OBSERVATIONS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU NIGÉRIA SUR LES RÉPONSES APPORTÉES
LE 10 MARS 2002 PAR LE CAMEROUN AUX QUESTIONS POSÉES PAR LES JUGES
Le 10 mars 2002, le Cameroun a déposé sa réponse aux questions posées par
M. Fleischhauer; puis le Greffe l'a ensuite communiquéeà l'agent du Nigériale 11mars 2002. Le
Cameroun ne précise nulle part s'il s'agit de ses réponsesdéfmitives ou s'il entend donner des
réponsespluscomplètes et détaillées d'ici au 4 avril.
Les observations suivantes du Nigériane portent que sur les réponsescommuniquéesà la
Cour le 10 mars 2002 et reçues par lui le 11 mars 2002. Il se réservele droit de formuler de
nouvelles observations sur toute réponseadditionnelle que le Cameroun pourrait déposerauprèsde
la Cour d'iciau 4 avril.
Le Nigérian'entend pas reprendre ici en détailses propres arguments, qui sont amplement
exposésdans ses écritureset dans ses réponsesà la question de M. Fleischhauer, qu'il a déposées
auprèsde la Cour le 4 avril 2002. Dans le présentdocument, le Nigériase contentera simplement
de formuler des observations sur les points soulevéspar le Cameroun dans ses réponsesécrites
déposées auprèsde la Cour le 10mars 2002.
1.Points noirs recenséspar le Nigéria
1.1. Lac Tchad
Il ne s'agit pas de l'une des régions que le Nigéria considère comme souffrant d'une
délimitation imparfaite. Les arguments du Nigéria relatifs au lac Tchad sont exposés aux
chapitres 4 et 5 de sa duplique(p. 217-277).
1.2. Embouchure de l'Ebedji
Le Cameroun affirme qu'à partir du point V, la frontièretelle que décritedans la déclaration
Thomson-Marchand suit le cours de la rivière El Beid (ou Ebedji). Or, c'est impossible. Le
point V n'est pas l'embouchure de l'Ebedji et ne se trouve pas non plus sur cette rivière, ni sur
aucun autre cours d'eau. Le Nigériaa apportédes précisionssur ce point aux paragraphes 7.16 à
7.25 de sa duplique.
1.3. Narki
Le Nigériaattire respectueusement l'attention de la Cour sur les propos tenus par le conseil
du Nigérialors du second tour de plaidoiries\ selon lesquels la rivièreNgassaoua se perd dans le
marais d'Agzabame, et ne s'écoulepas de ce marais, commel'affirme le Cameroun.
Le Nigéria constate que le Cameroun ne fait aucune remarque de fond sur le croquis
de mai 1921 signépar les fonctionnaires britanniques et français, mentionnéau paragraphe 7.28 de
la duplique et à 1'annexe DN 151.
Le Nigérianie que le Iamido de Limani administre les populations de Narki, et constate que
le Cameroun n'a pas prouvél'existence d'unetelle administration.
1
CR 2002119,p. 22, par. 16(Macdonald). -2-
Le Nigériaa produit, dans sa duplique et lors des plaidoiries (onglet 14 du dossier des juges
pour le second tour), une photographie aériennetémoignant de la présence d'un cours d'eau à
l'endroit indiquépar le Nigéria. Sontracécorrespond à celui figurant sur le croquis de mai 1921,à
l'annexe DN 151, ce qui montre à l'évidenceque le Cameroun a tort de contester l'existence de ce
cours d'eau.
1.4. Rivière Kirawa
Le Nigéria nie avoir construit un chenal artificiel aux environs du village de Gange. Le
Cameroun n'a pas produit le moindre élémentprouvant que le Nigériaait effectuéces travaux. En
tous les cas, la figure 7.5 de la duplique du Nigériamontre que Gange se trouve en aval du segment
contesté,de tels travaux dans cette régionn'auraient donc aucun effet sur le cours de la rivièredans
la régioncontestée.
Pour le Nigéria, le cours normal de la riVIere Kirawa suit son bras principal,
incontestablement le bras oriental, comme le Nigéria l'a démontréaux paragraphes 7.33 et 7.34 de
sa duplique.
1.5. Rivière Kohom
Les mots «Mount Ngosi» ne peuvent s'appliquer qu'à un mont unique. Si les rédacteursde
la déclaration Thomson-Marchand avaient souhaité viser une chaîne de montagnes, comme le
soutient le Cameroun, ils auraient employé les mots «Ngosi Moutains». Le sommet que le
Cameroun cherche à dénommer«Mount Ngosi» s'appelle Matakam et c'est sous ce nom qu'il est
désigné,comme point de triangulation, dans les archives du service cartographique fédéral du
Nigéria.
1.6. Turu
Le Nigériaa montrédans ses écritures que Turu s'est étenduau-delà de la ligne de partage
des eaux sur des terres qui, aux termes de la déclaration Thomson-Marchand, appartiennent au
Nigéria. Il ne se trouve donc pas entièrement en territoire camerounais, comme le prétend le
Cameroun.
Si le Nigéria reconnaît que le village de Turu, tel qu'il existait en 1929, fut attribué à la
France, iln'a pas acquiescéet n'acquiesce pas à son extension en territoire nigérian.
1.7. Du massif des monts Ngosi àRumsiki
Le Nigériaattire respectueusement 1'attention de la Cour sur le fait que la frontière ne suit
pas constamment la ligue de partage des eaux de Mabas à Rumsiki. Il y a deux segments à
proximitéde Wula Hanko et de Rumsiki où, comme le prescrit la déclarationThomson-Marchand,
la frontière, au lieu de suivre la ligne de partage des eaux, s'en écartepour suivre la limite des
3
terres cultivées. Le Nigériaa déjàtraitéces points lors des plaidoiries •
2Duplique du Nigéria,par. 7.132-7.136.
3CR 2002/11, p. 39-40, par. 107-108 (Macdonald). -3-
Quant à l'affrrmation du Cameroun selon laquelle le Nigéria aurait tort de croire que la
frontièretracéepar le Cameroun sur ses cartes, au lieu de suivre la ligne de partage des eaux, se
trouve à 2 kilomètres à l'ouest de celle-ci, le Nigériarenvoie respectueusement la Cour aux cartes
produites par le Cameroun en annexe à sa réplique. Ces cartes donnent raison au Nigéria.
1.8. Du mont Kuli à Bourrha
Le Nigérian'a pu êtreen mesure de comprendre les observations du Cameroun concernant
cette région. Aucune position n'est indiquéepour le village de Watré,dont le Nigériaignore
l'existence. Dans ses écritureset lorsdes plaidoiries 4,le Nigériaa décritle tracéqu'ilpropose pour
lafrontièredans cette région.
1.9. Source de la rivièreTsikakiri
Le Nigérian'a rien d'autre à ajouter.
1.10. Budunga (du Maio Hesso au sommet du mont Wamni)
Contrairement à ce que prétendle Cameroun, l'identification du sommet du montWamni ne
pose aucun problème. Bien que le Nigériareconnaisse qu'il y a quelques difficultésà localiser
5
l'emplacement des bornes frontières 6, 7 et 8, il pense avoir, dans ses écritures décrit avec
suffisamment de précisionla frontièredans cette régionà partir des éléments disponibles.
