Lettre de l'agent adjoint de la Bosnie-Herzégovine communiquant à la Cour la réponse du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine à la question posée par le vice-président

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Lettre du 12 mai 2006 adresséeau greffier par l'agent adjoint de la Bosnie-Herzégovine

[Traduction]

En réponse à la première question posée par le vice-président, à l'issue de l'audience du
9 mai 2006, j'ai étéchargé par l'agent de la Bosnie de présenter à la Cour les observations
suivantes.

Les passages pertinents des documents joints à la première question se lisent comme suit :

«Etant donné que la Serbie et le Monténégro existaient en tant qu'Etats

indépendants avant la création de la Yougoslavie et que la Yougoslavie a assuré la
continuité de la personnalité juridique internationale desdits Etats, la République de
Macédoinerespecte la continuitéde la Républiquefédérativede Yougoslavie dans son

statut d'Etat. ..

Les Parties conviennent de régler par voie d'accord les prétentions l'une

vis-à-vis de l'autre découlantde la succession à l'ex-Yougoslavie.»'

«Etant donnéque, historiquement, la Serbie et le Monténégroexistaient en tant

qu'Etats indépendants avant la création de la Yougoslavie et que la Yougoslavie a
assuré la continuité de la personnalité juridique internationale desdits Etats, la
République de Croatie constate la continuité de la République fédérative de
2
Yougoslavie dans son statut d'Etat.»

«La Bosnie-Herzégovine accepte la continuité de l'Etat de la République
3
fédéralede Yougoslavie.»

Ces divers documents rendent bien compte des relations qui étaient alors en train de

s'instaurer entre les divers Etats indépendantsissus de l'ancienne Yougoslavie. Celui concernant la
Macédoineest postérieuraux audiences sur les exceptions préliminaires, mais antérieurà l'arrêtde
la Cour du 11juillet 1996, tandis que ceux concernant la Croatie et la Bosnie ont étéétablispar les

parties concernéesaprèsle prononcéde cet arrêt.Nous aimerions appeler l'attention de la Cour sur
le fait que le document établipar la RFY et la Bosnie a étédiffuséau sein de l'Organisation des
Nations Unies par le chargé d'affaires de la Yougoslavie -c'est-à-dire de la RFY-,

conformément à ce qui était alors - et est demeuré depuis - la pratique courante de
l'Organisation.

Les documents montrent égalementque la Yougoslavie conservait sur la continuitéde l'Etat
les vues qu'elle avait expriméesdans le cadre de la déclarationadoptéele 27 avril 1992 à la session
commune de l'Assemblée de la République fédérativesocialiste de Yougoslavie, de l'Assemblée

nationale de la Républiquede Serbie et de l'Assembléede la Républiquedu Monténégro,ainsi que
de la note adresséeau Secrétairegénéralde l'Organisation des Nations Unies par le représentantde
la Yougoslavie auprèsde l'Organisation le 27 avril1992, qui indique notamment ceci:

1RFY/Macédoine.

2RFY/Croatie.
3
RFY/Bosnie-Herzégovine. -2-

«Aux termes de la Constitution, et compte tenu de la continuité de la
personnalité de la Yougoslavie et des décisions légitimesqu'ont prises la Serbie et le

Monténégrode continuer à vivre ensemble en Yougoslavie, la République fédérative
socialiste de Yougoslavie devient la République fédéralede Yougoslavie, composée
de la Républiquede Serbie et de la Républiquedu Monténégro.

