Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
17816
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À L’APPLICATION DE LA CONVENTION INTERNATIONALE
POUR LA RÉPRESSION DU FINANCEMENT DU TERRORISME ET
DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION
DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE
(UKRAINE c. FÉDÉRATION DE RUSSIE)
MÉMOIRE DÉPOSÉ PAR l’UKRAINE
12 juin 2018
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
PREMIÈRE PARTIE. INTRODUCTION ......................................................................................... 1
A. La campagne de la Russie pour asseoir son hégémonie en Ukraine............................. 2
B. Structure du mémoire ................................................................................................... 6
DEUXIÈME PARTIE. VIOLATIONS DE LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR
LA RÉPRESSION DU FINANCEMENT DU TERRORISME COMMISES PAR LA
FÉDÉRATION DE RUSSIE....................................................................................................... 10
SECTION A. PREUVES D’UN FINANCEMENT DU TERRORISME EN UKRAINE ................................ 12
CHAPITRE 1. TERREUR PRATIQUÉE DE MANIÈRE SYSTÉMATIQUE PAR LES
INTERMÉDIAIRES DE LA RUSSIE EN UKRAINE ................................................................... 12
A. Dès le début, les intermédiaires de la Russie ont multiplié les actes terroristes
en vue d’intimider les civils et de contraindre le Gouvernement ukrainien ............... 12
B. Destruction de l’appareil de la Malaysia Airlines assurant le vol MH17 ................... 19
C. Tirs d’artillerie contre des civils dans le Donbass ...................................................... 25
D. Campagne d’attentats à l’explosif dans les villes ukrainiennes .................................. 45
CHAPITRE 2. FINANCEMENT DU TERRORISME PAR LA RUSSIE EN UKRAINE ......................... 53
A. Fourniture, par la Russie, d’un arsenal massif aux groupes armés illicites en
Ukraine ....................................................................................................................... 53
B. Le missile russe antiaérien de type Bouk utilisé pour détruire en vol l’appareil
de la Malaysia Airlines ............................................................................................... 56
C. Les systèmes de lance-roquettes multiples russes de type «Grad» et «Smerch»
utilisés dans les tirs d’artillerie contre les civils ......................................................... 65
D. Les explosifs de provenance russe utilisés pour commettre des attentats à
l’explosif dans des villes ukrainiennes ....................................................................... 69
E. Camps d’entraînement russes destinés aux membres de la RPD, de la RPL, des
Partisans de Kharkiv et d’autres groupes armés ......................................................... 71
F. Fonds collectés par la Russie à l’intention de groupes armés illicites en Ukraine ..... 74
CHAPITRE 3. LA FÉDÉRATION DE RUSSIE A MANQUÉ À SON OBLIGATION D’AIDER
L’UKRAINE À PRÉVENIR ET À RÉPRIMER LE FINANCEMENT DU TERRORISME ................... 79
A. La Russie a omis de prendre des mesures pour prévenir les transferts d’armes à
travers la frontière qu’elle partage avec l’Ukraine ..................................................... 79
B. La Russie a manqué à son obligation de coopérer avec l’Ukraine pour geler les
comptes bancaires destinés à financer le terrorisme et faire enquête sur des
personnes associées au financement du terrorisme..................................................... 80
- ii -
C. La Russie a manqué à son obligation d’apporter son aide aux enquêtes pénales
en cours concernant le financement du terrorisme ou d’extrader les suspects ........... 83
SECTION B. LA FÉDÉRATION DE RUSSIE A MANQUÉ AUX OBLIGATIONS QUE LUI IMPOSE
LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA RÉPRESSION DU FINANCEMENT DU
TERRORISME ........................................................................................................................... 87
CHAPITRE 4. LES INTERMÉDIAIRES DE LA RUSSIE ONT COMMIS EN UKRAINE NOMBRE
D’ACTES DE TERRORISME AU SENS DE L’ARTICLE 2 DE LA CIRFT ................................... 88
A. La définition que donne la CIRFT du terrorisme est large et générale ....................... 88
B. Depuis le printemps 2014, la RPD et la RPL se sont ouvertement livrées contre
la population civile ukrainienne à des attentats constituant des actes terroristes
au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT .............................. 91
C. La destruction de l’appareil assurant le vol MH17 constitue un acte terroriste au
sens de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT................................... 92
D. Les tirs d’artillerie lancés par la RPD contre des secteurs civils constituent des
actes terroristes au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la
CIRFT ......................................................................................................................... 94
E. Les attentats à l’explosif commis dans diverses villes ukrainiennes constituent
des actes terroristes au sens de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la
CIRFT ....................................................................................................................... 108
CHAPITRE 5. DES AGENTS ET AUTRES RESSORTISSANTS RUSSES SE SONT
DÉLIBÉRÉMENT LIVRÉS AU FINANCEMENT DU TERRORISME EN UKRAINE ..................... 110
A. Nombre d’agents et de personnes privées russes ont fourni des fonds à des
groupes se livrant au terrorisme en Ukraine ............................................................. 111
B. Les intéressés savaient que les fonds qu’ils fournissaient seraient utilisés, en
tout ou en partie, pour la commission d’actes visés aux alinéas a) et b) du
paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT ................................................................... 114
CHAPITRE 6. LA RESPONSABILITÉ ÉTATIQUE DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE EST
ENGAGÉE À RAISON DE VIOLATIONS DE LA CIRFT ......................................................... 120
A. La Fédération de Russie manque à ses obligations en vertu de l’article 18.............. 120
B. La Fédération de Russie manque à ses obligations en vertu de l’article 8 ............... 125
C. La Fédération de Russie manque à ses obligations en vertu des articles 9 et 10 ...... 127
D. La Fédération de Russie manque à ses obligations en vertu de l’article 12.............. 128
SECTION C. COMPÉTENCE ......................................................................................................... 131
CHAPITRE 7. LA COUR A COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DU DIFFÉREND DES PARTIES
CONCERNANT LA CIRFT ................................................................................................. 131
A. Il existe entre l’Ukraine et la Fédération de Russie un différend concernant
l’interprétation ou l’application de la CIRFT ........................................................... 131
- iii -
B. Le différend entre l’Ukraine et la Fédération de Russie n’a pu être réglé par
voie de négociation dans un délai raisonnable.......................................................... 132
C. L’Ukraine et la Fédération de Russie ne sont pas parvenues à se mettre
d’accord sur l’organisation de l’arbitrage dans les six mois qui ont suivi la date
de la demande d’arbitrage de l’Ukraine .................................................................... 133
TROISIÈME PARTIE. VIOLATIONS PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE DE LA
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE
DISCRIMINATION RACIALE ............................................................................................... 135
SECTION A. PREUVES DE LA POLITIQUE ET DE LA PRATIQUE DE DISCRIMINATION RACIALE
MISES EN OEUVRE PAR LA RUSSIE EN CRIMÉE ...................................................................... 137
CHAPITRE 8. CAMPAGNE D’ANNIHILATION CULTURELLE MENÉE EN CRIMÉE PAR LA
FÉDÉRATION DE RUSSIE .................................................................................................. 137
A. Contexte historique et social de la campagne d’annihilation culturelle menée
par la Russie.............................................................................................................. 137
B. Origine de la campagne d’annihilation culturelle livrée par la Russie contre les
peuples ukrainien et tatar de Crimée ........................................................................ 143
CHAPITRE 9. POLITIQUE DE DISCRIMINATION MISE EN OEUVRE PAR LA FÉDÉRATION DE
RUSSIE DANS LES DOMAINES CIVIL ET POLITIQUE .......................................................... 153
A. Disparitions, meurtres, enlèvements et torture ......................................................... 153
B. Répression politique des Tatars de Crimée .............................................................. 159
C. Perquisitions et détentions arbitraires ....................................................................... 168
D. Imposition de la citoyenneté russe et discrimination ultérieure contre les
non-Russes ................................................................................................................ 172
CHAPITRE 10. POLITIQUE DE DISCRIMINATION ET DE RÉPRESSION CULTURELLES MISE
EN OEUVRE PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE .................................................................... 179
A. Interdiction de grands rassemblements culturels ...................................................... 179
B. Restrictions et harcèlement visant les médias........................................................... 191
C. Dégradation du patrimoine culturel .......................................................................... 197
D. Déni des droits des minorités en matière d’éducation .............................................. 201
SECTION B. LA FÉDÉRATION DE RUSSIE A MANQUÉ AUX OBLIGATIONS QUI LUI
INCOMBENT EN VERTU DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION DE
TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE ............................................................ 210
CHAPITRE 11. SENS ET APPLICABILITÉ DE LA CIEDR EN L’ESPÈCE .................................... 211
A. Les principes de non-discrimination et d’égalité devant la loi sont des principes
fondamentaux au regard de la convention et doivent être pris dans leur sens le
plus large................................................................................................................... 211
- iv -
B. Les communautés ukrainienne et tatare de Crimée sont des groupes ethniques
protégés par la convention ........................................................................................ 214
CHAPITRE 12. VIOLATIONS DE LA CIEDR PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE ....................... 218
A. Article 2 ⎯ Obligation d’éliminer la discrimination raciale .................................... 218
B. Article 4 ⎯ Incitation à la discrimination raciale..................................................... 221
C. Article 5 ⎯ Egalité devant la loi .............................................................................. 222
D. Article 6 ⎯ Protection et voie de recours effectives ................................................ 230
E. Article 7 ⎯ Mesures pédagogiques pour lutter contre la discrimination raciale...... 231
SECTION C. COMPÉTENCE ......................................................................................................... 233
CHAPITRE 13. LA COUR A COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DU DIFFÉREND DES
PARTIES CONCERNANT LA CIEDR .................................................................................. 233
A. Il existe entre l’Ukraine et la Fédération de Russie un différend concernant
l’interprétation ou l’application de la CIEDR........................................................... 233
B. Le différend entre l’Ukraine et la Fédération de Russie n’a pas été réglé par
voie de négociation ou au moyen des procédures prévues par la CIEDR ................ 234
QUATRIÈME PARTIE. CONCLUSIONS ................................................................................... 237
PREMIÈRE PARTIE
INTRODUCTION
1. La Fédération de Russie a engagé sa responsabilité en se livrant à une attaque éhontée et
généralisée contre les droits de l’homme et le droit international sur le territoire ukrainien. Dans le
cadre de cette campagne, la Russie a commis des violations systématiques de la convention
internationale pour la répression du financement du terrorisme (ci-après la «CIRFT») et de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci-après
la «CIEDR»)1.
2. Dans l’est de l’Ukraine, la Fédération de Russie s’appuie sur des intermédiaires ⎯ des
groupes armés illicites qui exécutent ses desseins, essentiellement en terrorisant et en intimidant la
population. Au moyen d’un missile de type Bouk, composante d’une puissante batterie de missiles,
de provenance russe, ces intermédiaires ont abattu l’appareil assurant le vol MH17 de la
Malaysia Airlines alors qu’il survolait l’espace aérien ukrainien, causant la mort de près de 300 civils
innocents. Au moyen de roquettes de provenance russe, ils ont bombardé des zones abritant
notoirement des civils, y compris des quartiers résidentiels et un poste de contrôle civil. Au moyen
d’explosifs à usage militaire, de provenance russe encore, ils ont semé la terreur dans des villes
ukrainiennes, prenant pour cible des rassemblements en faveur de l’unité ou des boîtes de nuit, et des
personnalités publiques connues pour leur franc-parler, qu’ils ont tenté de réduire au silence.
3. En Crimée, la Fédération de Russie agit ouvertement, et directement. Sur ce territoire
ukrainien qu’elle occupe en toute illicéité, la Russie maintient sa domination en menant une politique
de discrimination raciale et d’annihilation culturelle à l’encontre des communautés ethniques qui ont
eu le front de s’opposer à son entreprise d’annexion de la péninsule. Elle a méthodiquement foulé
aux pieds les droits civils et politiques des membres de ces communautés : disparition, torture et
meurtre ont été le lot de certains militants ukrainiens et tatars de Crimée, tandis que d’autres
subissaient perquisitions et arrestations arbitraires, et qu’étaient interdites les activités du Majlis,
institution représentative des Tatars de Crimée et rempart des droits de ce peuple depuis son retour
du cruel exil auquel Staline l’avait condamné. La Russie s’emploie également à étouffer les
manifestations culturelles dont ces communautés ont besoin pour préserver et perpétuer leurs
identités spécifiques, interdisant ou entravant les rencontres culturelles, cherchant à museler les
organes de presse qui s’adressent aux Tatars de Crimée et aux Ukrainiens, et restreignant les
possibilités pour les enfants issus de ces communautés de suivre un enseignement dans leur langue
maternelle.
4. Ces actes, dûment documentés et largement condamnés, sont contraires au droit
international. Le Conseil de sécurité de l’ONU a immédiatement demandé que les responsables de
la destruction de l’appareil assurant le vol MH17 soient contraints de rendre compte de leurs actes,
et l’attaque a fait l’objet d’une enquête méticuleuse confiée à une équipe conjointe. Celle-ci a
annoncé, le 24 mai 2018, que le missile Bouk qui a abattu en vol l’appareil de la Malaysia Airlines
avait été fourni par la 53e brigade de défense antiaérienne de la Fédération de Russie.
1 Nations Unies, convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, Recueil des traités des
Nations Unies (RTNU), vol. 2178, p. 242 (entrée en vigueur le 10 avril 2002) (ci-après la «CIRFT») ; convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, RTNU, vol. 660, p. 213 (entrée en vigueur le
4 janvier 1969) (ci-après la «CIEDR»).
1
2
- 2 -
5. Des observateurs du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU ont rendu compte
du caractère systématique de la terreur et des actes d’intimidation pratiqués par les intermédiaires de
la Russie en Ukraine orientale, ainsi que du rôle joué par la Russie dans l’armement de ces groupes.
Une mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a,
quant à elle, recueilli des informations permettant d’établir que ces groupes s’étaient rendus
responsables d’attaques contre des civils.
6. L’Assemblée générale des Nations Unies a maintes fois condamné la fermeture à caractère
discriminatoire du Majlis, assemblée du peuple tatar de Crimée, ainsi que d’autres actes de
discrimination perpétrés par les autorités d’occupation russes en Crimée2. Dans la résolution 72/190
adoptée le 19 décembre 2017, l’Assemblée générale a ainsi condamné les
«violations et atteintes commises et les mesures et pratiques discriminatoires appliquées
par les autorités d’occupation russes à l’encontre des habitants de la Crimée
temporairement occupée, notamment des Tatars de Crimée, ainsi que des Ukrainiens et
des personnes appartenant à d’autres ethnies et groupes religieux».
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a également recueilli la preuve d’une discrimination
généralisée à l’encontre des Tatars de Crimée et des Ukrainiens en Crimée.
7. Loin de le réprimer, la Russie a systématiquement encouragé le financement du terrorisme.
Loin de chercher à éliminer toutes les formes de discrimination raciale, elle a employé des pratiques
qui en étaient constitutives. Or, elle n’a jamais assumé sa responsabilité. Le présent mémoire établit
que, ayant violé les obligations conventionnelles lui incombant à cet égard, la Russie a engagé sa
responsabilité au regard du droit international.
A. La campagne de la Russie pour asseoir son hégémonie en Ukraine
8. S’ils ont pu varier, les procédés et moyens qu’a employés la Russie témoignent d’un seul et
même but : maintenir son ascendant sur les parties de ce «proche étranger» qu’elle considère comme
sa légitime sphère d’influence. Lorsque l’Ukraine avait proclamé son indépendance à l’égard de
l’Union soviétique en 1991 et choisi d’emprunter sa propre voie souveraine, la Fédération de Russie
s’était engagée à respecter sa souveraineté et son intégrité territoriale à l’intérieur des frontières
ukrainiennes établies. Or, il est désormais clair que la Russie n’est disposée à honorer cet engagement
que si l’Ukraine accepte de demeurer sous son hégémonie.
9. Au cours des dernières années, l’Ukraine et son peuple se sont opposés à la conception qu’a
la Fédération de Russie de son rôle dans la région, et aux efforts que celle-ci a déployés en vue de
les contraindre à nouer avec elle une relation plus étroite, aux conditions qui sont les siennes.
L’Ukraine, dans la conduite de ses relations internationales, ne s’est pas laissé inféoder à la Russie.
Celle-ci a réagi en imposant des sanctions commerciales, en coupant l’alimentation des gazoducs et
en menaçant son intégrité territoriale. Elle a également, de manière peut-être moins visible, mené des
campagnes de propagande et de subversion idéologiques, en finançant des organisations prorusses
en Crimée et en Ukraine orientale, et en assurant la diffusion de fausses informations par le biais,
notamment, des médias.
2 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 72/190 concernant la situation des droits de
l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine), doc. A/Res/72/190 (19 décembre
2017) (annexe 50).
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- 3 -
10. Les efforts qu’a déployés la Russie pour asseoir sa suprématie sur l’Ukraine et la
contraindre à une union plus étroite ont fait long feu. Entre novembre 2013 et février 2014, des
milliers d’Ukrainiens se sont rassemblés pacifiquement sur la «place de l’Indépendance» de Kyiv
(Maidan Nezalezhnosti, ou Maïdan). Les dirigeants qui s’étaient compromis avec la Russie, bien que
n’ayant pas hésité à recourir à des méthodes brutales, y compris le meurtre de manifestants non
armés, ont vu le soutien dont ils avaient pu bénéficier s’estomper. Dans le cadre de sa «révolution de
la dignité», l’Ukraine a réaffirmé les valeurs essentielles qui étaient les siennes au regard de sa
Constitution et son aspiration à jouir d’une véritable indépendance.
11. Campagne de propagande, menaces ou guerre économique ayant échoué à entamer la
détermination de l’Ukraine, la Fédération de Russie a eu recours à des méthodes plus radicales en
vue d’asseoir son hégémonie sur celle-ci. En Crimée, sa rhétorique a débouché sur des actes et des
faits d’agression déclarée. Fin février 2014, elle a massé son armée à la frontière ukrainienne et des
hommes armés vêtus d’uniformes verts, sans insignes — membres des forces armées russes,
apprendrait-on plus tard3 — ont commencé à apparaître à des emplacements stratégiques en Crimée.
Ces «petits hommes verts» oeuvraient de conserve avec des groupes paramilitaires, y compris les
forces d’autodéfense, les Cosaques, et des éléments spéciaux de la Berkout, police spéciale qui avait
ouvert le feu sur les manifestants du Maïdan4.
12. Si la Fédération de Russie a alors nié toute implication dans ces événements, il est
désormais avéré qu’elle a menti. Le président Vladimir Poutine lui-même a reconnu avoir organisé
une réunion les 22 et 23 février 2014 pour «amorcer le processus devant conduire à la restitution de
la Crimée à la Russie»5. De fait, le projet d’invasion de la Crimée remontait sans doute à une date
bien antérieure.
13. Le 27 février 2014, les forces russes — toujours sans insigne — s’emparèrent du bâtiment
abritant le Parlement de Crimée et y hissèrent le drapeau russe. Sous leur contrôle, le Parlement, ainsi
pris en otage, prétendit censurer le gouvernement et nomma illégalement Sergey Aksyonov, dirigeant
d’un parti jusqu’alors marginal, le parti Unité russe, «premier ministre de Crimée»6. Dans les jours
qui suivirent, les forces russes saisirent d’autres établissements stratégiques et encerclèrent les bases
militaires ukrainiennes7.
14. La Russie chercha à transformer cette occupation illicite de la Crimée en une annexion
pure et simple en organisant un simulacre de «référendum»8. Comme le dirait le président Poutine
3 Comme ils portaient des tenues de camouflage vertes ressemblant aux uniformes des forces armées russes, mais
sans insignes, les médias locaux les ont surnommés les «petits hommes verts». Vitaly Shevchenko, “‘Little Green Men’ or
‘Russian invaders’?”, BBC News (11 March 2014) (annexe 567). Nombre de ces «petits hommes verts» étaient membres
des forces armées russes, comme allait le reconnaître le président Poutine. Alan Taylor, “Believed to Be Russian Soldiers”,
The Atlantic (11 March 2014) (annexe 505).
4 Direct Line with Vladimir Putin, President of Russia (17 April 2014), p. 78 (annexe 51).
5 Vladimir Putin, Interview given to the TV channel “Rossiya” as part of a documentary “Crimea: Path to the
Homeland” (video) (annexe 53).
6 Resolution No. 1656-6 /14 (27 February 2014) (annexe 435) ; HCDH, Situation of Human Rights in the
Temporarily Occupied Autonomous Republic of Crimea and the City of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to
12 September 2017), par. 5, 23 (annexe 75[9]).
7 BBC News, “Putin Reveals Secrets of Russia’s Crimea Takeover Plot” (9 March 2015) (annexe 52) ; Kyiv Post,
“Russian Armed Forces Seize Crimea as Putin Threatens Wider Military Invasion of Ukraine” (2 March 2014)
(annexe 503).
8 Verkhovna Rada of the Autonomous Republic of Crimea, Resolution No. 1702-6/14, arts. 1‒2 (6 March 2014)
(annexe 604).
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non sans un certain don pour l’euphémisme : «La Russie cré[a les] conditions» pour la tenue dudit
référendum9. Celui-ci fut sévèrement condamné par la communauté internationale. L’Assemblée
générale des Nations Unies le déclara illicite et affirma que ses résultats ne pouvaient être reconnus,
et la commission de Venise du Conseil de l’Europe conclut à son incompatibilité avec les principes
constitutionnels10. Ce qui n’empêcha pas la Fédération de Russie de s’en autoriser, le 18 mars 2014,
pour justifier sa prétendue annexion de la Crimée.
15. Ayant assuré sa mainmise sur la Crimée, la Russie commença à distribuer les sanctions
aux communautés ethniques qui lui avaient tenu tête. Ce faisant, elle ajouta aux violations flagrantes
de la Charte des Nations Unies dont elle s’était rendue coupable des violations manifestes de la
CIEDR, dans le cadre d’une campagne déclarée de discrimination et d’annihilation culturelle à
l’encontre des communautés tatare de Crimée et ukrainienne.
16. Tandis qu’elle intervenait ouvertement en Crimée, la Russie employait des moyens plus
détournés — fournissant un soutien et des armes à des groupes illicites agissant pour son compte —
pour asseoir son influence et sa domination en Ukraine orientale. A l’est, elle eut recours à maintes
techniques déjà éprouvées en Crimée, tentant d’inciter des mouvements séparatistes à proclamer des
«républiques populaires» dans de larges pans du territoire allant d’Odessa au sud à Kharkiv au
nord-est, et leur apportant son soutien. Les premières mesures de cette campagne menée par groupes
interposés remontent à février-mars 2014. Au cours de cette période, la Russie fomenta, organisa et
finança des protestations antigouvernementales dans différentes villes d’Ukraine orientale comptant
d’importantes populations russophones11. Comme l’a relevé le Haut-Commissariat aux droits de
l’homme, de nombreuses sources ont fait état d’individus «emmenés en bus, et payés pour participer
à des manifestations suivant des scénarios bien précis, notamment en provoquant de violents
incidents»12.
17. Ses efforts en vue de fomenter un soulèvement général en Ukraine orientale ayant manqué
de recueillir un soutien généralisé, la Russie en vint à armer ses intermédiaires pour poursuivre ses
desseins par des moyens violents. Forts de son soutien actif, de nombreux groupes armés composés
d’Ukrainiens prorusses et de ressortissants russes, souvent récemment revenus d’autres théâtres
d’opération, firent leur apparition dans le Donbass, région d’Ukraine orientale qui comprend les
oblasts de Donetsk et de Louhansk. Dans bien des cas, leurs chefs historiques entretenaient des liens
étroits avec la Fédération de Russie, qui leur prêtait assistance : des conseillers jouèrent ainsi un rôle
clef, contribuant à faciliter leurs opérations13.
9 Direct Line with Vladimir Putin, President of Russia (17 April 2014), p. 28 (annexe 51).
10 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 68/262 sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine,
doc. A/RES/68/262 (27 mars 2014) (annexe 43) ; Conseil de l’Europe, commission européenne pour la démocratie par le
droit (commission de Venise), avis sur la compatibilité avec les principes constitutionnels de la décision du Conseil suprême
de la République autonome de Crimée en Ukraine de tenir un référendum sur la question de devenir un territoire constitutif
de la Fédération de Russie ou de restaurer la Constitution de la Crimée de 1992, CDL-AD(2014)002 (21-22 mars 2014)
(annexe 354).
11 Sergey Glazyev, conseiller de Poutine, a parlé de fournir des fonds aux organisations prorusses en Ukraine,
d’inciter les Russes et Ukrainiens prorusses à participer à des manifestations, et d’encourager la mise sous tutelle des
conseils régionaux. Cf. Protocol of Intercepted Conversations of Sergey Glazyev, Advisor to Russian President Putin
(12 June 2014), p. 10-14 (annexe 392) ; Déposition d’Andrii Tkachenko (5 juin 2018), par. 14-17 (ci-après la «déposition
d’Andrii Tkachenko») (annexe 10).
12 Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 April
2014), par. 68 (à propos des manifestations ayant eu lieu début mars) (annexe 44).
13 Voir “Ukraine Crisis: Key Players in Eastern Unrest”, BBC News (28 August 2014) (annexe 541) ; Council of
the European Union, List of Persons and Entities Under EU Restrictive Measures Over the Territorial Integrity of Ukraine
(2017), p. 17, 19 (annexe [357]).
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- 5 -
18. En mars et avril 2014, ces groupes armés illicites occupèrent des bâtiments administratifs
et autres édifices publics à Donetsk et Louhansk14. Le 11 mai 2014, certains d’entre eux,
s’autoproclamant «République populaire de Donetsk» (RPD) et «République populaire de
Louhansk» (RPL), exprimèrent leurs velléités autonomistes à l’égard de Kyiv, et tinrent un prétendu
«référendum» qui, à l’instar de celui de Crimée, fut résolument condamné15.
19. Tout au long de la période de troubles dans le Donbass, la Russie n’a cessé de soutenir que
la RPD, la RPL et les groupes armés qui y étaient associés étaient distincts de la Fédération de Russie.
En même temps, comme dans le cas de la Crimée, elle n’a pu maintenir l’allégation mensongère
selon laquelle il n’y avait pas «d’unités russes en Ukraine orientale — pas de services spéciaux, pas
de tacticiens»16. Elle allait en effet bientôt admettre qu’elle disposait de conseillers sur le terrain, le
président Poutine affirmant : «Nous n’avons jamais dit qu’il n’y avait pas là-bas des gens effectuant
certaines tâches.»17
20. Pendant l’été 2014, le niveau d’organisation des groupes armés associés à la RPD et à la
RPL n’avait cessé de se renforcer. Comme l’a relevé le Haut-Commissariat aux droits de l’homme,
«[l]eurs dirigeants, bien souvent des ressortissants de la Fédération de Russie», avaient «rassemblé»
«[c]e qui s’apparentait initialement à un ramassis de groupes armés mus par des intentions et des
loyautés très diverses»18.
21. Ces groupes armés bénéficièrent aussi d’un afflux massif d’armes en provenance de la
Fédération de Russie. Des ressortissants russes qui avaient servi dans l’armée russe rejoignirent en
outre la RPD et la RPL, afin de leur fournir conseils et assistance et d’en renforcer les rangs19. En
parallèle, la RPD et la RPL mettaient au point leur programme politique, sous la forme de
revendications détaillées en faveur d’une autonomie accrue. Début septembre 2014, alors que les
Gouvernements ukrainien et russe négociaient à Minsk pour mettre fin au conflit en Ukraine
orientale, la RPD et la RPL formulèrent une série d’exigences politiques : le Gouvernement ukrainien
devait leur reconnaître un statut territorial spécial et une autonomie renforcée, les autoriser à déclarer
le russe langue officielle et laisser à chacune d’elles la possibilité d’entretenir ses propres relations
économiques avec la Russie20. Alors que de nouvelles négociations devaient se tenir à Minsk en
février 2015, les dirigeants des deux groupes publièrent une nouvelle liste détaillée de revendications
politiques, incluant «des réformes constitutionnelles, en Ukraine, y compris une importante
14 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014), par. 90 (annexe 45).
15 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 2, 160-161 (annexe 46).
16 Direct Line with Vladimir Putin, President of Russia (17 April 2014), p. 5 (annexe 46).
17 The Guardian, “Putin Admits Russian Military Presence in Ukraine for the First Time” (17 December 2015)
(annexe 585).
18 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014), par. 8 (annexe 296).
19 Voir, par exemple, Signed Declaration of Vladimir Starkov, Suspect Interrogation Protocol (27 July 2015),
p. 1-4, 6-8, 10, 13-16, 18 (reconnaissant être membre de l’armée russe et s’être vu indiquer, de même qu’à 70 autres
officiers, qu’il irait «soit en «République populaire de Donetsk» soit en «République populaire de Lougansk»», où il aurait
à tâche de «conseiller les officiers locaux, et de leur apprendre comment encadrer tel ou tel service») (annexe 234) ; voir
aussi Signed Declaration of Serhiy Semenchenko, Suspect Interrogation Protocol (10 July 2017), p. 2-6 (annexe 267) ;
Signed Declaration of Paylak Mikhaelian, Suspect Interrogation Protocol (10 October 2016), p. 2 (annexe 249) ; Signed
Declaration of Volodymyr Vodyratskyi, Suspect Interrogation Protocol (11 September 2015), p. 9 (annexe 243) ; Signed
Declaration of Oleksandr Oleksechuk, Suspect Interrogation Protocol (16 February 2017), p. 1 (annexe 255) ; Signed
Declaration of Igor Panchyshyn, Witness Interrogation Protocol (18 June 2015), p. 3 (annexe 232).
20 MKRU, “The DPR and LPR Promise Kiev That They Will Remain Part of Ukraine in Exchange for Recognition
of Their Status” (1 September 2014) (annexe 542) ; Petyr Kozlov & Alexey Nikolsky, “The Self-Proclaimed Republics in
the East of Ukraine Put Forward their “Negotiation Demands” to Kiev”, Vedomosti (2 September 2014) (annexe 543).
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décentralisation, avec l’octroi à certaines parties du Donbass d’un statut autonome»21. Pour atteindre
ces objectifs, les intermédiaires de la Russie imposèrent ce que le Haut-Commissariat aux droits de
l’homme qualifia de «régime d’intimidation et de terreur»22. Celui-ci ne serait pas limité au Donbass :
les bombes des Partisans de Kharkiv, entre autres groupes, allaient bientôt ébranler les rues de
Kharkiv, d’Odessa puis de Kyiv.
*
* *
22. En cherchant à asseoir son hégémonie sur l’Ukraine, la Fédération de Russie a mené une
campagne marquée, que ce soit sous sa forme déclarée ou occulte, au coin du mépris envers les droits
de l’homme et la primauté du droit. Si la Cour n’est pas appelée à examiner tous les aspects de cette
campagne, l’Ukraine la prie néanmoins de déclarer que la Fédération de Russie a engagé sa
responsabilité en violant systématiquement les obligations qui lui incombent en vertu de la CIRFT
et de la CIEDR, causant à l’Ukraine et à ses ressortissants — comme, du reste, au monde entier —
un préjudice considérable. En ratifiant la CIRFT et la CIEDR, la Russie s’était engagée à réprimer le
financement du terrorisme et à éliminer la discrimination raciale. Loin d’honorer ces engagements,
elle a transféré quantité d’armes dangereuses et de fonds à des groupes qui étaient présents sur le sol
ukrainien et dont les activités terroristes étaient notoires, et a adopté une politique systématique de
discrimination raciale dans un territoire qu’elle occupe de manière illicite. De telles abominations
appellent une réparation judiciaire. Sur le fondement de la CIRFT et de la CIEDR, l’Ukraine exhorte
la Cour à faire respecter le droit international, à déclarer la Russie responsable de violations de ses
obligations conventionnelles, et à lui imposer des réparations à raison du lourd tribut qu’ont payé et
que continuent de payer, en conséquence de ces violations, le peuple ukrainien et la communauté
internationale dans son ensemble.
B. Structure du mémoire
23. La Fédération de Russie a consenti à se soumettre à la compétence de la Cour en vue de
régler les différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la CIRFT et de la CIEDR.
L’Ukraine a maintes fois objecté aux violations de la CIRFT et de la CIEDR commises par la
Fédération de Russie et a exigé que celle-ci cesse ses actions illicites et accorde la réparation
appropriée. Les Parties ont pris part à de nombreux cycles de négociations relatives aux différends
relevant de chacun de ces traités, mais en vain. En conséquence, le 16 janvier 2017, l’Ukraine a
soumis à la Cour une requête introductive d’instance, en vertu de l’article 24 de la CIRFT et de
l’article 22 de la CIEDR. Le 19 avril 2017, la Cour a rendu une ordonnance, se déclarant compétente
prima facie pour connaître de l’affaire et prescrivant des mesures conservatoires.
24. La deuxième partie de ce mémoire expose les demandes présentées par l’Ukraine sur le
fondement de la CIRFT. La Russie s’est rendue responsables de nombreux actes et omissions visés
par cette convention. L’Ukraine soutient que des groupes armés ont perpétré sur son territoire des
21 Lb.ua, “Media Publish the Demands of the DPR and LPR for the Resolution of the Conflict (Documents)”
(11 February 2015) (annexe 558) ; Zn.ua, “The DPR’s and LPR’s Proposals at the Negotiations in Minsk” (11 February
2015) (annexe 559).
22 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014), par. 26 (annexe 296).
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- 7 -
actes terroristes entrant dans le champ de la CIRFT ; que des agents et autres ressortissants russes
ont massivement fourni des fonds à ces groupes en sachant qu’ils se livraient à des actes terroristes,
et ont notamment fourni des armes spécifiques utilisées pour commettre de tels actes ; et que la
Russie s’est rendue responsable de violations de la CIRFT en ce qui a trait à ces infractions de
financement du terrorisme, notamment en n’empêchant pas ses propres agents de se livrer
directement eux-mêmes à de tels agissements. La deuxième partie du mémoire détaille le contenu de
cette prétention et expose les éléments de fait et de droit qui viennent l’étayer.
25. Dans la section A de la deuxième partie (chapitres 1, 2 et 3) sont exposés les faits et
éléments de preuve qui permettent d’établir ces violations. Le chapitre 1 présente les actes de
terrorisme nombreux, et bien documentés, qu’ont commis les intermédiaires de la Russie — RPD,
RPL, Partisans de Kharkiv et autres — en Ukraine depuis le printemps 2014. Le chapitre 2 révèle
que les agents et autres ressortissants russes ont intensifié la fourniture d’armes, d’entraînement et
de fonds aux intermédiaires de la Russie, alors qu’ils n’ignoraient rien du «règne de la terreur» que
ceux-ci avaient instauré durant le printemps et l’été 2014 et qu’ils ont perpétué ensuite en commettant
de nouveaux actes de terrorisme. Le chapitre 3 montre que la Russie s’est systématiquement refusée
à coopérer avec l’Ukraine lorsque celle-ci s’efforçait d’empêcher l’afflux d’armes, d’argent et
d’autres formes de soutien en provenance du territoire russe et destinés aux groupes opérant pour le
compte de la Russie en Ukraine.
26. La section B (chapitres 4, 5 et 6) établit, sur le fondement de ces éléments de preuve, que
la responsabilité internationale de la Russie est engagée à raison de violations de la CIRFT. Le
chapitre 4 montre que les faits documentés au chapitre 1 sont des faits de terrorisme entrant dans le
champ de la CIRFT. Le chapitre 5 apporte la preuve que la fourniture de fonds par des agents ainsi
que d’autres ressortissants russes à des groupes perpétrant des actes terroristes en Ukraine était
constitutive de financement conscient du terrorisme, au sens du paragraphe 1 de l’article 2 de la
CIRFT. Le chapitre 6 établit que la Russie a violé l’article 18 de la CIRFT en ne prenant pas de
mesures concrètes pour prévenir et faire cesser le financement du terrorisme par toute personne
relevant de sa juridiction, y compris ses propres agents. Il montre également que la Russie a manqué
aux autres obligations de coopération que lui imposent les articles 8, 9, 10 et 12 de la CIRFT. Enfin,
le chapitre 7, à la section C, établit que l’ensemble des conditions préalables auxquelles est
subordonnée la compétence de la Cour pour connaître du différend opposant les Parties au regard de
la CIRFT ont été remplies en l’espèce.
27. La troisième partie du mémoire expose les demandes présentées par l’Ukraine sur le
fondement de la CIEDR. L’Ukraine soutient que la Fédération de Russie s’est livrée, en Crimée, à
une campagne de discrimination systématique à l’encontre des communautés ukrainienne et tatare
de Crimée, et a violé à cette occasion nombre des obligations qu’elle tient de la CIEDR. Plus
précisément, elle a commis des actes de discrimination prohibés par la CIEDR en tolérant, quand elle
n’en était pas à l’origine, une série d’enlèvements, de disparitions, de meurtres et d’actes de torture
visant les Ukrainiens ou les Tatars de Crimée ; malmenant les droits politiques de la communauté
tatare de Crimée, en s’en prenant au Majlis et à ses dirigeants ; se livrant à des perquisitions
arbitraires dans les habitations occupées, les écoles fréquentées ou les villes habitées par des Tatars
de Crimée ; entravant les tentatives des communautés ukrainienne et tatare de Crimée de tenir des
rassemblements revêtant pour elles une importance culturelle ; bâillonnant les organes de presse
s’adressant aux communautés tatare de Crimée et ukrainienne en Crimée ; et limitant les droits à
l’éducation de ces communautés dans la péninsule. La politique et la pratique, généralisées, de
discrimination raciale de la Fédération de Russie, qui visent à terme à annihiler la culture des
communautés tatare de Crimée et ukrainienne en Crimée, sont constitutives d’une violation
supplémentaire de la CIEDR.
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28. La section A (chapitres 8, 9 et 10) expose les éléments apportant la preuve de l’existence
d’une campagne russe de discrimination raciale en Crimée visant l’annihilation culturelle des
communautés tatare de Crimée et ukrainienne. Le chapitre 8 fournit le contexte historique et ethnique
dans lequel s’inscrivent les actes de la Fédération de Russie en Crimée et retrace les origines de cette
campagne.
29. Le chapitre 9 montre en détail comment la Fédération de Russie a privé, de manière
sélective, les communautés ukrainienne et tatare de Crimée de leurs droits civils et politiques, ce qui
les a placées en situation de vulnérabilité. Elle a notamment toléré que de nombreux militants
ukrainiens et tatars de Crimée soient enlevés, torturés ou tués, quand elle n’a pas encouragé ces
pratiques, afin de créer un climat d’intimidation à la veille du référendum ; dépouillé les Tatars de
Crimée des structures représentatives sur lesquelles ceux-ci s’appuyaient pour défendre leurs intérêts
depuis leur retour dans la péninsule ; procédé à des perquisitions et à des placements en détention
arbitraires et discriminatoires pour maintenir dans un état de peur et d’incertitude les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée ; et imposé sa législation en matière de citoyenneté, de résidence et
d’immigration pour justifier la discrimination pratiquée à l’encontre des non-ressortissants russes en
Crimée.
30. Le chapitre 10 rend compte des mesures discriminatoires de la Fédération de Russie visant
les activités culturelles par lesquelles les communautés tatare de Crimée et ukrainienne expriment
leurs identités distinctes et les transmettent aux générations futures. La Russie a ainsi entravé ou
perturbé les rassemblements revêtant une importance culturelle pour les communautés ukrainienne
et tatare de Crimée ; réduit au silence des organes de presse indépendants tatars de Crimée et
ukrainiens, soit en intervenant directement physiquement soit en s’abritant derrière le rejet d’une
demande de renouvellement d’enregistrement sous le régime du droit russe ; été à l’origine d’une
dégradation du patrimoine culturel tatar de Crimée et de l’activité culturelle ukrainienne en Crimée ;
et réorienté le système éducatif en Crimée pour favoriser la domination culturelle russe, les
possibilités de suivre un enseignement en langues ukrainienne et tatare de Crimée étant réduites de
manière drastique.
31. La section B (chapitres 11 et 12) traite des conséquences juridiques, au regard de la
CIEDR, du comportement observé par la Russie en Crimée. Le chapitre 11 décrit les obligations
fondamentales de non-discrimination assumées par les Etats parties en vertu de la CIEDR. Le
chapitre 12 expose la myriade de façons dont le comportement de la Russie en Crimée emporte
violation de la CIEDR. Enfin, le chapitre 13, à la section C, montre que l’ensemble des conditions
préalables auxquelles est subordonnée la compétence de la Cour pour connaître du différend
opposant les Parties au regard de la CIEDR ont été remplies en l’espèce.
*
* *
32. La Russie a poursuivi ses visées hégémoniques par différents moyens et méthodes. Mais
que ce soit ouvertement, à travers un régime d’occupation discriminatoire, ou indirectement, en
armant des intermédiaires et en favorisant le soutien à leurs campagnes de violence et d’intimidation,
elle a, fondamentalement, foulé aux pieds les obligations lui incombant en vertu du droit
international, et les droits de l’homme des Ukrainiens. L’Ukraine exhorte la Cour à déclarer la
12
13
- 9 -
responsabilité de la Russie engagée à raison des violations qu’elle a commises, au regard tant de la
CIRFT que de la CIEDR.
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DEUXIÈME PARTIE
VIOLATIONS DE LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA RÉPRESSION
DU FINANCEMENT DU TERRORISME COMMISES
PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
33. En adoptant la CIRFT, les Etats parties ont reconnu que le financement du terrorisme était
un «sujet qui préoccup[ait] gravement la communauté internationale tout entière» et considéré que
«le nombre et la gravité des actes de terrorisme international [étaient] fonction des ressources
financières que les terroristes p[ouvaient] obtenir»23. La CIRFT visait à offrir une solution globale à
ce motif de grave préoccupation, eu égard à «la nécessité urgente de renforcer la coopération
internationale entre les Etats pour l’élaboration et l’adoption de mesures efficaces destinées à
prévenir le financement du terrorisme ainsi qu’à le réprimer»24.
34. Les groupes agissant pour le compte de la Fédération de Russie, forts de l’appui substantiel
de cette dernière, ont commis de nombreux actes de violence et d’intimidation à l’encontre de civils
sur le territoire ukrainien. Cette partie du mémoire montrera que, par le rôle qu’elle a joué dans la
campagne de financement du terrorisme en cause en l’espèce, la Fédération de Russie a violé de
manière systématique et flagrante les obligations lui incombant en vertu de la CIRFT.
35. L’infraction principale consistant à fournir des fonds destinés à être utilisés aux fins de
commettre des actes de terrorisme est définie, à l’article 2 de la CIRFT, en deux temps. L’article 2
commence par indiquer quels sont les actes de terrorisme entrant dans les prévisions de la convention,
à savoir des actes emportant violation de l’un des traités énumérés en annexe (article 2, par. 1 a)) et,
de manière générale, tout acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil qui, par sa nature ou son
contexte, vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement à accomplir ou à
s’abstenir d’accomplir un acte quelconque (article 2, par. 1 b)). Le paragraphe 1 de l’article 2 érige
ensuite en infraction le fait pour «toute personne» de fournir des «fonds» — soit, selon l’acception
large qui en est donnée à l’article premier, des «biens de toute nature» — dans l’intention de les voir
utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre un acte de
terrorisme entrant dans les prévisions de la convention. Le paragraphe 1 de l’article 2 se lit comme
suit :
«Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui,
par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et
délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en
sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre :
a) Un acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l’un des traités
énumérés en annexe ;
b) Tout autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne
qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé,
lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à
23 CIRFT, préambule.
24 Ibid.
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contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à
s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.»25
36. Aux termes du paragraphe 5 de l’article 2, commet également une infraction au sens de la
CIRFT quiconque «[o]rganise la commission d’une infraction … ou donne l’ordre à d’autres
personnes de la commettre».
37. La CIRFT impose par ailleurs aux Etats une série d’obligations consistant à interdire ou à
prévenir activement les infractions de financement du terrorisme visées à l’article 2. Disposition la
plus complète à cet égard, l’article 18 impose aux Etats de prendre toutes les mesures possibles en
vue de coopérer pour empêcher et contrecarrer la préparation sur leurs territoires respectifs
d’infractions devant être commises à l’intérieur ou à l’extérieur de ceux-ci. L’article 18 leur fait
obligation de prévenir les actes de financement du terrorisme par «toute personne», termes employés
à l’article 2 dont la compréhension, large, s’étend aussi bien aux représentants de l’Etat qu’aux
personnes privées. Le paragraphe 1 de l’article 18 dispose que
«[l]es Etats Parties coopèrent pour prévenir les infractions visées à l’article 2 en prenant
toutes les mesures possibles, notamment en adaptant si nécessaire leur législation
interne, afin d’empêcher et de contrecarrer la préparation sur leurs territoires respectifs
d’infractions devant être commises à l’intérieur ou à l’extérieur de ceux-ci»26.
38. La CIRFT énumère également toute une série de mesures concrètes que les Etats doivent
prendre en vue de prévenir le financement du terrorisme, y compris l’identification, la détection, le
gel, la saisie et la confiscation des fonds destinés à être utilisés pour financer des actes terroristes
(article 8), l’ouverture d’enquêtes, de poursuites ou de procédures d’extradition à l’encontre des
bailleurs de fonds du terrorisme (articles 9 et 10) et l’octroi de l’entraide judiciaire la plus large
possible pour toute enquête relative à des infractions de financement du terrorisme (article 12).
39. Dans la section A ci-dessous, l’Ukraine apportera la démonstration factuelle détaillée que
les intermédiaires de la Russie en Ukraine se sont livrés à une campagne de violence et d’intimidation
à l’encontre de civils (chapitre 1) ; que des agents et autres ressortissants russes ont directement et
indirectement fourni à ces groupes des fonds incluant armes et argent (chapitre 2) ; et que la
Fédération de Russie n’a pris aucune mesure concrète en vue de coopérer à la prévention de ce
financement, repoussant au contraire des demandes de l’Ukraine tendant à ce qu’elle coopère de
bonne foi (chapitre 3). A la section B, elle montrera ensuite que les actions de la Russie emportent
violation de la CIRFT. Elle établira que les intermédiaires de la Russie commettent des actes
terroristes entrant dans les prévisions de l’article 2 de la CIRFT (chapitre 4) ; que des agents et autres
ressortissants russes financent en connaissance de cause ces menées terroristes (chapitre 5) ; et que,
en ce qu’elle n’empêche pas, mais tolère, encourage voire appuie ces actes de financement du
terrorisme, la Fédération de Russie manque aux obligations que lui imposent les articles 8, 9, 10, 12
et 18 de la CIRFT (chapitre 6).
40. Enfin, à la section C (chapitre 7), l’Ukraine établira que l’ensemble des prérequis à la
compétence de la Cour sont remplis.
25 Ibid., article 2 1).
26 Ibid., article 18 1).
16
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SECTION A
PREUVES D’UN FINANCEMENT DU TERRORISME EN UKRAINE
CHAPITRE 1
TERREUR PRATIQUÉE DE MANIÈRE SYSTÉMATIQUE PAR
LES INTERMÉDIAIRES DE LA RUSSIE EN UKRAINE
41. A partir du printemps 2014, les groupes agissant pour le compte de la Russie — RPD,
RPL, Partisans de Kharkiv et autres27 — allaient commettre, sans vergogne, de nombreux actes de
terrorisme meurtriers en Ukraine. Dans ce chapitre seront détaillés certains de leurs agissements les
plus graves. Les faits de meurtre et de torture ciblant des civils allaient s’intensifier au printemps et
à l’été 2014, jusqu’à la destruction, en juillet 2014, de l’appareil de la Malaysia Airlines qui assurait
le vol MH17. Ce modus operandi allait continuer avec les redoutables attaques à l’artillerie menées
contre des civils ukrainiens en janvier et février 2015, et une campagne de bombardements soutenus
à Kharkiv de juillet 2014 à février 2015. Et début 2017, quelques jours seulement après que l’Ukraine
eut saisi la Cour, les intermédiaires de la Russie allaient orchestrer une attaque contre la population
civile d’une autre ville, Avdiivka, et tenter d’assassiner un député ukrainien à Kyiv.
Carte 1 : Actes de terrorisme commis par les intermédiaires de la Russie
Légende :
UTM Zone 36 N Projection Datum: WGS-1984 = WGS 84/UTM zone 36 N
Separatist-held territory = Territoire sous contrôle de forces séparatistes
A. Dès le début, les intermédiaires de la Russie ont multiplié les actes terroristes
en vue d’intimider les civils et de contraindre le Gouvernement ukrainien
42. Dès les premiers jours, la RPD et la RPL, soucieuses de consolider leur mainmise sur
certains pans du territoire ukrainien, et de réaliser leurs desseins politiques, se sont livrées à des actes
de violence et d’intimidation spécifiquement dirigés contre des civils. Les actes terroristes sont l’une
27 Ainsi qu’indiqué au chapitre 1, section A, les intermédiaires de la Russie sont apparus dans la région du Donbass
(Ukraine orientale) au printemps 2014, et rassemblaient des groupes d’Ukrainiens prorusses et de ressortissants russes plus
ou moins affiliés, dont certains allaient s’autoproclamer «République populaire de Donetsk» (RPD) et «République
populaire de Louhansk» (RPL). Hors du Donbass, des groupes agissant pour le compte de la Russie, tels que les Partisans
de Kharkiv, ont également fomenté des troubles et mené des activités violentes en milieu urbain.
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des principales caractéristiques de leur mode opératoire. Comme l’a établi de manière circonstanciée
le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la RPD et la RPL n’ont cessé de
multiplier les actes de violence et d’intimidation contre les opposants politiques civils, pris comme
points de mire.
43. L’un des actes de terreur les plus notoires contre un opposant civil à la RPD et à la RPL
— conseiller municipal de Horlivka, Volodymyr Rybak, enlevé, torturé et assassiné — s’est produit
en avril 2014. M. Rybak était connu pour son engagement en faveur de l’unité ukrainienne28. Comme
l’a rapporté le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, dans l’après-midi du 17 avril 2014,
M. Rybak a été pris à partie par des partisans de la RPD alors qu’il tentait de remplacer le drapeau
de la RPD, qui flottait devant la mairie de Horlivka, par le drapeau ukrainien29. Vers 18 heures, ce
même jour, plusieurs hommes masqués et armés se sont emparés de lui, et l’ont embarqué à bord
d’un véhicule stationné là à cet effet30. C’est la dernière fois que M. Rybak a été vu en vie.
44. Son cadavre a été retrouvé le lendemain, le 18 avril 2014, dans une rivière près de
Raigorodok, aux côtés de celui d’un étudiant et militant du Maïdan, Yurri Popravko31. Selon le
Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’expertise médico-légale a permis d’établir que, «avant
sa mort, M. Rybak a[vait] été attaché, [qu’il avait été] éventré, puis jeté dans la rivière»32. Le corps
de M. Popravko présentait également des marques de torture33. Moins de deux semaines plus tard, le
cadavre d’un autre étudiant, Turii Diakovsky, lui aussi militant du Maïdan, a été retrouvé au même
endroit. Il présentait lui aussi des signes de torture34. Il avait été vu vivant pour la dernière fois alors
qu’il se rendait, avec M. Popravko, à Sloviansk35.
45. Des conversations téléphoniques interceptées ont permis d’établir un lien entre les faits
d’enlèvement, de torture et de meurtre subis par M. Rybak et Igor Bezler, commandant de la RPD.
Bezler, ressortissant russe ayant des liens avec l’armée russe, a codirigé un groupe armé illicite
associé à la RPD à Horlivka36. Dans des conversations téléphoniques interceptées, on peut l’entendre
ordonner à un subordonné de capturer M. Rybak, le 17 avril 2014 :
«Bezler : Ecoutez bien, entrez dans le bâtiment de la mairie. Rybak y fait des
siennes [jurons], entrez dans la mairie, y en a qui essaient de le maîtriser là-bas.
Contraignez-le !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
28 Luke Harding and Oksana Grytsenko, “Kidnapping of Ukrainian Patriots Has Russia’s Full Support, Says Kiev”,
Guardian (23 April 2014) (annexe 507).
29 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016, p. 33 (annexe 49).
30 Ibid.
31 Ibid.
32 Ibid.
33 Ibid.
34 Ibid, par. 33-35.
35 Ibid.. Ces faits ont également été rapportés à l’époque où ils se sont produits. Voir, par exemple, HCDH, Report
on Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014), par. 95-96 (annexe 45).
36 Council of the European Union, List of Persons and Entities Under EU Restrictive Measures Over the Territorial
Integrity of Ukraine (2017), p. 19 (annexe 357) ; BBC News, “Ukraine Crisis: Key Players in Eastern Unrest” (28 August
2014) (annexe 541) ; Glavcom, “Igor (Bes) Bezler: I Don’t Watch TV – I don’t Know About the Minsk Agreements”
(21 October 2014) (annexe 545).
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Les gars, contrainte légère. Embarquez-le, et emmenez-le plus loin [jurons], plus
loin [jurons]. Puis, arrêtez-vous et dites-moi où je dois venir. Compris ? Exécution !»
Peu après que M. Rybak eut été torturé et tué, les autorités ukrainiennes publièrent ces échanges37.
Un membre du Conseil de sécurité condamna «dans les termes les plus fermes … [l]es agressions
visant des personnalités politiques»38 dont relève son cas. Le signal adressé par les bourreaux de
M. Rybak était clair : quiconque s’aviserait de manifester son soutien à l’unité ukrainienne serait pris
pour cible, soumis à des sévices, voire tué.
46. Igor Girkin (également connu sous le nom de «Strelkov» ou de «Strelok»), autre
commandant de la RPD ayant des liens avec les services de renseignement russes, s’en est également
pris à des partisans de l’unité ukrainienne au printemps 201439. Girkin avait soutenu l’intervention
militaire russe en Crimée, alors qu’il était conseiller du «premier ministre» de Crimée, Sergei
Aksyonov. Il s’est ensuite rendu dans le Donbass pour codiriger un groupe armé illicite associé à la
RPD, qui opérait depuis la ville de Sloviansk40. Au cours d’un entretien radiophonique, Girkin a
reconnu avoir procédé à des «exécutions» à Sloviansk en 2014, notamment celle d’un individu qu’il
tenait pour un partisan «idéologique» du mouvement politique ukrainien41. Début juillet 2014, le
Haut-Commissariat aux droits de l’homme a rendu compte de la sauvagerie des agissements de
Girkin, incluant des exécutions sommaires.
47. Ces actes de terreur commis de sang-froid contre des civils pris pour cible en raison de
leurs positions politiques — et la volonté d’intimidation qu’il s’agissait sans conteste de signifier —
étaient tout sauf des incidents isolés. Ils ont aussi coïncidé avec l’accession de ressortissants russes
entretenant des liens étroits avec le Gouvernement de la Fédération de Russie à la direction de la
37 Voir, par exemple, Jamie Dettmer, “‘In Cold Blood’ in Ukraine”, The Daily Beast (3 May 2004) (annexe 545) ;
MKRU, “SBU – People’s Mayor Slavyansk Discussed with an Officer of the GRU RF How to Red of the Corpse of Deputy
Rybak” (24 April 2014) (annexe 509).
38 Nations Unies, Conseil de sécurité, Procès-verbal de la 7165e séance, doc. S/PV.7165 (29 avril 2014), p. 19
(annexe 290).
39 L’Union européenne a décrit Girkin comme un «membre de la direction générale du renseignement de
l’état-major des forces armées de la Fédération de Russie (GRU)». Council of the European Union, List of Persons and
Entities Under EU Restrictive Measures Over the Territorial Integrity of Ukraine (2017), p. 17, 40 (annexe 357) ; MKRU,
“Colonel of the FSB Igor Strelkov Called the Senseless Assault on the Donetsk Airport” (1 December 2014) (annexe 548).
40 Zavtra, “Who Are You, Shooter?” (20 November 2014) (annexe 546) ; BBC News, “Ukraine Crisis: Key Players
in Eastern Unrest” (28 August 2014) (annexe 541) ; Aleksander Vasovic & Maria Tsvetkova, “Elusive Muscovite with
Three Names Takes Control of Ukraine Rebels”, Reuters (15 May 2014) (annexe 515) ; Alec Luhn, “Fight Club, Donetsk”,
Foreign Policy (18 June 2014) (annexe 523). Tout comme le dirigeant de la RPD, Borodaï, il avait auparavant travaillé
pour Konstantin Malofeev, milliardaire russe entretenant des liens étroits avec le président Poutine. Courtney Weaver,
“Malofeev: The Russian Billionaire Linking Moscow to the Rebels”, Financial Times (24 July 2014) (annexe 533).
41 Anna Shamanska, “Former Commander of Pro-Russian Separatists Says He Executed People Based on Stalin-Era
Laws”, Radio Free Europe/Radio Liberty (19 January 2016) (annexe 587). HCDH, Report on the Human Rights Situation
in Ukraine (15 July 2014), par. 47.
(«Un journaliste a mis au jour, à Sloviansk, le 7 juillet, des preuves écrites d’ordres d’exécution
avalisés, et personnellement signés, par le «commandant en chef» des groupes armés, Igor Girkin (dit
Strelkov), ainsi que des comptes rendus d’audiences d’un «tribunal militaire» ayant prononcé des
condamnations à mort — à l’encontre, apparemment, de personnes liées à des groupes armés, et d’un
criminel de droit commun.») (annexe 296).
21
22
- 15 -
RPD et de la RPL42. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme avait ainsi rapporté à l’époque
d’innombrables autres cas de personnes prises pour cible par celles-ci, tuées ou soumises à des
sévices en raison de leur opposition politique, réelle ou supposée, aux deux «républiques populaires»
tout au long du printemps et de l’été 201443. Citons, entre autres, les faits suivants :
⎯ Le 8 mai «a été retrouvé le corps brûlé de Valeriy Salo» ; la veille, ce «fermier et chef d’une
organisation culturelle locale, connu [comme étant un] militant «pro-Maïdan», a[vait] été enlevé
de son village par des personnes armées»44.
⎯ Deux jours plus tard, le 10 mai, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a rapporté que trois
militantes ««pro-ukrainiennes», qui n’[avaient] pris part à aucun combat, [avaient] été enlevées
et détenues par des personnes armées à Kramatorsk»45. D’après les informations reçues, l’une
d’elles, libérée le lendemain, avait été torturée. Elle a été hospitalisée à Sloviansk, avec plusieurs
côtes cassées, le foie perforé, une blessure à la tête et de multiples ecchymoses46.
⎯ Le 18 mai, des membres de la RPD ont fait irruption chez un vieux fermier, dans un village près
de Sloviansk, l’accusant d’avoir fourni des vivres aux forces ukrainiennes47. Ils l’ont conduit de
force dans la cour, ont lu une ««phrase» au nom de la «République populaire de Donetsk», et
l’ont abattu devant sa famille et ses voisins»48.
⎯ Le 29 août 2014, la RPL a assassiné Hennadii Khitrenko, policier à la retraite et membre du
conseil du village de Krymske, chez lui, devant son père49. Pour celui-ci, si son fils a «été tué,
c’est parce qu’il était un partisan notoire de l’intégrité territoriale ukrainienne. Plusieurs jours
auparavant, il s’était rendu au commissariat de la ville de Lysychansk (région de Louhansk) pour
s’enrôler dans les rangs de la garde nationale ukrainienne.»50
42 Outre Bezler et Girkin, Alexander Borodaï, qui entretient des relations étroites avec les services de renseignement
russes, est devenu «premier ministre» de la RPD peu après les prétendus «référendums» organisés par la RPD et la RPL et
décrits à la section A de la première partie. Christopher Miller, “Russian Resigns to Make Way for Ukrainian as New Head
of ‘Donetsk People’s Republic’”, Guardian (8 August 2014) (annexe 536) ; “Alexander Borodai: I am a Russian
Imperialist”, Actual Comment (24 November 2014) (annexe 547) ; Harriet Salem, “Who’s Who in the Donetsk People’s
Republic”, VICE News (1 July 2014). Borodaï avait auparavant exercé les fonctions de conseiller d’Aksyonov en Crimée
et avait également travaillé pour M. Malofeev. Courtney Weaver, “Malofeev: The Russian Billionaire Linking Moscow to
the Rebels”, Financial Times (24 July 2014) (annexe 533) ; Henry Meyer et Onur Ant, Analysis: “The Russian
‘Philosopher’ Who Links Putin, Bannon, Turkey: Alexander Dugin”, Chicago Tribune (3 February 2017) (annexe 591) ;
Christopher Miller, “Russian Resigns to Make Way for Ukrainian as New Head of ‘Donetsk People’s Republic”, Guardian
(8 August 2014) (annexe 591). Le ressortissant russe Valery Bolotov, qui avait servi dans les rangs de l’armée soviétique
à la fin des années 1980, allait diriger la RPL. Tom Balmforth, “A Guide To The Separatists Of Eastern Ukraine”, Radio
Free Europe/Radio Liberty (3 June 2014) (annexe 519).
43 Voir, par exemple, HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014), par. 102 (où on lit
ceci : «Le 29 avril, un militant local aurait été enlevé par des personnes non identifiées ; il est actuellement détenu par un
groupe armé dans le bâtiment occupé du service de la sûreté de l’Etat à Louhansk» ; «[l]e 2 mai, à Donetsk, un groupe armé
a enlevé un militant et assistant. Séquestré, il a été battu et interrogé trois jours durant, avant d’être relâché le 5 mai» ; «[l]e
3 mai, des partisans de l’unité ont été séquestrés, battus et interrogés à Louhansk, avant d’être relâchés le 4 mai.»
(Annexe 45) ; HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 205 (rapportant que
les 9-10 mai, dans le Donetsk, «un groupe armé accompagné de policiers aurait enlevé les parents d’un militant local de
«Svoboda»») (annexe 46).
44 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 209 (annexe 46).
45 Ibid., par. 199.
46 Ibid.
47 Ibid., par. 210.
48 Ibid.
49 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016, par. 50 (annexe 49).
50 Ibid.
23
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48. Loin de chercher à dissimuler l’intention qui était la sienne de terroriser les civils
ukrainiens, la RPD a ouvertement reconnu qu’elle pratiquait la terreur. Lors d’une conférence de
presse, en juillet, la haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a relevé
«un message dérangeant sur le site de l’un des dirigeants de la «République populaire de Donetsk»
autoproclamée, qui indiqu[ait] que les enfants mineurs et les femmes étaient des cibles légitimes et
que le but était de «plonger [la population] dans l’horreur»»51.
49. En mai 2014, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a en outre fait état d’un
«nombre croissant de violations des droits de l’homme — enlèvements, actes de torture/mauvais
traitements, séquestrations et meurtres, notamment — commis par des groupes armés [en Ukraine
orientale]»52. Ainsi,
⎯ tout au long du mois de mai, le Haut-Commissariat a été informé de plusieurs cas de personnes
tuées à des «postes de contrôle tenus par des groupes armés»53. Le 8 mai, par exemple, il a
rapporté qu’un «prêtre orthodoxe a[vait] été abattu à un poste de contrôle près de sa ville natale
de Druzhivka»54 ;
⎯ le Haut-Commissariat a également fait état de «nombreux cas» de torture infligée à des civils
durant les mois d’avril et mai 201455. Le 4 mai 2014, par exemple, «un groupe d’hommes armés
a enlevé six habitants de Novogrodovka, dans le Donetsk, y compris des conseillers municipaux
et des syndicalistes» et les a séquestrés dans le bâtiment occupé de l’administration d’Etat de la
région, à Donetsk56. Les civils ont été «sauvagement battus et torturés pendant leur détention
illégale»57.
50. En juillet 2014, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a dressé le bilan suivant :
«Des violations flagrantes des droits de l’homme ont été commises dans les
régions du Donetsk et de Louhansk (Ukraine orientale), où sévissent des groupes armés
appuyant les entités autoproclamées «République populaire du Donetsk» et
«République populaire de Louhansk» (respectivement, la RPD et la RPL).»58
51 HCDH, Intensified Fighting Putting at Risk Lives of People in Donetsk and Luhansk — Pillay (4 July 2014)
(annexe 295).
52 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014), par. 58 (annexe [45]).
53 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 209 (annexe 4[6]).
54 Ibid.
55 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 212-214 (annexe 46).
56 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014), par. 102 (annexe 45).
57 Ibid. Voir aussi HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 200
(indiquant que, à sa libération, une interprète qui avait été enlevée par la RPD du 4 au 18 mai «a[vait] déclaré avoir été
détenue par des groupes armés à Donetsk et avoir été soumise à de mauvais traitements et à des agressions sexuelles»)
(annexe 293) ; ibid. (indiquant que, le 8 mai, une femme souffrant d’un cancer et qui suivait une chimiothérapie avait été
enlevée par la RPD à Sloviansk alors qu’elle tentait d’obtenir la libération de son fils) (annexe 46).
58 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014), par. 2 (annexe 296). Voir aussi, ibid.,
par. 38 («Les actes d’intimidation et de violence perpétrés par les groupes armés à l’encontre de civils se sont poursuivis
dans l’est, avec des cas d’enlèvements et de détentions de personnes souvent appelées à servir d’otages. Les groupes armés
se rendent également coupables de mauvais traitements, d’actes de torture et de meurtres.»)
24
- 17 -
Il poursuivait en ces termes : «Les enlèvements se comptent par centaines, et leurs victimes ont été
nombreuses à être torturées. Le nombre de civils tués n’a cessé d’augmenter.»59 Le
Haut-Commissariat a publié des informations analogues pendant tout le restant de l’année 201460.
51. Conformément à l’objectif politique d’autonomie accrue vis-à-vis de l’Ukraine qui était le
leur, la RPD et la RPL ont souvent, lorsqu’elles s’en sont pris à des civils, ciblé ceux qu’elles
assimilaient à des opposants ou à des partisans de l’unité ukrainienne. Outre le meurtre odieux de
M. Rybak et les autres atrocités déjà mentionnées, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme
rapportait plus généralement, en juin 2014, que
«des ONG de Donetsk [avaient] informé [la mission de surveillance] d’une tendance
croissante [à des] persécutions systématiques de la société civile. Selon [elles], la peur
se répand dans les régions de Donetsk et [de] Louhansk, avec un nombre croissant
d’actes d’intimidation et de violence commis par des groupes armés, ciblant des
personnes «ordinaires» qui soutiennent l’unité ukrainienne ou qui s’opposent
ouvertement à l’une ou l’autre des deux «républiques populaires»»61.
52. Un rapport de Human Rights Watch publié en août 2014 faisait de même état d’une «bonne
vingtaine de cas de militants politiques arrêtés et torturés par des insurgés à Donetsk, Sloviansk,
Makyivka et Louhansk depuis avril 2014»62. En décembre 2014, le Haut-Commissariat aux droits de
l’homme a réaffirmé que les «actes de persécution et d’intimidation à l’encontre de personnes
soupçonnées de soutenir les forces ukrainiennes ou nourrissant simplement des sympathies
pro-ukrainiennes (ou supposées en nourrir) demeur[aient] très répandus»63.
53. Conformément à l’objectif recherché, la campagne de violence dirigée par la RPD et la
RPL contre la population civile en Ukraine orientale allait instaurer un «climat d’intimidation et, par
conséquent, la peur» à Donetsk et à Louhansk, selon les termes employés par le Haut-Commissariat
aux droits de l’homme64. En juillet 2014, celui-ci rapporta ce qui suit :
«Les groupes armés combattant à l’est sont tenus de respecter le droit
international ; or, malheureusement, ils n’en ont rien fait. Ils ont commis de graves
atteintes aux droits de l’homme. Et il convient de rappeler qu’ils ont fait main basse sur
59 Ibid., par. 2. Voir HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016, par. 37
(rapportant qu’«un grand nombre de corps portant des marques laissant penser à des exécutions sommaires ont été
découverts dans les territoires contrôlés par les groupements armés») (annexe 313).
60 Voir, par exemple, HCDH, rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur
la situation des droits de l’homme en Ukraine (19 septembre 2014), par. 16-17 (rapportant que «les groupes armés
continuent de se rendre coupables d’enlèvements, d’actes de torture physique et psychologique, de mauvais traitements et
d’autres violations graves des droits de l’homme» et qu’ils auraient «empêché des habitants de quitter les régions, y compris
en les harcelant aux postes de contrôle … en tirant sur des véhicules transportant des civils fuyant les combats, et en les
utilisant, semblerait-il, comme boucliers humains») (annexe [4]7) ; HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine
(15 November 2014), par. 6 (rapportant que, «dans les territoires contrôlés par les deux «républiques», il continuait d’être
fait état de graves violations des droits de l’homme aux mains de groupes armés, dont des cas de torture, de séquestration
et de détention au secret, d’exécutions sommaires, de travail forcé, de violence sexuelle ainsi que de destruction et de saisie
illégale de biens») (annexe 48).
61 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 207 (les italiques sont de
nous) (annexe 46).
62 Human Rights Watch, Ukraine: Rebel Forces Detain, Torture Civilians (28 August 2014), p. 10 (annexe 444).
63 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 December 2014), par. 41 (annexe 303).
64 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 4 (annexe 46).
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le territoire ukrainien, et ont imposé à la population un régime d’intimidation et de
terreur visant à maintenir leur autorité.»65
54. Présentant ce rapport devant le Conseil de sécurité, début août, le sous-secrétaire général
aux droits de l’homme Ivan Šimonović est allé dans le même sens, signalant qu’il documentait de
manière détaillée ce qu’on pouvait qualifier de «règne de la peur et de la terreur dans des zones
contrôlées par les groupes armés, auquel s’ajoutait un effondrement de l’ordre public»66.
55. Fuyant ce climat de terreur et d’intimidation, nombre de civils ukrainiens ont quitté les
zones contrôlées par la RPD et la RPL. En août 2014, l’OSCE a attribué cet exode à «[l’]activité des
bandes armées ciblant la population locale et, de manière générale, [à] l’absence d’Etat de droit»
motivaient cet exode67. Nombre de civils fuyaient parce qu’ils avaient été «directement victimes, ou
témoins, d’actes de violence, tels que des meurtres, enlèvements, menaces et actes d’intimidation, ou
sentaient qu’ils pourraient aussi en subir personnellement les conséquences»68.
56. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a publié des rapports périodiques sur les
pratiques de la RPD et de la RPL, portant régulièrement les faits, lorsqu’ils survenaient, à la
connaissance du Conseil de sécurité et d’autres organes de l’ONU dont la Russie est membre69.
Nombre des attaques rapportées ont également été relayées dans les médias ukrainiens et russes, ou
la presse internationale. Grâce aux rapports minutieux établis à l’époque des faits par le
Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’OSCE, Human Rights Watch et d’autres observateurs
65 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014), par. 26 (annexe 256). Voir HCDH,
rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en
Ukraine (19 septembre 2014) , par. 16 :
(«Le fait que les groupes armés font régner la peur et l’intimidation est attesté par les rapports de
la Mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine. La mobilisation forcée et la menace de se
voir infliger la peine de mort ont constitué des moyens supplémentaires pour terroriser la population du
territoire se trouvant sous le contrôle des groupes armés.») (annexe 47.)
66 Statement to the Security Council by Ivan Šimonović, Assistant Secretary-General for Human Rights on the
Human Rights Situation in Ukraine (8 August 2014), p. 2 (annexe 298).
67 OSCE, Thematic Report: Internal Displacement in Ukraine (12 August 2014), p. 5-6 (annexe 316).
68 Ibid.
69 Voir, par exemple, Press Statement by the ASG Ivan Simonovic, UN Office of the High Commissioner for
Human Rights, Launch of the Second Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May 2014) (annexe 291) ;
Exposé daté du 16 avril 2014 adressé au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies par M. Ivan Šimonović,
sous-secrétaire général aux droits de l’homme (annexe 289) ; HCDH, UN Official Cites ‘Worsening’ Human Rights
Situation in Southern, Eastern Regions (21 May 2014) (rapportant que le HCDH a informé le Conseil de sécurité de la
teneur de son rapport du 15 mai 2014) (annexe 292) ; Statement of the Assistant Secretary-General Ivan Šimonović at the
Security Council meeting on Ukraine (24 June 2014) (annexe 294) ; Statement to the Security Council by Ivan Šimonović,
Assistant Secretary-General for Human Rights on the human rights situation in Ukraine (8 August 2014) (annexe 298) ;
Statement to the Security Council by Ivan Šimonović, Assistant Secretary-General for Human Rights, meeting on Ukraine
(24 October 2014) (annexe 302) ; voir aussi HCDH, Human Rights Council Takes Up People of African Descent, Racism
and Racial Discrimination, and Situation in Ukraine (23 September 2014) (annexe 300) ; Statement by Mr. Ivan Šimonović,
Assistant Secretary-General for Human Rights, at the Interactive Dialogue on the Situation of Human Rights in Ukraine at
the 27th Session of the Human Rights Council (24 September 2014) (annexe 301).
27
- 19 -
neutres, ainsi que la presse locale et internationale70 , la communauté internationale — et en tout état
de cause la Fédération de Russie, sous l’égide de laquelle opéraient la RPD et la RPL — n’ignorait
rien de ce qui se passait en Ukraine orientale.
57. Dans ce contexte, et connaissant la teneur des rapports adressés au Conseil de sécurité de
l’ONU et d’autres sources, la Fédération de Russie a décidé de ne pas réprimer le financement d’une
campagne de terrorisme qui ne se démentait pas. Elle a, au contraire, fait le choix de promouvoir et
de soutenir des groupes armés illicites en Ukraine orientale, y compris en envoyant, par le truchement
de ses représentants, des fonds et des armes aux groupes qui terrorisaient notoirement la population
civile.
B. Destruction de l’appareil de la Malaysia Airlines assurant le vol MH17
58. Ainsi qu’il sera décrit plus loin, au chapitre 2, tandis que le cycle de violences déclenché
par la RPD et la RPL contre les civils se poursuivait dans le Donbass, la Russie intensifiait l’appui
apporté à ces groupes, renforçant leur puissance de feu et leur aptitude à porter préjudice à des civils
innocents. La destruction de l’appareil de la Malaysia Airlines qui assurait le vol MH17 en fut l’une
des tragiques conséquences.
59. Le 17 juillet 2014, la RPD abattit l’avion de ligne qui assurait le vol MH17, alors qu’il
empruntait l’espace aérien réservé aux aéronefs civils au-dessus de l’Ukraine orientale. L’attaque a
causé la mort de l’ensemble des 298 civils qui se trouvaient à bord : 3 nourrissons, 280 autres
passagers, 4 membres d’équipage de conduite, et 11 membres d’équipage de cabine. Les passagers
de ce vol, qui devait atterrir à Kuala Lumpur, étaient pour beaucoup des touristes néerlandais en route
vers leur destination de vacances, mais une trentaine d’autres nationalités, et notamment un nombre
important de ressortissants malaisiens et australiens, étaient aussi représentées. Le missile utilisé par
les groupes armés, de type 9M38, fut tiré par une batterie de missiles Bouk-TELAR qui avait été
livrée par les membres d’une brigade militaire russe en territoire ukrainien contrôlé par la RPD. La
RPD l’avait déployée en dépit du fait qu’elle ne pouvait distinguer à coup sûr cibles civiles et
militaires, et de l’ouverture de l’espace aérien réservé aux avions civils.
60. La réaction de la communauté internationale ne se fit pas attendre. Le 21 juillet 2014, le
Conseil de sécurité adopta une résolution dans laquelle il «[e]xige[ait] que l’on contraigne les
responsables de l’incident à répondre de leurs actes et que tous les Etats s’associent pleinement aux
efforts déployés pour établir les responsabilités»71. Loin d’appuyer de tels efforts, la Russie y fit
obstruction, propageant de fausses informations concernant l’attaque et opposant son veto à une autre
70 Voir, par exemple, “Ukrainian Orthodox Church Confirms Priest Murdered in Donetsk Region”, Kyiv Post
(10 May 2014) (annexe 514) ; “In Donetsk Region, an Orthodox Priest Was Killed”, Gazeta (5 May 2014) (annexe 511) ;
Human Rights Watch, Ukraine: Captives Describe Brutal Beatings (5 May 2014) (annexe 441) ; Hannah Levintova,
“Armed Groups in Ukraine Target Gays, Journalists, Minorities, and Anyone Who Speaks Up”, Mother Jones (21 May
2014) (annexe 518) ; Luke Harding and Oksana Grytsenko, “Kidnapping of Ukrainian Patriots has Russia’s Full Support,
Says Kiev”, The Guardian (23 April 2014) (annexe 507) ; “Ukrainian Deputy Rybak Was Tortured and Then Drowned”,
MKRU (23 April 2014) (annexe 508) ; Tatyana Popova, “Leaders of the Outrages of the DNR”, Ukrainska Pravda
(23 September 2014) (annexe 544) ; “The Body of the Heads of the Krasnolimanskaya Prosvita Was Found in a Burned
Car”, Radiosvoboda (8 May 2014) (annexe 513) ; “Details of Shooting a Farmer Near Slaviansk”, PN (19 May 2014)
(annexe 517) ; “Terrorist Shot a Resident of Donetsk Region in Front of his Family”, Unian (18 May 2014) (annexe 516).
71 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2166, doc. S/RES/2166 (21 juillet 2014), par. 11 (annexe 297).
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résolution du Conseil de sécurité visant à créer un tribunal international chargé de traduire en justice
les responsables de la destruction de l’appareil de la Malaysia Airlines72.
61. En dépit de l’obstruction de la Russie, les efforts déployés par la communauté
internationale en vue d’enquêter sur cette attaque allaient porter leurs fruits. Dans le cadre de cette
réponse multilatérale, le bureau néerlandais de la sécurité mena une enquête indépendante sur les
causes de la catastrophe aérienne, suivant les «règles internationales applicables aux enquêtes
indépendantes sur les accidents d’aviation telles qu’elles figurent dans l’annexe 13 de la convention
relative à l’aviation civile internationale»73. Conformément à ces règles, le bureau néerlandais de la
sécurité coopéra et partagea des informations avec les Etats concernés, notamment la Fédération de
Russie74.
62. En parallèle, une enquête pénale fut ouverte par une équipe d’enquête conjointe composée
de représentants du parquet et de la police nationale des Pays-Bas, ainsi que de responsables de
l’application des lois australiens, belges, malaisiens et ukrainiens. Si ce processus suit actuellement
son cours, M. Gerardus Wilhelmus Christiaan Thiry, commissaire de la brigade criminelle de la
police néerlandaise, a remis à la Cour deux rapports officiels relatifs à des pièces décisives de
l’enquête actuellement pendante. Ils constituent les annexes 39 et 40. Il en ressort sans l’ombre d’un
doute que la Russie porte la responsabilité d’avoir fourni le système de missiles Bouk-TELAR utilisé
pour abattre en vol l’avion de la Malaysia Airlines, ainsi qu’il sera montré plus en détail au chapitre 2.
63. Sur le fondement d’analyses criminalistiques et autres techniques d’enquête, l’équipe
conjointe a déterminé que l’avion de la Malaysia Airlines avait été détruit par une batterie de missiles
Bouk-TELAR, et exclu toute autre hypothèse. En résumé, voici ce qu’elle a conclu :
«L’onde de choc enregistrée, combinée à l’orientation des traces d’impact
découvertes sur l’épave et causées par l’explosion et l’impact de fragments, ainsi qu’aux
fragments en forme de noeud papillon découverts dans le cockpit et dans le corps de l’un
des membres de l’équipage dans le cockpit, aux types de blessures relevés sur les trois
membres de l’équipage dans le cockpit, à l’analyse de la séquence de désintégration en
vol de l’appareil, à l’analyse des résidus d’explosif et de peinture prélevés, et à la taille
et au caractère spécifique de la forme en noeud papillon de certains des fragments, ont
conduit l’OVV [bureau néerlandais de la sécurité] à conclure que l’avion a été frappé
par une ogive de type 9N314M portée par un missile de type 9M38 lancé à partir d’un
système de défense antiaérienne sol-air Buk.»75
64. En étudiant les trajectoires qu’a pu suivre le missile pour causer le type de dommages
constatés, l’équipe d’enquête conjointe a circonscrit l’aire de lancement à une zone de 320 kilomètres
72 UN News Centre, Security Council Fails to Adopt Proposal to Create Tribunal on Crash of Malaysia Airlines
Flight MH17 (29 July 2015) (annexe 311).
73 Voir Dutch Safety Board, Crash of Malaysia Airlines Flight MH17 (17 July 2014), p. 7 (ci-après «DSB Report
MH17 Crash») (annexe 38).
74 Ibid.
75 Ibid.
30
- 21 -
carrés comprenant les villes ukrainiennes de Snizhne et de Pervomaiskyi 76, situées dans l’oblast de
Donetsk et contrôlées par les séparatistes77.
65. L’équipe d’enquête conjointe a de même conclu que «le vol MH17 a[vait] été abattu le
17 juillet 2014 par un missile de type 9M38 lancé par un système BUK-TELAR»78. Dans le cadre de
cette enquête, elle a déterminé que le missile avait été lancé, plus précisément, depuis un champ situé
entre Snizhne et Pervomaiskyi 79. Des images satellite montrent que, le 16 juillet 2014, la veille de
l’attaque, le champ présentait un aspect ordinaire. Dans les jours qui ont suivi, en revanche, il
paraissait calciné et la terre, retournée :
Figure 180
A gauche : image satellite du site de lancement le 16 juillet 2014
A droite : image satellite du site de lancement le 21 juillet 2014
66. Le Bouk a également été photographié et filmé à Snizhne le 17 juillet par des habitants du
coin, qui ont posté des images sur Internet peu avant l’attaque. Ayant examiné et authentifié ces
images, les enquêteurs néerlandais ont conclu que le convoi transportant le Bouk se trouvait en effet
à Snizhne peu avant l’attaque81.
76 Ibid.
77 Procès-verbal des services de police néerlandais et ses annexes (16 mai 2018), annexe 1 (relevant quelle était la
zone contrôlée par les séparatistes) (ci-après le «procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018»)
(annexe 41).
78 Joint Investigation Team, Presentation Preliminary Results Criminal Investigation MH17, Openbaar Ministerie
(28 September 2016) (ci-après «2016 JIT Presentation») (annexe 39).
79 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 ; ibid., annexe 1 (notant que le site de lancement
se trouvait à proximité de Snizhne, et analysant les champs brûlés alentour) ; ibid. («L’enquête a également permis d’établir
que le Bouk-TELAR qui a abattu l’appareil assurant le vol MH17 a lancé un missile à partir d’un champ agricole situé au
sud de Snizhne et à l’ouest de Pervomaiskyi.») (annexe 41).
80 2016 JIT Presentation (assortie d’une vidéo : MH17 Animation Regarding the Transport Route and the Launch
Site, at 8 :59-9 :35) (annexe 39) ; voir aussi procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 8
(photographies dans la version originale néerlandaise) (annexe 41).
81 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 6 (annexe 41).
31
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Figure 282
A gauche : photographie montrant le Bouk à Snizhne le 17 juillet 2014
A droite : vidéo tournée peu après la destruction en vol de l’appareil de la Malaysia Airlines, le 17 juillet 2014 — arrêt sur
l’image montrant le Bouk
67. L’acheminement de la batterie Bouk-TELAR jusqu’au site de lancement était également
évoqué dans une conversation interceptée qui fait expressément référence à Snizhne :
Interlocuteur 1 : Ecoute … le dernier poste de contrôle après Snizhne et avant Stepanivka … à
gauche … est-ce que mon sens de l’orientation me joue des tours ?
Interlocuteur 2 : Tu dois aller à droite à Stepanivka et le long du champ jusqu’à ce p*** de comment
déjà ? Ce p*** de Snizhne, c’est ça ?
Interlocuteur 1 : Oui.
Interlocuteur 2 : Eh bien va à Snizhne. Je te donnerai de nouvelles instructions à partir de là.
Interlocuteur 1 : OK. C’est bon83.
68. Le téléphone mobile de l’un des interlocuteurs de cette conversation — qui s’est déroulée
à 13 h 9, quelques minutes tout juste avant l’attaque — était relié à la tour de télécommunications la
plus proche du champ situé à proximité de Pervomaiskyi 84.
69. Les intermédiaires de la Russie ont déployé le missile Bouk qui allait détruire l’appareil
de la Malaysia Airlines assurant le vol MH17 en sachant pertinemment que l’espace aérien de
l’Ukraine orientale qui se trouvait à portée de cette arme était ouvert au trafic aérien civil. D’après
un avis aux navigateurs aériens (NOTAM), l’espace aérien situé en deçà de 32 000 pieds était limité
82 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 1 (photographies dans la version
originale néerlandaise, p. 7, 9) (annexe 41).
83 Intercepted Conversation between “Krot” and “Zmey” (17 July 2014) (annexe 396) ; Confirmation of
Authenticity, Senior Special Investigator with the Second Branch of the First Pre-Trial Investigations Department at the
Main Investigations Directorate of the Security Service of Ukraine (4 June 2018) (ci-après «Confirmation of Authenticity,
SSU») (annexe 184) ; voir aussi 2016 JIT Presentation (assortie d’une vidéo : MH17 Animation Regarding the Transport
Route and the Launch Site, at 7:36-8:02) (annexe 39).
84 2016 JIT Presentation (assortie d’une vidéo : MH17 Animation Regarding the Transport Route and the Launch
Site, at 8:02-8:09) (annexe 39).
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aux aéronefs de l’Etat ukrainien, ce qui signifie qu’au-delà le trafic aérien civil était expressément
autorisé85.
70. Nombreux ont été les appareils civils à traverser l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine
orientale avant l’attaque. D’après les informations émanant de l’organisation européenne pour la
sécurité de la navigation aérienne (EUROCONTROL), le bureau néerlandais de la sécurité a
déterminé qu’un «grand nombre d’opérateurs [avaient] continué d’utiliser des itinéraires passant
au-dessus de la partie est de l’Ukraine»86. En juin et juillet 2014, 220 avions ont traversé en moyenne
la zone de circulation aérienne où a été abattu l’appareil de la Malaysia Airlines87. Le 17 juillet, jour
de l’attaque, 160 appareils ont traversé cette zone jusqu’à ce qu’elle ne ferme, à la suite de la
catastrophe aérienne88.
71. L’avion de la Malaysia Airlines suivait un plan de vol typique. Ayant décollé
d’Amsterdam, en route pour Kuala Lumpur, il a atteint une altitude de croisière de 33 000 pieds,
niveau de vol standard pour les avions civils89. Quiconque avait accès à l’Internet aurait pu identifier
ce plan de vol, et même repérer l’appareil alors qu’il survolait l’est de l’Ukraine en ce début
d’après-midi du 17 juillet. Citons, entre autres exemples de services en ligne gratuits qui le lui
auraient permis, Flightradar24, offrant la possibilité de suivre le trafic aérien en temps réel90.
Flightradar24 a ainsi conservé et partagé une vue de l’espace aérien ukrainien prise en temps réel
peu avant la destruction de l’appareil de la Malaysia Airlines, montrant à quelle altitude volait
celui-ci et qu’il se dirigeait vers l’est du pays91.
85 DSB Report MH17 Crash, p. 195-97 (annexe 38). L’avis aux navigateurs aériens avait été émis par l’Ukraine
alors que celle-ci ignorait que la Russie avait fourni à des groupes armés illicites des missiles sol-air capables d’atteindre
des avions de ligne volant à une altitude de croisière. Cette pratique est conforme à celle en usage dans les zones de conflit
où les avions civils volant à des altitudes élevées sont censés ne courir aucun risque. Voir ibid., p. 199-205.
86 Ibid., p. 223.
87 Ibid.
88 Ibid., p. 224.
89 Ibid., p. 23-36.
90 Live Air Traffic, Flightradar24 (23 May 2018) (annexe 666).
91 Social Media Page (Twitter) of Flightradar24, archived on 17 July 2014 (annexe 617).
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Figure 392
Légende :
Flightradar live view of Ukrainian airspace, 17 July 2014 = Vue de l’espace aérien ukrainien sur Flightradar,
17 juillet 2014
72. En dépit de cette configuration du trafic aérien civil, les intermédiaires de la Russie ont
déployé une puissante arme destinée à détruire en vol un aéronef, la batterie de missiles
Bouk-TELAR, en sachant que l’appareil qu’il permettait d’abattre pourrait être un avion civil.
73. Le fonctionnement du système de missiles Bouk, et de sa composante TELAR, en
particulier, est expliqué de manière détaillée par Anatolii Skorik, professeur associé à l’université
Ivan Kozhedub de l’armée de l’air de Kharkiv, expert de ce système, de son fonctionnement, et de
l’entraînement à son maniement. Le système de missiles Bouk, écrit Skorik, est destiné à fonctionner
avec plusieurs composantes : un système de contrôle du combat, un détecteur de cible, trois modules
chargeur-lanceur, et six TELAR93. Le Bouk-TELAR peut opérer en mode centralisé, le système de
contrôle détectant la cible et donnant l’instruction de la détruire94. Un TELAR peut également
fonctionner en mode autonome, en localisant lui-même les cibles, quoique toujours sur la base
d’instructions reçues du système de contrôle du combat, et en coordination avec celui-ci95. Dans les
deux cas, les décisions quant aux objectifs à viser sont basées sur l’accès qu’a le système de contrôle
du combat à des informations substantielles relatives, par exemple, à «l’espace aérien (y compris au
trafic aérien civil) reçues des troupes radiotechniques de l’armée de l’air et de leurs radars»96. Les
équipages de systèmes de contrôle du combat sont formés à «traiter de grands ensembles de données»
et peuvent alerter le TELAR lorsque des aéronefs civils sont détectés sur la base de ces
informations97. Bien que le Bouk-M1 SAM soit «très rarement utilisé dans des situations où l’espace
aérien est ouvert aux aéronefs civils», s’il «fonctionne en coordination avec le système de contrôle
du combat, les informations relatives au trafic aérien civil provenant des forces radio-radar seront
92 Ibid.
93 Rapport d’expertise de M. Anatolii Skorik (6 juin 2018), par. 9 [ci-après le «rapport Skorik»] (annexe 12).
94 Ibid., par. 18-25.
95 Ibid., par. 26.
96 Ibid., par. 21.
97 Ibid., par. 38.
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36
- 25 -
portées à l’attention d[e son] commandant … en temps utile, ce qui permettra de réduire
considérablement le risque d’attaques sur des aéronefs civils»98.
74. Or, de manière assez singulière, la RPD a déployé un Bouk-TELAR alors que l’espace
aérien surjacent était notoirement ouvert au trafic aérien. Mais elle l’a fait sans l’appui essentiel : rien
ne permet en effet de conclure que le TELAR à l’origine de la destruction de l’avion de la
Malaysia Airlines ait opéré en coordination avec un système de contrôle du combat99. Or, comme
l’explique M. Skorik, «les capacités techniques du Bouk-M1 TELAR ne permettent pas de distinguer
avec exactitude les aéronefs civils des cibles militaires» ; sur l’écran de l’opérateur, aéronefs civils
et militaires sont «quasiment impossibles à distinguer»100. A ces contraintes techniques s’ajoute
l’intense pression à laquelle est soumis l’opérateur du TELAR, qui est formé à réagir à «une
vitesse … record» pour détruire une cible, tout en comptant sur le système de contrôle du combat
pour apprécier la situation aérienne plus générale101. M. Skorik conclut ainsi que le fonctionnement
du Bouk-TELAR en mode autonome dans un espace ouvert au trafic aérien civil «[est] extrêmement
dangereux pour les aéronefs civils»102.
75. La RPD, affichant une fois de plus le peu de cas qu’elle faisait de la vie humaine, n’en a
pas moins fait le choix, dans de telles circonstances, de déployer un Bouk-TELAR. La destruction,
aux conséquences humaines désastreuses, de l’appareil de la Malaysia Airlines qui assurait le
vol MH17 est le résultat de ce choix.
C. Tirs d’artillerie contre des civils dans le Donbass
76. Les violences n’ont pas cessé après la destruction en vol de l’avion de la Malaysia Airlines,
mais elles ont revêtu d’autres formes. En l’espace de moins d’un mois, entre janvier et février 2015,
les groupes agissant pour le compte de la Fédération de Russie ont lancé trois grandes attaques à
l’artillerie contre des civils ukrainiens à Volnovakha, Marioupol et Kramatorsk. Au moyen de
systèmes d’artillerie guidée sophistiqués, la RPD a cherché à semer la peur chez les civils et à faire
pression sur le Gouvernement ukrainien alors qu’un cessez-le-feu était en cours de négociation. Les
intermédiaires de la Russie ont ensuite lancé une nouvelle attaque de ce type, cette fois à Avdiivka,
début 2017.
1. Attaque d’un poste de contrôle civil près de Volnovakha
77. L’une de ces attaques s’est déroulée en milieu d’après-midi, le 13 janvier 2015. Ce jour-là,
la RPD a procédé à des tirs d’artillerie à proximité d’un poste de contrôle civil (le «poste de contrôle
de Buhas») situé à environ 2 kilomètres au nord de la ville ukrainienne de Volnovakha. Le poste de
contrôle de Buhas est installé sur une autoroute très fréquentée et de longues files de véhicules civils
doivent régulièrement y patienter. Ayant amassé de grandes quantités d’armes provenant de la
Fédération de Russie, ainsi qu’il sera détaillé ci-dessous, les militants de la RPD ont utilisé des
98 Ibid., par. 34.
99 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 1 («A Snizhne, le Bouk-TELAR a été
déchargé puis a poursuivi sa route, propulsé par son propre moteur, jusqu’à un champ situé à l’ouest de Pervomaiskyi») ;
annexe 3 (notant que «[l]e convoi était composé des véhicules suivants : une Peugeot 3008 de couleur foncée, un Toyota
RAV4 de couleur grise/argentée (claire), un camion blanc de marque Volvo tractant une plateforme rouge transportant un
Bouk-TELAR, un véhicule UAZ 469 vert, un véhicule Volkswagen Transporter de couleur foncée et un SsangYong
Korando blanc» et ne mentionnant pas d’autres composantes du système de missiles Bouk) (annexe 41).
100 Rapport Skorik, par. 28, 39 (les italiques sont de nous) (annexe 12).
101 Ibid., par. 36.
102 Ibid., par. 31.
37
38
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lance-roquettes multiples de type Grad BM-21 («BM-21 Grad» ou «Grad») pour pilonner ce poste
de contrôle civil. La RPD a lancé une volée de roquettes, au moins 88 salves, qui se sont abattues
autour du poste de contrôle103. L’une des roquettes a explosé à proximité d’un car de passagers civils
qui attendait de franchir le poste de contrôle, tuant 12 de ses occupants et en blessant 19 autres. Le
Conseil de sécurité de l’ONU a immédiatement condamné, dans une déclaration, «le bombardement
d’un bus à Volnovakha»104, et exigé qu’une enquête soit menée afin que les auteurs de cet acte soient
traduits en justice. Les enquêteurs ukrainiens et la mission d’observation spéciale de l’OSCE en
Ukraine se sont entendus sur les principaux faits, y compris l’heure à laquelle s’était produite
l’attaque, la zone d’où celle-ci a été lancée et le type d’armes employées.
78. Le poste de contrôle de Buhas se trouve sur l’autoroute H-20105, principale voie de
circulation reliant les deux plus grandes villes de la région : Marioupol, contrôlée par le
Gouvernement ukrainien, et la ville de Donetsk, contrôlée par la RPD et d’autres groupes armés.
Quelque 3000 véhicules l’empruntent chaque jour106. En semaine, pas moins de 15 cars de passagers
franchissent quotidiennement le poste de contrôle de Buhas107.
79. Ce flux constant est dû à plusieurs raisons concrètes. Les habitants de Donetsk étaient
nombreux à se rendre régulièrement dans les villes contrôlées par le Gouvernement ukrainien pour
recevoir de celui-ci les pensions de retraite et autres allocations auxquels ils avaient droit108. Le
conducteur interrogé après les faits a rapporté que nombre de passagers qui se trouvaient dans son
bus rentraient effectivement à Donetsk après avoir effectué le voyage à cet effet109.
80. Le poste de contrôle de Buhas était utilisé depuis longtemps à des fins de contrôle de la
circulation, et notamment de contrôle policier des véhicules110. Depuis le début des hostilités, il faisait
en outre, de facto, office de poste-frontière, gérant les risques que représentaient pour la sécurité les
103 Voir, par exemple, déposition de Dmytro Volodymyrovych Zyuzia (29 mai 2018), par. 16 (ci-après «la
déposition de Dmytro Zyuzia») (annexe 6) ; Record of Review, drafted by Captain of Justice V. Romanenko, Senior
Investigator at the Internal Affairs Agency of the Investigations Department of the Directorate of the Security Service of
Ukraine in the Donetsk Region (16 January 2015), p. 8-18 (annexe 87) ; OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring
Mission (SMM) to Ukraine Based on Information Received as of 18:00 (Kyiv Time) (13 January 2015), p. 1 (annexe 320) ;
OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on Information Received as of 18:00
(Kyiv time) (16 January 2015), p. 1 (annexe 324).
104 Nations Unies, Conseil de sécurité, Déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité à la suite du meurtre
des passagers d’un bus dans la région de Donetsk (Ukraine), doc. SC/11733 (13 janvier 2015) (annexe 305).
105 Déposition de Maksym Anatoliyovych Shevkoplias (31 mai 2018), par. 6 (ci-après la «déposition de Maksym
Shevkoplias») (annexe 4) ; Main Military Prosecutor’s Office, Prosecutor General’s Office of Ukraine Letter
No. 10/4/1-44-08-15 to the Main Donetsk Regional Administration Office of the National Police (26 February 2016), p. 1
(annexe 146).
106 National Police, Main Donetsk Regional Administration of the National Police Letter No. 1812/04/18-2016 to
the Main Military Prosecutor’s Office, Prosecutor General’s Office of Ukraine (18 March 2016), p. 1 (annexe 146).
107 Déposition de Maksym Shevkoplias, par. 7 (annexe 4).
108 Ibid. En janvier 2015, les personnes vivant en territoire contrôlé par la RPD ou la RPL ne pouvaient percevoir
de paiements du Gouvernement ukrainien que dans des banques situées en territoire contrôlé par celui-ci. Volnovakha est
l’une des villes les plus proches en territoire sous contrôle ukrainien, et celle où il était le plus commode pour les habitants
de Donetsk de se rendre pour percevoir leurs prestations. Ibid.
109 Signed Declaration of Sergey Cherepko, Witness Interrogation Protocol (20 January 2015), p. 5 (annexe 208).
110 National Police, Main Donetsk Regional Administration of the National Police Letter No. 1812/04/18-2016 to
the Main Military Prosecutor’s Office, Prosecutor General’s Office of Ukraine (18 March 2016), p. 1 (annexe 146) ;
déposition de Maksym Shevkoplias, par. 9 (annexe 4) ; Signed Declaration of Oleksandr Chekorskyy, Witness
Interrogation Protocol (5 April 2016), p. 3 (annexe 248).
39
- 27 -
allées et venues de civils vers et depuis les zones contrôlées par la RPD111. Le jour de l’attaque, des
policiers et gardes-frontières y contrôlaient les passeports ainsi que les véhicules, les cars et les
individus qui franchissaient le poste de contrôle112.
81. Le poste de contrôle étant situé sur une autoroute très fréquentée, et les contrôles imposés
étant longs, il n’est pas rare que s’y forme une file de voitures et d’autobus. L’OSCE a, dans des
rapports ultérieurs, relevé qu’il pouvait arriver que des centaines de véhicules civils patientent au
poste de contrôle, dans l’attente des autorisations nécessaires113. En semaine, l’affluence y était
particulièrement importante entre 14 et 15 heures, créneau durant lequel les cars faisant la navette
entre Volnovakha et Donetsk arrivaient généralement114.
82. La veille de l’attaque, le service de renseignement du ministère ukrainien de la défense a
constaté qu’il avait été fait usage de véhicules aériens sans pilote à proximité de Volnovakha115. Le
jour de l’attaque, une file de véhicules en route vers Donetsk patientait au poste de contrôle de Buhas
lorsque la RPD a déployé ses missiles Grad. Sergey Cherepko, conducteur du bus touché lors de
l’attaque, est arrivé comme à l’accoutumée au poste de contrôle avec un véhicule bondé, vers
14 h 10116. Il a rapporté qu’au moins trois autres cars se trouvaient alors devant le sien117. Une vidéo
enregistrée peu avant l’attaque par la caméra dont était équipé le tableau de bord (figure 4) montre
plusieurs véhicules civils attendant de pouvoir franchir le poste de contrôle.
111 Voir déposition de Maksym Shevkoplias, par. 9 (annexe 4) ; Signed Declaration of Anton Ovcharenko, Witness
Interrogation Protocol (18 January 2015), p. 3-4 (rapportant que, en tant que garde-frontière, «il était notamment chargé, à
cet endroit, de vérifier les passeports des individus franchissant le poste de contrôle, ainsi que de contrôler les véhicules, à
la recherche d’armes, de stupéfiants et autres marchandises illicites, et d’identifier les membres des organisations terroristes
RPD [et] RPL») (annexe 206) ; Signed Declaration of Anton Fadeev, Witness Interrogation Protocol (16 December 2015),
p. 3 (rapportant que, en tant que membre du bataillon des forces spéciales de police «Kyiv-2», il était «notamment chargé
de contrôler les véhicules et individus franchissant le poste de contrôle») (annexe 244) ; Signed Declaration of Artem Kalus,
Witness Interrogation Protocol (17 January 2015), p. 2 (rapportant que, en tant que commissaire de police en chef, «il
vérifiait les données personnelles relevées sur les passeports des individus ayant franchi le poste de contrôle»)
(annexe 204) ; Signed Declaration of Yaroslav Maksymov, Witness Interrogation Protocol (17 January 2015), p. 3
(rapportant que, en tant que commissaire de police local, «il était notamment chargé de contrôler les véhicules et les
individus franchissant le poste de contrôle») (annexe 205).
112 Voir ci-dessus, note 111 ; ibid. (indiquant que des membres du bataillon des forces spéciales de police «Kyiv-2»,
cinq gardes-frontières et des policiers locaux étaient en service au poste de contrôle le 13 janvier 2015.)
113 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on information received as of
28 August 2015 (28 August 2015), p. 2 (annexe 336).
114 Déposition de Maksym Shevkoplias, par. 7 (annexe 4).
115 Déposition de Vadym Skibitskyi (5 juin 2018), par. 26 (ci-après la «déposition de Vadim Skibitskyi»)
(annexe 8).
116 Signed Declaration of Sergey Cherepko, Witness Interrogation Protocol (20 January 2015), p. 4 (annexe 208).
117 Ibid., p. 4. Voir aussi Signed Declaration of Anton Fadeev, Witness Interrogation Protocol (16 December 2015),
p. 3 (annexe 244).
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Figure 4118
83. A 14 h 25, le 13 janvier 2015, la RPD a pointé trois lance-roquettes Grad sur le poste de
contrôle, tirant au moins 88 roquettes explosives sur une file de véhicules et de cars dont les passagers
étaient des civils119. M. Cherepko a ainsi rapporté les faits dont il a été témoin :
«Alors que j’attendais que mon passeport soit contrôlé au poste [de
Buhas], … j’ai soudain entendu un sifflement qui se rapprochait et venait, en gros, du
nord. Je n’en ai pas exactement saisi la provenance, toutefois, car tout s’est passé très
vite. Et une fraction de seconde plus tard, au niveau du côté droit du car (qui allait vers
Donetsk, en provenance de Volnovakha), j’ai entendu une forte déflagration, comme
l’explosion d’un obus, tandis que les fenêtres de l’autobus volaient en éclats et que des
fragments de métaux venaient endommager la carrosserie.»120
84. De multiples explosions ont retenti à quelques secondes d’écart, sur un rayon de plusieurs
centaines de mètres121. La carte no 2 montre les 88 points d’impact autour du poste de contrôle de
Buhas, et la figure 5 est une image prise par un véhicule aérien sans pilote de l’OSCE.
118 Dashboard Camera Footage of Shelling on 13 January 2015 (video) (annexe 696). Voir aussi Human Rights
Watch, Ukraine: Rising Civilian Death Toll (3 February 2015) (rapportant que des «images vidéo enregistrées au moment
de l’attaque par la caméra dont était équipé le tableau de bord montrent plusieurs véhicules civils en train de franchir le
poste de contrôle et plusieurs autres attendant en file indienne» (annexe 1108). Des images enregistrées par la caméra de
surveillance du poste de contrôle montrent également plusieurs voitures en train de franchir le poste alors que les obus
commencent à s’abattre sur la route elle-même ou aux alentours. Footage from a Surveillance Camera at the Checkpoint
(10 January 2015) (video) (annexe 695) ; déposition de Maksym Shevkoplias, par. 14 (annexe 4).
119 Record of Review, drafted by V. Romanenko, Senior Investigator of the Security Service of Ukraine (16 January
2015), p. 8-18 (annexe 87) ; Record of Site Inspection, drafted by A. G. Albot, Investigations Department of the
Volnovakha District Department of the Donetsk Regional Directorate of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine
(13 January 2015), p. 2-3 (annexe 85). Voir aussi Signed Declaration of Anton Ovcharenko, Witness Interrogation Protocol
(18 January 2015), p. 3-4 (annexe 206).
120 Signed Declaration of Sergey Cherepko, Witness Interrogation Protocol (20 January 2015), p. 4 (annexe 208).
121 Record of Review, drafted by V. Romanenko, Senior Investigator for the Security Service of Ukraine
(16 January 2015), p. 8-18 (annexe 87).
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Carte 2 : Impacts des tirs au poste de contrôle de Buhas, près de Volnovakha122
Légende :
Detonations = Déflagrations
Civilian Bus = Autobus transportant des passagers civils
Vehicles = Véhicules
Checkpoint Buildings = Bâtiments du poste de contrôle
122 Les points d’impact représentés sur cette carte le sont sur la base des données utilisées par l’équipe d’enquête,
telles qu’elles apparaissent dans les rapports d’inspection réalisés sur place à l’époque. Voir déposition de Dmytro Zyuzia,
par. 14-16 (annexe 6) ; annexes 87, 151 (rapports d’inspection établis sur le terrain).
44
- 30 -
Figure 5123
Légende :
Image of the Buhas checkpoint taken by the OSCE’s
unmanned aerial vehicle on 14 January 2015
= Vue du poste de contrôle prise depuis le véhicule
aérien sans pilote de l’OSCE le 14 janvier 2015
85. Aucun missile n’a percuté le poste de contrôle124. Deux missiles se sont abattus sur la route
elle-même, et sept autres ont atterri si près qu’ils l’ont endommagée, ainsi que les véhicules qui
l’empruntaient125. L’un des projectiles a explosé à 12 mètres à droite de l’autobus que conduisait
M. Cherepko126, provoquant la mort de 12 civils qui voyageaient à bord, et en blessant 19 autres127.
La figure 6 montre les dommages causés au véhicule.
123 OSCE, OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Status Report as of 20 January 2015 (20 January
2015) (annexe 326). Note : cette image a été basculée horizontalement conformément à l’orientation traditionnelle des
cartes.
124 Record of Review, drafted by V. Romanenko, Senior Investigator of the Security Service of Ukraine (16 January
2015), p. 8-18 (annexe 87).
125 Ibid. ; Map of Crater Impacts (annexe 89). Voir aussi rapport d’expertise du général Christopher Brown, par. 31
(5 juin 2018) [ci-après le «rapport Brown»] (aboutissant à cette conclusion après examen dudit rapport et de cette carte)
(annexe 11).
126 OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine, 14 January 2015: 12 Civilians Killed
and 17 Wounded When a Rocket Exploded Close to a Civilian Bus Near Volnovakha (14 January 2015) (annexe 323) ;
Record of Site Inspection, drafted by A. G. Albot, Investigations Department of the Volnovakha District Department of the
Donetsk Regional Directorate of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine (13 January 2015), p. 2 (annexe 85) ; Record
of Review, drafted by V. Romanenko, Senior Investigator, the Security Service of Ukraine (16 January 2015), p. 8
(annexe 87).
127 OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine, 14 January 2015: 12 Civilians Killed
and 17 Wounded When a Rocket Exploded Close to a Civilian Bus Near Volnovakha (14 January 2015) (annexe 323). Au
nombre des blessés figurait un policier affecté au poste de contrôle. Record of Review, drafted by V. Romanenko, Senior
Investigator of the Security Service of Ukraine (16 January 2015), p. 8 (annexe 87).
45
46
- 31 -
Figure 6128
Légende :
Photographs of the civilian bus hit in the Volnovakha
attack
= Photographies montrant le car de passagers civils
touché au cours de l’attaque de Volnovakha
86. Trois jours après l’attaque, les observateurs de l’OSCE ont procédé à une inspection
complète de cinq cratères laissés par les explosions, et ont conclu que «les cratères examinés [avaient]
été causés par des tirs de roquettes»129. Des enquêteurs ukrainiens ont abouti à la même conclusion,
ainsi que des experts de Human Rights Watch qui, ayant observé sur place les cratères et les débris
causés par l’explosion, ont conclu que «la zone avait été frappée par des roquettes Grad»130. Le
général de corps d’armée Christopher Brown, expert en artillerie ayant servi trente-six ans dans les
rangs de l’armée britannique, a fourni à la Cour un rapport d’expertise sur le pilonnage de villes
ukrainiennes. Lui aussi a conclu que «le pilonnage de Volnovakha a[vait] été mené au moyen de
projectiles hautement explosifs tirés par des lance-roquettes multiples BM-21 Grad»131.
87. Si la RPD a officiellement nié toute implication dans cette attaque132, des analyses
criminalistiques réalisées sur place, ainsi que d’autres éléments de preuve, confirment que ce sont
bien des groupes armés de la RPD qui en sont les auteurs. Sur la base d’une analyse balistique aux
points d’impact, les observateurs de l’OSCE ont conclu que les impacts avaient «tous … été causés
128 Record of Site Inspection, drafted by A. G. Albot, Investigations Department of the Volnovakha District Department
of the Donetsk Regional Directorate of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine (13 January 2015), p. 5 (annexe 85) ;
Maddie Smith, “Ten Civilians Killed in Ukrainian Bus Attack as Donetsk Airport Control Tower is Destroyed”, VICE
(13 January 2015) (annexe 552).
129 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on Information Received as
of 18:00 (Kyiv time) (16 January 2015), p. 1 (annexe 324).
130 Human Rights Watch, Ukraine: Rising Civilian Death Toll (3 February 2015), p. 6 (annexe 1108). Déposition
de Dmytro Zyuzia, par. 13-14 (annexe 6) ; Expert Opinion No. 63, drafted by Ukrainian Scientific Research Institute for
Special Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (18 January 2015), p. 6-8 (annexe 88) ;
Expert Opinion No. 64/1-30/6, drafted by Ukrainian Scientific Research Institute for Special Equipment and Forensic
Expert Examinations, Security Service of Ukraine (26 March 2015), p. 7 (annexe 113). See also Expert Opinion No. 16/8,
drafted by Ukrainian Scientific Research Institute for Special Equipment and Forensic Expert Examinations, Security
Service of Ukraine (7 May 2015), p. 17-18 (annexe 123) ; Forensic Expert Report No. 38/6, drafted by Ukrainian Scientific
Research Institute for Special Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (18 May 2015),
p. 8‒9 (annexe 126).
131 Rapport Brown, par. 37 (annexe 11).
132 Ministry of Foreign Affairs of the DPR, The Statement on Bus Shelling near Volnovakha (13 January 2015)
(annexe 634).
47
- 32 -
par des tirs de roquettes provenant de la direction nord-nord-est»133. Human Rights Watch a précisé
que la «forme tubulaire des cratères indiqu[ait] que les roquettes arrivaient du nord-est. Des images
vidéo enregistrées par une caméra de surveillance du poste de contrôle montrent des dizaines
d’explosions survenant au nord de celui-ci dans un laps de temps très rapproché»134. L’équipe
d’enquêteurs ukrainienne, qui a réalisé sa propre analyse, a déterminé que l’angle d’impact était de 52
à 55 degrés135. Comme précisé par le général Brown, ce type d’analyses est généralement fiable, et
il en ressort que les missiles ont été tirés à une distance comprise entre 19,4 et 19,8 kilomètres136. La
ville de Dokuchayevsk, contrôlée par la RPD, se trouve précisément dans ce rayon137.
88. Dans des conversations en date du 13 janvier 2015, qui ont été interceptées, des membres
de la RPD font également mention de l’attaque. A 13 h 54, environ une demi-heure avant qu’elle ne
débute, Yuriy Shpakov138, membre de la RPD, recevait un appel téléphonique d’un subalterne connu
sous le nom de guerre «Opasnyi [Dangereux]», l’informant qu’il était en train de «charger»139. Le
téléphone portable d’Opasnyi bornait à l’antenne de téléphonie mobile qui dessert la ville de
Dokuchayevsk140. Ce même jour, vers 15 h 29, Shpakov a rapporté à son épouse qu’il avait «soumis
à un feu de l’enfer un poste de contrôle ukropien»141. Or, aucun autre poste de contrôle n’a été
bombardé près de Volnovakha ce jour-là142. A 16 h 54, Anatoliy Sinelnikov, ressortissant russe qui
avait été colonel au sein des forces armées russes et opérait au sein de groupes armés de la RPD143,
a téléphoné à Shpakov pour évoquer le pilonnage de «Volnovakha depuis Dokuchayevsk
aujourd’hui»144.
89. Rien ne justifiait, d’un point de vue militaire, l’attaque du poste de contrôle de Buhas. En
revanche, pour qui entendait frapper et intimider des civils, la file de véhicules civils attendant de
franchir un poste de contrôle pouvait sembler une cible idéale. Ni le poste de contrôle de Buhas ni le
personnel qui s’y trouvait stationné ne jouaient un rôle offensif dans le cadre de l’opération
antiterroriste de l’Ukraine145. D’après le général Brown, au vu de sa taille et de celle de ses effectifs,
le poste de contrôle de Buhas n’aurait pu opposer de véritable défense que contre une poignée
133 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on Information Received as
of 18:00 (Kyiv time) (16 January 2015), p. 1 (annexe 324).
134 Human Rights Watch, Ukraine: Rising Civilian Death Toll (3 February 2015), p. 6-7 (annexe 1108).
135 Record of Review, drafted by V. Romanenko, Senior Investigator of the Security Service of Ukraine (16 January
2015), p. 3-6 (annexe 87) ; Expert Report, drafted by Serhiy Onikeyenko, Investigations Department at the Main Military
Prosecutor’s Office, Prosecutor’s Office of Ukraine, and Viktor Levchenko, Lieutenant Colonel, Missile and Artillery
Troops of the Ground Troops Command of the Ukrainian Armed Forces (1 June 2016), p. 2 (annexe 150).
136 Rapport Brown, par. 26 (annexe 11).
137 Ibid. ; Expert Report, drafted by Serhiy Onikeyenko, Investigations Department at the Main Military
Prosecutor’s Office, Prosecutor’s Office of Ukraine, and Viktor Levchenko, Lieutenant Colonel, Missile and Artillery
Troops of the Ground Troops Command of the Ukrainian Armed Forces (1 June 2016), p. 2 (annexe 150). Voir aussi
HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (1 December 2014-15 February 2015), par. 24 (annexe 309).
138 Les enquêteurs ukrainiens ont pu déterminer qu’il utilisait le nom de guerre (ou était identifié par le pseudonyme)
«Yust.» Déposition de Dmytro Zyuzia, par. 26, 31 (annexe 6).
139 Ibid., par. 29 ; Intercepted Conversations of Yuriy Shpakov (16 September 2016) (annexe 430).
140 Ibid.
141 Intercepted Conversations of Yuriy Shpakov (16 September 2016) (annexe 430). Le lendemain, soit le 14 janvier
2015, vers 10 h 51, Shpakov a donné l’ordre à son subalterne «Opasnyi» d’«occuper la principale position de tir et de faire
feu sur le poste de contrôle, comme nous avons testé hier». Ibid.
142 Déposition de Dmytro Zyuzia, par. 30 (annexe 6) ; déposition de Maksym Shevkoplias, par. 12 (annexe 4).
143 Déposition de Dmytro Zyuzia, par. 33-34 (annexe 6).
144 Intercepted Conversations of Yuriy Shpakov (16 September 2016) (annexe 430).
145 Déposition de Maksym Shevkoplias, par. 8-9 (annexe 4).
48
49
- 33 -
d’assaillants146. Tout avantage militaire résultant de l’attaque de ce poste serait tout au plus
anecdotique, et clairement contrebalancé par le gaspillage de forces et la perte de l’effet de surprise
qui en résulteraient147.
2. Attaque contre le quartier Vostochniy (Marioupol)
90. Le 24 janvier 2015, moins de deux semaines après l’attaque du car de passagers civils près
de Volnovakha, les intermédiaires de la Russie ont employé le même type d’armes contre la ville de
Marioupol, attaquant le quartier Vostochniy («Skhidny» en ukrainien, «Est» en français), zone
résidentielle densément peuplée148.
91. Des militants de la RPD, bénéficiant d’un important soutien de la Russie, ont tiré une
véritable pluie de roquettes — pas moins de 154 salves149. Trente civils sont morts, dont un enfant à
son domicile, et 118 autres ont été blessés150. Au total, l’attaque a endommagé au moins
53 immeubles résidentiels, quatre établissements scolaires, trois crèches, huit magasins
d’alimentation générale, un bureau de poste, deux banques, une pharmacie et deux marchés151.
92. Le Secrétaire général de l’ONU a immédiatement condamné ce tir de roquettes lancé
«aveuglément sur des zones civiles»152. Deux jours plus tard, le secrétaire général adjoint aux affaires
politiques a conclu que les assaillants avaient «sciemment pris pour cible une population civile» dans
une ville qui «se situe en dehors de la zone de conflit immédiate»153. Le quartier Vostochniy et les
différents points d’impact sont représentés sur la carte 3 ci-après.
146 Rapport Brown, par. 27 (annexe 11).
147 Ibid.
148 Ce «microdistrict» fait partie du district d’Ordzhonikidze (rebaptisé district de Livoberezhnyi en 2016). Les
roquettes ne se sont pas seulement abattues sur le district Vostochniy, mais aussi plus à l’ouest, au-delà de la rue Olimpiiska.
149 Voir, par exemple, déposition d’Igor Evhenovych Yanovskyi (31 mai 2018), par. 14 (ci-après la «déposition
d’Igor Yanovskyi») (annexe 5) ; Expert Opinion No. 143, drafted by the Ukrainian Scientific Research Institute of Special
Equipment and Forensic Expert Examination, Security Service of Ukraine (3 April 2015), p. 12 (annexe 117).
150 Letter from the Mariupol City Council Healthcare Directorate of Donetsk Region No. 01/133-08-0 to the Deputy
Head of the SBU Directorate in Donetsk Region (12 February 2015), p. 15 (annexe 104). Les observateurs de l’OSCE ont
constaté de nombreux points d’impact sur des bâtiments, des commerces, des habitations et un établissement scolaire.
OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de l’OSCE en Ukraine, le 24 janvier 2015 :
tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à Mariupol (24 janvier 2015) (annexe 328).
151 Donetsk Region Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine, All Necessary Measures Being
Taken to Deal with the Consequences of Militants’ Shelling of Mariupol (25 January 2015) (annexe 91) ; Mariupol City
Council, City Mayor Yuri Hotlubey and Donetsk Oblast Public Prosecutor Nikolai Frantovsky Held a Briefing at Which
They Described the Current Situation in Mariupol (video) (24 January 2015) (annexe 553).
152 Nations Unies, Le Secrétaire général condamne fermement les tirs de roquettes qui ont fait des dizaines de morts
à Marioupol, en Ukraine, doc. SG/SM/16485 (24 janvier 2015) (annexe 306).
153 Nations Unies, Procès-verbal officiel des réunions du Conseil de sécurité, 7368e séance, doc. S/PV.7368
(26 janvier 2015), p. 2 (déclaration de Jeffrey Feltman, secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires politiques)
(annexe 307).
50
- 34 -
Carte 3 : Points d’impact dans le quartier de Vostochniy (Marioupol)154
Légende :
Mariupol = Marioupol
Detonations = Déflagrations
School = Etablissement scolaire
Church = Eglise
Hospital = Etablissement hospitalier
Residential = Résidentiel
Park = Parc
Industrial/commercial = Industriel/commercial
UTM Zone 37 N Projection Datum: WGS-1984 = WGS 84/UTM zone 37 N
93. A 18 heures, la veille de l’attaque, Sergey Ponomarenko, membre de la RPD (désigné dans
ce cadre par le nom de guerre «Terrorist») a donné pour instruction à un autre combattant de la RPD,
Oleksandr Evdotiy (dit «Pepel») de «l’anéantir, p***, je te l’ai dit, p***, celui-là, ce p*** de
154 Les points d’impact représentés sur cette carte le sont sur la base des données de l’équipe d’enquête, telles
qu’elles apparaissent dans les rapports d’inspection qui ont été réalisés sur place peu après les faits. Voir déposition
d’Igor Yanovskyi, par. 14 (annexe 5) ; annexes 92, 96-97 (rapports d’inspection établis sur les lieux).
51
52
- 35 -
Vostochniy»155. A quoi Pepel a répondu : «Je vais le faire. Je vais aussi m’occuper de Vostochniy ce
soir, t’inquiète.»156
94. Le 24 janvier 2015, aux environs de 9 h 15, l’attaque contre le quartier Vostochniy a débuté
par un barrage de roquettes Grad157. Vers 10 h 36, Valeriy Kirsanov, posté en sentinelle par la RPD,
a rapporté que «des habitations, des immeubles de neuf étages, des résidences privées, le marché de
Kievskiy» avaient été touchés158. Deux minutes plus tard, à 10 h 38, Kirsanov communiquait les
mêmes informations à Ponomarenko159. Moins d’une demi-heure après, vers 11 heures, un nouveau
bombardement frappait le quartier160. La figure 7 reproduit une image d’une séquence vidéo de
l’attaque prise par une caméra installée sur le tableau de bord d’un véhicule. L’OSCE a fait état
d’autres tirs d’artillerie à 13 h 2 et 13 h 21161.
Figure 7162
95. Les observateurs de l’OSCE venus enquêter sur place ont conclu, sur le fondement de
l’analyse des cratères, que les roquettes utilisées lors de l’attaque «provenaient du nord-est, dans la
zone d’Oktyabr (à 19 kilomètres au nord-est de la rue Olimpiiska)» et «de l’est, dans la zone de
155 Déposition d’Igor Yanovskyi, par. 16 (annexe 5) ; Intercepted Conversation between Sergey Ponomarenko and
Oleksandr Evdotiy (23 January 2015) (annexe 418).
156 Intercepted Conversation between Sergey Ponomarenko and Oleksandr Evdotiy (23 January 2015)
(annexe 418).
157 OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de l’OSCE en Ukraine, le
24 janvier 2015 : tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à Mariupol (24 janvier 2015) (annexe 328). Nombre de victimes
ont rapporté que la première série de tirs avait commencé vers 9 h 15. Voir, par exemple, Signed Declaration of Olena
Demchenko, Witness Interrogation Protocol (24 January 2015), p. 1 (annexe 214) ; Signed Declaration of Natalya
Mutovina, Witness Interrogation Protocol (30 January 2015) (annexe 217).
158 Intercepted Conversation between Oleksandr Evdotiy and Valeriy Kirsanov (24 January 2015) (annexe 413) ;
déposition d’Igor Yanovskyi, par. 17 (annexe 5).
