hunter, « International environmental law:
sources, principles and innovations » in Paul G. Harris, Routledge Handbook of Global
Environmental Politics, Oxford, Routledge, 2013; Donald K. Anton, « Case concerning pulp mills
on the River Uruguay (Argentina v Uruguay) (Judgment) [2010] I.C.J. Reports (10 April 2010) »,
disponible en anglais uniquement à l’adresse : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?
abstract_id=1705810; Deng Hua, « The evolution and implementation of environmental impact
assessment in international law », Sun Yat-Sen University Law Review, vol. 13, n
o
3, 2015, p. 129
à 148 (en chinois). Voir également Nicholas A. Robinson, « International trends in environmental
assessment », Boston College Environmental Affairs Law Review, vol.19, 1992, p. 591 à 622;
Kevin R. Gray, « International environmental impact assessment-potential for a multilateral
environmental agreement », Colorado Journal of International Environmental Law and Policy,
vol. 11, 2000, p. 83 à 128; John H. Knox, « The myth and reality of transboundary environmental
impact assessment », American Journal of International Law, vol. 96, 2002, p. 291 à 319; John H.
Knox, « Assessing the candidates for a global treaty on transboundary environmental impact
assessment », New York University Environmental Law Journal, vol. 12, 2003, p. 153 à 168;
Charles M. Kersten, « Rethinking transboundary environmental impact assessment », Yale Journal
of International Law, vol. 34, 2009, p.173 à 206; Vanessa Edwards, « Review of the Court of
Justice’s case law in relation to waste and environmental impact assessment », Journal of
Environmental Law, vol. 25, 2013, p. 515 à 530; Mary Sabina Peters, « Minimize risk of carbon
sequestration through environmental impact assessment and strategic environmental assessment »,
European Energy and Environmental Law Review, vol. 24, 2015, p. 12 à 16.
124
Kersten, ibid., p.176; James Rasband et al., Natural Resources Law and Policy, 2
e
éd. (New York,
Foundation Press, 2009), p. 253.
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filigrane dans ses principes 14 et 15
125
. En outre, le principe 17 de la Déclaration de
Rio de 1992 prescrit en des termes impératifs (même si la Déclaration proprement
dite est un instrument non juridiquement contraignant) qu’: « [u]ne étude d’impact
sur l’environnement, en tant qu’instrument national, doit être entreprise dans le cas
des activités envisagées qui risquent d’avoir des effets nocifs importants sur
l’environnement et dépendent de la décision d’une autorité nationale
compétente »
126
.
43. S’étant largement imposé de nos jours dans l’ordre juridique international, le
principe de l’étude/évaluation d’impact sur l’environnement est consacré par de
nombreuses conventions internationales
127
. On la définit comme « une procédure
nationale ayant pour objet d’évaluer l’impact probable d’une activité proposée sur
l’environnement » (Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement
dans un contexte transfrontière, alinéa vi) de l’article premier)
128
. Une certaine
jurisprudence internationale est venue confirmer l’impératif d’étude/évaluation
d’impact sur l’environnement
129
. Généralement parlant, l’étude/évaluation s’analyse
en technique juridique qui permet de faire une place aux considérations d’ordre
environnemental dans la prise de décisions, de proposer un choix de mesures de
nature à permettre d’atténuer les effets nocifs pour l’environnement et présenter des
variantes de solutions moins nocives, d’aider les décideurs à évaluer tel projet
donné avant de se prononcer sur l’opportunité d’y donner suite et d’associer à la
prise de décisions toutes personnes susceptibles d’être touchées, etc.
130
. De plus, on
la juge essentielle pour appréhender d’emblée l’impact de tout projet sur
l’environnement, et pouvoir ainsi en prévenir, réduire ou maîtriser les effets
préjudiciables à l’environnement
131
. En outre, dans le contexte du principe de
développement durable, l’étude/évaluation d’impact sur l’environnement est aussi la
technique juridique qui permet de concilier essor socioéconomique et protection de
l’environnement, l’idée étant de trouver un juste équilibre aux fins du
développement durable
132
. L’évaluation de l’impact sur l’environnement en soi n’est
qu’un procédé, qui ne vient ni commander tel ou tel résultat déterminé, ni imposer
de normes écologiques de fond
133
.
__________________
125
Les principes 14 et 15 de la Déclaration de Stockholm portent ce qui suit. Principe 14 : « Une
planification rationnelle est un instrument essentiel si l’on veut concilier les impé ratifs du
développement et la nécessité de préserver et d’améliorer l’environnement. » Principe 15 : « En
planifiant les établissements humains et l’urbanisation, il faut veiller à éviter les atteintes à
l’environnement et à obtenir le maximum d’avantages sociaux, économiques et écologiques pour
tous. À cet égard, les projets conçus pour maintenir la domination du colonialisme et du racisme
doivent être abandonnés. » (A/CONF.48/14/Rev.1).
126
Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement [A/CONF.151/26/Rev.1, (vol. I)].
127
Voir infra, par. 44 à 50 .
128
Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière,
25 février 1991, Recueil des Traités des Nations Unies, vol. 1989, p. 310 (entrée en vigueur le
10 septembre 1997).
129
Voir les paragraphes 52 à 58 plus bas.
130
Epiney, « Environmental impact assessment », p.581.
131
Ibid., p. 580.
132
Gerry Bates, Environmental Law in Australia, 7
e
éd. (Chastwood, N.S.W, Lexis Nexis
Butterworths, 2010), p. 307.
133
Elias, « Environmental Impact Assessment », op. cit., p. 227.
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2. Traités
44. Il n’existe pour l’heure aucune convention générale mondiale gouvernant
l’étude/évaluation d’impact environnemental transfrontière, les États ayant préféré
traiter de la matière principalement par voie de traités régionaux ou sectoriels, si
bien que les dispositifs d’étude/évaluation d’impact sur l’environnement varient
d’une région et d’une ressource à l’autre
134
. Un grand nombre de conventions
prescrivent la réalisation d’études/évaluations d’impact sur l’environnement, le
domaine de la protection du milieu marin contribuant spécialement à l’essor de ce
procédé
135
. Les conventions ci-après consacrent diversement l’obligation de
procéder à une étude/évaluation d’impact sur l’environnement : a) Convention sur la
prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres
matières (Convention de Londres de 1972 et son Protocole de 1996) (art. 4 et 5,
annexes II et III)
136
; b) Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982,
137
art. 206)
; c) Convention régionale de Koweït pour la coopération en vue de la
protection du milieu marin contre la pollution (1978, art. 11)
138
; d) Convention
relative à la coopération en matière de protection et de mise en valeur du milieu
marin et des zones côtières de la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (1981,
art. 13)
139
; e) Convention concernant la protection de l’environnement marin et des
aires côtières du Pacifique du Sud-Est (1981, art. 8)
140
; f) Convention régionale pour
la conservation du milieu marin de la mer Rouge et du golfe d’Aden (1982,
art. 11)
141
; g) Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin
dans la région des Caraïbes (1983, art. 12)
142
; h) Convention amendée pour la
protection, la gestion et la mise en valeur du milieu marin et côtier de la région de
l’océan Indien occidental (1982/2010, art. 14)
143
; i) Convention sur la protection des
ressources naturelles et de l’environnement de la région du Pacifique Sud (1986,
art. 16)
144
; j) Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la
Méditerranée (1976/1995, art. 4)
145
et ses Protocoles relatifs à la protection de la
Méditerranée contre la pollution résultant de l’exploration et de l’exploitation du
plateau continental et des fonds marins et de leur sous -sol (1994, art. 5) et à la
gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée (2008, art. 19);
__________________
134
Sur la question de savoir pourquoi la conclusion d’un traité mondial sur l’évaluation de l’impact
environnemental demeure une lointaine perspective, voir Knox, « Assessing the candidates for a
global treaty on transboundary environmental impact assessment », op. cit., p. 153 à 168; voir
également Kersten, « Rethinking transboundary environmental impact assessment », op. cit.,
p. 178.
135
Epiney, « Environmental Impact Assessment », op. cit., p. 582.
136
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1046, p. 138.
137
Ibid., vol. 1833, p. 396.
138
Ibid., vol. 1140, p. 155.
139
Disponible, en anglais uniquement, à l’adresse : http://abidjanconvention.org/media/documents/
publications/Abidjan%20Convention%20English.pdf.
140
Disponible, en anglais uniquement, à l’adresse : http://sedac.ciesin.org/entri/texts/marine.
environment.coastal.south.east.pacific.1981.html.
141
Environmental Policy and Law, vol. 9, p. 56, disponible, en anglais uniquement, à l’adresse:
http://sedac.ciesin.org/entri/texts/red.sea.gulf.of.aden.1982.html.
142
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1506, p. 157.
143
Disponible, en anglais uniquement, à l’adresse : http://www.unep.org/NairobiConvention/docs/
Final_Act_Nairobi_Amended_Convention&Text_Amended_Nairobi_Convention.pdf.
144
Disponible, en anglais uniquement, à l’adresse : http://sedac.ciesin.org/entri/texts/natural.
resources.south.pacific.1986.html.
145
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1102, p. 27.
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k) Convention-cadre pour la protection de l’environnement de la mer Caspienne
(2003, art. 17)
146
et son Protocole relatif à la protection contre la pollution
provenant de sources et activités situées à terre (2012, art. 12; un nouveau protocole
relatif à l’étude d’impact environnemental transfrontière devant être adopté e n
2016).
45. Certaines conventions énumérées ci-après qui intéressent d’autres domaines du
droit international de l’environnement prescrivent la réalisation d’études/évaluations
d’impact sur l’environnement : a) Convention relative à la protection de
l’environnement entre le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède (1974,
art. 6)
147
; b) Accord de l’Association des nations de l’Asie du Sud -Est (ASEAN) sur
la conservation de la nature et des ressources naturelles [1985, art. 14 1)]
148
;
c) Accord entre le Canada et les États-Unis sur la qualité de l’air (1991, art. 5)
149
;
d) Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques [1992,
art. 4 1) f)]
150
; e) Convention sur la diversité biologique [1992, art. 14 1)]
151
;
f) Protocole au traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de l’environnement
(1991, art. 8)
152
; g) Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements
transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination [1989, art. 4 2) f)]
153
;
h) Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des
lacs internationaux [1992, art. 3 1) h) et 9 2) j)]
154
.
46. On retiendra que plusieurs institutions financières multilatérales subordonnent
l’octroi de prêts à tout État emprunteur à la réalisation d’études/évaluations
d’impact sur l’environnement. Les textes applicables de la Banque internationale
pour la reconstruction et le développement (Banque mondiale) organisent des
procédures d’évaluation internes lesquelles résultent de sa politique opérationnelle
4.01 portant évaluation environnementale (janvier 1999, révisée en avril 2013, en
cours de nouvelle révision), qui prescrit l’étude/évaluation de l’impact
environnemental de tous projets candidats au financement. En procédant à toute
étude/évaluation, on doit tenir compte de facteurs divers, dont le milieu naturel, la
santé et la sécurité, les aspects sociaux ainsi que les incidences écologiques
transfrontières et planétaires, et associer les populations intéressées à l’entreprise.
La Banque mondiale peut refuser de financer tout projet de nature à nuire à
l’environnement. Cette faculté vient lui permettre de s’assurer que tout projet est
écologiquement rationnel et viable et de faire des choix de financement éclairés
155
.
__________________
146
Disponible, en anglais uniquement, à l’adresse: http://www.tehranconvention.org/IMG/pdf/
Tehran_Convention_text_final_pdf.pdf.
147
Disponible, en anglais uniquement, à l’adresse : http://sedac.ciesin.org/entri/texts/
acrc/Nordic.txt.html.
148
Disponible, en anglais uniquement, à l’adresse: http://environment.asean.org/agreement-on-theconservation-of-nature-and-natural-resources/.
149
Disponible à l’adresse suivante: http://www.ijc.org/fr_/Air_Quality__Agreement.
150
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1771, p. 107.
151
Ibid., vol. 1760, p. 79.
152
International Legal Materials, vol. 30, 1991, p. 1455, et disponible à l’adresse :
http://www.polarlaw.org/1991protocol.htm.
153
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1673, p. 57.
154
Ibid., vol. 1936, p. 269.
155
Epiney, « Environmental Impact Assessment », op. cit., p. 582 et 583; voir également Philippe
Sands, Principles of International Environmental Law, 2
e
éd. (Manchester, Manchester University
Press, 2003), p. 821 et 822. Concernant les directives d’évaluation environnementale similaires
adoptées par la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement et la
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On notera que la Banque asiatique d’investissement pour l’infrastructure,
nouvellement créée, s’est également donné des prescriptions analogues
156
.
47. Principal instrument multilatéral consacré à la matière des études/évaluations
d’impact sur l’environnement, la Convention sur l’évaluation de l’impact sur
l’environnement dans un contexte transfrontière
157
contribue puissamment à
l’avènement d’un régime d’évaluation en droit international. Elle met à la charge
des Parties l’obligation de procéder à l’évaluation de l’impact environnemental de
certaines activités dès le premier stade de la planification, et consacre l’obligation
générale pour les États de s’informer les uns les autres de tout grand projet à l’étude
susceptible d’avoir un impact préjudiciable important sur l’environnement au -delà
des frontières, et d’engager des consultations à ce sujet
158
. Adoptée sous les auspices
de la Commission économique pour l’Europe (CEE), la Convention était de par sa
portée limitée à la région de la CEE (à savoir 45 Parties, y compris l’Union
européenne). Cependant, à la suite de l’entrée en vigueur de son premier
amendement, le 26 août 2014, elle est désormais ouverte à tous les États Membres
de l’Organisation des Nations Unies, qui est censée jouer un grand rôle dans la
sphère du droit international en érigeant le principe de l’étude/évaluation d’impact
sur l’environnement en outil majeur au service du développement durable
159
.
48. Aux termes de son article 2 1), la Convention se donne pour objectif général
d’amener les Parties à s’engager à prendre toutes mesures appropriées et efficace s
pour prévenir, réduire et combattre l’impact transfrontière préjudiciable important
que des activités proposées pourraient avoir sur l’environnement. Ainsi, aux termes
de son article 2 2), les Parties sont tenues d’établir une procédure d’évaluation de
l’impact sur l’environnement de certaines activités relevant de leur juridiction
susceptibles d’avoir un « impact transfrontière préjudiciable important »; en outre,
elles doivent donner notification aux États susceptibles d’être touchés des effets
transfrontières prévus de ces activités et engager des consultations avec ces États.
Aux termes de l’article premier, consacré aux définitions, l’expression « activité
proposée » désigne toute activité ou tout projet visant à modifier sensiblement une
activité, dont l’exécution doit faire l’objet d’une décision d’une autorité compétente
suivant toute procédure nationale applicable; l’expression « évaluation de l’impact
sur l’environnement » s’entend d’une procédure nationale ayant pour objet
d’évaluer l’impact probable de toute activité proposée sur l’environnement; le terme
__________________
Banque interaméricaine de développement, voir Günther Handl, Multilateral Development
Banking: Environmental Principles and Concepts Reflecting General International Law and
Public Policy (Londres, Kluwer Law International, 2001). Voir également Autorité internationale
des fonds marins, « Recommandations à l’intention des contractants en vue de l’évaluation
d’éventuels impacts sur l’environnement liés à l’exploration des minéraux marins dans la Zone »
(ISBA/19/LTC/8).
156
Voir www.aiib.org/uploadfile/2015/0907/20150907061253489.pdf (en anglais).
157
Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière,
25 février 1991, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1989, p. 310 (entrée en vigueur le
10 septembre 1997).
158
Voir http://www.unece.org/fr/env/eia/eia_f.html.
159
Communiqué de presse de la CEE, « UNECE Espoo Convention on Environmental Impact
Assessment Becomes a Global Instrument » (27 août 2014), disponible, en anglais uniquement, à
l’adresse suivante :
http://www.unece.org/info/media/presscurrent-press-h/environment/2014/unece-espoo-conventionon-environmental-impact-assessment-becomes-a-global-instrument/unece-espoo-convention-onenvironmental-impact-assessment-becomes-a-global-instrument.html.
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« impact » désigne tout effet d’une activité proposée sur l’environnement,
notamment sur la santé et la sécurité, la flore, la faune, le sol, l’air, l’eau, le climat,
le paysage et les monuments historiques ou autres constructions, ou l’interaction
entre ces facteurs; il désigne également les effets sur le patrimoine culturel ou les
conditions socioéconomiques qui résultent de modifications de ces facteurs;
l’expression « impact transfrontière » désigne tout impact, et non pas exclusivement
un impact de caractère mondial, qu’aurait dans les limites d’une zone relevant de la
juridiction d’une Partie une activité proposée dont l’origine physique se situerait en
tout ou partie dans la zone relevant de la juridiction d’une autre Partie
160
. La
Convention édicte par ailleurs des obligations d’ordre procédural plus détaillées.
Son intérêt réside dans le fait qu’elle édicte des normes relativement détaillées et
précises concernant la réalisation de toute évaluation d’impact sur
l’environnement
161
. Les États font assez souvent application de la Convention, ce
qui non seulement rend compte de l’augmentation du nombre des parties, mais
montre aussi que les États voient dans l’évaluation de l’impact environnemental
transfrontière une procédure utile pour informer et consulter les autorités et les
populations des pays voisins. Venu compléter la Convention, le Protocole relatif à
l’évaluation stratégique environnementale de 2003 (entré en vigueur en 2011) jette
les bases du développement durable en prescrivant aux Parties de faire une place
aux considérations d’ordre environnemental, y compris la santé, ainsi qu’aux
attentes des populations dans leurs plans et programmes et, dans la mesure du
possible, dans leurs politiques et législation, le plus tôt possible. Au 1
er
janvier
2016, le Protocole comptait 26 Parties, dont l’Union européenne
162
.
49. L’Union européenne a également adopté la pratique de l’étude d’impact
transfrontière sur l’environnement, ayant pris des directives qui prescrivent à tout
État membre d’évaluer l’impact de tout projet sur l’environnement des autres États
membres. Entrée en vigueur en 1985, la Directive originelle relative à l’étude
d’impact sur l’environnement (85/337/CEE) vise toute une série de proj ets publics
et privés, définis par les annexes I et II
163
. Elle sera modifiée trois fois, en 1997,
2003 et 2009. La directive 97/11/CE viendra en aligner le texte sur celui de la
Convention d’Espoo, en élargissant ainsi la portée en augmentant le nombre et l es
types de projets soumis à étude d’impact sur l’environnement (annexe I). La
directive en question est également venue instituer de nouvelles mesures de
sélection, dont de nouveaux critères de sélection (annexe III) des projets visés à
l’annexe II et des exigences d’informations minimales. La directive 2003/35/CE
viendra aligner les dispositions relatives à la participation du public sur celles de la
Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus
décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement de 1998. La directive
2009/31/CE viendra modifier les annexes I et II de la directive 85/337/CEE pour y
inclure les projets relatifs au transport, au piégeage et au stockage de dioxyde de
carbone. La Directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 venue codifier le contenu
de la Directive 85/337/CEE et de ses trois amendements sera modifiée en 2014 par
la Directive 2014/52/UE, entrée en vigueur le 15 mai 2014, qui viendra simplifier
__________________
160
Voir l’article premier de la Convention (Définitions) à l’adresse suivante :
http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/eia/documents/legaltexts/Espoo_Convention_authentic
_FRE.pdf.
161
Epiney, « Environmental Impact Assessment » op. cit., p. 584.
162
Voir https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVII -4b&chapter=27&lang=fr&clang=_fr.
163
Kersten, « Rethinking trans-boundary environmental impact assessment », op. cit., p. 180.
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les règles gouvernant l’évaluation des effets potentiels des projets sur
l’environnement
164
. Inspirée par un souci d’allègement du poids administratif de la
règlementation, cette directive vient la également renforcer la protection de
l’environnement, le but étant de permettre aux pouvoirs publics et a u secteur privé
de faire des choix d’investissement plus prudents, prévisibles et viables à long
terme. Cette nouvelle démarche permet de mieux appréhender les menaces et
problèmes apparus depuis l’entrée en vigueur de la directive originelle, voici plus d e
30 ans. On s’intéresse ainsi davantage désormais à certains domaines, tels que
l’efficacité environnementale, les changements climatiques et la prévention des
catastrophes à
l’occasion de
toutes études/évaluations d’impact sur
165
l’environnements
. En regard d’un grand nombre d’instruments internationaux, la
directive relative à l’étude d’impact sur l’environnement comporte des dispositions
assez détaillées, explicitées également dans toute une jurisprudence de la Cour de
justice européenne
166
, laquelle a ainsi contribué de manière décisive à l’efficacité de
la directive dont le libellé ménage néanmoins une grande marge de manœuvre aux
États membres
167
.
50. Le Protocole au traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de
l’environnement de 1991 envisage un procédé d’étude d’impact sur l’environnement
plus graduel, en ce qu’il porte en son article 8 1) que les activités envisagées
doivent être soumises aux procédures prévues à l’annexe I du Protocole, le but étant
d’étudier au préalable les impacts de ces activités sur l’environnement de
l’Antarctique. Il pourra être procédé à toute activité envisagée qui aurait « un
__________________
164
Voir http://ec.europa.eu/environment/eia/eia-legalcontext.htm.
165
Les principales modifications apportées à la directive 2014/52/UE relative à l’étud e d’impact sur
l’environnement sont les suivantes : 1) les États membres ont désormais pour mandat de simplifier
leurs différentes procédures d’étude d’impact sur l’environnement; 2) il est imparti un délai aux
fins de chacune des différentes étapes de l’étude : les décisions de sélection doivent intervenir
dans un délai de 90 jours (délai certes susceptible de prorogation), les consultations publiques
devant durer au moins 30 jours. Les États membres doivent également veiller à voir prendre toutes
décisions finales dans un « délai raisonnable »; 3) on a simplifié la procédure de sélection, qui est
l’occasion d’apprécier s’il y a lieu l’étude d’impact. Les décisions doivent être dûment motivées
par référence aux nouveaux critères de sélection; 4) les rapports d’étude d’impact doivent être
intelligibles pour le public, s’agissant spécialement d’évaluations de l’état actuel de
l’environnement et de solutions de remplacement à l’activité envisagée; 5) la qualité et le contenu
des rapports doivent être améliorés. Les autorités compétentes devront également prouver leur
objectivité pour ainsi éviter tout conflit d’intérêts; 6) les motifs du consentement à l’exécution de
tout projet doivent être clairs et plus transparents aux yeux du public. Les États membres peuve nt
également fixer le délai de validité de toute conclusion ou opinion motivée résultant de l’étude;
7) les promoteurs de tout projet qui aurait des effets nocifs significatifs sur l’environnement
devront faire le nécessaire pour éviter, prévenir ou réduire ces effets. Ils devront assurer le suivi
de tout projet de cette nature en empruntant les procédures instituées à cet effet par les États
membres. On pourra faire appel aux accords de suivi en vigueur pour éviter tout double emploi et
frais inutiles. Pour plus de précisions, voir http://ec.europa.eu/environment/eia/review.htm.
166
Par exemple: affaire C-301/95 Commission des Communautés européennes c. République fédérale
d’Allemagne (1998) ECR I-6135; affaire C-392/96 Commission des Communautés européennes c.
Irlande (1999) ECR I-5901; affaire C-87/02 Commission c. Italie (2004) ECR I-5975; affaire C508/03
Commission
des
Communautés
européennes
c.
Royaume-Uni
de
Grande-Bretagne
et
d’Irlande
du
Nord
(2006)
ECR
I-3969;
affaire
C-290/03
Barker
c.
London
Borough
of
Bromley
(2006)
ECR
I-3949;
affaire
C-435/97
World
Wildlife
Fund
(WWF)
c.
Autonome
Provinz
Bozen
(1999)
ECR
I-5613;
affaire
C-287/98
État
du
Grand-duché
de
Luxembourg
c.
Berthe
Linster
(2000)
ECR
I-6917.
167
Epiney, « Environmental impact assessment », op. cit., p. 586.
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impact moindre que mineur ou transitoire ». Dans le cas contraire, il sera procédé à
une évaluation environnementale initiale. Si cette évaluation fait apparaître un
« impact mineur ou transitoire », on pourra mener cette activité en suivant les
procédures appropriées de suivi, d’évaluation et de vérification de son impact. En
présence de toute activité qui aurait « un impact supérieur à un impact mineur ou
transitoire », on fera tenir une étude approfondie à toutes les parties, qui sera mise à
la disposition du public et soumise à la Réunion consultative. Expression plus
aboutie de la mise en œuvre du principe de l’étude d’impact sur l’environnement, ce
dispositif a plus de chances d’emporter l’adhésion des uns et des autres dans des
contextes bien déterminés comme l’Antarctique
168
.
3 Instruments non juridiquement contraignants
51. Au nombre des instruments non juridiquement contraignants traitant de la
matière des études d’impact sur l’environnement, on retiendra : a) le projet de
principes de conduite dans le domaine de l’environnement pour l’orientation des
États en matière de conservation et d’utilisation harmonieuse des ressources
naturelles partagées par deux ou plusieurs États (principe 5)
169
du Programme des
Nations Unies pour l’environnement (PNUE), approuvé par l’Assemblée générale
dans sa résolution 34/186; b) les conclusions de l’étude sur les aspects juridiques
intéressant l’environnement relatifs à l’exploration minière et au forage en mer dans
les limites de la juridiction nationale (UNEP/GC.9/5/Add.5, annexe III)
170
du
PNUE, approuvées par l’Assemblée générale dans sa résolution 37/217; c) la Ch arte
mondiale de la nature (alinéas b) et c) du paragraphe 11)
171
approuvée par
l’Assemblée générale dans sa résolution 37/7 (1982); d) les buts et principes de
l’évaluation de l’impact sur l’environnement de 1987 (UNEP/GC.14/17, annexe III)
du PNUE, approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 42/184
172
; e) la
Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement issue de la Conférence
des Nations Unies sur l’environnement et le développement (principe 7) de 1992
173
;
f) le projet d’articles de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières
résultant d’activités dangereuses de 2001
174
. On notera que selon le projet d’article 7 :
« Toute décision relative à l’autorisation d’une activité entrant dans le champ
d’application des présents articles, repose, en particulier, sur une évaluation du
dommage transfrontière possible du fait de cette activité, dont une évaluation de
l’impact sur l’environnement. » D’après le commentaire dudit projet d’article, les
États d’origine ne sont pas tenus d’exiger qu’il soit procédé à une estimation des
risques de toute activité entreprise sur leur territoire, dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle. Le projet d’article 7 cadre pleinement avec le
principe 17 de la Déclaration de Rio, qui prévoit également qu’une étude d’impact
sur l’environnement doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui
risquent d’avoir des effets nocifs importants sur l’environnement. L’État d’origine
doit ainsi veiller à faire évaluer le risque de voir l’activité envisagée causer des
dommages transfrontières importants pour pouvoir ainsi apprécier l’étendue et la
__________________
168
Elias, « Environmental impact assessment », op. cit., p. 234.
169
UNEP/GC.6/17.
170
UNEP/GC.9/5/Add.5, annexe III.
171
Documents officiels de l’Assemblée générale, trente -septième session, supplément n° 51
(A/37/51), p. 17, A/Res/37/7(1982).
172
UNEP/GC.14/17, annexe III, approuvée dans A/RES/42/184.
173
Voir par. 14, note de bas de page 42.
174
Voir Annuaire ... 2001, vol. II (deuxième partie), par. 97.
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nature des risques envisageables et, par suite, le type de mesures préventives à
prendre. Même si le projet d’article 7 n’en précise pas le contenu, l’évaluation des
risques doit comporter l’étude de l’impact possible des dommages transfrontières de
l’activité considérée et renseigner sur leurs effets non seulement sur les personnes et
les biens, mais également sur l’environnement des autres États
175
.
4. Jurisprudence
52. C’est sans doute ici le lieu d’évoquer brièvement le sort réservé à l’obligation
de réaliser une étude d’impact sur l’environnement dans la jurisprudence
internationale. Dans la deuxième affaire des Essais nucléaires portée devant la Cour
internationale de Justice en 1995
176
, la Nouvelle-Zélande a tenté d’empêcher la
France de procéder de nouveau à des essais nucléaires souterrains dans le Pacifique
motif pris notamment de ce que cette dernière n’avait pas réalisé d’étude d’impact
sur l’environnement, prescrite par la Convention sur la protection des ressources
naturelles et de l’environnement de la région du Pacifique Sud de 1986
177
et le droit
international coutumier
178
. On retiendra aussi que, sans nier l’existence de ces
obligations dérivant de la Convention susmentionnée et du droit international
coutumier, la France fera valoir que l’État qui réalise une étude d’impact sur
l’environnement doit bénéficier d’une certaine marge de manœuvre. Si dans sa
majorité la Cour n’a pas examiné ces arguments pour défaut de compétence, le juge,
M. Weeramantry, a exprimé l’avis que le principe de l’étude d’impact transfrontière
sur l’environnement avait atteint le niveau de reconnaissance qui justifiait que la
Cour en « tînt compte »
179
, le juge ad hoc, M. Geoffrey Palmer, ayant, quant à lui,
estimé que le droit international coutumier pourrait prescrire la réalisation d’une
telle étude s’agissant d’activités qui peuvent avoir de graves conséquences sur
l’environnement
180
.
53. À l’occasion de l’affaire relative au projet Gabčikovo-Nagymaros de 1997, la
Hongrie invoquera le concept d’étude d’impact sur l’environnement pour la première
fois en affirmant qu’il faudrait procéder à une « évaluation conjointe de l’impact sur
l’environnement ainsi que de l’avenir des ouvrages de la variante C dans le cadre du
développement durable de la région »
181
. Dans son arrêt, la Cour internationale de
Justice semble admettre qu’il existe une obligation de procéder à une étude d’impact
sur l’environnement avant de réaliser tout projet susceptible d’avoir des effets néfastes
sur l’environnement d’un autre État, notamment en interprétant le traité en question
sous un nouveau jour
182
et en déclarant qu’: « [i]l est clair que les incidences du
projet sur l’environnement et ses implications pour celui-ci seront nécessairement
__________________
175
Ibid., par. 98.
176
Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rend u par la Cour le
20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires, C.I.J. Recueil 1995, p. 288f.
177
Convention sur la protection des ressources naturelles et de l’environnement de la région du
Pacifique Sud, 24 novembre 1986 (entrée en vigueur le 22 août 1990, voir supra par. 44 ),
disponible en anglais sur le lien suivant :
http://sedac.ciesin.org/entri/texts/natural.resources.south.pacific.1986.html.
178
Plaidoirie de la Nouvelle-Zélande, 1995 : CR/95/20, par. 10 à 25.
179
Opinion dissidente de M. Weeramantry, Demande d’un examen de la situation conformément au
paragraphe 63 du jugement de la Cour du 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires,
C.I.J., Recueil 1995, p. 344.
180
Ibid., p. 412 ; voir Elias, « Environmental impact assessment », op. cit., p. 234.
181
Projet Gabcikovo -Nagymaros, arrêt, p. 73, par. 125.
182
Epiney, « Environmental impact assessment », op. cit., p. 588.
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une question clef. Les nombreux rapports scientifiques présentés à la Cour par les
Parties [...] fournissent amplement la preuve que ces incidences et ces implications
sont considérables. Aux fins de l’évaluation des risques écologiques, ce sont les
normes actuelles qui doivent être prises en considération. Non seulement le libellé
des articles 15 et 19 du Traité relatif à la construction et au fonctionnement du
système de barrage de Gabtikovo-Nagymaros, signé à Budapest le 16 septembre
1977, le permet, mais il le prescrit même dans la mesure où ces articles mettent à la
charge des parties une obligation continue, et donc nécessairement évolutive, de
maintenir la qualité de l’eau du Danube et de protéger la nature. La Cour ne perd
pas de vue que, dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et
la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages
causés à l’environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de
réparation de ce type de dommages. »
183
La Cour soulignera que les États devaient
prendre en considération les nouvelles normes environnementales « non seulement
lorsqu’[ils] envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu’ils poursuivent des
activités qu’ils ont engagées dans le passé »
184
, notant l’étroite relation qui existe
entre l’étude d’impact préalable et le suivi postérieur de l’application des traités en
vue de tenir compte des effets de ces activités sur l’environnement
185
.
54. La sentence rendue à l’issue de l’arbitrage relatif à la ligne Rhin de fer en
2005 vient accréditer la thèse de l’existence d’une obligation générale de réaliser
une étude d’impact sur l’environnement en droit international. Le tribunal a déclaré
que le droit international et le droit communautaire prescrivaient « l’intégration de
mesures de protection de l’environnement appropriées dans la conception et la mise
en œuvre des activités de développement économique » et que les « principes
émergents intègrent désormais la protection de l’environnement au processus de
développement », souscrivant ainsi à l’avis exprimé par la Cour internationale de
Justice dans l’affaire relative au projet Gabčikovo-Nagymaros
186
.
55. Dans l’arrêt rendu en 2010 en l’affaire relative à des Usines de pâte à papier,
la Cour internationale de Justice a relevé que la pratique de l’étude d’impact sur
l’environnement était « acceptée si largement par les États ces dernières années, que
l’on peut désormais considérer qu’il existe, en droit international général, une
obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement lorsque
l’activité industrielle projetée risque d’avoir un impact préjudiciable important dans
un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée » (les italiques
sont de l’auteur)
187
. Même si le statut du fleuve Uruguay de 1975 entre l’Argentine
et l’Uruguay ne prescrit pas l’établissement d’étude d’impact sur l’environnement,
l’Uruguay en a réalisé une. Les deux parties sont convenues que le droit
international prescrit une telle étude mais l’Argentine a fait valoir que le champ
d’application de l’étude uruguayenne ne satisfaisait pas les normes internationales,
__________________
183
Projet Gabcikovo -Nagymaros, arrêt, p. 77 et 78, par. 140.
184
Ibid., M. Weeramantry évoque dans son opinion le « principe de l’évaluation continue de l’impact
sur l’environnement », déclarant que la consécration de considérations d’ordre écologique dans le
traité signifiait que le principe de l’étude d’impact sur l’environnement était aussi c onsacré par le
traité. Ibid., p. 111 et 112.
185
Elias, « Environmental impact assessment », op. cit., p. 235.
186
Recueil des sentences arbitrales internationales des Nations Unies, vol. XXVII, par. 59.
187
Dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier, la Cour a déclaré qu’« une évaluation de
l’impact sur l’environnement doit être réalisée avant la mise en œuvre du projet. » Usines de pâte
à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt, p. 83, par. 204.
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notamment en ce qui concerne l’évaluation des différents choix d’emplacement et la
consultation publique. La Cour a estimé que l’étude était adéquate sous ce double
rapport
188
. De l’affaire relative à des Usines de pâte à papier on retiendra, entre
autres solutions, ceci que de l’avis de la Cour le droit international génér al prescrit
de réaliser une étude d’impact sur l’environnement lorsque telle activité industrielle
projetée risquerait d’avoir un impact préjudiciable significatif sur tout autre État ou
sur toute ressource naturelle partagée. Il faudrait voir dans les observations de la
Cour l’expression de la pratique normale à suivre pour définir certaines des
questions que l’État doit prendre en considération en s’acquittant de l’obligation à
lui faite de procéder à l’étude prescrite sous l’empire de sa législation ou d e ses
procédures internes d’autorisation de projets. Par exemple, de l’opinion de la Cour
qu’il faudrait réaliser une étude d’impact sur l’environnement « avant la mise en
œuvre du projet »
189
on serait fondé à déduire qu’une telle étude pourrait influencer
le choix et le plan d’ensemble du projet
190
. En déclarant que l’étude d’impact sur
l’environnement doit être suivie, le cas échéant, de la surveillance continue des
effets du projet sur l’environnement pendant toute sa durée de vie, la Cour rend
compte d’une pratique optimale, étant en outre logiquement conduite à cette
constatation par ceci qu’elle a reconnu l’existence de « l’obligation de diligence, et
du devoir de vigilance et de prévention que cette obligation implique »
191
. Ainsi,
même si à l’occasion de l’affaire relative au projet Gabčikovo-Nagymaros, elle n’est
pas allée jusqu’à reconnaître le statut non conventionnel de l’obligation de réaliser
une étude d’impact sur l’environnement, la Cour semblerait l’avoir bel et bien
consacré dans celle des Usines de pâte à papier. On peut conclure que l’on voit
désormais dans l’étude d’impact sur l’environnement un outil essentiel qui permet
de faire une place aux impératifs d’ordre environnemental dans le processus
d’élaboration des projets, et, par suite que le droit international positif érige
désormais en obligation générale la réalisation de l’étude d’impact sur
l’environnement
192
.
56. À l’occasion de son avis consultatif de 2011 concernant les responsabilités et
obligations des États qui patronnent des personnes et entités dans le cadre
d’activités menées dans la Zone
193
la Chambre pour le règlement des différends
relatifs aux fonds marins a évoqué la question de l’étude d’impact sur
l’environnement en se référant à l’arrêt rendu en l’affaire relative à des Usines de
pâte à papier. Répondant à la question posée par le Conseil de l’Autorité
internationale des fonds marins, de savoir « quelles sont les […] obligations
juridiques des États parties à la Convention (des Nations Unies sur le droit de la
mer) qui patronnent des activités menées dans la Zone [...]? », la Chambre a visé
spécialement l’étude d’impact sur l’environnement comme étant l’une des
__________________
188
Ibid., p. 85, 87, par. 210, 211, 219.
189
Ibid., p. 83, par. 205.
190
Voir l’opinion dissidente du juge ad hoc, M. Vinuesa (par. 65): « toutes les consultations [...] se
sont tenues après la délivrance des autorisations environnementales et sont donc toutes
dépourvues d’effectivité. »
191
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, p. 82 et 83, par. 204. Voir aussi Cymie R. Payne,
« Pulp Mills on the River Uruguay », AJIL, vol. 105 (2011), p. 99 et 100.
192
Elias, « Environmental impact assessment », op. cit., p. 236.
193
Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du Tribunal international du
droit de la mer, Responsabilités et Obligations des États qui patronnent des personnes et entités
dans le cadre d’activités menées dans la zone, avis consultatif, Tribunal international du droit de
la mer, affaire n
o
17, par. 141f.
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obligations directes incombant aux États qui patronnent
194
. Comme elle le fera
observer, l’article 206 de la Convention et les textes connexes, dont le paragraphe 6
de l’article 31 du Règlement relatif à la prospection et à l’exploration des nodules
polymétalliques dans la Zone et le paragraphe 6 de l’article 33 du Règlement relatif
à la prospection et à l’exploration des sulfures polymétalliques dans la Zone adoptés
par l’Autorité internationale des fonds marins, mettent à la charge des États qui
patronnent l’obligation de réaliser une étude d’impact sur l’environnement
195
.
Toutefois, allant plus loin, la Chambre dira qu’« [il] convient toutefois de souligner
que l’obligation de procéder à une évaluation de l’impact potentiel sur
l’environnement constitue également une obligation directe en vertu de la
Convention et une obligation générale en vertu du droit international coutumier. »
(non souligné dans le texte original)
196
. Déduisant cette constatation de l’arrêt
Usines de pâte à papier
197
, la Chambre élargira la portée de l’obligation aux
activités menées dans la Zone. Selon elle : « Bien que portant sur la situation
spécifique examinée par la Cour [dans l’affaire relative à des Usines de pâte à
papier], le langage utilisé [par la Cour internationale de Justice] semble
suffisamment général pour s’appliquer aux activités menées dans la Zone, même si
celles-ci ne rentrent pas dans le champ d’application des Règlements. Le
raisonnement de la Cour [dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier]
dans un cadre transfrontière peut aussi s’appliquer aux activités ayant un impact
sur l’environnement menées dans une zone au -delà des limites de la juridiction
nationale et les références de la Cour aux « ressources partagées » peuvent aussi
s’appliquer aux ressources qui sont le patrimoine commun de l’humanité. » (non
souligné dans le texte original)
198
. Au vu de l’avis consultatif, on peut conclure que
l’obligation de procéder à une étude d’impact sur l’environnement édictée par le
droit international général joue également s’agissant d’activités menées dans toute
zone située au-delà des limites de la juridiction nationale.
57. La sentence arbitrale partielle rendue en 2013 en l’affaire des Eaux de l’Indus
– barrage de Kishenganga (Pakistan c. Inde) est venue confirmer l’obligation faite
à l’État par le droit international coutumier de procéder à une étude d’impact sur
l’environnement au vu des arrêts rendus par la Cour internationale de Justice dans
les affaires relatives au projet Gabčikovo-Nagymaros, à des Usines de pâte à papier
et à la ligne du Rhin de fer
199
.
58. Dans l’affaire récente relative à Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière – Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve
San Juan, la Cour internationale de Justice a réitéré le constat qu’elle avait fait à
l’occasion de l’affaire relative à des Usines de pâte à papier que l’« on peut
désormais considérer qu’il existe, en droit international général, une obligation de
procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement »
200
. Dans cette espèce-ci,
__________________
194
Ibid., p. 42, par. 122.
195
Ibid., p. 48, par. 142 et p. 50, par. 146.
196
Ibid., p. 49, par. 145.
197
Ibid., p. 50, par. 147.
198
Ibid., p. 50, par. 148.
199
PCA, Arbitrage des Eaux de l’Indus – barrage de Kishenganga, sentence partielle du 18 février
2013, par. 450, 451 et 452. Cette obligation sera confirmée par la sentence finale du 20 décembre
2013, par. 112.
200
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière, arrêt, C.I.J., Recueil 2015 ,
par. 104.
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la Cour a explicité le contenu de l’obligation dégagée dans l’affaire des Usines de
pâte à papier de trois manières différentes. Premièrement, même si elle a visé des
activités industrielles entreprises par des sociétés privées dans cette dernière affaire,
la Cour a conclu en l’espèce que l’obligation de réaliser une étude d’impact de
l’environnement « vaut, de manière générale, pour toute activité projetée susceptible
d’avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière »
201
, et joue
donc s’agissant également de projets menés par l’État lui -même. Deuxièmement, si
elle a déclaré à l’occasion de l’affaire dite des Usines de pâte à papier, que
l’obligation de procéder à une étude d’impact sur l’environnement était continue, la
Cour mettra l’accent dans la présente espèce (Certaines activités) sur l’obligation de
réaliser cette étude avant d’entreprendre toute activité, déclarant que « cette
obligation requiert toutefois que le risque de dommage transfrontière important soit
évalué ex ante »
202
. Troisièmement, la Cour fera observer que « le renvoi au droit
interne ainsi opéré ne concerne pas la question de savoir s’il y a lieu ou non de
procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement »
203
.
5. Droit international coutumier
59. On s’est autorisé de la pratique internationale susévoquée pour largement
soutenir que le droit international coutumier prescrit de réaliser une étude d’impact
sur l’environnement en présence de toutes activités ou de tous projets susceptibles
de causer des dommages transfrontières significatifs sur l’environnement. Depuis le
début des années 80, toute une série d’instruments internationaux sont venus
prescrire la réalisation d’études d’impact sur l’environnement en présence
d’activités grosses de risques de dommages. En outre, plus de 130 pays se sont
donnés des textes internes prescrivant la conduite d’études d’i mpact sur
l’environnement. Il existe donc une pratique des États assez uniforme et constante
en la matière. Les États reconnaissent également le caractère juridiquement
contraignant de cette obligation, du moins en ce qui concerne les projets
susceptibles de causer des dommages transfrontières. On peut donc dire à tout le
moins que le principe de l’étude d’impact sur l’environnement préalable à
l’exécution de tous projets de nature à causer d’importants dommages
transfrontières a valeur de règle du droit international coutumier. Autrement dit,
l’État a pour obligation de procéder à une étude d’impact sur l’environnement dès
lors que sont remplies les trois conditions suivantes : à savoir, premièrement, que le
projet soit susceptible d’avoir un impact sur l’environnement, deuxièmement, qu’il
puisse causer des dommages transfrontières et, troisièmement, que son impact soit
important. Par ailleurs, d’après la pratique internationale, il est des indications
d’ordre procédural à observer en matière d’étude d’impact sur l’environnement :
premièrement, il faut procéder à l’étude avant de se prononcer sur l’opportunité du
projet envisagé; deuxièmement, il faut appréhender et évaluer l’impact du projet en
tous ses aspects environnements; troisièmement, il faut pourvoir à la participation
du public sous une forme ou une autre; quatrièmement, dans la pratique, c’est
d’ordinaire aux pouvoirs publics de conduire l’étude; cinquièmement, l’autorité
__________________
201
Ibid.
202
Ibid., par. 161. Il faut toutefois garder à l’esprit que même dans l’affaire des Usines de pâte à
papier sur le fleuve Uruguay, la Cour avait déclaré qu’il fallait procéder à une « évaluation de
l’impact sur l’environnement avant la mise en œuvre du projet ». Usines de pâte à papier sur le
fleuve Uruguay, p. 83, par. 205.
203
Ibid., par. 157.
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compétente doit prendre en considération les résultats de l’étude en se pronon çant
sur l’exécution du projet
204
. Certaines des conditions ou indications précitées
demeurent mal définies dans de nombreux instruments internationaux, même si
certains instruments supranationaux, comme la directive 85/337/CEE
205
de l’UE,
proposent des éléments de procédure plus précis. Encore peut-on difficilement dire
que ces éléments sont l’expression d’une pratique continue établie. D’où
l’impossibilité de se prononcer plus précisément à ce stade sur la manière de
procéder à l’étude d’impact sur l’environnement prescrite par le droit international
coutumier.
60. Si les développements qui précèdent intéressent principalement l’obligation de
réaliser des études d’impact sur l’environnement dans les contextes transfrontières,
il reste à savoir, essentiellement à défaut de précédents en la matière, s’il en est de
même des études d’impact sur l’environnement réalisées en présence de projets de
nature à avoir un impact significatif sur l’atmosphère mondiale, comme les activités
de géo-ingénierie. Cependant, selon nous, ces activités sont susceptibles de
comporter un risque plus élevé de dommages encore plus « étendus, durables et
graves » que ces dommages transfrontières et donc, a fortiori, les mêmes règles
devraient s’appliquer à ces activités de nature à causer une dégradation de
l’atmosphère à l’échelle mondiale.
61. Vu les développements qui précèdent, nous proposons le projet de directive
suivant :
Projet de directive 4 : Étude d’impact sur l’environnement
Les États ont l’obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour faire
procéder à toutes études d’impact sur l’environnement indiquées, le but étant
de prévenir, d’atténuer et de maîtriser les causes et effets de la pollution
atmosphérique et de la dégradation atmosphérique engendrées par toutes
activités envisagées, ces études devant être menées en toute transparence et
pourvoir à une large participation de la population.
III. Obligations d’utilisation durable et équitable
de l’atmosphère
A. Utilisation durable de l’atmosphère
1. La notion de durabilité en droit international
62. On a longtemps considéré que l’atmosphère était inépuisable et non exclusive,
chacun pouvant, pensait-on, en profiter sans en priver les autres
206
. Cette opinion a
207
vécu
. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’atmosphère est une ressource épuisable aux
__________________
204
Epiney, « Environmental impact assessment », op. cit., p. 588 à 590.
205
Voir par. 42 supra.
206
Ainsi qu’il ressort du rapport A/CN.4/667, par. 84 (notes 235 et 236), ce débat n’es pas sans
rappeler la célèbre controverse, qui avait opposé aux XVI
e
e
et XVII
siècles Hugo Grotius, dans
son ouvrage Mare Liberum, et John Selden, dans son ouvrage Mare Clausum, autour de la
question de savoir si les ressources des mers et océans étaient limitées ou illimitées.
207
Voir le commentaire à l’alinéa 2) du préambule, Documents officiels de l’Assemblée générale,
soixante-dixième session, Supplément no 10 (A/70/10), p. 25. Dans l’affaire Gasoline de 1996, le
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capacités d’assimilation limitées. Même si l’on peut exploiter l’atmosphère au sens
classique du terme (comme on exploiterait des minéraux, le pétrole et le gaz), en
réalité, tout pollueur exploite l’atmosphère en en réduisant la qualité et l’aptitude à
absorber des polluants, d’où la nécessité d’en assurer la conservation pour permettre
aux organismes de respirer et de jouir de conditions climatiques stables.
L’atmosphère étant une ressource naturelle limitée, il faut pourvoir à s on utilisation
durable. Le droit international ne définissant pas toujours clairement le caractère
normatif du développement durable, c’est là chose plus facile à dire qu’à faire.
Largement accepté en théorie, semble-t-il, la notion de développement durable n’en
suscite pas moins quelque divergence de vues quant à son application dans les
faits
208
.
63. Les grandes lignes de l’évolution de la notion de développement durable étant
bien esquissées, notamment par Nico Schrijver dans ses travaux sur la matière
209
,
nous n’y reviendrons pas ici. On retiendra toutefois que c’est à l’occasion de
l’arbitrage de 1893 concernant les phoques à fourrure de la mer de Béring que l’on
évoque pour la première fois la notion de développement durable au sens où on
l’entend aujourd’hui
210
. La notion de durabilité a vu le jour en droit international au
cours des années 50, dans des accords de pêcheries hauturières, sous le concept de
« rendement constant maximum »
211
, calculé, en principe, sur la base de preuves
scientifiques déterminant le seuil d’existence durable de telle ou telle espèce, le but
étant que le volume total de capture autorisé de l’espèce en question ne dépasse pas
ce seuil. La notion de durabilité était ainsi, en principe, adossée à des données
scientifiques. Aux termes de la Convention de 1958 sur la pêche et la conservation
des ressources biologiques de la haute mer de 1958 en son article 2, l’expression
__________________
Groupe spécial et l’Organe d’appel de l’OMC ont déclaré que l’air pur était une « ressource
naturelle » qui pouvait être « épuisée ». États-Unis − Normes concernant l’essence nouvelle et
ancienne formules (1996), Rapport de l’Organe d’appel (WT/DS 2/AB/R (1996).
208
Duncan French, Sustainable development, dans Research Handbook of International
Environmental Law, Malgosia Fitzmaurice, et al., eds., op. cit., p. 51 à 68; Daniel Barstow
Magraw et Lisa D Hawke, et al., Sustainable development, dans Oxford Handbook of
International Environmental Law, Daniel Bodansky et David Freestone, eds., (Oxford: Oxford
University Press, 2007), p. 613 à 638. Voir également Winfried Lang, éd., Sustainable
Development and International Law, Londres : Graham & Trotman (1995), p. 3 à 290; Konrad
Ginther, et al., eds., Sustainable Development and Good Governance, (Dordrecht : Martinus
Nijhoff, 1995), p. 1-22; Alan Boyle, et al., eds., International Law and Sustainable Development,
op. cit., p. 1 à 364.
209
Voir Nico Schrijver, The Evolution of Sustainable Development in International Law: inception,
Meaning and Status, Recueil des cours, vol. 329 (2007), p. 217 à 412. Voir aussi, Dire Tladi,
Sustainable Development in International Law: An Analysis of Key Enviro -Economic Instruments,
(Pretoria : Pretoria University Law Press, 2007), p. 11 à 38.
210
Le tribunal d’arbitrage a adopté le « règlement » pour la conservation durable des phoques à
fourrure. Moore ‘s International Arbitral Awards, vol. 1, p. 755. Voir « Unilateral measures and
the concept of opposability in international law », dans International Law: An Integrative
Perspective on Transboundary Issues, Shinya Murase, (Tokyo: Sophia University Press, 2011),
p. 227 et 228.
211
Al. a) du paragraphe 10 de l’annexe à la Convention internationale pour la réglementation de la
chasse à la baleine de 1946; al. b) et i) du paragraphe 1 de l’article IV de la Convent ion
internationale de 195 2 concernant les pêcheries hauturières de l’Océan Pacifique Nord (Nations
Unies, Recueil des Traités, vol. 205, p. 2770); al. a) du paragraphe 1) de l’article 2 de la
Convention intérimaire entre les États-Unis d’Amérique, le Canada, le Japon et l’Union des
Républiques socialistes soviétiques sur la conservation des phoques à fourrure du Pacifique Nord
(ibid., vol. 314, p. 4546).
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« conservation des ressources biologiques de la haute mer » s’entend de
« l’ensemble des mesures rendant possible le rendement optimum constant de ces
ressources, de façon à porter au maximum les disponibilités en produits marins,
alimentaires et autres »
212
(non souligné dans le texte original). Le droit des
pêcheries viendra par la suite recadrer la norme du rendement constant maximum
pour limiter le volume total de capture autorisé. Ainsi, la Convention sur le droit de
la mer dispose en son article 61, paragraphe 3, que les mesures de conservation
« visent aussi à maintenir ou rétablir les stocks des espèces exploitées à des niveaux
qui assurent le rendement constant maximum, eu égard aux facteurs écologiques et
économiques pertinents, y compris les besoins économiques des collectivités
côtières vivant de la pêche et les besoins particuliers des États en
développement »
213
(non souligné dans le texte original). Cette formulation
s’expliquerait par ceci que la communauté internationale craignait que la norme de
rendement constant maximum ne puisse, à elle seule, garantir que les limites
adéquates fixées pour prévenir la surpêche ne soient pas dépassées
214
. On peut donc
dire que la notion de durabilité, au moins pour ce qui concerne la pêche hauturière,
obéit à des données d’ordre scientifique, mais aussi à des choix de principe d’ordre
politique (non scientifiques).
2. Traités et autres instruments
64. Premier instrument international à parler de « développement durable », la
Stratégie mondiale de la conservation de 1980, élaborée par l’Union internationale
pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, en définit la n otion
comme étant « [l’intégration] de la conservation au développement pour que les
modifications apportées à la planète garantissent véritablement la survie et la
prospérité de l’humanité »
215
. Le rapport de la Commission mondiale pour
l’environnement et le développement (Commission Brundtland), intitulé « Notre
avenir à tous », viendra donner à l’expression ses titres de noblesse internationale
216
,
ces deux textes étant ainsi à l’origine d’un véritable « changement de paradigme »
en droit international de l’environnement
217
. À la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement, de Rio de Janeiro, de 1992, les
gouvernements érigeront officiellement pour la première fois le développement
__________________
212
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 559, p. 285. Faite à Genève le 29 avril 1958, entrée en
vigueur le 20 mars 1966.
213
On trouve des dispositions similaires au paragraphe 1, lettre c) de l’article 119 de la Convention
sur le droit de la mer, au paragraphe b) de l’article 5 de l’Accord aux fins de l’application des
dispositions de la Convention de 1995 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de
poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au -delà de zones économiques
exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs, à l’article 7.2.1 du
Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable de 1995, et à l’alinéa b) du paragraphe
17.46 du chapitre 17 de l’Action 21 de la CNUCED relatif à l’utilisation durable et à la
conservation des ressources biologiques marines de haute mer.
214
J. F. Caddy et K. L. Cochrane, « A review of fisheries management past and present and some
future perspectives for the third millennium », Ocean and Coastal Management, vol. 44 (2001),
p. 653 à 682; Chusei Yamada et al., « Regarding the southern bluefin tuna case », Jurist, n
o
1197
(2001), p. 66 (en japonais).
215
UICN, Stratégie mondiale de la conservation, Gland : UICN, 1980.
216
Commission mondiale pour l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, Oxford:
Oxford University Press (1987), p. 43 à 46.
217
Tladi, Sustainable Development in International Law, op. cit., p. 34 à 38
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durable en politique mondiale, que viendront consacrer la Déclaration de Rio
218
et
219
l’Action21
. Les deux conventions majeures adoptées à Rio, à savoir la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
220
et la
Convention sur la diversité biologique (Convention sur la biodiversité)
221
envisagent
le développement durable. La Convention sur les changements climatiques pose en
« principe » en son article 3 que « [l]es Parties ont le droit d’œuvrer pour un
développement durable et doivent s’y employer », la Convention sur la diversité
biologique portant en son article premier que « [l]es objectifs de la présente
convention [...] sont la conservation de la diversité biologique [et] l’utilisation
durable de ses éléments ». La Déclaration de principes, non juridiquement
contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la
conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts
222
,
également adoptée à Rio, évoque le consensus mondial sur la gestion, la
conservation et le « développement durable » des forêts du monde entier. Le
premier paragraphe du préambule de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC de
1994, consacre le développement durable comme objectif de l’Organisation
223
. De
ce que ces instruments y voient uniquement un « objectif » ou un « principe », on
serait tenté de conclure que le développement durable a uniquement valeur d’
orientation ou de déclaration de principe politique et non de code opératoire
permettant de déterminer les droits et obligations des États.
