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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE
AUX ACTIVITÉS ARMÉES
SUR LE TERRITOIRE DU CONGO
(RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO c. OUGANDA)
DEUXIÈME PHASE
QUESTION DES REPARATIONS
OBSERVATIONS
DE
LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
SUR LE RAPPORT D’EXPERTISE DU 19 DÉCEMBRE 2020
14 FÉVRIER 2021
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1. Le 8 juillet 2020, le Greffier de la Cour a informé les Parties que, conformément à
l’article 67 § 1 de son Règlement, la Cour estimait qu’il y avait lieu de faire procéder à une
expertise s’agissant de trois des chefs de préjudice identifiés par la République démocratique
du Congo dans ses écritures : les pertes en vies humaines, les pertes de ressources naturelles et
les dommages causés aux biens.
2. Par une ordonnance du 8 septembre 2020, la Cour a décidé de procéder à ladite expertise
« [a]fin de déterminer les réparations que l’Ouganda devra verser à la République démocratique
du Congo au titre du préjudice découlant du manquement par cet Etat à ses obligations
internationales, tel que constaté par la Cour dans son arrêt de 2005 »1.
3. Après avoir recueilli les observations des deux parties sur les quatre experts
indépendants identifiés par elle pour mener l’expertise jugée nécessaire, la Cour les a désignés
par une ordonnance en date du 12 octobre 2020. Dans cette ordonnance, la Cour a rappelé que
les parties auraient la possibilité de présenter des observations sur le rapport des experts et de
leur poser des questions au cours de la procédure orale. Elle a également souligné que « c’est à
la Cour qu’il appartiendra de déterminer quel est le poids qu’il conviendra, le cas échéant,
d’accorder aux conclusions des experts »2.
4. Faisant suite à la demande de la Cour, les experts ont rendu leur rapport le 19 décembre
2020 et la Cour a demandé aux parties de soumettre leurs observations au plus tard le 21 janvier
2021. En réponse à une demande de l’Ouganda, la Cour a accepté de reporter au 15 février 2021
le dépôt des observations des parties sur le rapport d’expert. Ce dernier est composé de quatre
rapports distincts, qui doivent cependant être lus conjointement. Le présent document expose
les observations de la République démocratique du Congo relatives à ce rapport d’expertise.
Ces observations sont de nature préliminaire, et resteront relativement succinctes. Elles sont
sans préjudice de tout complément ou précision que la République démocratique du Congo
pourra juger nécessaire d’apporter dans le cadre de la procédure orale. Elles sont bien entendu
aussi sans préjudice de la réclamation définitive que la République démocratique du Congo
présentera à la Cour, après avoir pris connaissance des observations écrites de l’Ouganda et à
1 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Ordonnance du 8
septembre 2020, §16, souligné par la République démocratique du Congo.
2 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Ordonnance du
12 octobre 2020, p. 3.
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l’issue des audiences, lors de la lecture de ses conclusions finales en vertu de l’article 60, §2,
du Règlement de la Cour.
5. Avant de développer ses observations, la République démocratique du Congo tient à
rappeler, comme elle l’a indiqué dès le dépôt de son mémoire au fond, qu’il convient, au-delà
des spécificités des débats relatifs à tel ou tel événement, document probatoire ou expertise
particulière, de se conformer de manière générale au principe de la réparation intégrale : la
réparation doit bel et bien couvrir tous les dommages causés par l’acte illicite. Ce principe a été
expressément rappelé dans l’arrêt sur le fond de 2005 : l’Ouganda « a l’obligation de réparer
en totalité le préjudice causé » par ses faits illicites3. Il est codifié dans les travaux de la
Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat4 et a été consacré par la
jurisprudence internationale, dont celle de la Cour5.
6. Les observations de la République démocratique du Congo seront exposées en quatre
temps. D’abord, elle se prononcera de manière générale sur la méthodologie qui caractérise les
rapports d’expertise, ainsi que sur leur portée (I). Ensuite, des considérations plus spécifiques
seront avancées concernant, respectivement, les atteintes aux personnes (II), l’exploitation des
ressources naturelles (III) et enfin les dommages causés aux biens (IV).
I. La méthodologie et la portée générales des rapports d’experts
7. Les termes du mandat que la Cour a donné aux experts sont les suivants :
« I. Pertes en vies humaines
a) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents
publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies
mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle est l’estimation globale des pertes civiles
(ventilées selon les circonstances du décès) dues au conflit armé sur le territoire de la
République démocratique du Congo pendant la période pertinente ?
b) D’après la pratique en vigueur en République démocratique du Congo s’agissant des
pertes en vies humaines pendant la période pertinente, quel est le barème d’indemnisation
applicable à la perte d’une vie humaine ?
3 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J.,
Recueil 2005, § 259.
4 Article 31 des articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, A/RES/56/83, 12
décembre 2001.
5 MRDC, 2016, pp. 13-14, §1.02.
4
II. Perte de ressources naturelles
a) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents
publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies
mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle a été la quantité approximative de ressources
naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, exploitées illégalement durant
l’occupation du district de l’Ituri par les forces armées ougandaises pendant la période
pertinente?
b) Sur la base de la réponse à la question précédente, quelle est la valeur du préjudice subi
par la République démocratique du Congo à raison de l’exploitation illégale de ressources
naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, durant l’occupation du district
de l’Ituri par les forces armées ougandaises ?
c) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents
publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies
mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle a été la quantité approximative de ressources
naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, pillées et exploitées par les
forces armées ougandaises en République démocratique du Congo, exception faite du
district de l’Ituri, et quelle valeur doit-on leur attribuer ?
III. Dommages aux biens
a) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents
publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies
mentionnés dans l’arrêt de 2005, quel a été le nombre approximatif et le type de biens
endommagés ou détruits par les forces armées ougandaises pendant la période pertinente
dans le district de l’Ituri et en juin 2000 à Kisangani ?
b) Quel est le coût approximatif de la reconstruction d’écoles, d’hôpitaux et d’habitations
individuelles tels que ceux qui ont été détruits dans le district de l’Ituri et à Kisangani ? »6.
C’est donc dans ce cadre, revêtu de l’autorité de la chose jugée, que les experts ont été invités
à se prononcer.
8. Avant de se pencher avec plus de précision sur les différents rapports, la prise en compte
de ce cadre général mène la République démocratique du Congo à formuler des remarques liées,
d’une part, à la méthodologie relative à l’évaluation de la réparation (A) et, d’autre part, à la
portée du mandat confié aux experts (B).
6 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), ordonnance du 8
septembre 2020, § 16.
5
A. La méthodologie devant présider de manière générale à l’évaluation de la réparation
9. Il ressort des termes du mandat qui viennent d’être rappelés qu’une méthodologie
adaptée à la nature des dommages subis dans la présente affaire a été retenue (1), une
méthodologie qui a été généralement respectée par les experts dans leurs observations et qui est
parfaitement en phase avec la manière dont les éléments ont été versés au dossier par la
République démocratique du Congo (2).
1. Une méthodologie adaptée à la nature des dommages
10. Les rapports d’expertise contiennent de nombreuses appréciations qui confirment que
la méthodologie qui préside à l’établissement des faits doit être adaptée à la nature des
dommages causés dans le cadre d’un contexte de guerre. Conformément à la logique qui se
dégage du mandat de la Cour, les experts procèdent en avançant des estimations générales et
en se basant sur des rapports de l’ONU ou d’autres documents officiels. Ils recourent également
à des techniques consistant à établir des taux ou des proportions, de manière à pouvoir
embrasser la situation dans son ensemble.
2. La prise en considération par les experts des « éléments versés au dossier » par la
République démocratique du Congo pour établir le préjudice
11. De manière générale, les experts estiment manifestement que les éléments versés au
dossier pour établir le préjudice, et plus spécialement ceux qui sont produits à l’appui de la
demande de la République démocratique du Congo, sont dignes d’être pris en considération.
Les experts présentent leurs estimations comme « comparables à celles figurant dans le
mémoire de la République démocratique du Congo »7, voire « concord[ant] » avec elles8,
considèrent que les chiffres qui composent la demande sont « raisonnables » 9 , « pas
déraisonnables »10 ou « modiques » 11 . Ils reprennent d’ailleurs dans leur rapport certains
éléments caractéristiques de l’approche retenue par la République démocratique du Congo.
C’est par exemple le cas de la ventilation des victimes des agissements de l’Ouganda en deux
catégories (directes et indirectes)12, ou des arguments justifiant la prise en compte de la
7 Rapport d’expertise, § 51.
8 Ibid., § 68.
9 Ibid., §§ 106, 109, 110.
10 Ibid., § 138.
11 Ibid., § 117.
12 Ibid., § 42 et § 84 & s.
6
surmortalité qui avaient été initialement formulés dans le mémoire de la République
démocratique du Congo13.
12. Au-delà de l’approche générale, certaines critiques ou interrogations peuvent toutefois
être formulées au sujet de certains aspects spécifiques du rapport d’expertise. Avant de formuler
ces critiques ou interrogations, il est fondamental de bien délimiter la portée, et en même temps
les limites, de ce rapport. C’est sur cette base que l’on pourra préciser quelle est sa place dans
le cadre du présent différend.