159 Intercepted Conversation between Valeriy Kirsanov and Sergey Ponomarenko (24 January 2015) (annexe 414) ;
déposition d’Igor Yanovskyi, par. 17 (annexe 5).
160 Déposition d’Igor Yanovskyi, par. 17 (annexe 5) ; video of the shelling of Mariupol (24 January 2015), p. 2
(annexe 697).
161 OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de l’OSCE en Ukraine, le
24 janvier 2015 : tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à Mariupol (24 janvier 2015) (annexe 328).
162 Déposition d’Igor Yanovskyi, par. 13 (annexe 5) ; video of the shelling of Mariupol (24 January 2015), p. 2
(annexe 697).
53
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Zaichenko (à 15 kilomètres à l’est de la rue Olimpiiska)»163. L’équipe d’enquêteurs ukrainienne a
également examiné les cratères et a conclu, d’après les angles observés, que l’attaque avait été lancée
depuis le nord-est et l’est, dans les zones de Sakhanka et de Leninske164. Le général Brown, dans son
rapport, fait siennes ces conclusions et relève que les analyses de l’Ukraine et de l’OSCE
«concordent»165. Toutes les zones identifiées par l’une comme par l’autre comme zones de lancement
étaient contrôlées par la RPD au moment de l’attaque166. La carte 4 ci-dessous représente
globalement la zone d’où celle-ci a été lancée.
Carte 4 : Zone de lancement de l’attaque contre le quartier Vostochniy (Marioupol)
Légende :
TM Zone 37 N Projection Datum: WGS-1984 = WGS 84/UTM zone 37 N
Launch Zone = Zone de lancement
96. L’OSCE a également déduit de son analyse des cratères que l’attaque avait été menée au
moyen d’un système de lance-roquettes multiples équipé de projectiles de type Grad et Ouragan167.
L’équipe d’enquêteurs ukrainienne est parvenue à la même conclusion sur la base de sa propre
163 OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de l’OSCE en Ukraine, le
24 janvier 2015 : tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à Mariupol (24 janvier 2015) (annexe 328).
164 Expert Opinion No. 143, drafted by the Ukrainian Scientific Research Institute of Special Equipment and
Forensic Expert Examination, Security Service of Ukraine (3 April 2015), p. 11 (annexe 117) ; Inspection Report, drafted
by Mykhaylo Onyshchenko, Senior Special Investigator at the Investigations Department, Donetsk Regional Directorate
of the Security Service of Ukraine (25 January 2015) (annexe 92).
165 Rapport Brown, par. 46 (annexe 11).
166 OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de l’OSCE en Ukraine, le
24 janvier 2015 : tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à Mariupol (24 janvier 2015) (notant que ces zones étaient
«contrôlées par la «République populaire de Donetsk»» au moment de l’attaque») (annexe 328) ; déposition d’Igor
Yanovskyi, par. 15 (annexe 5).
167 OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de l’OSCE en Ukraine, le
24 janvier 2015 : tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à Mariupol (24 janvier 2015) (annexe 328).
54
55
- 37 -
analyse des lieux d’impact et des fragments retrouvés168. Le général Brown estime lui aussi que «[l]e
pilonnage de Marioupol a été mené au moyen de projectiles hautement explosifs tirés par des
lance-roquettes multiples BM-21 Grad»169.
97. Aucun motif plausible ne justifiait, d’un point de vue militaire, d’attaquer le quartier
Vostochniy. Les forces armées ukrainiennes ne s’y trouvaient pas déployées au moment de
l’attaque170. Un bataillon de la garde nationale avait certes son quartier général dans la partie est de
Marioupol, mais celui-ci se trouvait à plus de trois kilomètres, au sud-ouest du lieu pris pour cible171.
La garde nationale disposait par ailleurs d’un poste de contrôle au nord du quartier Vostochniy, au
carrefour des deux routes principales menant à Marioupol depuis l’est172.
98. Peu après les attaques, un habitant de Marioupol confiait : «Evidemment, tout le monde,
en ville, a très peur»173. Certains étaient si terrifiés qu’ils ont quitté la ville174.
99. Or cette terreur qu’ils ont inspirée, les membres de la RPD s’en sont félicités. Lors d’une
conversation téléphonique avec Ponomarenko, Kirsanov évoquait en ces termes les attaques :
Kirsanov : Ouais, Talakovka a lancé un bombardement dès l’aube.
Ponomarenko : Je sais.
Kirsanov : Et puis Vostochniy.
Ponomarenko : Foutons-leur encore plus la trouille, à ces p*** de chiens !175
3. Attaque contre un quartier résidentiel de Kramatorsk
100. Le 10 février 2015, moins de trois semaines après l’attaque contre Marioupol, les
intermédiaires de la Russie ont utilisé un système de lance-roquettes multiples plus puissant et
sophistiqué encore pour bombarder un quartier résidentiel de la ville de Kramatorsk. La RPD a
attaqué Kramatorsk à deux reprises, d’abord à 12 h 30, puis cinq minutes plus tard, à 12 h 35. Au
168 Expert Report No. 143, drafted by the Ukrainian Scientific Research Institute of Special Equipment and Forensic
Expert Examination, Security Service of Ukraine (3 April 2015), p. 10-11 (annexe 117) ; Expert Opinion No. 142, drafted
by the Ukrainian Scientific Research Institute of Special Equipment and Forensic Expert Examination, Security Service of
Ukraine (30 March 2015), p. 8 (id.) (annexe 115) ; rapport Brown, par. 45 (annexe 11).
169 Rapport Brown, par. 56 (annexe 11).
170 Ministry of Interior of Ukraine, Main Department of the National Guard of Ukraine Letter No. 27/6/2-3553 to
the Ministry of Foreign Affairs of Ukraine (31 May 2018), p. 1 (annexe 183).
171 Ibid.
172 Ibid. (où ce poste de contrôle, dit poste no 4014, est décrit comme situé dans la banlieue est de la ville de
Marioupol, à 100 mètres à l’est du croisement entre la rue Olimpiiska et la M14). Ce poste de contrôle n’a pas été
endommagé au cours de l’attaque. Ibid., p. 2.
173 Oleksandr Stashevsky and Dmitry Zaks, “Ukraine Rebels Announce New Offensive as Rockets Kill 30”, AFP
(24 January 2015) (annexe 520).
174 Viktoria Savitskaya, “Mariupol Recovers after Shelling”, LB.ua (24 January 2015), p. 4 (rapportant que «le
quartier bombardé étant désormais privé d’eau, de gaz, d’électricité et de chauffage, nombre d’habitants en sont partis»)
(annexe 556).
175 Intercepted Conversation between Valeriy Kirsanov and Sergey Ponomarenko (24 January 2015) (les italiques
sont de nous) (annexe 415) ; Statement of Authentication, Volodymyr Piven, Senior Investigator, Main Investigation
Office, Security Service of Ukraine (5 June 2018) (annexe 185).
56
- 38 -
moyen d’un lance-roquettes multiples BM-30 Smerch, elle a largué des roquettes à sous-munitions
sur une partie de la ville abritant des immeubles d’habitation et autres logements, des établissements
scolaires et hospitaliers ainsi que des crèches, tuant sept civils et en blessant grièvement vingt-six
autres, dont cinq enfants. Le chef de la mission d’observation de l’OSCE en Ukraine a condamné
cette attaque, notant que, une fois de plus, c’étaient «des civils innocents qui [avaient fait] les frais
d’un conflit violent, caractérisé par des bombardements aveugles et des morts toujours plus
nombreux»176. L’analyse de l’OSCE et celle d’enquêteurs ukrainiens concordaient à propos de
l’essentiel des faits.
101. Kramatorsk est une ville d’Ukraine orientale densément peuplée située à une cinquantaine
de kilomètres au nord-ouest de la ligne de front. En 2015, sa population dépassait les
194 000 habitants177.
102. Le 10 février 2015, vers 12 h 30, des sous-munitions explosives178 ont détoné séparément
à quelques secondes d’intervalle179. Environ cinq minutes plus tard, la RPD a lancé une autre
attaque180. Ces deux attaques ont successivement frappé un quartier résidentiel de Kramatorsk et
l’aéroport de la ville, situé au-delà, à deux kilomètres au sud-est. Les 58 cratères causés, à l’impact,
par les sous-munitions explosives et les roquettes ayant servi à les transporter dans les deux cas sont
représentés sur la carte 5181.
176 OSCE, Statement by OSCE Chief Monitor in Ukraine on Situation in Kramatorsk (10 February 2015)
(annexe 332).
177 State Statistics Service of Ukraine, Population of Ukraine as of 1 January 2017 (2017), p. 3 (annexe 1110).
178 Nations Unies, convention sur les armes à sous-munitions, article 2, par. 3, RTNU, vol. 2688, p. 9 (entrée en
vigueur le 1er août 2010) (qui donne la définition suivante : «On entend par «sous-munition explosive» une munition
classique qui, pour réaliser sa fonction, est dispersée ou libérée par une arme à sous-munition et est conçue pour fonctionner
en faisant détoner une charge explosive avant l’impact, au moment de l’impact, ou après celui-ci».)
179 Record of Site Inspection, drafted by Major of Justice A. Kholin, Senior Investigator with the Operative Unit of
the Investigative Department of the Security Service of Ukraine in Donetsk Oblast (12 February 2015) (annexe 105). Des
observateurs de l’OSCE alors en poste à Kramatorsk ont rapporté avoir «entendu, à [12 h 33] au moins trois déflagrations
dans les environs [et vu] une roquette atterrir à 30 mètres de leur position derrière un bâtiment au no 50 du boulevard
Kramatorsk … un deuxième ensemble de munitions non explosées [qui avaient] atterri au no 45 de la rue Lénine … [et]
d’autres encore … au no 32 de la rue Dvortsova, côté cour (nord-ouest)». OSCE, Spot Report by the OSCE Special
Monitoring Mission to Ukraine (SMM): Shelling in Kramatorsk (10 February 2015) (annexe 332).
180 Déposition de Kyrylo Ihorevych Dvorskyi, par. 8 [ci-après la «déposition de Kyrylo Dvorskyi»] (annexe 3).
181 Ibid., par. 9. Record of Site Inspection, drafted by Major of Justice A. Kholin, Senior Investigator with the
Operative Unit of the Investigative Department of the Security Service of Ukraine in Donetsk Oblast (12 February 2015),
p. 2-21 (annexe 105).
57
- 39 -
Carte 5 : Points d’impact à Kramatorsk182
Légende :
UTM Zone 37 N Projection Datum : WGS-1984 = WGS 84/UTM zone 37 N
Residential detonations = Points d’impact dans les quartiers résidentiels
Airfield detonations = Points d’impact à l’aérodrome
Residential = Résidentiel
Park = Parc
Industrial = Industriel
Large symbols indicate grouping of multiple detonations = Les symboles plus larges représentent des sites de
déflagrations multiples
103. De même que dans les cas de Volnovakha et de Marioupol, aucun motif plausible ne
justifiait, d’un point de vue militaire, d’attaquer le quartier résidentiel de Kramatorsk. Si celui-ci
abritait un poste de police, un bureau de conscription militaire et un bâtiment du corps des
182 Les points d’impact représentés sur cette carte le sont sur la base des données de l’équipe d’enquête, telles
qu’elles apparaissent dans les rapports d’inspection réalisés sur place immédiatement après les faits. Voir déposition de
Kyrylo Dvorskyi, par. 6-9 (annexe 3) ; annexes 103, 105 (rapports d’inspection établis sur les lieux).
58
59
- 40 -
gardes-frontières, aucun de ceux-ci n’était impliqué dans les hostilités183. Le général Brown conclut
dans son rapport que ces bâtiments administratifs ne jouaient aucun rôle sur le plan militaire et que
leur présence ne pouvait motiver le type d’attaque conduite contre le quartier résidentiel de
Kramatorsk184.
104. Certaines des roquettes visaient l’aéroport de Kramatorsk qui, lui, présentait un intérêt
militaire en tant que quartier général des forces armées ukrainiennes185. Mais l’aérodrome se trouvait
à deux kilomètres du quartier résidentiel, qui a fait l’objet d’une attaque distincte186. Or, comme le
conclut le général Brown, vu la sophistication du système Smerch et le nombre de petites bombes
explosives dispersées dans le quartier résidentiel, il n’est pas plausible que les roquettes qui ont
frappé ce dernier aient eu pour objectif l’aérodrome qu’elles auraient manqué à deux kilomètres
près187. Du reste, quand bien même, les civils ne s’en seraient pas moins trouvé dans la ligne de feu.
Le général Brown explique que lorsque les roquettes de type Smerch libèrent leurs bombettes,
l’élément «porteur» (à savoir la pièce transportant les petites bombes explosives) poursuit sa
trajectoire, atterrissant au-delà de la cible et causant «autant, sinon plus, de dégâts que les
sous-munitions» elles-mêmes188.
105. Les intermédiaires de la Russie ont lancé l’attaque contre Kramatorsk au moyen de
lance-roquettes multiples de type BM-30 Smerch. Les observateurs de l’OSCE ont conclu, sur le
fondement de leur analyse balistique, et des sous-munitions employées, que les tirs provenaient du
sud-sud-est et d’un «seul lance-roquettes — probablement un BM-30 Smerch ou un Tornado» équipé
de sous-munitions189. Human Rights Watch et l’équipe d’enquête ukrainienne ont également
déterminé que l’arme utilisée lors de l’attaque était un lance-roquettes multiples BM-30 Smerch à
sous-munitions, et les enquêteurs ukrainiens ont établi que le site de lancement se trouvait en
périphérie de Horlivka, ville située au sud-sud-est de Kramatorsk190. Le général Brown conclut de
même, sur la base des analyses scientifiques mentionnées et de la portée du lance-roquettes multiples
BM-30 Smerch191, que «le pilonnage de Kramatorsk a été mené au moyen de [ce type d’armes de
longue portée] larguant des roquettes à sous-munitions hautement explosives», et convient que la
position de tir devait se trouver «dans un rayon de 10 kilomètres du centre de Horlivka»192. Cette
zone était contrôlée par les forces de la RPD au moment de l’attaque193.
183 Déposition de Kyrylo Dvorskyi, par. 8 (annexe 3).
184 Rapport Brown, par. 67 (annexe 11).
185 Signed Declaration of Oleksandr Chorniy, Witness Interrogation Protocol (12 February 2015), p. 2
(annexe 219) ; Signed Declaration of Vitaliy Hrynchuk, Witness Interrogation Protocol (19 August 2015), p. 1-2
(annexe 237).
186 Déposition de Kyrylo Dvorskyi, par. 8 (annexe 3).
187 Rapport Brown, par. 72-73, 76 (annexe 11).
188 Ibid., par. 70.
189 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on Information Received as
of 18:00 (Kyiv Time) (11 February 2015), p. 1 (annexe 333); OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission
to Ukraine (SMM): Shelling in Kramatorsk, 10 February 2015 (10 February 2015) (annexe 331).
190 Expert Opinion No. 193, drafted by Oleksiy Bordunos, Ukrainian Scientific Research Institute of Special
Equipment and Forensic Expert Examination of the Security Service of Ukraine (24 April 2015), p. 9-10 (constatant que
les «projectiles avaient été tirés par un lance-roquettes multiples Smerch [depuis] la banlieue nord-est de Horlivka»)
(annexe 121) ; Human Rights Watch, Ukraine: More Civilians Killed in Cluster Munition Attacks (19 March 2015), p. 7
(notant que ses enquêteurs ont «inspecté la partie arrière de deux roquettes Smerch, l’une toujours fichée dans le sol, et les
restes d’un conteneur de roquette Smerch ayant servi au transport des sous-munitions» (annexe 449).
191 Rapport Brown, par. 75 (annexe 11).
192 Ibid, par. 65.
193 Déposition de Kyrylo Dvorskyi, par. 11 (annexe 3).
60
- 41 -
106. L’attaque de la RPD a fait de nombreuses victimes parmi les civils. Un adolescent de
treize ans, qui jouait avec deux amis dans la cour de son immeuble au moment de son déclenchement,
a décrit en détail le chaos qui s’en est suivi :
«Lorsque nous avons entendu la première déflagration, nous nous sommes mis à
courir vers l’entrée. Mais de nombreuses bombes se sont alors mises à exploser tout
autour. Des éclats volaient en tous sens. J’ai regardé derrière moi et j’ai vu qu’un de
mes amis se tenait l’épaule. Un fragment m’a également transpercé la cuisse. Au début,
ce n’était pas très douloureux, mais je sentais le sang imbiber mon pantalon.
L’ambulance a mis longtemps à arriver, et la tête a commencé à me tourner.»194
107. L’attaque a frappé le centre-ville de Kramatorsk, causant des dégâts considérables à
l’infrastructure civile. Les observateurs de l’OSCE ont relevé de nombreux impacts sur des
immeubles d’habitation195, et l’organisation Human Rights Watch a constaté, dans les zones où elle
s’est rendue, qu’avaient notamment été touchés des immeubles d’habitation de plusieurs étages et un
hôpital196. L’équipe d’enquête ukrainienne a fait état d’explosions survenues près de pharmacies,
d’un bâtiment résidentiel, d’un salon de coiffure, d’une banque et d’un magasin de jouets197. Au total,
15 immeubles d’habitation, une école maternelle, une école d’art et un hôpital local ont été
endommagés au cours de cette attaque198.
4. Attaques contre des civils à Avdiivka
108. Le terrible hiver de 2015 allait s’achever avec la conclusion de l’accord de Minsk II,
quelques jours seulement après le pilonnage de Kramatorsk. Si les intermédiaires de la Russie ont pu
commettre des violations du cessez-le-feu, la situation militaire ne s’en est pas moins quelque peu
stabilisée. Pour autant, les civils ukrainiens n’étaient pas à l’abri d’attaques ni de mesures
d’intimidation, comme allait l’illustrer de manière éloquente le pilonnage implacable et aveugle
d’Avdiivka en janvier et février 2017.
109. Contrôlée par le Gouvernement ukrainien, et dotée d’une population de 35 000 habitants,
Avdiivka est située non loin de la ligne de front, à quelque 17 kilomètres au nord-est de Donetsk199,
sous contrôle de la RPD. Alors même qu’un nouveau président prenait ses fonctions aux Etats-Unis,
194 Human Rights Watch, Ukraine: More Civilians Killed in Cluster Munition Attacks (19 March 2015), p. 6
(annexe 449).
195 OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM): Shelling in Kramatorsk,
10 February 2015 (10 February 2015) (annexe 331) ; OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to
Ukraine Based on Information Received as of 18:00 (Kyiv Time) (11 February 2015), p. 1 (annexe 333).
196 Human Rights Watch, Ukraine: More Civilians Killed in Cluster Munition Attacks (19 March 2015), p. 6
(annexe 449).
197 Record of Site Inspection, drafted by Major of Justice A. Kholin, Senior Investigator with the Operative Unit of
the Investigative Department of the Security Service of Ukraine in Donetsk Oblast (12 February 2015), p. 3‒4
(annexe 105).
198 Executive Committee of the Kramatorsk City Council Letter No. F1-28/4812 to the Investigations Department
at the Donetsk Regional Directorate of the SBU (26 November 2015), p. 1 (annexe 142).
199 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on Information Received
as of 19:30 (27 January 2017), p. 2 (annexe 342)
61
62
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les groupes agissant pour le compte de la Russie ont soudain soumis à un déluge de feu la ville, et la
population vulnérable qu’elle abrite200.
110. Loin de se concentrer sur des cibles militaires, le feu de la RPD s’est abattu sur des
habitations civiles, une école maternelle, un hôpital, des bâtiments commerciaux et l’usine de coke
d’Avdiivka («Koksokhim»), qui alimente la ville en électricité. L’ONG International Partnership for
Human Rights a dépêché une équipe d’enquêteurs à Avdiivka et, sur la base d’inspections des lieux
d’impacts, d’analyses des débris et d’entretiens avec des témoins réalisés peu de temps après les faits,
a répertorié de nombreuses attaques de sites civils lancées depuis le territoire contrôlé par la RPD201.
L’OSCE et les enquêteurs ukrainiens ont également recueilli des informations sur nombre de ces
attaques, et certaines autres, mais, les faits étant relativement récents, leurs investigations en sont
encore à un stade précoce. Au moins cinq civils ont été tués et 12 autres blessés à Avdiivka202.
111. Tout au long de cette offensive, la RPD a fait feu, sans discrimination, sur des cibles
civiles. Ainsi :
⎯ Le 27 janvier : trois habitations civiles sont frappées par des roquettes BM-21 Grad
rue Zavodska, en plein coeur d’une zone résidentielle éloignée de tout site pouvant être réputé
présenter un intérêt militaire203.
⎯ Le 30 janvier : la cokerie d’Avdiivka («Koksokhim»), éloignée de tout objectif militaire, est
touchée par des tirs d’artillerie, ce qui occasionne des coupures d’électricité dans toute la ville
alors que la température extérieure est bien en-dessous de zéro204.
⎯ Le 31 janvier : rue Komunalna, un immeuble d’habitations civiles est frappé par des roquettes
Grad, à près de deux kilomètres de tout site pouvant être réputé présenter un intérêt militaire205.
⎯ Le 1er février : un civil est tué, trois autres sont blessés, et 52 logements civils sont totalement ou
partiellement détruits par des roquettes Grad, alors que, pour beaucoup d’entre eux, ils se
200 Voir, par exemple, John Wendle, “In Avdiivka, Ukrainians See Surge in Fighting as Putin Testing Trump”,
TIME (3 February 2017) ; voir aussi International Partnership for Human Rights, Attacks on Civilian Infrastructure in
Eastern Ukraine (2017), p. 15, 44-45 [ci-après le «rapport de l’IPHR»] (annexe 454) ; Nations Unies, Procès-verbal officiel
des réunions du Conseil de sécurité, 7876e séance, doc. S/PV.7876 (2 février 2017), p. 2-4 (intervention du secrétaire
général adjoint Jeffrey Feltman sur l’intensification des combats et la situation humanitaire à Avdiivka) (annexe 315).
201 Rapport de l’IPHR, p. 48-50 (annexe 454).
202 Ibid.
203 Expert Conclusion No. 77, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian Scientific Research Institute
for Special Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (3 March 2017) (annexe 167) ;
Expert Conclusion No. 78, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian Scientific Research Institute for Special
Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (3 March 2017) (annexe 168) ; Expert
Conclusion No. 79, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian Scientific Research Institute for Special
Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (3 March 2017) (annexe 169) ; Expert
Conclusion No. 80, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian Scientific Research Institute for Special
Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (3 March 2017) (annexe 170) ; Expert
Conclusion No. 81, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian Scientific Research Institute for Special
Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (3 March 2017) (annexe 171).
204 Rapport de l’IPHR, p. 48 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (31 January 2017), p. 3-4 (annexe 343).
205 Rapport de l’IPHR, p. 48 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (1 February 2017) (annexe 344).
63
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trouvent «à plus de 2 kilomètres des positions les plus proches des forces armées ukrainiennes,
y compris (une fois de plus) rue Zavodska»206.
⎯ Le 2 février : un ambulancier est tué sur un site de distribution d’aide alimentaire, et des
bâtiments civils, une habitation, une école et un hôpital sont frappés par des tirs de mortiers de
120 millimètres207.
⎯ Le 3 février : une habitation civile est touchée, à 2,5 kilomètres de la position de tir la plus proche
des forces armées ukrainiennes208.
⎯ Le 16 février : un civil est tué et deux autres blessés lors d’une attaque à la roquette Grad contre
plusieurs habitations civiles et un bâtiment commercial, à un kilomètre de la position de tir la
plus proche des forces armées ukrainiennes209.
⎯ Le 17 février : deux civils sont blessés et de nombreuses habitations touchées par huit obus à
plus d’un kilomètre de tout site pouvant être réputé présenter un intérêt militaire210.
⎯ Le 24 février : des habitations civiles sont frappées par des tirs de mortiers de 122 millimètres, à
plus d’un kilomètre de tout site pouvant être réputé présenter un intérêt militaire211.
⎯ Le 2 mars : plusieurs habitations civiles et deux établissements scolaires, dont une école
maternelle, sont frappés par des projectiles de 125 millimètres, à plus d’un kilomètre de tout site
pouvant être réputé présenter un intérêt militaire212.
206 Rapport de l’IPHR, p. 49 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30, p. 2 (2 February 2017) (annexe [111]1) ; Extract from Criminal
Proceedings No. 12017050140000081 (6 February 2017) (faisant état de dégâts causés à sept immeubles le 30 janvier
2017) (annexe 164) ; Extract from Criminal Proceedings No. 12017050140000085 (annexe 164) ; Record of Site
Inspection, drafted by N. Protsyk, Senior Investigator (1 February 2017) (annexe 162) ; Record of Site Inspection, drafted
by Y. Ponomarenko, Senior Investigator (1 February 2017) (annexe 163) ; Record of Site Inspection, drafted by A. Zaychik
(1 February 2017) (annexe 161).
207 Rapport de l’IPHR, p. 49 (annexe 454) ; OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to
Ukraine: Casualties, Damage to Civilian Infrastructure Registered in Donetsk Region Following Fighting (3 February
2017), p. 1 (annexe 345).
208 Rapport de l’IPHR, p. 49 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (5 February 2017), p. 4 (annexe 347).
209 Rapport de l’IPHR, p. 50 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (19 February 2017), p. 3 (annexe 349).
210 Rapport de l’IPHR, p. 50 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (19 February 2017), p. 3 (annexe 349).
211 Rapport de l’IPHR, p. 50 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (26 February 2017), p. 3 (annexe 350).
212 Rapport de l’IPHR, p. 50 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (5 March 2017), p. 4 (annexe 351).
64
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112. La carte 6 représente les lieux d’impact des projectiles tirés lors de nombre de ces
attaques :
Carte 6 : Points d’impact à Avdiivka213
Légende :
UTM Zone 37 N Projection Datum: WGS-1984 = WGS-1984 : WGS 84/UTM zone 37 N
Detonations = Points d’impact
UAF Sleeping Quarters = Quartiers des forces armées ukrainiennes
UAF Firing Position = Position de tir des forces armées ukrainiennes
Ammunition Stockpile, Combat Vehicles and Personnel
Position
= Dépôt de munitions, véhicules de combat et position
de personnel
Residential = Résidentiel
213 Les points d’impact et autres sites représentés sur cette carte le sont sur la base des données d’enquête recueillies
par l’organisation non gouvernementale indépendante International Partnership for Human Rights, ainsi que de rapports
réalisés sur place par des enquêteurs ukrainiens immédiatement après les faits. Voir rapport de l’IPHR, p. 15, 40-52
(annexe 454) ; annexes 167-171 (rapports d’inspection établis sur les lieux).
65
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Park = Parc
Industrial = Industriel
Avdiivka Coke Factory = Usine de coke d’Avdiivka
Avdiivka Central Hospital = Hôpital central d’Avdiivka
Humanitarian Aid Distribution Center = Centre de distribution d’aide humanitaire
113. Conformément à l’effet recherché, ces attaques, par leur caractère incessant et
imprévisible, ont répandu la peur parmi les civils d’Avdiivka. Svetlana Zadorozhnyuk, mère de
famille, l’exprimait en ces termes : «Je suis si lasse de tout cela … La situation, en ce moment, est
tout simplement terrible, terrible. Nul ne peut prévoir, à l’heure actuelle, ce qui va se passer dans les
cinq prochaines minutes.»214 Hanna Fadeeva, habitante d’Avdiivka âgée de soixante-seize ans, se
trouvait à son domicile lorsque celui-ci a été touché, vers 4 heures du matin, le 31 janvier. Elle s’est
réveillée en entendant les vitres se briser et les murs s’effondrer. Elle a témoigné en ces termes :
«Lorsque l’explosion s’est dissipée, j’ai vu que j’étais coincée dans mon appartement, et que je ne
pouvais pas en sortir. Les tirs ont continué et j’ai eu très peur lorsque j’ai réalisé à ce moment-là que
je ne pouvais sortir du bâtiment et que j’étais prise au piège.»215
114. La terreur sous l’emprise de laquelle s’est trouvée cette ville soumise à un déluge de feu
est encore montée d’un cran lorsque la cokerie, située au nord d’Avdiivka, a été prise pour cible : la
ville tout entière a été privée d’électricité, alors que le thermomètre affichait des températures de
moins 20 degrés Celsius216. Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le 2 février, le chef de la mission
spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine a tiré la sonnette d’alarme, indiquant que, privés
d’électricité, «[l]es civils … restés à Avdiivka se trouv[aient] désormais dans une situation
d’urgence»217. Or, pour reprendre les termes du général Brown, le bombardement «a frappé la ville
entière», et nombre de zones résidentielles pilonnées se trouvaient à bonne distance de tout objectif
militaire218. En bref, c’était la population d’Avdiivka dans son ensemble que visait la RPD.
D. Campagne d’attentats à l’explosif dans les villes ukrainiennes
115. Tandis que des groupes armés illicites agissant pour le compte de la Russie soumettaient
les civils du Donbass à des barrages de roquettes, d’autres, dont les Partisans de Kharkiv,
s’employaient à terroriser la population des principales villes ukrainiennes, loin des lignes de front.
A Kharkiv qui, avec 1,4 million d’habitants, est la deuxième plus grande ville d’Ukraine, les
«Partisans de Kharkiv» et les cellules terroristes qui leur étaient liées ont orchestré une campagne
d’attentats à l’explosif destinée à intimider les civils, dont ont notamment été la cible une marche
patriotique en faveur de l’unité et une boîte de nuit très fréquentée219. Les intermédiaires de la Russie
signifiaient ainsi clairement que, d’Odessa à Kyiv, nul ne serait à l’abri, et que les civils qui
soutenaient l’unité ukrainienne en subiraient les conséquences.
214 John Wendle, “Avdiivka, Evacuating Again as Fighting Escalates”, Al-Jazeera (8 February 2017) (annexe 594).
215 Témoignage d’Hanna Mykolayva Fadeeva, procès-verbal d’interrogatoire de témoin (15 février 2017), par. 4
(annexe 254).
216 Rapport de l’IPHR, p. 48 (annexe 454) ; OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine
(SMM), Based on Information Received as of 19:30 (31 January 2017), p. 3-4 (annexe 343) ; Al-Jazeera, “Avdiivka
Civilians Caught in Crossfire as Clashes Rage” (5 February 2017) (annexe 593).
217 Nations Unies, Procès-verbal officiel des réunions du Conseil de sécurité, 7876e séance, doc. S/PV.7876
(2 février 2017), p. 4 (annexe 315).
218 Rapport Brown, par. 95 (annexe 11).
219 Official site of Kharkiv City Council, Mayor, Executive Committee, History of Kharkiv (27 July 2017)
(annexe 653).
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1. Attentats à l’explosif commis à Kharkiv
116. A Kharkiv, une vague d’attentats à l’explosif a fait au moins trois morts et une vingtaine
de blessés parmi les civils, et endommagé de nombreux bâtiments. Entre juillet 2014 et mai 2015, le
Haut-Commissariat aux droits de l’homme a dénombré plus de 45 explosions distinctes dans la
ville220.
117. Ces attentats ont été menés sous la houlette des «Partisans de Kharkiv» et groupes
assimilés. En réalité, ces cellules terroristes n’étaient pas unies au sein d’une structure
organisationnelle cohérente : elles avaient en commun d’être constituées d’individus prorusses
recevant un soutien direct ou indirect de représentants de l’Etat russe. Le principal groupe
d’extrémistes autobaptisés «Partisans de Kharkiv» avait été fondé à l’été 2014 par Oleg Sobchenko
et Vadim Monastyrev, tous deux ressortissants ukrainiens221. Sobchenko et Monastyrev avaient pris
part à des protestations antigouvernementales à Kharkiv en février 2014, avant de se réfugier à
Belgorod, ville située de l’autre côté de la frontière, en Russie222, où ils ont commencé à recevoir des
fonds et de l’aide des services de renseignement russes223. Un «Partisan de Kharkiv» a ainsi rapporté
que «M. Sobchenko a[vait] également indiqué qu’il avait des hommes partout, et que lui-même avait
des conseillers au sein du FSB»224. Un autre a relaté ce qui suit : «Vadim [Monastyrev] … a déclaré,
au cours de notre conversation, qu’un projet d’attentat était en cours d’examen par des représentants
des services spéciaux russes, qui pourraient m’aider au besoin»225. Sobchenko et Monastyrev ont
recruté de nombreux membres dans le cadre d’une structure lâche, ont organisé leur entraînement et
220HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (16 February-15 May 2015), par. 24 (annexe 310).
221 Voir, par exemple, Signed Declaration of Aleksandr Bondarenko, Suspect Interrogation Protocol (23 October
2014), p. 3, 7, 8 (en juillet 2014, «Oleg» lui a proposé de venir «se faire de l’argent» à Belgorod. Il a ensuite été formé à
l’utilisation d’explosifs puis, dans le courant du mois d’août, «Oleg nous a présentés comme des Partisans de Kharkiv»)
(annexe 190) ; Signed Declaration of Yevhen Kaliberda, Suspect Interrogation Protocol (21 October 2014), p. 4, 6 (à la
mi-juillet, à Kharkiv, il a rencontré «un certain Oleg (Sobchenko, ai-je su par la suite)», qui a «dit qu’une organisation était
en train d’être mise en place pour protéger l’ordre public, et qu’elle viendrait en aide aux milices», employant ensuite à son
propos le nom de «Partisans de Kharkov») (annexe 189).
221 Voir, par exemple, Signed Declaration of A. M. Tyshchenko, Suspect Interrogation Protocol (26 December
2015), p. 2 (au cours des manifestations antigouvernementales à Kharkiv, en février 2014, il a «rencontré M. Sobchenko»,
qui «s’adressait aux uns et aux autres») (annexe 17) ; Signed Declaration of Andrii Baranenko, Suspect Interrogation
Protocol (23 October 2014), p. 3 (en août 2014, «Monastyryev m’a dit qu’il devenait trop dangereux de rester à Kharkov
et que je ferais mieux d’aller à Belgorod») (annexe 191).
222 Voir, par exemple, Signed Declaration of A. M. Tyshchenko, Suspect Interrogation Protocol (26 December
2015), p. 2 (au cours des manifestations antigouvernementales à Kharkiv, en février 2014, il a «rencontré M. Sobchenko»,
qui «s’adressait aux uns et aux autres») (annexe 245) ; Signed Declaration of Andrii Baranenko, Suspect Interrogation
Protocol (23 October 2014), p. 3 (en août 2014, «Monastyryev m’a dit qu’il devenait trop dangereux de rester à Kharkov
et que je ferais mieux d’aller à Belgorod») (annexe 191).
223 Voir, par exemple, Signed Declaration of Andrii Baranenko, Suspect Interrogation Protocol (23 October 2014),
p. 3 (Monastyrev a organisé une rencontre entre Baranenko et «un employé du FSB russe») (annexe 191) ; Signed
Declaration of Yaroslav Zamko, Suspect Interrogation Protocol (26 August 2015), p. 4 (indiquant que Monastyrev
«supervisait» l’entraînement de Zamko dans un camp militaire russe et que celui-ci avait également été formé par des
soldats russes) (annexe 241) ; Signed Declaration of Vadim Chekhovsky, Suspect Interrogation Protocol (9 May 2015),
p. 5 («Oleg Sobchenko a proposé que [Chekhovsky et d’autres] aillent faire un exercice d’entraînement et de tir … organisé
officiellement par les autorités de la FR») (annexe 229) ; Signed Declaration of Kostiantyn Nuzhnenkoenko, Suspect
Interrogation Protocol (16 July 2015), p. 2 (alors que «Monastyriov [lui] avait proposé de constituer en Ukraine un groupe
qui se livrerait à des actes de sabotage et déstabiliserait le pays», Nuzhnenkoenko a «reçu un appel d’un homme qui a
proposé de [le] rencontrer dans une rue de Belgorod» et qui, lors de cette rencontre, «lui a montré sa carte d’agent du FSB»)
(annexe 233) ; Signed Declaration of Dmytro Kononenko, Suspect Interrogation Protocol (22 February 2016), p. 2
(«Monastyrev … m’a dit que les fonds reçus des services spéciaux de la FR aux fins de mener des actions de subversion et
autres visant à appuyer les menées des «Partisans de Kharkov» sur le territoire ukrainien avaient été suspendus et que la
remise d’armes via des «caches» l’avait été également») (annexe 246).
224 Signed Declaration of A. M. Tyshchenko, Suspect Interrogation Protocol (26 December 2015), p. 7
(annexe 245).
225 Signed Declaration of Dmytro Kononenko, Suspect Interrogation Protocol (13 May 2015), p. 2 (annexe 246).
68
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- 47 -
leur ont apporté un soutien aux fins de perpétrer des actes de violence à Kharkiv226. Six des principaux
attentats à l’explosif ainsi commis à Kharkiv sont localisés sur la carte ci-dessous.
Carte 7 : Attentats à l’explosif perpétrés à Kharkiv
Légende :
Bombings = Attentats à l’explosif
Airport = Aéroport
226 Voir Signed Declaration of Yaroslav Zamko, Suspect Interrogation Protocol (26 August 2015), p. 3
(«Sobchenko et Vadik Monastyryov (senior) nous ont proposé à tous les six de participer à un camp d’entraînement
militaire … ») (annexe 241) ; Signed Declaration of Vadim Chekhovsky, Suspect Interrogation Protocol (9 May 2015),
p. 5 («Oleg Sobchenko a proposé que [Chekhovsky et d’autres] aillent faire un exercice d’entraînement et de tir … organisé
officiellement par les autorités de la FR») (annexe 229) ; Signed Declaration of A. M. Tyshchenko, Suspect Interrogation
Protocol (26 December 2015), p. 3 (Sobchenko a organisé sa formation dans un camp militaire russe) (annexe 245) ; Signed
Declaration of Yevhen Kaliberda, Suspect Interrogation Protocol (21 October 2014), p. 5 («Sobchenko m’a dit que, outre
les cours pour lesquels j’étais venu, il y avait également des entraînements au combat», après quoi Kaliberda a suivi un
entraînement dans un camp russe) (annexe 189).
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118. La vague d’attentats à l’explosif commis en novembre 2014 par la ressortissante
ukrainienne Marina Kovtun s’inscrivait ainsi dans cette campagne. Des agents des services de
renseignement russe, qui avaient assuré la formation de Kovtun, l’ont présentée à «Vadim»
— prénom de Monastyrev, dirigeant des Partisans de Kharkiv. Celui-ci les «a invités[, son
compagnon de route et elle,] à collaborer avec son organisation, qui avait besoin de [leur] aide et
pouvait [leur] procurer des armes» 227. Kovtun a accepté. De retour à Kharkiv, elle a informé ses
acolytes que des armes leur avaient été fournies par les «Partisans de Kharkiv»228. Ainsi qu’il sera
décrit plus en détail au chapitre 2, des agents russes lui ont livré toute une gamme d’armes, y compris
trois mines ventouses SPM, initialement réservées à la guerre navale229. Dans la nuit du 8 novembre
2014, Kovtun et un de ses complices ont planté la première de ces mines ventouses, dans l’intention
de détruire l’usine Malyshev, important établissement industriel et principal employeur de
Kharkiv230. Kovtun a filmé son complice à l’oeuvre avec son téléphone portable231. Si l’explosion n’a
pas eu l’effet escompté — détruire l’usine (la canalisation visée n’alimentant pas, comme le pensait
Kovtun, l’usine en gaz) —, elle n’en marquait pas moins le prélude à de futures destructions.
119. Le lendemain, soit le 9 novembre 2014, Kovtun et son complice ont posé une deuxième
mine ventouse SPM, mais cette fois dans une boîte de nuit fréquentée du centre-ville — le Stena
Rock Club, où aimaient à se retrouver les militants locaux favorables à l’unité nationale232. Kovtun
rapporte que, aux alentours de 21 heures, elle a remis la mine, armée, à un autre membre des Partisans
de Kharkiv, qui l’a dissimulée dans un sac sous le comptoir du bar233. La mine a explosé vers 21 h 45,
blessant de nombreux civils234. L’analyse de la police scientifique ukrainienne a confirmé que les
227 Signed Declaration of M Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 6‒7 (annexe 196).
Dans leurs déclarations sous serment, des collaborateurs des Partisans de Kharkiv ont confirmé que Kovtun avait accepté
de travailler avec eux. Ainsi, Chekhovsky, membre de ce groupe, a-t-il indiqué qu’il avait participé à un entraînement en
Russie, à l’initiative de Sobchenko, et que son collègue lui avait procuré les armes qu’il avait lui-même fournies à «Marina»,
laquelle était «impliquée dans l’attentat contre le Stena Rock Club». Signed Declaration of V. Chekhovsky, Suspect
Interrogation Protocol (9 May 2015), p. 5‒7 (annexe 229).
228 Signed Declaration of M. Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (19 November 2014), p. 2 (annexe 196).
229 Les mines ventouses SPM sont conçues pour détruire des véhicules militaires et de transport, des équipements
militaires ou industriels, des trains de marchandise et autres objets blindés. Expert Conclusion No. 532/2014, drafted by
the Forensic Research Center, Ministry of Internal Affairs of Ukraine, Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs
of Ukraine in Kharkiv Region (3 April 2015), p. 34 («Les mines SPM sont des mines incendiaires à retardement conçues
pour détruire des équipements mobiles ou stationnaires dotés de parties métalliques, d’utilisation terrestre ou
sous-marine.») (annexe 116).
230 Signed Declaration of M. Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 8‒9 (annexe 196).
231 Ibid., p. 9 («[N]ous avons placé la mine dans un sac de cellophane et y avons attaché une ficelle. Vasily a
dégoupillé le dispositif de sécurité et a introduit la mine au fond de la canalisation, qui était recouverte d’une grille. Moi,
pendant ce temps, je filmais tout…») ; Kovtun video of Malysheev Plant bombing (video) (annexe 693). Une analyse de la
police scientifique a permis de confirmer que les fragments recueillis sur les lieux de l’explosion provenaient d’une mine
ventouse SPM. Expert Conclusion No. 557/2014, drafted by the Forensic Research Center, Ministry of Internal Affairs of
Ukraine, Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine in Kharkiv Region (23 March 2015), p. 17
(évoquant «la détonation d’un dispositif explosif, probablement une mine (magnétique) à ventouse SPM (mine ventouse
moyenne), équipée d’un fusible VZD-1M standard») (annexe 112).
232 Signed Declaration of M. Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 8-10 (annexe 196) ;
Signed Declaration of R. Chernenko, Witness Interrogation Protocol (10 November 2014), p. 3 (barman du Stena Rock
Club relatant qu’une «déflagration s’était fait entendre à l’intérieur du bâtiment» ce jour-là) (annexe 194) ; Signed
Declaration of M. Ozerov, Witness Interrogation Protocol (10 November 2014) (annexe 193) ; Signed Declaration of
Ye. Datsenko, Witness Interrogation Protocol (11 November 2014), p. 2 (indiquant que le Stena Rock Club était une boîte
de nuits prisée des sympathisants pro-ukrainiens) (annexe 195).
233 Signed Declaration of M. Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 8-10 (annexe 196).
L’une des victimes de l’attentat se rappelait avoir vu le complice de Kovtun assis au bar, près de l’endroit où la mine a
explosé. Signed Declaration of G. Shmorovoz, Witness Interrogation Protocol (17 December 2014), p. 1-2 (annexe 203) ;
Record of Person Identification from Photographs by Shmoryvoz (17 December 2014) (annexe 81).
234 Signed Declaration of R. Chernenko, Witness Interrogation Protocol (10 November 2014), p. 3 (évoquant le
moment de l’explosion) (annexe 194) ; OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, Based
on Information Received as of 18:00 (Kyiv time) (10 November 2014) (annexe 318).
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fragments recueillis dans la boîte de nuit provenaient d’une mine ventouse SPM235. Kovtun a reconnu
que sa cellule prenait pour cible des cafés fréquentés dans le cadre d’une «entreprise de
déstabilisation menée contre Kharkiv»236.
120. Une série d’attentats semblables commis par des cellules pro-séparatistes radicales ont
également servi les desseins des Partisans de Kharkiv, et plongé les habitants de la ville dans la
terreur. Ainsi, trois extrémistes ont tiré au lance-grenades MRO-A sur le siège régional de la
PrivatBank237. Leur cellule a ensuite récidivé contre un bureau de conscription militaire, et fait
détoner un engin explosif au bureau de «Dia» («Action»), organisation regroupant des bénévoles
favorables à l’unité238.
121. Cette vague de violence allait atteindre son point culminant avec l’attentat meurtrier
commis contre un rassemblement en faveur de l’unité, le 22 février 2015. Une cellule constituée de
Volodymyr Dvornikov, Victor Tetutskiy et Sergey Bashlykov — qui, tous, ont avoué les faits — a
fait exploser une mine antipersonnel à usage militaire au beau milieu d’une manifestation pacifique
de partisans de l’unité destinée à marquer le premier anniversaire de la révolution de la dignité239. La
veille, Dvornikov avait effectué une opération de reconnaissance le long du boulevard du maréchal
Zhukov, que devait emprunter le cortège240. Dvornikov y est ensuite retourné pendant la nuit, à
3 heures du matin, et a alors dissimulé la mine terrestre dans un banc de neige241. Lorsque le cortège
s’est mis en branle, il a attendu que des manifestants s’approchent pour déclencher la mise à feu, ce
qu’il a fait vers 13 h 15242. L’OSCE a rapporté que des observateurs venus surveiller le déroulement
du rassemblement et de la marche «ont entendu l’explosion et en ont ressenti les ondes de choc à
l’endroit où ils se trouvaient, une centaine de mètres plus loin» 243. Ils ont accouru sur le site de
l’explosion et ont vu «le corps de deux individus recouverts de drapeaux ukrainiens»244.
235 Expert Opinion No. 532/2014, drafted by the Forensic Research Center, Ministry of Internal Affairs of Ukraine,
Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine in Kharkiv Region (3 April 2015), p. 43 (concluant que,
«[v]ers 21 h 38, le 11 septembre 2014, une mine ventouse SPM moyenne dotée d’un fusible à retardement VZD-1M a été
activée au Stena Bar») (annexe 116). Le lendemain, Kovtun a donné la troisième mine ventouse SPM à l’auteur de l’attentat
du Stena Rock Club, qui a indiqué que son intention était de la poser à l’hôtel Britannia. Signed Declaration of M. Kovtun,
Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 9-10 (annexe 196).
236 Signed Declaration of M. Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 11 (annexe 196).
237 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August 2015), p. 4-5 (annexe 142) ;
Signed Declaration of M. Rezniakov, Suspect Interrogation Protocol (13 August 2015), p. 6 (annexe 236).
238 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August 2015), p. 6-7, 11-12
(annexe 142) ; Signed Declaration of M. Rezniakov, Suspect Interrogation Protocol (13 August 2015), p. 6 (annexe 236) ;
Video published by the Kharkiv Partisans (video) (taking credit for these attacks) (annexe 707).
239 Signed Declaration of V. Dvornikov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 3-5 (annexe 223) ;
Signed Declaration of S. Bashlykov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 4-5 (annexe 221) ; Signed
Declaration of V. Tetutskiy, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 3-6 (annexe 222).
240 Signed Declaration of V. Dvornikov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 4 («Dans la journée
du 21 février 2015, j’ai conduit ma Ford le long du boulevard du maréchal Zhukov afin de repérer les lieux et les tas de
neige les plus épais, où dissimuler la mine.») (annexe 223)
241 Ibid. ; Signed Declaration of S. Bashlykov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 4-5
(annexe 221) ; Signed Declaration of V. Tetutskiy, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 4-5 (annexe 222).
242 Signed Declaration of V. Dvornikov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 5 («J’ai vu des gens
en uniforme défiler le long du boulevard du maréchal Zhukov, et j’ai ensuite appuyé sur le bouton pour composer le numéro
de téléphone cellulaire 066-887-45-59, ce qui a déclenché l’explosion de la mine que j’avais posée au préalable.»)
(annexe 223) ; Signed Declaration of S. Bashlykov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 5 (annexe 221) ;
Signed Declaration of V. Tetutskiy, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 6 (annexe 222).
243 OSCE, Spot Report by Special Monitoring Mission to Ukraine, 22 February 2015: Explosion in Kharkiv at
March Commemorating February 2014 pro-Maidan Events (22 February 2015) (annexe 334).
244 Ibid.
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Andriy Sanin, qui participait au rassemblement et à la marche, a relaté la scène : «Les premières
secondes [après l’explosion], c’était la panique… Tout le monde hurlait, courait.»245 Ainsi que l’ont
rapporté les observateurs de l’OSCE et de l’ONU, trois civils ont été tués, dont un adolescent de
quinze ans et un policier, et 15 autres ont été blessés246.
122. La série d’attentats perpétrés par les Partisans de Kharkiv et d’autres groupes armés
en 2014 et jusqu’au début de l’année 2015 ont instillé la peur parmi les civils. Volodymyr Noskov,
journaliste local, commentait ainsi, en février 2015 : «La peur, chacun la gère à sa façon. Nous
commençons à nous accoutumer à la nouvelle situation. Nous savons tous que cette guerre durera
plus d’un an ; nous sommes épuisés, tant physiquement que moralement.»247 D’autres résidents de
Kharkiv ont rapporté que les civils étaient constamment à cran, indiquant par exemple : «Les gens
se terrent. Ils restent assis et attendent.»248 Vladimir Bondarenko, restaurateur de meubles, est
peut-être celui qui a le mieux décrit le sort des civils, ainsi que la stratégie sous-tendant les attaques :
«L’anxiété que provoquent les attentats est atroce[.] … [C]’est bien le but des actes terroristes :
emplir à ce point les gens d’effroi qu’il devient facile de les briser.»249
2. Tentative d’assassinat d’un membre du Parlement ukrainien à Kyiv
123. Les intermédiaires de la Russie ont introduit leur campagne jusque dans la capitale
ukrainienne, Kyiv. Récemment encore, un complot majeur a été déjoué lorsqu’Anton Gerashchenko,
représentant du Parlement ukrainien, a échappé à un attentat à la voiture piégée : des ressortissants
ukrainiens oeuvrant de conserve avec des militants de la RPL et des agents des services de
renseignement russes avaient tenté de dissimuler une bombe dans sa voiture afin d’assassiner ce
farouche opposant à l’agression russe.
124. Le complot était orchestré par Andriy Tyhonov, membre de la RPL qui travaillait en
collaboration avec Eduard Dobrodeev, agent du service de renseignement militaire russe
(le «GRU»)250. Tyhonov avait recruté trois ressortissants ukrainiens — Oleksiy Andriyenko,
Svyatoslav Zhirenko et Dmytro Jakob — pour assassiner Gerashchenko251.
245 Simon Shuster, “Meet the Pro-Russian ‘Partisans’ Waging a Bombing Campaign in Ukraine”, Time (10 April
2015), p. 4 (annexe 571).
246 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February-15 May 2015), par. 24 (annexe 768) ;
OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on Information Received as of 18:00
(Kyiv time) (24 February 2015) (annexe 335) ; OSCE, Spot Report by Special Monitoring Mission to Ukraine, 22 February
2015: Explosion in Kharkiv at March Commemorating February 2014 Pro-Maidan Events (22 February 2015)
(annexe 334).
247 Linda Kinstler, “A Ukrainian City Holds Its Breath”, Foreign Policy (20 February 2015), p. 2-3 (annexe 561).
248 Ibid., p. 4.
249 Corey Flintoff, “Bomb Attacks Increase In Ukraine’s Second-Largest City, Kharkiv”, NPR (6 April 2015), p. 2
(annexe 570).
250 Déposition de Taras Stepanovych Horbatyi (31 mai 2018), par. 5 [ci-après la «déposition de Taras Horbatyi»]
(annexe 2) ; Signed Declaration of H. Rizayeva, Witness Interrogation Protocol (14 February 2017), p. 3 (prisonnier de la
RPL qui ayant vu Tykhonov, pendant sa captivité, a témoigné que celui-ci «était directement impliqué dans les opérations
de combat au côté des militants de la RPL en tant que chef d’une unité de combat ou que l’un de ses dirigeants»)
(annexe 258) ; Signed Declaration of Oleksiy Andriyenko, Suspect Interrogation Protocol (18 December 2016), p. 2-3
(annexe 252) ; Oleksiy Andriyenko Court Testimony (18 December 2016), p. 5 (annexe 261).
251 Déposition de Taras Horbatyi, par. 5 (annexe 2) ; Signed Declaration of Oleksiy Andriyenko, Suspect
Interrogation Protocol (18 December 2016), p. 2 («Alors que j’étais à Belgorod, au cours d’une conversation alcoolisée,
[Tyhonov] m’a dit qu’il avait reçu l’instruction d’organiser l’assassinat d’Anton Gerashchenko.») (annexe 252) ;
Oleksiy Andriyenko Court Testimony (28 April 2017), p. 4-5 (annexe 261).
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125. Le 12 décembre 2016, Andriyenko a rencontré Tyhonov dans son appartement de
Belgorod (Russie), et a enregistré leur conversation252. Au cours de cette rencontre, Tyhonov a
expliqué qu’un autre individu «avait accepté … de l’argent pour s’acquitter de la mission [consistant
à assassiner Gerashchenko] que poursuit la direction principale des services de renseignement» mais
que l’individu en question avait «disparu», de sorte que cette mission lui incombait désormais à lui
(Tyhonov) 253. En sollicitant l’aide d’Andriyenko, Tyhonov a assuré à celui-ci que c’était «Poutine
lui-même qui souhaitait … voir [Gerashchenko] réduit au silence»254.
126. Le 19 décembre 2016, les deux complices d’Andriyenko sont arrivés dans la capitale255.
Au cours des semaines suivantes, ils ont surveillé les déplacements de Gerashchenko à Kyiv, et ont
commencé leurs préparatifs, notamment en se procurant les éléments requis pour confectionner un
engin explosif artisanal256. Les malfaiteurs ont évoqué leur intention de piéger la voiture de
Gerashchenko et d’en déclencher l’explosion à distance, puis de se réfugier sur le territoire de la
Fédération de Russie257. A leur insu, toutefois, Andriyenko avait informé les services de sécurité
ukrainiens de ce projet d’attentat258. Le 20 janvier 2017, les forces de l’ordre ukrainiennes ont
appréhendé les participants à cette entreprise criminelle alors qu’ils quittaient leur appartement munis
d’un engin explosif qu’ils s’apprêtaient à laisser dans la voiture de Gerashchenko259.
3. Attentats à l’explosif commis à Odessa
127. A l’instar de Kharkiv, Odessa a subi une série d’attentats à l’explosif visant des
organisations pro-gouvernementales en 2015260. Mais en 2017, des agents pro-séparatistes ont pris
pour cible des partisans de l’unité ukrainienne.
128. Le 24 juillet 2017, une voiture garée dans un quartier résidentiel d’Odessa a explosé à
proximité du domicile de Marco Gordiyenko, président d’une ONG favorable à l’unité
ukrainienne261. Les auteurs de l’attentat étaient des ressortissants ukrainiens — Myroslav Melnyk et
Semen Boytsov — qui avaient été recrutés par un certain «Aleksandr» (dit aussi «Morpekh»).
252 Déposition de Taras Horbatyi, par. 8 (annexe 2) ; Oleksiy Andriyenko Court Testimony (28 April 2017), p. 15
(annexe 261) ; Recording of Conversation between Andrienko and Tyhonov (12 December 2016) (annexe 251).
253 Transcript of Conversation between Andrienko and Tyhonov (12 December 2016), p. 2 (annexe 251) ;
déposition de Taras Horbatyi, par. 8 (annexe 2).
254 Transcript of Conversation between Andrienko and Tyhonov (12 December 2016), p. 10 (annexe 251).
255 Déposition de Taras Horbatyi, par. 7 (annexe 2).
256 Ibid. ; Security Service of Ukraine Surveillance Video of Zhirenko and Jakob (video) (annexe 706) ; Record of
Incident Scene Inspection, drafted by Major of Justice A. S. Bakhovsky, Senior Special Investigator, Security Service of
Ukraine (20 December 2017), p. 3 (annexe 117).
257 Déposition de Taras Horbatyi, par. 11 (annexe 2) ; Intercepted Conversation between Svyatoslav Zhirenko and
Dmitriy Yakob (20 January 2017) (annexe 706).
258 Signed Declaration of Oleksiy Andriyenko, Suspect Interrogation Protocol (18 December 2016), p. 3
(annexe 252).
259 Déposition de Taras Horbatyi, par. 5 et 7 (annexe 2) ; Security Service of Ukraine Surveillance Video of
Zhirenko and Jakob (video) (annexe 706).
260 David Stern, “Lethal Divisions Persist in Ukraine’s Odessa”, BBC News (2 May 2015) (annexe 573) ;
Corey Flintoff, “Who’s Behind a String of Bombings in Ukraine’s Black Sea ‘Pearl’?”, NPR (1 July 2015) (annexe [579]).
261 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on Information Received
as of 19:30 (24 July 2017), p. 4 (annexe 353) ; Signed Declaration of Semen Boytsov, Suspect Interrogation Protocol
(9 August 2017), p. 36-37 (annexe 269).
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129. Comme l’a rapporté Melnyk, les deux hommes savaient qu’Aleksandr était «un agent des
services spéciaux russes» 262. Ayant suivi, à l’instigation d’Aleksandr, un entraînement militaire dans
un camp en Russie263, ils ont ensuite accepté une «mission à Odessa» moyennant paiement264.
Aleksandr leur a alors «envoyé un message comportant deux noms, dont celui de Gordiyenko»265.
Le 21 juin 2017, les deux hommes sont arrivés à Odessa, depuis Donetsk, et se sont installés dans un
appartement loué par les agents d’Aleksandr266. Sur instruction de ce dernier, Melnyk et Boytsov ont
récupéré une mine antichar munie de charges de TNT267.
130. Le 24 juillet 2017, les deux hommes ont dissimulé le dispositif explosif dans un véhicule,
qu’ils ont garé dans une rue proche du domicile de Gordiyenko268. Vers 10 h 20, Boytsov a fait
exploser l’engin, alors que Gordiyenko passait tout près269. Les observateurs de l’OSCE sont arrivés
sur les lieux peu de temps après : ils ont pu voir une voiture détruite, dont les débris étaient éparpillés
de part et d’autre de la rue, ainsi que les vitres brisées d’un café voisin270. Gordiyenko en est réchappé,
heureusement, mais le message était dépourvu de toute ambiguïté : même à Odessa, et même
en 2017, les partisans de l’unité ukrainienne ne sont pas en sécurité.
262 Signed Declaration of Myroslav Melnyk, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 52 (annexe 268).
263 Signed Declaration of Semen Boytsov, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 4 (annexe 269).
264 Ibid., p. 34-36.
265 Ibid., p. 35-36.
266 Ibid., p. 36.
267 Expert Conclusion No. 120-B/1818-X, drafted by Odesa Expert Criminal Forensic Research Center, Ministry
of Internal Affairs of Ukraine (24 November 2017), p. 5 (annexe 176).
268 Declaration of Semen Boytsov, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 36-37 (annexe 269) ; Signed
Declaration of Myroslav Melnyk, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 55 (annexe 268).
269 Signed Declaration of Semen Boytsov, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 36-37 (annexe 269) ;
Déclaration signée de Marko Gordiyenko, procès-verbal d’interrogatoire de témoin (14 septembre 2017) [Extraits]
«A environ 10 h 23», le 24 juillet 2014, «[a]lors que je me trouvais à la hauteur d’un véhicule automobile VAZ-2101 de
couleur blanche, stationné du côté de la chaussée opposé au no 30 vul. Zhukovskogo, Odessa, le véhicule a explosé»)
(annexe 270). Melnyk et Boytsov, qui étaient censés assassiner Gordiyenko, ont affirmé qu’ils s’étaient ravisés à la dernière
minute, et avaient fait détoner l’engin explosif alors qu’il n’y avait personne à proximité. Signed Declaration of
Myroslav Melnyk, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 55 (annexe 268) ; Signed Declaration of
Semen Boytsov, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 37 (annexe 269). Cette affirmation est toutefois
contredite par la déclaration sous serment de Gordiyenko. Aleksandr («Morpekh»), en tout état de cause, ne s’est pas
ravisé ; Melnyk a de fait affirmé qu’il les avait menacés, Boytsov et lui, lorsqu’ils avaient exprimé des doutes à propos du
plan : ««Morpekh» nous a clairement intimé l’ordre de poser une bombe indépendamment de la présence ou de l’absence
de passants ; à défaut — nous a-t-il mis en garde —, nous serions considérés comme des inutiles, à qui personne ne
confierait la moindre mission et il n’était même pas sûr que nous puissions regagner Donetsk.» Declaration of
Myroslav Melnyk, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 55 (annexe 268).
270 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on Information Received
as of 19:30 (24 July 2017), p. 4 (annexe 353).
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CHAPITRE 2
FINANCEMENT DU TERRORISME PAR LA RUSSIE EN UKRAINE
131. Loin d’oeuvrer pour mettre fin aux actes de terrorisme décrits au chapitre 1, la Russie,
alors même que l’Organisation des Nations Unies rendait compte et apportait des preuves de la
politique de violence et d’intimidation systématique livrée par la RPD, la RPL et d’autres groupes
comparables, à l’encontre de civils271, orchestrait au contraire une campagne qui devait lui permettre
d’apporter à ses intermédiaires une assistance meurtrière. En dépit de mises en garde du
Haut-Commissariat aux droits de l’homme, qui avait expressément fait état de «transferts d’armes et
de munitions … dont l’emploi risqu[ait] sérieusement de donner lieu à de graves abus ou violations
du droit international des droits de l’homme ou du droit humanitaire», y compris au moyen de «tirs
d’artillerie sans discrimination»272, des armes puissantes capables, précisément, d’être utilisées à cet
effet contre des civils n’en finissaient pas de passer la frontière.
132. Ce chapitre décrit les multiples manières dont, par le truchement de nombreux
représentants de l’Etat, la Fédération de Russie a non seulement toléré, mais aussi encouragé et
soutenu le financement de groupes armés illicites en Ukraine, notamment en leur fournissant les
armes qui ont été utilisées aux fins des actes de terrorisme relatés au chapitre 1. L’exemple le plus
notoire en a été la livraison en territoire contrôlé par la RPD d’un missile de type Bouk-TELAR par
des membres de la 53e brigade de défense antiaérienne des forces armées russes (la «53e brigade»)
⎯ transfert que l’équipe d’enquête conjointe a méticuleusement documenté. Mais le soutien qu’a
apporté la Russie au terrorisme en Ukraine ne s’arrête pas là. Il comprend la fourniture des
lance-roquettes multiples de type Grad et Smerch qui seraient utilisés pour bombarder des zones
civiles et des explosifs qui allaient servir à semer la terreur dans certaines villes ukrainiennes. En
relèvent également les camps d’entraînement que la Russie a établis le long de sa frontière avec
l’Ukraine, les contributions monétaires directes massives qu’elle a apportées à des groupes agissant
pour son compte, ainsi que les importantes levées de fonds qu’elle a laissé se développer sur son
territoire.
A. Fourniture, par la Russie, d’un arsenal massif
aux groupes armés illicites en Ukraine
133. Alors que, en Ukraine, des groupes armés illicites commençaient à s’opposer violemment
au gouvernement, de hauts responsables russes s’organisaient pour leur livrer armes et munitions. Le
Haut-Commissariat aux droits de l’homme a ainsi pu constater un «afflux transfrontalier d’armes
lourdes et sophistiquées, ainsi que de combattants étrangers, y compris en provenance du territoire
russe»273. Et de constater de nouveau, en 2015, que
«[l’]absence de contrôle effectif du Gouvernement ukrainien sur d’importants segments
de la frontière russe (dans certaines parties des régions de Donetsk et de Louhansk)
continuait de faciliter l’afflux de munitions, d’armes et de combattants en provenance
de la Fédération de Russie, vers les territoires contrôlés par les groupes armés»274.
271 Voir ci-dessus, chapitre 1, section A.
272 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine: 16 November 2015 to 15 February 2016, p. 10,
par. 24 (annexe 314).
273 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 December 2014), p. 3, 17, par. 1, 86 (annexe 303).
274 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine: 16 August to 15 November 2015, p. 2, par. 2
(annexe 312).
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134. L’«afflux» d’armes que décrit le Haut-Commissariat aux droits de l’homme était massif.
Dès le printemps 2014, les forces armées ukrainiennes combattant les groupes armés de la RPD et
de la RPL s’emparaient de missiles antiaériens sol-air275, lance-roquettes multiples276 et chars de
combat dont le marquage attestait sans l’ombre d’un doute l’origine russe277. A partir du
printemps 2014, et encore après la destruction en vol de l’appareil de la Malaysia Airlines, le
17 juillet 2014, le rythme auquel la Russie a armé ces groupes n’a cessé de s’intensifier, comme l’ont
confirmé des sources de renseignements étrangères et internationales278, des organisations
internationales279, des organisations non gouvernementales280, des journalistes d’investigation281 et
des éléments de preuve photographiques et vidéo282. Des témoins oculaires ont également vu des
convois transportant des armes russes franchir la frontière entre les deux pays283.
275 Le 18 mai 2014, les forces armées ukrainiennes se sont emparées d’un missile antiaérien sol-air portatif de
type GROM-E2 (pouvant atteindre des cibles à plus de 3000 mètres), portant le numéro de série «1016», qui se trouvait
aux mains de membres de la RPD. Lorsque des images de l’arme sont parues dans la presse, les autorités géorgiennes ont
fait savoir à l’Ukraine que l’arme avait été saisie par les forces armées russes en Géorgie en 2008, et qu’il y avait lieu de
penser qu’elle était restée en leur possession depuis. Voir Ukrainian Prosecutor’s Office File on GROM-E2 (including
Letter of Assistance Request from Georgian Government) (annexe 186). Le 6 juin 2014, le service de police des frontières
ukrainien a récupéré une boîte, vide, de munitions destinées à un système de missile antiaérien sol-air portatif de type
Igla 9M39, dans le village de Marynivka, à quelque 4 kilomètres de la frontière russe. D’après des documents officiels du
Gouvernement russe trouvés dans la boîte, le missile appartenait au ministère russe de la défense, plus précisément à une
base militaire russe située près de Rostov-sur-le-Don, en Russie. Voir, par exemple, Ukraine State Border Service Letter
No. 72/36-994-73 to Ministry of Foreign Affairs, and annexes (10 December 2014) (annexe 406) ; Interfax Ukraine, “Kyiv
Demands Moscow to Explain Use of Igla MANPADs in Donetsk Region”, Kyiv Post (19 June 2014) (annexe 524).
276 Voir ci-dessous, chapitre 2, section C.
277 Voir déposition d’Andrii Tkachenko, par. 34-36 (annexe 10) ; Inspection Report by Colonel
Roman Stepanovich Kovalchuk, Head of Operational Group of Military Counterintelligence of the Security Service of
Ukraine (23 November 2015) (précisant les caractéristiques des chars saisis à la RPD et à la RPL qui trahissent leur origine
russe) (annexe 140) ; Inspection Report by Colonel Vasyl Vasyliovych Kolodiazhnyi, the Deputy Head of Operational
Group of Military Counterintelligence of the Security Service of Ukraine (23 November 2015) (ibid.) (annexe 143) ;
Protocole d’inspection réalisé par I. V. Nimchenko, enquêteur principal des dossiers spéciaux du parquet militaire, bureau
du procureur général d’Ukraine (28 octobre 2015) (spécifiant quelles sont les marques qui attestent l’origine russe du
missile de type Grad BM-21) (annexe 136).
278 Voir, par exemple, Andrew E. Kramer & Michael R. Gordon, “Russia Sent Tanks to Separatists in Ukraine,
U.S. Says”, N.Y. Times (13 June 2014) (annexe 521) ; NATO Allied Command Operations, NATO Releases Imagery:
Raises Questions on Russia’s Role in Providing Tanks to Ukraine (14 June 2014) (annexe 364) ; Allied Powers Europe,
New Satellite Imagery Exposes Russian Combat Troops Inside Ukraine (28 August 2014) (annexe 365).
279 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine: 16 August to 15 November 2015, p. 2, par. 2
(annexe 312).
280 Voir, par exemple, The Atlantic Council, Hiding in Plain Sight (2015) (annexe 448) ; International Crisis Group,
Eastern Ukraine: A Dangerous Winter, Europe Report No. 235 (18 December 2014), p. 14 (annexe 447).
281 Shaun Walker, “Aid Convoy Stops Short of Border as Russian Military Vehicles Enter Ukraine”, The Guardian
(15 August 2014) (annexe 538) ; Roland Oliphant, Kamensk-Shakhtinsky & Tom Parfitt, “Russian Armoured Vehicles
And Military Trucks Cross Border Into Ukraine”, The Telegraph (14 August 2014) (annexe 537).
282 Voir, par exemple, 2016 JIT Presentation (annexe 39) ; The Atlantic Council, Hiding in Plain Sight (2015)
(annexe 48) ; James Miller, Pierre Vaux, Catherine A. Fitzpatrick & Michael Weiss, An Invasion By Any Other Name
(September 2015) (annexe 450) ; Security Environment Research Center “Prometheus”, Donbas in Flames (2017)
(annexe 455).
283 Signed Declaration of Oleksandr Mohilevsky, Witness Interrogation Protocol (22 May 2017) (annexe 264) ;
Signed Declaration of Oleksandr Voytov, Witness Interrogation Protocol (24 April 2017) (annexe 257) ; Signed
Declaration of Roman Melnykov, Witness Interrogation Protocol (27 April 2017) (annexe 260) ; Signed Declaration of
Amonenko Oleksiyovich, Witness Interrogation Protocol (23 April 2017) (annexe 256) ; Signed Declaration of
Yuri Martynovsky, Witness Interrogation Protocol (26 April 2017) (annexe 258) ; Signed Declaration of
Oleksandr Kvartyn, Witness Interrogation Protocol (23 May 2017) (annexe 265) ; Signed Declaration of Denys Skibin,
Witness Interrogation Protocol (21 May 2017) (annexe 262) ; Signed Declaration of Andriy Yanushevsky, Witness
Interrogation Protocol (27 April 2017) (annexe 259).
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135. Entre septembre 2014 et décembre 2015, la Russie a, d’après des informations émanant
des services de renseignement du ministère ukrainien de la défense284, fourni à la RPD et à la RPL
des centaines de lance-roquettes multiples, des pièces d’artillerie lourde, des systèmes de missiles
antiaériens, ainsi que des camions et wagons entiers de munitions285. Nombre d’armes étaient dotées
de symboles attestant qu’elles appartenaient aux forces armées de la Fédération de Russie286. Les
indications du Gouvernement ukrainien sont par ailleurs corroborées par les observations de l’OSCE
sur la nature des convois circulant en territoire contrôlé par la RPD et la RPL287. Au nombre des
armes acheminées figuraient des lance-roquettes multiples de type Grad et Smerch, un système de
lance-roquettes multiples à munitions thermobariques de type TOS-1 Buratino288, et un système de
missile antiaérien sol-air de type Bouk289.
136. La Fédération de Russie n’a pas ménagé ses efforts pour dissimuler ces opérations de
transfert d’armes. Des soldats russes et d’anciens membres de la RPD et de la RPL ont rapporté avoir
284 Déposition de Vadim Skibitskyi, par. 22, 39 (annexe 8) ; Ukrainian Military Intelligence Summary of
Cross-Border Weapons Transfers (September 2014 to December 2015) (annexe 74).
285 Déposition de Vadim Skibitskyi, par. 22, 39 (annexe 8) ; Ukrainian Military Intelligence Summary of
Cross-Border Weapons Transfers (September 2014 to December 2015) (annexe 74) ; Administrative Directorate of the
General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/78 (9 January 2015) (annexe 83) ; Administrative
Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/916 (23 February 2015) (annexe 108) ;
Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/712 (13 February 2015)
(annexe 106) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/576
(6 February 2015) (annexe 99) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/3739 (20 July 2015) (annexe 132) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of
Ukraine Letter No. 300/1/C/3588 (10 July 2015) (annexe 131) ; Administrative Directorate of the General Staff of the
Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/3309 (26 June 2015) (annexe 130) ; Administrative Directorate of the General
Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/3068 (13 June 2015) (annexe 129) ; Administrative Directorate
of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/2917 (5 June 2015) (annexe 128) ; Administrative
Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/2801(29 May 2015) (annexe 127) ;
Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/2539 (15 May 2015)
(annexe 125) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/2430
(9 May 2015) (annexe 124) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/2329 (2 May 2015) (annexe 122) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of
Ukraine Letter No. 300/1/C/2056 (18 April 2015) (annexe 120) ; Administrative Directorate of the General Staff of the
Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/1917 (11 April 2015) (annexe 119) ; Administrative Directorate of the
General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/1640 (28 March 2015) (annexe 114) ; Administrative
Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/1451 (20 March 2015) (annexe 111) ;
Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/1059 (27 February
2015) (annexe 109).
286 Voir déposition d’Andrii Tkachenko, par. 34-36 (annexe 10) ; Inspection Report by Colonel
Roman Stepanovich Kovalchuk, Head of Operational Group of Military Counterintelligence of the Security Service of
Ukraine (23 November 2015) (précisant les caractéristiques des chars saisis à la RPD et à la RPL qui trahissent leur origine
russe) (annexe 140) ; Inspection Report by Colonel Vasyl Vasyliovych Kolodiazhnyi, the Deputy Head of Operational
Group of Military Counterintelligence of the Security Service of Ukraine (23 November 2015) (ibid.) (annexe 143) ;
Protocole d’inspection réalisé par I. V. Nimchenko, enquêteur principal des dossiers spéciaux du parquet militaire, bureau
du procureur général d’Ukraine (28 octobre 2015) (précisant quelles sont les marques qui attestent l’origine russe du BM-21
«Grad») (annexe 136).
287 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine based on information received as
of 18:00 (Kyiv time) (22 January 2015), p. 1 (annexe 327) ; OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission to
Ukraine (SMM) based on information received as of 18:00 (Kyiv time) (30 November 2014), p. 1 (annexe 319) ; OSCE,
Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine based on information received as of 18:00 (Kyiv time)
(9 September 2014), p. 2 (annexe 317).
288 L’OSCE a confirmé que la RPD avait fait l’acquisition d’un lance-roquettes multitubes TOS-1. Voir OSCE,
Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine based on information received as of 27 September 2015,
p. 4 (annexe 337) ; Anton Zverev, “OSCE says spots deadly Russian rocket system in Ukraine for first time”, Reuters
(2 October 2015) (annexe 581) ; BBC News, “Ukraine Rebels Have Powerful New Russian-Made Rockets ⎯ OSCE”
(2 October 2015) (annexe 582).
289 L’équipe d’enquête conjointe a confirmé que les Russes avaient fourni un missile antiaérien sol-air de type Bouk
en au moins une autre occasion. Voir 2016 JIT Presentation (annexe 39).
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récuré des équipements militaires et des armes russes pour faire disparaître tout insigne des forces
armées russes et toute autre preuve de leur appartenance initiale à la Russie, allant parfois jusqu’à
contrefaire les marques distinctives des forces armées ukrainiennes290. La Russie n’a toutefois pas
réussi à abuser la communauté internationale. Or, comme il sera montré plus en détail ci-dessous, les
armes qu’elle a fournies à la RPD et à la RPL ont été utilisées pour commettre contre des civils
d’effroyables actes de terrorisme.
B. Le missile russe antiaérien de type Bouk utilisé pour détruire
en vol l’appareil de la Malaysia Airlines
137. Au printemps et à l’été 2014, les livraisons d’armes de la Fédération de Russie à ses
intermédiaires en Ukraine s’intensifient. La Russie leur fait ainsi parvenir un puissant lance-missiles
Bouk-TELAR. A peine quelques heures après son arrivée sur le territoire ukrainien, celui-ci servira
à détruire l’appareil civil qui assurait le vol MH17. Des rapports officiels de la police néerlandaise,
soumis à la Cour, le confirment : «L’enquête a … permis d’établir que le Bouk-TELAR provenait de
la Fédération de Russie et qu’il y est retourné dans la nuit du 17 au 18 juillet 2014.»291 En outre, «il
existe suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le Bouk-TELAR en question provenait
de la 53e brigade antiaérienne qui est basée à Koursk, en Fédération de Russie»292.
138. Entre le 23 et le 25 juin 2014, un convoi de la 53e brigade achemine plusieurs systèmes
d’armement, dont six Bouk-TELAR, à travers l’ouest de la Russie, depuis Koursk jusqu’à la base
aérienne de Millerovo, dans l’oblast de Rostov293. Sur place, le convoi ne passe pas inaperçu, tant
s’en faut294. Nombre d’habitants des régions traversées l’ont photographié ou filmé, et certains ont
posté leur témoignage sur Internet295.
290 Signed Declaration of Konstantin Kutikov, Suspect Interrogation Protocol (16 March 2016), p. 9 (annexe 247) ;
Signed Declaration of Oleksandr Sachava, Suspect Interrogation Protocol (30 January 2015), p. 1-3 (annexe 218) ;
Roland Oliphant, “Russian Paratroopers Captured in Ukraine ‘Accidentally Crossed Border’”, The Telegraph (26 August
2014) (annexe 540) ; Transcription de l’interrogatoire de Petr Khokhlov, service de sécurité ukrainien (publié le 27 août
2014) (annexe 188) ; The Interpreter Magazine, “We All Knew What We Were Going For and What Could Happen”
(traduction anglaise d’un entretien donné dans la Novaya Gazeta par Elena Kostyuchenko, en date du 2 mars 2015)
(annexe 564) ; Zoya Lukyanova, “Translator for the DPR: “This is a Performance for the Whole World””, LB.ua (21 April
2015) (annexe 572) ; “The Russian Secret Behind Ukraine’s Self-Declared ‘Donetsk Republic’”, France 24 (15 October
2015) (video), mm 00:02:54 (annexe 583).
291 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 (annexe 41).
292 Procès-verbal des services de police néerlandais (24 mai 2018) (version originale néerlandaise) [ci-après le
«procès-verbal des services de police néerlandais du 24 mai 2018»] (annexe 42) ; voir aussi Equipe d’enquête conjointe,
conférence de presse du 24 mai 2018, Openbaar Ministerie (24 mai 2018) [ci-après la «conférence de presse de l’équipe
d’enquête conjointe (2018)»] (annexe 40).
293 Conférence de presse de l’équipe d’enquête conjointe (2018) (assortie d’une vidéo : JIT MH17 Witness Appeal
About 53rd Brigade, mm 00:00:40–00:01:00) (annexe 40).
294 Voir, par exemple, Max Vit, “Military Equipment in Stary Oskol”, KaviCom.ru (24 June 2014) (annexe 525).
295 Conférence de presse de l’équipe d’enquête conjointe (2018) (assortie d’une vidéo : JIT MH17 Witness Appeal
About 53rd Brigade) (annexe 40).
86
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Figure 8296
Légende : Photographie du Bouk aperçu en Russie lors du passage du convoi (23-25 juin)
139. Des photographies ont aussi été mises en ligne par des soldats russes, qui ont permis à
l’équipe d’enquête conjointe et à Eliot Higgins, directeur de l’équipe d’enquêteurs de Bellingcat,
d’établir chacun de leur côté un lien entre le Bouk-TELAR et la 53e brigade297.
140. En sus de confirmer la présence de systèmes antiaériens de type Bouk dans le convoi, les
vidéos et les photographies postées à l’époque par des habitants du cru aident à établir l’itinéraire
qu’a suivi le convoi jusqu’à la frontière. L’équipe d’enquête conjointe «a comparé les plaques
minéralogiques et d’autres caractéristiques pertinentes des véhicules appartenant au convoi», a
analysé «[t]outes les caractéristiques visibles des environs des lieux traversés par le convoi», et a
comparé des objets visibles à ceux apparaissant dans le service de navigation virtuelle Google Street
View de sorte que «chacun des emplacements a pu être confirmé»298. M. Higgins détaille par ailleurs
comment ces vidéos peuvent être «géolocalisées» (autrement dit, comment l’on peut repérer l’endroit
où elles ont été tournées)299. L’on peut ainsi reconstituer le trajet parcouru par le convoi à travers
l’ouest de la Russie, jusqu’à la frontière :
296 Annexe 77 ; déposition d’Eliot Higgins (5 juin 2018), par. 112-14 (ci-après «la déposition d’Eliot Higgins»)
(annexe 9) ; voir aussi conférence de presse de l’équipe d’enquête conjointe (2018) (assortie d’une vidéo : JIT MH17
Witness Appeal About 53rd Brigade, mm 00:02:20–00:02:45) (annexe 40).
297 Procès-verbal des services de police néerlandais du 24 mai 2018 («Des soldats, qui pourraient appartenir à la
53e brigade [de défense] antiaérienne selon un examen de sources du domaine public, ont publié des messages pendant les
déplacements du convoi et à propos de celui-ci. Les photographies et les enregistrements vidéo du convoi montrent des
soldats portant l’uniforme de la 53e [brigade].») (annexe 42).
298 Procès-verbal des services de police néerlandais du 24 mai 2018 (annexe 42).
299 Voir, de manière générale, déposition d’Eliot Higgins (annexe 9).
87
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Carte 8 : Itinéraire du convoi ayant acheminé le Bouk
Légende :
UTM Zone 37N Projection Datum: WGS-1984 = WGS 84/UTM zone 37 N
Route of Buk from the Russian Federation to Ukraine = Itinéraire suivi par le Bouk depuis la Russie jusqu’à
l’Ukraine
Exit route of Buk from Ukraine to the Russian Federation = Itinéraire emprunté par le Bouk sur le chemin du
retour vers la Russie
Approximative Separatist-Held Territory in July 2014 = Etendue approximative du territoire contrôlé par les
séparatistes au mois de juillet 2014
Base of the 53rd Anti-Aircraft Missile Brigade = Base de la 53e brigade de défense antiaérienne
Launch Site = Site de lancement
Crash Site = Site du crash
141. Alors que des habitants des zones traversées et des soldats de la 53e brigade
photographiaient ou filmaient les mouvements du convoi acheminant le Bouk, d’autres représentants
de la communauté internationale surveillaient la collecte, par la Russie, d’armes destinées à être
transférées de manière illicite en Ukraine. Les services de renseignement militaire néerlandais, par
89
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exemple, ont rendu compte, le 8 avril 2015, de l’arrivée de systèmes sophistiqués de défense
antiaérienne sur un site de regroupement, dans l’ouest de la Russie300.
142. Pour en revenir au Bouk, celui-ci se trouvant désormais près de la frontière, la Fédération
de Russie est fin prête lorsque ses intermédiaires de la RPD réclament davantage d’assistance.
L’appel vient d’Igor Girkin ⎯ ancien officier des services de renseignement russes devenu dirigeant
de la RPD ⎯, qui s’est déjà rendu coupable d’actes de terrorisme notoires à l’encontre de civils
ukrainiens301. Au téléphone, Girkin réclame à ses commanditaires russes une «défense aérienne»302.
Puis, le 16 juillet, un autre membre de la RPD demande expressément à «recevoir un Bouk dans la
matinée»303.
143. Cette nuit-là, des Russes ont déplacé, clandestinement, un Bouk qui se trouvait en
territoire russe vers l’oblast de Louhansk (Ukraine)304. Une conversation téléphonique interceptée,
datant du 17 juillet 2014, à 9 h 22, montre que, à cette heure-là, le Bouk a déjà franchi «la ligne»
⎯ autrement dit, la frontière :
Interlocuteur 1 : Est-il en mode autopropulsé ? Ou sur une semi-remorque?
Interlocuteur 2 : Il a franchi, franchi la ligne.
Interlocuteur 1 : Aaaah, et donc vous le transportez sur une semi-remorque, c’est ça ?
Interlocuteur 2 : Oui, oui, oui.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Interlocuteur 1 : Je vais maintenant indiquer sa destination. Il doit rejoindre les chars de Vostok305.
144. Une autre conversation téléphonique interceptée, datant du même jour, confirme la
livraison du Bouk :
Interlocuteur 1 : Je t’écoute, Buriatik.
Interlocuteur 2 : Bonjour, … et où allons-nous décharger cette splendeur … ?
Interlocuteur 1 : Laquelle ? Celle-ci ?
Interlocuteur 2 : Oui, oui, celle que j’ai apportée. Je suis déjà à Donetsk.
300 DSB Report MH17 Crash, annexe T (reproduisant le rapport de la commission d’analyse des services de
renseignement et de sécurité néerlandais) (8 April 2015) (annexe 38).
301 Voir plus haut, chapitre 1, section A.
302 Voir Intercepted Conversation between Igor Girkin, Viktor Anosov, and Mykhaylo Sheremet (8 June 2014)
(annexe 391) ; Confirmation of Authenticity, SSU (annexe 184).
303 Voir Intercepted Conversation between “Khmuryi” and “Sanych” (16 July 2014) (annexe 394) ; Confirmation
of Authenticity, SSU (annexe 184) ; 2016 JIT Presentation (assortie d’une vidéo : MH17 ⎯ conversation téléphonique du
16 juillet 2014, à 19 h 9, mm 00:00:27-00:00:30,00:01:05-00:01:07) (annexe 39).
304 Politie, MH17 (30 March 2015) (video), mm 00:02:00-00:02:25 (annexe 703).
305 Voir Intercepted Conversation between “Khmuryi” and “Bibliotekar” (17 July 2014) (annexe 397) ;
Confirmation of Authenticity, SSU (annexe 184) ; voir aussi 2016 JIT Presentation (assortie d’une vidéo : MH17
Animation Regarding the Transport Route and the Launch Site, mm 00:01:30-00:02:20) (annexe 39).
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Interlocuteur 1 : Celle à laquelle je pensais, c’est bien ça ? Il s’agit du M ?
Interlocuteur 2 : Oui.
Interlocuteur 1 : DM.
Interlocuteur 2 : Oui, oui, oui, oui. Le Bouk.
Interlocuteur 1 : Oups, BM. Oui, oui, oui. Je l’ai.
Interlocuteur 2 : Bouk, Bouk, Bouk.
Interlocuteur 1 : Bien, bien, bien. Et il se trouve sur, quoi ? Un camion ?
Interlocuteur 2 : Oui, il est sur un … comment dire ? … il a besoin d’être déchargé et caché.
Interlocuteur 1 : Il y a un équipage ?
Interlocuteur 2 : Oui.
Interlocuteur 1 : Inutile de le cacher où que ce soit. Il va y être conduit, tout de suite. Tu as bien
compris où ?
Interlocuteur 2 : J’ai compris, mais ils ont besoin d’au moins … de temps pour y jeter un oeil…306.
145. De même que lorsqu’il traversait le territoire russe en direction de la frontière, le Bouk
sera pris en photo et filmé à de multiples reprises sur le trajet le conduisant de Louhansk au site de
lancement, comme l’a reconstitué l’équipe d’enquête conjointe. De nombreux témoins l’ont vu sur
une remorque porte-engin de la marque Volvo, escortée par un véhicule de transport Volkswagen et
une Jeep UAZ laissant entrevoir quatre missiles dissimulés sous un filet de camouflage307.
146. Vers 8 heures, heure locale, le 17 juillet 2014, le Bouk arrive à Yenakiieve (Ukraine)308.
Il est ensuite transporté à Donetsk, où il est vu par des témoins qui posteront commentaires, photos
et vidéos en ligne309. L’une de ces images sera publiée par le magazine Paris Match, et la vidéo dont
elle est extraite sera analysée par l’équipe d’enquête conjointe310.
306 Voir Intercepted Conversation between “Khmury” and “Buriatik” (17 July 2014) (annexe 398) ; Confirmation
of Authenticity, SSU (annexe 184) ; Politie, MH17 (30 March 2015) (assorti d’une vidéo : mm 00:02:39-00:03:35)
(annexe 703).
307 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 1(nombre de missiles, conclusions de
l’enquête néerlandaise) ; annexe 2 ; annexe 3 (types de véhicules faisant partie du convoi) (annexe 41) ; déposition d’Eliot
Higgins, par. 14-86 (annexe 9).
308 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 (annexe 41) ; 2016 JIT Presentation (assortie
d’une vidéo : MH17 Animation Regarding the Transport Route and the Launch Site, mm 00:01:20-00:01:36) (annexe 39)
309 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 ; annexe 1 ; annexe 2 (annexe 41) ; déposition
d’Eliot Higgins, par. 23-27 (annexe 9).
310 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 2 (annexe 41) ; déposition d’Eliot
Higgins, par. 23-27 (annexe 9).
92
- 61 -
Figure 9311
147. Vers 11 heures, le convoi s’ébranle et se rend de Donetsk à Snizhne, en passant par
Makeevka, Zuhres et Torez312, où plusieurs autres photographies et vidéos attestent la présence du
Bouk313. Ainsi, une photographie analysée et authentifiée par l’équipe d’enquête conjointe démontre
que, vers 12 heures ou 12 h 30, le Bouk est à Torez314.
311 Annexes 534 et 692 ; procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 2 (photo figurant
dans la version néerlandaise originale, p. 2) (annexe 41) ; déposition d’Eliot Higgins, par. 24-27 (annexe 9).
312 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 ; annexe 1 ; annexes 3-4 (annexe 41) ;
déposition d’Eliot Higgins, par. 28-54 (annexe 9).
313 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 1 ; annexes 3-4 (annexe 41) ;
déposition d’Eliot Higgins, par. 28-54 (annexe 9).
314 Le lieu où a été prise cette photographie peut être authentifié grâce à certains repères sur la photo, dont l’ouvrage
jaune. Voir procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 4 (photo figurant dans la version
néerlandaise originale, p. 1-2) (annexe 41).
93
- 62 -
Figure 10315
Légende :
Photograph of the Buk missile launcher in Torez,
Ukraine, 17 July 2014 with an enlargement of the Buk
seen in the photo
= Photographie représentant le lance-missiles Bouk à
Torez (Ukraine), le 17 juillet 2014, et gros plan sur le
Bouk
148. Aux alentours de 13 heures, le Bouk arrive à Snizhne (Ukraine)316. Il se dirige ensuite,
seul, vers le site de lancement317. Peu après, il tirera le missile qui détruira en vol l’appareil de la
Malaysia Airlines, causant la mort de 298 civils, ainsi qu’il a été rapporté au chapitre 1, section B.
149. Après cette attaque meurtrière, le Bouk est rapidement reconduit en Russie. Il est
acheminé de Snizhne jusqu’à la frontière russe, dans l’oblast de Louhansk, via Krasniy Lutch et
Debaltsevo318. Une conversation interceptée indique que, à 21 h 32, le 17 juillet, il franchit le poste
de contrôle de Snizhne (Ukraine)319.
150. Le 18 juillet, vers 4 ou 5 heures, le camion Volvo transportant le Bouk est repéré à
Louhansk (Ukraine), alors qu’il se dirige vers Krasnodon/Sjeverne et la frontière russe320. Une vidéo
montre la batterie Bouk, à Louhansk, à laquelle manque un missile321. En dépit des allégations de la
315 Ibid.
316 Ibid., annexe 1 ; annexe 5-6 ; déposition d’Eliot Higgins, par. 48-54 (annexe 9).
317 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 ; annexe 1 (conclusions de l’enquête
néerlandaise) (annexe 41) ; déposition d’Eliot Higgins, par. 49-54 (annexe 9).
318 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 (annexe 41).
319 Intercepted Conversation between “Krot” and “Ryazan” (17 July 2014) (annexe 395) ; Confirmation of
Authenticity, SSU (annexe 184) ; Politie, MH17 (30 March 2015) (video), mm 00:05:55-00:06:25 (annexe 703).
320 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018 (annexe 41) ; 2016 JIT Presentation (assortie
d’une vidéo, MH17 Animation Regarding the Transport Route and the Launch Site, mm 00:10:15-00:10:26) (annexe 39) ;
déposition d’Eliot Higgins, par. 64-86 (annexe 9).
321 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 7 (annexe 41) ; 2016 JIT Presentation
(assortie d’une vidéo, MH17 Animation Regarding the Transport Route and the Launch Site, mm 00:10:15-00:10:32)
(annexe 39) ; déposition d’Eliot Higgins, par. 64-86 (annexe 9).
94
95
- 63 -
Fédération de Russie, fondées sur une version trafiquée de cette vidéo, l’équipe d’enquête conjointe
et l’équipe d’enquêteurs de Bellingcat ont toutes deux démontré que la vidéo avait bien été tournée
à Louhansk322.
Figure 11323
151. Une autre conversation interceptée montre que le Bouk quitte l’Ukraine et franchit la
frontière russe vers 8 heures du matin :
Interlocuteur 1 : Ils ont conduit le véhicule jusqu’au carrefour, l’ont laissé là, les gars ont
continué … Donc le véhicule est parti dans la bonne direction et il est arrivé à bon port … Il est en
Russie324.
152. L’équipe d’enquête conjointe a «comparé plusieurs photographies ou enregistrements
vidéo réalisés sur le trajet du Bouk-TELAR les 23, 24 et 25 juin 2014» en Russie, aux «photographies
et … enregistrements vidéo [du Bouk] faits les 17 et 18 juillet 2014» en Ukraine. Ayant, en sus,
comparé ces images à celle d’autres systèmes de missiles Bouk, elle a pu établir de manière
concluante que le lance-missiles vu en Russie et celui observé en Ukraine avaient en commun une
même «empreinte»325. Plus précisément, elle a repéré sur les images sept caractéristiques communes
distinctives :
1. Sur le flanc gauche du Bouk-TELAR, dans la partie centrale : une marque blanche constituée
d’un cercle au milieu duquel se trouve une croix. Il s’agirait de la marque du centre de gravité
apposée sur ce type de véhicules lorsqu’ils sont transportés.
2. Sur le flanc gauche du Bouk-TELAR, dans la partie centrale : une marque blanche constituée
d’une série de caractères débutant par un «H» (le «N» cyrillique), suivi à tout le moins du chiffre 2
322 Procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 7 (photo figurant dans la version
néerlandaise originale, p. 2) (annexe 41) ; 2016 JIT Presentation (assortie d’une vidéo, MH17 Animation Regarding the
Transport Route and the Launch Site, mm 00:10:15-00:10:32) (annexe 39) ; déposition d’Eliot Higgins, par. 64-86
(annexe 9).
323 Annexe 621 ; procès-verbal des services de police néerlandais du 16 mai 2018, annexe 7 (photo figurant dans la
version néerlandaise originale, p. 1-2) (annexe 41) ; déposition d’Eliot Higgins, par. 64-86 (annexe 9).
324 Intercepted Conversation between “Khmuryi” and “Krot” (18 July 2014) (annexe 399) ; Confirmation of
Authenticity, SSU (annexe 184) ; voir aussi 2016 JIT Presentation (assortie d’une vidéo, MH17 Animation Regarding the
Transport Route and the Launch Site, mm 00:10:45-00:12:11) (annexe 39).
325 Procès-verbal des services de police néerlandais du 24 mai 2018 («[L]e Bouk-TELAR filmé et photographié les
17 et 18 juillet 2014 possédait la même combinaison unique de caractéristiques distinctives qu’un des Bouk-TELAR faisant
partie du convoi de la 53e brigade [de défense] antiaérienne les 23, 24 et 25 juin 2014 en Fédération de Russie.»)
(annexe 42) ; conférence de presse de l’équipe d’enquête conjointe (2018) (assortie d’une vidéo : JIT MH17 Witness
Appeal About 53rd Brigade, mm 00:05:40-00:06:30) (annexe 40).
96
97
- 64 -
(deux fois) puis de deux chiffres illisibles. Cette marque est apposée sur ce type de véhicules
lorsqu’ils sont transportés par train ; il s’agit du degré de surcharge du véhicule par rapport au
wagon sur lequel il est placé.
3. Sur le flanc gauche du Bouk-TELAR, dans la partie centrale : fragments et contours du numéro
de véhicule tactique. Ce numéro, habituellement composé de trois chiffres, indique la position du
véhicule au sein de la brigade.
4. Sur le flanc gauche du Bouk-TELAR, sur la bande latérale en caoutchouc : une tache blanche.
5. Sur le côté droit des chenilles mécaniques du Bouk-TELAR : un ensemble de roues, toutes dotées
de rayons, à l’exception de la seconde.
6. Sur le flanc droit du Bouk-TELAR, dans la partie centrale : un espace entre les divers éléments
de la bande latérale en caoutchouc.
7. Sur le flanc droit du Bouk-TELAR, sur la bande latérale en caoutchouc : une marque blanche326.
153. Une vidéo publiée par l’équipe d’enquête conjointe montre de manière on ne peut plus
claire que le Bouk qui a été vu en Russie en juin 2014 et celui qui a été aperçu en Ukraine en
juillet 2014, alors qu’il s’apprêtait à abattre l’appareil de la Malaysia Airlines, n’en font qu’un. Cette
vidéo figure à l’annexe 40.
Figure 12327
Légende :
Stills from Joint Investigation Team Video. Right: Image
of the Buk seen in Alekseyevka, Russia in the 23-25 June
convoy, with distinct markings highlighted. Left: Image
of the Buk seen in Makeevka, Ukraine in the 17-18 July
convoy, with the same distinct markings highlighted.
= Image extraite de la vidéo analysée par l’équipe
d’enquête conjointe. A droite : image montrant le
Bouk à Alekseyevka (Russie) lors du déplacement du
convoi du 23 au 25 juin, les marquages distinctifs
étant entourés en rouge. A gauche : image du Bouk à
Makeevka (Ukraine) pendant le trajet du 17-18 juillet,
présentant (entourés de rouge) les mêmes marquages.
326 Procès-verbal des services de police néerlandais du 24 mai 2018 (annexe 42) ; conférence de presse de l’équipe
d’enquête conjointe (2018) (annexe 40). La seule différence entre le Bouk-TELAR aperçu en Ukraine les 17 et 18 juillet et
celui vu en Russie les 23 et 25 juin concernait le numéro de véhicule tactique. Or, ainsi qu’expliqué dans le rapport officiel
de la police néerlandaise, «[l]es photographies et les enregistrements vidéo faits en Ukraine ne montrent que des traces de
ce numéro. Or ces traces coïncident parfaitement avec les marques du numéro de véhicule tactique en grande partie lisibles
dans la séquence vidéo montrant le «3X2» en Fédération de Russie. Lorsqu’un Bouk-TELAR est déployé en opération, il
est courant d’effacer ou de recouvrir de peinture son numéro de véhicule tactique.» Procès-verbal des services de police
néerlandais du 24 mai 2018 (annexe 42).
327 Conférence de presse de l’équipe d’enquête conjointe (2018), mm 00:07:45-00:08:00 (annexe 40).
98
- 65 -
154. La conclusion ne saurait faire de doute : le Bouk-TELAR qui a abattu le vol de la
Malaysia Airlines provenait de Russie, et plus spécifiquement de la 53e brigade de défense
antiaérienne des forces armées russes.
C. Les systèmes de lance-roquettes multiples russes de type «Grad» et «Smerch»
utilisés dans les tirs d’artillerie contre les civils
155. Parmi les armes les plus puissantes que les intermédiaires de la Russie aient utilisées dans
le cadre de leur campagne de terrorisme en Ukraine figuraient les systèmes de lance-roquettes
multiples, un type d’arme qui peut être utilisé ⎯ et a été utilisé par la RPD ⎯ pour bombarder sans
discrimination des cibles civiles et semer la terreur au sein des populations non combattantes.
156. De hauts responsables de l’armée russe avaient commencé à fournir à la RPD et à la RPL
des systèmes de lance-roquettes multiples dès juin 2014, et ces transferts se sont poursuivis tout au
long de la seconde partie de l’année 2014, et jusqu’à l’été 2015. De nombreux combattants de la RPD
et de la RPL ont reconnu avoir reçu de la Russie de tels systèmes d’armement, ou avoir assisté à leur
arrivage328. L’Ukraine a également recueilli la preuve de nombreux transferts spécifiques. Ainsi :
⎯ Le 13 juin 2014, les forces armées ukrainiennes ont saisi un BM-21 Grad près de la ville de
Dobropillia, dans l’oblast de Donetsk329. L’arme présentait de nombreuses marques
caractéristiques de la 18e brigade d’infanterie motorisée indépendante de la 58e armée du district
militaire sud de la Fédération de Russie330 : l’on discerne par exemple sur les portes de la cabine
l’insigne tactique de cette brigade (un losange à l’intérieur d’un rectangle)331.
⎯ Le 5 juillet 2014, un lieutenant-colonel du service de sécurité ukrainien a vu un convoi
acheminant notamment des Grad franchir la frontière ukrainienne à Izvaryne332.
⎯ Le 15 juillet 2014, à l’extérieur du village frontalier de Koshrne, des agents ukrainiens ont vu
arriver du territoire russe, à la faveur de la nuit, cinq lance-roquettes multiples de type Grad333.
Une semaine plus tard, le 22 juillet 2014, des agents ont vu 14 lance-roquettes multiples Grad
arriver depuis la Russie dans la même zone334.
328 Voir, par exemple, Signed Declaration of Oleg Stemasov, Suspect Interrogation Protocol (9 December 2014),
p. 8 (annexe 207) ; Signed Declaration of Igor Koval, Suspect Interrogation Testimony (9 June 2015), p. 3 (annexe 231).
329 Déposition d’Andrii Tkachenko, par. 27-29 (annexe 10) ; Protocole d’inspection réalisé par I. V. Nimchenko,
enquêteur principal des dossiers spéciaux du parquet militaire, bureau du procureur général d’Ukraine (28 octobre 2015)
(précisant quelles sont les marques qui attestent l’origine russe du BM-21 «Grad») (annexe 136).
330 Déposition d’Andrii Tkachenko, par. 27-29 (annexe 10) ; Protocole d’inspection réalisé par I. V. Nimchenko,
enquêteur principal des dossiers spéciaux du parquet militaire, bureau du procureur général d’Ukraine (28 octobre 2015)
(précisant quelles sont les marques qui attestent l’origine russe du BM-21 «Grad») (annexe 136).
331 Ont également été observées une empreinte du sceau de l’unité militaire «27777 58 A» (correspondant à la
18e brigade d’infanterie motorisée du 58e régiment du district militaire sud des forces armées de la Fédération de Russie)
et diverses autres preuves de son origine russe. Déposition d’Andrii Tkachenko, par. 27-29 (annexe 10) ; Protocole
d’inspection réalisé par I. V. Nimchenko, enquêteur principal des dossiers spéciaux du parquet militaire, bureau du
procureur général d’Ukraine (28 octobre 2015) (précisant quelles sont les marques qui attestent l’origine russe du
BM-21 «Grad») (annexe 136).
332 Krasnodon Municipal District Office of the Luhansk Oblast Directorate of the Security Service of Ukraine Letter
No 63/32/233 (24 July 2014) (annexe 65).
333 Administration of the State Border Guard Service of Ukraine Letter No 55/2208 (10 December 2014), p. 3
(annexe 80).
334 Ibid., p. 4.
99
- 66 -
⎯ Un soldat détenu en août 2014 a assisté, dans les semaines qui ont suivi sa capture, à la livraison
de lance-roquettes multiples Grad aux forces de la RPL335.
⎯ En septembre 2014, 12 Grad ont été convoyés depuis le territoire russe jusqu’aux environs des
villages frontaliers de Dibrivka et Novoazovsk336. Un ancien membre de la RPD, Oleg Stemasov,
a reconnu qu’au même moment son bataillon avait reçu de la Russie au moins six Grad et quatre
systèmes BM-27 Ouragan337.
⎯ A la fin du mois d’octobre 2014, des agents ukrainiens ont assisté à la livraison de 58 Grad
supplémentaires en provenance de la Russie à Uspenka, Gukova, Izvaryne et Dibrivky338.
⎯ En janvier 2015, la RPD et la RPL étaient en possession de systèmes sophistiqués de
lance-roquettes multiples dont ne disposent pas les forces armées ukrainiennes (et qui ne
pouvaient provenir que de Russie), tels que le «Grad-K» 2B26339.
⎯ Les 23-24 janvier 2015, les services de renseignement ukrainiens ont constaté que 40 Grad qui
provenaient d’un régiment de lance-roquettes multiples de l’armée russe étaient entrés sur le
territoire ukrainien à Kusnitsy, avant de prendre le chemin de Novoazovsk340.
⎯ De février 2015 à la fin du mois de juillet 2015, plus d’une centaine de systèmes de
lance-roquettes multiples supplémentaires sont arrivés de Russie341.
157. A l’été 2016, la RPD et la RPL avaient amassé un imposant arsenal de lance-roquettes
multiples. Pour le seul mois d’août 2016, l’OSCE en a dénombré au moins 68 entre les mains de ces
deux groupes342. En toute vraisemblance, ce chiffre est bien en deçà du nombre de lance-roquettes
multiples qu’avaient alors à leur disposition la RPD et la RPL, puisque celles-ci dissimulaient les
armes en leur possession quand elles n’empêchaient pas les inspecteurs de se rendre sur place343. De
335 Signed Declaration of Roman Cheremsky, Witness Interrogation Protocol (undated), p. 3-4 (annexe 271).
336 Déposition de Vadym Skibitskyi, par. 39 (annexe 8) ; Ukrainian Military Intelligence Summary of Cross-Border
Weapons Transfers (September 2014 to December 2015) (annexe 74).
337 Signed Declaration of Oleg Stemasov, Suspect Interrogation Protocol (9 December 2014), p. 8 (annexe 207).
338 Déposition de Vadym Skibitskyi, par. 39 (annexe 8) ; Ukrainian Military Intelligence Summary of Cross-Border
Weapons Transfers (September 2014 to December 2015) (annexe 74). Des témoins oculaires, habitants de villages
frontaliers locaux, confirment que des lance-roquettes multiples de type Grad ont continué d’arriver depuis le territoire
russe jusqu’à la fin de l’année 2014. Signed Declaration of Oleksandr Mohilevsky, Witness Interrogation Protocol (22 May
2017) (annexe 264) ; Signed Declaration of Andriy Yanushevsky, Witness Interrogation Protocol (27 April 2017)
(annexe 259).
339 Atlantic Council, Hiding in Plain Sight, p. 21 (annexe 448) ; déposition d’Ivan Gavryliuk (2 juin 2018),
par. 22-23 (ci-après, la «déposition d’Ivan Gavryliuk») (annexe 1).
340 Déposition de Vadym Skibitskyi, par. 27 (annexe 8) ; Intelligence Briefing from the Main Intelligence
Directorate of the Ukrainian Ministry of Defense No 222/3D/9010203 (25 January 2015 09:00) (annexe 93).
341 Voir annexes 83, 99, 106, 108, 109, 111, 114, 119, 120, 122, 124, 125, 127, 120-132.
342 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on information received as of
19:30, 9 August 2016 (deux Grad à Louhansk) (annexe 338) ; Statement of Alexander Hug, Deputy Chief Monitor of the
OSCE SMM (19 August 2016), 00:03:02 (video) (47 systèmes de lance-roquettes multiples à Muisyk) (annexe 341) ;
OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on information received as of 19:30,
12 August 2016 (quatre Grad à Khrustalnyi, anciennement Krasnyi Luch) (annexe 339) ; OSCE, Latest from OSCE Special
Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on information received as of 19:30, 14 August 2016 (15 Grad à Donetsk)
(annexe 340).
343 OSCE, Thematic Report: Restriction of SMM’s Freedom of Movement and Other Impediments to Fulfilment
of its Mandate (January to June 2017) (annexe 352) ; Intercepted Conversations of Maxim Vlasov (23-24 January 2015),
p. 26 (annexe 408) ; déposition d’Igor Yanovskyi, par. 36 (annexe 5). La RPD et la RPL ont continué à recevoir de très
nombreux systèmes de lance-roquettes multiples après cette date.
100
101
- 67 -
septembre à décembre 2016, la Russie a livré des dizaines d’autres lance-roquettes multiples aux
groupes armés d’Ukraine orientale, et elle a continué jusqu’en 2018 de fournir à la RPD et à la RPL
des milliers de roquettes de types Grad et Smerch344.
158. Certains des systèmes de lance-roquettes multiples livrés selon ce scénario bien rôdé par
la Russie sont associés à des actes de terrorisme commis contre des civils.
159. Dans les jours précédant l’attaque du 13 janvier 2015 contre Volnovakha, par exemple,
une augmentation du nombre de lance-roquettes multiples franchissant la frontière en direction de
l’Ukraine a été constatée345. Le 11 janvier, la RPD avait déjà envoyé des bataillons entiers dans la
zone346. Un témoin oculaire a rapporté que, le 13 janvier, soit le jour de l’attaque, il avait vu trois
BM-21 Grad munis de l’insigne du bataillon Oplot de la RPD pénétrer dans le village d’Elenovka
après avoir franchi un poste de contrôle de la RPD, vers midi, puis prendre la direction de
Dokuchayevsk, d’où l’attaque allait être lancée347.
160. Il existe également des preuves irréfutables que des membres des forces armées russes
ont continué, après les tirs d’artillerie contre des civils à Volnovakha, à livrer des BM-21 Grad, qui
allaient être utilisés pour pilonner Marioupol. Le 24 janvier 2015, au petit matin, un membre de la
RPD a été dépêché à la frontière pour y retrouver les «invités»348. Dans une série de conversations
téléphoniques, des membres de la RPD ont rendu compte de l’itinéraire du convoi depuis la frontière,
mentionnant tout particulièrement la ville frontalière de Kuznetsy et, à 8 h 10, leur arrivée à
Bezimenne, à quelques kilomètres seulement de la zone d’où allait être lancée l’attaque349. Le trajet
du convoi de Grad a ainsi pu être reconstitué, grâce aux conversations interceptées au fil de sa
progression :
344 Déposition de Vadym Skibitskyi, par. 20, 39 (annexe 8) ; Ukrainian Military Intelligence Summary of
Cross-Border Weapons Transfers (September 2017 to December 2017) (annexe 175) ; Administrative Directorate of the
General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/2917 (5 June 2015) (annexe 128) ; Administrative
Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/3068 (13 June 2015) (annexe 129) ;
Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/3309 (26 June 2015)
(annexe 130) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/3588
(10 July 2015) (annexe 131) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/3739 (20 July 2015) (annexe 132) ; Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of
Ukraine Letter No. 300/1/C/576 (6 February 2015) (annexe 99) ; Administrative Directorate of the General Staff of the
Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/712 (13 February 2015) (annexe 106) ; Administrative Directorate of the
General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/78 (9 January 2015) (annexe 83) ; Administrative
Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter No. 300/1/C/916 (23 February 2015) (annexe 108).
345 Déposition de Vadym Skibitskyi, par. 23-25 (annexe 8).
346 Ibid.
347 Signed Declaration of Oleksandr Pavlenko, Witness Interrogation Protocol (23 January 2015) (annexe 209).
348 Intercepted Conversations of Maxim Vlasov (23-24 January 2015), p. 6 (annexe 408) ; déposition
d’Igor Yanovskyi, par. 26-27 (annexe 5).
349 Intercepted Conversations of Maxim Vlasov (23-24 January 2015), p. 8 (annexe 408) ; déposition d’Igor
Yanovskyi, par. 29 (annexe 5)
102
- 68 -
Carte 9 : Itinéraire du convoi acheminant les BM-21 Grad350
Légende :
UTM Zone 37N Projection Datum: WGS-1984 = WGS 84/UTM zone 37 N
Separatist Held Territory = Territoire aux mains des séparatistes
161. L’opération destinée à fournir les systèmes Grad qui allaient être utilisés contre
Marioupol impliquait le général de division Stepan Yaroshchuk, commandant en chef des troupes
d’artillerie du district militaire sud des forces armées russes. Aux alentours de 14 heures, après le
bombardement, le général Yaroshchuk a téléphoné à un colonel russe qui conseillait la RPD, en
formulant cette injonction : «Faites-les disparaître.»351 Huit minutes à peine après cet appel, des
membres de la RPD ont évoqué la nécessité de «cache[r] tous les véhicules» parce que «la mission
de l’OSCE allait arriver»352. Dès le début de la soirée du 24 janvier, le convoi de lance-roquettes
Grad, en route vers la Russie, atteignait la ville frontalière de Kuznetsy353. Des responsables militaires
russes ont également fourni le système de lance-roquettes multiples plus sophistiqué
⎯ BM-30 9K58 Smerch ⎯ que des groupes agissant pour le compte de la Russie ont utilisé contre
un quartier résidentiel de Kramatorsk354. Des images satellite montrent un site de regroupement de
systèmes Smerch dans l’oblast de Rostov, à six kilomètres à peine de la frontière
russo-ukrainienne355. Or, l’on constate une diminution temporaire notable du nombre de
350 Les points qui ont permis de reconstituer cet itinéraire sur la carte 9 ont été obtenus sur la base des conversations
interceptées mentionnées ci-dessus, et celui correspondant à la zone de lancement de l’attaque, sur la base du calcul décrit
dans le rapport du général Brown. Voir Intercepted Conversations of Maxim Vlasov (23-24 January 2015), p. 6-8
(annexe 408) ; déposition d’Igor Yanovskyi, par. 28-31 (annexe 5) ; rapport Brown, par. 65 (annexe 11).
351 Intercepted Conversation Between Maxim Vlasov and DPR Advisor Tsapliuk (24 January 2015) (annexe 408) ;
déposition d’Igor Yanovskyi, par. 36 (annexe 5).
352 Intercepted Conversation of Maxim Vlasov (23-24 January 2015), p. 17 (annexe 408) ; déposition d’Igor
Yanovskyi, par. 36 (annexe 5).
353 Intercepted Conversation of Maxim Vlasov (23-24 January 2015), p. 26 (annexe 408) ; déposition d’Igor
Yanovskyi, par. 37-40 (annexe 5).
354 Voir chapitre 1, section C 2) (présentant l’analyse du cratère qui a permis de déterminer que l’attaque avait été
perpétrée au moyen d’un système de lance-roquettes multiples de type Smerch).
355 Déposition de Vadym Skibitskyi, par. 29-33 (annexe 8).
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lance-roquettes Smerch en février 2015, coïncidant avec l’attaque de Kramatorsk356. En outre, des
agents infiltrés ont rendu compte de transferts de systèmes de lance-roquettes multiples Smerch vers
le territoire ukrainien, et ce, notamment, juste avant l’attaque357.
D. Les explosifs de provenance russe utilisés pour commettre
des attentats à l’explosif dans des villes ukrainiennes
162. Des agents travaillant au service de l’armée ou des services de renseignement russes ont
également fourni des explosifs à des groupes et à des individus pro-séparatistes loin de toute zone de
conflit. Ces explosifs ont été utilisés dans le cadre d’une campagne d’actes terroristes — dont certains
se sont concrétisés, tandis que d’autres sont restés au stade de tentatives — contre des infrastructures
et des civils innocents.
163. De Kharkiv à Odessa, en passant par Kyiv, l’implication de la Russie se traduit par une
manière de procéder caractéristique : les futurs auteurs d’attentats entrent en contact avec des agents
des services de renseignement russes basés en Russie, essentiellement à Belgorod. Ils leur confirment
qu’ils sont prêts à frapper en Ukraine, après quoi les agents en question veillent à leur faire parvenir
les explosifs, l’argent, ou les deux. Plusieurs témoins ont ainsi confirmé la relation entre les Partisans
de Kharkiv et les services de renseignement russes, notamment leurs «collaborateurs du FSB»358 et
la pratique des «services spéciaux de la FR» consistant à arranger la «remise d’armes via des
«caches»»359.
164. Ce modus operandi s’observe clairement dans la série d’actes terroristes spécifiques
relatés au chapitre 1. Volodymyr Dvornikov, auteur de l’attentat contre la marche pour l’unité, avait
ainsi fait savoir à des agents des services de renseignement russes à Belgorod qu’il était disposé à
frapper à Kharkiv360. Ses collaborateurs russes ont proposé de l’aider, et des agents du FSB [service
fédéral de sécurité russe] ont fait déposer une mine antipersonnel MON-100 dans une «boîte morte»
à Kharkiv361. Ayant appris qu’une manifestation était prévue, Dvornikov a contacté par courriel les
agents du FSB et leur a demandé combien ils seraient prêts à payer pour qu’il passe à l’acte362. Les
intéressés se sont entendus sur la somme de 10 000 dollars des Etats-Unis363.
356 Ibid. Ukraine Main Directorate of Intelligence Letter No. 222/4D/535 (17 May 2018) (attaching Intelligence
Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry of Defense No. 222/3D/90/09 (2 January 2015
at 9:00)) (annexe 182).
357 Déposition de Vadym Skibitskyi, par. 34-37 (annexe 8). Il est par ailleurs impossible que le Smerch utilisé pour
attaquer Kramatorsk ait pu provenir d’un autre pays que la Russie ; aucun de ces systèmes, très recherchés, n’a été pris à
l’Ukraine par les groupes illicites opérant sur son territoire. L’Ukraine sait où se trouvent tous ses lance-roquettes multiples
Smerch. Déposition d’Ivan Gavryliuk, par. 19-21 (annexe 1).
358 Signed Declaration of A. M. Tyshchenko, Suspect Interrogation Protocol (26 December 2015), p. 7
(annexe [245]).
359 Signed Declaration of Dmytro Kononenko, Suspect Interrogation Protocol (22 February 2016), p. 2
(«Monastyrev … m’a dit que les fonds reçus des services spéciaux de la FR aux fins de mener des actions de subversion et
autres visant à appuyer les menées des «Partisans de Kharkov» sur le territoire ukrainien avaient été suspendus et que la
remise d’armes via des «caches» l’avait été également») (annexe 246).
360 Signed Declaration of Volodymyr Dvornikov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 2-3
(annexe 223).
361 Ibid., p. 3
362 Ibid.
363 Ibid.
105
- 70 -
165. Des agents des services de renseignement russes ont de même fourni les armes dont s’est
servie Marina Kovtun pour commettre une série d’attentats, y compris celui du très fréquenté
Stena Rock Club. Après avoir suivi un entraînement dans un camp russe, Kovtun a été présentée à
Vadym Monystarev, dirigeant des Partisans de Kharkiv en lien étroit avec des agents des services de
renseignement russes, qui a proposé de lui «fournir des armes»364. Le fusil d’assaut dont Kovtun se
trouvait en possession, saisi depuis, présentait des marques caractéristiques attestant sa provenance
criméenne, et était donc passé entre les mains de la Russie après l’invasion de la péninsule365. Et si
le numéro de série des mines ventouses SPM utilisées par Kovtun n’était plus visible après la
détonation, les autorités ukrainiennes ont retrouvé près de Kharkiv, à peine quelques semaines plus
tard, une mine de ce type présentant des marques caractéristiques russes366.
166. Des agents des services de renseignement russes ont également fourni des armes aux
auteurs des attentats commis contre les bureaux de la PrivatBank et un bureau de conscription367.
L’un des terroristes a rapporté que ses collaborateurs russes avaient proposé de lui fournir les
armes368, y compris des lance-flammes à réaction, et de les livrer à un point de rencontre situé à la
frontière russo-ukrainienne, près de Belgorod369. Maksym Mykolaichyk, l’Ukrainien qui a orchestré
cette livraison370, a indiqué que les collaborateurs russes en question étaient «des officiers du service
fédéral de sécurité de la Fédération de Russie», qui avaient «organisé un réseau de trafic d’armes et
d’explosifs»371.
167. Des agents des services de renseignement russes ont également apporté un soutien aux
auteurs de l’attentat à l’explosif commis contre le dirigeant d’une ONG pro-ukrainienne à Odessa.
Les terroristes ont témoigné qu’ils avaient rencontré un agent des services de renseignement russes
dans la région de Smolensk (Russie), qu’ils s’étaient entendus pour perpétrer un attentat à Odessa, et
qu’ils avaient récupéré le puissant explosif qu’ils allaient utiliser à cet effet ⎯ une mine antichar et
six charges de TNT ⎯ à un endroit que l’agent en question leur avait désigné372. L’un des participants
à la tentative d’assassinat, à Kyiv, d’Anton Gerashchenko, homme politique ukrainien, a rapporté
avoir rencontré un membre de la RPL qui travaillait en étroite collaboration avec les services de
renseignement russes à Belgorod, discuté du projet, reçu 3000 dollars au titre des dépenses à engager,
364 Signed Declaration of Marina Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 7 (annexe 196) ;
Signed Declaration of M. Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (19 November 2014), p. 2 (indiquant que «les
armes … [avaient] été fournies par les «Partisans de Kharkiv»») (annexe 196).
365 Central Missile and Artillery Directorate Of the Armed Forces of Ukraine Letter No 342/2/3618 (11 March
2015) (annexe 110).
366 Plus précisément, le numéro de lot de la mine montrait qu’elle avait été produite en 1990 : or l’Ukraine ne
possède aucun modèle de cette arme, de fabrication russe, confectionné après 1987. Extract from Criminal Proceedings
No 22017220000000060 (22 November 2014) (annexe 79) ; déposition d’Ivan Gavrlyiuk, par. 38-40 (annexe 1).
367 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August 2015) (annexe 242). Les
lance-flammes reçus par Pushkarev et laissés sur la scène du crime n’ont, d’après leurs numéros de série, jamais été fournis
aux forces armées ukrainiennes, ni en la possession des forces armées ukrainiennes. Indictment in the criminal case against
Vasyl Vitaliyovych Pushkariov Registered in the Uniform Register of Pretrial Investigations Under
No 22015220000000431 on 22 December 2015 (annexe 145) ; déposition d’Ivan Gavrlyiuk, par. 33-35 (annexe 1).
368 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August 2015), p. 5-6 (annexe 242).
369 Signed Declaration of Sergey Stlitenko, Suspect Interrogation Protocol (10 August 2015) p. 3 (rapportant que,
lors de leur rencontre à Belgorod, il avait demandé à Dmitriy «de lui fournir, ainsi qu’à son groupe, des armes à feu» et que
celui-ci lui avait répondu qu’«il n’y aurait aucun problème»» ; par la suite, Stlitenko a rencontré Dmirtriy près de la borne
marquant la frontière russo-ukrainienne, et a pris possession des armes) (annexe 235).
370 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August 2015), p. 8-11(annexe 242).
371 Declarations of Maksim Mykolaichyk, Suspect Interrogation Protocol (15 April 2015), p. 2 (annexe 227).
372 Signed Declaration of Myroslav Melnik, Suspect Interrogation Protocol (26 July 2017) (annexe 268) ; Signed
Declaration of Semen Boitsov, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 36 (annexe 269).
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107
- 71 -
et s’être vu promettre une large somme ⎯ 50 000 dollars des Etats-Unis ⎯ pour le rôle qu’il serait
appelé à jouer373.
168. Ces éléments font apparaître un modus operandi clair. Premièrement, des agents des
services de renseignement russes trouvaient des intermédiaires, et les chargeaient de faire des
allers-retours entre la Fédération de Russie et l’Ukraine pour recruter de futurs terroristes. Sobchenko
et Monastyrev se sont ouvertement vantés, auprès de pas moins de sept personnes, d’avoir joué ce
rôle374, Mykolaichyk l’a admis sans la moindre réticence375, et cette pratique s’est répétée à Odessa
et à Kyiv. Une fois les services de ces intermédiaires assurés, les agents des services de
renseignement russes leur fournissaient argent et explosifs à faire parvenir aux recrues. Ce fait a été
confirmé de manière indépendante par plusieurs personnes, qui ont admis avoir reçu de la main de
tels intermédiaires des sommes d’argent et les explosifs qui allaient leur permettre de passer à
l’acte376. Globalement, ce mode opératoire atteste l’existence d’un plan concerté : des responsables
des services de renseignement russes entendaient placer des explosifs entre les mains d’Ukrainiens
radicalisés déterminés à commettre des attentats contre des cibles civiles dans des localités
ukrainiennes.
