COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Résumé
Non officiel
Résumé 2023/4
Le 6 avril 2023
Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela) Résumé de l’arrêt du 6 avril 2023
Rappel de la procédure (par. 1-27)
La Cour commence par rappeler que, le 29 mars 2018, le Gouvernement de la République coopérative du Guyana (ci-après le «Guyana») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre la République bolivarienne du Venezuela (ci-après le «Venezuela») au sujet d’un différend concernant «la validité juridique et l’effet contraignant de la sentence arbitrale du 3 octobre 1899 relative à la frontière entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis du Venezuela» (ci-après la «sentence de 1899» ou la «sentence»). Dans sa requête, le Guyana entendait fonder la compétence de la Cour, en vertu du paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de celle-ci, sur le paragraphe 2 de l’article IV de l’«accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique», signé à Genève le 17 février 1966 (ci-après l’«accord de Genève» ou l’«accord»). Il expliquait que, conformément à cette dernière disposition, le Guyana et le Venezuela avaient «simultanément conféré au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies le pouvoir de choisir le moyen de règlement du différend [et que] celui-ci en a[vait] fait usage le 30 janvier 2018, optant pour le règlement judiciaire par la Cour».
Le 18 juin 2018, le Venezuela a indiqué qu’il considérait que la Cour n’avait pas compétence pour connaître de l’affaire et annoncé qu’il ne prendrait pas part à l’instance. La Cour a estimé que, dans les circonstances de l’espèce, il était en premier lieu nécessaire de régler la question de sa compétence et que, en conséquence, elle devrait statuer séparément, avant toute procédure sur le fond, sur cette question. Par ordonnance du 19 juin 2018, la Cour a fixé les délais pour le dépôt du mémoire du Guyana et du contre-mémoire du Venezuela portant sur la question de la compétence de la Cour. Bien qu’il n’ait pas déposé de contre-mémoire sur la question de la compétence de la Cour dans le délai fixé à cet effet, le Venezuela a, le 28 novembre 2019, soumis à la Cour un document intitulé «Mémorandum de la République bolivarienne du Venezuela sur la requête déposée par la République coopérative du Guyana auprès de la Cour internationale de Justice le 29 mars 2018». Le Venezuela n’a pas davantage participé à l’audience tenue le 30 juin 2020 sur la question de la compétence de la Cour, mais a transmis ses observations écrites sur les arguments présentés par le Guyana lors de cette audience.
Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 18 décembre 2020 (ci-après l’«arrêt de 2020»), la Cour a dit qu’elle avait compétence pour connaître de la requête déposée par le Guyana le 29 mars 2018 dans la mesure où elle se rapporte à la validité de la sentence du 3 octobre 1899 et à la question connexe du règlement définitif du différend concernant la frontière terrestre entre le Guyana et le Venezuela.
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Elle a également dit qu’elle n’avait pas compétence pour connaître des demandes du Guyana qui sont fondées sur des faits survenus après la signature de l’accord de Genève.
Le 7 juin 2022, dans le délai prescrit par le paragraphe 1 de l’article 79bis du Règlement de la Cour, le Venezuela a soulevé des exceptions préliminaires qu’il a qualifiées d’exceptions d’irrecevabilité de la requête. Bien que le Venezuela se réfère, dans ses conclusions finales, aux «exceptions préliminaires» au pluriel, la Cour estime que celui-ci ne soulève, en substance, qu’une seule exception préliminaire, fondée sur l’argument selon lequel le Royaume-Uni est une tierce partie indispensable sans le consentement de laquelle la Cour ne saurait statuer sur le différend.
I. CONTEXTE HISTORIQUE ET FACTUEL (PAR. 28-52)
La Cour revient sur le contexte historique et factuel de l’affaire, tel qu’exposé dans son arrêt du 18 décembre 2020. A l’époque où le différend porté devant elle a pris naissance, le Guyana était encore une colonie britannique connue sous le nom de Guyane britannique. Il a obtenu son indépendance du Royaume-Uni le 26 mai 1966. La Cour explique ensuite que le différend entre le Guyana et le Venezuela s’inscrit dans une série d’événements remontant à la seconde moitié du XIXe siècle qu’elle évoque ensuite plus en détail.
A. Le traité de Washington de 1897 et la sentence de 1899 (par. 30-33)
La Cour rappelle que, au XIXe siècle, le Royaume-Uni et le Venezuela ont tous deux revendiqué le territoire situé entre l’embouchure du fleuve Essequibo, à l’est, et l’Orénoque, à l’ouest. Dans les années 1890, les Etats-Unis d’Amérique ont encouragé les deux parties à soumettre leurs revendications territoriales à un arbitrage. Le 2 février 1897 a été signé, à Washington, un traité d’arbitrage dénommé «Traité entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis du Venezuela relatif au règlement de la question de la frontière entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis du Venezuela» (ci-après le «traité de Washington»).