B. Portée et limites du rapport d’expertise
13. Avant de préciser la portée et les limites du rapport sur le plan matériel (2 à 4), il faut
souligner de manière générale que l’on peut s’interroger sur l’estimation qui est parfois
particulièrement mesurée des dommages résultant du conflit (1).
1. Le caractère mesuré de certaines estimations présentées dans le rapport
14. Dans son rapport, Henrik Urdal souligne que les données de l’UCDP sur lesquels il se
fonde « présentent des limites importantes »14, notamment du fait de la probable « sousdéclaration
d’activités armées qui auraient pu être enregistrées dans la base de données »15 et
de l’absence de prise en compte des événements « pour lesquels il est impossible d’estimer le
nombre de victimes »16. Cette tonalité particulièrement prudente se retrouve sur le site Internet
de l’UCDP, qui précise bien que :
« Due to the lack of available information in many conflict zones, it is quite likely that
there are more fatalities than given in the best estimate, but it is very unlikely that there
are fewer »17.
En toute logique, Henrik Urdal précise que « même l’estimation haute du nombre de morts est
considérée comme modérée car l’UCDP évite expressément d’y inclure les réclamations
déraisonnables »18, de sorte qu’« en général, les chiffres de la mortalité donnés par l’UCDP
sont prudents »19. Son rapport va jusqu’à noter que l’UCDP « tend à faire preuve d’une extrême
13 MRDC, § 2.62 et § 7.14.
14 Rapport d’expertise, § 25.
15 Ibid, §§26 ss.
16 Ibid, § 28.
17 https://www.pcr.uu.se/research/ucdp/methodology/
18 Rapport d’expertise, § 21.
19 Ibid.
7
prudence lorsqu’il dénombre les pertes en vies humaines »20. C’est sur la base de ces éléments
qu’il reconnaît honnêtement que les estimations retenues du nombre de morts sont « des
estimations prudentes ou modérées »21.
15. Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles,
Michael Nest observe avoir « présumé par ailleurs que la documentation et le dossier de
l’affaire n’ont pas pu répertorier tous les cas pertinents qui ont pu se produire dans la zone
d’influence » 22.
16. La République démocratique du Congo reviendra plus précisément sur certains aspects
du rapport d’expertise. A ce stade, et de manière générale, il faut souligner que ces formules
montrent bien que le rapport ne fournit pas, loin s’en faut, une estimation haute —et encore
moins radicale— des dommages résultant du conflit.
17. Ce caractère limité du rapport se déduit donc directement des évaluations et postes
couverts par le rapport d’expertise. Mais il concerne aussi, a fortiori, les aspects de la demande
de la République démocratique du Congo qui n’ont pas été couverts par le rapport. Le mandat
confié aux experts par la Cour comprend trois volets : les pertes en vies humaines, l’exploitation
illégale des ressources naturelles et les dommages aux biens. C’est dans la limite de ce mandat
que les experts ont mené leur travail, fixé leurs évaluations et produit leur rapport. Ce dernier
doit donc être interprété en conséquence, comme ne couvrant pas les aspects des réclamations
de la République démocratique du Congo qui ne relèvent pas de ce mandat (ci-dessous, point
2), ou encore qui n’ont pas été interprétés comme tels (point 3). Enfin, certains aspects
particuliers du rapport qui entrent dans le cadre du mandat mais qui n’étaient pas inclus dans la
demande initiale de la République démocratique du Congo, relèvent d’une dernière catégorie
d’éléments (point 4).
2. Les éléments de la demande de la République démocratique du Congo non couverts par le
mandat des experts
18. On trouve dans cette catégorie différents éléments, qui avaient, pour certains, fait l’objet
de développements substantiels dans la demande de la République démocratique du Congo telle
qu’elle a été formulée dans son mémoire. Ces éléments sont de plusieurs ordres.
20 Souligné par la République démocratique du Congo ; Rapport d’expertise, p. 19, Appendice I.3.
21 Ibid., § 30 ; v. aussi § 29 (« une estimation modérée des morts directes »).
22 Ibid, §205.
8
19 Il faut d’abord relever que la République démocratique du Congo a intégré dans sa
demande tous les dommages causés par l’agression ougandaise, que ce soit en raison de la
violation de l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force, des normes de droit
international humanitaire et des droits humains, ou encore de l’interdiction de l’exploitation
illégale des ressources naturelles. Y sont donc logiquement inclus tous les dommages causés à
l’Etat congolais, c’est-à-dire non seulement les pertes civiles, mais aussi celle des militaires et
autres agents de l’Etat, morts, parfois héroïquement, lorsqu’ils tentaient de repousser (ou de
mettre fin à) l’agression. Comme la République démocratique du Congo l’a rappelé dans son
mémoire, on ne voit pas comment l’on pourrait, tenant compte du principe juridiquement
reconnu de la réparation intégrale, exclure ce volet spécifique de la demande23.
20. Le rapport d’experts semble ne pas se prononcer sur cet aspect particulier des demandes
de la République démocratique du Congo. Comme il le mentionne d’emblée, le rapport n°1,
établi par Henrik Urdal, vise exclusivement les civils. A contrario, « [l]es décès de soldats ne
sont pas inclus puisqu’ils n’entrent pas dans le champ du mandat défini par la Cour »24. Cette
dernière a en effet limité le champ de l’expertise aux « pertes civiles », comme cela a déjà été
souligné. Quant au deuxième rapport, rédigé par Debarati Guha-Sapir, il vise « la surmortalité
des civils attribuable au conflit »25. L’experte n’est donc pas supposée couvrir les décès de civils
(et a fortiori de militaires) « délibérément pris pour cibles, qui sont couverts dans le premier
rapport »26. La lecture du troisième rapport révèle en tout cas clairement que le barème qui y
est retenu pour l’indemnisation du dommage résultant de la perte de vies humaines et des
atteintes à l’intégrité physique des victimes est fondé sur des calculs visant les « populations
civiles »27. Ces termes apparaissent d’ailleurs également dans le tableau B qui figure au début
du rapport28.
21. Le mandat confié par la Cour aux experts n’incluait pas non plus l’évaluation du
préjudice macroéconomique causé par l’Ouganda à la République démocratique du Congo du
fait des activités de l’armée ougandaise en territoire congolais entre août 1998 et juin 2003. Ce
préjudice a été identifié par la République démocratique du Congo —qui lui a consacré un
chapitre entier de son mémoire29— comme composante des réparations qui lui sont dues au
23 MRDC, not. pp. 54 et ss. et 70-71.
24 Rapport d’expertise, § 9.
25 Souligné par la République démocratique du Congo; ibid.
26 Rapport d’expertise, § 9.
27 Ibid., § 84.
28 Ibid., p. 6.
29 MRDC, chapitre 6.
9
titre du manque à gagner (lucrum cessans), conformément au principe de la réparation intégrale
rappelé plus haut.
22. La même conclusion s’impose encore à propos d’autres aspects des demandes formulées
par la République démocratique du Congo, dont, en particulier :
- la réclamation d’intérêts compensatoires de 6% dus sur les sommes au paiement
desquelles la Cour condamnerait l’Ouganda, calculés à partir de septembre 2016, date
du dépôt du mémoire de la République démocratique du Congo, intérêts dont le
paiement s’impose d’autant plus que l’Ouganda s’est refusé depuis lors à toute
négociation sérieuse et, en fin de compte, à tout versement, même partiel, d’une
indemnité ;
- la réclamation d’une somme de 125 millions de dollars des Etats-Unis au titre de mesure
de satisfaction pour l’ensemble des dommages immatériels résultant des violations du
droit international constatées par la Cour dans son arrêt du 19 décembre 2005 ;
- la demande que la Cour impose à l’Ouganda, au titre de mesure de satisfaction, de mettre
en oeuvre des poursuites pénales à l’encontre des membres de ses forces armées
impliqués dans des violations du droit international humanitaire ou des droits humains
commis en territoire congolais ;
- la réclamation de l’ensemble des frais de justice exposés par la République
démocratique du Congo dans le cadre de la présente procédure.
23. Pour chacun de ces postes, le rapport d’expertise ne se prononce pas, ce qui est conforme
au mandat défini par la Cour, lequel ne préjugeait pas de ces aspects de la demande congolaise.
Ces divers éléments restent donc entièrement ouverts au débat judiciaire. C’est ce qu’a rappelé
formellement l’ordonnance du 8 septembre 2020 en son paragraphe 9 selon lequel la Cour a
décidé d’avoir recours à une expertise sur certains chefs de préjudice « tout en poursuivant
l’examen de l’ensemble des chefs de préjudice invoqués par le demandeur et les moyens de
défense présentés par le défendeur ».
3. Les éléments de la demande de la République démocratique du Congo que les experts n’ont
pas inclus dans le champ de l’expertise : l’absence d’expertise sur la faune
24. Alors que la Cour a défini de manière large le champ de l’expertise en y incluant une
évaluation de la « perte de ressources naturelles », le rapport d’expertise reste totalement muet
sur la question des dommages causés à la faune. Sans l’écarter par principe, il ne la retient pas
non plus. En fait, il ne s’y réfère ni ne l’évoque jamais, semblant tout simplement l’ignorer.