1.11. Mayo Sensche (sic)
Le Nigériaconvient que la difficultérésideici dans la description de la ligne de partage des
eaux dans cette région,mais il ne comprend pas en quoi la présencedu village de Batou pourrait
avoir une incidence sur la position de la frontière. Le village, qui n'est pas mentionnédans la
déclarationThomson-Marchand, se trouve manifestement du côténigériande la ligne de partage
des eaux.
Le Nigériapense que la frontièrerevendiquéepar le Cameroun dans cette régionne pourrait
donner lieu à aucune démarcationconforme à la déclarationThomson-Marchand, et estime donc
qu'il ne s'agit pas là simplement d'unproblèmede démarcation.
1.12. Sapeo
Le Nigériaestime qu'il n'y a là aucun problème pratique car les deux Parties respectent la
frontièredélimitée et démarquée par Logan et Le Brun en 1930 6• Le Cameroun a lui-même produit
des élémentsde preuve en ce sens dans ses écritures 7•
4Duplique du Nigériaet CR 2002111,p. 19-24, par. 6-32 (Macdonald).
5
Duplique du Nigéria,par. 7.145-7.168.
6Annexe DN 154.
7Observations du Cameroun, livre II, p. 301. -4-
1.13. Typsan (sic)
Lors des plaidoiries l, Cameroun, par l'intermédiairede son conseil, a fait observer que la
région de Typsan «avait toujours étéconsidéréecomme faisant partie du Cameroun, sans que
personne ne songe à le contester; elle était administrée depuis Kontcha, et elle faisait partie
intégrante- pour ce qui est des structures politiquestraditionnelles- de l'Emirat deKontcha».
Le Nigériane conteste pas que la déclarationThomson-Marchand a eu pour effet de scinder
l'Emirat de Kontcha. De telles divisions de territoires traditionnels se sont produites ailleurs le
long de la frontière, comme à Bourrha et à Yola. Il n'en reste pas moins que les termes de la
déclarationsont clairs, et que la régionde Tipsan se trouve aujourd'hui du côténigériande la
frontièreinternationale.
Le Nigériacomprend bien que le Cameroun a portédevant la Cour la question de Tipsan
parce que l'émirde Kontcha a émis une revendication territoriale exagérée,en contradiction
flagrante avec les termes de la déclarationThomson-Marchand. Le Cameroun n'a jamais précisé
de manière circonstanciée,ni dans ses écritures,ni lors du premier tour de plaidoiries, les raisons
pour lesquelles les termes de la déclaration qui visent cette région ne lui convenaient pas.
Maintenant qu'il vient enfm de le faire, il apparaît clairement que sa revendication sur Tipsan est
sans fondement.
Le Cameroun affirme que «le problèmerésultede la contestation par le Nigériade la validité
du titre camerounais sur Typsan». Le Nigéria conteste effectivement la validité du titre du
Cameroun, qui semble êtrefondésur les prétentionsavancéesà tort par un souverain local à l'égard
d'un territoire perdu lors de la périodecoloniale. La revendication du Cameroun n'est donc pas
défendable.
La démarcationdoit inévitablementsuivre le cours de la rivière Tipsa9, ainsi que le Nigéria
l'a constamment fait valoir tout au long des procéduresécriteet orale • Le Nigériaa parfaitement
le droit de déplacerun poste frontièreà n'importe quel endroit sur son territoire, et c'est ce qu'il a
fait dans ce cas précis. Le Cameroun reconnaît d'ailleurs que ce poste frontière est
10
«indiscutablement situéen territoire nigérian» •
1.14. Franchissement du Maio Yin
Le Nigérian'a rien d'autre à ajouter.
1.15. Mont Kombon
Pour le Nigéria,toute démarcationne peut qu'êtreentravéepar les vices dont est entaché
l'article 60 de la déclarationThomson-Marchand. Le Nigériaa en effet démontréque les éléments
permettant d'identifier le pic sont suffisants, mais les observations du Cameroun n'ont d'autre effet
que de semer la confusion : le problèmeest que le pic proéminentimmédiatementreconnaissable
ne se trouve pas sur la ligne de partage des eaux, comme le prévoitl'article 60.
8CR 2002115,par. 45 (Simma).
9
CR 98/1, p. 24-25 (Watts); CR 98/5, p. 42 (Watts); contre-mémoire, par. 19.72-19.76;
duplique, par. 7.169-7.181; CR2002/10, p. 59-65, par. 80-104(Watts).
10Répliquedu Cameroun, p. 193,par. 4.99. - 5-
Le reste des observations du Cameroun donne une idéecomplètement fausse des arguments
que le Nigériaa clairement exposésdans sa duplique (par. 7.88-7.98) et lors des plaidoiriesn. Le
Nigériaa déjàattirél'attention de la Cour sur l'erreur commise par le Cameroun concernant la
12
distance entre le mont Tonn et Itang Hi11 •
1.16. Zone de Lip, Yang
Le Nigériaformule les observations suivantes sur les réponsesdu Cameroun concernant ce
segment de la frontière:
a) Le Cameroun ne précisepas quelle est la rivière dénomméeMakwe. Le Nigériane connaît
aucune rivière portant ce nom dans la région, et ne peut dès lors faire d'observations
détaillées.
b) Le Cameroun semble désormaisreconnaître que la frontièrepasse par la «borne» plantéepar
Jeffreys en 1941. Le Nigéria constate avec satisfaction que le Cameroun admet ainsi
implicitement que la frontière fut démarquéeà cette époquepar Jeffreys, et qu'elle a été
respectéedepuis lors.
c) Lorsqu'il dit que la frontière«passe par la borne plantéepar Jeffreys [et] ensuite, par une ligne
de crête... », le Cameroun semble avoir acceptéle tracéproposépar le Nigériapour la frontière
entre le tumulus de pierres et le mont Tonn.
d) Le Nigériatient à ce que la Cour prenne bien note que le Cameroun décritle tracéde la
frontièrequ'il propose d'ouest en est, alors qu'il décritcelui que propose le Nigériad'est en
ouest.
1.17. Bissaula-Tosso
Le Cameroun semble prétendreque la frontière décritedans l'ordonnance de 1946 adoptée
en conseil figure sur la carte de Moise! de 1913. Cette affirmation est manifestement ridicule. Si
les rédacteursde l'ordonnance de 1946 ont employéles mots <<Ua nffluent sans nom de la rivière
Akbang (Heboro sur la feuilleE de la carte Moise} à l'échelle 1/300 000)», c'est pour aider à
identifier la rivièreAkbang.
En outre, les rédacteurs n'ont pas préciséle numéro de la feuille mentionnée, qui est
normalement lafeuille E2. Le Cameroun a reproduit cette erreur.
Bien que le Cameroun affirme que, dans cette région, les dispositions de l'ordonnance
de 1946 sont suffisamment claires pour permettre une démarcation - opinion que partage le
Nigéria -, il continue de méconnaître, sans véritablement en donner les raisons, l'indication
figurant dans cet instrument, à savoir qu'il y a lieu d'utiliser un affluent qui traverse la route
Kentu-Bamenda.
1.18. Rivière Sama
Le Nigéria nie que «l'affluent Nord de la Sama [ait] toujours étépris en compte par les
parties pour le tracéde la frontière». Il ne voit pas ce qui permet au Cameroun d'avancer unetelle
affirmation, sans d'ailleurs produire aucun élémentde preuve à cet effet. Le Nigériaa toujours
1CR 2002/11, p. 24-28, par. 33-52 (Macdonald).