Le tribunal arbitral constitué en vertu de ce traité a rendu sa sentence le 3 octobre 1899. Cette décision accordait la totalité de l’embouchure de l’Orénoque, ainsi que les terres situées de part et d’autre de celle-ci, au Venezuela, et attribuait au Royaume-Uni les terres se trouvant à l’est, jusqu’à l’Essequibo. L’année suivante, une commission conjointe anglo-vénézuélienne a été chargée de réaliser la démarcation de la frontière établie par la sentence de 1899. Elle s’est acquittée de cette tâche entre novembre 1900 et juin 1904. Le 10 janvier 1905, à l’issue de la démarcation de la frontière, les commissaires britanniques et vénézuéliens ont établi une carte officielle du tracé de la frontière, et signé un accord reconnaissant, entre autres, l’exactitude des coordonnées des points énumérés.
B. Le rejet de la sentence de 1899 par le Venezuela et la recherche d’un règlement du différend (par. 34-38)
La Cour expose que, le 14 février 1962, le Venezuela a fait savoir au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies qu’il considérait qu’il existait un différend entre lui et le Royaume-Uni «concernant la démarcation de la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique», que la sentence de 1899 avait été «le fruit d’une transaction politique conclue dans le dos du Venezuela et sacrifiant ses droits légitimes» et qu’il ne saurait donc reconnaître cette sentence.
Le Gouvernement du Royaume-Uni a quant à lui affirmé que «la frontière occidentale de la Guyane britannique et du Venezuela a[vait] fait l’objet d’un règlement définitif par la sentence que le tribunal d’arbitrage a[vait] rendue le 3 octobre 1899», et qu’il ne pouvait «accepter aucune
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discussion sur une question que la sentence a[vait] réglée». Il s’est toutefois déclaré ouvert à des discussions, par la voie diplomatique.
Le 16 novembre 1962, avec l’assentiment des représentants du Royaume-Uni et du Venezuela, le président de la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies a annoncé que les gouvernements des deux Etats (celui du Royaume-Uni agissant avec le plein accord de celui de la Guyane britannique) s’engageraient dans l’examen de la «documentation» se rapportant à la sentence de 1899 (ci-après l’«examen tripartite»). Cet examen tripartite a duré de 1963 à 1965. Il s’est achevé le 3 août 1965 avec l’échange de rapports d’expertise. Alors que les experts du Venezuela continuaient de considérer que la sentence était nulle et non avenue, celui du Royaume-Uni estimait qu’il n’existait aucune preuve à l’appui de cette position.
C. La signature de l’accord de Genève (par. 39-43)
La Cour rappelle ensuite que, après l’échec des discussions tenues à Londres, les trois délégations se sont réunies de nouveau à Genève en février 1966 et qu’elles sont parvenues le 17 février 1966 à la signature de l’accord de Genève, dont les textes anglais et espagnol font foi. Le 26 mai 1966, ayant accédé à l’indépendance, le Guyana est devenu partie à l’accord de Genève, aux côtés du Gouvernement du Royaume-Uni et du Gouvernement du Venezuela.
L’accord de Genève prévoit en premier lieu la constitution d’une commission mixte pour tenter de régler le différend entre les parties (art. I et II). Le paragraphe 1 de l’article IV dispose en outre que, en cas d’échec de cette commission, les Gouvernements du Guyana et du Venezuela devront choisir l’un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies. Enfin, conformément au paragraphe 2 de l’article IV, en cas de désaccord entre ces gouvernements, le choix du moyen de règlement devra être fait par un organisme international compétent sur lequel ceux-ci se mettront d’accord, ou, à défaut d’entente entre eux sur ce point, par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.
D. La mise en oeuvre de l’accord de Genève (par. 44-52)
La commission mixte a été établie en 1966, en application des articles I et II de l’accord de Genève, et a atteint le terme de son mandat en 1970 sans être parvenue à une solution.
Aucune solution n’ayant ainsi été trouvée dans le cadre de la commission mixte, il revenait au Venezuela et au Guyana de choisir l’un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, en application de l’article IV de l’accord de Genève. Cependant, face aux désaccords entre les Parties, un moratoire sur le processus de règlement du différend, énoncé dans un protocole à l’accord de Genève (le «protocole de Port of Spain»), a été adopté le 18 juin 1970. L’article III du protocole prévoyait la suspension de l’application de l’article IV de l’accord de Genève aussi longtemps que le protocole demeurerait en vigueur.
