Déclaration de M. le juge ad hoc Wolfrum

Document Number
171-20230406-JUD-01-04-EN
Parent Document Number
171-20230406-JUD-01-00-EN
Incidental Proceedings
Date of the Document
Document File
Bilingual Document File

DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC WOLFRUM
[Traduction]
Relation entre l’accord de Genève et le principe de l’Or monétaire ⎯ Pratique ultérieure suivie par les parties à l’accord de Genève ⎯ Objet du différend juridique entre le Guyana et le Venezuela.
1. Ayant voté en faveur des conclusions énoncées par la Cour, j’estime néanmoins devoir exposer certaines considérations sur les motifs qui les sous-tendent. Je m’attacherai à examiner brièvement trois aspects : la relation entre l’application du principe de l’Or monétaire1 et l’accord conclu entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (accord de Genève), la pratique ultérieure des parties à cet instrument et l’objet du différend dont est saisie la Cour. Ces trois questions sont corrélées entre elles. La présente déclaration a pour objet d’approuver le raisonnement de la Cour en le complétant ou en en soulignant un aspect particulier.
2. Le Venezuela a fondé l’essentiel de son argumentation sur le principe de l’Or monétaire, soutenant que le Royaume-Uni était une tierce partie indispensable sans la participation de laquelle la requête du Guyana était irrecevable2. Force est de constater que, à première vue, le présent différend rappelle la situation factuelle qui existait entre l’Albanie, l’Italie, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique en l’affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943, ainsi que celle concernant l’Indonésie, le Portugal et l’Australie en l’affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie)3. Ce qui diffère en la présente affaire, c’est l’existence de l’accord de Genève conclu entre le Venezuela, le Royaume-Uni et, par la suite, le Guyana.
3. Je me rallie aux conclusions de l’arrêt selon lesquelles le Royaume-Uni a, directement ou indirectement, refusé de prendre part aux tentatives de règlement du différend entre le Venezuela et ce qui était alors la Guyane britannique. En renvoyant à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, l’accord de Genève prévoit un certain nombre de moyens, judiciaires et autres, susceptibles d’être utilisés pour régler le différend. Le Royaume-Uni, en laissant aux seuls Venezuela et Guyana le soin de parvenir à ce règlement4, a clairement indiqué qu’il ne participerait pas à cette entreprise. Lorsqu’il a accepté que les deux États se voient confier cette responsabilité exclusive, il savait parfaitement que, dans le cadre du règlement du différend, les actions et omissions des arbitres qu’il avait désignés, ainsi que les activités entreprises par ses représentants dans le contexte de la sentence de 1899, pourraient être examinées.
4. En théorie, deux interprétations peuvent être faites de l’accord de Genève. On peut arguer que celui-ci établit le consentement du Royaume-Uni, tel que requis selon le principe de l’Or monétaire, de sorte que la Cour peut exercer sa compétence en la présente affaire sans la participation de cet État. Il est toutefois préférable, à mon avis, de considérer que les accords conventionnels tels l’accord de Genève, d’une part, et le principe de l’Or monétaire, d’autre part, constituent deux moyens parallèles de protéger, d’un point de vue procédural, les intérêts d’un État tiers, en
1 Voir l’arrêt en la présente affaire, par. 63 ; voir également Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et États-Unis d’Amérique), question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 19.
2 CR 2022/21, p. 20, par. 49 (Rodríguez), p. 36, par. 3 (Espósito), p. 42-43, par. 1-2 (Tams) ; CR 2023/23, p. 14-15, par. 25-26 (Tams) ; voir également l’arrêt, par. 76-77.
3 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90.
4 Voir les articles IV et VI de l’accord de Genève.
- 2 -
l’occurrence le Royaume-Uni. Alors que le principe de l’Or monétaire traite de la question dans l’absolu, l’accord de Genève porte sur la situation particulière dont la Cour est saisie et doit donc être considéré comme relevant de la lex specialis. J’adhère donc à l’idée, exprimée dans l’arrêt, selon laquelle il y a lieu d’interpréter à titre préalable l’accord de Genève pour déterminer si le Royaume-Uni a indiqué assez clairement qu’il acceptait que le règlement du différend entre le Guyana et le Venezuela fût confié aux deux Parties, et ce, en ayant pleinement conscience des implications que cela pourrait avoir pour lui, et s’il existe un accord correspondant du Guyana et du Venezuela. J’approuve l’interprétation de l’accord de Genève, telle qu’exposée aux paragraphes 87 à 102 de l’arrêt, selon laquelle le différend pouvait être réglé sans la participation du Royaume-Uni.