Dans le strict respect de la continuité de la personnalité internationale de la
Yougoslavie, la République fédéralede Yougoslavie continuera à exercer tous les

droits conférésà la Républiquefédérativesocialiste de Yougoslavie et à s'acquitter de
toutes les obligations assuméespar cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisations internationales

et sa participation à tous les traités internationaux que la Yougoslavie a ratifiés ou
auxquels elle a adhéré.La République fédéralede Yougoslavie, en tant que Membre
fondateur de l'Organisation des Nations Unies, reconnaît son attachement plein et

entier à l'Organisation, à la Charte des Nations Unies et à la Conférencesur la sécurité
et la coopérationen Europe (CSCE) en sa qualitéd'Etat fondateur participant et à tous
les documents de la Conférence, en particulier l'Acte final d'Helsinki et la Charte de

Paris.»4

Les documents joints à la question du vice-président montrent également que la position de
la Yougoslavie à 1'égardde la continuitén'étaitde fait pas exclue par les trois autres parties, et que
celles-ci consentaient toutes à ce que les futures négociations sur l'«héritage» de la RFSY se

déroulentselon les modalitéssuivantes :

«Les Parties conviennent de réglerpar voie d'accord les prétentions [de] l'une

vis-à-vis de l'autre découlantde la succession à l'ex-Yougoslavie.» (Macédoine);

«Les Parties contractantes conviennent de réglerla question de la succession de

la Républiquesocialiste fédérativede Yougoslavie par voie d'accord en se fondant sur
les règlesdu droit international ayant trait à la succession d'Etats.» (Croatie);

et

«Les deux Parties conviennent de régler les questions de succession par voie
d'accord en se fondant sur les règles du droit international ayant trait à la succession

d'Etats.» (Bosnie-Herzégovine.)

Point n'est besoin de rappeler à la Cour que la RFY a, ainsi qu'observépar le conseil de la

Bosnie-Herzégovine, défenduà un moment donnéde la procédurela thèse de la continuité, et que
la Cour elle-mêmes'est fondéesur cette thèse pour rendre son arrêtdu 11 juillet 1996 5. De même

la RFY a-t-elle à 1'époque systématiquement soutenu -hors de 1'enceinte de la Cour- cette
position à 1'égardde ses homologues, lesquels ont eux aussi agi en conséquence.

Si le défendeur a, dans le cadre de la récente procédure orale, plaidé que la thèse de la
continuité étaiterronée, plusieurs de ses conseils ont néanmoins fait valoir que cette position ne
«tombait pas dans l'invraisemblance», voire était«plausible» 6. Assurément, cette position n'était

pas seulement plausible, mais parfaitement possible du point de vue juridique, quand bien même,
compte tenu des circonstances, les autres Etats issus de l'ex-Yougoslavie auraient-ils souhaité

4Nations Unies, doc. A/46/915, annexe l, p. 2.

5CR 2006/36, p. 12-13, par. 29-32 (Pellet).
6CR 2006/13, p. 30, par. 3.46 (Varady) et CR 2006/44, p. 43, par. 2.50 (Zimmerman). - 3 -

-d'un point de vue politique- qu'il en fût autrement. La situation dont rendent compte les
documents joints à la première question est précisémentcelle que le conseil de la Bosnie évoquait
lorsqu'il déclarait:

«En d'autres termes, il eût été possible que le vent tournât et que la
communauté internationale -qui n'avait pris aucune mesure d'expulsion ou de

suspension de la Yougoslavie des Nations Unies- se résignâtà sa réintégrationdans
l'intégralitéde ses droits au sein de l'Organisation, car il étaitpossible aussi que les
autres Etats successeurs de l'ex-Yougoslavie (la RFSY) lui reconnaissent le statut de
7
continuateur. .»

L'élémentle plus important est que, ainsi qu'il ressort des documents joints à la première
question, la RFY, la Macédoine, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ont cultivé leurs relations

bilatérales respectives sur la base de cette continuité de l'Etat de la RFY, continuité qu'avait
également postulée la Cour pour rendre son arrêten 1996 en se fondant sur la position soutenue
avec force par la RFY elle-même. Cette situation ne saurait êtrerétroactivement annulée, et ne

l'est pas, par l'admission de la RFY au sein de l'Organisation des Nations Unies le
1ernovembre 2000, admission qui a fait suite à une demande soumise par la RFY au Secrétaire
généralle 27 octobre 2000.

Veuillez agréer,etc.

7CR 2006/37, p. 35, par. 7 (Pellet).

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