Réponse écrite de Maurice à la question posée par M. le juge Cançado Trindade au terme de l'audience tenue le 5 septembre 2018

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169-20180910-OTH-03-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
Réponse écrite de la République de Maurice à la question posée par M. le juge Cançado Trindade
Question posée par M. le juge Cançado Trindade
«Comme il est rappelé dans le paragraphe a) de la requête de l’Assemblée générale des Nations Unies pour un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (A/RES/71/292 du 22 juin 2017), l’Assemblée générale fait référence aux obligations inscrites dans ses résolutions successives pertinentes, à savoir : les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV) du 14 décembre 1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du 20 décembre 1966, et 2357 (XXII) du 19 décembre 1967.
Au cours de la présente procédure consultative orale, plusieurs délégations de participants ont souvent fait référence à ces résolutions.
A votre avis, quelles sont les conséquences juridiques découlant de la formation du droit international coutumier, notamment la présence significative de l’opinio juris communis, pour assurer le respect des obligations énoncées dans ces résolutions de l’Assemblée générale ?»
Réponse de Maurice
1. Maurice croit comprendre que la question porte sur le sens et les effets des obligations visées dans les résolutions 1514 (XV), 2066 (XX) ), 2232 (XXI) et 2357 (XXII). Comme l’ont montré de nombreux Etats, y compris Maurice et l’Union africaine, dans leurs exposés écrits et oraux :
i) les obligations visées dans ces résolutions reflétaient des obligations de droit international coutumier, avec une présence significative de l’opinio juris communis, en 1960 déjà  et donc, a fortiori, en 1965 ;
ii) ces obligations étaient destinées à tous les Etats, aux Membres de l’Organisation des Nations Unies, à toutes les puissances administrantes et, dans certains cas, au Royaume-Uni en particulier ;
iii) ces obligations sont opposables au Royaume-Uni, que ce soit en sa qualité d’Etat, de Membre de l’Organisation des Nations Unies, ou de puissance administrante ;
iv) l’archipel des Chagos ayant été détaché de Maurice en 1965 en violation de ces obligations, la décolonisation de Maurice n’a pas été validement menée à bien et le Royaume-Uni continue de violer le droit international.
2. La résolution 1514 (XV), qui a cristallisé le droit international coutumier relatif à la décolonisation, impose des obligations «à [t]ous les Etats», y compris les Membres de l’Organisation des Nations Unies et les puissances administrantes. Son paragraphe 7 se lit comme suit :
«Tous les Etats doivent observer fidèlement et strictement les dispositions de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la présente Déclaration sur la base de l’égalité, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et du respect des droits souverains et de l’intégrité territoriale de tous les peuples.»
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3. Le texte est formulé en termes impératifs. Il est admis que les obligations visées sont des obligations de droit coutumier, et qu’elles ont valeur impérative et un caractère erga omnes. Elles recouvrent :
i) l’obligation (prévue au paragraphe 5 de la résolution 1514) de prendre des «mesures immédiates … pour transférer tous pouvoirs aux peuples de … territoires [non autonomes ou n’ayant pas encore accédé à l’indépendance], sans aucune condition ni réserve, conformément à leur volonté et à leurs voeux librement exprimés, … afin de leur permettre de jouir d’une indépendance et d’une liberté complètes» ;
ii) l’obligation (prévue au paragraphe 6 de la résolution 1514) de ne pas démanteler les territoires non autonomes avant leur accession à l’indépendance («Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies.») ; et
iii) l’obligation (prévue à l’article 73 de la Charte des Nations Unies) de considérer comme primordiaux les intérêts de la population du territoire non autonome, et d’exercer son autorité, en vertu de la mission sacrée consistant à assurer la prospérité de cette population, en attendant que ledit territoire accède à l’indépendance conformément à la volonté et au souhait librement exprimés de ses habitants.
4. Les obligations de nature juridique prévues dans la résolution 1514 (XV) sont réaffirmées dans les résolutions 2066 (XX), 2232 (XXI) et 2357 (XXII).
5. La résolution 2066 (XX) traite spécifiquement de la décolonisation de Maurice et des obligations incombant au Royaume-Uni. L’Assemblée générale «[i]nvite le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à prendre des mesures efficaces en vue de la mise en oeuvre immédiate et complète de la résolution 1514 (XV)» et «à ne prendre aucune mesure qui démembrerait le territoire de l’île Maurice et violerait son intégrité territoriale». La référence à la résolution 1514 (XV)  laquelle énonce des obligations impératives  montre clairement qu’il était entendu que la résolution 2066 (XX) serait d’application obligatoire en droit international.
6. Dans la résolution 2232 (XXI) relative à la décolonisation de certains territoires non autonomes — dont Maurice —, l’Assemblée générale «[i]nvite les puissances administrantes à appliquer sans retard [s]es résolutions pertinentes», et notamment les obligations énoncées dans les résolutions 1514 (XV) et 2066 (XX).
7. De même, dans la résolution 2357 (XXII), également relative à la décolonisation de certains territoires non autonomes  dont Maurice , l’Assemblée générale «[i]nvite les puissances administrantes à appliquer sans retard [s]es résolutions pertinentes» et, parmi elles, les résolutions 1514 (XV), 2066 (XX) et 2232 (XXI).
8. La violation des obligations énoncées dans ces résolutions emporte un certain nombre de conséquences juridiques pour le Royaume-Uni, en tant que puissance administrante, ainsi que pour tous les autres Etats et organisations internationales. En particulier :
i) La puissance administrante est tenue de mettre fin sans délai à son comportement internationalement illicite. Cela signifie qu’elle doit, sans plus attendre, veiller à ce que prenne fin son administration coloniale illicite de l’archipel des Chagos, restituer l’archipel
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à Maurice afin de rétablir l’intégrité territoriale de celle-ci, et autoriser Maurice à exercer sa souveraineté sur l’intégralité de son territoire.
ii) La puissance administrante est tenue de cesser de contrecarrer ou d’entraver l’exercice, par Maurice, de sa souveraineté sur l’archipel des Chagos, et de contrecarrer ou d’entraver notamment la réalisation du souhait de Maurice de permettre l’installation, ou la réinstallation, de ses habitants, y compris ceux d’origine chagossienne, dans les îles de l’archipel.
iii) Dans la période précédant le retrait de l’administration coloniale illicite, qui doit être aussi brève que possible, la puissance administrante est tenue de considérer comme primordiaux les intérêts des Mauriciens, y compris ceux d’origine chagossienne, et de mener toutes ses activités conformément à la mission sacrée lui incombant d’assurer leur prospérité.
iv) Conformément aux règles bien établies du droit international coutumier, telles que confirmées par la Cour dans de précédents arrêts et avis consultatifs, tous les autres Etats et organisations internationales doivent s’abstenir de reconnaître, directement ou indirectement, l’administration coloniale existante comme légitime et de prêter, directement ou indirectement, aide ou assistance au Royaume-Uni en vue de son maintien.
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