5. En conséquence, je me rallie à la conclusion par laquelle la Cour a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner plus avant l’applicabilité du principe de l’Or monétaire. Ainsi qu’il est à juste titre indiqué au paragraphe 107 de l’arrêt, le principe de l’Or monétaire « n’entre pas en jeu ».
6. Cela ne signifie pas, pour autant, que la Cour ne peut examiner l’ensemble des informations fournies par les Parties, qui découlaient du comportement frauduleux qu’auraient adopté les arbitres.
7. La Cour, dans l’arrêt, estime nécessaire de se pencher sur la pratique ultérieure suivie par les parties à l’accord de Genève, conformément à l’alinéa b) du paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités (voir arrêt, par. 103). Elle a eu à examiner la question de la pratique ultérieure dans différentes espèces, notamment, de manière approfondie, en l’affaire de l’Île de Kasikili/Sedudu5. Je doute que les longues citations figurant aux paragraphes 104 et 105 de l’arrêt renseignent directement sur la pratique suivie par les trois parties à l’accord de Genève. En revanche, il est évident que ni le Venezuela ni le Guyana n’ont cherché à inclure le Royaume-Uni dans le dialogue qui se poursuivait au sujet du règlement du différend, et que le Royaume-Uni n’a pas davantage cherché à influer sur ce dialogue entre les deux États. Ce point est dûment souligné au paragraphe 106 de l’arrêt.
8. L’arrêt ne contient pas de conclusion détaillée sur l’objet du différend. Cependant, le Venezuela a indiqué, dans différents contextes, que les intérêts du Royaume-Uni constituaient aussi l’objet même de toute décision que la Cour serait appelée à rendre au fond, parce que la nullité de la sentence de 1899 découle du comportement frauduleux qu’aurait adopté le Royaume-Uni dans le cadre de l’arbitrage ayant abouti à la sentence de 18996. Le Venezuela avance en outre que la décision sollicitée en la présente affaire revient, dans son « objet même » et son « essence même », à disposer des engagements et responsabilités du Royaume-Uni7. Il reste à déterminer si le Venezuela se réfère à l’objet du présent différend comme à un élément important des délibérations futures, ou s’il tente de redéfinir l’objet initialement défini selon les termes de la requête du Guyana. Compte tenu de cette incertitude, il me semble utile de formuler certaines observations de nature à éclairer l’objet du différend dont la Cour est saisie.
9. La Cour s’est, en plusieurs occasions, exprimée sur la question de l’objet d’un différend. En l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries, elle a souligné ce qui suit :
5 Île de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1094, par. 74.
6 CR 2022/21, p. 51, par. 36 (Tams), p. 36, par. 4 (Espósito) ; CR 2022/23, p. 14, par. 22 (Tams).
7 Exceptions préliminaires du Venezuela, par. 32-33 ; CR 2022/23, p. 10, par. 2 (Tams) ; voir également l’arrêt, par. 77.
- 3 -
« Il ne fait pas de doute qu’il revient au demandeur, dans sa requête, de présenter à la Cour le différend dont il entend la saisir et d’exposer les demandes qu’il lui soumet.
Le paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour exige d’ailleurs que l’“objet du différend” soit indiqué dans la requête ; et le paragraphe 2 de l’article 38 de son Règlement requiert pour sa part que la “nature précise de la demande” y figure. La Cour a eu l’occasion, par le passé, de se référer à plusieurs reprises à ces dispositions. Elle les a qualifiées d’“essentielles au regard de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice” et, sur cette base, a conclu à l’irrecevabilité de demandes nouvelles, formulées en cours d’instance, qui, si elles avaient été accueillies, auraient transformé l’objet du différend originellement porté devant elle aux termes de la requête (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 266-267 ; voir aussi Administration du prince von Pless, ordonnance du 4 février 1933, C.P.J.I. série A/B no 52, p. 14, et Société commerciale de Belgique, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B no 78, p. 173). »8
La Cour a ensuite précisé qu’
« [i]l [lui] incom[bait], tout en consacrant une attention particulière à la formulation du différend utilisée par le demandeur, de définir elle-même, sur une base objective, le différend qui oppo[sait] les parties, en examinant la position de l’une et de l’autre »9.