Aucune justification n’étant apportée à cette exclusion dans le rapport, la République
démocratique du Congo en est réduite à des suppositions et des conjectures sur ce point. Des
développements seront consacrés à cette question ci-dessous, dans la partie des présentes
10
observations relatives aux ressources naturelles30. Bien que le rapport d’expertise n’en fasse
pas mention, les dommages à la faune font partie du préjudice causé aux ressources naturelles
de la République démocratique du Congo. Ils doivent donc être pris en compte dans le respect
du principe de réparation intégrale. La République démocratique du Congo maintient donc
intégralement ce volet de sa demande.
4. Les éléments du rapport qui permettent d’actualiser la demande de la République
démocratique du Congo
25. Comme la République démocratique du Congo le détaillera ultérieurement, dans son
rapport consacré aux ressources naturelles, Michael Nest a pris en compte les dommages
résultant de l’exploitation illégale de l’étain, du tungstène et du café. Aucune de ces ressources
n’avait été directement traitée dans le mémoire de la République démocratique du Congo, qui
visait l’or, le diamant, le coltan, le bois, ainsi que la faune31.
26. Cela n’exclut cependant en rien que les dommages résultant de l’exploitation illégale de
l’étain, du tungstène et du café soient repris dans la demande de réparation que la République
démocratique du Congo présentera à la Cour dans ses conclusions finales. Dans son mémoire,
la République démocratique du Congo précisait à l’issue du chapitre consacré aux ressources
naturelles que sa réclamation était celle qui était présentée « à ce stade de la procédure et sans
préjudice de demandes complémentaires […] » 32 . Les conclusions du mémoire de la
République démocratique du Congo ont, dans cette logique, expressément été formulées « sous
réserve d’une adaptation [des] demandes en cours d’instance »33.
27. Dans ces circonstances, la République démocratique du Congo inclut désormais
expressément dans sa demande la réparation des dommages résultant de l’exploitation illégale
de l’étain, du tungstène et du café, en reprenant à ce titre les montants retenus dans le rapport
de l’expert. Plus généralement, ce rapport doit être pris en compte en complément de la
demande de la République démocratique du Congo telle qu’elle est formulée dans les
conclusions de son mémoire.
28. Cela étant, la lecture du rapport suscite un certain nombre de remarques et questions
plus spécifiques. Celles-ci visent à la fois la question des atteintes aux personnes, de
30 Infra, §§ 44-49.
31 MRDC, p. 211, § 5.190.
32 Ibid., p. 211, § 5.190.
33 Ibid., p. 258, § 7.89.
11
l’exploitation illégale des ressources naturelles et des dommages causés aux biens, et seront
formulées dans cet ordre.
II. Observations sur les parties du rapport concernant les atteintes aux personnes
29. Le volet du mandat des experts relatif à l’évaluation des pertes en vies humaines est
libellé comme suit :
« a) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents
publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies
mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle est l’estimation globale des pertes civiles
(ventilées selon les circonstances du décès) dues au conflit armé sur le territoire de la
République démocratique du Congo pendant la période pertinente ?
b) D’après la pratique en vigueur en République démocratique du Congo s’agissant des
pertes en vies humaines pendant la période pertinente, quel est le barème d’indemnisation
applicable à la perte d’une vie humaine ? »
30. Les observations qui suivent ont pour objet de présenter les premières réflexions et
interrogations que la lecture des rapports relatifs aux pertes en vies humaines et aux dommages
causés aux personnes a inspirées à la République démocratique du Congo. Elles sont sans
préjudice des observations complémentaires que celle-ci se réserve le droit de formuler lors de
la phase orale de la procédure.
31. Sur un plan général, la République démocratique du Congo remarque avec satisfaction
que les experts ont mesuré la lourde incidence de la surmortalité liée au conflit, conformément
à leur mandat qui consistait à établir une « estimation globale des pertes civiles »34. La Partie
demanderesse tiendra dûment compte de cette évaluation, en formulant en cas de besoin tout
commentaire qui s’imposerait sur elle, au cours des audiences et dans la présentation de ses
demandes finales. Elle relève également que les experts ont approuvé la méthodologie suivie
dans son mémoire en ce qui concerne la détermination des catégories de victimes et des
dommages indemnisables, ainsi que le choix des standards applicables en matière de preuve35.
Au bénéfice de ces remarques générales, la République démocratique du Congo tient par
ailleurs à formuler les observations plus détaillées qui suivent.
32. En ce qui concerne la question des pertes en vies humaines : morts causées par le conflit
(rapport n°1), la République démocratique du Congo s’étonne des chiffres extrêmement bas
34 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Ordonnance du
8 septembre 2020, p. 6, italiques ajoutés.
35 Rapport d’expertise, §§ 42, 84 & s., 96 & s., 120, 129 et 136.
12
retenus par l’expert : 11.227 victimes civiles directes et 3436 victimes civiles indirectes36, alors
qu’elle les a estimées sur une base objective respectivement à 40.000 et 140.000 personnes37.
Comme cela a déjà été souligné, l’expert lui-même reconnaît que les données de la source
unique sur laquelle il s’est fondé, à savoir les études menées par l’observatoire indépendant
UCDP de l’Université d’Uppsala, « présentent des limites importantes »38, notamment du fait
de la probable « sous-déclaration d’activités armées qui auraient pu être enregistrées dans la
base de données »39 et de l’absence de prise en compte des événements « pour lesquels il est
impossible d’estimer le nombre de victimes »40. La République démocratique du Congo en
déduit que l’expert a préféré retenir une estimation à la baisse du nombre de victimes directes
et indirectes, sans pour autant que celle-ci soit rationnellement étayée, notamment au regard
d’autres « documents publiquement accessibles » visés dans le mandat donné par la Cour41.
33. De la même façon, la République démocratique du Congo relève l’évaluation financière
basse retenue de 30.000 dollars par victime directe et 15.000 dollars par victime indirecte42. À
titre de comparaison, dans l’affaire Diallo, l’État congolais a été condamné par la Cour à verser
une indemnisation de 95.000 dollars (dont 85.000 pour préjudice immatériel) pour une personne
victime, sur son territoire, d’une arrestation, d’une détention et d’une expulsion illicites43. Il
serait pour le moins paradoxal que l’indemnisation préconisée par l’expert pour un décès direct
soit plus de trois fois moindre.
34. S’agissant enfin de l’évaluation et des montants recommandés pour l’indemnisation des
pertes en vies humaines (rapport n°3), la République démocratique du Congo relève que
l’expert n’a pas tiré toutes les conséquences de la nécessaire adaptation des standards de preuve
dans un contexte d’atrocités de masse. Il est difficile de comprendre pourquoi il exige une
preuve précise de l’évaluation en matière de décès alors qu’il admet pour le cas des viols et des
enfants soldats que « [c]ompte tenu des circonstances […], il n’est pas surprenant, ni
déraisonnable, que chaque cas individuel ne soit pas documenté »44.
36 Ibid, §14.
37 MRDC, §§. 7.13 et 7.15.
38 Rapport d’expertise, § 25.
39 Ibid, § 26 & s.
40 Ibid, § 28.
41 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Ordonnance du
8 septembre 2020, op.cit.
42 Rapport d’expertise, § 40.
43 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation, arrêt,
C.I.J., Recueil 2012 (I), p. 337, §56.
44 Rapport d’expertise, § 120 ; v. aussi le § 129.
13
35. Dès lors, la proposition du montant individuel de 30.000 dollars pour les pertes en vies
humaines, avancée par l’expert 45 , semble insuffisamment étayée. Elle est fondée, sans
justification particulière, sur la seule pratique de la Commission d’indemnisation des Nations
Unies pour l’Irak (CINU), alors que la Cour internationale de Justice tient compte, notamment
en cas de violations de droits de l’homme, de la pratique d’un grand nombre de juridictions et
d’organes internationaux46. Pourquoi seules les évaluations de la CINU présenteraient-elles un
caractère raisonnable, comme paraît le penser l’expert47 ? Au regard des caractéristiques de la
pratique de cette commission, on peut penser au demeurant qu’une référence aux activités des
organes juridictionnels et quasi juridictionnels régionaux africains aurait été plus adéquate pour
appréhender la réparation des différents préjudices matériels et immatériels causés dans la
situation congolaise.
36. De la même façon, l’évaluation forfaitaire de 5.000 dollars à laquelle il est procédé pour
un viol simple comme pour un viol aggravé48 ne tient pas compte des différences réelles de
situation entre les deux catégories de victimes et le montant extrêmement bas proposé par
l’expert serait difficile à accepter pour les femmes qui attendent réparation des souffrances
qu’elles ont endurées.
37. L’expert ne conteste pas la référence faite dans le mémoire de la République
démocratique du Congo aux jugements nationaux pour le calcul de l’indemnisation49. La Cour
a d’ailleurs elle-même mentionné, dans la formulation de ce volet du mandat donné aux experts,
la nécessité de prendre en compte la pratique nationale en la matière50. Pour autant, l’expert
n’analyse pas « la pratique en vigueur » devant les juridictions congolaises de manière à
déterminer « le barème d’indemnisation applicable à la perte d’une vie humaine ».