En décembre 1981, le Venezuela a fait part de son intention de dénoncer le protocole de Port of Spain. En conséquence, l’article IV de l’accord de Genève a recommencé à s’appliquer dès le 18 juin 1982.
En application du paragraphe 1 de l’article IV de l’accord de Genève, les Parties ont tenté de se mettre d’accord sur le choix d’un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’article 33 de la Charte. Elles n’y sont cependant pas parvenues dans le délai de trois mois prescrit par le paragraphe 2 de ce même article. Elles ne sont pas non plus parvenues à s’entendre sur la désignation d’un organisme international compétent chargé de choisir le moyen de règlement, comme le prévoyait le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève.
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En conséquence, les Parties sont passées à l’étape suivante, s’en remettant au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies quant au choix du moyen de règlement.
Après avoir été saisi par les Parties, le Secrétaire général, M. Javier Pérez de Cuéllar, a, par une lettre du 31 mars 1983, accepté de s’acquitter de la responsabilité dont il était investi conformément au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève. Il a choisi, au début de l’année 1990, la procédure des bons offices comme moyen de règlement approprié.
Entre 1990 et 2014, la procédure des bons offices a été dirigée par trois représentants personnels nommés par les Secrétaires généraux successifs.
En septembre 2015, le Secrétaire général a organisé une rencontre avec les chefs d’Etat du Guyana et du Venezuela, avant d’établir, le 12 novembre 2015, un document dans lequel il informait les Parties que, «[à] supposer qu’aucune solution pratique au différend ne [fût] trouvée avant la fin de son mandat, [il avait] l’intention d’engager le processus d’obtention d’une décision finale et contraignante de la Cour internationale de Justice».
Le Secrétaire général a annoncé, en décembre 2016, avoir décidé de poursuivre la procédure des bons offices pendant une année supplémentaire.
Après avoir pris ses fonctions le 1er janvier 2017, le nouveau Secrétaire général, M. António Guterres, a, conformément à la décision de son prédécesseur, reconduit la procédure des bons offices pour une dernière année. Dans des lettres du 30 janvier 2018 adressées à chacune des Parties, le Secrétaire général a indiqué avoir «soigneusement analysé l’évolution de la procédure des bons offices au cours de l’année 2017» et a annoncé que, «aucun progrès significatif n’ayant été réalisé en vue d’un accord complet sur le règlement du différend», il avait «retenu la Cour internationale de Justice comme prochain moyen d’atteindre cet objectif».
Le 29 mars 2018, le Guyana a déposé sa requête au Greffe de la Cour.
II. RECEVABILITÉ DE L’EXCEPTION PRÉLIMINAIRE SOULEVÉE PAR LE VENEZUELA (PAR. 53-74)
S’agissant de l’exception préliminaire soulevée par le Venezuela, la Cour relève que le Guyana affirme qu’elle porte sur l’exercice de la compétence de la Cour et doit être rejetée comme étant irrecevable au motif qu’elle concerne intrinsèquement la compétence et n’est pas une exception d’irrecevabilité. Le Guyana soutient que le Venezuela n’est plus en mesure de soulever une exception préliminaire qui concerne des questions de compétence sur lesquelles la Cour s’est prononcée en 2020 dans un arrêt revêtu de l’autorité de la chose jugée. Il allègue que le Venezuela est forclos à soulever son exception préliminaire car il aurait pu et dû la soulever dans le délai prévu par l’ordonnance de la Cour du 19 juin 2018.
La Cour rappelle qu’elle a, à plusieurs reprises, examiné si un Etat qui n’est pas partie à la procédure devant elle devait être considéré comme une tierce partie indispensable sans le consentement de laquelle elle ne pouvait statuer. Elle explique que, lorsqu’elle a rejeté une exception tirée de ce qu’un Etat tiers était une partie indispensable sans le consentement de laquelle elle ne pouvait statuer dans une affaire donnée, elle s’est fondée sur la prémisse selon laquelle l’exception portait sur l’exercice de sa compétence et non l’existence de celle-ci.
La Cour rappelle les décisions qu’elle a rendues dans plusieurs affaires sur le fondement du principe dit de «l’Or monétaire», et explique que sa jurisprudence repose sur une distinction entre deux notions différentes : d’une part, l’existence de la compétence de la Cour et, de l’autre, l’exercice de cette compétence, lorsqu’elle est établie. Seule une exception relative à l’existence de la compétence peut être qualifiée d’exception d’incompétence. La Cour conclut que l’exception du
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Venezuela fondée sur le principe de l’Or monétaire porte sur l’exercice de sa compétence et ne constitue donc pas une exception d’incompétence.