3. Jurisprudence
65. Dans son arrêt Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie) de 1997,
la Cour internationale de Justice évoquera « la nécessité de concilier développement
économique et protection de l’environnement » qu’à son avis « le concept de
développement durable traduit bien »
224
, sans toutefois aller jusqu’à envisager le
caractère normatif et le statut de ce concept. Sur ce point, le juge Weeramantry
estimera, dans son opinion individuelle, que, loin d’être « un simple concept, [le
développement durable] est un principe de valeur normative, crucial pour statuer en
l’espèce »
225
, opinion que d’aucuns partageront sous certaines réserves
226
. Dans son
ordonnance de 2006 en l’affaire des Usines de pâte à papier (Argentine
c. Uruguay), la Cour internationale de Justice mettra en évidence « l’importance
d’assurer la protection, sur le plan de l’environnement, des ressources naturelles
partagées tout en permettant un développement économique durable », soulignant
__________________
218
Déclaration de Rio, par. 14.
219
Action 21, Rapport de la CNUED, 1 (1992), document publié sous la cote A/CONF.151/ 26/Rev.1
(vol. I), p. 9.
220
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1771, p. 107.
221
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1760, p. 79.
222
Document publié sous la cote A/CONF.151/ 26/Rev.1 (vol. I), p. 480
223
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1867, p. 154.
224
C.I.J. Recueil 1997, par. 140.
225
Opinion individuelle du juge Weeramantry, par. 104. Il déclarera également que « le droit inclut
nécessairement en lui-même le principe de conciliation. Ce principe est celui du développement
durable », et notera plus loin qu’il fait « partie du droit international moderne d’abord en vertu de
sa nécessité logique inéluctable, mais aussi à cause de son acceptation générale par la
communauté mondiale » (ibid.).
226
Voir Vaughn Lowe, « Sustainable development and unsustainable arguments », dans International
Law and Sustainable Development, Boyle et al. éeds., op. cit., p. 19 et suiv., dans lequel le
développement durable est décrit comme un « méta-principe ». Voir également Dire Tladi,
Sustainable Development in International Law, op. cit., p. 94 à 109.
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« [qu’]il doit être tenu compte de la nécessité de garantir la protec tion continue de
l’environnement du fleuve ainsi que le droit au développement économique des
États riverains »
227
. La Cour évoquera de nouveau à l’occasion de son arrêt de 2010
en ladite espèce le concept de développement durable dans les mêmes termes que
dans l’ordonnance de 2006 susmentionnée
228
et dans l’arrêt projet Gabčíkovo -
229
Nagymaros
.
66. Dans sa décision de 1998 en l’affaire États-Unis – Prohibition à l’importation
de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, l’Organe d’appel
de l’OMC déclarera ce qui suit : « [R]appelant que les membres de l’OMC ont
expressément mentionné l’objectif de développement durable dans le préambule de
l’Accord sur l’OMC, nous estimons qu’il est trop tard à présent pour supposer que
l’article XX g) du GATT de 1994 peut être interprété comme visant uniquement la
conservation des minéraux ou des autres ressources naturelles non biologiques
épuisables[,] » et que « [é]tant donné que ce préambule dénote les intentions des
négociateurs de l’Accord sur l’OMC, il doit, selon nous, éclairer, ordonner et
nuancer notre interprétation des accords annexés à l’Accord sur l’OMC, le GATT de
1994 en l’espèce »
230
.
67. À l’occasion de sa sentence arbitrale de 2005 en l’affaire de la ligne du Rhin
de fer (Belgique c. Pays-Bas), le tribunal arbitral conclura ce qui suit : « Des
discussions considérables ont eu lieu en ce qui concerne ce qui, en matière de droit
de l’environnement, constitue des « règles » ou des « principes », ce qui relève du
droit non contraignant (« soft law »), et quel droit conventionnel ou principes en
matière d’environnement a contribué au développement du droit international
coutumier. [...] Les principes qui en résultent, quel que soit leur statut actuel, font
référence [au] développement durable. [...] Le point important est que ces principes
émergents intègrent désormais la protection de l’environnement au processus de
développement. Le droit de l’environnement et le droit applicable au développement
ne constituent pas des alternatives, mais des concepts intégrés se renforçant
mutuellement; ainsi, lorsque le développement risque de porter atteinte de manière
significative à l’environnement, doit exister une obligation d’empêcher, ou au moins
d’atténuer, cette pollution. [...] Le Tribunal estime que ce devoir es t désormais
devenu un principe du droit international général »
231
. Dans sa sentence arbitrale
partielle de 2013 en l’affaire des eaux de l’Indus Kishenganga (Pakistan c. Inde), la
Cour d’arbitrage dira qu’il n’est pas douteux que le droit international cout umier
contemporain fait à l’État obligation de tenir compte de la protection de
l’environnement en planifiant et en élaborant des projets susceptibles de causer
quelque dommage à un État limitrophe. Depuis l’affaire de la Fonderie de Trail,
toute une jurisprudence arbitrale internationale est venue souligner la nécessité de
gérer les ressources naturelles de façon durable. La Cour internationale de Justice
s’arrêtera spécialement sur le principe de « développement durable » dans l’affaire
__________________
227
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Indication de mesures conservatoires,
C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 80.
228
Ibid., par. 75.
229
Ibid., par. 76.
230
Rapport de l’Organe d’appel de l’OMC, AB-1998-4, WT/DS58/AB/R (12 octobre1998), par. 129,
131 et 153.
231
CPA, Arbitrage relatif au chemin de fer dit Iron Rhine, 2005, par. 58 à 60.
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Gabčíkovo-Nagymaros, évoquant « la nécessité de concilier développement
économique et protection de l’environnement »
232
.
68. Ainsi, s’agissant de savoir s’il a été érigé en « principe », tout porte à croire
que l’on se rallie de plus en plus à la thèse que le concept de dévelo ppement durable
a acquis en droit valeur de « principe émergent » du droit international coutumier.
Toutefois, comme il subsiste une certaine ambiguïté quant au statut juridique de ce
concept, sans doute la Commission voudra-t-elle opter pour le conditionnel
« devrait » en parlant de l’utilisation durable de l’atmosphère comme proposé ci après:
Projet de directive 5 : Utilisation durable de l’atmosphère
1. Étant donné sa nature limitée l’atmosphère, devrait être l’objet
d’utilisation durable.
2. Aux fins de l’utilisation durable de l’atmosphère, le droit
international prescrit de concilier développement économique et protection de
l’environnement.
B. Utilisation équitable de l’atmosphère
1. La notion d’équité en droit international
69. Équité et développement durable sont deux notions souvent regardées comme
liées par essence, en droit international de l’environnement et singulièrement en
droit de l’atmosphère, l’utilisation équitable de l’atmosphère étant le corollaire de
son utilisation durable
233
. L’équité s’entend de la justice distributive dans la
répartition des ressources d’une part, et dans la répartition des charges, d’autre part.
On ne méconnaîtra donc pas la dualité inhérente à ce concept
234
.
70. Le droit international général s’intéresse de longue date à l’équité, notion
envisagée sous diverses acceptions
235
. Selon la Cour internationale de Justice, la
notion d’équité en droit international, certes difficile à définir, « procède
directement de l’idée de justice »
236
. Elle évoque la prise en compte du caractère
__________________
232
CPA, Arbitrage des eaux de l’Indus Kishenganga, sentence partielle du 18 février 2013, par. 449,
constatation que viendra confirmer la sentence finale du 20 décembre 2013, par. 111.
233
Ainsi, d’après l’Accord de Copenhague issu de la COP -15 de la CCNUCC tenue en 2009, les
Parties qui s’associent à l’Accord s’engagent « sur la base de l’équité et dans l’optique d’un
développement durable » à renforcer l’action concertée à long terme visant à combattre les
changements climatiques (décision 2/CP. 15 de l’Accord de Copenhague, publié sous la cote
FCCC/CP/ 2009/11/Add.1, 30 mars 2010. Le huitième alinéa du préambule à l’Accord de Paris,
adopté par la COP-21 de la CCNUCC le 12 décembre 2015 souligne les « liens intrinsèques » de
« l’accès équitable au développement durable » (FCCC/CP/ 2015/L.9).
234
Dinah Shelton, Equity, dans Oxford Handbook of International Environmental Law, Daniel
Bodansky, et al., (Oxford: Oxford University Press, 2007), p. 639 à 662.
235
Michael Akehust, « Equity and general principles of law », ICLQ, vol. 25 (1976), p. 801 à 825;
Francesco Francioni, Equity in international law, dans Encyclopedia of Public International Law,
vol. III, Rüdiger Wolfrum, éd., (Oxford, Oxford University Press, 2012), p. 632 à 642;
M. W. Janis, « Equity in international law », dans ibid., vol. II (Amsterdam: North-Holland, 1995),
p. 109.
236
Plateau continental (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 46,
par. 71.
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juste et raisonnable nécessaire à l’application des règles de droit établies
237
.
L’invoquant dans l’arrêt rendu en 1985 par sa Chambre en l’affaire du différend
frontalier (Burkina Faso c. Mali)
238
, la Cour en dégagera trois formes en droit
international : a) l’équité infra legem (découlant du droit); b) l’équité praeter legem
(extérieure au droit, mais proche); et c) l’équité contra legem (contraire au droit).
Selon ledit arrêt, l’équité infra legem « constitu[e] une méthode d’interprétation du
droit et en [est] l’une des qualités »
239
. La notion d’équité praeter legem est quant à
elle particulièrement importante en ce qu’elle permet de combler les lacunes du
droit existant
240
. L’équité contra legem (contre la loi) peut s’assimiler au règlement
ex aequo et bono (voir le paragraphe 2 de l’article 38 du Statut de la Cour
internationale de Justice), qui, du consentement des parties concernées, peut
permettre de corriger les règles juridiques existantes qui pourraient autrement
conduire à un résultat déraisonnable et injuste, mais que l’on distinguera de
l’interprétation et de l’application du droit positif.
71. L’équité revêt une double dimension en droit international de
l’environnement
241
. D’une part, elle postule un équilibre mondial « Nord-Sud »
équitable, traduit par le concept de « responsabilités communes mais différenciées »
(tel qu’énoncé dans le principe 7 de la Déclaration de Rio et dans plusieurs accords
multilatéraux sur l’environnement). D’autre part, elle préconise d’établir un
équilibre équitable entre la génération actuelle et les générations futures de
l’humanité, dont la Commission mondiale pour l’environnement et le
développement a dégagé la définition dans son rapport de principe en ces termes :
« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux
leurs »
242
.
2. Traités et autres instruments
72. Nombre de traités multilatéraux mondiaux font une place de choix à l’équité et
aux principes équitables. Selon son préambule, le Protocole de Montréal relatif à
des substances qui appauvrissent la couche d’ozone à la Convention de Vienne pour
la protection de la couche d’ozone de 1985 tend à « réglementer équitablement le
volume mondial total des émissions ». Aux termes du paragraphe 1 de l’article 3 de
__________________
237
James R. Crawford, SC, FBA, Brownlie’s Principles of Public International Law, 8
th
edition,
(Oxford: Oxford University Press, 201 2), p. 44. Voir aussi Thomas Franck, Fairness in
International Law and Institutions, (Oxford: Clarendon Press, 1995).
238
Différend frontalier (Burkina Faso c. Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 554.
239
Ibid.
240
Voir en général Prosper Weil, « L’équité dans la jurisprudence de la Cour internationale de
Justice : un mystère en voie de dissipation? », dans Fifty Years of the International Court of
Justice: Essays in Honour of Sir Robert Jennings, Vaughan Lowe et Malgosia Fitzmaurice, éd.
(Cambridge, Cambridge University Press, 1996), p.1 21 à 144; Juliane Kokott, « Equity in
international law », dans Equity Concerns in Climate Change, Fair Weather, (London: Earthscan,
1999), p. 186 à 188; Dinah Shelton, Equity, dans Oxford Handbook of International
Environmental Law (2007), Daniel Bodansky et al., op. cit., p. 639 à 662 et p. 642.
241
Shelton, ibid., p. 640 à 645.
242
Notre avenir à tous, (Oxford : Oxford University Press, 1987), p. 43. Voir également Edith Brown
Weiss, In Fairness to Future Generations: International Law, Common Patrimony, and
Intergenerational Equity (Tokyo: United Nations University Press, 1989); et Claire Molinari,
« Principle 3: From a Right to Development to Intergenerational Equity », dans The Rio
Declaration on Environment and Development, Duvic-Paoli et Vinuales, op. cit., p. 139 à 156.
16-02241
42/59
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la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
243
« il]
incombe aux parties de préserver le système climatique dans l’intérêt des
générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs
responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives ».
D’après l’alinéa a) du paragraphe 2 de son article 4, « [c]hacune de ces Parties
[visées à l’annexe I] adopte des politiques nationales et prend en conséquence les
mesures voulues pour atténuer les changements climatiques en limitant ses
émissions anthropiques de gaz à effet de serre et en protégeant et renforçant ses
puits et réservoirs de gaz à effet de serre [...] tenant compte [...] de la nécessité po ur
chacune de ces Parties de contribuer de façon appropriée et équitable à l’action
mondiale entreprise pour atteindre cet objectif ». Tout dernièrement, l’Accord de
Paris, adopté par les parties à la Convention le 12 décembre 2015, porte en son
article 2, paragraphe 2, qu’il « sera appliqué conformément à l’équité et au principe
des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu
égard aux contextes nationaux différents ». D’après son article premier la
Convention sur la diversité biologique de 1992 s’assigne, entre autres objectifs, le
« partage juste et équitable des avantages découlant de 1’exploitation des ressources
génétiques »
244
. De même, la Convention des Nations Unies de 1994 sur la lutte
contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la
désertification, en particulier en Afrique, souligne plus d’une fois l’intérêt qu’il y a
à partager des informations « de façon équitable et selon des modalités arrêtées d’un
commun accord » [voir art. 16 g), art. 17 1) c), et art. 18 2) c)]
245
.
73. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer vise aussi
expressément l’équité : a) le préambule cite, entre autres objectifs de la Convention,
« [l’]utilisation équitable et efficace » des ressources océaniques, « [c]onsidérant
que la réalisation de ces objectifs contribuera à la mise en place d’un ordre
économique international juste et équitable dans lequel il serait tenu compte des
intérêts et besoins de l’humanité tout entière et, en particulier, des in térêts et besoins
spécifiques des pays en développement, qu’ils soient côtiers ou sans littoral »; b) les
articles74 1) et 83 1) envisagent la « solution équitable » des différends; c) les
articles 69 1) et 70 1) consacrent le droit de participation « selon une formule
équitable »; d) les articles 82 4) et 140 2) parlent de « partage équitable » dans
l’exploitation des ressources; et e) l’article 155 2) envisage « [l’]exploitation
équitable [de la Zone] au bénéfice de tous les pays ».
74. On retrouve également des dispositions similaires dans des traités et
instruments régionaux. Aux termes de la Convention de la CEE de 1992 sur la
protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux,
les parties « prennent toutes les mesures appropriées [...] [p]our veiller à ce qu’il
soit fait un usage raisonnable et équitable des eaux transfrontières » (par. 2 c) de
l’article 2). La Convention sur la protection du Danube de 1994 se donne en son
article 2, paragraphe 1, pour objectifs « la gestion durable et équitable de l’eau »,
les parties contractantes devant, aux termes de son article 6) « pren[dre] les mesures
appropriées pour prévenir ou réduire l’impact transfrontière, pour assurer une
utilisation durable et équitable des ressources en eau, et pour contribuer à la
__________________
243
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1771, p. 107.
244
Ibid., vol. 1760, p. 79.
245
Ibid., vol. 1954, p. 3.
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conservation des ressources écologiques »
246
. L’Accord de coopération pour un
développement durable du bassin du Mékong de 1995 prévoit, en son article 5,
l’utilisation raisonnable et équitable des eaux du fleuve Mékong
247
. Le protocole
révisé de la Communauté de développement d’Afrique australe de 2000 sur les
cours d’eau partagés
248
met en avant l’utilisation équitable des cours d’eau de la
région (art. 2 a), 3 7) et 3 8) du préambule). Comporte également des dispositions
analogues la Convention-cadre sur la protection et le développement durable des
Carpates de 2003, qui se donne pour objectif de prendre des mesures pour répondre
à des « utilisations durables, équilibrées et équitables de l’eau » [art. 6 b)]
249
.
3. Travaux antérieurs de la Commission
75. Il convient de prendre note des travaux antérieurs de la Commission qui
intéressent l’équité. Aux termes de l’article 5 (« Utilisation et participation
équitables et raisonnables ») de ses articles sur le droit relatif aux utilisations des
cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation de 1994
250
(adoptés
sous forme de convention en 1997), les États du cours d’eau « utilisent sur leur
territoire respectif le cours d’eau international de manière équitable et raisonnable »
et « participent à l’utilisation, à la mise en valeur et à la protection d’un cours d’eau
international de manière équitable et raisonnable »
251
(non souligné dans le texte
original). L’article 4 (« Utilisation équitable et raisonnable ») de ses articles sur le
droit des aquifères transfrontières (2008) porte identiquement que « [l]es États de
l’aquifère utilisent les aquifères ou systèmes aquifères transfrontières selon le
principe de l’utilisation équitable et raisonnable »
252
.
76. Selon les articles de la Commission de 2001 sur la prévention des dommages
transfrontières résultant d’activités dangereuses « [l]es États intéressés recherchent
des solutions fondées sur un juste équilibre des intérêts, à la lumière de
l’article 10 » (projet d’article 9, par. 2). D’après l’article 10 (« Facteurs d’un juste
équilibre des intérêts ») desdits articles : « Pour parvenir à un juste équilibre des
intérêts selon les termes du paragraphe 2 de l’article 9, les États intéressés prennent
en considération tous les facteurs et circonstances pertinents, notamment : a) le
degré de risque d’un dommage transfrontière significatif et la mesure dans laquelle
il existe des moyens de prévenir ce dommage ou d’en réduire le risque au minimum
ou de le réparer; b) l’importance de l’activité, compte tenu des avantages globaux
d’ordre social, économique et technique qui en découlent pour l’État d’origine par
rapport au dommage qui peut en résulter pour l’État susceptible d’être affecté; c) le
__________________
246
Art. 6 a) de la Convention sur la coopération pour la protection et l’utilisation durable du Danube,
fait à Sofia le 29 juin 1994. Voir http://www.icpdr.org/main/icpdr/danube -river-protectionconvention.
247
Y sont parties : le Cambodge, le Laos et la Thaïlande. Voir http://www.mrcmekong.org/assets/
Publications/policies/agreement-Apr95.pdf.
248
http://www.sadc.int/files/3413/6698/6 218/Revised_Protocol_on_Shared_Watercourses
_-_ 2000_-_English.pdf.
249
Art. 6 b) de la Convention-cadre sur la protection et le développement durable des Carpates, voir
http://www.carpathianconvention.org/tl_files/carpathiancon/Downloads/01% 20The%
20Convention/1.1.1.1_CarpathianConvention.pdf.
250
Annuaire … 1994, vol. II (deuxième partie), p. 117.
251
Voir également l’article 6 concernant les « facteurs pertinents pour une utilisation équitable et
raisonnable » et les commentaires y relatifs. Ibid., par. 218 et 222.
252
Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-troisième session, Supplément n
o
10
(A/63/10), par. 53 et 54.
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risque de dommage significatif pour l’environnement et la mesure dans laquelle il
existe des moyens de prévenir ce dommage ou d’en réduire le risque au minimum,
et de réhabiliter l’environnement; d) la mesure dans laquelle l’État d’origine et, le
cas échéant, l’État susceptible d’être affecté sont prêts à assumer u ne partie du coût
de la prévention; e) la viabilité économique de l’activité, compte tenu du coût de la
prévention et de la possibilité de mener l’activité ailleurs ou par d’autres moyens ou
encore de la remplacer par une autre activité; f) les normes de prévention appliquées
à la même activité ou à des activités comparables par l’État susceptible d’être
affecté et celles qui sont appliquées à des activités comparables au niveau régional
ou international. »
4. Jurisprudence
77. La Cour internationale de Justice a également invoqué les règles d’équité,
spécialement en présence de différends maritimes. S’agissant de la côte rentrante de
l’Allemagne, dans son arrêt de 1969 concernant les affaires du Plateau continental
de la mer du Nord, elle fera application du principe d’équité pour délimiter les
plateaux continentaux en lieu et place de la règle d’équidistance qui conduirait selon
elle à un résultat injuste sur le fond, déclarant que : « Quel que soit le raisonnement
juridique du juge, ses décisions doivent par définition être justes, donc en ce sens
équitables » et qu’il ne s’agissait « pas d’appliquer l’équité simplement comme une
représentation de la justice abstraite, mais d’appliquer une règle de droit prescrivant
le recours à des principes équitables »
253
. L’arrêt du plateau continental de la mer
du Nord suscitera toute une jurisprudence de délimitation maritime et d’allocation
des ressources, dont : les affaires de compétence en matière de pêcheries ( RoyaumeUni
de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord c. Islande et République fédérale
d’Allemagne c. Islande) de 1974
254
, le contentieux arbitral de 1977 et 1978 de la
délimitation du plateau continental entre le Royaume -Uni et la France
255
, l’affaire
du plateau continental opposant la Tunisie à la Jamahiriya arabe libyenne de
__________________
253
Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne c. Danemark;
République fédérale d’Allemagne c. Pays Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, par. 85 et 88.
254
Affaires de la compétence en matière de pêcheries (Royaume -Uni c. Islande; République fédérale
d’Allemagne c. Islande), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 3f. La Cour soulignera que « ni dans un cas,
ni dans l’autre, il ne s’agit de droits absolus » et que les deux parties devaient tenir compte des
droits d’autres États et des nécessités de la conservation des stocks halieutiques (par. 63 et 71).
« [L]es deux Parties ont donc l’obligation de continuer à étudier la situation des ressources de la
pêche dans les eaux litigieuses et d’examiner ensemble, sur la base des renseignements
scientifiques et autres données disponibles, les mesures qu’imposent la conservation, le
développement et l’exploitation équitable de ces ressources [...] » (par. 64, 71). Réitérant la
solution dégagée à l’occasion des affaires du plateau continental de la mer du Nord, elle précisera
« [qu’il] ne s’agit pas simplement d’arriver à une solution équitable, mais d’arriver à une solution
équitable qui repose sur le droit applicable » (par. 69, 78).
255
Recueil des sentences arbitrales internationales, vol. 18, (2006), p. 57, par. 99.
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256
1982
, l’affaire de la région du golfe du Maine de 1984
257
, l’affaire du plateau
continental opposant la Jamahiriya arabe libyenne à Malte de 1985
258
, l’affaire de la
délimitation maritime et des questions territoriales opposant le Qatar au Bahreïn de
2001
259
. C’est le juge Cançado-Trindade en particulier qui aura dégagé la notion
d’équité entre les générations s’agissant de l’environnement
260
.
78. Vu les développements qui précèdent, nous proposons le projet de directive
suivant :
Projet de directive 6 : Utilisation équitable de l’atmosphère
Les États devraient utiliser l’atmosphère selon le principe d’équité dans
l’intérêt des générations présentes et futures de l’humanité.
5. Équité et impératif de traitement spécial des pays en développement
79. L’équité n’est pas l’égalité; au vrai, d’ordinaire à différences spéciales solution
spéciale ou traitement spécial
261
au nom de l’équité dans les faits. En imaginant le
concept de responsabilités communes mais différenciées on a sans doute voulu en
traduire l’idée, l’approche équitable devant permettre de promouvoir une égalité
substantielle en droit international de l’environnement. Il postule que, tout en
poursuivant un objectif commun, les États assument des obligations différentes,
selon leur situation socioéconomique et leur responsabilité historique dans le
__________________
256
Affaire du Plateau continental de la Tunisie et de la Libye, C.I.J. Recueil, 1982 . La Cour
préconisera l’application de principes équitables, non comme une fin en soi, mais comme moyen
d’aboutir à un résultat équitable. « L’équité d’un principe doit être appréciée d’après l’utilité qu’il
présente pour aboutir à un résultat équitable. Tous les principes ne sont pas en soi équitables; c’est
l’équité de la solution qui leur confère cette qualité. Les principes qu’il appartient à la Cour
d’indiquer doivent être choisis en fonction de leur adéquation à un résultat équitable » (par. 70).
En outre, elle prendra en compte toutes les circonstances pertinentes pour « satisfaire au critère de
proportionnalité en tant qu’aspect de l’équité » (par. 131).
257
Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 .
Après un débat approfondi, la Chambre conclura que « la délimitation effectuée dans le respect
des principes et règles de droit régissant la matière, en appliquant donc des critères équitables et
en utilisant les méthodes appropriées, a en outre produit un résultat d’ensemble équitable »
(par. 241).
258
Dans l’affaire du plateau continental de 1985 (Jamahiriya arabe libyenne c. Malte), la Cour
affirmera l’importance que présente « [l]e caractère normatif des principes équitables appliqués
dans le cadre du droit international général », parce que « ces principes gouvernent non seulement
la délimitation par voie judiciaire ou arbitrale mais aussi, et d’ailleurs surtout, l’obligation
incombant aux Parties de rechercher en premier lieu une délimitation par voie d’accord, ce qui
revient à viser un résultat équitable », arrêt, C.I.J. Recueil 1985, par. 46.
259
Dans l’affaire de 2001 opposant le Qatar au Barheïn, la Cour, ayant recherché s’il existait « des
circonstances spéciales qui exigeraient d’ajuster la ligne d’équidistance tracée à titre provisoire
afin d’obtenir un résultat équitable », appliquera, eu égard aux circonstances géographiques
spéciales, la règle d’équidistance pour parvenir à une solution équitable. Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 217.
260
Voir ses opinions individuelles dans l’affaire des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(arrêt), p. 177 à 184, par. 114 à 131, et dans l’affaire de la chasse à la baleine dans l’Antarctique,
C.I.J. Recueil 2014, p. 362 à 367, par. 41 à 47.
261
Shelton, « Equity », in Daniel Bodansky et al., Oxford Handbook of International Environmental
Law, (2007), op. cit., p. 647.
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problème environnemental considéré
262
. Le phénomène n’est pas nouveau en droit
international. La première tentative du genre aura sans doute été la Conférence de
Washington de l’Organisation internationale du Travail, de 1919, au cours de
laquelle les délégations d’Asie et d’Afrique réussiront à faire adopter des normes de
travail différenciées
263
. On peut également citer le Système généralisé de
préférences, mis au point par la CNUCED dans les années 70
264
.
80. L’impératif de traitement spécial des pays en développement en matière de
protection de l’environnement est consacré dans un certain nombre d’instruments
internationaux, dont les Déclarations de Stockholm et de Rio. Le principe 12 de la
Déclaration de Stockholm rappelle qu’il importe de « [tenir] compte de la situation
et des besoins particuliers des pays en développement ». Le principe 6 de la
Déclaration de Rio met l’accent sur « les besoins particuliers des pays en
développement, en particulier des pays les moins avancés et des pays les plus
vulnérables sur le plan de l’environnement », le principe 7 portant que, « [é]tant
__________________
262
Ellen Hey, « Common but differentiated responsibilities », in Encyclopedia of Public International
Law, vol. II (Oxford: Oxford University Press, 2012), p. 444 à 448.
263
Voir Iwao Ayusawa, International Labor Legislation, (Studies in History, Economics and Public
Law, vol. XCI, n
o
2), (New York: Columbia University, 1920), p. 149 et suiv. L’auteur de l’article
en question estime que le troisième des Quatorze points de Wilson, « [l]a levée [...] de toutes les
barrières économiques et l’établissement d’une égalité des conditions de commerce entre toutes
les nations (...) » était vide de sens, et souligne que la diversité des situations économiques appelle
un traitement différencié dans la législation du travail (chap. VI, p. 149 et suiv. ), ce que
reconnaîtra la Conférence de Washington de 1919 au sujet des conditions de travail dans les pays
d’Asie et d’Afrique, y compris son propre pays, le Japon (chap. VII, p. 173 et suiv.). Bien avant
l’avènement du concept de responsabilités communes mais différenciées, c’était en fait là en
matière d’œuvre législative internationale, la première tentative de consécration d’un traitement
différencié, sur le fondement de l’article 405 3) du Traité de paix de Versailles de 1919, qui
deviendra l’article 19 3) de la Constitution de l’OIT (aux termes duquel les conventions du travail
doivent « avoir égard aux pays dans lesquels » des « circonstances particulières rendent les
conditions de l’industrie essentiellement différentes »). Le même principe sera également consacré
dans certaines des conventions approuvées par l’OIT en 1919 et dans plusieurs conventions
postérieures à l’article de M. Ayusawa. Sans avoir inventé le concept de l’idée de traitement
différencié, ce dernier a été l’un des premiers spécialistes à voir dans le principe qui la sous -tend
une injonction normative et à la rattacher plus généralement à l’égalité de traitement substantiell e
connue du droit international économique. En fin de carrière, dans les années 60, étant, professeur
à l’Université chrétienne internationale de Tokyo, Ayusawa donne des cours de droit international
du travail et de relations internationales. Alors étudiant de première année, nous avons eu le
privilège de l’écouter évoquer avec passion et enthousiasme les problèmes Nord -Sud, qui sont, à
ses yeux l’une des grandes priorités du monde de l’après -guerre (nous sommes profondément
reconnaissant à M. Steve Charnovitz, de la faculté de droit de l’Université George Washington,
d’avoir appelé notre attention sur la contribution de M. Ayusawa).
264
Voir l’article 23 (la clause de la nation la plus favorisée en ce qui concerne le traitement dans le
cadre d’un système généralisé de préférences) et l’article 30 (nouvelles règles du droit
international en faveur des pays en développement) du projet d’articles de la Commission du droit
international de 1978 sur les clauses de la nation la plus favorisée, Annuaire ... 1978, vol. II,
Partie 2, par. 47 à 72. Shinya Murase, Fondement économique du droit international, Tokyo :
Yuhikaku (2001), p. 109 à 179 (en japonais). Tuula Honkonen, The Common But Differentiated
Responsibilities Principle in Multilateral Environmental Agreements: Regulatory and Policy
Aspects (Alphen: Kluwer Law International, 2009), p. 49 à 66. Voir également les exceptions
prévues auparavant pour les pays en développement énoncées à l’article XVIII de l’Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947, Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 55, p. 194.
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donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial,
les États ont des responsabilités communes mais différenciées ».
81. La notion de responsabilités communes mais différenciées a trouvé place dans
plusieurs accords multilatéraux sur l’environnement, à commencer par la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
265
qui dispose
en son article 3 1) qu’il « incombe aux Parties de préserver le système climatique
dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en
fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités
respectives »
266
. Les parties au Protocole de Kyoto de 1997 ont adopté une
interprétation stricte de la notion de responsabilités communes mais différenciées,
faisant obligation d’atténuer ou de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre
aux seuls États développés et industrialisés (parties visées à l’annexe 1) sans mettre
de nouvelles obligations juridiquement contraignantes à la charge des pays en
développement. Toutefois, à sa dix-septième session en 2011, la Conférence des
Parties, décidera d’entreprendre d’élaborer un instrument juridique qui serait
applicable à toutes les Parties. On notera qu’il n’est plus question ici de la notion de
responsabilités communes mais différenciées. En effet, l’Accord de Paris de 2015
prescrit à toutes les Parties d’honorer les engagements ainsi souscrits (art. 3). On
retiendra cependant que les Parties doivent néanmoins être guidées par « le principe
de l’équité et des responsabilités communes mais différenciées et des capacités
respectives, eu égard aux contextes nationaux différents » [troisième alinéa du
préambule, art. 2 2) et art. 4 3)].
82. Dans la mesure où diverses situations influent sur la répartition de ressources
partagées ou communes et la charge de protection de l’environnement, comme il est
dit plus haut, l’égalité de traitement peut produire des résultats extrêmes lorsqu’il
existe déjà des inégalités économiques ou autres dans la société
267
. L’égalité de
droits n’emporte pas forcément par égalité de résultats, et c’est pourquoi le droit
international de l’environnement s’est largement écarté de l’égalité formelle au
profit du groupement d’États, le but étant de répartir les charges et avantages en
fonction de la responsabilité des uns et des autres dans les dommages et de leur
aptitude financière ou technologique à y remédier
268
. C’est dans ce contexte que la
notion de responsabilités communes mais différenciées a vu le jour. On voit
néanmoins que celle-ci trahit au fond une ambiguïté quant aux critères à retenir pour
opérer la différenciation envisagée
269
. De plus, s’agissant des changements
__________________
265
Voir Christopher D. Stone, « Common but differentiated responsibilities in international law »,
AJIL, vol. 98 (2004), p. 276 à 301, en référence ici à la page 279.
266
Nations Unies, Recueil des Traités , vol. 1771, p. 107.
267
Shelton, « Equity », in Daniel Bodansky et al., Oxford Handbook of International Environmental
Law (2007), op. cit., p. 655.
268
Ibid.
269
Il existe diverses théories des motifs et critères de traitement différencié, notamment celles dites
de la contribution (les pays industrialisés produisant la plus grande part des émissions mondiales
passées et actuelles de gaz à effet de serre sont responsables de la dégradation de l’environnement
mondial et doivent donc assumer les coûts des activités de dépollution), du droit acquis (les pays
en développement ont le droit de souscrire des engagements moins nombreux et moins onéreux et
de solliciter une assistance financière ou technique, compte tenu du passé colonial et de
l’exploitation subie ainsi que de l’impératif de développement), des capacités (les pays développés
ayant les moyens et capacités de prendre des mesures adaptées devraient concourir au premier
chef à la protection de l’environnement) et de la promotion (la différenciation consistant à
moduler les engagements en fonction de la situation particulière de chaque pays s’impose si l’on
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climatiques, l’application de la notion a connu un certain recul, comme en témoigne
par exemple la Plateforme de Durban pour une action renforcée, de 2011, précurseur
de l’Accord de Paris de 2015, d’où il résulte que les obligations ainsi souscrites
s’appliquent à tous les États (art. 3).
83. On se rappellera qu’en retenant le présent sujet, en 2013, la CDI a dit
comprendre que les travaux y afférents ne concerneraient pas des questions telles
que les responsabilités communes mais différenciées mais seraient aussi sans
préjudice de ces questions. Même s’il reste à élucider le sens exact de cette double
négation
270
, il faut dire qu’en utilisant l’expression « mais seront aussi sans
préjudice de », elle a entendu d’un commun accord voir envisager la notion de
responsabilités communes mais différenciées dans le projet de directives. Toutefois,
comme l’intérêt porté aux besoins des pays en développement reste soutenu en droit
international certes pas nécessairement conçu sous la forme de responsabilités
communes mais différenciées, nous proposons d’énoncer dans le préambule un
principe directeur calqué sur le neuvième alinéa du préambule du projet d’articles
sur le droit des aquifères transfrontières de 2008, comme suit :
Projet de quatrième alinéa du préambule
« Soulignant la nécessité de prendre en considération la situation particulière
des pays en développement, »
C. Limites juridiques à la modification intentionnelle
de l’atmosphère
84. On utilise l’atmosphère à plusieurs fins, et tout particulièrement pour la
navigation aérienne. À l’évidence, la plupart des activités menées à ce jour ne
trahissent aucune intention manifeste ou tangible d’altérer les conditions
atmosphériques. Il en est toutefois , notamment la modification artifici elle du temps
(contrôle du climat) dont c’est là l’objectif même. La modification du temps est un
exemple d’utilisation de l’atmosphère qui a déjà cours dans les pays. On pratique en
outre, à titre expérimental, la fertilisation des océans aux fins d’absor ption du CO2 à
petite échelle. La science propose diverses variantes de méthodes pour exploiter
activement l’atmosphère. Certaines des technologies de géo -ingénierie proposées
(telles que l’élimination du dioxyde de carbone et la gestion du rayonnement
solaire) sont dignes d’intérêt; encore doit-on pouvoir les mettre en œuvre. D’où, à
notre sens, l’intérêt de nous arrêter dans le présent rapport sur les modalités d’usage
(ou d’utilisation) de l’atmosphère et leurs conséquences juridiques.
85. La modification artificielle du temps comme moyen de guerre est interdite par
la Convention de 1976 sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de
l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles (Convention sur
__________________
veut favoriser une large adhésion aux traités internationaux). Voir Lavanya Rajamani, Differential
Treatment under International Environmental Law (Oxford: Oxford University Press, 2006) p. 2,
118 à 125. Voir également Philippe Cullet, « Common but differentiated responsibilities », in
Malgosia Fitzmaurice et al., éd., Research Handbook on International Environmental Law,
op. cit., p. 161 à 181.
270
Voir par. 6 et supra, note de bas de page 18.
16-02241
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la modification de l’environnement)
271
. Muette sur la question de savoir si telle ou
telle utilisation des techniques de modification de l’environnement à des fins
pacifiques est conforme aux principes généralement reconnus et aux règles
applicables du droit international, ladite convention, seul instrument international
venant réglementer directement la manipulation délibérée des processus naturels
provoquant « des effets étendus, durables ou graves » (art. 1) à caractère
transfrontière, offrirait une solution possible aux fins de l ’interdiction des pratiques
de géo-ingénierie à grande échelle. On pratique largement le contrôle des conditions
météorologiques et on mène des expériences en ce domaine dans certains pays
depuis les années 40, le but étant d’influencer le climat. L’Assemb lée générale a
examiné la question pour la première fois en 1961
272
. On intervient sur le temps
notamment pour prévenir tels phénomènes météorologiques préjudiciables,
(ouragans, tornades, etc.), créer des conditions climatiques favorables, telles que les
pluies artificielles dans des régions en proie à la sécheresse ou, au contraire,
éloigner temporairement les précipitations de telle région devant accueillir une
importante manifestation. Pour améliorer la pluviométrie, on a couramment recours
à la technique de l’ensemencement des nuages qui consiste à pulvériser de fines
particules – de glace sèche ou d’iodure d’argent, par exemple – dans le ciel pour
provoquer la formation de nuages de pluie. Réputée sûre, cette technique ne semble
toutefois pas avoir totalement fait la preuve de son efficacité. En 1980, le Conseil
d’administration du PNUE a approuvé un ensemble de recommandations à
l’intention des États et d’autres acteurs susceptibles de modifier le temps
273
. S’il
devenait possible dans l’avenir, le contrôle des conditions météorologiques à grande
échelle ne manquerait sans doute pas d’entraîner certaines conséquences néfastes,
dont des effets indésirables, des dégâts aux écosystèmes existants et des risques
pour la santé de l’homme. Si elles venaient à traverser les frontières, ces incidences
__________________
271
Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des
fins militaires ou toutes autres fins hostiles, adoptée à New York le 10 décembre 1976, Nations
Unies, Recueil des Traités, vol. 1108, p. 151, entrée en vigueur en octobre 1978.
272
Au paragraphe 1 a) de sa résolution 1721 (XVI) C sur la coopération internationale touchant les
utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, l’Assemblée générale a recommandé aux
États Membres et aux autres organisations compétentes de "faire progresser la science et la
technique atmosphériques de manière à faire mieux connaître les forces physiques fondamentales
affectant le climat et à donner la possibilité de modifier à grande échelle les conditions
météorologiques ».
273
Décision 8/7/A du Conseil d’administration du PNUE sur les dispositions relatives à la
coopération entre États en matière de modification du temps, sixième session, 29 avril 1980. On
notera que, dès 1963, l’Organisation météorologique mondiale encourage la prudence dans le
maniement des techniques de modification du temps, déclarant que « la complexité des
mécanismes atmosphériques est telle que la modification artificielle du temps dans une partie du
monde aurait nécessairement des répercussions ailleurs. L’état actuel des connaissances sur la
circulation générale de l’atmosphère conforte cette analyse. On est toutefois encore bien loin de
pouvoir prédire avec certitude le degré, la nature ou la durée des effets secondaires que la
modification du temps ou du climat à un endroit donné de la terre peut avoir ailleurs, et même de
savoir si ces effets seraient bénéfiques ou préjudiciables. Avant d’expérimenter la modification
artificielle du temps à grande échelle, il est crucial d’évaluer scrupuleusement les conséquences
possibles et souhaitables de la démarche et de conclure des arrangements internationaux
satisfaisants. » Organisation météorologique mondiale, Second Report on the Advancement of
Atmospheric Sciences and Their Application in the Light of Developments in Outer Space
(Genève : secrétariat de l’OMM, 1963). Voir Rita F. and Howard J. Taubenfeld, « Some
international implications of weather modification activities », International Organization,
vol. 23, n
o
4 (1969), p. 808 à 833, p. 811.
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dommageables risqueraient de susciter des litiges internationaux
274
. D’où l’intérêt,
selon nous, d’œuvrer au développement progressif du droit international en cette
matière
275
.
86. Par géo-ingénierie, on entend communément le fait de manipuler
intentionnellement l’environnement mondial à grande échelle
276
. Dans le contexte
des changements climatiques, elle évoque un large éventail de méthodes et de
technologies visant à modifier délibérément le système climatique dans le but
d’atténuer les effets des changements climatiques
277
. Pour lutter contre le
réchauffement de la planète, la solution première consiste à réduire les émissions de
gaz à effet de serre
278
. Cependant, comme cette solution n’est pas pleinement mise
279
en œuvre
, on a recours comme solution de remplacement à l’extraction des gaz à
effet de serre existants, en particulier le dioxyde de carbone
280
. Solution classique de
réduction des émissions de dioxyde de carbone, le boisement est érigé dans le
régime du Protocole de Kyoto, en précieux moyen d’atténuation des changements
__________________
274
Lada L. Roslycky, « Weather modification operations with transboundary effects: the technology,
the activities and the rules », Hague Yearbook of International Law, vol. 16 (2003), p. 3 à 40;
Peter H. Sand, « Internationaler Umweltschutz und neue Rechtsfragen der Atmosphärennutzung, »
Zeitschrift für Luft -und Weltraumrecht (Journal du droit aérien et du droit de l’espace), vol. 20,
n
o
2 (1971), p. 109 à 133. Voir aussi H. J. Taubenfeld, « International environmental law: air and
outer space », in L. A. Teclaff et A. E. Utton, éd., International Environmental Law (New York:
Praeger, 1974), p. 195; Edith Brown Weiss, « International responses to weather modification, »
International Organization, vol. 29 (1975), p. 805 à 826, p. 813.
275
Il a été suggéré de tenir compte des éléments ci-après aux fins de la réglementation de la
modification des conditions météorologiques : l’obligation de servir l’intérêt commun de
l’humanité; l’obligation de ne pas causer de dommages transfrontières significatifs; l’obligation de
procéder à des études d’impact sur l’environnement; la participation du public; l’obligation de
coopérer; l’échange d’informations et de notifications; la consultation; l’obligation de faire appel
aux organisations internationales; et la responsabilité des États. Roslycky, op. cit., p. 27 à 40. Voir
également Ray J. Davis, « The international law of the hydroscopic cycle: atmospheric water
resources development and international law, » Natural Resources Journal, vol. 31 (1991), p. 11
à 44, p. 17.
276
David W. Keith, « Geoengineering », in Andrew S. Goudie et al., éd., Encyclopedia of Global
Change: Environmental Change and Human Society (Oxford : Oxford University Press, 2001),
p. 495.
277
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, rapport sur la réunion d’experts
du GIEC consacrée à la géo-ingénierie, juin 2011. Voir aussi, plus généralement, le programme de
géo-ingénierie de l’Université d’Oxford, à l’adresse : www.geoengineering.ox.ac.uk/what-isgeoengineering/what-is-geoengineering/;
Parson,
Edward
A,
«
Climate
Engineering:
Challenges
to
International
Law
and
Potential
Responses
»,
www.questia.com/library/journal/1G1326981407/climate-engineering-challenges-to-international-law;
Jesse
Reynolds,
«
The
International
Legal
Framework
for
Climate
Engineering
»,
http://geoengineeringourclimate.com/
2015/03/26/the-international-legal-framework-for-climate-engineering-working-paper/;
Clive
Hamilton,
Earthmasters:
The
Dawn
of
the
Age
of
Climate
Engineering
(New
Haven,
Yale
University
Press,
2013).
278
www.epa.gov/climatechange/ghgemissions/; John Shepherd et al., « Geoengineering the Climate:
Science, Governance and Uncertainty » (Londres: Royal Society, 2009), consultable à l’adresse
https://royalsociety.org/~/media/Royal_Society_Content/policy/publications/2009/8693.pdf.
279
John Shepherd et al., « Geoengineering the Climate: Science, Governance and Uncertainty »
(Londres: Royal Society, 2009), en référence ici à la page 1, consultable à l’adresse
https://royalsociety.org/~/media/Royal_Society_Content/policy/publications/2009/8693.pdf.
280
Johannes Urpelainen, « Geoengineering and global warming: a strategic perspective, »
International Environmental Agreements: Politics, Law and Economics, vol. 12, n
o
4 (2012),
p. 375 à 389.
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51/59
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281
climatiques
. La solution en sera consacrée dans les décisions issues de différentes
sessions de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur
les changements climatiques : à Copenhague en 2009
282
et à Cancún en 2010
283
, de
même que par l’article 5 2) de l’Accord de Paris. On a mis en place de nouvelles
mesures d’incitation à la réduction des émissions dues à la déforestation et à la
dégradation de la forêt dans les pays en développement
284
.
87. On envisage généralement la géo-ingénierie tendant à la réduction du
réchauffement planétaire sous une double dimensions à savoir l’élimination du
dioxyde de carbone, d’une part, et la gestion du rayonnement solaire, d’autre part
285
.
Les techniques d’élimination du dioxyde de carbone sont censées permettre d’en
débarrasser l’atmosphère, et de prévenir ainsi directement l’augmentation de l’effet
de serre et l’acidification des océans
286
. Il faudrait sans doute les mettre en œuvre à
l’échelle mondiale pour agir véritablement sur les niveaux de dioxyde de carbone
dans l’atmosphère. Entre autres techniques proposées on citera : a) la fixation du
carbone du sol, également dite « carbonisation de la matière organique », qui
consiste à brûler la biomasse et à l’enterrer, pour en piéger ainsi le contenu
carbonique dans le sol
287
– la méthode n’a toutefois pas été retenue par le Protocole
288
de Kyoto
; et b) la séquestration du carbone, qui renvoie à un ensemble de
technologies mises en œuvre pour capturer les émissions de dioxyde de carbone
(CO2) à partir de vastes sources ponctuelles, telles que les centrales à charbon
289
, le
CO2 piégé étant ensuite stocké dans des réservoirs géologiques ou dans les océans
290
(l’avantage à long terme de la séquestration du carbone tient au fait que l’on peut en
compenser les coûts en partie grâce aux recettes tirées de la production de pétrole et
de gaz
291
, son inconvénient également bien connu – le CO2 stocké dans le sous-sol
pouvant s’échapper – résidant dans le risque d’explosions). On a récemment adopté
sous l’empire de certains instruments juridiques internationaux des mesures tendant
à réglementer la séquestration du carbone
292
. Ainsi, le Protocole de 1996 à la
__________________
281
Josep G. Canadell et Michael R. Raupach, « Managing forests for climate change mitigation »,
Science, vol. 320 (2008), p. 1456 et 1457; Leonard Ornstein et al., « Irrigated afforestation of the
Sahara and Australian outback to end global warming », Climatic Change, vol. 97 (2009), p. 409
et 410; Kenneth R. Richards et Carrie Stokes, « A review of forest carbon sequestration cost
strategies: a dozen years of research », Climatic Change, vol. 63 (2004), p. 24, 25.
282
Rapport de la quinzième session de la Conférence des Parties, additif. Deuxième partie : mesures
prises par la Conférence des Parties à sa quinzième session, FCCC/CP/2009/11/Add.1 (30 mars
2010), p. 11f.
283
Rapport de la Conférence des Parties à sa seizième session, additif. Deuxième partie : mesures
prévues par la Conférence des Parties à sa seizième session, FCCC/CP/2010/7/Add.1 (15 mars
2011).
284
Ibid.
285
Brian P. Flannery et al., « Geoengineering climate, » in Robert G. Watts, éd., Engineering
Response to Global Climate Change: Planning a Research and Development Agenda (Boca
Raton/Florida: CRC Press, 1997), p. 381; Jason Blackwell et Jane C.S. Long, « The politics of
geoengineering, » Science, vol. 327 (29 janvier 2010), p. 527.
286
www.geoengineering.ox.ac.uk/what-is-geoengineering/what-is-geoengineering/.
287
Ibid.
288
Karen N. Scott, « International law in the anthropocene: responding to the geoengineering
challenge », Michigan Journal of International Law, vol. 34, n
o
2 (2013), p. 322.
289
Jennie C. Stephens, « Carbon capture and storage », http://www.eoearth.org/view/article/150922/.
290
Ibid.
291
Ibid.
292
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Rapport spécial sur le captage et
le stockage du dioxyde de carbone, Groupe de travail III, décembre 2005, p. 259 (par exemple les
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Convention de Londres de 1972 comporte désormais une disposition et annexe
modifiées, ainsi que de nouvelles directives concernant le contrôle de la mise en
décharge des déchets et d’autres matières. Ces amendements sont venus asseoir en
droit international de l’environnement le fondement juridique nécessaire à la
réglementation de la séquestration du carbone dans les formations géologiques du
sous-sol marin aux fins d’isolement permanent
293
. Ces textes autorisent sous
certaines conditions le piégeage du CO2 et son exportation vers d’autres États aux
fins de stockage dans le sous-sol marin
294
.
88. Sans doute utile comme technique d’absorption de CO2,la géo-ingénierie
marine, en tant qu’intervention délibérée sur le milieu marin pour manipuler des
processus naturels, est néanmoins également susceptible d’avoir des effets
délétères
295
. Il existe plusieurs types de géo-ingénierie marine
296
. Les deux types
d’activités ci-après, à savoir la fertilisation des océans par apport de fer et
l’augmentation de l’alcalinité des océans, ont trait à l’immersion en mer et, par
conséquent, à la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de
l’immersion de déchets et autres matières (Convention de Londres, 1972) et à son
Protocole de 1996 (Protocole de Londres). En 2008, les Parties ont adopté une
résolution venue affirmer que les activités de fertilisation des océans, hormis celles
qui s’inscrivent dans le cadre de la recherche scientifique légitime, ne devraient pas
être autorisées et inviter instamment les États à faire preuve de la plus grande
prudence et à suivre les meilleures orientations disponibles, y compris pour la
recherche scientifique
297
. La même année, la Conférence des Parties à la Convention
__________________
explosions de 2001 à Hutchinson, Kansas (États-Unis), lorsque du gaz naturel comprimé s’est
échappé d’installations de stockage en caverne de sel). Consultable (en anglais) à l’adresse
www.ipcc.ch/pdf/special-reports/srccs/srccs_wholereport.pdf.
293
www.imo.org/en/OurWork/Environment/LCLP/EmergingIssues/CCS/Pages/default.aspx. On
retiendra entre autres textes : les Directives spécifiques de 2012 relatives à l’évaluation du
dioxyde de carbone en vue de son évacuation dans les formations géologiques du sous -sol marin,
adoptées le 2 novembre 2012 (LC 34/15, annexe 8), consultables (en angla is) à l’adresse
www.imo.org/en/OurWork/Environment/LCLP/EmergingIssues/CCS/Documents/2012%20S PECI
FIC%20GUIDELINES%20FOR%20THE%20ASSESSMENT%20OF%20CARBON%20
DIOXIDE.pdf; le Cadre d’évaluation et de gestion des risques de la séquestration du CO 2 dans les
structures géologiques du sous-sol marin (CS-SSGS) (source : LC/SG-CO2 1/7, annexe 3),
consultable (en anglais) à l’adresse www.imo.org/en/OurWork/Environment/LCLP/
EmergingIssues/CCS/Documents/CO2SEQUESTRATIONRAMF2006.doc; la résolution LP 3 4)
portant amendement de l’article 6 du Protocole de Londres (adoptée le 30 octobre 2009),
consultable (en anglais) à l’adresse
www.imo.org/en/OurWork/Environment/LCLP/EmergingIssues/CCS/Documents/
Resolution%20LP-3 (4).doc; et la résolution sur l’amendement consistant à inclure la
séquestration du CO2 dans les formations géologiques du sous-sol marin dans l’annexe 1 du
Protocole de Londres, consultable (en anglais) à l’adresse www.imo.org/en/OurWork/
Environment/LCLP/EmergingIssues/CCS/Documents/LP1_1 %20CO2.doc.
294
Art. 6, annexe 1 « Directives spécifiques pour l’évaluation des flux de dioxyde de carbone en vue
de leur évacuation dans les formations géologiques du sous -sol marin », à l’annexe 4 du Rapport
de la vingt-neuvième réunion consultative et de la deuxième réunion des Parties contractantes,
OMI, 14 décembre 2007, LC 29/17.
295
Modification de l’article premier du Protocole de Londres, nouveau paragraphe 5 bis (LC 35/15,
annexe 4).
296
C. M. G. Vivian, « Brief summary of marine geo-engineering techniques », consultable à l’adresse
www.cefas.defra.gov.uk/publications/files/20120213-Brief-Summary-Marine-Geoeng-Techs.pdf.
297
Résolution LC-LP.1 (2008) sur la réglementation de la fertilisation des océans, consultable (en
anglais) à l’adresse www.whoi.edu/fileserver.do?id=56339&pt=10&p=39373.
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sur la diversité biologique a exhorté les États à s’assurer qu’il n’y aurait pas
d’activités de fertilisation des océans tant qu’il n’existerait pas de fondement
scientifique qui justifie de telles activités et qu’un « mécanisme de réglementation
et de contrôle efficace, mondial et transparent ne sera[it] pas en place pour ces
activités »
298
. La géo-ingénierie marine se décline également sous la forme d’une
augmentation de l’alcalinité des océans, procédé qui consiste à broyer, disperser et
dissoudre des pièces comme le calcaire, les silicates ou l’hydroxyde de calcium
dans l’océan afin d’accroître la capacité de celui-ci de stocker le carbone et ainsi
d’améliorer directement l’acidification des océans
299
. Il s’agit de piéger le dioxyde
de carbone présent dans l’atmosphère en augmentant l’alcalinité (et le pH) des
océans
300
. C’est là l’équivalent géochimique du processus d’altération naturelle des
pierres, qui contribue à prémunir le milieu marin contre la diminution du pH et
permettrait ainsi de lutter contre l’acidification des océans
301
. Cette technique de
nature à soulever des problèmes juridiques rappelant ceux suscités par la
fertilisation des océans, n’a cependant pas encore retenu l’attention des organismes
internationaux compétents.
89. La gestion du rayonnement solaire est une autre forme de géo -ingénierie. Les
techniques y relatives sont censés permettre d’atténuer les effets négatifs des
changements climatiques en réduisant les températures de la surface terrestre en
augmentant l’albédo de la planète ou en faisant dévier le rayonnement solaire
302
. On
estime qu’en provoquant une déviation du rayonnement solaire d’environ 1,8 %, on
pourrait compenser les effets que le doublement des concentrations de CO2 dans
l’atmosphère est de nature à produire sur la température moyenne de la planète
303
.
Plusieurs solutions s’offrent à cette fin, dont celles de l’amélioration de l’albédo ou
de l’utilisation d’aérosols stratosphériques. La première vise à accroître la
réflectance des nuages ou de la surface terrestre, le but étant de renvoyer dans
l’espace une plus grande masse de la chaleur du soleil. D’aucuns voient là une
solution sans risque, la composition de l’atmosphère ne s’en trouvant pas modifiée.
Elle consiste simplement à utiliser des matériaux blancs ou réfléchissants en milieu
urbain de manière à refléter le rayonnement solaire en plus grande quantité et faire
ainsi diminuer les températures mondiales
304
. Toutefois, son efficacité comme
__________________
298
Décision IX/16 sur la diversité biologique et les changements climatiques, consultable à l’adresse
www.cbd.int/doc/decisions/COP-09/cop-09-dec-16-fr.pdf. Une exception est envisagée pour les
activités de recherche à petite échelle menées dans les « eaux côtières » à des fins scientifiques,
sans création ou vente de compensations des émissions de carbone ni à quelque autre fin
commerciale. Naoya Okuwaki, « The London Dumping Convention and Ocean Fertilization
Experiments: Conflict of Treaties surrounding Technological Development for CO2 Mitigation »,
Jurist, n
o
1409 (2010), p. 38 à 46 (en japonais).
299
www.geoengineering.ox.ac.uk/what-is-geoengineering/what-is-geoengineering/.
300
Haroon S. Kheshgi, « Sequestering atmospheric carbon dioxide by increasing ocean alkalinity, »
Energy, vol. 20, n
o
9, (1995), p. 915 à 922.
301
Ibid.
302
Scott, « International law in the anthropocene: responding to the geo-engineering challenge »,
Michigan Journal of International Law, vol. 34, n
o
2, (2013), p. 326.
303
Ken Caldeira et Lowell Wood, « Global and Arctic climate engineering: numerical model studies, »
Philosophical Transactions of the Royal Society (Série A), vol. 366 (2008), p. 4039 et 4040.