38. La pratique judiciaire congolaise, accessible à travers des sources publiques51, permet
d’identifier des lignes directrices globales qui mettent en évidence la nette insuffisance des
45 Ibid, § 93 & s., et § 105.
46 Voy., en ce sens, l’arrêt sur l’indemnisation dans l’affaire Diallo (Guinée c. République démocratique du
Congo), CIJ Recueil 2012, § 13.
47 Rapport d’expertise, §§ 137-138.
48 Ibid., § 124 ; pour rappel, la République démocratique du Congo avait demandé une indemnisation de 12.600
dollars pour les viols simples et 23.200 dollars pour les viols aggravés (§ 119).
49 Rapport d’expertise, § 87.
50 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Ordonnance du
8 septembre 2020, op. cit.
51 Voir notamment les deux Bulletins des arrêts de la Haute Cour militaire, l’un publié à Kinshasa (édition Média
Saint-Paul) en 2013 et l’autre à Paris (édition L’Harmattan) en 2016. Voir aussi les Recueils de décisions de justice
et de notes de plaidoiries en matière de crimes internationaux, publiés par Avocats sans frontières, en 2010 et 2013
(et disponibles en ligne).
14
montants proposés par l’expert. Dans un grand nombre de décisions portant sur les meurtres en
tant que crime de guerre ou crime contre l’humanité, le montant le plus bas alloué à une partie
civile régulièrement constituée est de l’ordre de l’équivalent de 10.000 dollars US, tandis que
dans les décisions relatives au viol, le montant le plus bas alloué par partie civile est de l’ordre
de 5.000 dollars US52. La moyenne mathématique des indemnisations accordées par l’ensemble
des décisions rendues serait toutefois bien plus élevée puisqu’il existe des affaires dans
lesquelles l’individu reconnu coupable de meurtre a été condamné à payer à la partie civile une
somme de 60.000 dollars53 et la personne accusée de viols a été condamnée à s’acquitter de la
somme de 30.000 dollars54.
39. À cet égard, il convient de souligner que, contrairement à la pratique de la CINU prise
en compte par l’expert, laquelle corrèle l’indemnisation à l’acte constitutif de l’infraction, le
montant des indemnisations attribuées par les juridictions congolaises n’est pas fixé eu égard à
cet acte constitutif - par exemple un meurtre, un assassinat ou encore un viol – mais est
déterminé par parties civiles régulièrement constituées. Dans la mesure où (i) en République
démocratique du Congo, les familles sont généralement nombreuses (les deux parents ayant en
moyenne six enfants, ce qui fait au total huit personnes par famille nucléaire) et (ii) les actes
criminels tels que les meurtres et viols perpétrés dans le contexte des conflits armés ou des
attaques délibérées contre les civils en République démocratique du Congo, le sont en présence
des membres de familles, plusieurs personnes d’une même famille sont en droit de se constituer
séparément parties civiles pour ce seul acte criminel. Lorsque c’est le cas, le juge congolais
n’hésite pas à allouer à chacune d’elles une indemnisation. Dans ces conditions, le montant
global de l’indemnisation pour un seul acte implique l’addition des sommes que chacune des
parties civiles aurait pu se voir allouer si elle s’était constituée. A ce titre, l’arrêt rendu dans
l’affaire Daniel Mukalay et consorts (communément désignée sous le nom « affaire Chebeya »)
52 Cour militaire de l’Équateur, Auditeur militaire supérieur et parties civiles c. Bokila et consorts (affaire Songo
Mboyo), arrêt n° RPA 014/06, 7 juin 2006, publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, Paris,
L’Harmattan, 2016, p. 305 ; Cour militaire du Sud-Kivu, Auditeur militaire c. Kabala, arrêt n° RPA 230, 20 mai
2013, publié dans le même Bulletin, p. 150 ; Cour militaire du Sud-Kivu, Auditeur militaire supérieur et parties
civiles c. Batumike et consorts (Affaire Kavumu), arrêt n° RP 0105/2017 du 13 décembre 2017. Cet arrêt a été
confirmé par la Haute Cour militaire dans son arrêt n°139/2018 du 26 juillet 2018, disponible en ligne
[https://trialinternational.org/wp-content/uploads/2018/07/Arret-Kavumu-…] (visité le 28 janvier 2021).
53 Cour militaire du Katanga, Auditeur militaire supérieur et parties civiles c. Kyungu Mutanga Gédéon et consorts,
arrêt n° RPA 025/09 du 16 décembre 2010, publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, 3ème
édition, Kinshasa, Média St. Paul, 2013, p. 376.
54 Haute Cour militaire, Auditeur général et parties civiles c. Jérôme Kakwavu, arrêt n° 004/2010 du 7 novembre
2014, publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 98 ; voy. aussi
Haute Cour militaire, Auditeur général c. Kibibi et consorts, arrêt n° 047/2011, 10 juillet 2020, p. 61 (inédit), arrêt
dans lequel les parties civiles pour le viol se sont vues allouées le montant de 10.000 dollars US.
15
expose de manière particulièrement claire la méthodologie suivie. La Cour militaire de
Kinshasa a attribué, à la suite de l’assassinat de M. Chebeya Bahizire, 50.000 dollars US à la
veuve, 35.000 dollars US à chacun des six enfants du défunt, 20.000 dollars US à ses six frères
et soeurs, 10.000 dollars US à l’ONG La voix des sans voix pour les droits de l’homme, dont la
victime était le directeur exécutif, et 10.000 dollars US au RENADHOC, réseau national
d’ONG pour les droits de l’homme auquel la victime participait 55 . Plusieurs décisions
confirment cette méthodologie suivie par les juridictions congolaises :
- Tribunal militaire de garnison de Mbandaka, Auditeur militaire et parties civiles c.
Botuli Ikofo et consorts (Affaire Waka Lifumba), Jugement n° RP 134/2007, 18 février
200756 ;
- Cour militaire de l’Équateur, Auditeur militaire supérieur et parties civiles c. Bokila et
consorts (affaire Songo Mboyo), arrêt n° RPA 014/06, 7 juin 200657 ;
- Tribunal militaire de Kisangani, Auditeur militaire et parties civiles c. Basele Lutula et
consorts (Affaire Colonel Thom’s et consorts), jugement n° RP 167/08, 3 juin 200958 ;
- Haute Cour militaire, Auditeur général et partie civile c. Ahono Abena, arrêt n° RPA
033/09, 29 octobre 200959 ;
- Cour militaire du Sud-Kivu, Auditeur militaire c. Kabala, arrêt n° RPA 230, 20 mai
201360 ;
- Cour militaire du Katanga, Auditeur militaire supérieur et partie civile c. Ramazani
Salumu, arrêt n° RPA 236/2012, 18 juin 201361 ;
- Cour militaire opérationnelle du Nord Kivu, Auditeur militaire et parties civiles c.
Nzale Nkumu et consorts, arrêt n° 003/2013 du 5 mai 201462 ;
55 Cour militaire de Kinshasa (Gombe), Auditeur supérieur et parties civiles c. Daniel Mukalay et consorts, Arrêt
n° RP 066/2011, 23 juin 2011, p. 68. Le texte du jugement est disponible en ligne :
[https://www.fidh.org/IMG/pdf/rdc_verdict_chebeyabazana_230611.pdf]
56 Jugement publié dans le Recueil ASF 2013, pp. 32-54, disponible en ligne
[https://issuu.com/avocatssansfrontieres/docs/asf_rdc_jurisprudencecrime…].
57 Arrêt publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 305. Les juges
ont attribué 5.000 dollars US par partie civile pour un viol simple, 10.000 dollars US pour un viol ayant causé la
mort.
58 Jugement publié dans le Recueil ASF 2010, pp. 192-216, disponible en ligne
[https://issuu.com/avocatssansfrontieres/docs/asf_rdc_crimesinternationa…].
59 Arrêt publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, 3ème éd., Kinshasa, Ed. Média St. Paul, 2013,
p. 48. Les juges ont attribué 200.000 dollars US pour un assassinat.
60 Arrêt publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, Paris, L’Harmattan, 2016, pp. 101 à 154
(voir spécialement p. 150). Les juges ont attribué 5000 dollars US par partie civile pour un viol.
61 Arrêt publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 335. Les juges
ont attribué 10.000 dollars US par partie civile pour un viol.
62 Arrêt publié dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 271. Les juges
ont attribué 15.000 dollars US par partie civile pour un viol.
16
- Cour militaire du Sud-Kivu, Auditeur militaire supérieur et parties civiles c. Batumike
et consorts (Affaire Kavumu), arrêt n° RP 0105/2017 du 13 décembre 201763.