12
CR 2002/19, p. 26, par. 32 (Macdonald). -6-
soutenu que l'affluent sud étaitle point où la Sama se sépareen deux; il ne s'agit pas d'une
position que le Nigériaa adoptéedepuis la présenteinstance, comme le prétendle Cameroun,
lequel, une nouvelle fois, ne produitaucun élémenp tour étayerses propos sur ce dernier point.
Contrairement à ce qu'affirme le Cameroun, selon lequel «aucun problème ne se pose en
pratique», le Nigériarenvoie la Cour aux questions de responsabilitédes Etats que les Parties ont
l'une et l'autre soulevéesde manièregénérale sur cette région.Le Nigériapense que les problèmes
poséspar Tosso et Mberogo trouvent leur origine dans le fait que les fonctionnaires camerounais
locaux se sont complètementméprissur 1'emplacementde lafrontièredans cette région.
1.19. Mberogo
Le Nigériane connaît aucun village ni aucune localitéportant le nom de Mbelogo du côté
camerounais de la frontière. S'il y en a bien un, le Cameroun n'a produit aucun élémentprouvant
de manière concluant13son existence, mis à part une indication, sans coordonnées,sur une carte
jointe à laréplique •
L'affirmation du Cameroun selon laquelle «il existe plusieurs localitésportant des noms
identiques ou semblables de part et d'autre de la frontière» n'est étayéepar aucun élémentde
preuve. Elle est toutefois sans importance ici, puisque les questions soulevéespar le Nigéria
concernent le village nigérian de Mberogo, comme le Nigérial'a clairement démontrélors des
plaidoiries14• Ce village se trouve en territoire nigérian,que le tracéexact de la frontièreentre la
rivièreSama et le mont Tosso soit celui proposépar le Camerounou celui proposépar le Nigéria.
1.20. La borne 64
Le Nigériaconstate avec satisfaction que,lors des plaidoiries 15,le Cameroun a reconnu que
les imperfections de la délimitationdans cette région,aussi mineur fussent-elles, pouvaient être
corrigées de la manière proposéepar le Nigéria. Par conséquent,le Nigérian'a rien d'autre à
ajouter.
ll. Points supplémentaires relevéspar le Cameroun
En dernière partie de ses réponses,le Cameroun évoqueplusieurs points supplémentaires
concernant les segments de la frontière à Dorofi, Obudu Cattle Ranch et la borne 103. Aucun
élément de preuve n'est produit ou cité pour prouver, comme le Cameroun le soutient, que le
Nigéria a méconnules termes des instruments pertinents. Le Nigériaformule les observations
suivantes sur ces trois points particuliers :
1. La question poséepar M. Fleischhauer ne concerne que les <<Zonep srécisesoù le Nigéria
conteste l'exactitude de la délimitation». Or, sur ces trois points, le Nigéria ne conteste pas
l'exactitude de la délimitation. Ces secteurs ne rentrent doncpas dans le cadre de la question posée
par M. Fleischhauer. · ·
13RC, paragraphes 12.36-12.37 et carte R27.
14
CR 2002/10,p. 58-59, par. 73-78 (Watts).
15CR 2002/2, p. 70, par. 28 (Shaw). -7-
2. En tous les cas, le Nigériaadmet que les termes des instruments juridiques pertinents
(la déclarationThomson-Marchand s'agissant de Dorofi, et le traité anglo-allemand d'avril1913
s'agissant d'Obudu et de la borne 103)sont suffisammentclairs et précispour délimiterla frontière
dans ces régions.
3. Par ailleurs, la frontière délimitéepar le traitéangle-allemand de 1913 a déjàfait l'objet
d'une démarcationsur le terrain à l'aided'un certainnombre de bornes, démarcationque le Nigéria
accepte. Il pense en outre que les questions en suspens concernant Dorofi peuvent êtreréglées lors
de la démarcation.
4. Pour ce qui est de la borne 103, la question soulevée par le Cameroun concerne le
franchissement de la frontièreet la détérioration de biens par de simples particuliers qui n'ont reçu
aucune autorisation du Nigéria. Plus important, le Nigéria estime qu'il ne s'agit pas là d'un
problèmede délimitationdans les textes et n'a doncrien d'autre à ajouter. -8-
RÉPONSES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU NIGÉRIA AUX QUESTIONS DES JUGES
Questions poséespar M. Fleischhauer
«J'ai deux questions connexes pour les deux Parties. Les voici :
Comment, tant avant qu'après l'indépendance, le problème de la frontière terrestre
était-ilrégléen pratique dans les zones précisesoù le Nigériaconteste l'exactitude de
la délimitation?
En particulier, où situait-on le tracéde la frontièredans ces zones?»
Réponse
16
1. Dans la réponsepréliminairequ'il a apportéeà ces questions , le Nigéria a indiqué que
les vingt-deux endroits au sujet desquels des questions se posaient concernant la délimitationde la
frontière terrestre telle que décrite dans la déclarationThomson-Marchand ou dans l'ordonnance
adoptéeen conseil de 1946 relevaient de deux catégoriesdistinctes. Treize d'entre eux sont des
endroits au sujet desquels le Nigériaa constatélui-mêmeque c'étaitl'énoncéproprement dit de la
délimitationqui était fautif, c'est-à-dire la délimitation en tant que telle (l'un des endroits qui
relèvent de cette catégorie, la borne frontière n° 64, n'est plus contesté puisque le Cameroun
accepte l'interprétationproposéepar le Nigériaà son sujet1\ Les neuf autres cas concernent des
endroits où, pour le Nigéria,la délimitationest claire et bien défmie,mais où le Cameroun a malgré
cela adoptéune position qui ne concorde pas avec la délimitation claire et préciseprescrite dans
l'instrument pertinent, ce qui a conduit le Nigériaà attirer l'attention sur ces emplacements.
2. Il apparaît que c'est seulement à l'égarddes treize premiers endroits que, selon les termes
employés par M. Fleischhauer dans ses questions, «le Nigéria conteste l'exactitude de la
délimitation». Le Nigériatraitera de ces treize points dans la première partie de sa réponse.
Toutefois, plutôt que de s'en tenir à ces endroits, et pour le cas où il serait, à tort, fait une lecture
littéraledes questions poséespar M. Fleischhauer, le Nigériatraitera également,dans la deuxième
partie de sa réponse,des neuf autres emplacements.
3. Les questions poséespar M. Fleischhauer exigent l'analyse de trois élémentsau sujet de
chaque emplacement:
i) comment le problèmede la frontièreterrestre était-ilrégléavant l'indépendance?
ii) comment le problèmede la frontièreterrestre était-ilrégléaprèsl'indépendance? et
iii) où situait-onletracéde la frontière?
16CR 2002/19. p. 36-37, par. 28-33 (Watts).
17CR 2002/2, p. 70, par. 28 (Shaw); CR 2002/10, p. 43, par. 8 (Watts). -9-
4. En outre, pour donner un contexte à sa réponsesur ces trois points, le Nigériaformulera
de brèves observations d'ordre généralsur l'endroit dont il s'agit, concernant par exemple la
population ou la topographie.