304
Hashem Akbari et al., « Global cooling: increasing world-wide urban albedos to offset CO2, » 94,
Climatic Change (2009), p. 275 et 277; Robert M. Hamwey, “Active amplification of the
terrestrial albedo to mitigate climate change: an exploratory study, » Mitigation and Adaptation
Strategies for Global Change, vol. 12 (2007), p. 419 à 421.
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mesure d’atténuation ne convainc pas totalement
305
. La méthode des aérosols
atmosphériques consiste à introduire de fines particules réfléchissantes dans la haute
atmosphère, le but étant de renvoyer une partie de la lumière du solei l avant qu’elle
n’atteigne la surface de la Terre. L’injection d’aérosols sulfatés dans l’atmosphère
suscite néanmoins quelque inquiétude. Premièrement, elle est de nature à accentuer
l’appauvrissement de la couche d’ozone
306
. Deuxièmement, elle peut également
perturber la pluviosité et le cycle de la mousson, et affecter ainsi les ressources
vivrières et l’approvisionnement en eau, en particulier en Afrique et en Asie
307
.
Troisièmement, la solution n’en serait pas rentable comme mesure d’atténuation des
changements climatiques
308
.
90. Ainsi, la géo-ingénierie, qui pourrait permettre de faire face aux changements
climatiques, ne serait aux yeux de certains qu’une solution trompe -l’œil aux
problèmes du réchauffement planétaire, en ce sens qu’elle viendrait dissuader le s
uns et les autres de réduire les émissions de gaz à effet de serre
309
. L’intérêt
grandissant suscité par la géo-ingénierie s’explique en partie par la conception que
l’on a des problèmes inhérents au régime des changements climatiques et aux
politiques actuelles dites du tout réduction des émissions
310
. Comme on ne maîtrise
qu’imparfaitement les technologies nécessaires et le système climatique, on redoute
tous effets secondaires indésirables potentiels de cette solution sur l’environnement
et les écosystèmes. Selon certains spécialistes, loin d’en écarter la solution, il
importerait d’entreprendre de dégager des règles de droit et des normes
internationales qui viendraient encadrer l’utilisation de la géo -ingénierie dans
l’avenir
311
. On a également préconisé de donner pour mission à un organe
compétent, comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat, de procéder à une étude scientifique approfondie de la question, en prélude à
la conclusion d’un nouvel accord international qui viendrait gouverner la géoingénierie
312
. Cette entreprise normative nouvelle ne serait assurément pas du
ressort de la Commission du droit international. Toutefois, au nombre des exemples
de géo-ingénierie susévoqués, le boisement est consacré dans le Protocole de Kyoto,
la modification artificielle du temps étant réglementée en partie par le droit
__________________
305
The Royal Society, « Geoengineering the Climate: Science, Governance and Uncertainty », p. 34
(Londres, 2009), consultable à l’adresse
https://royalsociety.org/~/media/Royal_Society_Content/policy/publications/2009/8693.pdf.
306
Simone Tilmes et al., « The sensitivity of polar ozone depletion to proposed geoengineering
schemes, » Science, vol. 320 (2008), p. 1201 et 1204; Paul J. Crutzen, « Albedo enhancement by
stratospheric sulfur injections: a contribution to resolve a policy dilemma?, » Climatic Change,
vol. 77, n
os
3 et 4 (2006), p. 211 à 220.
307
Alan Robock et al., « Regional climate responses to geoengineering with tropical and Arctic SO2
injections », J. Geophysical Res. (16 août 2008), p. 1.
308
Marlos Goes, Nancy Tuana et Klaus Keller, « The economics (or lack thereof) of aerosol
geoengineering », Climate Change, vol. 109 (2011), p. 719 et 720.
309
Richard Black, « UK Climate Fix Balloon Grounded » (16 mai 2012),
http://www.bbc.com/news/science-environment-18086852; Johannes Urpelainen,
« Geoengineering and global warming: a strategic perspective, » International Environmental
Agreements: Politics, Law and Economics, vol. 12, n
o
4 (2012), p. 375 à 389.
310
Karen N. Scott, « International law in the anthropocene: responding to the geoengineering
challenge, » op. cit., p. 320.
311
Johannes Urpelainen, « Geoengineering and global warming: a strategic perspective » op. cit.,
p. 378.
312
Ibid. Voir aussi Scott Barrett, « The incredible economics of geoengineering, » Environmental and
Resource Economics, vol. 39 (2008), p. 53.
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international (Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification
de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles) e t, à sa suite,
par les résolutions de l’Assemblée générale et les directives du PNUE sur la
matière. La fertilisation des océans, comme forme de géo -ingénierie marine qui est
réglementée en partie par la Convention de Londres et son protocole, n’est autori sée
qu’à des fins de recherche scientifique. Ayant pour leur part envisagé toutes les
activités de géo-ingénierie, les Parties à la Convention sur la diversité biologique
décideront en 2010, suivant en cela la décision susmentionnée sur la fertilisation de s
océans, « qu’aucune activité de géo-ingénierie liée aux changements climatiques [ne
serait] entreprise qui pourrait avoir un impact sur la diversité biologique, tant qu’il
n’existe[rait] pas de base scientifique adéquate permettant de justifier de telles
activités et d’examen approprié des risques associés pour l’environnement et la
diversité biologique ainsi que des impacts sociaux, économiques et culturels
associés, à l’exception des études de recherche scientifique à petite échelle qui
pourraient être menées dans un environnement contrôlé, et seulement si elles sont
justifiées par le besoin de rassembler des données scientifiques et sont sujettes à une
évaluation préalable approfondie des impacts potentiels sur l’environnement »
313
.
En outre, plusieurs directives non contraignantes majeures ont vu le jour dans ce
domaine à savoir : les recommandations issues de la Conférence d’Asilomar sur les
technologies de modification des conditions météorologiques, organisée par le
Climate Institute (États-Unis) en 2010
314
; les normes facultatives élaborées en 2011
par l’équipe spéciale du Bipartisan Policy Center (États-Unis) chargée de la
recherche sur la restauration du climat
315
; et les principes d’Oxford sur la
gouvernance de la géo-ingénierie du climat, mis au point par des universitaires
britanniques en 2013
316
. Il va donc sans dire que les exigences de prudence et de
précaution (pour reprendre les termes des ordonnances du Tribunal international du
droit de la mer
317
) présideront à toutes activités de géo-ingénierie, même dûment
__________________
313
Décision X/33 (2010), consultable à l’adresse www.cbd.int/doc/decisions/cop -10/cop-10-dec-33fr.pdf.
314
Les recommandations de la Conférence d’Asilomar sont les suivantes : 1. Promotion du bien
commun; 2. Établissement des responsabilités et obligations; 3. Recherche ouverte et coopérative;
4. Évaluation itérative; 5. Participation et consentement du public. www.climate.org/resources/
climate-archives/conferences/asilomar/report.html.
315
2011-L’équipe spéciale du Bipartisan Policy Center chargée de la recherche sur la restauration du
climat a dégagé les principes suivants: principe 1 – Objet de la recherche en ce domaine; principe
2 – Mise à l’essai et déploiement des technologies idoines; principe 3 – Tutelle des programmes
de recherche; principe 4 – Impératif de transparence; principe 5 – Coordination internationale;
principe 6 – Gestion adaptative. http://bipartisanpolicy.org/library/task-force-climate-remediationresearch/.
316
Les principes sont les suivants : 1. Réglementation de la géo -ingénierie comme bien public;
2. Participation du public à la prise de décisions en matière de géo-ingénierie; 3. Communication
d’informations sur les travaux de recherche en géo-ingénierie et publication des résultats; 4. Étude
d’impact indépendante; 5. Gouvernance avant déploiement (les cinq principes ont une importance
égale; la numérotation n’emporte pas ordre de priorité). Voir Steve Rayner et al., « The Oxford
principles », monographie n
o
1 sur la gouvernance de la géo-ingénierie du climat (Université
d’Oxford, 2013), consultable à l’adresse www.geoengineering-governance-research.org/perch/
resources/workingpaper1rayneretaltheoxfordprinciples.pdf. Voir aussi Chiara Armani, « Global
experimental governance: international law and climate change technologies, » ICLQ, vol. 64,
n
o
4 (2015), p. 875 à 904.
317
Voir les ordonnances du Tribunal portant mesures conservatoires dans l’affaire du thon à nageoire
bleue (Nouvelle-Zélande c. Japon; Australie c. Japon) en 2009 (par. 77), dans l’affaire de l’usine
Mox (Irlande c. Royaume-Uni) en 2011 (par. 84) et dans l’affaire relative aux travaux de
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autorisées, et qu’en tout état de cause il conviendra de procéder , au cas par cas t à
l’évaluation préalable de ces activités en présence de tout projet. À l’évidence, le
droit international prescrit de réaliser des études d’impact sur l’environ nement en
présence de telles activités , ainsi qu’il ressort des larges développements consacrés
à cette matière plus haut (par. 41 à 60).
91. Vu les développements qui précèdent, nous proposons le projet de directive
suivant :
Projet de directive 7: Géo-ingénierie
Les activités de géo-ingénierie visant à modifier les conditions atmosphériques
devraient être menées avec prudence et précaution, en toute clarté et
transparence et ce dans le respect du droit international existant. Elles doivent
impérativement faire l’objet d’études d’impact environnemental.
IV. Conclusion
92. Ayant envisagé les principales directives de fond en la matière (à savoir,
l’obligation faite aux États de protéger l’atmosphère et d’en faire une utilisation
durable et équitable) à l’occasion de notre troisième rapport en 2016, nous
voudrions proposer à la Commission de traiter, en 2017, de la question des rapports
entre le droit de l’atmosphère et d’autres branches du droit international (droit de la
mer, droit international du commerce et de l’investissement, droit international des
droits de l’homme, etc.) et, en 2018, des questions d’application et de respect des
directives et de règlement des différends touchant la protection de l’atmosphère,
l’espoir étant qu’elle aura achevé l’examen du sujet en première lecture à cette date,
pour en mener à bien la deuxième lecture en 2019.
__________________
poldérisation réalisés par Singapour à l’intérieur et à proximité du détroit de Johor (Malaisie
c. Singapour) en 2003 (par. 99).
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Annexe
Projets de directives proposés par le Rapporteur spécial
Préambule
...
« Soulignant la nécessité de prendre en considération la situation particulière des
pays en développement »,"
[D’autres paragraphes pourront être ajoutés, et l’ordre des paragraphes sera
éventuellement revu, à un stade ultérieur.]
Directive 3 : Obligation des États de protéger l’atmosphère
Les États ont l’obligation de protéger l’atmosphère contre la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
a) Les mesures de diligence raisonnable qui conviennent doivent être prises
conformément aux règles applicables du droit international a fin de prévenir la
pollution atmosphérique.
b) Les mesures qui conviennent doivent être prises conformément aux
conventions applicables afin de réduire au minimum le risque de dé gradation
atmosphérique.
Directive 4 : Étude d’impact environnemental
Les États ont l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il
soit procédé à une étude d’impact environnemental adaptée en vue de prévenir, de
réduire et de maîtriser les causes et les impacts de la pollution atmosphérique et de
la dégradation atmosphérique qui pourraient découler des activités proposées.
L’étude doit être menée dans la transparence et avec la participation d’un large
éventail de la population.
Directive 5 : Utilisation durable de l’atmosphère
1. Le caractère fini de l’atmosphère impose qu’elle soit utilisée en ayant
soin de veiller à sa pérennité.
2. Pour garantir une utilisation durable de l’atmosphère, le droit
international impose de maintenir un juste équilibre entre le développement
économique et la protection de l’environnement.
Directive 6 : Utilisation équitable de l’atmosphère
Les États doivent utiliser l’atmosphère en appliquant le principe d’équité et
dans l’intérêt des générations présentes et futures.
Directive 7 : Géo-ingénierie
Les activités de géo-ingénierie doivent être menées avec prudence et
précaution, en toute transparence et dans le respect du droit international existant.
Elles doivent impérativement faire l’objet d’études d’impact environnemental.
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Directive 8 [5] : Coopération internationale
Le projet de directive 8 serait le projet de directive 5, tel que provisoirement
adopté par la Commission en 2015.
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«@)
Nations Unies
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Assemblée générale
Distr. générale
31 janvier 2017
Français
Original : anglais
Commission du droit international
Soixante-neuvième session
Genève, 1
er
mai-2 juin et 3 juillet-4 août 2017
Quatrième rapport sur la protection de l’atmosphère
Établi par Shinya Murase, Rapporteur spécial
*
Table des matières
Page
I. Principes directeurs de l’application concurrente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
A. Fragmentation et application concurrente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
B. Soutien mutuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
II. Droit relatif à la protection de l’atmosphère et droit commercial international ou droit
international de l’investissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
A. Droit commercial international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1. Organisation mondiale du commerce et Accord général sur les tarifs douaniers
et le commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2. Accords de libre-échange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
__________________
* Nous tenons à remercier les professeurs et chercheurs ci-après pour le précieux concours qu’ils
nous ont prêté : Charles Wharton, anciennement maître de conférences à la faculté de droit de
l’Université Renmin; Yuka Fukunaga, de l’Université Waseda; Yubing Shi, de l’Université
Xiamen; Masayuki Hiromi, chercheur post-doctorant à la faculté de droit de l’Université
Sophia; Deng Hua, doctorant à la faculté de droit de l’Université Renmin; Zhang Maoli, étudiant
de troisième cycle à l’Université de jeunesse d’études politiques de Chine; Zhou You, du Juris
Master de l’Université de Beijing. D’autres étudiants nous ont également apporté une aide
précieuse, parmi lesquels les étudiants de troisième cycle de l’Université de jeunesse d’études
politiques de Chine suivants : Qi Quanmei, Li Yubo, Zhang Yixi, Wang Jing, Wang Kun, Liu Yue
et Chen Yue, ainsi que Wang Leifan, doctorant à la faculté de droit de l’Université Renmin. Nous
remercions vivement le Vice-Président Lin Wei; le Doyen Wu Yong; le Vice-Doyen Wang Lijun;
les professeurs Qin Yihe et Chen Xiaohua, qui ont contribué à ce que nos recherc hes à l’Université
de jeunesse d’études politiques de Chine soient fructueuses, et Zhu Wenqi, professeur à la faculté
de droit de l’Université Renmin, pour son soutien et ses encouragements permanents pendant la
réalisation de ce projet.
17-01471 (F) 040417 110417
*1701471*
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3. Accords multilatéraux sur l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
4. Règlement des différends . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
B. Droit international de l’investissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1. Pratique conventionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2. Affaires d’arbitrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
III. Droit relatif à la protection de l’atmosphère et droit de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
A. Liens entre la mer et l’atmosphère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
B. Application concurrente du droit de la mer et du droit relatif à la protection
de l’atmosphère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
1. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et autres instruments . . . . . . . . 33
2. Décisions de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
C. Élévation du niveau de la mer et son incidence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
IV. Droit relatif à la protection de l’atmosphère et droit international des droits de l’homme . . . . 45
A. Traités et autres instruments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
B. Jurisprudence des tribunaux internationaux et des organes conventionnels . . . . . . . . . . . . 48
C. Droits substantiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
D. Personnes vulnérables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
E. Générations futures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
F. Problèmes de procédure : application extrajuridictionnelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
V. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
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III. Droit relatif à la protection de l’atmosphère
et droit de la mer
A. Liens entre la mer et l’atmosphère
46. D’un point de vue physique, la mer (océans) et l’atmosphère sont étroitement
liées dans des phénomènes particuliers qui déterminent les caractéristiques de leur
interaction
126
. Ces phénomènes englobent le rôle de la vapeur d’eau ambiante et des
nuages, l’absorption sélective du rayonnement par la mer et la diffusion de la
chaleur totale dans le système océano-atmosphérique
127
. La mer et l’atmosphère
échangent de l’énergie, de la force et de la matière (eau, carbone, azote, etc.)
128
. Une
part non négligeable de la pollution du milieu marin depuis ou à travers
l’atmosphère est généralement d’origine tellurique, à savoir découle d’activités
anthropiques menées sur la terre. L’atmosphère est un vecteur important du
transport, des continents dans les océans, de nombreux éléments naturels et
polluants
129
. La pollution provient de rejets directs ou de sources d’émission, y
compris de déversements réalisés dans l’atmosphère par les combustibles fossiles et
la combustion des déchets. Des études scientifiques ont montré que, bien que des
polluants chimiques – déversés du fait d’activités humaines – soient désormais
présents dans tous les océans, les effets les plus avérés sur les êtres vivants sont
constatés dans les eaux côtières et résultent de la pollution d’origine tellurique
130
.
__________________
126
R.A. Duce, J.N. Galloway et P.S. Liss, « Les impacts des dépôts atmosphériques dans l’océan sur
les écosystèmes marins et le climat »,Bulletin de l’Organisation météorologique mondiale,
vol. 58, n° 1, 2009, p. 61 à 66; E.H.G. Brévièreet al., « Surface ocean-lower atmosphere study:
scientific synthesis and contribution to Earth system science »,Anthropocene, vol. 12, 2015,
p. 54 à 68; Groupe mixte d’experts chargé d’étudier les aspects scientifiques de la protection de
l’environnement marin,The Atmospheric Input of Chemicals to the Ocean, Reports and Studies
n° 84, GAW Report n° 203, 2012, disponible à l’adresse
www.wmo.int/pages/prog/arep/wwrp/new/documents/Final_GAW_203_WEB.pdf (consulté le
20 février 2017). Le Rapporteur spécial est reconnaissant à Mme Oksana Tarasova, Cheffe, et à
M
me
Silvina Carou, spécialiste des questions scientifiques, de la Division de la rechercher sur
l’environnement atmosphérique de l’Organisation météorologique mondiale, qui ont communiqué
les informations scientifiques voulues.
127
P.J. Webster, « The role of hydrological processes in ocean-atmosphere interactions »,Reviews of
Geophysics, vol. 32, n° 4, 1994, p. 427 à 476; voir également E.B. Kraus et J.A. Businger,
Atmosphere-Ocean Interaction,2e éd., Oxford, Oxford University Press, 1994; et W.K.M. Lau et
D.E. Waliser,Intraseasonal variability in the atmosphere–ocean climate system, Berlin-
Heidelberg, Springer, 2012. Le Rapporteur spécial est reconnaissant à M
me
Zhou You, Maître en
droit de la Peking University (diplômée du Département des sciences), qui a communiqué des
informations scientifiques voulues sur les liens entre la mer et l’atmosphère.
128
Voir T. Stocker, Introduction to Climate Modelling, Berlin-Heidelberg, Springer, 2011, p. 137 à
150, selon lequel la plupart des mouvements océaniques, en particulier à grande échelle, sont dus
à ces échanges (ibid., p. 137).
129
R.A. Duceet al., « The atmospheric input of trace species to the world ocean »,Global
Biogeochemical Cycles, vol. 5, n° 3, 1991, p. 193 à 259; T. Jickells et C.M. Moore, « The
importance of atmospheric deposition for ocean productivity »,Annual Review of Ecology,
Evolution, and Systematics, vol. 46, 2015, p. 481 à 501.
130
D.F. Boeschet al.,Marine pollution in the United States, Arlington, Pew Oceans Commission,
2001; J.M. Prospero, « The atmospheric transport of particles to the ocean »,Particle Flux in the
Ocean, V. Ittekkotet al.(dir.), SCOPE Report, vol. 57, San Francisco, John Wiley and Sons, 1996,
p. 19 à 52; S. Cornell, A. Randell et T. Jickells, « Atmospheric inputs of dissolved organic
nitrogen to the oceans »,Nature, vol. 376, 1995, p. 243 à 246; R.A. Duce et al., « Impacts of
atmospheric anthropogenic nitrogen on the open ocean »,Science, vol. 320, 2008, p. 893 à 897.
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Les activités humaines sont également la cause du réchauffement climatique, qui
entraîne l’augmentation de la température des océans, laquelle explique les
phénomènes atmosphériques extrêmes (inondations, sécheresse)
131
ainsi que les
méga-typhons (ouragans et cyclones)
132
. Les phénomènes de type El Niño,
découlant de l’interaction instable de l’océan Pacifique tropical et de
l’atmosphère
133
, sont l’une des principales illustrations des conséquences d’échelle
mondiale de l’instabilité climatique. Il a été affirmé que cette réorganisation
massive de la convection atmosphérique bouleversait les modèles météorologiques
mondiaux, car elle avait des incidences sur les écosystèmes, l’agriculture, les
cyclones tropicaux, la sécheresse, les feux de forêts, les inondations et d’autres
phénomènes météorologiques extrêmes partout dans le monde
134
.
47. Entre autres activités humaines, les émissions de gaz à effet de serre par des
navires ont augmenté ces dernières années à un rythme élevé, et contribué au
réchauffement planétaire et aux changements climatiques. Dans une étude réalisée
en 2000, l’Organisation maritime internationale a réparti les émissions de gaz par
les navires dans les quatre catégories suivantes : émissions de gaz d’échappement;
émissions de frigorigènes; émissions de cargaisons; émissions découlant de la lutte
contre les incendies et de matériels divers
135
. Elle a constaté que les navires
émettaient non seulement du dioxyde de carbone (CO 2), mais également de l’oxyde
__________________
131
Une étude scientifique a montré que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre
contribue à l’intensification des fortes précipitations constatée dans près de plus des deux tiers des
zones de l’hémisphère Nord faisant l’objet de relevés (S.K. Min et al., « Human contribution to
more-intense precipitation extremes »,Nature, vol. 470, 2011, p. 378 à 381). De nombreuses
analyses scientifiques tendent à indiquer qu’il existe un risque de sécheresse au vingt et unième
siècle et que des sécheresses graves et étendues pourraient toucher de nombreuses zones terrestres
ces 30 à 90 prochaines années, du fait de la baisse des précipitations ou de l’augmentation de
l’évaporation (voir A. Dai, « Increasing drought under global warming in observations and
models »,Nature Climate Change, vol. 3, 2013, p. 52 à 58; et J. Sheffield, E.F. Wood et
M.L. Roderick, « Little change in global drought over the past 60 years »,Nature, vol. 491, 2012,
p. 435 à 438).
132
Le nombre et la proportion des ouragans de catégorie 4 et 5 ont fortement augmenté.
L’augmentation la plus importante s’est produite dans les océans Pacifique Nord, Indien et
Pacifique du Sud-Ouest, et l’augmentation proportionnelle la moins importante a été constatée
dans l’océan Atlantique Nord. Ces augmentations se sont produites alors que le nombre de
cyclones et de jours de cyclone ont diminué dans tous les bassins, à l’excep tion de l’Atlantique
Nord, ces dix dernières années (voir P.J. Webster et al., « Changes in tropical cyclone number,
duration, and intensity in a warming environment »,Science, vol. 309, n° 5742, 2005, p. 1844 à
1846). La preuve a été solidement établie que certains phénomènes extrêmes – notamment les
vagues de chaleur ou les précipitations extrêmes – et l’augmentation de leur nombre découlent de
l’incidence de l’activité humaine sur le climat. Pour d’autres phénomènes extrêmes, tels que les
orages, les éléments de preuve disponibles sont moins incontestables, mais compte tenu des
tendances observées et des notions de physique élémentaires, il est toutefois plausible de
s’attendre à ce que leur nombre augmente [voir D. Coumou et S. Rahmstorf, « A decade of
weather extremes »,Nature Climate Change, vol. 2, n° 7, 2012, p. 491 à 496].
133
A.V. Fedorov et S.G. Philander, « Is El Niño changing? »,Science, vol. 288 (5473), 2000, p. 1997
à 2002.
134
W. Cai et others, « Increasing frequency of extreme El Niño events due to greenhouse warming »,
Nature Climate Change, vol. 4, 2014, p. 111 à 116.
135
Ø. Buhauget al.,Second IMO GHG Study 2009, London, IMO, 2009, p. 23. Voir également
T.W.P. Smithet al.,Third IMO GHG Study 2014, Londres, OMI, 2014, tableau 1.
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de soufre (SOx) et de l’oxyde d’azote (NOx)
136
. Selon cette étude, les émissions de
gaz à effet de serre par les navires sont excessives et modifient la composition de
l’atmosphère et le climat, et ont des répercussions sur le milieu marin et la santé
humaine
137
.
48. L’une des incidences maritimes les plus marquées qu’ait la dégradation
atmosphérique est l’élévation du niveau de la mer due au réchauffement climatique.
Dans son cinquième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat considère que l’élévation moyenne du niveau de la mer à
l’échelle mondiale serait de 26 à 98 centimètres d’ici à 2100
138
. Si les chiffres et
niveaux exacts demeurent encore incertains, les auteurs du rapport affirment qu’il
est presque sûr que le niveau de la mer continuera de monter pendant le vingt et
unième siècle et au-delà – quand bien même les concentrations des émissions de gaz
à effet de serre étaient stabilisées. En outre, l’élévation du niveau de la mer risque
d’avoir des particularités régionales marquées, certains lieux et certaines régions
enregistrant des écarts notables par rapport à la moyenne mondiale
139
. Elle peut faire
peser une menace potentiellement grave, voire catastrophique, sur de nombreux
États côtiers, en particulier ceux dont les côtes sont importantes, densément
peuplées et peu élevées, ainsi que sur les petits États insulaires de faible altitude;
cette question est examinée plus loin dans le présent rapport.
49. L’Assemblée générale a continué de souligner qu’il était urgent de lutter
contre les effets de la dégradation atmosphérique tels que l’élévation des
températures et du niveau de la mer à l’échelle mondiale, l’acidification des océans
et d’autres effets des changements climatiques, qui avaient de graves répercussions
sur les zones côtières et les pays côtiers de faible altitude, notamment nombre de
pays parmi les moins avancés et de petits États insulaires en développement, et que
__________________
136
M. Righi, J. Hendricks et R. Sausen, The global impact of the transport sectors on atmospheric
aerosol in 2030 – Part 1: land transport and shipping »,Atmospheric Chemistry and Physics,
vol. 15, 2015, p. 633 à 651.
137
La plupart des émissions de gaz à effet de serre provenant de navires sont réalisées dans la couche
limite marine ou y sont transportées, et elles y modifient la composition atmosphérique. Voir, par
exemple, V. Eyringet al., « Transport impacts on atmosphere and climate: shipping »,
Atmospheric Environment, vol. 44, n° 37, 2010, p. 4735, 4744, 4745 et 4752 à 4753. Les
émissions de gaz à effet de serre provenant de navires ont des conséquences négatives sur le
milieu marin. Dans son cinquième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat a affirmé que les émissions de gaz à effet de serre ont conduit au
réchauffement des océans, à la hausse de leurs températures et à leur acidification. Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, « Changements climatiques 2014.
Résumés, foire aux questions et encarts thématiques », disponible à l’adresse
https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/WGIIAR5-IntegrationBrochure_fr.pdf
(consulté le 20 février 2017); D.E.J. Currie et K. Wowk, « Climate change and CO 2 in the oceans
and global oceans governance »,Carbon and Climate Law Review, vol. 3, n° 4, 2009, p. 387 et
389; C. Schofield, « Shifting limits? Sea level rise and options to secure maritime jurisdictional
claims »,Carbon and Climate Law Review, vol. 3, n° 4, 2009, p. 12; S.R. Cooley et J.T. Mathis,
« Addressing ocean acidification as part of sustainable ocean development »,Ocean Yearbook,
vol. 27, n° 1, 2013, p. 29 à 47.
138
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat,Climate Change 2013: The
Physical Science Basis. Working Group I Contribution of to the Fifth Assessment Report of the
Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge, United Kingdom, Cambridge University
Press, 2013, p. 1180.
139
Ibid., p. 1140.
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la survie de bien des sociétés était en jeu.
140
. En 2015, la première évaluation
mondiale intégrée de l’état du milieu marin (évaluation mondiale des océans) a été
menée à son terme; elle constitue une étude complète et approfondie des substances
d’origine tellurique qui polluent les océans après être passées dans l’atmosphère
141
.
Le résumé du rapport a été approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution
70/235 du 23 décembre 2015. Dans sa résolution 71/257 du 23 décembre 2016,
l’Assemblée a confirmé que les changements climatiques avaient des effets sur les
océans
142
.
B. Application concurrente du droit de la mer et du droit
relatif à la protection de l’atmosphère***
1. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et autres instruments
50. Au moment de son adoption, en 1982, la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer visait à traiter de toutes les questions re latives au droit de la mer, y
compris la protection du milieu marin contre la pollution et la dégradation
atmosphériques. À cette fin, elle donne, au paragraphe 1 4) de son article premier,
une définition de la « pollution du milieu marin », et réglemente toutes les sources
aériennes de la pollution du milieu marin, y compris la pollution atmosphérique
d’origine tellurique ou par les navires, dans les articles 192, 194, 207, 211 et 212 de
sa Partie XII. Bien que la question des changements climatiques n’ait pas figuré à
l’ordre du jour de la communauté internationale pendant les négociations relatives à
la Convention
143
, les obligations qui incombent aux États en matière
environnementale peuvent se déduire du texte, et interagissent avec le régime
international des changements climatiques et le régime relevant de l’Organisation
maritime internationale, avec lesquels elles se renforcent mutuellement.
51. Aux termes du paragraphe 1 4) de l’article premier de la Convention, « on
entend par « pollution du milieu marin » l’introduction directe ou indirecte, par
l’homme, de substances ou d’énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires,
lorsqu’elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources
biologiques et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de l’homme,
entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations
légitimes de la mer, altération de la qualité de l’eau de mer du point de vue de son
utilisation et dégradation des valeurs d’agrément ». Compte tenu de cette définition,
__________________
***
Le Rapporteur spécial est particulièrement reconnaissant à Yubing Shi, Professeur à l’Université
Xiamen, d’avoir rédigé les paragraphes du présent rapport relatifs au droit de la mer et aux
décisions de justice correspondantes.
140
Voir Rapport du Secrétaire général « Les océans et le droit de la mer » (A/71/74/Add.1),
chap. VIII (« Océans, changements climatiques et acidification des océans), par. 115 à 122.
141
Division des affaires maritimes et du droit de la mer, « Première évaluation mondiale intégrée de
l’état du milieu marin (évaluation mondiale des océans) », disponible à l’adresse
www.un.org/depts/los/global_reporting/WOA_RegProcess.htm (consulté le 20 février 2017; en
anglais seulement) (voir, en particulier, chap. 20 relatif aux apports d’origine tellurique véhiculés
le long des côtes, par les cours d’eau et par transport atmosphérique).
142
Voir par. 185 à 196.
143
A. Boyle, « Law of the sea perspectives on climate change », inThe 1982 Law of the Sea
Convention at 30: Successes, Challenges and New Agendas,D. Freestone (dir.), Leiden,
Martinus Nijhoff, 2013, p. 157 à 164; voir, en général, R.S. Abate (dir.),Climate Change
Impacts on Ocean and Coastal Law: U.S. and International Perspectives, Oxford, Oxford
University Press, 2015.
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le déversement de substances toxiques, nuisibles et nocives (y compris les polluants
atmosphériques) d’origine tellurique pollue le milieu marin et lui nuit, ce que
confirme le paragraphe 3 de l’article 194 de la Convention, ains i que l’article 207.
De même, la pollution atmosphérique par les navires nuit également au milieu
marin, question que réglementent le paragraphe 3 de l’article 194 et les articles 211
et 212 de la Convention. L’oxyde de soufre (SOx) et l’oxyde d’azote (NOx) sont
généralement considérés comme des polluants aériens
144
, mais la question de savoir
si les émissions de gaz à effet de serre par les navires, en particulier celles de
dioxyde de carbone (CO2), constituent un type de pollution, fait l’objet de débats et
est traitée différemment d’une législation nationale à l’autre
145
. Toutefois, il est
communément admis que les émissions de gaz à effet de serre par les navires, un
des principaux facteurs des changements climatiques, polluent le milieu marin et lui
nuisent. La définition formulée au paragraphe 1 4) de l’article premier la
Convention est intéressante car elle fixe les critères qui permettent de déterminer si
un type « de substances ou d’énergie » constitue une pollution du milieu marin, ce
qui pourrait entraîner l’application à ces « substances ou énergie » de nombreux
traités relatifs à la pollution adoptés sous les auspices de l’Organisation maritime
internationale et d’autres instances internationales
146
.
52. La Partie XII de la Convention traite de la pollution atmosphérique d’origine
tellurique. Si, aux termes de l’article 192, les États ont l’obligation d’ordre général
de protéger et de préserver le milieu marin, les obligations relatives aux sources
telluriques de la pollution sont précisées au paragraphe 3 a) de l’article 194 et à
l’article 207. Le paragraphe 3 a) de l’article 194 se lit comme suit :
« Les mesures prises en application de la présente partie doivent viser toutes
les sources de pollution du milieu marin. Elles comprennent notamment les
mesures tendant à limiter autant que possible :
a) l’évacuation de substances toxiques, nuisibles ou nocives, en
particulier de substances non dégradables, à partir de sources telluriques,
depuis ou à travers l’atmosphère ou par immersion. »
En application de ces dispositions, les États sont tenus de prendre toutes les mesures
nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution atmosphérique d’origine
tellurique. La pollution atmosphérique peut également provenir des émissions de
__________________
144
Par exemple, à la cinquante-huitième session du Comité de la protection du milieu marin, en 2008,
l’Organisation maritime internationale a adoptée l’annexe VI, telle que modifiée, à la Convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires, qui réglemente notamment les
émissions d’oxyde de soufre (SOx) et d’oxyde d’azote (NOx). La Convention a désormais six
annexes, à savoir : annexe I sur les règles relatives à la prévention de la pollution par les
hydrocarbures (entrée en vigueur le 2 octobre 1983); annexe II sur les règles relatives à la
prévention de la pollution par les substances liquides nocives transportées en vrac (entrée en
vigueur le 6 avril 1987); annexe III sur les règles relatives à la prévention de la pollution par les
substances nuisibles transportées par mer en colis (entrée en vigueur le 1
er
juillet 1992); annexe IV
sur les règles relatives à la prévention de la pollution par les eaux usées des navires (entrée en
vigueur le 27 septembre 2003); annexe V sur les règles relatives à la prévention de la pollution par
les ordures des navires (entrée en vigueur le 31 décembre 1988); et annexe VI sur les règles
relatives à la prévention de la pollution de l’atmosphère par les navires (entrée en vigueur le
19 mai 2005).
145
Y. Shi, « Are greenhouse gas emissions from international shipping a type of marine
pollution? »,Marine Pollution Bulletin, vol. 113, n° 1 et 2 (2016), p. 187 à 192.
146
Ibid., p. 187.
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gaz à effet de serre, qui ont des effets nocifs sur le milieu marin
147
. Aussi la
Convention fait-elle peser une obligation de diligence raisonnable sur les États
148
, et
leur sert de convention-cadre pour ce qui est de réduire la pollution atmosphérique
d’origine tellurique et les émissions de gaz à effet de serre. Cette réglementation
sous-tend les initiatives réglementaires mondiales et régionales adoptées
ultérieurement, notamment le Programme d’action mondial pour la protection du
milieu marin contre la pollution due aux activités terrestres
149
, la Convention-cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto
150
, et
151
l’Accord de Paris
.
53. Aux termes du paragraphe 4 de l’article 207 de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer, les États, agissant en particulier par l’intermédiaire des
organisations internationales compétentes ou d’une conférence diplomatique,
s’efforcent d’adopter au plan mondial et régional, des règles et des normes, ainsi
que des pratiques et procédures recommandées pour prévenir, réduire et maîtriser la
pollution d’origine tellurique. L’emploi du pluriel (« organisations internationales
compétentes ») montre que l’Organisation maritime internationale n’est pas la seule
organisation qui lutte contre la pollution du milieu marin d’origine tellurique
152
.
Ainsi, des traités adoptés sous les auspices de l’Organisation maritime
internationale et d’autres organisations internationales ont été incorporés dans la
Convention sous forme de renvois. Par ailleurs, le paragraphe 4 de l’article 207 de
la Convention souligne que les règles et normes, ainsi que les pratiques et
procédures recommandées doivent être adoptées en tenant compte des particularités
régionales, de la capacité économique des États en développement et des exigences
de leur développement économique. Il fait écho au paragraphe 1 de l’article 194,
aux termes duquel les États prennent des mesures « en fonction de leurs
capacités »
153
, et sous-tend la formation éventuelle des « responsabilités communes
mais différenciées et des capacités respectives » de la Convention-cadre de 1992.
__________________
147
Boyle, « Law of the sea perspectives on climate change » (voirsupranote 143), p. 158;
voir également Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat,Climate
Change 2013 …(supra, note 138), p. 4 et 5; D.E.J. Currie and K. Wowk, « Climate change and
CO2 in the oceans and global oceans governance »,Carbon and Climate Law Review, vol. 3, n° 4,
2009, p. 387 et 389.
148
Boyle, « Law of the sea perspectives on climate change » (voirsupranote 143), p. 159.
149
Le Programme d’action mondial est administré par un groupe de coordination accueilli par le
Programme des Nations Unies pour l’environnement. Il a été conçu sur le fondement de
dispositions des chapitres 17, 33 et 34 d’Action 21, de la Déclaration de Rio sur l’environnement
et le développement et des Lignes directrices de Montréal pour la protection du milieu marin
contre la pollution d’origine tellurique. Il y est recommandé que des mesures soient prises aux
niveaux international, régional et national pour lutter contre la pollution du milieu marin due à des
activités terrestres.
150
Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
(Kyoto, 11 décembre 1997).
151
Accord de Paris adopté en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques (Paris, 12 décembre 2015), document FCCC/CP/2015/L.9/Rev.1, annexe.
152
M.H. Nordquistet al. (dir.), United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A
Commentary, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1991, vol. IV, p. 133, par. 207.7 d).
153
Cette expression trouve son origine dans le libellé « toutes les mesures possibles » du principe 7
de la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement (Déclaration de
Stockholm). Voir Nordquistet al.,United Nations Convention on the Law of the Sea …(supra,
note 152), p. 64, par. 194.10 b).
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54. Les dispositions de la Convention relatives à la pollution atmosphérique par
les navires sont fondées sur le principe du soutien mutuel de la Convention et des
textes de l’Organisation maritime internationale. Deux dispositifs ont permis de
réaliser ce soutien, à savoir les règles dites de renvoi, et les obligations d’ordre
général complétées par les instruments de l’Organisation maritime internationale.
55. En ce qui concerne les règles de renvoi, les parties à la Convention sont priées
de se conformer aux règles et normes énoncées dans d’autres instruments
internationaux adoptés sous les auspices de l’Organisation maritime internationale,
même lorsqu’elles ne sont pas parties à ces instruments
154
. Deux règles de renvoi
énoncées dans la Convention s’appliquent à la réglementation de la pollution
atmosphérique par les navires. Le paragraphe 2 de l’article 211 (« Pollution par les
navires ») de la Convention se lit comme suit : « Les États adoptent des lois et
règlements pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les
navires battant leur pavillon ou immatriculés par eux. Ces lois et règlements ne
doivent pas être moins efficaces que les règles et normes internationales
généralement acceptées, établies par l’intermédiaire de l’organisation internationale
compétente ou d’une conférence diplomatique générale ». L’« organisation
internationale compétente » à laquelle il est fait référence est l’Organisation
maritime internationale. En application de cette disposition, les lois et règlements
qu’adoptent les États pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution atmosphérique
par les navires battant leur pavillon doivent être conformes aux règles et normes
internationales généralement acceptées, établies par l’Organisation maritime
internationale, ou plus rigoureuses
155
. Ainsi, cette disposition est liée aux
instruments de l’Organisation relatifs à la pollution atmosphérique par les navires
dans lesquels les règles et normes visées sont qualifiées de « généralement
acceptées » aux fins du paragraphe 2 de l’article 211 de la Convention
156
.
L’annexe VI (« Règles relatives à la prévention de la pollution de l’air par les
navires ») de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les
navires est un exemple de ce type d’instruments. Le paragraphe 1 de l’article 212
(« Pollution d’origine atmosphérique ou transatmosphérique ») de la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer se lit comme suit : « Les États, afin de
prévenir, réduire ou maîtriser la pollution du milieu marin d’origine atmosphérique
ou transatmosphérique, adoptent des lois et règlements applicables à l’espace aérien
où s’exerce leur souveraineté et aux navires battant leur pavillon ou aux navires ou
aéronefs immatriculés par eux, en tenant compte des règles et des normes, ainsi que
des pratiques et procédures recommandées, internationalement convenues, et de la
sécurité de la navigation aérienne ». Les États y sont encouragés à appliquer les
règles et les normes de l’Organisation maritime internationale, ainsi que les
pratiques et procédures recommandées, internationalement convenues, pour
__________________
154
Voir, par exemple, J. Harrison, « Recent developments and continuing challenges in the regulation
of greenhouse gas emissions from international shipping », University of Edinburgh School of
Law, Research Paper Series n° 2012/12, disponible à l’adresse https://ssrn.com/abstract=2037038
(consulté le 20 février 2017), p. 20.
155
Nordquistet al., « United Nations Convention on the Law of the Sea … » (voirsupranote 153),
p. 203, par. 211.15 f).
156
Voir, par exemple, A.E. Boyle, « Marine pollution under the law of the sea convention »,
American Journal of International Law, vol. 79, 1985, p. 357; et R. Van Reenan, « Rules of
references in the new Convention on the Law of the Sea, in particular in connection with the
pollution of the sea by oil from tankers »,Netherlands Yearbook of International Law, vol. 12,
1981, p. 3.
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s’acquitter des obligations qu’ils tiennent de la Convention. Les mots
« internationalement convenues » sont moins forts que l’expression « généralement
acceptées ». Toutefois, la Division des affaires maritimes et du droit de la mer
considère que l’annexe VI de la Convention internationale pour la prévention de la
pollution par les navires est un instrument complé mentaire que les États sont tenus
d’appliquer pour s’acquitter des obligations énoncées dans l’article 212
157
.
56. Certaines des obligations générales des États relatives à la poll ution
atmosphérique par les navires que prévoit la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer sont complétées par des règlementations concrètes adoptées sous les
auspices de l’Organisation maritime internationale. Par exemple, le paragraphe 3 b)
de l’article 194 de la Convention, qui fait référence à la pollution atmosphérique par
les navires de manière générale, se lit comme suit :
Les mesures prises en application de la présente partie doivent viser toutes les
sources de pollution du milieu marin. Elles comprennent notamment les
mesures tendant à limiter autant que possible :
[…]
b) la pollution par les navires, en particulier les mesures visant à
prévenir les accidents et à faire face aux cas d’urgence, à assurer la sécurité
des opérations en mer, à prévenir les rejets, qu’ils soient intentionnels ou non,
et à réglementer la conception, la construction, l’armement et l’exploitation
des navires.
La norme de conduite prévue au paragraphe 3 b) de l’article 194 de la Convention
est d’ordre très général. Elle vise diverses sources de pollution aérienne par les
navires, y compris celles qui résultent du fonctionnement normal des navires ou
d’accidents marins dus à une collision ou un échouage. Les obligations concrètes
sont énoncées dans des instruments de l’Organisation maritime internationale tels
que la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires,
la Convention sur le Règlement international pour prévenir les abordages en mer ou
la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer.
De même, aux fins de la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution du
milieu marin par des navires, le paragraphe 6 de l’article 211 de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer permet aux États côtiers d’établir des zones
particulières dans leur zone économique exclusive après avoir tenu, par
l’intermédiaire de l’organisation internationale compétente, les consultations
appropriées. Pour faciliter l’application de cette disposition, l’Organisation
maritime internationale a adopté en 2005 sa résolution A.982(24) sur les direc tives
révisées pour l’identification et la désignation des zones maritimes particulièrement
vulnérables.
57. Un commentaire relatif à l’article 194 de la Convention sur le droit de la mer
donne des éclaircissements sur l’application concurrente du droit de la mer et du
droit relatif à l’atmosphère.
Il y est dit que la première occurrence du mot « atmosphère » se trouve au
paragraphe 3 a), et que la question se pose de savoir dans quelle mesure
__________________
157
Division des affaires maritimes et du droit de la mer,Le droit de la mer : obligations des États
Parties aux termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et des instruments
complémentaires(Publication des Nations Unies, Numéro de vente : F.04.V.5), p. 52.
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l’atmosphère peut être considérée comme faisant partie du milieu ma rin.
Plusieurs dispositions de la Convention font référence à l’atmosphère,
désignée par le terme « espace aérien sur-jacent » ou des expressions
connexes. Elles montrent à elles seules que l’atmosphère en tant que telle peut
être considérée comme une composante du milieu marin, au moins dans la
mesure où il existe un lien direct entre l’atmosphère de l’espace aérien surjacent
et les caractéristiques naturelles de l’espace océanique sous-jacent. Le
paragraphe 3 a) de l’article 194, associé aux articles 212 et 222, établit donc
un lien entre le droit de la mer et le droit relatif à l’atmosphère en tant que
telle, qu’elle se trouve ou non au-dessus des océans. Parallèlement, les
dispositions de la Convention, en particulier celles de la Partie XII, ne
préjugent pas la question de savoir si quelque partie de l’atmosphère est une
composante du milieu marin
158
.
Le champ d’application de l’article 212 est l’espace aérien territorial « où s’exerce
la souveraineté » des États, et ne s’étend ni à l’espace aérien se trouvant au-dessus
d’une Zone économique exclusive, ni à l’espace aérien commun situé au-dessus de
la haute mer. L’article 212 ne traite pas directement de la question de la pollution de
l’atmosphère en tant que telle, ni d’aucune forme de pollution autre que celle
définie au paragraphe 4 de l’article premier, à savoir la pollution du milieu marin
159
.
L’article 222 (« Mise en application de la réglementation relative à la pollution
d’origine atmosphérique ou transatmosphérique ») complète, pour ce qui est de
l’application, l’article 212, lequel énonce la norme de prévention, de réduction et de
maîtrise de
la pollution du milieu marin d’origine atmosphérique ou
transatmosphérique. Dans une certaine mesure, il fait double emploi avec l’article
223, relatif à l’application des mesures concernant la pollution du milieu marin
d’origine tellurique puisque, en fait, l’essentiel de la pollution atmosphérique est
d’origine tellurique
160
.
58. Parmi les autres instruments concernés, on trouve la Convention pour la
protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est [art. 1 e)], la Convention sur
la protection de l’environnement marin dans la région de la mer Baltique (art. 2,
par. 2), le Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution
d’origine tellurique [art. 4, par. 1 b)]
161
, le Protocole relatif à la protection du
Pacifique du Sud-Est contre la pollution d’origine tellurique [art. II c)] et le
Protocole à la Convention régionale de Koweït sur la protection du milieu marin
contre la pollution d’origine tellurique (art. III), qui traitent de la pollution
transatmosphérique comme source d’origine tellurique. Le Protocole révisé relatif à
la protection du milieu marin de la mer Noire contre la pollution due à des sources
et activités terrestres
162
réglemente la pollution transatmosphérique dans son
annexe III. En 1991, les parties au Protocole relatif à la protection de la mer
__________________
158
Nordquistet al.,United Nations Convention on the Law of the Sea… (voirsupranote 153), p. 67,
par. 194.10 k).
159
Ibid., p. 212 et 213, par. 212.9 d).
160
Ibid., p. 315 à 319.
161
Le Protocole d’origine a été modifié par des amendements adoptés le 7 mars 1996 par la
Conférence de plénipotentiaires sur le Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée
contre la pollution d’origine tellurique, tenue à Syracuse les 6 et 7 mars 1996 [UNEP(OCA)/MED
IG.7/4]. Le Protocole tel que modifié, enregistré sous la dénomination de « Protocole relatif à la
protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à
terre », est entré en vigueur le 11 mai 2008.
162
Le Protocole n’est pas encore entré en vigueur.
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Méditerranée contre la pollution d’origine tellurique ont adopté une nouvelle
annexe (IV) relative à la pollution transatmosphérique d’origine tellurique
163
. Avant
l’adoption de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, le seul
instrument international d’importance était le Traité interdisant les essais d’armes
nucléaires dans l’atmosphère, l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau.
59. En vertu des règles de renvoi énoncées dans la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer, l’annexe VI de la Convention internationale pour la
prévention de la pollution par les navires peut être considérée comme l’une des
« règles et […] normes internationalement convenues » aux fins de la réduction de
la pollution aérienne par les navires, notamment l’oxyde de soufre (SO x) et l’oxyde
d’azote (NOx)
164
. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre par les
navires, l’application concurrente de la réglementation de l’Organisation maritime
internationale et de la Convention est perturbée par les liens qui existent avec le
régime international de la lutte contre les changements climatiques. Il semble que la
coexistence de la réglementation de l’Organisation, de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer et de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques soit rendue quelque peu difficile par l’application
controversée du principe des responsabilités communes mais différenciées et des
capacités respectives à la réglementation de l’Organisation relative aux émissions de
gaz à effet de serre dues aux transports maritimes internationaux. Toutefois, cette
coexistence se caractérise essentiellement par le « soutien mutuel », et ledit conflit
peut être réglé par une interprétation de bonne foi.
60. Les négociations relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre
tenues à l’Organisation maritime internationale sont dominées et altérées par les
tensions entre les pays développés et les pays en développement. Le différend
concerne la question de savoir si c’est le principe des responsabilités communes
mais différenciées et des capacités respectives ou celui du traitement pas plus
favorable qui doit s’appliquer à la réglementation des émissions de gaz à effet de
serre dues aux transports maritimes internationaux
165
. Le premier principe apparaît
en filigrane dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques et son Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris, et le deuxième est
incorporé à toutes les règlementations de l’Organisation maritime internationale,
__________________
163
D. Bodanskyet al., « Oceans », inYearbook of International Environmental Law, vol. 1, G. Handl
(dir.), London, Graham and Trotman, 1991, p. 111 à 137.
164
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, art. 212, par. 1. Compte tenu de la doctrine
actuelle relative à l’interprétation des termes « généralement acceptées », l’annexe VI pourrait
toutefois être considérée comme relevant des règles et normes internationalement acceptées visées
au paragraphe 2 de l’article 211 de la Convention. Voir, par exemple, Harrison, « Recent
developments and continuing challenges … » (supra, note 154), p. 21 et 22.
165
Le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives
nécessite que les pays développés et les pays en développement règlent les questions
environnementales mais montre que ceux-là devraient assumer la principale responsabilité.
L’hypothèse première d’un tel règlement est que les pays développés et les pays en développement
n’ont pas le même niveau de responsabilité dans la causalité des problèmes environnementaux.
Selon le principe du traitement pas plus favorable, les États portuaires appliquent les normes en
vigueur de manière uniforme à tous les navires se trouvant dans leurs ports, quel que soit le pays
dont ces navires battent pavillon; voir Y. Shi, « The challenge of reducing greenhouse gas
emissions from international shipping: assessing the International Maritime Or ganization’s
regulatory response »,Yearbook of International Environmental Law, vol. 23, n° 1, 2012, p. 136
et 137.
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notamment la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les
navires. En conséquence, les avis divergent quant à la question de savoir quel
principe doit s’appliquer à la règlementation visant à réduire les émissions de gaz à
effet de serre dues aux transports maritimes internationaux. Toutefois, il est possible
de dissiper ces tensions en recourant à une interprétation fondée sur la Convention
de Vienne et le principe du soutien mutuel. D’une manière générale, l’Organisation
maritime internationale tient le mandat qui lui est confié en matière d’émissions de
gaz à effet de serre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et de
la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, ainsi
que du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
166
, lequel indique que les deux principes peuvent
s’appliquer et être incorporés à la réglementation au moyen d’une interprétation
plus large et plus souple du principe des responsabilités communes mais
différenciées et des capacités respectives
167
. Dans une certaine mesure, cette
interprétation a été retenue lors de l’adoption des amendements de 2011 de
l’annexe VI de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par
les navires et est prise en compte dans les débats en cours à l’Organisation maritime
internationale sur les mesures basées sur le marché
168
.
61. Compromis d’ordre général, la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer ne définit pas les différents types de pollution du milieu marin, mais certains
types de pollution sont définis dans des traités régionaux. Par exemple, la
Convention réglemente la pollution d’origine tellurique, et l’« origine tellurique » a
été définie ultérieurement à l’alinéa e) de l’article premier de la Convention pour la
protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, qui se lit comme suit :
__________________
166
L’Organisation maritime internationale est autorisée, au paragraphe 2 de l’article 2 du Protocole
de Kyoto, à réglementer les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports maritimes
internationaux. Parallèlement, elle tire sa compétence sur la question des émissions de gaz à effet
de serre des articles 1 a) et 64 de la Convention portant création de l’Organisation maritime
internationale et des articles 211-1 et 212-3 de la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer. Y. Shi, « Greenhouse gas emissions from international shipping: the response from
China’s shipping industry to the regulatory initiatives of the International Maritime
Organization »,International Journal of Marine and Coastal Law, vol. 29, 2014, p. 77 à 115
(p. 82 à 84).
167
Ibid., p. 86 à 89.
168
Les amendements adoptés en 2011 de l’annexe VI de la Convention internationale pour la
prévention de la pollution par les navires (voir résolution OMI MEPC.203(62) du 15 juillet 2011,
document MEPC 62/24/Add.1, annexe 19) ont créé un indice nominal d’efficacité énergétique
pour les nouveaux navires, et un plan de gestion de l’efficacité de tous les navires. Par ailleurs,
des mesures basées sur le marché, troisième type de mesures s’ajoutant aux mesures techniques et
de fonctionnement, ont été examinées et négociées à l’Organisation maritime internationale entre
2000 et 2013. Voir OMI, « Main events in IMO’s work on limitation and reduction of greenhouse
gas emissions from international shipping », 2011, par. 18, disponible à l’adresse www.imo.org;
Y. Shi, « Reducing greenhouse gas emissions from international shipping: is it time to consider
market-based measures? »,Marine Policy, vol. 64, 2016, p. 123 à 134 (p. 125); et H. Zhang,
« Towards global green shipping: the development of international regulations on reduction of
GHG emissions from ships »,International Environmental Agreements: Politics, Law and
Economics, vol. 16, n° 4, 2016, p. 561 à 577. À sa soixante-dixième session, du 24 au 28 octobre
2016, le Comité de la protection du milieu marin de l’OMI est convenu de réduire les émissions
d’oxyde de soufre (SOx) par les navires, à compter de 2020 (le plan d’application devant être
examiné en 2017), et de ne se prononcer sur les émissions de gaz à effet de serre qu’après un
nouvel examen de la question en 2017.
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On entend par « sources telluriques » les sources ponctuelles et diffuses à
terre, à partir desquelles des substances ou de l’énergie atteignent la zone
maritime, par l’intermédiaire des eaux, de l’air ou directement depuis la côte.
Elles englobent les sources associées à tout dépôt délibéré à des fins
d’élimination dans le sous-sol marin, rendu accessible depuis la terre par un
tunnel, une canalisation ou d’autres moyens, ainsi que les sources associées
aux structures artificielles placées à des fins autres que des activités offshore
dans la zone maritime sous la juridiction d’une Partie contractante.
62. Ainsi, des dispositions de la Convention des Nations sur le droit de la mer et
de divers instruments connexes traitent de l’atmosphère, tant qu’elle se trouve dans
l’espace aérien territorial et qu’elle a des incidences sur le milieu marin. Elles ne
visent pas l’atmosphère en tant que telle, ni les cas dans lesquels les océans peuvent
la polluer. L’interaction entre la mer et l’atmosphère telle que définie dans la
Convention est limitée et unilatérale (sens unique, de l’atmosphère vers la mer), et
la communauté internationale devra redoubler d’efforts pour surmonter les conflits
négatifs qui touchent le droit international concerné. Dans le préambule de l’Accord
de Paris, il est souligné qu’il importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes,
y compris les océans. En conséquence, il est jugé important que le droit de la mer et
le droit relatif à l’atmosphère soient interprétés et appliqués conformément au
principe du soutien mutuel.
2. Décisions de justice
63. Comme il a été indiqué dans le deuxième rapport du Rapporteur spécial
169
,
l’Australie avait prié la Cour internationale de Justice, dans sa requête en l’affaire
desEssais nucléaires, de ce qui suit : « dire et juger que […] la poursuite des essais
atmosphériques d’armes nucléaires dans l’océan Pacifique Sud n’est pas compatible
avec les règles applicables du droit international et ordonner à la République
française de ne plus faire de tels essais »
170
. Après avoir ordonné des mesures
conservatoires le 22 juin 1973, la Cour a, dans son arrêt définitif du 20 décembre
1974, jugé que l’objet de la demande, à savoir la cessation des essais nucléaires,
avait été atteint, la France ayant déclaré ne pas continuer les essais atmosphériques,
et qu’il n’y avait dès lors pas lieu à statuer
171
. Il convient de noter que l’Australie
__________________
169
A/CN.4/681, para. 44.
170
« Mémoire sur la compétence et la recevabilité soumis par le Gouvernement de l’Australie »,
C.I.J. Mémoires 1973, p. 430.