La Cour répond ensuite à l’argument du Guyana selon lequel le Venezuela n’est plus en mesure de soulever une exception préliminaire qui concerne, selon le demandeur, des questions de compétence déjà tranchées dans l’arrêt de 2020.
La Cour indique que l’autorité de la chose jugée, principe reflété aux articles 59 et 60 de son Statut, s’attache non seulement à un arrêt portant sur le fond, mais également à un arrêt dans lequel la Cour se prononce sur sa compétence, tel que celui qu’elle a rendu en 2020. Plus particulièrement, le dispositif des arrêts de la Cour est revêtu de l’autorité de la chose jugée. Afin de préciser ce qui a été tranché avec l’autorité de la chose jugée, «il faut encore déterminer le contenu de la décision dont il convient de garantir le caractère définitif», et «il peut s’avérer nécessaire de déterminer le sens du dispositif par référence aux motifs de l’arrêt en question». Si un point «n’a en fait pas été tranché, ni expressément ni par implication logique, l’arrêt n’a pas force de chose jugée sur celui-ci».
La Cour examine le dispositif de l’arrêt de 2020, ainsi que les motifs qui le sous-tendent, et conclut qu’ils portent exclusivement sur des questions relatives à l’existence de sa compétence. Elle observe que cet arrêt ne traite pas, même implicitement, de la question de l’exercice de sa compétence. Ainsi, la question de savoir si le Royaume-Uni est une tierce partie indispensable sans le consentement de laquelle la Cour ne saurait exercer sa compétence n’a pas été tranchée par implication logique dans l’arrêt de 2020.
La Cour est d’avis que l’autorité de la chose jugée dont est revêtu l’arrêt de 2020 ne fait pas obstacle à la recevabilité de l’exception préliminaire du Venezuela.
La Cour note en outre que les délais fixés dans l’ordonnance du 19 juin 2018 concernaient uniquement les écritures ayant trait à la question de l’existence de sa compétence, et ne s’appliquent donc pas aux pièces se rapportant à l’exception préliminaire soulevée par le Venezuela.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que le Venezuela restait en droit de soulever son exception préliminaire dans le délai prévu au paragraphe 1 de l’article 79bis du Règlement de la Cour. La Cour conclut que l’exception préliminaire du Venezuela est recevable.
III. EXAMEN DE L’EXCEPTION PRÉLIMINAIRE SOULEVÉE PAR LE VENEZUELA (PAR. 75-107)
La Cour rappelle que le Venezuela, invoquant le principe de l’Or monétaire, soutient que le Royaume-Uni est une tierce partie indispensable en la présente espèce, en l’absence de laquelle la Cour ne peut se prononcer sur la question de la validité de la sentence de 1899. Le défendeur argue que, selon ce principe, une requête est irrecevable dès lors que les intérêts juridiques d’un Etat tiers sont susceptibles de constituer l’objet même de la décision sollicitée et que cet Etat n’a pas consenti au règlement du différend par la Cour. Selon le Venezuela, les intérêts juridiques du Royaume-Uni constitueraient l’objet même d’une décision de la Cour en la présente instance.
La Cour relève que les deux Parties à l’instance ainsi que le Royaume-Uni sont parties à l’accord de Genève, sur lequel est fondée sa compétence. En conséquence, la Cour examine les implications juridiques de la qualité de partie à l’accord de Genève du Royaume-Uni et procède à l’interprétation des dispositions pertinentes de cet instrument.
Pour interpréter l’accord de Genève, la Cour applique les règles d’interprétation des traités énoncées aux articles 31 à 33 de la convention de Vienne, qui reflètent le droit international coutumier.
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Dans un premier temps, la Cour note que l’attention particulière accordée par les parties à l’accession de la Guyane britannique à l’indépendance constitue un élément important du contexte aux fins de l’interprétation de l’article IV de l’accord de Genève. En effet, il est précisé, dans le préambule de l’accord, que le Royaume-Uni a participé à l’élaboration de l’instrument en consultation avec le Gouvernement de la Guyane britannique. La Cour observe en outre que les renvois au Guyana, aux paragraphes 1 et 2 de l’article IV, présupposent l’accession de la Guyane britannique à l’indépendance. Cette indépendance a été obtenue le 26 mai 1966, soit environ trois mois après la conclusion de l’accord ; le Guyana est, à cette date, devenu partie à l’accord de Genève, conformément à l’article VIII de celui-ci.