5. Quelques observations préliminaires ne seront pas inutiles avant de répondre aux
questions:
i) La frontière entre l'embouchure de l'Ebedji et la borne frontière n°64, qui couvre une
distance de 1430 kilomètres,n'ajamais étéentièrementdémarquée.
ii) A 1'époquede la signature de la déclarationde 1931, la demande en terres étaitmoindre,
et les petites divergences pouvaient êtrerégléesde façon plus simple dans le cadre de
réunionslocales entreles deux Parties.
iii) En effet, avant l'indépendance,lorsque des divergences surgissaient, les responsables de
district sur le terrain réglaientgénéralemenlte problèmeeux-mêmes,le plus souvent sans
en avertir 1'administration centrale. Ce mode de règlement des problèmes frontaliers a
encore étéappliquéaprès l'indépendance pardes représentantsdes collectivitéslocales.
Ainsi, avant et aprèsl'indépendance,le gros du règlementdes problèmesde frontièreétait
dévoluaux fonctionnaires locaux.
iv) Avant l'indépendance, les responsables de district locaux montraient souvent à la
population locale, lorsde leurs tournées,par où devait passer la frontière,procédantainsi
à une démarcation ad hoc et informelle. Les visites sur le terrain effectuéespar l'équipe
juridique du Nigériadans certaines de ces zones montrent que ces frontières ad hoc sont
encore respectéesaujourd'hui par lespopulations locales.
Première partie
Les endroits au sujet desquels le Nigériaestime que la délimitation
de la frontière est fautive
1) L'embouchure de l'Ebedji
i) Les principales observations du Nigériastir la régionsont exposéesaux pages 322 18 à 330
de sa duplique. Les Parties s'accordent à dire que l'Ebedji a deux embouchures , et que
la position des deux chenaux n'a pas changédepuis 1931 19• Les experts des deux Etats,
dans une tentative de règlement du différend qui opposait ces derniers au sujet de
l'emplacement de }'«embouchure»,ont abouti, dans le cadre des travaux de la CBLT, à
un accord préliminairesur un point (le point V) destiné à représenter!'«embouchure» en
question. Pourtant, cepoint ne se situe à l'embouchure d'aucun cours d'eau, et leNigéria
estime qu'il n'est pas conforme à ladéclarationThomson-Marchand.
ii)Avant l'indépendance,les problèmesde frontièredans la régionétaientlargement laissés
à la charge des autoritéslocales nigérianes,qui réglementaient la pêcheet prélevaient
l'impôt auprèsdes pêcheurs.La plupart des pêcheursde la régionvenaient de Wulgo. Le
Nigéria n'ajamais eu connaissance d'un désaccordentre les Etats quant à l'emplacement
de la frontière.
1RC, par. 3.20 et DN, par. 7.9.
19
RC, par. 3.21 etDN, par. 7.9. - 10-
iii) Après l'indépendance, les questions de frontière dans cette région ont continué à être
régléespar les autoritéslocales du Nigériaet du Cameroun.
iv) Dans cette région, c'est le chenal oriental qui a toujours étéconsidérécomme constituant
la frontière. La zone située à 1'ouest de ce chenal a toujours étéadministrée par la
collectivitélocale de Ngala, et la réglementationde la pêcheainsi que la délivrancedes
permis de pêchedans la région ont toujours étél'Œuvre du Nigéria. La Cour devrait
égalementsavoir que les populations locales nigérianes,en particulier celle de Wulgo, ont
toujours pêché dans les eaux du chenal situéau nord-est sans attirer de protestations de la
part du Cameroun et sans que celui-ci ne tente de réglementerleur activité ou de prélever
des impôts auprèsd'elles.
2) Narki
i) A titre préliminaire, nous indiquons que cette régionne fait pas l'objet d'un différend
acrimonieux entre les Parties. Le problème vient du fait que la déclaration
Thomson-Marchand de 1931 ne précisepas quel est, parmi les différentscours d'eau qui
se situent autour de Narki, celui que la frontièredoit suivre.
ii) Avant l'indépendance, cette partie de la frontière terrestre était administrée par les
responsables de district britanniques et français. Entre1921 et 1926, en particulier, des
fonctionnaires des deux administrations furent envoyéspar leurs gouverneurs respectifs
pour proposer une délimitationplus détailléede la frontière que celle fournie en 1919 par
l'accord Milner-Simon. En mai 1921, M. Lethem, agent de la Grande-Bretagne, et son
homologue français signèrent un croquis illustrant la frontière sur laquelle ils s'étaient
20
mis d'accord pour cette région • Cette frontière passeà environ 300 mètres au nord de
Limani et au sud de Narki.
iii) Après l'indépendance,les populations locales ont continuéà respecter la frontière défmie
par les fonctionnaires locaux. Tarmoa et Narki sont restésdes villages nigériansrattachés
à la collectivité locale de Barna, dans l'Etat de Bomo. Depuis l'indépendance, cette
collectivitélocale a, sans interruption, fourni eau, soins de santé,enseignement ainsi que
d'autres services sociaux aux résidents des deux villages. Limani est resté sous
administration camerounaise, ce que leNigériane conteste pas.
iv) La frontièredans cette régiona étéconsidéréecomme suivant le cours d'eau décritdans
l'accord anglo-français de mai 1921, laissant Tarmoa et Narki au Nigéria, et Limani au
Cameroun, comme le montrent la figure 7.4 et le paragraphe 7.30 de la duplique du
Nigéria. Cela n'a jamais étécontestépar le Cameroun, et, à la connaissance du Nigéria,
les habitants coexistent paisiblement.
3) La rivièreKirawa
i) A titre préliminaire, nous souhaitons indiquer que cette région est habitée par une
importante communautéd'agriculteurs nigérians. La frontière y est délimitéeselon les
termes de l'article 17 de la déclaration Thomson-Marchand de 1931. Mais cette
disposition ne précise pas lequel des deux bras de la rivière Kirawa doit suivre la
frontière.
2Annexe DN 151. -Il-
ii) Avant l'indépendance, les problèmes de frontière de cette région étaientdirectement
régléssur le terrain par les responsables de district locaux. Il convient de relever que,
d'aprèsla déclarationMilner-Simon de 1919, illustréesur la carte de Moisel B3 (dont un
détailest reproduit à la figure 7.7 de la duplique du Nigéria),la frontière doit suivre le
chenal oriental de la rivièreKirawa.
iii) Après l'indépendance, la frontière n'a pas fait l'objet dans cette région d'une autre
démarcation par 1'administration locale. Pourtant, des agriculteurs camerounais ont
empiétésur la zone situéeà l'ouest du chenal oriental, sans doute pour profiter de ses
terres fertiles.
iv) Le Nigériaconsidèreque le tracéde la frontière,dans cette région,suit le chenal oriental
de la rivière Kirawa, comme l'avaient illustréMilner et Simon sur la carte de Moisel en
1919, et comme il est expliquéau paragraphe 7.35 de la duplique du Nigéria. Toutefois,
les agriculteurs camerounais locaux semblent penserque le chenal occidental constitue la
frontière.
4) La rivièreKohom
i) A titre préliminaire,nous précisonsque cette régionest isoléeet assez peu habitée. La
frontièrey est délimitéeen vertu de 1'article 19de la déclarationThomson-Marchand de
1931,disposition défectueusecar elle présumequela rivièreKohom prend sa source dans
lemont Ngossi, ce qui n'est pas le cas.
ii) Avant l'indépendance,en mars 1926, des responsables de district (Featherstone et son
homologue français) se rendirent sur cette partie de la frontière,et un croquis fut établià
cette occasion (figure 7.9 de la duplique du Nigéria),selon lequel- mais il s'agissait là
d'une erreur- la rivière Kohom prenait sa source au mont Ngossi. Il fut alors indiqué
aux habitants des lieux que la frontière suivait la rivièreKohom en direction de Ngossi.