171
« Essais nucléaires (Australie c. France), Mesures conservatoires », Ordonnance du 22 juin 1973,
C.I.J. Recueil 1973, p. 99; « Essais nucléaires (Australie c. France) », arrêt,C.I.J. Recueil 1974,
p. 253; « Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), Mesures conservatoires », Ordonnance
du 22 juin 1973,C.I.J. Recueil 1973, p. 135; « Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France) »,
arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 457; Voir H. Thierry, « Les arrêts du 20 décembre 1974 et les
relations de la France avec la Cour internationale de justice »,Annuaire français de droit
international, vol. 20, 1974, p. 286 à 298; T.M. Franck, « Word made law: the decision of the ICJ
in the Nuclear Test cases »,American Journal of International Law, vol. 69, 1975, p. 612 à 620;
P. Lellouche, « The International Court of Justice: the nuclear tests cases: judicial silence v.
atomic blasts »,Harvard International Law Journal, vol. 16, 1975, p. 614 à 637; E. McWhinney,
« International law-making and the judicial process, the world court and the French Nuclear Tests
case »,Syracuse Journal of International law and Commerce, vol. 3, 1975, p. 9 à 46; S. Sur, « Les
affaires des essais nucléaires (Australie c. France; Nouvelle-Zélande c. France : C.I.J. – arrêts du
20 décembre 1974) »,Revue générale de droit international public, vol. 79, 1975, p. 972 à 1027;
R.S.J. MacDonald and B. Hough, « The Nuclear Tests case revisited »,German Yearbook of
International Law, vol. 20, 1977, p. 337 à 357. La Cour a affirmé que « Les déclarations
17-01471
41/61
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avait intenté son action aux fins de protéger non seulement ses propres intérêts mais
aussi ceux d’autres États, puisqu’elle considérait les essais nucléaires de la France
comme des infractions à la liberté de la haute mer. Dans son mémoire, elle a
notamment affirmé que la mer n’était pas statique, ses systèmes vitaux étant
complexes et étroitement liés. Il était évident, en conséquence, que personne ne
pouvait dire que de la pollution en un lieu – en particulier si elle était radioactive –
ne pouvait au bout du compte avoir des conséquences en un autre lieu. La Cour
faillirait à la mission qui était la sienne de protéger par des moyens judiciaires les
intérêts de la communauté internationale en méconnaissant des considérations de
cette nature
172
.
64. La décision rendue par le Tribunal international du droit de la mer dans
l’affaire de l’usine MOX
173
illustre la coexistence de la Convention des Nations
Unies sur droit de la mer et du régime juridique international de la prévention, la
réduction et la maîtrise de la pollution atmosphérique d ’origine tellurique.
Le soutien mutuel de la Convention et de ce régime était l’un des facteurs examinés
par le Tribunal. Dans cette affaire, l’Irlande a demandé qu’un tribunal arbitral soit
créé en vertu de l’annexe VII et chargé de juger et déclarer que le Royaume-Uni
n’avait pas observé les obligations que lui imposaient les articles 192 et 193 et/ou
l’article 194 et/ou l’article 207 et/ou les articles 211 et 213 de la Convention sur le
droit de la mer à propos de l’autorisation accordée à l’usine MOX, notamment en
manquant à l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et
maîtriser la pollution du milieu de la mer d’Irlande résultant des rejets intentionnels
ou d’émissions accidentelles de matières ou de déchets provenant de l’usine
MOX
174
. Le raisonnement sous-tendant la demande de l’Irlande était que le respect
des normes convenues concernant la maîtrise de la pollution conformément au droit
international en vigueur ne suffisait pas pour satisfaire à l’obligation plus générale
de diligence requise, établie en vertu de la Convention
175
. Compte tenu de ce qui
précède, l’Irlande a demandé au Tribunal de prescrire des mesures conservatoires,
de sorte que le Royaume-Uni suspende sans délai l’autorisation accordée à l’usine
MOX. Le Tribunal a décidé de ne pas prescrire les mesures demandées par l’Irlande
mais demandé aux deux parties de coopérer et, à cette fin, de procéder à des
consultations. Cette affaire peut également être considérée comme la recherche par
__________________
unilatérales des autorités françaises ont été faites publiquement en dehors de la Cour eterga
omnes », et que de ce fait la France était liée envers tous les États [Essais nucléaires (Australie c.
France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 269, par. 50].
172
« Mémoire sur la compétence et la recevabilité soumis par le Gouvernement de l’Australie »,
C.I.J. Mémoires 1973, par. 459.
173
« Affaire de l’usine MOX (Irlande c. Royaume-Uni), mesures conservatoires », ordonnance du
3 décembre 2001,Tribunal international du droit de la mer, Rôle des affairesn° 10.
174
« Demande en prescription de mesures conservatoires et exposé des conclusions de l’Irlande »,
9 novembre 2001, disponible à l’adresse
https://www.itlos.org/fileadmin/itlos/documents/cases/case_no_10/request_ireland_fr.pdf
(consulté le 20 février 2017). Dans sa demande en prescription de mesures conservatoires,
l’Irlande a affirmé que « les conséquences, pour la santé humaine et l’environnement, d’émissions
accidentelles dans l’atmosphère provenant des réservoirs contenant des déchets hautement
radioactifs de Sellafield seraient de loin plus importantes que celles de l’accident de Chernobyl,
en avril 1986 » (par. 11).
175
Boyle, « Law of the sea perspectives on climate change » (voirsupranote 143), p. 162.
17-01471
42/61
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le Tribunal d’un équilibre entre la poursuite du développement économique et la
protection de l’environnement
176
.
65. L’affaireUsines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
177
, jugée par la Cour
internationale de Justice, illustre également la coexistence de l’obligation de
diligence requise découlant de la Convention avec le devoir de protection de
l’environnement prévu dans divers accords. Le soutien mutuel de la Convention et
de différents instruments était à nouveau l’un des facteurs examinés par la Cour.
Dans cette affaire, l’Argentine affirmait que l’Uruguay était contrevenu aux
obligations que lui imposait le Statut du fleuve Uruguay
178
en autorisant le
fonctionnement d’une usine de pâte à papier et en en construisant une autre sur le
fleuve. Elle considérait que l’Uruguay était contrevenu au droit international,
notamment à l’obligation de prévenir la pollution, obligation de diligence
raisonnable établie en vertu de la Convention. À cette fin, l’Argentine a demandé à
la Cour de prendre des mesures conservatoires. Toutefois, cette demand e a été
rejetée par la Cour, qui a considéré que l’Uruguay n’était contrevenu, au titre du
Statut, qu’à une obligation procédurale, et non à des obligations de fond, en ce qui
concernait la protection de l’environnement
179
. Ainsi, le principe du soutien mutuel
entre l’obligation de diligence raisonnable découlant de la Convention et les
obligations de fond imposées dans divers accords a été établi par la Cour.
C. Élévation du niveau de la mer et son incidence
66. Comme il a été indiqué au paragraphe 48 du présent document, le Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat avait prédit qu’il résulterait
très probablement du réchauffement climatique que le niveau de la mer s’élèverait.
L’une des conséquences notoires de l’élévation du niveau d e la mer est le net recul
des côtes dans le monde entier, recul qui entraîne la modification des lignes de base
servant à mesurer les eaux territoriales et d’autres zones maritimes, y compris les
lignes archipélagiques, les lignes de base étant réputées « mouvantes »
180
. Avec
l’élévation du niveau de la mer, la laisse côtière de basse mer, qui est la « ligne de
base normale » aux fins de l’article 5 de la Convention, se déplace habituellement
vers l’intérieur et certains repères géographiques servant de points de repère
peuvent être inondés et perdus. Toutefois, certains auteurs considèrent qu’une forte
__________________
176
Ibid.
177
« Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay) », arrêt,C.I.J., Recueil
2010, p. 14.
178
Statut du fleuve Uruguay,Recueil des Traités des Nations Unies, vol. 1295, p. 340.
179
La Cour a jugé que « les éléments de preuve versés au dossier ne permettaient pas d’établir de
manière concluante que l’Uruguay n’avait pas agi avec la diligence requise ou que les rejets
d’effluents de l’usine Orion (Botnia) avaient eu des effets délétères ou ont porté atteinte aux
ressources biologiques, à la qualité des eaux ou à l’équilibre écologique du fleuve depuis le
démarrage des activités de l’usine en novembre 2007 » [« Usines de pâte à papier sur le fleuve
Uruguay (Argentine c. Uruguay) », arrêt,C.I.J., Recueil 2010, p. 101, par. 265].
180
A.H.A. Soons, « The effects of a rising sea level on maritime limits and boundaries »,Netherlands
International Law Review, vol. 37, n
o
2, 1990, p. 207 à 232; M. Hayashi, « Sea level rise and the
law of the sea: future options », inThe World Ocean in Globalisation: Climate Change,
Sustainable Fisheries, Biodiversity, Shipping, Regional Issues, D. Vidas et P.J. Schei (dir.),
Leiden, Martinus Nijhoff, 2011, p. 188 et suiv. L’article 62 2) de la Convention de Vienne sur le
droit des traités prévoit ce qui suit : « Un changement fondamental de circonstances ne peut pas
être invoqué comme motif pour mettre fin à un traité ou pour s’en retirer : a) s’il s’agit d’un traité
établissant une frontière. »
17-01471
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élévation du niveau de la mer, quelle qu’en soit la cause, ne fait perdre aux États ni
leur espace océanique ni les droits qu’ils ont sur les ressources maritimes déjà
reconnus par la Convention de 1982
181
. Le Comité de l’Association de droit
international chargé de la question des lignes de base établies conformément au
droit international a émis l’hypothèse qu’il existait deux options : premièrement,
une nouvelle règle gelant les lignes de base existantes dans leur position actuelle, en
utilisant « les cartes marines à grande échelle reconnues officiellement par l’État
côtier » ; deuxièmement, une nouvelle règle gelant les limites extérieures définies
existantes des zones maritimes mesurées à partir des lignes de base établies
conformément à la Convention
182
. Ces options semblent contrevenir à la règle de
droit international établie, selon laquelle le changement fondamental de
circonstances ne s’applique pas aux frontières
183
. Toutefois, la communauté
internationale doit impérativement examiner le problèmede lege ferendapour
surmonter les difficultés que rencontrent les États touchés par les questions relatives
aux lignes de base
184
.
67. Les questions des migrations forcées et des droits de l’homme constituent un
autre ensemble de problèmes découlant de l’élévation du niveau de la mer,
problèmes qui touchent directement à la question de la protection de l’atmosphère.
L’élévation du niveau de la mer menaçant d’inondation partielle ou totale, ou de
dépeuplement, des territoires étatiques, en particulier ceux des petits États insulaires
et de faible altitude, et les incidences au titre du droit international étant colossales,
une étude sérieuse et approfondie de ces questions s’impose. L’élévation relative du
niveau de la mer combinée et cumulée à d’autres effets des changements
climatiques entraîne toute une gamme de conséquences négatives directes et
indirectes sur les vies humaines et les conditions de vie dans les zones côtières et de
faible altitude
185
. Toutefois, les questions touchant aux droits de l’homme et aux
migrations devraient être examinées de plus près dans le cadre du droit des droits de
l’homme plutôt que dans celui du droit de la mer; elles seront en conséqu ence
étudiées dans la quatrième partie du présent rapport.
68. Compte tenu de ce qui précède, le projet de directive ci-après est proposé :
Projet de directive 11 : Droit relatif à la protection de l’atmosphère
et droit de la mer
1. Les États devraient prendre les mesures qui s’imposent dans le
domaine du droit de la mer, en tenant compte des dispositions applicables
de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et des
instruments internationaux connexes, pour protéger l’atmosphère de la
__________________
181
J.L. Jesus, « Rocks, new-born islands, sea level rise and maritime space »,in Negotiating For
Peace– Liber AmicorumTono Eitel, J. Froweinet al. (dir.), Berlin/Heidelberg, Springer, 2003,
p. 599 et 602.
182
Voir Association de droit international,Report of the Seventy-Fifth Conference held in Sofia,
August 2012, Londres, 2012, p. 385 à 428.
183
La Cour international de Justice confirme également qu’un traité de limites n’est pas affecté par
un changement fondamental de circonstances dansPlateau continental de la mer Égée, arrêt,
C.I.J. Recueil 1978, p. 3 à p. 35 et 36, par. 85.
184
Association de droit international,Johannesburg Conference (2016): International Law and Sea
Level Rise(rapport d’activité), p. 13 à 18.
185
Ibid., p. 18 à 28. Voir également Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat,
« Changements climatiques 2014. Résumés, foire aux questions et encarts thématiques » (note 138
du présent rapport).
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pollution et la dégradation atmosphériques et régler les questions
touchant à la pollution du milieu marin d’origine atmosphérique ou
transatmosphérique. Afin d’éviter tout conflit, ils devraient s’assurer que
l’élaboration, l’interprétation et l’application des règles de droit
internationales sont conformes au principe du soutien mutuel.
2. Les États et les organisations internationales compétentes devraient
examiner la situation des petits États insulaires et des États de faible
altitude en ce qui concerne les lignes de base utilisées pour délimiter leurs
zones maritimes conformément au droit de la mer.
IV. Droit relatif à la protection de l’atmosphère et droit
international des droits de l’homme
69. Le droit international relatif à la protection de l’atmosphère ne peut se
coordonner convenablement avec le droit international des droits de l’homme que
dans la mesure où certains de ses éléments sont considérés comme de caractère
anthropocentrique (centré sur l’être humain) et non environnemental
186
, à savoir que
la protection de l’environnement est envisagée au premier chef comme un moyen de
protéger l’humanité et non comme une fin en soi
187
. Ainsi, par exemple, la Cour
européenne des droits de l’homme a, dans une affaire concernant la protection de
marais, affirmé ce qui suit : « Ni l’article 8 ni aucune autre disposition de la
Convention ne garantit spécifiquement une protection générale de l’environnement
en tant que tel; d’autres instruments internationaux […] sont plus adaptés lorsqu’il
s’agit de traiter cet aspect particulier
188
. »
Pour que les instruments relatifs aux droits de l’homme contribuent à la protection
de l’environnement en général et à celle de l’atmosphère en particulier, le lien direct
entre la pollution ou la dégradation atmosphériques et une atteinte aux droits de
l’homme doit être établi
189
. En ce sens, le droit international des droits de l’homme
ne peut être applicable qu’en ce qui concerne la pollution et la dégradation
atmosphériques touchant le milieu de vie et l’environnement, qui sont protégésin
finepour les êtres humains. En conséquence, le droit international des droits de
l’homme ne chevauche pas nécessairement
le droit
international de
l’environnement, mais il peut arriver que cela se produise
190
.
__________________
186
Voir C.D. Stone, « Ethics and international environmental law », inThe Oxford Handbook of
International Environmental Law, D. Bodansky, J. Brunée et E. Hey (dir.), Oxford, Oxford
University Press, 2007, p. 291 à 301. Le Rapporteur spécial est particulièrement reconnaissant à
Masayuki Hiromi, de l’Université de Sophia, d’avoir communiqué la documentation nécessaire et
le projet de partie du présent rapport sur le droit des droits de l’homme.
187
Boyle, « Relationship between international environmental law […] » (voir note 36 du présent
rapport), p. 141.
188
Kyrtatosc.Grèce, n
o
41666/98, arrêt du 22 mai 2003, par. 52. La Cour a affirmé ce qui suit : « à
supposer même que les aménagements urbains effectués dans la zone aient eu de graves
répercussions sur l’environnement, les requérants n’ont présenté aucun argument convaincant
démontrant que le tort qui aurait été causé aux oiseaux et autres espèces protégées vivant dans le
marais était de nature à porter directement atteinte à leurs propres droits garantis par l’article 8 § 1
de la Convention » (ibid., par. 53).
189
P.-M. Dupuy et J.E. Viñuales,International Environmental Law, Cambridge, United Kingdom,
Cambridge University Press, 2015, p. 308, 309 et 319.
190
Certaines normes environnementales, telles que des conventions concernant la protection de la
biodiversité, portent la marque d’un réel souci de l’environnement et suggèrent que la protection
17-01471
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A. Traités et autres instruments
70. Pour ce qui est des renvois faits aux droits de l’homme dans des text es
environnementaux, c’est dans la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement (Déclaration de Stockholm)
191
que l’application concurrente du
droit international environnemental et du droit international des droits de l’homme a
été reconnue; le principe 1 de cette déclaration, centré sur les droits garantis aux
personnes et non sur les obligations pesant sur les États, se lit comme suit :
« L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie
satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la
dignité et le bien-être
192
. » La Déclaration de Rio de 1992 sur l’environnement et le
193
développement
souligne également dans son principe 1 que « [l]es êtres humains
sont au centre des préoccupations relatives au développement durable » et qu’« [i]ls
ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ». Bien que la
deuxième disposition ne fasse pas expressément référence au terme de « droits de
l’homme »
194
, ce principe a facilité l’incorporation des questions de la durabilité et
de la protection de l’environnement dans le droit international des droits de
l’homme. Ces déclarations ne sont pas juridiquement contraignantes, mais
constituent le fondement d’un droit des êtres humains à un environnement sain
195
.
71. Il importe de noter que le droit international relatif à la protection de
l’atmosphère porte véritablement la marque d’une conception anthropocentrique, si
bien que le droit des droits de l’homme pourrait grandement y contribuer car, pour
survivre, les êtres humains ont besoin d’air pur. En ce qui concerne la pollution
atmosphérique, aux termes de la Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance, la pollution de l’air a une « action nocive de nature
à mettre en danger la santé de l’homme » (art. 1) et oblige les parties « à protéger
l’homme et son environnement contre la pollution atmosphérique » (art. 2). De
même, pour ce qui est de la dégradation atmosphérique, aux termes de la
Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, les parties sont
priées de prendre des mesures « pour protéger la santé humaine » (art. 2), et la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques traite des
effets néfastes des changements climatiques, notamment des effets nocifs
significatifs « sur la santé et le bien-être de l’homme » (art. 1). Comme l’a noté le
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
196
dans une étude
analytique qu’il a récemment réalisée au sujet de l’interaction entre les droits de
__________________
de l’environnement « est généralement prise en compte en tant que telle, et non uniquement
comme un moyen de protéger les êtres humains » (Sands et Peel,Principles of International
Environmental Law(voir note 107 du présent document), p. 776). En la matière, il n’y a pas de
marge pour que les normes internationales des droits de l’homme soient prises en compte.
191
VoirRapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm 5-16 juin 1971
(publication des Nations Unies, numéro de vente : F.73.II.A.14), chap. I.
192
L.B. Sohn, « The Stockholm Declaration on the Human Environment »,Harvard International
Law Journal, vol. 14, 1973, p. 451 et 452.
193
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement(voir
note 41 du présent rapport), résolution 1, annexe I.
194
D. Shelton, « What happened in Rio to human rights?»,Yearbook of International Environmental
Law, vol. 3, 1992, p. 75.
195
F. Francioni, « Principle 1: human beings and the environment », inThe Rio Declaration on
Environment and Development: A Commentary, J.E. Viñuales (dir.), Oxford, Oxford University
Press, 2015, p. 97 et 98.
196
Conseil des droits de l’homme, résolution 19/10 du 19 avril 2012 sur les droits de l’homme et
l’environnement (A/HRC/RES/19/10).
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l’homme et l’environnement, la dégradation de l’environnement, notamment la
pollution de l’air, les changements climatiques et l’appauvrissement de la couche
d’ozone, « peut potentiellement affecter la réalisation des droits de l’homme »
197
.
72. En ce qui concerne les considérations d’ordre environnemental figurant dans
des instruments relatifs aux droits de l’homme, c’est après la Conférence des
Nations Unies de 1972 sur l’environnement que le droit particulier à
l’environnement a été intégré à des traités relatifs aux droits de l’homme.
Actuellement, deux instruments garantissent expressément ce droit : la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, qui prévoit en son article 24
que « [t]ous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice
à leur développement » et le Protocole additionnel à la Convention américaine
relative aux droits de l’homme traitant des droits économique s, sociaux et culturels,
qui prévoit au paragraphe 1 de son article 11 que « [t]oute personne a le droit de
vivre dans un environnement salubre et de bénéficier des équipements collectifs
essentiels ». À l’inverse, aucun traité ni autre instrument adopté avant la Conférence
de Stockholm de 1972 ne comprenait de référence expresse à un droit particulier à
l’environnement; parmi ces textes figurent la Déclaration universelle des droits de
l’homme, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme e t des
libertés fondamentales (ci-après la Convention européenne des droits de l’homme),
les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits
économiques, sociaux et culturels, et la Convention américaine relative aux droits
de l’homme. Toutefois, les tribunaux et organes des droits de l’homme établis dans
ces textes ont ultérieurement intégré des considérations d’ordre environnemental
aux dispositions relatives à certains droits généraux dans le cadre d’une
interprétation évolutive visant à protéger les êtres humains de la pollution et la
dégradation de l’environnement
198
. Ainsi, par exemple, la Cour européenne des
droits de l’homme a déclaré ce qui suit : « La Convention ne reconnaît pas
explicitement le droit à un environnement sain et calme, mais lorsqu’une personne
pâtit directement et gravement du bruit ou d’autres formes de pollution, une
question peut se poser sous l’angle de l’article 8
199
. » La Commission
interaméricaine des droits de l’homme a également expressément reconnu l e lien
entre la protection de l’environnement et la jouissance des droits de l’homme
garantis par la Convention américaine relative aux droits de l’homme, en affirmant
que
bien que ni la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, ni la
Convention américaine relative aux droits de l’homme ne comprennent de
référence expresse à la protection de l’environnement, il était clair que
plusieurs droits fondamentaux qui y étaient consacrés nécessitaient, comme
préalable à leur jouissance, une qualité environnementale minimale, et étaient
négativement et profondément touchés par la dégradation des ressources
__________________
197
« Étude analytique sur les liens entre les droits de l’homme et l’environnement : rapport du HautCommissaire
des Nations Unies aux droits de l’homme » (A/HRC/19/34), par. 15 et 16 (le rapport
a été établi par un expert indépendant, John Knox, pour le Haut-Commissariat des Nations Unies
aux droits de l’homme.
198
R. Desgagné, « Integrating environmental values into the European Convention on H uman
Rights »,American Journal of International Law, vol. 89, 1995, p. 263 à 294. Voir le projet de
conclusion 8 adopté par la Commission en première lecture, intitulé « L’interprétation des termes
d’un traité comme susceptibles d’évolution dans le temps » (Documents officiels de l’Assemblée
générale, soixante et onzième session, Supplément n° 10(A/71/10), p. 189 à 197).
199
Hatton et autresc.Royaume-Uni[GC], n
o
36022/97, CEDH 2003-VIII, par. 96.
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naturelles élémentaires. Elle a souligné à cet égard qu’il y avait une relation
directe entre l’environnement physique dans lequel vivaient les êt res humains
et les droits à la vie, à la sécurité et à l’intégrité physique. Ces droits étaient
directement touchés en cas de déforestation, de contamination de l’eau, de
pollution ou d’autres types d’atteintes à l’environnement
200
.
B. Jurisprudence des tribunaux internationaux et des organes
conventionnels
73. Il peut être difficile d’analyser la protection de l’atmosphère en examinant
l’application des normes relatives aux droits de l’homme dans le cadre du droit
international général, car les circonstances et priorités particulières des différentes
sociétés amènent les tribunaux régionaux d’une part et les organes conventionnels
relatifs aux droits de l’homme d’autre part à interpréter ces normes différemment
201
.
En effet, l’importance accordée aux droits relatifs à la protection de
l’environnement et l’interprétation de ces droits diffèrent légèrement entre ces
tribunaux et ces organes. D’une façon générale, la jurisprudence environnementale
de la Cour européenne des droits de l’homme est principalement centrée sur les
droits individuels relatifs à la santé humaine et la vie privée et familiale, alors que la
Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Commission africaine des droits
de l’homme et des peuples se centrent davantage sur les droits collecti fs des peuples
autochtones ou tribaux
202
, bien que personne ne conteste que, compte tenu des
éléments communs des décisions de justice en matière environnementale, les
dispositions des différents traités devraient à long terme être interprétés et appliqués
de façon plus homogène
203
.
Comité des droits de l’homme
74. À l’échelle mondiale, c’est après 1990 que certains recours relatifs à des
préoccupations d’ordre environnemental ont été communiqués au Comité des droits
de l’homme, quoi que ces recours aient eu un succès limité quant au fond
204
. En ce
qui concerne la protection de l’atmosphère, l’affaireBordes et Temeharo
c. France
205
revêt une importance particulière, même si le Comité l’a jugée
__________________
200
Kuna Indigenous People of Madungandí and Emberá Indigenous People of Bayano and Their
Membersv. Panama, décision quant au fond du 13 novembre 2012, rapport n
o
°125/12, affaire
12.354, par. 233.
201
R. Higgins, « Human rights: some questions of integrity »,Modern Law Review, vol. 52, 1989,
p. 1 à 21; et B. Simma, « International human rights and general international law: a comparative
analysis »,Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye,Volume IV Book 2,
(The Hague, Martinus Nijhoff, 1995), p. 153 à 236.
202
Dupuy et Viñuales,International Environmental Law(voir note 189 du présent document), p. 307
à 311.
203
Cela ne signifie pas que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l ’homme en la
matière doive être suivie par les autres juridictions et organes relatifs aux droits de l’homme. Voir
Higgins, « Human rights: some questions of integrity » (footnote 204 above), p. 7. Cf. L. Lixinski,
« Treaty interpretation by the Inter-American Court of Human Rights: expansionism at the service
of the unity of international law »,European Journal of International Law, vol. 21, n
o
3, 2010,
p. 585 à 604 à p. 594 à 596.
204
Dupuy et Viñuales,International Environmental Law(voir note 190 du présent document), p. 306.
205
Bordes et Temeharoc. France, Communication n
o
645/1995, Décision adoptée le 22 juillet 1996,
Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante et unième session, Supplément n
o
40
(A/51/40), vol. II, annexe IX, sect. G.
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irrecevable. Elle concernait des essais nucléaires souterrains réalisés par la France
dans le Pacifique Sud en 1995 et 1996, essais qui ont conduit la Nouvelle-Zélande à
porter l’affaireEssais nucléaires IIdevant la Cour internationale de Justice
206
. Dans
l’affaireBordes et Temeharoc. France, des citoyens français résidant dans des îles
du Pacifique Sud ont affirmé que les tests réalisés par la France contrevenaient à
leurs droits à la vie (art. 6) et à la vie privée et familiale (art. 17) garantis par le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Selon eux, les tests
nucléaires avaient fracturé la structure géologique des atolls, et les particules
radioactives qui s’écoulaient des fissures contaminaient l’atmosphère et exposaient
la population des alentours de la zone de test à un risque aggravé de radiation . Le
Comité a rappelé que « pour qu’une personne puisse se prétendre victime d’une
violation d’un droit protégé par le Pacte, elle doit prouver soit que l’acte ou
l’omission de l’État partie a déjà eu des conséquences négatives sur l’exercice de ce
droit, soit que la menace de telles conséquences est réelle »
207
, considérant que les
demandeurs n’étaient pas « victimes » de l’infraction du fait de la distance qui les
séparait du dommage, et que la demande n’était pas recevable. Il convient toutefois
de noter que le Comité n’a pas rejeté la possibilité que la pollution atmosphérique
par un État contrevienne aux droits à la vie et à la vie privée et familiale garantis par
le Pacte, sous réserve que le lien direct entre cette pollution et l’atteinte aux droits
soit établi.
Cour européenne des droits de l’homme
75. C’est dans l’affaireLópez Ostrac. Espagne, en 1994, que la Cour européenne
des droits de l’homme a clairement reconnu pour la première fois que des questions
d’environnement pouvaient se poser dans le cadre de la Convention européenne des
droits de l’homme même en l’absence de droit portant expressément sur
l’environnement
208
. En l’espèce, la requérante, une Espagnole résidant dans la ville
de Lorca (Espagne), affirmait que les fumées d’une usine de traite ment des déchets
construite par une société privée à proximité de son domicile polluaient
l’atmosphère de la ville et causaient des problèmes de santé et des nuisances à sa
famille et à elle-même, enfreignant ainsi l’article 8 (« Droit au respect de la vie
privée et familiale ») de la Convention. La Cour a souscrit aux constatations de la
Commission selon lesquelles « il pouvait y avoir un lien de causalité entre [les]
émanations et les affections dont souffrait la fille de la requérante »
209
. Elle a ajouté
que « [c]ertes, les autorités espagnoles, et notamment la municipalité de Lorca,
n’étaient pas en principe directement responsables des émanations dont il
s’agi[ssait] »
210
, puisque l’usine en question appartenait à une société privée, qui la
contrôlait et l’exploitait. Toutefois, elles avaient selon la Cour l’« obligation
positive […] [d’]adopter des mesures raisonnables et adéquates pour protéger les
droits de l’individu » garantis par la Convention
211
, parce que la ville avait permis
l’installation de l’usine sur des terrains lui appartenant et subventionné sa
__________________
206
Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le
20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande c. France),C.I.J Recueil
1995, p. 288.
207
Bordes et Temeharoc. France, Communication n
o
645/1995, par. 5.4.
208
M. Fitzmaurice,Contemporary Issues in International Environmental Law,Cheltenham, Edward
Elgar, 2009, p 186.López Ostrac. Espagne, 9 décembre 1994, série A, n
o
303-C.
209
Ibid., par. 49.
210
Ibid., par. 52.
211
Ibid., par. 51.
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212
construction
. La Cour a finalement conclu qu’en ne prenant pas de mesures en ce
sens, l’Espagne avait enfreint l’article 8.
76. La question qui se posait à la Commission européenne des droits de l’homme,
comme elle s’appelait alors, en l’affaireNoel Narvii Tauira et 18 autresc. France
(1995)
213
était la même que dans l’affaireBordes et Temeharoc. France, portée
devant le Comité des droits de l’homme (voir par. 74supra). Les requérants y
soutenaient que la décision de la France de reprendre les essais nucléaires dans le
Pacifique Sud constituerait une violation de leur « Droit à la vie » et de leur « Droit
au respect de la vie privée et familiale » au sens des articles 2 et 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme, et de l’article 1 (« Protection de la propriété »)
de son protocole n
o
1. Comme le Comité, la Commission a estimé que « [p]our
qu’un requérant puisse se prétendre victime d’une violation de la Convention, il
[devait] exister un lien suffisamment direct entre le requérant et le préjudice qu’il
estim[ait] avoir subi du fait de la violation alléguée »
214
et que « [l]a seule
invocation des risques inhérents à l’utilisation de l’énergie nucléaire [...] ne
suffi[sait] pas pour permettre aux requérants de se prétendre victimes d’une
violation de la Convention, bon nombre d’activités humaines étant génératrices de
risques ». Elle a conclu comme le Comité que la requête était irrecevable parce que
les requérants n’avaient pas étayé leurs allégations
215
mais à la différence de
celui-ci, elle a clairement reconnu la recevabilité d’une action contre un risque de
violation future, estimant que « dans des circonstances tout à fait exceptionnelles
[…] le risque d’une violation future p[ouvait] néanmoins conférer à un requérant la
qualité de victime d’une violation de la Convention », les requérants ayant invoqué
le risque potentiel qu’un échappement de radioactivité découlant de la fracturation
des atolls constituait pour leur vie, leur santé et leur vie familiale
216
. Elle a ajouté
que « [p]our que dans une telle situation le requérant puisse se prétendre victime, il
[fallait] toutefois qu’il produise des indices raisonnables etconvaincantsde la
probabilité de réalisation d’une violation en ce qui le concer n[ait] personnellement;
[que] de simples suspicions ou conjectures [étaient] insuffisantes à cet égard. »
217
77. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de
protection de l’atmosphère s’est développée encore à l’occasion de l’affaire
Fadeïeva c. Russie, en 2005
218
. Il s’agissait d’un cas de pollution atmosphérique
intrafrontalière générée dans la ville de Tcherepovets (Fédération de Russie) par
l’aciérie Severstal, privatisée en 1993, et à laquelle les requérants, qui vivaient dans
un appartement à proximité, reprochaient d’avoir porté atteinte au droit à la santé et
au bien-être que leur garantissait l’article 8 de la Convention européenne des droits
de l’homme. La Cour a souligné que pour soulever une question au titre de
l’article 8 (« Droit au respect de la vie privée et familiale »), le requérant devait
établir a) un lien de causalité entre la pollution ou la dégradation de
l’environnement et une atteinte à un droit de l’homme protégé, et b) un seuil de
__________________
212
Ibid., par. 52.
213
Noel Narvii Tauira et 18 autresc. France, requête n
o
28204/95, décision de la Commission du
4 décembre 1995, Décisions et rapports 83-B, p. 112.
214
Ibid., p. 130.
215
Ibid., p. 131.
216
Ibid., p. 130.
217
Ibid, p. 131 (les italiques sont de nous).
218
Fadeïevac. Russie, requête n
o
55723/00, Cour européenne des droits de l’homme, Recueil des
arrêts et décisions, 2005-IV.
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gravité suffisant pour que les conséquences néfastes relèvent de l’article 8 de la
Convention
219
. Ayant constaté que ces deux conditions étaient remplies, elle a relevé
qu’en l’espèce, l’aciérie Severstal n’était pas détenue, contrôlée ou exploitée par la
Fédération de Russie à l’époque des faits
220
. Elle a cependant souligné que « dans
les affaires d’environnement, la responsabilité de l’État [pouvait] être engagée du
fait de l’absence de réglementation adéquate de l’industrie privée », et examiné la
question de savoir si celui-ci avait l’obligation positive d’adopter des mesures
raisonnables et adéquates pour protéger les droits garantis par le paragraphe 1 de
l’article 8 de la Convention
221
. Considérant que les autorités étaient à même
d’apprécier les dangers induits par la pollution et de prendre des mesures propres à
les prévenir ou à les réduire
222
, elle a fini par conclure qu’il existait « entre les
émissions polluantes et le comportement de l’État un lien suffisant » et que la
Fédération de Russie avait violé l’article 8 de la Convention.
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
78. L’affaire desOgoni(2001) portait sur la dégradation de l’environnement et les
problèmes de santé du peuple ogoni, au Nigéria, causés par la contamination de
l’eau, du sol et de l’air due à l’exploitation de ressources par un consortium
pétrolier, dans laquelle le Gouvernement nigérian était impliqué
223
. Les plaignants
soutenaient que par ses actions et omissions, le Nigéria avait enfreint plusieurs de
leurs droits fondamentaux, dont ceux visés aux articles 4 (droit à la vie), 16 (droit à
la santé) et 24 (droit à un environnement satisfaisant) de la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples. La Commission africaine des droits de l’homme
et des peuples a d’abord énoncé la condition de la recevabilité de la plainte, à savoir
l’existence d’un lien entre la pollution ou dégradation de l’environnement et les
atteintes aux droits de l’homme, soulignant que « [c]es droits reconnaissent
l’importance d’un environnement propre et sain […], pour autant que
l’environnement affecte la qualité de la vie et la sécurité de l’individ u »
224
. Elle a dit
ensuite que la violation des droits de l’homme alléguée par le plaignant supposait
des obligations tant négatives que positives
225
. Enfin, elle a renvoyé à certains
précédents de la Cour européenne et de la Cour interaméricaine des droits de
l’homme
226
, soulignant qu’« [e]n tant qu’instrument des droits de l’homme, la
__________________
219
Ibid., par. 68 et 69.
220
Ibid., par. 89. L’usine avait déjà libéré des substances toxiques dans l’atmosphère de la ville avant
sa privatisation en 1993 mais la Cour n’a pris en considération que la période d’après
le 5 mai 1998, date à laquelle la Convention européenne des droits de l’homme est entrée en
vigueur pour la Fédération de Russie.
221
Ibid., par. 89.
222
Ibid., par. 92.
223
Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights
(CESR)/Nigéria, décision du 27 octobre 2001, Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples, Communication n
o
155/96. L’affaire concernait également le comportement envers le
peuple ogoni de l’armée et des forces de sécurité nigérianes, qui avaient attaqué, brûlé et détru it
plusieurs villages et habitations. Toutefois, le présent rapport ne porte que sur les questions
relatives à l’environnement. Voir F. Coomans, « TheOgonicase before the African Commission
on Human and Peoples’ Rights »,International and Comparative Law Quarterly, vol. 52, 2003,
p. 749 à 760.
224
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication n
o
155/96, par. 51.
225
Ibid., par. 44.
226
Ibid., par. 57.
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Charte africaine [n’était] pas étrangère à ces concepts »
227
. Selon la Commission, le
droit à la santé (art. 16) imposait aux États l’obligation négative de « cesser de
menacer directement la santé et l’environnement de leurs citoyens »
228
, et le droit à
un environnement satisfaisant (art. 24) l’obligation positive de « prendre des
mesures raisonnables et d’autres mesures pour prévenir la pollution et la
dégradation écologique, favoriser la préservation de l’environnement et garantir un
développement écologiquement durable et
l’utilisation des
ressources
229
naturelles »
, notamment en réalisant des évaluations de l’impact écologique, en
assurant une surveillance adéquate et en fournissant des informations. Enfin, ayant
examiné le comportement du Gouvernement nigérian, la Commission a conclu à une
violation des articles 16 et 24 de la Charte. En ce qui concerne le droit à la vie, elle
a conclu à une violation de l’article 4, au motif que « [l]a pollution et la dégradation
de l’environnement à un niveau humainement inacceptable a[vait] fait que vivre au
pays Ogoni [était] devenu un cauchemar »
230
.
Commission interaméricaine des droits de l’homme
79. En l’affaireCommunity of La Oroyav. Peru, la pétition portait sur une
pollution de l’air, du sol et des eaux causée par le complexe métallurgique exploité
par l’entreprise des États-Unis Doe Run à La Oroya (Pérou)
231
. Selon les
pétitionnaires, le Pérou s’en était rendu responsable tant par action que par
omission, notamment par l’absence de contrôle du complexe, de supervision et de
mesures pour atténuer les effets néfastes. Avant de se prononcer, la Commission a
conclu que s’ils étaient avérés, les décès ou problèmes de santé présumés découler
d’actions et d’omissions de l’État face à la pollution provoquée par le complexe
métallurgique de La Oroya pouvaient constituer une violation des droits consacrés
aux articles 4 (« Droit à la vie ») et 5 (« Droit à l’intégrité de la personne ») de la
Convention américaine relative aux droits de l’homme
232
.
Comme la contamination avait été causée par un complexe exploité par une
entreprise privée, la Commission a fait valoir l’obligation positive de l’État de
prendre des mesures pour éviter que des tiers ne mettent en danger la vie et la santé
d’autrui.
80. Les changements climatiques ont des effets spécifiques bien identifiables sur
les régions polaires et les populations qui y vivent. Deux groupes autochtones ont
saisi séparément la Commission interaméricaine de pétitio ns soulevant des
questions liées à ces changements
233
. En 2005, la Présidente de la Conférence
circumpolaire inuite a déposé au nom des Inuits des régions arctiques des États-Unis
et du Canada une pétition contre les États-Unis, alléguant que les effets des
changements climatiques provoqués dans l’Arctique par les émissions de gaz à effet
de serre des États-Unis violaient les droits fondamentaux des Inuits protégés par la
__________________
227
Ibid., par. 44.
228
Ibid. par. 52.
229
Ibid.
230
Ibid., par. 67.
231
Community of La Oroyav. Peru, décision sur la recevabilité, 5 août 2009, Rapport n
o
76/09,
Pétition 1473-06. Le complexe a été nationalisé en 1974 puis acheté par l’entreprise américaine
en 1997.
232
Ibid., par. 74.
233
V. de la Rosa Jaimes, « Climate change and human rights litigation in Europe and the Americas »,
Seattle Journal of Environmental Law, vol. 5, n
o
1, 2015, p. 191 à 195.
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Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et d’autres instruments
internationaux
234
, notamment leurs droits aux bienfaits de la culture, à la propriété, à
la préservation de la santé, de la vie, de l’intégrité physique, de la sécurité et des
moyens de subsistance, ainsi qu’à la résidence et aux déplacements et à
l’inviolabilité du domicile. Toutefois, en 2006, la Commission a rejeté la pétition,
concluant que les pétitionnaires n’avaient pas démontré que les faits allégués
pouvaient être qualifiés de violation de droits protégés par la Déclaration
235
.
En 2013, le Conseil arctique des Athabaskans a déposé au nom de tous les peuples
athabascans des régions arctiques du Canada et des États-Unis, une pétition contre
le Canada, affirmant que le réchauffement de l’Arctique, dû à l’inaction du Canada
et à l’absence de réglementation efficace sur les émissions de carbone noir, violait
les droits de l’homme des peuples athabascans de ces régions, dont le droit aux
bienfaits de leur culture, le droit à la propriété et le droit à la santé consacrés par la
Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme
236
. La recevabilité de cette
pétition est toujours à l’examen.
C. Droits substantiels
81. Il ressort de l’analyse comparative des décisions concernant l’environnement
et de celles rendues par les juridictions et organes compétents en matière de droits
de l’homme que les droits substantiels « généraux » les plus souvent invoqués dans
les actions en matière environnementale sont « le droit à la vie » (art. 6 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques; art. 6 de la Convention relative
aux droits de l’enfant; art. 10 de la Convention relative aux droits des personnes
handicapées; art. 2 de la Convention européenne des droits de l’homme; art. 4 de la
Convention américaine relative aux droits de l’homme; et art. 4 de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples), « le droit à la vie privée et
familiale » (art. 17 du Pacte; article 8 de la Convention européenne des droits de
l’homme; art. 11, par. 2, de la Convention américaine relative aux droits de
l’homme) et « le droit à la propriété » (art. 1 du Protocole n
o
1 de la Convention
européenne des droits de l’homme; art. 21 de la Convention américaine relative aux
droits de l’homme; art. 14 de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples)
237
. Lorsque les instruments relatifs aux droits de l’homme ne prévoient pas
expressément un droit « spécifique » de l’environnement, les juridictions et les
organes conventionnels des droits de l’homme considèrent que les droits généraux
__________________
234
Inuit Circumpolar Conference,Petition to the Inter-American Commission on Human Rights
Seeking Relief from Violations resulting from Global Warming caused by Acts and Omissions of
the United States, 7 décembre 2005, disponible à l’adresse www.inuitcircumpolar.com/uploads/
3/0/5/4/30542564/finalpetitionicc.pdf 2017) (consultée le 20 février 2017).
235
Voir la lettre adressée le 16 novembre 2006 à Paul Crowley par Ariel E. Dulitzky, Secrétaire
exécutif adjoint de l’Organisation des États américains, concernant l’affaire Sheila Watt-Cloutier
et al(pétition n° P-1413-05, États-Unis), disponible à l’adresse http://graphics8.nytimes.com/
packages/pdf/science/16commissionletter.pdf 2017) (consultée le 20 février 2017).
236
Arctic Athabaskan Council,Petition to the Inter-American Commission on Human Rights Seeking
Relief from Violations of the Rights of Arctic Athabaskan Peoples resulting from Rapid Arctic
Warming and Melting Caused by Emissions of Black Carbon by Canada, 23 avril 2013, disponible
à l’adresse http://earthjustice.org/sites/default/files/AAC PETITION 13-04-23a.pdf 2017)
(consultée le 20 février 2017).
237
D. Shelton, « Human rights and the environment: substantive rights »,inM. Fitzmaurice, D.M.
Ong et P. Merkouris (dir.),Research Handbook on International Environmental Law, Cheltenham,
Edward Elgar, 2010, p. 267, et 269 à 278.
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garantis par ces instruments recouvrent le droit à un environnement sain et le droit à
la santé
238
. En outre, même lorsque des instruments relatifs aux droits de l’homme
consacrent des droits spécifiques en matière d’environnement, comme le fait la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, les juridictions et organes
conventionnels compétents appliquent aussi bien des droits généraux comme le
droit à la vie que des droits spécifiques comme le droit à un environnement sain et
le droit à la santé, comme on l’a vu dans les affaires concernant les Ogonis et les
Inuits. Ces droits généraux se retrouvent dans tous les instruments relatifs aux droits
de l’homme, mondiaux ou régionaux, et peuvent donc devenir universellement
applicables si la jurisprudence en la matière continue d’évoluer dans ce sens.
82. Cependant, certaines conditions essentielles doivent être remplies pour que le
droit international des droits de l’homme contribue à la protection de
l’atmosphère
239
. Premièrement, le droit international des droits de l’homme demeure
un système juridique axé sur le dommage corporel
240
, aussi faut-il établir un lien
direct entre la pollution ou dégradation atmosphérique et l’atteinte à un droit
protégé. Deuxièmement, il faut un seuil de gravité suffisant pour que les
conséquences néfastes de la pollution ou de la dégradation atmosphérique relèvent
de ce droit. L’appréciation de ce seuil est relative, elle dépend du contenu du droit
invoqué et de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, telles que l’intensité
des nuisances, leur durée et leurs effets physiques ou psychiques. Troisièmement et
surtout, il faut établir un lien de causalité entre l’action ou l’omission de l’État et la
pollution ou dégradation atmosphérique.
83. Les obligations des États découlant des droits en question sont de deux or dres.
En principe, les États sont tenus de s’abstenir – obligation négative – de toute
ingérence directe ou indirecte dans l’exercice des droits fondamentaux, autrement
dit, de respecter ces droits. Il ressort cependant de la jurisprudence et notamment
des décisions susmentionnées des juridictions et organes compétents en matière de
droits de l’homme que ce devoir d’abstention est assorti d’une obligation de
protéger ces droits – obligation positive – en prenant toutes les mesures à cette
fin
241
. Les États doivent donc prendre des mesures positives pour protéger ces droits
de toute ingérence de tiers, qu’il s’agisse de personnes ou d’entreprises privées.
Cette dernière obligation suppose notamment de prendre des mesures législatives et
autres nécessaires et suffisantes pour empêcher que des tiers ne portent atteinte à
des droits garantis. Comme le Comité des droits de l’homme l’a justement déclaré,
les obligations en droit international des droits de l’homme « n’ont pas [...] un effet
horizontal direct » mais il peut y avoir des cas où la responsabilité de l’État est
engagée s’il « tolère [de tels actes, commis par des personnes privées, physiques ou
__________________
238
R. R. Churchill, « Environmental rights in existing human rights treaties »,inA.E. Boyle et M.R.
Anderson (dir.),Human Rights Approaches to Environmental Protection, Oxford, Clarendon
Press, 1996, p. 89 à 98.
239
Dupuy et Viñuales,International Environmental Law(voir note 189supra), p. 320 à 329.
240
Ibid., p. 308 et 309.
241
A. A. Cançado Trindade, « The contribution of international human rights law to environmental
protection, with special reference to global environmental change »,inE. Brown Weiss dir.),
Environmental Change and International Law: New Challenges and Dimensions, Tokyo, United
Nations University Press, 1992, p. 272 et 280.
17-01471
54/61
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morales] ou s’abstient de prendre des mesures appropriées ou d’exercer la diligence
nécessaire pour prévenir [...] le préjudice qui en résulte »
242
.
D. Personnes vulnérables
84. Certains groupes de personnes méritent une attention particulière en droit
international en raison de leur vulnérabilité aux effets de la pollution et de la
dégradation atmosphériques, notamment les populations autochtones, les habitants
de petits pays en développement insulaires et de faible altitude, les femmes, les
enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. Selon les dernières
données publiées par l’Organisation mondiale de la Santé en septembre 2016,
quelque 6,5 millions de décès par an (soit 11,6 % de l’ensemble des décès dans le
monde) sont imputables à la pollution atmosphérique, les hausses les plus
importantes ayant été enregistrées dans les zones urbaines des pays à faible
revenu
243
. Face à ce problème, l’Assemblée générale traite de la pollution
atmosphérique dans les objectifs de développement durable de son Programme de
développement durable à l’horizon 2030, spécifiquement dans les objectifs 3.9 et
11.6, demandant en particulier de réduire sensiblement le nombre de décès et de
maladies dus à la pollution atmosphérique et d’accorder une attention particulière à
la qualité de l’air ambiant dans les villes
244
.
85. L’OMS a également noté que toutes les populations seraient touchées par les
changements climatiques mais que les risques sanitaires initiaux variaient
grandement selon le lieu d’habitation et le mode de vie. Les personnes vivant dans
des petits États insulaires en développement, des régions côtières, des mégalopoles,
des régions montagneuses ou des régions polaires sont particulièrement exposées,
de diverses manières. Les effets sur la santé devraient être plus graves chez les
personnes âgées, infirmes ou souffrant d’affections préexistantes, ainsi que chez les
personnes handicapées. L’OMS a noté en outre que ce serait probablement surtout
les enfants et les pauvres, en particulier les femmes, qui supporteraient l’essentiel
du coût important de la charge de morbidité résultante
245
. Les grandes maladies les
__________________
242
Rapport du Comité des droits de l’homme,Documents officiels de l’Assemblée générale,
cinquante-neuvième session, supplément n
o
40(A/59/40), annexe III, Observation générale
o
n
31 (2004) relative à la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au
Pacte, par. 8.
243
OMS,Ambient Air Pollution : A Global Assessment of Exposure and Burden of Disease, Genève,
2016. Voir également OMS, « Burden of disease from the joint effects of household and ambient
air pollution for 2012 », Genève, 2014; résolution 1/7 (2014) de l’Assemblée des Nations Unies
pour l’environnement sur le renforcement du rôle du Programme des Nations Unies pour
l’environnement dans la promotion de la qualité de l’air, UNEP/EA.1/10, annexe I; résolution
WHA68.8 de l’Assemblée mondiale de la santé du 26 mai 2015 : Santé et environnement : agir
face aux conséquences sanitaires de la pollution de l’air; J. Lelieveldet al.,« The contribution of
outdoor air pollution sources to premature mortality on a global scale, »Nature, vol. 525, n° 765,
2015, p. 367 à 371.
244
Résolution 70/1 de l’Assemblée générale du 25 septembre 2015; voir B. Lode, P. Schönberger et
P. Toussaint, « Clean air for all by 2030? Air quality in the 2030 Agenda, and in international
law »,Review of European, Comparative and International Environmental Law, vol. 25, n° 1,
2016, p. 27 à 38. Voir également les indicateurs pour ces cibles définies en 2016 (3.9.1 : taux de
mortalité attribuable à la pollution dans l’air ambiant et dans les habitations et 11.6.2 : niveaux
moyens annuels de quantité de particules fines dans les villes).
245
Note de bas de page ajoutée. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des
femmes a adopté un programme sur l’aspect égalité des sexes des risques de catastrophe et des
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plus sensibles aux changements climatiques (diarrhée, maladies transmises par un
vecteur, telles que le paludisme, et infections associées à la sous-alimentation) sont
plus graves chez les enfants qui vivent dans la pauvreté
246
.
Ainsi, par exemple, le Groupe de la Banque mondiale s’est employé ces dernières
années à élaborer des politiques pour aider les populations les plus vulnérables aux
changements climatiques. Selon son Plan d’action sur les changements
climatiques, les groupes extrêmement vulnérables comprennent les personnes très
pauvres – celles qui n’ont pas accès aux services d’infrastructure de base ni à la
protection sociale –, les enfants, les femmes et les personnes âgées, les personnes
handicapées, les populations autochtones, les réfugiés et les migrants, et les
personnes vivant dans des zones très exposées telles que les petites îles et les
deltas
247
.
86. Le statut juridique des peuples autochtones n’est pas encore suffisamment
établi en droit international, si ce n’est par une pratique conventionnelle limitée et
des instruments de droit souple
248
. Or, il ressort du rapport du Sommet mondial des
peuples autochtones sur les changements climatiques qu’ils sont les plus vulnérables
aux effets des changements climatiques parce qu’ils vivent dans les zones les plus
touchées par ceux-ci et sont généralement les plus défavorisés sur le plan
socioéconomique
249
. Ils devraient donc assurément figurer dans les catégories de
personnes à protéger spécialement des effets de la dégradation de l’atmosphère.
E. Générations futures
87. Comme nous l’avons souligné dans le projet de directive 6 adopté à titre
provisoire en 2016 et dans notre troisième rapport
250
, l’utilisation équitable et
__________________
changements climatiques; voir www.ohchr.org/EN/HRBodies/CEDAW/Pages/ClimateChange.aspx
(page consultée le 20 février 2017).
246
OMS,Protecting Health from Climate Change: Connecting Science, Policy and People, Genève,
2009, p. 2.
247
Groupe de la Banque mondiale, Climate Change Action Plan, 7 avril 2016, par. 104, disponible à
l’adresse http://pubdocs.worldbank.org/en/677331460056382875/WBG-Climate-Change-ActionPlan-public-version.pdf
(consultée le 20 février 2017).
248
Dans la résolution 61/295 de l’Assemblée générale du 13 septembre 2007 intitulée « Déclaration
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones », aucune définition de « peuples
autochtones » n’est fournie, ce qui laisse cette question ouverte pour l’avenir. L’auto-identification
du groupe est considérée comme un élément essentiel dans la détermination de son statut et de sa
taille. Voir R. L. Barsh, « Indigenous peoples »,inD. Bodansky, J. Brunée and E. Hey (dir.),The
Oxford Handbook of International Environmental Law, Oxford, Oxford University Press, 2007,
p. 829 à 852; B. Kingsbury, « Indigenous peoples »,inR. Wolfrum (dir.),The Max Planck
Encyclopedia of Public International Law, Oxford, Oxford University Press, 2012, vol. V, p. 116 à
133; H.A. Strydom, « Environment and indigenous peoples »,inR. Wolfrum (dir.),The Max
Planck Encyclopedia of Public International Law, Oxford, Oxford University Press, 2012, vol. III,
p. 455 à 461.
249
Rapport du Sommet mondial des peuples autochtones sur les changements climatiques, 20-24 avril
2009, Anchorage (Alaska), p. 12, disponible à l’adresse
www.un.org/ga/president/63/letters/globalsummitoncc.pdf#search=%27 (consultée le 20 février
2017).
250
A/CN.4/692, par. 69 à 78. Voir également la suggestion de la Malaisie lors du débat sur le sujet à
la Sixième Commission en octobre 2016, tendant à un examen plus approfondi des facteurs à
évaluer pour concilier les intérêts des générations actuelles et futures (Documents officiels de
17-01471
56/61
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raisonnable de l’atmosphère devrait également tenir compte de l’intérêt des
générations futures. Nous estimons nécessaire d’insister sur ce point dans le
contexte de
la protection des droits de
l’homme. Cette obligation
intergénérationnelle a déjà été exprimée dans le principe 1 de la Déclaration de
Stockholm (« devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les
générations présentes et futures ») et dans la notion même de développement
durable formulée dans le Rapport Brundtland de 1987 (« le développement
répondrait aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures
251
»), ainsi que dans le préambule du Programme de développement durable
à l’horizon 2030 (« répondre aux besoins des générations actuelles et futures »).
Elle figure également à l’article 4 de la Convention pour la protection du patrimoine
mondial, culturel et naturel (reconnaissant « l’obligation d’assurer l’identification,
la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations
futures » du patrimoine culturel et naturel); au paragraphe 1 de l’article 3 de la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (« il incombe
aux Parties de préserver le système climatique dans l’intérêt des générations
présentes et futures »), dans le préambule de la Convention sur la diversité
biologique et dans d’autres traités ultérieurs, notamment à l’article 4 (iv) de la
Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté
de la gestion des déchets radioactifs (les parties doivent « s’efforcer d’éviter les
actions dont les effets raisonnablement prévisibles sur les générations futures sont
supérieurs à ceux qui sont admis pour la génération actuelle »).Dans son avis
consultatif sur les armes nucléaires, rendu en 1996, la Cour internationale de Justice
a estimé qu’il était « impératif [...de tenir] compte des caractéristiques uniques de
l’arme nucléaire, et en particulier de [...] son pouvoir de causer des dommages aux
générations à venir
252
», et le juge Weeramantry a estimé dans son opinion
dissidente que « la notion de droits des générations futures n’est plus une notion
embryonnaire cherchant à acquérir une reconnaissance juridique. Elle s’est intégrée
au droit international
253
».
88. Aucun détenteur de droits n’a actuellement qualité à invoquer ces obligations
mais d’après la doctrine, les droits en question pourraient être exercés par un
« tuteur » ou représentant des générations futures
254
. En ce qui concerne la
protection de l’atmosphère en particulier, des tribunaux de plusieurs pays ont
récemment rendu des décisions confirmant le droit fondamental d ’un mineur
représenté par un tuteur de contester l’action (ou l’inaction) des autorités dans ce
__________________
l’Assemblée générale, soixante et onzième session, Sixième Commission, 26e séanc e
(A/C.6/71/SR.26 67), par. 67).
251
« Rapport de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement : note du
Secrétaire général » (A/42/427), annexe, chap. 2, par. 1.
252
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif,C.I.J. Recueil 1996,
p. 244, par. 36.