E. Camps d’entraînement russes destinés aux membres de la RPD, de la RPL,
des Partisans de Kharkiv et d’autres groupes armés
169. La Russie a apporté d’autres formes d’appui, ainsi que d’autres types d’équipements et
de fournitures très utiles à la RPD, à la RPL et à d’autres groupes armés, renforçant leur capacité à
perpétrer des actes terroristes. Au nombre de ces moyens, citons en particulier les entraînements
intensifs offerts en territoire russe.
170. A leurs débuts, au début de l’année 2014, la RPD et la RPL étaient un ramassis de
mercenaires non organisés dotés d’une expérience limitée en matière d’opérations militaires et
secrètes. Il en allait de même des extrémistes pro-séparatistes de Kharkiv. Au cours du printemps et
de l’été 2014, les agents russes ont déployé des ressources considérables, au niveau ou à proximité
de la frontière ukrainienne, pour agrandir les camps d’entraînement parallèles et augmenter leurs
373 Transcript of Oleksiy Andriyenko Court Testimony (28 April 2017), p. 5 (annexe 261) ; Signed Declaration of
Oleksiy Andriyenko, Witness Interrogation Protocol (18 December 2016), p. 3 (annexe 252).
374 Voir ci-dessus, chapitre 1, section D (citant Signed Declaration of Andrii Baranenko, Suspect Interrogation
Protocol (23 October 2014), p. 3 (rapportant que Monastyrev avait organisé des entretiens avec des agents du FSB))
(annexe 191) ; Signed Declaration of Yaroslav Zamko, Suspect Interrogation Protocol (26 August 2015), p. 3-5 (rapportant
que Monastyrev avait supervisé l’entraînement de Zamko dans un camp militaire russe, et que celui-ci avait été formé par
des officiers d’active russes) (annexe 241) ; Signed Declaration of Vadim Chekhovsky, Suspect Interrogation Protocol
(9 May 2015), p. 5 (rapportant que Sobchenko avait proposé à Chekhovsky de participer à un camp d’entraînement militaire
en Russie officiellement mis en place par les autorités russes) (annexe 229) ; Signed Declaration of Andrii Tishenko,
Suspect Interrogation Protocol (26 December 2015), p. 6 (rapportant que Sobchenko opérait sous la supervision d’agents
du FSB russes) (annexe 245) ; Signed Declaration of Kostiantyn Nuzhnenkoenko, Suspect Interrogation Protocol (16 July
2015), p. 2-3 (rapportant que Monastyrev l’avait présenté à des agents du FSB russes à Belgorod) (annexe 233) ; Signed
Declaration of Dmytro Kononenko, Suspect Interrogation Protocol (13 May 2015), p. 2-3 (rapportant que Monastyrev
l’avait informé que des représentants des services de renseignement russes superviseraient l’attentat qu’il s’agissait de
commettre et fourniraient au besoin une aide) (annexe 230).
375 Signed Declaration of Maksim Mykolaichyk, Suspect Interrogation Protocol (15 April 2015), p. 2 (annexe 221).
376 Signed Declaration of Volodymyr Dvornikov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015), p. 3
(reconnaissant être entré en possession d’explosifs selon des modalités orchestrées par des agents du FSB) (annexe 223) ;
Signed Declaration of Marina Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (19 November 2014), p. 2 (indiquant : «les armes
nous ont été fournies par les Partisans de Kharkiv») (annexe 196) ; Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect
Interrogation Protocol (31 August 2015) (reconnaissant avoir reçu des explosifs par l’intermédiaire de Mykolaichyk), p. 8
(annexe 242) ; Signed Declaration of Oleg Doroshenko (21 April 2015), p. 7 (reconnaissant avoir reçu des explosifs par
l’intermédiaire de Mykolaichyk) (annexe 228) ; Signed Declaration of Oleg Mikulenko, Suspect Interrogation Protocol
(22 February 2015), p. 6 (reconnaissant avoir reçu des explosifs des mains de Sobchenko) (annexe 220).
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effectifs, afin de démultiplier les capacités de la RPD, de la RPL et d’autres recrues
pro-séparatistes377.
171. Ces camps d’entraînement permettent de former les recrues de la RPD et de la RPL, les
soldats russes appelés à rejoindre la RPD et la RPL, et les membres d’autres groupes violents basés
en Ukraine378. La formation et l’équipement qui y sont fournis couvrent une large gamme d’activités,
dont le fonctionnement et l’assemblage d’engins explosifs379, l’utilisation d’armements lourds et
sophistiqués, y compris les systèmes de lance-roquettes multiples Grad380 et le trafic d’armes381. A
377 Voir ci-dessus, chapitre 2 ; voir aussi Signed Declaration of Konstantin Kutikov, Suspect Interrogation Protocol
(16 March 2016), p. 7 (annexe 247) ; Signed Declaration of Oleg Serachov, Suspect Interrogation Protocol (5 November
2014), p. 6-11 (annexe 192) ; Signed Declaration of Igor Koval, Suspect Interrogation Testimony (9 June 2015), p. 5-6
(annexe 207) ; Signed Declaration of Maxim Pislar, Suspect Interrogation Protocol (4 March 2015), p. 2-3 (annexe 224) ;
Signed Declaration of Olexi Lvov, Suspect Interrogation Protocol (4 March 2015), p. 2-3 (annexe 225) ; Signed
Declaration of Mykola Varva, Suspect Interrogation Protocol (18 November 2014), p. 2-4 (annexe 198) ; Signed
Declaration of Konstantin Morev, Suspect Interrogation Protocol (18 November 2014), p. 2-3 (annexe 197) ; Signed
Declaration of Pavlo Korostyshevskiy, Suspect Interrogation Protocol (18 November 2014), p. 138-39 (annexe 199) ;
Signed Declaration of Vadim Chekhovsky, Suspect Interrogation Protocol (9 May 2015), p. 5-6 (annexe 229) ; Signed
Declaration of Andrey Bozhko, Suspect Interrogation Protocol (19 November 2014), p. 4-6 (annexe 201) ; Signed
Declaration of Andreii Bessarabov, Suspect Interrogation Protocol (19 November 2014), p. 153-55 (annexe 200) ; Signed
Declaration of Marina Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014), p. 4-5 (annexe 196) ; Signed
Declaration of Stanislav Kudrin, Suspect Interrogation Protocol (19 November 2014), p. 5-7 (annexe 202) ; Hiding in Plain
Sight, p. 7, 23 (annexe 448) ; An Invasion By Any Other Name, p. 43, 54, 74 (annexe 450) ; “Large Military Staging
Ground Detected in Russia”, The Interpreter Magazine (7 January 2015) (annexe 550) ; Mumin Shakirov, “I Was a
Separatist Fighter in Ukraine”, The Atlantic (14 July 2014) (annexe 528) ; Thomas Grove & Warren Strobel, “Special
Report: Where Ukraine’s Separatists Get Their Weapons”, Reuters (29 July 2014) (annexe 535).
378 Signed Declaration of Konstantin Kutikov, Suspect Interrogation Protocol (16 March 2016), p. 7 (annexe 247) ;
Signed Declaration of Oleg Serachov, Suspect Interrogation Protocol (5 November 2014), p. 6-11 (annexe 192) ; Signed
Declaration of Igor Koval, Suspect Interrogation Testimony (9 June 2015), p. 5-6 (annexe 207) ; Hiding in Plain Sight,
p. 7, 23 (annexe 448) ; An Invasion By Any Other Name, p. 43, 54, 74 (annexe 450) ; “Large Military Staging Ground
Detected in Russia”, The Interpreter Magazine (7 January 2015) (annexe 550) ; Mumin Shakirov, “I was An Opposition
Fighter in Ukraine”, The Atlantic (14 July 2014) (annexe 528) ; “Deadly Bomb Blast Hits Rally In Ukraine”, Al Jazeera
(22 February 2015) (annexe 562) ; Victoria Butenko & Sergei L. Loiko, “Bomb Blast at Pro-Ukraine Rally in Kharkiv
Kills 2; Kiev Blames Russia”, L.A. Times (22 February 2015) (annexe 598) ; Thomas Grove & Warren Strobel, “Special
Report: Where Ukraine’s Separatists Get Their Weapons”, Reuters (29 July 2014) (annexe 535).
379 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August 2015), p. 8 (annexe 242) ;
voir aussi Signed Declaration of Maksim Mykolaichyk, Suspect Interrogation Protocol (15 April 2015) (annexe 227) ;
Signed Declaration of Oleg Doroshenko, Suspect Interrogation Protocol (21 April 2015) (annexe 228).
380 Signed Declaration of Tornike Dzhincharadze, Suspect Interrogation Protocol (21 May 2017), p. 4
(annexe 263) ; Signed Declaration of Igor Koval, Suspect Interrogation Testimony (9 June 2015), p. 5-6 (annexe 207) ;
Mumin Shakirov, “I Was an Opposition Fighter in Ukraine”, The Atlantic (14 July 2014) (annexe 528).
381 Signed Declaration of Konstantin Kutikov, Suspect Interrogation Protocol (16 March 2016), p. 9 (annexe 247) ;
Signed Declaration of Oleksandr Sachava, Suspect Interrogation Protocol (30 January 2015), p. 1-3 (annexe 218) ;
Roland Oliphant, “Russian Paratroopers Captured in Ukraine ‘Accidentally Crossed Border’”, The Telegraph (26 August
2014) (annexe 540) ; Transcription de l’interrogatoire de Petr Khokhlov, service de sécurité ukrainien (publié le 27 août
2014) (annexe 188) ; Maria Tsvetkova, “Special Report: Russian Fighters, Caught in Ukraine, Cast Adrift by Moscow”,
Reuters (29 May 2015) (annexe 576) ; Maxim Tucker, “Russia Launches Next Deadly Phase of Hybrid War on Ukraine”,
Newsweek (31 March 2015) (annexe 568) ; Robert Hackwill, “Caught Red-Handed: the Russian Major Fighting in
Ukraine”, EuroNews (8 December 2015) (annexe 584).
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111
- 73 -
la fin de leur entraînement, les participants se trouvent sous la responsabilité directe de groupes armés
illicites combattant en Ukraine382.
172. L’existence de ces camps a été reconnue. Alexander Zakharchenko, «premier ministre»
autoproclamé de la RPD, a ainsi déclaré, dès août 2014, que des soldats de la RPD bénéficiaient
d’entraînements russes383. Nombre d’individus ont également rendu compte de l’entraînement qu’ils
avaient suivi dans de tels camps. Ainsi :
⎯ Oleg Serachov, ancien membre de la RPD, a évoqué l’entraînement qu’il avait reçu dans un camp
situé à l’extérieur de Rostov-sur-le-Don (Russie), en juin et juillet 2014, à l’occasion duquel des
instructeurs russes lui ont appris à manier et à utiliser des armes, à les camoufler et, plus
généralement, à mener des opérations de «sabotage»384.
⎯ Le 2 mars 2015, le journal russe Novaya Gazeta a publié un entretien avec un soldat d’active
russe blessé sur le territoire ukrainien, Dorzhi Batomunkuev385. Batomunkuev rapportait qu’il
avait été réaffecté à un camp militaire de Rostov, en territoire russe, où il s’est vu montrer
comment faire disparaître les marquages russes sur du matériel militaire, qu’il a ensuite reçu
l’ordre de transporter en Ukraine386.
⎯ Vladimir Starkov, soldat russe capturé en Ukraine alors qu’il conduisait un camion rempli de
munitions, a rapporté à Euronews (puis, plus tard, à un juge ukrainien)387qu’il avait été recruté,
alors qu’il était membre des forces armées russes, pour entraîner les soldats de la RPD dans des
camps militaires russes388.
382 Signed Declaration of Konstantin Kutikov, Suspect Interrogation Protocol (16 March 2016), p. 9 (annexe 247) ;
Signed Declaration of Oleg Serachov, Suspect Interrogation Protocol (5 November 2014), p. 11 (annexe 192) ; Signed
Declaration of Igor Koval, Suspect Interrogation Testimony (9 June 2015) (annexe 207) ; Mumin Shakirov, “I Was an
Opposition Fighter in Ukraine”, The Atlantic (14 July 2014) (annexe 528) ; The Interpreter Magazine, “We All Knew What
We Were Going For and What Could Happen” (English translation of an interview in Novaya Gazeta by
Elena Kostyuchenko, dated 2 March 2015) (annexe 564) ; Zoya Lukyanova, “Translator for the DPR: “This is a
Performance for the Whole World””, LB.ua (21 April 2015) (annexe 572) ; Julian Röpcke, “How Russia Finances the
Ukrainian Rebel Territories”, Bild (16 January 2016) (annexe 586) ; James Rupert, “How Russians are Sent to Fight in
Ukraine”, Newsweek (6 January 2015) (annexe 549) ; “Desire to Break Free from Ukraine Keeps Devastated Donetsk
Fighting”, PBS NewsHour (5 July 2016) (annexe 589) ; Donbas in Flames, p. 58-60 (annexe 455) ; Maria Tsvetkova,
“Special Report: Russian Soldiers Quit Over Ukraine”, Reuters (10 May 2015) (annexe 574) ; Tomasz Piechal, “The War
Republics In The Donbas One Year After The Outbreak Of The Conflict”, Ośrodek Studiów Wschodnich (17 June 2015)
(annexe 578).
383 Shaun Walker, “Ukraine Rebel Leader Says He Has 1,200 Fighters ‘Trained in Russia’ Under His Command”,
The Guardian (16 August 2014) (annexe 539).
384 Signed Declaration of Oleg Serachov, Suspect Interrogation Protocol (5 November 2014), p. 10-11
(annexe 192).
385 The Interpreter Magazine, “We All Knew What We Were Going For and What Could Happen” (English
translation of an interview in Novaya Gazeta by Elena Kostyuchenko, dated 2 March 2015) (annexe 564).
386 Ibid. De même, le 31 mars 2015, BBC Russia a publié une interview de Dmitry Sapozhnikov, commandant des
forces spéciales de la RPD, confirmant que celles-ci avaient été entraînées par des généraux et autres dirigeants militaires
russes, et avaient reçu des armes russes. Olga Ivshyna, “Commander of the “Special Forces of the DPR”: Russia’s Help
was Decisive”, BBC Russia (31 March 2015) (annexe 569).
387 Signed Declaration of Vladimir Starkov (27 July 2015), p. 7 (annexe 234).
388 Robert Hackwill, “Caught Red-Handed: the Russian Major Fighting in Ukraine”, EuroNews (8 December 2015)
(annexe 584).
112
- 74 -
173. Les auteurs d’attentats à l’explosif commis à Kharkiv et Odessa ont également été formés
dans les camps russes situés en dehors de Belgorod, Koursk, Rostov et Tambov :
⎯ Myroslav Melnik et Semen Boitsov, les auteurs de l’attentat à la voiture piégée d’Odessa389,
avaient été formés à l’usage et au maniement d’engins explosifs par des officiers russes dans un
camp militaire de Rostov390.
⎯ Marina Kovtun, qui a posé des mines à usage militaire à Kharkiv, notamment dans une boîte de
nuit très fréquentée, avait été formée à Tambov (Russie) à l’utilisation de «mines magnétiques,
de mines antipersonnel MON, et de «mines bondissantes», ainsi que de bâtons, détonateurs et
amorces de dynamite»391.
⎯ Les auteurs de l’attentat à l’explosif contre la PrivatBank ont participé à un camp d’entraînement
militaire en Russie, où ils ont appris à manier et à utiliser des explosifs392.
⎯ Un certain nombre d’autres membres des Partisans de Kharkiv et autres groupes analogues ont
reconnu avoir suivi un entraînement fourni par des responsables du FSB russe à l’extérieur de
Tambov (Russie), apprenant à cette occasion comment entreposer, manier, armer et faire détoner
divers engins explosifs393.
Cet entraînement constituait une précieuse forme d’appui dont l’objectif était, notamment, d’aider
des individus, sur le sol ukrainien, à commettre des actes terroristes.
F. Fonds collectés par la Russie à l’intention
de groupes armés illicites en Ukraine
174. Non contente de fournir armes et entrainements, la Fédération russe a permis et facilité
la fourniture d’importantes sommes d’argent à des groupes armés illicites en Ukraine orientale. Le
Donbass a été inondé de devises russes, qui ont de fait remplacé le hryvnia ukrainien en tant que
monnaie en usage dans la région. Comme l’a déclaré le prétendu Conseil suprême de la RPD, «[n]ous
n’aurions pas survécu sans le soutien» de la Russie394.
389 Voir chapitre 1, section D 2).
390 Signed Declaration of Myroslav Melnik, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 43 (annexe 268) ;
Signed Declaration of Semen Boitsov, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017), p. 34 (annexe 269).
391 Signed Declaration of Marina Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November 2014) (annexe 196).
392 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August 2015), p. 10 (annexe 242) ;
Signed Declaration of Myckhaylo Reznikov, Suspect Interrogation Protocol (13 August 2015), p. 4-5 (annexe 236).
393 Voir ci-dessus, chapitre 1, section D ; chapitre 2, section E. Signed Declaration of Stanislav Kudrin, Suspect
Interrogation Protocol (19 November 2014), p. 4 (annexe 202) ; Signed Declaration of Konstantin Morev, Suspect
Interrogation Protocol (18 November 2014), p. 2-3 (annexe 197) ; Signed Declaration of Oleg Doroshenko, Suspect
Interrogation Protocol (21 April 2015), p. 6 (annexe 228) ; Signed Declaration of Yaroslav Zamko, Suspect Interrogation
Protocol (26 August 2015), p. 4-5 (annexe 241) ; Signed Declaration of Alexander Bondarenko, Suspect Interrogation
Protocol (23 October 2014), p. 6-7 (annexe 190) ; Signed Declaration of Andrii Tishenko, Suspect Interrogation Protocol
(26 December 2015), p. 3-4 (annexe 245) ; Signed Declaration of Andrii Baranenko, Suspect Interrogation Protocol
(23 October 2014), p. 3-4 (annexe 191) ; Signed Declaration of Myckhaylo Reznikov, Suspect Interrogation Protocol
(13 August 2015), p. 4-5 (annexe 236) ; Signed Declaration of Mykola Varva, Suspect Interrogation Protocol
(18 November 2014), p. 3-5 (annexe 198) ; Signed Declaration of Pavlo Korostyshevskiy, Suspect Interrogation Protocol
(18 November 2014), p. 139-142 (annexe 199) ; Signed Declaration of Andreii Bessarabov, Suspect Interrogation Protocol
(19 November 2014), p. 154-156 (annexe 200) ; Signed Declaration of Vasily Bunchkov, Suspect Interrogation Protocol
(4 March 2015), p. 2-3 (annexe 226).
394 “The Russian Secret Behind Ukraine’s Self-Declared ‘Donetsk Republic’”, France 24 (15 October 2015)
(video), mm 00:03:00–00:04:00; 00:12:00 (annexe 583).
113
114
- 75 -
175. L’un des plus célèbres bailleurs de fonds, le riche homme d’affaire russe
Konstantin Malofeev, est considéré au sein de la communauté internationale comme «l’une des
principales sources de financement des pro-séparatistes russes»395. Ainsi que l’expliquait un
conseiller de Poutine, Malofeev «sert les desseins des autorités russes, car celles-ci ne veulent pas
assumer la responsabilité de certaines actions»396 ⎯ en l’espèce, l’apport d’un «sout[ien] sur les
plans financier, matériel ou technologique» à des membres de la RPD, dont certains sont d’anciens
employés de Malofeev : Alexendar Boredai, par exemple le soi-disant «premier ministre» de la RPD,
ou le tristement célèbre Igor Girkin397.
176. Malofeev n’est qu’un exemple ; la collecte, en Russie, de fonds destinés à des groupes
armés illicites opérant en Ukraine est une pratique généralisée, des millions de roubles et d’armes
étant envoyés en Ukraine par des personnes physiques ou morales. Ainsi :
⎯ Entre septembre 2014 et janvier 2015, le «centre de coordination pour l’assistance à la Nouvelle
Russie» a recueilli plus de trois millions de roubles à l’intention de la RPD et de la RPL en
utilisant des comptes Sberbank et Yandex.Money («Yandex»)398399. Ces fonds ont servi à l’achat,
au marché noir, d’éléments entrant dans la composition d’armes et autres équipements militaires,
destinés à être livrés à la RPD et à la RPL400.
⎯ Le «fonds en faveur des vétérans des forces spéciales pour l’oblast de Sverdlovsk» a informé le
Gouvernement russe, dans le courant de l’année 2014, qu’il avait entrepris de collecter des fonds
en vue d’entraîner et d’équiper des «volontaires», et de les transporter en territoire contrôlé par
la RPD et la RPL, dont ils relèveraient et recevraient un salaire401. D’après le dirigeant de cette
organisation, au début du mois de janvier 2015, le groupe avait recueilli pas moins de 50 millions
de roubles, entraîné et ravitaillé au moins 150 individus, et les avait transportés en Ukraine
orientale où ils devaient se mettre aux ordres de la RPD et de la RPL402.
395 Press Release, U.S. Treasury, Treasury Targets Additional Ukrainian Separatists and Russian Individuals and
Entities (19 December 2014) (annexe 478). Voir aussi Press Release, Council of the European Union, List of Persons and
Entities Under EU Restrictive Measures Over the Territorial Integrity of Ukraine (14 September 2017), p. 37 (annexe 358) ;
Swiss State Secretariat for Economic Affairs, SECO Bilateral Economic Relations Sanctions, Programs (Situation in
Ukraine: Ordinance of 27 August 2014), Individual Malofeev Konstantin Valerevich (23 May 2018) (annexe 481) ;
Australian Government: Department of Foreign Affairs and Trade, Ukraine Sanctions: Review of Australia’s Autonomous
Sanctions Imposed on 84 Individuals and Entities in Relation to Ukraine (2 September 2017) (annexe 479).
396 Ilya Arkhipov, Irina Reznik & Henry Meyer, “Putin’s ‘Soros’ Dreams of Empires as Allies Wage Ukraine
Revlot”, Bloomberg (16 June 2014) (annexe 522).
397 Press Release, U.S. Treasury, Treasury Targets Additional Ukrainian Separatists and Russian Individuals and
Entities (19 December 2014) (annexe 478).
398 Report of the CCNR on the Results of 2014, Coordination Center For New Russia (12 January 2015)
(annexe 633).
399 La Sberbank est une banque publique basée en Russie, et Yandex.Money est une co-entreprise de Sberbank et
de Yandex, société technologique basée en Russie. See About Us, Sberbank (last visited 25 April 2018) (annexe 664) ;
Press Release, Yandex Money, Yandex and Sberbank of Russia Finalize Yandex.Money Joint Venture (4 July 2013)
(annexe 600).
400 Comme il ressort du site Internet de ce groupe, l’assistance «humanitaire» apportée à la RPD et à la RPL a
notamment pris la forme de fusils, grenades, pistolets et munitions. Voir, par exemple, Report on Past Deliveries,
Coordination Center For New Russia (19 August 2014) (annexe 626) ; Communist Party for the DKO (Volunteer
Communist Detachment), Coordination Center For New Russia (30 December 2014) (annexe 631) ; Regular Dispatch Is
Not Humanitarian Aid, Coordination Center For New Russia (19 November 2014) (annexe 629).
401 James Rupert, “How Russians are Sent to Fight in Ukraine”, Newsweek (6 January 2015) (annexe 549).
402 Ibid.
115
- 76 -
⎯ Alexander Zhuchkovsky s’est vanté publiquement d’avoir recueilli des millions de roubles, et
fait l’acquisition d’armes et de blindés à l’usage de la RPD et de la RPL403. Il a utilisé à cet effet
un nom de domaine russe et un compte Sberbank404. Le site Internet géré par Zhuchkovsky
⎯ Strelkov-Info.ru ⎯ a lancé des appels aux dons tout au long du mois d’août 2017, et a fait état
de collectes dont le montant équivalait, globalement, à des centaines de milliers de roubles par
mois405. L’organisation continue de lever des fonds à ce jour, désormais au moyen du réseau
social russe Vkontakte406.
⎯ Des organisations similaires, telles que le mouvement «Nouvelle Russie» d’Igor Strelkov, objet
de sanctions de l’Union européenne407, le «bataillon humanitaire de la Nouvelle Russie»408,
«Sauvez le Donbass»409, «Aidez les Russes»410 et «Aidez le Donbass»411, ont publiquement
collecté des fonds destinés à la RPD et à la RPL, et continuent de le faire. Les fonds recueillis au
bénéfice de «milices» ou «armées» de la RPD et de la RPL se comptent vraisemblablement en
centaines de millions de roubles412. Ces organisations utilisent toutes des comptes Sberbank ou
Yandex pour collecter puis transférer les fonds.
177. Ainsi que rapporté dans un article du New York Times établissant la destination de ces
fonds, certains de ces groupes sont allés jusqu’à «faire l’article» de leur organisation sur des obus de
mortier, utilisant l’image d’une arme meurtrière pour leurs appels aux dons413. Dans leurs appels, ils
précisaient par ailleurs qu’il s’agissait de fournir armes et autres équipements militaires aux milices
403 Voir, par exemple, Alexander Zhuchkovsky, On the Advisability of Purchasing Armored Vehicles, StrelkovInfo
(4 September 2014) (annexe 628).
404 Voir, par exemple, Actual Requests for Assistance to the Militia of Novorossia, StrelkovInfo (as archived on
10 August), [annexe 625] (notant également que, s’il est possible d’y accéder sur demande, les comptes Yandex et
WebMoney ne sont pas publiés car ils ne cessent d’être bloqués ; «WebMoney» est une méthode de transfert de monnaie
électronique utilisant les services de Yandex, voir WebMoney Purse Linking, Yandex (last visited 21 March 2018)
(annexe 688).
405 Voir, par exemple, Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo (22 July
2017) (annexe 651) ; Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo (30 May 2017)
(annexe 650) ; Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo (14 April 2017)
(annexe 649) ; Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo (24 February 2017)
(annexe 648).
406 Voir Summaries from the Militia of Novorossia, Vkontakte (last accessed 21 March 2018) (avec possibilité de
faire un don sur chaque page) (annexe 662).
407 The Managing Company OD “Novorossiya” - ANO “KNB”: Transfer of Money for OD “Novorossia” II.
Strelkov (last visited 21 March 2018) (annexe 663) ; Journal officiel de l’Union européenne, Règlement d’exécution (UE)
2015/240 du Conseil du 9 février 2015 mettant en oeuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives
eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine,
p. L/40/13 (annexe 356).
408 Novorossia Humanitarian Battalion, gumbat.ru (last visited 21 March 2018) (annexe 661).
409 Save the Donbas (last visited 21 March 2018) (annexe 654).
410 Help the Russians (last visited 21 March 2018) (annexe 659).
411 Help-Donbas (last visited 21 March 2018) (annexe 660).
412 Novorossia Humanitarian Battalion, gumbat.ru (last visited 21 March 2018) (11 837 304 roubles recueillis au
21 mars 2018) (annexe 661) ; Save the Donbas (last archived on 12 September 2017) (82 215 174 roubles recueillis au
21 mars 2018) (annexe 654) ; Financial Reports, The managing company OD “Novorossiya” - ANO “KNB”: Transfer of
money for OD “Novorossia” II. Strelkov (last visited 21 March 2018) (aux dernières nouvelles, 2 242 000 roubles avaient
été recueillis dans les six mois précédant le 11 septembre) (annexe 658).
413 Jo Beckler & Steven Lee Myers, “Russian Groups Crowdfund the War in Ukraine”, N.Y. Times (11 June 2015)
(annexe 577).
116
117
- 77 -
«de la Nouvelle Russie» et «du Donbass» ⎯ des armes, donc, et non une assistance «humanitaire»
de bonne foi414.
178. Des membres connus du Parlement russe, la Douma, ont également recueilli
publiquement des fonds destinés à la RPD et à la RPL. Ainsi,
⎯ le vice-président de la Douma, Vladimir Zhirinovsky, a fait don à la RPL d’un blindé en
mai 2014, et l’a annoncé à la presse russe, qu’il avait réunie à cet effet415 — de septembre 2014
à 2017, Zhirinovsky a orchestré la fourniture, à titre grâcieux, d’au moins six autres véhicules
militaires416 ;
⎯ les membres de la Douma Sergey Mironov et Gennadiy Zyuganov ont activement et
publiquement sollicité des fonds et autres dons à l’usage de la RPD et de la RPL, tant en leur
capacité individuelle qu’en leur capacité officielle. Mironov a utilisé sa position officielle pour
obtenir le soutien du public en faveur de la RPD et de la RPL, et s’est employé à faire de ces
dernières les bénéficiaires de fonds publics417. Zyuganov a exhorté ses électeurs à faire des dons
à la RPD et à la RPL, allant jusqu’à fournir des données bancaires et autres informations
nécessaires à cet effet418.
179. Plus discrètes, mais non moins importantes, ont été la création et l’utilisation d’un
système bancaire parallèle aux fins du blanchiment de fonds provenant du territoire russe. Une
enquête ukrainienne et des sources indépendantes ont permis de confirmer qu’une banque de création
récente dotée de succursales dans les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud ⎯ régions
dont la communauté internationale reconnaît qu’elles sont sous occupation et contrôle russes ⎯
servait de chambre de compensation permettant de verser des milliards de roubles qui transitaient
ainsi vers le compte du «ministère de la finance» de la RPL depuis les comptes de banques publiques
russes419. Des relevés bancaires et des courriels interceptés permettent d’établir que, depuis mai 2015,
la nouvelle «Mezhdunarodny Rashchyotny Bank» («MRB») a facilité, exécuté et maintenu
414 Voir, par exemple, Alexander Zhuchkovsky, On the Advisability of Purchasing Armored Vehicles, StrelkovInfo
(4 September 2014) (annexe 628) ; Report on Past Deliveries, Coordination Center For New Russia (19 August 2014)
(annexe 626) ; Communist Party for the DKO (Volunteer Communist Detachment, Coordination Center For New Russia
(30 December 2014) (annexe 631) ; Regular Dispatch Is Not Humanitarian Aid, Coordination Center For New Russia
(19 November 2014) (annexe 629).
415 “Zhirinovsky Gave a Military Vehicle to the Ukrainian Militiamen”, 161.ru (6 May 2014), vidéo et texte
(annexe 512).
416 “Prosecutor General’s Office Put Zhirinovsky in Suspicion of Financing Terrorism”, Front New International
(23 August 2017) (annexe 597).
417 Ministry of Foreign Affairs of the Donetsk People’s Republic, Press Conference with Aleksandr Kofman and
Sergei Mironov in Donetsk (28 December 2015) (annexe 646) ; Mironov Promises Draft Bill “On the Status of the Donbas
Militas”, RIA.ru (14 September 2016) (annexe 590).
418 Voir, par exemple, Fundraising for the Rendering of Humanitarian Assistance to the Residents of the Southeast
of Ukraine, The Communist Party of the Russian Federation (17 June 2014) (renvoyant à un relevé bancaire contenant des
numéros de compte utilisés par la RPL) ; “Lugansk Terrorists Are Financed by the Communist Party of Russia”, Details
(26 June 2014) (annexe 605).
419 Déposition d’Oleksii Oleksiyovych Bushnyi (5 juin 2018) (ci-après la «déposition d’Oleksii Bushnyi»),
par. 7-14 (annexe 7) ; Information About the Commercial Banks of RSO, National Bank: Republic of South Ossetia (last
visited 2 May 2018) (annexe 665) ; Julian Röpcke, “How Russia Finances the Ukrainian Rebel Territories”, Bild
(16 January 2016) (annexe 586) ; Nikolaus von Twickel, “South Ossetia: A ‘Little Switzerland’ for Donbas?”,
EURASIANET.org (31 May 2017) (annexe 596).
118
- 78 -
confidentielles ces transactions420. En Russie, divers donateurs effectuent des virements sur le compte
no 301018110100000000105 de la MRB, détenu par un prétendu «fonds de soutien à des projets
humanitaires internationaux» 421. De ce compte, l’argent est ensuite transféré vers des comptes de la
MRB détenus par des dirigeants de la RPL, avant de finir sur ceux des «banques publiques» de la
RPL422. Des documents bancaires montrent que le fonds de soutien a financé les dirigeants de la RPD
et de la RPL à hauteur d’environ sept milliards de roubles (soit une centaine de millions d’euros), et
ce, pour une partie seulement de l’année 2017423. L’ensemble de ces fonds provenaient de la banque
publique russe Vneshtorgbank («VTB»)424.
180. En résumé, un vaste dispositif de collecte de fonds, tant public qu’occulte, a été autorisé
à se développer sur le territoire russe. Ce n’est là qu’un exemple de plus de la manière dont la Russie
a permis, au lieu de prévenir et de réprimer, le financement d’organisations impliquées dans des actes
terroristes en Ukraine.
420 Déposition d’Oleksii Bushnyi, par. 11 (annexe 7) ; Consolidated Banking Records of Transfer Between the
Fund and the State Bank of the LPR (various dates) (ci-après les «Bank Records») (annexe 434) ; Julian Röpcke, “How
Russia Finances the Ukrainian Rebel Territories”, Bild (16 January 2016) (annexe 586) ; Nikolaus von Twickel, “South
Ossetia: A ‘Little Switzerland’ for Donbas?”, EURASIANET.org (31 May 2017) (annexe 596).
421 Déposition d’Oleksii Bushnyi, par. 11 (annexe 7) ; Bank Records (annexe 434) ; Julian Röpcke, “How Russia
Finances the Ukrainian Rebel Territories”, Bild (16 January 2016) (annexe 586) ; Nikolaus von Twickel, “South Ossetia:
A ‘Little Switzerland’ for Donbas?”, EURASIANET.org (31 May 2017) (annexe 596).
422 Déposition d’Oleksii Bushnyi, par. 12 (annexe 7) ; Bank Records (annexe 434) ; Julian Röpcke, “How Russia
Finances the Ukrainian Rebel Territories”, Bild (16 January 2016) (annexe 586) ; Nikolaus von Twickel, “South Ossetia:
A ‘Little Switzerland’ for Donbas?”, EURASIANET.org (31 May 2017) (annexe 596).
423 Déposition d’Oleksii Bushnyi, par. 12 (annexe 7) ; Bank Records (annexe 434) ; Julian Röpcke, “How Russia
Finances the Ukrainian Rebel Territories”, Bild (16 January 2016) (annexe 586) ; Nikolaus von Twickel, “South Ossetia:
A ‘Little Switzerland’ for Donbas?”, EURASIANET.org (31 May 2017) (annexe 596).
424 Déposition d’Oleksii Bushnyi, par. 11 (annexe 7).
119
- 79 -
CHAPITRE 3
LA FÉDÉRATION DE RUSSIE A MANQUÉ À SON OBLIGATION D’AIDER L’UKRAINE
À PRÉVENIR ET À RÉPRIMER LE ++FINANCEMENT DU TERRORISME
181. Alors que l’afflux massif d’armes et de fonds à travers la frontière la séparant de la Russie
se traduisait, pour la population ukrainienne, par une vague d’attentats terroristes, l’Ukraine a
maintes fois demandé à la Russie de respecter l’obligation qui lui incombait au titre la CIRFT de
prévenir le financement du terrorisme. Or, plutôt que de coopérer avec elle et de prendre des mesures
pour mettre fin au financement du terrorisme, la Russie n’a cessé de rejeter les demandes de
coopération et d’assistance qu’elle lui adressait et a favorisé le financement du terrorisme.
182. Le refus de coopérer affiché par la Russie a pris diverses formes. Celle-ci s’est ainsi
abstenue de surveiller sa frontière avec l’Ukraine afin de mettre un terme à l’afflux d’armes et de
fonds destinés aux groupes se livrant au terrorisme. Elle n’a tenu aucun compte des mises en garde
expresses que l’Ukraine lui a adressées au sujet des collectes de fonds destinées à financer le
terrorisme, non plus que de ses demandes tendant au gel ou à la saisie des biens utilisés à cet effet.
Enfin, elle a à maintes reprises omis d’apporter à l’Ukraine une aide réelle dans le cadre des enquêtes
pénales portant sur le financement du terrorisme.
A. La Russie a omis de prendre des mesures pour prévenir les transferts
d’armes à travers la frontière qu’elle partage avec l’Ukraine
183. Ainsi que les observateurs des Nations Unies l’ont constaté à maintes reprises, le manque
de surveillance à la frontière permet les entrées d’armes en Ukraine, ce qui, comme l’a conclu le
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a eu des conséquences désastreuses
pour la population civile425. Tandis que l’Ukraine se voit temporairement privée de l’accès à sa
frontière par des groupes armés illicites, la Russie garde pleine autorité sur son territoire frontalier.
Pourtant, cette dernière n’a rien fait pour empêcher que des armes puissantes ⎯ un Bouk-TELAR,
d’innombrables lance-roquettes multiples de type Grad et Smerch, et nombre d’autres ⎯ venues de
son territoire n’aboutissent, sur celui de l’Ukraine, entre les mains de groupes armés illicites.
184. Le service des gardes-frontières de l’Etat ukrainien a régulièrement prévenu le service
russe des frontières de transferts imminents d’armes, de munitions et de fonds destinés à la RPD, à
la RPL et à d’autres, depuis le territoire russe vers le territoire ukrainien, et a sollicité l’assistance et
la coopération des autorités russes afin d’empêcher ces opérations426, mais ses demandes sont restées
sans écho. Il a par ailleurs demandé, parfois quotidiennement, la tenue de réunions conjointes avec
le service russe des frontières à des fins de coopération en vue d’empêcher les franchissements
425 Voir par exemple HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine: 16 November 2015 to 15 February
2016, par. 24, p. 10, et par. 207, p. 49 et 50 : «L’Etat ukrainien avait perdu le contrôle effectif de segments importants de
sa frontière avec la Fédération de Russie … Les épisodes suivis de tirs d’artillerie sans discrimination et la présence de
mines antipersonnel faisant des victimes civiles dans le secteur visé par le conflit soulèvent des préoccupations quant aux
entrées d’armes … les transfert d’armes devraient être évités dans les situations où l’emploi de ces armes risque
sérieusement de donner lieu à de graves abus ou violations du droit international des droits de l’homme ou du droit
international humanitaire» (annexe 314).
426 Ukraine State Border Guard Letter No. 0.22-3958/0/6 to the Russian Border Directorate of the FSB (22 May
2014) (annexe 387) ; Ukraine State Border Guard Letter No. 0.42-4016/0/16-14 to the Russian Border Directorate of the
FSB (24 May 2014) (annexe 388) ; Ukraine State Border Guard Letter No. 0.42-4289/0/6 to the Russian Border Directorate
of the FSB (3 June 2014) (annexe 389) ; Ukraine State Border Guard Letter No. F/42-3243 to the Russian Border
Directorate of the FSB (5 June 2014) (annexe 390) ; Ukraine State Border Guard Letter No. 0.42-5504/0/6-14 to the
Russian Border Directorate of the FSB (13 July 2014) (annexe 393).
120
121
- 80 -
illicites de frontière et de bloquer les convois d’armes427. Or la Russie a de nouveau pris le parti de
l’inaction : il n’y a jamais eu de réunions conjointes ni de réelle coordination, elle n’a pris aucune
mesure pour surveiller sa frontière et, comme le montre la documentation, les armes ont continué
d’affluer.
185. La Russie a bien accepté sous réserve de participer à une réunion conjointe en
octobre 2014, quelque cinq mois après la première demande, urgente, de l’Ukraine, mais cette
rencontre n’a jamais eu lieu, les autorités russes la jugeant «prématurée», puisque le service russe
des frontières avait décidé d’«approfondir son examen» de la question du contrôle conjoint de la
frontière428. Un mois plus tard, le chef de la direction des frontières du FSB a déclaré qu’il ne relevait
pas de ce service d’«autoriser le passage des véhicules transportant des marchandises» vers
l’Ukraine429. Il existe pourtant de nombreux postes-frontières tenus par les autorités russes qui
contrôlent systématiquement la circulation des véhicules ainsi que les passeports des personnes
franchissant la frontière430. Quant à la question de savoir quel organe de l’administration russe a
compétence à cet égard, elle est hors de propos : la Fédération de Russie a l’obligation de surveiller
sa frontière et ne peut se soustraire à cette obligation en refusant de désigner l’organisme compétent.
186. A ce jour, soit quatre ans après la demande que lui a initialement adressée l’Ukraine, la
Russie refuse toujours de coopérer avec celle-ci ou d’exercer la moindre surveillance sur sa frontière
afin d’endiguer l’afflux d’armes sur le territoire ukrainien. Ce refus délibéré s’est traduit par la
livraison d’armes dangereuses à des groupes se livrant au terrorisme contre la population civile
ukrainienne.
B. La Russie a manqué à son obligation de coopérer avec l’Ukraine pour geler
les comptes bancaires destinés à financer le terrorisme et faire enquête
sur des personnes associées au financement du terrorisme
187. A maintes reprises, l’Ukraine a fait savoir à la Fédération de Russie que telles ou telles
personnes physiques ou morales russes avaient pris part à des activités de collecte de fonds au profit
de groupes se livrant au terrorisme sur son territoire. Elle lui a expressément demandé sa coopération
et son aide afin : 1) de geler ou de saisir tous les biens désignés collectés à des fins de soutien au
terrorisme, et 2) de faire enquête sur les allégations de faits détaillées qu’elle avait portées à sa
connaissance. Malgré les demandes de l’Ukraine, la Russie n’a gelé ni saisi aucun bien, n’a mené
aucune enquête approfondie sur les faits portés à son attention et n’a pris aucune autre mesure pour
réprimer le financement des activités de la RPD, de la RPL, des Partisans de Kharkiv et d’autres
groupes violents en Ukraine.
188. En premier lieu, l’Ukraine a communiqué à la Russie des dizaines de noms de personnes
physiques et morales, avec les données relatives à leurs comptes en banque russes, les numéros de
leurs cartes bancaires russes, leur numéro de contribuable russe, leur code d’immatriculation fiscale
427 Ukraine State Border Guard Letter No. 0.22-3958/0/6 to the Russian Border Directorate of the FSB (22 May
2014) (annexe 387) ; annexes 55 à 73 (diverses lettres dans lesquelles le service des gardes-frontières de l’Etat ukrainien
demande aux autorités russes de lui prêter main-forte).
428 Russian Border Directorate of the FSB Letter No. 0.42-8801/0/6-14 to the Ukrainian State Border Guard
(delivered 11 October 2014) (annexe 402).
429 Russian Border Directorate of the FSB Letter No. 26-1209 to the Ukrainian State Border Guard (7 November
2014) (annexe 403).
430 Signed Declaration of Yevhen Bokhanevych, Suspect Interrogation Protocol (26 May 2017), p. 8 (annexe 266) ;
Declaration of Serhiy Semenchenko, Witness Interrogation Protocol (10 July 2017), p. 1 (annexe 267).
122
123
- 81 -
russe et d’autres données permettant de les identifier sur le plan administratif en Russie431. Elle lui a
notamment fait part de ce qui suit :
⎯ Melkov Olexiy Valeriyovych, Pyleska Olga Volodymyrivna, Kutyumova Tetyana Mykhailivna,
Yaralov Dmytro Olexiyovych et Ovsyannikova Ganna Volodymyrivna se sont servis des
systèmes de paiement Kolibri et Zolota Korona, basés en territoire russe, pour virer plus de
150 millions de roubles sur deux comptes bancaires russes détenus par Saralpova Laura auprès
des institutions bancaires Kredyt Dnipro et Terra, respectivement432.
⎯ Le «mouvement de libération du secteur russe de l’Ukraine» a ouvert et utilisé des comptes à la
Sberbank, avec Sergey Igorevich Khyzhnyak à titre de bénéficiaire et mention du numéro de
compte correspondant433.
⎯ Tatiana Mykhailovna Azarova s’est employée sur le territoire russe à réunir des fonds qui ont été
déposés sur ses comptes bancaires ou appliqués à ses cartes bancaires (avec mention des numéros
de compte et de carte de la Sberbank), au profit de groupes se livrant au terrorisme en Ukraine434.
⎯ Andrei Gennadiyevich Lazarchuk s’est servi de sa carte bancaire de la Sberbank (avec mention
du numéro) et du compte afférent pour financer les activités de groupes se livrant au terrorisme
en Ukraine435.
⎯ Des comptes associés aux activités de la RPD et de la RPL ont été approvisionnés au moyen de
porte-monnaie électroniques ou de cartes bancaires des institutions Yandex et Sberbank (avec
mention des numéros de compte et de carte)436.
189. Dans chacun de ces cas, l’Ukraine a fait savoir à la Russie que les personnes et
organisation désignées s’étaient servies des comptes en question délibérément et en connaissance de
cause pour recueillir et virer des fonds destinés à financer des activités terroristes sur le territoire
ukrainien437. Elle lui a alors demandé, sur le fondement de la CIRFT, de lui prêter main-forte pour
431 Note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ; note verbale
no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie par le
ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371).
432 Note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] annexe 369).
433 Ibid.
434 Note verbale no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371).
435 Ibid.
436 Note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ; note verbale
no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie par le
ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371).
437 Note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ; note verbale
no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie par le
ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371).
124
- 82 -
geler ou saisir les fonds et autres biens désignés438. Or la Russie n’a jamais fourni la moindre
indication qu’elle avait donné suite à cette demande.
190. En second lieu, la Russie n’a jamais donné de réponse effective à nombre des demandes
par lesquelles l’Ukraine l’avait priée d’enquêter sur les personnes qu’elle soupçonnait de participer
au financement du terrorisme et, dans les cas où elle a dit avoir enquêté au sujet des suspects dénoncés
par les autorités ukrainiennes, les résultats qu’elle a produits ne faisaient que trahir l’absence de
coopération de bonne foi439. Voici quelques exemples :
⎯ Informée que les autorités ukrainiennes étaient d’avis que Konstantin Malofeev s’était, en
connaissance de cause, livré au financement d’activités terroristes, la Russie s’est bornée à
répondre, près d’un an plus tard, qu’«il n’[était] pas possible de déterminer»440 où se trouvait
l’intéressé. Il s’agissait pourtant de l’un des hommes d’affaires les plus en vue en Russie, qui
entretenait des liens étroits avec le président Poutine et dont la présence régulière à ses bureaux
au cours du premier semestre de 2015 était bien connue441. Se dire incapable, en réponse à une
demande de coopération, de retrouver l’une des personnes la plus en vue du pays n’est
manifestement pas un indice de bonne foi.
⎯ L’Ukraine a demandé à la Russie de faire enquête au sujet d’Oleksander Zhuchovsky, qui avait
déclaré publiquement, à l’occasion d’interviews, avoir pris part à des activités de collecte de fonds
au profit de la RPD442, organisation qui avait déjà été impliquée publiquement dans une série
d’actes de terrorisme dirigés contre la population civile443. Le 3 novembre 2014, comme suite à
sa demande initiale, l’Ukraine a informé la Russie de la perpétration par Zhuckovsky de nouvelles
infractions touchant au financement du terrorisme et a fourni des renseignements supplémentaires
en vue de permettre l’identification de ce dernier ainsi que la preuve de sa complicité à l’égard de
crimes précis444. Le 31 juillet 2015, la Russie a répondu inexplicablement que, «à l’issue du
processus opérationnel d’investigation, il [était] apparu qu’il n’exist[ait] sur le territoire de la
Fédération de Russie aucun ressortissant dont les données personnelles se rapport[aient] à
M. Olexandr Grigorievych Zhuckovsky»445. Pourtant, la page de Zhuckovsky sur le réseau social
438 Voir par exemple note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ; note
verbale no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie
par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371).
439 Voir par exemple note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ; note
verbale no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie
par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371) ; Russian Federation Note Verbale No. 10448
to the Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (31 July 2015) (annexe 376).
440 Russian Federation Note Verbale No. 10448 to the Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (31 July 2015)
(annexe 376).
441 John Thornhill, “Fear Vladimir Putin’s Weakness Not His Strength”, The Financial Times (17 August 2015)
(annexe 580).
442 Voir note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de
la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369). A titre de preuve,
l’Ukraine a fourni un lien vers la page de Khukovsky sur le réseau social «Vkontakte», qui, à l’époque et encore de nos
jours, démontrait de manière irréfutable que Zhukovsky avait réuni des fonds à l’intention de la RPD et lui avait fourni des
armes. Dans un des articles, par exemple, il se vantait d’avoir payé comptant pour l’achat d’un véhicule de combat blindé
(BTR), qu’il avait ensuite remis aux milices de la «Nouvelle Russie». Voir Alexander Zhuchkovsky, On the Advisability
of Purchasing Armored Vehicles, StrelkovInfo (4 September 2014) (annexe 628).
443 Voir ci-dessus, chapitre 2, section A.
444 Ukrainian Note Verbale No. 72/22-620-2717 to the Russian Ministry of Foreign Affairs (3 November 2014)
(annexe 374).
445 Russian Federation Note Verbale No. 10448 to the Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (31 July 2015)
(annexe 376).
125
- 83 -
susmentionné ⎯ laquelle avait été communiquée à la Russie par l’Ukraine ⎯ montre bien ce
dernier en Russie alors qu’il animait une manifestation de collecte de fonds en faveur de la RPD446.
Et lors d’interviews publiques, l’intéressé a reconnu qu’il était ressortissant russe et qu’il avait
participé au financement de la RPD447.
⎯ L’Ukraine a demandé à la Russie de faire enquête au sujet d’une activité de financement du
terrorisme mettant en cause Andrei Gennadiyevich Lazarchuk, Nina Igorevna Lotysh, Vadim
Yuriyevich Kunayev et Tatiana Mykhailovna Azarovna, dont elle a fourni les dates de naissance
et numéros de compte bancaire respectifs448. Près d’une année plus tard, soit le 31 juillet 2015, les
autorités russes se sont contentées de faire savoir que «les résultats des mesures opérationnelles
d’investigation visant à identifier les personnes nommées dans la note…, ainsi que les détails de
leurs comptes bancaires, [étaient] en cours d’examen»449.
⎯ Le 12 août 2014, l’Ukraine a demandé à la Russie de faire enquête au sujet d’une activité de
financement du terrorisme mettant en cause le centre de coordination pour l’assistance à la
Nouvelle Russie450. Près d’une année plus tard, soit le 31 juillet 2015, la Russie a fait connaître
les résultats de son enquête, affirmant que le centre en question «n’[avait] pas de comptes
électroniques» et qu’«aucun matériel militaire n’[avait] été acquis» par le groupe451. Il lui aurait
pourtant suffi de consulter le site Internet du centre, accessible au public, pour y trouver des liens
vers les comptes en banque établis aux fins de donation par l’organisme, qui y fait en outre état
des dons d’armes qu’il se targue d’avoir effectués452.
191. Comme le montre ce qui précède, la Russie ne s’est jamais intéressée à la lutte contre le
financement du terrorisme en Ukraine. Elle n’a jamais procédé au gel ou à la saisie de biens associés
à cette activité, ni fait enquête de bonne foi sur les allégations de financement du terrorisme, ainsi
qu’en témoignent avec limpidité les exemples ci-dessus.
C. La Russie a manqué à son obligation d’apporter son aide aux enquêtes
pénales en cours concernant le financement du terrorisme
ou d’extrader les suspects
192. Face à l’afflux d’armes et de fonds destinés à des groupes franchissant la frontière russe,
l’Ukraine a cherché à faire enquête afin de traduire en justice les responsables du financement du
terrorisme. Comme le prévoit la CIRFT, ce genre de mesures d’application est souvent tributaire de
la coopération, surtout avec l’Etat sur le territoire duquel se trouvent les suspects453. Or, loin de prêter
446 Social Media Page (VKontakte) of Oleksandr Zhukovsky (post of 15 March 2015) (annexe 635).
447 Voir par exemple “Alexander Zhuchkovsky’s “Militia” of the DPR: The Only Support is in the Russian Media”,
Zaks (10 June 2014) (annexe 520).
448 Note verbale no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371).
449 Russian Federation Note Verbale No. 10448 to the Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (31 July 2015)
(annexe 376).
450 Note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369).
451 Russian Federation Note Verbale No. 10448 to the Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (31 July 2015)
(annexe 376).
452 Voir par exemple Report on Past Deliveries, Coordination Center for New Russia (19 August 2014)
(annexe 626) ; Communist Party for the DKO (Volunteer Communist Detachment), Coordination Center for Assistance to
New Russia (30 December 2014) (annexe 631) ; Regular Dispatch Is Not Humanitarian Aid, Coordination Center for
Assistance to New Russia (19 November 2014) (annexe 629).
453 CIRFT, article 12, par. 1.
126
127
- 84 -
son concours, la Russie a fait litière des demandes de coopération les plus élémentaires et s’est
abstenue de faire quoi que ce soit pour appuyer les mesures de poursuite ou d’extradition envisagées
par la CIRFT.
193. L’Ukraine a sollicité l’aide des autorités russes, dans le cadre d’enquêtes pénales
engagées à propos de personnes soupçonnées de participer au financement du terrorisme, au moyen
de nombreuses notes diplomatiques et d’une vingtaine de demandes présentées au titre de traités
d’entraide judiciaire (les «demandes d’entraide judiciaire»)454. A chaque occasion, la Fédération de
Russie s’est employée à contrarier les efforts déployés par l’Ukraine pour traduire en justice les
responsables du financement du terrorisme en atermoyant ses réponses, en invoquant des obstacles
matériels futiles, voire en refusant carrément toute assistance.
194. Par exemple, dès le 12 août 2014, l’Ukraine a demandé aux autorités russes leur
assistance ainsi que la communication d’informations en vue d’enquêter sur les crimes de
financement du terrorisme reprochés à O. Kulygina, ressortissante russe455 accusée d’avoir facilité
les activités d’un groupe terroriste en lui fournissant des armes456. L’Ukraine a sollicité une assistance
spécifique de la part de la Russie, à savoir la collecte de certains renseignements personnels
concernant Kulygina, de documents établissant l’appartenance de celle-ci à des groupes armés
illicites et d’informations sur la possession illicite d’armes en Russie et sur le franchissement de la
frontière par l’intéressée, ainsi qu’une aide pour l’identification et l’interrogation des membres de la
famille de cette dernière457.
195. Le Bureau du procureur de la Russie a mis plus d’un an à répondre. Il a alors argué que
la demande de données sur le franchissement de la frontière constituait «une formalité procédurale
sans lien aucun avec l’objet de l’enquête préliminaire que menait la direction centrale des enquêtes
du service de sécurité de l’Ukraine», et ce, même si le crime visé par l’enquête concernant Kulygina
mettait en cause le franchissement de la frontière entre l’Ukraine et la Russie avec des armes458. Le
parquet russe a en outre prétendu que la demande de documents concernant la participation de
Kulygina aux activités de groupes paramilitaires illicites «omet[tait] de préciser quelles formalités
procédurales ou autres devaient être accomplies dans le cadre de l’aide sollicitée»459. Il a également
rejeté de nombreuses autres demandes sous prétexte que l’Ukraine avait omis de spécifier les
formalités applicables460.
454 Voir par exemple annexes 400 à 405, 419 à 423, 431 et 433 (notes verbales et demandes d’entraide judiciaire
s’étalant sur la période allant de juin 2014 à mars 2017).
455 Voir par exemple note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ;
Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014050000000015 (30 September 2014) (annexe 401).
456 Voir Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014050000000015 (30 September 2014),
p. 1 (annexe 401).
457 Ibid. ; voir également note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369).
458 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 82/1-5444-14 (dated 23 October 2015, sent
6 November 2015) (annexe 428).
459 Ibid.
460 Ibid. Kulygina a finalement été déclarée coupable par un tribunal ukrainien et les demandes d’entraide judiciaire
ont en conséquence fait l’objet d’un désistement, malgré le refus des autorités russes de contribuer à l’enquête.
128
- 85 -
196. Dans un autre cas, les autorités russes se sont simplement abstenues de répondre durant
plus d’un an461. Dans d’autres, elles se sont bornées à nier les faits concernant leurs intermédiaires
présents en Ukraine. Par exemple, alors que cette dernière leur avait demandé leur concours à propos
du financement de la RPL, elles ont refusé sous prétexte que l’Ukraine n’avait pas fourni
d’«information concernant les indices l’ayant spécifiquement amenée à considérer comme
organisation terroriste la «République populaire de Louhansk»»462. Or, ainsi qu’il a été montré plus
haut, la Russie connaissait mieux que quiconque les activités terroristes de la RPL, y compris le rôle
joué par celle-ci dans la mise en place du «régime d’intimidation et de terreur visant à maintenir [son]
autorité»463.
197. L’Ukraine a présenté des demandes d’assistance semblables dans le cadre d’affaires
pénales en cours et mettant en cause divers officiers et militaires russes464 ainsi que d’autres
nationaux russes relevant de la juridiction de la Fédération de Russie465, concernant des infractions
touchant au financement du terrorisme. Bon nombre d’entre elles ont été rejetées d’emblée ou restent
sans réponse après plusieurs années.
198. Il y a lieu de noter en particulier que, le 10 octobre 2014, l’Ukraine a informé la
Fédération de Russie qu’elle venait d’ouvrir une enquête en matière de financement criminel du
terrorisme contre quatre agents russes : Sergey Kuzhegetovich Shoigu, ministre de la défense de la
Fédération de Russie, Vladimir Volfovich Zhirinovsky, vice-président de la Douma d’Etat,
l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, ainsi que Sergey Mikhailovich Mironov et
Gennadiy Andreyevich Zyuganov, membres de la Douma d’Etat466. S’agissant de ces enquêtes
pénales, l’Ukraine a sollicité l’aide de la Russie sur le fondement de la CIRFT467. Elle a fait suivre
sa communication diplomatique de trois demandes d’entraide judiciaire distinctes, chacune
sollicitant aide et coopération en matière de poursuites468. La Russie a néanmoins rejeté purement et
simplement ces demandes d’entraide judiciaire, prétextant que la coopération mettrait en péril ses
461 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22015050000000021 (23 March 2017)
(annexe 431).
462 Voir Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 82/1-759-16 (14 September 2016) («Les
renseignements fournis par le parquet général de l’Ukraine le 8 juillet 2016 concernant le dossier no 14/3-25775-16
indiquent que la procédure par laquelle une organisation est dite terroriste est établie par la loi antiterroriste ukrainienne.
Conformément aux exigences de celle-ci, la «République populaire de Louhansk» a été désignée comme telle sur le
fondement de décisions de justice. D’après les renseignements fournis, une version électronique des décisions en question
aurait été versée dans le registre public unifié des décisions de justice de l’Ukraine») (annexe 429).
463 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014), p. 7, par. 26 (annexe 296).
464 Voir par exemple Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 42014000000000457 (28 July
2015) (concernant Valery Gerasimov, chef d’état-major général des forces armées de la Fédération de Russie, ainsi que
divers autres militaires russes) (annexe 423) ; Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case
No. 42014000000000457 (15 September 2015) (concernant Vladimir Startkov) (annexe 42[7]).
465 Voir par exemple Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014000000000286 (3 July
2015) (concernant Igor Girkin) (annexe 422) ; Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case
No. 22014000000000283 (3 July 2015) (concernant Igor Bezler) (annexe 421) ; Ukrainian Request for Legal Assistance
Concerning Case No. 22014000000000266 (2 July 2015) (concernant Alexander Mozhaev) (annexe 419) ; Ukrainian
Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014000000000245 (3 July 2015) (concernant Alexander Borodai)
(annexe 420) ; Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22015000000000001 (14 November 2017)
(concernant Gleb Kornilov) (annexe 433).
466 Voir Ukrainian Note Verbale No. 72/22-620-2529 to Russian Federation Ministry of Foreign Affairs
(10 October 2014) (annexe 372).
467 Voir ibid.
468 Voir par exemple Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 12014000000000293
(11 November 2014) (concernant Mironov) (annexe 404) ; Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case
No. 12014000000000292 (4 September 2014) (concernant Zhironovsky) (annexe 400) ; Ukrainian Request for Legal
Assistance Concerning Case No. 12014000000000291 (3 December 2014) (concernant Zyuganov) (annexe 405).
129
130
- 86 -
intérêts nationaux souverains en matière de sécurité, sans expliciter plus avant quel était le lien entre
la participation de ses agents au financement du terrorisme et sa souveraineté ou ses intérêts en
matière de sécurité469.
199. Encore une fois, ces refus systématiques relèvent du modus operandi général de la
Russie : le recours à des écrans de fumée, les atermoiements, l’inaction, l’aveuglement volontaire et
le mensonge pur et simple sont autant de procédés pour se soustraire à son obligation de coopérer
avec l’Ukraine afin de prévenir les actes de financement du terrorisme, d’enquêter sur leurs auteurs
présumés et de les réprimer.
469 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 87-159-2015 (17 August 2015) (annexe 426) ;
Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 87-158-2015 (17 August 2015) (annexe 425) ; Prosecutor
General’s Office of the Russian Federation Letter No. 87-157-2015 (17 August 2015) (annexe 424).
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SECTION B
LA FÉDÉRATION DE RUSSIE A MANQUÉ AUX OBLIGATIONS
QUE LUI IMPOSE LA CONVENTION INTERNATIONALE
POUR LA RÉPRESSION DU FINANCEMENT
DU TERRORISME
200. La Fédération de Russie s’est rendue coupable de violations graves, répétées et continues
de la CIRFT. La présente section détaille ces violations en trois étapes. Premièrement, ainsi qu’il est
exposé au chapitre 1, les intermédiaires de la Russie en Ukraine se sont livrés à une campagne
systématique d’actes terroristes au sens des alinéas a) et b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la
CIRFT. Deuxièmement, comme il a été établi au chapitre 2, des représentants de l’Etat russe, de
même que des personnes privées se trouvant en territoire russe, ont sciemment financé cette
campagne de terrorisme au sens du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT. Troisièmement, ainsi
que le montre le chapitre 3, la Russie a refusé de coopérer relativement à ces actes de financement
du terrorisme pourtant bien documentés.
201. Ainsi, la Russie a manqué de manière éhontée aux multiples obligations qui lui
incombaient au titre de la CIRFT. Globalement, il s’agit de l’obligation faite à l’article 18 de prendre
toutes les mesures possibles afin d’empêcher le financement du terrorisme par «quiconque», y
compris les représentants de l’Etat. La Russie a par ailleurs manqué à son obligation d’identifier, de
détecter, de geler et de saisir les fonds destinés à être utilisés pour le financement du terrorisme, en
violation de l’article 8 de la CIRFT ; elle a manqué à son obligation d’enquêter et d’extrader ou de
poursuivre les auteurs présumés d’actes de financement du terrorisme, ainsi que l’exigent les
articles 9 et 10 de la CIRFT ; elle a enfin manqué à l’obligation qu’elle avait au titre de l’article 12
de la CIRFT d’accorder à l’Ukraine l’entraide judiciaire la plus large possible dans le cadre des
enquêtes concernant des actes de financement du terrorisme.
131
- 88 -
CHAPITRE 4
LES INTERMÉDIAIRES DE LA RUSSIE ONT COMMIS EN UKRAINE NOMBRE D’ACTES
DE TERRORISME AU SENS DE L’ARTICLE 2 DE LA CIRFT
A. La définition que donne la CIRFT du terrorisme
est large et générale
202. Contrairement aux autres conventions sur le terrorisme qui l’ont précédée, la CIRFT ne
s’attache pas à une seule forme ou méthode de terrorisme. Plus ambitieux, son objectif était
d’éliminer l’appui qui rend possibles les actes de terrorisme de tous types470. Dans cette optique, la
CIRFT donne une définition large des types d’actes dont le financement est interdit, incluant ceux
qui sont visés par les traités antérieurs énumérés, et ceux entrant dans la catégorie vaste et générale
d’actes terroristes qu’elle établit.
203. L’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 reprend les actes prohibés par de précédentes
conventions sur le terrorisme471. Parmi les traités ainsi incorporés par renvoi, et intéressant le vil acte
ayant consisté à détruire l’appareil assurant le vol MH17, figure la convention de Montréal pour la
répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (la «convention de
Montréal»), qui interdit la destruction internationale d’un aéronef en service472. Est également incluse
la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif (ou «CIRATE»),
qui prohibe l’usage d’explosifs dans les lieux publics et autres lieux semblables et dont relève la
vague d’attentats et de tentatives d’attentat observée à Kharkiv, à Kyiv et à Odessa473.
204. Outre les actes ainsi visés, l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 établit une définition
large et générale des actes terroristes dont le financement est prohibé474. Relève de l’alinéa b) du
paragraphe 1 de l’article 2 tout acte qui 1) est «destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute
autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé» et
qui, 2) «par sa nature ou son contexte, … vise à intimider une population ou à contraindre un
gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte
quelconque»475.
205. Le premier élément de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 énonce clairement que
l’acte visé peut survenir dans le contexte d’une «situation de conflit armé», pour peu qu’il ait pour
cible des civils et non des combattants prenant part aux hostilités476. Ainsi, l’attaque lancée par un
470 M. Lehto, Indirect Responsibility for Terrorist Acts (2009), p. 258 («La Convention est largement préventive
dans son principe et a été conçue pour bloquer les apports aux réseaux de financement du terrorisme…») (annexe 490).
471 CIRFT, article 2, par. 1, alinéa a) (incriminant la fourniture de fonds devant servir à la commission de tout «acte
qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l’un des traités énumérés en annexe»).
472 Convention de Montréal pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile,
23 septembre 1971, RTNU, vol. 974, p. 178 (ci-après la «convention de Montréal»), article 1er, par. 1, alinéa b).
473 Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, 15 décembre 1997, RTNU,
vol. 2149, p. 284 (ci-après la «CIRATE»), article 2, par. 1.
474 CIRFT, article 2, par. 1, alinéa b).
475 Ibid.
476 Voir par exemple Tribunal spécial pour le Liban, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire no STL-11-01,
Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications,
16 février 2011, par. 108, p. 120 («ont ratifié la Convention pour la répression du financement du terrorisme sans faire
aucune réserve, en acceptant par là de faire entrer dans la catégorie du «terrorisme» le financement de personnes ou de
groupes attentant à la vie de civils innocents en période de conflit armé, de même que, par voie de conséquence, l’exécution
de tels actes violents»).
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groupe armé contre des civils dans le cours d’un conflit armé peut constituer à la fois un crime de
guerre et un acte de terrorisme au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT477.
206. La notion d’intention à laquelle font référence les termes «destiné à» ou «visé à» n’est
pas définie dans la CIRFT, de sorte qu’il convient de s’en remettre, pour la cerner, à l’usage général
qu’en fait le droit international478. Il n’existe pas de définition unique de l’«intention» en droit
international. Il s’agit plutôt d’un terme général recouvrant divers éléments subjectifs (mens rea). Il
comprend la volonté de réaliser la conséquence du comportement adopté (dolus directus), la
conscience ou la connaissance de ce que la conséquence adviendra dans le cours normal des
événements (dolus indirectus)479, ainsi que l’acceptation délibérée du risque de voir se réaliser la
conséquence probable du comportement adopté (dolus eventualis)480. Cette interprétation est
conforme à la version française authentique de la CIRFT («[t]out autre acte destiné à tuer ou blesser
grièvement un civil…»), qui évoque la destination normale de l’acte en tant que tel, et non la volonté
spécifique de son auteur.
207. En contexte et à la lumière des objet et but larges et généraux de la CIRFT, à savoir
réprimer le financement de la gamme la plus vaste possible d’actes terroristes visant les civils481,
l’interprétation la plus judicieuse de la notion d’intention évoquée à l’alinéa b) du paragraphe 1 de
l’article 2 est celle qui englobe tous ces états d’esprit. Ainsi, la Cour de cassation italienne a interprété
cette disposition de la CIRFT comme visant par exemple «l’attaque, au moyen d’explosifs, lancée
contre un véhicule militaire dans un marché bondé», dans un contexte où les «circonstances factuelles
montr[aient] que l’atteinte grave à la vie et à l’intégrité physique des civils était certaine et
477 Voir par exemple Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) v. Council of the European Union, Judgment of the
General Court (Sixth Chamber, Extended Composition), T-208/11 (16 October 2014), p. 5 (observant que l’alinéa b) du
paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT «envisage explicitement la commission d’actes de terrorisme dans le cadre d’un
conflit armé au sens du droit international» et «confirme que, même dans un conflit armé au sens du droit humanitaire
international, il peut y avoir des actes de terrorisme susceptibles d’être réprimés en tant que tels et non pas seulement en
tant que crimes de guerre») (annexe 471).
478 Voir Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1045, par. 27, p. 1062 et
1063 (recours au sens ordinaire du terme employé dans un traité selon l’usage du droit international général).
479 Rome Statute of the International Criminal Court, U.N. Doc. A/CONF.183/9 (17 July 1998), art. 30 (où
l’intention est définie comme visant le cas où la personne «est consciente que [la conséquence] adviendra dans le cours
normal des événements») (annexe 749).
480 Voir par exemple Kai Ambos and Steffen Wirth, The Current Law of Crimes Against Humanity: An Analysis
of UNTAET Regulation 15/2000, 13 Criminal Law Forum (2002), p. 36 et 37 («S’agissant de la commission des crimes
internationaux, dans la plupart des cas, la simple négligence ne suffit pas. Ces crimes exigent un état d’esprit qui, dans les
régimes de droit romano-germaniques, est appelé dolus ou intention. Le dolus peut prendre les formes suivantes : dolus
directus de premier degré (appelé dolus directus), dolus directus de second degré (ou dolus indirectus) et dolus eventualis»)
(annexe 486) ; Rome Statute of the International Criminal Court, U.N. Doc. A/CONF.183/9 (17 July 1998), art. 30
(définition de l’«intention») (annexe 749) ; Prosecutor v. Tadic, Case No. IT-94-1-A, Appeals Chamber Judgment (15 July
1999), p. 99, par. 220 («Il faut que l’accusé se soit trouvé dans un état d’esprit tel que même s’il n’avait pas l’intention
d’arriver à un certain résultat, il avait conscience que les actes commis par le groupe entraîneraient très vraisemblablement
ce résultat, mais était néanmoins disposé à courir ce risque. En d’autres termes, il faut qu’il y ait de la part de l’accusé ce
qu’il est convenu d’appeler dol éventuel, ou advertent recklessness dans certains systèmes.») (annexe 463) ; voir aussi cidessous,
chapitre 4, section D 1).
481 CIRFT, préambule («Rappelant également toutes les résolutions de l’Assemblée générale … dans laquelle les
Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies ont réaffirmé solennellement qu’ils condamnaient catégoriquement
comme criminels et injustifiables tous les actes, méthodes et pratiques terroristes, où qu’ils se produisent et quels qu’en
soient les auteurs») (les italiques sont de nous).
134
- 90 -
inévitable»482. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, toutefois, les intermédiaires de la
Russie ont agi avec une intention du degré le plus élevé (dolus directus) afin de porter atteinte à la
population civile, y compris dans des situations où il ne pouvait vraisemblablement se trouver aucune
cible militaire.
208. Le deuxième élément de l’infraction définie à l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2
suppose que l’acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une
organisation internationale. Les rédacteurs ont ajouté cet élément «afin d’exclure les crimes de droit
commun» de la définition du terrorisme483. La CIRFT reconnaît qu’il n’est souvent pas possible
d’établir directement les mobiles de l’auteur de l’attaque, c’est pourquoi elle dispose que la volonté
d’intimider ou de contraindre peut se déduire de la nature ou du contexte de l’acte484.
209. Comme le montre clairement la pratique des Etats, l’attaque dirigée contre un secteur
civil est généralement considérée, par sa nature ou son contexte, comme ayant l’objectif requis. Il
convient de noter que la Cour suprême de la Fédération de Russie considère toute «attaque armée
contre une localité habitée» comme ayant pour objectif d’intimider485. De même, la Cour de cassation
italienne, appelée à interpréter l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT, a dit que
l’attaque lancée contre un secteur civil avait généralement pour effet de «semer la peur et la panique
au sein de la population locale», de manière à «réaliser les effets associés aux objectifs terroristes»486.
De son côté, la Cour suprême du Danemark a jugé que l’emploi d’«obus de mortier sans précision
dans un secteur civil» constituait un attentat terroriste au sens de la législation danoise de mise en
oeuvre de la CIRFT487. Enfin, examinant le crime de guerre analogue qu’est le terrorisme, le TPIY a
482 Italy v. Abdelaziz and ors, Final Appeal Judgment, No. 1072, 2007, 17 Guida al Diritto 90, ILDC 559, Supreme
Court of Cassation, Italy, 17 January 2007, par. 4.1 (annexe 473). Cette interprétation concorde avec l’avis exprimé par le
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie («TPIY»), à savoir que «les attaques indiscriminées ⎯ c’est-à-dire les
attaques frappant indistinctement des personnes civiles ou des biens de caractère civil et des objectifs militaires ⎯ peuvent
être qualifiées d’attaques directes contre des civils.» Prosecutor v. Galic, Case No. IT-98-29-T, Trial Chamber Judgment
(5 December 2003), par. 57 (annexe 464) ; voir également Prosecutor v. Martić, Case No IT-95-11-T, Trial Chamber
Judgment (12 June 2007), par. [472] (Martić a attaqué sans discrimination dans un secteur où se trouvaient à la fois des
civils et des cibles militaires ; parce qu’il «avait conscience [des] effets» de l’arme en cause, il «a délibérément pris pour
cible la population civile de Zagreb») (annexe 465).
483 Nations Unies, Assemblée générale, cinquante-quatrième session, Mesures visant à éliminer le terrorisme
international, rapport du groupe de travail, doc. A/C.6/54/L.2 (26 octobre 1999), p. 63, par. 87 (annexe 277).
484 CIRFT, article 2, par. 1, alinéa b). Le passage en question a été inséré dans le texte final de la convention
spécifiquement pour faire en sorte qu’il ne soit pas nécessaire de «prouver l’état d’esprit subjectif de l’auteur de
l’infraction». Nations Unies, Assemblée générale, cinquante-quatrième session, Mesures visant à éliminer le terrorisme
international, rapport du groupe de travail, doc. A/C.6/54/L.2 (26 octobre 1999), par. 88, p. 63 (annexe 277).
485 Resolution of the Plenum of the Supreme Court of the Russian Federation, No. 1 of 9 February 2012, “On Some
Aspects of Judicial Practice Relating to Criminal Cases on Crimes of Terrorist Nature”, par. 3 («Toute autre action de
nature à effrayer la population … devrait être considérée comme ayant des conséquences analogues à celles d’une explosion
ou d’un incendie, par exemple … une attaque armée dirigée contre une localité habitée…») (annexe 438). Selon la
législation russe de mise en oeuvre de la CIRFT, l’«acte terroriste» se définit comme ayant pour effet d’«effrayer la
population». Federal Law “On Combatting Terrorism”, art. 3 (6 March 2006) (annexe 440).
486 Italy v. Abdelaziz and ors, Final Appeal Judgment, No. 1072, 17 Guida al Diritto 90, Supreme Court of
Cassation, Italy, 17 January 2007, par. 4.1 (annexe 473).
487 “Fighters and Lovers Case”, Case 399/2008 (Sup. Ct., Den., 25 March 2009) (annexe 476). Mettant en oeuvre
l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT, le paragraphe 1 de l’article 114 du code pénal danois définit l’attentat
terroriste comme étant celui qui est commis «avec l’intention d’effrayer gravement la population ou de contraindre
illégalement une autorité publique danoise ou étrangère ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir
d’accomplir un acte quelconque».
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jugé que «la terreur effectivement répandue et la nature indiscriminée de l’attaque étaient toutes deux
des éléments» permettant d’inférer l’intention de répandre la terreur488.
B. Depuis le printemps 2014, la RPD et la RPL se sont ouvertement livrées contre
la population civile ukrainienne à des attentats constituant des actes terroristes
au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT
210. Ainsi qu’il est exposé à la section A du chapitre 1, les attentats dirigés par les
intermédiaires de la Russie contre des civils ne jouant aucun rôle dans le conflit qui sévit en Ukraine
orientale ont été largement documentés par l’Organisation des Nations Unies et d’autres organismes
indépendants. Allant jusqu’au meurtre et à la torture, ces attentats, dont les observateurs de l’ONU
ont expressément conclu qu’ils avaient pour objectif d’intimider la population, constituent des actes
terroristes au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
211. Tout au long du printemps et de l’été 2014, la RPD, la RPL et d’autres groupes armés se
sont livrés à d’innombrables meurtres et actes de torture contre les civils. L’un des cas les plus connus
est celui de Volodymr Rybak, conseiller municipal d’Horlivka et partisan notoire de l’unité de
l’Ukraine, qui a été enlevé, torturé puis assassiné le 17 avril 2014489. Mais la RPD et la RPL ont aussi
torturé et assassiné d’innombrables autres civils qui s’opposaient à leur volonté. Le 18 mai 2014, par
exemple, les membres de la RPD ont tué un fermier âgé d’un village situé à proximité de Sloviansk,
qu’ils accusaient d’avoir apporté des vivres aux troupes ukrainiennes490. Et le 29 août 2014, les
membres de la RPL ont assassiné M. Hennadii Khitrenko, policier retraité et conseiller du village de
Krymske dont l’engagement en faveur de l’unité de l’Ukraine était bien connu491.
212. Ces meurtres et nombre d’autres dont il est fait mention à la section A du chapitre 1
étaient manifestement des actes «destiné[s] à tuer … [des] civil[s]»492. Les actes de torture étaient
tout aussi clairement «destiné[s] à … blesser grièvement [des] civil[s]»493.
213. L’examen de la «nature» et du «contexte» de ces attentats révèle qu’ils visaient à
«intimider une population», en l’occurrence les civils ukrainiens494. Ainsi que l’a observé la
haut-commissaire aux droits de l’homme, Mme Pillay, au moins un des dirigeants de la RPD a admis
avoir eu pour objectif de «plonger la population civile dans l’horreur»495. Le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme et l’OSCE ont également conclu à maintes reprises que les
civils étaient terrorisés par les attentats lancés par la RPD et de la RPL. En juillet 2014, par exemple,
488 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-98-29/1-T, Appeals Chamber Judgment (12 November 2009),
par. 37 («la terreur effectivement répandue et la nature indiscriminée de l’attaque étaient toutes deux des éléments dont la
Chambre de première instance pouvait raisonnablement tenir compte pour déterminer en l’espèce l’intention spécifique qui
animait l’accusé») (annexe 467).
489 Voir ci-dessus, chapitre 3, section A.
490 Ibid.
491 Ibid.
492 CIRFT, article 2, par. 1, alinéa b).
493 Ibid. Par définition, la torture s’entend de «tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques
ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne…». Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, RTNU, vol. 1465, p. 85, article 1er, par. 1 (les italiques
sont de nous).
494 CIRFT, article 2, par. 1, alinéa b).
495 HCDH, Intensified Fighting Putting at Risk Lives of People in Donetsk and Luhansk — Pillay (4 July 2014)
(citant le «site Internet de l’un des dirigeants de la prétendue «République populaire de Donetsk»») (annexe 295).
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le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a rapporté que «les groupes armés combattant dans
l’est … [avaient] pris le contrôle du territoire ukrainien et imposé à la population un régime
d’intimidation et de terreur visant à maintenir leur autorité»496. Des entretiens réalisés par l’OSCE
avec des personnes déplacées en provenance de secteurs contrôlés par la RPD et la RPL ont révélé
que nombreuses étaient celles qui avaient fui ces régions «après avoir assisté directement aux actes
de violence ou les avoir subis … et en raison de la perception qu’elles pourraient bien être les
prochaines victimes».497 La terreur vécue par les victimes confirme avec force que les attaques de la
RPD et de la RPL visaient à intimider498.
214. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la RPD et la RPL
«prenaient pour cible les gens de la rue qui étaient en faveur de l’unité de l’Ukraine ou qui
s’opposaient ouvertement à l’une ou l’autre des deux «républiques populaires»»499. Par exemple, les
circonstances entourant l’enlèvement de M. Rybak ⎯ en public, quelques heures après qu’il eut tenté
de remplacer le drapeau de la RPD par celui de l’Ukraine devant une foule de curieux ⎯ étaient
clairement destinées à intimider la population civile d’Horlivka et de toute l’Ukraine orientale en
indiquant que la résistance serait punie.
215. Le contexte de ces actes d’hostilité dirigés contre les civils a lui aussi son importance en
ce qu’il témoigne de l’objectif de «contraindre un gouvernement … à accomplir ou à s’abstenir
d’accomplir un acte quelconque»500. Ces actes ont eu lieu alors que la RPD et la RPL réclamaient
une plus grande autonomie par rapport aux autorités ukrainiennes centrales. En prenant pour cible
des partisans de l’unité de l’Ukraine, les groupes armés faisaient savoir auxdites autorités qu’ils
étaient prêts à sacrifier la vie de civils innocents tant que leurs revendications politiques, y compris
concernant la modification de la structure constitutionnelle du pays, ne seraient pas satisfaites.
216. Bien documentée, la vague d’attentats dirigés par la RPD et la RPL contre des civils en
particulier réunit donc les deux éléments de la définition de l’acte terroriste énoncée à l’alinéa b) du
paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
C. La destruction de l’appareil assurant le vol MH17 constitue un acte terroriste
au sens de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT
217. Aidée encore par la Fédération de Russie, la RPD a rapidement été en mesure de se livrer
à des actes de terreur sur une plus grande échelle et avec des conséquences plus meurtrières. Comme
il est exposé en détail à la section B du chapitre 1, le 17 juillet 2014, la RPD a abattu l’appareil civil
496 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014) p. 7, par. 26 (les italiques sont de nous)
(annexe 296) ; voir également HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), p. 3, par. 4
(rapportant que les attaques lancées par les groupes armés avaient plongé la population civile de Donetsk et de Louhansk
dans une «atmosphère d’intimidation et ainsi répandu la peur») (annexe 46) ; HCDH, rapport annuel du Haut-Commissaire
des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (19 septembre 2014), par. 16
(«Le fait que les groupes armés font régner la peur et l’intimidation est attesté par les rapports de la Mission de surveillance
des droits de l’homme en Ukraine. La mobilisation forcée et la menace de se voir infliger la peine de mort ont constitué
des moyens supplémentaires pour terroriser la population du territoire se trouvant sous le contrôle des groupes armés.»)
(annexe 47).
497 OSCE, Thematic Report: Internal Displacement in Ukraine (12 August 2014), p. 5 et 6 (annexe 316).
498 Voir Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-[98-29/1-T], Appeals Chamber Judgment ([12] November
2009), p. 18, par. 37 (où «la terreur effectivement répandue» est considérée comme permettant d’établir que «le but
principal» des violences était bien de «répandre la terreur parmi la population civile», ainsi que l’exige la définition du
crime de guerre qu’est la terrorisation) (annexe 467).
499 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 207 (annexe 46).
500 CIRFT, article 2, par. 1, alinéa b).
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assurant le vol MH17 au moyen d’un missile Bouk fourni par la Fédération de Russie. Cet attentat
aux conséquences à la fois tragiques et horribles allait aussi à l’encontre de l’article premier de la
convention de Montréal et était donc visé par l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
218. Voici le libellé de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article premier de la convention de
Montréal :
«Commet une infraction pénale toute personne qui illicitement et
intentionnellement :
b) Détruit un aéronef en service ou cause à un tel aéronef des dommages qui le rendent
inapte au vol ou qui sont de nature à compromettre sa sécurité en vol»501.
219. Le paragraphe 1 de l’article 4 de la convention de Montréal dispose par ailleurs que
celle-ci «ne s’applique pas aux aéronefs utilisés à des fins militaires, de douane ou de police»502.
Ainsi, pour que soit consommée l’infraction définie à l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article premier
de la convention de Montréal, son auteur doit 1) avoir l’intention de détruire ou d’endommager un
aéronef en service, 2) agir illicitement et 3) détruire un aéronef civil ou lui causer des dommages.
Chacun de ces éléments est établi en ce qui concerne la destruction par la RPD de l’appareil assurant
le vol MH17.
220. Premièrement, il est incontestable que la RPD avait l’intention de détruire un aéronef en
service503. L’arme utilisée ⎯ un Bouk-TELAR, l’un des éléments d’une batterie de missiles
antiaériens complexe ⎯ est d’une grande efficacité et d’une grande précision pour détruire sa
cible504.
221. Deuxièmement, la destruction de l’appareil assurant le vol MH17 était «illicite»,
puisqu’elle n’a pas été effectuée «avec une autorisation légale ou en légitime défense ou avec une
autre justification en droit»505. Les groupes armés qui exerçaient leurs activités illicitement en
Ukraine n’avaient aucune justification valide, que ce soit en droit ukrainien ou en droit international,
pour tirer sur un aéronef.
222. Enfin, l’exclusion des aéronefs utilisés à des fins militaires prévue à l’article 4 de la
convention n’a pas d’application en l’occurrence, puisque l’appareil assurant le vol MH17 était
indiscutablement un aéronef civil. Suivant une interprétation du sens ordinaire des articles 1 et 4 de
la convention de Montréal et compte tenu de l’économie globale de celle-ci, la nature civile ou
militaire de l’aéronef est un élément déterminant de l’infraction du point de vue de la compétence.
Aux termes de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article premier, commet une infraction quiconque
«intentionnellement … [d]étruit un aéronef en service ou cause à un tel aéronef des dommages»506.
501 Convention de Montréal, article 1, par. 1, alinéa b).
502 Ibid., article 4, par. 1.
503 Aux termes de l’article 2 de la convention de Montréal, un aéronef est considéré comme étant «en service»
lorsqu’il se trouve «en vol». Ibid., article 2, alinéa b). Il n’est pas contesté que l’appareil en cause était en vol lorsqu’il a
été abattu.
504 Voir de manière générale le rapport Skorik (annexe 12).
505 Organisation de l’aviation civile internationale, Conférence internationale de droit aérien, Montréal,
septembre 1971, vol. II : Documents (1973), p. 30, par. 5.3 (1973).
506 Convention de Montréal, article 1, par. 1, alinéa b) (les italiques sont de nous).
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On ne trouve dans cette disposition aucun élément d’intention associé à la nature civile ou militaire
de l’appareil. Cette neutralité d’approche quant au statut de la victime n’est pas inhabituelle. Par
exemple, selon la convention régissant les attentats dirigés contre les «personnes jouissant d’une
protection internationale» (laquelle, à l’instar de la convention de Montréal, est incorporée par renvoi
à l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT), une infraction est commise dès lors que la
victime (un diplomate, par exemple) a droit à la protection en cause, mais il n’est pas exigé que
l’accusé ait su que tel était le cas507. De même, sous le régime de la convention de Montréal, lorsque
les éléments prévus à l’article premier sont réunis (intention de détruire un aéronef et destruction
illicite de celui-ci) et pour peu que l’article 4 n’entre pas en jeu par ailleurs (c’est-à-dire que l’aéronef
détruit soit un aéronef civil et non militaire), l’infraction est consommée. L’accusé ne peut se
défendre en affirmant qu’il entendait seulement détruire (illicitement) un aéronef servant à des fins
militaires.
223. Qui plus est, quand bien même il devrait être établi que l’intention était celle de détruire
un aéronef de nature civile, c’est sciemment que la RPD a déployé une batterie antiaérienne puissante
dans un espace aérien où la circulation des aéronefs civils était intense508. Comme l’explique
M. Skorik, «les capacités techniques du Bouk-M1 TELAR ne permettent pas de distinguer avec
exactitude les aéronefs civils des cibles militaires»509. Il est «extrêmement dangereux pour les
aéronefs civils» de déployer un Bouk-TELAR sans l’appui d’un système de contrôle du combat et
dans un climat de haute tension où le choix d’une cible doit être fait en quelques secondes510. La
destruction d’un tel aéronef était la conséquence naturelle du déploiement d’un Bouk-TELAR en
présence d’aéronefs civils511.
224. La destruction de l’appareil assurant le vol MH17 comporte donc tous les éléments de
l’infraction définie à l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article premier de la convention de Montréal et,
partant, constitue un acte visé à l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT512.
D. Les tirs d’artillerie lancés par la RPD contre des secteurs civils constituent
des actes terroristes au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1
de l’article 2 de la CIRFT
225. Indifférents à la réprobation exprimée par l’ensemble de la communauté internationale à
la suite de la destruction de l’appareil assurant le vol MH17, les intermédiaires de la Russie se sont,
six mois plus tard, rendus coupables de trois autres actes terroristes majeurs en procédant à des tirs
507 Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection
internationale, y compris les agents diplomatiques, 14 décembre 1973, RTNU, vol. 1035, p. 167 ; voir UNODC, Legislative
Guide to the Universal Anti-Terrorism Conventions and Protocols 12-13 (2008) ; voir aussi Prosecutor v. Tadic,
Case No. IT-94-1-A, Appeals Chamber Judgment (15 July 1999), p. 112, par. 249 («L’Accusation a par ailleurs raison
d’affirmer que la condition de l’existence d’un conflit armé est un «élément constitutif de la compétence et non de
l’intention requise pour les crimes contre l’humanité» (c’est-à-dire qu’elle ne s’attache pas à la composante subjective du
crime).») (annexe 463).
508 Voir ci-dessus, chapitre 1, section B.
509 Rapport Skorik, par. 28 (annexe 12).
510 Ibid., par. 31.
511 Voir Prosecutor v. Galic, Case No. IT-98-29-T, Trial Chamber Judgment (5 December 2003), par. 415-416 (il
est constaté que «les soldats du SRK tiraient sans savoir si les mouvements qu’ils apercevaient sur la piste étaient le fait de
civils ou de soldats habillés en civil» et conclu que «les tirs indiscriminés contre les personnes qui traversaient la piste
d’atterrissage permettent d’établir qu’il était notoire et admis que les forces du SRK tiraient indistinctement sur des civils»)
(annexe 464).
512 Bien qu’il suffise d’établir que la destruction de l’appareil assurant le vol MH17 est visée en tant qu’elle tombe
sous le coup de la convention de Montréal, il se trouve qu’elle constitue également un acte relevant de l’alinéa b) du
paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
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d’artillerie sur des secteurs habités de l’Ukraine orientale au cours d’une période de 30 jours marquée
par une intense activité diplomatique. Ces attaques ont causé la mort de plus de 50 civils et en ont
blessé au moins 170 de plus. Chacune d’entre elles était constitutive d’un acte de terrorisme tel que
visé par l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
1. Les tirs d’artillerie dirigés par la RPD contre un autobus civil à Volnovakha constituent
un acte terroriste visé par l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT
226. Comme il est expliqué à la section C du chapitre 1, le 13 janvier 2015, la RPD a procédé
à des tirs d’artillerie contre un poste de contrôle civil à Volnovakha. L’un des obus a explosé à
proximité d’un autobus civil, tuant 12 civils à bord et en blessant 19 autres. Il s’agit là d’un acte de
terrorisme visé par l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
227. En attaquant le poste de contrôle, les combattants de la RPD entendaient tuer ou blesser
grièvement des civils. Le poste de contrôle de Buhas ne présentait aucun intérêt particulier pour le
conflit en cours et il n’existait aucune raison d’ordre militaire pour l’attaquer. Au contraire, il servait
au contrôle et, au besoin, à la fouille des véhicules civils circulant depuis le territoire sous le contrôle
de l’Etat ukrainien, tout comme un poste de contrôle situé le long d’une véritable frontière513. Il
n’avait aucun rôle offensif à jouer dans le cadre du conflit armé et, à en juger par les effectifs
restreints qui y étaient affectés, il n’aurait su jouer de réel rôle défensif en cas d’attaque organisée514.
Le général Christopher Brown, spécialiste retraité de l’armée britannique après plus de
trente-six années de service d’active, a fourni à la Cour un avis d’expert sur les tirs d’artillerie dirigés
contre les villes ukrainiennes. Dans les circonstances, il s’est dit «incapable de trouver une
quelconque justification militaire à l’attaque du poste de contrôle»515 et explique ce qui suit :
«Il est difficile de soutenir que le poste de contrôle de Volnovakha prenait
activement part aux hostilités ou que sa destruction offrait à la RPD un quelconque
avantage militaire. Il semblerait qu’il ait continué à exercer sa fonction civile historique
de contrôle des véhicules, avec le renfort toutefois de personnel armé afin d’offrir un
degré de protection supplémentaire aux forces de police s’y trouvant affectées, et de
contrôler en sus les mouvements d’armes et d’éléments séparatistes. Rien ne laisse
penser que le poste de contrôle ait joué un quelconque rôle offensif ; de fait, au vu de sa
taille et de celle de ses effectifs, il n’aurait tout au plus pu opposer de véritable défense
que contre une poignée d’assaillants équipés d’armes de petit calibre. S’il ne fait pas de
doute que le poste de contrôle pouvait avertir les forces armées ukrainiennes d’une
attaque imminente le long de la route menant à Volnovakha, tout éventuel avantage
d’une attaque militaire conventionnelle sur ce poste, que ce soit par agression directe ou
par des tirs indirects, pèserait à mon avis trop peu par rapport au gaspillage de ressources
occasionné et à la perte de l’effet de surprise s’il s’agissait d’un acte précurseur d’une
attaque de plus grande ampleur.»516
228. Si l’attaque ne s’explique guère d’un point de vue militaire, il en va tout autrement
lorsqu’on l’aborde dans l’optique d’un acte destiné à porter préjudice à la population civile.
Quiconque connaît la région sait bien que le poste de contrôle était situé le long d’une autoroute très
passante et qu’il s’y trouvait généralement, comme au jour de l’attaque, une longue file de véhicules
513 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 1).
514 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 1) ; rapport Brown, par. 27 (annexe 11).
515 Rapport Brown, par. 27 (annexe 11).
516 Ibid. (renvois internes omis).
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à l’arrêt517. Pour qui souhaitait s’en prendre aux civils, le poste de contrôle constituait une cible
logique et alléchante. Force est de conclure que les militants de la RPD entendaient attaquer la longue
file de véhicules civils qui ne manqueraient pas de s’y trouver518.
229. A tout le moins, la RPD savait qu’il en résulterait de grandes souffrances pour la
population civile dans le cours normal des événements. L’utilisation d’un BM-21 de type Grad contre
une cible de la taille d’un poste de contrôle, située dans un lieu où la circulation des véhicules civils
était intense, participait à tout le moins d’une attaque sans discrimination qui aurait pour résultat
certain d’infliger à des civils de grandes souffrances. Ainsi que l’explique le général Brown, ce type
de batterie d’artillerie est conçu pour attaquer toute une zone plutôt qu’une cible de petite dimension
comme un poste de contrôle519. A supposer que celui-ci ait été la cible véritable et ait été visé avec
précision, ce que rien ne prouve,
«[i]l était, au vu du système d’armes choisi et de sa méthode de visée, impossible
d’atteindre le poste de contrôle sans frapper aussi la route et les véhicules civils qui s’y
trouvaient ; de fait, les attaquants devaient savoir que leur acte aurait des conséquences
plus graves pour la route et les véhicules que pour le poste de contrôle»520.
Il est impossible que la RPD ait pu — apparemment avec l’aide de véhicules aériens sans pilote
chargés de surveiller la région à la veille de l’attaque521 — diriger en plein jour des roquettes de type
Grad contre un poste de contrôle où se trouvaient de nombreux civils sans se douter de la
conséquence pour ainsi dire certaine qui en résulterait pour ceux-ci.
517 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 1).
518 Voir Le Procureur c. Pavle Strugar, affaire no IT-01-42-T, jugement, 31 janvier 2005, par. 193, 288 (où il est
déduit de l’absence de «positions de tir ou d’armes lourdes» que l’intention était «de tirer sur des civils»).
519 Rapport Brown, par. 14 (annexe 11).
520 Ibid., par. 39.
521 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 1).
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Carte 10 : Zone d’impact estimative en cas d’attaque ciblant le poste de contrôle de Buhas522
Légende :
Detonations = Détonations
Civilian Bus = Autobus civil
522 La zone en grisé (à l’échelle) représente l’étendue de la zone d’impact estimative autour du point de contrôle.
Voir rapport Brown, par. 29 et 30 et figure 1 (annexe 11).
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Vehicles = Véhicules
Checkpoint Buildings = Bâtiments du poste de contrôle
Buhas Checkpoint = Poste de contrôle de Buhas
Russia = Russie
230. La nature et le contexte de l’attaque montrent également que, en tirant sur le poste de
contrôle, la RPD s’était donné pour objectif d’intimider la population civile. Le fait qu’elle a tiré
intentionnellement et en plein jour sur un poste de contrôle civil établit cet objectif523. Et l’emploi à
cette fin d’une batterie lance-roquettes multiples de type Grad, arme dont le nom signifie «grêle», ne
fait que renforcer cette conclusion, ainsi que l’explique le général Brown :
«Les tirs surprise d’une batterie lance-roquettes multiples ont pour effet de
déstabiliser et de surprendre le personnel militaire présent sur place, à supposer qu’il
échappe à la mort et aux blessures. Il s’agit d’une arme dont la surface d’action est si
vaste qu’il est impossible de fuir, même au moyen d’un véhicule, de sorte que de tels
tirs sèment la terreur, la confusion et la panique. L’effet d’un feu de saturation sans
préavis combiné au bruit des explosions multiples est terrifiant et provoque un sentiment
d’impuissance. Les conséquences psychologiques sur les civils sont semblables, voire
amplifiées»524.
231. De plus, le fait de prendre pour cible des «lieux connus pour être fréquentés dans le cadre
de la vie quotidienne, notamment … les transports en commun» est particulièrement intimidant pour
la population civile525. Le poste de contrôle de Buhas était un lieu civil par excellence : les civils
devaient y passer pour exercer leurs activités au jour le jour, notamment pour se rendre aux bureaux
de l’administration ukrainienne afin d’y toucher diverses prestations526. On ne peut que voir dans sa
destruction le signe qu’aucun aspect de la vie civile ne serait à l’abri de la menace constante d’une
attaque.
232. Les méthodes d’intimidation pratiquées par la RPD et la RPL tout au long du printemps
et de l’été 2014 font également partie du contexte dans lequel s’inscrit l’attaque contre le poste de
contrôle de Buhas. Les attaques de 2014 et de 2015 présentent un parallèle digne d’être mentionné,
en ce qu’elles révèlent que la RPD s’en prenait systématiquement à ceux qu’elle considérait comme
les alliés de l’Etat ukrainien. Le poste de contrôle de Buhas permettait aux civils ukrainiens de passer
du territoire pris par la RPD vers celui que contrôlaient toujours les autorités ukrainiennes, afin d’y
toucher les pensions et autres prestations sociales que leur versait l’Etat527. Tout comme l’assassinat
de M. Rybak a montré clairement à quoi devaient s’attendre ceux qui manifestaient leur allégeance
au drapeau ukrainien, la destruction d’un autobus rempli de pensionnés près de Volnovakha adressait
un message à tous ceux qui s’aviseraient de passer en territoire contrôlé par l’Etat pour y toucher des
prestations sociales.
523 Voir ci-dessus, chapitre 4, section A.
524 Rapport Brown, par. 17 (renvois internes omis) (annexe [11]).
525 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-98-29/1-T, Trial Chamber Judgment (12 December 2007),
p. 291, par. 881 (annexe 466) ; voir également Resolution of the Plenum of the Supreme Court of the Russian Federation,
No. 1 of 9 February 2012, “On Some Aspects of Judicial Practice Relating to Criminal Cases on Crimes of Terrorist
Nature”, par. 3 (il est souligné que «les tirs dirigés contre … les maisons, écoles, hôpitaux [et] bâtiments administratifs»
tendent à terrifier la population civile) (annexe 438).
526 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 1).
527 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 1).
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233. L’objectif d’intimidation suffit ainsi pour que soit établi le deuxième élément de
l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2, mais cet élément l’est également pour la raison
indépendante que, par sa nature ou son contexte, l’attaque visait à contraindre un gouvernement à
accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque. L’attaque lancée par la RPD contre la
population civile s’inscrivait dans ses objectifs politiques d’accroissement de l’autonomie par rapport
à Kyiv et de modification profonde de la structure constitutionnelle de l’Ukraine528.
234. La RPD n’avait pas que de vagues objectifs politiques : elle cherchait activement, pendant
la période où l’attaque a eu lieu, à obtenir des concessions de l’Etat ukrainien. Le groupe de contact
tripartite, composé de représentants de l’Ukraine, de la Fédération de Russie et de l’OSCE, et formé
pour trouver une solution diplomatique à la situation au Donbass, a tenu une réunion le 31 janvier
2015 à Minsk pour discuter des possibilités de cessez-le-feu529. Le lancement d’une attaque contre la
population civile à proximité du lieu des pourparlers de paix est une stratégie de négociation bien
connue530. Le contexte politique de l’attaque de Volnovakha renforce la conclusion selon laquelle les
auteurs de celle-ci ont voulu contraindre l’Etat ukrainien à accéder aux revendications de la RPD.
2. Les tirs d’artillerie lancés par la RPD contre un quartier résidentiel à Marioupol constituent
un acte terroriste visé à l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT
235. Le 24 janvier 2015, soit moins de deux semaines après l’attaque de Volnovakha, la RPD
s’est livrée à une nouvelle attaque à grande échelle contre la population civile, dirigée cette fois
contre le quartier résidentiel Vostochniy à Marioupol, ainsi que d’autres secteurs résidentiels situés
plus à l’ouest. Comme à Volnovakha, la RPD a eu recours à des BM-21 Grad. Trente civils, dont des
enfants, ont trouvé la mort et 118 ont été blessés531. En commettant cette atrocité, les militants de la
RPD se sont de nouveau rendus coupables d’un acte de terrorisme au sens de l’alinéa b) du
paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
236. En premier lieu, en tirant sur ce quartier résidentiel de Marioupol, la RPD entendait tuer
ou blesser grièvement des civils. Au moins quatre BM-21 Grad ont été utilisés pour lancer quelque
154 roquettes sur ce quartier pourtant densément peuplé, causant des dommages dans tout le quartier
et au-delà vers l’ouest532. Le secrétaire général adjoint aux affaires politiques a tiré au sujet de cette
attaque la conclusion qui s’imposait : la RPD avait pris pour cible un quartier résidentiel situé à
l’extérieur de la zone de combat533.
237. Une conversation interceptée montre que les attaquants eux-mêmes ont discuté de cet
objectif au cours de la nuit précédant l’attaque. Ponomarenko («Terroriste»), membre de la RPD, a
528 Voir ci-dessus, Introduction, section A.
529 OSCE, Statement by the Chairmanship on the Trilateral Contact Group Consultations in Minsk on 31 January
2015 (1 February 2015) (annexe 330).
530 Voir par exemple Michael G. Findley and Joseph K. Young, Terrorism, Spoiling, and the Resolution of Civil
Wars, 77 J. of Politics 115 (2015), p. 119 («La violence terroriste peut survenir à toute étape du processus et constitue l’un
des moyens permettant aux parties d’atteindre leurs objectifs. Tout au long du processus de paix, les groupes peuvent
simplement chercher à interrompre celui-ci provisoirement afin d’être ensuite en position de force au moment des
négociations ou de la mise en oeuvre») (annexe 495).
531 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 2).
532 Rapport Brown, par. 43 (annexe 11).
533 Nations Unies, Procès-verbal officiel des réunions du Conseil de sécurité, 7368e séance, doc. S/PV.7368
(26 janvier 2015), p. 2 (déclaration de Jeffrey Feltman, secrétaire général adjoint aux affaires politiques, selon laquelle les
attaquants ont «sciemment pris pour cible une population civile» dans une ville qui «se situe en dehors de la zone de conflit
immédiate») (annexe 307).
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alors demandé à son camarade Evdotiy («Pepel») de «l’anéantir, p***, je te dis, p***, celui-là, ce
p*** de Vostochniy». A quoi Evdotiy a répondu : «Je vais le faire. Je vais aussi m’occuper de
Vostochniy ce soir, t’inquiète»534. Et de fait, vers 9 h 15 le lendemain matin, la RPD a frappé
Vostochniy, ainsi que le secteur situé à l’ouest, au-delà de la rue Olimpiiska. Un guetteur de la RPD
a rapporté à 10 h 36 que l’attaque avait frappé «des habitations, des immeubles de neuf étages, des
résidences privées, le marché Kievskiy»535, et que, une demi-heure plus tard, une nouvelle salve de
roquettes de type Grad avait frappé le quartier de Vostochniy536.
238. Le général Brown a estimé que l’ensemble des circonstances entourant l’attaque
imposaient la même conclusion, à savoir que le secteur de Vostochniy était bien la cible. Au moment
de l’attaque, la garde nationale était responsable de la protection de Marioupol. Mais, comme
l’explique le général Brown, «[l]a distance séparant les différents postes de la garde nationale
ukrainienne du quartier résidentiel est trop grande pour que ceux-ci puissent être considérés comme
une cible plausible de l’attaque»537. Le plus rapproché était le poste de contrôle situé à la limite
septentrionale de la ville, loin du point d’impact moyen ; étant donné la distance et la vaste «étendue
de la zone d’impact effective», le général Brown en vient à la conclusion que «le poste de contrôle
du nord n’était pas la cible véritable de l’attaque»538. De plus, étant donné la taille et les fonctions du
poste de contrôle, une attaque n’aurait conféré aucun «avantage militaire apparent», à moins qu’elle
ne serve de prélude à une offensive terrestre, qui ne devait pas avoir lieu539. Tenant «compte de la
distance et de l’absence d’avantage militaire», le général Brown conclut qu’il est «hautement
improbable» que l’attaque ait eu pour objet de neutraliser le poste de contrôle540.
239. En outre, à supposer que les quatre BM-21 Grad aient tous, pour quelque raison, été
dirigés vers une seule cible de petite taille, la manoeuvre (indépendamment de son caractère
disproportionné) témoignerait tout de même d’une intention de mettre des civils en danger. Le
général Brown explique qu’«[i]l était, au vu du système d’armes choisi et de sa méthode de visée,
impossible d’atteindre le poste de contrôle du nord sans frapper aussi le quartier résidentiel».
Autrement dit, «[l]es attaquants devaient savoir que leurs actions toucheraient le quartier
résidentiel»541.
534 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 2).
535 Ibid.
536 Ibid.
537 Rapport Brown, par. 57 (annexe 11).
538 Ibid., par. 48.
539 Ibid., par. 58.
540 Ibid., par. 48.
541 Ibid., par. 59.
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Carte 11 : Zones d’impact estimatives en cas d’attaque ciblant le poste de contrôle du nord542
Légende :
Mariupol = Marioupol
Legend = Légende
Detonations = Détonations
Schools = Ecole
Church = Eglise
542 La zone en grisé (à l’échelle) représente l’étendue de la zone d’impact estimative compte tenu des paramètres
de l’attaque de Marioupol, à supposer que le poste de contrôle du nord en ait été la cible. Voir ibid., par. 51 et 52 et figure 2.
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Hospital = Hôpital
Residential = Secteur résidentiel
Park = Parc
Industrial/Commercial = Secteur industriel/commercial
Russia = Russie
240. En second lieu, la nature et le contexte de l’attaque montrent clairement que, en tirant sur
Marioupol, la RPD entendait intimider la population civile et contraindre l’Etat ukrainien. Comme
dans le cas de Volnovakha, la nature de l’attaque portée par la RPD — tirs intentionnels au moyen
d’une arme dont le nom évoque la «grêle» contre un secteur civil densément peuplé — atteste une
volonté d’intimidation. Pour reprendre les termes employés par la Cour de cassation italienne
lorsqu’elle a été appelée à interpréter la CIRFT, l’objectif naturel d’une telle attaque est de «répandre
la terreur et la panique au sein de la population locale»543. Les méthodes antérieures et bien
documentées, pratiquées tout au long du printemps et de l’été 2014 par la RPD, consistant à prendre
pour cible la population civile afin de l’intimider ne font, tout comme l’attaque lancée contre
Volnovakha moins de deux semaines auparavant, que renforcer cette conclusion.
241. Les membres de la RPD se sont même réjouis de la terreur qu’ils avaient engendrée.
Ponamerenko, qui avait réclamé l’attaque la veille de celle-ci, aurait émis à propos de Vostochniy
après le premier tir de barrage le souhait «que ces p*** d’ordures aient encore plus peur qu’avant»544.
242. La RPD a par ailleurs effectué les tirs d’artilleries qu’elle a dirigés sur Marioupol de
manière à renforcer au maximum l’effet d’intimidation. L’attaque a frappé toutes sortes de lieux
essentiels au quotidien545. Au total, 53 immeubles résidentiels, quatre établissements scolaires,
trois crèches, huit magasins, un bureau de poste, deux banques, une pharmacie et deux marchés ont
été touchés et endommagés546. Le moment choisi pour mener l’attaque a également contribué à son
effet de terreur : la RPD a ainsi lancé sa première salve au cours de la matinée d’un samedi, alors
qu’un grand nombre de civils étaient soit chez eux en famille, soit sortis faire leurs courses. Puis,
alors que les autorités ukrainiennes réagissaient à l’attaque, Vostochniy était frappé de nouveau547.
243. Un message était ainsi adressé aux civils ukrainiens de Marioupol : aucun lieu n’était sûr
et une nouvelle attaque pouvait survenir à tout moment. Il ne faut donc pas s’étonner que les habitants
aient été terrorisés et que certains d’entre eux aient carrément fui Marioupol548. La terreur
effectivement vécue par les habitants de Marioupol accrédite la thèse d’un objectif d’intimidation de
la part de la RPD549.
244. Comme dans le cas de l’attaque de Volnovakha, l’élément intentionnel requis à l’alinéa b)
du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT est également établi pour une autre raison indépendante.
En tirant à l’artillerie sur Marioupol, la RPD tentait de contraindre l’Etat ukrainien à accéder à ses
543 Voir par exemple Italy v. Abdelaziz and ors, Final Appeal Judgment, No. 1072, 2007, 17 Guida al Diritto 90,
ILDC 559, Supreme Court of Cassation, Italy, 17 janvier 2007, par. 4.1 (annexe 473).
544 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 2).
545 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-98-29/1-T, Trial Chamber Judgment (12 December 2007),
p. 291, par. 881 (annexe 466).
546 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 2).
547 Voir ibid.
548 Voir ibid.
549 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-02-54, Appeals Chamber Judgment (19 November 2009),
par. 37 (annexe 468).
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revendications politiques, y compris la modification de sa structure constitutionnelle, afin d’obtenir
une plus grande autonomie550. La RPD a attaqué Marioupol une semaine seulement avant la réunion
prévue du groupe de contact tripartite et dans la foulée de l’attaque lancée contre la population civile
de Volnovakha moins de deux semaines plus tôt. La nature et le contexte de l’acte montrent que
l’objectif de la RPD était d’intensifier la pression sur le gouvernement ukrainien, à l’approche de
cette rencontre, dans l’espoir que celui-ci se plierait à ses demandes plutôt que de risquer d’exposer
les civils innocents à de nouvelles souffrances.
3. Les tirs d’artillerie dirigés par la RPD contre un quartier résidentiel à Kramatorsk
constituent un acte terroriste au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de
la CIRFT
245. Insensible à la réprobation manifestée par la communauté internationale à l’égard des
attaques commises contre Volnovakha et Marioupol, la RPD s’en est de nouveau prise à la population
civile dans l’est de l’Ukraine. Le 10 février 2015, soit moins de dix jours après la réunion du groupe
de contact tripartite, et la veille du jour fixé pour la poursuite des pourparlers de paix avec
l’Allemagne et la France, elle a tiré sur un quartier résidentiel à Kramatorsk, tuant sept civils et en
blessant 26 autres, dont cinq enfants. Cette attaque constitue elle aussi un acte de terrorisme au sens
de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT.
246. Premièrement, la RPD entendait tuer ou blesser grièvement des civils. Ainsi que
l’explique le général Brown, «rien n’indique la présence, dans le quartier résidentiel de Kramatorsk,
d’objectifs militaires qui auraient pu justifier que celui-ci soit la cible d’une salve de BM-30»551. Si
l’aérodrome situé à quelque deux kilomètres du quartier résidentiel pouvait être considéré comme
une cible militaire légitime, le général Brown en vient néanmoins à la conclusion que, vu leur
dispersion, «il n’est pas plausible que les bombes de petit calibre qui sont tombées sur le quartier
résidentiel … aient eu l’aérodrome pour cible»552.
247. Selon le général Brown, l’arme utilisée contre Kramatorsk est un BM-30 Smerch,
lance-roquettes de haute précision dont les caractéristiques, y compris la détermination automatique
de la direction des tirs, ont été conçues pour réduire les erreurs de visée553. La présence de véhicules
aériens sans pilote a également été signalée dans la région au moment de l’attaque, ce qui ne pouvait
que contribuer à la fiabilité554. Etant donné la précision du BM-30 Smerch, le général Brown estime
qu’«[i]l est hautement improbable que les tireurs, même mal formés ou dirigés, aient pu commettre
par inadvertance une erreur de cette ampleur, et ce, a fortiori s’ils étaient compétents et bénéficiaient
des repérages réalisés par les véhicules aériens sans pilote»555.
550 Voir Prosecutor v. Ayyash et al., Case No. STL-11-01, Interlocutory Decision on the Applicable Law:
Terrorism, Conspiracy, Homicide, Perpetration, Cumulative Charging (Special Trib. for Lebanon, 16 February 2011),
par. 106 (annexe 469).
551 Rapport Brown, par. 67 (annexe 11).
552 Ibid., par. 73 et 76. L’aérodrome, où se trouvait le siège de l’opération antiterroriste (ATO), a lui aussi été frappé
le même jour et des civils y ont été grièvement blessés. L’analyse des points d’impact à l’aérodrome tend à appuyer la
conclusion du général Brown selon laquelle les bombes de petit calibre qui sont tombées sur le quartier résidentiel n’avaient
pas pour cible l’aérodrome. Ibid.
553 Ibid., par. 62.
554 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 3).
555 Rapport Brown, par. 73 (annexe 11).
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248. Cette conclusion est en outre renforcée par le fait que nombre des bombes de petit calibre
sont tombées en plein milieu du quartier résidentiel de Kramatorsk. Le général Brown ajoute qu’«il
y a lieu de considérer avec le plus grand scepticisme l’idée que ce puisse être par erreur que les
missiles auraient, par coïncidence, frappé le secteur civil plutôt que le terrain de l’aérodrome visé»556.
La véritable explication est en réalité la plus simple : la RPD entendait prendre pour cible le quartier
résidentiel et s’en prendre à la population civile qu’elle y savait présente.
Carte 12 :Zone d’impact estimative en cas d’attaque ciblant l’aérodrome557
Residential Detonations = Déflagration dans le secteur résidentiel
Airfield Detonations = Déflagration à l’aérodrome
Residential = Secteur résidentiel
Park = Parc
Industrial = Zone industrielle
Airfield and Base = Aérodrome
Russia = Russie
249. Un aérodrome a bien été frappé par une salve de roquettes distincte. La RPD devait
néanmoins savoir que celles-ci allaient aussi faire des victimes parmi les civils ne participant pas au
conflit armé. Ainsi que l’explique le général Brown, on pouvait s’attendre à ce que les éléments
556 Ibid.
557 La zone en grisé (à l’échelle) représente l’étendue de la zone d’impact estimative autour de l’aéroport compte
tenu des paramètres de l’attaque de Kramatorsk. Voir ibid., par. 69 et 70, et figure 3.
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«porteurs» des roquettes (c’est-à-dire les engins assurant le déplacement des bombes de petit calibre)
poursuivent leur trajectoire au-delà de l’aérodrome et tombent sur le quartier résidentiel, faisant des
victimes parmi la population civile558.
250. Deuxièmement, la nature et le contexte de cette attaque démontrent que l’objectif de la
RPD était d’intimider et de contraindre. Le BM-30 Smerch est un puissant lance-roquettes multiples
et son utilisation contre la population civile atteste que la RPD s’était donné pour but de terroriser
celle-ci. Cette conclusion se trouve renforcée par les épisodes antérieurs, notamment les deux
attaques meurtrières des semaines précédentes, où la RPD avait pris la population civile pour cible
afin de l’intimider.
251. Les lieux touchés et le moment choisi pour l’attaque indiquent également que l’objectif
des tirs était d’intimider les civils ukrainiens. Comme à Marioupol, de multiples lieux éminemment
civils ont été frappés à Kramatorsk, dont seize immeubles résidentiels, une crèche, une école d’art et
un hôpital local559. Les tirs d’artillerie ont été lancés à une heure du jour ⎯ vers midi ⎯ où il était à
prévoir que les civils seraient dehors et plus susceptibles d’être touchés.
252. L’emplacement choisi pour le lancement des tirs tend également à confirmer que la RPD
a commis l’attaque dans le dessein d’intimider la population civile. Ainsi que le fait remarquer le
général Brown, il se trouvait d’autres lieux près de Horlivka depuis lesquels la RPD aurait pu viser
l’aérodrome tout en faisant en sorte qu’aucun des éléments propulseurs des roquettes ne tombe sur
les quartiers résidentiels de Kramatorsk :
«A supposer même que seul l’aérodrome ait été pris pour cible et que la
manoeuvre ait été exécutée avec précision, le choix de l’arme et du site de lancement
dans le secteur de Horlivka a rendu inévitable la chute des éléments porteurs sur les
quartiers résidentiels civils de Kramatorsk. Cette décision fatale aurait été moins lourde
de conséquences si le site de lancement avait été fixé au sud-ouest de Horlivka, car les
risques de chute des éléments porteurs sur les secteurs civils de Kramatorsk en auraient
été réduits. Si l’on avait choisi comme site de lancement la région de Yasynuvata,
l’angle séparant le site de lancement de la cible représentée par l’aérodrome aurait été
de 345 degrés, de sorte que la plus grande partie des éléments porteurs seraient tombés
sans causer de dégâts sur les terrains vagues situés au nord de l’aérodrome.»560
En somme, comme l’explique le général Brown, «une fois choisis le système d’armes et le site de
lancement, il était inévitable que les éléments porteurs tombent sur les quartiers résidentiels civils.
Les attaquants devaient savoir que leurs actes auraient des répercussions sur les secteurs civils»561.
253. Que la RPD ait néanmoins choisi de lancer l’attaque depuis Horlivka confirme qu’au
moins un des objectifs ainsi poursuivis était d’intimider la population civile de Kramatorsk. En tirant
depuis Horlivka, qui se situe à quelque 70 kilomètres de Kramatorsk, la RPD faisait savoir aux civils
558 Ibid., par. 77
(«Quand bien même toutes les roquettes auraient visé exclusivement l’aérodrome et les tirs auraient
été exécutés avec précision, il était prévisible que les éléments porteurs s’abattent sur le quartier résidentiel.
Étant donné que ces éléments font partie du missile autant que les sous-munitions, les tireurs devaient savoir
qu’ils atterriraient à une distance de plusieurs kilomètres au-delà du point d’impact des bombes, faisant
assurément des victimes parmi les civils»).
559 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 3).
560 Rapport Brown, par. 74 (annexe 11).
561 Ibid., par. 78.
158
- 106 -
de la région, qui se croyaient peut-être à l’abri du danger, que, de fait, leur vie et leur intégrité
corporelle étaient menacées par les missiles et débris s’abattant sur leur quartier sans préavis et en
plein jour. Et le message a été compris : avant la fin de 2015, la ville s’était vidée de quelque 1500
de ses habitants, en conséquence de l’attaque de Kramatorsk562.
254. Enfin, tout comme à Volnovakha et à Marioupol, le moment choisi pour l’attaque eu
égard aux négociations politiques qui se déroulaient révèle que la RPD s’en est prise à la population
civile de Kramatorsk afin de renforcer sa position à la table des négociations et, partant, d’atteindre
ses objectifs politiques. Lors de la réunion du groupe de contact tripartite du 31 janvier 2015, rares
étaient les progrès qui avaient été accomplis, parce que «les signataires [du protocole et du
mémorandum de Minsk] de Donetsk et de Louhansk n’assistaient pas» aux négociations et que
«[l]eurs représentants présents … [avaient] demandé la révision du protocole et du mémorandum»563.
Au lendemain de ces pourparlers, voués à l’échec, la pression internationale en faveur d’un
cessez-le-feu et d’une solution pacifique au conflit s’est intensifiée. Le 7 février 2015, l’Allemagne
et la France ont proposé un nouveau plan de paix564 et un sommet réunissant leurs dirigeants ainsi
que ceux de la Russie et de l’Ukraine a été programmé à ce sujet pour le 11 février 2015565. La veille
du jour fixé, une pluie de bombes s’est abattue sur Kramatorsk. Ce contexte élargi donne fortement
à penser que la RPD a attaqué la population civile de Kramatorsk, loin de la ligne de feu, afin de
contraindre les autorités ukrainiennes à céder à ses revendications politiques.
4. Les tirs et attaques d’artillerie répétés que la RPD a dirigés contre la population civile à
Avdiivka sur une période de plusieurs semaines constituent des actes terroristes au sens de
l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2
255. Les tirs d’artillerie sans discrimination dirigés des semaines durant par la RPD contre des
quartiers résidentiels d’Avdiivka constituent également des actes terroristes au sens de l’alinéa b) du
paragraphe 1 de l’article 2.
256. En premier lieu, ces attaques étaient destinées à tuer ou à blesser grièvement des civils.
Même s’il se trouvait des positions militaires actives le long de la limite méridionale de la ville, cela
n’explique pas les nombreux cas de tirs de mortier et de roquettes qui ont frappé loin de ces cibles
militaires. Ainsi, les combattants de la RPD ont déployé des roquettes de type Grad et tué un civil
dans la rue Zavodska, secteur résidentiel situé «à plus de deux kilomètres des positions des forces
armées ukrainiennes les plus proches»566. Les intermédiaires de la Russie ont en outre fait ample
usage de pièces d’artillerie et de mortiers, lesquels, ainsi que l’explique le général Brown, ont
beaucoup plus de précision que les armes de type Grad567 ; or nombre des cibles atteintes par la RPD
«étaient beaucoup trop éloignées de toute position des forces armées ukrainiennes pour que les tirs
puissent être raisonnablement considérés comme dirigés contre des cibles militaires»568. En frappant
562 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 3).
563 OSCE, Statement by the Chairmanship on the Trilateral Contact Group Consultations in Minsk on 31 January
2015 (1 February 2015) (annexe 330).
564 Stephen Brown and Noah Barkin, “Merkel Rules Out Arming Ukraine Government But Unsure Peace Push Will
Work”, Reuters (7 February 2015) (annexe 557).
565 Vladimir Soldatkin and Pavel Polityuk, ““Glimmer of Hope” for Ukraine After New Ceasefire Deal”, Reuters
(12 February 2015) (annexe 560).
566 Rapport de l’IPHR, p. 49 (annexe 454).
567 Rapport Brown, par. 88 à 93 (annexe 11).
568 Ibid., par. 95 ; voir également ci-dessus, chapitre 1, section C 4).
159
160
- 107 -
des secteurs civils éloignés de toute cible militaire, la RPD entendait s’en prendre à la population
civile.
257. La RPD devait également savoir que, en déployant nombre de roquettes de type Grad et
d’obus d’artillerie dans toute la ville, elle allait causer de graves souffrances à la population civile.