10. Dans la précédente affaire des Pêcheries, la Cour a formulé les observations suivantes, pertinentes aux fins de la présente espèce :
« Le différend ayant un objet tout à fait concret, la Cour ne saurait donner suite à la suggestion qui lui a été faite par l’agent du Gouvernement du Royaume-Uni, à l’audience du 1er octobre 1951, de rendre un arrêt qui se bornerait pour le moment à statuer sur les définitions, principes ou règles énoncés, suggestion qui a d’ailleurs été combattue par l’agent du Gouvernement norvégien à l’audience du 5 octobre 1951. Ce sont là des éléments qui, le cas échéant, pourraient fournir les motifs de l’arrêt et non en constituer l’objet. Il en résulte, d’autre part, que même ainsi compris, ces éléments ne doivent être retenus que dans la mesure où ils paraîtraient déterminants pour décider la seule question en litige, savoir la validité ou la non-validité en droit international des lignes de délimitation fixées par le décret de 1935. »10
11. Dans l’Arbitrage concernant la mer de Chine méridionale11, le tribunal, se référant à la jurisprudence de la Cour, a repris ces conclusions.
8 Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 447-448, par. 29.
9 Ibid., p. 448, par. 30 (les italiques sont de moi).
10 Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 126 (les italiques sont de moi).
11 Nations Unies, Arbitrage entre la République des Philippines et la République populaire de Chine concernant la mer de Chine méridionale, sentence du 29 octobre 2015 sur la compétence et la recevabilité, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXXIII, p. 62, par. 150. Le paragraphe pertinent se lit comme suit :
- 4 -
12. La Cour a régulièrement indiqué que, pour se prononcer sur l’objet du différend, elle examine la requête et les écritures des deux parties, soulignant toutefois immanquablement qu’une attention particulière doit être accordée à la formulation employée par le demandeur. Dans la présente espèce, il convient de relever qu’elle avait indiqué, dans son arrêt du 18 décembre 2020, que l’objet du différend était « la validité de la sentence de 1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela ainsi que la question connexe du règlement définitif du différend concernant la frontière terrestre entre le Guyana et le Venezuela »12, conclusion à laquelle elle était parvenue en se fondant sur l’accord de Genève. Une distinction doit être établie entre cet objet et les arguments « utilisés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives sur ce différend », ainsi que la Cour l’a énoncé en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries13.
(Signé) Rüdiger WOLFRUM.
___________
« Lorsqu’il existe un différend entre les parties à l’instance, il est également nécessaire de le définir et de le décrire. La nature du différend peut avoir d’importantes répercussions sur la compétence, notamment sur le point de savoir si celui-ci peut être considéré à juste titre comme portant sur l’interprétation ou l’application de la convention [des Nations Unies sur le droit de la mer], ou si les exclusions relatives à la compétence matérielle sont applicables. Là encore, une approche objective est requise, et le tribunal se doit de “circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objet de la demande”. Ce faisant, il est non seulement fondé à interpréter les conclusions des parties, mais il est en outre tenu de le faire. Ainsi que la Cour l’a dit en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), “[i]l incombe à [celle-ci] de définir elle-même, sur une base objective, le différend qui oppose les parties, en examinant la position de l’une et de l’autre”. Aux fins de cette détermination, la Cour se fonde non seulement sur “la requête et les conclusions finales, mais aussi sur les échanges diplomatiques, les déclarations publiques et autres éléments de preuve pertinents”. Ce faisant, elle établit une distinction “entre le différend lui-même et les arguments utilisés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives sur ce différend”. » (Les italiques sont de moi.)
12 Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 2020, p. 492, par. 135.
13 Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 449, par. 32.

Bilingual Content

300
DECLARATION OF JUDGE AD HOC WOLFRUM
The relationship between the Geneva Agreement and the Monetary Gold
principle — Subsequent practice of the parties to the Geneva Agreement —
Subject-matter of the legal dispute between Guyana and Venezuela.
1. Having voted in favour of the conclusions reached by the Court, I nevertheless
consider it appropriate to submit some considerations on the reasoning
of the Court. I will discuss briefly only three aspects, namely the relationship
between the application of the Monetary Gold principle1 and the Agreement
between Venezuela and the United Kingdom of Great Britain and Northern
Ireland (the “Geneva Agreement”), the subsequent practice of the parties to
the Geneva Agreement, as well as the subject-matter of the dispute before
the Court. These issues are interlinked. The objective of this declaration is to
endorse the reasoning of the Court either by supplementing it or by emphasizing
a particular aspect.
2. Venezuela relied, in its reasoning, dominantly on the Monetary Gold
principle, arguing that the United Kingdom was an indispensable third party
without the participation of which the Application of Guyana was inadmissible2.
It is hard to deny that, at first glance, the situation in this dispute
resembles the factual situation between Albania, Italy, France, the
United Kingdom and the United States of America in the case of Monetary
Gold Removed from Rome in 1943 and the situation between Indonesia,
Portugal and Australia in the East Timor case (Portugal v. Australia)3. What
is different in the present case is the existence of the Geneva Agreement
between Venezuela, the United Kingdom and, ultimately, Guyana.