253
Ibid., p. 455.
254
E. Brown Weiss,In Fairness to Future Generations : International Law, Common Patrimony, and
Intergenerational Equity, Tokyo, Presses de l’Université des Nations Unies, 1989, p. 96;
M. Bruce, « Institutional aspects of a charter of the rights of future generations”,inS. Busuttilet
al.(dir.),Our Responsibilities Towards Future Generations, Malte, UNESCO et Fondation pour
les études internationales, University of Malta, 1990, p. 127 à 131; T. Allen, « The Philippine
children’s case: recognizing legal standing for future generations »,Georgetown International
Environmental Law Review, vol. 6, 1994, p. 713 à 741, renvoyant à l’arrêtMinors Oposa et al.c.
Factoran,Cour suprême des Philippines, 30 juillet 1993,International Legal Materials, vol. 33,
1994, p. 173 à 206.
17-01471
57/61
A/CN.4/705
255
domaine
. Dans certaines de ces affaires, la qualité à agir se fondait sur ce qu’on
appelle la « doctrine de la fiducie d’intérêt public
256
», qui tient les gouvernements
responsables de l’administration des ressources environnementales communes
257
.
Cependant, les tribunaux internationaux n’ont rendu à ce jour aucune décision
conférant de tels droits coutumiers intergénérationnels de ce type
258
, c’est pourquoi
à la soixante-huitième session de la Commission, le Comité de rédaction, a préféré
le terme « intérêts » à celui de « bénéfice » dans le projet de directive 6
259
. Le
même terme est donc utilisé au paragraphe 4 du nouveau projet de directive 12 cidessous.
F. Problèmes de procédure : application extrajuridictionnelle ****
89. Le problème le plus curieux de la relation entre droit relatif à l’atmosphère et
droit des droits de l’homme est la différence fondamentale en termes d’application.
Alors que le droit de l’atmosphère s’applique non seulement aux États des victimes
mais aussi aux États où se situe la cause du dommage, les traités relatifs aux droits
de l’homme ne s’appliquent qu’aux personnes relevant de la juridiction d’un État
(art. 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme, et art. 25 de la Convention
américaine relative aux droits de l’homme
260
). Comme la plupart des décisions de
jurisprudence examinées ci-dessus concernaient des actions en justice intentées
contre un État par ses ressortissants pour des cas de pollution atmosphérique
intrafrontalière, on a pu aisément considérer que les traités relatifs aux droits de
__________________
255
Sur les affaires « children’s atmospheric trust » jugées ou en instance devant plusieurs tribunaux
fédéraux et tribunaux d’État des États-Unis, voir M.C. Wood et T.C. Woodward, IV,
« Atmospheric trust litigation and the constitutional right to a healthy climate system: judicial
recognition at last »,Washington Journal of Environmental Law and Policy, vol. 6, 2016, p. 634 à
684. Concernant une affaire similaire en instance devant la Cour suprême du Pakistan, voirRabab
Alic. Fédération du Pakistan, résumé disponible à l’adresse www.ourchildrenstrust.org/pakistan
(consultée le 20 février 2017).
256
Voir C. Redgwell,Intergenerational Trusts and Environmental Protection, Manchester,
Manchester University Press, 1999; K. Coghill, C. Sampford et T. Smith (dir.),Fiduciary Duty
and the Atmospheric Trust,Londres, Routledge, 2012; M.C. Blumm et M.C. Wood,The Public
Trust Doctrine in Environmental and Natural Resources Law, 2
e
édition, Durham, Carolina
Academic Press, 2015; K. Bosselmann,Earth Governance: Trusteeship of the Global Commons,
Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2015.
257
Dans un arrêt qui a fait date, rendu le 13 décembre 1996, la Cour suprême de l’Inde a estimé que
la doctrine de la fiducie d’intérêt public faisait partie du droit interne; M.C. Mehta c. Kamal Nath
et al., 1997, 1 Supreme Court Cases 388, reproduit dans C.O. Okidi (dir.),Compendium of
Judicial Decisions in Matters Related to Environment: National Decisions, vol. I, Nairobi,
Programme des Nations Unies pour l’environnement/Programme des Nations Unies pour le
développement, 1998, p. 259. Voir J. Razzaque, « Application of public trust doctrine in Indian
environmental cases »,Journal of Environmental Law, vol. 13, n° 2, 2001, p. 221 à 234.
258
C. Redgwell, « Intra-and inter-generational equity »,inC.P. Carlarne, K.R. Gray et R.G.
Tarasofsky (dir.),The Oxford Handbook of International Climate Change Law, Oxford, Oxford
University Press, 2016, p.198.
259
Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante et onzième session, Supplément n° 10
(A/71/10), p. 308, commentaire sur le projet de directive 6, par. 3.
**** L’expression « application extra-juridictionnelle » d’un traité est employée ici pour marquer la
différence avec l’expression « application extra-territoriale » d’une loi nationale.
260
A. Boyle, « Human rights and the environment: where next? »,European Journal of International
Law, vol. 23, n° 3, 2012, p. 633 à 641.
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l’homme imposaient aux États l’obligation positive d’agir fac e à la pollution et à la
dégradation atmosphériques. Toutefois, lorsqu’une activité préjudiciable à
l’environnement menée dans un État porte atteinte aux droits de personnes se
trouvant dans un autre État, l’affaire devient une question d’application
extrajuridictionnelle qui ne peut plus être réglée dans le cadre des traités relatifs aux
droits de l’homme. En d’autres termes, ces traités ne peuvent être appliqués de
façon extrajuridictionnelle à l’État qui se trouverait à l’origine des dommages
environnementaux. C’est la difficulté fondamentale s’agissant de recourir aux traités
relatifs aux droits de l’homme pour s’attaquer aux problèmes environnementaux.
90. Comment résoudre cette difficulté? Une solution serait de prendre en compte
l’objet et le but des traités relatifs aux droits de l’homme. Il convient de noter que
dans son avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur
dans le territoire palestinien occupé, la Cour internationale de Justice a estimé ce
qui suit : « si la compétence des États est avant tout territoriale, elle peut parfois
s’exercer hors du territoire national. Compte tenu de l’objet et du but du pacte
international relatif aux droits civils et politiques, il apparaîtrait naturel que, même
dans cette dernière hypothèse, les États parties au pacte soient tenus d’en respecter
les dispositions
261
. ». L’objet et le but fondamentaux des traités relatifs aux droits de
l’homme est de protéger les droits de l’homme sur la base du principe de nondiscrimination
mais on ne saurait raisonnablement en conclure que le droit
international des droits de l’homme ne s’applique pas à la pollution atmosphérique
transfrontière ni à la dégradation mondiale de l’atmosphère et que le droit ne peut
protéger que les victimes de la pollution intrafrontalière. Le principe de nondiscrimination
exige de l’État responsable qu’il traite la pollution et la dégradation
transfrontières comme il traite la pollution à l’intérieur de ses frontières
262
. Dans le
même ordre d’idées, un autre moyen de résoudre cette difficulté serait de recourir au
critère de « conséquence nécessaire et prévisible ». Le Comité des droits de
l’homme a examiné la portée juridictionnelle de l’application des différents
instruments relatifs aux droits de l’homme à des affaires concernant l’extradition
d’un fugitif par un État vers un autre État où il était passible de la peine de mort
(affaireJoseph Kindlerc.Canada). Le Comité des droits de l’homme a cependant
déclaré que « si un État partie prend une décision concernant une personne sous sa
juridiction, dont la conséquence nécessaire et prévisible est que les droits de cette
personne en vertu du Pacte seront violés sous une autre juridiction, l’État partie luimême
peut violer le Pacte
263
», ce qui peut être vu comme une forme de non-
__________________
261
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, Avis
consultatif, C.I.J., Recueil 2004, p. 179, par. 109.
262
Boyle, « Human rights and the environment … » (voir note 260 ci-dessus), p. 639 et 640.
263
Joseph Kindlerc. Canada, Communication n° 470/1991, constatations adoptées le 30 juillet 1993,
Documents officiels de l’Assemblée générale, quarante-huitième Session, Supplément n° 40
(A/48/40), annexe XII, sect. U, par. 6.2. L’auteur était un fugitif, déclaré coupable d’assassinat et
d’enlèvement et condamné à la peine capitale aux États-Unis en 1983. En 1984, il s’est enfui au
Canada, où il a été arrêté et détenu en 1985, puis extradé vers les États-Unis. Il a allégué que le
Canada avait violé certains des droits garantis par le Pacte. Le Canada a soutenu que l’auteur ne
saurait être considéré comme une victime dans la juridiction du Canada, dont il ne relevait plus
puisqu’il avait déjà été extradé vers les États-Unis. Le Comité des droits de l’homme a utilisé Les
critères de conséquences nécessaires et prévisibles, de risque réel ou d’anticipation raisonnable
lorsqu’il a procédé à une application extra-juridictionnelle du Pacte dans des affaires
d’extradition : Kindlerc. Canada, ibid., par. 6.2 et 13.2;Chitat Ngc. Canada, Communication
n° 469/1991, constatations adoptées le 5 novembre 1993, ibid., quarante-neuvième Session
(A/49/40), annexe IX, sect. CC, par. 7;Coxc. Canada, Communication n° 539/1993,
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discrimination en droit des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de
l’homme a confirmé ce même principe afin de surmonter la difficulté de
l’application extra-juridictionnelle des traités relatifs aux droits de l’homme
264
.
91. Pour surmonter cette difficulté d’application des traités relatifs aux droits de
l’homme, on pourrait également considérer que les droits fondamentaux intéressant
au premier chef la protection de l’atmosphère, tels que le droit à la vie et le droit à
la propriété, sont maintenant partie intégrante du droit international coutumier.
Puisque celui-ci peut s’appliquer sans limite de compétence, les normes relatives
aux droits de l’homme pourraient également s’appliquer à tous les États, qu’ils
soient à l’origine du dommage ou qu’ils en soient victimes. De fait, de nombreuses
normes relatives aux droits de l’homme sont aujourd’hui considérées comme des
règles établies ou émergentes de droit international coutumier
265
. On pourra alors
considérer qu’elles recoupent des normes de droit de l’environnement telles que la
diligence requise (projet de directive 3), l’étude d’impact sur l’environnement
(projet de directive 4) l’utilisation durable (projet de directive 5) et l’utilisation
équitable (projet de directive 6), ce qui permettrait d’interpréter et d’appliquer
harmonieusement les deux types de normes.
92. Au vu de ce qui précède, nous proposons le projet de directive 12 suivant :
Projet de directive 12 : Lien entre le droit de la protection de l’atmosphère et le
droit des droits de l’homme
1. Les États devraient faire tout leur possible pour élaborer des normes
internationales relatives aux droits de l’homme, les interpréter et les
appliquer de sorte que ces normes et les règles du droit international de la
protection de l’atmosphère se complètent afin de protéger efficacement
l’atmosphère de la pollution et de la dégradation atmosphériques.
__________________
constatations adoptées le 31 octobre 1994, ibid., cinquantième Session, annexe X, sect. M,
par. 16.1;A.R.J.c. Australie, Communication n° 692/1996, constatations adoptées le 28 juillet
1997, ibid., cinquante-deuxième session (A/52/40), annexe VI, sect. T, par. 4.1;Judgec.Canada,
Communication n° 829/1998, constatations adoptées le 5 août 2003, ibid., cinquante-huitième
session (A/58/40), annexe V, sect. G, par. 10.4;Espositoc.Espagne, Communication
n° 1359/2005, décision adoptée le 20 mars 2007, ibid., soixant e-deuxième session (A/62/40),
annexe VIII, sect. P, par. 7.5;Munaf c. Roumanie, Communication n° 1539/2006, constatations
adoptées le 30 juillet 2009, ibid., soixante-quatrième session (A/64/40), annexe VII, sect. LL,
par. 4.14.
264
La Cour européenne des droits de l’homme utilise le critère du "risque réel" lorsqu’elle procède à
l’application extra-juridictionnelle de la Convention dans les affaires d’extradition. Voir
Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, série A n° 161, par. 4;Chahalc. Royaume-Uni,
15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, par. 68;Saadic. Italie [GC],
n° 37201/06, CEDH 2008.
265
B. Simma et P. Alston, " Sources of human rights law: custom, jus cogens and general principles
«, Australian Year Book of International Law, vol. 12, 1988, p.82 à 108; V. Dimitrijevic,
« Customary law as an instrument for the protection of human rights”, document de travail n° 7,
Milan, Istituto per gli Studi di Politica Internazionale (ISPI), 2006; B. Simma, « Human rights in
the International Court of Justice: Are we witnessing a sea change? »,inD. Allandet al.(dir.),
Unity and Diversity of International Law : Essays in Honour of Professor Pierre-Marie Dupuy,
Leiden, Martinus Nijhoff, 2014, p.711 à 737; H. Thirlway, " International law and practice.
Human rights in customary law: an attempt to define some of the issues, »Leiden Journal of
International Law, vol. 28, 2015, p. 495 à 506.
17-01471
60/61
A/CN.4/705
2. Les États devraient faire tout leur possible pour se conformer aux
normes internationales relatives aux droits de l’homme lorsqu’ils
élaborent des règles et recommandations concernant la protection de
l’atmosphère contre la pollution et la dégradation atmosphériques, les
interprètent et les appliquent, en particulier en ce qui concerne les droits
fondamentaux des groupes vulnérables, notamment les populations
autochtones, les populations des pays en développement les moins avancés,
les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées.
3. Lorsqu’ils élaborent des règles pertinentes de droit international, les
interprètent et les appliquent, les États devraient prendre en compte les
effets de la montée du niveau des mers sur les petits États insulaires et sur
les États de faible altitude, en particulier pour ce qui est des questions
touchant les droits de l’homme et les migrations.
4. Les États devraient aussi prendre en compte les intérêts des
générations futures concernant la conservation à long terme de la qualité
de l’atmosphère.
V. Conclusion
93. Dans le présent rapport, nous nous sommes employé à démontrer que le droit
de la protection de l’atmosphère existe et fonctionne en interaction avec d’autres
branches pertinentes du droit international, notamment le droit commercial
international et le droit international de l’investissement, le droit de la mer et le
droit des droits de l’homme. Ces domaines sont intrinsèquement liés au droit relatif
à l’atmosphère et, à ce titre, doivent clairement être intégrés au champ du présent
sujet.
94. Le prochain rapport, en 2018, portera sur : a) l’application (au niveau du droit
interne); b) la conformité (au niveau du droit international); et c) les caractéristiques
du règlement des différends relatifs au droit de la protection de l’atmosphère, points
qui devraient conclure l’examen en première lecture du sujet.
17-01471
61/61
Nations Unies
A/CN.4/705/Corr.1
Assemblée générale
Distr. générale
11 mai 2017
Français
Original : anglais
Commission du droit international
Soixante-neuvième session
Genève, 1
er
mai-2 juin et 3 juillet-4 août 2017
Quatrième rapport sur la protection de l’atmosphère
Établi par Shinya Murase, Rapporteur spécial
Rectificatif
1. Paragraphe 28
Remplacer « Comme indiqué plus haut (par. 20) » par « Comme indiqué plus
haut (par. 18) ».
2. Paragraphe 65
Supprimer le paragraphe.
17-07497 (F) 100517 110517
*1707497*
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A/76/10
Chapitre IV
Protection de l’atmosphère
A. Introduction
29. À sa soixante-cinquième session (2013), la Commission a décidé d’inscrire à son
programme de travail le sujet intitulé « Protection de l’atmosphère », précisant que cette
inscription était subordonnée à certaines conditions, et a désigné M. Shinya Murase
Rapporteur spécial
6
.
30. La Commission a examiné le premier rapport du Rapporteur spécial à sa
soixante-sixième session (2014), le deuxième rapport à sa soixante-septième session (2015),
le troisième rapport à sa soixante-huitième session (2016), le quatrième rapport à sa
soixante-neuvième session (2017) et le cinquième rapport à sa soixante-dixième session
(2018)
7
. À sa soixante-dixième session également, sur la base des projets de directive
proposés par le Rapporteur spécial dans ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième
rapports, la Commission a adopté provisoirement, en première lecture, 12 projets de directive
assortis d’un préambule, ainsi que les commentaires y relatifs
8
.
B. Examen du sujet à la présente session
31. À la présente session, la Commission était saisie du sixième rapport du Rapporteur
spécial (A/CN.4/736) ainsi que des commentaires et observations reçus des États et des
organisations internationales (A/CN.4/735). Dans son rapport, le Rapporteur spécial
examinait les commentaires et observations formulés par les États et les organisations
internationales au sujet du projet de préambule et des projets de directive adoptés en première
lecture, se penchait sur les propositions à étudier en seconde lecture et formulait une
recommandation à l’intention de l’Assemblée générale.
32. La Commission a examiné le sixième rapport du Rapporteur spécial à ses 3508
e
à
e
3510
et 3512
e
à 3515
e
séances, du 26 au 28 avril et les 30 avril et 3 et 4 mai 2021.
6
À sa 3197
e
séance, le 9 août 2013 (Annuaire ... 2013, vol. II (2e partie), par. 168), la Commission a
inscrit le sujet à son programme de travail, aux conditions suivantes : « a) Les travaux sur ce sujet
seraient conduits de façon à ne pas empiéter sur les négociations politiques concernant, notamment,
les changements climatiques, l’appauvrissement de la couche d’ozone ou la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance. Les travaux ne concerneraient pas non plus des questions telles que
la responsabilité de l’État et de ses ressortissants, le principe “pollueur-payeur”, le principe de
précaution, les responsabilités communes mais différenciées, et le transfert de fonds et de technologie,
y compris des droits de propriété intellectuelle, vers les pays en développement, mais seraient aussi
sans préjudice de ces questions ; b) Dans le cadre des travaux sur ce sujet, la Commission ne traiterait
pas non plus de questions relatives à certaines substances qui font l’objet de négociations
interétatiques, comme le noir de carbone ou l’ozone troposphérique, et d’autres substances à double
impact. Le projet ne viserait pas à “combler” les lacunes des régimes conventionnels ; c) Les
questions relatives à l’espace extra-atmosphérique, y compris sa délimitation, seraient exclues du
sujet ; d) Les travaux de la Commission sur le sujet viseraient à élaborer un projet de directives, sans
chercher à compléter les régimes conventionnels actuels par de nouvelles règles ou de nouveaux
principes juridiques. Les rapports du Rapporteur spécial seraient fondés sur le respect de ces
conditions. ». Au paragraphe 6 de sa résolution 68/112, du 16 décembre 2013, l’Assemblée générale a
noté que la Commission avait décidé d’inscrire le sujet à son programme de travail. La question de la
protection de l’atmosphère avait été inscrite au programme de travail à long terme de la Commission
à sa soixante-troisième session (Annuaire ... 2011), vol. II (2
e
partie), par. 365) sur la base de la
proposition formulée à l’annexe II du rapport sur les travaux de cette session (ibid., p. 195).
A/CN.4/667, A/CN.4/681 et Corr.1 (chinois seulement), A/CN.4/692, A/CN.4/705 et Corr.1 et
A/CN.4/711.
7
8
Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-dixième session, Supplément n
o
10 (A/70/10),
par. 53 et 54 ; ibid., soixante et onzième session, Supplément n
o
10 (A/71/10), par. 95 et 96 ; ibid.,
soixante-douzième session, Supplément n
o
10 (A/72/10), par. 66 et 67 ; ibid., soixante-treizième
session, Supplément n
o
10 (A/73/10), par. 77 et 78.
GE.21-11083
9
A/76/10
33. À l’issue du débat consacré au rapport et compte tenu des vues échangées, à sa
3515
e
séance, le 4 mai 2021, la Commission a décidé de renvoyer au Comité de rédaction les
projets de directives 1 à 12 et le préambule contenus dans le sixième rapport du Rapporteur
spécial.
34. À sa 3529
e
séance, le 27 mai 2021, la Commission a examiné le rapport du Comité de
rédaction (A/CN.4/L.951) et adopté, en seconde lecture, les projets de directive et le
préambule sur la protection de l’atmosphère (voir infra la section E.1).
35. À ses 3549
e
à 3554
e
séances, du 26 au 29 juin 2021, la Commission a adopté les
commentaires relatifs aux projets de directive et au préambule (voir infra la section E.2).
36. Conformément à son statut, la Commission soumet les projets de directive et le
préambule, ainsi que la recommandation formulée ci-après (voir infra la section C), à
l’Assemblée générale.
C. Recommandation de la Commission
37. À sa 3554
e
séance, le 29 juillet 2021, la Commission a décidé, conformément à
l’article 23 de son statut, de recommander à l’Assemblée générale :
a) De prendre acte du projet de préambule et de directives sur la protection de
l’atmosphère dans une résolution, d’annexer le projet de directives à la résolution et d’en
assurer la plus large diffusion possible ;
b) De recommander le projet de préambule et de directives et les commentaires y
relatifs aux États, aux organisations internationales et à toute autre entité amenée à
s’intéresser au sujet.
D. Hommage au Rapporteur spécial
38. À sa 3554
e
séance, le 29 juillet 2021, après avoir adopté le texte du projet de directives
sur la protection de l’atmosphère, la Commission a adopté la résolution ci-après par
acclamation :
« La Commission du droit international,
Ayant adopté le projet de directives sur la protection de l’atmosphère,
Exprime sa profonde gratitude et ses chaleureuses félicitations au Rapporteur
spécial, M. Shinya Murase, pour la contribution exceptionnelle qu’il a apportée à
l’élaboration des projets de directive, aux fins de laquelle il a fait preuve d’un
dévouement sans relâche, et pour les résultats qu’il a obtenus. ».
E. Texte des projets de directive sur la protection de l’atmosphère
1. Texte des projets de directive
39. Le texte des projets de directive adoptés par la Commission en seconde lecture à sa
soixante-douzième session est reproduit ci-après.
Protection de l’atmosphère
Préambule
Consciente que l’atmosphère est une ressource naturelle, d’une capacité
d’assimilation limitée, indispensable à la vie sur terre, à la santé et au bien-être de l’homme,
et aux écosystèmes aquatiques et terrestres,
Ayant à l’esprit que des substances polluantes et des substances de dégradation sont
transportées et propagées dans l’atmosphère,
10
GE.21-11083
A/76/10
Considérant que la pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique sont un
sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière,
Consciente de la situation et des besoins particuliers des pays en développement,
Constatant qu’il existe une interaction étroite entre l’atmosphère et les océans,
Constatant notamment la situation particulière dans laquelle les zones côtières de
faible élévation et les petits États insulaires en développement se trouvent du fait de
l’élévation du niveau de la mer,
Reconnaissant qu’il convient de tenir pleinement compte du fait qu’il est dans l’intérêt
des générations futures de préserver durablement la qualité de l’atmosphère,
Rappelant que le présent projet de directives a été élaboré à la condition qu’il ne
viserait ni à empiéter sur les négociations politiques pertinentes ni à imposer aux régimes
conventionnels actuels des règles ou des principes qui n’y figurent pas déjà,
Directive 1
Définitions
Aux fins du présent projet de directives :
a) On entend par « atmosphère » l’enveloppe gazeuse qui entoure la Terre ;
b) On entend par « pollution atmosphérique » l’émission ou le rejet dans
l’atmosphère par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie
contribuant à des effets nocifs significatifs qui s’étendent au-delà de l’État d’origine et qui
sont de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme et l’environnement naturel de
la Terre ;
c) On entend par « dégradation atmosphérique » toute altération par l’homme,
directement ou indirectement, des conditions atmosphériques, qui a des effets nocifs
significatifs de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme et l’environnement
naturel de la Terre.
Directive 2
Champ d’application
1. Le présent projet de directives concerne la protection de l’atmosphère contre la
pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
2. Le présent projet de directives ne traite pas et est sans préjudice des questions relatives
au principe « pollueur-payeur », au principe de précaution et au principe des responsabilités
communes mais différenciées.
3. Rien dans le présent projet de directives ne remet en cause le statut de l’espace aérien
en vertu du droit international ni les questions relatives à l’espace extra-atmosphérique,
y compris sa délimitation.
Directive 3
Obligation de protéger l’atmosphère
Les États ont l’obligation de protéger l’atmosphère en faisant preuve de la diligence
requise dans l’adoption de mesures appropriées, conformément aux règles de droit
international applicables, en vue de prévenir, réduire ou maîtriser la pollution atmosphérique
et la dégradation atmosphérique.
Directive 4
Évaluation de l’impact sur l’environnement
Les États ont l’obligation de veiller à ce qu’il soit procédé à une évaluation de l’impact
sur l’environnement des activités projetées relevant de leur juridiction ou contrôle qui sont
susceptibles d’avoir un impact préjudiciable important sur l’atmosphère en termes de
pollution atmosphérique ou de dégradation atmosphérique.
GE.21-11083
11
A/76/10
Directive 5
Utilisation durable de l’atmosphère
1. Dans la mesure où l’atmosphère est une ressource naturelle d’une capacité
d’assimilation limitée, son utilisation devrait être entreprise de manière durable.
2. L’utilisation durable de l’atmosphère inclut le besoin de concilier le développement
économique et la protection de l’atmosphère.
Directive 6
Utilisation équitable et raisonnable de l’atmosphère
L’atmosphère devrait être utilisée d’une manière équitable et raisonnable, en tenant
pleinement compte des intérêts des générations présentes et futures.
Directive 7
Modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère
Les activités visant à la modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère
ne devraient être menées qu’avec prudence et précaution, et sous réserve de toute règle
applicable de droit international, y compris les règles relatives à l’évaluation de l’impact sur
l’environnement.
Directive 8
Coopération internationale
1. Les États ont l’obligation de coopérer, selon qu’il convient, entre eux et avec les
organisations internationales pertinentes pour protéger l’atmosphère contre la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
2. Les États devraient coopérer ensemble au développement des connaissances
scientifiques et techniques sur les causes et les répercussions de la pollution atmosphérique
et de la dégradation atmosphérique. Cette coopération pourrait prendre la forme d’un échange
d’informations et d’un suivi conjoint.
Directive 9
Relations entre règles pertinentes
1. Les règles de droit international relatives à la protection de l’atmosphère et les autres
règles de droit international pertinentes, y compris, inter alia, les règles du droit international
du commerce et de l’investissement, du droit de la mer et du droit international des droits de
l’homme, devraient, dans la mesure du possible, être déterminées, interprétées et appliquées
de manière à faire apparaître un ensemble unique d’obligations compatibles, en conformité
avec les principes de l’harmonisation et de l’intégration systémique et dans l’objectif d’éviter
les conflits. Cela devrait être fait conformément aux règles pertinentes énoncées dans la
Convention de Vienne sur le droit des traités, notamment à l’article 30 et au paragraphe 3 c)
de l’article 31, ainsi qu’aux principes et règles du droit international coutumier.
2. Les États devraient, dans la mesure du possible, lorsqu’ils élaborent de nouvelles
règles de droit international concernant la protection de l’atmosphère et d’autres règles
pertinentes du droit international, s’efforcer de le faire de manière harmonieuse.
3. Aux fins de l’application des paragraphes 1 et 2, les États devraient prêter une
attention particulière aux personnes et aux groupes particulièrement vulnérables à la pollution
et la dégradation atmosphériques. Ces groupes peuvent inclure, inter alia, les peuples
autochtones, les populations des pays les moins avancés et les populations des zones côtières
de faible élévation et des petits États insulaires en développement touchés par l’élévation du
niveau de la mer.
Directive 10
Mise en œuvre
1. La mise en œuvre en droit interne des obligations de droit international relatives à la
protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la dégradation
12
GE.21-11083
A/76/10
atmosphérique, y compris celles énoncées dans le présent projet de directives, peut
s’accomplir par les voies législative, administrative, judiciaire et par d’autres voies.
2. Les États devraient s’efforcer de donner effet aux recommandations formulées dans
le présent projet de directives.
Directive 11
Contrôle du respect
1. Les États sont tenus de respecter leurs obligations en vertu du droit international
relatives à la protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la dégradation
atmosphérique de bonne foi, y compris par le respect des règles et procédures prévues dans
les accords pertinents auxquels ils sont parties.
2. Pour assurer le contrôle du respect, des procédures de facilitation ou d’exécution
peuvent être utilisées, selon qu’il convient, conformément aux accords pertinents :
a) Les procédures de facilitation peuvent notamment consister à fournir une
assistance aux États, en cas de non-respect, de manière transparente, non accusatoire et non
punitive, afin que les États concernés s’acquittent de leurs obligations en vertu du droit
international, compte tenu de leurs capacités et de leurs conditions particulières ;
b) Les procédures d’exécution peuvent notamment consister à mettre en garde
contre une situation de non-respect, à supprimer les droits et privilèges que leur confèrent les
accords pertinents, ainsi qu’à imposer d’autres formes de mesures d’exécution.
Directive 12
Règlement des différends
1. Les différends entre États relatifs à la protection de l’atmosphère contre la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique doivent être réglés par des moyens
pacifiques.
2. Ces différends pouvant présenter une grande complexité factuelle et une dimension
scientifique marquée, une attention toute particulière devrait être accordée au recours à des
experts scientifiques et techniques.
2. Texte des projets de directive et des commentaires y relatifs
40. Le texte des projets de directive et des commentaires y relatifs adoptés par la
Commission en seconde lecture est reproduit ci-après.
Protection de l’atmosphère
Commentaire général
1) Comme c’est toujours le cas pour les résultats des travaux de la Commission, les
projets de directive doivent être lus conjointement avec les commentaires.
2) La Commission a conscience qu’il importe de prendre pleinement en considération
les besoins actuels de la communauté internationale. Il est admis que l’homme et la nature
peuvent tous deux subir les effets de certains changements dans l’état de l’atmosphère,
changements qui résultent principalement de l’émission de substances ou d’énergie nocives
et sont à l’origine de la pollution atmosphérique transfrontière, de l’appauvrissement de la
couche d’ozone et de modifications des conditions atmosphériques entraînant des
changements climatiques. La Commission vise, par le développement progressif et la
codification du droit international, à établir des directives susceptibles d’aider la communauté
internationale à répondre à des questions extrêmement importantes ayant trait à la protection
transfrontière et mondiale de l’atmosphère. Comme convenu en 2013
9
, elle n’entend toutefois
pas, ce faisant, empiéter sur les négociations politiques pertinentes ni venir imposer aux
régimes conventionnels actuels des règles ou des principes qui n’y figurent pas déjà.
9
Voir supra la note 6.
GE.21-11083
13
A/76/10
Préambule
Consciente que l’atmosphère est une ressource naturelle, d’une capacité
d’assimilation limitée, indispensable à la vie sur terre, à la santé et au bien-être de
l’homme, et aux écosystèmes aquatiques et terrestres,
Ayant à l’esprit que des substances polluantes et des substances de dégradation
sont transportées et propagées dans l’atmosphère,
Considérant que la pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique
sont un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière,
Consciente de la situation et des besoins particuliers des pays en
développement,
Constatant qu’il existe une interaction étroite entre l’atmosphère et les océans,
Constatant notamment la situation particulière dans laquelle les zones côtières
de faible élévation et les petits États insulaires en développement se trouvent du fait
de l’élévation du niveau de la mer,
Reconnaissant qu’il convient de tenir pleinement compte du fait qu’il est dans
l’intérêt des générations futures de préserver durablement la qualité de l’atmosphère,
Rappelant que le présent projet de directives a été élaboré à la condition qu’il
ne viserait ni à empiéter sur les négociations politiques pertinentes, ni à imposer aux
régimes conventionnels actuels des règles ou des principes qui n’y figurent pas déjà,
Commentaire
1) Le préambule vise à établir le cadre contextuel du projet de directives. Son premier
alinéa a un caractère général : il y est fait le constat que l’atmosphère a une importance
essentielle pour la vie sur terre, la santé et le bien-être de l’homme ainsi que pour les
écosystèmes aquatiques et terrestres. L’atmosphère est la plus grande des ressources
naturelles de la Terre, et une des plus importantes. Elle a été reconnue comme une ressource
naturelle − au même titre que les minéraux, l’énergie et l’eau − par l’ancien Comité des
ressources naturelles du Conseil économique et social
10
, ainsi que dans la Déclaration de 1972
de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement (la « Déclaration de Stockholm »)
11
et la Charte mondiale de la nature de 1982
12
, où il est dit que l’humanité fait partie de la
nature et la vie dépend du fonctionnement ininterrompu des systèmes naturels qui sont la
source d’énergie et de matières nutritives
13
. L’atmosphère fournit des ressources
renouvelables indispensables à la survie de l’homme, des plantes et des animaux qui peuplent
la planète, et sert de moyen de transport et de communication. Il a été longtemps considéré
que, étant une ressource naturelle, elle était inépuisable et non exclusive. Cette opinion est
aujourd’hui obsolète
14
. Il ne faut pas perdre de vue en effet que, ainsi qu’il est aussi dit au
10
L’inscription des « ressources atmosphériques » parmi les « autres ressources naturelles » par l’ancien
Comité des ressources naturelles est apparue pour la première fois dans le rapport du Comité sur les
travaux de sa première session, Documents officiels du Conseil économique et social, cinquantième
session, Supplément n
o
6 (E/4969-E/C.7/13), sect. 4 (« autres ressources naturelles »), par. 94 d).
Les travaux du Comité (devenu ensuite le Comité de l’énergie et des ressources naturelles au service
du développement) ont été ensuite transférés à la Commission du développement durable.
« Les ressources naturelles du Globe, y compris l’air […] doivent être préservé[e]s dans l’intérêt des
générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin. »
(adoptée à Stockholm le 16 juin 1972, voir Rapport de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972 (Publication des Nations Unies, numéro de vente :
F.73.II.A.14 (A/CONF.48/14/Rev.1 et Corr.1), première partie, chap. I, principe 2).
11
« [L]es ressources […] atmosphériques qu’utilise l’homme seront gérées de manière à assurer et
maintenir leur productivité optimale et continue » (Charte mondiale de la nature, résolution 37/7
de l’Assemblée générale en date du 28 octobre 1982, annexe, principes généraux, par. 4).
12
13
Ibid., deuxième alinéa du préambule, alinéa a).
14
Voir, par exemple, l’affaire Gasoline de 1996, dans laquelle le Groupe spécial et l’Organe d’appel de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont affirmé que l’air pur était une « ressource
14
GE.21-11083
A/76/10
projet de directive 5, l’atmosphère est une ressource naturelle d’une capacité d’assimilation
limitée.
2) Le deuxième alinéa du préambule concerne l’aspect fonctionnel de l’atmosphère en
tant que milieu à travers lequel des substances polluantes et des substances de dégradation
sont transportées et propagées par le déplacement de masses d’air. Les mouvements
atmosphériques participent d’un schéma dynamique et fluctuant. Les mouvements
transfrontières longue distance de substances polluantes et de substances de dégradation sont
considérés comme l’un des principaux problèmes de l’environnement atmosphérique
actuel
15
, la région Arctique étant une des zones les plus gravement touchée par la dispersion
de polluants nocifs à l’échelle mondiale
16
.
3) Le troisième alinéa du préambule dispose que la pollution atmosphérique et la
dégradation atmosphérique sont « un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière ».
Cette notion est apparue pour la première fois dans la résolution 43/53 du 6 décembre 1988,
sur la protection du climat mondial pour les générations présentes et futures, dans laquelle
l’Assemble générale a estimé que l’évolution du climat était une « préoccupation commune
de l’humanité », le climat étant l’une des conditions essentielles de la vie sur terre. Le premier
alinéa du préambule de la Convention-cadre des Nations Unies de 1992 sur les changements
climatiques
17
porte que « les changements du climat de la planète et leurs effets néfastes sont
un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière » (non souligné dans l’original)
18
,
formule qui a été reprise par la suite dans le préambule de l’Accord de Paris de 2015 sur les
changements climatiques
19
. L’expression « préoccupation commune » ou une expression
similaire sont employées dans d’autres instruments conventionnels encore
20
. Dans cet alinéa
naturelle » qui pouvait être « épuisée ». Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis − Normes
concernant l’essence nouvelle et ancienne formules (1996), WT/DS2/AB/R.
15
Voir Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants de 2001, Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 2256, n
o
40214, p. 119 (mentionnant dans le préambule que « les polluants
organiques persistants […] sont propagés par l’air […] par-delà les frontières internationales et
déposés loin de leur site d’origine, où ils s’accumulent dans les écosystèmes terrestres et
aquatiques »). Suite à la modification apportée en 2012 au Protocole de Göteborg à la Convention
de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, relatif à la réduction de
l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique (Göteborg, 30 novembre 1999,
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2319, p. 81), le troisième alinéa du préambule indique ce qui
suit : « Constatant avec préoccupation […] que les [éléments chimiques] émis […] sont transportés
dans l’atmosphère sur de longues distances et peuvent avoir des effets transfrontières nocifs. ».
Aux termes de la Convention de Minamata de 2013 sur le mercure (adoptée à Kumamoto (Japon) le
10 octobre 2013, ibid., vol. 3013, n
o
54669 (numéro du volume à déterminer), disponible à l’adresse
suivante : https://treaties.un.org), le mercure est « une substance chimique préoccupante à l’échelle
mondiale vu sa propagation atmosphérique à longue distance » (premier alinéa du préambule) ;
voir J. S. Fuglesvedt et al., « Transport impacts on atmosphere and climate : metrics », Atmospheric
Environment, vol. 44 (2010), p. 4648 à 4677 ; D. J. Wuebbles, H. Lei et J.-T Lin, « Inter-continental
transport of aerosols and photochemical oxidants from Asia and its consequences », Environmental
Pollution, vol. 150 (2007), p. 65 à 84 ; J.-T Lin, X.-Z Liang et D. J. Wuebbles, « Effects of
inter-continental transport on surface ozone over the United States : Present and future assessment
with a global model », Geophysical Research Letters, vol. 35 (2008).
Voir T. Koivurova, P. Kankaanpää et A. Stepien, « Innovative Environmental Protection : Lessons
from the Arctic », Journal of Environmental Law, vol. 27 (2015), p. 285 à 311, à la page 297.
16
17
New York, 9 mai 1992, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1771, n
o
30822, p. 107.
18
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, premier alinéa du préambule.
19
Accord de Paris (Paris, 12 décembre 2015), Nations Unies, Recueil des Traités, n
o
54113 (numéro du
volume à déterminer), disponible à l’adresse suivante : https://treaties.un.org, onzième alinéa du
préambule.
20
Convention sur la diversité biologique (Rio de Janeiro, 5 juin 1992, Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 1790, n
o
30619, p. 79, troisième alinéa du préambule, « préoccupation commune à
l’humanité ») ; Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays
gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (Paris,
14 octobre 1994, ibid., vol. 1954, n
o
33480, p. 3, premier alinéa du préambule (« centre des
préoccupations »), deuxième alinéa du préambule (« vive préoccupation ») et quatrième alinéa du
préambule (« problème de dimension mondiale ») ; Convention de Minamata sur le mercure, premier
alinéa du préambule (où il est dit que le mercure est une substance chimique « préoccupante à
l’échelle mondiale »).
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15
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du préambule, le message qui est transmis est que la pollution atmosphérique et la
dégradation atmosphérique, telles qu’elles sont définies dans le projet de directives,
concernent la communauté internationale tout entière parce qu’elles peuvent toucher tout un
chacun. On retiendra que, bien que les auteurs soient divisés sur sa portée, sa teneur et ses
conséquences, l’expression « préoccupation commune » est courante en droit de
l’environnement
21
. Il est entendu qu’elle fait référence à un problème qui nécessite la
coopération de la communauté internationale tout entière, mais son emploi ne crée en soi
aucun droit ni obligation et, en particulier, ne fait naître aucune obligation erga omnes dans
le contexte du projet de directives.
4) Reflétant un souci d’équité, le quatrième alinéa du préambule traite de la situation et
des besoins particuliers des pays en développement
22
. Plusieurs instruments internationaux,
notamment la Déclaration de Stockholm de 1972
23
, la Déclaration de Rio de 1992 sur
21
M. Bowman, « Environmental protection and the concept of common concern of mankind », dans
M. Fitzmaurice, D. M. Ong et P. Merkouris, dir. publ., Research Handbook on International
Environmental Law (Cheltenham, Edward Elgar, 2010), p. 493 à 518, à la page 501 ; D. French,
« Common concern, common heritage and other global(-ising) concepts : rhetorical devices, legal
principles or a fundamental challenge ? », dans M. J. Bowman, P. G. G. Davies et E. J. Goodwin,
dir. publ., Research Handbook on Biodiversity and Law (Cheltenham, Edward Elgar, 2016), p. 334
à 360, à la page 349 ff. ; J. Brunnée, « Common areas, common heritage, and common concern »,
dans D. Bodansky, J. Brunnée et E. Hey, dir. publ., The Oxford Handbook of International
Environmental Law (Oxford, Oxford University Press, 2007), p. 550 à 573, à la page 565 ; A. Boyle
et C. Redgwell, International Law and the Environment, 4
e
éd. (Oxford, Oxford University Press,
2009), p. 143 à 145 ; D. Shelton, « Common concern of humanity », Environmental Policy and Law,
vol. 39 (2009), p. 83 à 96 ; D. Shelton, « Equitable utilization of the atmosphere : rights-based
approach to climate change? », dans S. Humphreys, dir. publ., Human Rights and Climate Change
(Cambridge, Cambridge University Press, 2010), p. 91 à 125 ; S. Stec, « Humanitarian limits to
sovereignty : common concern and common heritage approaches to natural resources and
environment », International Community Law Review, vol. 12 (2010), p. 361 à 389 ; T. Cortier,
dir. publ., The Prospects of the Common Concern of Humankind in International Law (Cambridge,
Cambridge University Press, 2021).
22
Une des premières démarches tendant à faire reconnaître ce principe remonte à la Conférence
internationale du Travail qui s’est tenue à Washington en 1919, à l’occasion de laquelle les
délégations d’Asie et d’Afrique ont obtenu l’adoption de normes du travail différenciées sur le
fondement de l’article 405 (par. 3) du Traité de Versailles de 1919 (Traité de paix signé à Versailles
le 28 juin 1919, Heinrich Triepel, Nouveau recueil général de traités et autres actes relatifs aux
rapports de droit international, Continuation du grand recueil de G. Fr. de Martens, 3
e
série, Leipzig,
Theodor Weicher, 1922, t. XI, p. 323), devenu l’article 19 (par. 3) de la Constitution de
l’Organisation internationale du Travail (9 octobre 1946, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 15,
n
o
229, p. 35) (où il est dit que les conventions du travail « devr[ont] avoir égard » aux pays dans
lesquels il existe des circonstances particulières qui rendent les conditions de l’industrie
« essentiellement différentes »). Le principe est aussi reflété dans certaines des conventions que
l’Organisation internationale du Travail a approuvées en 2019 ainsi que dans plusieurs conventions
adoptées par la suite. Voir I. F. Ayusawa, International Labor Legislation (New York, Columbia
University, 1920), chap. VI, p. 149 et suiv. Il est aussi pris en considération dans le Système
généralisé de préférences élaboré dans les années 1970 dans le cadre de la Conférence des Nations
Unies sur le commerce et le développement, ainsi qu’il ressort du projet d’article 23 des projets
d’article sur les clauses de la nation la plus favorisée établis par la Commission en 1978. Voir les
articles 23 (La clause de la nation la plus favorisée et le traitement conféré dans le cadre d’un système
généralisé de préférences) et 30 (Nouvelles règles de droit international en faveur des pays en
développement), adoptés par la Commission à sa trentième session, en 1978 (Annuaire … 1978,
vol. II (2
e
partie), par. 74, voir aussi par. 47 à 72. Voir S. Murase, Economic Basis of International
Law (Tokyo, Yuhikaku, 2001), p. 109 à 179 (en japonais). Voir aussi les dérogations pour les pays en
développement prévues à l’article XVIII de l’Accord général de 1947 sur les tarifs douaniers et le
commerce (Genève, 30 octobre 1947), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 55, n
o
814, p. 194.
23
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972
(A/CONF.48/14/Rev.1), première partie, chap. I. Voir L. B. Sohn, « The Stockholm Declaration on
the Human Environment ». Harvard International Law Journal, vol. 14 (1973), p. 423 à 515, aux
pages 485 à 493.
16
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l’environnement et le développement (la « Déclaration de Rio »)
24
et la Déclaration de
Johannesburg de 2002 sur le développement durable
25
, consacrent la nécessité de tenir
compte de la situation particulière des pays en développement dans le contexte de la
protection de l’environnement. Le principe 12 de la Déclaration de Stockholm prévoit qu’il
faut « [tenir] compte […] de la situation et des besoins particuliers des pays en voie de
développement ». Le principe 6 de la Déclaration de Rio dispose qu’il faut accorder la priorité
à « [l]a situation et [aux] besoins particuliers des pays en développement, en particulier des
pays les moins avancés et des pays les plus vulnérables sur le plan de l’environnement ».
La Déclaration de Johannesburg exprime la détermination de ses auteurs de « rester[…]
particulièrement attentifs aux besoins en matière de développement des petits États insulaires
en développement et des pays les moins avancés »
26
. Ce principe est aussi reflété à l’article 3
de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et à l’article 2 de
l’Accord de Paris adopté dans le cadre de ladite convention. La formulation du quatrième
alinéa du préambule du projet d’articles est inspirée de celle du septième alinéa du préambule
de la Convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à
des fins autres que la navigation
27
.
5) Le cinquième alinéa du préambule pose le constat qu’il existe une « interaction
étroite » entre l’atmosphère et les océans du fait du rapport physique qui les unit. D’après les
scientifiques, la pollution du milieu marin, qu’elle soit d’origine atmosphérique ou
transatmosphérique, est en grande partie due aux activités terrestres, notamment celles menées
par l’homme
28
. La recherche scientifique montre que les activités humaines sont aussi
responsables du réchauffement de la planète, qui entraîne une augmentation de la température
des océans, et ainsi des phénomènes atmosphériques extrêmes pouvant provoquer inondations
et sécheresses
29
. L’Assemblée générale a constaté que les changements climatiques avaient
effectivement des effets sur les océans et a souligné qu’il importait que la communauté
scientifique approfondisse sa connaissance de l’interface entre les océans et l’atmosphère
30
.
Bien que l’alinéa du préambule n’en fasse pas mention, l’atmosphère interagit aussi
étroitement avec d’autres biosphères ainsi qu’avec les forêts, les lacs et les rivières
31
.
Adoptée à Rio de Janeiro le 14 juin 1992, voir Rapport de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992 (A/CONF.151/26/Rev.1 (vol. I)
et Corr.1), résolution 1, p. 3.
24
Rapport du Sommet mondial pour le développement durable, Johannesburg (Afrique du Sud), 26 août
− 4 septembre 2002 (A/CONF.199/20) (publication des Nations Unies, numéro de vente : F.03.II.A.1
et rectificatif), chap. I, résolution 1, annexe.
25
Déclaration de Johannesburg, par. 24. Voir aussi le document final de la Conférence des
Nations Unies sur le développement durable, intitulé « L’avenir que nous voulons », reproduit à
l’annexe de la résolution 66/288 adoptée par l’Assemblée générale le 27 juillet 2012.
26
27
Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la
navigation (New York, 21 mai 1997), Documents officiels de l’Assemblée générale,
cinquante et unième session, Supplément n
o
49 (A/51/49), vol. III, résolution 51/229, annexe.
La Convention est entrée en vigueur le 17 août 2014.
R. A. Duce et al., « The atmospheric input of trace species to the world ocean », Global
Biogeochemical Cycles, vol. 5 (1991), p. 193 à 259 ; T. Jickells et C. M. Moore, « The importance of
atmospheric deposition for ocean productivity », Annual Review of Ecology, Evolution, and
Systematics, vol. 46 (2015), p. 481 à 501.
28
29
Voir Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « Changements
climatiques 2014 : rapport de synthèse − résumé à l’intention des décideurs », p. 4. De nombreuses
études scientifiques donnent à penser que, du fait de l’augmentation de la température des océans, de
nombreuses régions sont menacées par une sécheresse grave et généralisée au XXI
e
siècle. Voir
Ø. Hov, « Overview : oceans and the atmosphere », et T. Jickells, « Linkages between the oceans and
the atmosphere », dans « Summary of the informal meeting of the International Law Commission :
dialogue with atmospheric scientists (third session), 4 May 2017 », par. 4 à 12 et 21 à 30, disponible à
l’adresse suivante : http://legal.un.org/docs/?path=../ilc/sessions/69/pdfs/english/informal_dialogue_
4may2017.pdf&lang=E.
Résolution 75/239 de l’Assemblée générale, en date du 31 décembre 2020, sur les océans et le droit
de la mer, parties IX et XI. Voir aussi les résolution 71/257, du 23 décembre 2016 ; 72/37, du
5 décembre 2017 ; 73/124, du 11 décembre 2018 ; 74/19, du 10 décembre 2019.
30
31
GIEC, Climate Change and Land : An IPCC Special Report on Climate Change, Desertification,
Land Degradation, Sustainable Land Management, Food Security, and Greenhouse Gas Fluxes in
Terrestrial Ecosystems (2019), disponible à l’adresse suivante : www.ipcc.ch/srccl/.
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17
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6) La première Évaluation mondiale intégrée du milieu marin (la « première Évaluation
mondiale des océans »), étude globale et approfondie de l’état du milieu marin, traite de la
pollution transatmosphérique des océans résultant d’activités terrestres, qui a des
conséquences sur la température de la surface de la mer, l’élévation du niveau de la mer, la
salinité, la stratification et l’acidification des océans, la circulation océanique, les tempêtes
et les autres phénomènes climatiques extrêmes, le rayonnement ultraviolet et la couche
d’ozone
32
. L’Assemblée générale a continué d’insister sur la nécessité de s’attaquer
d’urgence aux effets de la dégradation atmosphérique, notamment l’augmentation des
températures à l’échelle mondiale, l’élévation du niveau de la mer et l’acidification des
océans, ainsi qu’aux répercussions des autres changements climatiques qui se font
lourdement sentir dans les zones côtières et les pays côtiers de faible élévation, parmi lesquels
nombre de pays parmi les moins avancés et de petits États insulaires en développement,
estimant qu’il en allait de la survie de bien des sociétés
33
. Entre autres activités humaines qui
ont des conséquences sur les océans, on peut citer les émissions de gaz à effet de serre par
les navires, à savoir les émissions de gaz d’échappement, les émissions provenant des
cargaisons, les émissions de gaz réfrigérants et les autres émissions, qui contribuent toutes
au réchauffement climatique et aux changements climatiques
34
.
7) Le sixième alinéa du préambule mentionne l’une des conséquences de la dégradation
atmosphérique qui se fait le plus lourdement sentir sur tous les États, à savoir l’élévation du
niveau de la mer due au réchauffement de la planète. Il appelle l’attention sur la situation
particulière dans laquelle l’élévation du niveau de la mer place les zones côtières de faible
élévation et les petits États insulaires en développement. Dans son cinquième rapport, le
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a estimé que, à
l’échelle mondiale, le niveau moyen de la mer augmenterait de 26 à 98 centimètres d’ici à
2100
35
. Quoique ni les chiffres exacts ni les pourcentages de l’augmentation attendue ne
soient encore connus, le rapport indique que l’élévation du niveau de la mer se poursuivra
presque certainement tout au long du XXI
e
siècle et pendant plusieurs siècles encore, même
si les concentrations d’émissions de gaz à effet de serre sont stabilisées. De surcroît, il est
probable que ce phénomène ait une configuration fortement régionale et que de nombreuses
régions subissent une évolution sensiblement plus importante que la moyenne mondiale
36
.
Cela pourrait poser un risque grave, voire s’avérer catastrophique, pour bon nombre de zones
côtières, en particulier les grandes zones côtières de faible élévation densément peuplées,
ainsi que pour les petits États insulaires en développement
37
.
Division des affaires maritimes et du droit de la mer de l’Organisation des Nations Unies, « First
Global Integrated Marine Assessment (first World Ocean Assessment) », disponible à l’adresse
suivante : www.un.org/depts/los/global_reporting/WOA_RegProcess.htm (voir, en particulier, le
chapitre 20, intitulé « Coastal, riverine and atmospheric inputs from land »). L’Assemblée générale a
approuvé le résumé du rapport à sa soixante-dixième session (voir la résolution 70/235 de
l’Assemblée générale, du 23 décembre 2015, sur les océans et le droit de la mer).
32
Résolution 70/1 de l’Assemblée générale en date du 25 septembre 2015, intitulée « Transformer notre
monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 », par. 14. Voir aussi « Les océans
et le droit de la mer », rapport du Secrétaire général (A/71/74/Add.1), chap. VIII (« Océans,
changements climatiques et acidification des océans »), par. 115 à 122.
33
34
Étude sur les émissions de gaz à effet de serre réalisée par l’Organisation maritime internationale
(OMI), Ø. Buhaug et al., Second IMO GHG Study 2009 (Londres, OMI, 2009), p. 23. Voir aussi
T. W. P. Smith et al., Third IMO GHG Study (Londres, OMI, 2014), synthèse, tableau 1, et M. Righi,
J. Hendricks et R. Sausen, « The global impact of the transport sectors on atmospheric aerosol in 2030
− Part 1 : land transport and shipping », Atmospheric Chemistry and Physics, vol. 15 (2015), p. 633 à 651.
35
GIEC, Changements climatiques 2013 : Les éléments scientifiques. Contribution du Groupe de
travail I au cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(Cambridge, Cambridge University Press, 2013), p. 1180. Voir aussi le chapitre IX, sur l’élévation du
niveau de la mer au regard du droit international.
Ibid., p. 1140. Voir aussi GIEC, IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing
Climate (2019), disponible à l’adresse suivante : www.ipcc.ch/srocc/.
36
37
Voir A. H. A. Soons, « The effects of a rising sea level on maritime limits and boundaries »,
Netherlands International Law Review, vol. 37 (1990), p. 207 à 232 ; M. Hayashi, « Sea-level rise
and the law of the sea : future options », dans D. Vidas et P. J. Schei (dir. publ.), The World Ocean in
Globalisation : Climate Change, Sustainable Fisheries, Biodiversity, Shipping, Regional Issues
(Leyde, Brill/Martinus Nijhoff, 2011), p. 187 et suiv. Voir aussi Association de droit international,
18
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8) Le sixième alinéa du préambule a trait à la corrélation entre les règles de droit
international relatives à la protection de l’atmosphère et les règles du droit de la mer,
mentionnée au paragraphe 1 du projet de directive 9
38
. Le paragraphe 3 du projet de
directive 9 dispose qu’il faut prêter une attention particulière aux personnes et aux groupes
vulnérables
39
. La Commission a employé le mot « notamment » pour exprimer l’idée que
certaines régions étaient dans une situation particulière sans exclure la possibilité que d’autres
régions soient touchées.
9) Le septième alinéa du préambule met l’accent sur la préservation des intérêts des
générations futures, aux fins notamment de la protection des droits de l’homme et de l’équité
entre les générations. L’objectif est de s’assurer que la planète restera habitable pour ceux
qui nous succéderont. Les mesures prises pour protéger l’atmosphère aujourd’hui doivent
pleinement s’inscrire dans une perspective de préservation de la qualité de l’atmosphère à
long terme. Le préambule de l’Accord de Paris dispose que les changements climatiques
sont un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière et que les parties devraient,
lorsqu’elles prennent des mesures pour faire face à ces changements, respecter, promouvoir
et prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits de l’homme,
ainsi que l’équité entre les générations. L’importance de tenir compte des générations
futures, déjà reconnue dans le principe 1 de la Déclaration de Stockholm de 1972
40
, est au
cœur de la notion de développement durable telle qu’elle a été définie dans le rapport
Brundtland de 1987 intitulé Notre avenir à tous
41
, et sous-tend le Programme de
développement durable à l’horizon 2030
42
. Elle est aussi reflétée dans la Convention de 1992
sur la diversité biologique, qui en fait mention dans son préambule
43
, ainsi que dans d’autres
traités
44
. Par exemple, aux termes du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques, « il incombe aux Parties de préserver le
système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures ». En outre, dans son
avis consultatif de 1996 sur la Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, la
Cour internationale de Justice a dit, concernant l’arme nucléaire, qu’il était impératif de
tenir compte « en particulier […] de son pouvoir de causer des dommages aux générations
à venir
45
». Dans cet alinéa du préambule, la Commission a préféré parler d’« intérêt » plutôt
que d’« avantage ». Elle a employé des termes semblables dans le projet de directive 6, qui
mentionne les intérêts des générations futures dans le contexte de l’« utilisation équitable et
raisonnable de l’atmosphère »
46
.
Report of the Seventy-fifth Conference held in Sofia, August 2012 (Londres, 2012), p. 385 à 428 ;
Association de droit international, Johannesburg Conference (2016), International Law and Sea Level
Rise (rapport d’étape), p. 13 à 18 ; Association de droit international, Sydney Conference (2018),
International Law and Sea Level Rise (rapport), 2
e
partie, p. 866.