Cette information s'est transmise de générationengénération.
iii) Aprèsl'indépendance,le tracéde la frontière dans cette régiona continuéà dépendredu
petit nombre d'agriculteurs locaux, qui respectaient toujours la ligne que leur avaient
montréeles responsables de district en 1926. Lorsque l'équipejuridique du Nigérias'est
rendue sur place en mars 2000, le chef du village leur a montréle tracéde la frontière.
Celui-ci coïncidait avec la frontièrereprésentéesurla carte de 1926.
iv) La frontièredans cette régionest considéréecommesuivant letracéillustréà la figure 7.8
de la duplique du Nigériaet expliquéaux paragraphes 7.40 et 7.41 du mêmedocument.
Telle est la réalitésur le terrain depuis 1926 et, à la connaissance du Nigéria,il n'y a pas
de différendsur place, mêmesi les cartes du Cameroun figurent une ligne qui n'a rien à
voir ni avec l'accord local de 1926 passéentre les responsables de district, ni avec les
dispositions de la déclarationde 1931.
5) Du montKuli à Bourha
i) A titre préliminaire,nous indiquons que la frontièredans cette régionest délimitée sur la
base de la ligne erronéede partage des eaux figuréepar Moise] sur sa carte. Ce secte21 a
été examinéen détailpendant le premier tour des plaidoiries orales du Nigéria • C'est
une région plutôt bien peuplée, où se trouvent quelques villes d'une certaine taille,
21
CR2002111, p.19-24,par.6-32 (Macdonald). - 12-
comme Bourha (au Cameroun), et d'importantes communautésd'agriculteurs des deux
côtésde la frontière.
ii) Avant l'indépendance,les problèmes de frontière dans cette région étaient réglés au
niveau local. On sait égalementque des représe22antsdes administrations britannique et
française se sont rendus dans la régionen 1920 • Le procès-verbalde cette visite indique
que la frontièredevrait suivre le centre d'une piste qui va de Muti vers Bourha, et que
Bourha setrouve 1,5 kilomètreà l'estde la frontière.
iii) Depuis l'indépendance,la frontière de cette régiona continué à êtreadministrée au
niveau local. Le Nigérian'a pas connaissance d'un quelconque différend véritable.
Toutefois, il convient de se reporterà la section 16 ci-aprèspour la régionsituéeau sud
deBourha.
iv) Le Nigériaconsidèreque le tracéde la frontièredans cette régionsuit la ligne décriteau
paragraphe 7.59 de sa duplique et représentéeaux figures 7.10 et 7.11 du même
document. Il ressort clairement des demandes reconventionnelles du Nigéria que les
fonctionnairescamerounais locaux ne partagent pasce point de vue.
6) Koja (Kotcha)
i) A titre préliminaire,nous précisonsque la frontièredans cette régionpasse prèsdu gros
village nigériande Koja (auparavant Kotcha), qui compte une importante population
d'agriculteurs.
ii) Avant l'indépendance, les questions de frontièredans cette régionétaientrégléespar les
responsables de district locaux. La déclarationThomson-Marchand de 1931 elle-même
-renvoie-à-des bornes provisoires érigéesen-1920-parVereker (pour la Grande-Bretagne)
et Pition (pour la France). Le Nigériaest en mesure de confirmer que ces bornes étaient
des tumulus de pierres, mêmesi l'on en a retrouvéqu'un seul. En tout étatde cause,
l'allusion aux bornes laisse penserque la frontières'écartaitlégèrementde la ligne de
partage des eauxà proximitéde Koja, qui se trouve de l'autre côtéde ladite ligne.
Depuis les annéestrente, le village de Koja a continué à s'étendre,sans que cela ne
suscite de protestations de la part du Cameroun.
iii) Après l'indépendance,la frontière dans cette régiona continué à êtreadministréeet
entretenue au niveau local. Au sud-ouest de Koja, par 10°04' 43" de latitude nord et
13°17' 49" de longitude est, se trouve un tumulus de pierres indiquant la frontière.
L'emplacementde cette dernièrene fait apparemment l'objet d'aucun différend.
iv) La frontière dans cette région est considéréecomme suivant le tracé décrit aux
paragraphes 7.62 et 7.63 de la duplique du Nigériaet illustréà la figure 7.13 de la même
pièce.
7) La source de la rivière Tsikakiri
i) A titre préliminaire,nous précisonsque cètte régionest particulièrement isolée,et mal
reliéeau réseauroutier nigérian. Le problème qui se pose ici est que la déclaration
Thomson-Marchand de 1931 ne précisepas quelle source la frontière doit suivre parmi
les trois sources possiblesde la rivièreTsikakiri.
22Annexe DN 152. - 13-
ii) Bien que la régionsoit isoléeet quasiment inhabitée,le Nigériamaintient que le cours de
la rivière qu'il décrità la figure 7.14 de sa duplique constitue la frontière dans cette
région. Lors de leur tournéedans la régionau cours de l'été1920, les responsables de
district Vereker et Pition avaient identifiéle cours de la rivière Tsikakiri et «établiavec
soin les frontièreslocales»23•
iii) Après l'indépendance, les populations locales ont, des deux côtés, reconnu cette
démarcationcomme étantla frontière. Aucun problèmen'a étésignalédepuis.
iv) Pour les raisons exposéesau paragraphe 7.67 de sa duplique, le Nigériaestime que le
tracéde la frontière dans cette régionvoulu par les rédacteursde la déclarationde 1931
allait jusqu'au bras méridionalde la rivière Tsikakiri. Cela est exposé en détail au
paragraphe 7.69 de la duplique duNigériaet illustréà lafigure 7.14 de la mêmepièce.
8) Jimbare
i) A titre préliminaire,il faut rappeler que la population de cette régionest majoritairement
nigériane. Le problème à cet endroit est que la délimitationopéréepar la déclaration
Thomson-Marchand de 1931 souffre de nombreuses inexactitudes qui rendent toute
opérationde démarcationquasiment impossible dans la pratique. Celles-ci ont été mises
en évidencedans le paragraphe 7.71 de la duplique du Nigériaet traitéesplus en détail
24
par sir Arthur Watts lors du premiertour de plaidoiries du Nigéria •
ii) Avant l'indépendance,en 1929-1930, les responsables de district Logan (britannique) et
Le Brun (français) se rendirent sur place pour examiner la frontière. Ils reconnurent qu'il
étaitimpossible de procéder à sa démarcationd'après la délimitationproposéepar les
deux Parties et énoncéedans l'accord de 1929 (préludeà la déclarationde 1931). Ils
convinrent sur une nouvelle ligne, qui fut minutieusement consignée dans un
procès-verbalsigné le 16octobre 1930. Elle fut présentéesur le terrainà la population de
la régionet s'est depuis lors transmise de générationen génération.Bien que les termes
de ce procès-verbal n'aient pas étérepris dans la déclarationde 193125la modification
fut bel et bien reportéesur la carte fmalementjointe à la déclaration•
iii) Aprèsl'indépendance,la frontièredans cette régioncontinua à êtregéréeau niveau local
par les agriculteurs locaux. Les populations vivant de part et d'autre de la frontièreont
continué de respecter la démarcationqui avait étéprésentéeen 1930 à la population
locale, sans qu'aucun différendn'éclate. L'équipejuridique du Nigériaqui s'est rendue
sur le terrain en juin 2000 a confirmécette situation, et les agriculteurs de la régionont
montréà l'équipeoù courait la frontière. La frontièrequ'ils leur ont indiquéecoïncidait
presque exactement avec celle décritedans le procès-verbalde MM. Logan et Le Brun.
iv) Ces soixante-dix dernièresannées,la frontièredans cette régiona étéconsidéréecomme
courant le long de la ligne décritesur la carte 7.5 de la duplique du Nigéria. Il est facile
de suivre sur le terrain les détailsindiquésdans le procès-verbalde 1930 et, en particulier,
le se~ iocheux désigné par le toponyme de Kombunga est aisémentidentifiable. Il n'y a
donc sur le terrain aucun problèmeopposant les Parties.