La Cour procède ensuite à l’interprétation des articles I et II de l’accord de Genève qui portent sur l’étape initiale du processus de règlement du différend entre les Parties, à savoir l’institution d’une commission mixte chargée de rechercher des solutions pour le règlement du différend, et définissent le rôle du Venezuela et de la Guyane britannique dans ce processus. La Cour observe que, si, à l’article I de l’accord, le différend est présenté comme existant entre le Royaume-Uni et le Venezuela, l’article II n’attribue toutefois au Royaume-Uni aucun rôle à jouer à la première étape du processus de règlement de celui-ci, confiant à la Guyane britannique et au Venezuela la responsabilité de désigner les représentants auprès de la commission mixte. La Cour note que la mention de la «Guyane britannique» contenue à l’article II, qui se distingue de celles du «Royaume-Uni» figurant dans d’autres dispositions, et en particulier à l’article I, corrobore l’interprétation selon laquelle il était entendu entre les parties à l’accord de Genève que le Venezuela et la Guyane britannique se verraient confier l’exclusivité du règlement du différend par le mécanisme de la commission mixte. La Cour souligne que telle était la position commune des parties, alors même que la Guyane britannique était une colonie n’ayant alors pas accédé à l’indépendance, et qu’elle n’était pas encore partie à l’instrument.
La Cour se penche ensuite sur l’article IV de l’accord de Genève qui expose les étapes finales du processus de règlement du différend. Elle relève que ni le paragraphe 1 ni le paragraphe 2 de l’article IV ne mentionnent le Royaume-Uni. Ces paragraphes renvoient exclusivement «au Gouvernement guyanais et au Gouvernement vénézuélien», auxquels est confiée la responsabilité de choisir l’un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies ou, à défaut d’accord entre eux, de s’en remettre pour ce choix à un organisme international compétent sur lequel ils se mettront d’accord. A défaut d’accord sur ce point, les Parties soumettraient la question au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, qui choisirait l’un des moyens de règlement prévus à l’article 33 de la Charte des Nations Unies.
La Cour est d’avis que l’analyse des articles pertinents de l’accord de Genève révèle l’importance que les parties à l’accord attachaient à ce qu’un règlement final fût apporté au différend. A cet égard, elle rappelle qu’elle a, dans son arrêt de 2020, déterminé que l’objet et le but de l’accord consistaient à garantir le règlement définitif du différend entre les Parties.
La Cour estime que l’accord de Genève confie des rôles particuliers au Guyana et au Venezuela et n’en attribue aucun au Royaume-Uni dans le choix d’un moyen de règlement du différend ni dans le règlement proprement dit. Elle considère que le mécanisme établi par les articles II et IV de l’accord de Genève reflète la position partagée par toutes les parties à cet instrument, selon laquelle le différend qui existait entre le Royaume-Uni et le Venezuela le 17 février 1966 serait réglé par le Guyana et le Venezuela au moyen de l’une des procédures envisagées dans l’accord.
La Cour relève en outre qu’au moment où le Royaume-Uni a accepté, par l’accord de Genève, le mécanisme prévoyant un règlement du différend entre le Guyana et le Venezuela sans sa participation, il savait que ce règlement pourrait impliquer l’examen de certaines allégations du Venezuela concernant des comportements fautifs imputés aux autorités britanniques à l’époque de l’arbitrage litigieux.
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A cet égard, la Cour se réfère à la lettre du 14 février 1962 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Venezuela auprès de l’Organisation des Nations Unies et aux déclarations faites par le Venezuela et le Royaume-Uni devant la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1962, qui reflètent les positions des deux Etats.
La Cour mentionne ensuite l’examen tripartite de la documentation concernant la validité de la sentence de 1899, à l’issue duquel les ministres des affaires étrangères du Royaume-Uni et du Venezuela ainsi que le premier ministre de la Guyane britannique se sont réunis les 9 et 10 décembre 1965 à Londres afin de discuter d’un règlement du différend. Le Royaume-Uni et la Guyane britannique ont, lors de ces discussions, rejeté la proposition du Venezuela — qui voulait que la seule solution résidât dans la rétrocession à ce dernier du territoire litigieux —, au motif que cela revenait à affirmer que la sentence de 1899 était nulle et non avenue, et qu’une telle assertion était sans fondement. Après l’échec de ces discussions, le Royaume-Uni a pris part à la négociation et à la conclusion de l’accord de Genève.