38
Voir infra le commentaire du projet de directive 9, par. 9.
39
Voir infra le commentaire du projet de directive 9, par. 16 à 18.
40
Au principe 1 est mentionné « le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les
générations présentes et futures ».
Rapport de la Commission mondiale de l’environnement et du développement, Notre avenir à tous
(Oxford, Oxford University Press, 1987), où est soulignée l’importance d’un développement qui
« répond[e] aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de
satisfaire les leurs » (p. 43).
41
Résolution 70/1, du 25 septembre 2015, dans laquelle l’Assemblée générale souligne la nécessité de
protéger la planète de la dégradation afin qu’elle puisse « répondre aux besoins des générations
actuelles et futures ».
42
Le préambule de la Convention dispose que les Parties contractantes sont déterminées à conserver et à
utiliser durablement la diversité biologique « au profit des générations présentes et futures ».
43
44
Aux termes de l’article 4 vi) de la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé
et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (Vienne, 5 septembre 1997, Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 2153, n
o
37605, p. 303), les parties « s’efforce[nt] d’éviter les actions dont
les effets raisonnablement prévisibles sur les générations futures sont supérieurs à ceux qui sont admis
pour la génération actuelle ».
45
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J Recueil 1996, p. 226,
à la page 244, par. 36.
46
De nombreuses décisions rendues par des juridictions nationales consacrent le principe de l’équité entre
les générations. Voir Australie, Gray v. Minister for Planning [2006] NSWLEC 720 ; Inde : Vellore
Citizens’ Welfare Forum and State of Tamil Nadu (joining) v. Union of India and others, original
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10) Le huitième alinéa du préambule rappelle les conditions auxquelles, en 2013, la
Commission a inscrit le sujet au programme de travail de sa soixante-cinquième session
47
. Il
a été jugé important de mentionner certaines des conditions fixées en 2013 étant donné que
ces conditions limitent considérablement le champ du sujet et le résultat des travaux de la
Commission. Le huitième alinéa doit être lu conjointement avec le paragraphe 2 du projet de
directive 2 (« Champ d’application »).
Directive 1
Définitions
Aux fins du présent projet de directives :
a) On entend par « atmosphère » l’enveloppe gazeuse qui entoure la
Terre ;
b) On entend par « pollution atmosphérique » l’émission ou le rejet dans
l’atmosphère par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie
contribuant à des effets nocifs significatifs qui s’étendent au-delà de l’État d’origine
et qui sont de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme et
l’environnement naturel de la Terre ;
c) On entend par « dégradation atmosphérique » toute altération par
l’homme, directement ou indirectement, des conditions atmosphériques, qui a des
effets nocifs significatifs de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme et
l’environnement naturel de la Terre.
public interest writ petition, 1996 5 SCR 241, ILDC 443 (IN 1996) ; Kenya, Waweru, Mwangi
(joining) and others (joining) v. Kenya, miscellaneous civil application, affaire n
o
118 de 2004, requête
o
n
118/04, ILDC 880 (KE 2006) ; Afrique du Sud, Fuel Retailers Association of South Africa
v. Director-General, Environmental Management, Department of Agriculture, Conservation and
Environment, Mpumalanga Province, and others [2007] ZACC 13, 10 BCLR 1059 ; Pakistan,
Rabab Ali v. Federation of Pakistan, requête déposée le 6 avril 2016 (résumé disponible à l’adresse
suivante : www.ourchildrenstrust.org/pakistan). Pour un commentaire, voir C. Redgwell, « Intra- and
inter-generational equity », dans The Oxford Handbook of International Climate Change Law,
C. P. Carlarne, K. R. Gray et R. G. Tarasofsky (dir. publ.) (Oxford, Oxford University Press, 2016),
p. 185 à 201, à la page 198. Voir aussi E. Brown Weiss, In Fairness to Future Generations :
International Law, Common Patrimony, and Intergenerational Equity (Tokyo, Presses de l’Université
des Nations Unies, 1989), p. 96 ; M. Bruce, « Institutional aspects of a charter of the rights of future
generations », dans S. Busuttil et al (dir. publ.), Our Responsibilities Towards Future Generations
(La Valette, UNESCO et Fondation pour les études internationales, Université de Malte, 1990), p. 127
à 131 ; T. Allen, « The Philippine children’s case : recognizing legal standing for future generations »,
Georgetown International Environmental Law Review, vol. 6 (1994), p. 713 à 741, renvoyant à l’arrêt
rendu par la Cour suprême des Philippines dans l’affaire Minors Oposa et al. v. Factoran (30 juillet
1993), International Legal Materials, vol. 33 (1994), p. 168. Dans certaines affaires, la qualité d’agir
en justice a été reconnue sur la base de la « doctrine de la fiducie publique », selon laquelle les
gouvernements sont fiduciaires des ressources environnementales communes. Voir M. C. Wood et
C. W. Woodward IV, « Atmospheric trust litigation and the constitutional right to a healthy climate
system : judicial recognition at last », Washington Journal of Environmental Law and Policy, vol. 6
(2016), p. 634 à 684 ; C. Redgwell, Intergenerational Trusts and Environmental Protection
(Manchester, Manchester University Press, 1999) ; K. Coghill, C. Sampford et T. Smith (dir. publ.),
Fiduciary Duty and the Atmospheric Trust (Londres, Routledge, 2012) ; M. C. Blumm et M. C. Wood,
The Public Trust Doctrine in Environmental and Natural Resources Law, 2
e
éd. (Durham, Caroline du
Nord, Carolina Academic Press, 2015) ; et K. Bosselmann, Earth Governance : Trusteeship of the
Global Commons (Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2015). Dans un arrêt du 13 décembre 1996,
la Cour suprême de l’Inde a dit que la doctrine de la fiducie publique participait du droit interne ;
M. C. Mehta v. Kamal Nath and Others (1997) 1 Supreme Court Cases 388, réimprimé dans
C. O. Okidi (dir. publ.), Compendium of Judicial Decisions in Matters Related to the Environment :
National Decisions, vol. I (Nairobi, Programme des Nations Unies pour l’environnement/Programme
des Nations Unies pour le développement, 1998), p. 259. Voir J. Razzaque, « Application of public
trust doctrine in Indian environmental cases », Journal of Environmental Law, vol. 13 (2001), p. 221
à 234.
47
Annuaire … 2013, vol. II (2
e
partie), par. 168.
20
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Commentaire
1) Le projet de directive 1, relatif aux « définitions », établit comment il faut comprendre
les termes employés dans le présent projet de directives. Les définitions données sont fournies
uniquement « aux fins du présent projet de directives », et ne sont aucunement destinées à
avoir une incidence sur les autres définitions des termes considérés qui sont ou seront
retenues en droit international.
2) Les instruments internationaux pertinents ne définissent pas le terme « atmosphère ».
Aux fins du présent projet de directives, une définition de travail en est donnée à l’alinéa a).
Cette définition s’inspire de celle proposée par le GIEC
48
.
3) La définition fournie est conforme à l’approche des scientifiques. Selon ces derniers,
l’atmosphère est une enveloppe composée de différentes couches, ou « atmospheric
shells »
49
. Elle s’étend verticalement en partant de la surface de la Terre, qui est la limite
inférieure de l’atmosphère sèche. La composition moyenne de l’atmosphère jusqu’à une
altitude de 25 kilomètres est la suivante : azote (78,08 %), oxygène (20,95 %), ainsi qu’un
certain nombre de gaz présents à l’état de trace, tels que l’argon (0,93 %), l’hélium et des gaz
à effet de serre qui influent sur le rayonnement, comme le dioxyde de carbone (0,035 %) et
l’ozone ; l’atmosphère contient également de la vapeur d’eau (effet de serre) en proportions
très variables
50
. L’atmosphère contient également des nuages et des aérosols
51
. Elle est
divisée verticalement en cinq couches, délimitées en fonction de la température. De bas en
haut, ces couches sont les suivantes : la troposphère, la stratosphère, la mésosphère, la
thermosphère et l’exosphère. Environ 80 % de la masse d’air se trouve dans la troposphère
et 20 % dans la stratosphère. L’atmosphère est cette fine couche brumeuse que l’on voit
autour de la Terre depuis l’espace (d’une épaisseur inférieure à 1 % du rayon de la Terre).
D’un point de vue scientifique, ces couches qui forment l’« atmosphère inférieure » vont
jusqu’à une hauteur moyenne de 50 kilomètres ; au-delà se trouve l’« atmosphère
supérieure »
52
. La température de l’atmosphère varie en fonction de l’altitude. Dans la
troposphère (qui s’étend jusqu’à la tropopause, à une hauteur d’environ 12 km), la
température baisse à mesure que l’on s’élève en raison de l’absorption et de la réflexion des
rayons du soleil par la surface de la planète
53
. Par contre, dans la stratosphère (qui s’étend
jusqu’à la stratopause, à environ 50 km), la température augmente à mesure que l’on s’élève
54
en raison de l’absorption du rayonnement ultraviolet par l’ozone. Dans la mésosphère (qui
s’étend jusqu’à la mésopause, à une hauteur d’environ 80 km), les températures
Cinquième rapport d’évaluation, Groupe de travail III, annexe I. GIEC, Climate Change 2014 :
Mitigation of Climate Change, O. Edenhofer et al. (dir. publ.) (Cambridge, Cambridge University
Press, 2014), p. 1252, disponible à l’adresse suivante : http://www.ipcc.ch/report/ar5/wg3.
48
Selon la définition de la Société météorologique américaine (American Meteorology Society), les
termes« atmospheric shell » (ou « atmospheric layer », ou « atmospheric region ») désignent une des
couches ou strates de l’atmosphère terrestre (disponible à l’adresse suivante : http://glossary.
ametsoc.org/wiki/Atmospheric_shell).
49
50
La vapeur d’eau, qui représente environ 0,25 % de la masse de l’atmosphère, est présente dans l’air
à des concentrations extrêmement variables. Dans les sciences atmosphériques, en raison de ce
caractère très variable de la concentration de vapeur d’eau dans l’air, il est de coutume d’énumérer
les pourcentages des différents composants par rapport à l’air sec. La concentration d’ozone est, elle
aussi, extrêmement variable. On considère qu’une concentration supérieure à 0,1 ppm (partie par
million) est dangereuse pour l’homme. Voir J. M. Wallace et P. V. Hobbs, Atmospheric Science :
An Introductory Survey, 2
e
éd. (Boston, Elsevier Academic Press, 2006), p. 8.
51
Ibid.
La Société météorologique américaine définit l’atmosphère inférieure comme étant, de manière très
vague, la partie de l’atmosphère où la plupart des phénomènes météorologiques se produisent
(c’est-à-dire la troposphère et la stratosphère inférieure) ; on l’oppose à l’atmosphère supérieure
(voir http://glossary.ametsoc.org/wiki/Lower_atmosphere). L’atmosphère supérieure est définie
comme une catégorie résiduelle, à savoir la partie de l’atmosphère qui se trouve au-dessus de la
troposphère (voir http://glossary.ametsoc.org/wiki/Upper_atmosphere).
52
53
La troposphère est d’épaisseur variable en fonction de la latitude et des saisons. Sa limite supérieure est à
environ 17 km à l’équateur et plus basse aux pôles, pour une épaisseur moyenne d’environ 12 km. Voir
E. J. Tarbuck, F. K. Lutgens et D. Tasa, Earth Science, 13
e
éd. (New Jersey, Pearson, 2011), p. 466.
54
Plus précisément, la température dans la stratosphère reste constante jusqu’à une altitude d’environ
20 à 35 km avant de baisser graduellement.
GE.21-11083
21
A/76/10
recommencent à chuter à mesure que l’on s’élève et, dans la thermosphère, les températures
augmentent rapidement sous l’effet du rayonnement X et du rayonnement ultraviolet du
soleil. L’atmosphère ne possède pas de limite supérieure bien définie
55
.
4)
Indépendamment des caractéristiques physiques de l’atmosphère, il est important de
tenir compte du fait que celle-ci est un milieu en mouvement constant à travers lequel les
substances polluantes et de dégradation sont « transportées et propagées » (voir le deuxième
alinéa du préambule). De fait, le mouvement transfrontière à longue distance de substances
polluantes constitue l’un des grands problèmes de l’environnement atmosphérique, de même
que l’appauvrissement de la couche d’ozone et les changements climatiques.
5) L’alinéa b) définit la pollution atmosphérique et traite de la pollution atmosphérique
transfrontière, tandis que l’alinéa c) définit la dégradation atmosphérique et traite des problèmes
atmosphériques mondiaux. L’emploi des termes « par l’homme » aux alinéas b) et c) indique
clairement que le projet de directives traite de la pollution atmosphérique et de la dégradation
atmosphérique d’origine anthropique. L’accent mis sur des activités directes ou indirectes de
l’homme correspond à une intention délibérée étant donné que le présent projet de directives
vise à donner des orientations aux États et à la communauté internationale.
6)
Si l’expression « pollution atmosphérique » (ou pollution de l’air) est parfois utilisée
dans une acception large pour désigner la dégradation générale des conditions
atmosphériques, y compris l’appauvrissement de la couche d’ozone et les changements
climatiques
56
, dans le présent projet de directives, elle est employée dans un sens étroit,
conformément à la pratique conventionnelle existante. Partant, les questions mondiales sont
exclues de la définition de la pollution atmosphérique.
7) La définition de la « pollution atmosphérique » retenue à l’alinéa b) reprend pour
l’essentiel les termes de l’article 1 a) de la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance
57
, qui dispose :
« L’expression “pollution atmosphérique” désigne l’introduction dans
l’atmosphère par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie
ayant une action nocive de nature à mettre en danger la santé de l’homme, à
endommager les ressources biologiques et les écosystèmes, à détériorer les biens
matériels, et à porter atteinte ou nuire aux valeurs d’agrément et aux autres utilisations
légitimes de l’environnement, l’expression “polluants atmosphériques” étant
entendue dans le même sens. ».
8) Toutefois, le libellé retenu s’écarte du texte de la Convention de 1979 en ce que les
mots « ayant une action nocive » ont été remplacés par « contribuant à des effets nocifs »
55
Voir Tarbuck, Lutgens et Tasa, Earth Science (note 53 supra), p. 467.
Par exemple, aux termes du paragraphe 1 de l’article premier de la résolution du Caire de 1987 de
l’Institut de Droit international sur la pollution transfrontière de l’air : « Aux fins de la présente
résolution, on entend par “pollution transfrontière de l’air” toute altération physique, chimique ou
biologique de la composition ou de la qualité de l’atmosphère résultant directement ou indirectement
d’un acte ou d’une omission de l’homme et produisant des effets dommageables ou nocifs dans
l’environnement d’autres États ou de zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale. »
(non souligné dans l’original). Disponible à l’adresse suivante : http://www.idi-iil.org, Resolutions.
56
57
Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (Genève, 13 novembre
1979), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1302, n
o
21623, p. 217. La formulation de l’article 1 a)
de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance s’inspire de la
définition de la pollution donnée par le Conseil de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) dans sa recommandation C(74)224 du 14 novembre 1974 (International Legal
Materials, vol. 14 (1975), p. 243) intitulée « Principes relatifs à la pollution transfrontière », qui se lit
ainsi : « Aux fins de ces principes, on entend, par pollution, l’introduction par l’homme, directement
ou indirectement, de substances ou d’énergie dans l’environnement, qui entraîne des conséquences
préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et
aux systèmes écologiques, à porter atteinte aux agréments ou à gêner les autres utilisations légitimes
de l’environnement. ». Voir H. van Edig (dir. publ.), Aspects juridiques de la pollution transfrontière
(Paris : OCDE, 1977), p. 13 ; voir aussi Boyle et Redgwell, International Law and the Environment
(note 21 supra), p. 364 à 371 ; A. Kiss et D. Shelton, International Environmental Law, 3
e
éd.
(New York, Transnational Publishers, 2004), p. 99 (où sont inclues dans la définition de la pollution
des formes d’énergie comme le bruit, les vibrations, la chaleur et les radiations).
22
GE.21-11083
A/76/10
afin de conserver un équilibre d’ensemble nécessaire aux fins de la coopération
internationale. Cette modification a été apportée dans ces « définitions » en particulier et
« aux fins du présent projet de directives », qui n’a pas pour objet de donner une définition
applicable en droit international en général, comme il est expliqué au paragraphe 1 du présent
commentaire.
9) La définition de la pollution atmosphérique s’écarte aussi de celle donnée dans la
Convention de 1979 de par l’ajout du mot « significatifs » (en anglais, « significant ») après
le mot « nocifs ». Il s’agit, dans un souci de cohérence, d’harmoniser le libellé des alinéas b)
et c). Les termes « effets nocifs significatifs » visent à expliciter quels types d’activités
humaines sont couverts par le projet de directives. La Commission a utilisé le mot
« significatif » dans ses travaux antérieurs
58
. À cet égard, la Commission a fait observer que
« “significatif” est plus que “détectable” mais sans nécessairement atteindre le niveau de
“grave” ou “substantiel”. Le dommage doit se solder par un effet préjudiciable réel … [et]
[c]es effets préjudiciables doivent pouvoir être mesurés à l’aide de critères factuels et
objectifs »
59
. De plus, « [l]’adjectif “significatif”, quoique défini par des critères concrets et
objectifs, suppose aussi un jugement de valeur qui dépend des circonstances du cas considéré
et du moment où ce jugement est porté. Il se peut, par exemple, qu’une perte donnée, à un
moment donné, ne soit pas considérée comme “significative” parce qu’à ce moment précis
les connaissances scientifiques ou l’appréciation portée par l’homme sur une ressource
donnée ne conduisent pas à attribuer une grande valeur à la ressource concernée. La question
de savoir ce qui est “significatif” relève davantage d’une appréciation factuelle »
60
. Les effets
nocifs de l’émission ou du rejet de substances doivent être de nature à mettre en danger, ou
même à contribuer à mettre en danger, la vie et la santé de l’homme et l’environnement
naturel de la Terre.
10) Le paragraphe a) de l’article premier de la Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance et l’alinéa 4) du paragraphe 1 de l’article premier de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer disposent que l’« introduction […]
d’énergie » (ainsi que de substances) dans l’atmosphère participe de la « pollution »
61
. Il est
entendu que, dans l’alinéa b) du projet de directive, le terme « énergie » inclut la chaleur, la
lumière, le bruit et la radioactivité introduits ou rejetés dans l’atmosphère par les activités
humaines
62
. La mention de la radioactivité en tant qu’énergie n’exclut pas le fait que l’énergie
Voir, par exemple, l’article 7 de la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autres que la navigation (1997) (résolution 51/229 de l’Assemblée générale,
en date du 21 mai 1997, annexe), l’article premier des articles sur la prévention des dommages
transfrontières résultant d’activités dangereuses (2001) (résolution 62/68 de l’Assemblée générale, en
date du 6 décembre 2007, annexe), le principe 2 du Projet de principes sur la répartition des pertes en
cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses (2006) (résolution 61/36 de
l’Assemblée générale, en date du 4 décembre 2006, annexe), et l’article 6 des articles sur le droit des
aquifères transfrontières (2008) (résolution 63/124 de l’Assemblée générale, en date du 11 décembre
2008, annexe). De surcroît, il a été souligné que le mot « significant » est employé dans des décisions
de la Cour internationale de Justice, notamment dans l’arrêt rendu en 2015 dans les affaires relatives à
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et à
la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica)
(arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 665, aux paragraphes 104, 105 et 108 ; voir aussi les paragraphes 153,
155, 156, 159, 161, 168, 173, 196 et 217).
58
59
Par. 4 du commentaire de l’article 2 des articles sur la prévention des dommages transfrontières
résultant d’activités dangereuses, 2001, Annuaire … 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif, p. 152,
par. 98.
60
Voir, par exemple, les commentaires des articles sur la prévention des dommages transfrontières
résultant d’activités dangereuses (par. 4 et 7 du commentaire de l’article 2), ibid. Voir aussi les
commentaires des principes sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant
d’activités dangereuses (par. 1 à 3 du commentaire du principe 2), Annuaire … 2006, vol. II
(2
e
partie), par. 67.
61
Voir aussi le Protocole relatif à la pollution due à des sources et activités terrestres à la Convention
pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des caraïbes (Oranjestad,
6 octobre 1999), Treaties and Other International Acts Series, 10-813, art. 1
er
c).
62
S’agissant de la chaleur, voir le rapport de l’Organisation météorologique mondiale et du Projet
international d’étude de la chimie de l’atmosphère du Globe, « Impact of Megacities on Air Pollution
and Climate », Veille de l’atmosphère globale, rapport n
o
205 (Genève, Organisation météorologique
GE.21-11083
23
A/76/10
nucléaire peut être utilisée à des fins pacifiques, en particulier dans le contexte des
changements climatiques
63
.
11) Le membre de phrase « effets […] qui s’étendent au-delà de l’État d’origine » qui
figure à l’alinéa b) vient préciser que le projet de directives porte sur les effets transfrontières
de la pollution atmosphérique, ce qui signifie que la pollution interne ou locale est exclue de
la portée du sujet. Il s’entend au sens de l’article 1 b) de la Convention sur la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance, qui dispose :
L’expression « pollution atmosphérique transfrontière à longue distance »
désigne la pollution atmosphérique dont la source physique est comprise totalement
ou en partie dans une zone soumise à la juridiction nationale d’un État et qui exerce
des effets dommageables dans une zone soumise à la juridiction d’un autre État à une
distance telle qu’il n’est généralement pas possible de distinguer les apports des
sources individuelles ou groupes de sources d’émission.
12) Ainsi qu’il ressort du projet de directive 2 ci-après, sur le champ d’application, le
présent projet de directives concerne la protection de l’atmosphère contre la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique. Comme l’alinéa b) concerne exclusivement
la pollution atmosphérique, il a fallu envisager les autres problèmes ailleurs. C’est pourquoi
l’alinéa c) est consacré à la dégradation atmosphérique, qui, telle qu’elle est définie, englobe
les problèmes de l’appauvrissement de la couche d’ozone et des changements climatiques.
La dégradation atmosphérique couvre l’altération par l’homme, directement ou
indirectement, des conditions atmosphériques mondiales. Il peut s’agir de modifications
apportées à l’environnement physique ou aux biotes ou d’une altération de la composition de
l’atmosphère mondiale.
13) La Convention de Vienne de 1985 pour la protection de la couche d’ozone
64
dispose,
au paragraphe 2 de l’article premier, qu’il faut entendre par « effets néfastes »
« les modifications apportées à l’environnement physique ou aux biotes, y compris les
changements climatiques, qui exercent des effets nocifs significatifs sur la santé humaine ou
mondiale, 2012) ; D. Simon et H. Leck, « Urban Adaptation to Climate/Environmental Change :
Governance, Policy and Planning », numéro spécial, Urban Climate, vol. 7 (2014), p. 1 à 134 ;
J. A. Arnfield, « Two decades of urban climate research : a review of turbulence, exchanges of energy
and water, and the urban heat island », International Journal of Climatology, vol. 23 (2003), p. 1
à 26 ; L. Gartland, Heat Islands : Understanding and Mitigating Heat in Urban Areas (Londres,
Earthscan, 2008) ; voir, en général, B. Stone Jr., The City and the Coming Climate : Climate Change
in the Places We Live (Cambridge, Massachusetts, Cambridge University Press, 2012). À propos de la
pollution lumineuse, voir C. Rich et T. Longcore (dir. publ.), Ecological Consequences of Artificial
Night Lighting (Washington, Island Press, 2006) ; P. Cinzano et F. Falchi, « The propagation of light
pollution in the atmosphere », Monthly Notices of the Royal Astronomic Society, vol. 427 (2012),
p. 3337 à 3357 ; F. Bashiri et C. Rosmani Che Hassan, « Light pollution and its effects on the
environment », International Journal of Fundamental Physical Sciences, vol. 4 (2014), p. 8 à 12.
En ce qui concerne la pollution acoustique/par le bruit, voir par exemple l’annexe 16 de
la Convention de 1944 sur l’aviation civile internationale (Chicago, 7 décembre 1944, Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 15, n
o
295, p. 295), vol. I : Bruit des aéronefs, 5
e
éd., 2008 ; voir P. Davies
et J. Goh, « Air Transport and the Environment : Regulating Aircraft Noise », Air and Space Law,
vol. 18 (1993), p. 123 à 135. Concernant les émissions radioactives, voir D. Rauschning, « Legal
Problems of Continuous and Instantaneous Long-Distance Air Pollution : Interim Report », Report
of the Sixty-Second Conference of the International Law Association (Séoul, 1986), p. 198 à 223,
à la page 219 ; et Agence internationale de l’énergie atomique, Environmental Consequences of the
Chernobyl Accident and their Remediation : Twenty Years of Experience − Report of the Chernobyl
Forum Expert Group « Environment », Radiological Assessment Report Series (2006),
STI/PUB/1239. Voir aussi Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des
rayonnements ionisants, 2013 Report to the General Assembly, Scientific Annex A : Levels and effects
of radiation exposure due to the nuclear accident after the 2011 great east-Japon earthquake and
tsnunami (publication des Nations Unies, numéro de vente : E.14.IX.1), disponible à l’adresse
suivante : http://www.unscear.org/docs/reports/2013/13-85418_Report_2013_Annex_A.pdf.
Agence internationale de l’énergie atomique, Climate Change and Nuclear Power 2014 (Vienne,
2014), p. 7.
63
64
Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone (Vienne, 22 mars 1985),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1513, n
o
26164, p. 293.
24
GE.21-11083
A/76/10
sur la composition, la résistance et la productivité des écosystèmes naturels ou aménagés, ou
sur les matériaux utiles à l’humanité ». Le paragraphe 2 de l’article premier de la Conventioncadre
des
Nations
Unies
sur
les
changements
climatiques
définit
l’expression
«
changements
climatiques
»
comme « des changements de climat qui sont attribués directement ou
indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui
viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes
comparables ».
Directive 2
Champ d’application
1. Le présent projet de directives concerne la protection de l’atmosphère contre
la pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
2. Le présent projet de directives ne traite pas et est sans préjudice des questions
relatives au principe « pollueur-payeur », au principe de précaution et au principe des
responsabilités communes mais différenciées.
3. Rien dans le présent projet de directives ne remet en cause le statut de l’espace
aérien en vertu du droit international ni les questions relatives à l’espace
extra-atmosphérique, y compris sa délimitation.
Commentaire
1) Le projet de directive 2 délimite le champ d’application du projet de directives sur la
protection de l’atmosphère. Le paragraphe 1 dispose que le projet de directives porte sur la
protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la dégradation
atmosphérique. Les paragraphes 2 et 3 contiennent des clauses sans préjudice.
2) Le paragraphe 1 envisage la question de la protection de l’atmosphère sous deux
angles, celui de la pollution atmosphérique et celui de la dégradation atmosphérique.
Le projet de directives ne concerne que les causes d’origine anthropique, à l’exclusion des
causes d’origine naturelle comme les éruptions volcaniques et les collisions avec des
météorites. L’accent mis sur la pollution transfrontière et la dégradation atmosphérique
mondiale causées par l’activité humaine reflète les réalités actuelles
65
.
3) Dans Action 21, il est dit que la pollution atmosphérique transfrontière a des
incidences nocives sur la santé des êtres humains et d’autres effets préjudiciables sur
l’environnement, tels que la destruction d’arbres et de forêts et l’acidification des masses
d’eau
66
. En outre, d’après le GIEC, il est établi par la science, avec un degré de certitude de
95 %, que l’activité humaine est la cause principale du réchauffement observé depuis le
milieu du XX
e
siècle. Le Groupe d’experts a constaté que l’activité humaine avait clairement
une influence sur le système climatique, influence qui se manifeste notamment par le
réchauffement de l’atmosphère et des océans, les modifications du cycle de l’eau au niveau
mondial, la réduction du manteau neigeux et du stock de glace, l’élévation du niveau moyen
des océans et des mers de la planète, et les modifications de certains phénomènes climatiques
extrêmes
67
. Le Groupe d’experts a également constaté qu’il était extrêmement vraisemblable
que plus de la moitié de l’élévation de la température moyenne observée à la surface du globe
de 1951 à 2010 soit imputable à la fois à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de
serre due à l’homme et à d’autres facteurs d’origine anthropique
68
.
Voir, de façon générale, GIEC, Climate Change 2013 : The Physical Science Basis, Summary for
Policy makers, disponible à l’adresse suivante : http://www.ipcc.ch/pdf/assessmentreport/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf.
65
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur 1’environnement et le développement, Rio de
Janeiro, 3-14 juin 1992, vol. I, Résolutions adoptées par la Conférence
(A/CONF.151/26/Rev.1(Vol. I) ; publication des Nations Unies, numéro de vente : F.93.I.8 et
rectificatif), résolution 1, annexe II, par. 9.25.
66
67
GIEC, Climate Change 2013 : The Physical Science Basis, Summary for Policy makers.
68
Ibid. GIEC, Réchauffement planétaire de 1,5 ºC. Rapport spécial du GIEC, Résumé à l’intention des
décideurs (2018), p. 4 et 5, disponible à l’adresse suivante : https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/
sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf.
GE.21-11083
25
A/76/10
4) Les directives ne traitent pas de la pollution nationale ou locale en tant que telle. On
notera toutefois que, en ce qui concerne la protection atmosphérique, ce qui se produit
localement peut parfois avoir des incidences aux niveaux transfrontière et mondial. Les
mesures prises par l’homme, individuellement ou collectivement, pour améliorer la situation
peuvent avoir à tenir compte de l’ensemble de l’atmosphère, de l’hydrosphère, de la
biosphère et de la géosphère et de leurs interactions.
5) Le dioxyde de soufre et les oxydes d’azote sont les principales sources de pollution
atmosphérique transfrontière
69
, et les changements climatiques et l’appauvrissement de la
couche d’ozone sont les deux principaux problèmes conduisant à la dégradation
atmosphérique
70
. Certaines substances qui ont pour effet d’appauvrir la couche d’ozone
contribuent aussi au réchauffement de la planète
71
.
6) Le paragraphe 2 précise ce qui n’est pas couvert par le présent projet de directives. Il
reflète les conditions fixées par la Commission en 2013 et doit être lu conjointement avec le
huitième alinéa du préambule. Dans un souci de clarté, le texte des conditions, dans lequel il
est dit les travaux « ne concerneraient pas [certaines questions] …, mais seraient aussi sans
préjudice de ces questions », a été remanié et les deux membres de phrase ont été reliés par
la conjonction « et » au lieu de la conjonction « mais ». Le paragraphe 2 explique que les
questions relatives au principe « pollueur-payeur », au principe de précaution et au principe
des responsabilités communes mais différenciées sont exclues du présent projet de directives.
Il convient de noter que le fait de ne pas traiter ces principes ne signifie en aucun cas qu’ils
sont dénués de pertinence sur le plan juridique. Les conditions fixées en 2013 excluaient aussi
de la portée du sujet les questions relatives à la responsabilité de l’État et de ses ressortissants
et au transfert de fonds et de technologie, y compris des droits de propriété intellectuelle, vers
les pays en développement.
7) Selon les conditions fixées en 2013, « [d]ans le cadre de ses travaux sur ce sujet, la
Commission ne traiterait pas non plus de questions relatives à certaines substances qui font
l’objet de négociations interétatiques, comme le noir de carbone ou l’ozone troposphérique,
et à d’autres substances à double impact ». Cette exclusion n’est pas non plus mentionnée
dans le texte du projet de directive.
8) Le paragraphe 3 est une clause de sauvegarde qui précise que le projet de directives
ne remet pas en cause le statut de l’espace aérien en vertu du droit international. L’atmosphère
et l’espace aérien sont deux notions différentes qu’il convient de distinguer. Les régimes dont
relèvent l’atmosphère et l’espace extra-atmosphérique sont également distincts. En
conséquence, le projet de directives ne remet pas en cause le statut juridique de l’espace
aérien et ne traite pas des questions relatives à l’espace extra-atmosphérique.
9) L’atmosphère, enveloppe gazeuse qui entoure la Terre, a un caractère dynamique et
fluctuant, les gaz se déplaçant constamment sans considération de frontière territoriale
72
.
Elle est invisible, intangible et indivisible. L’espace aérien, par contre, est une étendue
spatiale statique sur laquelle l’État, dans les limites de son territoire, exerce une
« souveraineté complète et exclusive ». Ainsi, l’article premier de la Convention relative à
l’aviation civile internationale dispose que « chaque État a la souveraineté complète et
exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire
73
». Selon l’article 2 de la même
Convention, il faut entendre par territoire d’un État les régions terrestres et les eaux
69
Boyle et Redgwell, International Law and the Environment (voir supra la note 21), p. 378 et 379.
Ibid., p. 379. Il est traité des liens entre les changements climatiques et l’appauvrissement de la
couche d’ozone dans le préambule ainsi que dans l’article 4 de la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques. Les rapports entre la pollution atmosphérique
transfrontière et les changements climatiques sont traités dans le préambule et au paragraphe 1 de
l’article 2 de la modification apportée au Protocole de Göteborg en 2012.
70
71
Ibid.
Voir, de manière générale, Boyle et Redgwell, International Law and the Environment (note 21
supra), p. 359 à 361.
72
73
Convention relative à l’aviation civile internationale (Chicago, 7 décembre 1944), Nations Unies,
Recueil des traités, vol. 15, n
o
102, p. 295. Voir aussi le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer, qui prévoit que la « souveraineté s’étend à l’espace aérien
au-dessus de la mer territoriale, ainsi qu’au fond de cette mer et à son sous-sol ».
26
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A/76/10
territoriales y adjacentes qui se trouvent sous la souveraineté, la suzeraineté, la protection ou
le mandat dudit État. De même que la haute mer, l’espace aérien situé au-delà de la mer
territoriale ne relève plus de la souveraineté d’aucun État et peut être librement utilisé par
tous les États.
10) L’atmosphère se divise en différentes couches délimitées par leurs propriétés
thermiques. Il n’existe pas de frontière précise entre l’atmosphère et l’espace
extra-atmosphérique. Au-delà de 100 kilomètres, la masse de l’atmosphère se fond
progressivement dans le vide spatial
74
. Le Traité sur les principes régissant les activités
des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris
la Lune et les autres corps célestes ne définit pas l’expression « espace
extra-atmosphérique »
75
. Le Sous-Comité juridique du Comité des utilisations pacifiques de
l’espace extra-atmosphérique se penche sur le sujet depuis 1959, et a envisagé les questions
de délimitation à la fois sous l’angle spatial et sous l’angle fonctionnel
76
.
Directive 3
Obligation de protéger l’atmosphère
Les États ont l’obligation de protéger l’atmosphère en faisant preuve de la
diligence requise dans l’adoption de mesures appropriées, conformément aux règles
de droit international applicables, en vue de prévenir, réduire ou maîtriser la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
Commentaire
1) Le projet de directive 3, qui réaffirme l’obligation de protéger l’atmosphère, est au
cœur du projet de directives. On retiendra en particulier qu’il en découle les projets de
directive 4, 5 et 6, qui visent à appliquer divers principes du droit international de
l’environnement au contexte particulier de la protection de l’atmosphère.
2) Le projet de directive concerne à la fois les situations transfrontières et les situations
mondiales. On se souviendra que le projet de directive 1 contient un élément transfrontière
de par la définition qu’il donne de la pollution atmosphérique (émission ou rejet dans
l’atmosphère par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie
contribuant à des effets nocifs significatifs qui « s’étendent au-delà de l’État d’origine » et
qui sont de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme et l’environnement naturel
de la Terre) et a une dimension mondiale de par sa définition de la dégradation atmosphérique
(toute altération par l’homme, directement ou indirectement, des conditions atmosphériques,
qui a des effets nocifs significatifs de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme
et l’environnement naturel de la Terre).
3) Le projet de directive circonscrit l’obligation de protéger l’atmosphère à la prévention,
la réduction ou la maîtrise de la pollution atmosphérique et de la dégradation atmosphérique.
La formulation employée trouve son origine dans le principe 21 de la Déclaration de
Stockholm de 1972, lui-même inspiré des conclusions de l’arbitrage concernant l’affaire de la
Fonderie de Trail
77
. En vertu de ce principe, « les États ont le droit souverain d’exploiter leurs
74
Tarbuck, Lutgens et Tasa, Earth Science (voir supra la note 53), p. 465 et 466.
75
Moscou, Londres et Washington, 27 janvier 1967, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 610,
n
o
8843, p. 205.
Voir de façon générale B. Jasani (dir. publ.), Peaceful and Non-Peaceful Uses of Space : Problems of
Definition for the Prevention of an Arms Race, Institut des Nations Unies pour la recherche sur le
désarmement (New York, Taylor et Francis, 1991), notamment chap. 2 et 3.
76
77
Voir Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. III (numéro de vente : 1949.V.2), p. 1905
à 1982 (sentence du 11 mars 1941), 1907, aux pages 1965 et suiv. (« selon les principes du droit
international […], aucun État n’a le droit d’utiliser son territoire ou de permettre l’utilisation de son
territoire de telle sorte que celui-ci soit la source de fumées causant sur le territoire ou au territoire
d’un autre État ou aux biens ou aux personnes qui s’y trouvent des dommages importants établis de
façon claire et convaincante » [traduction non officielle]) et le premier rapport du Rapporteur spécial
(A/CN.4/667), par. 43. Voir aussi A. K. Kuhn, « The Trail Smelter Arbitration, United States and
Canada », American Journal of International Law, vol. 32 (1938), p. 785 à 788 et ibid., vol. 35
(1941), p. 665 et 666 ; et J. E. Read, « The Trail Smelter Dispute », Canadian Yearbook of
International Law, vol. I (1963), p. 213 à 229.
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27
A/76/10
propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte
que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent
pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant
d’aucune juridiction nationale ». Le principe 2 de la Déclaration de Rio de 1992 s’inscrit dans
le même ordre d’idées.
4) La référence aux « États » aux fins du projet de directive traduit le fait que les États
ont la possibilité d’agir « individuellement » ou « conjointement », selon qu’il convient.
5) Tel qu’il est formulé, le projet de directive est sans préjudice de la question de savoir
si l’obligation de protéger l’atmosphère est ou non une obligation erga omnes au sens de
l’article 48 des articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
78
,
question à propos de laquelle les opinions divergent.
6) Les effets nocifs significatifs sur l’atmosphère ont dans une large mesure pour origine
les activités de particuliers et d’entreprises privées, lesquelles ne sont normalement pas
imputables à l’État. À cet égard, la diligence requise exige de l’État qu’il « veille » à ce que
ces activités, lorsqu’elles relèvent de sa juridiction ou de son contrôle, n’entraînent pas de
tels effets. Ce n’est cependant pas à dire que le principe de la diligence requise ne s’applique
qu’aux activités privées, puisque les activités de l’État y sont également soumises
79
. Ce
principe suppose non seulement que l’État adopte des règles et mesures appropriées, mais
aussi qu’il fasse preuve d’un certain niveau de vigilance dans l’application de ces règles et
mesures et dans l’exercice du contrôle administratif applicable aux opérateurs publics et
privés, notamment dans la surveillance des activités entreprises par ces opérateurs, afin de
préserver les droits de l’autre partie. Enfin, ce principe exige aussi que l’État tienne compte
du contexte et de l’évolution des normes concernant la réglementation et la technologie. De
ce fait, quand bien même des effets nocifs significatifs viendraient à se produire, on ne
pourrait pas nécessairement lui reprocher d’avoir failli à l’obligation de diligence. L’État ne
s’exposerait à pareil reproche que dans l’hypothèse où il aurait méconnu l’obligation mise à
sa charge de prendre toutes les mesures voulues pour prévenir, réduire ou maîtriser toutes les
activités humaines qui ont ou sont susceptibles d’avoir des effets nocifs significatifs.
L’obligation ainsi faite à l’État « de veiller » n’est pas tant d’obtenir un certain résultat
(obligation de résultat) que de faire tout ce qui est en son pouvoir, en toute bonne foi, pour ne
pas causer d’effets nocifs significatifs (obligation de moyens).
7) L’obligation de « prévenir, réduire ou maîtriser » couvre les diverses mesures que les
États doivent prendre, séparément ou conjointement, conformément aux règles applicables
pertinentes en matière de pollution atmosphérique, d’une part, et de dégradation
atmosphérique, d’autre part. La formule « prévenir, réduire ou maîtriser » est inspirée des
libellés du paragraphe 1 de l’article 194 de la Convention des Nations Unies sur le droit de
78
Aux termes de l’article 48 (« Invocation de la responsabilité par un État autre qu’un État lésé »),
« 1. [c]onformément au paragraphe 2, tout État autre qu’un État lésé est en droit d’invoquer la
responsabilité d’un autre État, si […] b) l’obligation violée est due à la communauté internationale
dans son ensemble » (résolution 56/83 de l’Assemblée générale, en date du 12 décembre 2001. Pour
le texte des articles adoptés par la Commission et des commentaires y relatifs, voir Annuaire ... 2001,
vol. II (2
e
partie) et rectificatif, chap. IV, sect. E).
79
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010,
p. 14, aux pages 55 et 179, par. 101 et 197 ; Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) (voir supra la note 58), par. 104, 153, 168 et 228 ;
Tribunal international du droit de la mer, Responsabilités et obligations des États qui patronnent des
personnes et des entités dans le cadre d’activités menées dans la Zone (Demande d’avis consultatif
soumise à la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins), avis consultatif,
1
er
février 2011, TIDM Recueil 2011, p. 10, au paragraphe 131 ; projet d’articles sur la prévention des
dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, Annuaire … 2001, vol. II (2
e
partie) et
rectificatif, par. 97 (reproduit dans la résolution 62/68 de l’Assemblée générale en date du 6 décembre
2007, annexe), par. 7 à 18 ; premier et deuxième rapports du Groupe d’étude sur la diligence requise
en droit international de l’Association de droit international, 7 mars 2014 et juillet 2016,
respectivement ; J. Kulesza, Due Diligence in International Law (Leiden, Brill, 2016). Société
française pour le droit international, Le standard de due diligence et la responsabilité internationale,
Paris, Pedone, 2018 ; S. Besson, « La due diligence en droit international », Collected Courses of the
Hague Academy of International Law, vol. 409 (2020), p. 153 à 398.
28
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A/76/10
la mer, qui contient la conjonction « et »
80
, et du paragraphe 3 de l’article 3 de la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui, lui, contient la
conjonction « ou »
81
. L’obligation de veiller à ce que des « mesures appropriées » soient
adoptées est un élément important de la directive. Dans ce contexte, on retiendra que, dans
le préambule de l’Accord de Paris, les parties se déclarent conscientes que « les changements
climatiques sont un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière » et notent « qu’il
importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, et à la protection
de la biodiversité »
82
.
8) Même si les mesures voulues pour « prévenir, réduire ou maîtriser » s’appliquent tant
à la pollution atmosphérique qu’à la dégradation atmosphérique, la référence aux « règles de
droit international applicables » indique que, compte tenu du caractère transfrontière de la
pollution atmosphérique et du caractère mondial de la dégradation atmosphérique et du fait
que différentes règles s’appliquent à l’une et à l’autre, les mesures à prendre peuvent varier.
L’obligation des États de prévenir les effets nocifs significatifs participant de la pollution
atmosphérique transfrontière est fermement établie en droit international coutumier, comme
cela est confirmé, par exemple, par les articles de la Commission sur la prévention des
dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses
83
et par la jurisprudence des cours
et tribunaux internationaux
84
. Toutefois, il n’est pas encore certain qu’il en aille de même
pour ce qui est de la dégradation atmosphérique.
9) La Cour internationale de Justice a dit que « [l]’obligation générale qu’ont les États
de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle respectent l’environnement […] dans des zones ne relevant d’aucune juridiction
M.H. Nordquist et al., dir. publ., United Nations Convention on the Law of the Sea 1982 :
A Commentary, vol. IV (Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1991), p. 50.
80
81
Le paragraphe 3 de l’article 3 dispose qu’« [i]l incombe aux Parties de prendre des mesures de
précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les
effets néfastes ». Voir, par exemple, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego
Bay), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1833, n
o
31363, p. 3, art. 212, Convention de Vienne
pour la protection de la couche d’ozone, art. 2, par. 2 b), Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, art. 4, Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants,
premier alinéa du préambule et art. 3, et Convention de Minamata sur le mercure, art. 2, 8 et 9.
82
Onzième et treizième alinéas du préambule.
83
Annuaire … 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif, chap. V, sect. E, art. 3 (Prévention) : « L’État
d’origine prend toutes les mesures appropriées pour prévenir les dommages transfrontières
significatifs ou en tout état de cause pour en réduire le risque au minimum. ». La Commission a aussi
traité de l’obligation de prévention dans ses articles sur la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite. Le paragraphe 3 de l’article 14 dispose que « la violation d’une obligation
internationale requérant de l’État qu’il prévienne un événement donné a lieu au moment où
l’événement survient et s’étend sur toute la période durant laquelle l’événement continue » (ibid.,
chap. IV, sect. E). Selon le commentaire de cette disposition, « [l]’obligation de prévention s’analyse
normalement comme une obligation de diligence, imposant aux États de prendre toutes les mesures
raisonnables ou nécessaires pour éviter qu’un événement donné ne se produise, mais sans garantir que
l’événement ne se produira pas » (ibid., par. 14 du commentaire se rapportant au paragraphe 3 de
l’article 14). Le commentaire est venu illustrer « l’obligation de prévenir les dommages
transfrontières causés par la pollution de l’air, traitée dans l’arbitrage relatif à l’affaire de la Fonderie
de Trail » en tant qu’exemple d’obligation de prévention (ibid.).
84
Privilégiant également la prévention, la Cour internationale de Justice dira, dans l’affaire relative
au Projet Gabčikovo-Nagymaros, « ne pas perdre de vue que, dans le domaine de la protection de
l’environnement, la vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible
des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation
de ce type de dommages » (Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil
1997, p. 7, à la page 78, par. 140). Voir aussi Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) (voir supra la note 58), par. 104. Le tribunal arbitral saisi
de l’affaire relative au chemin de fer dit Iron Rhine déclarera qu’à l’heure actuelle, le droit
international de l’environnement met de plus en plus l’accent sur le devoir de prévention (Sentence
arbitrale relative au chemin de fer dit Iron Rhine (« Ijzeren Rijn ») entre le Royaume de Belgique et le
Royaume des Pays-Bas, décision du 24 mai 2005, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,
vol. XXVII, p. 35 à 125, à la page 116, par. 222).
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29
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nationale fai[sai]t maintenant partie du corps de règles du droit international
85
» et souligné
que le respect de l’environnement revêtait une grande importance « non seulement pour les
États mais aussi pour l’ensemble du genre humain
86
» et, dans la sentence relative au chemin
de fer dit Iron Rhine, le tribunal arbitral a déclaré que l’« obligation d’empêcher, ou du moins
d’atténuer [les effets nocifs significatifs sur l’environnement] était désormais devenu[e] un
principe du droit international général
87
». Ces conclusions sont instructives et pertinentes
pour la protection de l’atmosphère.
Directive 4
Évaluation de l’impact sur l’environnement
Les États ont l’obligation de veiller à ce qu’il soit procédé à une évaluation de
l’impact sur l’environnement des activités projetées relevant de leur juridiction ou
contrôle qui sont susceptibles d’avoir un impact préjudiciable important sur
l’atmosphère en termes de pollution atmosphérique ou de dégradation atmosphérique.
Commentaire
1) Le projet de directive 4 porte sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement.
C’est le premier des trois projets de directive qui découlent du projet de directive 3. La
Commission a employé une tournure impersonnelle afin d’indiquer que l’obligation en
question est une obligation de comportement et que, étant donné la grande variété des acteurs
économiques, l’État n’est pas nécessairement tenu de réaliser l’évaluation lui-même. Ce que
l’État est tenu de faire, c’est adopter les mesures législatives, réglementaires et autres
nécessaires pour qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement soit menée en ce qui
concerne les activités projetées. Les garanties procédurales telles que la notification et les
consultations sont en outre essentielles aux fins de l’évaluation. On retiendra que le Protocole
à la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière, relatif à l’évaluation stratégique environnementale (Protocole de Kiev), est
favorable à « l’évaluation stratégique environnementale » des effets probables sur
l’environnement, y compris sur la santé, ce qui signifie tout effet sur l’environnement, y
compris sur la santé de l’homme, la flore, la faune, la biodiversité, les sols, le climat, l’air,
l’eau, les paysages, les sites naturels, les biens matériels et le patrimoine culturel et
l’interaction entre ces facteurs
88
.
2) Dans l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros, la Cour internationale de
Justice a mentionné l’importance des évaluations de l’impact sur l’environnement
89
.
Dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et l’affaire de la Construction d’une route au Costa
Rica le long du fleuve San Juan, la Cour a dit ce qui suit : « [A]u titre de l’obligation qui lui
incombe de faire preuve de la diligence requise en vue de prévenir les dommages
transfrontières importants, un État doit vérifier s’il existe un risque de dommage
transfrontière important avant d’entreprendre une activité pouvant avoir un impact
préjudiciable sur l’environnement d’un autre État. Si tel est le cas, il lui faut effectuer une
évaluation de l’impact sur l’environnement
90
». Elle a conclu que l’État en question « ne
s’[était] pas acquitté de l’obligation qu’il avait, en droit international général, d’effectuer une
évaluation de l’impact sur l’environnement avant d’entreprendre la construction de la
route
91
». Dans son opinion individuelle, le juge Hisashi Owada a fait observer que
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 226,
aux pages 241 et 242, par. 29.
85
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (voir supra la note 84), p. 41, par. 53 ; la Cour a cité le même
paragraphe dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (voir supra la
note 79), p. 78, par. 193.
86
87
Chemin de fer dit Iron Rhine (voir supra la note 84), p. 66 et 67, par. 59.
88
Protocole à la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière, relatif à l’évaluation stratégique environnementale (Kiev, 21 mai 2003), Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 2685, n
o
34028, p. 140, art. 2, par. 6 et 7.
89
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (voir supra la note 84), par. 140.
90
C.I.J. Recueil 2015 (voir supra la note 58Erreur ! Signet non défini.), par. 153.
91
Ibid., par. 168.
30
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« l’existence d’une évaluation de l’impact sur l’environnement est une donnée importante,
voire décisive, pour apprécier si l’État en question fait preuve de la diligence requise par le
droit international général de l’environnement
92
». Précédemment, dans l’affaire relative à des
Usines de pâte à papier, la Cour avait dit que « l’obligation de protéger et de préserver, énoncée
à l’alinéa a) de l’article 41 du Statut [du fleuve Uruguay], doit être interprétée conformément à
une pratique acceptée si largement par les États ces dernières années que l’on peut désormais
considérer qu’il existe, en droit international général, une obligation de procéder à une
évaluation de l’impact sur l’environnement
93
». En outre, dans son avis consultatif sur les
Responsabilités et obligations des États qui patronnent des personnes et des entités dans le
cadre d’activités menées dans la Zone, la Chambre pour le règlement des différends relatifs
aux fonds marins du Tribunal international du droit de la mer a dit que, outre qu’elle découlait
de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l’obligation de procéder à une
étude d’impact sur l’environnement était une « obligation générale en vertu du droit
international coutumier »
94
.
3) Le membre de phrase « des activités projetées relevant de leur juridiction ou
contrôle » vise à indiquer que l’obligation qui incombe aux États de veiller à ce que soit
menée une évaluation de l’impact sur l’environnement concerne les activités relevant de leur
juridiction ou de leur contrôle. Étant donné que les menaces environnementales ne
connaissent aucune frontière, il se peut que, dans l’exercice de leur responsabilité au regard
de l’environnement mondial, les États prennent des décisions conjointes en ce qui concerne
les évaluations de l’impact sur l’environnement.
4) Le membre de phrase « qui sont susceptibles d’avoir un impact préjudiciable
important » fixe le seuil jugé nécessaire pour déclencher une évaluation de l’impact sur
l’environnement. Il est tiré du libellé du principe 17 de la Déclaration de Rio. D’autres
instruments, tels que la Convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement
dans un contexte transfrontière, de 1991
95
, établissent un seuil similaire. Dans l’arrêt qu’elle a
rendu en 2010 dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier, la Cour internationale de
Justice a jugé qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement devait être entreprise lorsque
l’activité industrielle projetée risquait d’avoir un « impact préjudiciable important dans un cadre
transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée
96
».
5) En établissant un seuil, à savoir que les activités doivent être « susceptibles d’avoir
un impact préjudiciable important », le projet de directive exclut les évaluations de l’impact
sur l’environnement pour les activités susceptibles d’avoir un impact mineur. L’impact du
dommage potentiel doit être « important » en ce qui concerne tant la pollution atmosphérique
que la dégradation atmosphérique. La formule « effets nocifs significatifs » est employée aux
alinéas b) et c) du projet de directive 1 et, comme il est expliqué dans le commentaire y relatif,
déterminer si un effet est « significatif » (ou « important ») ou non relève d’une appréciation
d’ordre factuel plutôt que juridique
97
.
92
Ibid., opinion individuelle du juge Hisashi Owada, par. 18.
93
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (voir supra la note 79), par. 204.
94
Tribunal international du droit de la mer, Responsabilités et obligations des États qui patronnent des
personnes et des entités dans le cadre d’activités menées dans la Zone (Demande d’avis consultatif
soumise à la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins), avis consultatif,
1
er
février 2011, TIDM Recueil 2011, p. 10, au paragraphe 145.
95
Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (Espoo,
25 février 1991), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1989, n
o
34028, p. 309.
96
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (voir supra la note 79), par. 204.
97
La Commission a souvent employé ce terme dans ses travaux, notamment dans les articles sur la
prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses (2001). Dans ce cas, elle a
choisi de ne pas le définir, considérant que cette question relevait d’une appréciation de fait et non de
droit (voir le commentaire général, par. 4), Annuaire … 2001, vol. II (2
e
partie) et rectificatif, chap. V,
sect. E). Voir, par exemple, les paragraphes 4 et 7 du commentaire de l’article 2 des articles sur la
prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses (ibid.). Voir aussi le
commentaire des principes sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant
d’activités dangereuses (commentaire du principe 2, par. 1 à 3. Annuaire … 2006, vol. II (2
e
partie),
chap. V, sect. E).
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31
A/76/10
6) Le membre de phrase « en termes de pollution atmosphérique ou de dégradation
atmosphérique » vient relier plus étroitement encore le projet de directive aux deux
principaux sujets de préoccupation relatifs à la protection de l’atmosphère envisagés dans le
présent projet de directives, à savoir la pollution atmosphérique transfrontière et la
dégradation atmosphérique. Bien que les précédents établissant la nécessité de procéder à
une évaluation de l’impact sur l’environnement abordent surtout la question dans une
perspective transfrontière, on estime que cette nécessité s’applique aussi aux projets
susceptibles d’avoir des effets négatifs importants sur l’atmosphère mondiale, y compris les
activités impliquant la modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère
98
. Dans
le contexte de la dégradation atmosphérique, ces activités peuvent comporter un risque
encore plus élevé de dommages graves que celles qui provoquent des dommages
transfrontières ; partant, et a fortiori, les mêmes règles devraient s’appliquer aux activités de
nature à causer une dégradation de l’atmosphère à l’échelle mondiale.
7) Bien que le texte du projet de directives soit muet sur les questions de procédure, la
transparence et la participation du public jouent un grand rôle dans l’accès à l’information et
à la représentation dans le contexte des évaluations de l’impact sur l’environnement.
Le principe 10 de la Déclaration de Rio de 1992 pose notamment que la meilleure façon de
traiter les questions relatives à l’environnement est d’assurer la participation de tous les
citoyens concernés, au niveau qui convient. La participation comprend, notamment, l’accès
à l’information, la possibilité de participer à la prise de décisions et un accès effectif à des
mécanismes judiciaires et administratifs. La Convention sur l’accès à l’information, la
participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière
d’environnement
99
aborde également ces questions. Le Protocole de Kiev, mentionné plus
haut, encourage la mise en œuvre d’un processus de consultation et de participation du public
et la prise en compte des résultats de ce processus dans un plan ou un programme
100
.
Directive 5
Utilisation durable de l’atmosphère
1. Dans la mesure où l’atmosphère est une ressource naturelle d’une capacité
d’assimilation limitée, son utilisation devrait être entreprise de manière durable.
2. L’utilisation durable de l’atmosphère inclut le besoin de concilier le
développement économique et la protection de l’atmosphère.