23Annexe DN 152.
24
CR 2002/10, p. 49-52, par. 35-45 (Watts).
25CR 2002/10, p. 54, par. 52-53 (Watts). - 14-
9) Sapeo
i) A titre préliminaire,nous précisonsque ce secteur est fortement peuplé;sa population est
regroupéedans de vastes localitésnigérianescomme Sapeo, Namberu, Leinde et Jumba.
Le Nigéria a démontré- preuves à l'appui- qu'il administrait cette région depuis
longtemps et que les résidentsde Sapeo avaient pris part aux plébiscitesorganisésen
1959 et 1961 au Cameroun septentrional (et que de ce fait, ils étaientconsidéréscomme
faisant partie du Camerounsous administration britannique i 6•
Le problèmequi se pose ici résultede la délimitationproblématiqueprescrite en 1929 par
l'accord Thomson-Marchand et de la démarcation réalisée en conséquence par
MM. Logan et Le Brundans cetterégion.
ii) Avant l'indépendance, en 1929-1930, les responsables de district Logan (pour la
Grande-Bretagne) et Le Brun (pour la France) se rendirent sur place pour examiner la
frontière. Ils reconnurent que la délimitationproposéepar les deux parties et décritedans
l'accord Thomson-Marchand de 1929 (préludeà la déclarationde 1931) posait problème.
Ils reconnurent également que Sapeo était un village nigérian administré par les
Britanniques. Ils s'entendirent donc sur une démarcationappropriée,laquelle fut tout
aussi minutieusement consignéedans le procès-verbaldont il a fait étatau point précédent
et signéle16 octobre 1930. Non seulement cette démarcationfut présentée sur le terrain
à la population locale, mais elle comprenait égalementune sériede grands tumulus de
pierres qui balisaienta frontièrepar endroits. Au moins trois d'entre eux sont encore en
place aujourd'hui, etle Nigériaen a montrédeux dans sa duplique (photographie 1) et
lors des audiences (voir l'onglet39 du dossier des juges pour le premier tour). Tout
comme pour Jimbare, qui se trouve juste au nord, la déclarationThomson-Marchand n'a
pas repris les termes du procès-verbal, quoique cette modification figure sur la carte
fmalementjointe à ladéclaration2•
iii) Après 1indépendance, la population locale a continué d'observer la frontière ainsi
démarquées ,ans qu'aucun différendn'éclate,semble-t-il. L'équipejuridique du Nigéria
s'est rendue sur place en juin 2000 et a confirmél'existence des tumulus ainsi que le
respect, par la population, des termes du procès-verbalLogan-Le Brun.
iv) La frontière dans cette régiona étéconsidéréecomme courant le long de la ligne
démarquéeconformémentau procès-verbal Logan-Le Brun, laquelle est intégralement
décrite au paragraphe 7.83 de la duplique du Nigéria et sur la carte 7.16. A la
connaissance du Nigéria,l'emplacement de la frontièredans ce secteur n'ajamais suscité
le moindre litige, local ou autre, entre les deux Etats. De surcroît, Nigériaadministre
Sapeo depuis soixante-dix ans sans s'êtrejamais vu opposer la moindre protestation: il a
fourni tous les élémentde preuves àcet égarddans sa duplique.
10) Namberu-Banglang
i) A titre préliminaire,nous précisonsque ce secteur est démarquépar l'article 38 de la
déclarationde 1931,qui mentionne- à tort- une valléepartant vers le nord-est puis
le sud-est, alors qu'iln'existe en fait aucune vallée la sorte. Celan'a aucun sens, à
moins qu'il faille comprendre une valléepartant non pas vers le nord-est puis le
sud-est, mais vers le nord-ouest puis le sud-ouest. Qui plus est, le procès-verbal
2Voir les par. 7.80 et 7.81 de la duplique du Nigériaainsi que les annexes DN 156-168.
27
CR 2002/10, p. 54, par. 52-53 (Watts). - 15-
Logan-Le Brun de 1930 visait à réglerce problèmeet à corriger cette erreur, mais il
introduisit un problème supplémentaire en mentionnant une dépression sur le
Hossere Banglang. Tout cela est expliqué plus en détail par le Nigéria aux
paragraphes 7.85 et 7.86 de saduplique.
ii)+ iii)Avant et aprèsl'indépendance,lafrontièredans ce secteura été administréesur le plan
local. D'aprèsle Nigéria,l'emplacementexact de la frontièren'ajama:is donnélieu à
un différendsur leterrain.
iv) La frontièrea toujours étéconsidéréecomme courant dans une direction nord-ouest
puis sud-ouestjusqu'à une vallée,comme cela est expliquéau paragraphe 7.87 de la
duplique et décritsur la carte 7.17 ainsi que sur la carte n°13 du livre TIde la réplique
du Cameroun.
11) L'emplacement du mont Kombon
i) Nous rappellerons à titre préliminaire que ce secteur est celui où la déclaration
Thomson-Marchand de 1931 et I'Order in council de 1946se recoupent. Les termes des
articles60 et 61 de la déclarationde 1931 sont égalementimparfaits: le Nigériaa signalé
ces erreurs aux paragraphes 7.91-7.96 de sa duplique ainsi qu'au cours de son premier
tour de plaidoiries28• Il a montré,dans ses pièces et lors de ses plaidoiries, la méthode
qu'il avait utiliséepour identifier ce qui était, selon lui, le «pic assez proéminent»
(mont Itang). En outre, la déclarationpréciseque la frontièredoit suivre une ligne de
partage des eaux, ce qui est impossible, compte tenu de la complexitédu systèmefluvial
et du faitquela ligne de partage deseaux ne traverse par lemont Itang. Bien que retirée,
cette région·comprendune importante population agricole nigériane,qui se concentre
dans la villedeTarnnyaret le petit village de Sanya, deux localitésnigérianes.
ii) Avant l'indépendance,la frontièredans cette régionétaitadministréepar les responsables
de district.LeNigérianedispose d'aucun document prouvantque ces derniers se seraient
rendus dans ce secteur. Cela étant, il existe des documents qui montrent que l'on
s'intéressaità laquestion de la délimitationà cet endroif 9•
iii) Après l'indépendance,aucun effort ne fut fait pour préciserdavantage le tracéde la
frontière dans cette région. La population locale - essentiellement composée de
Nigérians issus de la tribu des Mambila - a continué de prendre la crête de
l'escarpement pour frontière. Ce segment de frontière,à la différencede tous les autres
tronçons de la frontière entre le Nigéria et le Cameroun, est une frontière tribale qui
sépare les Mambila établissur le haut plateau Mambilla et les Camerounais vivant en
contrebas. Les populations nigérianesde Sanya et de Tamnyar cultivent toujours les
terres arables qui se trouvent au sommet de 1'escarpement, sans susciter la moindre
protestation.
iv) Les Parties ont toujours l'une et l'autre considéréque, dans cette région, la frontière
courait le long de l'escarpement: ce tracéest indiquéen rouge sur la carte 7.18 et est
décritau paragraphe7.96 de la duplique.