Le recours à des roquettes de type Grad dans des secteurs résidentiels est particulièrement significatif,
puisque les cibles militaires d’Avdiivka se trouvaient à la portée d’armes plus précises (que la RPD
a d’ailleurs utilisées dans d’autres cas)569. Ainsi, selon le général Brown, «[l]’utilisation de BM-21
dans un secteur urbain ne pouvait manquer de causer des pertes civiles. Les attaquants devaient savoir
que leurs actes feraient des victimes au sein de la population civile»570. La RPD a poursuivi dans
cette optique en continuant d’utiliser des batteries de type Grad contre la ville d’Avdiivka, pleinement
consciente des souffrances que ces attaques causeraient à la population civile.
258. En second lieu, la nature et le contexte des attaques attestent que la RPD entendait
intimider la population civile en tirant sur Avdiivka. Cette conclusion est en outre renforcée par
l’emploi sans discrimination de roquettes et de pièces d’artillerie de type Grad, compte tenu des
épisodes antérieurs où la RPD avait eu recours à de telles armes pour intimider les civils et de sa
décision de tirer sur des cibles civiles. De nombreuses habitations civiles ont été touchées par les tirs
d’artillerie, ainsi qu’une crèche, un hôpital et des bâtiments civils commerciaux571. Ont également
été frappés divers éléments d’infrastructure civile essentiels, notamment la centrale électrique qui
assurait le chauffage de toute la ville alors aux prises avec un froid intense. Le général Brown en
vient à la conclusion qu’il est «difficile d’imaginer» une raison d’ordre militaire qui aurait pu justifier
l’attaque de l’usine de coke d’Avdiivka572. De fait, cette attaque a contribué à la situation d’urgence
humanitaire dans laquelle étaient plongés les civils à Avdiivka, ainsi que l’observateur en chef de
l’OSCE en a informé le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies573. Le choix de cette
cible, conjugué aux tirs sans discrimination auxquels s’était déjà livrée la RPD, témoigne de
l’intention d’intimider la population civile de la ville dans son ensemble.
259. L’effet d’intimidation s’est en outre trouvé renforcé par le fait que les tirs d’artillerie et
autres attaques ont eu lieu à des moments apparemment imprévisibles sur une période de plus d’un
mois. Le TPIY s’est appuyé sur la preuve d’attaques imprévisibles et répétées contre la population
civile pour conclure à l’intention de terroriser celle-ci, et c’est précisément à ce type d’attaques que
la RPD a procédé à Avdiivka574. Enfin, la terreur effectivement semée parmi la population civile
569 Rapport Brown, par. 80, 85, 86 et 95 (annexe 11).
570 Ibid., par. 96.
571 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 4).
572 Rapport Brown, par. 84 (annexe 11).
573 Nations Unies, Procès-verbal officiel des réunions du Conseil de sécurité, 7876e séance, doc. S/PV.7876
(2 février 2017), p. 4 (annexe 315).
574 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-98-29/1-T, Trial Chamber Judgment (12 December 2007),
p. 291, par. 881 (où il est dit que «les attaques prolongées et incessantes dirigées contre les civils … peuvent être
considérées comme des indices de l’intention de répandre la terreur») (annexe 466) ; voir Prosecutor v. Zejnil Delalić,
Zdravko Mucić, Hazim Delić, Esad Landzo, Case No. IT-96-21-T, Trial Chamber Judgment (16 November 1998), p. 372,
par. 1091
(«la Chambre de première instance conclut que les prisonniers du camp de détention de Čelebići étaient
confrontés à des conditions de vie telles qu’ils étaient constamment en proie à l’angoisse et à l’appréhension
de violences physiques. Les actes de cruauté et de violence qui y étaient fréquemment commis, aggravés
par leur caractère imprévisible et par les menaces proférées par les gardiens, faisaient subir aux détenus des
pressions psychologiques intenses engendrant un climat que l’on peut effectivement qualifier de «terreur»»)
(annexe 462).
161
- 108 -
d’Avdiivka accrédite l’inférence selon laquelle la RPD entendait intimider celle-ci575. Nombreux sont
ceux que la peur a amenés à quitter la ville576.
260. Le contexte plus large montre aussi que les attaques lancées par la RPD contre la
population civile d’Avdiivka avaient pour but de soutirer d’autres concessions politiques aux
autorités ukrainiennes. Environ une semaine avant le début des attaques, une nouvelle administration
américaine est entrée en fonction, plaçant dans l’incertitude politique l’Ukraine ainsi que la Russie
et ses intermédiaires. Comme elle l’avait fait dans le climat politique tendu qui existait deux ans
auparavant, la RPD a profité d’un moment d’incertitude géopolitique pour redoubler ses pressions
sur les autorités ukrainiennes et les amener à prendre acte de ses revendications politiques.
E. Les attentats à l’explosif commis dans diverses villes ukrainiennes constituent des actes
terroristes au sens de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT
261. Les intermédiaires de la Russie n’ont pas limité leur campagne de terreur à la région du
Donbass. Tandis que la RPD, la RPL et d’autres groupes armés attaquaient les civils à Donetsk et à
Louhansk, les Partisans de Kharkiv et d’autres se livraient à une série d’attentats à l’explosif à
Kharkiv, à Kyiv et à Odessa. Entre juillet 2014 et mai 2015 à Kharkiv, puis de nouveau en 2017 à
Kyiv et à Odessa, une série d’attentats a été dirigée contre les civils et les lieux publics.
262. Plusieurs de ces attentats et tentatives d’attentat à l’explosif constituent des actes de
terrorisme au sens de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT. Premièrement, ils étaient
destinés à tuer ou à blesser grièvement des civils : l’explosion d’une mine antipersonnel lors d’une
manifestation en faveur de l’unité à Kharkiv, l’explosion d’une bombe ventouse dans une boîte de
nuit très fréquentée de la même ville ou d’une voiture piégée à l’approche d’un dirigeant politique à
Odessa, ou encore la mise en place d’explosifs afin d’assassiner un député ukrainien étaient autant
d’actes destinés à tuer et à blesser des civils577.
263. En outre, la nature et le contexte de ces attentats montrent qu’ils avaient pour objectif
d’intimider la population civile et de contraindre le gouvernement ukrainien à changer de politique.
La marche de Kharkiv a été organisée en faveur de l’unité de l’Ukraine et en commémoration de la
révolution de la dignité. L’attaque dont elle a fait l’objet a sinistrement signifié aux partisans de cette
révolution qu’ils n’étaient en sécurité nulle part en Ukraine, fût-ce dans une ville éloignée des
combats. L’explosion d’une bombe au Stena Rock Club, boîte de nuit très fréquentée par les partisans
de l’unité de l’Ukraine, impliquait une menace tout aussi claire. Il ne faut donc pas s’étonner que les
civils de Kharkiv aient été terrorisés. Comme l’a dit très justement une journaliste à propos de cette
série d’attentats, «l’épuisement physique et moral finit par user»578.
264. En 2017, à Kyiv et à Odessa, les intermédiaires de la Russie étaient de nouveau
déterminés à adresser le même message, prenant cette fois pour cible des personnalités bien connues
pour leurs activités politiques. Ainsi, le député Anton Gereschenko est un critique virulent des actions
illicites entreprises par la Russie à l’encontre de l’Ukraine579. Pour sa part, Marko Gordienko dirige
575 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 4).
576 Ibid.
577 Voir ci-dessus, chapitre 1, section D.
578 Linda Kinstler, “A Ukrainian City Holds Its Breath”, Foreign Policy (20 February 2015) (annexe 561).
579 Voir ci-dessus, chapitre 1, section D.
162
163
- 109 -
à Odessa une organisation non gouvernementale militant en faveur de l’unité de l’Ukraine580. Par sa
nature, l’attentat dirigé contre de telles personnalités témoigne de la volonté d’intimider et de
contraindre, faisant savoir à la société civile ukrainienne que l’activisme a son prix et signifiant aux
autorités locales que l’opposition à l’agression russe peut être fatale.
265. Ces attentats et d’autres qui sont relatés à la section D du chapitre 1 constituent également
des infractions à la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif
et sont de ce fait visés par l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT. Le paragraphe 1 de
l’article 2 de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif est
ainsi libellé :
«Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui
illicitement et intentionnellement livre, pose, ou fait exploser ou déto[]ner un engin
explosif ou autre engin meurtrier dans ou contre un lieu public, une installation
gouvernementale ou une autre installation publique, un système de transport public ou
une infrastructure :
a) Dans l’intention de provoquer la mort ou des dommages corporels graves ; ou
b) Dans l’intention de causer des destructions massives de ce lieu, cette installation, ce
système ou cette infrastructure, lorsque ces destructions entraînent ou risquent
d’entraîner des pertes économiques considérables.»581
266. Les attentats à l’explosif commis contre la marche de Kharkiv en faveur de l’unité de
l’Ukraine et contre le Stena Rock Club, ainsi que les tentatives d’assassinat perpétrées à Kyiv et à
Odessa, sont autant d’infractions à l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la convention
internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif. Chacun impliquait l’utilisation
d’explosifs, a été commis dans l’intention de provoquer la mort ou des dommages corporels graves
(ainsi qu’il a été montré ci-dessus) et dans «un lieu public» (une rue bondée, une boîte de nuit ou les
rues de quartiers résidentiels)582.
267. En outre, dans la nuit qui a précédé l’attentat du Stena Rock Club, les Partisans de
Kharkiv ont aussi attaqué l’usine de Malyshev («lieu public» à «usage commercial»583) dans
l’intention de la paralyser (causant ainsi «des destructions massives … risqu[ant] d’entraîner des
pertes économiques considérables»584). De même, le siège régional de la PrivatBank, centre
commercial et «lieu public», a fait l’objet d’un attaque à la roquette commise dans l’intention de
causer des «destructions massives» et des «pertes économiques considérables».
268. Ces attentats à l’explosif, entre autres, constituent des actes terroristes au sens du
paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT. Dans les plus grandes villes de l’Ukraine, en apparence à
l’abri de la grêle de roquettes de type Grad, des actes terroristes d’un autre type étaient commis afin
de déstabiliser le public et de répandre la peur.
580 Ibid.
581 CIRATE, 15 décembre 1997, RTNU, vol. 2149, p. 256.
582 Voir ci-dessus, chapitre 1, section D ; CIRATE, article premier, par. 5.
583 CIRATE, article premier, par. 5.
584 CIRATE, article 2, par. 1, alinéa b).
164
- 110 -
CHAPITRE 5
DES AGENTS ET AUTRES RESSORTISSANTS RUSSES SE SONT DÉLIBÉRÉMENT
LIVRÉS AU FINANCEMENT DU TERRORISME EN UKRAINE
269. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT, «[c]ommet une infraction au sens
de la présente Convention toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou
indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l’intention de les voir
utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre» un acte de
terrorisme visé aux alinéas a) ou b)585. En outre, selon le paragraphe 5 du même article, «[c]ommet
également une infraction quiconque … [o]rganise la commission d’une infraction au sens» du
paragraphe 1586.
270. Les infractions définies à l’article 2 peuvent être commises par «toute personne» ou
«quiconque» («any person»). Ainsi que l’a fait remarquer Anthony Aust, ancien conseiller juridique
adjoint au ministère des affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, peu de temps
après la rédaction de la CIRFT, on entend par là «aussi bien les personnes privées que les agents
publics ou gouvernementaux»587, ce qui, selon cet auteur, est conforme aux «conventions existantes
en matière de contre-terrorisme»588. Ces textes utilisent les mêmes termes pour viser les représentants
agissant pour le compte d’un Etat : ainsi de la convention internationale contre la prise d’otages589,
la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime590 et la
convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif591. Et comme tous
ces traités, la CIRFT utilise les termes «toute personne» et «quiconque», sans les qualifier plus avant.
271. Se rendent donc coupables d’infraction au regard du paragraphe 1 de l’article 2 de la
CIRFT les agents russes, ainsi que toute autre personne privée ou morale, qui fournissent des fonds
dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seraient utilisés, en tout ou partie, en vue de
commettre des actes de terrorisme visés par la convention, et se rendent coupables d’infraction au
regard du paragraphe 5 du même article les agents russes qui «organise[nt] la commission» de tels
actes ou «donn[ent] l’ordre à d’autres personnes» de les commettre. Il a été établi au chapitre
précédent que les intermédiaires de la Russie en Ukraine avaient commis de nombreux actes de
terrorisme meurtriers qui relèvent de la convention. Le présent chapitre montre que des agents et des
585 CIRFT, article 2, par. 1.
586 Ibid., article 2, par. 5.
587 Anthony Aust, Counter-Terrorism — A New Approach: The International Convention for the Suppression of
the Financing of Terrorism, 5 Max Planck Y.B. U.N. L. 285, 287 (2001) (annexe 485) ; voir aussi M. Lehto, [Indirect
Responsibility for Terrorist Acts (2009)], p. 17 («L’analyse textuelle donne à penser que les conventions et protocoles en
matière de lutte contre le terrorisme élaborés par l’ONU visent les personnes physiques, sans opérer de distinction entre les
représentant et agents de l’Etat, d’une part, et les personnes privées, de l’autre») (annexe 490).
588 Anthony Aust, [Counter-Terrorism — A New Approach: The International Convention for the Suppression of
the Financing of Terrorism, 5 Max Planck Y.B. U.N. L. 285, 287 (2001)], p. 294 (annexe 485).
589 Ben Saul, International Convention Against the Taking of Hostages, United Nations Audiovisual Library of
International Law (2014), p. 3 («Il demeure une infraction pour «quiconque» de se livrer à un acte de prise d’otage visé à
l’article premier de la convention et la règle s’applique sans exception à tous (acteurs étatiques ou non étatiques…)»)
(annexe 493).
590 Les rédacteurs «ont appuyé le principe de base» voulant que la convention s’applique «également à une personne
qui commet une infraction alors qu’elle agit pour le compte d’un gouvernement» et se sont dits d’avis que cet objectif était
atteint puisque le texte «faisait clairement référence à «toute personne», sans aucune restriction». International Maritime
Organization, Report of the Ad Hoc Preparatory Committee on the Suppression of Unlawful Acts Against the Safety of
Maritime Navigation, 2nd Session, 18–22 May 1987, IMO Doc. PCUA 2/5, par. 65 et 66 (annexe 361).
591 L’article 19 de la CIRATE exclut de son champ d’application «les activités menées par les forces armées d’un
Etat dans l’exercice de leurs fonctions officielles», exclusion qui aurait été entièrement superflue si les représentants de
l’Etat n’étaient pas visés par les termes «toute personne» et «quiconque». CIRATE, art. 2 et 19.
165
166
- 111 -
personnes privées russes ont les uns comme les autres sciemment participé au financement de ces
actes de terrorisme, se rendant coupables d’une gamme d’infractions au regard de l’article 2 de la
CIRFT.
A. Nombre d’agents et de personnes privées russes ont fourni des fonds
à des groupes se livrant au terrorisme en Ukraine
272. L’article premier de la CIRFT définit de façon large le terme «fonds» :
««Fonds» s’entend des biens de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers
ou immobiliers, acquis par quelque moyen que ce soit, et des documents ou instruments
juridiques sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme électronique ou
numérique, qui attestent un droit de propriété ou un intérêt sur ces biens, et notamment
les crédits bancaires, les chèques de voyage, les chèques bancaires, les mandats, les
actions, les titres, les obligations, les traites et les lettres de crédit, sans que cette
énumération soit limitative.»592
273. Dans son sens ordinaire, la formule «biens de toute nature» désigne tous les biens, qu’il
s’agisse d’instruments monétaires ou d’objets tangibles comme des armes. Les rédacteurs de la
CIRFT se sont inspirés de la vaste définition donnée au terme «biens» dans la convention contre le
trafic des stupéfiants, laquelle, à l’instar de celle du mot «fonds» qui figure dans la CIRFT, englobe
«tous les types d’avoirs»593. D’après Aust, c’est à dessein que le terme «fonds» a été défini de façon
large594. De même, Roberto Lavalle, qui était ministre-conseiller de la mission permanente du
Guatemala à l’Organisation des Nations Unies et membre de la Sixième Commission au moment où
celle-ci a examiné le texte de la CIRFT à l’état de projet en 1999, a fait remarquer que la définition
de «fonds» couvrait «les animaux, les immeubles et les véhicules» et «pour ainsi dire tout ce qui peut
exister», de sorte que le traité vise toute forme d’«aide matérielle» apportée à ceux qui s’adonnent
au terrorisme595. Les travaux préparatoires confirment que la définition du terme «fonds» qui figure
dans la CIRFT «était [censée] englober tous les biens»596.
274. Ainsi qu’il est exposé au chapitre 2, à partir du printemps 2014, des représentants de
l’Etat russe, ainsi que des personnes privées et morales ressortissant à la Fédération de Russie ont
fourni à des groupes armés illicites en Ukraine divers types de fonds, notamment sous forme d’armes
et d’argent, ce qui a eu pour effet, notamment, de renforcer la capacité de ces groupes à commettre
des actes de terrorisme. L’ampleur même des arsenaux dont disposaient les formations en question
témoigne de l’appui de la Russie, tout comme la présence dans ces arsenaux d’armes qui ne pouvaient
provenir que de ce pays. De fait, les membres de la RPD et d’autres groupes semblables ont admis
592 CIRFT, article premier, par. 1.
593 Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, 20 décembre
1988, RTNU, vol. 1582, p. [212], article premier, alinéa a) ; voir Nations Unies, Assemblée générale, cinquante-quatrième
session, Mesures visant à éliminer le terrorisme international, rapport du groupe de travail, doc. A/C.6/54/L.2 (26 octobre
1999), par. 47 («Certains membres ont également déclaré préférer la formulation contenue dans le
document A/AC.252/[1]999/WP.60, ainsi que la définition du terme «biens» figurant [à l’alinéa a)] de l’article premier de
la Convention des Nations Unies de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.»)
(annexe 277).
594 Anthony Aust, Counter-Terrorism — A New Approach: The International Convention for the Suppression of
the Financing of Terrorism, 5 Max Planck Y.B. U.N. L. 285, 287 (2001) (annexe 485).
595 Roberto Lavalle, The International Convention for the Suppression of the Financing of Terrorism, 60 ZaöRV
491, 496-97 (2000) (annexe 484).
596 Nations Unies, Assemblée générale, cinquante-quatrième session, Mesures visant à éliminer le terrorisme
international, rapport du groupe de travail, doc. A/C.6/54/L.2 (26 octobre 1999), par. 47, p. 59 (annexe 277).
167
168
- 112 -
avoir la Russie comme fournisseur ; les autorités ukrainiennes, entre autres, ont pu observer les
mouvements d’armes, lesquelles portaient souvent, malgré les efforts déployés pour les masquer, des
marques distinctives de leur origine. Confirmant ces hypothèses, les observateurs du
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont rendu compte des entrées massives
d’armes depuis la Russie sur le territoire ukrainien.
275. Ces apports massifs de fonds n’auraient pu avoir lieu si de hauts responsables russes ne
les avaient organisés, n’avaient donné l’ordre d’y procéder, ou n’y avaient autrement participé. Par
exemple, le ministre russe de la défense, Sergey Shoigu, est responsable de l’armement des forces
armées russes597 ; les armes appartenant à l’armée russe n’auraient jamais pu être distribuées de
manière systématique aux groupes armés illicites en Ukraine s’il n’avait organisé cette distribution,
donné l’ordre d’y procéder ou n’y avait autrement participé. De même, Valery Gerasimov, chef
d’état-major des forces armées de la Fédération de Russie, et Igor Sergun, chef de la direction centrale
du GRU, ont participé, notamment pour ce qui est de l’organisation, à la fourniture de fonds aux
intermédiaires de la Russie par l’entremise des forces armées et des agents du renseignement
militaire ; d’ailleurs, tous deux ont fait l’objet de sanctions de la part de l’Union européenne à raison
de leurs activités en Ukraine orientale598.
276. Nombre d’autres agents russes ont participé à des transferts d’armes et de fonds
spécifiques. Ainsi :
⎯ Des membres de la 53e brigade des forces armées russes ont livré la batterie Bouk-TELAR qui a
servi à la destruction de l’appareil assurant le vol MH17599.
⎯ Le général de division Stepan Yaroshchuk, commandant en chef des troupes d’artillerie du
district militaire sud des forces armées russes dans l’oblast de Rostov est, de concert avec des
subalternes, à l’origine du transfert en Ukraine des batteries de type Grad et Smerch, y compris
celles qui ont été utilisées contre Volnovakha, Marioupol, Kramatorsk et Avdiivka. L’une des
batteries de type Grad retrouvées en Ukraine portait les marques de la brigade du district militaire
sud et relevait donc de la responsabilité du général Yaroshchuk600. Il existe également des
preuves directes de l’intervention de ce dernier dans l’opération de fourniture de batteries de type
Grad en vue de l’attaque de Marioupol601.
⎯ Divers agents du renseignement militaire ont fourni des explosifs et des armes aux auteurs des
attentats de Kharkiv, de Kyiv et d’Odessa. Les agents du renseignement russes ont fourni, par
exemple, la mine antipersonnel utilisée contre la marche pour l’unité de Kharkiv, ainsi que la
mine ventouse placée au Stena Rock Club602. Eduard Dobrodeev, agent du GRU, a financé la
tentative d’assassinat d’Anton Geraschenko603.
597 Powers of the Russian Minister of Defense, Ministry of Defense of the Russian Federation (19 January 2011)
(annexe 439).
598 Journal officiel de l’Union européenne, Décision d’exécution 2014/238/PESC du Conseil du 28 avril 2014
mettant en oeuvre la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou
menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (annexe 355).
599 Voir ci-dessus, chapitre 2, section B.
600 Voir ci-dessus, chapitre 2, section C.
601 Ibid.
602 Voir ci-dessus, chapitre 2, section D.
603 Voir ci-dessus, chapitre 2, section D 2).
169
- 113 -
⎯ Le vice-président de la Douma d’Etat russe, Vladimir Zhirinovsky, a ouvertement fait don
d’armes et d’argent à la RPL604.
⎯ Dorzhi Batomunkuev, Vladimir Starkov et d’autres soldats russes ont admis avoir fait passer des
armes et des munitions en territoire ukrainien en vue de leur livraison à la RPD605.
277. Parallèlement, nombre de personnes privées et morales russes ont ouvertement fourni des
fonds aux groupes armés illicites en Ukraine, entre autres :
⎯ Konstantin Malofeyev, milliardaire en vue et proche collaborateur de Vladimir Poutine, «[a]
financ[é] des activités séparatistes en Ukraine orientale et entret[enait] des liens étroits avec
Aleksandr Borodai, Igor Girkin (alias Igor Strelkov) et la prétendue République populaire de
Donetsk»606. Le département du trésor des Etats-Unis a conclu que l’intéressé avait «aidé
concrètement, commandité et soutenu sur les plans financier, matériel ou technologique la
prétendue République populaire de Donetsk et fourni des biens et des services qui lui étaient
destinés»607. Malofeyev a en conséquence fait l’objet de sanctions des Etats-Unis, de
l’Union européenne, de la Suisse et de l’Australie, entre autres608.
⎯ Alexander Zhuchkovsky a apporté par ses collectes de fonds une contribution majeure au
financement de la RPD et de la RPL, se vantant publiquement d’avoir réuni des millions de
roubles et d’avoir fait l’acquisition d’armes609.
⎯ La Sberbank, importante institution financière dont la majorité du capital-actions appartient à
l’Etat, s’est servie de son infrastructure pour faciliter le virement de milliards de roubles à la
RPD et à la RPL610.
⎯ Diverses organisations non gouvernementales, dont le «centre de coordination pour l’assistance
à la Nouvelle Russie», le «fonds en faveur des vétérans des forces spéciales pour l’oblast de
Sverdlosk», le «mouvement de la Nouvelle Russie» de Girkin et le «bataillon humanitaire de la
Nouvelle Russie», ont fourni des millions de roubles ainsi que des armes et munitions à la RPD
et à la RPL611.
278. Si certaines personnes physiques et morales ont pu être identifiées par leur nom ou leur
position, l’identité de nombre d’autres a été dissimulée par la Fédération de Russie, qui s’obstine à
ne pas coopérer en vue de la prévention et de la répression des infractions touchant au financement
du terrorisme. Mais que leur identité soit connue ou non, il ne fait aucun doute que d’innombrables
604 Voir ci-dessus, chapitre 2, section F.
605 Voir ci-dessus, chapitre 2, section E.
606 Press Release, U.S. Department of the Treasury, Treasury Targets Additional Ukrainian Separatists and Russian
Individuals and Entities (19 December 2014) (annexe 478).
607 Ibid.
608 Ibid. ; Press Release, Council of the European Union, List of Persons and Entities Under EU Restrictive
Measures Over the Territorial Integrity of Ukraine (14 September 2017), p. 37 (annexe 35[8]) ; Swiss State Secretariat for
Economic Affairs, SECO Bilateral Economic Relations Sanctions, Programs (Situation in Ukraine: Ordinance of 27 August
2014), Individual Malofeev Konstantin Valerevich (23 May 2018) (annexe 481) ; Australian Government: Department of
Foreign Affairs and Trade, Ukraine Sanctions: Review of Australia’s Autonomous Sanctions Imposed on 84 Individuals
and Entities in Relation to Ukraine (2 September 2017) (annexe 479).
609 Alexander Zhuchkovsky, On the Advisability of Purchasing Armored Vehicles, StrelkovInfo (4 September
2014) (annexe 628) ; Social Media Page (VKontakte) of Oleksandr Zhukovsky (post of 15 March 2015) (annexe 635).
610 Voir ci-dessus, chapitre 2, section F.
611 Ibid.
170
- 114 -
ressortissants russes, agissant pour le compte des autorités russes, avec leur bénédiction tacite ou
autrement, ont fourni à des groupes illicites en Ukraine des «fonds» au sens de la convention.
B. Les intéressés savaient que les fonds qu’ils fournissaient seraient utilisés, en tout
ou en partie, pour la commission d’actes visés aux alinéas a) et b)
du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT
279. Dès le début du conflit, il est devenu évident que ces groupes armés illicites en Ukraine
avaient commis et étaient disposés à continuer de commettre des actes terroristes. Alors que la RPD
et la RPL avaient dès le départ épousé ouvertement les méthodes terroristes et les avaient mises en
pratique dans une série d’actes de terrorisme notables, des représentants de l’Etat russe leur ont à
maintes reprises fourni des fonds supplémentaires. Le fait que les intermédiaires de la Russie se sont
ouvertement livrés au terrorisme et que celle-ci leur a néanmoins fourni des armes permet à lui seul
d’établir que les personnes qui ont fourni des fonds à ces groupes ont financé en connaissance de
cause des actes de terrorisme au sens du paragraphe 1 de l’article 2. Et bien qu’il ne soit pas
nécessaire d’en prouver davantage, les faits montrent également que la Russie et ses agents savaient
que certains types de fonds allaient servir à la perpétration d’actes terroristes spécifiques.
280. Le paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT dispose que, pour commettre une infraction,
le commanditaire de l’acte devait «savoir» que les fonds fournis «ser[aient] utilisés, en tout ou partie,
en vue de commettre» un acte de terrorisme visé612. Il faut pour cela que le commanditaire ait su qu’il
fournissait des fonds à une personne ou à un groupe dont l’activité terroriste était connue et que, ce
faisant, il aiderait le bénéficiaire à commettre de nouveaux actes de terrorisme. Telle est la seule
interprétation de bonne foi qui puisse donner effet aux but et objet de la CIRFT, qui sont de répondre
à la «nécessité urgente» de prévenir et de décourager le financement du terrorisme613. S’il fallait au
contraire interpréter le paragraphe 1 de l’article 2 comme exigeant la connaissance que tels fonds
serviraient spécifiquement à financer tels actes terroristes, il serait «très difficile, voire impossible
d’établir un lien précis entre l’apport fourni aux terroristes et un ou des actes terroristes spécifiques»,
surtout dans l’hypothèse où le bénéficiaire «exerce[rait], indépendamment de ses activités terroristes,
diverses activités licites ou illicites»614. Le libellé même du paragraphe 1 de l’article 2 envisage cette
hypothèse en exigeant que le commanditaire sache que les fonds seront utilisés, «en tout ou partie,
en vue de commettre» un acte terroriste. De même, le paragraphe 3 de l’article 2 précise qu’«il n’est
pas nécessaire que les fonds aient été effectivement utilisés pour commettre» un acte de terrorisme.
Le bénéficiaire ne saurait donc se disculper en soutenant qu’il entendait seulement appuyer les
activités non terroristes d’un groupe, ou encore que les fonds fournis ont au bout du compte servi
pour de telles activités.
281. Dans le commentaire qu’il a rédigé sur la CIRFT l’année de l’adoption de celle-ci, Lavalle
souscrivait à l’idée que, compte tenu des «but et objet» du traité, l’infraction était établie par la preuve
que «le ou les bénéficiaires, visés ou effectifs, des «fonds» sont des terroristes, que l’intéressé le
savait et, en conséquence, devait savoir que les «fonds» seraient probablement (ou pourraient être)
utilisés pour commettre» un acte de terrorisme entrant dans le champ de la convention615. De même,
Marja Lehto, qui dirigeait la délégation finlandaise lors de la négociation du traité, a écrit qu’«il n’est
pas nécessaire, pour que le financement du terrorisme soit consommé, d’avoir connaissance de la
planification ou de la préparation de quelque crime spécifique, ni qu’un acte terroriste soit commis
612 CIRFT, article 2, par. 1.
613 Ibid., préambule, douxième alinéa.
614 Roberto Lavalle, The International Convention for the Suppression of the Financing of Terrorism, 60 ZaöRV
491 (2000), p. 503 (annexe 484).
615 Ibid., p. 504.
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172
- 115 -
par suite de l’apport financier» ; il suffit d’établir que le commanditaire «avait conscience de la
possibilité, parfois même de la probabilité que les fonds soient utilisés pour la commission d’actes
terroristes» et qu’il a «volontairement pris le risque de les voir ainsi utilisés»616. En conséquence, il
«convient de présumer que l’action de financer un groupe dont l’activité terroriste est notoire
répondrait aux exigences du paragraphe 1» de l’article 2617.
282. Les directives émises par le Groupe d’action financière («GAFI») et l’Office des
Nations Unies contre la drogue et le crime («ONUDC»)618 viennent renforcer cette interprétation619.
Ainsi, le GAFI indique que les textes incriminant «les infractions de financement du terrorisme ne
devraient pas exiger que les fonds et autres biens … soient liés à un ou plusieurs actes terroristes
spécifiques»620. De même, le guide législatif de l’ONUDC explique que la CIRFT vise le
commanditaire qui fournit des fonds à une organisation dont les activités terroristes sont connues,
même si celle-ci exerce aussi des activités humanitaires que l’intéressé souhaite appuyer621. Comme
le fait remarquer l’ONUDC, «l’interdiction créée par la Convention doit aussi prévoir de punir la
fourniture ou la collecte de fonds en connaissance de cause et avec l’acceptation délibérée de
l’éventualité qu’ils puissent être utilisés pour des actes de terrorisme»622.
283. Les Etats parties ont également interprété la condition relative à la connaissance énoncée
à l’article 2 comme étant remplie lorsque les fonds sont fournis à des groupes connus pour leurs
activités terroristes. La Cour suprême du Danemark a statué qu’il suffisait, pour que soit établie
l’infraction de financement du terrorisme, d’établir que les intéressés avaient fourni des fonds aux
forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), sachant que cette organisation se livrait
généralement à des actes terroristes623. Aux Etats-Unis, les tribunaux ont jugé que «quiconque
contribue en connaissance de cause aux activités [fût-ce] de la branche non violente d’une
organisation dont il sait qu’elle se livre au terrorisme contribue en connaissance de cause aux activités
terroristes de cette organisation»624. En France, la Cour de cassation considère qu’il suffit de
616 M. Lehto, [Indirect Responsibility for Terrorist Acts (2009)], p. 293 et 298 (annexe 490).
617 Ibid., p. 289.
618 L’Assemblée générale des Nations Unies a donné pour mandat à l’Office des Nations Unies contre la drogue et
le crime («ONUDC») d’appuyer les Etats Membres dans la mise à effet de la CIRFT.
619 Voir par exemple Nations Unies, Assemblée générale, résolution 57/173, Renforcement du Programme des
Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, en particulier de ses capacités de coopération technique,
doc. A/RES/57/173 (21 janvier 2003), par. 2 (annexe 282).
620 FATF, International Standards on Combating Money Laundering and the Financing of Terrorism &
Proliferation: The FAFT Recommendations (2012), p. 35 (annexe 359).
621 UNODC, Legislative Guide to the Universal Legal Regime Against Terrorism 30‒31 (2008) (annexe 285).
622 Ibid. (les italiques sont de nous).
623 “Fighters and Lovers Case”, Case 399/2008 (Sup. Ct., Den., 25 March 2009) (annexe 476).
624 Boim v. Holy Land Found. for Relief & Dev., 549 F.3d 685, 698 (7th Cir. 2008) (annexe 474). La loi interprétée
dans l’affaire Boim, 18 U.S.C. § 2339A, reprend le libellé du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT, incriminant le fait de
fournir des fonds en «sachant qu’ils seront utilisés ou dans l’intention de les voir utilisés» pour la commission d’actes de
terrorisme. 18 U.S.C. § 2339A (2009) (annexe 475).
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- 116 -
démontrer que le commanditaire a soutenu financièrement une organisation qualifiée de terroriste625.
Pour leur part, les tribunaux canadiens estiment que, «lorsqu’un groupe a été inscrit comme entité
terroriste, il est plus difficile pour un prévenu d’arguer qu’il ignorait que les montants qu’il lui a
alloués seraient utilisés, partiellement ou totalement, en faveur du terrorisme»626.
284. Les travaux préparatoires confirment cette position. Selon un document de travail préparé
par la France, la convention vise à la fois les commanditaires «conscients de l’utilisation des fonds»
et ceux qui sont «conscients du caractère terroriste des buts et objectifs de tout ou partie de
l’association à laquelle ils versent des subsides»627. Lehto précise que les négociateurs se sont à
maintes reprises accordés à dire que la condition relative à la connaissance énoncée à l’article 2 serait
remplie dès lors que «les fonds sont versés à une organisation qui exerce de multiples activités de
nature politique et sociale ainsi que militaire, lorsque le commanditaire n’a pas la faculté de
distinguer entre les différentes utilisations possibles»628.
285. Au printemps et à l’été 2014 déjà, nul n’ignorait plus la nature terroriste des objectifs et
des activités de la RPD et de la RPL. Ces entités cherchaient ouvertement à contraindre l’Etat
ukrainien à leur accorder l’autonomie politique, ce qui exigeait la modification de l’ordre
constitutionnel du pays. Dans cette perspective, elles s’étaient lancées dans une campagne de
violence à l’endroit de la population civile, s’attaquant aux opposants politiques à des fins
d’intimidation évidentes. En avril 2014, par exemple, les observateurs de l’Organisation des
Nations Unies ont dénoncé le meurtre de Volodymyr Rybak, impliquant publiquement Bezler,
militant de la RPD629. En juin 2014, les observateurs de l’ONU ont attribué publiquement à la RPD
et aux groupes qui lui étaient affiliés «un nombre croissant d’actes d’intimidation et de violence
[commis par des groupes armés,] ciblant des personnes «ordinaires» qui soutiennent l’unité
ukrainienne»630. Puis, au début de juillet 2014, avant que les membres de la 53e brigade ne livrent
une batterie Bouk en Ukraine, les mêmes observateurs ont condamné le «régime d’intimidation et de
terreur» mis en place par la RPD et la RPL631, et la haut-commissaire Pillay a mis en garde contre
625 French Cour de cassation, Judgement of May 21st 2014, No. 13-83758 («Attendu qu’en l’état de ces motifs
reproduits partiellement aux moyens, qui établissent que l’association Centre culturel kurde Ahmet Kaya a apporté, en
connaissance de cause, par ses organes ou ses représentants, en l’espèce par les dirigeants de fait identifiés ci-dessus, ayant
agi pour son compte, un soutien logistique et financier effectif à une organisation classée comme terroriste, la cour d’appel
a caractérisé en tous leurs éléments les infractions dont elle l’a déclarée coupable») (les italiques sont de nous)
(annexe 477) ; voir également French Cour de cassation, Judgement of April 12th, 2005, No. 04-84264 (annexe 472) ;
tribunal correctionnel de Paris, 28 septembre 2017 (annexe 480). Le texte français mettant en oeuvre la CIRFT, soit
l’article 421-2-2 du code pénal, suit de près le libellé de la convention en ce qui concerne l’élément de connaissance («en
sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes de terrorisme
prévus au présent chapitre…»).
626 Bertrand Perrin, «L’incrimination du financement du terrorisme en droits canadien et suisse», Revue générale
de droit, vol. 42, no 1 (2012), p. 237 («Cependant, lorsqu’un groupe a été inscrit comme entité terroriste, il est plus difficile
pour un prévenu d’arguer qu’il ignorait que les montants qu’il lui a alloués seraient utilisés, partiellement ou totalement,
en faveur du terrorisme.») (annexe 492).
627 Document de travail de la France intitulé «Pourquoi une convention internationale contre le financement du
terrorisme ?», reproduit ultérieurement dans Nations Unies, doc. A/AC.252/L.7/Add.1 (11 mars 1999), par. 5
(Annexe 275).
628 M. Lehto, [Indirect Responsibility for Terrorist Acts (2009)], p. 293 (annexe 490). A preuve de cette
communauté de vues, les représentants ont rejeté diverses propositions d’amendement de l’article premier qui auraient eu
pour effet d’exempter la fourniture de biens «utilisés également à des fins humanitaires par la personne ou l’organisation
bénéficiaire», voire «destinés exclusivement à être utilisés à des fins humanitaires». Nations Unies, Rapport du Comité
spécial créé par la résolution 51/210 de l’Assemblée générale en date du 17 décembre 1996, doc. A/54/37 (5 mai 1999),
annexe III, par. 1, annexe [IV], par. [1, alinéa] 9 (annexe 276). S’agissant du premier amendement, les représentants «ont
objecté qu’il restreindrait inutilement le champ d’application de la convention et réduirait son efficacité». Ibid.
629 Voir ci-dessus, chapitre 1, section A.
630 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 207 (annexe 293).
631 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014), par. 26 (annexe 296).
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- 117 -
l’intention avouée du dirigeant de la RPD de «plonger [les enfants] dans l’horreur»632. Le
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme allait ultérieurement mettre
expressément en garde contre le «risque majeur que les armes» transférées vers le Donbass «soient
«employées» aux fins de mener des attaques sans discrimination contre la population civile633.
286. Parallèlement, la Russie et ses agents avaient directement connaissance des plans et
stratégies de la RPD et de la RPL, y compris la place du terrorisme dans leur programme. En 2014
et jusqu’au début 2015, les principaux dirigeants de la RPD et de la RPL entretenaient des liens avec
le Gouvernement russe634. Des ressortissants russes ayant servi dans les forces armées nationales ont
rejoint les rangs de la RPD ou de la RPL ou ont conseillé ces groupes, leur fournissant
recommandations et soutien opérationnels, et assurant en outre le partage d’informations avec les
autorités russes635. A la lumière des rapports contemporains concernant les activités de la RPD et de
la RPL, conjugués aux liens étroits qui l’unissaient à ces groupes, la Fédération de Russie ne saurait
sérieusement nier que ses agents avaient connaissance des méthodes terroristes pratiquées contre la
population civile.
287. Pourtant, malgré le peu de cas dont ces organisations faisaient de la vie des civils, les
autorités militaires russes ont fourni une batterie Bouk-TELAR à la RPD, sachant que l’espace aérien
au-dessus de l’Ukraine restait ouvert et que de nombreux aéronefs civils y circulaient636. Ce faisant,
la Russie et ses agents savaient que cette indifférence à l’égard de la vie humaine resterait une
constante. De fait, la batterie Bouk avait été demandée par nul autre qu’Igor Girkin, dont les attaques
dirigées contre la population civile du Donbass et les méthodes impitoyables étaient déjà bien
connues637. Même une force de combat responsable, ce que les groupes armés illicites actifs en
Ukraine n’étaient manifestement pas, n’aurait pas su utiliser sans danger une batterie Bouk-TELAR
dans un espace aérien civil. Ainsi que l’explique M. Skorik, la coordination d’un système de contrôle
du combat est essentielle en pareil cas, étant donné que les «capacités techniques du TELAR … ne
permettent pas … de distinguer un aéronef civil d’un aéronef militaire» et que le tireur agissant sous
une intense pression ne serait pas, en l’absence d’une telle coordination, en mesure d’exercer un
jugement complexe sur la situation de l’espace aérien.
288. Il va sans dire que la 53e brigade de défense antiaérienne connaissait bien le
fonctionnement de la batterie de missiles Bouk, ainsi que le grave danger que présentait son
déploiement alors que l’espace aérien était ouvert à l’aviation civile. Ses membres n’en ont pas moins
fourni le TELAR sans l’assistance d’un système de contrôle du combat qui aurait pu à tout le moins
atténuer les risques les plus importants. En somme, les agents russes qui ont fourni la batterie
Bouk-TELAR savaient que, si celle-ci était utilisée, les cibles civiles ne pourraient être distinguées
des cibles militaires et sont allés jusqu’à s’abstenir de fournir l’équipement supplémentaire qui aurait
pu diminuer le danger pour l’aviation civile.
632 HCDH, Intensified Fighting Putting at Risk Lives of People in Donetsk and Luhansk — Pillay (4 July 2014)
(annexe 295).
633 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine: 16 November 2015 to 15 February 2016, p. 10,
par. 24 (annexe 314).
634 Voir ci-dessus, chapitre 3, section A 1) ; voir également Anton Zverev, “Ex-Rebel Leaders Detail Role Played
by Putin Aide in East Ukraine”, Reuters (11 May 2017) («Selon cinq sources, dont une serait proche de la présidence et
une autre aurait travaillé au Kremlin avec Surkov, ce dernier aurait eu des entretiens réguliers avec des dirigeants
séparatistes, tant sur le territoire sécessionniste qu’en Russie») (annexe 595).
635 Voir ci-dessus, introduction ; déposition d’Igor Yanovskyi, par. 41 à 46 (annexe 5) ; déposition de
Dmytro Zyuzia, par. 32 à 34 (annexe 6).
636 Voir ci-dessus, chapitre 1, section B ; chapitre 2, section B.
637 Voir ci-dessus, chapitre 1, section A.
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- 118 -
289. Les mesures prises par la Fédération de Russie à l’égard de son propre espace aérien
confirment qu’elle avait connaissance du risque élevé de voir ses intermédiaires abattre un avion
civil. La veille de l’attaque, alors que les responsables militaires russes se préparaient à envoyer la
batterie Bouk en Ukraine, les autorités aéronautiques russes ont restreint l’accès à certaines parties
de l’espace aérien russe à proximité du Donbass jusqu’à une altitude de 53 000 pieds (soit au-delà
des restrictions ukrainiennes existantes), fermant de fait l’espace aérien civil638. En fermant leur
propre espace aérien à la circulation civile au moment même où les forces armées livraient la batterie
Bouk à la RPD, les agents russes manifestaient leur connaissance coupable des dangers que présentait
l’utilisation d’une telle arme dans l’espace aérien servant à l’aviation civile.
290. A la lumière de l’ensemble de ces circonstances et surtout compte tenu des épisodes
antérieurs de violence dirigée par la RPD contre la population civile, la Russie et les représentants
agissant pour son compte savaient que la batterie Bouk servirait, en tout ou en partie, à la perpétration
de violations de la convention de Montréal (à savoir la destruction intentionnelle et illicite d’un
aéronef en service).
291. Si la dénonciation par l’ONU du «régime de terreur» imposé à la population civile ne
suffisait pas, le mépris affiché par la RPD à l’égard de la vie civile est certainement devenu notoire
au lendemain de la destruction de l’appareil assurant le vol MH17. Cela n’a toutefois pas empêché
la Russie d’entraver les efforts visant à traduire en justice les responsables de cet acte, qu’elle a par
ailleurs continué de soutenir et d’approvisionner en armes. Elle l’a fait en partie en livrant en Ukraine,
par l’entremise de ses agents, plusieurs batteries de lance-roquettes multiples susceptibles d’infliger
de graves souffrances à la population civile, surtout aux mains de groupes qui avaient déjà démontré
leur indifférence envers la vie des civils. L’attaque de Volnovakha, lors de laquelle une batterie de
type Grad a été dirigée contre un poste de contrôle civil très fréquenté, mais sans valeur militaire
apparente, constitue un autre exemple de ce type d’agissements639. Moins de deux semaines plus tard,
les forces armées russes fournissaient le même type d’arme, cette fois en vue d’attaquer Marioupol640.
Les autor ités militaires russes ont en outre livré aux groupes armés illicites en Ukraine un
lance-roquettes Smerch sophistiqué, qui allait servir à l’attaque meurtrière de Kramatorsk.
292. Les autorités militaires russes conseillaient la RPD lorsqu’elle a commis ces actes visés
par l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 en janvier et en février 2015641. La participation de
conseillers militaires russes vient corroborer l’hypothèse selon laquelle les hauts responsables russes
connaissaient les méthodes terroristes que la RPD ne manquerait pas d’employer et, partant, savaient
que les fonds fournis à celle-ci serviraient en partie à la commission d’actes terroristes.
293. Les agents du renseignement russes qui ont procuré des explosifs aux terroristes à
Kharkiv et ailleurs en Ukraine savaient également que ceux-ci serviraient à la commission d’actes
terroristes. Ainsi qu’exposé à la section D du chapitre 2, les agents du renseignement militaire russes
observent un même modus operandi lorsqu’ils fournissent les explosifs et les fonds qui vont servir à
commettre des attentats dans les villes de l’Ukraine. Les explosifs en question ⎯ mines ventouses et
mines antichar et antipersonnel ⎯ sont conçus pour la destruction à grande échelle, et rien ne saurait
justifier leur utilisation au coeur d’une ville comme Kharkiv. Un agent du renseignement russe a
convenu de fournir 10 000 dollars alors même qu’il avait été informé du projet d’attentat contre la
638 DSB Report MH17 Crash, p. 180 (annexe 38).
639 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C 1).
640 Voir ci-dessus, chapitre 2, section D.
641 Voir ci-dessus, chapitre 1, section C.
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marche en faveur de l’unité à Kharkiv642. Un autre a organisé le financement d’une tentative
d’assassinat visant un député ukrainien connu pour son franc parler643.
294. En somme, les agents et autres ressortissants russes qui ont participé au financement du
terrorisme en Ukraine ont agi avec l’élément de connaissance requis au paragraphe 1 de l’article 2.
642 Voir ci-dessus, chapitre 2, section D.
643 Ibid.
- 120 -
CHAPITRE 6
LA RESPONSABILITÉ ÉTATIQUE DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
EST ENGAGÉE À RAISON DE VIOLATIONS DE LA CIRFT
295. Force est de conclure que la Russie manque aux obligations que lui impose la CIRFT. Il
a été établi au chapitre 4 que ses intermédiaires avaient commis en Ukraine nombre d’actes de
terrorisme au sens des alinéas a) et b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIRFT. Le chapitre 5 a
montré que, en fournissant des fonds aux groupes armés, ses agents et autres ressortissants s’étaient
rendus coupables de financement du terrorisme au sens du paragraphe 1 de l’article 2. Dans le présent
chapitre, il sera démontré que cette campagne de financement du terrorisme a entraîné diverses
violations de la CIRFT, qui engagent la responsabilité de la Fédération de Russie.
A. La Fédération de Russie manque à ses obligations en vertu de l’article 18
296. L’article 18 de la CIRFT exige des Etats qu’ils «coopèrent pour prévenir les infractions
[de financement du terrorisme] visées à l’article 2». Cette obligation suppose notamment qu’ils
prennent «toutes les mesures possibles … afin d’empêcher et de contrecarrer la préparation sur leurs
territoires respectifs d’infractions devant être commises à l’intérieur ou à l’extérieur de ceux-ci»644.
297. La présente affaire concerne des actes de financement du terrorisme imputables tant à des
personnes privées qu’à des agents publics. La Russie avance que son obligation de prévenir les actes
de financement du terrorisme ne valait que pour les «personnes privées»645. C’est là ne pas tenir
compte du libellé du traité. L’obligation de prévention énoncée à l’article 18 se rapporte aux
«infractions visées à l’article 2»646. Or, comme on l’a vu plus haut, les infractions visées à l’article 2
peuvent être commises non seulement par des «personnes privées», mais bien par «toute
personne»647.
298. La Russie a donc très clairement l’obligation de prévenir les actes de financement du
terrorisme que pourrait commettre, depuis son territoire, «toute personne», ⎯ personne privée russe
ou représentant de l’Etat, agissant ou non en exécution de la politique du gouvernement russe. La
Russie a manifestement manqué à ces deux aspects de son obligation. Il y a au moins quatre
«mesures» qu’il lui était «possibl[e]» de prendre, mais qu’elle n’a pas prises, pour prévenir la
commission par «toute personne» d’infractions de financement du terrorisme au sens de l’article 2.
1. La Fédération de Russie a omis de prendre celle des «mesures possibles» consistant à
empêcher ses représentants de participer au financement du terrorisme
299. Lorsqu’un Etat autorise ou encourage ses propres agents à financer le terrorisme, il
manque ipso facto à son obligation de prendre «toutes les mesures possibles» pour prévenir ce
644 CIRFT, art. 18, par. 1.
645 Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), compte
rendu d’audience du 7 mars 2017, p. 36 (Zimmermann).
646 CIRFT, art. 18, par. 1.
647 Ibid., art. 2, par. 1.
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181
- 121 -
financement. C’est ce qui ressort clairement du sens ordinaire des articles 2 et 18, interprétés de
bonne foi et à la lumière de leur contexte ainsi que de leur objet et de leur but648.
300. Ainsi qu’il a été expliqué plus haut, l’infraction de financement du terrorisme visée à
l’article 2 peut être commise par «toute personne», en ce compris une personne agissant pour le
compte de l’Etat. L’article 18 oblige ce dernier à «coopér[er] pour prévenir les infractions visées à
l’article 2 en prenant toutes les mesures possibles»649. Lus conjointement, les articles 2 et 18 font
obligation à la Russie de prendre toutes les mesures possibles pour empêcher ses propres agents de
commettre des infractions visées à l’article 2. Lorsque, au contraire, un Etat permet le financement
du terrorisme depuis son territoire, notamment par ses propres représentants, il manque à cette
obligation. La plus évidente des «mesures possibles» consiste pour l’Etat à interdire aux agents
relevant de son autorité de participer au financement du terrorisme. Cette application directe des
articles 2 et 18 est conforme au principe voulant que, «[d]ans le cas de crimes de droit international
commis par des agents de l’Etat, il arrivera souvent que ce soit l’Etat lui-même qui soit responsable
pour avoir commis les faits en cause ou pour ne pas les avoir empêchés ou réprimés»650.
301. Cette interprétation donne effet à l’objet et au but de la convention, comme l’indique son
préambule. La CIRFT reconnaît que «le financement du terrorisme est un sujet qui préoccupe
gravement la communauté internationale tout entière» et a pour objectif de mettre en place un «cadre
juridique général» régissant «la prévention, la répression et l’élimination du terrorisme sous toutes
ses formes et manifestations»651. Le régime général établi par la CIRFT repose sur le principe selon
lequel «le nombre et la gravité des actes de terrorisme international sont fonction des ressources
financières que les terroristes peuvent obtenir»652. Il est évident que bon nombre d’actes de terrorisme
«sont fonction» du financement provenant de l’Etat. De plus, le préambule rappelle la Déclaration
sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international, laquelle émane de l’Organisation des
Nations Unies et reconnaît que le problème du terrorisme international englobe les actes de
terrorisme «dans lesquels des Etats sont impliqués directement ou indirectement»653. Le préambule
de la CIRFT rappelle en outre la résolution 51/210 de l’Assemblée générale654, dans laquelle les Etats
sont encore invités à «s’abstenir de former des terroristes ou de financer ou d’encourager des
activités terroristes ou d’apporter un quelque autre soutien à de telles activités»655.
302. Vu son objet et son but, la convention, si elle devait être interprétée comme n’empêchant
pas le financement du terrorisme par les représentants de l’Etat, présenterait une lacune inacceptable.
648 Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 31, par. 1.
649 CIRFT, art. 18, par. 1 (les italiques sont de nous).
650 Report of the International Law Commission on the Work of Its Fifty-Third Session, Draft Articles on
Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts, with commentaries, 53rd. Sess., U.N. Doc. No. A/56/10
(23 April–1 June, 2 July–10 August 2001), art. 58 & commentary, pp. 142–143, para. 3, reproduced in Yearbook of the
International Law Commission 2001, vol. II(2) (annexe 279). Pour citer un autre exemple, la convention contre la torture
exige des Etats qu’ils prennent «des mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis». Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, Nations Unies, RTNU,
vol. 1465, p. 85. Il est bien établi que «[l]a responsabilité internationale des Etats est engagée» du fait des actes de torture
commis par leurs agents. Nations Unies, Comité contre la torture, convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, Observation générale no 2 (2[4] janvier 2008), par. 15 (annexe 286).
651 CIRFT, préambule, cinquième et neuvième alinéas.
652 Ibid., dixième alinéa.
653 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 49/60, Déclaration sur les mesures visant à éliminer le terrorisme
international, doc. A/RES/49/60 (9 décembre 1994) (annexe 273).
654 CIRFT, préambule, sixième alinéa.
655 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 51/210, Mesures visant à éliminer le terrorisme international,
doc. A/RES/51/210 ([16 janvier 1997]) (les italiques sont de nous) (annexe 278).
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183
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Or, le contexte vient confirmer que l’article 18 n’a pas pour effet de permettre pareille lacune.
L’article 20 énonce en effet ce qui suit : «Les Etats Parties s’acquittent des obligations découlant de
la présente Convention dans le respect des principes de l’égalité souveraine et de l’intégrité
territoriale des Etats, ainsi que de celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres
Etats.»656
303. Ainsi, en «s’acquittant de ses obligations» de coopération en matière de prévention des
infractions définies à l’article 2, la Russie doit agir dans le respect des principes de l’égalité
souveraine, de l’intégrité territoriale et de la non-ingérence. Or il n’est pas conforme à ces principes
de contribuer au financement d’actes terroristes sur le territoire d’un autre Etat.
304. Cette interprétation est en outre conforme aux «règle[s] pertinente[s] de droit
international applicable[s] dans les relations entre les parties»657. En 2005, le Conseil de sécurité a, à
l’unanimité (et avec l’appui de la Russie), exprimé son inquiétude devant le «faisceau de preuves
concordantes laissant présumer que des responsables libanais et syriens étaient impliqués» dans
l’attentat terroriste à l’explosif dont avait été victime le premier ministre libanais, Rafiq Hariri658.
Cela posé, le Conseil de sécurité a dit considérer que «l’implication d’un Etat quelconque dans cet
acte terroriste constituerait une violation grave par cet Etat de l’obligation qui lui est faite d’empêcher
le terrorisme et de s’abstenir de le soutenir, [] par les résolutions 1373 [] et 1566 []»659. Le Conseil
de sécurité, y compris la Russie, a donc reconnu qu’un Etat dont les agents seraient impliqués dans
un acte terroriste aurait ipso facto manqué à son obligation d’empêcher le soutien au terrorisme.
305. Enfin, la lecture de bonne foi de la convention conduit inévitablement à interpréter
celle-ci comme exigeant de l’Etat qu’il empêche ses agents de commettre les infractions de
financement du terrorisme visées à l’article 2. La Russie ne saurait prétendre agir de bonne foi
lorsqu’elle s’engage à prévenir le financement du terrorisme par «toute personne», tout en se
réservant la faculté de le financer elle-même — en ordonnant ou en permettant à ses représentants
de fournir des fonds à des groupes dont les activités terroristes contre la population civile sont bien
connues, ou en les encourageant à ce faire.
306. Cette conclusion est encore étayée par l’interprétation que la Cour a donnée d’un autre
instrument dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro). L’obligation fondamentale
qu’impose aux Etats la Convention sur le génocide est celle de «prévenir» et de «punir» le
génocide660. Dans l’affaire en question, la Cour a jugé que l’obligation de prévenir emportait
nécessairement l’interdiction pour les Etats de commettre eux-mêmes le génocide, et ce, même si
656 CIRFT, art. 20.
657 Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 31, par. 3, al. c).
658 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1636, doc. S/RES/1636 (31 octobre 2005) (annexe 283).
659 Ibid. (les italiques sont de nous). Voir également Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373,
doc. S/RES/1373 (28 septembre 2001) (où il est décidé que «tous les Etats doivent : [p]révenir et réprimer le financement
des actes de terrorisme» et «[e]mpêcher que ceux qui financent … des actes de terrorisme n’utilisent leurs territoires
respectifs pour commettre de tels actes contre d’autres Etats ou contre les citoyens de ces Etats») (annexe 280).
660 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, Nations Unies, RTNU,
vol. 78, p. 277, article premier («Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix
ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir»).
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- 123 -
«une telle obligation n’est pas expressément imposée par les termes mêmes de la Convention»661.
Elle a ajouté ce qui suit :
«Il serait paradoxal que les Etats soient ainsi tenus d’empêcher, dans la mesure
de leurs moyens, des personnes sur lesquelles ils peuvent exercer une certaine influence
de commettre le génocide, mais qu’il ne leur soit pas interdit de commettre eux-mêmes
de tels actes par l’intermédiaire de leurs propres organes, ou des personnes sur lesquelles
ils exercent un contrôle si étroit que le comportement de celles-ci leur est attribuable
selon le droit international. En somme, l’obligation de prévenir le génocide implique
nécessairement l’interdiction de le commettre.»662
307. Il serait tout aussi paradoxal d’interpréter la CIRFT comme obligeant les Etats à prévenir
les actes de financement du terrorisme que pourrait commettre «toute personne», sans «qu’il … leur
soit … interdit de commettre eux-mêmes de tels actes par l’intermédiaire de leurs propres organes,
ou des personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle».
308. La Fédération de Russie a manqué de manière flagrante à son obligation de prendre, ainsi
que l’exige l’article 18, toutes les mesures possibles pour prévenir le financement du terrorisme par
«toute personne», y compris ses représentants. Il a été établi aux chapitres 1 et 4 du présent mémoire
que les intermédiaires de la Russie en Ukraine s’étaient livrés contre la population civile à une
campagne de terrorisme systématique entrant dans le champ de la CIRFT. Les chapitres 2 et 5 ont
par ailleurs montré que des personnes agissant pour le compte des autorités russes avaient fourni des
fonds à des groupes dont les activités terroristes contre la population civile étaient connues et qui, de
fait, ont tiré parti de ce soutien pour se livrer à de nouveaux actes de terrorisme relevant de la
convention. Ces actes de financement du terrorisme ont emporté violation du paragraphe 1 de
l’article 2 de la convention, et le fait d’avoir organisé la commission de ces actes ou d’avoir donné
l’ordre de les commettre a emporté violation du paragraphe 5 de ce même article. En n’empêchant
pas ses représentants de perpétrer ces violations de l’article 2, et en encourageant au contraire
celles-ci, la Fédération de Russie a par ailleurs violé l’article 18.
2. La Fédération de Russie a omis de prendre celle des «mesures possibles» consistant à ne pas
encourager des tiers à financer le terrorisme
309. Une autre mesure que peut et, aux termes de l’article 18, doit prendre un Etat sera de
décourager des tiers de commettre des infractions touchant au financement du terrorisme au sens de
l’article 2. Il n’est pas concevable que, après s’être engagé à prendre toutes les mesures possibles
pour prévenir les actes de financement du terrorisme, un Etat puisse néanmoins encourager des tiers
à commettre de tels actes.
310. Le financement direct du terrorisme n’est pas compatible avec l’obligation de
non-encouragement. Selon l’interprétation que la Russie donne de la convention, il lui suffit de
prévenir «le financement d’actes terroristes … par des personnes privées»663, ce qui ne l’empêcherait
pas de financer elle-même des actes terroristes. Or ces deux comportements sont incompatibles :
l’Etat qui finance directement le terrorisme ne saurait prétendre sérieusement qu’il décourage et
661 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113, par. 166.
662 Ibid.
663 Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), compte
rendu d’audience du 7 mars 2017, p. 36 (Zimmermann).
185
186
- 124 -
«empêche» ses ressortissants d’en faire autant. L’adoption d’un comportement ne peut manquer
d’indiquer que celui-ci est de fait encouragé.
311. Le financement du terrorisme en Ukraine emporte donc de la part de la Russie la violation
de l’article 18 sous une autre forme. Parmi les mesures que peut prendre un Etat pour prévenir les
infractions de financement du terrorisme visées à l’article 2, l’une des plus simples consiste à
dissuader ses ressortissants de commettre de telles infractions et non à les y encourager en participant
lui-même à pareils actes.
3. La Fédération de Russie a omis de prendre celle des «mesures possibles» consistant à
surveiller sa frontière avec l’Ukraine afin de mettre un terme au financement du terrorisme
312. Il était également tout à fait loisible à la Fédération de Russie de surveiller la frontière
qu’elle partage avec l’Ukraine afin de mettre un terme au transfert de fonds ⎯ par «toute personne»,
en ce compris des agents publics et des personnes privées ⎯ à l’appui d’actes de terrorisme en
Ukraine orientale. Or, elle s’est également abstenue de cette mesure qu’il lui aurait été parfaitement
possible de prendre.
313. Ainsi qu’il a été exposé en détail au chapitre 2, à compter du printemps 2014, des agents
et autres ressortissants russes ont fourni à la RPD, à la RPL, aux Partisans de Kharkiv et à d’autres
groupes des armes, de l’argent et des moyens d’entraînement qui, entre autres conséquences, ont
permis à ces entités de commettre des actes de terrorisme sur une plus grande échelle.
314. Pour autant, la Fédération de Russie a omis de prendre la moindre mesure pour empêcher
ces transferts de fonds, et d’armes notamment, vers le territoire ukrainien. Ainsi qu’il a été montré
en détail au chapitre 3, l’Ukraine a maintes fois informé la Russie de l’imminence de mouvements
de fonds depuis le territoire russe vers le sien. La Russie n’a tenu aucun compte de ces avertissements
répétés ni pris la moindre mesure pour mettre un terme à l’afflux de fonds, et d’armes notamment.
De fait, le service russe des frontières a informé le service ukrainien correspondant qu’il n’accepterait
de surveiller activement la frontière afin d’empêcher le passage d’armes et autres fonds en territoire
ukrainien que sur ordre des autorités supérieures. Or, cet ordre n’a jamais été donné.
315. Les Etats ont à la fois le pouvoir et le devoir de surveiller leurs propres frontières. La
Russie peut, en prenant des mesures à cet effet, veiller à ce que les fonds ⎯ et notamment
d’imposantes pièces d’artillerie lourde ⎯ ne quittent pas son territoire pour pénétrer sur celui d’un
Etat voisin. En l’occurrence, la Russie a les moyens de surveiller la frontière la séparant de l’Ukraine,
qu’elle contrôle entièrement. En ne prenant pas celle des «mesures possibles» consistant à surveiller
cette frontière dans l’objectif de mettre un terme au financement du terrorisme par toute personne, la
Russie manque à ses obligations en vertu de l’article 18.
4. La Fédération de Russie a omis de prendre celle des «mesures possibles» consistant à mettre
fin aux collectes de fonds en faveur de la RPD et de la RPL menées ouvertement sur son
territoire
316. Au nombre des mesures qu’il aurait été possible à la Fédération de Russie de prendre
pour prévenir le financement du terrorisme sur son territoire figure la surveillance des activités
bancaires et des collectes de fonds ouvertement menées par des ressortissants et organisations non
gouvernementales russes au profit de la RPD, de la RPL et d’autres groupes se livrant au terrorisme
en Ukraine. La Russie aurait pu prendre des dispositions pour démanteler ces réseaux. Afin de
187
- 125 -
faciliter les mesures d’application de la loi contre ces activités de financement, elle aurait pu inscrire
la RPD et la RPL sur la liste de groupes extrémistes et terroristes tenue par le service fédéral de
surveillance financière (également connu sous le nom de «Rosfinmonitoring»). La Russie n’en a rien
fait et, en conséquence, des dizaines d’organisations non gouvernementales et de particuliers russes
ont ouvertement fourni des armes et réuni des millions de roubles en faveur de la RPD, de la RPL et
d’autres groupes extrémistes actifs en Ukraine orientale, ainsi qu’il est exposé à la section F du
chapitre 2.
317. Dans d’autres contextes, lorsque les autorités russes désignent un groupe dont l’activité
terroriste est connue, le Rosfinmonitoring prend des dispositions concrètes pour «contrôler le respect,
par les personnes tant physiques que morales, de la législation russe sur le financement du terrorisme
et poursuivre les auteurs d’infractions»664. Ensuite, il «suspend les opérations touchant les fonds en
espèces et autres actifs» de ces groupes terroristes, gelant de fait les actifs de ces formations et ceux
qui leurs sont destinés665. Ainsi que l’a précisé le directeur de l’organisme, Yuri A. Chikhanchin,
adopter de telles mesures ne pose aucune difficulté à la Russie et elle l’a fait plus de 3500 fois666.
318. Or la Russie n’a pas adopté une mesure qu’il lui était pourtant ⎯ sa pratique le montre ⎯
parfaitement possible de prendre pour prévenir le financement du terrorisme : «contrôler» les
transactions de «personnes tant physiques que morales» avec la RPD ou la RPL. Comme on l’a vu
au chapitre 3, l’Ukraine a désigné de multiples groupes s’employant à réunir des fonds pour la RPD
et la RPL en surveillant tout simplement l’Internet667. Ces groupes exercent leurs activités illicites au
grand jour. Le New York Times en a identifié d’autres au moyen de sources accessibles au public668.
Lesdits groupes se targuent d’avoir collectivement réuni des milliards de roubles pour la RPD et la
RPL. L’Ukraine a également fourni la preuve qu’une organisation non gouvernementale, le «fonds
de soutien à des projets humanitaires internationaux», avait déposé directement des milliards de
roubles supplémentaires sur les comptes publics de la RPL, ce que le Rosfinmonitoring aurait
certainement remarqué s’il s’était donné la peine de chercher669. La Russie ayant omis de prendre les
mesures simples qu’il lui était possible de mettre en place pour contrôler et geler les ressources de la
RPD ou de la RPL, ou celles qui leur étaient destinées, ces groupes ont pu y accéder, ce qui a renforcé
leur capacité à commettre d’autres actes de terrorisme.
B. La Fédération de Russie manque à ses obligations
en vertu de l’article 8
319. Les paragraphes 1 et 2 de l’article 8 de la CIRFT énoncent ce qui suit :
«1. Chaque Etat Partie adopte, conformément aux principes de son droit interne, les
mesures nécessaires à l’identification, à la détection, au gel ou à la saisie de tous
fonds utilisés ou destinés à être utilisés pour commettre les infractions visées à
l’article 2, ainsi que du produit de ces infractions, aux fins de confiscation
éventuelle.
664 Rosfinmonitoring Functions, Federal Financial Monitoring Service (19 September 2017) (annexe 436).
665 Ibid.
666 Rosfinmonitoring Activity Public Report (2016), p. 35 et 36 (annexe 437) ; voir également Jo Becker & Steven
Lee Myers, “Russian Groups Crowdfund the Wars in Ukraine”, N.Y. Times (11 June 2015) (annexe 577).
667 Voir ci-dessus, chapitre 2, section F.
668 Jo Becker & Steven Lee Myers, “Russian Groups Crowdfund the Wars in Ukraine”, N.Y. Times (11 June 2015)
(annexe 577).
669 Voir ci-dessus, chapitre 2, section F.
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2. Chaque Etat Partie adopte, conformément aux principes de son droit interne, les
mesures nécessaires à la confiscation des fonds utilisés ou destinés à être utilisés
pour la commission des infractions visées à l’article 2, ainsi que du produit de ces
infractions.»670
320. L’obligation de détecter, d’identifier, de geler, de saisir et enfin de confisquer les fonds
destinés au financement du terrorisme est impérative, comme l’indique l’emploi de la formule
«adopte» (et non «peut adopter») dans la version française (et du «shall», par opposition à «may»,
dans la version anglaise). Et si la confiscation ultime de biens privés peut exiger un complément de
procédure, le gel des biens est censé avoir lieu sans délai. Ainsi que l’a conclu le Comité contre le
terrorisme après examen de la CIRFT et des résolutions du Conseil de sécurité s’y rapportant,
«lorsqu’il est raisonnable de soupçonner, sur la foi des éléments dont disposent les autorités d’un
pays, qu’une personne ou un groupe exerce effectivement des activités d’appui au terrorisme», «il
n’y a pas de temps à perdre» et les biens en question doivent être gelés671. De même, on peut lire
dans les recommandations du GAFI que
«[c]haque pays devrai[t] mettre en oeuvre des mesures pour geler sans délai les fonds
ou autres biens des terroristes et de ceux qui financent le terrorisme et les organisations
terroristes, [comme l’exigent] la prévention et la répression du financement des actes
terroristes … en s’appuyant sur des motifs raisonnables ou une base raisonnable pour
soupçonner ou penser que ces fonds ou autres biens pourraient servir au financement
d’activités terroristes»672.
321. La Fédération de Russie a entièrement manqué à l’obligation que lui imposait l’article 8.
Il est évident qu’elle n’a fait aucun effort de bonne foi en vue de l’«identification» et de la «détection»
des fonds utilisés pour financer le terrorisme ou destinés à cet usage. Comme il est expliqué à la
section F du chapitre 2, les activités de collecte de fonds au profit de la RPD et de la RPL s’exerçaient
ouvertement et sur une vaste échelle, notamment par l’entremise d’Internet et du système bancaire.
Tout Etat prenant au sérieux ses engagements au titre de la CIRFT aurait pu identifier et détecter ces
activités, mais la Fédération de Russie n’a fait aucun effort en ce sens.
322. Et même lorsque la Russie a été avisée de l’utilisation de fonds à des fins terroristes, elle
n’a rien fait en vue du «gel» ou de la «saisie» de ceux-ci. Ainsi que l’a montré le chapitre 3, l’Ukraine
a porté de nombreux cas de financement du terrorisme à l’attention des autorités russes. Au vu de la
notoriété des activités de la RPD et de la RPL, ces communications auraient dû tout au moins
engendrer un soupçon raisonnable de financement du terrorisme obligeant la Russie à geler les biens
visés. Or la Russie n’a rien fait, en violation de l’article 8 de la CIRFT.
670 CIRFT, art. 8, par. 1 et 2.
671 Letter from J.W. Wainwright, Expert Adviser, to the Chairman of the Counter-Terrorism Committee
(12 November 2002) (annexe 281), par. 7, lettre entérinée par le Comité contre le terrorisme le 24 novembre 2002. Le
groupe d’experts a jugé particulièrement pertinent aux fins de l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 8 concernant le
gel d’actifs le libellé de la résolution 1373 du Conseil de sécurité faisant expressément référence à la CIRFT. Ibid., par. 4
672 FATF, Special Recommendation III: Freezing and Confiscating Terrorist Assets (Text of the Special
Recommendation and Interpretative Note) (October 2001, as updated, adopted, and published February 2012) (les italiques
sont de nous) (annexe 360).
190
- 127 -
C. La Fédération de Russie manque à ses obligations
en vertu des articles 9 et 10
323. Pris ensemble, les articles 9 et 10 de la CIRFT imposent aux Etats parties l’obligation de
faire enquête sur toute personne qu’il y a lieu de soupçonner d’avoir commis une infraction visée à
l’article 2, de la retrouver et d’assurer sa présence sur leur territoire, puis de la traduire en justice ou
de l’extrader, selon le cas. En voici le libellé :
«Article 9
1. Lorsqu’il est informé que l’auteur ou l’auteur présumé d’une infraction visée à
l’article 2 pourrait se trouver sur son territoire, l’Etat Partie concerné prend les
mesures qui peuvent être nécessaires conformément à sa législation interne pour
enquêter sur les faits portés à sa connaissance.
2. S’il estime que les circonstances le justifient, l’Etat Partie sur le territoire duquel se
trouve l’auteur ou l’auteur présumé de l’infraction prend les mesures appropriées en
vertu de sa législation interne pour assurer la présence de cette personne aux fins de
poursuites ou d’extradition.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Article 10
1. Dans les cas où les dispositions de l’article 7 sont applicables, l’Etat Partie sur le
territoire duquel se trouve l’auteur présumé de l’infraction est tenu, s’il ne l’extrade
pas, de soumettre l’affaire, sans retard excessif et sans aucune exception, que
l’infraction ait été ou non commise sur son territoire, à ses autorités compétentes
pour qu’elles engagent des poursuites pénales selon la procédure prévue par sa
législation. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour
toute autre infraction de caractère grave conformément aux lois de cet Etat.»673
324. L’obligation d’enquêter prévue à l’article 9 est simple de nature et vaste de portée : s’il
est «informé» que «l’auteur présumé» d’une infraction de financement du terrorisme «pourrait» se
trouver sur son territoire, l’Etat concerné est tenu d’enquêter. Et cette enquête doit débuter «aussitôt
que le suspect est identifié sur le territoire de l’Etat» en question, ainsi que l’a dit la Cour lorsqu’elle
a été appelée à interpréter une obligation comparable découlant de la convention contre la torture674.
L’article 10 énonce lui aussi une règle simple découlant du principe aut dedere aut judicare.
325. Ainsi qu’il est exposé au chapitre 3, la Fédération de Russie a reçu d’abondantes
informations indiquant que des personnes soupçonnées de s’être livrées au financement du terrorisme
se trouvaient sur son territoire. L’Ukraine lui a demandé d’enquêter au sujet de plus de 50 personnes
désignées nommément et soupçonnées d’infractions touchant au financement du terrorisme. Or, loin
d’ouvrir une enquête «aussitôt … le suspect … identifié», la Russie n’a fait qu’atermoyer. Par
exemple, alors qu’elle avait été informée en août 2014 qu’un certain nombre de personnes se
servaient d’entités et de banques publiques russes à des fins de financement du terrorisme, il lui a
fallu près d’un an pour commencer à «établir les données personnelles complètes des intéressés»675.
673 CIRFT, art. 9 et 10.
674 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil
2012 (II), p. 454, par. 86 (ci-après l’affaire «Belgique c. Sénégal») ; Commission du droit international, Obligation
d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) : rapport final (2014), p. 9 (annexe 288).
675 Voir ci-dessus, chapitre 3.
191
192
- 128 -
Près de quatre ans après la demande de l’Ukraine, elle n’a fourni aucune indication des mesures
qu’elle avait pu prendre pour y donner suite.
326. Dans les cas où la Russie a répondu à l’Ukraine, les résultats communiqués trahissaient
l’absence d’enquête de bonne foi. Ainsi, la Russie prétend avoir découvert, en menant une «enquête»
au sujet d’activités de financement du terrorisme impliquant le centre de coordination pour
l’assistance à la Nouvelle Russie, que celui-ci «n’[avait] pas de comptes électroniques» et qu’«aucun
matériel militaire n’[avait] été acquis» par le groupe676. Or on trouve sur le site Internet de
l’organisme des liens vers ses comptes bancaires électroniques, sans parler des déclarations par
lesquelles il se vante d’avoir envoyé des armes à la RPD et à la RPL677. De même, lorsque l’Ukraine
lui a présenté des éléments prouvant qu’Oleksander Zhukovsky se livrait au financement du
terrorisme, y compris une vidéo que l’intéressé avait mise sur Internet et dans laquelle on le voit
participant à une activité de collecte de fonds en Russie au profit de la RPD, les autorités russes se
sont contentées de répondre qu’il «n’exist[ait] sur le territoire de la Fédération de Russie» aucune
personne correspondant au signalement de M. Zhukovsky678. Et lorsque l’Ukraine l’a informée de la
participation de Konstantin Malofeev à des activités de financement du terrorisme, la Russie a
répondu de manière pour le moins stupéfiante qu’«il n’[était] pas possible de déterminer où se
trouv[ait]» cet homme d’affaires pourtant bien en vue et étroitement lié au président Poutine679.
Aucune interprétation de bonne foi des obligations conventionnelles de la Russie ne permettrait de
considérer que cette dernière a «enquêté»680.
D. La Fédération de Russie manque à ses obligations
en vertu de l’article 12
327. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 12 de la CIRFT,
«[l]es Etats Parties s’accordent l’entraide judiciaire la plus large possible pour toute
enquête ou procédure pénale ou procédure d’extradition relative aux infractions visées
à l’article 2, y compris pour l’obtention des éléments de preuve en leur possession qui
sont nécessaires aux fins de la procédure»681.
Or, loin d’accorder à l’Ukraine le niveau d’entraide exigé, la Russie s’est obstinée à lui refuser toute
assistance dans ses enquêtes sur le financement du terrorisme.
328. Ainsi, la Russie a refusé son aide sous prétexte que certains documents n’avaient pas été
traduits en langue russe, tout en reconnaissant que l’Ukraine, en les soumettant, s’était conformée
676 Russian Federation Note Verbale No. 10448 to the Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (31 July 2015)
(annexe 376).
677 Voir note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de
la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ; voir également
Communist Party for the DKO (Volunteer Communist Detachment), Coordination Center for Assistance to New Russia
(30 December 2014) (annexe 631) ; Regular Dispatch Is Not Humanitarian Aid, Coordination Center for Assistance to New
Russia (19 November 2014) (annexe 629) ; Report on Past Deliveries, Coordination Center for New Russia (19 August
2014) (annexe 626).
678 Russian Federation Note Verbale No. 10448 to the Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (31 July 2015) (annexe
376).
679 Ibid.
680 Voir Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil
2012 (II), p. 453 et 454, par. 85 (l’obligation d’enquêter ne peut être considérée comme exécutée en l’absence de toute
«enquête relative aux charges»).
681 CIRFT, art. 12, par. 1 (les italiques sont de nous).
193
- 129 -
aux obligations mises à sa charge682. Elle a également prétendu que les demandes liées à des
poursuites pénales étaient «sans lien aucun» avec l’enquête préliminaire que menaient les autorités
ukrainiennes683. Elle n’a cessé d’invoquer, pour justifier son inaction, l’inobservation de «formalités
procédurales» non spécifiées et inexistantes684. Bien loin de garantir l’entraide judiciaire «la plus
large possible», elle a systématiquement multiplié atermoiements et faux-fuyants. Elle n’a du reste
jamais invoqué, pour justifier ses multiples refus, le moindre élément qui aurait rendu impossible ou
simplement plus difficile la fourniture de l’aide demandée. En s’abritant derrière des raisons de pure
forme pour éviter de coopérer, la Russie a manqué de s’acquitter de bonne foi de son obligation
d’accorder à l’Ukraine l’entraide la plus large possible.
329. Plus fondamentalement encore, lorsqu’elle daigne répondre aux demandes d’entraide
judiciaire de l’Ukraine, la Russie met généralement plus d’un an à le faire685. Il lui est aussi arrivé de
refuser carrément son aide, non pas en prétextant d’aspects techniques, mais en se bornant à invoquer,
sans autre explication, ses intérêts en matière de souveraineté et de sécurité au titre de l’alinéa b) de
l’article 2 de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959686 et de
l’article 19 de la convention de Minsk de 1993 relative à l’entraide judiciaire et aux relations
judiciaires en matière civile, familiale et pénale687. Or la Cour a déjà souligné que le pouvoir
discrétionnaire dont jouit l’Etat pour invoquer de telles exceptions «demeure soumis à l’obligation
de bonne foi codifiée à l’article 26 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités»688.
L’Etat doit ainsi démontrer «que les motifs du refus d’exécution de la [demande] relevaient des cas
prévus par [l’accord applicable]»689. La «simple référence» à l’exception permettant le refus est
insuffisante : «[q]uelques brèves explications supplémentaires [sont] de mise» ; au-delà des
considérations de «courtoisie», il s’agit de permettre à l’Etat requis «de démontrer sa bonne foi» et à
l’Etat requérant d’apporter les modifications voulues à sa demande690.
330. Aux termes du paragraphe 5 de l’article 12 de la CIRFT, la Russie avait l’obligation
d’accorder à l’Ukraine l’entraide judiciaire la plus large possible pour les enquêtes et les poursuites
relatives aux infractions touchant au financement du terrorisme691. Un refus n’aurait pu valablement
être opposé à l’Ukraine, au titre de l’article 12, que s’il l’avait été dans le respect de l’obligation de
bonne foi qui, selon la Cour, sous-tend le type d’accord en cause. Formuler des refus catégoriques
sur la base de «simple[s] référence[s]», non motivées, à des préoccupations en matière de
682 Voir ci-dessus, chapitre 3, section C ; Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter
No. 82/1-759-16 (14 September 2016) (annexe 429).
683 Voir ci-dessus, chapitre 3, section C ; Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter
No. 82/1-5444-14 (dated 23 October 2015, sent 6 November 2015) (annexe 428).
684 Voir ci-dessus, chapitre 3, section C.
685 Voir ibid.
686 Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale [20 avril 1959], art. 2, al. b) («L’entraide
judiciaire pourra être refusée … si la partie requise estime que l’exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la
souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels de son pays») (annexe 460).
687 Minsk Convention on Legal Aid and Legal Relations on Civil, Family and Criminal Matters of 1993, art. 19
(22 January 1993) («Une demande d’exercice de l’entraide judiciaire peut être rejetée en tout ou partie si l’exercice de
l’entraide est susceptible de porter préjudice à la souveraineté ou à la sécurité de l’Etat contractant requis ou est contraire
à sa législation.») (annexe 461).
688 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 2008, p. 229, par. 145 (il est précisé que si les traités d’entraide judiciaire «donnent un très large pouvoir
discrétionnaire à l’Etat requis, l’exercice de ce pouvoir demeure soumis à l’obligation de bonne foi codifiée à l’article 26
de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités»).
689 Ibid.
690 Ibid., p. 231, par. 152.
691 CIRFT, art. 12, par. 5.
194
195
- 130 -
souveraineté ou de sécurité n’est pas une marque de bonne foi et emporte dès lors violation des
obligations incombant à la Russie en matière d’entraide judiciaire et, partant, violation
supplémentaire de l’article 12 de la CIRFT.
- 131 -
SECTION C
COMPÉTENCE
CHAPITRE 7
LA COUR A COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DU DIFFÉREND
DES PARTIES CONCERNANT LA CIRFT
331. Selon le paragraphe 1 de l’article 36 de son Statut, la Cour a compétence pour connaître
de «toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu[e de] tous les cas spécialement
prévus … dans les traités et conventions en vigueur»692. Afin de fonder la compétence de la Cour à
l’égard de ses allégations de financement du terrorisme, l’Ukraine invoque le paragraphe 1 de
l’article 24 de la CIRFT, à laquelle la Fédération de Russie et elle-même sont toutes deux parties.
Ledit paragraphe se lit comme suit :
«Tout différend entre des Etats Parties concernant l’interprétation ou
l’application de la présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de négociation
dans un délai raisonnable est soumis à l’arbitrage, à la demande de l’un de ces Etats. Si,
dans les six mois qui suivent la date de la demande d’arbitrage, les Parties ne
parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconque
d’entre elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice, en déposant
une requête conformément au Statut de la Cour.»693
332. L’Ukraine et la Fédération de Russie sont donc convenues de soumettre à la Cour tout
différend concernant l’interprétation ou l’application de la CIRFT, pourvu qu’il soit satisfait à trois
conditions préalables : 1) il doit effectivement exister un différend ; 2) il faut que ce différend n’ait
pu être réglé par voie de négociation dans un délai raisonnable ; et 3) les Parties ne doivent pas être
parvenues à se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage dans les six mois qui ont suivi la date
de la demande d’arbitrage. Ces trois conditions préalables sont réunies.
A. Il existe entre l’Ukraine et la Fédération de Russie un différend
concernant l’interprétation ou l’application de la CIRFT
333. Comme la Cour l’a déclaré, «[i]l existe un différend entre des Etats lorsque leurs «points
de vue … quant à l’exécution ou à la non-exécution» de certaines obligations
internationales … «so[nt] nettement opposés»»694. Il ressort du dossier de l’affaire que la Cour a déjà
conclu à l’existence d’un différend695. La Cour a notamment résumé les positions divergentes des
deux Etats en ces termes : «selon l’Ukraine, la Fédération de Russie a manqué aux obligations qui
lui incombent» au titre de la CIRFT, alors que «[l]a Fédération de Russie nie catégoriquement avoir
commis l’une quelconque de ces violations»696.
692 Statut de la Cour, art. 36, par. 1.
693 CIRFT, art. 24, par. 1.
694 Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), mesures
conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, C.I.J. Recueil 2017, p. 11, par. 22 (citant Violations alléguées de droits
souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26, par. 50, et Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74) (ci-après «Ukraine c. Fédération de Russie»).
695 Ibid., p. 13-14, par. 29-31.
696 Ibid., p. 13, par. 29.
196
197
- 132 -
334. Depuis 2014 et pendant quasiment les deux années qui ont suivi, l’Ukraine a adressé à la
Fédération de Russie plus de trente notes diplomatiques détaillant nombre de violations particulières
de la CIRFT. A titre d’exemple, dans sa première communication explicite à cet égard, elle a affirmé
que la Fédération de Russie avait commis des actes en violation de la CIRFT697. La Fédération de
Russie, de son côté, a clairement fait savoir qu’elle rejetait les griefs de l’Ukraine, tout en refusant
cependant de reconnaître l’existence d’un différend698. Ainsi que la Cour l’a relevé, «[l]e simple fait
que l’existence d’un différend est contestée ne prouve pas que ce différend n’existe pas»699. Au
contraire, «[l]a question de savoir s’il existe un différend dans une affaire donnée demande à être
«établie objectivement» par la Cour»700. Les faits objectifs de la présente affaire montrent que les
«points de vue» des Parties quant à l’exécution ou à la non-exécution de certaines obligations qui
leur incombent au titre de la CIRFT «so[nt] nettement opposés». La première condition préalable
prévue au paragraphe 1 de l’article 24 de la convention est donc remplie.
B. Le différend entre l’Ukraine et la Fédération de Russie n’a pu être réglé
par voie de négociation dans un délai raisonnable
335. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires, la Cour a déjà conclu que
le différend entre les Parties «n’[avait] pu … être résol[u] par voie de négociation»701. Il ressort du
dossier que l’Ukraine n’a pas ménagé ses efforts pour négocier avec la Fédération de Russie sur le
plan bilatéral pendant une période de deux ans, au cours de laquelle ses représentants se sont
personnellement réunis à quatre reprises avec ceux de la Partie adverse702. Au vu du temps et des
efforts consacrés par l’Ukraine, il s’agit d’une tentative de négociation qui va bien au-delà de ce qui
pourrait être considéré comme raisonnable, et qui est assurément plus poussée que celles dont la Cour
a eu à connaître par le passé. Par exemple, en l’affaire Belgique c. Sénégal, la Cour a conclu que le
différend n’avait pu être réglé par voie de négociation, alors que les parties n’avaient échangé des
communications que sur une période de huit mois et que leurs représentants n’avaient jamais pris
personnellement part à des négociations détaillées703. Il n’y a pas de commune mesure entre une
correspondance de huit mois et les deux ans de négociations approfondies que les Parties ont menées
par écrit et par la voix de leurs représentants, fût-ce en vain.
697 Note verbale no 72/22-484-1964 en date du 28 juillet 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine
(«La Partie ukrainienne affirme que les … éléments de fait disponibles … démontrent que les actes
de la Fédération de Russie, et notamment de ressortissants russes, visent de façon directe ou indirecte,
illicite et délibérée à fournir ou à réunir des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils
seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre des actes de terrorisme, en violation de ladite
convention») (annexe 368).
698 Voir, par exemple, note verbale no 14587 en date du 24 novembre 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie [extraits] (rejetant sommairement
les griefs de l’Ukraine en les qualifiant de «faits imaginaires et d’accusations dépourvues de fondement») (annexe 375) ;
note verbale no 13457 en date du 15 octobre 2015 adressée au ministère des affaires étrangères de l’Ukraine par le ministère
des affaires étrangères de la Fédération de Russie [extraits] (où les griefs de l’Ukraine sont qualifiés d’«informations
fictives», d’«accusations dépourvues de fondement» et d’«allégations manifestement fausses») (annexe 377).
699 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
700 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30 (citant
Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1950, p. 74) (ci-après «Géorgie c. Fédération de Russie»).
701 Ukraine c. Fédération de Russie, p. 18-19, par. 52.
702 Ces quatre réunions ont eu lieu le 22 janvier 2015, le 2 juillet 2015, le 29 octobre 2015 et le 17 mars 2016.
703 Belgique c. Sénégal, p. 433-436, par. 24-28, et p. 446, par. 58-59.
198
199
- 133 -
336. La Cour a expliqué que, lorsque des négociations étaient dans l’impasse et leur poursuite,
inutile, la condition préalable à sa saisine était remplie704. Ainsi que sa devancière l’a également
relevé en l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, quand l’une des parties «s’est
heurtée … à un non volumus» de l’autre, il apparaît «avec évidence que le différend n’est pas
susceptible d’être réglé par une négociation diplomatique»705.
337. En la présente espèce, l’Ukraine a détaillé, note après note et réunion après réunion, les
actes commis par la Fédération de Russie en violation de la CIRFT706. Pourtant, à la fin de l’année
2016, la Fédération de Russie refusait toujours de reconnaître l’existence d’un différend, et a fortiori
d’examiner le fond des griefs de l’Ukraine707. Ainsi qu’il ressort du dossier, pendant plus de deux
ans, elle n’a pas modifié d’un iota sa position à cet égard. Elle a opposé son «non volumus» à
l’Ukraine. La CIRFT n’imposant pas l’obligation de poursuivre inutilement des négociations, la
deuxième condition préalable prévue au paragraphe 1 de l’article 24 de la convention est remplie.
C. L’Ukraine et la Fédération de Russie ne sont pas parvenues à se mettre d’accord
sur l’organisation de l’arbitrage dans les six mois qui ont suivi
la date de la demande d’arbitrage de l’Ukraine
338. Là encore, la Cour a constaté que l’Ukraine avait présenté une demande d’arbitrage à la
Fédération de Russie et que, «dans les six mois qui [avaient] suivi la date de la demande d’arbitrage,
les Parties n’[avaient] pu organiser celui-ci de manière concertée»708. Lors de l’examen d’un
préalable similaire à sa compétence, la Cour avait estimé qu’«une demande d’arbitrage» directe ou
«une offre explicite … de recourir à une procédure d’arbitrage» satisfaisait à l’exigence relative à la
présentation d’une demande d’arbitrage709. En la présente instance, l’Ukraine a présenté à la
Fédération de Russie une demande directe de recourir à l’arbitrage dans sa note verbale du 19 avril
704 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 133, par. 159 (citant
Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13 ; Sud-Ouest africain (Ethiopie
c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 345-346 ; Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 27,
par. 51 ; Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de
l’Organisation des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p. 33, par. 55 ; Questions d’interprétation et
d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne
c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 122, par. 20).
705 Concessions Mavrommatis en Palestine, exception d’incompétence, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13
(Les italiques ont été omis).
706 Voir, par exemple, note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 369) ; Ukraine
Note Verbale No. 72/22-620-2185 to the Russian Ministry of Foreign Affairs (22 August 2014) (annexe [3]70) ; note
verbale no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie
par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 371).
707 Voir, par exemple, note verbale no 13355 en date du 14 octobre 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie [extraits] (exprimant la nécessité
d’obtenir «des éléments factuels sur les points évoqués» au lieu de répondre aux questions de fond) (annexe 373) ; Russian
Federation Note Verbale No. 14284 to Ukrainian Ministry of Foreign Affairs (11 November 2016) (où il est indiqué que
«ni la discussion de tel ou tel point lors des consultations, ni l’échange de correspondance diplomatique
entre les Parties ne sauraient préjuger la question de l’applicabilité de la convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme, pas plus que celle de l’existence d’un différend concernant
l’interprétation ou l’application de la convention») (annexe 3[8]3).
708 Ukraine c. Fédération de Russie, par. 53.
709 Belgique c. Sénégal, p. 446-448, par. 60-62.
200
- 134 -
2016710. Eu égard au libellé sans équivoque du paragraphe 1 de l’article 24, elle aurait pu soumettre
le différend à la Cour six mois après cette date, soit dès le 21 octobre 2016. Pourtant, elle a continué
pendant près de neuf mois à tenter de combler le fossé qui existait entre la Fédération de Russie et
elle au sujet de l’organisation de l’arbitrage711.
339. Plus de deux mois après la demande de l’Ukraine, la Fédération de Russie a finalement
répondu qu’elle était disposée à «discuter de questions concernant l’organisation de l’arbitrage» et a
proposé que les représentants des deux Etats retournent pour la cinquième fois à la table des
négociations le mois suivant712. L’Ukraine a, en toute bonne foi, exposé ses vues sur l’organisation
de l’arbitrage lors de la réunion que les Parties ont tenue le 4 août, puis a soumis une proposition
écrite dans le courant du même mois713. La Fédération de Russie n’a pas communiqué ses vues à cet
égard avant début octobre ; elle a alors rejeté la proposition de l’Ukraine de recourir à une chambre
ad hoc de la Cour et a avancé ses propres propositions concernant l’organisation de la procédure
d’arbitrage714. Les Parties ont continué de discuter de leurs propositions respectives jusqu’à la fin de
l’année 2016715.
340. Au sujet d’une disposition conventionnelle similaire, la Cour a précisé que «l’absence
d’accord entre les parties sur l’organisation d’un arbitrage … p[ouvait] résulter … d’une proposition
d’arbitrage faite par le demandeur … suivie de l’expression par [le défendeur] de son intention de ne
pas l’accepter»716. Jusqu’à la fin de l’année 2016, la Fédération de Russie a clairement exprimé son
intention de ne pas accepter plusieurs des propositions de l’Ukraine sur l’organisation de l’arbitrage.
Les Parties ne sont donc pas parvenues à se mettre d’accord sur ce point dans le délai fixé par le
paragraphe 1 de l’article 24. En conséquence, la dernière condition préalable posée par la CIRFT à
la compétence de la Cour est remplie.
710 Note verbale no 72/22-610-954 en date du 19 avril 2016 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] («En conséquence, en application du
paragraphe 1 de l’article 24 de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, l’Ukraine
demande à la Fédération de Russie de consentir à ce que le différend soit soumis à un arbitrage dont les modalités seront
arrêtées d’un commun accord») (annexe 378).
711 Note verbale no 72/22-663-82 en date du 13 janvier 2017 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (informant la Fédération de Russie de
l’intention de l’Ukraine de saisir la Cour) (annexe 385).
712 Note verbale no 8808 en date du 23 juin 2016 adressée au ministère des affaires étrangères de l’Ukraine par le
ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie [extraits] (annexe 379).
713 Note verbale no 72/22-620-2049 en date du 31 août 2016 adressée au ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (annexe 380).
714 Note verbale no 14426 en date du 3 octobre 2016 adressée au ministère des affaires étrangères de l’Ukraine par
le ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie [extraits] (annexe 381).
715 Voir note verbale no 72/22-194/510-2518 en date du 2 novembre 2016 adressée au ministère des affaires
étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de l’Ukraine [extraits] (proposant des
«principes fondamentaux concernant l’organisation de l’arbitrage») (annexe 382) ; note verbale no 16886 en date du
30 décembre 2016 adressée au ministère des affaires étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la
Fédération de Russie [extraits] (répondant aux propositions de l’Ukraine «sur l’organisation de l’arbitrage» (annexe 384).
716 Belgique c. Sénégal, p. 447-448, par. 61 (citant Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête :
2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 41,
par. 92).
201
202
- 135 -
TROISIÈME PARTIE
VIOLATIONS PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE DE LA CONVENTION SUR
L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE
341. Le soutien et le financement qu’elle a apportés au terrorisme en Ukraine orientale, décrits
dans la partie précédente, démontrent jusqu’où la Fédération de Russie est prête à aller lorsque des
pays voisins tentent d’échapper à son hégémonie. La campagne de discrimination raciale
systématique qu’elle a menée en Crimée, décrite dans la présente partie, illustre la mesure dans
laquelle la Fédération de Russie méprise les droits de l’homme fondamentaux dans les territoires sur
lesquels elle a pu asseoir sa suprématie.
342. Cette campagne est un affront aux idéaux qui ont inspiré les rédacteurs de la CIEDR.
Lorsque l’Assemblée générale l’a adoptée en 1965, le Secrétaire général de l’ONU a déclaré que la
CIEDR constituerait «un instrument extrêmement précieux» qui permettrait à l’Organisation des
Nations Unies de «poursuivre ses efforts pour extirper les vestiges de la discrimination raciale»717.
Le Secrétaire général a salué cette adoption non seulement parce que la CIEDR demandait qu’il fût
mis un terme à la discrimination, mais également parce qu’elle «établi[ssait] le dispositif
international qui [était] indispensable pour atteindre cet objectif»718. Le texte de la CIEDR rend
compte de la détermination des parties «à adopter toutes les mesures nécessaires pour l’élimination
rapide de toutes les formes et de toutes les manifestations de discrimination raciale»719.
343. Plus précisément, l’article premier de la CIEDR énonce de manière générale les motifs
de discrimination visés, dont l’origine ethnique, et précise qu’un comportement ayant pour but ou
pour effet de créer la discrimination violerait la convention. L’article 2 de la CIEDR exige des Etats
parties qu’ils poursuivent une politique tendant à éliminer toute forme de discrimination. En son
paragraphe 1 a), il interdit aux Etats parties de se livrer à tout acte ou pratique de discrimination
raciale et leur impose de faire en sorte que toutes les autorités et institutions publiques se conforment
à cette obligation. En son paragraphe 1 b), il interdit aux Etats parties d’encourager, de défendre et
d’appuyer la discrimination raciale pratiquée par une personne ou une organisation quelconque.
344. La CIEDR énonce ensuite de manière plus précise d’autres comportements
discriminatoires interdits. En son article 4, elle impose aux Etats parties de ne pas promouvoir ni
inciter la discrimination et de condamner la propagande et les organisations qui s’inspirent de l’idée
de la supériorité d’une race ou qui prétendent justifier une telle idée. L’article 5 de la CIEDR exige
des Etats parties qu’ils garantissent l’égalité devant la loi concernant, entre autres, la protection
contre les sévices, le traitement égal par les organes judiciaires, le droit de circuler librement, la
liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion et d’association pacifiques et le droit à
l’éducation et à la formation professionnelle. L’article 6 exige des Etats parties qu’ils assurent à toute
personne soumise à leur juridiction le droit à une protection et à une voie de recours effectives, devant
les tribunaux nationaux et autres organismes d’Etat, contre tous actes de discrimination raciale.
Enfin, l’article 7 exige des Etats parties qu’ils prennent des mesures efficaces dans les domaines de
l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information, pour lutter contre les préjugés
conduisant à la discrimination raciale.
717 Nations Unies, Assemblée générale, vingtième session, 1406e séance plénière, doc. A_PV.1406 (21 décembre
1965), par. 13[7] (annexe 782).
718 Ibid., par. 138.
719 CIEDR, préambule (annexe 738).
203
204
- 136 -
345. Par le traitement auquel elle a soumis les communautés ukrainienne et tatare de Crimée,
la Fédération de Russie a violé chacun des articles susmentionnés. Qui pis est, elle a non seulement
omis de se conformer aux obligations positives qu’elle avait contractées en vertu de la CIEDR, mais
mis en place une politique et une pratique de discrimination raciale allant totalement à l’encontre des
exigences de la convention.
346. Après avoir occupé de manière illicite la Crimée, la Fédération de Russie cherche
maintenant à y imposer sa suprématie et à éradiquer les revendications culturelles des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée entrant en concurrence avec ses propres prétentions. Pour atteindre
ce but, elle a orchestré une stratégie à deux volets. En premier lieu, la Russie a déployé en force son
système de sécurité autoritaire en Crimée et l’a appliqué de façon sélective afin d’écraser la
dissidence politique des communautés ukrainienne et tatare de Crimée. En second lieu, elle a abusé
de sa position en tant que puissance occupante afin de promouvoir sa propre culture, tout en étouffant
les moyens dont disposaient les communautés ukrainienne et tatare de Crimée pour préserver leurs
identités distinctes respectives, que ce soit par des rassemblements culturels, les médias de masse,
l’éducation ou tout autre moyen. Le résultat final recherché est aussi flagrant qu’odieux s’agissant
du patrimoine multiethnique de la Crimée : l’annihilation culturelle des communautés ukrainienne et
tatare de Crimée de la péninsule.
347. La section A décrit le contexte de la campagne de discrimination raciale menée par la
Russie en Crimée ainsi que ses diverses composantes. Le chapitre 8 présente le contexte historique
dans lequel s’inscrit le comportement de la Fédération de Russie et décrit comment l’occupation et
l’annexion de la péninsule par la Russie en février et mars 2014 ont jeté les bases de cette campagne.
Le chapitre 9 décrit de façon plus détaillée le premier volet de la campagne, visant à priver de leurs
droits politiques et civils les communautés ukrainienne et tatare de Crimée. Le chapitre 10 décrit le
second volet, ciblant la vie culturelle de ces communautés. La section B porte sur les conséquences
juridiques des actes de la Russie au regard de la CIEDR. Le chapitre 11 décrit les principes
fondamentaux consacrés par la CIEDR et établit que les Tatars et les Ukrainiens de Crimée sont des
groupes protégés en vertu de cette convention. Le chapitre 12 explique comment le comportement
de la Russie viole, globalement, les obligations que lui impose la CIEDR. Enfin, dans la présente
partie, la section C qui consiste en un seul chapitre, le chapitre 13, expose pourquoi la Cour a
compétence pour trancher le différend qui oppose les Parties.
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- 137 -
SECTION A
PREUVES DE LA POLITIQUE ET DE LA PRATIQUE DE DISCRIMINATION
RACIALE MISES EN OEUVRE PAR LA RUSSIE EN CRIMÉE
CHAPITRE 8
CAMPAGNE D’ANNIHILATION CULTURELLE MENÉE EN CRIMÉE
PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
348. La campagne de discrimination raciale à laquelle se livre actuellement la Russie en
Crimée ne peut être pleinement saisie que replacée dans son contexte historique. Ce contexte
comprend la formation, au fil des siècles, d’une société marquée par une très grande diversité
ethnique en Crimée ainsi que les événements directement liés à l’occupation militaire russe et à la
prétendue annexion de la péninsule en février et mars 2014. Chacune de ces dimensions est analysée
successivement dans ce chapitre.
A. Contexte historique et social de la campagne d’annihilation
culturelle menée par la Russie
349. Pendant vingt-cinq siècles, au moins, nombre de cultures se sont succédé et ont prospéré
en Crimée, enrichissant la composition ethnique de sa population. Toutefois, plus particulièrement
au cours du siècle dernier, les relations entre les différentes communautés n’ont pas toujours été
harmonieuses. A partir de 1991, l’Ukraine nouvellement indépendante a fait face au défi consistant
à réintégrer dans la société de Crimée des peuples entiers qui revenaient d’exil après les déportations
de masse organisées par Staline en 1944 (appelées «Sürgün» par les Tatars de Crimée). Depuis 2014,
la campagne d’annihilation culturelle que livre la Russie contre les communautés qui s’opposent à
l’occupation illicite de la Crimée ravive les souvenirs de cette sombre époque.
1. Développement de la culture multiethnique de la Crimée
350. Comme l’explique le professeur Paul Magocsi, titulaire de la chaire des études
ukrainiennes à l’Université de Toronto, le développement historique de la Crimée a été façonné par
son rôle en tant que «zone de contact et de transit pour les routes maritimes et terrestres qui reliaient
la steppe eurasienne à la mer Noire et, au-delà, via le Bosphore, à la mer Egée et à la mer
Méditerranée»720. C’est l’importance stratégique de la Crimée en tant que carrefour commercial entre
l’Asie et l’Europe qui a d’abord attiré les colons de la Grèce antique sur les rives de la péninsule
environ 600 ans avant notre ère721. Depuis, de nombreuses civilisations ont laissé leur empreinte sur
la péninsule, contribuant à créer la très grande diversité ethnique qui caractérisait la Crimée avant les
événements décrits dans le présent mémoire. Au cours des deux millénaires qui se sont écoulés entre
l’arrivée des premiers colons grecs et l’annexion de la Crimée par l’Empire russe en 1783, la
péninsule a été dirigée ou colonisée, notamment, par les Empires romain et byzantin, de nombreuses
tribus germaniques et turques, des cités-Etats italiennes médiévales, dont Venise et Gênes, des
marchands arméniens et juifs, le Khanat de Crimée établi par les successeurs de la Horde d’or et
l’Empire ottoman722. A la fin du XVIIIe siècle, cet amalgame de nations et de cultures en était venu
à constituer le peuple qui se définit aujourd’hui comme les Tatars de Crimée.
720 Expert Report of Professor Paul Magocsi (4 June 2018), par. 77 (ci-après le «rapport Magocsi») (annexe 21).
721 Voir ibid., par. 8.
722 Ibid., par. 8-12.
206
207
- 138 -
Carte 13 : Géographie de la Crimée
Légende :
Crimea = Crimée
Sevastopol = Sébastopol
Russia = Russie
Romania = Roumanie
Bulgaria = Bulgarie
Belarus = Bélarus
Kyiv = Kyiv
Black Sea = Mer Noire
Sea of Azov = Mer d’Azov
Moldova = Moldova
(UTM Zone 36 N Projection Datum : WGS-1984) = WGS 84/UTM zone 36 N
351. La prédominance démographique des peuples slaves en Crimée est relativement récente.
L’histoire de la péninsule nous enseigne que les Slaves y ont longtemps été moins représentés. Les
parties plus septentrionales de la péninsule, où le paysage est davantage de type steppe, ont été
colonisées par des Slaves de la Rus’ de Kyiv bien avant l’arrivée des Mongols en Crimée723. Pendant
les siècles qui ont suivi, les incursions mongoles sur le territoire de ce qui allait devenir l’actuelle
Ukraine ont entraîné une augmentation du nombre de Slaves au sein de la population de la Crimée.
Toutefois, c’est seulement lors de l’établissement du régime impérial russe en Crimée à la fin du
XVIIIe siècle que l’équilibre démographique va pencher de manière décisive en faveur de la
communauté slave724. Comme l’explique le professeur Magocsi, ce changement est le résultat d’une
723 Ibid., par. 9.
724 Ibid., par. 13.
208
209
- 139 -
politique délibérée de l’Empire russe consistant à encourager l’émigration «volontaire» des habitants
tatars de Crimée de la péninsule725. Au XIXe siècle, les Tatars de Crimée n’ont cessé d’y voir leur
poids démographique diminuer, jusqu’à devenir minoritaires au cours de la seconde moitié du
siècle726. Ils ont quitté la péninsule par milliers, et se sont installés dans des territoires occupés par
l’Empire ottoman727. A ce jour, une importante diaspora tatare de Crimée vit toujours en Turquie.
352. Au fil des siècles, le pouvoir central de Moscou a périodiquement tenté de «russifier» la
Crimée. Sous Staline, pendant l’ère soviétique, alors que la Crimée faisait partie de la République
socialiste fédérative soviétique de Russie, une nouvelle tentative concertée a été entreprise en ce sens.
En 1944, le peuple tatar de Crimée a été brutalement déporté en masse, de même que plusieurs autres
nationalités, sous le prétexte qu’il avait collaboré avec les forces d’occupation nazies728. Des milliers
sont morts en route vers leur nouvelle demeure en Asie centrale (principalement en Ouzbékistan), et
bien davantage à leur arrivée à destination729. Durant les cinquante années suivantes, les Tatars de
Crimée déplacés ont tenté de conserver leur langue et leur culture distinctes, et les plus résolus d’entre
eux ont fait campagne pour être autorisés à retourner dans leur patrie, en Crimée730. Pendant ce temps,
en Crimée, les autorités russes locales n’ont pas ménagé leur peine pour effacer toute trace du passé
des Tatars de Crimée, renommant les villes et les villages et encourageant l’immigration des Slaves
de la République socialiste fédérative soviétique de Russie et de la République socialiste soviétique
d’Ukraine731.
353. La distinction au sein de la population slave de Crimée entre Russes et Ukrainiens est
aussi relativement récente, ayant acquis sa forme moderne seulement au cours de la seconde moitié
du XIXe siècle alors que le mouvement national ukrainien prenait de l’ampleur732. Dès le premier
recensement russe effectué en 1897, les habitants de la péninsule ont été amenés à se déclarer soit
comme Ukrainiens (ou «Petits-Russes», terme employé dans le recensement de 1897 pour désigner
les Ukrainiens) soit comme étant de l’une des autres nationalités préétablies par les autorités733.
Même si les participants au recensement considéraient sans doute cette question sur la nationalité
comme visant à renseigner sur leur ascendance principale plutôt que sur la façon dont ils se
définissaient alors eux-mêmes, les statistiques issues de cette opération fournissent, à tout le moins,
une idée de la proportion dans laquelle les habitants de la Crimée se considéraient comme russes ou
ukrainiens à partir de 1897. Comme le montre le tableau 2 du rapport Magocsi, le pourcentage
d’Ukrainiens dénombrés dans le cadre des recensements effectués successivement par l’Empire russe
et par l’Union soviétique a augmenté de façon constante tout au long du XXe siècle, pour atteindre
environ un quart de la population lorsque l’Ukraine est devenue indépendante en 1991734. Cette partie
725 Ibid., par. 31.
726 Ibid., par. 32.
727 Ibid., par. 31 et 32.
728 Ibid., par. 33 ; voir également State Defense Committee of the Soviet Union Decree No. 589ss “On the Crimean
Tatars” (11 May 1944) (chapeau) (annexe 871).
729 Rapport Magocsi, par. 34.
730 Ibid., par. 36.
731 G. Uehling, “Genocide’s Aftermath: Neostalinism in Contemporary Crimea”, Genocide Studies and Prevention
(2015) (annexe 1021) ; déposition de Mustafa Dzhemilev, par. 4 (annexe 16).
732 Rapport Magocsi, par. 50 (annexe 21).
733 Voir ibid., par. 46-48 et 52.
734 Ibid., par. 46, tableau 2.
210
211
- 140 -
de la population comprenait des Ukrainiens dont la langue maternelle était l’ukrainien et d’autres qui
préféraient parler le russe735.
354. La décision du præsidium du Soviet suprême de transférer la Crimée de la République
socialiste fédérative soviétique de Russie à la République socialiste soviétique d’Ukraine en 1954
n’a pas eu de répercussion importante à long terme sur l’équilibre culturel en Crimée736. Au temps
de l’Union soviétique, avec Moscou en son centre, le russe est demeuré une langue synonyme
d’avancement et était, en général, privilégié pour l’instruction chez les Slaves de Crimée, qu’ils
fussent d’ascendance russe ou ukrainienne737.
355. Suivant la proclamation de l’indépendance de l’Ukraine en 1991, la Crimée a représenté,
pour les autorités de Kyiv, un problème complexe. Même avant la dissolution de l’Union soviétique
en décembre 1991, le Soviet suprême de la République socialiste soviétique d’Ukraine lui avait
accordé le statut de république autonome au sein de l’Ukraine soviétique738. Toutefois, une fois
l’indépendance déclarée, une minorité très active a demandé le rattachement de la péninsule à la
Fédération de Russie, encouragée dans ses revendications par les législateurs nationalistes russes à
Moscou. Sous la présidence d’Eltsine, le Gouvernement russe a confirmé à maintes reprises que la
Crimée faisait partie de l’Ukraine, et a signé plusieurs traités par lesquels la Fédération de Russie
s’engageait à respecter la souveraineté du territoire de l’Ukraine ainsi défini739. Après 1994, le
mouvement sécessionniste s’est en grande partie éteint jusqu’à ce que la Fédération de Russie lui
donne une nouvelle impulsion, en tant que couverture à son invasion militaire de la Crimée en février
et mars 2014. Plus la nouvelle génération de la population criméenne postsoviétique vieillissait dans
la péninsule, moins l’idée d’une Crimée faisant partie de l’Ukraine indépendante était sujette à
controverse, et bon nombre de jeunes avaient intégré le fait d’être ukrainiens dans leur perception
identitaire.
356. A cette époque, le Gouvernement de l’Ukraine nouvellement indépendante faisait face au
défi de réintégrer dans l’économie et la société des centaines de milliers de Tatars de Crimée revenus
dans la péninsule. Si les retours avaient commencé au compte-gouttes, même avant la fin de
l’Union soviétique, quelques Tatars de Crimée, dont Mustafa Dzhemilev et Refat Chubarov ouvrant
la voie en réussissant à regagner la Crimée depuis leur exil en Ouzbékistan740, l’on assista,
après 1991, à un afflux massif, encouragé par les autorités ukrainiennes. Le recensement de 2001
révèle ainsi que quelque 250 000 Tatars de Crimée étaient de retour sur les terres de Crimée, contre
zéro à une époque pas si lointaine (1959)741. En 2013, dans le cadre d’une évaluation des besoins
réalisée pour le haut-commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales, le Gouvernement
ukrainien a été félicité pour les mesures prises en vue de la réintégration des Tatars de Crimée et des
autres peuples qui avaient été déportés, même s’il était également souligné qu’il ne fallait pas en
rester là742.
735 Voir ibid., par. 52.
736 Ibid., par. 53-57.
737 Ibid.
738 Ibid., par. 28.
739 Ibid., par. 17.
740 Ibid., par. 17.
741 Ibid., par. 39.
742 Organization for Security and Co-operation in Europe High Commissioner for National Minorities, The
Integration of Formerly Deported People in Crimea, Ukraine: Needs Assessment (August 2013), p. 2 (annexe 805).
212
- 141 -
2. Les communautés ukrainienne et tatare de Crimée dans la Crimée actuelle
357. Comme l’explique le professeur Magocsi, le peuple tatar de Crimée n’a pas laissé son
exil forcé en Asie centrale émousser son sentiment d’identité distincte. Au contraire, la communauté
a mis sur pied ses propres organisations civiques, dont un journal, des revues et une maison d’édition,
afin de préserver ses traditions743. Parmi les nouvelles organisations civiques créées au cours de cette
période, signalons l’Union de la jeunesse tatare de Crimée, cofondée par Mustafa Dzhemilev, qui
allait jouer un rôle important, au cours des années suivantes, s’agissant de défendre le droit au retour
en Crimée744. L’observance d’une forme modérée d’islam a continué d’être une caractéristique du
peuple tatar de Crimée pendant cette période745. La perte la plus importante qu’a dû essuyer ce peuple
en raison de son exil est sans doute la langue tatare de Crimée, que de nombreuses familles ont
remplacée, comme principale langue de communication, par le russe qui était alors enseigné dans les
écoles locales746.
358. Les nombreux Tatars de Crimée qui sont retournés dans la péninsule depuis la fin des
années 1980 ont maintenu cette tradition d’engagement civique, et se sont dotés en outre
d’institutions élues chargées de représenter les intérêts de leur peuple dans son ensemble. En
juin 1991, les Tatars de Crimée ont organisé l’élection du Qurultay, sorte de congrès national de
250 délégués747. Cet organe démocratique, dont le nom rappelle une institution ancienne du Khanat
de Crimée qui dirigea cette dernière du XVe au XVIIIe siècle, a adopté une déclaration sur la
souveraineté nationale du peuple tatar de Crimée748. Le Qurultay formé en 1991 a également élu un
Majlis, soit un organe exécutif chargé d’assurer, en dehors de ses propres sessions, la représentation
légitime de la communauté tatare de Crimée. M. Dzhemilev a exercé les fonctions de président du
Majlis de 1991 au 27 octobre 2013, date à laquelle il a été remplacé par le président actuel,
M. Chubarov749.
359. Les préoccupations d’ordre pratique du peuple tatar de Crimée et des institutions qui le
représentaient pendant cette période sont des contrecoups du Sürgün. Conformément à l’ordre donné
par Staline de déporter les Tatars de Crimée en 1944, les terres et les autres biens immobiliers des
déportés avaient été saisis par les autorités locales750. Les Tatars de Crimée de retour dans la
péninsule n’avaient donc nulle part où habiter. Ainsi, avant l’occupation russe, «les terres, les
logements et les biens [étaient] de loin les questions les plus sensibles et les plus susceptibles de créer
des tensions751». Vu les conséquences qu’avait eues l’exil sur l’usage de leur langue maternelle, les
Tatars de Crimée réclamaient également davantage de possibilités pour leurs enfants de bénéficier
d’un enseignement en langue tatare de Crimée752. Sur le plan politique, le Majlis a beaucoup oeuvré
743 Rapport Magocsi, par. 36 (annexe 21).
744 Voir déposition de Mustafa Dzhemilev, par. 2 (annexe 16).
745 Rapport Magocsi, par. 82 (annexe 21).
746 Rapport Magocsi, par. 73 et 74 (annexe 21).
747 Ibid., par. 5.
748 Andrew Wilson, “The Crimean Tatars: A Quarter of a Century After Their Return”, Security and Human
Rights 24 (2013), p. 418, 423–24 (annexe 1018).
749 «Chubarov Elected Chairman of Mejlis of Crimean Tatar People», Black Sea News (28 octobre 2013), accessible
à l’adresse suivante : http://www.blackseanews.net/en/read/72236.
750 State Defense Committee Decree No. 5859ss (11 May 1944), par. a) (annexe 871).
751 Organization for Security and Co-operation in Europe High Commissioner for National Minorities, The
Integration of Formerly Deported People in Crimea, Ukraine: Needs Assessment (August 2013), voir ci-dessus note de bas
de page 742, p. 9 (annexe 805).
752 Rapport Magocsi, par. 71 (annexe 21).
213
214
- 142 -
pour que les Tatars de Crimée soient reconnus comme l’un des peuples autochtones de la péninsule,
et ce, afin de consolider leurs droits dans la Crimée actuelle753.
360. La communauté ukrainienne, dans la Crimée actuelle, comprend à la fois des personnes
dont la langue de communication principale est l’ukrainien et qui pratiquent ouvertement les
coutumes ukrainiennes et un grand nombre de russophones qui se définissent en tant qu’ukrainiens.
Selon le recensement effectué par les autorités ukrainiennes en 2001, la Crimée comptait quelque
492 000 Ukrainiens, soit environ 24 % de la population754, dont seulement 40,4 %, c’est-à-dire
approximativement 199 000 d’entre eux, déclaraient l’ukrainien comme langue maternelle755.
361. Avant l’intervention russe, ces derniers avaient accès à un grand nombre d’émissions de
radio et de télévision diffusées en ukrainien depuis d’autres régions de l’Ukraine756. De plus, un
certain nombre d’organisations non gouvernementales oeuvraient à promouvoir le rayonnement de la
langue et de la culture ukrainiennes en Crimée. A titre d’exemple, dans sa déposition,
Andrii Shchekun, défenseur de l’éducation et de la culture ukrainiennes, décrit son travail au sein de
différentes organisations non gouvernementales visant à accroître l’accès à l’enseignement en
ukrainien en Crimée et à promouvoir les médias radiotélévisés et la presse écrite en langue
ukrainienne dans la péninsule757.
362. Les russophones qui se définissaient en tant qu’Ukrainiens avaient accès à un large
éventail de médias indépendants établis en Crimée publiés ou diffusés en langue russe, mais
exprimant une perspective ukrainienne ou criméenne. Par exemple, la chaîne de télévision basée en
Crimée la plus populaire était ATR, soit une station appartenant à des Tatars de Crimée qui produisait
des émissions d’intérêt local en langues tatare de Crimée, ukrainienne et russe758. Des organisations
telles que le centre pour un journalisme d’investigation assuraient la couverture des actualités locales
d’un point de vue indépendant, traitant de questions délicates comme la corruption dans
l’administration locale759.
363. Si la mobilisation politique et culturelle était moins forte du côté de la communauté
ukrainienne que du côté de la communauté tatare de Crimée, ceux qui le voulaient avaient accès à la
culture et à l’éducation en langue ukrainienne. En outre, grâce à l’environnement médiatique
relativement libéral, la majorité des Ukrainiens vivant en Crimée qui parlaient principalement russe
pouvaient participer à la vie politique et sociale ukrainienne de manière plus générale. Bref, avant
que ne soit lancée la campagne russe actuelle, il s’était installé en Crimée une société véritablement
multiethnique composée d’Ukrainiens, de Russes, de Tatars de Crimée et d’autres groupes.
753 Voir Crimean Tatars Demand Recognition as Indigenous People, Kharkiv Human Rights Protection Group
(18 September 2013) (où il est précisé que «[l]’une des principales caractéristiques des peuples autochtones est que,
nonobstant leur situation juridique, ceux-ci conservent en tout ou en partie leurs institutions sociales, économiques,
culturelles et politiques») (annexe 936).
754 All-Ukrainian Population Census National Composition of Population, Autonomous Republic of Crimea (2001)
(annexe 731).
755 All-Ukrainian Population Census Linguistic Composition of Population, Autonomous Republic of Crimea
(2001) (annexe 730).
756 Voir, par exemple, M. Kofman et al., Lessons from Russia’s Operations in Crimea and Eastern Ukraine, RAND
Corporation (2017), p. 13 (où il est précisé que, le 9 mars 2014, les forces russes ont empêché d’émettre neuf chaînes de
télévision ukrainiennes) (annexe 1025).
757 Voir déposition d’Andriy Shchekun (12 juin 2018), par. 4-8 (annexe 13).
758 Déposition de Lenur Islyamov, par. 2-3 (annexe 18).
759 Voir déposition d’Anna Andriyevska (4 juin 2018), par. 6 (annexe 14).
215
216
- 143 -
B. Origine de la campagne d’annihilation culturelle livrée par la Russie
contre les peuples ukrainien et tatar de Crimée
364. L’évolution sur la voie de la réintégration des Tatars de Crimée dans la société criméenne
au sein d’une Ukraine indépendante a été brutalement inversée à la suite de l’invasion illicite de la
péninsule par la Russie en février 2014. Aujourd’hui, soixante-dix ans après la première déportation
ordonnée par Staline, la communauté tatare de Crimée est de nouveau stigmatisée pour son prétendu
manque de loyauté envers Moscou. Cette fois-ci, le crime qu’auraient commis les Tatars de Crimée
est d’avoir osé affirmer ce que le reste du monde sait déjà et déclare ouvertement : la Crimée relève
du territoire souverain de l’Ukraine et l’agression illicite de la Russie ne change rien à ce fait.
365. Les Ukrainiens de Crimée ont suivi les Tatars de Crimée dans leur disgrâce auprès de
Moscou. Pour le régime russe qui ne souffre aucune opposition à son expansionnisme territorial, la
communauté ukrainienne ⎯ dont l’identité repose en grande partie sur l’idée selon laquelle la
Crimée fait partie de l’Ukraine — constitue une cible évidente et nécessaire.
1. Invasion illicite par la Russie et prétendue annexion de la Crimée
366. Comme il a été montré dans la partie I, la Fédération de Russie admet maintenant que la
sécession illicite de la Crimée de l’Ukraine a été orchestrée à Moscou760. Dans sa déposition,
Mustafa Dzhemilev rapporte avoir été invité à parler à Vladimir Poutine de l’avenir de la Crimée dès
le 15 février 2014761. Le président Poutine a quant à lui affirmé qu’il avait décidé de déclencher une
intervention militaire en Crimée pendant une réunion tenue les 22 et 23 février762.