Commentaire
1) L’atmosphère est une ressource naturelle d’une capacité d’assimilation limitée. Bien
souvent, on n’envisage pas qu’elle puisse être exploitée de la même manière que les
ressources pétrolières et gazières ou minérales, par exemple, peuvent être explorées et
exploitées. En réalité, pourtant, l’atmosphère est exploitable et exploitée, dans ses
composantes physiques et fonctionnelles. Le pollueur l’exploite en la rendant de moins bonne
qualité et en réduisant son aptitude à assimiler des polluants. Le projet de directive repose
sur des analogies tirées de la notion de « ressources partagées » et sur le constat que l’unité
de l’atmosphère de la planète exige la reconnaissance d’une communauté d’intérêts. Il a donc
pour prémisse que l’atmosphère est une ressource naturelle dont la capacité d’assimilation
est limitée et dont l’aptitude à maintenir la vie sur la Terre est influencée par les activités
anthropiques. Pour assurer la protection de l’atmosphère, il est important de considérer
celle-ci comme une ressource naturelle à laquelle s’appliquent les principes de la
conservation et de l’utilisation durable.
2) Le paragraphe 1 établit que l’atmosphère est une « ressource naturelle d’une capacité
d’assimilation limitée ». La seconde partie du paragraphe vise à concilier la conservation et
le développement de sorte que les modifications apportées à la planète continuent à permettre
la survie et le bien-être des organismes présents sur la Terre. C’est dans cette optique qu’il
98
Voir infra le projet de directive 7.
99
Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès
à la justice en matière d’environnement (Aarhus, 28 juin 1998), Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 2161, n
o
37770, p. 447.
100
Art. 2, par. 6 et 7.
32
GE.21-11083
A/76/10
est dit que l’utilisation de l’atmosphère devrait être entreprise de manière durable. Cet énoncé
s’inspire des formulations retenues par la Commission telles qu’elles sont reflétées dans
la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins
autres que la navigation
101
et les articles sur le droit des aquifères transfrontières
102
.
3) Le terme « utilisation » est employé au sens large et renvoie à des notions qui vont audelà
de
l’exploitation.
L’atmosphère
a
été
utilisée
de
plusieurs
manières.
Les
activités
menées
à
ce
jour
ont
probablement,
pour
la
plupart,
été
entreprises
sans
intention
claire
ou
manifeste
d’influer
sur
les
conditions
atmosphériques.
Toutefois,
certaines,
par
exemple
celles
visant
à
modifier
le
temps,
ont
été
menées
dans
le
but
exprès
d’altérer
ces
conditions.
Quelques-unes
des
technologies auxquelles il est envisagé de recourir pour modifier intentionnellement
l’atmosphère à grande échelle
103
participent de l’utilisation de l’atmosphère.
4) La formule « son utilisation devrait être entreprise de manière durable » employée au
paragraphe 1 est volontairement simple et reflète l’évolution de la conception de
l’atmosphère, que l’on tend à présent à considérer comme une ressource naturelle devant être
utilisée de manière durable.
5) Le paragraphe 2 s’inspire de la formulation adoptée par la Cour internationale de
Justice dans l’arrêt relatif à l’affaire du Projet Gabčíkovo-Nagymaros, dans lequel la Cour a
constaté la « nécessité de concilier développement économique et protection de
l’environnement
104
». La Commission a aussi tenu compte d’autres affaires pertinentes
105
.
101
Art. 5 et 6. Pour le texte des articles et des commentaires y relatifs adoptés par la Commission, voir
Annuaire … 1994, vol. II (2
e
partie), chap. III, sect. E.
102
Résolution 63/124 de l’Assemblée générale en date du 11 décembre 2008, annexe, art. 4 et 5. Pour
le texte des articles et des commentaires y relatifs adoptés par la Commission, voir Annuaire … 2008,
vol. II (2
e
partie), chap. IV, sect. E.
103
Voir infra le projet de directive 7.
104
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (voir supra la note 84), p. 78, par. 140.
105
Dans l’ordonnance qu’elle a rendue en 2006 dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier,
la Cour internationale de Justice a mis en évidence « l’importance d’assurer la protection, sur le plan
de l’environnement, des ressources naturelles partagées tout en permettant un développement
économique durable » (Affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay), Mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006,
p. 113, à la page 133, par. 80) ; dans la décision de 1998 de l’Organe d’appel de l’OMC relative à
l’affaire États-Unis − Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base
de crevettes, il est dit : « [R]appelant que les membres de l’OMC ont expressément mentionné
l’objectif de développement durable dans le préambule de l’Accord sur l’OMC, nous estimons qu’il
est trop tard à présent pour supposer que l’article XX g) [de l’Accord général sur les tarifs douaniers
et le commerce] peut être interprété comme visant uniquement la conservation des minéraux ou des
autres ressources naturelles non biologiques épuisables » (Rapport de l’Organe d’appel de l’OMC
relatif à l’affaire États-Unis − Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains
produits à base de crevettes, WT/DS58/AB/R, adopté le 6 novembre 1998, par. 131 ; voir aussi
par. 129 et 153) ; dans la sentence arbitrale relative au chemin de fer dit Iron Rhine, rendue en 2005,
le Tribunal a dit ce qui suit : « Des discussions considérables ont eu lieu en ce qui concerne ce qui, en
matière de droit de l’environnement, constitue des “règles” ou des “principes”, ce qui relève du droit
non contraignant (“soft law”), et quel droit conventionnel ou principes en matière d’environnement a
contribué au développement du droit international coutumier, […]les principes qui en résultent, quel
que soit leur statut actuel, font référence […] au développement durable[, l]e point important est que
ces principes émergents intègrent désormais la protection de l’environnement au processus de
développement[, et l]e droit de l’environnement et le droit applicable au développement constituent
non pas des alternatives, mais des concepts intégrés se renforçant mutuellement ; ainsi, lorsque le
développement risque de porter atteinte de manière significative à l’environnement, doit exister une
obligation d’empêcher, ou au moins d’atténuer, cette pollution [et le] Tribunal estime que ce devoir
est désormais devenu un principe du droit international général » (Sentence arbitrale relative au
chemin de fer dit Iron Rhine (voir supra la note 84), par. 58 et 59) ; dans la sentence arbitrale partielle
qu’elle a prononcée en 2013 dans l’affaire Indus Waters Kishenganga Arbitration (Pakistan v. India),
la Cour d’arbitrage a dit : « Il ne fait aucun doute que le droit international coutumier contemporain
fait obligation à l’État de tenir compte de la protection de l’environnement dans la planification et
l’élaboration de projets susceptibles de causer un dommage à un État limitrophe. Depuis l’affaire de
la Fonderie de Trail, toute une jurisprudence arbitrale internationale est venue souligner la nécessité
de gérer les ressources naturelles de façon durable. En particulier, la Cour internationale de Justice a
mis en avant le principe de « développement durable » dans l’arrêt Gabčíkovo-Nagymaros,
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33
A/76/10
Faire référence à la « protection de l’atmosphère » plutôt qu’à la « protection de
l’environnement » permet d’axer le paragraphe sur le sujet à l’examen, à savoir la protection
de l’atmosphère.
Directive 6
Utilisation équitable et raisonnable de l’atmosphère
L’atmosphère devrait être utilisée d’une manière équitable et raisonnable, en
tenant pleinement compte des intérêts des générations présentes et futures.
Commentaire
1)
Si l’utilisation équitable et raisonnable de l’atmosphère est un élément important de
la durabilité, comme le fait ressortir le projet de directive 5, il est néanmoins important d’en
faire un principe autonome. Comme celle du projet de directive 5, la formulation du projet
de directive 6 est abstraite et très générale.
2) Le projet de directive est formulé en termes généraux dans le souci d’appliquer le
principe d’équité
106
à la protection de l’atmosphère en tant que ressource naturelle devant être
partagée par tous. La première partie de la phrase porte sur l’utilisation « équitable et
raisonnable ». La formulation « l’atmosphère devrait être utilisée d’une manière équitable et
raisonnable » est en partie tirée de l’article 5 de la Convention sur le droit relatif aux
utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation et de l’article 4
du projet d’articles sur le droit des aquifères transfrontières. Elle reflète la mise en balance
de différents intérêts et la prise en considération de tous les facteurs pertinents, qui peuvent
être particuliers à la pollution atmosphérique ou à la dégradation atmosphérique.
3) La deuxième partie du projet de directive concerne l’équité intragénérationnelle et
l’équité intergénérationnelle
107
. Afin de faire ressortir le lien entre l’une et l’autre, on a choisi
d’employer les termes « en tenant pleinement compte des intérêts des générations présentes
et futures » plutôt que « pour le bénéfice des générations présentes et futures ». La
formulation « des intérêts des » a été préférée à « pour le bénéfice des » parce qu’on
souhaitait mettre en évidence la nature intégrée de l’atmosphère, dont l’« exploitation » doit
tenir compte de l’équilibre entre les intérêts afin d’assurer la survie des organismes vivant
sur la Terre. Le mot « pleinement » vient montrer l’importance qu’il y a à prendre en compte
différents facteurs et éléments, et doit être lu à la lumière du septième alinéa du préambule,
mentionnant « la nécessité de concilier développement économique et protection de
l’environnement » » [traduction non officielle]. Voir Permanent Court of Arbitration Award Series,
Indus Waters Kishenganga Arbitration (Pakistan v. India) : Record of Proceedings 2010-2013,
sentence partielle du 18 février 2013, par. 449. Ce raisonnement a été confirmé dans la sentence finale
du 20 décembre 2013, par. 111.
Voir Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 18, à la
page 71. Sur la notion d’équité et son emploi en droit international de manière générale, voir
Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 554, aux paragraphes 27, 28 et
149 ; Plateau continental de la mer du nord, arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 3, au paragraphe 85 ;
J. Kokott, « Equity in international law », dans F. L. Toth (dir. publ.), Fair Weather ? Equity
Concerns in Climate Change (Abingdon et New York, Routledge, 2014), p. 173 à 192 ; P. Weil,
« L’équité dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice : Un mystère en voie de
dissipation ? », dans V. Lowe et M. Fitzmaurice (dir. publ.), Fifty Years of the International Court of
Justice : Essays in Honour of Sir Robert Jennings (Cambridge, Cambridge University Press, 1996),
p. 121 à 144 ; F. Francioni, « Equity in international law », dans R. Wolfrum (dir. publ.), Max Plank
Encyclopedia of Public International Law, vol. III (Oxford, Oxford University Press, 2013), p. 632
à 642.
106
107
C. Redgwell, « Principles and emerging norms in international law : intra- and inter-generational
equity », dans C. P. Carlane et al. (dir. publ.), The Oxford Handbook on International Climate
Change Law (Oxford, Oxford University Press, 2016), p. 185 à 201 ; D. Sheldon, « Equity », dans
Bodansky et al. (dir. publ.), Oxford Handbook of International Environmental Law (note 21 supra),
p. 639 à 662 ; E. Brown Weiss, “Intergenerational equity”, dans Max Planck Encyclopaedias of
Public International Law (actualisé en 2021), disponible à l’adresse suivante :
https://opil.ouplaw.com/view/10.1093/law:epil/9780199231690/law-9780199231690-e1421.
34
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A/76/10
où il est reconnu qu’il convient de tenir pleinement compte du fait qu’il est dans l’intérêt des
générations futures de préserver durablement la qualité de l’atmosphère.
Directive 7
Modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère
Les activités visant à la modification intentionnelle à grande échelle de
l’atmosphère ne devraient être menées qu’avec prudence et précaution, et sous réserve
de toute règle applicable de droit international, y compris les règles relatives à
l’évaluation de l’impact sur l’environnement.
Commentaire
1) Le projet de directive 7 porte sur les activités dont l’objectif est de modifier les
conditions atmosphériques. Comme l’indique le titre du projet, celui-ci ne vise que la
modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère.
2) Le membre de phrase « activités visant à la modification intentionnelle à grande
échelle de l’atmosphère » est partiellement repris de la définition des « techniques de
modification de l’environnement » employée dans la Convention sur l’interdiction d’utiliser
des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins
hostiles
108
pour désigner les techniques ayant pour objet de modifier − grâce à une
manipulation délibérée de processus naturels − la dynamique, la composition ou la structure
de la Terre, y compris ses biotes, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ou
l’espace extra-atmosphérique.
3) Parmi ces activités figurent celles communément considérées comme relevant de la
« géo-ingénierie », qui recouvre des méthodes et techniques visant à l’élimination du dioxyde
de carbone et à la gestion du rayonnement solaire
109
. Les activités relatives à l’élimination du
dioxyde de carbone se pratiquent dans les océans et sur la surface terrestre et font intervenir
des procédés techniques visant à éliminer ce dioxyde de l’atmosphère au moyen de puits
naturels ou grâce au génie chimique. Parmi les procédés proposés, on peut citer la fixation
du carbone du sol, la séquestration du carbone, le captage de l’air ambiant, la fertilisation des
océans, l’augmentation de l’alcalinité des océans et l’amélioration de la résistance aux
intempéries.
4) D’après les scientifiques, la gestion du rayonnement solaire doit permettre d’atténuer
les effets négatifs des changements climatiques en réduisant intentionnellement les
températures de la surface terrestre. Parmi les méthodes envisagées à cette fin, on peut citer
« l’amélioration de l’albédo », qui consiste à accroître le pouvoir réfléchissant des nuages ou
de la surface terrestre de manière à ce que la chaleur du soleil soit davantage réfléchie dans
l’espace ; la méthode des aérosols atmosphériques, qui consiste à introduire de fines
particules réfléchissantes dans la haute atmosphère afin que la lumière du soleil soit réfléchie
avant d’avoir atteint la surface de la Terre ; et la méthode des réflecteurs spatiaux, qui consiste
à bloquer une petite quantité de lumière solaire avant qu’elle n’atteigne la Terre.
5) Le terme « activités » s’entend au sens large. Toutefois, certaines activités sont
interdites par le droit international, notamment par la Convention sur l’interdiction d’utiliser
des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins
108
Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins
militaires ou toutes autres fins hostiles (New York, 10 décembre 1976), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 1108, n
o
17119, p. 151.
109
GIEC, Réunion d’experts sur la géo-ingéniérie, Lima, 20-22 juin 2011, rapport. Voir, de manière
générale, programme de géo-ingéniérie d’Oxford, « What is geoengineering? », disponible à l’adresse
suivante : www.geoengineering.ox.ac.uk/what-is-geoengineering/what-is-geoengineering/ ;
K. N. Scott, « International law in the anthropocene: responding to the geoengineering challenge »,
Michigan Journal of International Law, vol. 34, n
o
2 (2013), p. 309 à 358, à la page 322 ; Steve
Rayner et al., « The Oxford principles », Climate Geoengineering Governance Working Paper No. 1
(Université d’Oxford, 2013), disponible à l’adresse suivante : www.geoengineering-governanceresearch.org/perch/resources/workingpaper1rayneretaltheoxfordprinciples.pdf.
Voir
aussi
C.
Armani,
«
Global
experimental
governance,
international
law
and
climate
change
technologies
»,
International
and
Comparative
Law
Quarterly,
vol.
64,
n
o
4 (2015), p. 875 à 904.
GE.21-11083
35
A/76/10
hostiles
110
et le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949
111
, et sont de ce
fait exclues du projet de directive. Celui-ci s’applique donc uniquement aux activités « non
militaires ». Les activités militaires entraînant des modifications délibérées de l’atmosphère
n’entrent pas dans son champ d’application.
6) Aussi, d’autres activités sont régies par divers mécanismes. Par exemple, le boisement
est visé par le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques
112
et l’Accord de Paris (art. 5, par. 2). Certains instruments juridiques
internationaux prévoient des mesures tendant à réglementer la séquestration du carbone. Le
Protocole de 1996 (le « Protocole de Londres »)
113
à la Convention de 1972 sur la prévention
de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières comporte à
présent une disposition et une annexe modifiées, ainsi que de nouvelles directives concernant
le contrôle de la mise en décharge des déchets et d’autres matières
114
. Dans la mesure où la
« fertilisation des océans par apport de fer » et « l’augmentation de l’alcalinité des océans » ont
trait à l’immersion en mer, la Convention de 1972 et le Protocole de Londres sont pertinents.
7) Les activités visant à la modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère
peuvent largement contribuer à prévenir, contrer, limiter et atténuer les risques de catastrophe
et les effets nuisibles de celles-ci, notamment la sécheresse, les ouragans et les tornades, ainsi
qu’à accroître la production agricole et améliorer l’approvisionnement en eau. Néanmoins,
elles peuvent aussi avoir des effets inattendus et à long terme sur les conditions climatiques
actuelles, qui ne s’arrêtent pas aux frontières nationales. Comme l’Organisation
météorologique mondiale l’a fait observer au sujet de la modification du temps, la complexité
des mécanismes atmosphériques est telle que pareille modification dans une partie du monde
aurait nécessairement des répercussions ailleurs et, avant de l’expérimenter à grande échelle,
il faudra évaluer scrupuleusement les conséquences possibles et souhaitables de la démarche
et conclure des arrangements internationaux satisfaisants
115
.
8) Le projet de directive n’a pas pour objectif de freiner l’innovation et le progrès
scientifique. De fait, les principes 7 et 9 de la Déclaration de Rio consacrent l’importance des
technologies nouvelles et novatrices et de la coopération à cet égard. Toutefois, il ne s’ensuit
pas nécessairement que les activités en question ont toujours des effets positifs.
9) Partant, le projet de directive ne vient ni autoriser ni interdire les activités visées, sauf
ce dont les États décideront. Il énonce simplement le principe selon lequel les éventuelles
activités visant à la modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère ne devraient
être menées qu’avec prudence et précaution. L’emploi des termes « qu’avec » vient insister
sur l’importance de la prudence et la précaution dans l’exécution de ce type d’activités. La
suite de la directive indique clairement que les activités visant à la modification intentionnelle
à grande échelle de l’atmosphère sont soumises à toute règle de droit international applicable.
110
Voir art. 1.
111
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés internationaux (Protocole I), 1977, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1125,
n
o
17512, p. 3, art. 35, par. 3 et 55 ; voir aussi Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Rome,
17 juillet 1998), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2187, n
o
38544, p. 3, art. 8, par. 2 b) iv).
112
Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Kyoto,
11 décembre 1997), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2303, n
o
30822, p. 162.
Protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de
l’immersion de déchets et autres matières (Londres, 7 novembre 1996), International Legal Materials,
vol. 36 (1997), p. 7.
113
114
Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres
matières (Londres, Mexico, Moscou et Washington, 29 décembre 1972), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 1046, n
o
15749, p. 138.
115
Voir Second Report on the Advancement of Atmospheric Sciences and Their Application in the Light
of Developments in Outer Space (Genève, Organisation météorologique mondiale, 1963) ; voir aussi
la décision 8/7 (« Earthwatch : assessment of outer limits ») du Conseil d’administration
du Programme des Nations Unies pour l’environnement, partie A (dispositions relatives à la
coopération entre États en matière de modification du temps), du 29 avril 1980.
36
GE.21-11083
A/76/10
10) Le libellé « prudence et précaution » est inspiré de la formulation employée par
le Tribunal international du droit de la mer dans les affaires du Thon à nageoire bleue
116
et
de l’Usine MOX
117
et l’affaire relative aux Travaux de poldérisation par Singapour à
l’intérieur et à proximité du détroit de Johor
118
. Dans cette dernière, le Tribunal a dit ce qui
suit : « Considérant que, étant donné l’incidence possible des travaux de poldérisation sur le
milieu marin, la circonspection et la prudence commandent à la Malaisie et à Singapour de
mettre en place des mécanismes en vue d’un échange d’informations et de l’évaluation des
risques ou effets que pourraient entraîner les travaux de poldérisation, et de trouver des
moyens d’y faire face dans les zones affectées […] ». Le projet de directive est rédigé de
manière à encourager l’élaboration de règles régissant ce type d’activités dans le cadre des
dispositifs applicables aux divers domaines ayant un rapport avec la pollution et la
dégradation atmosphériques.
11) Le membre de phrase « y compris les règles relatives à l’évaluation de l’impact sur
l’environnement » par lequel se termine la directive accentue l’importance des évaluations
de l’impact sur l’environnement, déjà soulignée dans le projet de directive 4. Les activités
visant à la modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère devraient être menées
publiquement et en toute transparence, et il se peut de ce fait qu’elles nécessitent la réalisation
de l’évaluation de l’impact sur l’environnement prévue au projet de directive 4. On estime que
tout projet entraînant une modification intentionnelle et à grande échelle de l’atmosphère peut
avoir d’importantes conséquences négatives et nécessite donc une évaluation d’impact.
Directive 8
Coopération internationale
1. Les États ont l’obligation de coopérer, selon qu’il convient, entre eux et avec
les organisations internationales pertinentes pour protéger l’atmosphère contre la
pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
2. Les États devraient coopérer ensemble au développement des connaissances
scientifiques et techniques sur les causes et les répercussions de la pollution
atmosphérique et de la dégradation atmosphérique. Cette coopération pourrait prendre
la forme d’un échange d’informations et d’un suivi conjoint.
Commentaire
1) La coopération internationale est au cœur de l’ensemble du projet de directives sur la
protection de l’atmosphère. La notion de coopération internationale au sens du droit
international a beaucoup évolué
119
et repose aujourd’hui dans une large mesure sur la notion
Thon à nageoire bleue (Nouvelle-Zélande c. Japon ; Australie c. Japon), mesures conservatoires,
ordonnance du 27 août 1999, TIDM Recueil 1999, p. 280, au paragraphe 77. Le Tribunal a dit ce qui
suit : « Considérant que, de l’avis du Tribunal, les parties devraient, dans ces conditions, agir avec
prudence et précaution et veiller à ce que des mesures de conservation efficaces soient prises dans le
but d’empêcher que le stock du thon à nageoire bleue ne subisse des dommages graves […] ».
116
Usine MOX (Irlande c. Royaume-Uni), mesures conservatoires, ordonnance du 3 décembre 2001,
TIDM Recueil 2001, p. 95, au paragraphe 84 (« Considérant que, de l’avis du Tribunal, la prudence
et la précaution exigent que l’Irlande et le Royaume-Uni coopèrent en échangeant des informations
relatives aux risques ou effets qui pourraient découler ou résulter des opérations de l’usine MOX
et qu’ils élaborent des moyens permettant, le cas échéant, d’y faire face […] »).
117
Travaux de poldérisation par Singapour à l’intérieur et à proximité du détroit de Johor
(Malaisie c. Singapour), mesures conservatoires, ordonnance du 8 octobre 2003, TIDM Recueil 2003,
p. 10, au paragraphe 99.
118
119
W. Friedmann, The Changing Structure of International Law (Londres, Stevens & Sons, 1964), p. 60
à 71 ; C. Leben, « The changing structure of international law revisited by way of introduction »,
European Journal of International Law, vol. 3 (1997), p. 399 à 408. Voir aussi J. Delbrück,
« The international obligation to cooperate − an empty shell or a hard law principle of international
law ? − a critical look at a much debated paradigm of modern international law », H. P. Hestermeyer
et al. (dir. publ.), Coexistence, Cooperation and Solidarity (Liber Amicorum Rüdiger Wolfrum),
vol. 1 (Leyde, Martinus Njihoff, 2012), p. 3 à 16.
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37
A/76/10
des intérêts communs de la communauté internationale tout entière
120
. À cet égard, il convient
de rappeler que le troisième alinéa du préambule du présent projet de directives dispose que
la pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique sont « un sujet de préoccupation
pour l’humanité tout entière ».
2) Le paragraphe 1 du présent projet de directive énonce l’obligation qu’ont les États de
coopérer selon qu’il convient. Concrètement, les États ont l’obligation de coopérer entre eux
et avec les organisations internationales pertinentes. L’emploi de l’expression « selon qu’il
convient » vise à laisser une certaine souplesse aux États pour ce qui est de s’acquitter de
cette obligation en fonction de la nature et de l’objet de la coopération et des règles de droit
international applicables. Les formes de coopération peuvent aussi varier selon la situation,
et une certaine marge d’appréciation est permise, dans le respect des règles de droit
international applicables. La coopération peut s’exercer aux niveaux bilatéral, régional ou
multilatéral. Les États peuvent aussi prendre individuellement les mesures qui conviennent.
3) Dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier, la Cour internationale de Justice
a insisté sur les liens entre l’obligation de coopération entre les parties et l’obligation de
prévention. La Cour a estimé que « c’est en coopérant que les États concernés peuvent gérer
en commun les risques de dommages à l’environnement […] de manière à prévenir les
dommages en question
121
».
4)
Il est fait référence à la notion de coopération internationale dans plusieurs instruments
multilatéraux intéressant la protection de l’environnement. Tant le principe 24 de la
Déclaration de Stockholm que le principe 27 de la Déclaration de Rio soulignent
l’importance de la coopération, et donc de la bonne foi et de l’esprit de solidarité
122
. En outre,
parmi certains des traités en vigueur, la Convention de Vienne pour la protection de la couche
d’ozone dispose, dans son préambule, que les Parties à cette convention sont « [c]onscientes
que l’adoption de mesures visant à protéger la couche d’ozone des modifications imputables
aux activités humaines ne peut se faire que dans le contexte d’une coopération et d’une action
internationales ». De surcroît, dans le préambule de la Convention-cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques, les Parties se disent conscientes que « le caractère planétaire
des changements climatiques requiert de tous les pays qu’ils coopèrent le plus possible et
participent à une action internationale, efficace et appropriée », et réaffirment que « le
principe de la souveraineté des États doit présider à la coopération internationale destinée à
faire face aux changements climatiques. »
123
. Aux termes de l’article 7 de l’Accord de Paris,
B. Simma, « From bilateralism to community interests in international law », Recueil des cours de
l’Académie de droit international de La Haye, 1994-VI, vol. 250, p. 217 à 384 ; Naoya Okuwaki,
« On compliance with the obligation to cooperate : new developments of “international law for
cooperation” », dans J. Eto (dir. publ.), Aspects of International Law Studies (Festschrift for Shinya
Murase) (Tokyo : Shinzansha, 2015), p. 5 à 46, aux pages 16 et 17 (en japonais).
120
121
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (voir supra la note 79), p. 49, par. 77.
Le principe 24 de la Déclaration de Stockholm se lit ainsi :
« Les questions internationales se rapportant à la protection et à l’amélioration de
l’environnement devraient être abordées dans un esprit de coopération par tous les pays, grands
ou petits, sur un pied d’égalité. Une coopération par voie d’accords multilatéraux ou bilatéraux ou
par d’autres moyens appropriés est indispensable pour limiter efficacement, prévenir, réduire et
éliminer les atteintes à l’environnement résultant d’activités exercées dans tous les domaines, et
ce, dans le respect de la souveraineté et des intérêts de tous les États. ».
122
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972 (voir
supra la note 11).
Le principe 27 de la Déclaration de Rio se lit ainsi :
« Les États et les peuples doivent coopérer de bonne foi et dans un esprit de solidarité à
l’application des principes consacrés dans la présente Déclaration et au développement du droit
international dans le domaine du développement durable. ».
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992,
vol. I : Résolutions adoptées par la Conférence (Publication des Nations Unies, numéro de vente :
F.93.I.8 et rectificatif), résolution 1, annexe I, chap. I.
123
Voir aussi la section 2 de la partie XII de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui
prévoit la « [c]oopération au plan mondial ou régional » (art. 197), la « [n]otification d’un risque
imminent de dommage ou d’un dommage effectif » (art. 198), des « [p]lans d’urgence contre la
pollution » (art. 199), des « [é]tudes, programmes de recherche et échange de renseignements et de
38
GE.21-11083
A/76/10
les Parties « reconnaissent l’importance de l’appui et de la coopération internationale aux
efforts d’adaptation et la nécessité de prendre en considération les besoins des pays en
développement parties, notamment de ceux qui sont particulièrement vulnérables aux effets
néfastes des changements climatiques
124
». Dans le préambule, les Parties affirment en outre
l’importance de l’éducation, de la formation, de la sensibilisation, de la participation du
public, de l’accès de la population à l’information et de la coopération à tous les niveaux sur
les questions traitées dans l’Accord
125
.
5) Dans ses travaux, la Commission a aussi affirmé l’importance de la coopération
126
,
qui peut prendre diverses formes. Le paragraphe 2 du projet de directive met l’accent en
particulier sur l’importance de la coopération dans le contexte du développement des
connaissances scientifiques et techniques sur les causes et les répercussions de la pollution
atmosphérique et de la dégradation atmosphérique. Il met aussi l’accent sur l’échange
d’informations et le suivi conjoint.
6) La Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone dispose, dans son
préambule, que la coopération et l’action internationales devraient être fondées « sur des
données scientifiques et techniques pertinentes » et, au paragraphe 1 de son article 4, relatif
à la coopération dans les domaines juridique, scientifique et technique, il est prévu ce qui
suit :
Les Parties facilitent et encouragent l’échange des renseignements
scientifiques, techniques, socioéconomiques, commerciaux et juridiques appropriés
aux fins de la présente Convention et comme précisé à l’annexe II.
Ces renseignements sont fournis aux organes agréés par les Parties.
L’annexe II de la Convention énumère dans le détail les renseignements susceptibles
d’être échangés. Le paragraphe 2 de l’article 4 prévoit que les Parties coopèrent dans les
domaines techniques, en tenant compte des besoins des pays en développement.
7) Le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, relatif aux engagements, dispose :
données » (art. 200) et des « [c]ritères scientifiques pour l’élaboration de règlements » (art. 201).
La section 2 (Coopération internationale) de la partie XIII de la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer, consacrée à la recherche scientifique marine, prévoit l’« [o]bligation de favoriser la
coopération internationale » (art. 242), l’« [i]nstauration de conditions favorables » (art. 243) et la
« [p]ublication et diffusion d’informations et de connaissances » (art. 244).
124
Voir l’article 7 (par. 6). Voir aussi les articles 6 (par. 1), 7 (par. 7), 8 (par. 4) et 14 (par. 3).
Préambule, quatorzième alinéa. Voir aussi le paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention sur le droit
relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, portant sur
l’obligation générale de coopérer, qui dispose :
« Les États du cours d’eau coopèrent sur la base de l’égalité souveraine, de l’intégrité
territoriale, de l’avantage mutuel et de la bonne foi en vue de parvenir à l’utilisation optimale et à
la protection adéquate du cours d’eau international. ».
125
Les articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses (2001)
prévoient, à l’article 4, relatif à la coopération, que :
« Les États intéressés coopèrent de bonne foi et au besoin cherchent à obtenir l’assistance
d’une ou de plusieurs organisations internationales compétentes pour prévenir un dommage
transfrontière significatif ou en tout état de cause pour en réduire le risque au minimum. ».
126
Les articles sur le droit des aquifères transfrontières (2008) prévoient, à l’article 7, relatif à
l’obligation générale de coopérer, que :
« 1. Les États de l’aquifère coopèrent sur la base de l’égalité souveraine, de l’intégrité territoriale,
du développement durable, de l’avantage mutuel et de la bonne foi en vue de parvenir à une
utilisation équitable et raisonnable et à une protection appropriée de leurs aquifères ou systèmes
aquifères transfrontières ;
2. Aux fins du paragraphe 1, les États de l’aquifère devraient établir des mécanismes conjoints
de coopération. ».
En outre, les articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe (2016) prévoient, à
l’article 7, une obligation de coopérer. Cet article se lit comme suit :
« En appliquant le présent projet d’articles, les États doivent, selon qu’il y a lieu, coopérer
entre eux, avec l’Organisation des Nations Unies, avec les composantes du Mouvement de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et avec les autres acteurs prêtant assistance. ».
GE.21-11083
39
A/76/10
« Toutes les Parties […] e) [p]réparent, en coopération, l’adaptation à l’impact
des changements climatiques ; […] g) [e]ncouragent et soutiennent par leur
coopération les travaux de recherche scientifique, technologique, technique,
socioéconomique et autres, l’observation systématique et la constitution d’archives de
données sur le système climatique permettant de mieux comprendre les causes, les
effets, l’ampleur et l’échelonnement dans le temps des changements climatiques, ainsi
que les conséquences économiques et sociales des diverses stratégies de riposte, et de
réduire et dissiper les incertitudes qui subsistent à cet égard ; h) [e]ncouragent et
soutiennent par leur coopération l’échange de données scientifiques, technologiques,
techniques, socioéconomiques et juridiques sur le système climatique et les
changements climatiques ainsi que sur les conséquences économiques et sociales des
diverses stratégies de riposte, ces données devant être échangées dans leur intégralité,
librement et promptement ; i) [e]ncouragent et soutiennent par leur coopération
l’éducation, la formation et la sensibilisation du public dans le domaine des
changements climatiques et encouragent la participation la plus large à ce processus,
notamment celle des organisations non gouvernementales. ».
8) Dans ce contexte, l’obligation de coopérer englobe notamment, en tant que de besoin,
l’échange d’informations. À cet égard, on retiendra que l’article 9 de la Convention sur le
droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation
comporte un ensemble précis de dispositions concernant l’échange de données et
d’informations. La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue
distance prévoit quant à elle, dans son article 4, que « [l]es Parties contractantes échangeront
des informations et procéderont à des tours d’horizon sur leurs politiques, leurs activités
scientifiques et les mesures techniques ayant pour objet de combattre dans toute la mesure
du possible les rejets de polluants atmosphériques qui peuvent avoir des effets
dommageables, et ainsi de réduire la pollution atmosphérique, y compris la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance ». La Convention comporte aussi des
dispositions précises sur la coopération dans les domaines de la recherche et du
développement (art. 7), des échanges d’informations (art. 8), et de la mise en œuvre et de
l’élargissement du programme concerté de surveillance continue et d’évaluation du transport
à longue distance des polluants atmosphériques en Europe (art. 9). À l’échelle régionale,
l’Accord-cadre régional de l’Afrique de l’Est sur la pollution atmosphérique (Accord de
Nairobi, 2008)
127
et l’Accord-cadre régional pour l’Afrique occidentale et centrale sur la
pollution atmosphérique (Accord d’Abidjan, 2009)
128
comportent aussi des dispositions
− identiques − en ce qui concerne la coopération internationale. Les Parties conviennent de :
« 1.2 Considérer les synergies et avantages mutuels de la prise de mesure contre les
émissions de polluants atmosphériques et gaz à effet de serre ;
[…]
1.4 Promouvoir l’information sur la gestion de la qualité de l’air dans le domaine
éducatif et de la recherche ;
1.5 Promouvoir la coopération régionale afin de renforcer les institutions de
normalisation. ».
9) Dans ses travaux, la Commission a elle aussi affirmé l’importance des connaissances
scientifiques et techniques
129
. Dans le contexte de la protection de l’atmosphère, le
Disponible à l’adresse suivante : https://web.archive.org/web/20111226174901/http://www.unep.org/
urban_environment/PDFs/EABAQ2008-AirPollutionAgreementFR.pdf.
127
Disponible à l’adresse suivante : https://web.archive.org/web/20111224143140/http://www.unep.org/
urban_environment/PDFs/BAQ09_AgreementFr.pdf.
128
129
La deuxième phrase du paragraphe 4 de l’article 17 des articles sur le droit des aquifères
transfrontières prévoit que la « coopération peut comprendre la coordination des opérations et
communications internationales d’urgence et la mise à disposition de personnel d’urgence, de
matériel et de fournitures d’urgence, de compétences scientifiques et techniques et d’une aide
humanitaire ». Dans le projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, le projet
d’article 9 prévoit que « [a]ux fins du présent projet d’articles, la coopération inclut notamment l’aide
humanitaire, la coordination des opérations de secours et communications internationales et la mise à
disposition de personnel, d’équipement et de biens de secours et de ressources scientifiques,
40
GE.21-11083
A/76/10
développement des connaissances scientifiques sur les causes et les répercussions de la
pollution atmosphérique et de la dégradation atmosphérique est essentiel. Il ressort de
l’Accord de Paris que, pour faire face aux effets néfastes des changements climatiques, il faut
éviter les pertes et préjudices liés à ces effets, les réduire au minimum et y remédier, et
envisager une coopération dans les domaines suivants : a) les systèmes d’alerte précoce ;
b) la préparation aux situations d’urgence ; c) les phénomènes qui se manifestent lentement ;
d) les phénomènes susceptibles de causer des pertes et préjudices irréversibles et
permanents ; e) l’évaluation et la gestion complètes des risques ; f) les dispositifs d’assurance
dommages, la mutualisation des risques climatiques et les autres solutions en matière
d’assurance ; g) les pertes autres qu’économiques ; h) la résilience des communautés, des
moyens de subsistance et des écosystèmes
130
.
Directive 9
Relations entre règles pertinentes
1. Les règles de droit international relatives à la protection de l’atmosphère et les
autres règles de droit international pertinentes, y compris, inter alia, les règles du droit
international du commerce et de l’investissement, du droit de la mer et du droit
international des droits de l’homme, devraient, dans la mesure du possible, être
déterminées, interprétées et appliquées de manière à faire apparaître un ensemble
unique d’obligations compatibles, en conformité avec les principes de l’harmonisation
et de l’intégration systémique et dans l’objectif d’éviter les conflits. Cela devrait être
fait conformément aux règles pertinentes énoncées dans la Convention de Vienne sur
le droit des traités, notamment à l’article 30 et au paragraphe 3 c) de l’article 31, ainsi
qu’aux principes et règles du droit international coutumier.
2. Les États devraient, dans la mesure du possible, lorsqu’ils élaborent de
nouvelles règles de droit international concernant la protection de l’atmosphère et
d’autres règles pertinentes du droit international, s’efforcer de le faire de manière
harmonieuse.
3. Aux fins de l’application des paragraphes 1 et 2, les États devraient prêter une
attention particulière aux personnes et aux groupes particulièrement vulnérables à la
pollution et la dégradation atmosphériques. Ces groupes peuvent inclure, inter alia,
les peuples autochtones, les populations des pays les moins avancés et les populations
des zones côtières de faible élévation et des petits États insulaires en développement
touchés par l’élévation du niveau de la mer.
Commentaire
1) Le projet de directive 9, qui porte sur les « relations entre règles pertinentes
131
», a
pour objet de mettre en lumière les relations entre les règles de droit international relatives à
la protection de l’atmosphère et les autres règles de droit international pertinentes.
Les paragraphes 1 et 2 ont une portée générale, tandis que le paragraphe 3 met l’accent sur
la protection des groupes particulièrement vulnérables à la pollution atmosphérique et à la
dégradation atmosphérique. Ces deux notions, définies dans le projet de directive 1, consacré
aux définitions, recouvrent principalement la pollution et la dégradation causées « par
l’homme ». Il s’ensuit nécessairement que les activités humaines régies par d’autres
domaines du droit ont aussi une incidence sur l’atmosphère et sa protection. Partant, il
importe d’éviter, dans la mesure du possible, tout conflit ou divergence entre les règles
relatives à la protection de l’atmosphère et les autres règles de droit international. C’est dans
médicales et techniques ». De plus, le projet d’article 10 (Coopération en matière de prévention des
risques de catastrophe) dispose que « [l]a coopération porte également sur l’adoption de mesures de
nature à prévenir les risques de catastrophe ».
130
Art. 8.
131
Voir le projet d’article 10 (Interrelations) de la résolution 2/2014 sur la déclaration des principes
juridiques relatifs au changement climatique adoptée par l’Association de droit international, Report
of the Seventy-sixth Conference held in Washington D.C., August 2014, p. 26 ; S. Murase (Président)
et L. Rajamani (Rapporteuse), Rapport du Comité sur les principes juridiques relatifs au changement
climatique, ibid., p. 330 à 378, aux pages 368 à 377.
GE.21-11083
41
A/76/10
cet objectif que le projet de directive 9 énonce les différents mécanismes prévus en droit
international pour faire face aux éventuelles divergences entre principes et règles juridiques,
que ces divergences soient une question d’interprétation ou qu’il y ait véritablement un
conflit. Le libellé du projet de directive 9 est inspiré des conclusions formulées par le groupe
d’étude chargé par la Commission d’examiner la question de la fragmentation du droit
international et les difficultés découlant de la diversification et du développement de
celui-ci
132
.
2) Le paragraphe 1 mentionne trois processus juridiques, à savoir la détermination,
l’interprétation et l’application des règles pertinentes. Les termes « dans l’objectif d’éviter
les conflits » employés à la fin de la première phrase visent à établir qu’« éviter les conflits »
est l’un des principaux objectifs recherchés par le paragraphe. Ce n’est toutefois pas le seul
et unique objectif du projet de directive. Le paragraphe est formulé à la voix passive pour
refléter le fait que la détermination, l’interprétation et l’application des règles pertinentes
relèvent non seulement des États, mais aussi d’autres acteurs, y compris les organisations
internationales, selon qu’il convient.
3) Le membre de phrase « devraient, dans la mesure du possible, être déterminées,
interprétées et appliquées de manière à faire apparaître un ensemble unique d’obligations
compatibles » est inspiré des conclusions formulées par le groupe d’étude chargé par la
Commission d’examiner la fragmentation du droit international. Le terme « déterminées »
concerne surtout les règles découlant des obligations conventionnelles et d’autres sources de
droit international. Pour coordonner deux règles, il convient d’abord de déterminer,
notamment, si l’une et l’autre traitent « de la même matière », laquelle doit être considérée
comme lex generalis ou lex specialis et comme lex anterior ou lex posterior, et si le principe
pacta tertiis s’applique.
4) La première phrase du paragraphe 1 fait expressément référence aux principes
« de l’harmonisation et de l’intégration systémique », auxquels une attention particulière est
accordée dans les conclusions du Groupe d’étude chargé d’examiner la fragmentation du
droit international. Selon le principe de l’harmonisation, exposé dans la conclusion 4),
lorsque plusieurs normes ont trait à une question unique, il convient, dans la mesure du
possible, de les interpréter de manière à faire apparaître « un ensemble unique d’obligations
compatibles ». En outre, conformément au principe de l’intégration systémique exposé dans
la conclusion 17), « quelle que soit leur matière, les traités sont une création du système
juridique international ». Les traités doivent donc être interprétés compte tenu des divers
principes et règles du droit international.
5) La deuxième phrase du paragraphe 1 vise à replacer le paragraphe dans le contexte
des règles pertinentes énoncées dans la Convention de Vienne de 1969 sur les droits des
traités
133
, notamment en ses articles 30 et 31 (par. 3 c)), et des principes et règles du droit
international coutumier. Le paragraphe 3 c) de l’article 31 de la Convention a pour but de
garantir l’« interprétation systémique », disposant que « toute règle pertinente de droit
international applicable dans les relations entre les parties » doit être prise en considération
134
.
En d’autres termes, ce paragraphe exprime l’unité du droit international public et la notion
selon laquelle ses règles ne peuvent être interprétées isolément les unes des autres
135
.
L’article 30 de la Convention énonce les principes qui président à la résolution des conflits
132
Annuaire … 2006, vol. II (2
e
partie), par. 251. Voir la conclusion 2), sur les « relations
d’interprétation » et les « relations de conflit ». Pour l’étude analytique, voir « Fragmentation du droit
international : difficultés découlant de la diversification et du développement du droit international »,
rapport du Groupe d’étude de la Commission du droit international établi sous sa forme définitive
par Martti Koskenniemi (A/CN.4/L.682 et Corr.1 et Add.1).
133
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, n
o
18232, p. 331.
134
Voir, par exemple, OMC, Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis − Prohibition à l’importation de
certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, WT/DS58/AB/R, 6 novembre 1998,
par. 158. Voir aussi Al-Adsani c. Royaume-Uni, requête n
o
35763/97, CEDH 2001-XI, par. 55.
135
P. Sands, « Treaty, custom and the cross-fertilization of international law », Yale Human Rights and
Development Law Journal, vol. 1 (1998), p. 95, par. 25 ; C. McLachlan, « The principle of systemic
integration and article 31 (3) (c) of the Vienna Convention », International and Comparative Law
Quarterly, vol. 54 (2005), p. 279 ; O. Corten et P. Klein (dir. publ.), The Vienna Conventions on the
Law of Treaties : A Commentary, vol. 1 (Oxford, Oxford University Press, 2011), p. 828 et 829.
42
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A/76/10
lorsque le principe de l’intégration systémique ne suffit pas, à savoir les principes de la
lex specialis (par. 2) et de la lex posterior (par. 3) et le principe pacta tertiis (par. 4)
136
.
Les « règles et principes du droit international coutumier » mentionnés dans la deuxième
phrase du paragraphe 1 sont les règles et principes du droit international coutumier utiles aux
fins de la détermination, de l’interprétation et de l’application des règles pertinentes
137
.
La référence faite dans la dernière phrase du paragraphe 1 aux « principes et règles du droit
international coutumier » est sans préjudice de la pertinence éventuelle des « principes
généraux du droit » dans le contexte du projet de directives.
6) En précisant qu’il faut tenir compte « inter alia [des] règles du droit international du
commerce et de l’investissement, du droit de la mer et du droit international des droits de
l’homme », la Commission souligne l’importance pratique que ces trois matières revêtent au
regard de la protection de l’atmosphère. Ces domaines sont étroitement liés au droit
international relatif à la protection de l’atmosphère sur le plan de la pratique conventionnelle,
de la jurisprudence et de la doctrine
138
. Les autres domaines du droit, susceptibles d’être tout
aussi pertinents, ne sont pas pour autant exclus, la liste donnée ne se voulant pas exhaustive.
De surcroît, aucune des dispositions du projet de directive 9 ne saurait être interprétée comme
subordonnant les règles de droit international relevant des matières citées aux règles relatives
à la protection de l’atmosphère ou vice-versa.
7) L’émergence de la notion de renforcement mutuel a permis de concilier le droit
international du commerce et le droit international de l’environnement, qui recouvre la
protection de l’atmosphère. Le préambule de l’Accord de Marrakech de 1994 instituant
l’Organisation mondiale du commerce
139
dispose que l’objectif de l’OMC est de concilier les
objectifs de commerce et de développement avec les besoins environnementaux
« conformément à l’objectif de développement durable
140
». Le Comité du commerce et de
l’environnement de l’OMC a été créé pour « coordonner les politiques dans le domaine du
commerce et de l’environnement
141
» et, dans le rapport qu’il a adressé en 1996 à la
Conférence ministérielle de l’OMC tenue à Singapour, il a rappelé que le système
commercial incarné par l’OMC et la protection de l’environnement étaient « deux domaines
de l’élaboration des politiques […] importants et […] devraient s’étayer mutuellement afin de
promouvoir le développement durable
142
». Le « renforcement mutuel » étant progressivement
devenu un standard juridique interne à l’OMC
143
, la Déclaration ministérielle adoptée à Doha
en 2001 exprime la conviction des États que « les objectifs consistant à œuvrer en faveur de
136
Ibid., p. 791 à 798.
137
On retiendra qu’aux termes du paragraphe 2 de l’article 3 du Mémorandum d’accord de l’OMC sur
les règles et procédures régissant le règlement des différends (Accord de Marrakech instituant
l’Organisation mondiale du commerce, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1869, n
o
31874, p. 3,
annexe 2, p. 427), « [l]e système de règlement des différends de l’OMC […] a pour but […] de
clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières
d’interprétation du droit international public » [non souligné dans l’original].
Voir Association de droit international, résolution 2/2014 sur la déclaration des principes juridiques
relatifs au changement climatique, projet d’article 10 (Interrelations) (note 131 supra) ; A. Boyle,
« Relationship between international environmental law and other branches of international law »,
dans Bodansky et al., The Oxford Handbook of International Environmental Law (note 21 supra),
p. 126 à 146.
138
139
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1867 à 1869, n
o
31874.
140
Ibid., vol. 1867, n
o
31874, p. 154.
Comité des négociations commerciales, décision du 14 avril 1994, MTN.TNC/45(MIN), annexe II,
p. 17.
141
142
OMC, Comité du commerce et de l’environnement, Rapport (1996), WT/CTE/1 (12 novembre 1996),
par. 167.
143
J. Pauwelyn, Conflict of Norms in Public International Law : How WTO Law Relates to Other Rules
of International Law (Cambridge, Cambridge University Press, 2003) ; R. Pavoni, « Mutual
supportiveness as a principle of interpretation and law-making : a watershed for the “WTO-andcompeting
regimes”
debate?
»,
European
Journal
of
International
Law,
vol.
21
(2010),
p.
651
et
652.
Voir
aussi
S.
Murase,
«
Perspectives
from
international
economic
law
on
transnational
environmental
issues
»,
Collected
Courses
of
The
Hague
Academy
of
International
Law,
vol.
253
(Leyde,
Martinus
Nijhoff,
1996),
p.
283
à
431,
reproduit
dans
S.
Murase,
International
Law
:
An
Integrative
Perspective
on
Transboundary
Issues
(Tokyo,
Sophia
University
Press,
2011),
p.
1
à
127
;
et
S.
Murase,
«
Conflict
of
international
regimes
:
trade
and
the
environment
»,
ibid.,
p.
130
à
166.
GE.21-11083
43
A/76/10
la protection de l’environnement et du développement durable peuvent et doivent se renforcer
mutuellement
144
». En outre, en droit international du commerce, le renforcement mutuel est
considéré comme un aspect du principe de l’harmonisation lorsqu’il s’agit d’interpréter des
règles conventionnelles conflictuelles. Entre autres affaires pertinentes examinées par le
mécanisme de règlement des différends de l’OMC, l’affaire États-Unis − Normes concernant
l’essence nouvelle et ancienne formules de 1996 est particulièrement intéressante en ce que
l’Organe d’appel a estimé qu’on ne saurait interpréter l’Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce sans tenir compte des règles d’interprétation du droit international
public et, plus précisément, qu’« il ne fa[llai]t pas lire l’Accord général en l’isolant
cliniquement du droit international public
145
» (non souligné dans l’original).
8) Une tendance comparable se dégage en droit international de l’investissement.
Les accords de libre-échange
146
, qui contiennent des clauses relatives aux investissements, et
de nombreux traités d’investissement bilatéraux
147
énoncent des normes relatives à
l’environnement, lesquelles ont été confirmées par la jurisprudence des organes de règlement
des différends compétents. Certains tribunaux chargés du règlement de différends relatifs aux
investissements ont souligné que les traités d’investissement ne sauraient être lus et
interprétés indépendamment des instruments de droit international public
148
.
9)
Il en va de même en droit de la mer. Étant donné l’étroite interaction physique qui
existe entre l’atmosphère et les océans, la protection de l’atmosphère est intrinsèquement liée
à la question des océans et, donc, au droit de la mer. Aux termes du préambule de l’Accord
de Paris, « il importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans ».
Le lien qui unit l’atmosphère et les océans est également reconnu dans la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer
149
, dont le paragraphe 1 4) de l’article premier définit la
formule « pollution du milieu marin » de telle manière qu’elle recouvre l’introduction dans
le milieu marin de toutes substances ou énergie polluantes, y compris la pollution
144
Adoptée le 14 novembre 2001 à la quatrième session de la Conférence ministérielle de l’OMC tenue à
Doha, WT/MIN(01)/DEC/1, par. 6. Dans la Déclaration ministérielle de Hong Kong, adoptée
en 2005, il est réaffirmé que « le mandat énoncé au paragraphe 31 de la Déclaration ministérielle de
Doha […] vis[ait] à renforcer le soutien mutuel du commerce et de l’environnement » (adoptée le
18 décembre 2005 à la sixième session de la Conférence ministérielle, tenue à Hong Kong (Chine),
WT/MIN(05)/DEC, par. 31).
OMC, rapport de l’Organe d’appel, États-Unis − Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne
formules, WT/DS2/AB/R, 29 avril 1996, p. 19. Voir aussi S. Murase, « Unilateral measures and the
WTO dispute settlement » (concernant l’affaire de l’Essence), dans S. C. Tay et D. C. Esty (dir.
publ.), Asian Dragons and Green Trade : Environment, Economics and International Law
(Singapour, Times Academic Press, 1996), p. 137 à 144.
145
146
Voir, par exemple, Accord Canada-États-Unis-Mexique, 1
er
juillet 2020, art. 1.3 et chap. 14
(« Investissement »), disponible sur le site Web du Gouvernement du Canada à l’adresse suivante :
https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/
cusma-aceum/text-texte/toc-tdm.aspx?lang=fra.
147
Il existe divers modèles de traités d’investissement bilatéraux, notamment : les modèles établis par le
Canada (2004), la Colombie (2007) et les États-Unis (2012), disponibles à l’adresse
suivante :http://www.italaw.com ; le Modèle d’accord international sur l’investissement pour le
développement durable, établi par l’Institut international du développement durable (IIDD) en 2005,
dans H. Mann et al., Modèle d’accord international sur l’investissement pour le développement
durable (IIDD) (2
e
éd.) (Winnipeg, 2005), art. 34. Voir aussi Conférence des Nations Unies sur le
commerce et le développement, Cadre de politique de l’investissement pour un développement
durable (2015), p. 91 à 121, disponible à l’adresse suivante : http://unctad.org/en
/PublicationsLibrary/diaepcb2015d5_en.pdf [en anglais seulement] ; P. Muchlinski, « Negotiating
new generation international investment agreements : new sustainable development-oriented
initiatives », dans S. Hindelang et M. Krajewski (dir. publ.), Shifting Paradigms in International
Investment Law : More Balanced, Less Isolated, Increasingly Diversified (Oxford : Oxford University
Press, 2016), p. 41 à 64.
148
Phoenix Action Ltd. v. the Czech Republic, CIRDI, affaire n
o
ARB/06/5, sentence, 15 avril 2009, par. 78.
149
Jusqu’à l’adoption de la Convention, le seul véritable instrument international de référence était le
Traité de 1963 interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace
extra-atmosphérique et sous l’eau (Moscou, 5 août 1963, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 480,
n
o
6964, p. 43).
44
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A/76/10
atmosphérique provenant de sources terrestres et de navires
150
, et la partie XII, en particulier
les articles 192, 194, 207, 211 et 212, contient des dispositions détaillées sur la protection et
la préservation du milieu marin. Plusieurs conventions régionales traitent aussi de la pollution
marine d’origine terrestre
151
. Dans le cadre de l’action qu’elle mène pour étoffer la
Convention
152
et lutter contre les changements climatiques
153
, l’OMI s’est efforcée d’établir
des règles relatives à la pollution par les navires. La bonne application des règles pertinentes
du droit de la mer pourrait contribuer à la protection de l’atmosphère, de même que la bonne
application des règles relatives à la protection de l’environnement pourrait contribuer à la
protection des océans.
10) Du point de vue du droit international des droits de l’homme, la dégradation de
l’environnement, y compris la pollution de l’air, les changements climatiques et
l’appauvrissement de la couche d’ozone, « peut potentiellement affecter la réalisation des
droits de l’homme
154
». L’existence d’un lien entre les droits de l’homme et l’environnement,
notamment l’atmosphère, est admise dans la pratique. La Déclaration de Stockholm prévoit
en son principe 1 que « l’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des
conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre
dans la dignité et le bien-être
155
». La Déclaration de Rio de 1992 dispose, également en son
principe 1, que « [l]es êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au
développement durable » et « ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la
M. H. Nordquist et al. (dir. publ.), United Nations Convention on the Law of the Sea 1982 :
A Commentary, vol. II (Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1991), p. 41 et 42.
150
151
Par exemple, la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est
(Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2354, n
o
42279, p. 67, à la page 71, art. 1, par. e)) ; la
Convention sur la protection du milieu marin dans la zone de la mer Baltique (Helsinki, 9 avril 1992,
ibid., vol. 1507, n
o
25986, p. 166, à la page 169, art. 2, par. 2) ; le Protocole relatif à la protection de
la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre (ibid.,
vol. 1328, n
o
22281, p. 105, à la page 121, art. 4, par. 1 b)) ; le Protocole relatif à la protection du
Pacifique du Sud-Est contre la pollution d’origine tellurique (Quito, 22 juillet 1983, ibid., vol. 1648,
n
o
28327, p. 73, à la page 90, art. II c)) ; et le Protocole sur la protection du milieu marin contre la
pollution d’origine tellurique relatif à la Convention régionale de Koweït pour la coopération en vue
de la protection du milieu marin contre la pollution (Koweït, 21 février 1990, ibid., vol. 2399,
n
o
17898, p. 3, à la page 40, art. III).
152
À la cinquante-huitième session du Comité de la protection du milieu marin, en 2008, l’OMI a ainsi
adopté l’annexe VI modifiée de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les
navires (ibid., vol. 1340, n
o
22484, p. 61), qui porte notamment sur les émissions de SOx et de NOx.
La Convention est à présent assortie de six annexes : l’annexe I, sur les règles relatives à la prévention
de la pollution par les hydrocarbures (entrée en vigueur le 2 octobre 1983) ; l’annexe II, sur les règles
relatives à la prévention de la pollution par les substances liquides nocives transportées en vrac (entrée
en vigueur le 6 avril 1987) ; l’annexe III, sur les règles relatives à la prévention de la pollution par les
substances nuisibles transportées par mer en colis, ou dans des conteneurs, des citernes mobiles, des
camions-citernes ou des wagons-citernes (entrée en vigueur le 1
er
juillet 1992) ; l’annexe IV, sur les
règles relatives à la prévention de la pollution par les eaux usées des navires (entrée en vigueur le
27 septembre 2003) ; l’annexe V, sur les règles relatives à la prévention de la pollution par les ordures
des navires (entrée en vigueur le 31 décembre 1988) ; et l’annexe VI, sur les règles relatives à la
prévention de la pollution de l’atmosphère par les navires (entrée en vigueur le 19 mai 2005).