3. I agree with the findings of the Judgment that the United Kingdom
directly or indirectly declined to take part in the attempts to resolve the
controversy over the dispute between Venezuela and then British Guiana.
Referring to Article 33 of the United Nations Charter, the Geneva Agreement
provides for possible avenues for resolving the dispute by non-judicial or
judicial means. By leaving the resolution of the dispute to Venezuela and
now Guyana alone4, the United Kingdom made it clear that it would not
1 See Judgment, para. 63; see also Monetary Gold Removed from Rome in 1943 (Italy v.
France, United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, and United States of
America), Preliminary Question, Judgment, I.C.J. Reports 1954, p. 19.
2 CR 2022/21, p. 20, para. 49 (Rodríguez); p. 36, para. 3 (Espósito); pp. 42-43, paras. 1-2
(Tams); CR 2023/23, pp. 14-15, paras. 25-26 (Tams); see also the Judgment, paras. 76-77.
3 East Timor (Portugal v. Australia), Judgment, I.C.J. Reports 1995, p. 90.
4 See Articles IV and VI of the Geneva Agreement.
300
DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC WOLFRUM
[Traduction]
Relation entre l’accord de Genève et le principe de l’Or monétaire
 Pratique ultérieure suivie par les parties à l’accord de Genève 
Objet du différend juridique entre le Guyana et le Venezuela.
1. Ayant voté en faveur des conclusions énoncées par la Cour, j’estime
néanmoins devoir exposer certaines considérations sur les motifs qui les
sous-tendent. Je m’attacherai à examiner brièvement trois aspects : la relation
entre l’application du principe de l’Or monétaire1 et l’accord conclu
entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du
Nord (accord de Genève), la pratique ultérieure des parties à cet instrument
et l’objet du différend dont est saisie la Cour. Ces trois questions sont cor-
rélées entre elles. La présente déclaration a pour objet d’approuver le
raisonnement de la Cour en le complétant ou en en soulignant un aspect
particulier.
2. Le Venezuela a fondé l’essentiel de son argumentation sur le principe
de l’Or monétaire, soutenant que le Royaume-Uni était une tierce partie
indispensable sans la participation de laquelle la requête du Guyana était
irrecevable2. Force est de constater que, à première vue, le présent différend
rappelle la situation factuelle qui existait entre l’Albanie, l’Italie, la France,
le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique en l’affaire de l’Or monétaire
pris à Rome en 1943, ainsi que celle concernant l’Indonésie, le Portugal
et l’Australie en l’affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie)3.
Ce qui diffère en la présente affaire, c’est l’existence de l’accord de Genève
conclu entre le Venezuela, le Royaume-Uni et, par la suite, le Guyana.
3. Je me rallie aux conclusions de l’arrêt selon lesquelles le Royaume-Uni
a, directement ou indirectement, refusé de prendre part aux tentatives de
règlement du différend entre le Venezuela et ce qui était alors la Guyane
britannique. En renvoyant à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, l’accord
de Genève prévoit un certain nombre de moyens, judiciaires et autres,
susceptibles d’être utilisés pour régler le différend. Le Royaume-Uni, en
laissant aux seuls Venezuela et Guyana le soin de parvenir à ce règlement4,
1 Voir l’arrêt en la présente affaire, par. 63 ; voir également Or monétaire pris à Rome en
1943 (Italie c. France, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et États-Unis
d’Amérique), question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 19.
2 CR 2022/21, p. 20, par. 49 (Rodríguez), p. 36, par. 3 (Espósito), p. 42-43, par. 1-2 (Tams) ;
CR 2023/23, p. 14-15, par. 25-26 (Tams) ; voir également l’arrêt, par. 76-77.
3 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90.
4 Voir les articles IV et VI de l’accord de Genève.
301 arbitral award of 3 october 1899 (decl. wolfrum)
participate in the endeavour. While accepting the sole obligation of these
two States, the United Kingdom was well aware that, in resolving the dispute,
acts or omissions of the arbitrators appointed by the United Kingdom, as
well as activities of representatives of the United Kingdom in the context of
the 1899 Award, may be addressed.
4. Theoretically, there are two options regarding how to interpret the
Geneva Agreement. One option is to consider that the Geneva Agreement
embodies the consent of the United Kingdom as required under the Monetary
Gold principle, so that the Court may exercise its jurisdiction in this case
without the United Kingdom participating. The second and preferable option
is, in my view, that treaty arrangements, such as the Geneva Agreement, and
the Monetary Gold principle are two parallel approaches to protect procedurally
the interests of a third State — here the United Kingdom. Whereas the
Monetary Gold principle covers the issue in the abstract, the Geneva
Agreement covers the particular situation before the Court and thus is to be
considered a lex specialis. It is therefore necessary, as the Judgment states,
to first interpret the Geneva Agreement in order to ascertain whether the
United Kingdom has declared with sufficient clarity that it leaves the resolution
of the dispute between Guyana and Venezuela to the two Parties, in full
awareness of the implications this may have for the United Kingdom, and
whether there is a corresponding agreement of Guyana and Venezuela.