2CR2002111,p. 24-28,par.33-52(Macdonald).
29
Annexe DN 169. - 16-
12) La frontière en direction ouest du mont Tonn jusqu'à la rivière Mburi
i) Il convient tout d'abord de préciserque, bien que ce secteur de la frontièresoit délimité
par la dernièrepartiede la deuxièmeannexe à 1'Order in Council de 1946, il est en réalité
impossible d'en appliquer les termes sur le terrain.
ii) Avant l'indépendance,la frontière dans cette régionétaitdu ressort des responsables de
district. Bien entendu, elle n'étaità cette époquequ'une limite administrative interne
entre le Cameroun méridional et le Cameroun septentrional - tous deux sous
administration britannique-, et non une frontièreinternationale. En 1941, M. Jeffreys,
responsable de district principal à Bamenda, expliqua aux habitants de la régionla
démarcationqu'il fallait observer; dans sa duplique le Nigériaa fourni les élémentsde
preuve pertinents à cet égard. Il n'a toutefois pu obtenir aucun exemplaire de la décision
30
de M. Jeffreys, mais le procès-verbald'une réuniontenue en 1953 l'évoqueet décritla
frontièreainsi décidée. Le Cameroun fournit lui-mêmeles preuves que ce segment de la
frontière étaitconforme au «tracédes frontières depuis 1941 et [à] un procès-verbalde
réuniondu 13 août 1953» 31•
iii) C'est aprèsl'indépendanceet le plébiscitede 1961 que la frontièredans cette régionest
devenue une frontière internationale entre le Nigériaet le Cameroun. La population
localede Lip et Yang a continuéd'observer la frontièretelle qu'elle avait été démarquée
par M. Jeffreys. Dans cette régionsont établies de nombreuses communautésrurales; le
soly est trèsfertile et de petits conflits locaux ont éclatéau sujet des droits de culture
entre lesNigériansde Lip et les Camerounais deYang.
iv) A l'exception de quelques tentatives d'empiètement récentes de la part du Cameroun
auxquelles les Nigériansont résistéc ,'est la frontièretelle que l'avait définieJeffreys qui
est observée dans la région; elle a fait l'objet d'une description minutieuse au
paragraphë7.107 dela duplique duNigeria et slirlaca.rte 720.
13) La rivière Sama
i) A titre préliminaire,indiquons que c'est égalementl'Order in Council de 1946 qui a
opéréla délimitationdans ce secteur. Or, les termes de l'annexe manquent de clarté à
partir du point où la rivièreSama se scinde en deux.
ii) Avant l'indépendance,ce secteur étaitadministrépar les Britanniques de part et d'autre
de la limite administrative qui séparait le Cameroun septentrional du Cameroun
méridional. Cette limite n'appelait pas une attention particulièrement rigoureuse dans
cette zone relativement peu peuplée.
iii) Depuis l'indépendance,la frontière est administréeau niveau local. L'emplacement de
cette dernièrea provoquéquelques différendsisolés,quoique les villages revendiquéspar
le Cameroun se trouvent bien plus au nord que la frontière indiquéesur les cartes des
deux parties. Il semble d'ailleurs que les fonctionnaires camerounais locaux utilisent la
rivièreGamana comme frontière, ce qui n'a pas manquéde déclencherdes conflits, tout
particulièrementdans lesvillages de Tosso et deMberogo.
30Annexe DN 171.
31
Mémoiredu Cameroun, annexe MC 258,p.2153. - 17-
iv) La population mgenane locale a adopté pour frontière, sans que cela n'entraîne de
protestation- du moins au début-l'affluent méridionalde la Sama jusqu'au point de
confluence des deux rivières, comme 1'indiquent la carte 7.21 et le paragraphe 7.116 de la
duplique du Nigéria.
Deuxième partie
Les endroits où le Cameroun ne se conforme pas
correctement à la délimitation convenue
14) La ligne de partage des eaux de Ngossi à Roumsiki
i) Précisonstout d'abord qu'il s'agit là d'un long secteur frontalier allant de Ngossi au nord,
en un point dont les coordonnéessont 10° 58' nord, etno 42' est, jusqu'à Roumsik.i,au
sud en un point dont les coordonnéessont 10°31' nord, 13° 35' est. Cette frontièresuit
la ligne de partage des eaux des monts Mandara sur la plus grande partie de son tracé,
conformémentaux articles 20 à 24 de la déclarationThomson-Marchand de 1931. Le
32
Nigériaa longuement parléde ce secteur lors de son premier tour de plaidoiries ainsi
qu'aux paragraphes 7.124-7.131 de sa duplique.
Des communautés agricoles sont établies de part et d'autre de ce long segment de
frontière. Le Nigériaestime que les termes de la déclarationde 1931 sont suffisamment
clairs et précispour démarquerla frontièresur le terrain.
ii) Avant l'indépendance, la frontière dans cette région étaitadministrée au niveau local,
mais il était difficile d'accéder au sommet de l'escarpement du côté nigérian de la
frontière,en raison de l'absence de routes carrossables.
iii) Après l'indépendance,les collectivitéslocales ont continuéd'administrer cette frontière.
Ces dernièresannées,le Cameroun a largement empiétésur le côténigériande la ligne de
partage des eaux qui fait office de frontière, particulièrement à Turu, mais égalementà
d'autres endroits. Le Nigérian'accepte pas ces empiètements sur son territoire et n'y a
nullement acquiescé.
iv) Pour le Nigéria,le tracéde la frontière dans ce secteur suit la ligne de partage des eaux
décriteen détail dans les articles 20 à 24 de la déclaration de 1931 (sauf en ce qui
concerne la zone cultivéequi ceint le village nigériande Wula). Ce tracéest également
reproduit sur les cartes 7.23-7.27 de la duplique du Nigéria. Le Nigéria accepte cette
frontièreet demande que son interprétationsoit confirmée. Le Cameroun, en revanche,
n'accepte pas les termes de la déclaration de 1931 et affirme que non seulement son
interprétationde la frontière est la bonne, interprétationselon laquelle celle-ci suivrait un
tracéqui ne _peuten aucun cas êtreconsidérécomme.se trouvant sur la ligne de partage
des eaux- ce qui d'ailleurs lui permet de revendiquer 2000 hectares de territoire
nigérian- mais encore que le Nigéria aurait acquiescé à celle-ci. Tout cela est
manifestement faux.
32CR 2002111,p. 36-41, par.92-113 (Macdonald). - 18-
15) Turu
Ce secteur a étéexaminéau point 14 ci-dessus. Il semble que le Cameroun revendique
environ 100 hectares de territoire nigérianet qu'il ait permis l'établissementd'un grand village,
dont lamajeure partieest situéeà l'ouest de laligne de partage des eaux. Le Nigériadénoncecette
situationet demandeque soit confirméeson interprétationde la frontièrequi est formée,dans cette
région, par la ligne de partage des eaux, conformément à l'article 20 de la déclaration
Thomson-Marchand de 1931ettel que décritsur la carte 7.28 de la duplique du Nigéria.