153
S. Karim, Prevention of Pollution of the Marine Environment from Vessels : The Potential and Limits
of the International Maritime Organization (Dordrecht, Springer, 2015), p. 107 à 126 ; S. Karim et
S. Alam, « Climate change and reduction of emissions of greenhouse gases from ships : an
appraisal », Asian Journal of International Law, vol. 1 (2011), p. 131 à 148 ; Y. Shi, « Are
greenhouse gas emissions from international shipping a type of marine pollution? », Marine Pollution
Bulletin, vol. 113 (2016), p. 187 à 192 ; J. Harrison, « Recent developments and continuing
challenges in the regulation of greenhouse gas emissions from international shipping » (2012), faculté
de droit de l’Université d’Édimbourg, rapport de recherche n
o
2012/12, p. 20. Disponible à l’adresse
suivante : https://ssrn.com/abstract=2037038.
154
« Étude analytique sur les liens entre les droits de l’homme et l’environnement », rapport du
Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (A/HRC/19/34), par. 15. Voir aussi la
résolution 19/10 du Conseil des droits de l’homme, du 19 avril 2012, sur les droits de l’homme et
l’environnement.
155
Voir L. B. Sohn, « The Stockholm Declaration on the Human Environment » (note 23 supra), p. 451
à 455.
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45
A/76/10
nature »
156
. La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance
établit que la pollution atmosphérique a « une action nocive de nature à mettre en danger la
santé de l’homme » et dispose que les parties sont déterminées à « protéger l’homme et son
environnement contre la pollution atmosphérique » d’une certaine magnitude
157
. En ce qui
concerne la dégradation atmosphérique, la Convention de Vienne pour la protection de la
couche d’ozone dispose que les parties sont tenues de prendre des mesures appropriées pour
« protéger la santé humaine » conformément aux dispositions de la Convention et des
Protocoles auxquels elles sont parties
158
. Dans le même ordre d’idées, la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques traite des effets néfastes des changements
climatiques, parmi lesquels les effets nocifs significatifs que ces changements ont « sur la santé
et le bien-être de l’homme
159
».
11) Sont pertinents à cet égard les droits de l’homme que sont le droit à la vie
160
, le droit
au respect de la vie privée et familiale
161
, le droit à la propriété
162
et les autres droits énoncés
dans le onzième alinéa du préambule de l’Accord de Paris, qui est ainsi libellé :
Conscientes que les changements climatiques sont un sujet de préoccupation
pour l’humanité tout entière et que, lorsqu’elles prennent des mesures face à ces
changements, les Parties devraient respecter, promouvoir et prendre en considération
leurs obligations respectives concernant les droits de l’Homme, le droit à la santé, les
droits des peuples autochtones, des communautés locales, des migrants, des enfants,
des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable et le droit au
développement, ainsi que l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et l’équité
entre les générations,
12) Lorsqu’un droit particulier lié à l’environnement, par exemple le droit à la santé, est
consacré par une convention relative aux droits de l’homme, les tribunaux et organes
conventionnels compétents le font respecter. Si l’on veut que le droit international des droits
de l’homme contribue à la protection de l’atmosphère, il faut que certaines exigences de base
soient respectées
163
. Premièrement, étant donné que le droit international des droits de
l’homme est fondé juridiquement sur le préjudice subi par les individus
164
, il faut établir un
lien direct entre la pollution ou la dégradation atmosphérique et la violation d’un droit protégé.
Deuxièmement, les effets néfastes de la pollution ou la dégradation atmosphériques ne
relèvent du droit international des droits de l’homme que lorsqu’ils atteignent un certain seuil.
Ce seuil est relatif et dépend du contenu du droit invoqué et de l’ensemble des circonstances
156
F. Francioni, « Principle 1 : human beings and the environment », dans J. E. Viñuales (dir. publ.).
The Rio Declaration on Environment and Development : A Commentary (Oxford, Oxford University
Press, 2015), p. 93 à 106, aux pages 97 et 98.
157
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1302, n
o
21623, p. 217, à la page 226, art. 1 et 2.
158
Ibid., vol. 1513, n
o
26164, p. 293, à la page 326, art. 2.
159
Art. 1.
160
Art. 6 du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques (New York, 16 décembre 1966,
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 999, n
o
14668, p. 171) ; art. 6 de la Convention de 1989
relative aux droits de l’enfant (New York, 20 décembre 1989, ibid., vol. 1577, n
o
27531, p. 3) ; art. 10
de la Convention de 2006 relative aux droits des personnes handicapées (New York, 20 décembre
2006, ibid., vol. 2515, n
o
44910, p. 3) ; art. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales de 1950 (Rome, 4 novembre 1950, ibid., vol. 213, n
o
2889, p. 221
(ci-après la « Convention européenne des droits de l’homme ») ; art. 4 de la Convention américaine
de 1969 relative aux droits de l’homme (San José, 22 novembre 1969, ibid., vol. 1144, n
o
14668,
p. 171) ; et art. 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 (Nairobi, 27 juin
1981, ibid., vol. 1520, n
o
26363, p. 217).
Art. 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; art. 8 de la Convention européenne
des droits de l’homme ; et art. 11, par. 2, de la Convention américaine des droits de l’homme.
161
162
Art. 1 du Protocole n
o
1 à la Convention européenne des droits de l’homme (ibid., vol. 213, n
o
2889,
p. 221) ; art. 21 de la Convention américaine des droits de l’homme ; et art. 14 de la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples. Voir D. Shelton, « Human rights and the environment : substantive
rights », dans Fitzmaurice, Ong et Merkouris (dir. publ.) Research Handbook on International
Environmental Law, (note 21 supra), p. 265 à 283, aux pages 265 et 269 à 278.
P.-M. Dupuy et J. E. Viñuales, International Environmental Law (Cambridge, Cambridge University
Press, 2015), p. 320 à 329.
163
164
Ibid., p. 308 et 309.
46
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A/76/10
pertinentes de l’affaire, tels que l’intensité et la durée de la nuisance et ses effets physiques
ou mentaux. Troisièmement, et surtout, il faut établir un lien de cause à effet entre, d’une
part, l’action ou l’omission de l’État et, d’autre part, la pollution ou la dégradation
atmosphérique.
13) L’un des problèmes qui se posent en ce qui concerne la relation entre les règles de
droit international relatives à l’atmosphère et les règles du droit international des droits de
l’homme est que les unes et les autres n’ont pas le même champ d’application ratione
personae. Si les règles de droit international relatives à l’atmosphère s’appliquent non
seulement à l’État sur le territoire duquel se trouvent les victimes, mais aussi à l’État qui est
à l’origine du préjudice, les traités relatifs aux droits de l’homme ne s’appliquent qu’aux
personnes relevant de la juridiction d’un État
165
. Partant, la situation dans laquelle une activité
nocive pour l’environnement menée dans un État porte atteinte aux droits de personnes
situées dans un autre État soulève la question de l’interprétation de la notion de « juridiction »
dans le contexte des obligations relatives aux droits de l’homme. Aux fins de l’interprétation
et de l’application de cette notion, on pourrait vouloir tenir compte de l’objet et du but des
traités relatifs aux droits de l’homme. Dans son avis consultatif sur les Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour
internationale de Justice a dit ce qui suit au sujet de la compétence extraterritoriale : « [S]i la
compétence des États est avant tout territoriale, elle peut parfois s’exercer hors du territoire
national. Compte tenu de l’objet et du but du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, il apparaîtrait naturel que, même dans cette dernière hypothèse, les États parties
au Pacte soient tenus d’en respecter les dispositions
166
».
14) On voudra peut-être prendre en considération la pertinence du principe de la
non-discrimination. Certains auteurs soutiennent qu’il n’est pas raisonnable de penser que le
droit international des droits de l’homme ne couvre pas la pollution atmosphérique et la
dégradation de l’environnement à l’échelle mondiale et que la loi ne protège que les victimes
de pollution intrafrontières. Selon eux, le principe de la non-discrimination exige de l’État
responsable qu’il traite la pollution atmosphérique transfrontière et la dégradation
atmosphérique mondiale comme si elles survenaient sur son territoire
167
. De surcroît, si et
dans la mesure où les normes pertinentes du droit des droits de l’homme ont une portée
extraterritoriale
168
, elles pourraient être considérées comme venant recouper les normes
environnementales relatives à la protection de l’atmosphère, notamment celles qui se
rapportent à la diligence requise (projet de directive 3), à l’évaluation de l’impact sur
l’environnement (projet de directive 4), à l’utilisation durable de l’atmosphère (projet de
directive 5), à l’utilisation équitable et raisonnable de l’atmosphère (projet de directive 6) et
à la coopération internationale (projet de directive 8), ce qui permettrait d’interpréter et
d’appliquer ces deux corpus de manière harmonieuse.
15) À la différence du paragraphe 1, qui porte sur la détermination, l’interprétation et
l’application des règles existantes, le paragraphe 2 concerne l’élaboration de nouvelles règles
par les États. Il traduit une volonté générale d’encourager les États qui mènent des
négociations aux fins de la définition de nouvelles règles à tenir compte du fait que les règles
165
Art. 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; art. 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme ; et art. 1 de la Convention américaine des droits de l’homme. Voir A. Boyle,
« Human rights and the environment : where next? », European Journal of International Law, vol. 23
(2012), p. 613 à 642, aux pages 633 à 641.
166
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 136, à la page 179, par. 109.
167
Boyle, « Human rights and the environment … » (voir supra la note 165), p. 639 et 640.
168
B. Simma et P. Alston, « Sources of human rights law : custom, jus cogens and general principles »,
Australian Year Book of International Law, vol. 12 (1988), p. 82 à 108 ; V. Dimitrijevic, « Customary
law as an instrument for the protection of human rights », document de travail n
o
7 (Milan, Istituto Per
Gli Studi Di Politica Internazionale (ISPI), 2006), p. 3 à 30 ; B. Simma, « Human rights in the
International Court of Justice : are we witnessing a sea change ? », dans D. Alland et al. (dir. publ.),
Unity and Diversity of International Law : Essays in Honour of Professor Pierre-Marie Dupuy
(Leyde, Martinus Nijhoff, 2014), p. 711 à 737 ; et H. Thirlway, « International law and practice :
human rights in customary law : an attempt to define some of the issues », Leyde Journal of
International Law, vol. 28 (2015), p. 495 à 506.
GE.21-11083
47
A/76/10
du droit international relatif à l’atmosphère et les autres règles de droit international sont liées
les unes aux autres en ce qu’elles font partie d’un seul et même système juridique.
16) Le paragraphe 3 concerne le sort des personnes placées dans une situation de
vulnérabilité du fait de la pollution atmosphérique et de la dégradation atmosphérique. Il a
été formulé pour faire expressément mention de ces deux fléaux. La référence aux
paragraphes 1 et 2 renvoie à la « détermination, l’interprétation et l’application » des règles
applicables ainsi qu’à « l’élaboration » de nouvelles règles. Le membre de phrase « devraient
prêter une attention particulière aux personnes et aux groupes particulièrement vulnérables à
la pollution et la dégradation atmosphériques » souligne qu’il faut accorder une grande
importance à la situation de ces personnes et groupes au regard des deux aspects du présent
sujet, à savoir la « pollution atmosphérique » et la « dégradation atmosphérique ». Il n’a pas
été jugé utile de faire référence aux « droits de l’homme », ni même à des « droits » ou des
« intérêts légitimes ».
17) La deuxième phrase du paragraphe 3 donne des exemples de groupes susceptibles de
se trouver en situation de vulnérabilité face à la pollution et à la dégradation atmosphériques.
L’Organisation mondiale de la Santé a estimé que toutes les populations seraient concernées
par les changements climatiques mais, dans un premier temps, les risques sanitaires entraînés
par ces changements varieraient sensiblement selon les régions et le mode de vie, les
populations des régions côtières, notamment des petits États insulaires en développement, et
celles des mégapoles et des régions montagneuses et polaires étant particulièrement
vulnérables, pour des raisons différentes
169
. La lutte contre la pollution atmosphérique figure
parmi les objectifs de développement durable adoptés par l’Assemblée générale dans le cadre
du Programme de développement durable à l’horizon 2030, les cibles 3.9 et 11.6 consistant
en particulier à réduire nettement le nombre de décès et de maladies dus à cette pollution et
à accorder une attention particulière à la qualité de l’air dans les villes
170
.
18) Les termes « peuvent inclure, inter alia » employés dans la deuxième phrase du
paragraphe 3 indiquent que les exemples donnés ne constituent pas nécessairement une liste
exhaustive. Ainsi qu’il ressort du rapport issu du Sommet mondial des peuples autochtones
sur les changements climatiques, les peuples autochtones sont les plus vulnérables aux
changements climatiques car ils vivent dans les régions les plus touchées par ces
changements et sont en général tout particulièrement désavantagés sur le plan
socioéconomique
171
. Les populations des pays les moins développés sont elles aussi
particulièrement à risque en ce qu’elles vivent souvent dans la pauvreté extrême, sans accès
aux infrastructures de base et à une protection médicale et sociale adéquate
172
. Quant aux
populations des zones de faible élévation et des petits États insulaires en développement
touchés par l’élévation du niveau de la mer, elles sont exposées au risque de diminution de
la surface terrestre, qui pourrait entraîner leur déplacement voire, dans certains cas, leur
migration forcée. Dans le droit fil du préambule de l’Accord de Paris, on considérera comme
particulièrement vulnérables non seulement les groupes expressément mentionnés au
paragraphe 3 du projet de directive 9, mais aussi les populations locales, les migrants, les
Organisation mondiale de la Santé, Protecting Health from Climate Change : Connecting Science,
Policy and People (Genève, 2009), p. 2.
169
Voir B. Lode, P. Schönberger et P. Toussaint, « Clean air for all by 2030 ? Air quality in the 2030
Agenda and in international law », Review of European, Comparative and International
Environmental Law, vol. 25 (2016), p. 27 à 38. Voir aussi les indicateurs correspondant à ces cibles
définis en 2016 (3.9.1 : taux de mortalité attribuable à la pollution de l’air dans les habitations et à la
pollution de l’air ambiant ; et 11.6.2 : niveau moyen annuel de particules fines dans les villes, pondéré
en fonction du nombre d’habitants).
170
Rapport du Sommet mondial des peuples autochtones sur le changement climatique tenu à Anchorage
(Alaska) du 20 au 24 avril 2009, p. 12. Voir R. L. Barsh, « Indigenous peoples », dans Bodansky et
al., The Oxford Handbook of International Environmental Law (note 21 supra), p. 829 à 852 ;
B. Kingsbury, « Indigenous peoples », dans R. Wolfrum (dir. publ.), The Max Planck Encyclopedia of
Public International Law (Oxford, Oxford University Press, 2012), vol. V, p. 116 à 133 ; et
H. A. Strydom, « Environment and indigenous peoples », dans ibid., vol. III, p. 455 à 461.
171
172
Plan d’action du Groupe de la Banque mondiale sur les changements climatiques, 7 avril 2016,
par. 104, disponible à l’adresse suivante http://pubdocs.worldbank.org/en/677331460056382875/
WBG-Climate-Change-Action-Plan-public-version.pdf.
48
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A/76/10
femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées, souvent gravement
touchées par la pollution et la dégradation atmosphériques
173
.
Directive 10
Mise en œuvre
1. La mise en œuvre en droit interne des obligations de droit international
relatives à la protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la
dégradation atmosphérique, y compris celles énoncées dans le présent projet de
directives, peut s’accomplir par les voies législative, administrative, judiciaire et par
d’autres voies.
2. Les États devraient s’efforcer de donner effet aux recommandations formulées
dans le présent projet de directives.
Commentaire
1) Le projet de directive 10 porte sur la mise en œuvre en droit interne des obligations
de droit international relatives à la protection de l’atmosphère contre la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique, le contrôle du respect de ces obligations au
niveau international étant traité dans le projet de directive 11. Ces deux projets de directives
sont interdépendants. Dans le projet de directive 10, le terme « mise en œuvre » s’applique
aux mesures que les États sont susceptibles d’adopter pour donner effet aux dispositions
conventionnelles au niveau national, notamment pour les transposer en droit interne
174
.
2) Les deux paragraphes du projet de directive concernent respectivement les obligations
existantes au regard du droit international et les recommandations figurant dans le projet de
directives.
3) Les termes « mise en œuvre en droit interne » renvoient aux mesures que les parties
sont susceptibles de prendre, conformément à leur constitution et à leur droit interne, pour
donner effet aux obligations internationales au niveau national
175
. La mise en œuvre en droit
interne peut s’accomplir de différentes manières, y compris par « les voies législative,
administrative, judiciaire et par d’autres voies ». La forme verbale « peut » reflète le caractère
discrétionnaire de cette disposition. L’expression « voie administrative » a été préférée à
« voie exécutive », parce qu’elle a une portée plus large, recouvrant la possibilité d’une mise
en œuvre à des niveaux inférieurs de l’administration de l’État. Les termes « d’autres voies »
englobent toutes les autres formes de mise en œuvre en droit interne. Les termes « mise en
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a formulé une
recommandation générale sur « les aspects de la réduction des risques de catastrophe et des
changements climatiques ayant trait à la problématique hommes-femmes », voir
www.ohchr.org/EN/HRBodies/CEDAW/Pages/ ClimateChange.aspx. Ce sont généralement les
femmes et les enfants, ainsi que les personnes âgées et les personnes handicapées, qui sont considérés
comme des personnes vulnérables. Voir Organisation mondiale de la Santé, Protecting Health from
Climate Change […] (note 169 supra) et le plan d’action du Groupe de la Banque mondiale sur les
changements climatiques (note 172 supra). La Convention interaméricaine de 2015 sur la protection
des droits de l’homme des personnes âgées (Assemblée générale de l’Organisation des États
américains, quarante-cinquième session ordinaire, Actes, vol. I (OEA/Ser.P/XLV-O.2), p. 11 à 38)
dispose, en son article 25 (droit à un environnement sain) que « [l]es personnes âgées ont le droit de
vivre dans un environnement sain et d’avoir accès aux services publics de base. À cette fin, les États
parties adoptent des mesures appropriées pour protéger et promouvoir l’exercice de ce droit,
notamment : a) pour favoriser l’épanouissement des personnes âgées au maximum de leur potentiel,
en harmonie avec la nature ; b) pour assurer l’accès des personnes âgées, dans des conditions
d’égalité avec les autres personnes, aux services publics de base en matière d’eau potable et
d’assainissement, entre autres ». [Traduction non officielle.]
173
174
Voir, de manière générale, P. Sands et J. Peel, avec A. Fabra et R. MacKenzie, Principles of
International Environmental Law, 4
e
éd. (Cambridge, Cambridge University Press, 2018), p. 146 à 196 ;
E. Brown Weiss et H. K. Jacobson (dir. publ.), Engaging Countries : Strengthening Compliance with
International Environmental Accords (Cambridge, Massachusetts, MIT Press, 1998), voir « A
framework for analysis », p. 1 à 18, à la page 4.
175
C. Redgwell, « National implementation », dans Bodansky et al., The Oxford Handbook of
International Environmental Law (voir supra la note 21), p. 923 à 947.
GE.21-11083
49
A/76/10
œuvre en droit interne » concernent aussi les obligations faites à des organisations régionales
telles que l’Union européenne
176
.
4) Le terme « obligations » employé au paragraphe 1 renvoie non pas à de nouvelles
obligations incombant aux États, mais aux obligations que le droit international fait déjà à
ceux-ci. C’est pourquoi le membre de phrase « y compris [les obligations] énoncées dans le
présent projet de directives » a été retenu, la formule « énoncées dans » visant à souligner
que le projet de directives ne crée pas en soi de nouvelles obligations et ne traite pas de
manière exhaustive des différents aspects du sujet.
5) Les projets de directive renvoient aux obligations relatives à la protection de
l’atmosphère contre la pollution et la dégradation atmosphériques que le droit international
met à la charge des États, à savoir l’obligation de protéger l’atmosphère (projet de
directive 3), l’obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement (projet
de directive 4) et l’obligation de coopérer (projet de directive 8)
177
. Ces obligations étant
imposées aux États, il est clair qu’elles doivent être fidèlement mises en œuvre.
6) La référence aux « recommandations formulées dans le présent projet de directives »,
au paragraphe 2, vise à distinguer ces recommandations des obligations visées au
paragraphe 1. Le terme « recommandations » a été jugé approprié parce qu’il était cohérent
avec le fait que, dans le texte anglais des projets de directive, c’est l’auxiliaire « should »
(devrait/devraient/il convient de) qui est utilisé
178
. Ce choix est sans préjudice de tout contenu
normatif qu’ont les projets de directive en droit international. Le paragraphe 2 dispose que
les États devraient s’efforcer de suivre les pratiques recommandées dans le projet de
directives.
7) De surcroît, même si les États ont parfois recours à l’application extraterritoriale du
droit interne dans la mesure où elle est autorisée en droit international
179
, il n’a pas été jugé
nécessaire d’aborder la question aux fins du présent projet de directives
180
. Il a été considéré
que l’application extraterritoriale du droit interne par un État donné soulevait diverses
questions complexes lourdes de conséquences sur les autres États et sur les relations
interétatiques.
Voir L. Krämer, « Regional economic integration organizations : the European Union as an
example », dans Bodansky et al., The Oxford Handbook of International Environmental Law
(note 21 supra), p. 854 à 877 (sur la mise en œuvre, p. 868 à 870).
176
Même l’obligation de coopérer suppose parfois une mise en œuvre en droit interne. Selon le
paragraphe 2 du projet de directive 8, « [c]ette coopération pourra prendre la forme d’un échange
d’informations et d’un suivi conjoint », ce qui nécessite généralement une législation nationale
d’application.
177
178
Voir, par exemple, les projets de directives 5, 6, 7, 9 et 12 (par. 2).
179
Parmi les précédents concernant l’application extraterritoriale du droit interne, on peut citer : a) les
affaires Thon-Dauphin dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
(L’« application extrajuridictionnelle » de la loi des États-Unis sur la protection des mammifères
marins ne relève pas des exceptions visées à l’article XX de l’Accord général, rapport du Groupe
spécial, États-Unis − Restrictions à l’importation de thon, DS21/R-39S/155, 3 septembre 1991
(affaire Thon-Dauphin I, rapport non adopté), par. 5.27 à 5.29 ; Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce, rapport du Groupe spécial, États-Unis − Restrictions à l’importation de
thon, DS29/R, 16 juin1994 (affaire Thon-Dauphin II, rapport non adopté), par. 5.32) ; b) l’affaire
Essence dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (Sur l’application
extraterritoriale de la loi des États-Unis relative à la lutte contre la pollution atmosphérique, OMC,
rapport de l’Organe d’appel, États-Unis − Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne
formules, WT/DS2/AB/R, 22 avril 1996) ; c) l’arrêt de la Cour de justice européenne, Air Transport
Association of America et autres v. Secretary of State for Energy and Climate, 21 décembre 2011
(Sur l’application extraterritoriale de la directive 2008/101/CE relative aux activités aériennes dans
l’Union européenne) ; d) la loi singapourienne de 2014 sur la pollution transfrontière par le smog,
qui prévoit une compétence extraterritoriale fondée sur le « principe territorial objectif » (Parlement
singapourien, Official Reports, n
o
12, session 2, 4 août 2014, par. 5 et 6). Voir Murase, « Perspectives
from international economic law on transnational environmental issues » (note 143 supra), p. 349 à
372.
180
Voir le cinquième rapport du Rapporteur spécial (A/CN.4/711), par. 31.
50
GE.21-11083
A/76/10
Directive 11
Contrôle du respect
1. Les États sont tenus de respecter leurs obligations en vertu du droit
international relatives à la protection de l’atmosphère contre la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique de bonne foi, y compris par le respect
des règles et procédures prévues dans les accords pertinents auxquels ils sont parties.
2. Pour assurer le contrôle du respect, des procédures de facilitation ou
d’exécution peuvent être utilisées, selon qu’il convient, conformément aux accords
pertinents :
a) Les procédures de facilitation peuvent notamment consister à fournir
une assistance aux États, en cas de non-respect, de manière transparente, non
accusatoire et non punitive, afin que les États concernés s’acquittent de leurs
obligations en vertu du droit international, compte tenu de leurs capacités et de leurs
conditions particulières ;
b) Les procédures d’exécution peuvent notamment consister à mettre en
garde contre une situation de non-respect, à supprimer les droits et privilèges que leur
confèrent les accords pertinents, ainsi qu’à imposer d’autres formes de mesures
d’exécution.
Commentaire
1) Le projet de directive 11, qui vient compléter le projet de directive 10 concernant la
mise en œuvre en droit interne, porte sur le contrôle du respect des engagements au niveau
international. L’expression « contrôle du respect » n’est pas toujours employée
uniformément dans les instruments internationaux ou dans la doctrine. Dans le présent projet
de directive, elle renvoie à des dispositifs ou des procédures institués au niveau international
pour vérifier que les États respectent bien les obligations conventionnelles ou les autres règles
de droit international mises à leur charge.
2) Le paragraphe 1 reflète, en particulier, le principe pacta sunt servanda. L’emploi de
l’expression « obligations en vertu du droit international » relativement à la protection de
l’atmosphère a pour but d’harmoniser le libellé du paragraphe 1 avec la formulation adoptée
dans l’ensemble du projet de directives. De surcroît, il a été considéré que le caractère général
de cette expression rendait mieux compte du fait que les règles conventionnelles constituant
des obligations peuvent, dans certains cas, lier uniquement les parties aux accords pertinents
et, dans d’autres, venir codifier ou cristalliser des règles de droit international coutumier ou
donner naissance à une pratique générale acceptée comme étant le droit
181
, engendrant ainsi
une nouvelle règle de droit international coutumier et, partant, emportant des effets juridiques
pour les États non parties. L’emploi des termes « accords pertinents » auxquels les États sont
parties vise à éviter de limiter la portée de la disposition aux accords multilatéraux relatifs à
l’environnement, sachant que les obligations dont il est question peuvent résulter d’autres
instruments
182
. En outre, de par son caractère général, le paragraphe 1 fait fonction
d’introduction du paragraphe 2.
3) Le paragraphe 2 concerne les procédures de facilitation ou d’exécution pouvant être
utilisées par les dispositifs de contrôle
183
. Le libellé du membre de phrase introductif, « [p]our
181
Voir la conclusion 11 des conclusions sur la détermination du droit international coutumier et le
commentaire y relatif, Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-treizième session,
Supplément n
o
10 (A/73/10), chap. V, p. 152 à 155.
Dans le cadre de cette prise en compte de la pratique des États seraient inclus par exemple les accords
commerciaux multilatéraux, régionaux ou autres qui peuvent comprendre des dispositions relatives à
la protection de l’environnement, y compris des dispositions prévoyant des exceptions, comme
l’article XX de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou même ce que l’on appelle
des « accords environnementaux annexes », comme l’Accord nord-américain de coopération dans le
domaine de l’environnement.
182
183
De nombreux accords environnementaux multilatéraux relatifs à la protection de l’atmosphère
prévoient des procédures applicables en cas de non-respect de leurs dispositions, notamment :
a) la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance et ses Protocoles
GE.21-11083
51
A/76/10
assurer le contrôle du respect », reprend la formulation employée dans les accords en vigueur
régissant les dispositifs de contrôle. La tournure « peuvent être utilisées, selon qu’il
convient » reflète la diversité des situations et des contextes dans lesquels des procédures de
facilitation ou d’exécution peuvent être engagées pour favoriser le respect des obligations.
La conjonction disjonctive « ou » indique que les procédures de facilitation et les procédures
d’exécution peuvent être considérées comme deux options distinctes par l’organe compétent
créé en vertu de l’accord en question. L’expression « conformément aux accords pertinents »,
placée à la fin de la phrase introductive, vise à souligner que les procédures de facilitation ou
d’exécution sont celles prévues par les accords auxquels les États sont parties et doivent être
menées conformément aux accords en vigueur.
4) Outre la phrase introductive, le paragraphe 2 comprend deux alinéas, a) et b). Dans
ces deux alinéas, la forme verbale « peuvent » a été placée avant « notamment consister à »
afin de donner aux États et à l’organe conventionnel compétent une marge d’appréciation
pour ce qui est d’engager les procédures de facilitation ou d’exécution existantes.
5) L’alinéa a) emploie les termes « en cas de non-respect
184
» et « les États concernés »,
évitant la tournure « États manquant à leurs obligations ». Les procédures de facilitation
peuvent consister à fournir une « assistance » aux États, car certains peuvent être disposés à
se conformer à leurs obligations, mais être incapables de le faire faute de moyens.
La facilitation est donc apportée de manière transparente, non accusatoire et non punitive,
dans l’objectif d’aider les États concernés à s’acquitter des obligations mises à leur charge
par le droit international
185
. La précision contenue dans la dernière partie de la phrase,
« compte tenu de leurs capacités et de leurs conditions particulières », a été jugée nécessaire
compte tenu du fait que les pays en développement et les pays les moins avancés se heurtent
souvent à des problèmes particuliers dans l’exécution de leurs obligations en matière de
protection de l’environnement. Ces problèmes tiennent surtout à un manque général de
moyens, qui peut parfois être atténué par un appui extérieur aidant les pays en question à
renforcer leurs capacités et ainsi à mieux s’acquitter des obligations que leur fait le droit
international.
6) L’alinéa b) traite des procédures d’exécution, qui peuvent notamment consister à
mettre en garde contre une situation de non-respect, à supprimer les droits et privilèges que
confèrent aux parties les accords pertinents et à imposer d’autres formes de mesures
ultérieurs : voir E. Milano, « Procedures and mechanisms for review of compliance under the 1979
Long-Range Transboundary Air Pollution Conventions and its Protocols », dans T. Treves et al.
(dir. publ.), Non-Compliance Procedures and Mechanisms and the Effectiveness of International
Environmental Agreements (La Haye, T.M.C. Asser Press, 2009), p. 169 à 180 ; b) le Protocole de
Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 1522, n
o
26369, p. 3, et UNEP/OzL.Pro.4/15) ; F. Lesniewska, « Filling the holes : the
Montreal Protocol’s non-compliance mechanisms », dans Fitzmaurice, Ong et Merkouris (dir. publ.),
Research Handbook on International Environmental Law (voir supra la note 21), p. 471 à 489 ; c) la
Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière ; d) le
Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la
décision 24/CP.7 (FCCC/CP/2001/13/Add.3) ; J. Brunnée, « Climate change and compliance and
enforcement processes », dans R. Rayfuse et S. V. Scott (dir. publ.), International Law in the Era of
Climate Change (Cheltenham, Edward Elgar, 2012), p. 290 à 320 ; e) l’Accord de Paris ;
D. Bodansky, « The Paris Climate Change Agreement : a new hope ? », American Journal of
International Law, vol. 110 (2016), p. 288 à 319.
184
La formule est inspirée de l’article 8 du Protocole de Montréal relatif à des substances qui
appauvrissent la couche d’ozone, qui emploie l’expression « Parties contrevenantes » (Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 1522, n
o
26369, p. 48).
185
M. Koskenniemi, « Breach of treaty or non-compliance ? Reflections on the enforcement of the
Montreal Protocol », Yearbook of International Environmental Law, vol. 3 (1992), p. 123 à 162 ;
D. G. Victor, « The operation and effectiveness of the Montreal Protocol’s non-compliance
procedure », dans Victor, K. Raustiala et E. B. Skolnikoff (dir. publ.), The Implementation and
Effectiveness of International Environmental Commitments : Theory and Practice (Cambridge,
Massachusetts, MIT Press, 1998), p. 137 à 176 ; O. Yoshida, The International Legal Regime for the
Protection of the Stratospheric Ozone Layer (La Haye, Kluwer Law International, 2001), p. 178 et
179 ; Dupuy et Viñuales, International Environmental Law (voir supra la note 163), p. 285 et suiv.
52
GE.21-11083
A/76/10
d’exécution
186
. À la différence des procédures de facilitation, les procédures d’exécution
visent à assurer le respect des obligations en sanctionnant l’État. À la fin de la phrase, les
termes « mesures d’exécution » ont été préférés à celui de « sanctions », qui peut avoir une
connotation négative. Les procédures d’exécution visées à l’alinéa b) ne doivent pas être
comprises comme faisant référence à la responsabilité internationale des États, et devraient
donc être adoptées uniquement dans le but de ramener les États qui ne le font pas à respecter
les obligations qui leur sont faites conformément aux accords pertinents auxquels ils sont
parties, visés dans la phrase introductive du paragraphe 2
187
.
Directive 12
Règlement des différends
1. Les différends entre États relatifs à la protection de l’atmosphère contre la
pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique doivent être réglés par des
moyens pacifiques.
2. Ces différends pouvant présenter une grande complexité factuelle et une
dimension scientifique marquée, une attention toute particulière devrait être accordée
au recours à des experts scientifiques et techniques.
Commentaire
1) Le projet de directive 12 concerne le règlement des différends. Son paragraphe 1
énonce l’obligation générale faite aux États de régler leurs différends par des moyens
pacifiques. Les termes « entre États » viennent préciser que les différends visés dans ce
paragraphe sont les différends interétatiques. Si le paragraphe ne fait pas référence au
paragraphe 1 de l’Article 33 de la Charte des Nations Unies, l’intention n’est pas pour autant
de minimiser l’importance des divers moyens de règlement pacifique des différends
énumérés dans cet article, notamment la négociation, l’enquête, la médiation, la conciliation,
l’arbitrage, le règlement judiciaire et le recours à tous autres moyens pacifiques pouvant avoir
la préférence des États concernés, ni l’importance du principe du choix des moyens de
règlement
188
. Le paragraphe 1 n’est pas destiné à interférer avec les dispositions relatives au
règlement des différends établies par les régimes conventionnels, qui conservent leurs
modalités de fonctionnement, ni à s’y substituer. Son objectif principal est de réaffirmer le
principe du règlement pacifique des différends
189
et de servir de base au paragraphe 2.
2) La première partie du paragraphe 2 tient compte du fait que les différends liés à la
protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la dégradation
atmosphérique peuvent présenter une « grande complexité factuelle » et une « dimension
scientifique marquée ». Si, d’un côté, le développement progressif du droit international
G. Ulfstein et J. Werksman, « The Kyoto compliance system : towards hard enforcement », dans
O. Schram Stokke, J. Hovi et G. Ulfstein (dir. publ.), Implementing the Climate Change Regime :
International Compliance (Londres, Earthscan, 2005), p. 39 à 62 ; S. Urbinati, « Procedures and
mechanisms relating to compliance under the 1997 Kyoto Protocol to the 1992 United Nations
Framework Convention on Climate Change », dans Treves et al., Non-Compliance Procedures and
Mechanisms and the Effectiveness of International Environmental Agreements (voir supra la
note 183,), p. 63 à 84 ; S. Murase, « International lawmaking for the future framework on climate
change : a WTO/GATT model », dans Murase, International Law : An Integrative Perspective on
Transboundary Issues (voir supra la note 143), p. 173 et 174.
186
G. Loibl, « Compliance procedures and mechanisms », dans Fitzmaurice, Ong et Merkouris
(dir. publ.), Research Handbook on International Environmental Law (note 21 supra), p. 426 à 449,
aux pages 437 à 439.
187
188
C. Tomuschat, « Article 33 », dans B. Simma et al. (dir. publ.), The Charter of the United Nations :
A Commentary, 3
e
éd., vol. 1 (Oxford, Oxford University Press, 2012), p. 1069 à 1085 ; H. Ascensio,
« Article 33 », dans J.-P. Cot, A. Pellet, M. Forteau (dir. publ.), La Charte des Nations Unies, 3
e
éd.
(Economica, 2005), p. 1047 à 1060.
189
N. Klein, « Settlement of international environmental law disputes », dans Fitzmaurice, Ong et
Merkouris (dir. publ.), Research Handbook on International Environmental Law (note 21 supra),
p. 379 à 400 ; C. P. R. Romano, « International dispute settlement », dans Bodansky et al., The
Oxford Handbook of International Environmental Law (note 21 supra), p. 1037 à 1056.
GE.21-11083
53
A/76/10
relatif à la protection de l’atmosphère s’est largement appuyé sur la science
190
, de l’autre, ces
dernières années, le règlement des différends internationaux a nécessité l’examen de
questions scientifiques et techniques plus complexes qu’avant. Ainsi, les juridictions
internationales ont été de plus en plus amenées à connaître d’affaires reposant sur des
éléments de preuve d’une nature hautement technique et scientifique
191
. Comme en témoigne
l’expérience acquise dans le domaine des différends interétatiques relatifs à l’environnement,
il est souvent nécessaire, pour apprécier ce type d’éléments, de disposer de connaissances
spécialisées permettant de replacer l’objet du litige dans son contexte ou d’en saisir
pleinement la portée.
3) Les affaires de droit international de l’environnement nécessitant l’examen de
questions scientifiques pointues dont la Cour internationale de Justice a récemment été
saisie
192
font apparaître, directement ou indirectement, que le règlement des différends relatifs
Voir S. Murase, « Scientific knowledge and the progressive development of international law : with
reference to the ILC topic on the protection of the atmosphere », dans J. Crawford et al. (dir. publ.),
The International Legal Order : Current Needs and Possible Responses : Essays in Honour of
Djamchid Momtaz (Leyde, Brill Nijhoff, 2017), p. 41 à 52.
190
Voir le discours prononcé le 28 octobre 2016 par le Président de la Cour internationale de Justice,
Ronny Abraham, devant la Sixième Commission (sur les affaires relatives au droit international de
l’environnement devant la Cour) (disponible à l’adresse suivante : www.icj-cij.org/en/statements-bythe-president)
;
et
celui
prononcé
par
le
Président
Tomka,
«
The
ICJ
in
the
service
of
peace
and
justice
−
words
of
welcome
by
President
Tomka
»,
le
27
septembre
2013
(disponible à
l’adresse
suivante
:
https://www.icj-cij.org/en/statements-by-the-president).
Voir
aussi
E.
Valencia-Ospina,
«
Evidence
before
the
International
Court
of
Justice
»,
International
Law,
Forum
du
droit
international,
vol.
1
(1999),
p.
202
à
207
;
A.
Riddell,
«
Scientific
evidence
in
the
International
Court
of
Justice
−
problems
and
possibilities
»,
Finnish
Yearbook
of
International
Law,
vol.
20
(2009),
p.
229
à
258
;
B.
Simma,
«
The
International
Court
of
Justice
and
scientific
expertise
»,
American
Society
of
International
Law
Proceedings,
vol.
106
(2012),
p.
230
à
233
;
A.
Riddell
et
B.
Plant,
Evidence
Before
the
International
Court
of
Justice
(Londres,
British
Institute
of
International
and
Comparative
Law,
2009),
chap.
9
;
G.
Niyungeko,
La
preuve
devant
les
juridictions
internationales
(Bruxelles,
Bruylant,
2005).
191
192
Dans l’affaire du Projet Gabčíkovo-Nagymaros (1997) (voir supra la note 84) et celle des Usines de
pâte à papier (2010) (voir supra la note 79), les parties ont suivi la méthode habituelle de présentation
des éléments de preuve et eu recours à des conseils-experts. Toutefois, ceux-ci étaient des
scientifiques et non des avocats. Leur expertises ont été versées au dossier, ce qui a soulevé la critique
de certains juges (Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt, opinion individuelle de
M. le juge Greenwood, par. 27 et 28, et opinion dissidente commune de MM. les juges Al-Khasawneh
et Simma, par. 6) et commentateurs. Dans l’affaire des Épandages aériens d’herbicides (retirée du
rôle en 2013) (Épandages aériens d’herbicides (Équateur c. Colombie), ordonnance du 13 septembre
2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 278), celle de la Chasse à la baleine dans l’Antarctique (2014) (Chasse
à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; New Zélande (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil
2014, p. 226) et celle de la Construction d’une route (2015) (voir supra la note 58), les parties ont
désigné des experts indépendants qui, dans les deux derniers cas, ont été contre-interrogés, ce qui a
donné à leur déposition davantage de poids que s’ils étaient intervenus en qualité de conseils-experts.
Dans aucune de ces affaires, la Cour n’a désigné ses propres experts, comme elle aurait pu le faire
conformément à l’article 50 de son statut. Ce n’est que dans l’affaire de la Délimitation maritime, qui
ne concerne toutefois pas en soi le droit de l’environnement, qu’elle a eu recours à cette pratique
(Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) et
Frontière terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2018, p. 139). Si elle y fait parfois référence en des termes abstraits, la Cour
internationale de Justice évite généralement de s’étendre sur la question du critère de preuve, se
laissant le soin de l’apprécier souverainement. Dans les affaires dans lesquelles elle est amenée à
apprécier des éléments factuels et techniques complexes, comme celles qui concernent des questions
de droit de l’environnement, il peut arriver qu’elle applique au critère moins rigoureux, s’il convient,
et se prononce après avoir simplement apprécié les éléments présentés par les parties. Voir, par
exemple, l’opinion individuelle du juge Greenwood concernant l’arrêt Usines de pâte à papier sur le
fleuve Uruguay (par. 26), dans laquelle il est dit que, en pareilles affaires, la partie à qui incombe la
charge de la preuve n’est tenue d’établir les faits qu’elle avance « qu’en termes de probabilité la plus
forte (on parle parfois de prééminence de la preuve) ». Voir aussi K. Del Mar, « The International
Court of Justice and standards of proof », dans K. Bannelier, T. Christakis et S. Heathcote (dir. publ.),
The ICJ and the Evolution of International Law: the enduring impact of the Corfu Channel case
54
GE.21-11083
A/76/10
à la protection de l’atmosphère a des caractéristiques propres. C’est pourquoi, comme il est
souligné au paragraphe 2, « une attention toute particulière » doit être accordée au recours à
des experts scientifiques et techniques
193
. Ce paragraphe a essentiellement pour objet de mettre
l’accent sur le recours aux experts scientifiques et techniques dans le contexte du règlement,
judiciaire ou autre, des différends interétatiques
194
.
4) Pour ce projet de directive, la Commission a toutefois décidé de s’en tenir à une
formulation simple et de ne pas traiter d’autres questions éventuellement pertinentes, comme,
les principes jura novit curia (le juge connaît le droit) et non ultra petita (ne pas accorder
plus que ce qui est demandé)
195
.
(Abingdon, Routledge, 2012), p. 98 à 123, aux pages 99 et 100 ; A. Rajput, « Standard of proof »,
dans Max Planck Encylopedia of Public International Law (actualisé en 2021).
Voir D. Peat, « The use of court-appointed experts by the International Court of Justice », British
Yearbook of International Law, vol. 84 (2014), p. 271 à 303 ; J. G. Devaney, Fact-finding before the
International Court of Justice (Cambridge, Cambridge University Press, 2016) ; C. E. Foster, Science
and the Precautionary Principle in International Courts and Tribunals : Expert Evidence, Burden of
Proof and Finality (Cambridge, Cambridge University Press, 2011), p. 77 à 135 ; Special edition on
courts and tribunals and the treatment of scientific issues, Journal of International Dispute Settlement,
vol. 3 (2012) ; C. Tams, « Article 50 » et « Article 51 », dans A. Zimmermann et al. (dir. publ.),
The Statute of the International Court of Justice : A Commentary (Oxford, Oxford University Press,
2012), p. 1287 à 1311 ; C. E. Foster, « New clothes for the emperor ? Consultation of experts by the
International Court of Justice », Journal of International Dispute Settlement, vol. 5 (2014), p. 139
à 173 ; J. E. Viñuales, « Legal techniques for dealing with scientific uncertainty in environmental
law », Vanderbilt Journal of Transnational Law, vol. 43 (2010), p. 437 à 504, aux pages 476 à 480 ;
G. Gaja, « Assessing expert evidence in the ICJ », The Law and Practice of International Courts and
Tribunals, vol. 15 (2016), p. 409 à 418.
193
Il faut rappeler que les modes judiciaires et non judiciaires de règlement des différends sont
étroitement liés. Lorsque le différend porte sur l’environnement et en particulier sur la protection de
l’atmosphère, même au stade des négociations initiales, les États doivent souvent disposer de preuves
scientifiques solides pour étayer leurs prétentions. Autrement dit, la négociation n’est jamais très loin
du règlement juridictionnel.
194
195
Selon le principe jura novit curia, la Cour peut en principe appliquer toute règle de droit pertinente
aux faits dont elle est saisie et a toute latitude pour apprécier les éléments de preuve et en tirer des
conclusions (dès lors qu’elle se conforme au principe non ultra petita). Parce qu’elle a le pouvoir de
dire le droit, elle doit suffisamment comprendre le sens de chaque point technique. Voir le discours du
juge Abdulqawi Yusuf, Président de la Cour internationale de Justice, sur le recours à des experts
désignés par la Cour en vertu de l’article 50 du Statut, prononcé devant la Sixième Commission de
l’Assemblée générale le 26 octobre 2018 (disponible à l’adresse suivante : www.icj-cij.org/en/
statements-by-the-president). La frontière entre le « fait » et le « droit » est souvent floue (M. Kazazi,
Burden of Proof and Related Issues : A Study on Evidence before International Tribunals (La Haye,
Kluwer Law International, 1996), p. 42 à 49. Les questions scientifiques sont décrites par certains
commentateurs comme « des questions mélangées de droit et de fait » (par exemple,
C. F. Amerasinghe, Evidence in International Litigation (Leyde, Martinus Nijhoff Publishers, 2005),
p. 58), qu’il est difficile de ranger dans l’une ou l’autre catégorie. Le juge Yusuf a estimé dans la
déclaration qu’il a faite dans l’affaire des Usines de pâte à papier que les experts avaient pour rôle
d’élucider les faits et de vérifier la validité scientifique des méthodes utilisées pour établir certains
faits ou recueillir des données, tandis qu’il appartenait à la Cour d’évaluer la force probante des faits
(Usines de pâte à papier (note 79 supra), Déclaration du juge Yusuf, par. 10). Voir aussi Foster,
Science and the Precautionary Principle in International Courts and Tribunals : Expert Evidence,
Burden of Proof and Finality (note 193 supra), p. 145 à 147.
GE.21-11083
55
Nations Unies
A/RES/76/112
Assemblée générale
Distr. générale
17 décembre 2021
Soixante-seizième session
Point 82 de l’ordre du jour
Rapport de la Commission du droit international
sur les travaux de sa soixante-douzième session
Résolution adoptée par l’Assemblée générale
le 9 décembre 2021
[sur la base du rapport de la Sixième Commission (A/76/473, par. 12)]
76/112. Protection de l’atmosphère
L’Assemblée générale,
Ayant examiné le chapitre IV du rapport de la Commission du droit international
sur les travaux de sa soixante-douzième session
1
, o iigure le texte du projet de
préambule et des projets de directive sur la protection de l’atmosphère,
Prenant acte de la recommandation iormulée par la Commission du droit
international au paragraphe 37 de son rapport,
Soulignant que la codiiication et le développement progressii du droit
international, envisagés à l’alinéa a du paragraphe 1 de l’Article 13 de la Charte des
Nations Unies, conservent toute leur importance,
Notant que la question de la protection de l’atmosphère est de toute première
importance pour les relations internationales,
1. Se félicite que la Commission du droit international ait achevé ses travaux
sur la protection de l’atmosphère et adopté le projet de préambule et les projets de
directive sur ce sujet, ainsi que les commentaires y relatiis
2
;
2. Exprime sa satisfaction à la Commission du droit international pour le
concours qu’elle continue d’apporter à la codiiication et au développement progressii
du droit international ;
__________________
1
Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-seizième session, Supplément n
o
10
(A/76/10).
2
Ibid., par. 39 et 40.
El
21-18668 (F) 221221 271221
recycler@
*2118668*
Merci de
t
A/RES/76/112
Protection de l’atmosphère
3. Prend acte des observations et commentaires iormulés sur le sujet lors des
débats de la Sixième Commission, notamment à sa soixante-seizième session
3
, après
que la Commission du droit international a achevé l’examen de cette question,
coniormément à son statut ;
4. Prend acte également du préambule et des directives sur la protection de
l’atmosphère, dont le texte est annexé à la présente résolution, avec les commentaires
y relatiis, les porte à l’attention des États, des organisations internationales et de toute
entité pouvant être amenée à s’intéresser au sujet, et recommande qu’ils soient
diiiusés le plus largement possible.
e
49
séance plénière
9 décembre 2021
Annexe
Directives sur la protection de l’atmosphère
Préambule
Consciente que l’atmosphère est une ressource naturelle, d’une capacité
d’assimilation limitée, indispensable à la vie sur terre, à la santé et au bien -être de
l’homme, et aux écosystèmes aquatiques et terrestres,
Ayant à l’esprit que des substances polluantes et des substances de dégradation
sont transportées et propagées dans l’atmosphère,
Considérant que la pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique
sont un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière,
Consciente de la situation et des besoins particuliers des pays en développement,
Constatant qu’il existe une interaction étroite entre l’atmosphère et les océans,
Constatant notamment la situation particulière dans laquelle les zones côtières
de iaible élévation et les petits États insulaires en développement se trouvent du iait
de l’élévation du niveau de la mer,
Reconnaissant qu’il convient de tenir pleinement compte du iait qu’il e st dans
l’intérêt des générations iutures de préserver durablement la qualité de l’atmosphère,
Rappelant que les présentes directives ont été élaborées à la condition qu’elles
ne viseraient ni à empiéter sur les négociations politiques pertinentes ni à im poser aux
régimes conventionnels actuels des règles ou des principes qui n’y iigurent pas déjà,
Directive 1
Définitions
Aux iins des présentes directives :
a) On entend par « atmosphère » l’enveloppe gazeuse qui entoure la Terre ;
b) On entend par « pollution atmosphérique » l’émission ou le rejet dans
l’atmosphère par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie
contribuant à des eiiets nociis signiiicatiis qui s’étendent au -delà de l’État d’origine
__________________
3
Voir A/C.6/76/SR.16, A/C.6/76/SR.17, A/C.6/76/SR.18, A/C.6/76/SR.19, A/C.6/76/SR.20,
A/C.6/76/SR.21, A/C.6/76/SR.22, A/C.6/76/SR.23, A/C.6/76/SR.24, A/C.6/76/SR.25 et
A/C.6/76/SR.29. Le texte intégral des déclarations iaites à la Sixième Commission peut être
consulté (dans la langue originale) sur le site Web de la Sixième Commission
(www.un.org/ir/ga/sixth/).
21-18668
2/5
Protection de l’atmosphère
A/RES/76/112
et qui sont de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme et
l’environnement naturel de la Terre ;
c) On entend par « dégradation atmosphérique » toute altération par
l’homme, directement ou indirectement, des conditions atmosphériques, qui a des
eiiets nociis signiiicatiis de nature à mettre en danger la vie et la santé de l’homme
et l’environnement naturel de la Terre.
Directive 2
Champ d’application
1. Les présentes directives concernent la protection de l’atmosphère contre la
pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
2. Les présentes directives ne traitent pas et sont sans préjudice des questions
relatives au principe « pollueur-payeur », au principe de précaution et au principe des
responsabilités communes mais diiiérenciées.
3. Rien dans les présentes directives ne remet en cause le statut de l’espace aérien
en vertu du droit international ni les questions relatives à l’espace
extra-atmosphérique, y compris sa délimitation.
Directive 3
Obligation de protéger l’atmosphère
Les États ont l’obligation de protéger l’atmosphère en iaisant preuve de la
diligence requise dans l’adoption de mesures appropriées, coniormément aux règles
de droit international applicables, en vue de prévenir, réduire ou maîtriser la pollution
atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
Directive 4
Évaluation de l’impact sur l’environnement
Les États ont l’obligation de veiller à ce qu’il soit procédé à une évaluation de
l’impact sur l’environnement des activités projetées relevant de leur juridiction ou
contrôle qui sont susceptibles d’avoir un impact préjudiciable important sur
l’atmosphère en termes de pollution atmosphérique ou de dégradation atmosphérique.
Directive 5
Utilisation durable de l’atmosphère
1. Dans la mesure o l’atmosphère est une ressource naturelle d’une capacité
d’assimilation limitée, son utilisation devrait être entreprise de manière durable.
2. L’utilisation durable de l’atmosphère inclut le besoin de concilier le
développement économique et la protection de l’atmosphère.
Directive 6
Utilisation équitable et raisonnable de l’atmosphère
L’atmosphère devrait être utilisée d’une manière équitable et raisonnable, en
tenant pleinement compte des intérêts des générations présentes et iutures.
Directive 7
Modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère
Les activités visant à la modiiication intentionnelle à grande échelle de
l’atmosphère ne devraient être menées qu’avec prudence et précaution, et sous réserve
21-18668
3/5
A/RES/76/112
Protection de l’atmosphère
de toute règle applicable de droit international, y compris les règles relatives à
l’évaluation de l’impact sur l’environnement.
Directive 8
Coopération internationale
1. Les États ont l’obligation de coopérer, selon qu’il convient, entre eux et avec
les organisations internationales pertinentes pour protéger l’atmosphère contre la
pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique.
2. Les États devraient coopérer ensemble au développement des connaissances
scientiiiques et techniques sur les causes et les répercussions de la pollution
atmosphérique et de la dégradation atmosphérique. Cette coopération pourrait prendre
la iorme d’un échange d’iniormations et d’un suivi conjoint.
Directive 9
Relations entre règles pertinentes
1. Les règles de droit international relatives à la protection de l’atmosphère et les
autres règles de droit international pertinentes, y compris, inter alia, les règles du
droit international du commerce et de l’investissement, du droit de la mer et du droit
international des droits de l’homme, devraient, dans la mesure du possible, être
déterminées, interprétées et appliquées de manière à iaire apparaître un ensemble
unique d’obligations compatibles, en coniormité avec les principes de
l’harmonisation et de l’intégration systémique et dans l’objectii d’éviter les conilits.
Cela devrait être iait coniormément aux règles pertinentes énoncées dans la Convention
de Vienne sur le droit des traités, notamment à l’article 30 et au paragraphe 3 c) de
l’article 31, ainsi qu’aux principes et règles du droit international coutumier.
2. Les États devraient, dans la mesure du possible, lorsqu’ils élaborent de
nouvelles règles de droit international concernant la protection de l’atmosphère et
d’autres règles pertinentes du droit international, s’eiiorcer de le iaire de manière
harmonieuse.
3. Aux iins de l’application des paragraphes 1 et 2, les États devraient prêter une
attention particulière aux personnes et aux groupes particulièrement vulnérables à la
pollution et la dégradation atmosphériques. Ces groupes peuvent inclure, inter alia,
les peuples autochtones, les populations des pays les moins avancés et les populations
des zones côtières de iaible élévation et des petits États insulaires en développement
touchés par l’élévation du niveau de la mer.
Directive 10
Mise en œuvre
1. La mise en œuvre en droit interne des obligations de droit international relatives
à la protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la dégradation
atmosphérique, y compris celles énoncées dans les présentes directives, peut
s’accomplir par les voies législative, administrative, judiciaire et par d’autres voies.
2. Les États devraient s’eiiorcer de donner eiiet aux recommandations iormulées
dans les présentes directives.
Directive 11
Contrôle du respect
1. Les États sont tenus de respecter leurs obligations en vertu du droit international
relatives à la protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la
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Protection de l’atmosphère
A/RES/76/112
dégradation atmosphérique de bonne ioi, y compris par le respect des règles et
procédures prévues dans les accords pertinents auxquels ils sont parties.
2. Pour assurer le contrôle du respect, des procédures de iacilitation ou d’exécution
peuvent être utilisées, selon qu’il convient, coniormément aux acc ords pertinents :
a) Les procédures de iacilitation peuvent notamment consister à iournir une
assistance aux États, en cas de non-respect, de manière transparente, non accusatoire
et non punitive, aiin que les États concernés s’acquittent de leurs obligations en vertu du
droit international, compte tenu de leurs capacités et de leurs conditions particulières ;
b) Les procédures d’exécution peuvent notamment consister à mettre en
garde contre une situation de non-respect, à supprimer les droits et privilèges que leur
conièrent les accords pertinents, ainsi qu’à imposer d’autres iormes de mesures d’exécution.
Directive 12
Règlement des différends
1. Les diiiérends entre États relatiis à la protection de l’atmosphère contre la
pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique doivent être réglés par des
moyens paciiiques.
2. Ces diiiérends pouvant présenter une grande complexité iactuelle et une
dimension scientiiique marquée, une attention toute particulière devrait être accordée
au recours à des experts scientiiiques et techniques.
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PARTIE IV (B) : Protection de l'atmosphère