I endorse the interpretation of the Geneva Agreement as set out in paragraphs
87 to 102 of the Judgment that the dispute could be settled without the
involvement of the United Kingdom.
5. Consequently, I agree with the Court’s conclusion that it was unnecessary
to consider further the applicability of the Monetary Gold principle.
As the Judgment rightly states in paragraph 107, the Monetary Gold principle
does “not come into play”.
6. This, however, does not mean that the Court cannot consider all information
provided by the Parties concerning the alleged fraudulent behaviour
of the arbitrators.
7. The Judgment considers it necessary to assess the subsequent practice
of the parties to the Geneva Agreement under Article 31 (3) (b) of the Vienna
Convention on the Law of Treaties (see paragraph 103 of the Judgment). The
Court has dealt with the issue of subsequent practice in several cases, including
in detail in the Kasikili/Sedudu Island case5. I wonder whether the long
quotations in paragraphs 104 and 105 provide any direct information on the
practice of the three parties to the Geneva Agreement. It is evident, though,
that neither Venezuela nor Guyana attempted to draw the United Kingdom
into the ongoing discourse concerning the settlement of the dispute, nor was
there any initiative on the side of the United Kingdom to influence the
5 Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1094,
para. 74.
sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (décl. wolfrum) 301
a clairement indiqué qu’il ne participerait pas à cette entreprise. Lorsqu’il a
accepté que les deux États se voient confier cette responsabilité exclusive,
il savait parfaitement que, dans le cadre du règlement du différend, les
actions et omissions des arbitres qu’il avait désignés, ainsi que les activités
entreprises par ses représentants dans le contexte de la sentence de 1899,
pourraient être examinées.
4. En théorie, deux interprétations peuvent être faites de l’accord de
Genève. On peut arguer que celui-ci établit le consentement du Royaume-
Uni, tel que requis selon le principe de l’Or monétaire, de sorte que la Cour
peut exercer sa compétence en la présente affaire sans la participation de
cet État. Il est toutefois préférable, à mon avis, de considérer que les accords
conventionnels tels l’accord de Genève, d’une part, et le principe de l’Or
monétaire, d’autre part, constituent deux moyens parallèles de protéger, d’un
point de vue procédural, les intérêts d’un État tiers, en l’occurrence le
Royaume-Uni. Alors que le principe de l’Or monétaire traite de la question
dans l’absolu, l’accord de Genève porte sur la situation particulière dont la
Cour est saisie et doit donc être considéré comme relevant de la lex specialis.
J’adhère donc à l’idée, exprimée dans l’arrêt, selon laquelle il y a lieu d’interpréter
à titre préalable l’accord de Genève pour déterminer si le Royaume-
Uni a indiqué assez clairement qu’il acceptait que le règlement du différend
entre le Guyana et le Venezuela fût confié aux deux Parties, et ce, en ayant
pleinement conscience des implications que cela pourrait avoir pour lui,
et s’il existe un accord correspondant du Guyana et du Venezuela. J’approuve
l’interprétation de l’accord de Genève, telle qu’exposée aux paragraphes
87 à 102 de l’arrêt, selon laquelle le différend pouvait être réglé
sans la participation du Royaume-Uni.
5. En conséquence, je me rallie à la conclusion par laquelle la Cour a
estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner plus avant l’applicabilité du
principe de l’Or monétaire. Ainsi qu’il est à juste titre indiqué au paragraphe
107 de l’arrêt, le principe de l’Or monétaire « n’entre pas en jeu ».
6. Cela ne signifie pas, pour autant, que la Cour ne peut examiner l’ensemble
des informations fournies par les Parties, qui découlaient du
comportement frauduleux qu’auraient adopté les arbitres.
7. La Cour, dans l’arrêt, estime nécessaire de se pencher sur la pratique
ultérieure suivie par les parties à l’accord de Genève, conformément à l’alinéa
b) du paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit
des traités (voir arrêt, par. 103). Elle a eu à examiner la question de la pratique
ultérieure dans différentes espèces, notamment, de manière approfondie, en
l’affaire de l’Île de Kasikili/Sedudu5. Je doute que les longues citations figurant
aux paragraphes 104 et 105 de l’arrêt renseignent directement sur la
pratique suivie par les trois parties à l’accord de Genève. En revanche, il est
évident que ni le Venezuela ni le Guyana n’ont cherché à inclure le Royaume-
Uni dans le dialogue qui se poursuivait au sujet du règlement du différend,
5 Île de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1094,
par. 74.