40. Les décisions portant sur des actes commis pendant « la période pertinente » 64
identifiée par la Cour témoignent au demeurant de l’importance des montants attribués par
partie civile :
- Tribunal Militaire de garnison de Bunia, Auditeur militaire supérieur et parties civiles
c. Kakado (affaire Kakado), jugement N°071/09, 009/010 et 074/010, du 5 août 200765 :
750.000 dollars US attribués par partie civile pour vols et esclavage sexuel ; 750.000
dollars US attribués pour viols et traitements inhumains ; 50.000 dollars US attribués
pour meurtres ;
- Cour militaire de Kisangani, Auditeur supérieur et parties civiles c. Kahwa (affaire
Kahwa), arrêt n° 023/2006, 13 août 2014 : 10.000 à 20.000 dollars US attribués par
partie civile pour meurtre ;
- Haute Cour militaire, Auditeur militaire supérieur et parties civiles c. Kakwavu (affaire
Kakwavu), arrêt n° 004/2010 du 7 novembre 201466 : 30.000 dollars US attribués par
partie civile pour viols ; 20.000 dollars US pour meurtres ; 5.000 dollars US pour
torture.
L’examen de la pratique suivie par les juridictions congolaises révèle donc des montants
d’indemnisation nettement plus élevés que ceux que propose l’expert. A cet égard, les montants
figurant dans le mémoire de la République démocratique du Congo se situent dans la fourchette
la plus basse des réparations allouées par les juridictions congolaises pour des dommages du
même ordre et sont donc raisonnables.
63 Cet arrêt a été confirmé par la Haute Cour militaire dans son arrêt n°139/2018 du 26 juillet 2018, disponible en
ligne [https://trialinternational.org/wp-content/uploads/2018/07/Arret-Kavumu-…] (visité le 28 janvier
2021). Les juges ont attribué 15.000 dollars US par partie civile pour un meurtre, 5.000 dollars US pour un viol.
64 Ordonnance du 8 septembre 2020, par. 16.
65 Décision citée dans les Réponses de la République démocratique du Congo aux questions de la Cour et publiée
dans le Recueil de décisions de justice et de notes de plaidoiries en matière de crimes internationaux, Avocats
sans frontières, 2010, p. 225, Recueil de jurisprudence congolaise en matière de crimes internationaux, Avocats
sans frontières, 2013, p. 135-174. La décision est aussi disponible en ligne : [https://asf.be/wpcontent/
uploads/2013/12/ASF_RDC_JurisprudenceCrimesInternat_201312.pdf ]
66 Décision citée dans les Réponses de la République démocratique du Congo aux questions de la Cour et publiée
dans le Bulletin des arrêts de la Haute Cour militaire, la lutte contre les violences sexuelles, Paris, L’Harmattan,
2016, p. 17-99.
17
III. Observations sur le rapport concernant les ressources naturelles
41. En ce qui concerne la « perte de ressources naturelles », le mandat établi par
l’ordonnance de la Cour du 8 septembre 2020 67 et repris au paragraphe 2.2 du rapport
d’expertise, est formulé comme suit :
« II. Perte de ressources naturelles
a) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents
publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies
mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle a été la quantité approximative de ressources
naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, exploitées illégalement durant
l’occupation du district de l’Ituri par les forces armées ougandaises pendant la période
pertinente ?
b) Sur la base de la réponse à la question précédente, quelle est la valeur du préjudice subi
par la République démocratique du Congo à raison de l’exploitation illégale de ressources
naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, durant l’occupation du district
de l’Ituri par les forces armées ougandaises ?
c) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents
publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies
mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle a été la quantité approximative de ressources
naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, pillées et exploitées par les
forces armées ougandaises en République démocratique du Congo, exception faite du
district de l’Ituri, et quelle valeur doit-on leur attribuer ? »
42. Ce mandat doit être interprété, pour autant que de besoin, au regard de l’arrêt de la Cour
du 19 décembre 200568. Il appelle à cet égard des observations sur le champ d’application du
rapport de Michael Nest (A). Par ailleurs, plusieurs observations peuvent être émises
concernant les méthodes d’évaluation (B) et les valeurs (C) retenues dans le rapport.
A. Observations sur le champ d’application du rapport
43. Les observations relatives au champ d’application du rapport de Michael Nest portent
d’une part sur les ressources naturelles concernées, et notamment la non prise en compte de la
faune et de la déforestation (1), d’autre part sur les faits engageant la responsabilité de
67 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Ordonnance, 8
septembre 2020, par. 16, point II, A).
68 Dans son ordonnance du 8 septembre 2020, la Cour décide de faire procéder à l’expertise dans le cadre de
« l’examen de l’ensemble des demandes et moyens de défense concernant les chefs de préjudice avancés par le
demandeur » et ce, « [a]fin de déterminer les réparations que l’Ouganda devra verser à la République démocratique
du Congo au titre du préjudice découlant du manquement par cet État à ses obligations internationales, tel que
constaté par la Cour dans son arrêt de 2005 » (ibid., p. 16, point 2).
18
l’Ouganda qui doivent être pris en compte dans l’expertise, et la non prise en compte par
l’expert de l’exploitation illicite par des civils en Ituri (2).
1. La non prise en compte de la faune et de la déforestation
44. S’agissant des ressources naturelles concernées, la République démocratique du Congo
observe que les trois volets du mandat portent sur « les ressources naturelles, telles que l’or, les
diamants, le coltan et le bois ». Les termes « telles que » sont clairs : ils révèlent que cette
énumération est exemplative, et non limitative.
45. Dans son mémoire, la République démocratique du Congo a demandé réparation pour
« Les préjudices causés aux ressources naturelles de la République démocratique du Congo par
l’Ouganda » (Chapitre 5), en subdivisant ce poste en trois sections : « Le pillage et
l’exploitation illégale des minerais » (section 1), « Les préjudices causés à la faune congolaise »
(section 2) et « Le pillage et l’exploitation illicite de la flore congolaise » (section 3).
46. La République démocratique du Congo a ainsi consacré une partie substantielle de
l’argumentation développée dans son mémoire à sa demande de réparation des dommages
causés à la faune en tant qu’élément du préjudice plus généralement causé à ses ressources
naturelles par l’Ouganda 69 . Comme l’expose cette partie du mémoire, l’agression et
l’occupation d’une partie du territoire congolais ont en effet eu des conséquences désastreuses
à cet égard. En particulier, la République démocratique du Congo a montré comment certains
parcs nationaux, s’étendant sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, ont été saccagés et
parfois pillés, notamment en lien avec le commerce illicite —et lucratif— de l’ivoire. A ce seul
titre, et sur la base d’une analyse rigoureuse et documentée, la République démocratique du
Congo a formulé une réclamation de près de deux milliards 700 millions de dollars des Etats-
Unis (2.692.980.468, pour être précis)70. Dans son contre-mémoire, la partie ougandaise a
refusé d’accorder une quelconque indemnité pour la réparation de ce désastre écologique et
économique71.
47. La partie du rapport d’expertise consacrée à la « [s]élection des ressources à prendre en
considération »72 ne comporte toutefois aucune explicitation des raisons pour lesquelles l’expert
n’a pas inclus la faune et les ressources forestières (hormis le bois d’oeuvre) dans son examen.
69 MRDC, Chapitre 6, section 2, pp. 173-204, §§5.93-5.172.
70 MRDC, Chapitre 7.
71 CMO, pp. 384 et ss.
72 Rapport d’expertise n°4, « Exploitation des ressources naturelles », section 1.1.
19
L’expert justifie en revanche l’addition de trois ressources à son analyse : l’étain (cassitérite) –
qui « se trouve souvent associée au coltan (colombo-tantalite) dans les gisements »73 –, le
tungstène (wolframite) – qui forme avec l’étain et la tantalite une « trinité »74 – et, enfin, le café
– qui est inclus dans les rapports du Groupe d’experts des Nations Unies sur l’exploitation
illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique
du Congo et dans ceux de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République
démocratique du Congo. Au vu de ces explications, la République démocratique du Congo
souscrit à l’addition de ces trois ressources dans la liste de celles ayant fait l’objet d’une
exploitation indemnisable. Elle s’étonne en revanche que les mêmes motivations n’aient pas
conduit l’expert à se pencher sur les dommages subis par la faune et la flore sauvages lesquelles
ont, selon le Groupe d’experts des Nations Unies, suscité elles aussi un « fort intérêt »75 et joué
un « rôle »76 dans le conflit en République démocratique du Congo.
48. Au demeurant, le mandat instruit l’expert de faire rapport au vu « des éléments de
preuve versés au dossier de l’affaire et des documents publiquement accessibles, en particulier
les rapports de l’Organisation des Nations Unies mentionnés dans l’arrêt de 2005 ». Or, ces
rapports comprennent d’amples références à d’autres ressources naturelles que celles évoquées
explicitement dans le mandat en visant, notamment, la faune et la forêt. Dès son premier
rapport, le groupe d’experts des Nations Unies avait ainsi expliqué avoir retenu trois catégories
de produits – les ressources minérales, les « produits de l’agriculture, de la forêt et de la faune,
dont bois, café et ivoire » 77
et les ressources financières ; dans son rapport final, il rappelait
encore avoir axé ses enquêtes sur « les diamants, l’or, le coltan (colombotantalite), le cuivre, le
cobalt, le bois d’oeuvre, la faune et la flore sauvages »78.