367. En tout état de cause, sur le terrain, il ne fait aucun doute, dans la soirée du 25 février
2014, qu’une intervention militaire est en cours et que la prochaine manoeuvre de la Russie sera de
préparer une déclaration d’indépendance du Parlement de Crimée763. Des représentants des
communautés ukrainienne et tatare de Crimée se mobilisent pour tenter d’empêcher ce dénouement.
Le Majlis appelle à un rassemblement contre le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie
le lendemain matin, soit le 26 février, sur la place située devant le bâtiment du Parlement de Crimée
à Simferopol764. Selon la notification déposée par le Majlis, la manifestation vise à appuyer le
maintien de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et à s’opposer contre toute décision du Parlement de
Crimée ayant pour but de remettre en cause l’autonomie de la Crimée765. Comme le rappelle
Andrii Shchekun dans sa déposition, le Majlis a invité des représentants de la communauté
ukrainienne à se joindre à la manifestation766.
760 Voir ci-dessus, chapitre 8, section B.
761 Déposition de Mustafa Dzhemilev, par. 10 et 11 (annexe 16) ; voir également “Back into Exile”, The Economist
(18 June 2015) (annexe 1057).
762 Voir, par exemple, BBC News, “Putin Reveals Secrets of Russia’s Crimea Takeover Plot” (9 March 2015)
(annexe 52) ; DW, “Putin reveals details of decision to annex Crimea” (9 March 2015) (annexe 1051).
763 Thomas D. Grant, Aggression against Ukraine: Territory, Responsibility, and International Law 5 (2015)
(annexe 1023).
764 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016, Annex I, par. 2
(annexe 49). Pour une reconstitution détaillée du rassemblement du 26 février 2014, voir Ukrainian Helsinki Human Rights
Union, Report of the International Expert Group: 26 February Criminal Case (2017) (annexe 958).
765 Mejlis of the Crimean Tatar People, Notification to Simferopol City Council (inserted in Ukrainian Helsinki
Human Rights Union, Report of the International Expert Group: February 26 Criminal Case (2017), p. 12 (original), p. 98
(anglais) (annexe 9[59]).
766 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 13 (annexe 13).
217
- 144 -
Figure 13
Manifestants se faisant face près du bâtiment du Parlement à Simferopol
(Artur Shvarts / European Pressphoto Agency)
368. Le lendemain matin, alors que les manifestants pro-ukrainiens se rassemblent sur la place,
de nombreux jeunes gens brandissant des drapeaux russes commencent à se masser devant eux. Un
important contingent des forces d’autodéfense prorusses est également présent767. La confrontation,
tendue, dure des heures768, chaque camp cherchant à repousser les partisans de l’autre hors de la cour
avant du bâtiment du Parlement, où la foule s’est déversée. Deux personnes vont décéder dans la
cohue et quelque 70 autres vont être blessées769.
369. Tôt dans la matinée du 27 février 2014, un groupe d’hommes lourdement armés portant
des uniformes sans insignes s’empare du bâtiment du Parlement et hisse le drapeau russe770. Alors
que le bâtiment est occupé par ces forces armées, le Parlement de Crimée se réunit en session
extraordinaire à huis clos, dissout le gouvernement au pouvoir et élit Sergey Aksyonov ⎯ chef du
parti radical Unité russe ⎯ en tant que nouveau premier ministre de la Crimée771. Lorsque ce vote a
eu lieu, le parti Unité russe ne détenait que 3 des 100 sièges du Parlement de Crimée772.
767 Ukrainian Helsinki Human Rights Union, Report of the International Expert Group: 26 February Criminal Case
(2017), p. 17 (annexe 958).
768 Ibid., p. 26-62.
769 Ibid., p. 12 ; HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea
and the city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 23 (annexe 759).
770 Voir, par exemple, H. Salem et al., “Crimean Parliament Seized by Unknown Pro-Russian Gunmen”,
The Guardian (27 February 2014) (annexe 1037).
771 Voir Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, commission pour le respect des obligations et
engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe, Développements récents en Ukraine : menaces pour le
fonctionnement des institutions démocratiques (8 avril 2014), par. 16 et 17 (ci-après la «Discussion sur les développements
récents en Ukraine de l’APCE») (annexe 820) ; HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous
Republic of Crimea and the city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 5 et 23 («Le
27 février, les membres du Parlement de Crimée, en présence d’hommes armés, ont dissous l’administration locale et élu
Sergey Aksenov en tant que chef de la Crimée.») (annexe 759).
772 Simon Shuster, “Putin’s Man in Crimea Is Ukraine’s Worst Nightmare”, Time (10 March 2014) (annexe 1041).
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370. Le 6 mars 2014, le Parlement de Crimée décide de la tenue, dix jours plus tard, d’un
référendum dans le cadre duquel la population criméenne sera appelée à choisir entre : 1) la
réunification avec la Russie ou 2) le rétablissement du statut antérieur de la Crimée en tant que partie
intégrante de l’Ukraine773. Le 11 mars 2014, le Parlement de Crimée et le conseil municipal de
Sébastopol adoptent une déclaration d’indépendance conjointe dans laquelle il est proclamé que la
Crimée et Sébastopol formeront un Etat indépendant appelé «République de Crimée» dont ils
demanderont, le cas échéant, le rattachement à la Fédération de Russie774.
371. Avant le référendum, la Fédération de Russie tente en vain, aux plus hauts niveaux,
d’amener les Tatars de Crimée à apporter leur soutien à l’annexion. Dans son témoignage,
Mustafa Dzhemilev relate une discussion téléphonique avec le président Poutine le 12 mars,
organisée par le camp russe775 : alors que Vladimir Poutine cherche à obtenir l’appui de la
communauté tatare de Crimée au rattachement à la Russie en échange d’un traitement favorable futur
non précisé, M. Dzhemilev, fidèle à la conviction que la Crimée fait partie de l’Ukraine, lui oppose
une fin de non-recevoir776.
372. L’offre de traitement favorable de Vladimir Poutine va être démentie sur le terrain en
Crimée, où les forces prorusses vont chercher à créer un climat d’intimidation aussi prégnant que
possible contre les communautés ukrainienne et tatare de Crimée. Le 3 mars 2014, un militant tatar
de Crimée qui manifeste devant le siège du conseil des ministres à Simferopol est enlevé en plein
jour par des hommes portant l’uniforme des forces d’autodéfense777. Son corps est découvert deux
semaines plus tard, portant des marques de torture778. Des militants ukrainiens sont enlevés, soumis
à la torture et détenus illégalement, pour n’être libérés qu’après la tenue du référendum779. Les murs
et les portails des habitations des Tatars de Crimée sont marqués de croix780, rappel glaçant des
méthodes employées par les autorités soviétiques en 1944 pour rassembler les représentants de ce
peuple en vue de leur déportation781. Des hommes en uniforme non identifiés font leur apparition
dans les secteurs où résident des Tatars de Crimée, revendiquant des droits sur les biens de ces
derniers782.
773 Voir Discussion sur les développements récents en Ukraine de l’APCE, p. 17 (annexe 820) ; HCDH, Situation
of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the city of Sevastopol (Ukraine)
(22 February 2014 to 12 September 2017), par. 5, note de bas de page 7 (annexe 759) ; “Crimean Parliament Votes to
Become Part of Russian Federation, Referendum to be Held in 10 Days”, ABC News (6 March 2014) (annexe 1038).
774 HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the city of
Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 5 (annexe 759).
775 Déposition de Mustafa Dzhemilev, par. 16-27 (annexe 16) ; voir également “Back into Exile”, The Economist
(18 June 2015) (annexe 1057).
776 Déposition de Mustafa Dzhemilev, par. 16-27 (annexe 16).
777 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016, par. 119-120 (annexe 49).
778 Voir ci-dessous, chapitre 9. HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016,
par. 121 (annexe 49) ; Human Rights Watch, Crimea: Disappeared Man Found Killed (18 March 2014) (annexe 939).
779 Voir ci-dessous, chapitre 9, section A ; voir, par exemple, S. Zayets et al., The Peninsula of Fear: Chronicle of
Occupation and Violation of Human Rights in Crimea (2016), p. 58-74 (annexe 976) ; voir également Human Rights
Watch, Crimea: Disappeared Man Found Killed (1[8] March 2014) (annexe 939) ; voir également déposition d’Andriy
Shchekun, par. 19-25 (annexe 13).
780 United Nations Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on Minority Issues on Her Mission to
Ukraine (7-14 April 2014), U.N. Doc. A/HRC/28/64/Add.1 (26 August 2014), par. 51 (annexe 760).
781 Natalia Antelava, “Who Will Protect the Crimean Tatars”, The New Yorker (6 March 2014) (annexe 1039).
782 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 April 2014), par. 88 (annexe 44) ; United Nations
Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on Minority Issues on Her Mission to Ukraine (7-14 April 2014),
U.N. Doc. A/HRC/28/64/Add.1 (26 August 2014), par. 51 (annexe 760).
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373. Le 16 mars 2014, les autorités prorusses de Crimée annoncent que la population s’est
prononcée à 96,77 % pour le rattachement à la Fédération de Russie, avec un taux de participation
de 83,1 %783. Il est de même annoncé que le taux de participation dans la ville de Sébastopol est
de 89,5 %, et que 95,6 % des votants se sont exprimés en faveur du rattachement à la Fédération de
Russie784. L’opposition, qui regroupe la grande majorité des membres de la communauté tatare de
Crimée, a boycotté le vote785. L’Assemblée générale des Nations Unies786, la commission de Venise
du Conseil de l’Europe787 et bon nombre d’autres voix, au sein de la communauté internationale788,
dénoncent ce référendum, le qualifiant d’illicite. Nombreux sont les observateurs internationaux à
remettre en question les résultats proclamés par les autorités criméennes, estimant plus crédibles
d’autres chiffres publiés par erreur par le Gouvernement russe 789. Le 17 mars 2014, le Parlement de
Crimée proclame ainsi illégalement l’indépendance de la République de Crimée à l’égard de
l’Ukraine.
374. Malgré le rejet du référendum par la communauté internationale, le 18 mars 2014, la
Fédération de Russie conclut un prétendu traité avec la soi-disant République de Crimée, intégrant
la Crimée et la ville de Sébastopol au territoire de la Fédération de Russie790. Le 21 mars 2014, le
783 State Council of Crimea, Announcement of the Results of the Crimea-wide Referendum Held in Autonomous
Republic of Crimea (16 March 2014) (annexe 886).
784 Media Relations Department of Sevastopol City Council, Results of the Crimea-wide Referendum of March 16,
2014 Ratified at the Session of the City Council (17 March 2014) (annexe 1086).
785 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 April 2014), par. 4, note de bas de page 2 (où il
est précisé que les observateurs ont signalé qu’un maximum de 1000 membres de la communauté tatare de Crimée avaient
voté lors du référendum, sur une population totale de 290 000 à 300 000) (annexe 45).
786 Dans sa résolution 68/262 adoptée le 27 mars 2014, l’Assemblée générale des Nations Unies a souligné que «le
référendum organisé dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol le 16 mars 2014, n’ayant aucune
validité, ne saurait servir de fondement à une quelconque modification du statut de la République autonome de Crimée ou
de la ville de Sébastopol» et a demandé «à tous les Etats, organisations internationales et institutions spécialisées de ne
reconnaître aucune modification du statut de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol sur la base de
ce référendum et de s’abstenir de tout acte ou contact susceptible d’être interprété comme valant reconnaissance d’une telle
modification de statut». Nations Unies, Assemblée générale, résolution 68/262 sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine,
doc. A/RES/68/262 (27 mars 2014), par. 5 et 6 (annexe 43).
787 Voir Conseil de l’Europe, commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise), avis
sur la compatibilité avec les principes constitutionnels de la décision du Conseil suprême de la République autonome de
Crimée en Ukraine de tenir un référendum sur la question de devenir un territoire constitutif de la Fédération de Russie ou
de restaurer la Constitution de la Crimée de 1992, CDL-AD(2014)002 (21-22 mars 2014) (annexe 354).
788 Voir, par exemple, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Développements récents en Ukraine :
menaces pour le fonctionnement des institutions démocratiques, résolution 1988 (2014) (9 avril 2014) (annexe 821) ;
European Commission, Statement, Joint statement by President of the European Council Herman Van Rompuy and
President of the European Commission José Manuel Barroso on Crimea (Brussels, 16 March 2014) (annexe 828) ; “Harper
blasts Crimea referendum, protesters express solidarity with Ukraine”, CBC (16 March 2014) (annexe 1042) ; “Merkel:
Crimea grab ‘against international law’” The Local (18 March 2014) (annexe 1044) ; “U.S., NATO Allies Condemn
Russian ‘Land Grab’ In Ukraine”, RFE/RL (18 March 2014) (annexe 1045).
789 Par exemple, Luzius Wildhaber, ancien président de la Cour européenne des droits de l’homme, a qualifié le
prétendu résultat officiel de la Russie de peu plausible, et fait observer que le conseil des droits de l’homme de Russie avait
par la suite communiqué des résultats plus crédibles, à savoir qu’environ de 30 à 50 % de la population avait participé au
vote et que, sur les votants, quelque 50 à 60 % (soit approximativement 22 % des votants potentiels) étaient en faveur de
l’annexion. Voir Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, commission des questions juridiques et des droits de
l’homme, Recours juridiques contre les violations des droits de l’homme commises dans les territoires ukrainiens se
trouvant hors du contrôle des autorités ukrainiennes (26 septembre 2016), p. 23, note de bas de page 130 (annexe 826).
790 HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the city of
Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017) (2017), par. 5 (annexe 759).
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président Poutine approuve une loi, précipitamment adoptée par la Douma et le Conseil d’Etat au
cours des deux jours précédents, afin d’officialiser l’annexion au regard du droit russe791.
2. Recours au discours de haine par la Russie pour polariser la population multiethnique de
Crimée avant et après le référendum
375. Le référendum a été précédé par une vaste campagne de désinformation, par laquelle la
Fédération de Russie et ses agents cherchaient à ébranler les bases multiethniques de la société
criméenne en instillant la peur au sein de la majorité russophone vivant sur le territoire. Cette
campagne avait pour but de convaincre son public cible que des fascistes s’étaient emparés du
pouvoir à Kyiv, dont l’intention était de venir ensuite en Crimée pour punir les Russes de souche.
Une fuite de documents a permis au Washington Post de révéler comment une campagne concertée
orchestrée par le service de renseignement militaire russe (GRU) avait donné lieu, à partir du
22 février 2014, à la publication de messages dans les médias sociaux faisant état d’une menace nazie
pesant sur la Crimée792. Pour donner plus de poids à cette rhétorique, la Russie a également tiré parti
du fait que les russophones de Crimée suivaient généralement l’actualité sur les chaînes de télévision
russes. Selon un récit détaillé de l’opération militaire russe menée en Crimée,
«[l]e 26 février, la Russie a commencé à propager sans retenue l’idée que le changement
de régime en Ukraine était illégitime. … Ce discours a été relayé par plusieurs
personnalités et membres de l’élite russes ; par exemple, Serguei Mironov, chef du parti
politique russe Spravedlivaya Rossiya (Russie juste), et Ramzan Kadyrov, dirigeant de
la Tchétchénie, ont déclaré respectivement sur la chaîne d’information Rossiya 24 et sur
la chaîne LifeNews que les Russes étaient menacés en Crimée et avaient besoin de
protection, et que la Russie devait prendre des mesures pour assurer leur sécurité. Ce
message était formulé sans détour, comme suit : «[L]es nationalistes et les fascistes se
sont emparés du pouvoir à Kyiv ; ils obligeront les Russes à renoncer à la langue russe
et présentent une menace générale.»»793
376. Sur le territoire de la Crimée, des partisans prorusses ont développé cette rhétorique.
Voici un extrait d’un article de presse de l’époque :
««Nous ne voulons pas qu’il se passe ici la même chose qu’à Kiev. Des nazis et
des bandits se sont emparés du pouvoir là-bas. Si nous devons nous battre, nous le ferons
avec tout ce qui nous tombera sous la main», a dit l’un des membres de la section locale
du club de motards les Loups de la nuit.
Les motards ⎯ qui font partie d’un club ayant de forts liens avec la Russie et
avec qui Vladimir Poutine a fait des expéditions ⎯ sont loin d’être seuls.»794
Le nouveau maire de Sébastopol, Alexei Chaliy, a exploité les tensions ainsi créées pour intensifier
localement le recrutement dans les rangs des unités d’autodéfense, invitant les volontaires à venir
791 Loi constitutionnelle fédérale no 6-FKZ du 21 mars 2014 «Sur l’admission de la République de Crimée et la
formation de nouvelles entités constitutives au sein de la Fédération de Russie — la République de Crimée et la ville
fédérale de Sébastopol» (ci-après la «loi sur l’admission») (annexe 888).
792 Ellen Nakashima, “Inside a Russian Disinformation Campaign in Ukraine in 2014”, Washington Post
(25 December 2017) (annexe 1072).
793 M. Kofman et al., Lessons from Russia’s Operations in Crimea and Eastern Ukraine, RAND Corporation (2017),
p. 13-14 (annexe 1025).
794 Roland Oliphant, “Vigilante Units to Defend Crimea City Against ‘Fascist’ Threat from Kiev”, The Telegraph
(25 February 2014) (annexe 1036).
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s’inscrire pour se joindre aux nouvelles unités à l’hôtel de ville795. Deux jours plus tard, à Simferopol,
des sentiments similaires sont exprimés devant le Parlement de Crimée, diabolisant cette fois les
Tatars de Crimée : «Hier, des Russes ont été attaqués et tués par des extrémistes tatars. Nous ne
permettrons pas que le fascisme de Kiev se manifeste ici», avertit ainsi Spartak, ouvrier du bâtiment
âgé de quarante-trois ans796.
377. Le recours de la Russie à la désinformation et à la propagande dans le cadre d’une
campagne militaire intégrée visant à prendre le contrôle de la Crimée et à déstabiliser simultanément
les autres régions de l’Ukraine a fait couler beaucoup d’encre. Comme l’a fait observer un reporter,
«[l]’occupation de la Crimée par la Russie et la guerre contre l’Ukraine dans le Donbass
ont marqué l’apogée de l’utilisation de la propagande, de la manipulation des médias,
des informations fallacieuses et des inventions avancées par le Kremlin. Ces
interventions ne représentent qu’une partie des mesures actives prises par la Russie, qui
adapte ensuite sa capacité militaire et ses actions diplomatiques pour masquer les
tromperies. Elles relèvent d’une stratégie globale appelée guerre hybride.»797
378. Evidemment, il n’y a pas une once de vérité dans les rumeurs disséminées par les médias
russes et, plus subrepticement, par les services de renseignement. Toutefois, la répétition coordonnée
et incessante des histoires mensongères dans divers médias a un effet corrosif sur les relations entre
les différents groupes ethniques de la Crimée, venant miner les années de travail entrepris sous le
régime ukrainien pour promouvoir le multiculturalisme dans la péninsule798.
379. A l’approche du référendum prévu pour le mois suivant, les tentatives de dépeindre les
Ukrainiens comme des fascistes et le vote à venir comme un choix entre le rattachement à la Russie
et la soumission au nazisme ont continué avec, notamment, le placardage d’affiches de campagne
clivantes.
795 Ibid.
796 Harriet Salem et al., “Crimean Parliament Seized by Unknown Pro-Russian Gunmen[]”, The Guardian
(27 February 2014) (annexe 1037).
797 Yevhen Fedchenko, “Kremlin Propaganda: Soviet Active Measures by Other Means”, Söjateadlane Estonian
Journal of Military Studies, vol. 2 (2016), p. 141-42.
798 Voir déposition de Yulia Tyshchenko, par. 4-17 (où est décrite une série d’initiatives dans le domaine de
l’éducation multiculturelle entreprise quelques années avant 2014) (annexe 17).
225
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Figure 14799
Affiche de la campagne pour le référendum en Crimée
380. Ces mêmes amalgames odieux ont continué d’être véhiculés par de hauts responsables
russes immédiatement après le référendum. S’adressant au corps législatif russe le 18 mars 2014, le
président Poutine déclarait ainsi :
«[C]eux qui ont appuyé les événements récents en Ukraine … préparaient une
énième prise de pouvoir ; ils voulaient s’emparer du pouvoir et n’auraient reculé devant
rien. Ils ont eu recours à la terreur, au meurtre et aux émeutes. Les nationalistes, les
néonazis, les russophobes et les antisémites sont les auteurs de ce coup. A ce jour, ils
continuent de donner le ton en Ukraine.»800
381. Le groupe des droits de l’homme de Crimée a effectué une analyse exhaustive de
l’utilisation des discours de haine dans les médias de la péninsule entre mars 2014 et juillet 2017. Il
a recensé, au total, 718 exemples de discours de haine sur des chaînes de télévision russes diffusées
en Crimée, des sites Internet gérés par les autorités d’occupation russes et des sites Internet d’organes
de médias de masse exploités dans la péninsule avec l’autorisation russe.
«Il ressort de cette étude qu’il y a eu une incitation à la haine à l’égard de plusieurs
groupes ethniques, religieux et sociaux dans le paysage médiatique de la Crimée. Ces
groupes sont les Ukrainiens (en tant qu’ethnie et/ou communauté civile), les Tatars de
Crimée, les membres et partisans du Majlis du peuple tatar de Crimée, les militants du
mouvement Euromaïdan, les musulmans et les migrants.»801
799 Paul Roderick Gregory, “Putin’s Destabilization of Ukraine Overshadows Today’s Crimean Vote”, Forbes
(16 March 2014) (annexe 1043).
800 Address by President of the Russian Federation, 18 mars 2014, The Kremlin, Moscow, archived at
http://en.kremlin.ru/events/president/news/20603 (annexe 887).
801 Crimea Human Rights Group, Hate Speech in the Media Landscape of Crimea (2018) (annexe 967).
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3. La Russie jette les bases de sa campagne de discrimination contre les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée
382. Si les graines de la campagne d’annihilation culturelle menée en Crimée par la Russie
contre les Tatars de Crimée et les Ukrainiens avaient été plantées dans le contexte de l’occupation
russe et du référendum, la loi sur l’admission, intégrant la péninsule au territoire russe comme suite
au référendum et au traité d’annexion du 18 mars, allait fournir le fondement frauduleux de sa mise
en oeuvre. L’acte d’annexion même allait mettre les autorités russes en conflit avec les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée. A cette époque, celles-ci avaient notamment en commun d’être
restées fidèles au principe selon lequel la Crimée faisait partie de l’Ukraine indépendante. En traitant
la Crimée comme partie intégrante de son propre territoire souverain et non, ainsi que requis par le
droit international, comme un territoire occupé, la Fédération de Russie allait au-devant de
l’affrontement face à ces deux groupes ethniques.
383. La loi sur l’admission établissait des piliers importants pour la campagne de
discrimination qu’organiserait la Russie. L’article 4 de cette loi disposait ce qui suit :
«A compter de la date de l’admission de la République de Crimée … au sein de
la Fédération de Russie, les citoyens ukrainiens et les apatrides qui, à cette date,
résidaient de façon permanente sur le territoire de la République de Crimée ou de la
ville fédérale de Sébastopol se voient reconnaître la qualité de citoyens de la Fédération
de Russie, sauf s’ils déclarent, dans le mois suivant, leur souhait de conserver, pour
eux-mêmes ou leurs enfants mineurs, l’autre citoyenneté qu’ils possédaient, ou de
demeurer apatrides.»802
Comme il est décrit plus en détail au chapitre 9, cette disposition allait avoir un effet discriminatoire
profond sur les Ukrainiens et les Tatars de Crimée. Ceux qui ont accepté la citoyenneté russe se sont
vus contraints de prêter allégeance à un souverain étranger qui avait illicitement amputé de leur
région d’origine le pays auquel la grande majorité des leurs restait fidèle. Entre autres conséquences
d’ordre pratique de cette loi figurait le risque de se trouver enrôlé dans les rangs d’une armée
ennemie. Mais opter pour l’autre solution, pour ne pas avoir à accepter la citoyenneté russe, revenait
à choisir le statut d’étranger dans son propre pays et, partant, à se voir dénier, en vertu de la législation
russe, de nombreux avantages économiques et civiques dont bénéficiaient les détenteurs de cette
citoyenneté. Les conséquences discriminatoires de la politique de «citoyenneté forcée» de la Russie
sont examinées plus en détail ci-dessous.
384. Le paragraphe 1 de l’article 23 de la loi sur l’admission s’est avéré tout aussi important
dans la campagne de discrimination de la Russie :
«Les mesures législatives et autres actes juridiques normatifs de la Fédération de
Russie sont valides dans les territoires de la République de Crimée et de la ville fédérale
de Sébastopol depuis le jour de l’admission de la République de Crimée et de la
formation de nouvelles entités constitutives au sein de la Fédération de Russie, sauf
disposition contraire de la présente loi constitutionnelle fédérale.»
Cette disposition ouvrait la voie à l’application, dans la Crimée occupée, de tout un arsenal de lois
de la Fédération de Russie, dans le domaine pénal ou autre. A peine quelques semaines plus tard, une
[802 Note de bas de page manquante dans l’original.]
228
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nouvelle loi fédérale confirmait que le code pénal et le code de procédure pénale de la Fédération de
Russie seraient pleinement en vigueur en Crimée803.
385. La Fédération de Russie a profité de la brèche créée par l’article 23 de la loi sur
l’admission pour appliquer une série de lois répressives qui pourraient ensuite être utilisées de
manière sélective afin de dénier aux communautés ukrainienne et tatare de Crimée l’égale jouissance
de leurs droits civiques et culturels et d’autres droits de l’homme. A cet égard, notons au premier
plan les dispositions du corpus législatif et du code pénal constituant les lois anti-extrémistes de la
Russie804. La loi fédérale no 114-FZ du 25 juillet 2002 «sur la lutte contre les activités extrémistes»,
par exemple, énumère en tant qu’«activité extrémiste» un large éventail d’actes vaguement définis,
comme l’«incitation à la discorde sociale, raciale, ethnique ou religieuse»805. Il convient de noter que
la violence n’est pas un élément constitutif de l’infraction dans la définition donnée806. Une définition
tout aussi large du «matériel extrémiste» comprend non seulement les documents contenant un
«appel» à mener des activités extrémistes, mais aussi ceux visant «à établir ou à justifier la nécessité
de telles activités»807. En outre, selon l’article 280.1 du code pénal de Russie, modifié le 28 décembre
2013, les «appels publics à commettre des actes visant à violer l’intégrité territoriale de la Fédération
de Russie» constituent une infraction criminelle, passible d’une peine allant jusqu’à cinq ans de
prison808.
386. Ces lois ont été sévèrement critiquées, notamment par la commission de Venise, du fait
qu’elles donnaient aux autorités russes la capacité de porter atteinte à la liberté d’expression de
manière arbitraire809. La commission de Venise a conclu que la loi contre l’extrémisme de la Russie
«pourrait donner lieu à l’imposition de restrictions disproportionnées de droits de l’homme et de
libertés fondamentales consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme … et porter
atteinte aux principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité810». Ces conclusions de la
commission de Venise concordent avec d’autres avis sur la loi contre l’extrémisme formulés par des
organisations internationales oeuvrant dans le domaine des droits de l’homme811. Ainsi, dans les
observations finales de son dernier examen des rapports de la Fédération de Russie, le comité pour
803 Loi fédérale no 91-FZ du 5 mai 2014 sur l’application des dispositions du code pénal et du code de procédure
pénale de la Fédération de Russie sur les territoires de la République de Crimée et de la ville d’importance fédérale de
Sébastopol (annexe 889).
804 Loi fédérale no 114-FZ du 25 juillet 2002 «sur la lutte contre les activités extrémistes» (annexe 876).
805 Ibid., article 1 1).
806 Voir, par exemple, Council of Europe, European Commission for Democracy Through Law (Venice
Commission), Opinion No. 660/2011 on the Federal Law on Combating Extremist Activity of the Russian Federation,
CDL-AD(2012)016 (20 June 2012), par. 35 (où il est noté que, dans la version de 2002 de la loi, le comportement était
défini comme devant nécessairement être «associé … à la violence ou à des appels à la violence») (annexe 817).
807 Loi fédérale no 114-FZ du 25 juillet 2002 «sur la lutte contre les activités extrémistes», article 1 3) (annexe 876).
808 Article 280.1 du code pénal de la Fédération de Russie (annexe 874).
809 Council of Europe, European Commission for Democracy Through Law (Venice Commission), Opinion
No. 660/2011 on the Federal Law on Combating Extremist Activity of the Russian Federation, CDL-AD(2012)016
(20 June 2012), par. 74 (annexe 817).
810 Ibid., par. 77.
811 Comité des droits de l’homme, Observations finales sur la conformité de la Russie au Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, Fédération de Russie, CCPR/C/RUS/CO/6 (24 novembre 2009), par. 2[5] («[L]’Etat partie
[doit] revoi[r] la loi fédérale sur la lutte contre les activités extrémistes en vue de rendre la définition de l’«activité
extrémiste» plus précise de façon à exclure toute possibilité d’application arbitraire … En outre, lorsqu’il détermine si des
documents écrits constituent de la «littérature extrémiste», l’Etat partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour
garantir l’indépendance des experts sur les avis desquels les tribunaux fondent leur décision ainsi que le droit du défendeur
à une contre-expertise effectuée par un expert différent.») (annexe 756) ; pour une analyse approfondie de l’application
généralisée et arbitraire par la Russie de ses lois anti-extrémistes de 2012 à 2017, voir, par exemple, Human Rights Watch,
Online and on All Fronts: Russia’s Assaults on Freedom of Expression (July 2017) (annexe 962).
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230
- 152 -
l’élimination de la discrimination raciale (ci-après le «Comité de la CIEDR» ou le «Comité») a
observé ce qui suit :
«Le Comité est préoccupé par le fait que la définition des activités extrémistes
figurant dans la loi fédérale sur la lutte contre les activités extrémistes demeure vague
et large, ce qui est accentué par les nouvelles dispositions du Code pénal ayant la même
teneur, et qu’aucun critère clair et précis en vertu duquel des documents peuvent être
qualifiés d’extrémistes n’est prévu par la loi. Le Comité est particulièrement préoccupé
par le fait que ces définitions larges peuvent être utilisées de manière arbitraire pour
réduire au silence les individus, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes
vulnérables à la discrimination, tels que les minorités ethniques, les peuples autochtones
ou les non-ressortissants.»812
387. Ainsi qu’il sera expliqué plus en détail ci-après, les lois anti-extrémisme favorisent
⎯ triste ironie ⎯ le comportement extrémiste des autorités russes. Ce ne sont que les plus visibles
et notoires d’une multitude de lois russes adoptées en Crimée en violation du droit international
humanitaire comme autant de moyens de répression des communautés ukrainienne et tatare de
Crimée813.
388. La Fédération de Russie a usé de ces pouvoirs et des autres dont elle dispose pour exercer,
en Crimée, une discrimination systématique à l’égard des Tatars de Crimée et des Ukrainiens dans
de nombreux domaines de la vie publique, allant de la sécurité publique, dans la rhétorique politique
employée ou encore sa pratique des fouilles policières et des détentions, au droit de se rassembler en
public, en passant par la liberté des médias, la préservation de la culture et l’éducation. Elle a cherché
à asseoir sa domination d’abord en écrasant l’expression et la participation politique des Ukrainiens
de souche et des Tatars de Crimée, puis en anéantissant leur identité culturelle et ethnique. Ces deux
volets de la campagne de discrimination raciale livrée par la Russie en Crimée sont décrits
respectivement aux chapitres 9 et 10.
812 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant les vingt-troisième et
vingt-quatrième rapports périodiques de la Fédération de Russie, CERD/C/RUS/CO/23-24 (20 septembre 2017), par. 11
(annexe 804).
813 Depuis l’adoption du Règlement de La Haye, il est établi en tant que règle du droit international coutumier que
les puissances occupantes doivent respecter, «sauf empêchement absolu», les lois qui étaient déjà en vigueur sur le territoire
occupé. Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre : règlement concernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre, La Haye (18 octobre 1907) [Extraits], article 43 («[L]’occupant … prendra toutes les mesures qui
dépendent de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf
empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays.») (annexe 979).
231
- 153 -
CHAPITRE 9
POLITIQUE DE DISCRIMINATION MISE EN OEUVRE PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
DANS LES DOMAINES CIVIL ET POLITIQUE
389. Dans le cadre du premier volet de sa campagne de discrimination contre les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée, la Fédération de Russie a lancé une attaque systématique contre les
droits civils et politiques des membres de ces communautés.
390. Au cours des semaines qui ont précédé le référendum illicite, les militants ukrainiens et
tatars de Crimée ont été nombreux à être victimes de disparition, de meurtre ou de torture. Après le
référendum est venue s’ajouter à ces disparitions et ces meurtres ciblés, sans que ceux-ci cessent, une
campagne de bannissements et de persécutions visant les dirigeants tatars de Crimée, et notamment
les membres du Majlis. Cette campagne a atteint son paroxysme lorsque les tribunaux russes ont
déclaré que le Majlis ⎯ à savoir, ainsi que décrit ci-dessus, une institution cruciale pour la défense
des intérêts des Tatars de Crimée ⎯ était une organisation extrémiste et ont interdit l’ensemble de
ses activités.
391. La Fédération de Russie s’est également acharnée plus généralement contre les droits
civils et politiques des populations ukrainienne et tatare de Crimée. Le FSB et la police ont, en
particulier, soumis les membres de la communauté tatare de Crimée, ciblés en tant que tels, à des
perquisitions et à des détentions arbitraires à leur domicile ou sur leur lieu de travail, souvent sous
prétexte de rechercher du matériel religieux extrémiste. Dans le cadre de cette campagne
discriminatoire, les autorités russes ont mis en place des barrages, et effectué des perquisitions à
l’échelle d’agglomérations entières principalement peuplées de Tatars de Crimée. En outre, après
avoir imposé la citoyenneté russe aux résidents de la Crimée, la Fédération de Russie a mis en oeuvre
une série de restrictions des droits des non-citoyens touchant de manière disproportionnée les
membres des communautés ukrainienne et tatare de Crimée.
A. Disparitions, meurtres, enlèvements et torture
392. Ainsi que décrit au chapitre 8, les violations systématiques de la CIEDR par la Fédération
de Russie ont commencé pratiquement dès le lancement, par les forces militaires russes, de
l’opération de prise de contrôle de la péninsule. Sachant déjà que les personnes se définissant en tant
qu’Ukrainiens ou Tatars de Crimée s’opposeraient à son plan d’annexion de la Crimée, la Russie et
ses agents ont soumis les militants issus de ces communautés à des actes de violence extrême
⎯ enlèvements, tortures, disparitions et meurtres, entre autres. Le but manifeste et l’effet certain de
ces crimes odieux étaient d’intimider et de réduire au silence les Ukrainiens et les Tatars de Crimée
dont les critiques dérangeaient et de dissuader les autres membres de ces communautés de résister à
la prise de pouvoir russe. Si la pire vague de violence a été celle qui a déferlé sur la Crimée dans les
trois mois qui ont suivi le lancement des opérations russes dans la péninsule, les enlèvements de
personnalités tatares de Crimée n’ont jamais cessé814.
814 Les cas de disparitions, de meurtres, d’enlèvements et de tortures décrits dans la présente section ne sont pas
exhaustifs. Pour des informations détaillées sur des crimes similaires commis contre des membres des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée, voir, par exemple, Sergey Zayets et al., The Peninsula of Fear: Chronicle of Occupation
and Violation of Human Rights in Crimea (2016), p. 38-44, 55-74 (annexe 976) ; et RFE/RL, “Crimea: Political Activists
Who Were Killed, Kidnapped, or Went Missing” (30 August 2017), accessible à l’adresse suivante : https://www.rferl.org/a
/ukraine-crimea/28707006.html (annexe 1068) ; Crimean Human Rights Group, The Victims of Enforced Disappearance
in Crimea as a Result of the Illegal Establishment of the Russian Federation Control (2014-2016) (annexe 952).
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393. Comme il sera exposé ci-dessous, la Fédération de Russie a soit directement commis des
actes de violence physique contre des Ukrainiens et des Tatars de Crimée, soit encouragé et toléré
l’exécution de tels actes par ses agents. Ces actes de violence et les atteintes à l’intégrité physique
qui en sont résultés obéissaient à des motivations raciales ou ethniques : c’étaient les membres de
deux communautés connues pour leur opposition à l’annexion de la Crimée par la Russie qui étaient
visés, le but ou l’effet recherché étant d’intimider ces deux communautés pour mieux les subjuguer.
1. Disparition de militants ukrainiens de souche et tatars de Crimée
394. Sur une période de plus de trois ans, de nombreux observateurs internationaux ont signalé
l’existence d’une campagne de disparitions et de meurtres dirigée contre les membres des
communautés ukrainienne et tatare de Crimée. La communauté tatare de Crimée a été
particulièrement touchée, ainsi qu’il ressort du rapport de la mission de surveillance de
l’Organisation des Nations Unies en Ukraine daté de septembre 2017815.
395. L’une des premières victimes de ces attaques violentes contre les Tatars de Crimée a été
Reshat Ametov, militant connu et père de trois enfants. Le 3 mars 2014, M. Ametov prenait part à
un rassemblement silencieux devant le siège du conseil des ministres, à Simferopol, quand des
hommes en uniforme l’ont enlevé en plein jour, et l’ont fait monter de force dans une voiture816.
Deux semaines plus tard, M. Ametov était retrouvé mort ; son corps portait des marques de torture817.
Les auteurs de ce crime à glacer le sang sont toujours en liberté, malgré l’existence d’images vidéo
qui pourraient aider à les identifier818.
396. Les disparitions de Tatars de Crimée ont continué au cours des semaines et des mois qui
ont suivi le référendum. Timur Shaimardanov, qui dirigeait un groupe local de militants, a ainsi
disparu le 26 mai 2014 ⎯ soit un jour seulement après avoir dénoncé la disparition d’un de ses
camarades, Leonid Korzh, qui avait eu lieu quelques jours auparavant819. Le 30 mai 2014, un autre
militant tatar de Crimée, Serian Zinedinov, a été porté disparu après avoir essayé de retrouver
M. Shaimardanov820 . Ces trois hommes faisaient partie du groupe pro-Ukraine, Ukrainian House821.
397. Cette série de disparitions s’est poursuivie jusqu’en 2016 ; Ervin Ibragimov a ainsi
disparu le 24 mai. Comme d’autres Tatars de Crimée ayant subi le même sort, M. Ibragimov était un
815 Voir HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the
city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 102 («Le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme a recensé 10 cas de personnes toujours portées disparues : six Tatars de Crimée,
trois Ukrainiens de souche et un Tatar russe ⎯ tous de sexe masculin.») (annexe 759).
816 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 April 2014), par. 85 (annexe 44) ; Human Rights
Watch, Crimea: Disappeared Man Found Killed (18 March 2014) (annexe 939).
817 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016, par. 121 (annexe 49) ;
Human Rights Watch, Crimea: Disappeared Man Found Killed (18 March 2014) (annexe 939).
818 Videos of Crimean Tatar Reshat Ametov kidnapping, accessibles à l’adresse suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=11S2Vhkr-bc (mises en ligne le 6 avril 2014) (annexe 1100). M. Ametov a été retrouvé
mort le 15 mars 2014.
819 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014), par. 214 (annexe 48) ; Human
Rights Watch, Crimea: Enforced Disappearances (7 October 2014) (annexe 942).
820 Voir HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014), par. 288 (annexe 764) ;
HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014), par. 214 ; Human Rights Watch, Crimea:
Enforced Disappearances (7 October 2014) (annexe 942).
821 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016, par. 125 (annexe 49) ;
Human Rights Watch, Crimea: Enforced Disappearances (7 October 2014) (annexe 942).
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- 155 -
représentant connu de la communauté, en sa qualité de membre du conseil de coordination du congrès
mondial des Tatars de Crimée et du Majlis régional de Bakhtchissaraï822. Des images vidéo prises
dans un magasin voisin montrent un groupe d’hommes en train d’arrêter sa voiture, de se saisir de
lui, et de le forcer à monter dans une camionnette avant de partir823. M. Ibragimov est toujours porté
disparu à ce jour, mais environ une semaine après son enlèvement, son livret de travail et son
passeport ont été retrouvés près d’un bar824.
398. Des Ukrainiens ont également été victimes d’actes de harcèlement et de violence
similaires commis par les forces russes, et beaucoup ont disparu dans des circonstances suspectes.
L’Organisation des Nations Unies a ainsi signalé que 90 % des personnes ayant disparu et n’ayant
pas encore été retrouvées étaient soit des Tatars de Crimée soit des Ukrainiens825. A titre d’exemple,
Vladislav Vaschuk et Ivan Bonariets, militants du mouvement Euromaïdan, ont disparu ensemble le
7 mars 2014 à Simferopol826. La veille du référendum, soit le 15 mars 2014, Vasyl Chernysh, qui
était un militant d’AutoMaïdan et habitait à Sébastopol, a été porté disparu827. On est sans nouvelles
de MM. Vaschuk, Bonariets et Chernysh depuis lors.
2. Refus d’enquêter et retards dans les enquêtes
399. Du sommet de la hiérarchie jusqu’aux plus bas échelons, les autorités d’occupation russes
ont adopté, face au caractère systématique de ces disparitions visant certains groupes ethniques, une
attitude de déni. Dans un article daté du 16 octobre 2014 ⎯ après la disparition notoire de nombreux
Ukrainiens et Tatars de Crimée ⎯, Sergei Aksyonov, tout en admettant qu’au moins quatre
personnes avaient disparu, a ainsi refusé de reconnaître l’existence d’une pratique généralisée828.
400. Les autorités occupantes n’ont pas veillé à ce que soient menées des enquêtes efficaces
sur les cas passés de disparitions et de meurtres. La mission de surveillance de l’ONU en Ukraine a
ainsi récemment exprimé de «sérieux doutes quant à l’efficacité» de l’enquête sur la disparition et le
meurtre de M. Ametov, sachant que l’enlèvement avait été filmé et que les autorités occupantes ont
disposé de plus de quatre ans pour retrouver ses ravisseurs, dont on distingue les traits dans
l’enregistrement vidéo829. Or les personnes que l’on voit, à l’image, enlever M. Ametov ont d’abord
822 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May to 15 August 2016), par. 154 (annexe 772).
823 Voir ibid. ; Amnesty International, Ukraine : un militant tatar de Crimée victime d’une disparition forcée (26 mai
2016) (annexe 951).
824 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May to 15 August 2016), par. 154 (annexe 772).
825 Voir HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the
city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 102 («Le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme a recensé 10 cas de personnes disparues qui n’ont pas encore été retrouvées :
six Tatars de Crimée, trois Ukrainiens de souche et un Tatar russe ⎯ tous de sexe masculin.») (annexe 759).
826 Voir Sergey Zayets et al., The Fear Peninsula: Chronicle of Occupation and Violation of Human Rights in
Crimea (2015), p. 47 (annexe 976).
827 Andrii Klymenko, “Human Rights Abuses in Russian-Occupied Crimea”, Atlantic Council, p. 16 (annexe 1058).
AutoMaïdan est un «groupe de motards fondé en novembre [2013] pour soutenir l’intégration de l’Ukraine à l’Europe et
s’opposer aux attaques policières dirigées contre les manifestants pro-Union européenne». “Activists on Wheels: Ukraine’s
Embattled Automaidan Protesters”, RFE/RL (24 January 2014), accessible à l’adresse suivante : https://www.rferl.org/
a/ukraine-activists-automaidan/25241507.html (annexe 1035).
828 Interfax, “Head of Crimea Acknowledges Disappearance of Crimean Tatars on Peninsula” (16 October 2014)
(annexe 1048).
829 HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the city of
Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 81 (annexe 759).
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- 156 -
été interrogées en tant que témoins de l’enlèvement, mais elles ont ensuite été relâchées et l’enquête
a été suspendue, au motif que le meurtrier présumé ne se trouvait plus en Crimée830.
401. En fait, les autorités d’occupation russes ont été jusqu’à contrarier les tentatives faites
pour se renseigner sur la disparition de proches. Ainsi, deux demandes de consultation des pièces de
l’enquête pénale sur la disparition et le meurtre de M. Ametov ont été présentées par le frère de ce
dernier831, et une troisième, par son avocat832. Les enquêteurs russes n’ont cependant autorisé le frère
de la victime à prendre connaissance d’aucune pièce du dossier, justifiant cette décision par une
suspension d’enquête qu’ils avaient eux-mêmes prononcée833.
402. Dans le cas de M. Shaimardanov834, dont on ignorait toujours le sort à la date du dépôt
du présent mémoire, les autorités d’occupation russes ont attendu le 9 juillet 2014, soit près de deux
mois après les faits, avant de seulement ouvrir une enquête sur sa disparition. Les autorités
occupantes ne se sont guère montrées plus pressées d’enquêter sur la disparition de M. Zinedinov :
bien que la famille de la victime ait signalé celle-ci le matin du 31 mai, il leur aura fallu deux mois
pour engager une enquête pénale835. Comme dans le cas de M. Ametov, les enquêtes sur les
disparitions de MM. Shaimardanov et Zinedinov ont été suspendues, et la mission de surveillance de
l’ONU en Ukraine a exprimé sa préoccupation quant à l’«absence de mise en cause» dans ces deux
affaires836 .
403. De même, les autorités occupantes ont manqué d’enquêter promptement sur la disparition
de M. Ibragimov. De fait, lorsque le père de M. Ibragimov a tenté de déposer une plainte,
enregistrement vidéo de l’enlèvement à l’appui, le bureau du FSB à Simferopol l’a éconduit837. Selon
un document de l’Union européenne, la disparition de M. Ibragimov n’est «malheureusement que
l’un des plus récents exemples» de tels actes et s’inscrit dans une campagne «brutale» de
«persécution dirigée contre les Tatars de Crimée»838. Le refus de la Fédération de Russie d’ouvrir
une enquête sur la disparition de M. Ibragimov est d’autant plus préoccupant que celle-ci a eu lieu
en mai 2016, alors que de nombreux observateurs internationaux avaient déjà déploré l’inefficacité
830 Ibid.
831 Complaint dated 8 August 2017 by R. M. Ametov to Head of the Central Investigative Directorate of the
Investigative Committee of Russian in the Republic of Crimea (annexe 924) ; Petition dated 16 February 2018 filed by
R. M. Ametov to Investigator of High-Profile Cases at the First Investigative Office of the Directorate for Investigation of
High-Profile Cases with the Central Investigative Directorate of the Investigative Committee of the Republic of Crimea
(annexe 1112).
832 Letter from the Central Investigative Directorate of the Investigative Committee of Russia in the Republic of
Crimea to E. M. Kurbedinov, dated 24 July 2017 (annexe 865).
833 Ibid.
834 Human Rights Watch, Crimea: Enforced Disappearances (7 October 2014) («La famille de M. Shaimardanov a
signalé la disparition de ce dernier à la police le 27 mai, mais l’enquête pénale sur sa disparition n’a été ouverte que le
9 juillet.») (annexe 942).
835 Ibid. («Alors que les proches de M. Zinedinov lui avaient signalé la disparition de ce dernier le matin du 31 mai,
la police a ouvert une enquête pénale à ce sujet seulement deux mois plus tard.»)
836 En particulier, l’enquête sur la disparition de M. Shaimardanov a été suspendue le 9 juin 2015, au motif que
l’auteur du crime n’avait pas été retrouvé. Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine
(16 May-15 August 2015), par. 171 (annexe 769).
837 Voir ibid., par. 154.
838 EU Statement on “Russia’s Ongoing Aggression against Ukraine and Illegal Occupation of Crimea”, OSCE
Permanent Council No. 1106, PC.DEL/945/16 (24 June 2016) (annexe 814).
238
- 157 -
des enquêtes russes sur les disparitions, entre autres, de MM. Ametov, Shaimardanov et Zinedinov
en 2014839.
404. Ne pas enquêter sur des crimes aussi odieux revient à compromettre toute perspective de
se prémunir contre de tels agissements, en donnant à penser aux éventuels bourreaux de demain qu’il
leur est possible d’enlever, de torturer et de tuer en toute impunité. En outre, à défaut d’enquête digne
de ce nom, les chances de voir un jour les bourreaux d’hier traduits en justice et les familles des
victimes obtenir ainsi réparation sont infimes, sinon inexistantes.
3. Enlèvements et torture pratiqués contre des militants ukrainiens et tatars de Crimée
405. Un autre moyen d’intimidation utilisé par la Fédération de Russie et ses agents à
l’approche du référendum a consisté à enlever et à torturer des militants connus des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée, les victimes étant relâchées une fois le référendum terminé.
406. Mykhailo Vdovchenko a ainsi été enlevé quelques jours seulement avant le référendum,
après avoir publié des messages pro-ukrainiens sur Facebook et participé en Crimée à des
manifestations pacifiques en faveur de l’Ukraine840. Il a passé dix jours aux mains de geôliers russes,
durant lesquels il a été interrogé et battu à maintes reprises841. M. Vdovchenko a été relâché le
21 mars 2014, et s’est réfugié en Ukraine continentale842.
407. Le 9 mars 2014, les militants d’Euromaïdan Andrii Shchekun et Anatoly Kovalsky ont
été enlevés à la gare ferroviaire de Simferopol alors qu’ils organisaient une manifestation à l’occasion
de l’anniversaire de Taras Shevchenko, qui est une journée de célébrations importante pour les
Ukrainiens en Crimée843. Dans sa déposition, M. Shchekun décrit en détail la façon dont M. Kovalsky
et lui-même ont été traités pendant leur détention illégale. Conduits vers une destination inconnue,
ils ont été déshabillés et attachés à des chaises844. Tout comme M. Vdovchenko, MM. Shchekun et
839 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May-15 August 2015), par. 193 o) (appelant les
«autorités de fait de la Crimée» et la Fédération de Russie à «[e]nquêter sur le meurtre de Reshat Ametov, Tatar de Crimée,
et les disparitions forcées des militants des droits de l’homme et de la société civile criméenne, Timur Shaimardanov,
Seiran Zinedinov, Leonid Korzh et Vasyl Chernysh, et à traduire en justice les auteurs de ces crimes») (notes de bas de
page omises) (annexe 769) ; OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015)
(17 September 2015), par. 147 (où il est fait état du manquement du procureur de Crimée à enquêter sur les disparitions,
les exécutions extrajudiciaires, la torture et les mauvais traitements dont ont été victimes, notamment, des militants
d’Euromaïdan et des journalistes) (annexe 812) ; Human Rights Watch, Crimea: Enforced Disappearances (7 October
2014) (où sont décrites les disparitions de MM. Ametov, Zinedinov, Shaimardanov, entre autres, ainsi que l’absence
d’enquête des autorités occupantes sur ces crimes) (annexe 942).
840 Human Rights Watch, Crimea: Attacks, ‘Disappearances’ by Illegal Forces (14 March 2014) (annexe 938) ;
Kharkiv Human Rights Group, Sentsov-Kolchenko trial, Crimea and what Russia has to hide (10 July 2015) (annexe 946) ;
Mike Eckel, “A Cry from Crimea”, World Policy Journal (2014-15) (annexe 1019). Il a été rapporté que M. Vdovchenko,
qui arborait un drapeau ukrainien, avait été arrêté par trois hommes le 11 mars 2014 vers 15 h 30. Human Rights Watch,
Crimea: Attacks, ‘Disappearances’ by Illegal Forces (14 March 2014) (annexe 938). Ceux-ci lui ont attaché les mains
derrière le dos et se sont mis à le rouer de coups et à le pousser. Ibid.
841 Mike Eckel, “A Cry from Crimea”, World Policy Journal (2014-15) (annexe 1019).
842 Ibid.
843 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 April 2014), par. 85 (annexe 762) ;
Andrii Klymenko, Human Rights Abuses in Russian-Occupied Crimea, Atlantic Council, p. 16 (annexe 948) ; Human
Rights Watch, Crimea: Attacks, ‘Disappearances’ by Illegal Forces (14 March 2014) (annexe 938) ; déposition
d’Andriy Shchekun, par. 19 et 20 (annexe 13). MM. Shchekun et Kovalsky s’étaient rendus à la gare ferroviaire pour
récupérer un colis qui contenait des drapeaux ukrainiens envoyés de Kyiv. Ibid., par. 19 ; Human Rights Watch, Crimea:
Attacks, ‘Disappearances’ by Illegal Forces (14 March 2014) (annexe 938).
844 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 22 (annexe 13).
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Kovalsky ont été tenus captifs pendant plus de dix jours, et tous deux ont été torturés à plusieurs
reprises pendant leur détention845. Leurs ravisseurs leur ont bandé les yeux et les ont menacés de
violence physique, menaces qu’ils ont mises à exécution en les soumettant, notamment, à plusieurs
séances d’électrocution846. Ils ont en outre tiré sur M. Shchekun avec une carabine, visant les mains
et les genoux847. Après avoir été relâchés le 20 mars 2014, MM. Kovalsky et Shchekun se sont enfuis
à Kyiv848.
408. Aleksandr Kostenko a été torturé alors qu’il se trouvait officiellement en garde à vue. Il
avait été arrêté autour du 6 février 2015 pour avoir prétendument lancé une pierre sur un agent d’une
unité de police spéciale ukrainienne, la Berkout, le 2 février 2014, pendant les manifestations du
Maïdan à Kyiv849. L’infraction alléguée avait donc eu lieu hors de Crimée et avant l’annexion illicite
de celle-ci par la Fédération de Russie. La veille de son arrestation, M. Kostenko a été violemment
attaqué par des individus en civil, jeté dans une camionnette, puis conduit dans un endroit inconnu.
Pendant sa détention par le FSB, il a été privé de nourriture et d’eau, battu, torturé à l’électricité,
soumis à un simulacre d’exécution et forcé à signer de prétendus aveux850. Les mauvais traitements
qu’il a subis lui ont valu de multiples fractures, dont un coude cassé, de graves lésions à la cavité
abdominale, une épaule disloquée et de nombreuses ecchymoses851. Le chef adjoint du bureau du
défenseur des droits de l’homme de Crimée a confirmé l’existence de ces blessures, mais a refusé de
mettre quiconque en cause852. Lorsqu’il était en prison, M. Kostenko a encore été battu à plusieurs
reprises853.
409. Les enlèvements et la torture continuent à ce jour. Renat Paralamov, Tatar de Crimée qui
vivait à Nizhnegorskiy, a été détenu en septembre 2017 parce qu’il était soupçonné de faire partie de
l’organisation islamique Hizb-ut-Tahrir854. Le 13 septembre, un groupe d’hommes masqués a
perquisitionné à son domicile855, avant de le jeter dans une camionnette et de quitter les lieux856. La
famille de M. Paralamov, son avocat et d’autres militants, qui s’étaient rassemblés pour essayer
845 Ibid., par. 22, 23.
846 Ibid., par. 23.
847 Ibid.
848 Ibid., par. 25. Andrii Klymenko, Human Rights Abuses in Russian-Occupied Crimea, Atlantic Council, p. 16
(annexe 948). Tentant manifestement d’intimider davantage encore la communauté des Ukrainiens de souche de Crimée,
Sergei Aksenov et Sergei Tsekov ont tous deux annoncé publiquement que MM. Schekun et Kovalsky — qui étaient des
militants ukrainiens bien connus — étaient en détention et ne seraient relâchés qu’après le référendum. Human Rights
Watch, Ukraine: Activists Detained and Beaten, One Tortured (25 March 2014) (annexe 940) ; déposition
d’Andriy Shchekun, par. 24 (annexe 13).
849 OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 143 (annexe 812).
850 Ibid. ; Crimean Human Rights Field Mission, Brief Review of the Situation in Crimea (April 2015), p. 7-8
(annexe 945) ; U.S. Department of State, 2015 Human Rights Reports: Ukraine (Crimea) (13 April 2016) (annexe 1089) ;
HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February-15 May 2015), par. 158 (annexe 768).
851 Crimean Human Rights Field Mission, Brief Review of the Situation in Crimea (April 2015) (annexe 945).
852 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2017), par. 138
(annexe 776) ; Crimean Human Rights Field Mission, Brief Review of the Situation in Crimea (April 2015) (annexe 945).
853 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May-15 August 2015), par. 168 (annexe 769) ;
HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February-15 May 2015), par. 158 (annexe 768).
854 Human Rights Watch, Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017) (annexe 964).
855 Ibid. ; HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2016), par. 138.
856 Ibid.
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d’obtenir des renseignements sur son sort, n’ont reçu aucune information pendant 24 heures857. Le
FSB a prétendu que M. Paralamov était interrogé de son plein gré858.
410. Plus tard ce jour-là, M. Paralamov a appelé sa famille depuis une gare routière à
Simferopol, gravement blessé et incapable de marcher859. Des proches l’ont amené à l’hôpital, où les
médecins ont constaté qu’il présentait de multiples hématomes et ecchymoses860. Il s’est ensuite
réfugié avec sa famille à Kyiv, où il a été hospitalisé pendant quinze jours pour soigner les blessures
infligées par ses tortionnaires861. Pendant sa détention de 24 heures au poste du FSB, il n’avait pas
été autorisé à consulter un avocat et avait été forcé de signer des aveux dans lesquels il
«reconnaissait» son appartenance à Hizb-ut-Tahrir862. Les agents du FSB lui avaient recouvert la tête
d’un sac, l’avaient bâillonné avec du ruban adhésif et l’avaient roué de coups de poing863. Il avait
également été torturé à l’électricité, puis contraint de faire des «aveux» devant une caméra864.
411. Il ne s’agit là que de quelques cas de torture et de disparitions forcées qui illustrent la
gravité de la situation dans laquelle les Tatars de Crimée et les Ukrainiens se trouvaient et se trouvent
toujours aujourd’hui en Crimée. Différentes organisations présentes en Crimée continuent de mettre
au jour de nombreux autres cas de disparitions forcées, de meurtres et de torture faisant suite à
l’annexion de la péninsule865.
B. Répression politique des Tatars de Crimée
412. Ainsi qu’il a été montré au chapitre 8, le président Poutine, en cherchant à s’assurer
l’appui de la communauté tatare de Crimée en vue de l’annexion de la péninsule, savait à qui
s’adresser : le Majlis, en tant qu’organe légitime de représentation du peuple tatar de Crimée et, plus
particulièrement, son premier président, Mustafa Dzhemilev, à qui son passé de dissident soviétique
avait valu une forte popularité au sein de la communauté. A défaut d’obtenir son soutien, les forces
d’occupation russes savaient tout aussi bien comment punir collectivement la communauté tatare de
Crimée : en empêchant ce même organe ⎯ le Majlis ⎯ de la représenter et en la privant de ses
dirigeants politiques, notamment en les contraignant à l’exil. C’est exactement ce qu’allait faire la
Fédération de Russie, ainsi qu’il sera décrit dans la présente section.
413. Après le référendum de Crimée, la Fédération de Russie a intensifié sa campagne de
discrimination contre la communauté tatare de Crimée et, au cours des semaines et des mois qui ont
suivi, elle a pris une série de mesures ayant pour but manifeste et effet prévisible de réduire à
l’impuissance les dirigeants politiques de cette communauté. Il ressort de déclarations faites par des
857 Ibid.
858 Human Rights Watch, Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017) (annexe 964).
859 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2017), par. 138
(annexe 776) ; Human Rights Watch, Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017)
(annexe 964).
860 Human Rights Watch, Crimea: Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017)
(annexe 964).
861 Ibid.
862 Ibid.
863 Ibid.
864 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2017), par. 138
(annexe 776) ; Human Rights Watch, Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017)
(annexe 964).
865 Voir sources citées ci-dessus à la note de bas de page 814.
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244
- 160 -
représentants des autorités d’occupation russes que les mesures prises contre le Majlis et certains
dirigeants tatars de Crimée s’inscrivaient dans le cadre d’une stratégie visant la communauté des
Tatars de Crimée dans son ensemble. Par exemple, Alexander Formanchuk, conseiller de
Sergey Aksyonov (chef et premier ministre de la «République de Crimée»), a présenté publiquement
la communauté tatare de Crimée comme étant alors «le principal obstacle à l’intégration de la Crimée
dans la sphère politique et juridique de la Russie»866.
1. Restriction à la liberté de circulation des dirigeants tatars de Crimée
414. En avril 2014, soit quelques semaines à peine après le référendum, la Fédération de Russie
a prononcé contre M. Dzhemilev une interdiction de séjour en Crimée de cinq ans867. Compte tenu
de la très grande considération dont M. Dzhemilev, longtemps président du Majlis, jouit parmi les
Tatars de Crimée, son bannissement a porté un coup dur à cette communauté. Peu après, en
juillet 2014, la Russie a aussi imposé une interdiction de séjour de cinq ans à Refat Chubarov, qui
était alors à la tête du Majlis868.
415. Ces actes, qui revenaient de fait à décapiter l’organe politique que s’étaient choisi les
Tatars de Crimée, conjugués aux mesures répressives prises contre d’autres membres du Majlis qui
résidaient toujours en Crimée (dont il sera question plus loin), ont contraint celui-ci à s’installer à
Kyiv. Ce déménagement a eu pour effet immédiat de limiter la capacité du Majlis d’agir en tant que
défenseur des droits des Tatars de Crimée dans la péninsule869.
416. Après le bannissement de MM. Dzhemilev et Chubarov, la vulnérabilité politique de la
communauté tatare de Crimée s’est encore accentuée lorsque la Fédération de Russie a frappé
d’interdiction de territoire un certain nombre d’autres dirigeants ou leur a imposé des restrictions
d’entrée ou de sortie. A titre d’exemple, le 9 août 2014, la Fédération de Russie a imposé un exil de
cinq ans à Ismet Yuksel, coordonnateur général de l’agence de presse tatare de Crimée QHA et
conseiller du Majlis870. M. Yuksel a fait appel devant les tribunaux russes, mais son appel a été
rejeté871.
866 Voir Kommersant, “The Crimean Tatar Ego” (3 March 2015) (annexe 1050).
867 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014), par. 152, 229 (annexe 45) ;
OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015), par. 229
(annexe 812) ; Amnesty International Public Statement, Harassment and Violence against Crimean Tatars by State and
Non-State Actors (23 May 2014) (annexe 941).
868 Voir OSCE, Thematic Report on the Right to Freedom of Movement across the administrative boundary line
with Crimea (19 June 2015), p. 9 (annexe 811) ; OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea
(6-18 July 2015) (17 September 2015), par. 152 (annexe 812) ; European Parliament Policy Department Study, The
Situation of National Minorities in Crimea following its Annexation by Russia (April 2016), p. 18 (annexe 829). Letter
from Federal Migration Service to R. Chubarov, dated 8 January 2015 (où il est précisé que l’exil imposé à M. Chubarov
est «nécessaire pour assurer la défense et la sécurité de l’Etat, l’ordre ou la santé publics» au sens de l’article 27 1) de la
loi fédérale no 114-FZ) (annexe 849) ; Letter from FSB to R. Chubarov, dated 13 March 2015 (idem) (annexe 858).
869Voir, en général, Andrew Wilson, The Crimean Tatar Question: A Prism for Changing Nationalisms and Rival
Versions of Eurasianism, 3(2) Journal of Soviet and Post-Soviet Politics and Societies 1, 37-38 (2017) (annexe 1024).
870 Voir OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on
National Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September
2015), par. 229 (annexe 812) ; HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of
Crimea and the city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 128 (annexe 759) ;
Sergey Zayets (Regional Center for Human Rights) et al., The Fear Peninsula: Chronicle of Occupation and Violation of
Human Rights in Crimea (2015), p. 63 (annexe 976).
871 Supreme Court of the Russian Federation, No. 5-APG15-110s, Ruling (18 November 2015) (annexe 912).
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417. Eskender Bariiev, coordonnateur du comité pour la protection des droits des Tatars de
Crimée et membre éminent du Majlis, a rapporté dans sa déposition que, à partir de l’invasion de la
Crimée par les Russes et jusqu’en janvier 2015, il avait été arrêté et fouillé pas moins de 39 fois alors
qu’il entrait sur le territoire criméen ou en sortait872. Dans la nuit du 22 au 23 janvier 2015, M. Bariiev
et deux autres membres du comité pour la protection des droits des Tatars de Crimée ⎯ Sinaver
Kadyrov et Akmedzhit Suleimanov ⎯ ont été placés en détention alors qu’ils revenaient d’Ukraine
continentale873. Cette détention a eu lieu alors que les autorités russes venaient de faire échouer leurs
tentatives d’organiser divers événements en vue de la Journée internationale des droits de l’homme
(faits examinés au chapitre 10 ci-après)874, célébrée par les Tatars de Crimée depuis 1990875. Après
des heures de détention au cours desquelles M. Kadyrov a été interrogé, MM. Bariiev et Suleymanov
ont fini par être relâchés. M. Kadyrov, en revanche, a été amené devant le tribunal et condamné à
une amende, puis a fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire criméen au prétexte d’une
prétendue infraction à la législation en matière d’immigration876. Ainsi qu’il sera expliqué plus loin,
l’accusation portée à son encontre constituait en soi un acte de discrimination raciale877.
418. M. Bariiev a finalement été contraint de déménager à Kyiv avec sa femme et ses deux
fils, sous le coup de fausses accusations criminelles : d’après les autorités d’occupation russes, il
aurait mené et financé des activités extrémistes, fomenté des troubles à l’ordre public et compromis
l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie878. Le jour où M. Bariiev s’est installé à Kyiv, un
autre éminent dirigeant du Majlis, Akhtem Chiygoz (dont il sera question ci-dessous), a été arrêté879.
419. La campagne de répression politique discriminatoire livrée par la Russie contre les Tatars
de Crimée a restreint la liberté des dirigeants de cette communauté non seulement d’entrer en Crimée,
mais aussi d’en sortir. A titre d’exemple, en septembre 2014, Ali Ozenbasha, président du comité
d’audit du Qurultay des Tatars de Crimée et membre du Majlis, a été débarqué d’un train par les
autorités d’occupation russes alors qu’il tentait de se rendre en Ukraine continentale pour y recevoir
un traitement médical880. Environ un an plus tard, plusieurs éminents dirigeants du Majlis ont été
empêchés de quitter la péninsule pour participer au congrès mondial des Tatars de Crimée881, où des
centaines de délégués de dizaines de pays ainsi que de nombreuses ONG ont coutume de converger
pour discuter de projets et questions stratégiques882. Il s’agissait notamment de certains des plus hauts
872 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 30 (annexe 15).
873 Ibid., par. 31.
874 Voir ci-dessous, chapitre 10, section A.
875 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 31 (annexe 15).
876 Ibid. ; voir également HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (1 December 2014-15 February
2015), par. 98 (annexe 767).
877 Voir ci-dessous, chapitre 9, section C.
878 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 32 (annexe 15).
879 Ibid.
880 Voir OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM) Based on Information Received
as of 18:00 (Kyiv time) (11 September 2014) (annexe 809).
881 Voir OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on
National Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September
2015), par. 238 (annexe 812).
882 Ridvan Bari Urcosta, New Eastern Europe, Crimean Tatar World Congress: Fear and Expectations (4 August
2015), available at http://www.neweasterneurope.eu/interviews/1680-crimean-tatar-world-congress-fears-andexpectations
(annexe 947).
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représentants du Majlis et du Qurultay, en particulier le premier vice-président, Nariman Dzheljalov,
et le président de la commission électorale centrale du Qurultay, Zair Smedlyaev883 .
420. Si les dirigeants tatars de Crimée ont ainsi été harcelés, ce n’est pas par hasard ou pure
coïncidence. Les autorités russes savent pertinemment que les Tatars de Crimée ne peuvent
s’organiser efficacement si leurs dirigeants ne peuvent circuler librement. Toute la communauté
tatare de Crimée a ainsi ressenti les effets de la campagne discriminatoire de la Fédération de Russie
visant à restreindre la liberté de circulation de ses dirigeants, ce qui a affaibli, au bout du compte, sa
capacité d’action politique.
2. Répression du Majlis du peuple tatar de Crimée
421. Non contentes de miner l’efficacité du Majlis en harcelant ses dirigeants et en les
contraignant à l’exil, les autorités d’occupation russes ont aussi ébranlé l’institution elle-même dans
ses fondements en fouillant le bâtiment qu’elle occupait et en saisissant des avoirs d’entités qui lui
étaient associées avant de l’interdire tout bonnement en tant que telle. La série d’attaques menées en
l’espace de quelques jours à peine en septembre 2014 contre le Majlis et des organes qui lui étaient
liés illustre l’existence d’une campagne coordonnée orchestrée par les autorités d’occupation russes
pour exercer un maximum de pression sur cette institution représentative du peuple (et, ce faisant,
sur toute la communauté tatare de Crimée).
422. Le 16 septembre 2014, le FSB a fouillé le bâtiment du Majlis à Simferopol
dix-sept heures durant884 : les ordinateurs appartenant à l’institution et à la fondation de bienfaisance
Krym ont été saisis, de même que des textes religieux, des disques durs et certains effets personnels
de M. Dzhemilev885. Après la perquisition, le bâtiment a fait l’objet d’un mandat et a été placé sous
scellés886.
423. Le même jour, les domiciles d’Eskender Bariiev et de Mustafa Asaba, tous deux membres
du Majlis, ont été fouillés, et des effets personnels saisis, au cours d’une opération qui a frappé
d’effroi les membres de leur famille887. Dans sa déposition, M. Bariiev a rendu compte de la brutalité
d’une descente dont le but était d’inspirer la terreur, quatre hommes portant des masques et en tenue
de camouflage ayant fait irruption à 6 h 30 dans l’appartement où il habitait avec sa femme et ses
883 OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National
Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 155 (annexe 812).
884 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014), par. 218 (annexe 766) ;
OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National Minorities
(HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015), par. 232
(annexe 812) ; Excerpts of Protocol of Search of Mejlis Building (annexe 1114) ; déposition d’Eskender Bariiev, par. 29
(annexe 15).
885 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014) (annexe 48), par. 218 ;
OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National Minorities
(HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015), par. 232
(annexe 812) ; Excerpts of Protocol of Search of Mejlis Building (annexe 1114) ; déposition d’Eskender Bariiev, par. 29
(annexe 15).
886 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 29 (annexe 15) ; Protocol of Search for Home of Eskender Bariiev
(annexe 1115).
887 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014), par. 218 (annexe 766) ;
Human Rights Watch, Rights in Retreat (November 2014), p. 16 (annexe 943) ; Protocol of Search for Home of Eskender
Bariiev (annexe 1114).
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deux jeunes enfants, armés de fusils d’assaut888. La perquisition au domicile de M. Asaba s’est
déroulée de manière similaire, et les autorités ont saisi du matériel religieux et une brochure sur le
mouvement national des Tatars de Crimée889.
424. Le 17 septembre 2014, le fonds de Crimée, organisme de bienfaisance propriétaire du
bâtiment du Majlis, s’est vu enjoindre, par ordonnance du tribunal, d’évacuer le bâtiment dans les
vingt-quatre heures890. Comme l’a fait observer à l’époque l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE), cette mesure revenait essentiellement à «confis[quer]» les biens
immobiliers de ce fonds et du Majlis891. En application d’une autre ordonnance datée du
25 septembre 2014, confirmée ensuite en appel, les biens immobiliers du Majlis régional de
Bakhtchissaraï ont également été saisis et cette institution a été contrainte de quitter les locaux qu’elle
louait jusqu’alors892.
425. En avril 2016, les attaques contre le Majlis en tant qu’organisation sont encore montées
d’un cran, lorsque les autorités d’occupation russes ont pris la mesure extrême d’interdire l’ensemble
des activités de l’institution. Comble de l’ironie, elles l’ont fait en invoquant les propres lois de la
Russie en matière de lutte contre l’extrémisme, le procureur de Crimée accusant le Majlis d’être une
organisation «extrémiste» au motif, notamment, qu’il avait organisé un rassemblement pro-Ukraine
le 26 février 2014893. Dans sa décision rendue le 26 avril 2016, la Cour suprême de Crimée s’est
prononcée en faveur du procureur.
426. Dès le départ, il était évident pour les observateurs indépendants que l’interdiction du
Majlis par la Russie était une mesure politique dirigée contre la communauté tatare de Crimée tout
entière, et que les accusations d’extrémisme ne servaient que de prétexte. Avant même l’imposition
de cette interdiction, le Conseil de l’Europe anticipait d’ailleurs qu’une telle mesure «indiquerait un
nouveau niveau de répression visant la communauté tatare de Crimée dans son ensemble»894.
427. Le 29 septembre 2016, malgré les critiques, la Cour suprême de la Fédération de Russie
a confirmé la mesure d’interdiction. En octobre et novembre 2016, les autorités d’occupation russes
ont mis en oeuvre celle-ci en condamnant huit membres du Majlis à des amendes pour avoir tenu une
réunion au domicile du vice-président, Ilmi Umerov895. Shevket Kaybullayev, par exemple, s’est vu
888 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 27.
889 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 28.
890 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014), par. 218 (annexe 766).
891 Voir OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 232 (annexe 812) ; Mesures provisoires dans le cadre de la procédure en matière civile no 2-1688/2014 (interdisant à
la Crimea Foundation d’exercer son droit à la propriété sur ses biens et prévoyant la saisie de ses comptes bancaires)
(annexe 929).
892 Voir OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission in Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 233 (annexe 812).
893 Affaire no 2A-3/2016, arrêt du 26 avril 2016 de la Cour suprême de la République de Crimée sur la demande
tendant à interdire le Majlis (annexe 913).
894 Voir Rapport du Conseil de l’Europe du 11 avril 2016, p. 3 (annexe 825).
895 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2016), par. 168
(annexe 773).
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infliger une amende de 500 roubles pour sa participation à cette réunion896 et Mustafa Maushev, une
amende de 750 roubles897.
428. Bien qu’elle soit tenue de se conformer aux ordonnances rendues par la Cour avec effet
obligatoire, la Fédération de Russie n’a nullement cherché à lever la mesure d’interdiction, au mépris
de l’injonction qui lui avait été faite le 19 avril 2017 de «s’abstenir de maintenir ou d’imposer des
limitations à la capacité de la communauté des Tatars de Crimée de conserver ses instances
représentatives, y compris le Majlis»898. Au contraire, elle s’est employée à neutraliser toutes les
tentatives faites par le Majlis en tant qu’institution, ou par certains de ses membres, pour obtenir du
Gouvernement russe ou du système judiciaire la suspension de cette mesure.
429. Comme suite à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour,
Refat Chubarov, président du Majlis, a, au nom de l’organisation, écrit au ministère russe des affaires
étrangères899 et au procureur de Crimée900 pour qu’ils prennent les mesures nécessaires afin de lever
l’interdiction. En vue de faciliter ses propres démarches pour défendre les droits du peuple tatar de
Crimée, le Majlis a demandé au ministère russe des affaires étrangères de lui fournir des copies
certifiées de ladite ordonnance pour les utiliser dans le cadre de procédures internes russes901. Dans
une réponse sommaire datée du 9 août 2017, le ministère russe des affaires étrangères a assuré à
M. Chubarov que tout était mis en oeuvre pour donner effet à l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires, en prenant néanmoins bien soin d’en souligner le caractère temporaire902. La réponse
du procureur de Crimée datée du 27 septembre 2017 n’apportait rien de plus, ce dernier se bornant à
répéter le prétendu fondement juridique de l’interdiction du Majlis et ajoutant que cette décision ne
pouvait faire l’objet d’un réexamen que si des éléments de preuve nouveaux étaient découverts903.
430. Le 12 juillet 2017, M. Bariiev a, de son côté, déposé une plainte privée devant la Cour
suprême de Crimée, à laquelle était jointe l’ordonnance en indication de mesures conservatoires de
la Cour, demandant le réexamen de la décision d’interdire le Majlis904. La Cour suprême de Crimée
a toutefois rejeté la plainte, moins de dix jours après son dépôt, pour des motifs procéduraux905. En
août 2017, M. Bariiev a interjeté appel de cette décision devant la Cour suprême de la Fédération de
Russie906 mais, à ce jour, cet appel restait lettre morte.
431. Cette mesure d’interdiction a suscité de nombreuses et vigoureuses condamnations, aussi
bien avant qu’après le prononcé de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires. Selon un
896 Ruling in Case No. 5-1591/2016 (4 October 2016) (annexe 916).
897 Ruling in Case No. 5-1588/2016 (23 November 2016) (annexe 917).
898 Ordonnance en indication de mesures conservatoires du 19 avril 2017, par. 106 (dispositif).
899 Ruling in Case No. 5-1588/2016 (23 November 2016) (annexe 917).
900 Letter of 27 September 2017 from the Prosecutor’s Office of the Republic of Crimea to Refat Chubarov
(annexe 867).
901 Ibid.
902 Letter from Russian Ministry of Foreign Affairs to R. Chubarov, dated 9 August 2017 (annexe 866).
903 Letter of 27 September 2017 to R. Chubarov from the Prosecutor of Crimea (annexe 867).
904 Letter of Petition for reconsideration, signed by Eskender Bariiev (12 July 2017) (annexe 863).
905 Affaire no 2A-3/2016, arrêt du 26 avril 2016 de la Cour suprême de la République de Crimée sur la demande
tendant à interdire le Majlis (annexe 913). Plus précisément, la Cour suprême de Crimée a déclaré, étrangement, qu’elle ne
pouvait pas authentifier la copie de sa propre décision rendue le 26 avril 2016 qui était jointe à la plainte de M. Bariiev.
Ibid.
906 Private complaint against the Decision of 21 July 2017, by Eskender Bariiev (annexe 864).
252
253
- 165 -
rapport de l’Organisation des Nations Unies datant de juin 2016, l’interdiction du Majlis «pourrait
être perçu[e] comme une punition collective contre la communauté des Tatars de Crimée» et
«confirme les restrictions significatives déjà imposées à cette institution par les autorités de fait
depuis mars 2014»907. Le 19 décembre 2017, l’Assemblée générale des Nations Unies a exhorté la
Fédération de Russie à la révoquer «immédiatement»908.
3. Poursuites et condamnations rétroactives relatives aux manifestations du 26 février
432. En plus d’attaquer le Majlis en tant qu’institution et de contraindre à l’exil la plupart de
ses plus hauts représentants, la Fédération de Russie a engagé contre ceux de ses dirigeants restés en
Crimée des poursuites motivées par des arrière-pensées politiques. De même que plusieurs autres
Tatars de Crimée, le président du Majlis, Akhtem Chiygoz, a fait l’objet d’accusations liées à la
manifestation organisée devant le bâtiment du Parlement de Crimée le 26 février 2014 (comme il a
été décrit au chapitre 8 ci-dessus).
433. Le caractère discriminatoire de ces procédures ressort clairement de ce qu’aucune
poursuite similaire n’a été engagée contre les participants à la contre-manifestation prorusse tenue le
même jour, et de ce qu’on a pu voir, fait pour le moins extraordinaire, les tribunaux contrôlés par les
Russes appliquer le droit pénal russe à des faits bien antérieurs au 18 mars 2014, soit la date à laquelle
la Russie prétend, à toutes autres fins, que sa législation est entrée en vigueur dans la péninsule909. Si
des Ukrainiens ont également été victimes de l’application rétroactive du droit russe en Crimée910,
aucun Russe de souche ayant donné son appui à la prétendue annexion n’en a fait les frais911.
907 Nations Unies, [HCDH], Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February to 15 May 2016),
par. 188 (annexe 771).
908 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 72/190 concernant la situation des droits de l’homme dans la
République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine), doc. A/Res/72/190 (19 décembre 2017) (annexe 50).
L’Assemblée générale, prenant note de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires de la Cour, a également
exhorté la Fédération de Russie à «s’abstenir de maintenir ou d’imposer des restrictions au droit qu’ont les Tatars de Crimée
de conserver leurs instances représentatives». Ibid.
909 Loi sur l’admission (21 mars 2014) (annexe 888) ; HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied
Autonomous Republic of Crimea and the city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 77
(annexe 759) ; OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on
National Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission in Crimea (6-18 July 2015) (17 September
2015), par. 236 (annexe 812).
910 A titre d’exemple, M. Kostenko, qui, ainsi qu’exposé ci-dessus, a été victime de torture, a été arrêté le 8 février
2015 parce qu’il était soupçonné d’avoir blessé un policier de la Berkout le 18 février 2014 pendant les manifestations du
Maïdan qui ont eu lieu avant la tenue du référendum illicite. HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine
(16 February-15 May 2015), par. 158 (annexe 768). M. Kostenko a été condamné à une peine d’emprisonnement de quatre
ans pour des actes de violence qu’il aurait commis à cette occasion contre des policiers. Voir Rapport du Conseil de
l’Europe du 11 avril 2016, p. 10 (annexe 825). De même, Andriy Kolomiets, militant de Maïdan, a été condamné à une
peine d’emprisonnement de dix ans en juin 2016 pour avoir participé à des manifestations sur la place de l’Indépendance.
Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February to 15 May 2016), par. 189 (annexe 771) ;
Radio Free Europe/Radio Liberty, “Ukrainian Jailed in Crimea over Euromaidan ‘Murder’ Charge” (10 June 2016)
(annexe 1081).
911 Voir OSCE, OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner
on National Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6–18 July 2015)
(17 September 2015), par. 146, 236. Comme l’a affirmé le Parlement européen, cette situation viole les normes du droit
international humanitaire, en particulier les Conventions de Genève de 1949 et le code pénal russe, car les autorités de facto
ont appliqué avec effet rétroactif le droit russe à des faits qui se sont produits avant l’occupation. Voir European Parliament
Policy Department Study, The Situation of National Minorities in Crimea following its Annexation by Russia (April 2016),
p. 15 (annexe 829). Six autres personnes ont également été arrêtées dans le cadre de cette affaire. Voir OSCE, Office for
Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National Minorities (HCNM), Report
of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6–18 July 2015) (17 September 2015), par. 236, note de bas de
page 373 (annexe 812).
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- 166 -
434. M. Chiygoz a rapporté dans sa déposition qu’il avait été détenu dans des conditions
déplorables avant son procès et avait subi de longues périodes d’isolement cellulaire912. Aucun
aménagement ne lui a été accordé, sur la base de considérations élémentaires d’humanité : ses
geôliers ne l’ont pas autorisé à assister aux funérailles de sa mère913, et ne lui ont ni fourni de repas
sans porc ni indiqué où se situaient les points cardinaux afin qu’il puisse s’alimenter et prier comme
le lui prescrit l’islam914. Les autres détenus n’étaient pas traités ainsi, et ses geôliers lui rappelaient
sans cesse qu’ils lui réservaient un sort particulier915.
435. M. Chiygoz avait déjà passé plus de deux années en détention lorsque son procès s’est
ouvert à l’été 2016916. Nombre de personnes citées à comparaître ont témoigné à décharge, et
certaines ont même déclaré avoir subi des pressions destinées à les amener à faire de faux
témoignages917. Comme l’a relaté M. Chiygoz, sur les 213 supposés témoins et victimes, quatre
seulement ont présenté des dépositions détaillées censées l’incriminer directement ⎯ et trois d’entre
eux prétendument sous le couvert de l’anonymat918. M. Chiygoz s’est invariablement vu refuser le
droit d’assurer pleinement et effectivement sa propre défense, n’ayant pas été autorisé à assister à
son procès en personne, mais seulement au moyen d’une liaison vidéo de piètre qualité, et ce, alors
qu’il était détenu dans un établissement situé à proximité du palais de justice919. A l’issue de ce procès
entaché d’irrégularités criantes, le tribunal de Crimée l’a, au titre de l’article 212 du code pénal de la
Fédération de Russie, déclaré coupable de l’organisation d’une émeute et l’a condamné à une peine
d’emprisonnement de huit ans920 . Aujourd’hui, M. Chiygoz est libre en vertu d’un accord informel
conclu entre la Turquie et la Fédération de Russie, preuve du caractère politique des accusations
portées contre lui921.
4. Arrestation, détention et procès d’Ilmi Umerov
436. Le 12 mai 2016, le FSB russe a arrêté Ilmi Umerov et l’a accusé d’avoir compromis
l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie922. M. Umerov est également vice-président du
Majlis et, au moment de son arrestation en mai 2016, il était l’un des rares hauts représentants du
Majlis à être encore en liberté en Crimée. Les poursuites dont il a fait l’objet ont porté un coup dur
aux Tatars de Crimée vu le rôle proéminent qui était le sien, notamment en tant que membre fondateur
du Majlis ainsi qu’au sein du gouvernement provincial et d’administrations locales de Crimée923.
Dans le cadre de ses multiples fonctions, M. Umerov a été un acteur important du mouvement en
faveur des droits de la communauté tatare de Crimée et, pendant des décennies, il s’est employé à
912 Déposition d’Akhtem Chiygoz, par. 8, 12 (annexe 19).
913 Ibid., par. 26.
914 Ibid., par. 9
915 Ibid., par. 13, 15.
916 Voir ibid., par. 16.
917 Ibid., par. 18.
918 Ibid., par. 17.
919 Ibid., par. 19.
920 Ibid., par. 27 ; HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea
and the city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014–12 September 2017), par. 77 (annexe 759).
921 Déposition d’Akhtem Chiygoz, par. 28–33 (annexe 19) ; RFE/RL, “Crimean Tatar Leaders ‘Freed,’ Fly To
Turkey” (26 October 2017) (annexe 1070).
922 United Nations, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February to 15 May 2016) (3 June 2016),
par. 182 ; United States Mission to the OSCE, Ongoing Violations of International Law and Defiance of OSCE Principles
and Commitments by the Russian Federation in Ukraine (26 May 2016) (annexe [813]).
923 Déposition d’Ilmi Umerov, par. 2-4 (annexe 20).
255
256
- 167 -
faire le lien entre les organes autonomes des Tatars de Crimée et les institutions gouvernementales
de Crimée.
437. M. Umerov a continué de défendre haut et fort la communauté tatare de Crimée après
l’intervention militaire russe, déclarant sans ambages dans nombre d’entretiens que l’occupation et
l’entreprise d’annexion de la péninsule par la Russie étaient contraires au droit international924. Etant
donné le franc-parler dont il avait fait preuve sur la question évidemment délicate de l’occupation
russe, il n’est sans doute pas étonnant qu’il soit devenu la cible de la politique de répression des
autorités d’occupation. Reste que le traitement brutal que celles-ci lui ont infligé a choqué l’opinion
mondiale925.
438. Les épreuves de M. Umerov ont commencé le 12 mai 2016 lorsqu’il a été interrogé et son
domicile fouillé926. Ainsi qu’il le décrit dans sa déposition, bien qu’il n’ait opposé aucune résistance,
il a été escorté de son domicile jusqu’au lieu de l’interrogatoire à Simferopol par trois voitures de
police et deux autocars des forces spéciales ainsi que des dizaines d’hommes armés et masqués. De
même, ce jour-là, les autorités d’occupation russes ont envoyé de nombreux blindés et des dizaines
d’hommes armés pour effectuer une perquisition à son domicile, mais la perquisition en elle-même
a été menée sommairement, en quelques minutes927. M. Umerov en a conclu que cette démonstration
de force participait d’une tentative d’intimidation visant, au-delà de sa propre personne, la
communauté tatare de Crimée dans son ensemble928.
439. En août 2016, les autorités d’occupation russes ont ressuscité une technique de répression
des dissidents particulièrement brutale employée à l’ère soviétique, internant de force, pour
évaluation, M. Umerov dans un établissement psychiatrique929. M. Umerov a passé les trois semaines
qu’a duré son internement ⎯ qu’il a assimilées à 21 jours de torture ⎯ dans un service réservé aux
personnes atteintes de troubles mentaux incurables930, dans des conditions insalubres et un espace
restreint qu’il devait partager avec trois autres personnes931. L’aile dans laquelle il avait été placé
étant dépourvue de portes, le son s’y propageait facilement, privant de toute intimité sonore la
centaine de patients qui s’y trouvaient, lesquels avaient par ailleurs accès à tous les lits932. Souvent,
lorsqu’il se réveillait pendant la nuit, M. Umerov voyait un patient se tenant au-dessus de lui, en train
924 Ibid., par. 7.
925 Voir, par exemple, Max Seddon, “Moscow cracks down on embattled Crimea Tatar dissidents: Russian tactics
echo KGB practice of forced psychiatric confinement”, Financial Times (11 October 2016) (annexe 1082) ; Christina
Paschyn, “Russia Is Trying to Wipe Out Crimea’s Tatars”, New York Times (19 mai 2016) (annexe 1083) ; Human Rights
Watch, Crimean Tatar Activist Confined in Psychiatric Hospital (26 August 2016) (annexe 953) ; RFE/RL, “Russian Court
Convicts Crimean Tatar Leader Umerov of ‘Separatism’” (28 September 2017) (annexe 1084).
926 Déposition d’Ilmi Umerov, par. 9-15 (annexe 20) ; Decree for the Initiation of criminal proceeding and Pre-trial
Investigation (12 May 2016) (annexe 932) ; Protocol, Interrogation of the Suspect (12 May 2016) (annexe 933). Quelques
jours plus tard, les autorités d’occupation russes ont officiellement décidé d’intenter des poursuites contre M. Umerov. Voir
Decision to Prosecute As Defendant Adopted by I.A. Skripka, Senior Lieutenant of Justice and the Investigator of the
Investigation Department of the Department of Federal Security Service (FSB) of Russia in the Republic of Crimea and
the city of Sevastopol (19 May 2016) (annexe 934)
927 Déposition d’Ilmi Umerov, par. 14 (annexe 20).
928 Ibid., par. 15.
929 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May to 15 August 2016), par. 178
(annexe 772) ; Human Rights Watch, Confined Tatar Activist Confined in Psychiatric Hospital (26 August 2016)
(annexe 953) ; RFE/RL, “Punitive Medicine? Crimean Tatars Shaken By Leader’s Confinement to Mental Asylum”
(25 August 2016) (annexe 1063).
930 Déposition d’Ilmi Umerov, par. 17 (annexe 20).
931 Ibid.
932 Ibid., par. 17.
257
258
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de l’observer933. Le président de la commission des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE a déclaré qu’avec la détention de M. Umerov, «la stigmatisation de la communauté tatare
de Crimée par la Russie a[vait] atteint un niveau particulièrement inquiétant»934.
440. M. Umerov a continué de subir la persécution des autorités russes pendant l’été 2017,
faisant l’objet d’un procès pénal qui s’est éternisé935. Comme il l’a mentionné dans sa déposition, ce
procès a mis en lumière un grand nombre d’erreurs et de contrevérités flagrantes entachant les
accusations portées contre lui, révélant notamment que la traduction de sa déclaration, sur laquelle
reposaient lesdites accusations, était erronée936. Malgré ces erreurs et contrevérités manifestes, le
27 septembre 2017, M. Umerov a été reconnu coupable de séparatisme et condamné à deux ans de
travaux forcés937. Pour cet homme, qui souffre de problèmes cardiaques et de la maladie de
Parkinson, la peine était particulièrement lourde.
441. Preuve du caractère politique des accusations portées contre lui, M. Umerov n’a
finalement été mis en liberté par la Fédération de Russie que dans le cadre d’un accord conclu entre
celle-ci et la Turquie938.
C. Perquisitions et détentions arbitraires
442. Ainsi qu’il a été exposé dans la section précédente, les perquisitions et les détentions
abusives ne constituent que l’une des multiples techniques employées par les autorités d’occupation
russes pour harceler les dirigeants de la communauté tatare de Crimée et entraver leurs tentatives de
défendre les droits de leur peuple. Mais la Russie a aussi employé cette technique particulière à plus
grande échelle en Crimée, procédant à des perquisitions arbitraires au domicile de militants de base,
ou encore dans des écoles tatares de Crimée et des mosquées dans le dessein de déstabiliser la
communauté tout entière.
443. Dès le début de l’occupation, les autorités russes ont pris pour cible les membres de la
communauté tatare de Crimée en perquisitionnant à leur domicile, en opérant des descentes dans les
lieux publics et en bouclant des agglomérations entières afin d’y mener des inspections et des
contrôles d’identité massifs les visant en particulier939. Nombre de Tatars de Crimée, parfois même
de simples passants, ont été détenus en conséquence. C’est souvent au nom de lois russes relatives à
la lutte contre l’extrémisme qu’ont été menées ces opérations discriminatoires. Or, ainsi qu’il est
933 Ibid.
934 Voir Organization for Security and Co-operation in Europe, Press Release: Parliamentary Assembly Human
Rights Chair Calls for Release of Crimean Tatar Leader Umerov (27 August 2016) (annexe 815) ; HCDH, Report on the
Human Rights Situation in Ukraine (16 May to 15 August 2016), par. 178 (annexe 772) ; Human Rights Watch, Confined
Tatar Activist Confined in Psychiatric Hospital (26 August 2016) (annexe 953).
935 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May-15 August 2016), par. 140 (annexe 772) ;
RFE/RL, “Crimean Tatar Leader Umerov Goes On Trial On Separatism Charge” (7 June 2017) (annexe 1066) ; RFE/RL,
“Crimean Tatar Leader Umerov’s Trial Resumes in Simferopol” (21 June 2017) (annexe 1067).
936 Déposition d’Ilmi Umerov, par. 20 (annexe 20).
937 RFE/RL, “Russian Court Convicts Crimean Tatar Leader Umerov of ‘Separatism’” (27 September 2017)
(annexe 1069).
938 Déposition d’Ilmi Umerov, par. 22 (annexe 20) ; RFE/RL, “Crimean Tatar Leaders ‘Freed,’ Fly To Turkey”
(26 October 2017) (annexe 1070).
939 Crimean Tatar Resource Center, Analysis of human rights violations in the occupied Crimea in 2017
(presentation), 2 February 2018 (où il est constaté que les arrestations et les placements en détention auxquels il a été
procédé en Crimée en 2017, ainsi que les amendes infligées dans ce cadre, visaient en grande majorité des Tatars de Crimée)
(annexe 970).
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- 169 -
expliqué au chapitre 8, ces lois sont entrées en vigueur en Crimée en violation du droit international
humanitaire, et elles ont fait l’objet de nombreuses critiques pour être formulées de manière si vague
qu’elles se prêtent à une application discriminatoire.
1. Perquisitions au domicile de Tatars de Crimée
444. Au cours des semaines et des mois qui ont suivi le référendum, les autorités d’occupation
s’en sont prises aux familles tatares de Crimée à leur domicile, effectuant de pseudo-perquisitions en
quête de documents prétendument extrémistes. En août et septembre 2014, par exemple, les autorités
d’occupation ont pénétré dans les domiciles de nombreuses familles tatares de Crimée, sous prétexte
d’y chercher armes et drogues faisant l’objet d’un trafic illicite. A défaut d’en trouver, les membres
du FSB russe saisissaient des textes qualifiés d’extrémistes ou des effets personnels940. Dans certains
cas, le propriétaire était emmené au poste de police pour être interrogé et y restait détenu pendant des
heures941.
445. Ces opérations se sont poursuivies après 2014. Le 12 octobre 2016, par exemple, des
agents du FSB sont entrés de force au domicile de six familles tatares de Crimée, s’y livrant à des
perquisitions en présence d’enfants942. Comme dans le cas des perquisitions effectuées en 2014, le
FSB n’a trouvé ni armes ni drogue, mais a saisi des écrits à caractère religieux943. Ainsi que l’a
récemment fait observer la mission de surveillance des Nations Unies en Ukraine, ces intrusions au
domicile de particuliers «vis[ai]ent de manière disproportionnée les Tatars de Crimée»944.
446. Ces opérations n’ont pas cessé depuis l’ouverture de la présente procédure, les autorités
russes procédant à des arrestations collectives dans des quartiers tatars de Crimée en quête,
notamment, de prétendus extrémistes et fauteurs de trouble à l’ordre public. Le 21 février 2017, par
exemple, les autorités d’occupation ont perquisitionné au domicile de Marlen Mustafayev, militant
tatar de Crimée, au motif qu'il était soupçonné d’activité «extrémiste»945. Lorsque des compatriotes
ont entrepris de filmer les faits dans l’espoir de protéger les droits de M. Mustafayev, ils ont été
arrêtés946. En lien avec cette perquisition, 10 Tatars de Crimée ont été reconnus coupables de troubles
à l’ordre public et d’entrave à la circulation de civils947. Selon le Crimean Tatar Resource Center, les
940 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 September 2014), par. 153 (où est décrite la
perquisition qui a eu lieu le 28 août 2014 au domicile d’une famille tatare de Crimée à Bakhtchissaraï : aucune drogue ni
arme n’a été trouvée, mais de prétendus textes extrémistes ont été saisis) (annexe 765) ; ibid., par. 156 (où sont décrites les
perquisitions effectuées les 4 et 5 septembre 2014 au domicile d’au moins dix familles tatares de Crimée à Simferopol,
Nizhnegorsk, Krasnoperekopsk et Bakhtchissaraï : la police n’a trouvé aucune arme pendant ces opérations, mais a saisi
des écrits à caractère religieux) ; ibid., par. 154 (où sont décrites les perquisitions effectuées le 10 septembre 2014 au
domicile de deux familles tatares de Crimée dans le village de Kamenka (district de Leninskiy) : deux carnets, un téléphone
mobile et deux ouvrages à caractère religieux ont été saisis).
941 Ibid., par. 155 (où sont décrites les perquisitions effectuées le 10 septembre 2014 au domicile de deux familles
tatares de Crimée dans le village de Kamenka (district de Leninskiy) : deux carnets, un téléphone mobile et deux ouvrages
à caractère religieux ont été saisis, et les propriétaires ont été emmenés à Simferopol pour y être interrogés, puis ont été
libérés dix-huit heures plus tard).
942 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2016), par. 165
(annexe 773).
943 Ibid.
944 Voir HCDH, Situation of the human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and
the city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 12 (annexe 759).
945 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February to 15 May 2017), par. 144 ; RFE/RL,
“Russia Detains 11 Crimean Tatars” (22 February 2017) (annexe 1064).
946 Ibid.
947 Ibid.
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261
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neuf perquisitions effectuées dans la péninsule au mois de janvier 2018 visaient les habitations de
Tatars de Crimée948.
447. Dans bien des cas, les perquisitions visant les Tatars de Crimée étaient menées sous
couleur de lutter contre l’extrémisme religieux. Le 2 octobre 2017, par exemple, l’antenne criméenne
du FSB russe a perquisitionné au domicile de quatre Tatars de Crimée, qui ont été arrêtés au motif
qu’ils auraient pris part à des activités «extrémistes»949. Le FSB a accusé ces hommes d’être des
membres de Tablighi Jamaat, mouvement sunnite interdit en Russie (mais pas en Ukraine) en tant
qu’organisation extrémiste950.
448. De même, le 11 octobre 2017, le FSB et des unités des forces spéciales ont fouillé les
domiciles de Tatars de Crimée à Bakhtchissaraï et ont arrêté six hommes pour leur prétendue
appartenance à un groupe terroriste951 ⎯ Hizb-ut-Tahrir, autre organisation qualifiée de terroriste et
interdite en Russie (mais pas en Ukraine)952 . Le même jour, 11 autres Tatars de Crimée qui filmaient
les forces de l’ordre en action ont également été détenus et accusés d’avoir participé à un
rassemblement public non autorisé ayant conduit à troubler l’ordre public953. Neuf d’entre eux ont
été condamnés à des amendes administratives954.
449. Etant donné que l’extrémisme islamique, avant l’occupation russe, n’avait jamais fait
partie de l’histoire de la péninsule de Crimée, la fréquence à laquelle les autorités russes ont recours
à cette accusation pour justifier les perquisitions et les détentions visant les Tatars de Crimée porte
fortement à croire qu’il s’agit d’un simple prétexte à l’exercice d’une politique de discrimination955.
2. Descentes dans des lieux publics ciblant les Tatars de Crimée
450. Les autorités d’occupation ont également opéré des descentes dans des lieux publics, tels
que des marchés, des mosquées, des cafés, des restaurants ou des théâtres. Ces opérations, à l’instar
948 Crimean Tatar Resource Center, Analysis of human rights violations in the occupied Crimea over January 2018
(presentation), 15 February 2018 (annexe 971).
949 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2017), par. 136
(annexe 776).
950 Ibid., par. 136 et note de bas de page 218.
951 Ibid., par. 137.
952 Human Rights Watch, Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017) (où il est relevé
que, depuis 2015, les autorités russes ont arrêté au moins 26 personnes accusées de faire partie de Hizb-ut-Tahrir et
passibles de peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la détention à perpétuité, «uniquement pour avoir commis
⎯ souvent en privé ⎯ des actes relevant de la liberté d’expression, de réunion, d’opinion ou de croyance religieuse ou
politique qui, selon les autorités russes, valaient affiliation à Hizb-ut-Tahrir») (annexe 964).
953 Ibid.
954 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2017), par. 137
(annexe 776) ; Human Rights Watch, Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017) (citant un
avocat témoin de l’arrestation, qui a dit aux médias que «des policiers [avaient] frappé plusieurs des militants pendant leur
transport au poste») (annexe 964).
955 Rapport Magocsi, par. 82 (annexe 21) ; voir également Askold Krushelnycky, “Ukraine: Crimea’s
Tatars ⎯ Clearing The Way For Islamic Extremism?”, RFE/RL (26 August 2004) (annexe 1033) ; Thomas J. Reese &
Daniel I. Mark, “Losing Their Religion in Crimea”, Foreign Affairs (15 April 2015) (où est examiné le fait que la Russie
utilise ses lois répressives pour persécuter les minorités religieuses en Crimée) (annexe 1054).
262
263
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des perquisitions au domicile de particuliers, visaient plus particulièrement les Tatars de Crimée956.
A titre d’exemple, le 1er avril 2016, un groupe de personnes armées et masquées est entré dans un
café du village de Pionerske (district de Simferopol) et a entrepris de détruire le mobilier, sous
prétexte de chercher de la drogue957. En lien avec cette opération, des dizaines de Tatars de Crimée
ont été détenus au centre de lutte contre le terrorisme de la police de Simferopol, où ils ont été
interrogés, photographiés, soumis à des prélèvements d’ADN et à la prise d’empreintes digitales958.
451. Dans certains cas, les autorités d’occupation ont procédé à des perquisitions arbitraires à
une échelle plus grande encore, lorsqu’elles ont barré l’accès à certaines localités, et contrôlé
systématiquement ou ponctuellement les personnes amenées à franchir leurs barrages. Ainsi, en avril
2015, à Zhuravki (district de Kirov), Yarkoe Shchelkovo, Lenino, Battalion, Semisotka, Vojkovo,
Bagerovo, près de Simferopol Fountains et à Saki959, quelque 100 à 150 agents armés ont installé des
sacs de sable (remplacés, dans deux villages au moins, par des barrages en dur équipés de
mitraillettes960) sur toutes les routes d’accès, contrôlant les papiers et inspectant les véhicules entrant
ou sortant.
452. Lors des contrôles ponctuels, les agents réservaient aux Tatars de Crimée un traitement
particulier. Les personnes d’apparence slave pouvaient se contenter de présenter une pièce d’identité
délivrée par le Gouvernement alors que, souvent, les Tatars de Crimée munis de ce type de document
étaient escortés jusqu’à leur domicile et celui-ci, fouillé961.
453. Il importe de noter que les opérations décrites ci-dessus ne constituent que des exemples
d’une politique et de pratiques plus étendues mises en oeuvre par les autorités d’occupation russes en
Crimée962. En fait, la campagne de perquisitions discriminatoires menée par la Fédération de Russie
s’est poursuivie jusqu’à la fin de 2017 et même en 2018, et continue de contribuer à l’oppression de
la communauté tatare de Crimée.
454. En novembre 2017, par exemple, les autorités d’occupation russes ont effectué une
descente musclée dans un café fréquenté principalement par des Tatars de Crimée963.
Vedzhie Kashka, militante tatare de Crimée âgée de quatre-vingt-deux ans, se trouvait dans
l’établissement lorsque la perquisition a commencé et a été emmenée à l’hôpital pendant que celle-ci
se déroulait964. Elle est décédée peu de temps après. Le 26 avril 2018, les autorités d’occupation
956 Voir HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the
city of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 96 («Le HCDH a dénombré une forte majorité
de membres de la communauté tatare de Crimée parmi les personnes arrêtées pendant les descentes de police.»)
(annexe 759).
957 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February to 15 May 2016), par. 183 (annexe 771).
958 Ibid.
959 Voir Crimea Human Rights Field Mission, Brief Review of the Situation in Crimea (April 2015), p. 10-11
(annexe 945) ; Human Rights Group Report of October 2015, p. 7-8 (annexe 949).
960 Voir ibid.
961 Voir ibid.
962 Voir, par exemple, Crimean Tatar Resource Center, Security Officers Conducted Regular Searches in the Houses
of the Crimean Tatars in Crimea (23 January 2018) (annexe 969) ; Crimean Human Rights Group, Statement on Unlawful
Searches and Detainments of Crimean Tatar National Movement Activists and Veterans in Crimea (24 November 2017)
(annexe 965) ; Human Rights Watch Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November 2017) (annexe 964).
963 Voir RFE/RL, “Veteran Crimean Tatar Activist Dies As Associated Detained By Russia” (23 November 2017)
(annexe 1071) ; Human Rights Watch, Another Day, Another Tragedy in Crimea (27 November 2017) (annexe 966).
964 Voir ibid.
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russes ont mené une série de perquisitions armées aux domiciles et commerces de Tatars de Crimée,
et ont détenu des membres éminents de cette communauté, sous le prétexte absurde qu’ils avaient en
leur possession des denrées alimentaires dont les dates limites de vente étaient dépassées965. En
procédant ainsi à des perquisitions auxquelles nul ne semble pouvoir échapper, la Fédération de
Russie met à mal le sentiment élémentaire de sécurité et d’appartenance de la communauté des Tatars
de Crimée sur ses terres ancestrales.
D. Imposition de la citoyenneté russe et discrimination ultérieure
contre les non-Russes
455. Ainsi qu’il a été exposé au chapitre 8, la disposition relative à l’octroi automatique de la
citoyenneté russe aux résidents permanents de la Crimée contenue dans la loi sur l’admission jetait
les bases d’une discrimination systématique contre les Ukrainiens et les Tatars de Crimée. La
présente section décrit de façon plus détaillée la mise en oeuvre de cette loi ainsi que les répercussions
qu’elle a eues sur les personnes qui n’avaient d’autre choix que d’accepter la citoyenneté russe et sur
celles, moins nombreuses, qui ont été en mesure de la refuser.
1. Mise en oeuvre des dispositions relatives à la citoyenneté de la loi sur l’admission
456. La loi sur l’admission, par laquelle la Russie entendait intégrer la Crimée dans sa structure
fédérale, étendait la citoyenneté russe à tous «les citoyens ukrainiens … qui, à [la] date [en question],
résidaient de façon permanente sur le territoire de la République de Crimée ou de la ville fédérale de
Sébastopol [à l’exception de ceux qui auraient] déclar[é], dans un délai d’un mois, leur souhait de
conserver, pour eux-mêmes ou leurs enfants mineurs, l’autre citoyenneté qu’ils poss[édaient]»966.
457. La formulation de cette disposition suppose implicitement une dérogation à la pratique
générale de la Russie qui consiste à reconnaître la double citoyenneté967. D’après son libellé, la loi
sur l’admission étendait la citoyenneté russe uniquement aux Ukrainiens qui ne souhaitaient pas
conserver leur citoyenneté ukrainienne, créant une présomption selon laquelle ceux qui acceptaient
la citoyenneté russe renonçaient à leur citoyenneté ukrainienne968.
458. Dans les faits, les personnes qui ont pu déclarer leur souhait de conserver leur citoyenneté
ukrainienne ne sont vraisemblablement qu’une fraction de celles qui l’auraient voulu969. La loi sur
965 Kharkiv Human Rights Protection Group, Crimean Tatar Businessman & Philanthropist Seized and New FSB
Offensive in Russian-Occupied Crimea (3 May 2018) (annexe 973) ; Unrepresented Nations and Peoples Organization,
Crimean Tatars: Russian Repression Continues with Arrest of Crimean Businessman (8 May 2018) (annexe 974).
966 Loi sur l’admission, article 4 1) (annexe 888).
967 Voir Federal Law 62-FZ “On Citizenship of the Russian Federation”, article 6 2) (annexe 875) ; voir également
Open Society Foundation, Report: Human Rights in the Context of Automatic Naturalization in Crimea, par. 76
(annexe 975).
968 Une telle présomption n’est toutefois pas un critère déterminant s’agissant de déterminer si tel résident de Crimée
possède ou non la citoyenneté ukrainienne. Ainsi que l’a reconnu la Cour, «[i]l appartient … à tout Etat souverain de régler
par sa propre législation l’acquisition de sa nationalité ainsi que de conférer celle-ci par la naturalisation octroyée par ses
propres organes conformément à cette législation». Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, arrêt,
C.I.J. Recueil 1955, p. 20. L’acquisition forcée, par les ressortissants ukrainiens résidant en Crimée, de la citoyenneté russe
n’est pas reconnue par l’Ukraine et n’est pas admise en tant que motif justifiant la perte de citoyenneté en Ukraine. Law of
Ukraine “On guaranteeing the rights and freedoms of nationals and on the legal regime in the temporarily occupied territory
of Ukraine”, article 5 (cité dans Crimea Beyond Rules, p. 45 (annexe 955)).
969 Selon le Service fédéral des migrations russe, 3427 résidents permanents de Crimée ont été en mesure de refuser
la citoyenneté russe. HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic of Crimea
and the City of Sevastopol (Ukraine), A/HRC/36/CRP.3 (25 September 2017), par. 59 (annexe 778).
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l’admission ne leur ménageait que très peu de temps pour faire état de ce souhait, à savoir un mois à
partir du 18 mars 2014970, date à laquelle, selon le droit russe, la Crimée s’est trouvée annexée à la
Fédération de Russie en vertu du prétendu traité conclu entre la Russie et la «République de Crimée».
En réalité, ce délai n’a été que de 18 jours, puisque le service fédéral des migrations de la Russie n’a
publié les directives relatives à la procédure permettant de refuser la citoyenneté russe que le 1er avril
2014971. Qui plus est, cette démarche ne pouvait être effectuée, sur tout le territoire, que dans quatre
bureaux, dont deux qui ont ouvert leurs portes le 4 avril 2014 et deux autres, le 9 avril 2014972. Les
résidents de la Crimée désireux d’obtenir un passeport russe pouvaient envoyer leur demande par
courrier, se présenter à l’un des 160 bureaux prévus à cet effet dans toute la péninsule (dont les quatre
où devaient se rendre les personnes résolues à décliner la citoyenneté russe) ou présenter, à l’étranger,
une demande à n’importe quel consulat ou ambassade russe973.
459. Indépendamment même des difficultés logistiques liées à la démarche requise pour
refuser la citoyenneté russe, bon nombre d’Ukrainiens auront été découragés par les conséquences
probables de ce refus. Comme il a été indiqué au chapitre 8, à la fin du mois de février 2014, le
Gouvernement et les médias russes avaient entrepris, à grand renfort de désinformation et de discours
de haine, d’attiser les tensions entre les Ukrainiens et les Criméens prorusses974. Dans un contexte où
les Ukrainiens étaient taxés de fascisme et de néonazisme, nombre de Criméens qui se définissaient
comme Ukrainiens (qu’il s’agît d’Ukrainiens ou de Tatars de Crimée) n’auront pas voulu risquer
l’opprobre de leurs voisins prorusses en exprimant publiquement le souhait de conserver la
citoyenneté ukrainienne.
460. De plus, ainsi qu’il sera expliqué plus en détail ci-dessous, le fait de refuser la citoyenneté
russe revenait à choisir le statut d’étranger dans son propre pays, statut qui, par rapport à celui de
citoyen russe, présentait bien des désavantages sur le plan matériel. A titre d’exemple, la loi sur
l’admission étendait à la Crimée la législation russe qui interdisait aux citoyens et aux résidents
permanents d’Etats tiers d’être employés par l’administration publique, y compris les services
municipaux975. Pour un agent de la fonction publique, faire le choix de conserver la citoyenneté
ukrainienne revenait donc à aller au-devant de son licenciement. Un grand nombre de Criméens qui
se définissaient comme Ukrainiens se seront donc gardés de faire ce choix afin d’éviter cette
conséquence ainsi que toutes les autres formes de discrimination auxquelles ils se seraient exposés
en conservant leur citoyenneté ukrainienne.
970 Par contraste, en 1991, la Fédération de Russie avait accordé un délai d’un an aux citoyens de l’ancienne URSS
résidant sur son territoire pour indiquer qu’ils ne souhaitaient pas acquérir la citoyenneté russe. Voir Regional Centre for
Human Rights et al., Crimea Beyond Rules: Thematic review of the human rights situation under occupation, Vol. 3, Right
to nationality (citizenship) (2017), p. 22 (citant l’article 13 1) de la loi de la Fédération de Russie du 28 novembre 1991
no 1948-I «sur la citoyenneté de la Fédération de Russie») (annexe 955).
971 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014), par. 127 (annexe 763) ; Open
Society Justice Initiative, Human Rights in the Context of Automatic Naturalization in Crimea (June 2018), par. 77, 79, 82,
211 (annexe 975) ; Regional Centre for Human Rights et al., Crimea Beyond Rules: Thematic review of the human rights
situation under occupation, Vol. 3, Right to nationality (citizenship) (2017), p. 22 (annexe 955) ; voir Human Rights Watch,
Rights in Retreat: Abuses in Crimea (2014), p. 29 (annexe 943).
972 Voir OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on
National Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6–18 July 2015) (17 September
2015), par. 39 (annexe 812).
973 Open Society Justice Initiative, Human Rights in the Context of Automatic Naturalization in Crimea
(June 2018), par. 82 (annexe 975) ; Human Rights Watch, Rights in Retreat: Abuses in Crimea (2014), p. 30 (annexe 943).
974 Voir ci-dessus, chapitre 8, section A.
975 Voir loi sur l’admission, article 4 3) (annexe 888).
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461. A l’inverse, étant donné que la loi sur l’admission réservait la possibilité d’acquisition de
la citoyenneté russe aux seuls «résidents permanents» de Crimée, nombreux sont les Criméens qui
ont été empêchés de s’en prévaloir, et sont devenus, par défaut, des étrangers dans leur propre pays.
Beaucoup de Criméens, en particulier des Ukrainiens et des Tatars de Crimée, n’avaient pas la preuve
de résidence permanente qu’exigeait, telle qu’interprétée par les autorités sur le terrain, la loi sur
l’admission, à savoir un tampon d’enregistrement dans leur passeport ou une décision judiciaire
attestant la résidence976. Ainsi, des Tatars de Crimée revenus depuis peu de leur exil en Asie centrale
n’avaient peut-être pas réussi à surmonter tous les obstacles pour s’enregistrer en tant que résidents
permanents de Crimée avant février 2014977. De même, des Ukrainiens qui avaient déménagé
d’autres régions d’Ukraine pour s’installer en Crimée n’avaient peut-être pas pris la peine de changer
officiellement leur statut de résidence978.
462. D’autres Ukrainiens et Tatars de Crimée qui détenaient le statut de résident permanent et
demeuraient fidèles à l’Ukraine auront choisi de ne rien faire au vu du délai prévu par la loi sur
l’admission, ou auront considéré que toute demande présentée aux autorités d’occupation russes en
application de la loi sur l’admission risquait de conférer une légitimité à l’occupation et à l’entreprise
d’annexion illicites de la Crimée par la Russie.
463. Comme il est décrit ci-dessus, chacun de ces groupes a pâti, quoique de différentes
manières, de l’imposition à la Crimée du régime russe relatif à la citoyenneté et à la résidence
permanente. En règle générale, les membres de la communauté russe de souche qui étaient en faveur
de l’annexion, eux, n’en ont pas souffert.
2. Préjudices subis par ceux qui n’ont pas refusé de devenir citoyens russes et ont ensuite été
considérés comme tels
464. Les personnes se définissant comme des Ukrainiens ou des Tatars de Crimée qui se sont
vu imposer la citoyenneté russe faute d’avoir, pour les raisons susmentionnées ou pour d’autres, fait
la démarche de la refuser se retrouvaient dans une situation peu enviable. En tant que ressortissantes
russes, elles étaient tenues à une obligation de loyauté envers la Fédération de Russie, et s’exposaient
potentiellement à de graves sanctions si elles coopéraient avec l’Ukraine, l’Etat dont elles estimaient
relever. A titre d’exemple, l’article 275 du code pénal de la Fédération de Russie prévoit une peine
allant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement pour les citoyens russes fournissant une quelconque «aide
financière, matérielle, technique, consultative ou autre à un Etat étranger, une organisation
internationale ou étrangère ou à leurs représentants, dans des activités dirigées contre la sécurité de
la Fédération de Russie»979. Compte tenu de la façon arbitraire dont la Russie appliquait à leur
encontre ses lois anti-extrémistes sur le territoire criméen, les Tatars de Crimée et les Ukrainiens qui
976 Pour une analyse détaillée des difficultés auxquelles ont fait face les résidents de Crimée qui ne possédaient la
preuve de résidence exigée par la Russie, voir, par exemple, Crimean Human Rights Group, Memorandum: Discrimination
of Crimean Residents for Non-Possession of Russian Documents Issued Unlawfully by Russia in Crimea (2018)
(annexe 968) ; voir également Open Society Justice Initiative, Human Rights in the Context of Automatic Naturalization
in Crimea (June 2018), par. 92-97 (annexe 975).
977 Voir OSCE, HCNM, The Integration of Formerly Deported People in Crimea, Ukraine: Needs Assessment
(August 2013), p. 4 (où il est précisé que l’un des principaux problèmes sur le plan juridique était «la réglementation du
statut juridique des personnes qui [après avoir été déportées] retournaient en Crimée, y compris en ce qui concerne leur
rapatriement et leur statut de résidence ainsi que l’accès à la citoyenneté») (annexe 805).
978 Crimean Human Rights Group, Memorandum: Discrimination of Crimean Residents for Non- Possession of
Russian Documents Issued Unlawfully by Russia in Crimea (2018), p. 2 (annexe 968) ; Human Rights Watch, Rights in
Retreat: Abuses in Crimea (November 2014) (notant que «nombreux sont ceux qui, bien que résidant en Crimée dans les
faits, n’avaient pas le tampon d’enregistrement dans leur passeport ou étaient officiellement enregistrés en Ukraine
continentale») (les italiques sont de nous) (annexe 943).
979 Article 275 («Haute trahison») du code pénal de la Fédération de Russie (annexe 927).
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ont acquis la citoyenneté russe contre leur gré auront vraisemblablement interprété la formulation
large de l’article 275 comme susceptible de viser des actes de coopération, même innocents, avec
l’Ukraine ou avec des organisations internationales (dont l’ONU et l’OSCE) venant effectuer des
missions d’observation en Crimée et en Ukraine orientale.
465. De plus, en tant que citoyens russes, les membres de ce groupe risquent à présent d’être
enrôlés dans les forces armées russes et de devoir se battre contre le pays que, précisément, ils
estiment être foncièrement le leur. La loi sur l’admission fait expressément référence aux «[c]itoyens
de la Fédération de Russie appelés à effectuer leur service militaire en République de Crimée ou dans
la ville fédérale de Sébastopol» en indiquant que, jusqu’à la fin de l’année 2016, ils effectueront leur
service militaire en Crimée et à Sébastopol980. Ce délai étant échu, rien n’empêche maintenant ces
conscrits d’être déployés par les forces armées russes dans d’autres zones de conflit, y compris en
Ukraine orientale.
466. L’imposition de la citoyenneté russe aux ressortissants ukrainiens en Crimée a également
ouvert la voie à d’autres abus. Les citoyens ukrainiens qui se trouvaient emprisonnés sur le territoire
criméen entre le 18 mars 2014 et le 18 avril 2014 n’ont pas eu de réelle possibilité de refuser la
citoyenneté russe. Etant désormais considérés comme des citoyens russes, ils sont susceptibles d’être
transférés de force dans n’importe quelle partie de la Fédération de Russie, en violation du droit
international humanitaire981.
467. Selon des groupes de défense des droits de l’homme en Crimée, plus de 4700 citoyens
ukrainiens qui avaient été détenus en Crimée ont ainsi été transférés par les autorités russes vers des
établissements situés en Russie982. Un exemple particulièrement notoire est le cas d’Oleg Sentsov,
cinéaste et membre russophone de la communauté ukrainienne en Crimée, qui a aidé à faire parvenir
des vivres et des fournitures aux forces ukrainiennes subissant le blocus imposé par ce qui était de
fait des forces d’invasion russes983. Il a été arrêté et accusé de complot terroriste984. Dans le cadre de
son procès tenu en 2015, le tribunal a fait valoir qu’il avait automatiquement acquis la citoyenneté
russe à la suite de l’annexion985. Les autorités ukrainiennes ont tenté d’intervenir en sa faveur,
notamment en demandant son transfert en Ukraine, mais ces tentatives ont été mises en échec par le
Gouvernement russe au motif que M. Sentsov avait la citoyenneté russe986. De plus, après avoir été
condamné à une peine de 20 ans d’emprisonnement, il a d’abord été envoyé dans un établissement
situé en République de Sakha, sujet de la Fédération de Russie, puis a été transféré dans la prison la
980 Traité relatif à l’admission, article 5 6).
981 Voir Quatrième Convention de Genève (1949), article 76 («Les personnes protégées inculpées seront détenues
dans le pays occupé et si elles sont condamnées, elles devront y purger leur peine.»)
982 Crimean Human Rights Group (CHRG), Human Rights Information Centre (HRIC), Regional Centre for Human
Rights (RCHR), and Ukrainian Helsinki Human Rights Union (UHHRU), Joint Submission to the UN Universal Periodic
Review: Russian Federation (2017), par. 26 (annexe 954).
983 Lilya Palveleva, “Ukrainian Filmmaker Remains Behind Bars Despite Growing Support”, RFE/RL (26 June
2014) (annexe 1078).
984 HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the city of
Sevastopol, UN Doc. A/HRC/36/CRP.3 (25 September 2017), par. 117 (annexe 778).
985 Masha Gessen, Opinion, “Oleg Sentsov and the Kremlin’s Thin Skin”, NY Times (28 August 2015)
(annexe 1079).
986 Voir Ukrainian Parliament Commissioner for Human Rights, Officially: Mr. Oleg Sentsov is the citizen of
Ukraine (8 April 2015) (picture of redacted copy of the State Migration Service of Ukraine letter embedded) (annexe 1085).
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plus au nord de la Russie, dans le district autonome de Iamalo-Nénétsie987. Une fois de plus, son
incarcération en Russie a été justifiée par le fait qu’il détenait la citoyenneté russe.
468. De même, M. Chiygoz a rapporté que des agents l’avaient menacé de le transférer dans
une prison située en territoire russe, où il serait détenu dans des conditions beaucoup plus
éprouvantes, s’il ne retirait pas l’appel qu’il avait formé :
«[D]eux agents du [FSB] de Moscou … ont exigé que je retire mon appel.
Lorsque j’ai refusé d’obtempérer, ils m’ont menacé. L’un des agents m’a dit qu’un
homme de mon âge ne survivrait sans doute pas aux conditions du transfert, qui
supposait de traverser la Russie, de zone rouge (zone de supervision spéciale) en zone
rouge, jusqu’à Magadan. Je me souviens que certains agents masqués de l’unité spéciale
avaient déjà proféré des menaces similaires, m’avertissant qu’ils m’attendaient et que
je souffrirais dans ma chair.»988
469. Recourir à la déportation forcée vers des établissements relevant du système carcéral
russe à des fins de coercition constitue une violation manifeste des obligations de la Russie au regard
du droit international humanitaire. L’emploi et la mise à exécution disproportionnés de la menace de
procéder à de tels transferts contre les détenus ukrainiens et tatars de Crimée participent, en outre,
d’une discrimination raciale au sens de la CIEDR.