302 arbitral award of 3 october 1899 (decl. wolfrum)
discourse between Guyana and Venezuela. This has been appropriately
stated in paragraph 106 of the Judgment.
8. The Judgment does not pronounce itself on the subject-matter of the
dispute in detail. However, Venezuela has stated in a variety of contexts that
the interests of the United Kingdom also form the very subject-matter of any
decision that the Court would have to render on the merits, because the invalidity
of the 1899 Award arises from the allegedly fraudulent conduct of the
United Kingdom in respect of the arbitration which resulted in the
1899 Award6. Venezuela also submits that the disposition of the commitments
and responsibilities of the United Kingdom constitutes the “very
object” and the “very essence” of the decision in the current case7. It remains
unclear as to whether Venezuela refers to the subject-matter of this dispute
as an important element of the future deliberations or whether Venezuela
attempts to redefine the subject-matter which was originally defined on the
basis of the Application of Guyana. In light of this uncertainty, it seems
appropriate to introduce some clarifying remarks on the subject-matter of
this dispute before the Court.
9. The Court has on several occasions pronounced itself on the subjectmatter
of a dispute. In the Fisheries Jurisdiction case, it stated:
“There is no doubt that it is for the Applicant, in its Application, to
present to the Court the dispute with which it wishes to seise the Court
and to set out the claims which it is submitting to it.
Paragraph 1 of Article 40 of the Statute of the Court requires moreover
that the ‘subject of the dispute’ be indicated in the Application; and,
for its part, paragraph 2 of Article 38 of the Rules of Court requires ‘the
precise nature of the claim’ to be specified in the Application. In a
number of instances in the past the Court has had occasion to refer to
these provisions. It has characterized them as ‘essential from the point
of view of legal security and the good administration of justice’ and, on
this basis, has held inadmissible new claims, formulated during the
course of proceedings, which, if they had been entertained, would have
transformed the subject of the dispute originally brought before it under
the terms of the Application (Certain Phosphate Lands in Nauru
(Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.CJ. Reports
1992, pp. 266-267; see also Prince von Pless Administration, Order
of 4 February 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 52, p. 14, and Société
Commerciale de Belgique, Judgment, 1939, P.C.I.J., Series A/B, No. 78,
p. 173).”8
6 CR 2022/21, p. 51, para. 36 (Tams); p. 36, para. 4 (Espósito); CR 2022/23, p. 14, para. 22
(Tams).
7 Preliminary Objections of the Bolivarian Republic of Venezuela (POV), paras. 32-33;
CR 2022/23, p. 10, para. 2 (Tams); see also the Judgment, para. 77.
8 Fisheries Jurisdiction (Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J.
Reports 1998, pp. 447-448, para. 29.
sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (décl. wolfrum) 302
et que le Royaume-Uni n’a pas davantage cherché à influer sur ce dialogue
entre les deux États. Ce point est dûment souligné au paragraphe 106 de
l’arrêt.
8. L’arrêt ne contient pas de conclusion détaillée sur l’objet du différend.
Cependant, le Venezuela a indiqué, dans différents contextes, que les
intérêts du Royaume-Uni constituaient aussi l’objet même de toute décision
que la Cour serait appelée à rendre au fond, parce que la nullité de la sentence
de 1899 découle du comportement frauduleux qu’aurait adopté le Royaume-
Uni dans le cadre de l’arbitrage ayant abouti à la sentence de 18996.
Le Venezuela avance en outre que la décision sollicitée en la présente affaire
revient, dans son « objet même » et son « essence même », à disposer
des engagements et responsabilités du Royaume-Uni7. Il reste à déterminer
si le Venezuela se réfère à l’objet du présent différend comme à un élément
important des délibérations futures, ou s’il tente de redéfinir l’objet
initialement défini selon les termes de la requête du Guyana. Compte tenu
de cette incertitude, il me semble utile de formuler certaines observations de
nature à éclairer l’objet du différend dont la Cour est saisie.
9. La Cour s’est, en plusieurs occasions, exprimée sur la question de
l’objet d’un différend. En l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries,
elle a souligné ce qui suit :
« Il ne fait pas de doute qu’il revient au demandeur, dans sa requête, de
présenter à la Cour le différend dont il entend la saisir et d’exposer les
demandes qu’il lui soumet.