Ainsi, la Cour est d’avis que le Royaume-Uni avait connaissance de la portée du différend concernant la validité de la sentence de 1899, qui englobait des accusations à son encontre portant sur des actes fautifs et le recours à des procédés illicites, et qu’il a néanmoins accepté le mécanisme prévu à l’article IV de l’accord de Genève, selon lequel le Guyana et le Venezuela pourraient régler le différend à l’aide d’un des moyens prévus à l’article 33 de la Charte des Nations Unies sans sa participation. La Cour estime que le sens ordinaire des termes de l’article IV, lus dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but de l’accord de Genève, ainsi que les circonstances de l’adoption dudit accord conduisent à cette conclusion.
La Cour rappelle ensuite le paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités et se penche sur la pratique ultérieure des parties à l’accord de Genève pour apprécier si cette pratique établit un accord entre elles sur le fait que le Royaume-Uni ne participerait pas au règlement du différend entre le Guyana et le Venezuela.
La Cour se réfère, entre autres, à la déclaration des commissaires vénézuéliens lors de la 11e réunion de la commission mixte, tenue à Caracas les 28 et 29 décembre 1968, et observe que le Royaume-Uni n’a pas cherché à participer aux travaux menés par la commission mixte et qu’il n’y a pas non plus été invité par le Venezuela et le Guyana. La Cour note que le fait que le Venezuela ait dialogué uniquement avec le Gouvernement du Guyana dans le cadre de la commission mixte indique que les parties convenaient que l’article II n’attribuait au Royaume-Uni aucun rôle dans le processus de règlement du différend.
La Cour note également que le Venezuela a, aux fins de la mise en oeuvre de l’article IV de l’accord de Genève, dialogué exclusivement avec le Gouvernement du Guyana. Elle relève que, là encore, le Royaume-Uni n’a pas cherché à participer à la procédure de règlement du différend prévue à l’article IV, et les Parties n’ont pas sollicité cette participation. Ainsi, le fait que le Venezuela n’ait dialogué qu’avec le Gouvernement du Guyana durant la procédure des bons offices indique que les parties étaient en accord sur l’absence de rôle du Royaume-Uni dans le processus de règlement du différend.
Au vu de ce qui précède, la Cour est d’avis que la pratique suivie par les parties à l’accord de Genève atteste de ce que celles-ci convenaient que le différend pourrait être réglé sans la participation du Royaume-Uni.
La Cour conclut que le Royaume-Uni a, de par sa qualité de partie à l’accord de Genève, accepté que le différend entre le Guyana et le Venezuela puisse être réglé par l’un des moyens prévus à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, et admis qu’il ne jouerait aucun rôle dans cette procédure. Dans ces conditions, la Cour estime que le principe de l’Or monétaire n’entre pas en jeu en l’espèce. Il en résulte que même si, dans son arrêt au fond, la Cour était appelée à se prononcer sur certains comportements imputables au Royaume-Uni, ce qui ne peut être déterminé à présent,
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cela ne ferait pas obstacle à ce qu’elle exerce sa compétence, qui est fondée sur l’application de l’accord de Genève. L’exception préliminaire soulevée par le Venezuela doit donc être rejetée.
DISPOSITIF (PAR. 108)
Par ces motifs,
LA COUR,
1) A l’unanimité,
Dit que l’exception préliminaire soulevée par la République bolivarienne du Venezuela est recevable ;
2) Par quatorze voix contre une,
Rejette l’exception préliminaire soulevée par la République bolivarienne du Venezuela ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, juges ; M. Wolfrum, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Couvreur, juge ad hoc ;
3) Par quatorze voix contre une,
Dit qu’elle peut statuer sur le fond des demandes de la République coopérative du Guyana, dans la mesure où celles-ci entrent dans le champ du point 1) du paragraphe 138 de l’arrêt du 18 décembre 2020.
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, juges ; M. Wolfrum, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Couvreur, juge ad hoc.
*
M. le juge BHANDARI joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge Robinson joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. le juge IWASAWA joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge ad hoc WOLFRUM joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge ad hoc COUVREUR joint à l’arrêt l’exposé de son opinion partiellement individuelle et partiellement dissidente.
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Annexe au résumé 2023/4
Opinion de M. le juge ad hoc Couvreur
Les problèmes soumis à l’examen de la Cour dans cette phase de l’affaire étaient de deux ordres différents. D’une part, il s’agissait de savoir si l’exception du Venezuela, qualifiée d’exception «d’irrecevabilité de la requête», était elle-même «recevable». D’autre part, il y avait lieu de déterminer le sort à réserver à ladite exception si la Cour la considérait recevable, étant entendu qu’aux termes de l’article 79ter du Règlement en vigueur seules trois possibilités s’offraient à celle-ci : accueillir l’exception, la rejeter ou la regarder comme non exclusivement préliminaire et en différer l’examen au fond.