3. Préjudices subis par les habitants de Crimée qui n’ont pas acquis la citoyenneté russe
470. Les Criméens qui n’ont pas acquis la citoyenneté russe, soit parce qu’ils l’ont refusée soit
parce qu’ils n’y étaient pas admissibles, ont subi des préjudices différents.
471. Les résidents permanents de Crimée qui ont refusé la citoyenneté russe ont été autorisés
à solliciter des permis de résidence. De tels permis donnent à leur titulaire droit à certaines prestations
dont bénéficient les citoyens russes ⎯ pensions de l’Etat, assurance maladie gratuite et prestations
sociales, par exemple989. Toutefois, les titulaires étrangers d’un permis de résidence sont
désavantagés à beaucoup d’autres égards par rapport aux ressortissants russes. Ainsi que mentionné
987 “Ukrainian Filmmaker Sentsov Reportedly To Be Transferred To Russian Far North Prison”, RFE/RL
(30 September 2017) (notant en outre ce qui suit :
«Depuis le début du mois, l’endroit où se trouve M. Sentsov reste un mystère. Les membres d’une
commission publique de surveillance de la ville d’Extrême-Orient Irkoutsk ont fait savoir le 9 septembre
que M. Sentsov avait été transféré de cette ville vers Tcheliabinsk dans l’Oural. Depuis ce transfert, ses
avocats ignorent cependant tout du lieu où se trouve leur client.») (annexe 1080).
988 Voir déposition d’Akhtem Chiygoz, par. 28 (annexe 19).
989 HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic of Crimea and the City
of Sevastopol (Ukraine) (2017), par. 61
(«Les résidents de Crimée qui ont choisi de refuser la citoyenneté russe sont devenus des étrangers.
Ils pouvaient obtenir un permis de résidence dans le cadre d’une procédure simplifiée, ce qui leur permettait
de jouir de certains droits dont bénéficiaient les citoyens de la Fédération de Russie, tels que le droit à la
pension, à l’assurance maladie gratuite et aux allocations sociales ainsi que le droit d’exercer des
professions pour lesquelles la citoyenneté russe n’était pas requise.») ;
Crimean Human Rights Group, Memorandum: Discrimination of Crimean Residents for Non-Possession of
Russian Documents Issued Unlawfully by Russia in Crimea (2018), p. 6 (où il est expliqué qu’il est possible de souscrire
gratuitement à un régime d’assurance maladie, en vertu de l’article 10 de la loi fédérale no 326 du 29 novembre 2010 «sur
l’assurance médicale obligatoire en Fédération de Russie», pour les citoyens russes, les ressortissants étrangers et les
apatrides «ayant un permis de résidence ou un permis de séjour temporaire sur le territoire [russe]» et ceux considérés
comme réfugiés au regard du droit russe) (annexe 777).
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plus haut, ils n’ont pas le droit d’occuper des postes dans l’administration publique, y compris
municipale. Ils n’ont pas davantage le droit d’être candidats à des fonctions gouvernementales ou
municipales990. Il leur est également interdit par d’autres lois russes entrées en vigueur en Crimée de
solliciter l’autorisation de tenir des rassemblements publics991 ou de posséder des médias992, entre
autres choses993. En tant que ressortissants étrangers, les membres de ce groupe sont par ailleurs
soumis au contrôle des migrations exercé par la Russie, et sont ainsi exposés à une interdiction de
séjour permanente en Crimée à la discrétion des autorités russes994.
472. Les nombreux Criméens qui n’ont pas pu prouver qu’ils étaient des résidents permanents,
et qui, par conséquent, n’ont pas automatiquement acquis la citoyenneté russe, se sont retrouvés dans
une situation pire encore. Ils étaient considérés comme des étrangers selon le droit russe. Ils n’étaient
donc pas autorisés à séjourner en Crimée pendant plus de 90 jours au cours des 180 jours suivant leur
entrée dans la péninsule995. Par ailleurs, s’ils subissaient tous les mêmes inconvénients que les
résidents permanents qui avaient refusé la citoyenneté russe, ils étaient, en sus, privés des droits
associés au statut de résident permanent, tels que celui de bénéficier d’une pension d’Etat, d’une
assurance maladie gratuite et d’autres prestations sociales.
473. L’application discriminatoire des lois russes sur l’immigration pose particulièrement
problème pour les membres de ce groupe, qui courent à tout moment le risque d’être arrêtés par les
autorités russes et expulsés de ce qu’ils considèrent comme leur patrie. Pour reprendre un exemple
déjà mentionné dans le présent chapitre, Sinaver Kadyrov, militant tatar de Crimée et membre
fondateur du comité pour la protection des droits des Tatars de Crimée, a été arrêté à un poste de
contrôle, puis frappé d’expulsion pour avoir dépassé la limite de séjour ⎯ 90 jours ⎯ imposée aux
étrangers par la Russie. Par principe, M. Kadyrov n’avait fait de démarche ni pour acquérir ni pour
refuser la citoyenneté russe996.
990 Voir loi sur l’admission, article 4 3) (annexe 888).
991 Voir loi fédérale no 54-FZ du 19 juin 2004 de la Fédération de Russie sur les réunions, rassemblements,
manifestations, défilés et piquets de grève, telle que modifiée par la loi fédérale no 65-FZ du 8 juin 2012, art. 5
(annexe 877) ; voir également loi de la République de Crimée no 56-ZRK du 21 août 2014 sur la création des conditions
d’exercice par les ressortissants de la Fédération de Russie du droit de tenir des réunions, des rassemblements, des
manifestations, des défilés ou des piquets de grève en République de Crimée, paragraphe 4 de l’article 2 (annexe 895).
992 Law of the Russian Federation on Mass Media, No. 2124-1 of 27 Dec. 1991, art. 7 (annexe 872) ; loi fédérale
no 305-FZ du 14 octobre 2014 portant «Modification de la loi de la Fédération de Russie sur les médias», art. 1.3
(annexe 873).
993 HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the city of
Sevastopol (Ukraine) (25 September 2017), par. 62
(«[D]ans l’ensemble, les personnes qui sont titulaires d’un permis de résidence et n’ont aucune
autre nationalité de la Fédération de Russie ne jouissent pas du droit à l’égalité devant la loi et sont privées
d’autres droits importants. Elles ne peuvent posséder des terres agricoles, voter ou se faire élire, enregistrer
une corporation religieuse, demander l’autorisation de tenir une réunion publique, occuper des postes dans
l’administration publique ou renouveler l’immatriculation de leur véhicule privé dans la péninsule.» (notes
de bas de page omises) (annexe 778)).
994 Voir Ukrainian Helsinki Human Rights Union, Crimea Beyond Rules: Right to Nationality (Citizenship) (2017),
p. 40 (annexe 957).
995 HCDH, Situation of human rights in the temporarily occupied Autonomous Republic of Crimea and the city of
Sevastopol, UN Doc. A/HRC/36/CRP.3 (25 September 2017), par. 64 (annexe 778).
996 Written statement submitted by the Society for Threatened Peoples, p. a, U.N. Doc. A/HRC/28/NGO/97
(23 February 2015) (annexe 784) ; voir également déposition d’Eskender Bariiev, par. 31 (annexe 15).
274
- 178 -
474. En revanche, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les
autorités en matière d’immigration accordaient le bénéfice du doute à qui professait des sympathies
prorusses. Citons ainsi l’exemple suivant :
«Un citoyen ukrainien ayant affirmé avoir «activement participé au Printemps
russe à Sébastopol», a fait valoir que ses proches se trouvaient en Crimée et que «sa vie
privée et familiale» pâtirait de son expulsion. … La Cour suprême de Crimée a accueilli
cet argument et l’expulsion n’a pas eu lieu.»997
*
* *
475. En somme, en appliquant son propre régime en matière d’immigration et de citoyenneté
en Crimée, la Fédération de Russie a décuplé la capacité des forces de l’ordre et des autorités
judiciaires russes d’exercer une discrimination contre les Ukrainiens et les Tatars de Crimée qui
refusent d’admettre la légitimité de ses actes dans la péninsule.
476. De même qu’en ce qui concerne les autres facettes de son offensive contre les droits civils
et politiques de ces communautés, la Russie prétend agir sur le fondement de lois d’apparence neutre.
Or, l’application en Crimée occupée de ses lois relatives à la citoyenneté, à la résidence et à
l’immigration n’est pas plus légitime que celle de ses lois anti-extrémistes ou autres lois pénales et
puisque, dans les faits, ce sont de manière disproportionnée les membres des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée qui en font les frais, elle est constitutive de discrimination raciale au
sens de la CIEDR.
997 Open Society Justice Initiative, Human Rights in the Context of Automatic Naturalization in Crimea
(June 2018), par. 33 (citant HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic of
Crimea, No. 12-401/2016 (17 November 2016) (annexe 777)) (annexe 975).
275
- 179 -
CHAPITRE 10
POLITIQUE DE DISCRIMINATION ET DE RÉPRESSION CULTURELLES
MISE EN OEUVRE PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
477. Outre l’attaque systématique contre les droits civils et politiques décrite au chapitre 9, la
Fédération de Russie a mené, au cours de ces quatre années d’occupation, une politique consistant à
étouffer méthodiquement l’expression culturelle des Ukrainiens et Tatars de Crimée. Cette autre
facette de la campagne de discrimination raciale orchestrée par la Russie fait surgir le spectre de
l’annihilation totale des cultures distinctives de ces communautés de la péninsule de Crimée.
478. La Russie a pris des mesures rigoureuses contre les rassemblements publics organisés par
ces communautés pour célébrer des événements culturels importants à leurs yeux. Elle a réduit au
silence les voix indépendantes ukrainiennes et tatares de Crimée dans les médias et la société civile,
ne laissant s’exprimer que des «porte-paroles» à sa solde, non représentatifs998. Elle a laissé péricliter
le patrimoine culturel de ces communautés. De plus, elle a compromis la capacité de celles-ci à
transmettre aux générations futures leur identité distinctive en exaltant, dans le système
d’enseignement, la culture russe aux dépens de leurs propres cultures.
479. Le présent chapitre résume successivement chacune des manières dont la Russie s’est
ainsi employée à détruire les cultures ukrainienne et tatare de Crimée.
A. Interdiction de grands rassemblements culturels
480. Les restrictions imposées par la Russie aux rassemblements culturels des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée sont particulièrement préjudiciables. Comme l’explique le
professeur Magocsi dans son rapport d’expert, la célébration de la mémoire de personnages et
d’événements historiques est au coeur de la culture et du sentiment d’identité des Tatars de Crimée,
et a joué un rôle essentiel s’agissant de préserver cette culture et cette identité durant les années d’exil
en Asie centrale999. En particulier, les commémorations annuelles de la déportation de 1944 — le
Sürgün — ont occupé une place centrale dans la vie des Tatars de Crimée au sein de l’Ukraine
indépendante1000. Pour la communauté ukrainienne, de tels événements culturels ne sont pas moins
essentiels afin de préserver une identité distincte de celle des Russes de souche dans la péninsule, le
plus important d’entre eux étant la célébration annuelle de l’anniversaire de Taras Shevchenko, icône
de la culture ukrainienne.
481. Depuis février 2014, les autorités d’occupation russes se sont activement employées à
empêcher la perpétuation de ces traditions. En violation du droit international humanitaire, la Russie
a introduit dans la Crimée occupée ses propres lois répressives régissant les rassemblements publics,
les appliquant ensuite de manière discriminatoire à l’effet de dénier aux Ukrainiens et aux Tatars de
Crimée la possibilité de célébrer, au même titre que la communauté des Russes de souche, des
événements culturels importants.
998 Voir déposition de Lenur Islyamov, par. 17-18 (annexe 18) ; Recording of Conversation between M. Efremova
and L. Islyamov (June 2014) (annexe 110[3]).
999 Rapport Magocsi, par. 75 (annexe 21).
1000 Voir déposition d’Eskender Bariiev, par. 5 (où sont décrites les commémorations annuelles de cet événement
tenues sur la place Lénine, à Simferopol, de 1990 à 2013) (annexe 15).
276
277
- 180 -
1. Application illicite par la Russie de ses lois imposant des restrictions à la liberté de réunion
pacifique en Crimée
482. La loi ukrainienne applicable avant l’occupation imposait simplement à l’organisateur
d’un événement de notifier préalablement aux autorités compétentes la tenue d’une réunion
pacifique ; ni permis ni autorisation n’étaient requis au regard de la Constitution ukrainienne pour
organiser un rassemblement public1001. En général, les autorités permettaient la tenue de la
manifestation, indépendamment du groupe ethnique l’ayant notifiée, sous réserve d’une présence
policière adéquate. Les rassemblements ne pouvaient faire l’objet que de restrictions limitées, «dans
le respect de la loi» et «uniquement dans l’intérêt de la sécurité nationale et de l’ordre public, en vue
de prévenir des troubles ou des infractions, de protéger la santé de la population ou les droits et
libertés d’autrui»1002.
483. Après la prétendue annexion de la Crimée, la Fédération de Russie a étendu à la péninsule
l’application de ses propres lois répressives imposant l’obtention d’une autorisation expresse des
autorités compétentes. Comme lorsqu’elle y avait étendu l’application de ses lois relatives à la lutte
contre l’extrémisme, il s’agissait là d’une violation manifeste de ses obligations au regard du droit
international humanitaire, puisqu’elle n’était pas dans l’«empêchement absolu» de respecter le
régime en vigueur en Ukraine relativement aux rassemblements publics. Qui plus est, même avant
que la Russie n’intervienne en Crimée, ses lois avaient suscité d’importantes critiques, en tant
qu’elles ne garantissaient pas le droit à la liberté de réunion. A titre d’exemple, la commission de
Venise a notamment conclu ce qui suit de son analyse de la loi no 54-FZ du 19 juin 2004 :
«[I]l convient de revoir le régime de notification préalable … ; la coopération
entre les organisateurs et les autorités … doit être établie de manière volontaire, en
respectant l’autonomie de réunion et sans priver les organisateurs du droit de tenir une
réunion au motif qu’ils n’ont pas accepté d’en modifier la forme ou n’ont pas respecté
le délai de notification de l’événement public ; le pouvoir de modifier la forme d’un
événement public dont disposent les autorités administratives devrait être expressément
limité aux situations dans lesquelles des raisons impérieuses exigent d’agir ainsi …,
dans le respect scrupuleux des principes de proportionnalité et de non-discrimination et
d’une présomption favorable à la tenue de réunions.»1003
484. En plus d’appliquer les lois russes existantes, le Conseil d’Etat de la République de
Crimée a promulgué, le 8 août 2014, la loi no 56-ZRK qui, sur le modèle russe, conditionnait les
rassemblements publics à l’obtention d’une autorisation préalable et imposait une série d’exigences
techniques strictes auxquelles devaient satisfaire les notifications1004. En application de ces lois, les
autorités d’occupation ont rejeté de nombreuses demandes présentées par des groupes ukrainiens et
1001 Ukrainian Constitution (8 December 2004), Art. 39 (qui garantit la liberté de réunion pacifique, sous réserve
seulement d’une notification préalable) (annexe 732).
1002 Ibid.
1003 Conseil de l’Europe, commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise), avis sur
la loi fédérale no 54-FZ du 19 juin 2004 relative aux réunions, rassemblements, manifestations, marches et piquets de grève
de la Fédération de Russie (adopté les 16-17 mars 2012), par. 49 (annexe 816).
1004 Loi de la République de Crimée no 56-ZRK du 21 août 2014 sur la création des conditions d’exercice par les
ressortissants de la Fédération de Russie du droit de tenir des réunions, des rassemblements, des manifestations, des défilés
ou des piquets de grève en République de Crimée, article 2 (annexe 895) ; Letter from Administration of Simferopol to the
Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars, No. 12154/24/01-66, dated 9 December 2014 (citant, outre la
loi fédérale no 65-FZ, l’article 2 de loi de la République de Crimée no 56-ZRK du 21 août 2014) (annexe 846).
278
- 181 -
tatars de Crimée désireux de tenir des rassemblements en Crimée, les menaçant de sanctions
administratives en cas d’insubordination1005.
2. Application par la Russie de ses lois à l’effet de dénier à la communauté tatare de Crimée le
droit de célébrer des événements culturels importants
485. Les autorités d’occupation russes ont appliqué ces lois répressives pour empêcher
systématiquement la communauté tatare de Crimée de célébrer des événements culturels importants.
Elles ont ainsi maintes fois fait pièce à des projets de commémoration du Sürgün. Ainsi qu’expliqué
plus haut, l’hommage rendu chaque année aux victimes du Sürgün le 18 mai revêt une importance
particulière pour les Tatars de Crimée, qui sont nombreux à n’être revenus que depuis peu dans leur
terre d’origine, à la suite de la déportation de 1944. La cérémonie organisée à cette occasion se
déroulait traditionnellement sur la place Lénine ⎯ place principale de Simferopol ⎯ sous les
auspices du Majlis1006. Le 16 mai 2014, moins de trois mois après la prétendue annexion ⎯ et
seulement deux jours avant le 70e anniversaire du Sürgün —, les autorités d’occupation ont
brusquement interdit par décret toute réunion publique en Crimée jusqu’au 6 juin 2014, avançant
comme motif la nécessité de prévenir toute provocation extrémiste et d’éviter de perturber la période
de vacances1007.
486. Les années suivantes, les autorités d’occupation ont rejeté plusieurs demandes présentées
en vue de commémorer cet événement dans différentes parties de la péninsule. En mai 2015, les
autorités de Simferopol ont refusé d’accorder un permis à cet effet en invoquant des motifs de sécurité
publique1008. En 2016, une notification a été rejetée par l’administration du village de Voinka (district
de Krasnoperekopsky) au motif, cette fois, que des travaux d’aménagement étaient prévus dans le
parc où il avait été proposé de tenir la manifestation1009. En 2017, de nombreux Tatars de Crimée
arrêtés au volant de leur voiture ont été déclarés coupables d’infractions administratives et punis
d’une amende pour avoir arboré sur leur véhicule, à l’occasion de cette journée, le drapeau tatar de
Crimée1010.
1005 Voir, par exemple, Letter from Executive Committee of Republic of Crimea Simferopol City Council to the
Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars, No. 9818/24/01-66, dated 2 December 2014 (citant les
articles 31 et 55 de la Constitution russe, la loi fédérale no 54-FZ du 19 juin 2004 de la Fédération de Russie sur les réunions,
rassemblements, manifestations, défilés et piquets de grève, et la loi fédérale relative aux principes généraux de
l’organisation de l’administration publique locale dans la Fédération de Russie) (annexe 841) ; Letter from Administration
of Simferopol to the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars, No. 12154/24/01-66, dated 9 December
2014 (citant, outre la loi fédérale no 65-FZ, l’article 2 de loi de la République de Crimée no 56-ZRK du 21 août 2014)
(avertissant les organisateurs tatars de Crimée que la loi fédérale no 65-FZ du 8 juin 2012 accroît considérablement la
responsabilité encourue en cas de violation de la procédure applicable à l’organisation ou à la tenue d’une réunion, d’un
rassemblement, d’une manifestation, d’une marche ou d’un piquet de grève) (annexe 846).
1006 Voir déposition d’Eskender Bariiev, par. 5 (annexe 15) ; voir également OSCE, Office for Democratic
Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National Minorities (HCNM), Report of the
Human Rights Assessment Mission on Crimea (6–18 July 2015) (17 September 2015), par. 252 (annexe 812).
1007 Décret no 29 du 16 mai 2014 sur les rassemblements de masse en lien avec les événements qui se sont produits
dans le sud-est de l’Ukraine, Chapitres de la République de Crimée (annexe 89[0]).
1008 OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National
Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6–18 July 2015) (17 September 2015),
par. 252 (annexe 812).
1009 Voir Crimean Human Rights Situation Review, May 2016, annexe 9, p. 16 (annexe 950).
1010 Voir, par exemple, Case No. 5-239/2017, Decision of 8 June 2017 of the Bakhchysarai District Court
concerning Umerova, SD (annexe 919) ; Case No. 5-238/2017, Decision of 8 June 2017 of the Bakhchysarai District Court
concerning Abdurefiyeva, IL (annexe 918) ; Case Nos. 5-237/2017 & 5-236/2017, Decision of 8 June 2017 of the
Bakhchysarai District Court concerning Mamutov, NN (annexe 920).
279
280
- 182 -
487. Beaucoup d’autres projets d’événements culturels importants pour les Tatars de Crimée
ont de même été tués dans l’oeuf. Par exemple, en 2014, les autorités d’occupation ont refusé à
plusieurs reprises de délivrer les permis demandés en vue de la célébration traditionnellement
organisée par la communauté tatare de Crimée le 10 décembre à l’occasion de la Journée
internationale des droits de l’homme. Avant l’occupation, les Tatars de Crimée célébraient chaque
année cette journée en se rassemblant sur la place Lénine à Simferopol1011. La manifestation s’était
toujours déroulée dans le calme, soumise à une faible surveillance policière par les autorités
ukrainiennes.
Figure 151012
Refat Chubarov s’adressant à la foule rassemblée pour célébrer la Journée internationale des droits de l’homme en
décembre 2011
488. Eskender Bariiev, coordonnateur du comité pour la protection des droits des Tatars de
Crimée, décrit en détail dans sa déposition les demandes répétées soumises par les organisateurs du
rassemblement et les réponses bureaucratiques des autorités municipales de Simferopol tendant à y
faire obstruction1013. Une première demande déposée le 28 novembre 2014 en vue d’organiser une
conférence, une exposition de photographies et un concours de dessin de rue pour enfants près de la
place Lénine1014 a été rejetée parce que le nombre estimé de participants n’y était pas précisé et au
motif improbable que l’événement mettrait en danger la vie et la santé de la population s’il était tenu
aux endroits proposés1015. Une deuxième demande concernant l’organisation d’une petite
1011 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 9 (annexe 15) ; RFE/RL, “Crimean Tatars Demand Their Rights Be
Respected” (10 December 2012) (annexe 1034).
1012 Site Internet officiel du Majlis du peuple tatar de Crimée, accessible en anglais à l’adresse suivante :
http://qtmm.org/en.
1013 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 9–18 (annexe 15).
1014 Ibid., par. 10 (annexe 15) ; Letter from Executive Committee of Republic of Crimea Simferopol City Council
to the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars, No. 9818/24/01-66, dated 2 December 2014 (annexe 841).
1015 Ibid.
281
282
- 183 -
manifestation sur la place Lénine1016 a été rejetée au prétexte que celle-ci était réservée pour toute la
période allant du 1er décembre 2014 au 7 janvier 2015 en lien avec les vacances de Noël et du
Nouvel An.
489. Les autorités municipales ont proposé en lieu et place un parc distant, soit l’un des quatre
endroits éloignés du centre administratif de Simferopol où les rassemblements publics étaient
autorisés1017. Si ce parc pouvait éventuellement accueillir de petites activités purement culturelles, il
ne se prêtait en aucun cas à un rassemblement dont l’enjeu était la défense des droits de l’homme1018.
Lorsque le comité l’a fait savoir dans sa réponse du 9 décembre 2014 et qu’il a proposé trois autres
emplacements situés plus près du centre administratif1019, il s’est heurté à un nouveau refus, au motif,
cette fois, que la notification n’avait pas été déposée dans les délais impartis et ne contenait pas toutes
les informations requises1020. Les autorités ont également averti le comité que la loi fédérale no 65-FZ
du 8 juin 2012, portant modification de la loi fédérale no 54-FZ du 19 juin 2004, avait
considérablement accru la responsabilité encourue en cas de violation de la procédure établie1021.
490. Ces réactions sont autant d’illustrations de la manière dont ⎯ comme l’avait fait
remarquer la commission de Venise deux ans auparavant ⎯ les manquements de la loi russe relative
aux rassemblements peuvent être exploités pour imposer des restrictions indues à la liberté
d’expression et de réunion. Au lieu de respecter les préférences des organisateurs quant à la forme
d’un événement et au lieu de sa tenue et de travailler avec eux pour répondre à de légitimes
préoccupations en matière de sécurité publique, les autorités ont tiré parti du maquis des exigences
procédurales imposées par les lois russes et criméennes pour faire traîner le processus jusqu’à
pouvoir écarter la dernière démarche en date au motif qu’elle n’aurait pas été effectuée dans les délais
prescrits.
491. Lorsque, par la suite, le comité pour la protection des droits des Tatars de Crimée a tenté
de contourner les exigences des lois relatives aux rassemblements en organisant des événements dans
des lieux privés, les autorités d’occupation russes ont choisi de s’en remettre à des groupes organisés
de houligans, dont elles ont orchestré ou toléré les agissements. Une conférence de presse tenue le
10 décembre 2014 au Majlis régional de Simferopol a ainsi été perturbée par un groupe d’hommes
qui ont aspergé les organisateurs de peinture verte1022. Un mois plus tard, une conférence organisée
par le comité dans un hôtel privé a été retardée par un groupe d’une vingtaine d’agresseurs qui ont
tenté d’empêcher physiquement les participants de rejoindre leurs sièges1023. Les policiers, bien que
1016 Letter from the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars to Viktor Nikolaevich, No. 001/12,
dated 5 December 2014 (annexe 844).
1017 Voir Letter from the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars to Viktor Nikolaevich,
No. 001/12, dated 9 December 2014 (où il est expliqué que l’emplacement approuvé était un lieu à vocation de loisirs et
ne convenait pas à une manifestation) (annexe 847).
1018 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 13 (annexe 15).
1019 Voir Letter from the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars to Viktor Nikolaevich,
No. 001/12, dated 9 December 2014 (annexe 847) ; déposition d’Eskender Bariiev, par. 14 (annexe 15).
1020 Letter from Administration of Simferopol to the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars,
No. 12154/24/01-66, dated 9 December 2014 (annexe 846).
1021 Ibid.
1022 OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National
Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 135 (annexe 812) ; déposition d’Eskender Bariiev, par. 15 (annexe 15). Voir également la séquence vidéo de
l’événement (annexe 1102).
1023 Déposition d’Eskender Bariiev, par. 17-18 (annexe 15). Video of Bariiev Instructing the Crimean Tatars to
Show Their Peaceful Intentions in the Face of Provocation (annexe 1101).
283
- 184 -
présents en grand nombre, n’ont rien fait pour rétablir l’ordre avant de se rendre compte que cette
inaction complice était filmée par des militants.
- 185 -
Carte 14 : Lieux où la tenue d’un rassemblement public a été sollicitée, d’une part,
et autorisée, d’autre part, à Simferopol
Légende :
Crimean Republican Culture Palace of Trade Unions = Palais culturel des syndicats de la République de
Crimée
Traffic-free Zone = Zone sans circulation
Center for Culture and Business (“Ko Smos”) = Centre culturel et professionnel («Ko Smos»)
Park Imeni… = Parc Imeni…
State Councils of the Republic of Crimea (Parliament) = Conseils d’Etat de la République de Crimée
(Parlement)
Sovetskaya Square = Place Sovetskaya
Hotel Marakand = Hôtel Marakand
Lenin Square = Place Lénine
Trade Union Square = Place des syndicats
Office of the Simferopol Regional Mejlis of the Crimean
Tatars
= Bureau régional du Majlis des Tatars de Crimée de
Simferopol
Shevchenko Park = Parc Shevchenko
UTM, Zone 36 N Projection = WGS 84/UTM zone 36 N
284
- 186 -
Datum: WGS-1984
Meters = Mètres
Legend: = Légende
Approved Venues for Public Gatherings = Lieux où la tenue de rassemblements publics a été
autorisée
Proposed Locations for International Human Rights Day
Event
= Lieux où la tenue d’événements visant à célébrer la
Journée internationale des droits de l’homme a été
proposée
Locations of Actual Commemoration of International
Human Rights Day and Ensuing Press Conference
= Lieux où se sont déroulées les célébrations de la
Journée internationale des droits de l’homme et la
conférence de presse qui a suivi
492. De même, la demande présentée par le Majlis en 2015 en vue de célébrer la Journée
internationale des droits de l’homme a été refusée, cette fois en raison de la prétendue suspension
des rassemblements de masse en vigueur à compter du 22 novembre1024. Or, nonobstant cette
suspension, des groupes prorusses ont été autorisés à tenir une manifestation anti-Turquie le
27 novembre 2015 sur la place centrale de Simferopol1025. Après avoir été interdit en tant
qu’organisation au début de l’année 2016, le Majlis n’a plus sollicité de permis officiels auprès des
autorités d’occupation en vue de célébrer la Journée internationale des droits de l’homme.
493. Les demandes concernant la Journée du drapeau des Tatars de Crimée ont également été
rejetées à plusieurs reprises. Avant l’occupation, les Tatars de Crimée célébraient cette journée, le
26 juin, en organisant des spectacles de danse et de musique traditionnelles ainsi que des activités
pour les enfants1026. En juin 2015, l’administration municipale de Simferopol a refusé d’autoriser de
telles manifestations, au motif qu’elle avait reçu d’autres organisations des notifications concernant
la même date, et risquait, en donnant son aval, de créer des conditions propices à des troubles à
l’ordre public1027. Le comité organisateur a eu beau soumettre deux autres notifications, proposant
une date et un lieu différents, l’administration s’est bornée à répéter sa réponse1028.
494. Les autorités d’occupation ont également interdit au Majlis local d’organiser un
rassemblement pour marquer le 97e anniversaire de la mort de Noman Ḉelebichan, premier président
de la très éphémère République populaire de Crimée, fusillé par un peloton d’exécution de la Flotte
de la mer Noire en 19171029. Avant l’occupation, les Tatars de Crimée commémoraient à cette
occasion la mort de Ḉelebicihan en déposant des gerbes de fleurs au monument élevé à sa mémoire
à Simferopol et en célébrant un office traditionnel. Face à cette décision, le Majlis a proposé de ne
pas tenir cet événement à Simferopol, mais dans la cour privée du palais du Khan, à Bakhtchissaraï,
mais les autorités de Bakhtchissaraï s’y sont à leur tour opposées1030.
1024 “Mejlis of Crimean Tatars were not allowed to take action in Simferopol to Human Rights Day” (11 December
2015) (annexe 1061).
1025 Ibid.
1026 Crimean Human Rights Group, Unsanctioned Freedom (May 2017), p. 4 (annexe 961).
1027 Ibid.
1028 Ibid.
1029 Rapport Magocsi, par. 27 (annexe 21).
1030 Organization for Security and Co-operation in Europe, Freedom of Assembly in Crimea Occupied by the
Russian Federation, Supplementary Human Dimension Meeting (16-17 April 2015), PC.SHDM.NGO/14/15 (17 April
2015), p. 3 (annexe 810).
285
286
- 187 -
3. Application par la Russie de ses lois à l’effet de dénier à la communauté ukrainienne le droit
de célébrer des événements culturels importants
495. Les autorités d’occupation ont également appliqué ces lois à l’effet d’empêcher la
célébration d’anniversaires revêtant une importance culturelle pour les Ukrainiens de souche et ont
sanctionné ceux qui tentaient malgré tout de les tenir.
496. Au premier rang de ces célébrations annuelles vient l’anniversaire de Taras Shevchenko,
figure emblématique de la nation ukrainienne : né le 9 mars 1814, ce poète et auteur est considéré
par beaucoup comme le fondateur de la littérature ukrainienne moderne. Cette date, toujours
importante dans le calendrier culturel ukrainien, l’était d’autant plus en 2014 qu’elle marquait le
bicentenaire de sa naissance1031. Or, toutes les tentatives de la célébrer ont été inexorablement
contrariées, ce qui a envoyé un message glaçant à la communauté ukrainienne quant à ce qui lui
réservait le régime russe.
497. A Simferopol, où était prévue une grande célébration, deux des principaux organisateurs
— Andrii Shchekun et Anatolii Kovalsky — ont été arrêtés en plein jour à la gare ferroviaire centrale,
où ils devaient récupérer des drapeaux ukrainiens1032. Dans sa déposition, M. Shchekun rapporte que
M. Kovalsky et lui-même ont d’abord été arrêtés par des membres des forces d’autodéfense,
emmenés au poste de police, puis placés sous la garde d’agents du service du renseignement militaire
russe (GRU). Ce n’était là que le début d’un calvaire de onze jours au cours desquels ils seraient
détenus illégalement et soumis à des séances de torture, les yeux bandés1033.
498. La célébration qui devait se tenir à Sébastopol a également été perturbée, en l’occurrence
par un groupe d’hommes jeunes et violents, précurseur de ces bandes dont la présence allait devenir
familière lors des rassemblements culturels des Tatars de Crimée. Leurs agissements ont été filmés
par une équipe de la BBC, dont les images montrent ces éléments prorusses provoquant les
participants ukrainiens, s’attaquant à une voiture conduite par un Ukrainien et en traînant un autre
dans les buissons pour le rouer de coups1034. Les membres de ce groupe prorusse ont même menacé
et poursuivi les journalistes internationaux qui couvraient l’événement, mais ceux-ci ont réussi à
s’échapper1035.
499. Les tentatives de célébrer la naissance de Taras Shevchenko en Crimée ont également été
mises en échec les années suivantes. En mars 2015, les autorités ont ainsi refusé au centre culturel
ukrainien l’autorisation d’organiser un rassemblement pour célébrer le 201e anniversaire de cette
naissance dans un quartier du centre de Simferopol, en le reléguant plutôt dans un parc de la
périphérie1036. C’est là que des policiers ont arrêté trois participants pour avoir brandi un drapeau
ukrainien sur lequel on pouvait lire l’affirmation (au demeurant parfaitement vraie) que la Crimée
1031 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 19 (annexe 13).
1032 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 19-22 (annexe 13).
1033 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 22-25 (annexe 13).
1034 BBC News, “Pro-Ukraine activists beaten up in Crimea” (9 March 2014) archived at
https://www.bbc.com/news/av/world-europe-26504449/pro-ukraine-activists-beaten-up-in-crimea. Voir également
séquence vidéo de ces incidents, accessible à l’adresse susmentionnée (annexe 1040).
1035 Ibid.
1036 OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National
Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 140 (annexe 812) ; Organization for Security and Co-operation in Europe, Freedom of Assembly in Crimea Occupied
by the Russian Federation, Supplementary Human Dimension Meeting (16-17 April 2015), PC.SHDM.NGO/14/15
(17 April 2015), p. 8 (annexe 810).
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faisait toujours partie de l’Ukraine. Les trois intéressés ont été reconnus coupables d’avoir violé les
lois relatives aux rassemblements publics en affichant des symboles «extrémistes»1037. En mars 2016,
la commémoration prévue n’a pu avoir lieu en raison de la suspension générale des événements
publics imposée à partir de novembre 2015, telle que décrite précédemment1038. En 2017, la demande
présentée a tout simplement été rejetée, sans la moindre explication1039.
500. La communauté ukrainienne s’est heurtée aux mêmes types d’obstacles lorsqu’elle a
cherché à organiser d’autres événements culturels importants. A titre d’exemple, les autorités
d’occupation ont empêché à maintes reprises la célébration de la Journée du drapeau ukrainien le
23 août, et ont pris des mesures contre ceux qui tentaient tout de même de la tenir. Avant
l’occupation, différentes parties de la péninsule se pavoisaient à cette occasion de drapeaux
ukrainiens et les Criméens avaient coutume de se retrouver dans des lieux publics qui faisaient flotter
le drapeau ukrainien ou exhibaient ses couleurs1040.
Figure 16
Monument dédié à Taras Shevchenko orné de fleurs et du drapeau national ukrainien : un lieu de célébration de la Journée
du drapeau ukrainien en 2012 (source : gouvernement)
1037 Voir OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on
National Minorities (HCNM), Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September
2015), par. 140 (annexe 812).
1038 Crimean Human Rights Group, Unsanctioned Freedom (May 2017), p. 5 (annexe 961).
1039 Ibid.
1040 Organization for Security and Co-operation in Europe, Freedom of Assembly in Crimea Occupied by the
Russian Federation, Supplementary Human Dimension Meeting (16-17 April 2015), PC.SHDM.NGO/14/15 (17 April
2015), p. 6 (annexe 810).
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Figure 17
Femmes en habit traditionnel dirigeant la cérémonie lors de la célébration de la Journée du drapeau ukrainien en 2012
(source : gouvernement)
501. En 2014, en revanche, dans les mêmes circonstances, des membres des forces
d’autodéfense ont arrêté Sergei Oak, chef du service des soins intensifs pour adultes du centre de
périnatalité de Simferopol, alors qu’il tentait de se rendre au monument dédié à Taras Shevchenko
muni d’un drapeau ukrainien. M. Oak a été menotté et emmené au poste de police, où il a été accusé
de «houliganisme mineur» au titre de l’article 20.1 du code des infractions administratives de la
Fédération de Russie, sur la base du faux témoignage de membres des forces d’autodéfense qui
prétendaient qu’il avait utilisé un langage grossier dans un lieu public1041. Contraint de payer une
amende de 1000 roubles, M. Oak a par la suite été démis de ses fonctions de chef de service, et
rétrogradé au rang de simple médecin1042.
502. La communauté ukrainienne s’est également vu empêcher de célébrer le Jour de
l’indépendance de l’Ukraine. En 2014, à cette occasion, huit personnes arborant des drapeaux
ukrainiens se sont rassemblées au pied du monument dédié à l’Ukrainien Hetman P. Sahadachny.
Viktor Neganov, l’organisateur de cet événement, et Sergey Kornienko, un participant, qui avaient
tous deux apporté des drapeaux ukrainiens au monument de Sébastopol, ont été arrêtés par la
police1043. Ils ont été détenus au poste du district Gagarine à Sébastopol pendant plusieurs heures,
avant d’être relâchés sans inculpation1044. M. Neganov a affirmé avoir été menacé physiquement par
les policiers et soumis à des pressions psychologiques durant sa détention1045.
1041 Ibid., p. 6.
1042 Ibid., p. 6-7.
1043 Ibid., p. 7.
1044 Ibid.
1045 Ibid.
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4. Traitement plus favorable réservé à la communauté russe
503. Les lois utilisées pour restreindre les rassemblements organisés par les Ukrainiens et les
Tatars de Crimée n’ont pas été appliquées de la même manière aux groupes prorusses1046. Les
autorités d’occupation ont invariablement fait droit, dans leur cas, à des demandes qui ne
satisfaisaient pas aux critères requis — voire qui étaient manifestement contraires à la loi1047. Citons
ainsi les exemples suivants :
⎯ Le 6 juin 2014, des rassemblements publics ont été organisés à Simferopol pour marquer le
215e anniversaire de la naissance d’Alexandre Pouchkine1048 et pour dédier un monument à
Serge de Radonège, figure importante de l’Eglise orthodoxe russe1049. Ces événements
n’auraient pas dû être autorisés en application du décret no 29 de mai 2014, qui interdisait tout
rassemblement public jusqu’au 6 juin 2014, dont ceux prévus pour célébrer le 70e anniversaire
du Sürgün1050.
⎯ En février 2015, trois groupes qui soutenaient la campagne «Antimaïdan» et le programme du
président Vladimir Poutine ont manifesté leur intention d’organiser un rassemblement afin de
faire entendre leurs revendications sociales et politiques. Les autorités d’occupation ont autorisé
la tenue de cette manifestation en plein centre de Simferopol, à l’intersection des rues Karl Marx
et Pouchkine, où les rassemblements sont interdits selon les textes applicables1051. Qui plus est,
les organisateurs ont été autorisés à circuler en voiture et en motocyclette dans la zone piétonne,
en violation directe de la loi1052.
⎯ Le 27 novembre 2015, des groupes prorusses ont été autorisés à se rassembler pour une
manifestation anti-Turquie sur la place centrale de Simferopol, alors que, deux semaines plus
tard, le Majlis se voyait refuser le droit de célébrer la Journée internationale des droits de
l’homme en raison de la prétendue suspension des rassemblements en vigueur1053.
⎯ Entre le 2 et le 12 juin 2017 — tandis que les Tatars de Crimée s’exposaient à des inculpations
et amendes au titre du code des infractions administratives pour avoir arboré le drapeau des
Tatars de Crimée le 18 mai —, les autorités d’occupation ont autorisé la tenue d’une soixantaine
de manifestations sur l’ensemble du territoire criméen pour célébrer un festival de langue russe
appelé «la grande parole russe»1054.
1046 Ibid., p. 2.
1047 Ibid.
1048 Voir Solemn Meeting of Residents and Guests of Simferopol, Dedicated to the 215th birthday of Alexander
Sergeevich Pushkin (6 June 2014), archived at: http://crimea.gov.ru/foto/society/060614 (annexe 1088).
1049 Voir A Monument “Sergius of Radonezh - the Collector of Russian Land” Was Opened in Simferopol (6 June
2014), archived at: http://crimea.gov.ru/foto/society/0606142 (annexe 1087).
1050 Décret no 29 du 16 mai 2014 sur les rassemblements de masse en lien avec les événements qui se sont produits
dans le sud-est de l’Ukraine, Chapitres de la République de Crimée (interdisant tout rassemblement sur le territoire de la
République de Crimée jusqu’au 6 juin 2014) (annexe 890).
1051 Organization for Security and Co-operation in Europe, Freedom of Assembly in Crimea Occupied by the
Russian Federation, Supplementary Human Dimension Meeting (16-17 April 2015), PC.SHDM.NGO/14/15 (17 April
2015), p. 2 (annexe 810).
1052 Ibid.
1053 “Mejlis of Crimean Tatars were not allowed to take action in Simferopol to Human Rights Day” (11 December
2015) (annexe 1061).
1054 Voir, par exemple, In Yalta the Solemn Opening of the XI International Festival “Great Russian Word” Was
Held (6 May 2017), archived at: http://crimea.gov.ru/foto/society/050620177 (annexe 1090) ; Chairman of the State
Council of Crimea Co-Chairman of the Organizing Committee, Program of Events of the Great Russian Word
11th International Festival (16 May 2017) (annexe 1116).
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504. Depuis 2014, de nombreux rassemblements ont en outre lieu chaque année pour célébrer
des événements associés à l’occupation de la Crimée, notamment le 23 février en l’honneur de la
création de la milice du peuple (c’est-à-dire les forces d’autodéfense)1055, et le 16 mars pour marquer
l’anniversaire du référendum illicite1056. A l’occasion du premier anniversaire de l’occupation, les
autorités russes ont autorisé une semaine de célébrations, au cours de laquelle l’hymne national russe
a notamment été entonné au Parlement de Crimée1057.
Figure 18
Rassemblement sur la place Lénine, à Simferopol, le 16 mars 2016, pour marquer le deuxième anniversaire du référendum
illicite (source : AP Photo/Vadim Ghirda)
B. Restrictions et harcèlement visant les médias
505. La Fédération de Russie a adopté une stratégie semblable à celle utilisée dans le cas des
rassemblements publics afin de limiter les possibilités pour les Ukrainiens et Tatars de Crimée
d’enrichir et de promouvoir leurs cultures respectives grâce aux médias radiotélévisés et à la presse
écrite. L’application de ses lois répressives a été étendue à l’Ukraine occupée en violation du droit
international humanitaire, et une obligation d’enregistrement des médias a été imposée comme
moyen d’exclure des médias ukrainiens et tatars de Crimée toute voix qui se pourrait critique.
1055 Photos of the first anniversary of the establishment of the People’s Militia (2015), archived at:
http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/230220155 (annexe 1095). La glorification par les autorités d’occupation de la
prétendue «milice du peuple» est particulièrement troublante, car ce groupe se serait rendu coupable d’attaques
généralisées, d’enlèvements, de disparitions forcées, de détentions arbitraires, de torture et même d’une exécution
sommaire. HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic of Crimea and the City
of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 3, 86, 89 (annexe 759).
1056 Voir Photos of the First Anniversary of the Crimean Spring (16 March 2015), archived at:
http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/151503 (annexe 1098) ; Photos of the Anniversary of the General Referendum
(16 March 2015), archived at: http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/160315 (annexe 1097) ; Photos of an event
celebrating Crimea and Russia (16 March 2015), archived at: http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/16032015090316
(annexe 1096) ; et Photos from a Crimean Spring Photo Exhibition (16 March 2015), archived at: http://crimea.gov.ru/
foto/society/16032015205 (annexe 1099). Des événements similaires ont également eu lieu en 2016 et en 2017.
1057 RFE/RL, “Russia Celebrates Crimea Annexation Anniversary” (16 March 2015) (annexe 1052).
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506. Avant la prétendue annexion, l’offre médiatique en Crimée était diversifiée, reflétant le
caractère multiethnique et la variété des besoins et intérêts de la population de la péninsule1058.
Chacun avait ainsi la possibilité d’explorer et de développer sa propre identité culturelle, en suivant,
par exemple, l’actualité dans sa langue maternelle, ou encore une programmation conçue pour
inculquer aux jeunes générations la conscience et la fierté de leur culture propre. Or, dès mars 2014,
la Russie a, sans souci de licéité, adopté des mesures restreignant considérablement la liberté
d’opinion et d’expression en Crimée. Ces mesures ont pour objectif apparent et pour effet indéniable
de compromettre le droit à la liberté d’expression des communautés tatare et ukrainienne de Crimée
en particulier.
1. Fermeture forcée et illicite de médias ukrainiens
507. Les chaînes de télévision ukrainiennes diffusées en Crimée ont été parmi les premières
cibles des forces russes qui se sont emparées de la péninsule en février et mars 2014. Avant
l’occupation, la société de radiotélévision Chernomorskaya était le principal diffuseur indépendant
de Crimée1059, proposant une programmation mixte en langues russe et ukrainienne. Le 3 mars 2014,
des forces soutenues par les Russes ont fermé sa chaîne de télévision1060 et, quelques jours plus tard,
le signal de la station était coupé et remplacé par celui d’une station russe1061. Le 28 juin 2014, la
chaîne de télévision Chernomorskaya et d’autres chaînes ukrainiennes ont disparu totalement des
principaux réseaux câblés en Crimée1062, et la communauté ukrainienne s’est ainsi trouvée privée de
médias offrant une programmation axée sur ses intérêts. Le 1er août 2014, les autorités d’occupation
russes ont également effectué une descente dans les locaux de la chaîne de télévision
Chernomorskaya, dont elles ont saisi des caméras et des ordinateurs1063. Lorsque, des mois plus tard,
les biens saisis ont été restitués, bon nombre de caméras n’avaient plus de piles ou de cartes mémoire,
et les disques durs et cartes son avaient été retirés des ordinateurs1064.
508. En Crimée, les autorités d’occupation russes ont également attenté à la liberté de la presse
écrite en langue ukrainienne. A titre d’exemple, elles ont contraint Krymska Svitlytsya, le plus
important journal de langue ukrainienne de la péninsule, à fermer1065. Le personnel de ce journal, qui
1058 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 5-8 (décrivant les médias ukrainiens qui existaient avant février 2014)
(annexe 13) ; déposition de Lenus Islyamov, par. 2-8 (décrivant les divers médias appartenant au groupe ATR qui étaient
en activité en Crimée avant la prétendue annexion) (annexe 18).
1059 OSCE, Report by the OSCE Representative on Freedom of the Media (28 November 2013 to 23 May 2014),
p. 5 (annexe 806).
1060 Ibid.
1061 Ibid.
1062 OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6–18 July 2015) (17 September 2015),
par. 111 (annexe 812) ; OSCE, OSCE Representative warns of further threats to media pluralism in Luhansk and Crimea,
notes threats to media workers (11 July 2014) (annexe 807). Les autorités municipales ont également entrepris des
démarches pour supprimer les chaînes de télévision ukrainiennes du réseau câblé de Crimée. Voir RFE/RL, “Crimean City
Cuts Off Ukrainian TV Channels” (18 April 2015) (annexe 1055).
1063 OCSE, OSCE Representative condemns steps aimed at full silencing of Chernomorskaya TV in Crimea
(4 August 2014) (annexe 808).
1064 Sergey Zayets et al., The Fear Peninsula: Chronicle of Occupation and Violation of Human Rights in Crimea
(2015), p. 61 (annexe 976).
1065 Voir OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September
2015), par. 257 (annexe 812).
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existait depuis l’indépendance de l’Ukraine1066, a été chassé en toute illicéité des locaux, sous les
menaces des forces d’autodéfense qui le pressaient de quitter les lieux sur-le-champ1067.
2. Application discriminatoire de la loi russe à l’effet d’imposer des restrictions aux activités
des médias ukrainiens et tatars de Crimée
i. Extension illicite, par la Russie, de ses lois attentatoires à la liberté d’opinion et d’expression
509. Depuis la prétendue annexion, la Russie applique en Crimée, sans souci de licéité, ses
propres lois régissant les activités médiatiques, ainsi que d’autres qui portent sévèrement atteinte à
la liberté d’expression. Par exemple, selon la loi russe y relative, tous les «médias de masse»
⎯ expression qui englobe toutes les chaînes de télévision et de radio ainsi que la presse écrite ⎯
doivent s’enregistrer auprès des autorités fédérales avant d’entamer leurs activités1068. Or, la
procédure d’enregistrement imposée dans ce cadre à tous les médias qui étaient déjà en activité en
Crimée est plus contraignante que celle qui était en vigueur en vertu de la loi ukrainienne et que
devrait appliquer la Russie conformément au droit international humanitaire1069.
510. Comme il a été exposé au chapitre 8, la Russie a en outre imposé ses propres lois
anti-extrémistes en Crimée, dont la loi fédérale no 114-FZ du 25 juillet 2002 «sur la lutte contre les
activités extrémistes» ainsi que diverses mesures anti-extrémistes similaires prévues dans le code
pénal russe. Au nombre de ces mesures, signalons la modification, le 28 décembre 2013, de
l’article 280.1 du code pénal russe tendant à ériger les «appels publics à commettre des actes visant
à violer l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie» en infractions pénales, passibles de peines
pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Les lois contre l’extrémisme de la Russie ont été
sévèrement critiquées, notamment par la commission de Venise, en ce qu’elles donnaient aux
autorités russes la capacité de porter atteinte à la liberté d’expression de manière arbitraire.
ii. Application discriminatoire par la Russie de ses lois contre les médias ukrainiens et tatars
de Crimée
1. Utilisation discriminatoire de l’exigence du renouvellement d’enregistrement comme
prétexte pour interdire les médias tatars de Crimée
511. Ayant «annexé» la Crimée, la Fédération de Russie a exigé que toutes les stations de radio
et de télévision ainsi que toutes les organes de presse écrite procèdent, avant avril 2015, au
renouvellement de leur enregistrement conformément à sa propre loi relative aux médias de
masse1070. Les autorités d’occupation russes ont tiré parti de cette obligation pour interdire les médias
tatars de Crimée indésirables, au motif d’irrégularités mineures relevées dans les documents soumis
dans le cadre de la procédure. Elles ont ainsi rejeté la demande de réenregistrement présentée par la
1066 Ibid.
1067 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 27 (annexe 13).
1068 Law on Mass Media, No. 2124-1 of 27 December 1991, as subsequently amended, article 2 (annexe 872).
1069 Le classement évaluant la liberté de presse établi par Freedom House en 2017 montre la différence flagrante
qui existe entre les lois relatives aux médias et la liberté des médias dans ces deux pays. L’Ukraine s’est vu attribuer le
statut «partiellement libre», obtenant un score de 53/100 (0 correspondant au degré maximal de liberté). La Russie a obtenu
un score de 83, correspondant au statut «non libre». Freedom of the Press 2017, Freedom House (6 June 2018), accessed
at https://freedomhouse.org/report/freedom-press/2017/ukraine (annexe 977) et Freedom of the Press 2017, Freedom
House (6 June 2018), accessed at https://freedomhouse.org/report/freedom-press/2017/russia (annexe 1113).
1070 Loi fédérale no 402-FZ du 1er décembre 2014 sur les spécificités de la législation sur les médias dans le cadre
de l’admission de la République de Crimée dans la Fédération de Russie et la création de nouvelles entités constitutives, la
République de Crimée et la ville d’importance fédérale de Sébastopol (annexe 879).
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station de télévision ATR, comme l’a expliqué dans sa déposition M. Lenur Islyamov, propriétaire
du groupe éponyme. Cette chaîne, qui émettait depuis 2006, était la seule station de télévision tatare
de Crimée au monde1071. Elle proposait une programmation en langue tatare de Crimée, ainsi qu’en
russe et en ukrainien1072, axée sur les actualités touchant les Tatars de Crimée et la culture de cette
communauté, mais aussi une grande variété de programmes, incluant notamment des émissions
politiques et des films classiques1073. Avant l’annexion, il s’agissait également de la chaîne de
télévision la plus populaire de Crimée1074. Ainsi que l’a rapporté M. Islyamov, les autorités
d’occupation russes ont donné diverses raisons fallacieuses pour refuser le renouvellement de
l’enregistrement d’ATR, prétextant que la station avait viré la somme correspondante sur le mauvais
compte bancaire1075, n’avait pas présenté toutes les informations requises sur ses actionnaires1076 et
n’avait pas fourni des documents dûment authentifiés à l’appui de sa demande1077.
512. Des motifs similaires ont été avancés par les autorités d’occupation russes pour justifier
les rejets répétés des demandes de réenregistrement d’autres médias s’adressant à la communauté
tatare de Crimée ⎯ la station de télévision pour enfants Lale1078, le site Internet 15 Minutes1079 ou
d’autres1080. Les représentants d’ATR ont cherché à rencontrer les autorités compétentes pour discuter
de la procédure de renouvellement de l’enregistrement, mais la réunion a été annulée à la dernière
minute, et aucune autre date n’a été proposée1081. Avdet, journal spécialisé dans les actualités
présentant un intérêt pour la communauté tatare de Crimée, dont le premier numéro remonte au
15 juillet 1990, est un autre organe de presse tatare de Crimée important à s’être vu refuser le
renouvellement de son enregistrement1082. Les organes de presse dont la demande avait ainsi été
refusée par les autorités d’occupation russes ne pouvaient plus poursuivre leurs activités légalement
en Crimée après le 1er avril 2015 et étaient donc contraints soit d’y mettre un terme soit de s’installer
1071 Andrii Ianitski, “Crimean Tatar TV back on air”, Open Democracy (30 June 2015) (annexe 1058).
1072 Déposition de Lenur Islyamov, par. 2-3 (annexe 18).
1073 Déposition de Lenur Islyamov, par. 3 (annexe 18). La station avait également son propre orchestre, qui
présentait chaque semaine des concerts de musique folklorique tatare de Crimée, et organisait un concours pour les enfants
appelé TatliSes («jolie voix» en tatar de Crimée) qui encourageait les jeunes à se familiariser avec les chansons, la danse
et la littérature de cette communauté. Déposition de Lenur Islyamov, par. 6 (annexe 18).
1074 Déposition de Lenur Islyamov, par. 8 (annexe 18).
1075 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to ATR Television Company,
dated 26 January 2015 (annexe 850).
1076 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to ATR Television Company,
dated 6 March 2015 (annexe 855).
1077 Letter from the Headquarters of the Federal Service for Oversight of Telecom, Information Technologies, and
Mass Media to ATR Television Company, dated 14 November 2014 (annexe 839).
1078 Voir Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to Lale, dated 6 March
2015 (où il est allégué que Lale n’a pas fourni suffisamment d’informations sur ses actionnaires dans sa demande)
(annexe 856) ; Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to Lale, dated 27 January
2015 (où il est allégué que Lale a viré la somme des droits de renouvellement de l’enregistrement sur le mauvais compte
bancaire) (annexe 851).
1079 Application dated 19 December 2014 for re-registration of 15 Minutes (annexe 905) ; Letter from the Ministry
of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to 15 Minutes, dated 2 February 2015 (où il est allégué que
15 Minutes a viré la somme correspondant aux droits de renouvellement d’enregistrement sur le mauvais compte bancaire)
(annexe 853).
1080 Voir Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to Meydan Radio Channel,
dated 14 November 2014 (où il est allégué que la chaîne de radio Meydan n’a pas fourni de documents dûment authentifiés
à l’appui de sa demande de renouvellement d’enregistrement) (annexe 840).
1081 Déposition de Lenur Islyamov, par. 26 (annexe 18) ; Letter from ATR Holdings to Federal Service for
Communications, Information, Technologies, and Mass Communications, dated 12 February 2014 (annexe 834).
1082 RFE/RL, “The Editors of the Crimean Tatar Newspaper Are Summoned for Interrogations on Suspicion of
Extremism” (3 June 2014) (annexe 1047).
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en Ukraine continentale. Ces changements ont grandement restreint l’accès des Tatars de Crimée aux
médias qui leur étaient jusqu’alors destinés1083.
513. L’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales, ainsi que
diverses organisations non gouvernementales oeuvrant dans le domaine de la liberté des médias, ont
constaté que l’application des exigences relatives au renouvellement de l’enregistrement défavorisait
de façon disproportionnée les médias tatars de Crimée1084. L’Ukraine n’a connaissance d’aucun cas
d’organe de presse de la communauté russe en Crimée qui se serait vu refuser l’enregistrement sous
des prétextes similaires.
2. Application discriminatoire des lois russes relatives à la lutte contre l’extrémisme à
l’effet de harceler et d’intimider les professionnels des médias ukrainiens et tatars de
Crimée
514. Les autorités d’occupation russes ont également abusé des pouvoirs arbitraires que leur
conféraient les lois russes contre l’extrémisme pour se livrer à des mesures de harcèlement et
d’intimidation visant les médias ukrainiens et tatars de Crimée. Plus précisément, elles ont invoqué
les dispositions nouvellement adoptées visant à incriminer les déclarations hostiles à l’intégrité
territoriale de la Fédération de Russie pour cibler les médias ukrainiens et tatars de Crimée qui
remettaient en question la licéité de l’annexion de la Crimée par la Russie.
515. En 2014, par exemple, le rédacteur en chef du journal tatar de Crimée Avdet,
Shevket Kaybullayev, a reçu de multiples avertissements du FSB russe concernant la publication de
textes que les autorités d’occupation considéraient comme «extrémistes»1085. En juin et en
septembre 2014, le FSB a averti M. Kaybullayev que sa responsabilité pouvait être engagée si Avdet
publiait des textes «cré[ant] des conditions propices à» la violation de la loi russe contre
l’extrémisme1086 et a exprimé sa contrariété quant aux supposés appels «voilés» à l’insubordination
lancés aux lecteurs1087. En septembre 2014, les autorités d’occupation ont également fouillé les
locaux d’Avdet 17 heures durant, empêchant le journal de paraître ce jour-là1088.
1083 Déposition de Lenur Islyamov, par. 34 (affirmant que l’obstruction de la Russie empêche les résidents de
Crimée d’accéder au contenu des médias d’ATR, qui ne peut être consulté qu’au moyen d’un VPN, de Facebook ou d’autres
applications dédiées sur des téléphones intelligents ou des tablettes, car ces médias ont été contraints de s’installer en
Ukraine continentale pour poursuivre leurs activités) (annexe 18).
1084 HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic of Crimea and the City
of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September 2017), par. 8, 156-157 (annexe 759) ; OSCE, Office for
Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High Commissioner on National Minorities (HCNM), Report
of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015), par. 75-79 (annexe 812) ;
Freedom House, Freedom of the Press: Crimea 2015 (last visited 25 September 2017) (annexe 963) ; Freedom House,
Freedom of the Press: Crimea 2016 (last visited 8 March 2018) (annexe 972) ; Human Rights Watch, Rights in Retreat:
Abuses in Crimea (November 2014), p. 2, 25-26 (annexe 943).
1085 Notice about the Inadmissibility of Violations of the Law (3 June 2014), issued to Shevket Kaybullayev by the
Federal Security Service of the Russian Federation (annexe 891) ; Official Notice dated 17 September 2014, issued to
Shevket Kaybullayev by the Federal Security Service of the Russian Federation (annexe 897).
1086 Notice about the Inadmissibility of Violations of the Law (3 June 2014), issued to Shevket Kaybullayev by the
Federal Security Service of the Russian Federation (annexe 891).
1087 Official Notice dated 17 September 2014, issued to Shevket Kaybullayev by the Federal Security Service of
the Russian Federation (annexe 897).
1088 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014), par. 226 ; Human Rights
Watch, Rights in Retreat: Abuses in Crimea (November 2014), p. 13 (annexe 943).
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300
- 196 -
516. Comme M. Kaybullayev, le coordonnateur général du média tatar de Crimée QHA,
Ismet Yuksel, a été personnellement harcelé et persécuté par les autorités d’occupation russes. Le
30 juin 2014, le FSB a prononcé contre lui une interdiction de séjour en Crimée de cinq ans1089.
M. Yuksel a fait appel devant la justice russe, mais celle-ci a confirmé la décision1090.
517. Même après que les médias tatars de Crimée eurent été bannis dans la péninsule, la
Fédération de Russie a continué d’intimider et de chercher à museler les professionnels du secteur.
A titre d’exemple, le 2 novembre 2015, les autorités d’occupation ont effectué des perquisitions
simultanément au domicile de M. Islyamov et aux domiciles de la directrice générale et de la
directrice en chef de la station de télévision ATR1091. Ce climat de persécution se faisait toujours
sentir en 2016. Ainsi, le 30 mai 2016, les procureurs de Crimée ont adressé un avertissement à la
directrice adjointe d’ATR, Mme Budzhurova, concernant ses prétendues vues «extrémistes» ⎯ parce
qu’elle avait critiqué les arrestations de Tatars de Crimée dans les médias sociaux1092.
518. Les autorités d’occupation russes ont également invoqué les lois anti-extrémistes pour
réduire au silence les organes et représentants des médias qui prenaient fait et cause pour l’Ukraine.
Le centre pour un journalisme d’investigation a été l’une des principales cibles de leur répression. A
la fin du mois de février 2014, alors que l’armée russe étendait son emprise sur la Crimée, ce centre
avait refusé d’adopter la ligne éditoriale préconisée par les éléments prorusses, qui consistait à
présenter les faits comme un soulèvement spontané du peuple criméen aspirant à rejoindre la
Fédération de Russie. Il a, au contraire, documenté rigoureusement la mainmise exercée par la Russie
et l’a qualifiée, à juste titre, de violation du droit international. Compte tenu de l’intensification du
harcèlement et des inspections dont il faisait l’objet, il a été forcé de déménager son siège en Ukraine
continentale en septembre 2014, ce qui n’a toutefois pas découragé la Fédération de Russie dans ses
tentatives de le réduire au silence1093.
519. Le 13 mars 2015, les autorités d’occupation russes ont accusé Anna Andriyevska,
journaliste du centre pour un journalisme d’investigation, de participer à des «activités subversives»
pour avoir écrit, dans un article, que la Crimée faisait partie de l’Ukraine1094, ce qu’elles ont qualifié
de remise en question de l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie. Mme Andriyevska se
trouvait alors en Ukraine. En son absence, le FSB a soumis sa famille et ses amis à des fouilles et à
des interrogatoires arbitraires1095.
520. Le jour où ces accusations ont été formulées, les autorités d’occupation russes ont effectué
une perquisition au domicile de ses parents, où elles ont saisi un vieux carnet de notes appartenant à
1089 Voir Supreme Court of the Russian Federation (18 November 2015) (confirmant la décision du 14 mai 2015
du tribunal de Moscou de rejeter l’appel interjeté par M. Yuksel) ; OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission
on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015), par. 229 (annexe 812).
1090 Supreme Court of the Russian Federation, No. 5-APG15-110s, Ruling (18 November 2015) (confirmant la
décision du 14 mai 2015 du tribunal de Moscou de rejeter l’appel interjeté par M. Yuksel) (annexe 912).
1091 Déposition de Lenur Islyamov, par. 30-33 (annexe 18).
1092 Voir HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May to 15 August 2016), par. 169
(annexe 772).
1093 Déposition d’Anna Andriyevska, par. 13 (annexe 14).
1094 Ibid., par. 14-15 (annexe 14).
1095 Ibid., par. 16-18 (annexe 14).
301
- 197 -
l’intéressée ainsi que l’ordinateur de son père1096. Puisque cela faisait alors plus de dix ans que
Mme Andriyevska ne vivait plus chez ses parents, il est manifeste que cette opération procédait d’une
volonté de l’intimider et de la harceler, ainsi que sa famille. De plus, ce jour-là, le domicile de
Natalia Kokorina, rédactrice au centre pour un journalisme d’investigation, a été fouillé, après quoi
cette amie et collègue d’Anna Andriyevska a été arrêtée et emmenée au quartier général du FSB, où
elle a été interrogée pendant six heures1097. En 2016, le service fédéral russe de surveillance
financière a ajouté Mme Andriyevska à la liste des terroristes et extrémistes1098.
521. Il ne s’agit là que de quelques exemples du harcèlement qu’ont subi et que continuent de
subir les professionnels des médias ukrainiens et tatars de Crimée dans la péninsule. Un rapport plus
détaillé des persécutions dont ceux-ci ont été victimes, préparé par des groupes des droits de l’homme
de la région, est joint en annexe au présent mémoire1099.
C. Dégradation du patrimoine culturel
522. Les communautés ukrainienne et tatare de Crimée ont également subi une attaque plus
générale contre leur patrimoine culturel. Pour les Tatars de Crimée, cette attaque a pris la forme de
la destruction partielle du bien culturel le plus important qui leur soit resté : le palais du Khan à
Bakhtchissaraï. Pour la communauté ukrainienne, elle s’est manifestée par la fermeture graduelle de
de la quasi-totalité des institutions dédiées à l’expression culturelle en langue ukrainienne.
1. Destruction du palais du Khan
523. La plupart des sites historiques des Tatars de Crimée avaient été détruits par les autorités
soviétiques dans leur tentative d’effacer toute trace de ce peuple à la suite du Sürgün1100. Une
exception, et de loin le vestige le plus important du passé de ce peuple, est le palais du Khan de
Crimée (le «palais du Khan»), qui est un ensemble architectural datant du XVIe siècle bâti à
Bakhtchissaraï1101. A l’origine, ce palais était la résidence principale des monarques du Khanat de
Crimée. Toutefois, son importance culturelle pour les Tatars de Crimée ne s’arrête pas là : le premier
Qurultay y a eu lieu en 1917 et les membres du Qurultay moderne y prêtent leur serment d’entrée en
1096 Voir déposition d’Anna Andriyevska, par. 16-17 (annexe 14) ; Conseil de l’Europe, alertes relatives à la liberté
des médias, harcèlement en Crimée (Ukraine) des journalistes Natalya Kokorina et Anna Andrievska par des fonctionnaires
russes (2 avril 2015) (annexe 823).
1097 Voir déposition d’Anna Andriyevska, par. 18 (annexe 14) ; Conseil de l’Europe, alertes relatives à la liberté
des médias, harcèlement en Crimée (Ukraine) des journalistes Natalya Kokorina et Anna Andrievska par des fonctionnaires
russes (2 avril 2015) (annexe 823).
1098 Déposition d’Anna Andriyevska, par. 19 (annexe 14) ; List of Organizations and Individuals on which There
is Information that They are Involved in Extremist Activity or Terrorism, Rosfinmonitoring [16 mai 2018], accessed at
http://www.fedsfm.ru/documents/terrorists-catalog-portal-act (annexe 926).
1099 Regional Centre for Human Rights, Ukrainian Helsinki Human Rights Union, and CHROT, Crimea Beyond
Rules: Thematic Review of the Human Rights Situation Under Occupation (2017), p. 26-40, 77-81 (annexe 956) ; Human
Rights Information Centre, Crimean Tatar Media in Crimea: Situation in 2014-2016 (10 April 2017) (annexe 960).
1100 Greta Uehling, “Genocide’s Aftermath: Neostalinism in Contemporary Crimea”, Genocide Studies and
Prevention 3 (2015) (annexe 1021).
1101 Ministry of Information Policy of Ukraine, Save the Khan’s Palace (2018), p. 1 (annexe 734).
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303
- 198 -
fonction1102. En 2013, le palais du Khan a fait l’objet d’une proposition d’inscription sur la liste du
patrimoine mondial de l’UNESCO1103.
524. L’intégrité du palais et du domaine historique élargi dont il fait partie a toutefois été
sévèrement compromise par des rénovations, commandées et gérées par les autorités criméennes, qui
ne tiennent aucunement compte de la valeur culturelle du site. L’entrepreneur dont les services ont
été retenus pour diriger les rénovations (ATTA Group) et son sous-traitant (Kiramet) ne possèdent
aucune expérience en matière de rénovation de bâtiments historiques et ont déjà causé au palais du
Khan, lors de la première phase des travaux, des dommages considérables ; des experts en sont venus
à conclure qu’ils procédaient à une nouvelle construction, et non à la restauration beaucoup moins
radicale exigée dans le cas d’une architecture historique1104. Les dégâts suivants ont d’ores et déjà
été observés :
⎯ La destruction au-delà de toute réparation possible du parvis de l’ensemble architectural1105.
⎯ Des dommages au toit de la mosquée du domaine causés par des travaux inutilement
envahissants : 104 poutrelles originales ont été remplacées par des poutrelles entièrement neuves
fabriquées par des moyens technologiques modernes, en dépit du fait que seulement six d’entre
elles devaient être entièrement changées et cinq autres, restaurées1106.
⎯ Le remplacement intégral de la ceinture antisismique originale en chêne qui supportait le toit par
une ceinture entièrement neuve faite de métal et de béton, qui fait tache1107.
⎯ L’enlèvement des tuiles artisanales historiques («Tatarka») du toit de la mosquée de l’ensemble
architectural du palais du Khan, remplacées par des tuiles espagnoles modernes1108.
⎯ Des dommages causés à l’intérieur de la mosquée, les mesures voulues n’ayant pas été prises
pendant les travaux de réfection de la toiture pour protéger l’intérieur du bâtiment contre
l’humidité1109.
525. En somme,
«[l]e remplacement massif des éléments structuraux en bois par des matériaux modernes
n’est pas conforme aux principes de construction du Khanat tatar de Crimée, est
1102 Ibid., p. 4.
1103 Tony Wesolowsky, “Facelift Or Farce? ‘Restoration’ Of Palace Shocks Crimean Tatars” (18 February 2018),
accessed at https://www.rferl.org/a/crimea-khan-s-palace-restoration-bakhchisary-shock-tatars-persecution-unesco
/29046866.html (annexe 1073).
1104 A.E. Antoniuk, National Coordinator of International Center for the Study of the Preservation and Restoration
of Cultural Property in Ukraine, Letter No. 12 (April 2018) (annexe 1030).
1105 Center of Monument Studies, “Restoration” of the Great Khan Mosque (Biyuk Khan-Djami) in Bakhchisaray:
on the Tile Roofing (14 March 2018), p. 1 (annexe 1031) ; Ministry of Information Policy of Ukraine, Save the Khan’s
Palace (2018), p. 7, 19 (annexe 734).
1106 Ministry of Information Policy of Ukraine, Save the Khan’s Palace (2018), p. 8 (annexe 734).
1107 A.E. Antoniuk, National Coordinator of International Center for the Study of the Preservation and Restoration
of Cultural Property in Ukraine, Letter No. 12 (April 2018) (annexe 1030) ; Center of Monument Studies, “Restoration” of
the Great Khan Mosque (Biyuk Khan-Djami) in Bakhchisaray: on the Tile Roofing (14 March 2018), p. 1 (annexe 1031) ;
Ministry of Information Policy of Ukraine, Save the Khan’s Palace (2018), p. 11 (annexe 734).
1108 Center of Monument Studies, “Restoration” of the Great Khan Mosque (Biyuk Khan-Djami) in Bakhchisaray:
on the Tile Roofing (14 March 2018), p. 1-7 (annexe 1031) ; Ministry of Information Policy of Ukraine, Save the Khan’s
Palace (2018), p. 10-11 (annexe 734).
1109 Ministry of Information Policy of Ukraine, Save the Khan’s Palace (2018), p. 13-14 (annexe 734).
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anachronique, et porte un préjudice irréparable à l’histoire et à la culture des Tatars de
Crimée en tant que nation»1110.
La deuxième phase des rénovations, qui vise la partie la plus importante de l’ensemble architectural,
soit la résidence principale, et qui devrait débuter sous peu, est une source de vive préoccupation
pour la communauté tatare de Crimée, qui craint, à juste titre, que des dommages supplémentaires
soient infligés à son principal site historique. Jusqu’à présent, les dommages causés n’ont fait l’objet
d’aucune intervention de la part du directeur de l’ensemble architectural, ancien procureur à
Louhansk, qui n’est ni Tatar de Crimée ni musulman.
526. Les tentatives de la communauté tatare de Crimée visant à obtenir le retrait des entreprises
ATTA Group et Kiramet ont été bloquées par les tribunaux de Crimée1111. Cependant, lorsque ces
mêmes entreprises ont été retenues pour rénover des biens revêtant une importance culturelle aux
yeux de la communauté russe de souche, le tribunal du district Lénine de l’oblast de Rostov n’a pas
hésité à intervenir, concluant qu’elles n’avaient pas respecté les normes en matière de rénovation
dans le cadre des travaux effectués sur le site du patrimoine culturel de la maison d’Aivazovsky, à
Feodosia, en 20171112.
2. Institutions culturelles ukrainiennes : harcèlement et fermeture
527. Parallèlement, la culture ukrainienne en Crimée est menacée de toutes parts. Ainsi que le
rapporte Andrii Shchekun dans sa déposition, avant l’occupation de la Crimée par la Russie, les
organisations non gouvernementales basées dans la péninsule contribuaient grandement à
promouvoir les journaux de langue ukrainienne et la diffusion d’émissions de télévision en
ukrainien1113. Les autorités d’occupation russes ont pris des mesures particulièrement draconiennes
contre les défenseurs de la culture ukrainienne. Tel que décrit précédemment, M. Shchekun et l’un
de ses collègues ont été enlevés en mars 2014 et ont été détenus illégalement : leurs ravisseurs leur
ont bandé les yeux et les ont torturés, avant de finalement les relâcher au bout de dix jours1114.
528. D’autres défenseurs de la culture ukrainienne en Crimée ont également été malmenés. En
mai 2015, Leonid Kuzmin avait fondé à Simferopol le centre culturel ukrainien avec la mission
expresse de préserver la langue et la culture ukrainiennes dans la péninsule1115. Ce centre publiait un
journal de langue ukrainienne intitulé Krymsky Teren, dans lequel figuraient des articles sur la culture
ukrainienne. D’un tirage d’environ 500 exemplaires, Krymsky Teren était le seul journal de langue
ukrainienne à continuer de paraître en Crimée après l’occupation de la péninsule par la Russie1116.
M. Kuzmin et le personnel du centre ont toutefois été harcelés sans relâche par les services de sécurité
russes en Crimée ; ils ont ainsi fait l’objet de nombreuses arrestations et ont été menacés d’être
1110 A.E. Antoniuk, National Coordinator of International Center for the Study of the Preservation and Restoration
of Cultural Property in Ukraine, Letter No. 12 (April 2018) (annexe 1030).
1111 Zheleznodorozhny District Court of Simferopol of the Republic of Crimea (rejetant la demande présentée par
l’ancien directeur contre l’entrepreneur et le sous-traitant, au motif que le demandeur n’avait pas qualité pour agir, sans
examen des dommages causés au patrimoine culturel par les travaux de construction) (annexe 930).
1112 Judgment in an administrative offence case, 11 October 2017, Rostov-on-Don, Case No. 5-438/17
(annexe 925).
1113 Voir déposition d’Andriy Shchekun, par. 5-6 (annexe 13).
1114 Ibid., par. 23-25 (annexe 13).
1115 Interfax, FSB Detains Activist of Ukrainian Cultural Center in Crimea (12 January 2017) (annexe 1074).
1116 Hromadske International, “The True Cost of Remaining Ukrainian in Crimea” (2 April 2018), accessed at:
https://en.hromadske.ua/posts/exclusive-the-true-cost-of-remaining-ukrainian-in-crimea (annexe 1076).
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inculpés d’infractions pénales. Selon le rapport d’une organisation non gouvernementale publié en
mars 2017,
«[q]uatre membres du centre culturel ukrainien ont été interrogés par le FSB, ce qui
procédait clairement d’une volonté de les intimider et de faire passer pour «extrémiste»
toute activité pro-ukrainienne, si apolitique fût-elle. L’un des fondateurs du centre en a
été réduit à quitter la Crimée et est maintenant accusé de s’être opposé à l’annexion, et
un autre défenseur pourrait devoir répondre d’accusations pénales pour avoir publié une
photo montrant un drapeau ukrainien sur une page d’un réseau social.»1117
Le centre culturel ukrainien a finalement été forcé de fermer et, avec lui, le seul journal de langue
ukrainienne en Crimée.
529. Les institutions culturelles ukrainiennes périclitent peu à peu ailleurs en Crimée. A titre
d’exemple, à Yalta, le musée Lesya Ukrainka était dédié à la célèbre écrivaine, militante et féministe
ukrainienne des XIXe et XXe siècles, qui avait vécu un certain temps dans cette ville de Crimée. Le
musée a fermé en 2016 pour rénovations ; à sa réouverture, la collection Lesya Ukrainka, qui
occupait auparavant un étage entier, avait été si drastiquement réduite qu’elle tenait désormais dans
un petit coin du bâtiment1118.
530. A Simferopol, une école d’art dramatique pour enfants en langue ukrainienne a été forcée
de fermer après avoir été accusée par des représentants locaux de promouvoir le nationalisme
ukrainien et des symboles occidentaux. Le courroux des représentants avait été déclenché par une
pièce d’un auteur criméen mise en scène par l’école, intitulée Chants de l’Amazone. Un article relate
ainsi les faits :
«Selon M. Polchenko [cofondateur], les représentants auraient perçu des
sous-entendus politiques tout au long de la pièce, s’offusquant en particulier de la
couronne arborée par une jeune fille qui incarnait le soleil, ce qu’ils auraient interprété
comme une allusion à la statue de la Liberté à New York.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«Pour eux, les vêtements ornés de broderies et le scénario rédigé en ukrainien
constituaient autant de manifestations d’un nationalisme ukrainien éhonté».»1119
531. Sans personne pour défendre la culture ukrainienne, celle-ci a de plus en plus de mal à
s’exprimer en Crimée. Le seul fait de parler ukrainien en public est devenu motif de suspicion. Ainsi
que l’a rapporté un journaliste,
«[t]rouver un endroit pour parler aux journalistes, en particulier en Ukraine, pose
problème. Nombreux sont ceux qui craignent que les hôtels (où toute conversation peut
être surprise) ne soient pas des lieux sûrs. Les cafés sont trop fréquentés, et quiconque
1117 Kharkiv Human Rights Protection Group, Menacing FSB Interrogations of Ukrainian Cultual Centre Activists
in Russian-Occupied Crimea (23 March 2017), accessed at http://khpg.org/en/index.php?id=1490184936 (annexe 937).
1118 Voir ci-dessous, note de bas de page 1121.
1119 The Guardian, “Crimea Children’s Theatre Forced to Shut for ‘Promoting Western Propaganda’” (6 January
2016) (annexe 1075).
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parle ukrainien dans un autocar, un taxi ou un café, risque de s’attirer une attention non
désirée ; ce serait un signe de dissidence, une prise de position politique.»1120
532. La stigmatisation de la langue ukrainienne et de ses locuteurs témoigne de la pression
extrême qui pèse sur l’identité ukrainienne en Crimée en raison des politiques discriminatoires
menées par la Fédération de Russie.
D. Déni des droits des minorités en matière d’éducation
533. Une stratégie d’annihilation culturelle ne saurait être complète sans des mesures visant à
empêcher que la culture de la population ciblée soit transmise aux générations futures grâce au
système d’éducation. Ainsi, les autorités d’occupation russes ont oeuvré ⎯ ouvertement ou non ⎯ à
limiter les possibilités, pour les enfants de Crimée, d’accéder à un enseignement en langues tatare de
Crimée ou ukrainienne. En parallèle, le russe était privilégié comme langue d’études dominante et le
programme scolaire et les certifications étaient alignés sur le modèle russe.
534. Dès mars 2014, la Fédération de Russie a adopté en Crimée un certain nombre de mesures
qui ont eu pour effet d’entraver grandement les possibilités d’éducation et de formation des
Ukrainiens et des Tatars de Crimée, et dont le but manifeste était de faire disparaître toute culture
non russe de l’histoire de l’Ukraine. Ces mesures ont pour objectif et pour effet indéniables d’exclure
la culture et l’histoire des Ukrainiens et des Tatars de Crimée de l’enseignement en général, tout en
diminuant la qualité et la disponibilité de l’enseignement propre aux communautés ukrainienne et
tatare de Crimée.
1. Restrictions imposées relativement à la possibilité de suivre un enseignement en langues
ukrainienne et tatare de Crimée
535. Après la proclamation de l’indépendance de l’Ukraine en 1991, la population de Crimée
a manifesté son patriotisme et exercé la liberté d’expression qui lui était désormais reconnue en se
rapprochant de ses racines culturelles. A l’ère soviétique, les élèves n’avaient d’autre choix que de
suivre un enseignement en russe. Après l’indépendance, la péninsule a connu une hausse de la
demande d’enseignement en langues tatare de Crimée et ukrainienne. Le premier établissement de la
péninsule à offrir principalement un enseignement en tatar de Crimée a ouvert ses portes en 19931121.
En 1998, soit à peine cinq ans plus tard, on comptait déjà six établissements d’enseignement tatars
de Crimée. De même, le premier établissement à offrir principalement un enseignement en ukrainien
dans la péninsule a ouvert en 1997. Cinq ans plus tard, ils étaient quatre à proposer l’ukrainien comme
langue d’enseignement1122.
536. Le désir des familles de voir leurs enfants recevoir une éducation dans leur langue
maternelle n’a fait que s’accentuer au fil du temps. L’offre d’enseignement dans la langue maternelle
des enfants a continué de croître, et les établissements qui proposaient un enseignement dans
plusieurs langues ont également gagné en popularité1123. Alors qu’un an après l’indépendance, en
Crimée, 82 élèves seulement recevaient une éducation en ukrainien, en 2014, leur nombre se montait
1120 Ibid.
1121 Education Statistics from Ministry of Education of Ukraine (annexe 735).
1122 Ibid.
1123 Dans sa déposition, Andrii Shchekun décrit les offres d’enseignement en diverses langues des
571 établissements d’enseignement général de Crimée avant l’occupation, et leur répartition à cette époque. Déposition
d’Andriy Shchekun, par. 30-31 (annexe 13).
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à 12 694. De même, le nombre d’élèves suivant un enseignement en tatar de Crimée est passé de 278,
un an après l’indépendance, à 5551 en 20141124. Avant février 2014, de nombreux programmes
d’enseignement à caractère multiethnique et multilingue avaient été créés et mis en oeuvre en
Crimée1125. Yulia Tyshchenko, qui y a activement participé entre 2008 et le début de l’année 2014,
en collaboration avec le haut-commissaire pour les minorités nationales de l’OSCE et d’autres
organisations, décrit ces programmes dans sa déposition1126.
537. En juin 2014, le ministère de l’éducation de la Crimée a tenu des propos qui présageaient
l’attaque à laquelle allait donner lieu la demande croissante d’enseignement dans les langues
minoritaires, lorsqu’il a déclaré que l’étude des langues ukrainienne et tatare de Crimée «ne devait
pas se faire au détriment de l’enseignement et de l’étude de la langue officielle de la Fédération de
Russie», à savoir le russe1127. Plus récemment, le 18 mars 2016, le gouverneur de Sébastopol,
Sergey Meniaylo, a affiché lors d’un entretien son mépris envers l’enseignement en langue tatare de
Crimée. Aux Tatars de Crimée qui avaient exprimé la crainte d’oublier leur propre langue sous le
régime d’occupation russe, il a répondu ce qui suit : «Pardonnez-moi, mes amis, mais vous n’avez
qu’à parler votre langue en famille1128.»
538. Dans le droit fil de telles déclarations, nombre de parents de la péninsule ont constaté que
les autorités d’occupation russes n’avaient fait aucun cas des demandes d’enseignement en langues
tatare de Crimée et ukrainienne qu’ils avaient présentées pour leurs enfants. D’autres ont estimé trop
hasardeux de seulement soumettre de telles demandes1129. Des directeurs d’établissements auraient
tenté, lors de réunions avec les parents, de dissuader ceux-ci de faire instruire leurs enfants en
ukrainien, en arguant que cette langue limiterait leurs chances de suivre les études supérieures ou
d’obtenir l’emploi de leur choix1130.
539. De fait, le Comité de la CIEDR lui-même s’est dit préoccupé par les violations de la
CIEDR résultant des restrictions mises en oeuvre par la Fédération de Russie en matière d’éducation
en Crimée. En particulier, il a pris note des restrictions imposées à l’emploi et à l’étude de la langue
ukrainienne en Crimée depuis 2014. Il a recommandé à la Fédération de Russie, compte tenu de ses
obligations au titre de la CIEDR, de prendre des mesures efficaces pour permettre que la langue
ukrainienne soit utilisée et étudiée sans ingérence1131.
1124 Education Statistics from Ministry of Education of Ukraine (annexe 735) ; voir également déposition
d’Andriy Shchekun, par. 8 (où il est relevé que, avant février 2014, les établissements d’enseignement, en Crimée, étaient
ouverts à l’idée d’accroître leur offre en matière de culture et de langue ukrainiennes) (annexe 13).
1125 Déposition de Yulia Tyshchenko, par. 4-17 (annexe 17).
1126 Ibid.
1127 Republic of Crimea, Ministry of Education, Science and Youth, Letter No. 01-14/382 (25 June 2014)
(annexe 836).
1128 Interview with Sergey Meniaylo, the Governor of Sevastopol published on Meduza.ru (18 March 2016)
(annexe 1062).
1129 OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 190 (annexe 812) ; déposition de Yulia Tyshchenko, par. 25-27 (annexe 17).
1130 Ukrainian Center for Independent Political Research, “Annexed” Education in Temporarily Occupied Crimea,
Monitoring Report 2015, par. 23 (ci-après l’«UCCIP 2015 Monitoring Report») (annexe 944) ; déposition de
Yulia Tyshchenko, par. 25-27.
1131 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant les vingt-troisième et
vingt-quatrième rapports périodiques de la Fédération de Russie, CERD/C/RUS/CO/23-24 (20 septembre 2017), par. 19,
20 (annexe 804).
310
311
- 203 -
2. Diminution du nombre et de la qualité des établissements d’enseignement ukrainiens et
tatars de Crimée dans la péninsule
540. Les mesures prises par la Fédération de Russie ont entraîné une réduction notable du
nombre d’établissements de Crimée offrant un programme destiné à la population ukrainienne ainsi
que du nombre d’Ukrainiens de Crimée inscrits dans les établissements ukrainophones de la
péninsule. Pour l’année scolaire 2013–2014, un enseignement général en langue ukrainienne avait
été dispensé à 12 694 enfants1132. L’année suivante — soit la première année après le début de
l’occupation —, ce nombre avait chuté à 21541133. Pour l’année scolaire 2015–2016, il était encore
réduit de moitié, avec moins de 1000 élèves1134.
541. Actuellement, 318 élèves bénéficieraient d’un enseignement en ukrainien, soit
seulement 0,2 % des enfants qui sont inscrits dans des établissements publics en Crimée1135. Le
nombre d’enfants qui suivent un cours d’ukrainien en option a diminué de 50 % depuis le début de
l’occupation1136. Ainsi que l’a signalé l’ONU en décembre 2016, sur les sept établissements
d’enseignement en langue ukrainienne qui existaient en Crimée jusqu’en 2014, il n’en reste qu’un
d’ouvert, et encore a-t-il cessé d’offrir un enseignement en ukrainien aux classes de première et de
deuxième années1137.
1132 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2015), par. 157
(annexe 770) ; voir également Permanent Delegation of the Russian Federation to UNESCO, Information on the Situation
in the Republic of Crimea (the Russian Federation) within the Scope of UNESCO Competence as of April 8, 2015 (14 April
2015), p. 2 (annexe 785).
1133 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2015), par. 157
(annexe 770). La Fédération de Russie a reconnu cette baisse et même signalé un chiffre moins élevé (1990) pour l’année
scolaire 2014-2015. Voir Permanent Delegation of the Russian Federation to UNESCO, Information on the Situation in the
Republic of Crimea (the Russian Federation) within the Scope of UNESCO Competence as of April 8, 2015 (14 April
2015), p. 2 (annexe 785).
1134 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2015), par. 157
(annexe 770).
1135 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 November 2017-15 February 2018), par. 126
(annexe 779).
1136 Ibid.
1137 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November 2016), par. 180
(annexe 773).
312
- 204 -
Carte 15 : Fermeture des établissements d’enseignement ukrainiens en Crimée depuis février 2014
Légende :
Crimea = Crimée
Russia = Russie
Black Sea = Mer Noire
Sea of Azov = Mer d’Azov
Leninsky District = District Lénine
UTM, Zone 36 N Projection
Datum: WGS-1984
= WGS 84/UTM zone 36 N
542. Faisant écho à ces chiffres, des parents ont rapporté que les établissements
d’enseignement en langue ukrainienne que fréquentaient leurs enfants en Crimée sont tout
simplement devenus des établissements de langue russe. Un père a ainsi relaté que ses deux enfants
avaient dû arrêter leurs études en langue ukrainienne à Simferopol en septembre 20141138. La classe
de neuvième année de son fils — dont les cours se donnaient en ukrainien — a alors été divisée en
deux classes plus petites dont les cours étaient désormais dispensés en russe1139. Les cours que
suivaient sa fille, aussi en ukrainien, ont également commencé à être donnés dans cette langue en
septembre 2014, après que plusieurs enfants russophones eurent rejoint la classe1140. Cet homme a
1138 Tanya Cooper & Yulia Gorbunova, “Russia is Violating Crimeans’ Rights”, Kyiv Post (3 May 2017)
(annexe 1065).
1139 Ibid.
1140 Ibid.
313
314
- 205 -
envoyé son fils suivre sa scolarité en Ukraine continentale, mais sa fille poursuit, sur place, ses études
en russe1141.
543. Tel qu’exposé plus bas, cette situation désastreuse pour l’enseignement en langue
ukrainienne ne s’est pas améliorée, malgré l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
rendue par la Cour le 19 avril 2017 qui enjoignait à la Fédération de Russie de «[f]aire en sorte de
rendre disponible un enseignement en langue ukrainienne». En fait, la suppression des possibilités
d’enseignement en langues minoritaires par la Russie n’est pas un phénomène nouveau, et le Comité
de la CIEDR faisait déjà observer, en 1996, que «[p]lusieurs minorités et groupes autochtones [en
Russie] n’[avaient] pas accès à l’éducation dans leur propre langue»1142.
544. Si le nombre d’élèves recevant un enseignement dans des établissements d’enseignement
tatars de Crimée est resté relativement stable depuis le début de l’occupation russe, la qualité de
l’enseignement qui leur est dispensé dans ces écoles a fortement diminué. Ainsi que le précise
Mme Tyshchenko dans sa déposition, les autorités d’occupation russes n’ont pas fourni de manuels
scolaires aux établissements tatars de Crimée avant l’année scolaire 2017-2018, soit plus de trois ans
après l’annexion de la Crimée1143. Les manuels qui ont alors été reçus présentaient une version
nettement russifiée de l’histoire, dépeignaient Staline comme un héros — malgré la déportation des
Tatars de Crimée qu’il a orchestrée en 1944 — et méconnaissaient l’importance du Sürgün1144. Loin
d’être un réel soutien à l’éducation de ses enfants, les manuels scolaires distribués constituent un
affront à la communauté tatare de Crimée et sont révélateurs de l’ampleur de la discrimination à
laquelle se livre la Fédération de Russie1145.
3. Création d’une pénurie artificielle d’enseignants
545. Les autorités d’occupation russes ont par ailleurs artificiellement créé une pénurie
d’enseignants qualifiés pour donner des cours en langues tatare de Crimée et ukrainienne dans la
péninsule, s’assurant ainsi que les établissements qui demeureraient ouverts ne pourraient pas offrir
à leurs élèves un enseignement digne de ce nom. A cet effet, la Fédération de Russie a mis un terme
à un certain nombre de programmes de formation des enseignants qui étaient offerts en Crimée depuis
le milieu des années 1990. Plus précisément, à l’automne 2014, les autorités d’occupation russes ont
fermé la faculté de philologie ukrainienne de l’Université nationale de Tauride V.I. Vernadsky1146.
Cette faculté, qui formait auparavant une cinquantaine d’enseignants de langue ukrainienne par an,
n’en a admis, pour l’année universitaire 2014-2015, qu’une quinzaine1147.
1141 Ibid.
1142 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés par les Etats parties
conformément à l’article 9 de la convention, conclusions du comité pour l’élimination de la discrimination raciale,
Fédération de Russie, CERD/C/304/Add.5 (28 mars 1996), par. 7 ; voir également par. 16 («L’Etat partie devrait prendre
toutes les mesures qui s’imposent pour assurer la promotion des langues des minorités et des populations autochtones. Le
comité recommande que l’enseignement soit dispensé dans les langues appropriées») (annexe 795).
1143 Déposition de Yulia Tyshchenko, par. 21 (annexe 17).
1144 Ibid., par. 22.
1145 Ibid., par. 22, 24 (où sont décrits des jeux dans le cadre desquels les élèves tatars de Crimée doivent dessiner
leurs parents en habit traditionnel russe, ainsi que les fréquents laïus, dans les établissements de Crimée, sur la lutte contre
l’«extrémisme islamique»).
1146 OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 191 (annexe 812) ; UCCIP 2015 Monitoring Report, par. 7 (annexe 944).
1147 OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 191 (annexe 812) ; déposition de Yulia Tyshchenko, par. 13, 19 (annexe 17).
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- 206 -
546. Ainsi que le décrit Mme Tyshchenko dans sa déposition, cette fermeture a porté un coup
dur à l’enseignement en langue ukrainienne en Crimée. Cette faculté, qui avait été établie au milieu
des années 1990, avait fortement contribué à assurer un accès à l’enseignement en langue ukrainienne
à ceux qui souhaitaient en bénéficier en Crimée1148. Le programme ukrainien-anglais offert à
l’Université pédagogique et d’ingénierie de Crimée s’est également trouvé réduit à l’état de peau de
chagrin : regroupant quelque 240 étudiants avant février 2014, il n’en compte à présent que 40 qui,
tous, suivent des cours en russe1149.
547. En juillet 2015, les autorités d’occupation russes ont pris des mesures similaires visant
les enseignants de langue tatare de Crimée. Plus précisément, la Fédération de Russie a annulé la
formation de base des enseignants de langue tatare de Crimée qui était donnée par l’Université
pédagogique et d’ingénierie de Crimée et la faculté de philologie de l’Université nationale de Tauride
V.I. Vernadsky1150. Comme son pendant pour la langue ukrainienne, ce programme de formation des
enseignants de langue tatare de Crimée avait été créé au milieu des années 1990, dans le cadre des
mesures prises par le Gouvernement ukrainien pour revitaliser cette langue après les années
d’oppression soviétique.
548. Le but que cherchait à atteindre la Fédération de Russie en annulant ces programmes — à
savoir la promotion de l’enseignement en langue russe — est apparu clairement en août 2014 lorsque
les autorités d’occupation russes ont ordonné aux 300 enseignants de littérature et de langue
ukrainiennes de se reconvertir à l’enseignement du russe1151.
4. Perquisitions discriminatoires dans les établissements scolaires tatars de Crimée
549. En Crimée, les autorités d’occupation russes ont entravé l’éducation des Ukrainiens et
des Tatars de Crimée en soumettant les établissements scolaires et les enseignants de ces
communautés à des perquisitions intrusives. Le 24 juin 2014, par exemple, une perquisition qui l’était
tout particulièrement a été menée dans une école confessionnelle du village de Kolchugino, près de
Simferopol1152. Une trentaine de policiers et agents du FSB armés ont pénétré de force dans le
bâtiment et ont perquisitionné pendant environ cinq heures les locaux et la bibliothèque de
l’établissement et fouillé les effets personnels des élèves. Ils ont saisi des ordinateurs appartenant à
l’école et des clés USB, puis ont fouillé la maison du directeur adjoint. Des perquisitions de ce type
ont également été effectuées dans de nombreux autres établissements d’enseignement tatars de
Crimée, et d’autres responsables de tels établissements ont également fait l’objet de représailles pour
1148 Déposition de Yulia Tyshchenko, par. 13, 19 (annexe 17).
1149 Déposition de Yulia Tyshchenko, par. 19 (annexe 17).
1150 OSCE, Report of the Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015),
par. 291 (annexe 812).
1151 Republic of Crimea, Ministry of Education, Science, and Youth, Order No. 116 of 6 August 2014
(annexe 893) ; déposition de Yulia Tyshchenko, par. 20 (annexe 17) ; voir également UCCIP 2015 Monitoring Report, p. 7
(où est examiné le [décret] no 132 du 29 août 2014 du ministère de l’éducation de la République de Crimée) (annexe 944).
1152 Human Rights Watch, Rights in Retreat (November 2014), p. 17 (annexe 943).
316
317
- 207 -
avoir offert un enseignement à cette communauté1153. Des descentes ont aussi été opérées dans des
établissements d’enseignement ukrainiens en Crimée, et des manuels scolaires ukrainiens, saisis par
les autorités d’occupation1154.
5. Enseignement tendancieux de l’histoire dans les établissements scolaires restants
550. De manière plus générale, l’enseignement tendancieux de l’histoire voulu par la
Fédération de Russie s’est imposé dans les établissements de Crimée, empêchant les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée de conserver leurs traditions et leur physionomie nationales — pour
reprendre les mots utilisés par la Cour permanente de Justice internationale. L’aspect le plus notable
est sans doute la suppression de l’histoire de l’Ukraine et de la littérature ukrainienne de la liste des
humanités enseignées dans les établissements de Crimée1155. Or, avant la prétendue annexion de la
Crimée, tous les élèves des établissements d’enseignement général de la péninsule étudiaient la
langue et la littérature ukrainiennes1156. Le fait d’omettre du programme d’enseignement de Crimée
l’histoire de l’Ukraine tend à annihiler la culture distincte de la communauté ukrainienne en Crimée,
en niant son existence même.
551. L’histoire des Tatars de Crimée en tant que groupe ethnique distinct est également absente
du programme scolaire de la Crimée suivi sous le régime d’occupation russe. Ainsi que l’a expliqué
Mme Tyshchenko dans sa déposition, le programme d’histoire de la Fédération de Russie tend à
présenter la Crimée comme partie intégrante du grand Empire russe ; et la culture tatare de Crimée,
qui est propre à ce groupe ethnique, est tout simplement omise de l’histoire que les autorités
d’occupation russes souhaitent enseigner aux élèves de la péninsule.
552. L’histoire de la péninsule elle-même n’est pas non plus mentionnée dans les cours
d’histoire générale donnés dans la Crimée occupée par la Russie. Seuls font exception les événements
de mars 20141157, dont est présentée une version éminemment russifiée, visant à «mettre en avant la
validité de l’annexion de la Crimée au regard des normes éthiques et du droit international»1158.
Même les cours d’histoire générale ont été réorientés dans une optique prorusse, et les enseignants
sont encouragés à intégrer du matériel pédagogique tendant à légitimer l’annexion de la Crimée1159.
553. Sous le régime d’occupation russe, les concours de création littéraire organisés pour les
élèves de Crimée ont également été russifiés. A titre d’exemple, les élèves criméens doivent
1153 Voir, par exemple, Council of Europe, Report by Nils Muiẑnieks Following his mission in Kyiv, Moscow, and
Crimea from 7 to 12 September 2014 (27 October 2014), par. 21 (où il est fait observer que, à la mi-septembre 2014, des
perquisitions avaient été effectuées dans huit des dix écoles confessionnelles, des médersas relevant de la direction
spirituelle des musulmans de Crimée, Dukhovnoe Upravlenie Musulman Kryma) (annexe 822) ; OSCE, Report of the
Human Rights Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015), par. 242-243 (où il est précisé que
trois médersas situées à Simferopol, le centre d’éducation sur l’avenue Victory, une médersa pour femmes à Kamenka et
la médersa de Seit-Settar ont fait l’objet de perquisitions entre juin et septembre 2014) (annexe 812) ; déposition de Yulia
Tyshchenko, par. 22 (où est décrite une descente effectuée le 9 septembre 2014 dans une école préparatoire pour enfants à
haut potentiel de Taknove (district de Bakhtchissaraï), en Crimée) (annexe 17).
1154 UCCIP 2015 Monitoring Report, p. 24 (annexe 944)
1155 Ibid., p. 5, 13 (annexe 944) ; déposition de Yulia Tyshchenko, par. 24 (annexe 17).
1156 Déposition d’Andriy Shchekun, par. 32 (annexe 13).
1157 UCCIP 2015 Monitoring Report, p. 13 (annexe 944).
1158 Ibid., p. 14 (annexe 944).
1159 Ibid., p. 5, 12 (annexe 944).
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- 208 -
composer des poèmes sur le «printemps de Crimée»1160 et participer à des concours de rédaction sur
le thème : «Ma contribution à l’avenir de la Crimée russe»1161. Ainsi que le décrit Mme Tyshchenko
dans sa déposition, il est demandé aux jeunes élèves tatars de Crimée de dessiner leurs parents en
habit traditionnel russe. Ce type de concours tend à nier, dans l’éducation et la formation, l’identité
culturelle des Ukrainiens et des Tatars de Crimée, tout en promouvant l’identité russe, en violation
des dispositions de la CIEDR.
554. La Fédération de Russie connaît très bien l’obligation qui lui est faite au titre de la CIEDR
de ne pas dispenser un tel enseignement tendancieux. En 2012, elle a reconnu, devant le Comité de
la CIEDR, que «[l]’appui en faveur d’une éducation mettant l’accent sur la composante ethnique joue
un grand rôle dans la préservation de l’identité ethnique1162». Le Comité, toutefois, a déjà constaté
que la Fédération de Russie ne prenait pas les mesures nécessaires pour appuyer l’éducation d’une
manière qui assure la préservation de l’identité ethnique et l’a exhortée, en 2017, à veiller à ce que
«l’histoire soit enseignée de manière à éviter un discours historique dominant et une hiérarchisation
ethnique»1163. Or, il ressort indiscutablement de ce qui précède que la Fédération de Russie a mis en
oeuvre un programme d’éducation en Crimée qui présente un discours historique dominant (russe),
au mépris des objurgations du Comité de la CIEDR et de l’article 5 e) v) de la convention.
6. Enseignement criméen réorienté vers le système d’enseignement supérieur russe
555. De manière plus générale, les autorités d’occupation russes ont réorienté l’enseignement
criméen vers le système d’enseignement supérieur russe, contraignant les familles de Crimée à
inscrire leurs enfants à des programmes d’enseignement axés sur le russe afin de préparer leur entrée
dans ce système.
556. Le 5 mai 2014, la Fédération de Russie a mis en oeuvre une nouvelle loi — contraire au
droit applicable en matière d’occupation — qui alignait les niveaux de certification du système
d’enseignement de Crimée sur ceux en vigueur dans la Fédération de Russie, et établissait une
procédure pour l’admission des diplômés des établissements de la péninsule dans les universités
russes1164. Les autorités d’occupation russes ont également fait passer les établissements scolaires de
Crimée de l’échelle de notation européenne à douze points à l’échelle de notation russe à cinq points,
contraignant quasiment ipso facto leurs élèves à s’inscrire dans des établissements d’enseignement
supérieur russes plutôt qu’ukrainiens1165.
557. Ce réalignement des établissements scolaires de Crimée va bien au-delà des niveaux de
certification et des barèmes de notation ; il est omniprésent dans tous les aspects du système
d’enseignement. Ainsi, l’objectif déclaré d’un décret promulgué le 18 décembre 2014 par les
1160 Ibid., p. 29 (annexe 944).
1161 Voir ministère de l’éducation, des sciences et de la jeunesse de la République de Crimée, ordonnance no 41 du
15 janvier 2015 «sur l’organisation en 2018 de «Ma contribution à l’avenir d’une Crimée russe», un concours ouvert à tout
le territoire de la République, qui récompense la meilleure dissertation rédigée dans les langues officielles de la République
de Crimée», archivée à l’adresse suivante : http://monm.rk.gov.ru/file/scan01300720180115173945.pdf (annexe 906).
1162 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, vingtième, vingt et unième et vingt-deuxième rapports
périodiques attendus des Etats parties en 2012, Fédération de Russie, CERD/C/RUS/20-22 (6 juin 2012), par. 336
(annexe 793).
1163 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant les vingt-troisième et
vingt-quatrième rapports périodiques de la Fédération de Russie, CERD/C/RUS/CO/23-24 (20 septembre 2017), par. 31-32
(annexe 804).
1164 UCCIP 2015 Monitoring Report, p. 15 (annexe 944).
1165 Ibid., p. 30-31 (annexe 944) ; déposition de Yulia Tyshchenko, par. 26 (annexe 17).
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320
- 209 -
autorités d’occupation russes était d’assurer l’instauration en Crimée d’«une politique publique
d’éducation patriotique en accélérant les actions visant à combler le fossé existant entre les pratiques
russes communes et les pratiques locales pour ce qui relève des aspects idéologiques ou
méthodologiques, ou de la spécificité du contenu»1166. Ce décret précise ensuite les étapes à suivre
pour que les enfants de Crimée puissent bénéficier d’une éducation «patriotique» convenable sur les
plans culturel, historique et moral1167.
558. Même les congés scolaires en Crimée ont été russifiés, notamment par la célébration
obligatoire du jour de la Constitution russe, de la journée des héros de la patrie, de la journée des
élections russes et d’autres jours fériés spécifiques à la Russie1168. Dans le même temps, les
enseignants sont encouragés à dénoncer les enfants tatars de Crimée qui s’absentent de l’école le
18 mai, date de commémoration traditionnelle du Sürgün par les Tatars de Crimée1169.
559. Il est difficile d’imaginer choix plus déchirant que celui de laisser son enfant soit sans
instruction soit complètement endoctriné dans une culture étrangère. Les multiples démarches
entreprises pour réorienter de manière générale l’enseignement afin de privilégier le modèle russe au
détriment de celui de l’Ukraine sont à la fois incompatibles avec les obligations de la Fédération de
Russie en tant que puissance occupante et discriminatoires envers les Tatars de Crimée et, plus
encore, les Ukrainiens. Ces communautés se caractérisent par un désir commun d’intégration au sein
des sphères politiques, sociales et économiques ukrainiennes. Le fait de recentrer radicalement le
système d’enseignement criméen vers la Russie altère les choix qui s’offrent aux générations futures,
prive, à terme, les jeunes Tatars de Crimée et Ukrainiens de possibilités d’étudier et d’obtenir un
emploi dans le pays de leur choix et a contraint, depuis le début de l’occupation russe, de nombreuses
familles de la péninsule à déménager en Ukraine continentale, afin de préserver les vestiges de la
culture à laquelle ils s’identifient.
1166 Décret du chef de la République de Crimée du 18 décembre 2014, approuvant le concept d’éducation
patriotique, spirituelle et morale de la population de la République de Crimée (annexe 894) ; UCCIP 2015 Monitoring
Report, p. 26 (annexe 944).
1167 Décret du chef de la République de Crimée du 18 décembre 2014, approuvant le concept d’éducation
patriotique, spirituelle et morale de la population de la République de Crimée (annexe 894).
1168 UCCIP 2015 Monitoring Report, p. 27 (annexe 944).
1169 Déposition de Yulia Tyshchenko, par. 22 (annexe 17).
321
- 210 -
SECTION B
LA FÉDÉRATION DE RUSSIE A MANQUÉ AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU
DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION
DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE
560. La section A décrivait les mesures prises par la Fédération de Russie en Crimée qui
constituent le fondement des allégations formulées par l’Ukraine en vertu de la CIEDR. La présente
section expliquera en quoi ces mesures violent les obligations qui incombent à ce titre à la Russie.
Le chapitre 11 décrit les principes fondamentaux de non-discrimination et d’égalité devant la loi
consacrés par la convention et établit que les Ukrainiens et les Tatars de Crimée sont des groupes
ethniques protégés en vertu de la CIEDR. Le chapitre 12 passe en revue les dispositions particulières
de la CIEDR visées par le comportement adopté par la Fédération de Russie en Crimée et décrit en
quoi ce comportement est contraire à chacune d’entre elles.
561. Dans le cadre de la présente procédure, la Fédération de Russie a déjà reconnu que la
CIEDR s’appliquait à la Crimée1170. Ce nonobstant, le tableau global brossé dans cette section fait
apparaître le mépris total qu’elle manifeste pour l’obligation solennelle qui lui incombe d’éliminer
toutes les formes de discrimination raciale.
1170 Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), compte
rendu d’audience du 7 mars 2017, p. 54, par. 4 (Lukiyantsev) («La Russie ne conteste nullement que la CIEDR soit
applicable sur le territoire de la Crimée.»)
322
- 211 -
CHAPITRE 11
SENS ET APPLICABILITÉ DE LA CIEDR EN L’ESPÈCE
562. L’interdiction de la discrimination raciale prévue dans la CIEDR est l’une des protections
fondamentales garanties par le droit international en matière de droits de l’homme. La Charte des
Nations Unies énonçait en son article 1 que l’un des buts des Nations Unies était de «développ[er] et
[d’]encourage[r] le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion1171». Trois ans plus tard, en 1948, la Déclaration
universelle des droits de l’homme définissait comme suit l’un de ses principes directeurs : «Chacun
peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration,
sans distinction aucune, notamment de race»1172. Adoptée par l’Assemblée générale le 21 décembre
1965, la CIEDR a été le premier d’une série de traités universels relatifs aux droits de l’homme à
développer plus avant les principes établis dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration
universelle des droits de l’homme1173. L’obligation au coeur de cette convention est celle qui est faite
à tous les Etats parties de «poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique
tendant à éliminer toute forme de discrimination raciale et à favoriser l’entente entre toutes les
races1174». Aujourd’hui, l’interdiction de la discrimination raciale est reconnue comme une norme
impérative du droit international général1175.
A. Les principes de non-discrimination et d’égalité devant la loi sont des principes
fondamentaux au regard de la convention et doivent être pris
dans leur sens le plus large
563. La discrimination raciale est ainsi définie au paragraphe 1 de l’article premier de la
convention :
«Dans la présente Convention, l’expression «discrimination raciale» vise toute
distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur,
l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire
ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions
d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines
politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie
publique.»1176
564. Suivant le sens ordinaire de ce libellé, la convention a un champ d’application large.
1171 Charte des Nations Unies, article 1 3).
1172 Déclaration universelle des droits de l’homme, article 2.
1173 U.N. General Assembly, G.A. Res. 2106 (XX) (21 December 1965) (annexe 738).
1174 CIEDR, article 2 1).
1175 Voir, par exemple, Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (nouvelle requête : 1962)
(Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 34 (faisant référence, entre autres obligations
erga omnes dans le droit international contemporain, aux «principes et … règles concernant les droits fondamentaux de la
personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l’esclavage et la discrimination raciale»).
1176 CIEDR, article 1 1).
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565. En premier lieu, la «discrimination raciale» ne se limite pas aux seules distinctions
fondées sur la race ; en relèvent également des mesures fondées sur plusieurs autres caractéristiques
pouvant définir un groupe protégé en vertu de la convention, dont l’origine ethnique1177.
566. En deuxième lieu, la définition donnée ne suppose pas nécessairement un élément
d’intentionnalité, mais englobe tout comportement qui a «pour but ou pour effet» de créer la
discrimination. Par conséquent, la convention interdit aussi bien la discrimination intentionnelle ou
délibérée (parfois appelée discrimination directe ou discrimination de jure) que la discrimination qui
se manifeste par les conséquences ou les effets distincts produits par des lois ou règlements à
première vue neutres (parfois appelée discrimination indirecte ou discrimination de facto)1178. Dans
son rapport d’expert, Sandra Fredman, professeure du droit du Commonwealth britannique et du
droit des Etats-Unis à l’Université d’Oxford (chaire Rhodes), conclut que, dans le cas de la
discrimination indirecte, l’existence d’une intention n’a pas à être prouvée1179.
567. En troisième lieu, la définition ne se limite pas à des comportements qui compromettent
la jouissance, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme énoncés dans la convention, mais
englobe tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales dans le domaine de la vie
publique.
568. Une interprétation large est conforme à l’objet et au but des traités internationaux relatifs
aux droits de l’homme en général1180 et de cette convention en particulier, ainsi qu’il ressort à la fois
de son titre, qui fixe comme objectif l’élimination de «toutes les formes» de discrimination raciale,
et de son préambule, qui fait référence aux déclarations de vaste portée concernant la discrimination
raciale qui figurent dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de
l’homme. Rappelons, par exemple, que ce dernier instrument établit clairement que «tous les droits
et … toutes les libertés» qui y sont proclamés doivent pouvoir être exercés sans distinction de race.
1177 Le Comité de la CIEDR a précisé que discrimination «fondée» («based on», dans la version anglaise) et
discrimination «pour des motifs fondés» («on the grounds of») (expression utilisée au septième alinéa du préambule de la
CIEDR) sur les critères énoncés étaient synonymes. recommandation générale XIV (annexe 788). De plus, le Comité a
adopté une interprétation large s’agissant de déterminer si des mesures étaient fondées sur des critères entrant dans le champ
de la protection offerte par l’article premier de la CIEDR. Comme il l’a exposé, «[l]a notion d’«intersectionnalité» permet
au Comité, dans la pratique, d’élargir les motifs de discrimination interdite et de traiter des situations de discrimination
double ou multiple — comme dans le cas de la discrimination fondée sur le sexe ou la religion lorsqu’elle se conjugue à
une discrimination fondée sur un ou plusieurs motifs énumérés à l’article premier de la Convention». Recommandation
générale XXXII (annexe 790).
1178 Dans ses recommandations générales, le Comité a confirmé que la CIEDR interdisait à la fois la discrimination
directe et la discrimination indirecte. Comme il l’a indiqué, si le fait de pratiquer délibérément des distinctions fondées sur
la race ou l’appartenance ethnique sera constitutif d’une discrimination directe, une mesure qui «a une conséquence
distincte abusive sur un groupe différent» au regard de tel ou tel des critères exposés à l’article premier de la CIEDR
donnera lieu à une discrimination indirecte. Recommandation générale XIV. Le Comité a par ailleurs précisé que la
discrimination indirecte pouvait également résulter de l’application de lois apparemment neutres, lorsque celle-ci «a[vait]
pour effet de placer une personne d’une certaine origine raciale, ethnique ou nationale en situation défavorable par rapport
à une autre personne». Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Examen des rapports présentés par les Etats
parties conformément à l’article 9 de la convention, Etats-Unis d’Amérique, CERD/C/USA/CO/6 (8 mai 2008), par. 10
(annexe 801).
1179 Expert Report of Professor Sandra Fredman, par. 52 et suivants (ci-après le «rapport Fredman») (annexe 22).
1180 Voir The Effect of Reservations on the Entry into Force of the American Convention on Human Rights (Arts. 74
and 75), Inter-Am.Ct.H.R. (Ser. A) No. 2 (1982), par. 29 (annexe 832) :
«Les traités modernes relatifs aux droits de l’homme en général … ne sont pas des traités
multilatéraux de type traditionnel conclus pour garantir la réciprocité de droits dans l’intérêt mutuel des
Etats contractants. Leur objet et leur but sont la protection des droits fondamentaux des êtres humains,
indépendamment de leur nationalité, contre l’Etat dont ils sont ressortissants et contre tous les autres Etats
contractants.»
325
- 213 -
569. Les travaux préparatoires viennent également confirmer que les rédacteurs entendaient
conférer à la convention un champ d’application large afin d’assurer la préservation des identités
culturelles distinctes. L’un d’eux avait ainsi exprimé l’avis que «[l]a préservation des différences
ethniques dépendait entièrement de celle de la langue, des écoles, des publications et des autres
institutions culturelles» et que, «[a]ussi bien traité qu’il puisse être à tous autres égards, un membre
d’un groupe ethnique, s’il était coupé de ses traditions et de sa culture, serait victime de
discrimination et le droit de son groupe à la survie serait compromis»1181.
570. Etroitement liée à la notion de discrimination raciale, dans la CIEDR, est celle d’«égalité
devant la loi». Dans l’opinion dissidente, ayant fait date, qu’il a formulée en l’affaire du Sud-Ouest
africain, le juge Tanaka a d’ailleurs considéré les notions de non-discrimination et d’égalité devant
la loi comme interchangeables dans les faits1182.
571. En vertu de l’article 5 de la convention, les Etats parties s’engagent
«à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le
droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine
nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits suivants»1183.
Cet article dresse ensuite une longue liste d’exemples de droits spécifiques pour lesquels l’égalité
devant la loi est garantie. L’emploi du terme «notamment» en début d’énumération signifie que cette
liste ne se veut pas exhaustive. Ainsi qu’exposé précédemment, il ressort clairement d’autres
dispositions de la CIEDR que le champ d’application de celle-ci englobe tous les droits de l’homme
et toutes les libertés fondamentales, et non pas seulement ceux expressément mentionnés.
572. Le principe de non-discrimination ou d’égalité devant la loi n’impose pas d’assurer à tous
un même traitement, indépendamment des circonstances. Comme l’a fait observer le juge Tanaka,
«le principe de l’égalité devant la loi ne correspond pas à une égalité absolue, qui
voudrait que les hommes soient tous traités également compte non tenu des situations
individuelles et concrètes, mais correspond plutôt à une égalité relative, c’est-à-dire au
traitement égal de ce qui est égal et inégal de ce qui est inégal»1184.
Le juge Tanaka souligne ensuite que la différence de traitement doit toutefois être raisonnablement
liée, et correspondre, aux différences qui existent entre les personnes concernées, et que le «critère
du comportement raisonnable en matière de différences de traitement exclut en bonne logique
l’arbitraire»1185.
1181 United Nations Economic and Social council, Commission on Human Rights, Sub-Commission on Prevention
of Discrimination and Protection of Minorities (Sixteenth Session), Summary Record of the Four Hundred and Eleventh
Meeting Held 16 January 1964, E/CN.4/Sub.2/SR.411 (5 February 1964) (annexe 737).
1182 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), deuxième phase, arrêt,
C.I.J. Recueil 1966 (opinion dissidente de M. le juge Tanaka), p. 250, 287-288 («La question est de savoir si la Charte des
Nations Unies contient une norme juridique d’égalité devant la loi et un principe de non-discrimination à raison de la
religion, de la race, de la couleur, du sexe, de la langue, de l’opinion politique, etc.»).
1183 CIEDR, article 5.
1184 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), deuxième phase, arrêt,
C.I.J. Recueil 1966 (opinion dissidente de M. le juge Tanaka),p. 305-306.
1185 Ibid., p. 306 («[L]’existence de certaines différences ne justifie pas n’importe quelle forme de traitement
différencié, mais seulement le traitement différencié qui correspond bien aux différences elles-mêmes …»).
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573. La pratique du Comité de la CIEDR s’inscrit dans le droit fil de ces principes1186. Ainsi
qu’il est expliqué dans la recommandation générale XXXII,
«[l]’expression «non-discrimination» n’implique pas l’application obligatoire d’un
traitement uniforme lorsqu’il existe des différences importantes de situation entre un
individu ou un groupe et un autre ou, en d’autres termes, si la différence de traitement
est motivée par des éléments objectifs et raisonnables. Le fait de traiter de manière égale
des personnes ou des groupes dont la situation est objectivement différente constitue
une discrimination de fait, comme le serait l’application d’un traitement inégal à des
personnes dont la situation est objectivement la même.»
574. Or, comme il sera montré ci-dessous, le traitement différencié réservé par la Fédération
de Russie aux communautés ukrainienne et tatare de Crimée n’était aucunement motivé par des
«éléments objectifs et raisonnables».
B. Les communautés ukrainienne et tatare de Crimée sont des groupes
ethniques protégés par la convention
575. Ainsi qu’expliqué plus haut, la CIEDR définit la discrimination raciale en termes de
distinctions «fondée[s] sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique1187».
Elle ne précise toutefois pas les éléments à prendre en compte pour déterminer si tel ou tel groupe
relève de la protection qu’elle accorde. En l’espèce, l’Ukraine soutient que le comportement de la
Fédération de Russie à l’égard des deux groupes ethniques concernés ⎯ les Tatars de Crimée et les
Ukrainiens en Crimée ⎯ est constitutif de discrimination raciale au regard de la convention. La
présente section expose les critères que la Cour pourra prendre en considération pour déterminer ce
qui constitue un groupe ethnique aux fins de la convention. Elle montre ensuite que, eu égard à ces
critères, les communautés ukrainienne et tatare de Crimée de la péninsule présentent les
caractéristiques requises.
1. L’appartenance ethnique au sens de la convention
576. Dans son sens ordinaire, l’«appartenance ethnique» («ethnicity», en anglais) renvoie au
«fait d’être membre d’un groupe perçu comme ayant en dernière analyse une ascendance commune,
ou des traditions nationales ou culturelles communes»1188. Le contexte dans lequel l’expression
«origine ethnique» («ethnic origin», en anglais) est utilisée au paragraphe 1 de l’article premier de la
convention fournit d’autres éléments de compréhension. Dans la définition donnée, l’origine
ethnique est distinguée de la race, de la couleur, de l’ascendance et de l’origine nationale, ce qui
suppose qu’elle diffère sous certains aspects de chacun de ces autres éléments1189. En particulier, la
mention distincte de l’«ascendance» indique que, aux fins de la convention, l’origine ethnique ne se
1186 En sus d’interdire la discrimination au sens large, la CIEDR porte création d’un comité (le comité pour
l’élimination de la discrimination raciale ou «Comité de la CIEDR»), qui a été chargé de recevoir les rapports des Etats
parties à la convention et de faire «des suggestions et des recommandations d’ordre général» concernant le respect de la
convention. CIEDR, article 9 2). Le Comité n’a pas été habilité à interpréter la convention de manière générale, mais peut
le faire dans la mesure où cela est nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Bien que pareille interprétation ne soit pas
contraignante pour les Etats parties, elle «influe sur la manière dont les Etats appliquent la Convention et peut établir ou
attester une interprétation commune». Theodor Meron, “The Meaning and Reach of the International Convention on the
Elimination of All Forms of Racial Discrimination”, 79 Am. J. Int’l L, p. 283, 285 (1985) (annexe 1011).
1187 CIEDR, article 1 1).
1188 Oxford English Dictionary (2018), http://www.oed.com/. Voir également https://www.merriam-webster.
com/dictionary/ethnic («appartenance à un groupement humain se distinguant par des origines ou une histoire raciales,
nationales, tribales, religieuses, linguistiques ou culturelles communes») (annexe 1091).
1189 Ibid.
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329
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résume pas à une identité héritée de génération en génération. Elle peut évoluer au fil des générations
sous l’effet du contexte sociopolitique.