Le paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour exige d’ailleurs
que l’“objet du différend” soit indiqué dans la requête ; et le paragraphe 2
de l’article 38 de son Règlement requiert pour sa part que la “nature
précise de la demande” y figure. La Cour a eu l’occasion, par le passé, de
se référer à plusieurs reprises à ces dispositions. Elle les a qualifiées
d’“essentielles au regard de la sécurité juridique et de la bonne administration
de la justice” et, sur cette base, a conclu à l’irrecevabilité de
demandes nouvelles, formulées en cours d’instance, qui, si elles avaient
été accueillies, auraient transformé l’objet du différend originellement
porté devant elle aux termes de la requête (Certaines terres à phosphates
à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 266-267 ; voir aussi Administration du prince
von Pless, ordonnance du 4 février 1933, C.P.J.I. série A/B no 52, p. 14,
et Société commerciale de Belgique, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B no 78,
p. 173). »8
6 CR 2022/21, p. 51, par. 36 (Tams), p. 36, par. 4 (Espósito) ; CR 2022/23, p. 14, par. 22
(Tams).
7 Exceptions préliminaires de la République bolivarienne du Venezuela, par. 32-33 ;
CR 2022/23, p. 10, par. 2 (Tams) ; voir également l’arrêt, par. 77.
8 Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 447-448, par. 29.
303 arbitral award of 3 october 1899 (decl. wolfrum)
The Court continued:
“It is for the Court itself, while giving particular attention to the
formulation of the dispute chosen by the Applicant, to determine on an
objective basis the dispute dividing the parties, by examining the position
of both parties[.]”9
10. In the earlier Fisheries case, the Court had stated, and this is of relevance
for this case:
“The subject of the dispute being quite concrete, the Court cannot
entertain the suggestion made by the Agent of the United Kingdom
Government at the sitting of October 1st, 1951, that the Court should
deliver a Judgment which for the moment would confine itself to adjudicating
on the definitions, principles or rules stated, a suggestion which,
moreover, was objected to by the Agent of the Norwegian Government
at the sitting of October 5th, 1951. These are elements, which might
furnish reasons in support of the Judgment, but cannot constitute the
decision. It further follows that even understood in this way, these
elements may be taken into account only in so far as they would appear
to be relevant for deciding the sole question in dispute, namely, the
validity or otherwise under international law of the lines of delimitation
laid down by the 1935 Decree.”10
11. Referring to the jurisprudence of the Court, the arbitral tribunal in the
South China Sea case11 reiterated these findings.
12. Although the Court has consistently stated that, in deciding on the
subject-matter of a dispute it will examine the application and pleadings of
9 Ibid., p. 448, para. 30 (emphasis added).
10 Fisheries (United Kingdom v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1951, p. 126 (emphasis
added).
11 United Nations, The South China Sea Arbitration between the Republic of the Philippines
and the People’s Republic of China, Award on Jurisdiction and Admissibility of 29 October
2015, Reports of International Arbitral Awards (RIAA), Vol. XXXIII, p. 62, para. 150. The
relevant paragraph reads:
“Where a dispute exists between parties to the proceedings, it is further necessary that
it be identified and characterised. The nature of the dispute may have significant
jurisdictional implications, including whether the dispute can fairly be said to concern
the interpretation or application of the [United Nations] Convention [on the Law of the
Sea] or whether subject-matter based exclusions from jurisdiction are applicable. Here
again, an objective approach is called for, and the Tribunal is required to ‘isolate the real
issue in the case and to identify the object of the claim’. In so doing it is not only entitled
to interpret the submissions of the parties, but bound to do so. As set out in Fisheries
Jurisdiction (Spain v. Canada), it is for the Court itself ‘to determine on an objective
basis the dispute dividing the parties, by examining the position of both parties’. Such a
determination will be based not only on the ‘Application and final submissions, but on
diplomatic exchanges, public statements and other pertinent evidence’. In the process, a
distinction should be made ‘between the dispute itself and arguments used by the parties
to sustain their respective submissions on the dispute’.” (Emphasis added.)
sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (décl. wolfrum) 303
La Cour a ensuite précisé que
« [i]l [lui] incomb[ait], tout en consacrant une attention particulière à la
formulation du différend utilisée par le demandeur, de définir ellemême,
sur une base objective, le différend qui oppos[ait] les parties, en
examinant la position de l’une et de l’autre »9.
10. Dans la précédente affaire des Pêcheries, la Cour a formulé les observations
suivantes, pertinentes aux fins de la présente espèce :
« Le différend ayant un objet tout à fait concret, la Cour ne saurait
donner suite à la suggestion qui lui a été faite par l’agent du Gouvernement
du Royaume-Uni, à l’audience du 1er octobre 1951, de rendre un
arrêt qui se bornerait pour le moment à statuer sur les définitions, principes
ou règles énoncés, suggestion qui a d’ailleurs été combattue par
l’agent du Gouvernement norvégien à l’audience du 5 octobre 1951.