49. Au vu de ces éléments, il est incontestable que l’expertise ne couvre qu’une partie du
préjudice subi par la République démocratique du Congo du fait de l’exploitation des ressources
73 Ibid., par. 200.2. L’expert précise : qu’il n’y a « aucune raison d’exclure l’étain de ce rapport dès lors qu’on y
inclut le coltan » (ibidem).
74 Ibid., par. 200.3.
75 Ibid.
76 Ibid.
77 Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la
République démocratique du Congo, S/2001/357, 12 avril 2001, § 13 [annexe 1/7 du Mémoire de la RDC sur la
réparation].
78 Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la
République démocratique du Congo, S/2002/1146, 16 octobre 2002, § 4 [annexe 1/10 du Mémoire de la RDC sur
la réparation].
20
naturelles. La République démocratique du Congo maintient à cet égard l’ensemble des
demandes qu’elle a formulées et justifiées dans ses écritures.
2. Les faits imputables à l’Ouganda : la non prise en compte par l’expert de l’exploitation
illégale des ressources naturelles par des civils en Ituri
50. S’agissant ensuite des faits qui engagent la responsabilité de l’Ouganda, il convient de
rappeler que, dans son arrêt du 19 décembre 2005, la Cour a conclu que
« l’Ouganda a engagé sa responsabilité internationale à raison des actes de pillage
et d’exploitation des ressources naturelles de la RDC commis par des membres des
UPDF sur le territoire de la RDC, de la violation de son devoir de vigilance
s’agissant de ces actes et du manquement aux obligations lui incombant en tant que
puissance occupante en Ituri, en vertu de l’article 43 du règlement de La Haye de
1907, quant à l’ensemble des actes de pillage et d’exploitation des ressources
naturelles commis dans le territoire occupé »79.
De même, au point 4 du dispositif de l’arrêt, la Cour a jugé que
« par les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles congolaises
commis par des membres des forces armées ougandaises sur le territoire de la
République démocratique du Congo, et par son manquement aux obligations lui
incombant, en tant que puissance occupante dans le district de l’Ituri, d’empêcher
les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles congolaises, la
République de l’Ouganda a violé les obligations qui sont les siennes, en vertu du
droit international, envers la République démocratique du Congo ».
51. C’est à la lumière de cette conclusion que le mandat confié à l’expert doit être compris.
Les points a) et b) de celui-ci portent sur l’exploitation illégale des ressources naturelles de la
République démocratique du Congo dans le district de l’Ituri pendant son occupation par
l’Ouganda. Ils englobent ainsi, non seulement le pillage ou l’exploitation des ressources
naturelles par les agents de l’Ouganda, ou par d’autres forces armées alliées de l’Ouganda, mais
aussi l’exploitation illégale par des civils, occasionnée par le manquement de l’Ouganda à ses
obligations internationales en tant que puissance occupante de l’Ituri.
52. Le point c) du mandat a trait aux faits de l’Ouganda en dehors du district de l’Ituri. Il
porte sur les ressources naturelles de la République démocratique du Congo « pillées et
exploitées par les forces armées ougandaises en République démocratique du Congo, exception
faite du district de l’Ituri ». En effet, dès lors que l’Ouganda n’était pas puissance occupante en
dehors de l’Ituri, il engage sa responsabilité pour tous les actes de pillage et d’exploitation qui
79 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, 19
décembre 2005, C.I.J. Recueil 2005, p. 253, par. 250.
21
lui sont imputables mais non pour un défaut de vigilance à l’égard de l’exploitation illégale par
des tiers hors de l’Ituri.
53. Enfin, la République démocratique du Congo observe que le point b) instruit l’expert
d’évaluer « le préjudice » subi par la République démocratique du Congo, tandis que le point
c) instruit l’expert d’évaluer « quelle valeur [l’on doit] … attribuer » aux ressources naturelles
pillées et exploitées par l’Ouganda. Le préjudice subi par un État à raison de la spoliation de
ses ressources naturelles est susceptible de dépasser la valeur de ces ressources : le préjudice
peut, par exemple, comprendre en outre la perte de revenus fiscaux et douaniers qui auraient
été perçus si les ressources avaient été légalement exploitées. De l’avis de la République
démocratique du Congo, il n’y a pas de raison d’exclure de tels préjudices de l’expertise au
point c) alors qu’ils sont inclus au point b). Par conséquent, la République démocratique du
Congo estime que cette différence terminologique dans la formulation du mandat ne doit pas
être interprétée comme excluant une évaluation du préjudice sous le point c) qui inclurait
d’autres postes que la seule valeur des ressources naturelles pillées ou exploitées par l’Ouganda.
54. Ces éléments étant précisés, de l’avis de la République démocratique du Congo, l’expert
a procédé sur la base d’une appréciation partielle des faits imputables à l’Ouganda
conformément à l’arrêt de la Cour de 2005 et du droit international applicable. Plus
spécifiquement, il a manqué de prendre en compte l’exploitation illégale des richesses
naturelles en Ituri par des civils, laquelle constitue un manquement de l’Ouganda à ses
obligations internationales en tant que puissance occupante. En raison de cette importante erreur
d’appréciation du cadre juridique de l’expertise, celle-ci a manqué de remplir entièrement le
mandat qui lui avait été confié par la Cour.
55. Au paragraphe 193 de son rapport, l’expert expose en effet ce qui suit :
« 193. Nous avons réparti l’activité consistant, pour les éléments concernés, à
exploiter la valeur des ressources naturelles entre les deux catégories suivantes :
193.1. Dans la zone d’influence ougandaise à l’extérieur de l’Ituri (ZIO hors-
Ituri), cette activité lorsqu’elle était menée par les seuls membres des UPDF. Il
s’ensuit que l’exploitation de la valeur des ressources naturelles par des membres
du Mouvement de Libération du Congo (MLC), par exemple, est exclue du
présent rapport.
22
193.2. A l’intérieur de l’Ituri, cette activité lorsqu’elle était menée par toutes les
forces armées quelles qu’elles soient et leur personnel administratif, y compris
les UPDF et les forces congolaises »80.
L’expert s’est ainsi limité à évaluer l’exploitation des ressources naturelles en Ituri par « toutes
les forces armées », tant ougandaises que congolaises irrégulières, à l’exclusion de
l’exploitation par des civils lorsque celle-ci a été rendue possible par un manquement de
l’Ouganda à ses obligations internationales en tant que puissance occupante.
56. Ce faisant, l’expert a manqué d’évaluer l’entièreté des dommages causés aux ressources
naturelles de la République démocratique du Congo en conséquence de la violation par
l’Ouganda de ses obligations internationales. Au regard de ce manquement, il est incontestable
que l’expertise ne couvre qu’une partie du préjudice subi par la République démocratique du
Congo du fait de l’exploitation des ressources naturelles. La République démocratique du
Congo maintient à cet égard l’ensemble des demandes qu’elle a formulées et justifiées dans ses
écritures.
B. Observations sur les méthodes d’évaluation retenues dans le rapport
57. Quant aux méthodes d’évaluation des ressources naturelles illégalement exploitées, la
République démocratique du Congo a, dans son mémoire et à la suite du Groupe d’experts des
Nations Unies, accordé une place centrale aux exportations des ressources naturelles par
l’Ouganda qui ne pouvaient pas être justifiées par une production locale. La République
démocratique du Congo a fait valoir que ces exportations reflètent, jusqu’à preuve du contraire
par l’Ouganda, les quantités et valeurs spoliées. Le rapport de l’expert, tout en ayant égard à
ces exportations et tout en apportant à cet égard des précisions utiles, adopte substantiellement
une approche différente. L’expert calcule les ressources volées par l’Ouganda et d’autres forces
armées en appliquant une « proxy tax » au total des ressources exploitées dans la Zone
d’Influence Ougandaise pendant la période considérée (1) et prend en compte les exportations
ougandaises non justifiées par une production nationale à des fins différentes de celles retenues
par la République démocratique du Congo (2).
80 Souligné par la République démocratique du Congo.
23
1. L’estimation des ressources volées sur la base d’une « proxy tax »
58. L’expert procède à une estimation du préjudice subi par la République démocratique du
Congo à raison de l’exploitation illégale de ses ressources naturelles81 sur la base de trois
éléments : (i) le vol, (ii) les droits et redevances et (iii) les taxes sur les ventes, les exportations
et autres éléments imposables.
59. La République démocratique du Congo s’interroge quant à la portée de ces différents
postes, et plus spécifiquement sur le rapport entre la notion de « vol » utilisée par l’expert et
celles de « pillage », « exploitation » et « exploitation illégale » figurant dans le mandat. A cet
égard, la République démocratique du Congo suppose que la notion de « vol » n’englobe pas
l’exploitation illicite par des civils causée par un manquement de l’Ouganda à ses obligations
internationales, puisque l’expert s’est expressément limité à l’exploitation par des militaires82.
Si tel est le cas, le rapport d’expertise ne couvre pas l’ensemble des demandes formulées par la
République démocratique du Congo. Il paraît d’autant plus important de comprendre l’exacte
portée accordée par l’expert à la notion de « vol » par rapport à celles utilisées par la Cour dans
son arrêt de 2005 et dans le mandat des experts.