577. Outre le sens ordinaire à lui attribuer dans son contexte, d’autres règles pertinentes de
droit international peuvent être prises en compte pour interpréter cette expression, en application du
paragraphe 3 c) de l’article 31 de la convention de Vienne1190. La CIEDR fait partie d’un corpus
d’instruments conventionnels étroitement liés établis dans le dessein de constituer un régime de
protection des droits de l’homme qui fût complet. Nombre des droits de l’homme auxquels s’applique
la CIEDR sont énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et ont été définis plus
avant dans des instruments universels conclus par la suite sous les auspices de l’Organisation des
Nations Unies ou dans le cadre d’accords régionaux prévus au chapitre VIII de la Charte des
Nations Unies1191. La notion d’appartenance ethnique figure dans plusieurs autres traités
internationaux relatifs aux droits de l’homme intéressant la discrimination ainsi que dans différentes
conventions multilatérales se rapportant au droit des minorités et au droit pénal international. Autant
de règles de droit international pertinentes aux fins de déterminer ce que recouvre la notion
d’appartenance ethnique au sens de la CIEDR1192.
578. Dans son expertise, Mme Fredman explique que, dans les domaines du droit relatif à la
discrimination, du droit des minorités et du droit pénal international, l’on détermine généralement si
un groupe a une même identité ethnique eu égard à des critères aussi bien subjectifs qu’objectifs. Les
éléments subjectifs à prendre en compte sont notamment les questions de savoir si une population
dominante perçoit un groupe donné comme ethniquement différent, ou encore si des personnes
s’identifient elles-mêmes comme membres d’un groupe donné. Parmi les éléments objectifs figure
notamment le fait de posséder une culture, une affiliation religieuse et une apparence physique
communes1193. Dans ses recommandations générales, le Comité de la CIEDR a avancé que, «sauf
justification du contraire», l’«identification» d’une personne comme appartenant à un groupe racial
ou ethnique particulier était «fondée sur la manière dont s’identifi[ait] lui-même l’individu
concerné»1194.
579. Mme Fredman constate que le poids accordé aux différents éléments tendra à varier en
fonction du contexte et qu’il n’est pas nécessaire que tous ces éléments soient réunis pour déterminer
l’appartenance d’une personne à un groupe ethnique particulier1195. Ainsi, être locuteurs d’une même
langue suffira dans certains cas à établir l’appartenance à un groupe ethnique, tandis que d’autres
personnes ne parlant pas cette langue pourront faire partie de ce même groupe en fonction d’autres
1190 Convention de Vienne sur le droit des traités, article 32.
1191 Voir Patrick Thornberry, The International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination: A Commentary (2016), p. 317, 321, 383 (qualifiant la Déclaration universelle des droits de l’homme, le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques et d’autres instruments de «normes de base» pour des dispositions
particulières de la CIEDR et précisant que les dispositions de la CIEDR «sont étroitement liées» aux dispositions d’autres
instruments relatifs aux droits de l’homme) (annexe 1029) ; Natan Lerner, The UN Convention on the Elimination of All
Forms of Racial Discrimination (2015), p. 59-63 (où il est affirmé que la plupart des droits énumérés à l’article 5 de la
CIEDR «correspondent à ceux précisés dans la Déclaration universelle» et où sont comparés les libellés des dispositions
de la CIEDR et de dispositions similaires du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) (annexe 1027).
1192 Convention de Vienne sur le droit des traités, article 31 3) c) ; voir également Theodor Meron, “The Meaning
and Reach of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination”, 79 Am. J. Int’l L,
p. 283, 294 (1985) (annexe 1011).
1193 Voir rapport Fredman, par. 19-37 (annexe 22).
1194 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale VIII concernant
l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la convention (1990) (annexe 781).
1195 Rapport Fredman, par. 32-51 (annexe 22).
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critères1196. Qui plus est, la nature de l’identité ethnique fluctue avec le temps, et les critères utilisés
pour déterminer si une personne appartient à un groupe peuvent évoluer, en particulier en période de
conflit ou autre crise1197.
2. Les Tatars de Crimée forment un groupe ethnique distinct et identifiable
580. Nombre d’éléments subjectifs et objectifs confirment que les Tatars de Crimée
constituent un groupe ethnique aux fins de la convention. Tout d’abord, s’agissant des éléments
subjectifs, les Tatars de Crimée se considèrent eux-mêmes comme un peuple distinct, et même l’un
des peuples autochtones de Crimée, et ont été reconnus comme tel notamment par le Gouvernement
d’Ukraine1198, le Parlement européen1199 et les Nations Unies. L’Union soviétique les a traités en tant
que groupe distinct lorsque Staline a spécifiquement organisé leur déportation en 19441200. Depuis
1991, aussi bien l’Ukraine1201 que la Fédération de Russie1202 considèrent les Tatars de Crimée
comme un groupe ethnique distinct aux fins du recensement. De plus, depuis l’occupation illicite de
la Crimée par la Russie, la Fédération de Russie les traite en tant que tel ; elle leur a proposé, par
exemple, un traitement favorable en échange de leur collaboration1203.
581. Parmi les nombreux éléments objectifs confirmant leur identité distincte en tant que
groupe national ou ethnique, signalons que les Tatars de Crimée ont leur propre langue (bien que, en
raison de l’exil auquel ils ont été contraints après 1944, ils soient nombreux à ne plus la parler
aujourd’hui), et qu’ils observent en général une même forme modérée d’islam1204. Et entre autres
exemples de leur histoire commune, mentionnons le fait qu’ils aient possédé leur propre Etat, le
Khanat de Crimée, avant que celui-ci ne soit annexé par l’Empire russe en 17831205.
1196 Rapport Fredman, par. 34 (annexe 22). Voir également Finland, Reports Submitted by States Parties under
Article 9 of the Convention, Twelfth periodic reports due in 1993, CERD/C/240/Add.2 (17 May 1995), par. 53 (en réponse
à la préoccupation formulée par le Comité de la CIEDR selon laquelle l’Etat aurait utilisé la langue comme «seul critère»
pour déterminer l’appartenance à un groupe, la Finlande a confirmé qu’elle s’était fondée à cette fin sur la manière dont les
individus s’identifiaient eux-mêmes) (annexe 794).
1197 Rapport Fredman, par. 11-18 (annexe 22).
1198 The Verkhovna Rada of Ukraine adopted the Resolution “On Statement of the Verkhovna Rada of Ukraine
re guarantees of rights of the Crimean Tatar people as a part of the State of Ukraine”, Verkhovna Rada (20 March 2014),
accessed at: http://rada.gov.ua/en/news/News/News/89899.html (annexe 733).
1199 Résolution du Parlement européen du 12 mai 2016 sur les Tatars de Crimée, 2016, Journal officiel C 76/27
(notant que les «prétendues autorités ont pris pour cible la communauté autochtone des Tatars de Crimée», et que
«l’ensemble de la population des Tatars de Crimée, un peuple autochtone de Crimée, a été déplacée vers d’autres parties
de l’URSS en 1944, sans droit au retour jusqu’en 1989» ; reconnaissant «l’Assemblée des Tatars de Crimée» comme
l’«organe légitime, représentatif … de la population autochtone de Crimée» et «les injustices dont a été victime la
population autochtone des Tatars de Crimée à travers l’histoire, notamment sa déportation massive par les autorités
soviétiques») (les italiques sont de nous) (annexe 830).
1200 State Defense Committee of the Soviet Union Decree No. 589ss “On the Crimean Tatars” (11 May 1944)
(ordonnant que les Tatars de Crimée soient «bannis du territoire de la Crimée») (annexe 871).
1201 All-Ukrainian Population Census National Composition of Population, Autonomous Republic of Crimea (2001)
(annexe 730).
1202 Russia Census in the Republic of Crimea, National Composition of the Population (2014) (annexe 878).
1203 Déposition de Mustafa Dzhemilev, par. 24 (annexe 16). Voir également “Back into Exile”, The Economist
(18 June 2015) (annexe 1057).
1204 Rapport Magocsi, par. 82 (annexe 21).
1205 Ibid., par. 9, 13, 51 (annexe 21).
332
- 217 -
582. Dans leur ensemble, ces éléments établissent que la discrimination, telle que définie par
ailleurs au paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR, pratiquée contre les Tatars de Crimée
constitue une violation de la convention.
3. Les Ukrainiens de Crimée forment un groupe ethnique distinct et identifiable
583. Un ensemble d’éléments subjectifs et objectifs confirment également l’identité propre
des Ukrainiens de Crimée en tant que groupe distinct comprenant à la fois des locuteurs ukrainiens
et des individus qui se définissent comme ukrainiens d’un point de vue civique.
584. Au fil des siècles, l’Empire russe, l’Union soviétique, l’Ukraine et la Fédération de Russie
ont tous créé une catégorie distincte pour les Ukrainiens dans leurs formulaires de recensement1206.
Dans le cadre de récents recensements effectués aussi bien par l’Ukraine1207 que par la Fédération de
Russie1208, une distinction était établie entre les Ukrainiens de Crimée qui parlaient ukrainien et ceux
qui ne le parlaient pas. Les membres de la communauté ukrainienne en Crimée ont un sentiment
d’identité commun fondé non seulement sur la langue, mais également sur une vision commune quant
au maintien de la Crimée dans le territoire souverain de l’Ukraine et à l’importance de la défense des
libertés individuelles1209.
585. Les éléments objectifs qui établissent une appartenance ethnique à la communauté
ukrainienne en Crimée sont notamment, pour ceux qui parlent ukrainien, l’existence de cette langue
distincte. Pour ceux qui, sans être ukrainophones, se définissent en tant qu’Ukrainiens, l’attachement
à d’autres facettes de la culture ukrainienne, comme l’histoire, le folklore, la musique ou les sports
d’équipe, peut constituer un élément pertinent1210. L’identité sociale et les croyances politiques
contribuent également à l’appartenance ethnique ukrainienne distincte en Crimée1211. Ceux qui
s’estiment d’appartenance ethnique ukrainienne pourront par exemple avoir en commun, depuis
mars 2014, la conviction que la Crimée est ukrainienne et que l’occupation russe de la péninsule est
illicite.
586. Dans leur ensemble, ces éléments établissent que la discrimination, telle que définie par
ailleurs au paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR, pratiquée contre les Ukrainiens constitue
une violation de la convention.
1206 Ibid., par. 33, 46 (annexe 21) ; All-Ukrainian Population Census National Composition of Population,
Autonomous Republic of Crimea (2001) (annexe 730) ; Russia Census in the Republic of Crimea, National Composition
of the Population (2014) (annexe 878).
1207 Voir ci-dessus, note de bas de page 754.
1208 Russia Census in the Republic of Crimea, National Composition of the Population (2014) (annexe 878) ; voir
également Address by President of the Russian Federation, The Kremlin, Moscow (18 March 2014) (où il est fait observer
que la population de Crimée compte 350 000 «Ukrainiens, qui considèrent majoritairement le russe comme leur langue
maternelle») (annexe 887).
1209 Déposition d’Anna Andriyevska, par. 3-4 (annexe 14).
1210 Rapport Fredman, par. 37 (annexe 22).
1211 Rapport Fredman, par. 43-52 (annexe 22).
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CHAPITRE 12
VIOLATIONS DE LA CIEDR PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
587. A l’aune des critères énoncés au chapitre 11, le traitement réservé par la Fédération de
Russie aux communautés ukrainienne et tatare de Crimée sur la péninsule emporte sans conteste
violation de nombre des obligations incombant à ce pays en vertu de la CIEDR. Non seulement la
Fédération de Russie ne s’acquitte pas des obligations positives qu’elle a contractées en vertu de la
convention, mais sa campagne de discrimination raciale systématique à l’encontre des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée sur la péninsule est aux antipodes de ce qu’impose la CIEDR. Au
lieu de s’employer à éliminer la discrimination raciale, la Russie met en oeuvre mesure après mesure
ayant pour but ou pour effet d’engendrer cette pratique.
A. Article 2 ⎯ Obligation d’éliminer la discrimination raciale
588. Dans le chapeau du paragraphe 1 de l’article 2, chaque Etat partie s’engage «à poursuivre
par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination
raciale». A cet effet, les Etats parties s’engagent en outre, à l’alinéa a) de cette même disposition, «à
ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale».
589. Il s’ensuit de ces engagements qu’un Etat partie qui se livre à des actes individuels de
discrimination raciale viole la CIEDR. Lorsque celui-ci se livre à une série d’actes constitutifs d’une
pratique ou d’une politique de discrimination raciale, c’est toute sa ligne de conduite qui emporte, de
même, violation de la CIEDR.
590. La portée de la responsabilité étatique engagée au titre de la CIEDR est vaste, englobant
les violations de la convention commises du fait d’actions (ou de l’inaction) de l’Etat ou de ses agents,
ainsi que les actions de tierces parties tolérées par l’Etat.
591. Aux termes de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIEDR, les parties doivent
«s’engage[r] à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale» et «à faire en sorte que
toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette
obligation»1212. En conséquence, les Etats parties sont responsables non seulement d’actes de
discrimination raciale perpétrés par le gouvernement central, mais également de ceux commis par
des autorités régionales ou locales1213. En outre, cette responsabilité s’étend à l’ensemble des
autorités et institutions publiques, y compris les ministères, l’administration, les forces armées, la
police et autres forces de sécurité1214.
1212 CIEDR, article 2, par. 1 a).
1213 La portée de la responsabilité étatique engagée au regard de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 a été
interprétée de manière large dans la pratique, pour couvrir la discrimination pratiquée par des organisations se trouvant
sous le contrôle ou sous l’influence d’organes gouvernementaux. Ainsi, à la suite d’une plainte individuelle, formée au titre
de la CIEDR, les autorités australiennes ont retiré une pancarte racialement injurieuse d’un stade de sport dont les
administrateurs étaient nommés et révoqués par le gouvernement et géraient ledit stade à des fins publiques. Stephen Hagan
c. Australie, communication no 26/2002, CERD/C/62/D/26/2002 (14 avril 2003), par. 4.5, 5.4, 7.3 et 8 (annexe 797).
1214 Voir, par exemple, quatrième à sixième rapports périodiques des Etats parties attendus en 2013, Turquie,
CERD/C/TUR/4-6 (17 avril 2014), par. 35 (confirmant, en réponse à une demande du Comité de la CIEDR, que la Turquie
avait interdit la pratique de la discrimination par les organes de l’Etat, les organes administratifs, les fonctionnaires et les
forces armées) (annexe 802).
335
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592. L’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la CIEDR va au-delà, puisqu’il impose aux
Etats parties de «ne pas encourager, défendre ou appuyer la discrimination raciale pratiquée par une
personne ou une organisation quelconque». Le sens ordinaire des verbes «encourager, défendre ou
appuyer» couvre un large éventail de comportements étatiques rendant possible la discrimination
raciale par des acteurs non étatiques, qui vont de l’assistance active, financière ou autre, à une simple
tolérance, en passant par l’encouragement ou l’approbation expresse ou tacite1215. Cette interprétation
de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2, selon laquelle celui-ci s’étend à l’acception passive de
la discrimination raciale pratiquée par des acteurs non étatiques, est étayée par le contexte de cette
disposition, y compris l’obligation positive que l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 2 fait aux
Etats parties d’interdire, «par tous les moyens appropriés, … la discrimination raciale pratiquée par
des personnes, des groupes ou des organisations et [d’]y mettre fin». L’expression «une personne ou
une organisation quelconque» est suffisamment vaste pour englober les partis politiques, les milices
privées, les formations paramilitaires et autres groupes organisés qui, en apparence, échappent au
contrôle de l’Etat1216.
593. La Fédération de Russie a violé à tous égards l’article 2. Premièrement, sa campagne de
discrimination systématique à l’encontre des communautés ukrainienne et tatare de Crimée est
constitutive d’une pratique et d’une politique de discrimination raciale contraire aux engagements
qu’elle a pris à la fois dans le chapeau de l’article 2 et à l’alinéa a) du paragraphe 1 de ce même
article. Deuxièmement, chacune des composantes discriminatoires de la campagne menée par la
Russie emporte, individuellement, violation de l’obligation que celle-ci a contractée à l’alinéa a) du
paragraphe 1 de l’article 2 de ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale.
Troisièmement, dans la mesure où la Russie soutient que tel ou tel acte discriminatoire était le fait
d’agents non étatiques et n’a pas été empêché par les autorités russes, elle ne fait que confirmer
qu’elle a violé l’obligation lui incombant au titre de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de ne
tolérer d’actes de discrimination commis par une «personne ou une organisation quelconque».
1. Les politique et pratique discriminatoires de la Russie à l’encontre des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée emportent, globalement, violation du paragraphe 1
de l’article 2
594. La succession de violations des droits de l’homme qu’ont subies, de manière
disproportionnée, les communautés ukrainienne et tatare de Crimée, telles que décrites aux
chapitres 8 à 10, participent d’une seule et même ligne de conduite de la Fédération de Russie. Les
mesures discriminatoires mises en oeuvre par celle-ci sont intimement liées à sa volonté d’imposer
sa domination politique, militaire et culturelle sur la péninsule. Par leur fidélité à la position de
principe selon laquelle la Crimée fait partie du territoire souverain de l’Ukraine, les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée représentent ⎯ et c’est bien là que le bât blesse ⎯ un frein à cette
ambition. Les drapeaux ukrainiens et tatars de Crimée brandis, face aux drapeaux russes, par les
manifestants massés devant le bâtiment du Parlement de Crimée le 26 février 2014 en sont une
parfaite illustration1217.
1215 Voir Thornberry, ci-dessus note 1191, p. 185 (««Le soutien» est plus large et peut inclure l’assistance,
l’encouragement ou l’approbation, ainsi que l’appui financier ; de même, il peut inclure le fait de «souffrir» ou «tolérer».»)
(annexe 1029).
1216 Voir, par exemple, cinquième à septième rapports périodiques des Etats parties attendus en 2014, Kenya,
CERD/C/KEN/5-7 (28 janvier 2016), par. 29 (indiquant, en réponse à une demande d’information du Comité de la CIEDR
sur la mise en oeuvre de cet article, que le Kenya avait chargé une institution nationale de «dissuader les personnes,
institutions, partis politiques et associations de faire l’apologie ou la promotion de la discrimination ou des pratiques
discriminatoires fondées sur l’origine ethnique ou la race».) (annexe 803).
1217 Voir ci-dessus, chapitre 8, section B, figure 13.
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595. La prétendue annexion de la Crimée par la Russie a notamment revêtu la forme d’une
vaste offensive des autorités d’occupation russes contre les droits civils et politiques, visant à museler
toute opposition à ladite annexion. Cette offensive a été à la fois généralisée et concertée. Des
militants ukrainiens et tatars de Crimée ont été la cible d’enlèvements, à la suite desquels ils ont été
torturés, et parfois tués, dans le cadre d’une campagne d’intimidation visant leurs communautés
respectives à l’approche du référendum1218. Le Majlis a fait l’objet de mesures vexatoires et ses
activités ont, pour finir, été interdites1219. Ses dirigeants, quand ils n’étaient pas bannis, ont été
emprisonnés dans la péninsule sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, ou soumis à des
perquisitions arbitraires et répétées1220. La communauté tatare de Crimée, de manière plus générale,
a subi des perquisitions et des détentions systématiques revêtant le même caractère arbitraire,
motivées par le prétendu souci d’éradiquer l’extrémisme religieux1221. La citoyenneté russe a été
imposée aux habitants de la Crimée occupée, générant chez les Ukrainiens et les Tatars de Crimée
l’ayant acceptée des conflits de loyauté, et permettant aux autorités d’occupation russes de réserver
un traitement ouvertement discriminatoire à ceux qui, au contraire, l’avaient refusée1222.
596. Les communautés ukrainienne et tatare de Crimée se caractérisent en partie par leur
fidélité à la conviction que la péninsule relève du territoire souverain de l’Ukraine et que, partant, sa
prétendue annexion par la Russie est illicite. En conséquence, ces deux communautés ont subi de
manière disproportionnée l’attaque menée par la Russie contre certains droits civils et politiques. Il
n’existe aucun motif légitime capable de justifier les différences entre le traitement subi par ces
communautés et celui réservé, par exemple, aux Russes de souche favorables à l’annexion. La
motivation consistant à éliminer toute opposition à une annexion n’est pas de celles dont la Russie
puisse exciper, et ce, d’autant moins que le simple fait d’avoir envahi puis intégré la Crimée à son
territoire est déjà constitutif d’une violation flagrante du droit international.
597. En sus de mener l’offensive contre les droits civils et politiques, la Fédération de Russie
a systématiquement battu en brèche l’expression culturelle des communautés ukrainienne et tatare
de Crimée. Des rassemblements culturels ukrainiens et tatars de Crimée n’ont pas été autorisés ou
ont été perturbés, alors que des rassemblements russes ont pu se tenir sans accroc. Des Ukrainiens et
Tatars de Crimée s’exprimant de manière indépendante dans les médias ont été réduits au silence.
L’accès à l’enseignement en langues ukrainienne et tatare de Crimée a été limité. Autant de preuves
que, par ses politique et pratique de discrimination raciale, la Russie cherche en dernière analyse à
annihiler culturellement les communautés ukrainienne et tatare de Crimée, faisant ainsi place nette
en vue d’imposer sa propre domination culturelle dans la péninsule. Cette politique, qui n’est pas
sans rappeler la tentative de Staline d’exterminer des cultures entières dans la péninsule au moyen
de déportations en masse, n’a pas davantage de justification légitime.
598. Les différentes composantes du comportement discriminatoire de la Russie en Crimée
sont, globalement, constitutives d’une seule et même politique ou pratique, tendant à sanctionner
collectivement les deux communautés qui se sont opposées à l’imposition de l’hégémonie russe sur
la péninsule criméenne. En poursuivant une politique si contraire aux objectifs de la CIEDR, la
Russie viole de manière patente les obligations qui lui incombent, en vertu de l’article 2 de la
convention, de «poursuivre … une politique tendant à éliminer toute forme de discrimination
raciale» et de «ne se livrer à aucun[e] … pratique de discrimination raciale».
1218 Voir ci-dessus, chapitre 9, section A.
1219 Voir ci-dessus, chapitre 9, section B.
1220 Voir ibid.
1221 Voir ibid.
1222 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
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2. Pris isolément, les actes discriminatoires de la Russie emportent violation des alinéas a)
ou b) du paragraphe 1 de l’article 2
599. Pour les raisons expliquées ci-dessus, chacun des actes de discrimination contraires aux
articles 4, 5 et 6 (tels qu’ils seront décrits ci-dessous), pris isolément, emporte également violation
des alinéas a) ou b) du paragraphe 1 de l’article 2. Lorsque l’acte en question est attribuable à la
Fédération de Russie elle-même, il emporte violation du devoir incombant à celle-ci, aux termes de
l’alinéa a), de «ne se livrer à aucun acte … de discrimination raciale … et [de] faire en sorte que
toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette
obligation». Lorsque l’acte en question n’est pas attribuable à la Fédération de Russie, mais a été
toléré par les autorités russes, il emporte violation de l’obligation faite à la Russie, aux termes de
l’alinéa b), de «ne pas encourager, défendre ou appuyer la discrimination raciale pratiquée par une
personne ou une organisation quelconque».
B. Article 4 ⎯ Incitation à la discrimination raciale
600. L’article 4 fait obligation aux Etats parties de «condamne[r] toute propagande … qui
prétend … justifier ou encourager toute forme de haine et de discrimination raciales» et d’«adopter
immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à une telle discrimination,
ou tous actes de discrimination»1223. Entre autres mesures à cet effet, les Etats parties sont tenus
d’«interdire les organisations … qui incitent à la discrimination raciale et qui l’encouragent»1224 et
de ne pas «permettre aux autorités publiques ni aux institutions publiques, nationales ou locales,
d’inciter à la discrimination raciale ou de l’encourager»1225. Or, une fois de plus, en Crimée, la
Fédération de Russie a fait précisément l’inverse. Au lieu de prendre des mesures destinées à éliminer
l’incitation à la discrimination raciale, elle a elle-même délibérément attisé les tensions raciales et a
encouragé (ou, à tout le moins, toléré) pareille pratique de la part de tierces parties.
601. Ainsi qu’il a été décrit au chapitre 8, l’opération de la Fédération de Russie visant à
prendre le contrôle de la Crimée reposait notamment sur une campagne de désinformation destinée
à persuader les Russes de souche, dans la péninsule, de l’imminence d’une offensive de fascistes
ukrainiens1226. Cette campagne semble avoir été lancée par les services de renseignement russes sur
les médias sociaux, puis relayée par les chaînes de télévision russes diffusées en Crimée1227. Elle a
été coordonnée au plus haut niveau de l’Etat, dont des responsables ⎯ allant jusqu’au président
Poutine ⎯ ont, par leurs commentaires, contribué à cette rhétorique mensongère et incendiaire1228.
602. L’extension illicite à la Crimée de l’application des lois russes relatives à la lutte contre
l’extrémisme, dont les Ukrainiens et les Tatars de Crimée font les frais de manière disproportionnée,
a aggravé la situation. Le fait de prendre pour cible, dans ce cadre, les Tatars de Crimée, désignés
comme des extrémistes religieux1229, et les Ukrainiens, désignés comme des menaces à l’intégrité
1223 CIEDR, article 4 (chapeau).
1224 Ibid., article 4 b).
1225 Ibid., article 4 c).
1226 Voir ci-dessus, chapitre 8, section B.
1227 Voir ibid.
1228 Voir ci-dessus, chapitre 8, section B.
1229 Voir, par exemple, ibid.
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territoriale de la Russie1230, a alimenté la méfiance mutuelle entre les communautés ethniques et, loin
de les réduire, a accru les risques de discrimination raciale.
603. Une fois de plus, aucun motif raisonnable ne saurait justifier le comportement de la
Russie. Les Tatars de Crimée pratiquent, depuis des siècles, une forme d’islam modérée. Donner
l’impression que la société tatare de Crimée est infiltrée d’islamistes ne sert en rien à assurer la
sécurité publique et aggrave même les risques de conflit à terme, en transformant les Tatars de
Crimée en objets de peur et de haine. De même n’est-il pas raisonnablement justifiable de taxer les
Ukrainiens de fascisme ou de les accuser, dans le cadre des lois relatives à la lutte contre
l’extrémisme, de menacer l’intégrité territoriale de la Russie. L’emploi de termes aussi connotés,
d’un point de vue historique, ne peut qu’attiser les tensions entre voisins et, loin de les diminuer,
accroître les risques de conflit ethnique. En regard des efforts qu’avait déployés l’Ukraine pour
promouvoir le multiculturalisme au sein de la population pluriethnique de Crimée avant 2014, le
caractère incendiaire des politiques raciales clivantes de la Fédération de Russie ressort on ne peut
plus clairement1231.
C. Article 5 ⎯ Egalité devant la loi
604. L’article 5 fait obligation aux Etats parties de garantir l’égalité devant la loi dans la
jouissance d’un certain nombre de droits, dont beaucoup sont précisés dans d’autres instruments
universels ou régionaux relatifs aux droits de l’homme. Le comportement de la Russie emporte
violation de nombreuses dispositions spécifiques de cet article en tant que, par comparaison avec les
autres groupes ethniques, les atteintes aux droits de l’homme touchent de manière disproportionnée
les Tatars de Crimée et les Ukrainiens de la péninsule.
1. Article 5 a) — Droit à un traitement égal devant les tribunaux
605. L’article 5 de la CIEDR, en son alinéa a), garantit l’égalité devant la loi dans la jouissance
du «[d]roit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice».
Dans son sens ordinaire, cette disposition signifie que les Etats parties doivent garantir l’absence de
discrimination dans le fonctionnement de leur système judiciaire. Le Comité de la CIEDR a considéré
que l’alinéa a) de l’article 5 couvrait les actes non seulement des tribunaux, mais aussi des forces de
l’ordre ou du système pénitentiaire1232.
606. L’offensive judiciaire lancée par la Fédération de Russie contre le Majlis et ses dirigeants
emporte violation de cette disposition. Les tribunaux russes ont interdit le Majlis en le qualifiant
d’organisation extrémiste1233, gelé les avoirs de l’ONG qui le finance1234, et ont condamné certains
de ses hauts responsables sur le fondement d’accusations forgées de toutes pièces et, dans le cas de
M. Chiygoz, clairement discriminatoires1235. Aucun autre groupe ethnique de la péninsule n’a subi
pareille répression. Même après que la Cour eut prescrit à la Russie de «[s]’abstenir de maintenir ou
1230 Voir, par exemple, ibid.
1231 Voir déposition de Yulia Tyshchenko, par. 4-19 (annexe 17) ; déposition de Lenur Islyamov, par. 2-8
(annexe 18) ; déposition d’Andriy Shchekun, par. 4-8 (annexe 13) ; déposition d’Anna Andriyevska, par. 2-4 (annexe 14).
1232 Voir aussi comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale XXXI
(recommandant diverses mesures concernant les forces de l’ordre et le système pénitentiaire en rapport avec la mise en
oeuvre de l’alinéa a) de l’article 5 de la CIEDR) (annexe 789).
1233 Voir ci-dessus, chapitre 9, section B.
1234 Voir ci-dessus, chapitre 9, section B.
1235 Voir ci-dessus, chapitre 9, section B.
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d’imposer des limitations à la capacité de la communauté des Tatars de Crimée de conserver ses
instances représentatives, y compris le Majlis», la Cour suprême de Crimée a rejeté, sur la base de
considérations d’ordre procédural pour le moins douteuses, les demandes de plaignants tatars de
Crimée tendant au réexamen de la mesure d’interdiction1236.
607. La Russie a encore violé l’alinéa a) de l’article 5 en faisant subir de manière
disproportionnée à des membres de la communauté tatare de Crimée des perquisitions et des
détentions arbitraires1237. Ces perquisitions ont été menées dans des établissements scolaires, au
domicile ou sur le lieu de travail de Tatars de Crimée, ainsi que dans des villages entiers
majoritairement peuplés de Tatars de Crimée1238.
608. Les différences de traitement ainsi réservées à la communauté tatare de Crimée n’ont
aucune justification raisonnable. La Fédération de Russie a maintes fois invoqué ses lois relatives à
la lutte contre l’extrémisme pour tenter de légitimer les affaires intentées en justice contre le Majlis
et ses dirigeants, et le fait que les Tatars de Crimée soient la cible de telles perquisitions et
détentions1239. Mais ces lois — fort critiquées par la commission de Venise, entre autres, en tant
qu’elles permettent à l’Etat d’agir de manière arbitraire1240 — ont vu leur application étendue à la
Crimée en violation des obligations incombant à la Russie au titre du droit international humanitaire,
et ne sauraient être invoquées à titre de justification. En outre, l’utilisation de telles lois aux fins de
poursuivre en justice des personnes privées et des institutions tatares de Crimée défendant la
souveraineté ukrainienne est contraire au droit international. Et quand bien même la Fédération de
Russie serait fondée à appliquer sa législation en Crimée, il est clair que celle-ci est invoquée pour
pratiquer des perquisitions dont la véritable motivation n’est pas celle avancée, à savoir mettre au
jour des documents «extrémistes religieux», puisque la communauté tatare de Crimée observe
traditionnellement une forme d’islam qui n’est nullement extrême ou violente, mais modérée1241.
2. Article 5 b) — Droit à la sûreté de la personne et à la protection contre les voies de fait ou
les sévices
609. L’article 5 de la CIEDR, en son alinéa b), garantit l’égalité devant la loi dans la jouissance
du «[d]roit à la sûreté de la personne et à la protection de l’Etat contre les voies de fait ou les sévices
de la part soit de fonctionnaires du gouvernement, soit de tout individu, groupe ou institution». Cette
disposition est de large portée, englobant toutes les violences ou blessures infligées aux membres
d’un groupe protégé, et non pas seulement les cas de violence aggravée — «torture, … peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants» — visés dans d’autres grands instruments relatifs aux
droits de l’homme1242.
1236 Voir ci-dessus, chapitre 9, section B.
1237 Voir ci-dessus, chapitre 9, sections A et B.
1238 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C, et chapitre 10, section D ; déposition de Lenur Islyamov, par. 13, 17,
25-28 (annexe 18) ; déposition de Yulia Tyshchenko, par. 22 (annexe 17).
1239 Voir ci-dessus, chapitre 9, sections B et C.
1240 Voir ci-dessus, chapitre 10, section A.
1241 Voir ci-dessus, chapitre 8, section A ; rapport Magocsi, p. 82 (annexe 21).
1242 Voir, par exemple, Déclaration universelle des droits de l’homme, article 5 ; Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (ci-après le «PIDCP»), article 7. La version officielle française de l’alinéa b) de l’article 5 cadre
avec cette interprétation large, puisque les termes «violence or bodily harm» sont rendus par les mots «voies de fait»
(expression généralement traduite en anglais par le terme «assaults») et «sévices» («abuses»).
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610. La Russie a violé cette disposition en encourageant ou en tolérant les disparitions,
l’enlèvement, le meurtre et la torture de militants ukrainiens et tatars de Crimée, spécifiquement pris
pour cible. Reshat Ametov a été enlevé en plein jour par des hommes en uniforme avant d’être
brutalement torturé et assassiné1243. Andrii Shchekun a été appréhendé par les forces
d’«autodéfense», et est passé entre les mains de la police, avant d’être maintenu en détention illicite
et torturé, apparemment par des membres des services de renseignement russes1244. L’Organisation
des Nations Unies a fait état de disparitions «systématiques», à l’approche du référendum, dont les
victimes étaient dans leur écrasante majorité des Ukrainiens et Tatars de Crimée de sexe masculin1245.
La Fédération de Russie porte la responsabilité directe de violences discriminatoires à l’encontre
d’Ukrainiens et de Tatars de Crimée, a assumé cette responsabilité en intégrant les forces
d’«autodéfense» au sein des forces de maintien de l’ordre de la péninsule1246, ou encore a engagé sa
responsabilité en tolérant des actes de violence infligés par des agents non étatiques dans le dessein
d’intimider des opposants à l’annexion.
3. Article 5 c) ⎯ Droit de participer aux élections et de prendre part au gouvernement
611. L’article 5 de la CIEDR, en son alinéa c), garantit l’égalité devant la loi dans la jouissance
des
«droits politiques, notamment droit de participer aux élections ⎯ de voter et d’être
candidat ⎯ selon le système du suffrage universel et égal, droit de prendre part au
gouvernement ainsi qu’à la direction des affaires publiques, à tous les échelons, et droit
d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques».
612. L’imposition et l’application, par la Fédération de Russie, de lois limitant aux
ressortissants russes ne détenant la citoyenneté d’aucun autre Etat le droit d’occuper des postes dans
l’administration publique, y compris municipale, ou d’être candidats à des fonctions
gouvernementales ou municipales, emportent violation de cette disposition1247. Ces restrictions
opèrent une discrimination à l’encontre des Ukrainiens et des Tatars de Crimée qui ont été en mesure
de refuser que leur soit imposée la citoyenneté russe en faisant état de leur souhait de conserver la
citoyenneté ukrainienne, ainsi que des nombreux Ukrainiens et Tatars de Crimée n’ayant pu
prétendre à la citoyenneté russe à défaut d’être à même de présenter des preuves de résidence
permanente en Crimée. La mise en oeuvre de ces lois lèse en outre tout particulièrement les
Ukrainiens et Tatars de Crimée titulaires de postes dans l’administration publique, y compris
municipale, qui n’ont pas refusé la citoyenneté russe par crainte de perdre leur emploi et qui se
retrouvent, en conséquence, en proie à de conflits de loyauté et de devoirs.
613. Il n’existe aucun motif raisonnable justifiant cette différence de traitement imposée à des
non-ressortissants russes ou à des ressortissants russes détenteurs d’une deuxième nationalité. Et la
Fédération de Russie ne saurait invoquer les paragraphes 2 ou 3 de l’article premier de la CIEDR
pour se soustraire à l’examen qu’appellent ces mesures discriminatoires1248. Les distinctions
discriminatoires ici en cause résultent de ce que la Russie a annexé la Crimée et y a imposé sa
1243 Voir ci-dessus, chapitre 9, section A.
1244 Voir ci-dessus, chapitre 9, section A ; déposition d’Andriy Shchekun, par. 19-25 (annexe 13).
1245 Voir ci-dessus, chapitre 9, section A.
1246 Voir ci-dessus, chapitre 9, section A ; loi sur la milice populaire de Crimée, no 1734-6/14 (11 mars 2014).
1247 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C ; loi sur l’admission, article 4, par. 3.
1248 CIEDR, article 1, par. 2 (inapplicabilité de la CIEDR aux distinctions entre ressortissants et non-ressortissants) ;
article 1, par. 3 (indiquant que la CIEDR n’affecte pas les dispositions législatives concernant la nationalité, à condition
que ces dispositions ne soient pas discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière).
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citoyenneté, en violation du droit international humanitaire1249. La Russie ne saurait exciper de ses
propres faits internationalement illicites pour limiter les obligations lui incombant envers les
ressortissants ukrainiens dans la péninsule criméenne occupée.
4. Article 5 d), points i) et ii) ⎯ Droit de circuler librement et de choisir sa résidence à
l’intérieur d’un Etat ; droit de quitter son pays et de revenir dans son pays
614. Le point i) de l’alinéa d) de l’article 5 garantit l’égalité devant la loi dans la jouissance du
«[d]roit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat». Au point ii), il énonce
la même garantie s’agissant du «[d]roit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son
pays». Conformément à l’alinéa c) du paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne sur le
droit des traités1250, la portée des droits visés par ces articles doit être interprétée comme couvrant les
droits correspondants reconnus en vertu des règles de droit international humanitaire applicables à la
Crimée, compte tenu de l’occupation de celle-ci par la Russie1251. Plus précisément, l’article 49 de la
quatrième convention de Genève de 1949 prévoit ceci :
«Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de
personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance
occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit
le motif.»
615. La Fédération de Russie a bafoué le droit de circuler librement et celui de choisir sa
résidence en exilant les Tatars de Crimée, dont Mustafa Dzhemilev et Refat Chubarov, pour des
raisons politiques, et en entravant la liberté de nombreux autres Tatars de Crimée d’entrer sur le
territoire criméen, ou d’en sortir1252. Les dirigeants politiques d’autres groupes ethniques n’ont pas
été soumis à un traitement comparable. Plus généralement, en assujettissant les habitants ukrainiens
de Crimée non titulaires de la nationalité russe au régime russe en matière d’immigration, la
Fédération de Russie a compromis la jouissance de ces droits par des membres des communautés
1249 Voir quatrième convention de Genève (1949), article 47 (interdiction de priver de certains droits les personnes
protégées «soit par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la Puissance occupante soit … en raison de
l’annexion par cette dernière de tout ou partie du territoire occupé») ; convention (IV) concernant les lois et coutumes de
la guerre sur terre : règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye (1[8] octobre 1907) [Extraits],
article 45 («Il est interdit de contraindre la population d’un territoire occupé à prêter serment à la puissance ennemie.»)
(annexe 979).
1250 Dans le contexte de la présente affaire, les règles du droit international humanitaire, et, en particulier, du droit
relatif à l’occupation, sont des règles de droit international pertinentes applicables dans les relations entre les Parties.
Nonobstant le caractère illicite de son intervention militaire, telle que reconnue par l’Assemblée générale des
Nations Unies, la Fédération de Russie a le statut de puissance occupante et est tenue à des obligations envers la population
de Crimée en vertu du droit international. Ces obligations ne priment ni ne restreignent l’application de la CIEDR dans le
territoire occupé. Selon son libellé, la CIEDR ne permet pas aux Etats parties de déroger à ses dispositions dans les
situations d’occupation. Voir Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 226, par. 25 (précisant que les dérogations aux dispositions du PIDCP en temps de guerre sont
limitées aux cas expressément prévus à l’article 4). Et le droit international humanitaire lui-même impose aux puissances
occupantes une obligation parallèle de non-discrimination. Voir quatrième convention de Genève (1949), article 27 («[L]es
personnes protégées seront toutes traitées par la Partie au conflit au pouvoir de laquelle elles se trouvent, avec les mêmes
égards, sans aucune distinction défavorable, notamment de race, de religion ou d’opinions politiques.»).
1251 Le paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR inclut dans le champ d’application de celle-ci toute
discrimination en rapport avec «la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de
l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre
domaine de la vie publique». Dès lors que l’existence d’un conflit armé ou d’une situation d’occupation justifie l’application
du droit international humanitaire, les droits de l’homme et les libertés fondamentales garantis par le droit international
humanitaire entrent également dans le champ d’application de la CIEDR.
1252 Voir ci-dessus, chapitre 9, section B ; déposition d’Eskender Bariiev, par. 31-32 (annexe 15) ; déposition de
Mustafa Dzhemilev, par. 29 (annexe 16).
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ukrainienne et tatare de Crimée1253. Le transfert par la Russie de détenus ukrainiens et tatars de
Crimée vers des prisons situées sur le continent russe est constitutif non seulement de déportation,
soit une violation des obligations incombant à la Russie en vertu du droit international
humanitaire1254, mais également de discrimination à l’encontre des détenus ukrainiens et tatars de
Crimée qui, à la différence des Russes de souche partisans de l’annexion, se considèrent, sur le sol
russe, en territoire hostile.
5. Article 5 d) iii) — Droit à une nationalité
616. La Russie a imposé sa citoyenneté à la population ukrainienne de Crimée en violation des
obligations qui sont les siennes en vertu du droit relatif à l’occupation1255. Au nombre des individus
qu’elle assimile désormais à des citoyens russes aux fins de l’application de ses lois figurent de
nombreux Ukrainiens et Tatars de Crimée qui continuent, quant à eux, de se considérer comme des
citoyens ukrainiens. Tel est le cas de ceux qui, parce qu’ils refusaient ⎯ à bon droit ⎯ de cautionner
la prétendue annexion russe, ont demandé à conserver leur citoyenneté ukrainienne conformément à
l’article 4 de la loi sur l’admission 1256 ; d’autres qui auraient fait cette démarche, en application de
l’article 4, s’ils en avaient plus concrètement eu la possibilité1257 ; d’agents de la fonction publique
contraints d’accepter l’octroi de la citoyenneté russe de crainte de perdre leur emploi1258 ; et
d’individus en situation de vulnérabilité, par exemple des personnes qui se trouvaient détenues par
les autorités au moment où la loi sur l’admission est entrée en vigueur, et à qui il n’a pas réellement
été donné la possibilité de décliner la citoyenneté russe1259.
617. Le droit à une nationalité de ces Ukrainiens et Tatars de Crimée qui ne voulaient pas
devenir des citoyens russes est fortement compromis par le peu de cas que la Fédération de Russie
fait de leur citoyenneté ukrainienne. Ainsi, parce qu’ils sont censés être ressortissants russes, les
membres de ce groupe sont désormais en proie à des conflits de loyauté et s’exposent aux lourdes
sanctions réservées en droit russe aux citoyens russes reconnus coupables d’assistance à
l’Ukraine1260. Ils peuvent désormais être enrôlés dans les rangs des forces armées de la Fédération de
Russie, où ils courent le risque de devoir prendre les armes contre l’Ukraine1261. En conséquence de
la décision de la Fédération de Russie de les assimiler à des citoyens russes, ils risquent également
de voir violés les droits que leur reconnaît le droit international — y compris leurs droits en tant que
personnes protégées en vertu du droit international humanitaire. Ainsi, Oleg Sentsov continue d’être
détenu dans une prison située à l’extrême nord de la Fédération de Russie, et de se voir refuser
l’assistance consulaire de l’Etat dont il est réellement le ressortissant, au prétexte qu’il est citoyen
russe, et non ukrainien1262.
1253 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
1254 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
1255 Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre : règlement concernant les lois et
coutumes de la guerre sur terre, La Haye (18 octobre 1907) [Extraits], article 45 (annexe 979).
1256 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
1257 Voir ibid.
1258 Voir ibid.
1259 Voir ibid.
1260 Voir ibid.
1261 Voir ibid.
1262 Voir ibid.
348
- 227 -
618. Ce fardeau est, de manière disproportionnée, le lot des membres des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée, celles-ci étant restées fidèles à la conviction que la Crimée est un
territoire souverain de l’Ukraine. Les Russes de souche qui ont accueilli avec satisfaction la
prétendue annexion de la Crimée par la Fédération de Russie ne subissent pas de telles atteintes à
leur droit à une nationalité.
6. Article 5 d) viii) — Droit à la liberté d’opinion et d’expression
619. Les lourdes restrictions à la liberté d’expression imposées en Crimée par la Fédération de
Russie depuis février 2014 ont frappé de manière disproportionnée les communautés ukrainienne et
tatare de Crimée. L’un des principaux objectifs de la censure imposée par la Russie est d’empêcher
les journalistes, notamment, de contester la légitimité de la prétendue annexion de la Crimée par la
Russie1263. Cette restriction a naturellement et nécessairement une incidence disproportionnée sur les
journalistes et médias ukrainiens et tatars de Crimée, compte tenu de l’opposition notoire de ces
communautés à l’occupation militaire et à la prétendue annexion russes de la péninsule1264. En
conséquence, de nombreux médias tatars de Crimée se sont vu refuser l’autorisation de se
réenregistrer par les autorités russes sous différents prétextes1265. Des journalistes et des médias
ukrainiens ont fait l’objet de mesures vexatoires et ont été contraints de déménager dans d’autres
parties du territoire ukrainien pour pouvoir continuer leurs activités1266.
620. Aucun motif ne saurait raisonnablement motiver le traitement différencié ainsi réservé
aux communautés ukrainienne et tatare de Crimée. L’Assemblée générale des Nations Unies a
maintes fois condamné l’invasion et la prétendue annexion de la Crimée par la Fédération de Russie
comme contraires aux normes de droit international les plus fondamentales1267. En conséquence, les
restrictions discriminatoires à la capacité des journalistes, notamment, d’affirmer publiquement que
la Crimée continue de faire partie du territoire souverain de l’Ukraine emportent violation du
point viii) de l’alinéa d) de l’article 5.
7. Article 5 d) ix) ⎯ Droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques
621. La Fédération de Russie a enfreint cette disposition en substituant au régime libéral en
matière de réunions publiques qui était en vigueur en Ukraine ses propres lois, autrement plus
restrictives, et en les appliquant de manière discriminatoire à l’effet de priver les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée de la possibilité de célébrer des anniversaires culturellement
importants à leurs yeux. Or, même sous ce régime restrictif, des événements culturels importants aux
yeux de la communauté russe de souche ⎯ tels que l’anniversaire d’Alexandre Pouchkine, le festival
«la grande parole russe» ou les manifestations associées à l’anniversaire de l’annexion illicite ⎯ ont
pu se dérouler sans encombre. Dans le même temps, ainsi que montré au chapitre 10, ou que rapporté
par Eskender Bariiev et Andrii Shchekun dans leurs dépositions, les tentatives de célébrer la journée
1263 Voir ci-dessus, chapitre 10, section B.
1264 Voir déposition de Lenur Islyamov, par. 9-30 (annexe 18) ; déposition d’Anna Andriyevska, par. 8-20
(annexe 14).
1265 Voir ci-dessus, chapitre 10, section B.
1266 Voir ibid. ; déposition de Lenur Islyamov, par. 13, 26 (annexe 18) ; déposition d’Anna Andriyevska, par. 12
(annexe 14).
1267 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 68/262 sur l’intégrité territoriale de
l’Ukraine, doc. A/RES/68/262 (27 mars 2014) (annexe 43) ; Nations Unies, Assemblée générale, résolution 72/190
concernant la situation des droits de l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine),
doc. A/Res/72/190 (19 décembre 2017) (annexe 50).
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internationale des droits de l’homme1268, de commémorer le Sürgün1269 ou de marquer l’anniversaire
de Taras Shevchenko1270 ont avorté, face au refus des autorités, motivé par différents prétextes,
d’accorder l’autorisation requise, ou face à l’intervention d’agresseurs pro-Russes. Pour autant que
ces derniers n’ont réellement aucun lien avec les autorités d’occupation russes, la Russie enfreint
l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 en tolérant la conduite discriminatoire de tierces parties. Les
manifestations revêtant une importance culturelle aux yeux de la communauté russe de souche ont
pu se tenir sans accroc.
622. Aucun motif ne saurait raisonnablement motiver le traitement différencié ainsi réservé
aux communautés ukrainienne et tatare de Crimée, dont les célébrations annuelles de ces mêmes
anniversaires s’étaient toujours, avant 2014, déroulées de manière totalement pacifique.
8. Article 5 e) i) ⎯ Droit au travail et au libre choix de son travail
623. Cette disposition garantit l’égalité devant la loi dans la jouissance des
«[d]roits au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et
satisfaisantes de travail, à la protection contre le chômage, à un salaire égal pour un
travail égal, à une rémunération équitable et satisfaisante».
624. La Fédération de Russie a enfreint cette disposition en étendant de manière illicite à la
Crimée ses restrictions à l’emploi de non-détenteurs de la citoyenneté dans l’administration publique,
y compris municipale1271. Ces restrictions opèrent une discrimination à l’encontre des Criméens qui
ont été en mesure de refuser que leur soit imposée la citoyenneté russe en faisant état de leur souhait
de conserver leur citoyenneté ukrainienne, ainsi que des nombreux Ukrainiens et Tatars de Crimée
n’ayant pu prétendre à la citoyenneté russe à défaut d’être à même de présenter des preuves de
résidence permanente en Crimée. La mise en oeuvre de ces lois lèse en outre tout particulièrement les
Ukrainiens et Tatars de Crimée titulaires de postes dans l’administration publique, y compris
municipale, qui n’ont pas refusé la citoyenneté russe par crainte de perdre leur emploi et qui se
retrouvent, en conséquence, en proie à des conflits de loyauté et de devoirs.
625. Ainsi qu’expliqué à propos de la violation de l’alinéa c) de l’article 5, la Russie ne peut
invoquer les paragraphes 2 ou 3 de l’article premier de la CIEDR pour justifier son comportement,
car toute distinction entre ressortissants et non-ressortissants qui relèverait de ces dispositions résulte
d’une violation, en amont, du droit international humanitaire.
9. Article 5 e) iv) ⎯ Droit à la santé, aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services
sociaux
626. La Fédération de Russie a enfreint cette disposition en offrant des pensions, une assurance
maladie gratuite et autres allocations sociales aux résidents permanents et citoyens russes en Crimée,
tout en les refusant aux très nombreux Ukrainiens et Tatars de Crimée qui ne pouvaient prétendre à
la nationalité russe, à défaut de preuve de résidence permanente sur la péninsule1272. Ainsi qu’indiqué
1268 Voir ci-dessus, chapitre 10, section B ; déposition d’Eskender Bariiev, par. 9-19 (annexe 15).
1269 Voir ci-dessus, chapitre 10, section B ; déposition d’Eskender Bariiev, par. 5-18 (annexe 15).
1270 Voir ci-dessus, chapitre 10, section B ; déposition d’Andrii Shchekun, par. 19 (annexe 15).
1271 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
1272 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
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plus haut, la Russie ne peut invoquer les paragraphes 2 ou 3 de l’article premier de la CIEDR pour
justifier son comportement, car toute distinction entre ressortissants et non-ressortissants qui en
relèverait résulte de son annexion de la Crimée et de l’imposition de sa citoyenneté, qui emportent,
l’une comme l’autre, violation du droit international humanitaire.
10. Article 5 e) v) ⎯ Droit à l’éducation et à la formation professionnelle
627. La Fédération de Russie a enfreint cette disposition en privilégiant l’enseignement en
langue russe au détriment de l’éducation en langue tatare de Crimée et, plus encore, en langue
ukrainienne1273. Les communautés ukrainienne et tatare de Crimée ont subi une discrimination
supplémentaire avec l’introduction de manuels présentant une vision tendancieuse, prorusse, de
l’histoire, de nature à choquer les Tatars de Crimée, tout particulièrement, au vu de la manière dont
le Sürgün s’y trouve minoré, et Staline, glorifié1274. L’histoire et la littérature ukrainiennes ont
entièrement disparu des curriculums proposés par les universités de la péninsule1275. En outre, la
réorientation du système éducatif vers le système d’enseignement supérieur et le marché du travail
russes touche de manière disproportionnée les Ukrainiens et Tatars de Crimée en tant que membres
de communautés qui souhaitent continuer à évoluer au sein de l’espace économique et social
ukrainien1276.
628. Aucun motif ne saurait raisonnablement motiver le traitement différencié ainsi réservé
aux communautés ukrainienne et tatare de Crimée. En particulier, toute diminution des demandes
officielles d’enseignement en langues ukrainienne et tatare de Crimée est le fruit de pressions
exercées sur les parents, afin qu’ils renoncent, d’emblée, à toute démarche en ce sens1277.
11. Article 5 e) vi) ⎯ Droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités
culturelles
629. La Fédération de Russie a enfreint cette disposition en imposant des restrictions
discriminatoires touchant l’éducation, les médias et les rassemblements publics des Ukrainiens et
Tatars de Crimée, autant de mesures qui ont aussi eu pour effet de faire subir à ceux-ci, dans le
domaine de la vie culturelle, des limitations que n’ont pas connues les autres groupes ethniques de
Crimée. La communauté tatare de Crimée a subi une discrimination supplémentaire dans le domaine
de la vie publique lorsque les tribunaux criméens ont refusé, de manière sélective, de faire droit à
une demande de protection contre les dommages causés, du fait de travaux de rénovation bâclés, à
l’un de ses sites culturels emblématiques en Crimée, le palais du Khan à Bakhtchissaraï.
630. Aucun motif ne saurait raisonnablement motiver le traitement différencié ainsi réservé
aux communautés ukrainienne et tatare de Crimée de la péninsule ; dès lors qu’il s’agit de populations
minoritaires, la volonté qui est la leur de maintenir et de préserver leurs identités culturelles distinctes
constitutives du riche patrimoine multiethnique de la Crimée mérite une sollicitude toute particulière.
1273 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
1274 Voir ci-dessus, chapitre 9, section C.
1275 Déposition de Yulia Tyshchenko, par. 20, 24 (annexe 17).
1276 Voir ci-dessus, chapitre 10, section C.
1277 Voir ci-dessus, chapitre 10, section C ; déposition de Yulia Tyshchenko, par. 25-27 (annexe 17).
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D. Article 6 ⎯ Protection et voie de recours effectives
631. L’article 6 impose aux Etats parties d’assurer «à toute personne soumise à leur juridiction
une protection et une voie de recours effectives, devant les tribunaux nationaux et autres organismes
d’Etat compétents, contre tous actes de discrimination raciale».
632. L’obligation d’assurer «une protection et une voie de recours effectives» implique, eu
égard au sens ordinaire de ces termes, que les Etats contractants doivent non seulement offrir aux
victimes de racisme des voies de recours après les faits, mais également prendre, en amont, des
mesures volontaires pour que nul ne soit même amené à subir une discrimination raciale. L’adjectif
«effectives» qualifie à la fois la «protection» et les «voies de recours» et indique que les efforts
déployés à ces fins par les Etats doivent être de nature à produire l’effet désiré, et non simplement
offrir un semblant de protection ou de voie de recours1278.
633. La recommandation générale du Comité de la CIEDR indique clairement que l’article 6
impose aux Etats parties à la CIEDR de veiller à ce que les plaintes pour discrimination soient
accueillies «de façon satisfaisante», c’est-à-dire à ce qu’elles soient enregistrées «immédiatement»,
et à ce que les enquêtes soient diligentées «sans retard, de manière effective, indépendante et
impartiale»1279. En outre, les fonctionnaires de police doivent accepter de recueillir les plaintes pour
discrimination, et «[t]out refus [de leur part] de recueillir une plainte pour acte de racisme … d[oit]
faire l’objet de sanctions disciplinaires ou pénales»1280. Le Comité a également souligné que, en cas
d’allégations de préjudice causé par l’Etat, les Etats membres étaient tenus de mener des enquêtes
approfondies et de sanctionner les auteurs d’infractions1281.
634. La Russie a enfreint en tous points cette disposition. Ainsi qu’indiqué plus haut, loin de
protéger les communautés ukrainienne et tatare de Crimée contre la discrimination raciale, les
tribunaux ont contribué aux pratiques discriminatoires de la Russie, condamnant les dirigeants tatars
de Crimée sur la base d’accusations forgées de toute pièce, interdisant le Majlis, refusant d’accorder
les remèdes demandés pour protéger le patrimoine culturel tatar de Crimée et jetant en prison les
militants ukrainiens.
635. En outre, les tribunaux n’ont, pas davantage que les autres institutions publiques, offert
de voies de recours contre les effets du comportement discriminatoire de la Russie. La police a
manqué d’enquêter en bonne et due forme sur les disparitions de militants ukrainiens et tatars de
Crimée1282. Le père de l’une des victimes a ainsi été éconduit par le FSB à Simferopol alors qu’il
tentait de signaler la disparition de son fils, enregistrement vidéo de l’enlèvement à l’appui1283. Et la
1278 Oxford English Dictionary (2018) (le terme anglais «effective» étant défini comme signifiant, notamment, «qui
se traduit par un résultat ou produit un effet») (annexe 1092).
1279 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale XXXI, par. 11 (annexe 789).
1280 Ibid., par. 12. En cas d’allégations de tortures, de mauvais traitements ou d’exécutions, le comité pour
l’élimination de la discrimination raciale recommande que les enquêtes soient menées conformément aux principes relatifs
à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement
sur ces exécutions et aux principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits. Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,
recommandation générale XXXI, par. 14 (citant la résolution 555/89 de l’Assemblée générale en date du 4 décembre 2000)
(annexe 789).
1281 Report of the CERD Committee, General Assembly Official Records: 48th Session, Supp. No. 18, U.N.
Doc. No. A/48/18 (19 January 1994), par. 543.
1282 Voir ci-dessus, chapitre 9, section A.
1283 Voir ibid.
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Cour suprême de Crimée a rejeté les demandes de plaignants tatars de Crimée qui, à la suite de
l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour, avaient cherché à obtenir
le réexamen de la décision d’interdire le Majlis1284.
E. Article 7 ⎯ Mesures pédagogiques pour lutter
contre la discrimination raciale
636. Dans cet article, les Etats parties «s’engagent à prendre des mesures immédiates et
efficaces, notamment dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de
l’information, pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale». D’après son
sens ordinaire, cette disposition fait peser sur les Etats parties une obligation positive d’intégrer, dans
leurs politiques en matière d’éducation, de culture et d’information, des mesures visant à triompher
des préjugés, tout particulièrement en ce que ceux-ci visent les minorités raciales ou ethniques.
637. Le comportement de la Fédération de Russie en Crimée emporte clairement violation de
cette disposition. La Russie n’a pas seulement manqué d’adopter, dans les domaines de
l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information, des mesures, pédagogiques ou
autres, en vue de lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale, mais elle a mis en
oeuvre des mesures dont l’effet sera immanquablement de renforcer ces préjugés.
638. Dans les domaines de l’enseignement et de l’éducation, ayant abandonné les efforts
déployés sous le régime ukrainien pour encourager le multiculturalisme dans le système
d’enseignement criméen1285, la Russie a introduit une philosophie de l’enseignement mettant en
valeur l’identité russe — en réduisant les ressources consacrées à l’enseignement dans des langues
autres que le russe1286 et en introduisant de nouveaux manuels qui glorifient son histoire et sa culture
au détriment de celles des autres communautés1287.
639. Dans le domaine culturel, la Fédération de Russie a fait la part belle à sa culture, la plaçant
au-dessus de celle des autres groupes ethniques de Crimée. Les rassemblements publics ayant une
thématique culturelle russe sont autorisés sans autre formalité, tandis que ceux destinés à célébrer
des événements ou des personnalités culturellement importants aux yeux des communautés
ukrainienne et tatare de Crimée sont régulièrement interdits1288. Les médias russes peuvent diffuser
librement en Crimée ; en revanche, les chaînes de télévision ukrainiennes ont été empêchées
d’émettre aux premiers jours de l’occupation, et les médias radiotélévisés et la presse écrite
ukrainiens et tatars de Crimée se voient refuser leur enregistrement en application des lois répressives
sur les médias mises en oeuvre par la Russie, sous des prétextes d’ordre procédural1289.
1284 Voir ci-dessus, chapitre 9, section B.
1285 Voir déposition de Yulia Tyshchenko, par. 4-17 (annexe 17).
1286 Voir ibid., par. 18-27 (annexe 17) ; voir ci-dessus, chapitre 10, section C.
1287 Voir déposition de Yulia Tyshchenko, par. 23 (annexe 17).
1288 Voir, de manière générale, chapitre 10, section A.
1289 Voir, de manière générale, chapitre 10, section B.
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640. Dans le domaine de l’information, enfin, la Russie a lancé une campagne de haine et de
désinformation particulièrement violente, taxant les Ukrainiens de fascisme, et les Tatars de Crimée
d’extrémisme religieux1290.
641. Loin de «lutter contre les préjugés» et de «favoriser la compréhension, la tolérance et
l’amitié entre nations et groupes raciaux ou ethniques», la Russie, par son comportement, attise les
tensions ethniques en Crimée. Ce faisant, elle enfreint de manière patente les obligations qui sont les
siennes au titre de l’article 7 de la CIEDR.
1290 Voir, de manière générale, chapitre 8, section B.
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SECTION C
COMPÉTENCE
CHAPITRE 13
LA COUR A COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DU DIFFÉREND
DES PARTIES CONCERNANT LA CIEDR
642. De même que pour ses demandes relatives à la CIRFT, l’Ukraine présente à la Cour ses
demandes concernant la CIEDR sur le fondement du paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la
Cour1291. La Fédération de Russie et l’Ukraine sont toutes deux parties à cette convention, dont
l’article 22 se lit comme suit :
«Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation ou
l’application de la présente Convention, qui n’aura pas été réglé par voie de négociation
ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention, sera porté, à
la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de Justice pour
qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d’un autre
mode de règlement.»1292
643. L’Ukraine et la Fédération de Russie sont donc convenues de soumettre à la Cour tout
différend concernant l’interprétation ou l’application de la CIEDR, pourvu qu’il soit satisfait à deux
conditions préalables : 1) il doit effectivement exister un différend ; et 2) il faut que ce différend n’ait
pu être réglé «par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément prévues» par la
CIEDR. Ces deux conditions préalables sont réunies.
A. Il existe entre l’Ukraine et la Fédération de Russie un différend
concernant l’interprétation ou l’application de la CIEDR
644. Il ressort du dossier de l’affaire que la Cour a déjà conclu qu’il existait entre l’Ukraine et
la Fédération de Russie un différend concernant l’interprétation ou l’application de la CIEDR1293. La
Cour a résumé les positions divergentes des deux Etats en ces termes : «l’Ukraine a affirmé que la
Fédération de Russie avait manqué aux obligations que lui impose cette convention», alors que «[l]a
Fédération de Russie a nié catégoriquement avoir commis l’une quelconque [de ces] violations»1294.
645. Depuis 2014, l’Ukraine appelle l’attention de la Fédération de Russie sur nombre de
violations particulières de la CIEDR. La première note diplomatique qu’elle lui a adressée à cet égard
fut suivie de dix-huit autres, auxquelles la Fédération de Russie a répondu par quinze notes. Les deux
Parties ont également participé à trois cycles de négociations sur le sujet, sans succès. Etant donné
qu’il a été démontré que la Fédération de Russie «avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir
1291 Statut de la Cour, article 36, par. 1 ; voir ci-dessus, chapitre [7].
1292 CIEDR, article 22.
1293 Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), mesures
conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, C.I.J. Recueil 2017, p. 19-20, par. 37-39. La Cour a en particulier relevé que
«les Parties s’oppos[aient] sur le point de savoir si les événements qui [s’étaient] produits en Crimée à partir de la fin du
mois de février 2014 [avaient] soulevé des questions relatives à leurs droits et obligations découlant de la CIEDR». Ibid.,
p. 15, par. 37.
1294 Ibid.
357
358
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connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à l’«opposition manifeste»» de l’Ukraine, il existe un
différend en l’espèce1295.
B. Le différend entre l’Ukraine et la Fédération de Russie n’a pas été réglé par voie
de négociation ou au moyen des procédures prévues par la CIEDR
646. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires, la Cour a conclu que
l’Ukraine avait «démontr[é] [que les Parties] avaient mené des négociations concernant la question
du respect par la [Fédération de Russie] des obligations de fond lui incombant au titre de la CIEDR»
et qu’il «ressort[ait] des éléments versés au dossier que ces questions n’avaient pas été résolues par
voie de négociation au moment du dépôt de la requête»1296. Nul ne peut sérieusement mettre en doute
les efforts considérables et sincères que l’Ukraine a déployés pour négocier sur le plan bilatéral. De
fait, les efforts de l’Ukraine sont bien plus poussés que ne l’avaient été ceux de la Belgique en
l’affaire Belgique c. Sénégal, dans laquelle la Cour a conclu que le différend n’avait pu être réglé par
voie de négociation1297.
647. Selon la Cour, dès lors que «les Parties n’ont pas modifié leurs positions respectives»,
«les négociations n’ont pas abouti au règlement du différend, et … ne pouvaient y aboutir»1298. En la
présente espèce, il ressort clairement du dossier que l’Ukraine et la Fédération de Russie ont été
incapables de trouver un terrain d’entente. Nonobstant les tentatives de négociation répétées de
l’Ukraine, la Fédération de Russie a invariablement refusé d’aborder les questions de fond1299. En
conséquence, le différend n’a «pas été réglé par voie de négociation», et les conditions préalables
prévues à l’article 22 de la CIEDR sont remplies.
648. La Fédération de Russie a avancé que, après avoir persisté pendant plus de deux ans dans
la voie des négociations bilatérales jusqu’à l’épuiser, l’Ukraine devait encore s’engager avec elle
dans une tentative de conciliation volontaire sous les auspices du comité pour l’élimination de la
discrimination raciale. Cette position est contraire au sens ordinaire de l’article 22 et tend à faire
échec à l’objet et au but de la CIEDR.
649. L’article 22 s’articule autour d’une conjonction disjonctive : «Tout différend … qui
n’aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément prévues par
1295 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le
désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Pakistan), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 568,
par. 38 (citant Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 32, par. 73 ; Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 99, par. 61 ; p. 109-110, par. 87 ; p. 117, par. 104).
1296 Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), mesures
conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, C.I.J. Recueil 2017, p. 25, par. 59.
1297 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil
2012 (II), p. 433-435, par. 24-28, et p. 446, par. 58-59 ; voir ci-dessus, chapitre [7].
1298 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil
2012 (II), par. 59. Voir également Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13
(lorsque l’une des parties «s’est heurtée … à un non volumus» de l’autre, il apparaît «avec évidence que le différend n’est
pas susceptible d’être réglé par une négociation diplomatique»).
1299 Voir, par exemple, la note verbale no 4413 en date du 25 avril 2016 adressée à l’Ukraine par la Fédération de
Russie (dans laquelle, au lieu de répondre aux nombreuses allégations particulières de l’Ukraine, la Fédération de Russie
exhorte celle-ci à lui «fournir des éléments circonstanciés et non des récits vagues et succincts»).
359
360
- 235 -
ladite Convention … »1300. L’interprétation la plus naturelle de cette phrase est que les parties doivent
épuiser soit la voie des négociations soit les procédures prévues par la CIEDR avant de saisir la Cour.
650. Le contexte plus général de l’article 22 démontre également que les rédacteurs de la
CIEDR entendaient permettre aux Etats de soumettre des différends à la Cour sans leur imposer de
satisfaire à deux conditions préalables distinctes. La saisine du Comité de la CIEDR qui est visée à
l’article 22 est facultative, puisqu’il est indiqué qu’un Etat «peut appeler l’attention du Comité sur la
question»1301. La convention énonce toutefois très clairement les conditions préalables à une telle
saisine : le Comité ne peut connaître d’une question «qu’après s’être assuré que tous les recours
internes disponibles ont été utilisés ou épuisés»1302. Si les rédacteurs avaient voulu faire des
démarches facultatives prévues aux articles 11 à 13 un préalable obligatoire à toute action en justice,
il leur aurait été aisé de le dire dans des termes tout aussi clairs1303.
651. L’objet et le but de la CIEDR montrent également que les conditions préalables prévues
à l’article 22 revêtent un caractère alternatif et non cumulatif. En effet, comme plusieurs membres
de la Cour l’ont exposé, «la logique et … la finalité» du texte de l’article 22 sont «décisi[ves]»1304 :
«Le sens de ce texte ne peut pas être d’imposer à un Etat d’accomplir des
procédures inutiles à seule fin de retarder ou d’entraver son accès à la Cour. La finalité
poursuivie n’est pas purement formelle ; la règle vise, si l’on se place dans la perspective
qu’a retenue la Cour, un objectif raisonnable, celui de réserver le règlement judiciaire
aux différends qui ne peuvent pas être résolus par une méthode extrajudiciaire reposant
sur l’accord des parties.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Si l’on comprend le texte ainsi, alors il ne serait pas logique de considérer que les
deux voies mentionnées à l’article 22 sont cumulativement nécessaires. L’une et l’autre
reposent en effet, in fine, sur l’entente entre les parties et leur volonté de chercher une
solution négociée. C’est évident pour la «négociation» ; c’est tout aussi vrai pour les
«procédures expressément prévues» par la partie II de la CIEDR. Le Comité institué par
la convention n’a aucunement le pouvoir d’imposer une solution juridiquement
contraignante aux Etats qu’oppose un différend. … Finalement, l’issue favorable
dépendra de la disposition des parties à s’entendre, c’est-à-dire de leur volonté de
négocier.
En conséquence, cela n’aurait aucun sens d’obliger l’Etat qui aurait tenté sans
succès de négocier directement avec un autre Etat contre lequel il a des griefs à mettre
1300 CIEDR, article 22 (les italiques sont de nous).
1301 CIEDR, article 11, par. 1. Notons qu’il est clairement indiqué sur le site Internet du Comité de la CIEDR que
les procédures de plainte interétatique n’ont «jamais été utilisées» (https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/
TBPetitions/Pages/HRTBPetitions.aspx.
1302 CIEDR, article 11, par. 3 (les italiques sont de nous).
1303 Voir également Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), opinion
dissidente de M. le juge Cançado Trindade, p. 283, par. 96 («[L]orsque les rédacteurs de la CIEDR ont jugé nécessaire
d’élaborer une condition de procédure, ils l’ont manifestement fait sans laisser la moindre place à une autre interprétation
ou au doute.»).
1304 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), opinion dissidente commune de
M. le juge Owada, président, et de MM. les juges Simma et Abraham, Mme le juge Donoghue et M. le juge ad hoc Gaja,
p. 156, par. 43.
361
- 236 -
en oeuvre la procédure spéciale de la partie II, sauf à verser dans un formalisme qui ne
saurait correspondre à l’esprit du texte.»1305
652. En la présente instance, l’Ukraine a persisté dans la voie des négociations jusqu’à
l’épuiser, et aucun observateur raisonnable ne pourrait conclure qu’un règlement négocié avec la
Russie est possible. Dans ces circonstances, il serait «hautement déraisonnable» d’interpréter
l’article 22 comme exigeant de l’Ukraine qu’elle retarde la recherche d’une solution judiciaire
contraignante pour s’engager, sans espoir de succès, dans une tentative de conciliation de longue
haleine1306.
1305 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), opinion dissidente commune de
M. le juge Owada, président, et de MM. les juges Simma et Abraham, Mme le juge Donoghue et M. le juge ad hoc Gaja,
p. 156, par. 43.
1306 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), opinion dissidente commune de
M. le juge Owada, président, et de MM. les juges Simma et Abraham, Mme le juge Donoghue et M. le juge ad hoc Gaja,
p. 157, par. 44.
- 237 -
QUATRIÈME PARTIE
CONCLUSIONS
653. Pour les raisons exposées dans son mémoire, l’Ukraine prie respectueusement la Cour de
dire et juger que :
S’agissant de la CIRFT :
a) La Fédération de Russie a violé l’article 18 de la CIRFT en manquant de coopérer à la prévention
des infractions de financement du terrorisme visées à l’article 2, en tant qu’elle n’a pas pris toutes
les mesures possibles afin d’empêcher et de contrecarrer la préparation sur son territoire de telles
infractions devant être commises à l’intérieur ou à l’extérieur de celui-ci. En particulier, la
Fédération de Russie a violé l’article 18 en manquant de prendre les mesures possibles afin :
i) d’empêcher des représentants ou agents de l’Etat russe de financer le terrorisme en Ukraine ;
ii) de décourager des personnes publiques ou privées ainsi que d’autres tiers ne relevant pas de
l’Etat de financer le terrorisme en Ukraine ; iii) de surveiller sa frontière avec l’Ukraine afin de
mettre un terme au financement du terrorisme ; et iv) de surveiller et suspendre les activités
bancaires et autres activités de collecte de fonds entreprises par des personnes privées ou
publiques sur son territoire en vue de financer le terrorisme en Ukraine.
b) La Fédération de Russie a violé l’article 8 de la CIRFT en manquant d’identifier et de détecter
les fonds utilisés ou destinés à être utilisés pour financer le terrorisme en Ukraine et en manquant
de geler et de saisir de tels fonds.
c) La Fédération de Russie a violé les articles 9 et 10 de la CIRFT en manquant d’enquêter sur les
faits concernant des personnes qui se sont ou se seraient livrées au financement du terrorisme en
Ukraine, et d’extrader ou de poursuivre les auteurs présumés de cette infraction.
d) La Fédération de Russie a violé l’article 12 de la CIRFT en manquant d’accorder à l’Ukraine
l’entraide judiciaire la plus large possible pour toute enquête pénale relative à une infraction de
financement du terrorisme.
e) Du fait des violations de la CIRFT commises par la Fédération de Russie, les intermédiaires de
celle-ci en Ukraine ont reçu des fonds qui leur ont permis de se livrer à de nombreux actes de
terrorisme, notamment la destruction de l’appareil assurant le vol MH17, les tirs d’artillerie
contre Volnovakha, Marioupol, Kramatorsk et Avdiivka, les attentats à l’explosif perpétrés à
Kharkiv lors de la marche pour l’unité et au Stena Rock Club, ainsi que la tentative d’assassinat
d’un député ukrainien.
S’agissant de la CIEDR :
f) La Fédération de Russie a violé l’article 2 de la CIEDR en se livrant à des actes nombreux et
généralisés de discrimination raciale à l’encontre des communautés ukrainienne et tatare de
Crimée et en adoptant envers celles-ci une politique et une pratique de discrimination raciale.
g) La Fédération de Russie a également violé l’article 2 de la CIEDR en encourageant, défendant
ou appuyant la discrimination raciale pratiquée par d’autres personnes ou organisations à
l’encontre des communautés ukrainienne et tatare de Crimée.
h) La Fédération de Russie a violé l’article 4 de la CIEDR en encourageant la discrimination raciale
à l’encontre des communautés ukrainienne et tatare de Crimée et en incitant à une telle
discrimination.
362
363
- 238 -
i) La Fédération de Russie a violé l’article 5 de la CIEDR en manquant de garantir le droit des
membres des communautés ukrainienne et tatare de Crimée à l’égalité devant la loi, notamment
dans la jouissance i) du droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe
administrant la justice ; ii) du droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’Etat contre les
voies de fait ou les sévices de la part soit de fonctionnaires du gouvernement, soit de tout individu,
groupe ou institution ; iii) de droits politiques ; iv) d’autres droits civils ; et v) de droits
économiques, sociaux et culturels.
j) La Fédération de Russie a violé l’article 6 de la CIEDR en manquant d’assurer aux communautés
ukrainienne et tatare de Crimée une protection et une voie de recours effectives contre les actes
de discrimination raciale.
k) La Fédération de Russie a violé l’article 7 de la CIEDR en manquant de prendre des mesures
immédiates et efficaces dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de
l’information pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale à l’encontre
des communautés ukrainienne et tatare de Crimée.
654. Les faits susmentionnés constituent des violations de la CIRFT et de la CIEDR, et donc
des faits internationalement illicites à raison desquels la responsabilité internationale de la Fédération
de Russie se trouve engagée. La Fédération de Russie est par conséquent tenue :
S’agissant de la CIRFT :
a) De mettre immédiatement fin à chacune des violations susmentionnées des articles 8, 9, 10, 12
et 18 de la CIRFT et de fournir à l’Ukraine des garanties appropriées et assurances publiques
qu’elle s’abstiendra de commettre de tels actes à l’avenir.
b) De prendre toutes les mesures possibles afin d’empêcher la commission d’infractions de
financement du terrorisme, et notamment i) de veiller à ce que les représentants de l’Etat russe
ou toute autre personne relevant de sa compétence ne fournissent pas d’armes ou de fonds à des
groupes se livrant au terrorisme en Ukraine, notamment la RPD, la RPL, les Partisans de Kharkiv
ou d’autres groupes armés illicites ; ii) de cesser d’encourager des personnes privées ou publiques
ainsi que d’autres tiers ne relevant pas de l’Etat à financer le terrorisme en Ukraine ; iii) de
surveiller sa frontière avec l’Ukraine afin d’y empêcher toute livraison d’armes ; et iv) de
surveiller et d’interdire les transactions privées ou publiques faites depuis le territoire russe ou
par des ressortissants russes en vue de financer le terrorisme en Ukraine, y compris en appliquant
des restrictions bancaires afin de bloquer les transactions faites au profit de groupes se livrant au
terrorisme en Ukraine, notamment la RPD, la RPL, les Partisans de Kharkiv ou d’autres groupes
armés illicites.
c) De geler ou saisir les biens des personnes soupçonnées de fournir des fonds à des groupes se
livrant au terrorisme en Ukraine, notamment des groupes armés illicites associés à la RPD, à la
RPL ou aux Partisans de Kharkiv, et de procéder à la confiscation des biens des personnes
reconnues avoir fourni des fonds à de tels groupes.
d) D’accorder à l’Ukraine l’entraide judiciaire la plus large possible pour toute enquête pénale
relative à une personne soupçonnée de financer le terrorisme.
e) De verser à l’Ukraine une indemnisation, pour elle-même et en tant que parens patriae de ses
ressortissants, à raison du préjudice qu’elle a subi du fait des violations de la CIRFT commises
par la Russie, notamment du préjudice subi par ses ressortissants blessés du fait d’actes de
terrorisme commis en conséquence desdites violations, le montant de l’indemnisation devant être
déterminé lors d’une phase distincte de la présente procédure.
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365
- 239 -
f) De verser à l’Ukraine, à raison du préjudice moral qu’elle a subi, des dommages-intérêts d’un
montant que la Cour jugera approprié, compte tenu de la gravité des violations de la CIRFT
commises par la Russie, et qu’elle déterminera dans une phase distincte de la présente procédure.
S’agissant de la CIEDR :
g) De mettre immédiatement en oeuvre les mesures conservatoires prescrites par la Cour le 19 avril
2017, notamment en levant l’interdiction imposée aux activités du Majlis des Tatars de Crimée
et en faisant en sorte que soit assuré un enseignement en langue ukrainienne.
h) De mettre immédiatement fin à chacune des violations susmentionnées des articles 2, 4, 5, 6 et 7
de la CIEDR et de fournir à l’Ukraine des garanties appropriées et assurances publiques qu’elle
s’abstiendra de commettre de tels actes à l’avenir.
i) De garantir le droit des membres des communautés ukrainienne et tatare de Crimée à l’égalité
devant la loi, notamment dans la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales
protégés par la convention.
j) D’assurer à tous les habitants de Crimée relevant de sa juridiction une protection et une voie de
recours effectives contre les actes de discrimination raciale.
k) De prendre des mesures immédiates et efficaces dans les domaines de l’enseignement, de
l’éducation, de la culture et de l’information pour lutter contre les préjugés conduisant à la
discrimination raciale à l’encontre des communautés ukrainienne et tatare de Crimée.
l) De verser à l’Ukraine une indemnisation, pour elle-même et en tant que parens patriae de ses
ressortissants, à raison du préjudice qu’elle a subi du fait des violations de la CIEDR commises
par la Russie, notamment du préjudice subi par les victimes de la violation par la Russie des
articles 2, 4, 5, 6 et 7 de ladite convention, le montant de l’indemnisation devant être déterminé
lors d’une phase distincte de la présente procédure.
Le 12 juin 2018.
La vice-ministre des affaires étrangères
et agente de l’Ukraine,
Mme Olena ZERKAL.
___________
366
- 240 -
CERTIFICATION
Je certifie par la présente que les annexes jointes sont des copies conformes des documents
auxquels il est fait référence et que les traductions fournies sont exactes.
Le 12 juin 2018.
La vice-ministre des affaires étrangères
et agente de l’Ukraine,
Mme Olena ZERKAL.
___________
367
TABLE DES MATIÈRES DE LA LISTE DES ANNEXES
Page
I. DÉPOSITIONS ET RAPPORTS D’EXPERTISE ....................................................................................... 1
A. CIRFT ...................................................................................................................................... 1
1. Dépositions .......................................................................................................................... 1
2. Rapports d’expertise relatifs à la CIRFT ............................................................................. 1
B. CIEDR ..................................................................................................................................... 1
1. Dépositions .......................................................................................................................... 1
2. Rapports d’expertise ............................................................................................................ 1
II. CARTES .......................................................................................................................................... 2
A. CIRFT ...................................................................................................................................... 2
B. CIEDR ..................................................................................................................................... 2
III. RAPPORTS RELATIFS À LA DESTRUCTION DE L’APPAREIL ASSURANT LE VOL MH17
DE LA MALAYSIA AIRLINES .......................................................................................................... 2
A. Rapport du bureau néerlandais de la sécurité ........................................................................... 2
B. Rapports de l’équipe d’enquête conjointe ................................................................................ 2
C. Rapports de la police nationale néerlandaise ........................................................................... 2
IV. ANNEXES GÉNÉRALES APPLICABLES TANT AUX DEMANDES AU TITRE DE LA CIRFT
QU’AUX DEMANDES AU TITRE DE LA CIEDR ................................................................................ 3
A. Documents d’organisations internationales ............................................................................. 3
B. Articles de presse ..................................................................................................................... 3
V. ANNEXES RELATIVES À LA CIRFT ................................................................................................ 3
A. Documents du Gouvernement ukrainien .................................................................................. 3
B. Déclarations et récits de première main ................................................................................. 11
C. Documents d’organisations internationales ........................................................................... 15
1. Organisation des Nations Unies ......................................................................................... 15
2. OSCE ................................................................................................................................. 18
3. Conseil de l’Europe ............................................................................................................ 20
4. Conseil de l’Union européenne .......................................................................................... 20
- ii -
5. Groupe d’action financière................................................................................................. 20
6. OMI .................................................................................................................................... 21
7. OTAN ................................................................................................................................ 21
D. Correspondance diplomatique ............................................................................................... 21
E. Autres communications et échanges ...................................................................................... 22
F. Documents du Gouvernement russe ...................................................................................... 25
G. Rapports d’ONG .................................................................................................................... 25
H. Traités, chartes et accords multilatéraux ................................................................................ 26
I. Décisions judiciaires internationales ...................................................................................... 26
J. Décisions judiciaires, textes législatifs et documents gouvernementaux émanant
d’Etats tiers ............................................................................................................................ 27
K. Auteurs de doctrine ................................................................................................................ 27
L. Articles de presse ................................................................................................................... 28
M. Autres documents publiquement accessibles ......................................................................... 33
N. Documents audiovisuels ........................................................................................................ 37
VI. ANNEXES RELATIVES À LA CIEDR ............................................................................................ 40
A. Documents du Gouvernement ukrainien ................................................................................ 40
B. Documents d’organisations internationales ........................................................................... 40
1. Organisation des Nations Unies ......................................................................................... 40
2. Documents du CERD ......................................................................................................... 43
3. OSCE ................................................................................................................................. 44
4. Conseil de l’Europe ............................................................................................................ 45
5. Conseil de l’Union européenne .......................................................................................... 45
6. Commission européenne .................................................................................................... 46
7. Parlement européen ............................................................................................................ 46
8. Bureau du procureur de la Cour pénale internationale ....................................................... 46
9. Cour interaméricaine des droits de l’homme ..................................................................... 46
C. Correspondance diplomatique ............................................................................................... 46
D. Autres communications et échanges ...................................................................................... 46
- iii -
E. Documents du Gouvernement russe ...................................................................................... 48
F. Rapports d’organisations non gouvernementales .................................................................. 51
G. Traités, chartes et accords multilatéraux ................................................................................ 54
H. Décisions judiciaires internationales ...................................................................................... 54
I. Auteurs de doctrine ................................................................................................................ 55
J. Articles de presse ................................................................................................................... 57
K. Autres documents publiquement accessibles ......................................................................... 59
L. Documents audiovisuels ........................................................................................................ 60
VII. DOCUMENTS ADDITIONNELS .................................................................................................... 60
TABLE DES MATIÈRES DES VOLUMES D’ANNEXES
Page
VOLUME I ........................................................................................................................................... 1
VOLUME II .......................................................................................................................................... 2
VOLUME III ........................................................................................................................................ 3
VOLUME IV ........................................................................................................................................ 3
VOLUME V ......................................................................................................................................... 6
VOLUME VI ........................................................................................................................................ 8
VOLUME VII ..................................................................................................................................... 12
VOLUME VIII .................................................................................................................................... 16
VOLUME IX ...................................................................................................................................... 17
VOLUME X........................................................................................................................................ 18
VOLUME XI ...................................................................................................................................... 20
VOLUME XII ..................................................................................................................................... 25
VOLUME XIII .................................................................................................................................... 26
VOLUME XIV ................................................................................................................................... 26
VOLUME XV .................................................................................................................................... 26
VOLUME XVI ................................................................................................................................... 28
VOLUME XVII .................................................................................................................................. 30
VOLUME XVIII ................................................................................................................................. 33
VOLUME XIX ................................................................................................................................... 40
VOLUME XX ..................................................................................................................................... 41
VOLUME XXI ................................................................................................................................... 42
VOLUME XXII .................................................................................................................................. 43
VOLUME XXIII ................................................................................................................................. 46
VOLUME XXIV ................................................................................................................................ 51
VOLUME XXV .................................................................................................................................. 53
VOLUME XXVI ................................................................................................................................ 54
VOLUME XXVII ............................................................................................................................... 56
VOLUME XXVIII .............................................................................................................................. 60
LISTE DES ANNEXES
Annexe
VOLUME I
I. DÉPOSITIONS ET RAPPORTS D’EXPERTISE
A. CIRFT
1. Dépositions
1 Déposition d’Ivan Gavryliuk (2 juin 2018)
2 Déposition de Taras Stepanovych Horbatyi (31 mai 2018)
3 Déposition de Kyrylo Ihorevych Dvorskyi (4 juin 2018)
4 Déposition de Maksym Anatoliyovych Shevkoplias (31 mai 2018)
5 Déposition d’Igor Evhenovych Yanovskyi (31 mai 2018)
6 Déposition de Dmytro Volodymyrovych Zyuzia (29 mai 2018)
7 Déposition d’Oleksii Oleksiyovych Bushnyi (5 juin 2018)
8 Déposition de Vadym Skibitskyi (5 juin 2018)
9 Déposition d’Eliot Higgins (5 juin 2018)
10 Déposition d’Andrii Mykolaiovych Tkachenko (5 juin 2018)
2. Rapports d’expertise relatifs à la CIRFT
11 Rapport d’expertise du général Christopher Brown (5 juin 2018)
12 Rapport d’expertise de M. Anatolii Skorik, professeur associé (6 juin 2018)
B. CIEDR
1. Dépositions
13 Déposition d’Andrii Shchekun (4 juin 2018)
14 Déposition d’Anna Andriyevska (4 juin 2018)
15 Déposition d’Eskender Bariiev (6 juin 2018)
16 Déposition de Mustafa Dzhemiliev (31 mai 2018)
17 Déposition de Yulia Tyshchenko (6 juin 2018)
18 Déposition de Lenur Islyamov (6 juin 2018)
19 Déposition d’Akhtem Chiygoz (4 juin 2018)
20 Déposition d’Ilmi Umerov (6 juin 2018)
2. Rapports d’expertise
21 Expert Report of Professor Paul Magocsi (4 June 2018) [annexe non traduite]
22 Expert Report of Professor Sandra Fredman (6 June 2018) [annexe non traduite]
- 2 -
Annexe
VOLUME II
II. CARTES
A. CIRFT
23 Locations of Terrorist Attacks in Ukraine [annexe non traduite]
24 Shelling Impacts at the Checkpoint Outside of Volnovakha [annexe non traduite]
25 Shelling Impacts in Mariupol [annexe non traduite]
26 Launch Site of the Weapons That Shelled Mariupol [annexe non traduite]
27 Shelling Impacts in Kramatorsk [annexe non traduite]
28 Shelling Impacts in Avdiivka [annexe non traduite]
29 Locations of Terrorist Bombings in Kharkiv [annexe non traduite]
30 Route of the Buk Missile System Into and Out of Ukraine [annexe non traduite]
31 Route of the Grad Convoys Used to Shell Mariupol Into and Out of Ukraine [annexe
non traduite]
32 Expected Spread of Fire at the Checkpoint Outside of Volnovakha [annexe non traduite]
33 Expected Spread of Fire in Mariupol [annexe non traduite]
B. CIEDR
34 Expected Spread of Fire in Kramatorsk [annexe non traduite]
35 Geography of Crimea [annexe non traduite]
36 Permitted vs. desired locations for public events [annexe non traduite]
37 Disappearance of Ukrainian Schools in Crimea since February 2014 [annexe non
traduite]
III. RAPPORTS RELATIFS À LA DESTRUCTION DE L’APPAREIL ASSURANT LE VOL MH17
DE LA MALAYSIA AIRLINES
A. Rapport du bureau néerlandais de la sécurité
38 Dutch Safety Board, Crash of Malaysia Airlines Flight MH17 (17 July 2014)
(13 October 2015) [annexe non traduite]
B. Rapports de l’équipe d’enquête conjointe
39 Joint Investigation Team, Presentation Preliminary Results Criminal Investigation
MH17, Openbaar Ministerie (28 September 2016) [annexe non traduite]
40 Equipe d’enquête conjointe, conférence de presse du 24 mai 2018, Openbaar Ministerie
(24 mai 2018)
C. Rapports de la police nationale néerlandaise
41 Procès-verbal des services de police néerlandais et ses annexes (16 mai 2018)
42 Procès-verbal des services de police néerlandais (24 mai 2018)
- 3 -
Annexe
VOLUME III
IV. ANNEXES GÉNÉRALES APPLICABLES TANT AUX DEMANDES AU TITRE
DE LA CIRFT QU’AUX DEMANDES AU TITRE DE LA CIEDR
A. Documents d’organisations internationales
43 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 68/262 sur l’intégrité territoriale de
l’Ukraine, doc. A/RES/68/262 (27 mars 2014)
44 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 April 2014) [annexe non
traduite]
45 HCDH, Report on Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014) [annexe non
traduite]
46 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014)
47 HCDH, rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (19 septembre 2014)
48 HCDH, Report on Human rights situation in Ukraine (15 November 2014) [annexe non
traduite]
49 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016
50 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 72/190 concernant la situation des droits
de l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine),
doc. A/Res/72/190 (19 décembre 2017)
B. Articles de presse
51 Direct Line with Vladimir Putin, President of Russia (17 April 2014) [annexe non
traduite]
VOLUME IV
52 BBC News, “Putin Reveals Secrets of Russia’s Crimea Takeover Plot” (9 March 2015)
[annexe non traduite]
53 Vladimir Putin, Interview given to the TV channel “Rossiya” as part of a documentary
“Crimea: Path to the Homeland” (video) [annexe non traduite]
V. ANNEXES RELATIVES À LA CIRFT
A. Documents du Gouvernement ukrainien
54 Ukraine Report Under the Treaty on Conventional Armed Forces in Europe Report
(1 January 2014) [annexe non traduite]
55 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-3823/0/6 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 16 May 2014 [annexe non traduite]
56 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.22-3829/0/6 to the Russian First
Deputy Head of the Border Service of FSB, dated 17 May 2014 [annexe non traduite]
57 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-4004/0/6 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 27 May 2014 [annexe non traduite]
- 4 -
Annexe
58 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-4182/0/6 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 3 June 2014 [annexe non traduite]
59 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-5220/0/6-14 to the Russian
Border Directorate of the FSB, dated 2 July 2014 [annexe non traduite]
60 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-5698/0/6-14 to the Russian
Border Directorate of the FSB, dated 14 July 2014 [annexe non traduite]
61 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-5980/0/6-14 to the Russian
Border Directorate of the FSB, dated 21 July 2014 [annexe non traduite]
62 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-6013/0/6 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 22 July 2014 [annexe non traduite]
63 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.28-6080/0/6-14 to the Russian
Border Directorate of the FSB, dated 23 July 2014 [annexe non traduite]
64 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-6058/0/6 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 23 July 2014 [annexe non traduite]
65 Krasnodon Municipal District Office of the Luhansk Oblast Directorate of the Security
Service of Ukraine Letter No. 63/32/233 (24 July 2014) [annexe non traduite]
66 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-6125/0/6-14 to the Russian
Border Directorate of the FSB, dated 24 July 2014 [annexe non traduite]
67 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 42/2894 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 29 July 2014 [annexe non traduite]
68 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-6311/0/6 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 30 July 2014 [annexe non traduite]
69 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-6400/0/6-14 to the Russian
Border Directorate of the FSB, dated 31 July 2014 [annexe non traduite]
70 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 42/3055 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 6 August 2014 [annexe non traduite]
71 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-6741 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 10 August 2014 [annexe non traduite]
72 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 0.42-6776/0/6 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 11 August 2014 [annexe non traduite]
73 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 42/3603 to the Russian Border
Directorate of the FSB, dated 31 August 2014 [annexe non traduite]
74 Ukrainian Military Intelligence Summary of Cross-Border Weapons Transfers
(September 2014 to December 2015) [annexe non traduite]
75 Expert Opinion No. 116/3, drafted by Research Institution for Special Purpose
Equipment and Forensic Examination, Security Service of Ukraine (2 September 2014)
[annexe non traduite]
76 Ukrainian State Border Guard Service Letter No. 42/3664 to the Russian Border
Directorate of the FSB (4 September 2014) [annexe non traduite]
77 Russian Border Guard Service of the FSB Letter No. 0.42-8801/0/6-14 to the Ukrainian
State Border Guard Service (11 October 2014) [annexe non traduite]
78 Russian Border Directorate of the FSB Letter No. 26-1209 to the Ukrainian State Border
Guard Service (7 November 2014) [annexe non traduite]
- 5 -
Annexe
79 Extract from Criminal Proceedings No. 22017220000000060 (22 November 2014)
[annexe non traduite]
80 Administration of the State Border Guard Service of Ukraine Letter No. 55/2208
(10 December 2014) [annexe non traduite]
81 Record of Identification of Gennadiy Ruslanovych Shmoryvoz by Photograph (17
December 2014) [annexe non traduite]
82 Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry
of Defense No. 222/3D/90/09 (2 January 2015) [annexe non traduite]
83 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/78 (9 January 2015) [annexe non traduite]
84 Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry
of Defense No. 222/3D/901073 (12 January 2015) [annexe non traduite]
85 Record of Site Inspection, drafted by A.G. Albot, Investigations Department of the
Volnovakha District Department of the Donetsk Regional Directorate of the Ministry of
Internal Affairs of Ukraine (13 January 2015) [annexe non traduite]
86 Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry
of Defense No. 222/3D/90/083 (13 January 2015) [annexe non traduite]
87 Record of Review, drafted by Captain of Justice V. Romanenko, Senior Investigator at
the Internal Affairs Agency of the Investigations Department of the Directorate of the
Security Service of Ukraine in the Donetsk Region (16 January 2015) [annexe non
traduite]
88 Expert Opinion No. 63, drafted by Ukrainian Scientific Research Institute for Special
Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (18 January
2015) [annexe non traduite]
89 Map showing shell craters around the Buhas roadblock, which were marked by
investigators after inspecting the crime scene (dated 20 January 2015) [annexe non
traduite]
90 Record of crime scene inspection conducted by T.A. Belobokova, Lieutenant of the
Police and Senior Criminal Investigator with the Ordzhonikidze District Office of the
Mariupol City Department of the Central Directorate of the Ministry of Internal Affairs
(24 January 2015) [annexe non traduite]
91 Donetsk Region Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine, All
Necessary Measures Being Taken to Deal with the Consequences of Militants’ Shelling
of Mariupol (25 January 2015) [annexe non traduite]
92 Inspection Report, drafted by Mykhaylo Onyshchenko, Senior Special Investigator at
the Investigations Department, Donetsk Regional Directorate of the Security Service of
Ukraine (25 January 2015) [annexe non traduite]
93 Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry
of Defense No. 222/3D/9010203 (25 January 2015 09:00 a.m.) [annexe non traduite]
94 Record of area inspection conducted by V.V. Romanenko, Captain of Justice and Senior
Investigator with the Investigative Office of the Donetsk Oblast Directorate of the SSU
(25 January 2015) [annexe non traduite]
95 Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry
of Defense No. 222/3D/90/0373 (11 February 2015 09:00 a.m.) [annexe non traduite]
- 6 -
Annexe
96 Record of crime scene inspection conducted by O.V. Martyniuk, Lieutenant Colonel of
Justice and Senior Investigator with the Investigative Office of the Donetsk Oblast
Directorate of the SSU (25 January 2015) [annexe non traduite]
97 Record of crime scene inspection conducted by O.V. Starostenko, Senior Lieutenant of
Justice and Senior Criminal Investigator with the Investigative Office of the Donetsk
Oblast Directorate of the SSU (25 January 2015) [annexe non traduite]
98 Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry
of Defense No. 222/3D/9010203 (25 January 2015) [annexe non traduite]
99 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/576 (6 February 2015) [annexe non traduite]
100 Scene Inspection Report, drafted by A. Sorokina, Police Captain, Kramatorsk City
Department (10 February 2015) [annexe non traduite]
101 Scene Inspection Report, drafted by E. Abushov, Police Lieutenant, Kramatorsk City
Department (10 February 2015) [annexe non traduite]
102 Headquarters of the Antiterrorist Operation Letter No. 1696 og (12 February 2015)
[annexe non traduite]
103 Incident Site Inspection Report of O.V. Kupriyanov, Police Lieutenant and Investigator
with the Investigations Department of the Kramatorsk Police Department (12 February
2015) [annexe non traduite]
104 Letter from the Mariupol City Council Healthcare Directorate of Donetsk Region
No. 01/133-08-0 to the Deputy Head of the SBU Directorate in Donetsk Region
(12 February 2015) [annexe non traduite]
105 Record of Site Inspection Conducted by A.A. Kholin, Major of Justice and Senior
Investigator with the Operative Unit of the Investigative Department of the Security
Service of Ukraine in Donetsk Oblast (12 February 2015) [annexe non traduite]
VOLUME V
106 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/712 (13 February 2015) [annexe non traduite]
107 Headquarters of the Antiterrorist Operation Letter No. 778 og (16 February 2015)
[annexe non traduite]
108 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/916 (23 February 2015) [annexe non traduite]
109 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/1059 (27 February 2015) [annexe non traduite]
110 Central Missile and Artillery Directorate of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 342/2/3618 (11 March 2015) [annexe non traduite]
111 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/1451 (20 March 2015) [annexe non traduite]
112 Expert Conclusion No. 557/2014, drafted by the Forensic Research Center, Ministry of
Internal Affairs of Ukraine, Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs of
Ukraine in Kharkiv Region (23 March 2015) [annexe non traduite]
- 7 -
Annexe
113 Expert Opinion No. 64/1-30/6, drafted by Ukrainian Scientific Research Institute for
Special Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine
(26 March 2015) [annexe non traduite]
114 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/1640 (28 March 2015) [annexe non traduite]
115 Expert Opinion No. 142, drafted by the Ukrainian Scientific Research Institute of
Special Equipment and Forensic Expert Examination, Security Service of Ukraine
(30 March 2015) [annexe non traduite]
116 Expert Conclusion No. 532/2014, drafted by the Forensic Research Center, Ministry of
Internal Affairs of Ukraine, Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs of
Ukraine in Kharkiv Region (3 April 2015) [annexe non traduite]
117 Expert Opinion No. 143, drafted by the Ukrainian Scientific Research Institute of
Special Equipment and Forensic Expert Examination, Security Service of Ukraine
(3 April 2015) [annexe non traduite]
118 Expert Opinion No. 532/2014, drafted by the Forensic Research Center, Ministry of
Internal Affairs of Ukraine, Main Directorate of the Ministry of Internal Affairs of
Ukraine in Kharkiv Region (3 April 2015) [annexe non traduite, doublon de l’annexe
116]
119 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/1917 (11 April 2015) [annexe non traduite]
120 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/2056 (18 April 2015) [annexe non traduite]
121 Expert Opinion No. 193/1, Ukrainian Scientific Research Institute of Special Equipment
and Forensic Expert Examination of the Security Service of Ukraine (29 April 2015)
[annexe non traduite]
122 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/2329 (2 May 2015) [annexe non traduite]
123 Expert Opinion No. 16/8, drafted by Ukrainian Scientific Research Institute for Special
Equipment and Forensic Expert Examinations, Security Service of Ukraine (7 May
2015) [annexe non traduite]
124 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/2430 (9 May 2015) [annexe non traduite]
125 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/2539 (15 May 2015) [annexe non traduite]
126 Expert Opinion No. 38/6, Ukrainian Research Center for Special-Purpose Equipment
and Forensic Examinations of the Security Service of Ukraine (18 May 2015) [annexe
non traduite]
127 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/2801 (29 May 2015) [annexe non traduite]
128 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/2917 (5 June 2015) [annexe non traduite]
129 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/3068 (13 June 2015) [annexe non traduite]
- 8 -
Annexe
130 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/3309 (26 June 2015) [annexe non traduite]
131 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/3588 (10 July 2015) [annexe non traduite]
132 Administrative Directorate of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine Letter
No. 300/1/C/3739 (20 July 2015) [annexe non traduite]
133 Report on Status and Condition of Military Units and Formations of the 1st Army Corps
of the DPR, Obtained and Preserved by Ukrainian Military Intelligence (31 July 2015)
[annexe non traduite]
134 Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian Ministry
of Defense No. 222/2D/1963dsk (14 September 2016)
135 Expert opinion No. 14986/16-35, Kyiv Research Institute for Forensic Examinations of
the Ministry of Justice of Ukraine (12 October 2015) [annexe non traduite]
136 Protocole d’inspection réalisé par I. V. Nimchenko, enquêteur principal des dossiers
spéciaux du parquet militaire, bureau du procureur général d’Ukraine (28 octobre 2015)
137 Smerch Destruction Investigation Report (30 October 2015) [annexe non traduite]
138 Ukraine Executive Committee of the Kramatorsk City Council Letter No. F1-28/4812
to Investigations Department of the Donetsk Regional Directorate of the SSU
(12 November 2015) [annexe non traduite]
139 Expert Opinion No. 8713/8714, Professor Emeritus M.S. Bokarius, Kharkiv Scientific
Research Institute of Forensic Expert Examinations of the Ministry of Justice of
Ukraine (23 November 2015) [annexe non traduite]
140 Inspection Report by Colonel Roman Stepanovich Kovalchuk, Head of Operational
Group of Military Counterintelligence of the Security Service of Ukraine
(23 November 2015) [annexe non traduite]
141 Inspection Report by Colonel Vasyl Vasyliovych Kolodiazhnyi, the Deputy Head of
Operational Group of Military Counterintelligence of the Security Service of Ukraine,
B Sector (27 November 2015) [annexe non traduite]
142 Executive Committee of the Kramatorsk City Council Letter No. F1-28/4812 to the
Investigations Department at the Donetsk Regional Directorate of the SBU
(26 November 2015) [annexe non traduite]
143 Inspection Report of Colonel Vasyl Kolodiazhnyi, Head of Operational Group of
Military Counterintelligence of the Security Service of Ukraine (23 November 2015)
[annexe non traduite]
VOLUME VI
144 Record of Inspection of Lieutenant of Justice S.V. Frunze, Military Prosecutor’s Office
(3 December 2015) [annexe non traduite]
145 Indictment in the Criminal Case Against Vasyl Vitaliyovych Pushkariov Registered in
the Uniform Register of Pretrial Investigations Under No. 22015220000000431 on
22 December 2015 [annexe non traduite]
146 National Police, Main Donetsk Regional Administration of the National Police Letter
No. 1812/04/18-2016 to the Main Military Prosecutor’s Office, Prosecutor General’s
Office of Ukraine (18 March 2016) [annexe non traduite]
- 9 -
Annexe
147 National Police, Main Donetsk Regional Administration of the National Police Letter
No. 1812/04/18-2016 to the Main Military Prosecutor’s Office, Prosecutor General’s
Office of Ukraine (18 March 2016) [annexe non traduite, doublon de l’annexe 146]
148 Case No. 757/21825/16-k, Order of the Pechersky District Court of Kyiv regarding
temporary access to and seizure of document copies from TOV Lifecell (dated 11 May
2016) [annexe non traduite]
149 Case No. 757/21828/16-k, Order of the Pechersky District Court of Kyiv regarding
temporary access to and seizure of document copies from PrAT MTS (dated 11 May
2016) [annexe non traduite]
150 Expert Report, drafted by Serhiy Onikeyenko, Investigations Department Prosecutor’s
Office of Ukraine, and Viktor Levchenko, Lieutenant Colonel of the Ukrainian Armed
Forces (1 June 2016) [annexe non traduite]
151 Expert Report, drafted by Serhiy Onikeyenko, Investigations Department Prosecutor’s
Office of Ukraine, and Viktor Levchenko, Lieutenant Colonel of the Ukrainian Armed
Forces (1 June 2016) [annexe non traduite, doublon de l’annexe 150]
152 Case No. 757/21811/16-k, Order of the Pechersky District Court of Kyiv regarding
temporary access to and seizure of document copies from TOV Lifecell (10 June 2016)
[annexe non traduite]
153 Case No. 757/28210/16-k, Order of the Pechersky District Court of Kyiv regarding
temporary access to and seizure of document copies from PrAT MTS (11 June 2016)
[annexe non traduite]
154 SSU Counterintelligence Department Letter No. 212/8-28412 of 11 August 2016 to the
Prosecutor General’s Office of Ukraine [annexe non traduite]
155 Ukrainian Military Intelligence Summary of Cross-Border Weapons Transfers
(September 2016 to December 2016) [annexe non traduite]
156 Record of the results of a search operation conducted by the Department of Surveillance
of the SSU, prepared by R.O. Narusevych, field agent with the 8th sector of the 2nd
directorate of the Criminal Investigations Department of the SSU (16 September 2016)
[annexe non traduite]
157 Record of inspection conducted by I.V. Budnyk, Captain of Justice and Senior
Investigator with the 5th Investigative Office at the 1st Pretrial Investigation Directorate
of the Central Investigative Directorate of the SSU (26 September 2016) [annexe non
traduite]
158 SSU Counterintelligence Department Letter No. 212/8-33394 of 4 October 2016 to the
Pretrial Investigation Directorate of the Central Investigative Directorate of the SSU
[annexe non traduite]
159 Crime scene examination record prepared by A.S. Bakovsky, Major of Justice and
Senior Investigator with the 3rd Office of the 1st Pretrial Investigation Directorate at the
Central Investigative Directorate of the Security Service of Ukraine (dated 20 January
2017) [annexe non traduite]
160 Extract from Criminal Proceedings No. 12017050140000085 [annexe non traduite]
161 Records of Site Inspection, drafted by A. Zaychik (1 February 2017) [annexe non
traduite]
162 Records of Site Inspection, drafted by N. Protsyk, Senior Investigator (1 February 2017)
[annexe non traduite]
- 10 -
Annexe
163 Records of Site Inspection, drafted by Y. Ponomarenko, Senior Investigator (1 February
2017) [annexe non traduite]
164 Extract from Criminal Proceedings No. 12017050140000081 (6 February 2017)
[annexe non traduite]
165 Record of Inspection of the Internet Pages, Carried by D.V. Zyuzia, Lt. Colonel of
Justice and Senior Special Investigator, Section 1 of Department 5, Pre-Trial
Investigations, Directorate 1 at the Main Directorate for Investigations of the Security
Service of Ukraine (9 February 2017) [annexe non traduite]
166 Record of Inspection of Materials Obtained as a Result of a Covert Detective Activity,
Carried by D.V. Zyuzia, Lt. Colonel of Justice and Senior Special Investigator, Section 1
of Department 5, Pre-Trial Investigations, Directorate 1 at the Main Directorate for
Investigations of the Security Service of Ukraine (18 February 2017) [annexe non
traduite]
167 Expert Conclusion No. 77, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian
Scientific Research Institute for Special Equipment and Forensic Expert Examinations,
Security Service of Ukraine (3 March 2017) [annexe non traduite]
168 Expert Conclusion No. 78, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian
Scientific Research Institute for Special Equipment and Forensic Expert Examinations,
Security Service of Ukraine (3 March 2017) [annexe non traduite]
169 Expert Conclusion No. 79, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian
Scientific Research Institute for Special Equipment and Forensic Expert Examinations,
Security Service of Ukraine (3 March 2017) [annexe non traduite]
170 Expert Conclusion No. 80, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian
Scientific Research Institute for Special Equipment and Forensic Expert Examinations,
Security Service of Ukraine (3 March 2017) [annexe non traduite]
171 Expert Conclusion No. 81, drafted by M. Ustymenko and A. Pavlenko, Ukrainian
Scientific Research Institute for Special Equipment and Forensic Expert Examinations,
Security Service of Ukraine (3 March 2017) [annexe non traduite]
172 Record of examination of a CD performed by S.O. Husarov, Senior Lieutenant of Justice
and Senior Investigator of the 1st Office of the 5th Department at the 1st Pretrial
Investigation Directorate of the Central Investigative Directorate of the SSU (4 May
2017) [annexe non traduite]
173 Expert Opinion No. 19/11-1/11-8-3/9-14/1/3-CE17, State Scientific Research Forensic
Expert Center of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine (17 May 2017) [annexe non
traduite]
174 Expert Opinion No. 76/4, Ukrainian Research Institute for Special-Purpose Equipment
and Forensic Examinations of the Security Service of Ukraine (31 July 2017) [annexe
non traduite]
175 Ukrainian Military Intelligence Summary of Cross-Border Weapons Transfers
(September 2017 to December 2017) [annexe non traduite]
176 Expert Opinion No. 120-B/1818-X, Ministry of Internal Affairs of Ukraine Odesa
Expert Criminal Forensic Research Center (24 November 2017) [annexe non traduite]
177 Record of Incident Scene Inspection, drafted by Major of Justice A.S. Bakhovsky,
Senior Special Investigator, Security Service of Ukraine (20 December 2017) [annexe
non traduite]
- 11 -
Annexe
178 Record of inspection of websites performed by M.V. Kalyta, Lieutenant of Justice and
Investigator with the 5th Office of the 1st Pretrial Investigation Directorate of the
Central Investigative Directorate of the SSU (1 February 2018) [annexe non traduite]
179 State Service of Ukraine for Extraordinary Situations, Ukrainian Hydrometereological
Center Letter No. 01-20/419 (30 March 2018) [annexe non traduite]
180 Record of inspection of websites performed by O.O. Kryvoruchko, Captain of Justice
and Serior Investigator with the 5th Office of the 1st Pretrial Investigation Directorate
of the Central Investigative Directorate of the SSU (15 May 2018) [annexe non traduite]
181 Record of inspection of websites performed by D.H. Davyd, Major of Justice and Senior
Criminal Investigator with the 5th Office of the 1st Pretrial Investigation Directorate at
the Central Investigative Directorate of the SSU (16 May 2018) [annexe non traduite]
182 Ukraine Main Directorate of Intelligence Letter No. 222/4D/535 (17 May 2018)
(attaching Intelligence Briefing from the Main Intelligence Directorate of the Ukrainian
Ministry of Defense No. 222/3D/90/09 (2 January 2015 at 9:00 a.m.) [annexe non
traduite]
183 Ministry of Interior of Ukraine, Main Department of the National Guard of Ukraine
Letter No. 27/6/2-3553 to the Ministry of Foreign Affairs of Ukraine (31 May 2018)
[annexe non traduite]
184 Confirmation of Authenticity, Senior Special Investigator with the Second Branch of the
First Pre-Trial Investigations Department at the Main Investigations Directorate of the
Security Service of Ukraine (4 June 2018) [annexe non traduite]
185 Statement of Authentication, Volodymyr Piven, Senior Investigator, Main Investigation
Office, Security Service of Ukraine (5 June 2018) [annexe non traduite]
186 Ukrainian Prosecutor’s Office File on GROM-E2 (multiple dates) [annexe non traduite]
187 Sample Minister of Defense of Ukraine Armament Investigation Reports and Inspection
Certificates (multiple dates) [annexe non traduite]
B. Déclarations et récits de première main
188 Transcription de l’interrogatoire de Petr Khokhlov, service de sécurité ukrainien (publié
le 27 août 2014)
189 Signed Declaration of Yevhen Kaliberda, Suspect Interrogation Protocol (21 October
2014) [annexe non traduite]
190 Signed Declaration of Aleksandr Bondarenko, Suspect Interrogation Protocol
(23 October 2014) [annexe non traduite]
191 Signed Declaration of Andrii Baranenko, Suspect Interrogation Protocol (23 October
2014) [annexe non traduite]
192 Signed Declaration of Oleg Serachov, Suspect Interrogation Protocol (5 November 2014)
[annexe non traduite]
193 Signed Declaration of Mykailo Ozerov, Witness Interrogation Protocol (10 November
2014) [annexe non traduite]
194 Signed Declaration of Roman Chernenko, Witness Interrogation Protocol (10 November
2014) [annexe non traduite]
195 Signed Declaration of Valentin Datsenko, Witness Interrogation Protocol (11 November
2014) [annexe non traduite]
- 12 -
Annexe
196 Signed Declaration of Marina Kovtun, Suspect Interrogation Protocol (16 November
2014) [annexe non traduite]
197 Signed Declaration of Konstantin Morev, Suspect Interrogation Protocol (18 November
2014) [annexe non traduite]
198 Signed Declaration of Mykola Varva, Suspect Interrogation Protocol (18 November
2014) [annexe non traduite]
199 Signed Declaration of Pavlo Korostyshevskiy, Suspect Interrogation Protocol
(18 November 2014) [annexe non traduite]
200 Signed Declaration of Andreii Bessarabov, Suspect Interrogation Protocol (19 November
2014) [annexe non traduite]
201 Signed Declaration of Andrey Bozhko, Suspect Interrogation Protocol (19 November
2014) [annexe non traduite]
202 Signed Declaration of Stanislav Kudrin, Suspect Interrogation Protocol (19 November
2014) [annexe non traduite]
203 Signed Declaration of Gennadiy Shmorovoz, Witness Interrogation Protocol
(17 December 2014) [annexe non traduite]
204 Signed Declaration of Artem Kalus, Witness Interrogation Protocol (17 January 2015)
[annexe non traduite]
205 Signed Declaration of Yaroslav Maksymov, Witness Interrogation Protocol
(17 January 2015) [annexe non traduite]
206 Signed Declaration of Anton Ovcharenko, Witness Interrogation Protocol (18 January
2015) [annexe non traduite]
207 Signed Declaration of Oleg Stemasov, Suspect Interrogation Protocol (9 December
2014) [annexe non traduite]
208 Signed Declaration of Sergey Cherepko, Witness Interrogation Protocol (20 January
2015) [annexe non traduite]
209 Signed Declaration of Oleksandr Pavlenko, Witness Interrogation Protocol (23 January
2015) [annexe non traduite]
210 Signed Declaration of Oleksandr Pavlenko, Witness Interrogation Protocol (23 January
2015) [annexe non traduite, doublon de l’annexe 209]
211 Signed Declaration of Nataliya Mykhaylivna Nikolaeva, Victim Interrogation Protocol
(24 January 2015) [annexe non traduite]
212 Signed Declaration of Oksana Olexandrivna Ivanova, Victim Interrogation Protocol
(24 January 2015) [annexe non traduite]
213 Signed Declaration of Valerii Kirsanov, Witness Interrogation Protocol (25 January
2015) [annexe non traduite]
214 Signed Declaration of Olena Demchenko, Witness Interrogation Protocol (24 January
2015) [annexe non traduite]
VOLUME VII
215 Intentionnellement omise
216 Signed Declaration of Oleksiy Oleksandrovych Demchenko, Victim Interrogation
Protocol (30 January 2015) [annexe non traduite]
- 13 -
Annexe
217 Signed Declaration of Natalya Mutovina, Witness Interrogation Protocol (30 January
2015) [annexe non traduite]
218 Signed Declaration of Oleksandr Sachava, Suspect Interrogation Protocol (30 January
2015) [annexe non traduite]
219 Signed Declaration of Oleksandr Chorniy, Witness Interrogation Protocol (12 February
2015) [annexe non traduite]
220 Signed Declaration of Oleg Mikulenko, Suspect Interrogation Protocol (22 February
2015) [annexe non traduite]
221 Signed Declaration of S. Bashlykov, Suspect Interrogation Protocol (26 February 2015)
[annexe non traduite]
222 Signed Declaration or Victor Tetyutsky, Suspect Interrogation Protocol (26 February
2015) [annexe non traduite]
223 Signed Declaration of Volodymyr Dvornikov, Suspect Interrogation Protocol
(26 February 2015) [annexe non traduite]
224 Signed Declaration of Maxim Pislar, Suspect Interrogation Protocol (4 March 2015)
[annexe non traduite]
225 Signed Declaration of Olexi Lvov, Suspect Interrogation Protocol (4 March 2015)
[annexe non traduite]
226 Signed Declaration of Vasily Bunchkov, Suspect Interrogation Protocol (4 March
2015) [annexe non traduite]
227 Signed Declaration of Maksim Mykolaichyk, Suspect Interrogation Protocol (15 April
2015) [annexe non traduite]
228 Signed Declaration of Oleg Doroshenko, Suspect Interrogation Protocol (21 April
2015) [annexe non traduite]
229 Signed Declaration of Vadim Chekhovsky, Suspect Interrogation Protocol (9 May
2015) [annexe non traduite]
230 Signed Declaration of Dmytro Kononenko, Suspect Interrogation Protocol (13 May
2015) [annexe non traduite]
231 Signed Declaration of Igor Koval, Suspect Interrogation Testimony (9 June 2015)
[annexe non traduite]
232 Signed Declaration of Igor Panchyshyn, Witness Interrogation Protocol (18 June 2015)
[annexe non traduite]
233 Signed Declaration of Kostiantyn Nuzhnenkoenko, Suspect Interrogation Protocol
(16 July 2015) [annexe non traduite]
234 Signed Declaration of Vladimir Starkov, Suspect Interrogation Protocol (27 July 2015)
[annexe non traduite]
235 Signed Declaration of Sergey Stlitenko, Suspect Interrogation Protocol (10 August
2015) [annexe non traduite]
236 Signed Declaration of Myckhaylo Reznikov, Suspect Interrogation Protocol (13 August
2015) [annexe non traduite]
237 Signed Declaration of Vitaliy Hrynchuk, Witness Interrogation Protocol (19 August
2015) [annexe non traduite]
- 14 -
Annexe
238 Signed Declaration of Denys Goiko, Witness Interrogation Protocol (20 August 2015)
[annexe non traduite]
239 Signed Declaration of Denys Hoyko, Victim Interrogation Protocol (20 August 2015)
[annexe non traduite]
240 Signed Declaration of Oleksandr Bondaruk, Victim Interrogation Protocol (20 August
2015) [annexe non traduite]
241 Signed Declaration of Yaroslav Zamko, Suspect Interrogation Protocol (26 August
2015) [annexe non traduite]
242 Signed Declaration of Vasily Pushkarev, Suspect Interrogation Protocol (31 August
2015) [annexe non traduite]
243 Signed Declaration of Volodymyr Vodyratskyi, Suspect Interrogation Protocol
(11 September 2015) [annexe non traduite]
244 Signed Declaration of Anton Fadeev, Witness Interrogation Protocol (16 December
2015) [annexe non traduite]
245 Signed Declaration of Andrii Tishenko, Suspect Interrogation Protocol (26 December
2015) [annexe non traduite]
246 Signed Declaration of Dmytro Kononenko, Suspect Interrogation Protocol
(22 February 2016) [annexe non traduite]
247 Signed Declaration of Konstantin Kutikov, Suspect Interrogation Protocol (16 March
2016) [annexe non traduite]
248 Signed Declaration of Oleksandr Chekorskyy, Witness Interrogation Protocol (5 April
2016) [annexe non traduite]
249 Signed Declaration of Paylak Mikhaelian, Suspect Interrogation Protocol (10 October
2016) [annexe non traduite]
250 Signed Declaration of Artem Kharko, Victim Interrogation Protocol (1 November
2016) [annexe non traduite]
251 Transcript of Conversation between Andrienko and Tyhonov (12 December 2016)
[annexe non traduite]
252 Signed Declaration of Oleksiy Andriyenko, Suspect Interrogation Protocol
(18 December 2016) [annexe non traduite]
253 Signed Declaration of Haide Rizayeva, Witness Interrogation Protocol (14 February
2017) [annexe non traduite]
254 Témoignage d’Hanna Mykolayva Fadeeva, procès-verbal d’interrogatoire de témoin
(15 février 2017)
255 Signed Declaration of Oleksandr Oleksechuk, Suspect Interrogation Protocol
(16 February 2017) [annexe non traduite]
256 Signed Declaration of Amonenko Oleksiyovich, Witness Interrogation Protocol
(23 April 2017) [annexe non traduite]
257 Signed Declaration of Oleksandr Voytov, Witness Interrogation Protocol (24 April
2017) [annexe non traduite]
258 Signed Declaration of Yuri Martynovsky, Witness Interrogation Protocol (26 April
2017) [annexe non traduite]
- 15 -
Annexe
259 Signed Declaration of Andriy Yanushevsky, Witness Interrogation Protocol (27 April
2017) [annexe non traduite]
260 Signed Declaration of Roman Melnykov, Witness Interrogation Protocol (27 April
2017) [annexe non traduite]
261 Transcript of Oleksiy Andriyenko Court Testimony (28 April 2017) [annexe non
traduite]
262 Signed Declaration of Denys Skibin, Witness Interrogation Protocol (21 May 2017)
[annexe non traduite]
263 Signed Declaration of Tornike Dzhincharadze, Suspect Interrogation Protocol (21 May
2017) [annexe non traduite]
264 Signed Declaration of Oleksandr Mohilevsky, Witness Interrogation Protocol (22 May
2017) [annexe non traduite]
265 Signed Declaration of Oleksandr Kvartyn, Witness Interrogation Protocol (23 May
2017) [annexe non traduite]
266 Signed Declaration of Yevhen Bokhanevych, Suspect Interrogation Protocol (26 May
2017) [annexe non traduite]
267 Signed Declaration of Serhiy Semenchenko, Suspect Interrogation Protocol (10 July
2017) [annexe non traduite]
268 Signed Declaration of Myroslav Melnik, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017)
[annexe non traduite]
269 Signed Declaration of Semen Boitsov, Suspect Interrogation Protocol (9 August 2017)
[annexe non traduite]
270 Déclaration signée de Marko Gordiyenko, procès-verbal d’interrogatoire de témoin
(14 septembre 2017) [extraits]
271 Signed Declaration of Roman Cheremsky, Witness Interrogation Protocol (undated)
[annexe non traduite]
C. Documents d’organisations internationales
1. Organisation des Nations Unies
272 Nations Unies, Assemblée générale, vingtième session, 1406e séance plénière,
doc. A_PV.1406 (21 décembre 1965)
273 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 49/60, Déclaration sur les mesures visant
à éliminer le terrorisme international, doc. A/RES/49/60 (9 décembre 1994)
274 Nations Unies, Statut de Rome de la Cour pénale internationale, art. 30, 17 juillet 1998,
doc. A/CONF.183/9
275 Document de travail de la France intitulé «Pourquoi une convention internationale contre
le financement du terrorisme ?», reproduit ultérieurement dans Nations Unies,
doc. A/AC.252/L.7/Add.1 (11 mars 1999)
276 Nations Unies, Rapport du Comité spécial créé par la résolution 51/210 de l’Assemblée
générale en date du 17 décembre 1996, doc. A/54/37 (5 mai 1999), annexe III, par. 1,
annexe [IV]
- 16 -
Annexe
277 Nations Unies, Assemblée générale, cinquante-quatrième session, Mesures visant à
éliminer le terrorisme international, rapport du groupe de travail, doc. A/C.6/54/L.2
(26 octobre 1999)
VOLUME VIII
278 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 51/210, Mesures visant à éliminer le
terrorisme international, doc. A/RES/51/210 ([16 janvier 1997])
279 Report of the International Law Commission on the Work of Its Fifty-Third Session,
Draft Articles on Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts, with
commentaries, 53rd. Sess., U.N. Doc. No. A/56/10 (23 April-1 June, 2 July-10 August
2001), art. 58 & commentary, pp. 142–143, para. 3, reproduced in Yearbook of the
International Law Commission 2001, vol. II(2) [annexe non traduite]
280 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373, doc. S/RES/1373 (28 septembre
2001)
281 Letter from J.W. Wainwright, Expert Adviser, to the Chairman of the Counter-Terrorism
Committee (1[2] November 2002) [annexe non traduite]
282 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 57/173, Renforcement du programme
des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, en particulier de ses
capacités de coopération technique, doc. A/RES/57/173 (21 janvier 2003)
283 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1636, doc. S/RES/1636 (31 octobre 2005)
284 UNODC, Legislative Guide to the Universal Anti-Terrorism Conventions and
Protocols 12-13 (2008) [annexe non traduite]
285 UNODC, Legislative Guide to the Universal Legal Regime Against Terrorism 30-31
(2008)
286 Nations Unies, Comité contre la torture, convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, Observation générale no 2 (2[4] janvier
2008)
287 International Law Commission, Draft Articles on Effects of Armed Conflicts on
Treaties, with Commentaries (2011) [annexe non traduite]
288 Commission du droit international, Obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere
aut judicare) : rapport final (2014)
289 Exposé daté du 16 avril 2014 adressé au Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies par M. Ivan Šimonović, sous-secrétaire général aux droits de l’homme
[annexe non traduite]
290 Nations Unies, Conseil de sécurité, Procès-verbal de la 7165e séance, doc. S/PV.7165
(29 avril 2014).