Ce sont là des éléments qui, le cas échéant, pourraient fournir les motifs
de l’arrêt et non en constituer l’objet. Il en résulte, d’autre part, que
même ainsi compris, ces éléments ne doivent être retenus que dans
la mesure où ils paraîtraient déterminants pour décider la seule question
en litige, savoir la validité ou la non-validité en droit international des
lignes de délimitation fixées par le décret de 1935. »10
11. Dans l’Arbitrage concernant la mer de Chine méridionale11, le tribunal,
se référant à la jurisprudence de la Cour, a repris ces conclusions.
12. La Cour a régulièrement indiqué que, pour se prononcer sur l’objet
du différend, elle examine la requête et les écritures des deux parties,
9 Ibid., p. 448, par. 30 (les italiques sont de moi).
10 Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 126 (les italiques sont
de moi).
11 Nations Unies, Arbitrage entre la République des Philippines et la République populaire
de Chine concernant la mer de Chine méridionale, sentence du 29 octobre 2015 sur la
compétence et la recevabilité, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXXIII, p. 62,
par. 150. Le paragraphe pertinent se lit comme suit :
« Lorsqu’il existe un différend entre les parties à l’instance, il est également nécessaire
de le définir et de le décrire. La nature du différend peut avoir d’importantes répercussions
sur la compétence, notamment sur le point de savoir si celui-ci peut être considéré à juste
titre comme portant sur l’interprétation ou l’application de la convention [des
Nations Unies sur le droit de la mer], ou si les exclusions relatives à la compétence
matérielle sont applicables. Là encore, une approche objective est requise, et le tribunal
se doit de “circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objet de la
demande”. Ce faisant, il est non seulement fondé à interpréter les conclusions des parties,
mais il est en outre tenu de le faire. Ainsi que la Cour l’a dit en l’affaire de la Compétence
en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), “[i]l incombe à [celle-ci] de définir ellemême,
sur une base objective, le différend qui oppose les parties, en examinant la position
de l’une et de l’autre”. Aux fins de cette détermination, la Cour se fonde non seulement
sur “la requête et les conclusions finales, mais aussi sur les échanges diplomatiques, les
déclarations publiques et autres éléments de preuve pertinents”. Ce faisant, elle établit
une distinction “entre le différend lui-même et les arguments utilisés par les parties à
l’appui de leurs conclusions respectives sur ce différend”. » (Les italiques sont de moi.)
304 arbitral award of 3 october 1899 (decl. wolfrum)
both parties, it has always emphasized that particular attention should be
paid to the formulation of the applicant. In the case at hand, it is to be noted
that the Court, in its Judgment of 18 December 2020, had stated that the
subject-matter of the dispute was “the validity of the 1899 Award about the
frontier between British Guiana and Venezuela and the related question of
the definitive settlement of the land boundary between Guyana and
Venezuela”12. The Court had reached its conclusion in that Judgment on the
basis of the Geneva Agreement. This subject-matter is to be distinguished
from arguments “used by the parties to sustain their respective submissions
on the dispute”, as stated in the Fisheries Jurisdiction case13.
(Signed) Rüdiger Wolfrum.
12 Arbitral Award of 3 October 1899 (Guyana v. Venezuela), Jurisdiction of the Court,
Judgment, I.C.J. Reports 2020, p. 492, para. 135.
13 Fisheries Jurisdiction (Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J.
Reports 1998, p. 449, para. 32.
sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (décl. wolfrum) 304
soulignant toutefois immanquablement qu’une attention particulière doit
être accordée à la formulation employée par le demandeur. Dans la présente
espèce, il convient de relever qu’elle avait indiqué, dans son arrêt du
18 décembre 2020, que l’objet du différend était « la validité de la sentence de
1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela ainsi
que la question connexe du règlement définitif du différend concernant la
frontière terrestre entre le Guyana et le Venezuela »12, conclusion à laquelle
elle était parvenue en se fondant sur l’accord de Genève. Une distinction doit
être établie entre cet objet et les arguments « utilisés par les parties à l’appui
de leurs conclusions respectives sur ce différend », ainsi que la Cour
l’a énoncé en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries13.
(Signé) Rüdiger Wolfrum.
12 Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela), compétence de la Cour,
arrêt, C.I.J. Recueil 2020, p. 492, par. 135.
13 Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 449, par. 32.

Document file FR
Document Long Title

Déclaration de M. le juge ad hoc Wolfrum

Order
4
Links