60. S’agissant du poste « vol », l’expert observe ce qui suit :
« 314. Il est indispensable de procéder à une estimation du vol de ressources
naturelles, bien que les informations disponibles sur ce sujet ne soient ni cohérentes
ni complètes et qu’il soit très probable que les exemples cités plus haut soient
inférieurs à la réalité. Le tableau 4.6 donne une estimation du taux de la taxe
indicative (équivalent fiscal approximatif ou « proxy tax ») pour le vol de ressources
naturelles (les chiffres sont les mêmes que ceux du tableau 4.5). »
Les tableaux 4.5 et 4.6 mentionnent ensuite divers pourcentages représentant la « proxy tax »,
qui varient entre 0% et 5% selon les ressources concernées et selon qu’elles sont exploitées en
Ituri ou non. Pour l’or, le pourcentage est de 5% en Ituri et de 2% hors Ituri. La même
observation et les mêmes chiffres figurent au paragraphe 309.
81 Sous le titre 5, « Estimation de l’exploitation de la valeur », l’expert indique que le tableau 4 « montre la valeur
totale estimée extraite par les éléments [militaires] concernés » (§305) et que les estimations du tableau 4.4 « ont
été calculées à partir de présomptions sur les méthodes d’exploitation de la valeur. Aux fins du présent rapport,
l’extraction de la valeur des ressources considérées a été classée en trois catégories correspondant aux trois
méthodes suivantes : 306.1. le vol de ressources ; 306.2. les droits et redevances, y compris les permis d’extraction,
de commercialisation et d’exportation d’une ressource ; 306.3. la ou les taxe(s) sur la valeur des ventes ou des
exportations (§306). L’on comprend donc que les ‘méthodes d’exploitation de la valeur’ se réfèrent aux différentes
méthodes par lesquelles l’Ouganda a illégalement privé la République démocratique du Congo de ressources
naturelles ou des ressources fiscales y associées ».
82 Voy. supra, § 55.
24
61. La République démocratique du Congo s’interroge quant à la pertinence du « taux de la
taxe indicative (équivalent fiscal approximatif ou « proxy tax ») » pour calculer le préjudice en
cause. Plus spécifiquement, la République démocratique du Congo se demande pourquoi
l’expert a évalué les ressources considérées sur la base de cette « proxy tax » plutôt que sur la
base des exportations ougandaises des ressources considérées qui ne peuvent être justifiées par
la production nationale de l’Ouganda, comme la République démocratique du Congo l’avait
fait dans son mémoire, à la suite du Panel d’experts des Nations Unies.
2. Le mode de prise en compte des exportations ougandaises
62. L’expert a eu recours, entre autres éléments, aux données d’exportation et d’importation
de divers pays, dont l’Ouganda, pour les ressources naturelles concernées. Il a notamment
comparé les exportations de l’Ouganda avec sa production nationale, fort inférieure voire
quasiment inexistante. L’expert a utilisé ces données pour l’« Estimation des quantités de
ressources dans la zone d’influence ougandaise (ZIO) » (titre 3.2), ce qui paraît faire référence
aux « ressources produites dans la ZIO »83 (dont l’expert retient un faible pourcentage de 5%
maximum comme « volé »). En revanche, l’expert ne paraît pas utiliser la différence entre les
exportations de l’Ouganda et sa production nationale comme reflétant jusqu’à preuve du
contraire les ressources naturelles congolaises illégalement exploitées par l’Ouganda. Ainsi
l’expert observe notamment :
§ 222 : « … nous avons utilisé les données d’importation et d’exportation des pays
participant au commerce des ressources de la RDC pour estimer la production probable
de la ZIO. Ainsi par exemple, la base de données ComTrade des Nations Unies … Ces
données ont été utilisées comme indicateur approximatif de la production congolaise ».
- § 223 : « A partir des informations connues sur la localisation de chaque ressource
(informations empruntées au dossier de l’affaire et à d’autres documents), nous avons
procédé à une estimation de la proportion des différentes ressources importées qui
provenait probablement de la ZIO ».
Aux §§ 229-230, l’expert compare la production nationale de l’Ouganda et l’exportation
ougandaise « pour les autres ressources » - ce qui, à la lecture du paragraphe 228, vise
vraisemblablement les ressources autres que l’or et le bois d’oeuvre. Aux §§ 230 et 223, ces
données sont encore recroisées (pour certaines ressources seulement, non pour l’or) avec
83 Rapport d’expertise n°4, §221, ainsi que Tableau 4.1.
25
d’éventuelles importations ougandaises d’autres pays limitrophes tels que le Burundi ; et avec
une estimation indépendante de la production formelle de l’Ouganda.
63. La République démocratique du Congo se demande pourquoi l’expert a pris en compte
ces données pour évaluer la quantité de ressources exploitées dans la zone d’influence
ougandaise et considérer ensuite qu’une très petite partie de cette quantité seulement a été
« volée ». Cette approche tranche avec celle du Groupe d’experts des Nations Unies, suivie
dans le mémoire de la République démocratique du Congo, suivant laquelle la totalité des
ressources exportées par l’Ouganda non justifiées par une production interne reflète jusqu’à
preuve du contraire la quantité de ressources congolaises exploitées illégalement du fait de
violations par l’Ouganda de ses obligations internationales.
C. Les valeurs retenues dans le rapport
64. S’agissant des valeurs retenues dans le rapport, la République démocratique du Congo
s’interroge sur la fixation du prix des ressources (1) et sur l’estimation des quantités pertinentes
(2).
1. La fixation du prix des ressources
65. S’agissant de la méthode retenue par l’expert pour identifier le prix des ressources
devant servir comme base au calcul du préjudice, l’interrogation de la République démocratique
du Congo est double. Elle porte d’abord sur l’importante réduction par rapport aux prix du
marché (moins 35%), et ensuite sur la période de référence retenue (1998-2003).
66. L’expert expose sa méthode de fixation des prix en introduction de la section du rapport
consacrée au « prix des ressources » :
« 271. Pour estimer la valeur des ressources avant leur exploitation par les éléments
concernés, nous avons suivi les trois étapes suivantes :
271.1. Identifier les prix annuels moyens de référence pour la période 1998-2003
(soit un cours international, soit un prix spécifiquement identifié comme pertinent
pour la République démocratique du Congo, comme par exemple les données
ComTrade pour les importations en provenance de la République démocratique du
Congo).
271.2. Réduire les prix de référence d’un montant approprié pour refléter les prix
probables pertinents au niveau des producteurs, des négociants et des exportateurs
à l’intérieur de la ZIO. Le résultat de cette opération est désigné dans le présent
rapport par le terme de «prix adopté».
26
271.3. Actualiser les prix adoptés pour les exprimer en dollars de 2020, en leur
appliquant un taux standard. » (souligné par la République démocratique du Congo)
67. La réduction des prix vise selon l’expert à refléter « le prix estimé pertinent dans la
ZIO [zone d’influence ougandaise]»84. Il ressort du tableau 4.285 que l’expert a appliqué, pour
toutes les ressources naturelles sans distinction, et pour toutes les années de 1998 à 2003, une
réduction de 35% par rapport au prix de référence. La République démocratique du Congo ne
comprend pas sur quelle base une décote aussi importante a pu être systématiquement
appliquée, sans égard apparent pour les particularités de la valeur de chaque ressource.
68. Par ailleurs, la République démocratique du Congo tient à relever que, si le prix estimé
pertinent dans la zone d’influence ougandaise est jugé inférieur aux prix de référence, ceci est
la conséquence des activités armées illicites de l’Ouganda sur le territoire de la République
démocratique du Congo. Du point de vue juridique, cette baisse ne peut pas être opposée à la
République démocratique du Congo. Le prix pertinent est celui qui aurait été appliqué en
l’absence des violations du droit international par l’Ouganda.
69 Ensuite, la République démocratique du Congo s’interroge également quant à la période
de référence retenue et quant au calcul d’un prix moyen pour cette période (ou ces périodes).
70. L’expert expose qu’il cherche à identifier les prix de référence (et par conséquent, les
prix réduits) pour chaque année du conflit individuellement, de 1998 à 2003, et à aplanir les
hausses momentanées des prix. Ceci ressort à nouveau du tableau 4.2 et est expliqué plus avant
au paragraphe 272, où l’expert explique :
« Par exemple, l’or en 2003 était environ 30 % plus cher qu’en 1999, et le coltan a
connu entre novembre 2000 et février 2001 une flambée de ses cours, qui ont été
multipliés par 10 par rapport à ceux de 1998. Ainsi, plutôt que de prendre un prix
moyen pour les 58 mois de la période considérée, nous avons adopté un prix moyen
pour chaque année afin d’obtenir un chiffre plus représentatif (un prix mensuel serait
encore plus représentatif, mais il est impossible de le calculer pour l’ensemble de la
période 1998-2003 à partir des données ComTrade) ».