* *
Sur le premier point, le demandeur estimait que l’exception du Venezuela était irrecevable dans la mesure où, dès lors qu’elle était fondée sur la jurisprudence bien connue de la Cour en l’affaire de l’Or monétaire, elle concernait la compétence de la Cour, sur laquelle celle-ci s’était déjà prononcée, avec l’autorité de la chose jugée, dans son arrêt du 18 décembre 2020 ; le demandeur considérait en outre que le Venezuela était forclos à soulever une telle exception le 7 juin 2022, la Cour ayant, dans son ordonnance du 19 juin 2018, prescrit le dépôt, le 18 avril 2019 au plus tard, d’un contre-mémoire du Venezuela sur la question de sa compétence en l’espèce.
Dans son opinion, le juge ad hoc Couvreur rappelle que, quelles que soient les vues, d’ailleurs parfois imprécises, voire contradictoires, de la doctrine quant à la distinction à opérer entre questions de «compétence» et questions de «recevabilité», ce qui importait en l’espèce était de constater que, dans sa pratique, la Cour a toujours limité les questions de «compétence» à la recherche d’un lien juridictionnel entre les parties et à l’interprétation de sa portée. Au contraire, le problème de l’exercice de cette compétence, en particulier vis-à-vis d’un tiers absent du procès (l’Albanie dans l’affaire de l’Or monétaire et l’Indonésie dans l’affaire relative au Timor oriental), a invariablement constitué, dans la jurisprudence de la Cour, une question distincte. Et le juge ad hoc de préciser que, si toute exception d’irrecevabilité a en principe trait à l’exercice d’une compétence par ailleurs établie et touche à l’intégrité de la fonction judiciaire de la Cour, toute exception portant sur l’exercice de la compétence de la Cour n’a pas nécessairement le même objet et ne constitue donc pas nécessairement une exception d’irrecevabilité : depuis 1972, le Règlement de la Cour distingue en effet expressément entre exceptions (préliminaires) d’incompétence, exceptions (préliminaires) d’irrecevabilité et «toute autre exception sur laquelle le défendeur demande une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive» (article 79bis, paragraphe 1, du Règlement en vigueur, italiques ajoutés).
Quoi qu’il en soit, il apparaît incontestable que la Cour avait, par son ordonnance du 19 juin 2018, limité la première phase de l’affaire à l’identification d’un lien juridictionnel entre les Parties et qu’elle n’a partant, dans son arrêt du 18 décembre 2020, traité d’aucune autre question, ni expressément ni par implication. Elle n’avait donc pas encore statué sur l’exception, afférente à l’exercice de sa compétence, soulevée par le Venezuela le 7 juin 2022. Au demeurant, ladite exception a été dûment présentée dans le délai de trois mois suivant le dépôt du mémoire sur le fond du Guyana, conformément aux termes de l’article 79bis, paragraphe 1, du Règlement en vigueur.
Le juge ad hoc Couvreur conclut donc à la recevabilité de cette exception, un point sur lequel il se rallie à la décision de la Cour.
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L’exception du Venezuela étant recevable, la question, plus complexe, du sort à lui réserver, se posait. Le demandeur estimait que la jurisprudence de l’Or monétaire ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce et que ladite exception devait en conséquence être rejetée, aux motifs suivants : premièrement, parce que le Royaume-Uni n’avait plus aucun intérêt qui eût pu constituer l’objet même de l’affaire portée devant la Cour par le Guyana, dès lors que celui-ci s’était substitué à celui-là sur le territoire litigieux et que le différend concernait désormais exclusivement le Venezuela et le Guyana ; et deuxièmement parce que, contrairement à ce qui avait été le cas de l’Albanie dans l’affaire de l’Or monétaire, le Royaume-Uni aurait, en souscrivant à l’article IV de l’accord de Genève de 1966, accepté la compétence de la Cour pour régler le différend et consenti à l’exercice de cette compétence.
Sur le premier point, le juge ad hoc Couvreur est d’avis que, dans le contexte de l’affaire, l’intérêt juridique formel que possède le Royaume-Uni en tant que partie au traité de Washington de 1897 ainsi qu’à la procédure qui s’en est suivie, et a débouché sur la sentence arbitrale du 3 octobre 1899, même s’il se trouve au centre de cette affaire, n’est pas de nature à faire obstacle au traitement de celle-ci par la Cour. Tel n’est en revanche pas le cas de l’intérêt juridique matériel du Royaume-Uni lié à l’imputation qui lui est faite, par le Venezuela, de divers actes illicites propres constituant autant de vices rédhibitoires affectant la validité du traité et de la sentence. En effet, eu égard à la règle coutumière de la non-succession en matière de responsabilité d’Etat, réaffirmée récemment par la Commission du droit international, le Royaume-Uni seul devrait répondre de tels actes, sur lesquels la Cour aurait nécessairement à statuer comme préalable à toute décision sur la validité de la sentence de 1899. Il demeure donc, pour le juge ad hoc Couvreur, un intérêt juridique propre du Royaume-Uni qui constitue, comme dans l’affaire de l’Or monétaire, l’objet même de la décision à rendre, alors que cet Etat est absent de l’instance.