291 Press Statement by the ASG Ivan Simonovic, UN Office of the High Commissioner for
Human Rights, Launch of the Second Report on the Human Rights Situation in Ukraine
(16 May 2014) [annexe non traduite]
292 HCDH, UN Official Cites ‘Worsening’ Human Rights Situation in Southern, Eastern
Regions (21 May 2014) [annexe non traduite]
293 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014)
[doublon de l’annexe 46]
- 17 -
Annexe
294 Statement of the Assistant Secretary General Ivan Simonovic at the Security Council
meeting on Ukraine (24 June 2014) [annexe non traduite]
295 HCDH, Intensified Fighting Putting at Risk Lives of People in Donetsk and Luhansk —
Pillay (4 July 2014) [annexe non traduite]
296 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 July 2014) [annexe non
traduite]
297 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2166, doc. S/RES/2166, par. 11 (21 juillet
2014)
298 Statement to the Security Council by Ivan Šimonović, Assistant Secretary-General for
Human Rights on the human rights situation in Ukraine (8 August 2014) [annexe non
traduite]
VOLUME IX
299 HCDH, rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (19 septembre 2014) [doublon de
l’annexe 47]
300 HCDH, Human Rights Council Takes Up People of African Descent, Racism and Racial
Discrimination, and Situation in Ukraine (23 September 2014) [annexe non traduite]
301 Statement by Mr. Ivan Šimonović, Assistant Secretary-General for Human Rights, at
the Interactive Dialogue on the Situation of Human Rights in Ukraine at the
27th Session of the Human Rights Council (24 September 2014) [annexe non traduite]
302 Statement to the Security Council by Ivan Šimonović, Assistant Secretary-General for
Human Rights, meeting on Ukraine (24 October 2014) [annexe non traduite]
303 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 December 2014) [annexe
non traduite]
304 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 December 2014) [annexe
non traduite, doublon de l’annexe 303]
305 Nations Unies, Conseil de sécurité, déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité
à la suite du meurtre des passagers d’un bus dans la région de Donetsk (Ukraine),
doc. SC/11733 (13 janvier 2015)
306 Nations Unies, Le Secrétaire général condamne fermement les tirs de roquettes qui ont
fait des dizaines de morts à Marioupol, en Ukraine, doc. SG/SM/16485 (24 janvier 2015)
307 Nations Unies, procès-verbal officiel des réunions du Conseil de sécurité, 7368e séance,
doc. S/PV.7368 (26 janvier 2015)
308 Nations Unies, Procès-verbal officiel des réunions du Conseil de sécurité, 7368e séance,
doc. S/PV.7368 (26 janvier 2015) [doublon de l’annexe 307]
309 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (1 December
2014-15 February 2015) [annexe non traduite]
310 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February-15 May 2015)
[annexe non traduite]
311 UN News Centre, Security Council Fails to Adopt Proposal to Create Tribunal on Crash
of Malaysian Airlines Flight MH17 (29 July 2015) [annexe non traduite]
312 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August to 15 November
2015) [annexe non traduite]
- 18 -
Annexe
313 HCDH, Responsabilité des meurtres commis en Ukraine de janvier 2014 à mai 2016 ,
[doublon de l’annexe 49]
314 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine: 16 November 2015 to
15 February 2016 [annexe non traduite]
VOLUME X
315 Nations Unies, procès-verbal officiel des réunions du Conseil de sécurité, 7876e séance,
doc. S/PV.7876 (2 février 2017)
2. OSCE
316 OSCE, Thematic Report: Internal Displacement in Ukraine (12 August 2014) [annexe
non traduite]
317 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine based on
information received as of 18:00 (Kyiv time) (9 September 2014) [annexe non traduite]
318 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv time) (10 November 2014) [annexe non
traduite]
319 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM) based on
information received as of 18:00 (Kyiv time) (30 November 2014) [annexe non traduite]
320 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv Time) (13 January 2015) [annexe non traduite]
321 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM) Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv time) (13 January 2015) [annexe non traduite,
doublon de l’annexe 320]
322 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM) Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv time) (14 January 2015) [annexe non traduite]
323 OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine, 14 January
2015: 12 Civilians Killed and 17 Wounded When a Rocket Exploded Close to a Civilian
Bus Near Volnovakha (14 January 2015) [annexe non traduite]
324 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv time) (16 January 2015) [annexe non traduite]
325 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv Time) (16 January 2015) [annexe non traduite]
326 OSCE, OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Status Report as of
20 January 2015 (20 January 2015) [annexe non traduite]
327 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine based on
information received as of 18:00 (Kyiv time) (22 January 2015) [annexe non traduite]
328 OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de
l’OSCE en Ukraine, le 24 janvier 2015 : tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à
Mariupol (24 janvier 2015)
329 OSCE, Compte rendu immédiat de la Mission spéciale de surveillance (SMM) de
l’OSCE en Ukraine, le 24 janvier 2015 : tirs d’artillerie dans la rue Olimpiiska à
Mariupol (24 janvier 2015) [doublon de l’annexe 328]
- 19 -
Annexe
330 OSCE, Statement by the Chairmanship on the Trilateral Contact Group Consultations in
Minsk on 31 January 2015 (1 February 2015) [annexe non traduite]
331 OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM):
Shelling in Kramatorsk (10 February 2015) [annexe non traduite]
332 OSCE, Statement by OSCE Chief Monitor in Ukraine on Situation in Kramatorsk
(10 February 2015) [annexe non traduite]
333 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv Time) (11 February 2015) [annexe non
traduite]
334 OSCE, Spot Report by Special Monitoring Mission to Ukraine, 22 February 2015:
Explosion in Kharkiv at March Commemorating February 2014 pro-Maidan Events
(22 February 2015) [annexe non traduite]
335 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv time), 23 February 2015 (24 February
2015) [annexe non traduite]
336 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on
information received as of 28 August 2015 (28 August 2015) [annexe non traduite]
337 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine based on
information received as of 27 September 2015 [annexe non traduite]
338 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on
information received as of 19:30 (9 August 2016) [annexe non traduite]
339 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on
information received as of 19:30 (12 August 2016) [annexe non traduite]
340 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine, based on
information received as of 19:30 (14 August 2016) [annexe non traduite]
341 Statement of Alexander Hug, Deputy Chief Monitor of the OSCE SMM (19 August
2016) (video) [annexe non traduite]
342 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on
Information Received as of 19:30 (27 January 2017) [annexe non traduite]
343 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on
Information Received as of 19:30 (31 January 2017) [annexe non traduite]
344 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on
Information Received as of 19:30 (1 February 2017) [annexe non traduite]
345 OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine: Casualties,
Damage to Civilian Infrastructure Registered in Donetsk Region Following Fighting
(3 February 2017) [annexe non traduite]
346 OSCE, Spot Report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine: Casualties,
Damage to Civilian Infrastructure Registered in Donetsk Region Following Fighting
(3 February 2017) [annexe non traduite, doublon de l’annexe 345]
347 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on
Information Received as of 19:30 (5 February 2017) [annexe non traduite]
348 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based
on Information Received as of 19:30 (6 February 2017) [annexe non traduite]
- 20 -
Annexe
349 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on
Information Received as of 19:30 (19 February 2017) [annexe non traduite]
350 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on
Information Received as of 19:30 (26 February 2017) [annexe non traduite]
351 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based
on Information Received as of 19:30 (5 March 2017) [annexe non traduite]
352 OSCE, Thematic Report: Restriction of SMM’s Freedom of Movement and Other
Impediments to Fulfilment of Its Mandate (January to June 2017) [annexe non traduite]
353 OSCE, Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based
on Information Received as of 19:30 (24 July 2017) [annexe non traduite]
3. Conseil de l’Europe
354 Conseil de l’Europe, commission européenne pour la démocratie par le droit
(commission de Venise), Avis sur la compatibilité avec les principes constitutionnels de
la décision du Conseil suprême de la République autonome de Crimée en Ukraine de
tenir un référendum sur la question de devenir un territoire constitutif de la Fédération
de Russie ou de restaurer la Constitution de la Crimée de 1992, CDL-AD(2014)002
(21-22 mars 2014)
4. Conseil de l’Union européenne
355 Journal officiel de l’Union européenne, Décision d’exécution 2014/238/PESC du
Conseil du 28 avril 2014 mettant en oeuvre la décision 2014/145/PESC concernant des
mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité
territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine
356 Journal officiel de l’Union européenne, Règlement d’exécution (UE) 2015/240 du
Conseil du 9 février 2015 mettant en oeuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant
des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité
territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine
357 Council of the European Union, List of Persons and Entities Under EU Restrictive
Measures Over the Territorial Integrity of Ukraine (2017) [annexe non traduite]
358 Press Release, Council of the European Union, List of Persons and Entities Under EU
Restrictive Measures Over the Territorial Integrity of Ukraine (14 September 2017)
[annexe non traduite]
VOLUME XI
5. Groupe d’action financière
359 FATF, International Standards on Combating Money Laundering and the Financing of
Terrorism & Proliferation: The FAFT Recommendations (2012) [annexe non traduite]
360 FATF, Special Recommendation III: Freezing and Confiscating Terrorist Assets (Text
of the Special Recommendation and Interpretative Note) (October 2001, as updated,
adopted, and published February 2012) [annexe non traduite]
- 21 -
Annexe
6. OMI
361 International Maritime Organization, Report of the Ad Hoc Preparatory Committee on
the Suppression of Unlawful Acts Against the Safety of Maritime Navigation,
2nd Session, 18-22 May 1987, IMO Doc. PCUA 2/5 [annexe non traduite]
7. OTAN
362 NATO, NATO – Ukraine Cooperation in the Military Sphere (2012) [annexe non
traduite]
363 NATO, Signatures of Partnership for Peace Framework Document (10 January 2012)
[annexe non traduite]
364 NATO Allied Command Operations, NATO Releases Imagery: Raises Questions on
Russia’s Role in Providing Tanks to Ukraine (14 June 2014) [annexe non traduite]
365 Allied Powers Europe, New Satellite Imagery Exposes Russian Combat Troops Inside
Ukraine (28 August 2014) [annexe non traduite]
366 NATO, NATO Standard, AJP-3.9, Allied Joint Doctrine for Joint Targeting (April 2016)
[annexe non traduite]
367 NATO and Russia: Partners in Peacekeeping (undated) [annexe non traduite]
D. Correspondance diplomatique
368 Note verbale no 72/22-484-1964 en date du 28 juillet 2014 adressée au ministère des
affaires étrangères de la Fédération de Russie par les ministère des affaires étrangères de
l’Ukraine
369 Note verbale no 72/22-620-2087 en date du 12 août 2014 adressée au ministère des
affaires étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de
l’Ukraine [extraits]
370 Ukraine Note Verbale No. 72/22-620-2185 to the Russian Ministry of Foreign Affairs
(22 August 2014) [annexe non traduite]
371 Note verbale no 72/22-620-2221 en date du 29 août 2014 adressée au ministère des
affaires étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de
l’Ukraine [extraits]
372 Ukrainian Note Verbale No. 72/22-620-2529 to Russian Federation Ministry of Foreign
Affairs (10 October 2014) [annexe non traduite]
373 Note verbale no 13355 en date du 14 octobre 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de
Russie [extraits]
374 Ukrainian Note Verbale No. 72/22-620-2717 to the Russian Ministry of Foreign Affairs
(3 November 2014) [annexe non traduite]
375 Note verbale no 14587 en date du 24 novembre 2014 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de
Russie [extraits]
376 Russian Federation Note Verbale No. 10448 to the Ukrainian Ministry of Foreign
Affairs (31 July 2015) [annexe non traduite]
- 22 -
Annexe
377 Note verbale no 13457 en date du 15 octobre 2015 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de
Russie [extraits]
378 Note verbale no 72/22-610-954 en date du 19 avril 2016 adressée au ministère des
affaires étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de
l’Ukraine [extraits]
379 Note verbale no 8808 en date du 23 juin 2016 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de
Russie [extraits]
380 Note verbale no 72/22-620-2049 en date du 31 août 2016 adressée au ministère des
affaires étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de
l’Ukraine [extraits]
381 Note verbale no 14426 en date du 3 octobre 2016 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de
Russie [extraits]
382 Note verbale no 72/22-194/510-2518 en date du 2 novembre 2016 adressée au ministère
des affaires étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères
de l’Ukraine [extraits]
383 Russian Federation Note Verbale No. 14284 to Ukrainian Ministry of Foreign Affairs
(11 November 2016) [annexe non traduite]
384 Note verbale no 16886 en date du 30 décembre 2016 adressée au ministère des affaires
étrangères de l’Ukraine par le ministère des affaires étrangères de la Fédération de
Russie [extraits]
385 Note verbale no 72/22-663-82 en date du 13 janvier 2017 adressée au ministère des
affaires étrangères de la Fédération de Russie par le ministère des affaires étrangères de
l’Ukraine [extraits]
E. Autres communications et échanges
386 Intercepted Conversation of Igor Bezler (17 April 2014) [annexe non traduite]
387 Ukraine State Border Guard Letter No. 0.22-3958/0/6 to the Russian Border Directorate
of the FSB (22 May 2014) [annexe non traduite]
388 Ukraine State Border Guard Letter No. 0.42-4016/0/16-14 to the Russian Border
Directorate of the FSB (24 May 2014) [annexe non traduite]
389 Ukraine State Border Guard Letter No. 0.42-4289/0/6 to the Russian Border Directorate
of the FSB (3 June 2014) [annexe non traduite]
390 Ukraine State Border Guard Letter No. F/42-3243 to the Russian Border Directorate of
the FSB (5 June 2014) [annexe non traduite]
391 Intercepted Conversation Between Igor Girkin, Viktor Anosov, and Mykhaylo Sheremet
(11:30:47, 8 June 2014) [annexe non traduite]
392 Protocol of Intercepted Conversations of Sergey Glazyev, Advisor to Russian President
Putin (12 June 2014) [annexe non traduite]
393 Ukraine State Border Guard Letter No. 0.42-5504/0/6-14 to the Russian Border
Directorate of the FSB (13 July 2014) [annexe non traduite]
- 23 -
Annexe
394 Intercepted Conversation Between “Khmuryi” and “Sanych” (19:09:20, 16 July 2014)
[annexe non traduite]
395 Intercepted Conversation Between “Krot” and “Ryazan” (21:32:39, 17 July 2014)
[annexe non traduite]
396 Intercepted Conversation Between “Krot” and “Zmey” (13:09:27, 17 July 2014) [annexe
non traduite]
397 Intercepted Conversation Between “Khmuryi” and “Bibliotekar” (09:22:19, 17 July
2014) [annexe non traduite]
398 Intercepted Conversation Between “Khmuryi” and “Buriatik” (09:08:26, 17 July 2014)
[annexe non traduite]
399 Intercepted Conversation Between “Krot” and “Khmuryi” (07:41:06, 18 July 2014)
[annexe non traduite]
400 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 12014000000000292
(4 September 2014) (concerning Zhironovsky) [annexe non traduite]
401 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014050000000015
(30 September 2014) [annexe non traduite]
402 Russian Border Directorate of the FSB Letter No. 0.42-8801/0/6-14 to the Ukrainian
State Border Guard (delivered 11 October 2014) [annexe non traduite]
403 Russian Border Directorate of the FSB Letter No. 26-1209 to the Ukrainian State Border
Guard (7 November 2014) [annexe non traduite, doublon de l’annexe 78]
404 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 12014000000000293
(11 November 2014) [annexe non traduite]
405 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 12014000000000291
(3 December 2014) [annexe non traduite]
406 Ukraine State Border Service Letter No. 72/36-994-73 to Ministry of Foreign Affairs,
and annexes (10 December 2014) [annexe non traduite]
407 Intercepted conversation between DPR advisor O. Tsapliuk (code name “Gorets”) and
DPR representative M. Vlasov (code name “Yuga”) 1(7:56:46, 23 January 2015)
[annexe non traduite]
408 Intercepted Conversations of Maxim Vlasov (23-24 January 2015) [annexe non
traduite]
409 Meta data for Conversation Between Phone Numbers 380993641081 and 380508065681
(13:21:45, 24 January 2015) [annexe non traduite]
410 Meta data for Conversation Between Phone Numbers 380993641081 and 380993648631
(09:13:32, 24 January 2015) [annexe non traduite]
411 Intercepted Conversation between Tsapliuk (“Gorets”) and Grynchev (“Terek”)
(08:54:19, 24 January 2015) [annexe non traduite]
412 Intercepted Conversation between Tsapliuk (“Gorets”) and Grynchev (“Terek”)
(09:11:34, 24 January 2015) [annexe non traduite]
413 Intercepted Conversation between Evdotiy (“Pepel”) and Kirsanov (10:36:40,
24 January 2015) [annexe non traduite]
414 Intercepted Conversation between Kirsanov and Ponomarenko (“Terrorist”) (10:38:14,
24 January 2015) [annexe non traduite]
- 24 -
Annexe
415 Intercepted Conversation between Kirsanov and Ponomarenko (“Terrorist”) (11:04:12,
24 January 2015) [annexe non traduite]
416 Intercepted Conversation between Tsapliuk (“Gorets”) and Yaroshuk (14:12:12,
24 January 2015) [annexe non traduite]
417 Intercepted Conversation between Grynchev (“Terek”) and Vlasov (“Yugra”) (12:57:55,
24 January 2015) [annexe non traduite]
418 Intercepted Conversation between Evdotiy (“Pepel”) and Ponomarenko (“Terrorist”)
(18:00:22, 23 January 2015) [annexe non traduite]
419 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014000000000266
(2 July 2015) [annexe non traduite]
420 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014000000000245
(3 July 2015) [annexe non traduite]
421 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014000000000283
(3 July 2015) [annexe non traduite]
422 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22014000000000286
(3 July 2015) [annexe non traduite]
423 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 42014000000000457
(28 July 2015) [annexe non traduite]
424 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 87-157-2015
(17 August 2015) [annexe non traduite]
425 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 87-158-2015
(17 August 2015) [annexe non traduite]
426 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 87-159-2015
(17 August 2015) [annexe non traduite]
427 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 42014000000000457
(15 September 2015) [annexe non traduite]
428 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 82/1-5444-14 (dated
23 October 2015, sent 6 November 2015) [annexe non traduite]
429 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation Letter No. 82/1-759-16
(14 September 2016) [annexe non traduite]
430 Intercepted conversations of Yuriy Shpakov (16 September 2016) [annexe non traduite]
431 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22015050000000021
(23 March 2017) [annexe non traduite]
432 Email Communication Between Evgeny Manuylov and “[email protected]”
(12 October 2017) [annexe non traduite]
433 Ukrainian Request for Legal Assistance Concerning Case No. 22015000000000001
(14 November 2017) [annexe non traduite]
434 Consolidated Banking Records of Transfer Between the Fund and the State Bank of the
LPR (various dates) [annexe non traduite]
- 25 -
Annexe
VOLUME XII
F. Documents du Gouvernement russe
435 Resolution No. 1656-6/14 (27 February 2014) [annexe non traduite]
436 Rosfinmonitoring Functions, Federal Financial Monitoring Service (19 September
2017) [annexe non traduite]
437 Rosfinmonitoring Activity Public Report (2016) [annexe non traduite]
438 Resolution of the Plenum of the Supreme Court of the Russian Federation, No. 1 of
9 February 2012, “On Some Aspects of Judicial Practice Relating to Criminal Cases on
Crimes of Terrorist Nature” [annexe non traduite]
439 Powers of the Russian Minister of Defense, Ministry of Defense of the Russian
Federation (19 January 2011) [annexe non traduite]
440 Federal Law “On Combatting Terrorism” (6 March 2006) [annexe non traduite]
G. Rapports d’ONG
441 Human Rights Watch, Ukraine: Captives Describe Brutal Beatings (5 May 2014)
[annexe non traduite]
442 Eliot Higgins, Geolocating the Missile Launcher Linked to the Downing of MH17,
bell¿ngcat (17 July 2014) [annexe non traduite]
443 Eliot Higgins, Identifying the Location of the MH17 Linked Missile Launcher from One
Photograph, bell¿ngcat (18 July 2014) [annexe non traduite]
444 Human Rights Watch, Ukraine: Rebel Forces Detain, Torture Civilians (28 August
2014) [annexe non traduite]
445 Magnitsky, Images Show the Buk that Downed Flight MH17, Inside Russia, Controlled
by Russian Troops, bell¿ngcat (8 September 2014) [annexe non traduite]
446 Bellingcat Investigation Team, Origin of the Separatists’ Buk: A Bellingcat
Investigation, bell¿ngcat (8 November 2014) [annexe non traduite]
447 International Crisis Group, Eastern Ukraine: A Dangerous Winter, Europe Report
No. 235 (18 December 2014) [annexe non traduite]
448 The Atlantic Council, Hiding in Plain Sight (2015) [annexe non traduite]
449 Human Rights Watch, Ukraine: More Civilians Killed in Cluster Munition Attacks
(19 March 2015) [annexe non traduite]
450 James Miller, Pierre Vaux, Catherine A. Fitzpatrick & Michael Weiss, An Invasion By
Any Other Name (September 2015) [annexe non traduite]
451 Daniel Romein, MH17 ‒ Potential Suspects and Witnesses from the 53rd Anti-Aircraft
Missile Brigade, bell¿ngcat (23 February 2016) [annexe non traduite]
452 Bellingcat Investigation Team, The Lost Digit: Buk 3x2, bell¿ngcat (3 May 2016)
[annexe non traduite]
453 Bellingcat Investigation Team, New Google Earth Satellite Update Confirms Presence
of Buk in Eastern Ukraine, bell¿ngcat (22 June 2016) [annexe non traduite]
454 International Partnership for Human Rights, Attacks on Civilian Infrastructure in Eastern
Ukraine (2017) [annexe non traduite]
- 26 -
Annexe
VOLUME XIII
455 Security Environment Research Center “Prometheus”, Donbas in Flames (2017)
[annexe non traduite]
456 Daniel Romein, Identifying Khmuryi, the Major General Linked to the Downing of
MH17, bell¿ngcat (15 February 2017) [annexe non traduite]
457 Landelijk Parket, JIT Requests for Information About Photograph BUK-Telar, Openbaar
Ministerie (19 October 2017) [annexe non traduite]
458 Bellingcat Investigation Team, New MH17 Photograph Geolocated to Donetsk,
bell¿ngcat (20 October 2017) [annexe non traduite]
459 Bellingcat Investigation Team, Russian Colonel General Identified as Key MH17
Figure, bell¿ngcat (8 December 2017) [annexe non traduite]
H. Traités, chartes et accords multilatéraux
460 Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale [20 avril 1959]
461 Minsk Convention on Legal Aid and Legal Relations on Civil, Family and Criminal
Matters of 1993 (22 January 1993) [annexe non traduite]
I. Décisions judiciaires internationales
462 Prosecutor v. Zejnil Delalić, Zdravko Mucić, Hazim Delić, Esad Landzo, Case
No. IT-96-21-T, Trial Chamber Judgment (16 November 1998), p. 372, para. 109
[annexe non traduite]
463 Prosecutor v. Tadic, Case No. IT-94-1-A, Appeals Chamber Judgment (15 July 1999),
p. 99, para. 220 [annexe non traduite]
464 Prosecutor v. Galic, Case No. IT-98-29-T, Trial Chamber Judgment (5 December
2003), para. 415-16 [annexe non traduite]
VOLUME XIV
465 Prosecutor v. Martić, Case No IT-95-11-T, Trial Chamber Judgment (12 June 2007),
paras. 4 n.4, 472 [annexe non traduite]
466 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-98-29/1-T, Trial Chamber Judgment
(12 December 2007), p. 291, para. 881 [annexe non traduite]
VOLUME XV
467 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-98-29/1-T, Appeals Chamber Judgment
(12 November 2009), para. 37 [annexe non traduite]
468 Prosecutor v. Dragomir Milošević, Case No. IT-02-54, Appeals Chamber Judgment
(19 November 2009), p. 18, para. 37 [annexe non traduite]
469 Prosecutor v. Ayyash et al., Case No. STL-11-01, Interlocutory Decision on the
Applicable Law: Terrorism, Conspiracy, Homicide, Perpetration, Cumulative Charging
(Special Trib. for Lebanon 16 February 2011), pp. 70-71, para. 108 [annexe non
traduite]
470 Prosecutor v. Perišić, Case No. IT-04-81, Trial Chamber Judgment (6 September 2011),
p. 26, para. 97 [annexe non traduite]
- 27 -
Annexe
471 Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) v. Council of the European Union, Judgment
of the General Court (Sixth Chamber, Extended Composition), T-208/11 (16 October
2014), p. 5 [annexe non traduite]
J. Décisions judiciaires, textes législatifs et documents
gouvernementaux émanant d’Etats tiers
472 French Cour de cassation, Judgement of April 12th, 2005, No. 04-84264 [annexe non
traduite]
473 Italy v. Abdelaziz and ors, Final Appeal Judgment, No. 1072, 2007, 17 Guida al
Diritto 90, ILDC 559, Supreme Court of Cassation, Italy, 17 January 2007, para. 4.1
[annexe non traduite]
474 Boim v. Holy Land Found. for Relief & Dev., 549 F.3d 685, 698 (7th Cir. 2008) [annexe
non traduite]
475 18 U.S.C. § 2339A (2009) [annexe non traduite]
476 “Fighters and Lovers Case”, Case 399/2008 (Sup. Ct., Den., 25 March 2009) [annexe
non traduite]
477 French Cour de cassation, Judgement of May 21st 2014, No. 13-83758 [annexe non
traduite]
478 Press Release, U.S. Department of the Treasury, Treasury Targets Additional Ukrainian
Separatists and Russian Individuals and Entities (19 December 2014) [annexe non
traduite]
479 Australian Government: Department of Foreign Affairs and Trade, Ukraine Sanctions:
Review of Australia’s Autonomous Sanctions Imposed on 84 Individuals and Entities in
Relation to Ukraine (2 September 2017) [annexe non traduite]
480 NouvelObs, «Deux ans de prison pour la mère d’un djihadiste : “J’aurais pu sauver mon
fils”» (6 septembre 2017) [annexe non reproduite]
481 Swiss State Secretariat for Economic Affairs, SECO Bilateral Economic Relations
Sanctions, Programs (Situation in Ukraine: Ordinance of 27 August 2014), Individual
Malofeev Konstantin Valerevich (23 May 2018) [annexe non traduite]
K. Auteurs de doctrine
482 9М38М1 Missile. Technical Description. 9М38М1.0000.000 TD. 1984 [annexe non
traduite]
483 Firing and combat operation rules for surface-to-air missile systems of anti-aircraft
defense forces of the infantry. Part 6. Buk-M1 surface-to-Air Missile System. Moscow:
Military Publishing House, 1986 [annexe non traduite]
484 Roberto Lavalle, The International Convention for the Suppression of the Financing of
Terrorism, 60 ZaöRV 491, 496-97 (2000) [annexe non traduite]
485 Anthony Aust, Counter-Terrorism — A New Approach: The International Convention
for the Suppression of the Financing of Terrorism, 5 Max Planck Y.B. U.N. L. 285, 287
(2001) [annexe non traduite]
486 Kai Ambos and Steffen Wirth, The Current Law of Crimes Against Humanity: An
Analysis of UNTAET Regulation 15/2000, 13 Criminal Law Forum (2002) [annexe non
traduite]
- 28 -
Annexe
487 Pigin, E.A. History and Trends of Development of Medium-Range Mobile
Surface-to-Air Missile Systems for Anti-Aircraft Defense of the Infantry / Radio
Engineering and Electronics, 2005 [annexe non traduite]
488 Zverev, V.I., et al. Weapons of radioelectronic divisions and units of the anti-aircraft
defense forces. 9S18М1 radar station: Study manual. Kharkiv: KhUPS, 2005 [annexe
non traduite]
489 Design, maintenance, and combat use of the combat control center of the Buk-M1 SAM
system. Part II. 9S470М1 Combat Control Center: Study Manual / Zubrytsky, H.M.,
Kyryliuk, A.S., Lukyanchuk, V.V., Khil, P.Ya. // Kharkiv University of the Air Force.
Kharkiv, 2005 [annexe non traduite]
490 Marja Lehto, Indirect Responsibility for Terrorist Acts (2009) [annexe non traduite]
VOLUME XVI
491 Ove Dullum, The Rocket Artillery Reference Book, Norwegian Defence Research
Establishment (30 June 2010) [annexe non traduite]
492 Bertrand Perrin, «L’incrimination du financement du terrorisme en droits canadien et
suisse», Revue générale de droit, vol. 42, no 1 (2012) [annexe non traduite]
493 Ben Saul, International Convention Against the Taking of Hostages, United Nations
Audiovisual Library of International Law (2014) [annexe non traduite]
494 Els De Busser, Open Source Data and Criminal Investigations, Groningen J.I.L. 2(2)
(2014) [annexe non traduite]
495 Michael G. Findley and Joseph K. Young, Terrorism, Spoiling, and the Resolution of
Civil Wars, 77 J. of Politics 115 (2015) [annexe non traduite]
496 Keith Hiatt, Open Source Evidence on Trial, 125 Yale L.J. 323 (2016) [annexe non
traduite]
497 Design, maintenance and combat use of short-range surface-to-air missile systems.
9А310М1 self-propelled transporter-erector-launcher-radar. Set of lectures. Part 1.
Skorik, A.B., Florov, O.D., Nikiforov, I.A., Halytskyi, O.F., Morhun, Ye.V.; Kharkiv:
KhNUPS, 2017 [annexe non traduite]
498 Karpenko, A.V. 9K317M BUK-M3 Surface-to-Air Missile System / NEVSKY
BASTION Military Technology Almanac [annexe non traduite]
499 Ryabov, K. Surface-to-Air Missile Systems of the Buk Family / Military Review online
[annexe non traduite]
500 Mikhail Khodarenok / “Password” Is Almost Unheard [annexe non traduite]
501 Skorik, A.B. Design, Maintenance, and Combat Use of Launchers of the Buk-M1
Surface-to-Air Missile System [annexe non traduite]
L. Articles de presse
502 Akiva Hamilton, “Bankrupting Terrorism - One Interception at a Time, Jerusalem Post
(24 November 2012) [annexe non traduite]
503 Kyiv Post, “Russian Armed Forces Seize Crimea as Putin Threatens Wider Military
Invasion of Ukraine” (2 March 2014) [annexe non traduite]
504 Alan Taylor, “Believed to Be Russian Soldiers”, The Atlantic (11 March 2014) [annexe
non traduite]
- 29 -
Annexe
505 Vitaly Shevchenko, “‘Little Green Men’ or ‘Russian invaders’”? BBC News (11 March
2014) [annexe non traduite]
506 Direct Line with Vladimir Putin, President of Russia (17 April 2014) [annexe non
traduite, doublon de l’annexe 51]
507 Luke Harding and Oksana Grytsenko, “Kidnapping of Ukrainian Patriots Has Russia’s
Full Support, Says Kiev”, Guardian (23 April 2014) [annexe non traduite]
508 “Ukrainian Deputy Rybak Was Tortured and Then Drowned”, MKRU (23 April 2014)
[annexe non traduite]
509 MKRU, “SBU – People’s Mayor Slavyansk Discussed with an Officer of the GRU RF
How to Red of the Corpse of Deputy Rybak” (24 April 2014) [annexe non traduite]
510 Intentionnellement omise
511 “In Donetsk Region, an Orthodox Priest Was Killed”, Gazeta (5 May 2014) [annexe non
traduite]
512 “Zhirinovsky Gave a Military Vehivle to the Ukrainian Militiamen”, 161.ru (6 May
2014) [annexe non traduite]
513 “The Body of the Heads of the Krasnolimanskaya Prosvita Was Found in a Burned Car”,
Radiosvoboda (8 May 2014) [annexe non traduite]
514 “Ukrainian Orthodox Church Confirms Priest Murdered in Donetsk Region”, Kyiv Post
(10 May 2014) [annexe non traduite]
515 “Aleksander Vasovic & Maria Tsvetkova, Elusive Muscovite with Three Names Takes
Control of Ukraine Rebels”, Reuters (15 May 2014) [annexe non traduite]
516 “Terrorist Shot a Resident of Donetsk Region in Front of his Family”, Unian (18 May
2014) [annexe non traduite]
517 “Details of Shooting a Farmer Near Slaviansk”, PN (19 May 2014) [annexe non
traduite]
518 Hannah Levintova, “Armed Groups in Ukraine Target Gays, Journalists, Minorities, and
Anyone Who Speaks Up”, Mother Jones (21 May 2014) [annexe non traduite]
519 Tom Balmforth, “A Guide To The Separatists Of Eastern Ukraine”, Radio Free Europe
/ Radio Liberty (3 June 2014) [annexe non traduite]
520 “Alexander Zhuchkovsky’s “Militia” of the DPR: The Only Support is in the Russian
Media”, Zaks (10 June 2014) [annexe non traduite]
521 Andrew E. Kramer & Michael R. Gordon, “Russia Sent Tanks to Separatists in Ukraine,
U.S. Says”, N.Y. Times (13 June 2014) [annexe non traduite]
522 Ilya Arkhipov, Irina Reznik & Henry Meyer, “Putin’s ‘Soros’ Dreams of Empires as
Allies Wage Ukraine Revlot”, Bloomberg (16 June 2014) [annexe non traduite]
523 Alec Luhn, “Fight Club, Donetsk”, Foreign Policy (18 June 2014) [annexe non traduite]
524 Interfax Ukraine, “Kyiv Demands Moscow to Explain Use of Igla MANPADs in
Donetsk Region”, Kyiv Post (19 June 2014) [annexe non traduite]
525 Max Vit, “Military Equipment in Stary Oskol”, KaviCom.ru (24 June 2014) [annexe non
traduite]
526 “Lugansk Terrorists Are Financed by the Communist Party of Russia”, Details (26 June
2014) [annexe non traduite]
- 30 -
Annexe
527 Harriet Salem, “Who’s Who in the Donetsk People’s Republic”, VICE News (1 July
2014) [annexe non traduite]
VOLUME XVII
528 Mumin Shakirov, “I was An Opposition Fighter in Ukraine”, The Atlantic (14 July 2014)
[annexe non traduite]
529 Peter Leonard, “Ukraine: Air Force Jet Downed by Russian Missile”, Associated Press
(17 July 2014) [annexe non traduite]
530 RT, Malaysian Airlines plane crash: Russian military unveil data on MH17 incident over
Ukraine (FULL), YouTube (21 July 2014) [annexe non traduite]
531 Max Seddon, “Locals Say Rebels Moved Missile Launcher Shortly Before Malaysian
Plane Was Downed”, Buzzfeed News (22 July 2014) [annexe non traduite]
532 Shaun Walker, “Ukrainians Report Sightings of Missile Launcher on Day of MH17
Crash”, The Guardian (22 July 2014) [annexe non traduite]
533 Courtney Weaver, “Malofeev: The Russian Billionaire Linking Moscow to the Rebels”,
Financial Times (24 July 2014) [annexe non traduite]
534 Alfred de Montesquiou, «Un camion volé pour transporter le lance-missiles», Paris
Match (25 July 2014) [annexe non traduite]
535 Thomas Grove & Warren Strobel, “Special Report: Where Ukraine’s separatists get their
weapons”, Reuters (29 July 2014) [annexe non traduite]
536 Christopher Miller, “Russian Resigns to Make Way for Ukrainian as New Head of
‘Donetsk People’s Republic’” Guardian (8 August 2014) [annexe non traduite]
537 Roland Oliphant, Kamensk-Shakhtinsky & Tom Parfitt, “Russian Armoured Vehicles
And Military Trucks Cross Border Into Ukraine”, The Telegraph (14 August 2014)
[annexe non traduite]
538 Shaun Walker, “Aid Convoy Stops Short of Border as Russian Military Vehicles Enter
Ukraine”, The Guardian (15 August 2014) [annexe non traduite]
539 Shaun Walker, “Ukraine Rebel Leader Says He Has 1,200 Fighters ‘Trained in Russia’
Under His Command”, The Guardian (16 August 2014) [annexe non traduite]
540 Roland Oliphant, “Russian Paratroopers Captured in Ukraine ‘Accidentally Crossed
Border’”, The Telegraph (26 August 2014) [annexe non traduite]
541 BBC News, “Ukraine Crisis: Key Players in Eastern Unrest” (28 August 2014) [annexe
non traduite]
542 MKRU, “The DPR and LPR Promise Kiev That They Will Remain Part of Ukraine in
Exchange for Recognition of Their Status” (1 September 2014) [annexe non traduite]
543 Petyr Kozlov & Alexey Nikolsky, “The Self-Proclaimed Republics in the East of
Ukraine Put Forward their “Negotiation Demands” to Kiev”, Vedomosti (2 September
2014) [annexe non traduite]
544 Tatyana Popova, “Leaders of the Outrages of the DNR”, Ukrainska Pravda
(23 September 2014) [annexe non traduite]
545 Glavcom, “Igor (Bes) Bezler: I Don’t Watch TV – I don’t Know About the Minsk
Agreements” (21 October 2014) [annexe non traduite]
546 Zavtra, “Who Are You, Shooter?” (20 November 2014) [annexe non traduite]
- 31 -
Annexe
547 “Alexander Borodai: I am a Russian Imperialist”, Actual Comment (24 November
2014) [annexe non traduite]
548 MKRU, “Colonel of the FSB Igor Strelkov Called the Senseless Assault on the Donetsk
Airport” (1 December 2014) [annexe non traduite]
549 James Rupert, “How Russians are Sent to Fight in Ukraine”, Newsweek (6 January
2015) [annexe non traduite]
550 “Large Military Staging Ground Detected in Russia”, The Interpreter Magazine
(7 January 2015) [annexe non traduite]
551 CORRECT!V, Flug MH17: Der Weg Der Buk-Einheit (9 January 2015) [annexe non
traduite]
552 Maddie Smith, “Ten Civilians Killed in Ukrainian Bus Attack as Donetsk Airport
Control Tower is Destroyed”, VICE (13 January 2015) [annexe non traduite]
553 Mariupol City Council, City Mayor Yuri Hotlubey and Donetsk Oblast Public
Prosecutor Nikolai Frantovsky Held a Briefing at Which They Described the Current
Situation in Mariupol (VIDEO) (24 January 2015) [annexe non traduite]
554 Oleksandr Stashevskiy, “Rebels Launch Ukraine Offensive After Bloody Bus Strike”,
AFP (24 January 2015) [annexe non traduite]
555 Oleksandr Stashevsky and Dmitry Zaks, “Ukraine Rebels Announce New Offensive as
Rockets Kill 30”, AFP (24 January 2015) [annexe non traduite]
556 Viktoria Savitskaya, “Mariupol Recovers after Shelling”, LB.ua (24 January 2015)
[annexe non traduite]
557 Stephen Brown and Noah Barkin, “Merkel Rules Out Arming Ukraine Government But
Unsure Peace Push Will Work”, Reuters (7 February 2015) [annexe non traduite]
558 Lb.ua, “Media Publish the Demands of the DPR and LPR for the Resolution of the
Conflict (Documents)” (11 February 2015) [annexe non traduite]
559 Zn.ua, “The DPR’s and LPR’s Proposals at the Negotiations in Minsk” (11 February
2015) [annexe non traduite]
560 Vladimir Soldatkin and Pavel Polityuk, ““Glimmer of Hope” for Ukraine After New
Ceasefire Deal”, Reuters (12 February 2015) [annexe non traduite]
561 Linda Kinstler, “A Ukrainian City Holds Its Breath”, Foreign Policy (20 February 2015)
[annexe non traduite]
562 “Deadly Bomb Blast Hits Rally In Ukraine”, Al Jazeera (22 February 2015) [annexe
non traduite]
563 “Kiev Blames Russia”, L.A. Times (22 February 2015) [annexe non traduite]
564 The Interpreter Magazine, “We All Knew What We Were Going For and What Could
Happen” (English translation of an interview in Novaya Gazeta by Elena Kostyuchenko
dated 2 March 2015) [annexe non traduite]
565 BBC News, “Putin Reveals Secrets of Russia’s Crimea Takeover Plot” (9 March 2015)
[annexe non traduite, doublon de l’annexe 52]
566 DW, “Putin reveals details of decision to annex Crimea” (9 March 2015) [annexe non
traduite, doublon de l’annexe 1051]
567 Meduza, “‘I Serve the Russian Federation!’ Soldiers Deployed During the Annexation
of Crimea Speak” (16 March 2015) [annexe non traduite]
- 32 -
Annexe
568 Maxim Tucker, “Russia Launches Next Deadly Phase of Hybrid War on Ukraine”,
Newsweek (31 March 2015) [annexe non traduite]
569 Olga Ivshyna, “Commander of the “Special Forces of the DPR”: Russia’s Help was
Decisive”, BBC Russia (31 March 2015) [annexe non traduite]
570 Corey Flintoff, “Bomb Attacks Increase In Ukraine’s Second-Largest City, Kharkiv”,
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571 Simon Shuster, “Meet the Pro-Russian ‘Partisans’ Waging a Bombing Campaign in
Ukraine”, TIME (10 April 2015) [annexe non traduite]
572 Zoya Lukyanova, “Translator for the DPR: “This is a Performance for the Whole
World”” LB.ua (21 April 2015) [annexe non traduite]
573 David Stern, “Lethal Divisions Persist in Ukraine’s Odessa”, BBC News (2 May 2015)
[annexe non traduite]
574 Maria Tsvetkova, “Special Report: Russian Soldiers Quit Over Ukraine”, Reuters
(10 May 2015) [annexe non traduite]
575 “Michael Usher Travels to Ukraine to Track the Missile that Shot Down MH17”, 60
Minutes Australia (17 May 2015) [annexe non traduite]
576 Maria Tsvetkova, “Special Report: Russian fighters, caught in Ukraine, cast adrift by
Moscow”, Reuters (29 May 2015) [annexe non traduite]
577 Jo Becker & Steven Lee Myers, “Russian Groups Crowdfund the Wars in Ukraine”,
N.Y. Times (11 June 2015) [annexe non traduite]
578 Tomasz Piechal, “The War Republics In The Donbas One Year After The Outbreak Of
The Conflict”, Ośrodek Studiów Wschodnich (17 June 2015) [annexe non traduite]
579 Corey Flintoff, “Who’s Behind a String of Bombings in Ukraine’s Black Sea ‘Pearl’?”,
NPR (1 July 2015) [annexe non traduite]
580 John Thornhill, “Fear Vladimir Putin’s Weakness Not His Strength”, The Financial
Times (17 August 2015) [annexe non traduite]
581 Anton Zverev, “OSCE says spots deadly Russian rocket system in Ukraine for first
time”, Reuters (2 October 2015) [annexe non traduite]
582 BBC News, “Ukraine Rebels Have Powerful New Russian-Made Rockets – OSCE”
(2 October 2015) [annexe non traduite]
583 “The Russian Secret Behind Ukraine’s Self-Declared ‘Donetsk Republic’”, France 24
(15 October 2015) (video) [annexe non traduite]
584 Robert Hackwill, “Caught Red-Handed: the Russian Major Fighting in Ukraine”,
EuroNews (8 December 2015) [annexe non traduite]
585 The Guardian, “Putin Admits Russian Military Presence in Ukraine for the First Time”
(17 December 2015) [annexe non traduite]
586 Julian Röpcke, “How Russia Finances the Ukrainian Rebel Territories”, Bild (16 January
2016) [annexe non traduite]
587 Anna Shamanska, “Former Commander of Pro-Russian Separatists Says He Executed
People Based on Stalin-Era Laws”, Radio Free Europe/Radio Liberty (19 January 2016)
[annexe non traduite]
588 “Examining the Evidence of Russia’s Involvement in a Malaysia Airlines Crash”,
Stratfor (13 May 2016) [annexe non traduite]
- 33 -
Annexe
589 “Desire to Break Free from Ukraine Keeps Devastated Donetsk Fighting”, PBS
Newshour (5 July 2016) [annexe non traduite]
590 “Mironov Promises Draft Bill “On the Status of the Donbas Militas”, RIA.ru
(14 September 2016) [annexe non traduite]
591 Henry Meyer and Onur Ant, Analysis: “The Russian ‘Philosopher’ Who Links Putin,
Bannon, Turkey: Alexander Dugin”, Chicago Tribune (3 February 2017) [annexe non
traduite]
592 John Wendle, “In Avdiivka, Ukrainians See Surge in Fighting as Putin Testing Trump”,
TIME (3 February 2017) [annexe non traduite]
593 Al Jazeera, “Avdiivka Civilians Caught in Crossfire as Clashes Rage” (5 February 2017)
[annexe non traduite]
594 John Wendle, “Avdiivka, Evacuating Again as Fighting Escalates”, Al Jazeera
(8 February 2017) [annexe non traduite]
595 Anton Zverev, “Ex-Rebel Leaders Detail Role Played by Putin Aide in East Ukraine”,
Reuters (11 May 2017) [annexe non traduite]
596 Nikolaus von Twickel, “South Ossetia: A ‘Little Switzerland’ for Donbas?”,
EURASIANET.org (31 May 2017) [annexe non traduite]
597 “Prosecutor General’s Office Put Zhirinovsky In Suspicion Of Financing Terrorism”,
Front New International (23 August 2017) [annexe non traduite]
VOLUME XVIII
598 Victoria Butenko & Sergei L. Loiko, “Bomb Blast at Pro-Ukraine Rally in Kharkiv Kills
2”, Los Angeles Times (22 February 2015) [annexe non traduite]
M. Autres documents publiquement accessibles
599 Ministry of Defence of the USSR, Firing Tables for High Explosive Fragmentation
Projectiles M-21OF (1985) [annexe non traduite]
600 Press Release, Yandex Money, Yandex and Sberbank of Russia Finalize Yandex.Money
Joint Venture (4 July 2013) [annexe non traduite]
601 Archived Website Panoramio Showing Geo-Tagged Photographs [annexe non traduite]
602 Video of Buk Driving West to East (13 October 2013) [annexe non traduite]
603 Video Show Buk Driving North to South in Torez (17 July 2014) [annexe non traduite]
604 Verkhovna Rada of the Autonomous Republic of Crimea, Resolution No. 1702-6/14,
arts. 1-2 (6 March 2014) [annexe non traduite]
605 Fundraising for the Rendering of Humanitarian Assistance to the Residents of the
Southeast of Ukraine, The Communist Party of the Russian Federation (17 June 2014)
[annexe non traduite]
606 Video Showing Military Convoy Passing By (24 July 2014) [annexe non traduite]
607 Archived Website of Deleted Video, Showing Upload Information (upload 23 June
2014) [annexe non traduite]
608 Video Showing Convoy Containing the Buk (24 June 2014) [annexe non traduite]
609 Video Showing Military Convoy, uploaded by Svetlana Smirnova (24 June 2014)
[annexe non traduite]
- 34 -
Annexe
610 Website Posting Photograph of Military Convoy [annexe non traduite]
611 Video of Military Convoy, Uploaded by Ekaterina Zubakhina (24 June 2014) [annexe
non traduite]
612 Intentionnellement omise
613 Video Showing Buk in Alexeyevka (25 June 2014) [annexe non traduite]
614 Igor Girkin, Twitter (17 July 2014) [annexe non traduite]
615 Roman, Twitter (17 July 2014) [annexe non traduite]
616 Roman, Twitter (17 July 2014) (second tweet) [annexe non traduite]
617 Social Media Page (Twitter) of Flightradar24, archived on 17 July 2014 [annexe non
traduite]
618 Social Media Post (Twitter) Time-Stamped 10:40 17 July 2014 (17 July 2014) [annexe
non traduite]
619 Video Showing Buk Exiting Snizhne (17 July 2014) [annexe non traduite]
620 Social Media Post (Twitter) Time-Stamped 12:07 17 July 2014 (17 July 2014) [annexe
non traduite]
621 Video Showing Buk Missing One Missile (uploaded 18 July 2014) [annexe non
traduite]
622 Video Showing Buk TEL (19 July 2014) [annexe non traduite]
623 vlad_igorev, Livejournal (23 July 2014) [annexe non traduite]
624 Photograph Showing Geo-Location Markers (23 July 2014) [annexe non traduite]
625 Actual Requests for Assistance to the Militia of Novorossia, StrelkovInfo (as archived
on 10 August) [annexe non traduite]
626 Report on Past Deliveries, Coordination Center for New Russia (19 August 2014)
[annexe non traduite]
627 Video of Buk in Stary Oskol (1 September 2014) [annexe non traduite]
628 Alexander Zhuchkovsky, On the Advisability of Purchasing Armored Vehicles,
StrelkovInfo (4 September 2014) [annexe non traduite]
629 Regular Dispatch Is Not Humanitarian Aid, Coordination Center for Assistance to New
Russia (19 November 2014) [annexe non traduite]
630 Regular Dispatch Is Not Humanitarian Aid, Coordination Center for New Russia
(19 November 2014) [annexe non traduite]
631 Communist Party for the DKO (Volunteer Communist Detachment), Coordination
Center for Assistance to New Russia (30 December 2014) [annexe non traduite]
632 Communist Party for the DKO (Volunteer Communist Detachment), Coordination
Center for New Russia (30 December 2014) [annexe non traduite]
633 Report of the CCNR on the Results of 2014, Coordination Center for New Russia
(12 January 2015) [annexe non traduite]
634 Ministry of Foreign Affairs of the DPR, The Statement on Bus Shelling near Volnovakha
(13 January 2015) [annexe non traduite]
635 Social Media Page (VKontakte) of Oleksandr Zhukovsky (post of 15 March 2015)
[annexe non traduite]
- 35 -
Annexe
636 Video Showing Military Convoy Heading to Alexeyevka (11 June 2015) [annexe non
traduite]
637 Intentionnellement omise
638 Video of Military Convoy Passing (1 September 2015) [annexe non traduite]
639 Video of a Convoy in Alexeyevka (1 September 2015) [annexe non traduite]
640 Video Footage Taken in Alexeyevka (1 September 2015) [annexe non traduite]
641 Video of Military Convoy in Stary Oskol (1 September 2015) [annexe non traduite]
642 Video (and Still Image) Showing License Plate of Military Vehicle in Convoy
(1 September 2015) [annexe non traduite]
643 Intentionnellement omise [annexe non traduite]
644 Video Footage Taken in Stary Oskol (1 September 2015) [annexe non traduite]
645 Charitable International Humanitarian Projects Assistance Fund, Rusprofile
(22 December 2015) [annexe non traduite]
646 Ministry of Foreign Affairs of the Donetsk People’s Republic, Press Conference with
Aleksandr Kofman and Sergei Mironov in Donetsk (28 December 2015) [annexe non
traduite]
647 Video of Buk Near Makiivka (3 May 2016) [annexe non traduite]
648 Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo
(24 February 2017) [annexe non traduite]
649 Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo
(14 April 2017) [annexe non traduite]
650 Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo
(30 May 2017) [annexe non traduite]
651 Report on Expenditures and Purchases for the Militia of Novorossia, StrelkovInfo
(22 July 2017) [annexe non traduite]
652 Mariupol City Council, Left Bank District Infrastructure (24 July 2017) [annexe non
traduite]
653 Official Site of Kharkiv City Council, Mayor, Executive Committee, History of Kharkiv
(27 July 2017) [annexe non traduite]
654 Save the Donbas (last archived on 12 September 2017) [annexe non traduite]
655 Rudy Bouma, Twitter (20 October 2017) [annexe non traduite]
656 Extract of Smerch Firing Table, Ministry of Defense of Ukraine (March 2018) [annexe
non traduite]
657 Mariupol City Council, Population (6 March 2018) [annexe non traduite]
658 Financial Reports, The managing company OD “Novorossiya” - ANO “KNB”: Transfer
of money for OD “Novorossia” II. Strelkov (last visited 21 March 2018) [annexe non
traduite]
659 Help the Russians (last visited 21 March 2018) [annexe non traduite]
660 Help-Donbas (last visited 21 March 2018) [annexe non traduite]
661 Novorossia Humanitarian Battalion (last visited 21 March 2018) [annexe non traduite]
- 36 -
Annexe
662 Summaries from the Militia of Novorossia, Vkontakte (last accessed 21 March 2018)
[annexe non traduite]
663 The Managing Company OD “Novorossiya” - ANO “KNB”: Transfer of Money for OD
“Novorossia” II. Strelkov (last visited 21 March 2018) [annexe non traduite]
664 See About Us, Sberbank (last visited 25 April 2018) [annexe non traduite]
665 Information About the Commercial Banks of RSO, National Bank: Republic of South
Ossetia (last visited 2 May 2018) [annexe non traduite]
666 Live Air Traffic, Fligthradar24 (23 May 2018) [annexe non traduite]
667 Historical Data for the Period 22.12.2015–05.31.2018, International Humanitarian
Projects Assistance Fund, Rusprofile (31 May 2018) [annexe non traduite]
668 Amnesty International, Youtube DataViewer (6 June 2018) [annexe non traduite]
669 Russian Wikipedia, 5th Anti-Aircraft Missile Brigade (6 June 2018) [annexe non
traduite]
670 Russian Wikipedia, Moscow Military District (6 June 2018) [annexe non traduite]
671 Russian Wikipedia, Stary Oskol Tram Station (6 June 2018) [annexe non traduite]
672 Smerch, Deagle [annexe non traduite]
673 Tabular Firing Tables for the 120mm Mortar, OF-843A [annexe non traduite]
674 Wikimapia, reference http://wikimapia.org/#lang=de&lat=48.017139&lon=38.754562
&z=18&m=b&show=/27039199/ru/пл-50-лет-Октября-3 (6 June 2018) [annexe non
traduite]
675 Wikimapia, reference http://wikimapia.org/#lang=de&lat=48.018549&lon=38.753409
&z=18&m=b (6 June 2018) [annexe non traduite]
676 Wikipedia, List of town tramway systems in Russia (6 June 2018) [annexe non traduite]
677 Wikipedia, Vehicle Registration Plates of Russia, reference http://en.wikipedia.org/wiki/
Vehicle_registration_plates_of_Russia#Region (6 June 2018) [annexe non traduite]
678 Video Posted on VKontakte By User Anna Senina (Praslova) (6 June 2018)
679 Отобранные веб-камеры [annexe non traduite]
680 48.020433, 37.990787, Google Maps reference https://www.google.ch/maps/search/
48.020433,+37.990787?sa=X&ved=0ahUKEwie393dlsTaAhWTasAKHRSuAeMQ8g
EIJjAA (6 June 2018) [annexe non traduite]
681 48°01’00.1"N 38°18’06.6"E, Google Maps, reference https://www.google.com/maps/
place/48°01’00.1%22N+38°18’06.6%22E/@48.0167,38.301823,590m/data=!3m1!1e3
!4m5!3m4!1s0x0:0x0!8m2!3d48.0167!4d38.301823 (6 June 2018) [annexe non
traduite]
682 48°01’03.5"N 37°59’00.1"E, Google Maps, reference https://www.google.com/maps/
place/48°01’03.5%22N+37°59’00.1%22E/@48.0177065,37.9825478,302m/data=!3m1
!1e3!4m5!3m4!1s0x0:0x0!8m2!3d48.017652!4d37.983353 (6 June 2018) [annexe non
traduite]
683 Anastasia Bondarchuk, Vkontakte [annexe non traduite]
684 Internet Archive, Wayback Machine, reference https://web.archive.org/web/
20120611005952/http://www.ryadovoy.ru:80/forum/index.php? topic=423.0 [annexe
non traduite]
- 37 -
Annexe
685 Internet Archive, Wayback Machine, reference https://web.archive.org/web/201502042
10929/https://mh17.correctiv.org/mh17-the-path-ofthe-buk/ [annexe non traduite]
686 Normal Terrain Tabular Firing Tables for the 122-mm Howitzer Model D-30, R.T. No
0145 [annexe non traduite]
687 Internet Archive, Wayback Machine, reference https://web.archive.org/web/20140910
220159/https://www.youtube.com/watch?v=aLtzYEHolmg [annexe non traduite]
688 WebMoney Purse Linking, Yandex (last visited 21 March 2018) [annexe non traduite]
N. Documents audiovisuels
689 Video of the Buk in Kursk (23 June 2014) [annexe non traduite]
690 Intentionnellement omise [annexe non traduite]
691 rokersson, Instagram (23 June 2014) [annexe non traduite]
692 Politie, https://www.politie.nl/binaries/content/assets/politie/mh17/vid_20140717_102
354.mp4 [annexe non traduite]
693 Kovtun video of Malysheev Plant bombing (video) [annexe non traduite]
694 Video by kriskrukova, YouTube (8 November 2014) [annexe non traduite]
695 Footage from a Surveillance Camera at the Checkpoint (10 January 2015) (video)
[annexe non traduite]
696 Dashboard Camera Footage of Shelling on 13 January 2015 (video) [annexe non
traduite]
697 Video of the shelling of Mariupol (24 January 2015) [annexe non traduite]
698 Google Earth/Digital Globe satellite imagery of Zuhres (17 February 2015), available at
Eliot Higgins, Two More Key Sightings of the MH17 Buk Missile Launcher, bell¿ngcat
(28 July 2014) [annexe non traduite]
699 Video of Buk 231 Taken During a June Convoy (8 March 2015) [annexe non traduite]
700 Intentionnellement omise
701 Video Originally Posted by Vkontake User Anastasia Bondarchuk (8 March 2015)
[annexe non traduite]
702 Video of Buk Traveling on Millerovo-Lugansk Highway (8 March 2015) [annexe non
traduite]
703 Politie, MH17 (30 Mar. 2015) (video) [annexe non traduite]
704 NewsFromUkraine, MH17 Was Downed by Russian BUK. Special Investiigation.
Part 2., (17 May 2015) [annexe non traduite]
705 July 17th 2014 - Buk sighting in Zuhres, Ukraine, YouTube (9 July 2015) [annexe non
traduite]
706 Security Service of Ukraine Surveillance Video of Zhirenko and Jakob (video) [annexe
non traduite]
707 Video published by the Kharkiv Partisans (video) (taking credit for these attacks)
[annexe non traduite]
708 Yandex Maps, reference https://maps.yandex.com/?text=48°32%2743.27%22N%2C%
20%2039°15%2759.40%22E&sll=-1.139759%2C52.636878&sspn=0.422287%2C0.12
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- 38 -
Annexe
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20374 (6 June 2018) [annexe non traduite]
709 Yandex Maps, reference https://maps.yandex.com/?text=luhansk&sll=-1.139755%
2C52.636876&sspn=0.422287%2C0.124798&ll=39.266431%2C48.543234&z=16&ol
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ma%5Bspan%5D=130.000000%2C65.761719 (6 June 2018) [annexe non traduite]
710 Yandex Maps, reference https://yandex.com/maps/?text=luhansk&sll=-1.139759%
2C52.636878&sspn=0.422287%2C0.124798&ol=geo&oll=39.307806%2C48.574039
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ama%5Bspan%5D=88.930385%2C44.986269 (6 June 2018) [annexe non traduite]
711 Yandex Maps, reference https://yandex.com/maps/20192/alekseevka/?mode=search&
text=50.624196%2C%2038.649911&sll=-2.036894%2C52.857715&sspn=1.139832%
2C0.514530&ll=38.650661%2C50.623974&z=17&l=sat (6 June 2018) [annexe non
traduite]
712 Yandex Maps, reference https://yandex.ru/maps/?ll=36.303356%2C51.706292&
spn=0.006759%2C0.002180&z=18&l=sat&mode=search&text=%D0%A0%D0%BE
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2C51.705833&sspn=0.007328%2C0.002266 (6 June 2018) [annexe non traduite]
713 Google Street View, reference https://www.google.co.uk/maps/@51.2441012,37.
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714 Google Street View, reference https://www.google.co.uk/maps/@51.3064728,37.
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A!2e0!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
715 Google Street View, reference https://www.google.co.uk/maps/@51.3116771,37.
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D100!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
716 Google Street View, reference https://www.google.co.uk/maps/@51.3204402,37.
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0!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
717 Google Street View, reference https://www.google.co.uk/maps/@51.6544838,36.
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A!2e0!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
718 Google Street View, reference https://www.google.com/maps/@48.0034014,37.
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!2e0!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
- 39 -
Annexe
719 Google Street View, reference https://www.google.com/maps/@48.0046232,37.
8726847,3a,60y,42.39h,108.54t/data=!3m6!1e1!3m4!1sRGnHwZ5YZnuGO-n_VvruW
g!2e0!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
720 Google Street View, reference https://www.google.com/maps/@48.9025585,40.
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!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
721 Google Street View, reference https://www.google.com/maps/@50.5830758,38.
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00!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
722 Google Street View, reference https://www.google.com/maps/@51.233883,37.
9404054,3a,75y,215.94h,85.44t/data=!3m7!1e1!3m5!1siNFO6L4Q2R9rrvLtjX2W4A!
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0!7i13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
723 Google Street View, reference https://www.google.com/maps/place/51°08’25.9%22N+
38°03’10.2%22E/@51.1405413,38.0506453,553m/data=!3m2!1e3!4b1!4m14!1m7!3m
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[annexe non traduite]
724 Google Street View, reference https://www.google.fi/maps/@51.3246885,37.8819052,
3a,15y,125.37h,92.17t/data=!3m7!1e1!3m5!1sB6gbwgIB_Fsi0IdzugNrRw!2e0!5s201
20701T000000!7i13312!8i6656?hl=en (6 June 2018) [annexe non traduite]
725 GoogleMaps, reference https://www.google.co.uk/maps/@51.3590831,37.5007226,
3a,75y,244.95h,92.41t/data=!3m7!1e1!3m5!1sAFKiLsYQTENA3b3SxXfVNQ!2e0!6s
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13312!8i6656 (6 June 2018) [annexe non traduite]
726 Photograph of Soldiers, accessed at http://cs305312.vk.me/u155194290/148022808/w_
6a4c91a5.jpg (6 June 2018) [annexe non traduite]
727 Internet Archive, Wayback Machine, reference https://web.archive.org/web/
20150401104503/http://goroskop.odnoklassniki.ru/video/13856344715 (6 June 2018)
[annexe non traduite]
728 Internet Archive, Wayback Machine, reference https://web.archive.org/web/
20150910000404/https://instagram.com/p/q26ixzmReT/ (6 June 2018) [annexe non
traduite]
729 Internet Archive, Wayback Machine, reference https://web.archive.org/web/
20160518011731/http://www.outdoor-online.com.ua/resources/view/223950 (6 June
2018) [annexe non traduite]
- 40 -
Annexe
VI. ANNEXES RELATIVES À LA CIEDR
A. Documents du Gouvernement ukrainien
730 All-Ukrainian Population Census Linguistic Composition of Population, Autonomous
Republic of Crimea (2001) [annexe non traduite]
731 All-Ukrainian Population Census National Composition of Population, Autonomous
Republic of Crimea (2001) [annexe non traduite]
732 Ukrainian Constitution (8 December 2004) Article 39 [annexe non traduite]
733 Verkhovna Rada of Ukraine Adopted the Resolution “On Statement of the Verkhovna
Rada of Ukraine Re Guarantees of Rights of the Crimean Tatar People as a Part of the
State of Ukraine”, Verkhovna Rada of Ukraine (20 March 2014), accessed at
http://rada.gov.ua/en/news/News/News/89899.html [annexe non traduite]
734 Ministry of Information Policy of Ukraine, Save the Khan’s Palace (2018) [annexe non
traduite]
735 Education Statistics from Ministry of Education of Ukraine (2018) [annexe non traduite]
B. Documents d’organisations internationales
1. Organisation des Nations Unies
736 Summary Records of the Meetings of the Sixth Committee of the General Assembly,
21 September – 10 December 1948, Official Records of the General Assembly [annexe
non traduite]
737 Commission on Human Rights, Subcommission on Prevention of Discrimination and
Protection of Mionrities, Summary Record of the 411th Meeting Held at Headquarters,
New York, E/CN.4/Sub.2/SR.411 (5 February 1964) [annexe non traduite]
VOLUME XIX
738 U.N. General Assembly Resolution No. 2106A (XX), U.N. Doc. A/RES/20/2106,
International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination
(21 December 1965) [annexe non traduite]
739 Kitok v. Sweden, Communication No. 197/1985, CCPR/C/33/D/197/1985 (1988)
[annexe non traduite]
740 Lubicon Lake Band v. Canada, Communication No. 167/1984, U.N. Doc. Supp. No. 40
(A/45/40) (26 March 1990) [annexe non traduite]
741 Intentionnellement omise
742 Intentionnellement omise
743 Nations Unies, Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités
nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, art. 2, adoptée en vertu de la
résolution 47/135 du 18 décembre 1992 de l’Assemblée générale
744 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 827, doc. S/RES/827 (25 mai 1993)
745 Human Rights Committee, General Comment 18, Non-discrimination (Thirty-Seventh
Session, 1989), Compilation of General Comments and General Recommendations
Adopted by Human Rights Treaty Bodies, U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.1 at 26 (1994)
[annexe non traduite]
- 41 -
Annexe
746 Intentionnellement omise
747 International Criminal Tribunal for Rwanda, U.N. Doc. S/RES/955 (1994) [annexe non
traduite]
748 OHCHR General Comment No. 23: The rights of minorities, Doc No. 08/04/94,
CCPR/C/21/Rev.1/Add.5 (1994) [annexe non traduite]
749 Rome Statute of the International Criminal Court, U.N. Doc. A/CONF.183/9 (17 July
1998) [annexe non traduite]
750 Mahuika et al. v. New Zealand, Communication No. 547 / 1993, U.N. Doc. CCPR/C/70/
D/547/1993 (27 October 2000) [annexe non traduite]
751 Althammer v. Austria, Communication No. 998/2001, U.N. Doc CCPR/C/78/D/998/
2001 (22 September 2003) [annexe non traduite]
752 Cecilia Derksen v. Netherlands, Communication No. 976/2001, U.N. Doc CCPR/C/D/
976/2001 (1 April 2004) [annexe non traduite]
753 Report of the International Commission of Inquiry on Darfur to the United Nations
Secretary General (pursuant to Security Council Resolution 1564 of 18 September 2004)
(25 January 2005) [annexe non traduite]
754 CESCR General Comment No. 16, The Equal Right of Men and Women to the
Enjoyment of All Economic, Social and Cultural Rights, E/C.12/2005/4 (11 August
2005) [annexe non traduite]
755 CESCR General Comment No. 20, Non-Discrimination in Economic, Social and
Cultural Rights, E/C.12/GC/20 (2 July 2009) [annexe non traduite]
756 Comité des droits de l’homme, Examen des rapports soumis par les Etats parties
conformément à l’article 40 du Pacte, Observations finales sur la conformité de la Russie
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Fédération de Russie,
CCPR/C/RUS/CO/6 (24 novembre 2009)
757 CESCR General Comment No. 21, Right of Everyone to Take Part in Cultural Life,
E/C.12/GC/21 (21 December 2009) [annexe non traduite]
758 CEDAW General Recommendation No. 28 on the Core Obligations of State Parties
under Article 2. CEDAW/C/GC/28 (16 December 2010) [annexe non traduite]
759 HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic
of Crimea and the City of Sevastopol (Ukraine) (22 February 2014 to 12 September
2017) [annexe non traduite]
760 United Nations Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on Minority
Issues on Her Mission to Ukraine (7-14 April 2014), U.N. Doc. A/HRC/28/64/Add.1
(26 August 2014) [annexe non traduite]
761 Intentionnellement omise
762 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 April 2014) [annexe non
traduite, doublon de l’annexe 44]
763 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 May 2014) [annexe non
traduite, doublon de l’annexe 45]
VOLUME XX
764 HCDH, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (15 juin 2014)
[doublon de l’annexe 46]
- 42 -
Annexe
765 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 September 2014) [annexe
non traduite]
766 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (15 November 2014) [annexe
non traduite, doublon de l’annexe 48]
767 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (1 December 2014 to
15 February 2015) [annexe non traduite, doublon de l’annexe 309]
768 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February-15 May 2015)
[annexe non traduite, doublon de l’annexe 310]
769 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May-15 August 2015)
[annexe non traduite]
770 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November
2015) [annexe non traduite]
771 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February to 15 May 2016)
[annexe non traduite]
772 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May to 15 August 2016)
[annexe non traduite]
773 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November
2016) [annexe non traduite]
774 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 February to 15 May 2017)
[annexe non traduite]
775 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 May-15 August 2017)
[annexe non traduite]
VOLUME XXI
776 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 August-15 November
2017) [annexe non traduite]
777 HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic
of Crimea, No. 12-401/2016 (17 November 2016) [annexe non traduite]
778 HCDH, Situation of Human Rights in the Temporarily Occupied Autonomous Republic
of Crimea and the City of Sevastopol, UN Doc. A/HRC/36/CRP.3 (25 September 2017)
[annexe non traduite]
779 HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine (16 November
2017-15 February 2018) [annexe non traduite]
780 U.N. Commission on Human Rights, Commentary of the Working Group on Minorities
to the United Nations Declaration on the Rights of Persons Belonging to National or
Ethnic, Religious and Linguistic Minorities, U.N. Doc. E/CN.4/Sub.2/AC.5/2005/2
(2005) [annexe non traduite]
781 Human Rights Bodies - Complaint Procedures, HCDH (6 June 2018) accessed at
http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/TBPetitions/Pages/HRTBPetitions.aspx#
interstate [annexe non traduite]
782 Nations Unies, Assemblée générale, vingtième session, 1406e séance plénière,
doc. A_PV.1406 (21 décembre 1965) [doublon de l’annexe 272]
783 Intentionnellement omise
- 43 -
Annexe
784 Written statement submitted by the Society for Threatened Peoples,
U.N. A/HRC/28/NGO/97 (23 February 2015) [annexe non traduite]
785 Permanent Delegation of the Russian Federation to UNESCO, Information on the
Situation in the Republic of Crimea (the Russian Federation) within the Scope of
UNESCO Competence as of April 8, 2015 (14 April 2015) [annexe non traduite]
786 U.N. General Assembly Resolution 45/158, International Convention on the Protection
of the Rights of all Migrant Workers and Members of their Families (18 December 1990)
[annexe non traduite]
787 HRC, General Comment No. 18, Non-Discrimination (Thirty-seventh Session, 1989),
Compilation of General Comments and General Recommendations Adopted by Human
Rights Treaty Bodies, U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.1 (1994) [annexe non traduite]
2. Documents du CERD
788 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale XIV
789 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale XXXI
790 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale XXXII
791 CERD Committee, General Recommendation No. VIII Concerning the Interpretation
and Application of Article 1, Paragraphs 1 and 4 of the Convention Thirty-Eighth
Session, contained in U.N. Doc A/45/18 (23 August 1990)
792 Report of the CERD Committee, General Assembly Official Records: 48th Session,
Supp. No. 18, U.N. Doc. No. A/48/18 (19 January 1994) [annexe non traduite]
793 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, vingtième, vingt et unième et
vingt-deuxième rapports périodiques attendus des Etats parties en 2012, Fédération de
Russie, CERD/C/RUS/20-22 (6 juin 2012)
794 Finland, Reports Submitted by States Parties under Article 9 of the Convention, Twelfth
Periodic Reports Due in 1993, CERD/C/240/Add.2 (17 May 1995) [annexe non
traduite]
795 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés
par les Etats parties conformément à l’article 9 de la convention, conclusions du comité
pour l’élimination de la discrimination raciale, Fédération de Russie,
CERD/C/304/Add.5 (28 mars 1996)
796 CERD Committee, General Recommendation No. XXIX on Article 1, Paragraph 1, of
the Convention (Descent) Preamble, contained in U.N. Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.5
(2002) [annexe non traduite]
797 Stephen Hagan c. Australie, communication no 26/2002, CERD/C/62/D/26/2002
(14 avril 2003)
798 CEDAW, General Recommendation No. 25 on Article 4, Paragraph 1, of the
Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women, on
Temporary Special Measures (2004) [annexe non traduite]
799 A.W.R.A.P. v. Denmark, Communication No. 37/2006, CERD/C/71/D/37/2006 (2007)
[annexe non traduite]
VOLUME XXII
800 P.S.N. v Denmark, Communication No. 36/2006, CERD/C/71/D/36/2006 (2007)
[annexe non traduite]
- 44 -
Annexe
801 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, examen des rapports présentés
par les Etats parties conformément à l’article 9 de la convention, Etats-Unis d’Amérique,
CERD/C/USA/CO/6 (8 mai 2008)
802 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, quatrième à sixième rapports
périodiques des Etats parties attendus en 2013, Turquie, CERD/C/TUR/4-6 (17 avril
2014)
803 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, cinquième à septième rapports
périodiques des Etats parties attendus en 2014, Kenya, CERD/C/KEN/5-7 (28 janvier
2016)
804 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observations finales concernant
les vingt-troisième et vingt-quatrième rapports périodiques de la Fédération de Russie,
CERD/C/RUS/CO/23-24 (20 septembre 2017)
3. OSCE
805 OSCE, HCNM, The Integration of Formerly Deported People in Crimea, Ukraine:
Needs Assessment (August 2013) [annexe non traduite]
806 OSCE, Report by the OSCE Representative on Freedom of the Media (28 November
2013 to 23 May 2014) [annexe non traduite]
807 OSCE, OSCE Representative Warns of Further Threats to Media Pluralism in Luhansk
and Crimea, Notes Threats to Media Workers (11 July 2014) [annexe non traduite]
808 OCSE, OSCE Representative Condemns Steps Aimed at Full Silencing of
Chernomorskaya TV in Crimea (4 August 2014) [annexe non traduite]
809 OSCE, Latest from OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM) Based on
Information Received as of 18:00 (Kyiv time) (11 September 2014) [annexe non
traduite]
810 Organization for Security and Co-operation in Europe, Freedom of Assembly in Crimea
Occupied by the Russian Federation, Supplementary Human Dimension Meeting
(16-17 April 2015), PC.SHDM.NGO/14/15 (17 April 2015) [annexe non traduite]
811 Organization for Security and Co-operation in Europe, Thematic Report: Freedom of
Movement across the Administrative Boundary Line with Crimea (19 June 2015)
[annexe non traduite]
812 OSCE, Office for Democratic Institutions and Human Rights (ODIHR) and the High
Commissioner on National Minorities (HCNM), Report of the Human Rights
Assessment Mission on Crimea (6-18 July 2015) (17 September 2015) [annexe non
traduite]
813 United States Mission to the OSCE, Ongoing Violations of International Law and
Defiance of OSCE Principles and Commitments by the Russian Federation in Ukraine
(26 May 2016) [annexe non traduite]
814 EU Statement on “Russia’s Ongoing Aggression against Ukraine and Illegal Occupation
of Crimea”, OSCE Permanent Council No. 1106, PC.DEL/945/16 (24 June 2016)
[annexe non traduite]
815 Organization for Security and Co-operation in Europe, Press Release: Parliamentary
Assembly Human Rights Chair Calls for Release of Crimean Tatar Leader Umerov
(27 August 2016) [annexe non traduite]
- 45 -
Annexe
4. Conseil de l’Europe
816 Conseil de l’Europe, commission européenne pour la démocratie par le droit
(commission de Venise), avis sur la loi fédérale no 54-FZ du 19 juin 2004 relative aux
réunions, rassemblements, manifestations, marches et piquets de grève de la Fédération
de Russie (adopté les 16-17 mars 2012)
817 Council of Europe, European Commission for Democracy Through Law (Venice
Commission), Opinion No. 660/2011 on the Federal Law on Combating Extremist
Activity of the Russian Federation, CDL-AD(2012)016 (20 June 2012) [annexe non
traduite]
818 Council of Europe, European Commission for Democracy Through Law (Venice
Commission), Opinion on Federal Law No. 65-FZ of 8 June 2012 of the Russian
Federation Amending Federal Law No. 54-FZ of 19 June 2004 on Assemblies,
Meetings, Demonstrations, Marches and Picketing and the Code of Administrative
Offences, 686/2012, 94th Plenary Session (8-9 March 2013), para. 36, 54-57 [annexe
non traduite]
819 Conseil de l’Europe, commission européenne pour la démocratie par le droit
(commission de Venise), avis sur la compatibilité avec les principes constitutionnels de
la décision du Conseil suprême de la République autonome de Crimée en Ukraine de
tenir un référendum sur la question de devenir un territoire constitutif de la Fédération
de Russie ou de restaurer la Constitution de la Crimée de 1992, CDL-AD(2014)002
(21-22 mars 2014) [doublon de l’annexe 354]
820 Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, commission pour le respect des
obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe, Développements
récents en Ukraine : menaces pour le fonctionnement des institutions démocratiques
(8 avril 2014)
821 Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Développements récents en Ukraine :
menaces pour le fonctionnement des institutions démocratiques, résolution 1988 (2014)
(9 avril 2014)
822 Council of Europe, Report by Nils Muiẑnieks Following His Mission in Kyiv, Moscow,
and Crimea from 7 to 12 September 2014 (27 October 2014) [annexe non traduite]
823 Conseil de l’Europe, alertes relatives à la liberté des médias : harcèlement en Crimée
(Ukraine) des journalistes Natalya Kokorina et Anna Andrievska par des fonctionnaires
russes (2 avril 2015)
824 Council of Europe, Thematic Commentary No. 4, The Scope of Application of the
Framework Convention for the Protection of National Minorities (adopted on 27 May
2016) [annexe non traduite]
825 Rapport du Conseil de l’Europe du 11 avril 2016
826 Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, Recours juridiques contre les violations des droits de l’homme
commises dans les territoires ukrainiens se trouvant hors du contrôle des autorités
ukrainiennes (26 septembre 2016)
5. Conseil de l’Union européenne
827 Council Directive 2000/43/EC of 29 June 2000 [annexe non traduite]
- 46 -
Annexe
6. Commission européenne
828 European Commission, Statement, Joint statement by President of the European Council
Herman Van Rompuy and President of the European Commission José Manuel Barroso
on Crimea (Brussels, 16 March 2014) [annexe non traduite]
7. Parlement européen
829 European Parliament Policy Department Study, The Situation of National Minorities in
Crimea following its Annexation by Russia (April 2016) [annexe non traduite]
830 Résolution du Parlement européen du 12 mai 2016 sur les Tatars de Crimée (2016/2692
(RSP))
8. Bureau du procureur de la Cour pénale internationale
831 International Criminal Court, Preliminary Examination: Ukraine, accessed at
https://www.icc-cpi.int/ukraine [annexe non traduite]
9. Cour interaméricaine des droits de l’homme
832 The Effect of Reservations on the Entry into Force of the American Convention on
Human Rights (Arts. 74 and 75), Inter-Am.Ct.H.R. (Ser. A) No. 2 (1982) [annexe non
traduite]
C. Correspondance diplomatique
833 Russian Federation Note Verbale No. 4413 to Ukraine (25 April 2016) [annexe non
traduite]
D. Autres communications et échanges
834 Letter from ATR Holdings to Federal Service for Communications, Information,
Technologies, and Mass Communications, dated 12 February 2014 [annexe non
traduite]
835 Letter from the Prosecutor’s Office of the Russian Federation to Mr. Lenur Islyamov of
ATR Television Channel, dated 16 May 2014 [annexe non traduite]
VOLUME XXIII
836 Republic of Crimea, Ministry of Education, Science and Youth, Letter No. 01-14/ 382
(25 June 2014) [annexe non traduite]
837 Letter from the Headquarters of the Federal Service for Oversight of Telecom,
Information Technologies, and Mass Media to Radio Leader, dated 6 November 2014
[annexe non traduite]
838 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to Radio
Leader, dated 6 November 2014 [annexe non traduite]
839 Letter from the Headquarters of the Federal Service for Oversight of Telecom,
Information Technologies, and Mass Media to ATR Television Company, dated
14 November 2014 [annexe non traduite]
840 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to
Meydan Radio Channel, dated 14 November 2014 [annexe non traduite]
- 47 -
Annexe
841 Letter from Executive Committee of Republic of Crimea Simferopol City Council to the
Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars, No. 9818/24/01-66, dated
2 December 2014 [annexe non traduite]
842 Intentionnellement omise
843 Letter from the Executive Committee of Simferopol City Council to the Committee for
the Defense of Human Rights of the Crimean Tatar People, dated 2 December 2014
[annexe non traduite, doublon de l’annexe 841]
844 Letter from the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars to Viktor
Nikolaevich, No. 001/12, dated 5 December 2014 [annexe non traduite]
845 Intentionnellement omise
846 Letter from Administration of Simferopol to the Committee for Protection of Rights of
the Crimean Tatars, No. 12154/24/01-66, dated 9 December 2014 [annexe non traduite]
847 Letter from the Committee for Protection of Rights of the Crimean Tatars to Viktor
Nikolaevich, No. 001/12, dated 9 December 2014 [annexe non traduite]
848 Intentionnellement omise
849 Letter from Federal Migration Service to R. Chubarov (8 January 2015) [annexe non
traduite]
850 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to ATR
Television Company, dated 26 January 2015 [annexe non traduite]
851 Letter from the Ministry of telecom and Mass Media of the Russian Federation to Lale,
dated 27 January 2015 [annexe non traduite]
852 Letter from the Headquarters of the Federal Service for Oversight of Telecom,
Information Technologies, and Mass Media to Radio Leader, dated 2 February 2015
[annexe non traduite]
853 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to
15 Minutes, dated 2 February 2015 [annexe non traduite]
854 Letter from Deputy Head Federal Service for Communications, Information
Technologies, and Mass Communications to Maxim Yuryevich, dated 12 February 2015
[annexe non traduite]
855 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to ATR
Television Company, dated 6 March 2015 [annexe non traduite]
856 Letter from the Ministry of Telecom and Mass Media of the Russian Federation to Lale,
dated 6 March 2015 [annexe non traduite]
857 Letter from Federal Service for Supervision of Communications, Information
Technologies and Mass Communications to Elzara Rustemovna, dated 10 March 2015
[annexe non traduite]
858 Letter from FSB to R. Chubarov, dated 13 March 2015 [annexe non traduite]
859 Letter from the Headquarters of the Federal Service for Oversight of Telecom,
Information Technologies, and Mass Media to Radio Leader, dated 25 March 2015
[annexe non traduite]
860 Meydan 16 December 2015 application and rejection [annexe non traduite]
861 Letter from Mejlis to Russian Ministry of Foreign Affairs (2 June 2017) [annexe non
traduite]
- 48 -
Annexe
862 Krymsoyuzpechat Private Joint-Stock Company Letter No. 773 to the General Director
of National Press Publishing State Enterprise, dated 18 June 2014 [annexe non traduite]
863 Letter of Petition for reconsideration, signed by Eskender Bariiev (12 July 2017)
[annexe non traduite]
864 Private complaint against the Decision of 21 July 2017, by Eskender Bariiev [annexe
non traduite]
865 Letter from the Central Investigative Directorate of the Investigative Committee of
Russia in the Republic of Crimea to E.M. Kurbedinov, dated 24 July 2017 [annexe non
traduite]
866 Letter from Russian Ministry of Foreign Affairs to R. Chubarov, dated 9 August 2017
[annexe non traduite]
867 Letter of 27 September 2017 to R. Chubarov from the Prosecutor of Crimea [annexe non
traduite]
868 Intentionnellement omise
869 Recording of conversation between M. Efremova and L. Islyamov (June 2014) [annexe
non traduite]
E. Documents du Gouvernement russe
870 Decree establishing the Crimea Autonomous Socialist Soviet Republic issued by the
Council of People’s Commissars in Moscow, headed by Vladimir Lenin, was issued on
18 April 1921. The constitution for the new republic was adopted on 10 November 1921.
Text reproduced in V.P. Diulichev, Krym: istoriia v ocherkakh XX vek (Simferopol:
RuBin, 2006) [annexe non traduite]
871 State Defense Committee of the Soviet Union Decree No. 589ss “On the Crimean
Tatars” (11 May 1944) [annexe non traduite]
872 Law on Mass Media, No. 2124-1 of 27 December 1991, as subsequently amended
[annexe non traduite]
873 Loi fédérale no 305-FZ du 14 octobre 2014 portant «Modification de la loi de la
Fédération de Russie sur les médias»
874 Criminal Code of the Russian Federation No. 63-FZ (13 June 1996) [annexe non
traduite]
875 Federal Law 62-FZ “On Citizenship of the Russian Federation” (15 May 2022) [annexe
non traduite]
876 Loi fédérale no 114-FZ du 25 juillet 2002 «sur la lutte contre les activités extrémistes»
877 Loi fédérale no 54-FZ du 19 juin 2004 de la Fédération de Russie sur les réunions,
rassemblements, manifestations, défilés et piquets de grève, telle que modifiée par la loi
fédérale no 65-FZ du 8 juin 2012, article 5
878 Russia Census in the Republic of Crimea, National Composition of the Population
(2014) [annexe non traduite]
879 Loi fédérale no 402-FZ du 1er décembre 2014 sur les spécificités de la législation sur les
médias dans le cadre de l’admission de la République de Crimée dans la Fédération de
Russie et la création de nouvelles entités constitutives, la République de Crimée et la
ville d’importance fédérale de Sébastopol
- 49 -
Annexe
880 Application for registration of a mass media outlet dated 5 November 2014 and Letter
No. 720-05/91 of 14 November 2014 [annexe non traduite]
881 ATR Jan 2015 application and rejection (No. 04-6235 of 26 January 2015) [annexe non
traduite]
882 ATR Mar 2015 application and rejection (Correspondence No. 11925-SMI of 9
FEBRUARY 2015) [annexe non traduite]
883 ATR Mar 2015 application (correspondence No. 75 of 20 March 2015) [annexe non
traduite]
884 ATR March 2015 application and Federal Service for Oversight of Telecom Notification
of Receipt (20 March 2015) [annexe non traduite]
885 Application dated 16 December 2014 for re-registration of Meydan [annexe non
traduite]
886 State Council of Crimea, Announcement of the Results of the Crimea-wide Referendum
Held in Autonomous Republic of Crimea (16 March 2014) [annexe non traduite]
887 Address by President of the Russian Federation, 18 March 2014, The Kremlin, Moscow,
archived at http://en.kremlin.ru/events/president/news/20603 [annexe non traduite]
888 Loi constitutionnelle fédérale no 6-FKZ du 21 mars 2014 «Sur l’admission de la
République de Crimée et la formation de nouvelles entités constitutives au sein de la
Fédération de Russie — la République de Crimée et la ville fédérale de Sébastopol»
889 Loi fédérale no 91-FZ du 5 mai 2014 sur l’application des dispositions du code pénal et
du code de procédure pénale de la Fédération de Russie sur les territoires de la
République de Crimée et de la ville d’importance fédérale de Sébastopol
890 Décret no 29 du 16 mai 2014 sur les rassemblements de masse en lien avec les
événements qui se sont produits dans le sud-est de l’Ukraine, Chapitres de la République
de Crimée
891 Notice about the inadmissibility of violations of the law dated 3 June 2014, issued to
Shevket Kaybullayev by the Federal Security Service of the Russian Federation [annexe
non traduite]
892 Order of the Ministry of Education, Science and Youth of Crimea No. 01-14/382
(25 June 2014) [annexe non traduite]
893 Order of the Ministry of Education, Science and Youth of Crimea No. 116 (6 August
2014) [annexe non traduite]
894 Décret du chef de la République de Crimée du 18 décembre 2014, approuvant le concept
d’éducation patriotique, spirituelle et morale de la population de la République de
Crimée
895 Loi de la République de Crimée no 56-ZRK du 21 août 2014sur la création des
conditions d’exercice par les ressortissants de la Fédération de Russie du droit de tenir
des réunions, des rassemblements, des manifestations, des défilés ou des piquets de
grève en République de Crimée
896 Search Record, drafted by Senior Lieutenant I.S. Emelyanov, Operative, Russian
Federal Security Service Directorate in the Republic of Crimea and the City of
Sevastopol (16 September 2014) [annexe non traduite]
897 Official Notice dated 17 September 2014, issued to Shevket Kaybullayev by the Federal
Security Service of the Russian Federation [annexe non traduite]
- 50 -
Annexe
898 Application dated 7 October 2014 for re-registration of Radio Leader [annexe non
traduite]
899 Application dated 5 November 2014 for re-registration of ATR Television Station
[annexe non traduite]
900 Application dated 5 November 2014 for re-registration of Meydan [annexe non traduite]
901 Application of 16 December 2014 for re-registration of ATR Television Station [annexe
non traduite]
902 Application dated 17 December 2014 for re-registration of LALE [annexe non traduite]
903 Application dated 18 December 2014 for re-registration of Radio Leader [annexe non
traduite]
904 Order of S. Aksyonov No. 522-U approving the Concept on patriotic, spiritual and moral
upbringing of the Crimean population (18 December 2014) [annexe non traduite,
doublon de l’annexe 894]
905 Application dated 19 December 2014 for re-registration of 15 Minutes [annexe non
traduite]
906 Ministère de l’éducation, des sciences et de la jeunesse de la République de Crimée,
ordonnance no 41 du 15 janvier 2015, «sur l’organisation en 2018 de «Ma contribution
à l’avenir d’une Crimée russe», un concours ouvert à tout le territoire de la République,
qui récompense la meilleure dissertation rédigée dans les langues officielles de la
République de Crimée»», archivée à l’adresse suivante : http://monm.rk.gov.ru/file/
scan01300720180115173945.pdf
907 Application dated 6 February 2015 for re-registration of LALE [annexe non traduite]
908 Application dated 6 February 2015 for re-registrations of ATR Television Station
[annexe non traduite]
909 Application dated 20 March 2015 for re-registration of ATR Television Station [annexe
non traduite]
910 Application dated 20 March 2015 for re-registration of LALE [annexe non traduite]
911 Prosecutor General’s Office of the Russian Federation, Information on the outcomes of
the analysis of arguments set out in the letter of the Permanent Delegation of Ukraine to
UNESCO (23 October 2015) [annexe non traduite]
912 Supreme Court of the Russian Federation, No. 5-APG15-110s, Ruling (18 November
2015) [annexe non traduite]
913 Affaire no 2A-3/2016, arrêt du 26 avril 2016 de la Cour suprême de la République de
Crimée sur la demande tendant à interdire le Majlis
914 Case No. 1-14/2016, Petition of 12 August 2016 filed on Behalf of A.Z. Chiygoz to the
Supreme Court of the Republic Crimea [annexe non traduite]
915 Affaire no 127-APG16-4, arrêt du 29 septembre 2016 de la Cour suprême de la
Fédération de Russie sur le recours déposé contre la décision d’interdire le Majlis
916 Ruling in Case No. 5-1591/2016 (4 October 2016) [annexe non traduite]
917 Ruling in Case No. 5-1588/2016 (23 November 2016) [annexe non traduite]
918 Case No. 5-238/2017, Decision of 8 June 2017 of the Bakhchysarai District Court
concerning Abdurefiyeva, IL [annexe non traduite]
- 51 -
Annexe
919 Case No. 5-239/2017, Decision of 8 June 2017 of the Bakhchysarai District Court
concerning Umerova, SD [annexe non traduite]
920 Case Nos. 5-237/2017 & 5-236/2017, Decision of 8 June 2017 of the Bakhchysarai
District Court concerning Mamutov, NN [annexe non traduite]
921 Case No. 2A-3/2016, Appeal of 12 July 2017 of the Supreme Court of the Republic of
Crimea concerning the ban of the Mejlis and the Provisional Measures Order [annexe
non traduite]
922 Case No. 2A-3/2016, Decision of 21 July 2017 of the Supreme Court of the Republic of
Crimea concerning the appeal of the ban of the Mejlis [annexe non traduite]
923 Case No. 2A-3/2016, Appeal of August 2017 of the Supreme Court of the Russian
Federation concerning the ban of the Mejlis and the Provisional Measures Order [annexe
non traduite]
924 Complaint dated 8 August 2017 by R.M. Ametov to Head of the Central Investigative
Directorate of the Investigative Committee of Russian in the Republic of Crimea [annexe
non traduite]
VOLUME XXIV
925 Judgment in an administrative offence case, 11 October 2017, Rostov-on-Don, Case
No. 5-438/17 [annexe non traduite]
926 List of Organizations and Individuals on which There is Information that They are
Involved in Extremist Activity or Terrorism, Rosfinmonitoring [16 May 2018], accessed
at http://www.fedsfm.ru/documents/terrorists-catalog-portal-act [annexe non traduite]
927 Article 275 («Haute trahison») du code pénal de la Fédération de Russie
928 Article 280.1 du code pénal de la Fédération de Russie
929 Mesures provisoires dans le cadre de la procédure en matière civile no 2-1688/2014
(interdisant à la Crimea Foundation d’exercer son droit à la propriété sur ses biens et
prévoyant la saisie de ses comptes bancaires)
930 Zheleznodorozhny District Court of Simferopol of the Republic of Crimea [annexe non
traduite]
931 Letter dated 2 February 2014 from the Ministry of Telecom and Mass Media of the
Russian Federation to Meydan [annexe non traduite]
932 Decree for the Initiation of criminal proceeding and Pre-trial Investigation (12 May
2016) [annexe non traduite]
933 Protocol, Interrogation of the Suspect (12 May 2016) [annexe non traduite]
934 Decision to Prosecute As Defendant Adopted by I.A. Skripka, Senior Lieutenant of
Justice and the Investigator of the Investigation Department of the Department of Federal
Security Service (FSB) of Russia in the Republic of Crimea and the city of Sevastopol
(19 May 2016) [annexe non traduite]
935 Excerpts of Hearing Transcript of Umerov [annexe non traduite]
F. Rapports d’organisations non gouvernementales
936 Kharkiv Human Rights Protection Group, Crimean Tatars Demand Recognition as
Indigenous People (18 September 2013) [annexe non traduite]
- 52 -
Annexe
937 Kharkiv Human Rights Protection Group, Menacing FSB Interrogations of Ukrainian
Cultual Centre Activists in Russian-Occupied Crimea (23 March2017), accessed at
http://khpg.org/en/index.php?id=1490184936 [annexe non traduite]
938 Human Rights Watch, Crimea: Attacks, ‘Disappearances’ by Illegal Forces (14 March
2014) [annexe non traduite]
939 Human Rights Watch, Crimea: Disappeared Man Found Killed (18 March 2014)
[annexe non traduite]
940 Human Rights Watch, Ukraine: Activists Detained and Beaten, One Tortured (25 March
2014) [annexe non traduite]
941 Amnesty International Public Statement, Harassment and Violence against Crimean
Tatars by State and Non-State Actors (23 May 2014) [annexe non traduite]
942 Human Rights Watch, Crimea: Enforced Disappearances (7 October 2014) [annexe non
traduite]
943 Human Rights Watch, Rights in Retreat: Abuses in Crimea (November 2014) [annexe
non traduite]
944 Ukrainian Center for Independent Political Research, “Annexed” Education in
Temporarily Occupied Crimea, Monitoring Report (2015) [annexe non traduite]
945 Crimean Human Rights Field Mission, Brief Review of the Situation in Crimea (April
2015) [annexe non traduite]
946 Kharkiv Human Rights Group, Sentsov-Kolchenko Trial, Crimea and What Russia Has
to Hide (10 July 2015) [annexe non traduite]
947 Ridvan Bari Urcosta, New Eastern Europe, Crimean Tatar World Congress: Fear and
Expectations (4 August 2015), accessed at http://www.neweasterneurope.eu/interviews/
1680-crimean-tatar-world-congress-fears-and-expectations [annexe non traduite]
948 Andrii Klymenko, Human Rights Abuses in Russian-Occupied Crimea, Atlantic Council
(5 August 2015) [annexe non traduite]
949 Human Rights Group Report (October 2015) [annexe non traduite]
950 Crimean Human Rights Situation Review, May 2016 [annexe non traduite]
951 Amnesty International, Ukraine : un militant tatar de Crimée victime d’une disparition
forcée (26 mai 2016)
952 Crimean Human Rights Group, The Victims of Enforced Disappearance in Crimea as a
Result of the Illegal Establishment of the Russian Federation Control (2014-2016) (June
2016) [annexe non traduite]
953 Human Rights Watch, Crimean Tatar Activist Confined in Psychiatric Hospital
(26 August 2016) [annexe non traduite]
954 Crimean Human Rights Group (CHRG), Human Rights Information Centre (HRIC),
Regional Centre for Human Rights (RCHR), and Ukrainian Helsinki Human Rights
Union (UHHRU), Joint Submission to the UN Universal Periodic Review: Russian
Federation (2017) [annexe non traduite]
955 Regional Center for Human Rights, et al., Crimea Beyond Rules: Thematic Review of
the Human Rights Situation under Occupation, Vol. 3, Right to Nationality (citizenship)
(2017) [annexe non traduite]
- 53 -
Annexe
956 Regional Centre for Human Rights, Ukrainian Helsinki Human Rights Union, and
CHROT, Crimea Beyond Rules: Thematic Review of the Human Rights Situation under
Occupation (2017) [annexe non traduite]
957 Ukrainian Helsinki Human Rights Union, Crimea Beyond Rules: Right to Nationality
(Citizenship) (2017) [annexe non traduite]
958 Ukrainian Helsinki Human Rights Union, Report of the International Expert Group:
26 February Criminal Case (2017) [annexe non traduite]
VOLUME XXV
959 Mejlis of the Crimean Tatar People, Notification to Simferopol City Council (inserted
in Ukrainian Helsinki Human Rights Union, Report of the International Expert Group:
February 26 Criminal Case (2017) [annexe non traduite]
960 Human Rights Information Centre, Crimean Tatar Media in Crimea: Situation in 2014 –
2016 (10 April 2017) [annexe non traduite]
961 Crimean Human Rights Group, Unsanctioned Freedom (May 2017) [annexe non
traduite]
962 Human Rights Watch, Online and on All Fronts: Russia’s Assaults on Freedom of
Expression (July 2017) [annexe non traduite]
963 Freedom House, Freedom of the Press: Crimea 2015 (last visited 25 September 2017)
[annexe non traduite]
964 Human Rights Watch, Crimea: Persecution of Crimean Tatars Intensifies (14 November
2017) [annexe non traduite]
965 Crimean Human Rights Group, Statement on Unlawful Searches and Detainments of
Crimean Tatar National Movement Activists and Veterans in Crimea (24 November
2017) [annexe non traduite]
966 Human Rights Watch, Another Day, Another Tragedy in Crimea (27 November 2017)
[annexe non traduite]
967 Crimea Human Rights Group, Hate Speech in the Media Landscape of Crimea (2018)
[annexe non traduite]
968 Crimean Human Rights Group, Memorandum: Discrimination of Crimean Residents for
Non-Possession of Russian Documents Issued Unlawfully by Russia in Crimea (2018)
[annexe non traduite]
969 Crimean Tatar Resource Center, Security Officers Conducted Regular Searches in the
Houses of the Crimean Tatars in Crimea (23 January 2018) [annexe non traduite]
970 Crimean Tatar Resource Center, Analysis of Human Rights Violations in the Occupied
Crimea in 2017 (presentation) (2 February 2018) [annexe non traduite]
971 Crimean Tatar Resource Center, Analysis of Human Rights Violations in the Occupied
Crimea over January 2018 (presentation) (15 February 2018) [annexe non traduite]
972 Freedom House, Freedom of the Press: Crimea 2016 (last visited 8 March 2018) [annexe
non traduite]
973 Kharkiv Human Rights Protection Group, Crimean Tatar Businessman & Philanthropist
Seized and New FSB Offensive in Russian-Occupied Crimea (3 May 2018) [annexe non
traduite]
- 54 -
Annexe
974 Unrepresented Nations and Peoples Organization, Crimean Tatars: Russian Repression
Continues with Arrest of Crimean Businessman (8 May 2018) [annexe non traduite]
975 Open Society Justice Initiative: Human Rights in the Context of Automatic
Naturalization in Crimea (June 2018) [annexe non traduite]
976 Sergey Zayets (Regional Center for Human Rights) et al., The Fear Peninsula: Chronicle
of Occupation and Violation of Human Rights in Crimea (2015) [annexe non traduite]
977 Freedom of the Press 2017, Freedom house (6 June 2018), accessed at
https://freedomhouse.org/report/freedom-press/2017/ukraine [annexe non traduite]
978 Human Rights Watch, Crimean Tatar Activist Confined in Psychiatric Hospital
(26 August 2016) [annexe non traduite]
G. Traités, chartes et accords multilatéraux
979 Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre : règlement
concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye (18 octobre 1907)
[extraits]
980 European Convention on Human Rights (4 November 1950) [annexe non traduite]
981 Mémorandum relatif aux garanties de sécurité dans le cadre de l’adhésion de l’Ukraine
au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (Budapest, 5 décembre 1994)
982 Treaty on Friendship, Cooperation, and Partnership between the Russian Federation and
Ukraine (31 May 1997) [annexe non traduite]
983 The Charter of Fundamental Rights of the European Union (7 December 2000) [annexe
non traduite]
984 Intentionnellement omise
985 Intentionnellement omise
986 Intentionnellement omise
H. Décisions judiciaires internationales
987 Inter-American Court of Human Rights, Velásquez-Rodríguez v. Honduras, Judgment
(29 July 1988) [annexe non traduite]
988 International Tribunal for Rwanda, Prosecutor v. Jean-Paul Akayesu, Case
No. ICTR-96-4-T (2 September 1998) [annexe non traduite]
989 Prosecutor v. Kayishema and Ruzindana., Case No. ICTR-95-1-T, Trial Judgment
(21 May 1999) [annexe non traduite]
VOLUME XXVI
990 Prosecutor v. Rutaganda, Case No. ICTR-96-3-T, Judgment (6 December 1999)
[annexe non traduite]
991 Prosecutor v. Jelisić, Case No. IT-95-10-A, Judgment (14 December 1999) [annexe non
traduite]
992 Prosecutor v. Bagilishema, Case No. ICTR-95-1A-T, Trial Judgment (7 June 2001)
[annexe non traduite]
993 Prosecutor v. Krstić, Case No. IT-98-33-T, Judgment (2 August 2001) [annexe non
traduite]
- 55 -
Annexe
994 Prosecutor v. Kunarac et al., Case No it-96-23/1-A, Appeals Judgment (12 June 2002)
[annexe non traduite]
995 Prosecutor v. Semanza, Case No. ICTR-97-20-T, Trial Judgment (15 May 2003)
[annexe non traduite]
996 Prosecutor v. Kajelijeli, Case No. ICTR-98-44A, Trial Judgment (1 December 2003)
[annexe non traduite]
997 Prosecutor v. Kamuhanda, Case No. ICTR-95-54A-T, Trial Judgment (22 January
2004) [annexe non traduite]
998 Prosecutor v. Gacumbitsi, Case No. ICTR-2001-64-T, Trial Judgment (17 June 2004)
[annexe non traduite]
999 Prosecutor v. Brđanin, Case No. IT-99-36-T, Trial Judgment (1 September 2004)
[annexe non traduite]
1000 Prosecutor v. Muhimana, Case No. ICTR-95-1B-T (28 April 2005) [annexe non
traduite]
1001 DH v. Czech Republic, Application No. 57325/00 (2008) 47 E.H.R.R. 3 (ECHR (Grand
Chamber) [annexe non traduite]
1002 Oršuš v. Croatia (2011) 52 EHRR 7 (ECHR) Application No. 15766/03, Merits,
16 March 2010 [annexe non traduite]
1003 Case Against Hartmann, Case No. IT-02-54-R77.5-A, Appeals Judgment (19 July 2011)
[annexe non traduite]
1004 Prosecutor v Tolimir, Case No. IT-O5-88/2-T, Trials Chamber (12 December 2012)
[annexe non traduite]
1005 Prosecutor v Tolimir, Case No. IT-O5-88/2-A, Appeals Chamber (8 April 2015)
[annexe non traduite]
1006 Intentionnellement omise
I. Auteurs de doctrine
1007 Michael Rostovtzeff, Iranians and Greeks in South Russia (1922) [annexe non traduite]
1008 Petr N. Nadinskii, Boris Grekov, and the entry on the Crimean oblast in the Bolshaia
sovetskaia entsyklopediia (The Great Soviet Encyclopedia), Vol. XXIII (Moscow, 1953)
[annexe non traduite]
1009 Alan Fisher, The Crimean Tatars 176, Hoover Institution Press (1978) [annexe non
traduite]
1010 Roman Solchanyk, Language Politics in the Ukraine, Isabelle T. Kreindler, ed. (1985)
[annexe non traduite]
1011 Theodor Meron, “The Meaning and Reach of the International Convention on the
Elimination of All Forms of Racial Discrimination”, American Journal of International
Law, Vol. 79 (1985) [annexe non traduite]
1012 W. Wolfrum, “The Committee on the Elimination of Racial Discrimination”, 3 Max
Planck Yearbook of United Nations Law 489 (1999) [annexe non traduite]
1013 Greta Uehling, “The First Independent Ukrainian Census in Crimea: Myths, Miscoding,
and Missed Opportunities”, 1 Ethnic and Racial Studies, Vol. 27 (January 2004) [annexe
non traduite]
- 56 -
Annexe
1014 Institute for Political and Ethnonational Research of the National Academy of Sciences
of Ukraine, Crimea in Ethnopolitical Measurements (2005), cited in Krym v
etnopolitychnomu vymiri (Kyiv: Instytut politychnych i etnonatsional’nykh doslidzhen’
NAN Ukrainy, 2005) [annexe non traduite]
1015 Gwendolyn Sasse, The Crimea Question: Identity, Transition, and Conflict, Harvard
University Press (2007) [annexe non traduite]
1016 Razumkov Center, 5 National Security and Defense (2009) [annexe non traduite]
1017 Andrew Wilson, “Needs Assessment for the Crimean Tatars and Other Formerly
Deported Peoples of Crimea” (2012) [annexe non traduite]
1018 Andrew Wilson, “The Crimean Tatars: A Quarter of a Century After Their Return”,
Security and Human Rights 24 (2013) [annexe non traduite]
1019 Mike Eckel, “A Cry from Crimea”, World Policy Journal (2014-15) [annexe non
traduite]
1020 Photoreproduction of the Document Signed by Iosif Stalin, in Paul Robert Magocsi, This
Blessed Land: Crimea and the Crimean Tatars 118, University of Toronto Press (2014)
[annexe non traduite]
1021 Greta Uehling, “Genocide’s Aftermath: Neostalinism in Contemporary Crimea”,
Genocide Studies and Prevention (2015) [annexe non traduite]
VOLUME XXVII
1022 Mosche Hirsh, Social Identity, International Groups, and International Law at 96, in
Invitation to the Sociology of International Law (2015) [annexe non traduite]
1023 Thomas D. Grant, Aggression against Ukraine: Territory, Responsibility, and
International Law (2015) [annexe non traduite]
1024 Andrew Wilson, The Crimean Tatar Question: A Prism for Changing Nationalisms and
Rival Versions of Eurasianism, 3(2) Journal of Soviet and Post-Soviet Politics and
Societies 1, 37-38 (2017) [annexe non traduite]
1025 Michael Kofman et al., Lessons from Russia’s Operations in Crimea and Eastern
Ukraine, RAND Corporation (2017) [annexe non traduite]
1026 Regional Centre for Human Rights, et al., Crimea Beyond Rules: Thematic Review of
the Human Rights Situation under Occupation, Vol. 3, Right to Nationality (citizenship)
(2017) [annexe non traduite, doublon de l’annexe 955]
1027 Natan Lerner, The UN Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination (2015) [annexe non traduite]
1028 Yevhen Fedchenko, “Kremlin Propaganda: Soviet Active Measures by Other Means”,
Estonian Journal of Military Studies, Volume 2 (2016) [annexe non traduite]
1029 Patrick Thornberry, The International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination: A Commentary (2016) [annexe non traduite]
1030 A.E. Antoniuk, National Coordinator of International Center for the Study of the
Preservation and Restoration of Cultural Property in Ukraine, Letter No. 12 (April 2018)
[annexe non traduite]
1031 Center of Monument Studies, “Restoration” of the Great Khan Mosque (Biyuk
Khan-Djami) in Bakhchisaray: On the Tile Roofing (14 March 2018) [annexe non
traduite]
- 57 -
Annexe
1032 G. Verdirame, “The Genocide Definition in the Jurisprudence of the Ad Hoc Tribunals”,
49 International and Comparative Law Quarterly (2000) [annexe non traduite]
J. Articles de presse
1033 Askold Krushelnycky, “Ukraine: Crimea’s Tatars - Clearing The Way For Islamic
Extremism?”, RFE/RL (26 August 2004) [annexe non traduite]
1034 RFE/RL, “Crimean Tatars Demand Their Rights Be Respected” (10 December 2012)
[annexe non traduite]
1035 RFE/RL, “Activists on Wheels: Ukraine’s Embattled Automaidan Protesters”
(24 January 2014) [annexe non traduite]
1036 Roland Oliphant, “Vigilante Units to Defend Crimea City Against ‘Fascist’ Threat from
Kiev”, The Telegraph (25 February 2014) [annexe non traduite]
1037 Harriet Salem et al., “Crimean Parliament Seized by Unknown Pro-Russian Gunmen”,
The Guardian (27 February 2014) [annexe non traduite]
1038 ABC News, “Crimean Parliament Votes to Become Part of Russian Federation,
Referendum to be Held in 10 Days” (6 March 2014) [annexe non traduite]
1039 Natalia Antelava, “Who Will Protect the Crimean Tatars”, The New Yorker (6 March
2014) [annexe non traduite]
1040 BBC News, “Pro-Ukraine activists beaten up in Crimea” (9 March 2014) archived at
https://www.bbc.com/news/av/world-europe-26504449/pro-ukraine-activists-beaten-up
-in-crimea [annexe non traduite]
1041 Simon Shuster, “Putin’s Man in Crimea Is Ukraine’s Worst Nightmare”, Time
(10 March 2014) [annexe non traduite]
1042 “Harper blasts Crimea referendum, protesters express solidarity with Ukraine”, CBC
(16 March 2014) [annexe non traduite]
1043 Paul Roderick Gregory, “Putin’s Destabilization of Ukraine Overshadows Today’s
Crimean Vote”, Forbes (16 March 2014) [annexe non traduite]
1044 “Merkel: Crimea grab ‘against international law’”, The Local (18 March 2014) [annexe
non traduite]
1045 “U.S., NATO Allies Condemn Russian ‘Land Grab’ In Ukraine”, RFE/RL (18 March
2014) [annexe non traduite]
1046 Oleksandra Nezvanna, “The “Diva” of Crimean Education Statistics”, Holos
Krymu,Voice of Crimea (25 September 2015) [annexe non traduite]
1047 RFE/RL, “The Editors of the Crimean Tatar Newspaper Are Summoned for
Interrogations on Suspicion of Extremism” (3 June 2014) [annexe non traduite]
1048 Interfax, “Head of Crimean Acknowledges Disappearance of Crimean Tatars on
Peninsula” (16 October 2014) [annexe non traduite]
1049 Anna Andriyevska, Volunteers of the Crimea Battalion, Center for Journalistic
Investigations (11 December 2014) [annexe non traduite]
1050 Kommersant, “The Crimean Tatar Ego” (3 March 2015) [annexe non traduite]
1051 DW, “Putin Reveals Details of Decision to Annex Crimea”, (9 March 2015) [annexe non
traduite]
- 58 -
Annexe
1052 RFE/RL, “Russia Celebrates Crimea Annexation Anniversary” (16 March 2015)
[annexe non traduite]
1053 Tom Parfitt, “Crimea, One Year On: The Night Wolves Howl for Putin”, The Telegraph
(17 March 2015) [annexe non traduite]
1054 Thomas J. Reese & Daniel I. Mark, “Losing Their Religion in Crimea”, Foreign Affairs
(15 April 2015) [annexe non traduite]
1055 RFE/RL, “Crimean City Cuts Off Ukrainian TV Channels” (18 April 2015) [annexe non
traduite]
1056 Novosti Kryma, “In Crimea, First-Graders No Longer Study in Ukrainian” (24 August
2015) [annexe non traduite]
1057 “Back into Exile”, The Economist (18 June 2015) [annexe non traduite]
1058 Andrii Ianitski, “Crimean Tatar TV Back on Air”, Open Democracy (30 June 2015)
[annexe non traduite]
1059 Intentionnellement omise
1060 Intentionnellement omise
1061 “Mejlis of Crimean Tatars Were Not Allowed to Take Action in Simferopol to Human
Rights Day” (11 December 2015) [annexe non traduite]
1062 Interview with Sergey Meniaylo, the Governor of Sevastopol Published on Meduza.ru
(18 March 2016) [annexe non traduite]
1063 RFE/RL, “Punitive Medicine? Crimean Tatars Shaken By Leader’s Confinement to
Mental Asylum” (25 August 2016) [annexe non traduite]
1064 RFE/RL, “Russia Detains 11 Crimean Tatars” (22 February 2017) [annexe non traduite]
1065 Tanya Cooper & Yulia Gorbunova, “Russia is Violating Crimeans’ Rights”, Kyiv Post
(3 May 2017) [annexe non traduite]
1066 RFE/RL, “Crimean Tatar Leader Umerov Goes On Trial On Separatism Charge” (7 June
2017) [annexe non traduite]
1067 RFE/RL, “Crimean Tatar Leader Umerov’s Trial Resumes in Simferopol” (21 June
2017) [annexe non traduite]
1068 RFE/RL,“Crimea: Political Activists Who Were Killed, Kidnapped, or Went Missing”
(30 August 2017) [annexe non traduite]
1069 RFE/RL, “Russian Court Convicts Crimean Tatar Leader Umerov of
‘Separatism’”(27 September 2017) [annexe non traduite]
1070 RFE/RL, “Crimean Tatar Leaders ‘Freed,’ Fly To Turkey” (26 October 2017) [annexe
non traduite]
1071 RFE/RL, “Veteran Crimean Tatar Activist Dies As Associated Detained By Russia”
(23 November 2017) [annexe non traduite]
1072 Ellen Nakashima, “Inside a Russian Disinformation Campaign in Ukraine in 2014”,
Washington Post (25 December 2017) [annexe non traduite]
1073 Tony Wesolowsky, “Facelift Or Farce? ‘Restoration’ Of Palace Shocks Crimean Tatars”
(18 February 2018), accessed at https://www.rferl.org/a/crimea-khan-s-palacerestoration-
bakhchisary-shock-tatars-persecution-unesco/29046866.html [annexe non
traduite]
- 59 -
Annexe
1074 Interfax, “FSB Detains Activist of Ukrainian Cultural Center in Crimea” (12 January
2017) [annexe non traduite]
1075 The Guardian, “Crimea Children’s Theatre Forced to Shut for ‘Promoting Western
Propaganda’” (6 January 2016) [annexe non traduite]
1076 Hromadske International, “The True Cost of Remaining Ukrainian in Crimea” (2 April
2018), accessed at https://en.hromadske.ua/posts/exclusive-the-true-cost-of-remainingukrainian-
in-crimea [annexe non traduite]
1077 “Back Into Exile”, The Economist (18 June 2015) [annexe non traduite, doublon de
l’annexe 1057]
1078 Lilya Palveleva, “Ukrainian Filmmaker Remains Behind Bars Despite Growing
Support”, RFE/RL (26 June 2014) [annexe non traduite]
1079 Masha Gessen, Opinion, “Oleg Sentsov and the Kremlin’s Thin Skin”, N.Y. Times
(28 August 2015) [annexe non traduite]
1080 RFE/RL, “Ukrainian Filmmaker Sentsov Reportedly To Be Transferred To Russian Far
North Prison”(30 September 2017) [annexe non traduite]
1081 RFE/RL, “Ukrainian Jailed in Crimea over Euromaidan ‘Murder’ Charge” (10 June
2016) [annexe non traduite]
1082 Max Seddon, “Moscow Cracks Down on Embattled Crimea Tatar Dissidents: Russian
Tactics Echo KGB Practice of Forced Psychiatric Confinement”, Financial Times
(11 October 2016) [annexe non traduite]
1083 Christina Paschyn, “Russia Is Trying to Wipe Out Crimea’s Tatars”, N. Y.Times (19 May
2016) [annexe non traduite]
1084 RFE/RL, “Russian Court Convicts Crimean Tatar Leader Umerov of ‘Separatism’”
(28 September 2017) [annexe non traduite]
1085 Ukrainian Parliament Commissioner for Human Rights, Officially: Mr. Oleg Sentsov is
the citizen of Ukraine (8 april 2015) [annexe non traduite]
K. Autres documents publiquement accessibles
1086 Media Relations Department of Sevastopol City Council, Results of the Crimea-wide
Referendum of March 16, 2014 Ratified at the Session of the City Council (17 March
2014) [annexe non traduite]
1087 A Monument “Sergius of Radonezh - the Collector of Russian Land” Was Opened in
Simferopol (6 June 2014), archived at http://crimea.gov.ru/foto/society/0606142
[annexe non traduite]
1088 Solemn Meeting of Residents and Guests of Simferopol, Dedicated to the 215th birthday
of Alexander Sergeevich Pushkin (6 June 2014), archived at http://crimea.gov.ru/foto/
society/060614 [annexe non traduite]
1089 U.S. Department of State, 2015 Human Rights Reports: Ukraine (Crimea) (13 April
2016) [annexe non traduite]
1090 In Yalta the Solemn Opening of the XI International Festival “Great Russian Word” Was
Held (6 May 2017), archived at http://crimea.gov.ru/foto/society/050620177 [annexe
non traduite]
- 60 -
Annexe
1091 Oxford English Dictionary (2018), accessed at http://http://www.oed.com/ [annexe non
traduite]
1092 Oxford English Dictionary (2018), http://www.oed.com/ [annexe non traduite]
VOLUME XXVIII
1093 Curriculum Vitae of Paul Robert Magocsi [annexe non traduite]
1094 http://www.meriam-webster.com/dictionary/ethnic [annexe non traduite]
1095 Photos of the first anniversary of the establishment of the People’s Militia(2015)
archived at http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/230220155 [annexe non traduite]
1096 Photos of an event celebrating Crimea and Russia (16 March 2015), archived at
http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/16032015090316 [annexe non traduite]
1097 Photos of the Anniversary of the General Referendum (16 March 2015), archived at
http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/160315 [annexe non traduite]
1098 Photos of the First Anniversary of the Crimean Spring (16 March 2015), archivedat
http://crimea.gov.ru/foto/anniversaries/151503 [annexe non traduite]
1099 Photos from a Crimean Spring Photo Exhibition (16 March 2015) archived at
http://crimea.gov.ru/foto/society/16032015205 [annexe non traduite]
L. Documents audiovisuels
1100 Videos of Crimean Tatar Reshat Ametov Kidnapping [annexe non traduite]
1101 Video of Bariiev Instructing the Crimean Tatars to Show Their Peaceful Intentions in
the Face of Provocation [annexe non traduite]
1102 Video of Green Paint Being Splashed on Panelists at International Human Rights Day
[annexe non traduite]
1103 Recording of Conversation between M. Efremova and L. Islyamov (June 2014) [annexe
non traduite]
VII. DOCUMENTS ADDITIONNELS
1104 Record of covert surveillance prepared by A.O. Patsalay, Colonel and Senior Designated
Officer at the 3rd Office of the 2nd Directorate of the Criminal Investigation Department
of the Security Service of Ukraine (dated 21 January 2017) [annexe non traduite]
1105 Record of covert surveillance prepared by A.O. Patsalay, Colonel and Senior Designated
Officer at the 3rd Office of the 2nd Directorate of the Criminal Investigation Department
of the Security Service of Ukraine (dated 22 January 2017) [annexe non traduite]
1106 Record of covert surveillance prepared by O.V. Grebenyuk, Major and Consulting
Expert with the 3rd Office of the 2nd Directorate of the Criminal Investigation
Department of the Security Service of Ukraine (2 May 2017) [annexe non traduite]
1107 Code pénal français, art. 421-2-2 [annexe non traduite]
1108 Human Rights Watch, Ukraine: Rising Civilian Death Toll (3 February 2015) [annexe
non traduite]
1109 International Civil Aviation Organization, International Conference on Air Law,
Montreal, September 1971, Volume II: Documents (1973) [annexe non traduite]
- 61 -
Annexe
1110 State Statistic Service of Ukraine, Population of Ukraine as of 1 January 2017 (2017)
[annexe non traduite]
1111 Latest from the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM), Based on
Information Received as of 19:30 (2 February 2017) [annexe non traduite]
1112 Petition dated 16 February 2018 filed by R.M. Ametov to Investigator of High-Profile
Cases at the First Investigative Office of the Directorate for Investigation of High-Profile
Cases with the Central Investigative Directorate of the Investigative Committee of the
Republic of Crimea [annexe non traduite]
1113 Freedom of the Press 2017, Freedom house (6 June 2018), accessed at
https://freedomhouse.org/report/freedom-press/2017/russia [annexe non traduite]
1114 Excerpts of Protocol of Search of Mejlis Building [non incluse dans la liste d’annexes
du mémoire]
1115 Protocol of Search for Home of Eskender Bariiev [non incluse dans la liste d’annexes
du mémoire]
Mémoire de l'Ukraine