71. Or, selon la République démocratique du Congo, cette approche pose problème du point
de vue juridique. Elle n’a pas égard aux comportements commerciaux dans la zone d’influence
ougandaise qui ont été causés par la violation du droit international par l’Ouganda. Ainsi, la
République démocratique du Congo a observé au paragraphe 5.56 de son mémoire qu’au cours
84 Ibid., §274.
85 Ibid., §274, p. 95.
27
de la période concernée (1998 à 2003), le prix de l’or était historiquement bas. Sur cette base,
la République démocratique du Congo a fait valoir que « [d]ans le cadre de l’économie de
spoliation dont a été victime la République démocratique du Congo, les ressources aurifères
congolaises ont logiquement été exploitées et vendues dans l’urgence, sans avoir égard aux
conditions du marché. Dans le cadre d’une exploitation et commercialisation légales, les
opérations auraient en revanche pu être postposées dans l’attente d’une restauration du marché.
Il n’y a pas lieu, par conséquent, d’avoir égard uniquement aux prix qui étaient pratiqués
pendant la guerre, de 1998 à mi-2003 ».86
2. L’évaluation des quantités d’or et de bois d’oeuvre
72. Indépendamment des questions méthodologiques soulevées supra, la République
démocratique du Congo s’interroge aussi sur certaines quantités de ressources naturelles prises
en compte par l’expert et qui diffèrent de celles retenues dans son mémoire.
73. Les quantités d’or exportées par l’Ouganda entre 1998 et 2003 figurant à la ligne 4 du
tableau A4.5.1.387 de l’expert diffèrent de celles figurant dans le mémoire de la République
démocratique du Congo 88 La République démocratique du Congo se demande comment
s’expliquent ces disparités apparentes. Elle se demande également pour quel motif l’expert n’a
pas fait usage des statistiques COMTRADE, utilisées pour les autres ressources, ni des
statistiques produites par le gouvernement ougandais lui-même, auxquelles elle-même s’est
référée dans son Mémoire89.
74. S’agissant du bois d’oeuvre, au paragraphe 245 de son rapport, l’expert estime les
exportations informelles de bois sciés de la République démocratique du Congo vers
l’Ouganda, le Kenya et le Rwanda à environ 70.000.000 kilos (70 millions de kilos, soit 70.000
tonnes) par an. Au paragraphe 246, l’expert estime que 60% de ce volume de 70.000.000 kilos
par an est passé par l’Ouganda. Vingt pourcents de ce volume, soit 8.400.000 kilos par an,
proviendrait de la ZIO90. Or, l’expert n’explique pas dans ce passage comment il arrive à
86 MRDC, §5.57.
87 Rapport d’expertise, p. 124.
88 MRDC, §§5.41-5.45 et 5.55.
89 MRDC, §§ 5.41-5.43.
90 Il y a sur ce point une divergence entre la version anglaise du texte et la version française, suivant laquelle
l’expert aurait retranché 20%.
28
estimer la production informelle de bois d’oeuvre de la ZIO à 20% du total de la République
démocratique du Congo.
IV. Observations sur le rapport concernant les dommages causés aux biens
75. Le mandat confié aux experts par la Cour s’agissant des dommages causés aux biens est
libellé comme suit :
« a) quel a été le nombre approximatif et le type de biens endommagés ou détruits par
les forces armées ougandaises pendant la période pertinente dans le district de l’Ituri et
en juin 2000 à Kisangani ?
b) Quel est le coût approximatif de la reconstruction d’écoles, d’hôpitaux et
d’habitations individuelles tels que ceux qui ont été détruits dans le district de l’Ituri et
à Kisangani ? »
Les observations qui suivent porteront sur les termes et la portée du mandat des experts (A), les
catégories ou types des biens (B), ainsi que les méthodes d’évaluation et les éléments de preuve
retenus dans le rapport d’expertise en comparaison avec ceux utilisés par la République
démocratique du Congo (C).
A. Termes et portée du mandat
76. Dans son arrêt de 2005, la Cour a retenu la responsabilité de l’Ouganda en tant
que « puissance occupante » pour les faits de ses forces armées (UPDF), mais aussi pour le
défaut de vigilance requise pour prévenir les violations des droits de l’homme et du droit
international humanitaire par d’autres acteurs présents sur le territoire occupé, en ce compris
les groupes rebelles91. L’expert a suivi cette logique et ne s’est pas limité aux dommages
résultant des faits des seules forces armées ougandaises en Ituri.
77. Du point de vue géographique, en plus de l’Ituri et de la ville de Kisangani, l’expert a
également évalué les dommages causés aux biens dans trois autres localités, en l’occurrence
Beni, Butembo et Gemena, couvrant ainsi les deux aires que retient la République démocratique
du Congo dans son mémoire, à savoir, l’Ituri d’une part et, d’autre part, la zone en dehors
comprenant « Kisangani et le reste des territoires envahis par l’Ouganda »92.
91 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J.,
Recueil 2005, § 179.
92 MRDC, p. 241, § 7.45.
29
B. Catégories ou types de biens endommagés ou détruits
78. La République démocratique du Congo constate que l’expert a inclus dans son rapport
la plupart des catégories de biens endommagés ou détruits au cours du conflit, à savoir les
habitations, les infrastructures, les biens pillés, y compris ceux de la Société nationale
d’électricité (SNEL) et des forces armées de la République démocratique du Congo. Il a
néanmoins omis d’y inclure les lieux de culte. La République démocratique du Congo ne
comprend pas les raisons de cette omission. Pourtant, dans son mémoire déposé à la Cour, la
République démocratique du Congo identifie clairement les lieux de cultes détruits93 et ceux-ci
auraient dû être pris en compte par l’expert. Ils revêtent en effet, en plus de leur prix matériel,
une valeur culturelle et religieuse qui fait que leur destruction a causé un choc émotionnel et un
vide moral qui justifient que les dommages qui y ont été causés soient pleinement réparés.
C. Méthodes d’évaluation et éléments de preuve
79. A titre liminaire, la République démocratique du Congo tient à clarifier un point relatif
à l’évaluation du nombre d’habitations détruites au cours du conflit dans les zones concernées
du territoire congolais. A cet égard, elle tient principalement à relever qu’au paragraphe 148 du
rapport, les pourcentages d’habitations détruites retenus par l’expert semblent découler d’une
erreur. L’évaluation qu’il propose sur ce point paraît résulter de l’analyse qu’il a faite de
l’annexe 1.3 du mémoire de la République démocratique du Congo. Or, cette annexe ne couvre
pas, en l’occurrence, les habitations détruites en Ituri. Le fait que l’expert se fonde sur cette
dernière pour évaluer l’ensemble des destructions d’habitations dans le cadre du conflit au cours
de la période de référence ne peut donc qu’aboutir à une sous-estimation de cette catégorie de
dommages. C’est là un point sur lequel la République démocratique du Congo entend revenir
au cours de la procédure orale.
80. En ce qui concerne les établissements scolaires détruits, l’expert fait référence au rapport
du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République
démocratique du Congo, daté du 27 mai 2003. Il exprime cependant des réserves concernant
les infrastructures de santé à cet égard, tout comme en ce qui concerne les évaluations des
« bâtiments administratifs ». Selon expert, les estimations de la République démocratique du
Congo seraient approximatives : « Il s’agit de chiffres ronds, comme l’étaient les chiffres
avancés dans le cas des habitations (voir ci-dessus), ce qui les rend inévitablement incertains,
93 MRDC, §§ 4.31, 4.53, 4.71, 4.75.
30
des détails ou justificatifs n’étant pas produits pour chacun des biens»94. Il est en l’occurrence
indéniable que le nombre retenu par la République démocratique du Congo est le résultat d’une
évaluation globale. Néanmoins, il importe de préciser que celle-ci se fonde sur le rapport
susmentionné du Secrétaire général qui constitue une source fiable sur ce point.
81. En conséquence de ce manque de précision et de ce qu’il identifie comme l’insuffisance
de certaines preuves produites par la République démocratique du Congo à l’appui de ses
demandes, l’expert propose de minorer les sommes réclamées par la République démocratique
du Congo au titre de réparations pour les dommages causés à différentes catégories de biens. Il
propose à cette fin l’application des taux de minoration suivants :
- « 25 % pour la destruction des infrastructures afin de prendre en compte l’incertitude
inhérente à la manière dont ce chef de demande a été présenté95 » ;
- 40% pour les dommages causés à Kisangani96 ;
- 40% pour la Société nationale d’électricité (SNEL)97 ;
- 40% pour les dommages causés aux FARDC98.
La République démocratique du Congo s’interroge en l’occurrence sur les fondements de
l’approche suivie par l’expert à cet égard, en particulier pour ce qui est de la détermination des
pourcentages appliqués pour ces différentes minorations. Il s’agit là d’une autre question sur
laquelle la République démocratique du Congo se réserve le droit de revenir lors de la phase
orale.
Fait à Kinshasa, le 14 février 2021
94 Rapport d’expertise, p. 65, § 156.
95 Ibid., p. 66, § 157.
96 Ibid., p. 70, § 173.
97 §178 point b, du rapport d’expertise.
98 Ibid., p. 74, § 188.
Observations de la République Démocratique du Congo sur le rapport d’expertise du 19 Décembre 2020