Le juge ad hoc Couvreur estime par ailleurs ne pas pouvoir se ranger à l’argument suivant lequel la jurisprudence de l’Or monétaire ne trouverait en tout état de cause pas à s’appliquer en l’espèce car le Royaume-Uni, en souscrivant à l’article IV de l’accord de Genève, aurait accepté la compétence de la Cour pour régler le différend, et consenti à son exercice, même si cela devait conduire la Cour à se prononcer sur son comportement passé et ses conséquences. Tout d’abord, le juge ad hoc considère qu’une telle acceptation ne pourrait, au regard du Statut de la Cour, que s’analyser en une acceptation, par cet Etat, de la juridiction de celle-ci à son égard pour statuer sur sa conduite et il relève que les conditions assez exigeantes qui régissent traditionnellement le consentement à la juridiction de la Cour dans sa jurisprudence ne sont pas réunies en l’espèce. Tout au contraire, l’article IV de l’accord de Genève ne vise pas le Royaume-Uni et encore moins les griefs que le Venezuela avance à son endroit et qui n’ont jamais fait l’objet d’une formulation juridique précise ni définitive. La compétence de la Cour pour connaître de la conduite d’un Etat ne peut être fondée sur de simples supputations. De surcroît, le juge ad hoc Couvreur rappelle que, même si le Royaume-Uni avait consenti dans les règles à ce que la Cour se penche sur sa conduite propre quod non elle n’aurait pu le faire que si celui-ci avait été partie à l’instance. La jurisprudence de la Cour à cet égard est constante. Il en va ainsi, de l’avis du juge ad hoc Couvreur, car les principes statutaires de l’égalité et de la réciprocité entre les Etats, du droit à un procès équitable et du contradictoire sont indérogeables.
La Cour, dans son arrêt, a développé une argumentation alternative, tentant d’échapper aux écueils d’un recours à la jurisprudence de l’Or monétaire, en prétendant qu’elle n’entrerait pas en jeu dans le cas d’espèce car le problème de l’intérêt juridique éventuel du Royaume-Uni aurait entièrement été réglé «en amont» par sa souscription à l’article IV de l’accord de Genève, qui constituerait une manière de lex specialis. Le juge ad hoc Couvreur regrette de ne pouvoir y adhérer car, dès lors que la CIJ est saisie, les règles de son Statut s’imposent de façon impérative et l’approche alternative proposée n’apparaît pas permettre de surmonter les difficultés susmentionnées, liées à l’établissement du consentement du Royaume-Uni ainsi qu’à sa nécessaire participation, comme partie, à l’instance, auxquelles on est immanquablement renvoyé. De l’avis du juge ad hoc Couvreur, ces problèmes se posent de la même façon dans le cadre d’une application de l’accord de Genève et
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dans celui d’une mise en oeuvre de la jurisprudence de l’Or monétaire, et l’approche alternative prônée par la Cour, au-delà de ses différences formelles, ne permet pas davantage de les résoudre.
Toutefois, le juge ad hoc Couvreur aperçoit une différence essentielle entre les affaires de l’Or monétaire et du Timor oriental, d’une part, et la présente affaire, de l’autre. En effet, alors que, dans ces affaires, les faits étaient bien établis, tel n’est pas le cas en l’espèce. La Cour ne saurait accueillir l’exception du Venezuela sans préjuger de leur existence, qui doit être démontrée au fond. En accueillant l’exception, elle priverait arbitrairement le demandeur de son droit à un procès équitable et risquerait de créer un précédent fâcheux. L’exception étant inextricablement liée au fond et la Cour ne disposant pas à ce stade des éléments factuels nécessaires pour se prononcer, le juge ad hoc Couvreur est d’avis que la seule possibilité ouverte à la Cour était de déclarer non exclusivement préliminaire l’exception vénézuélienne, et de l’examiner au stade du fond, comme il est envisagé à l’article 79ter, paragraphe 4, du Règlement en vigueur.
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Résumé de l'arrêt du 6 avril 2023