16) Maduguva
i) A titre préliminaire,il y a lieu de préciserque ce territoire est densémentpeupléet cultivé
par des Nigérians. Ceux-ci sont en butte à des actes d'intimidation, des extorsions et des
violences de la part de fonctionnaires du Cameroun, lesquels affirment se trouver en
territoire camerounais. Comme le Nigéria l'a démontréaux paragraphes 7.137-7.144 de
sa duplique, les termes de la déclarationde 1931 attribuent incontestablement cette zone
au Nigéria.
ii)Avant l'indépendance,la frontièresur ces territoires étaitadministréeau niveau local. A
l'époque coloniale, en 1920 3, MM.Larrymore et Petit, responsables de district de la
région,serendirent sur les lieux et répartirentles villages entre les deux pays. Maduguva
fut expressémentattribuéà la Grande-Bretagne.
iii) Depuis l'indépendance,la frontière suscite un intérêc troissant sur le plan local, carle
chef camerounais de Bourha revendique des territoires que la déclarationde 1931 avait
attribuésauNigéria,et menace les agriculteurs nigériansde la régionde Maduguva, leur
·----·----extorquant·dtd'argent; volantleurs biens-etdétruisandeurnécoltes: ees manŒuvresont
suscitéde nombreuses plaintes devant les autoritéslocales,et, désormais,centrales. Elles
font égalementl'objet d'une demande reconventionnelle du Nigéria,laquelle est énoncée
aux paragraphes 25.50-25.57 de son contre-mémoire et dans la demande
reconventionnelle CC22 figurant à la page 743 de sa duplique.
iv) Pour le Nigéria,la frontièrea toujours étéconstituéepar la ligne de partage des eaux au
sud de Bourha, ce qui laisse donc Maduguva du côténigérian. Cette interpétationest
conforme aux prescriptions de l'article 25 de la déclarationde 1931. Cela étant,le
Cameroun prétend que le chef traditionnel de Bourha revendique ce territoire comme
zone initialementsoumise à sajuridiction, ce que contredisent les termes de la déclaration
de 1931. Le Nigériarejette cet argument du Cameroun et a dénoncéles intimidations et
les violences exercéespar des fonctionnaires camerounais à l'encontre de la population
nigérianequi habite et cultive les territoires situésà 1'ouest de la frontièreforméepar la
ligne de partage des eaux.
17) BP6- Wamni
i) Rappelons tout d'abord que cette régionest relativement peu peuplée(sauf autour de
la borne frontière n°6). C'est à cet endroit que la ligne quitte un long segment de
frontièrefluviale pour rejoindre un long segment de frontière formépar la ligne de
partagedes eaux.
3Annexe DN 152. - 19-
ii)+ iii)Avant et aprèsl'indépendance,la frontièredans ce secteur a été administréeau niveau
local. La commission frontalièreanglo-allemande la démarquaen 1900 et établitla
borne frontièren°6, sur la rive du Maio Hesso, ainsi que les bornes n°7 et 8, sur de
petites collines. Il ne reste aucune preuve concrètede la présencede ces trois bornes
frontières. Le Nigérian'a trouvéaucune preuve de visites supplémentairesque les
fonctionnaires locaux auraient effectuéessur le terrain depuis lors, et ce jusqu'aux
visites récentesdes membres de la commission nationale des frontièresdu Nigéria,
lesquels n'ont trouvéaucune tracedes anciennes bornes frontières.
iv) L'on a toujours considéréque, dans ce secteur, le tracéde la frontière partait d'un
point sur le Maio Hesso, au nord de Beka, qui figure sur la carte 7.30 de la duplique
du Nigériaet qui étaitsignalépar une borne frontière. Ensuite la frontièresuit une
ligne droite, qui apparaît surla carte D3 de Moisel, relie les bornes 7 et 8, avant de
repartir en ligne droite jusqu'au sommet du mont Warnni, conformément aux
prescriptions de l'article 34 de la déclarationThomson-Marchand de 1931. Le tracé
de la frontièreest décriten détailsur les cartes.30 et 7.31 de la duplique duNigéria.
Le Nigériaconfirme que ce tracéest celui observépar les populations qui résidentde
part et d'autre de lafrontière.
L'interprétation du Cameroun, en revanche, n'est pas conforme aux termes des
articles33 et 34 de la déclarationde 1931, car elle fait partir la frontièred'un point
situétrès au nord du point prescrit sur la rive du Maio Hesso, et la frontièrequ'elle
propose ne court ni en ligne droite, ni dans la bonne direction, c'est-à-dire jusqu'au
sommet du mont Warnni.
18) Maio Senche
i) A titre préliminaire,précisonsque ce segment de la frontière est couvert par l'article
35 de la déclarationThomson-Marchand de 1931. La frontièrey est clairementdécrite
comme suivant la ligne de partage des eaux. Il s'agit égalementd'une régiontrès
reculéeet inaccessible. La populationy est rare.
ii)+ iii)Avant et après l'accession à l'indépendance,en raison du caractèreisolédu lieu, la
question de la frontièredans cette régionn'a pas ététraitéede manièreactive. Cette
régionest trop éloignée pour que les responsables de district (avant l'indépendance)
ou les fonctionnaires de l'administration locale (après l'indépendance)aient pu s'y
rendre pour s'assurer du tracéde la frontièreet de son respect. Toutefois, puisque
dans cette région la frontière suit nettement la ligne de partage des eaux, les
fonctionnaires nigériansn'ont pas jugé nécessairede consacrer une partie de leurs
ressources, limitées, à sa supervision. Le chef du district nigérian de
Nassarawo-Koma confirme néanmoinsque le village dénomméBatou sur la figure
7.33 de la duplique est un village connu localement sous le nom de Batodi Dampti et
qu'il relèvede sa compétenceterritoriale. Les villageois y paient des impôts au chef
de district, MallarnHarnanjodaAbba. En 1985, le colonel Yohanna Madaki, qui était
alors gouverneur militaire, s'est rendu dans la régionen compagnie de fonctionnaires
du gouvernement local. Suite à cette visite, les autoritéslocales ont mis en place un
projet spécial,intituléProgramme de développementde la population de Koma, pour
venir en aide à la population de la régionfrontalière,et notamment aux habitants de
Batodi Dampti.
iv) Le tracéde la frontièredans cetterégionest considéré par le Nigériacomme suivant la
ligne de partage des eaux, conformémentà ce qu'indique la figure 7.33 de sa duplique, -20-
et ainsi qu'il l'a rappeléau cours de la procédureorale4• Le Cameroun, en revanche,
décalela frontièrepar rapport à la ligile de partage des eaux pour lui faire suivre une
sériede cours d'eau, ce qui revient à attribuer au Cameroun le petit village de Batou
(Batodi Dampti) et environ 1200hectares deterritoire.
19) Tipsan
i) Il convient de rappeler tout d'abord que le Cameroun a soulevéun différend sur
Tipsan dans sa requête,différendqu'il a ensuite invoquécomme preuvedes incursions
hostiles du Nigériale long de la frontière,puis dont il s'est prévalupour affirmer que
le Nigérian'accepterait pas les instruments de délimitation. Le Nigériaa traitéla
question de Tipsan à de nombreuses reprises dans ses pièces écrites et ses
plaidoiries3• Il s'est appliquéàexposer de manièretrèsdétailléeun fait élémentaire:
le village nigériande Tipsan se trouve du côténigérian de la ligne établiepar la
déclarationThomson-Marchand de 1931. Concernant cette région,les termes de la
déclarationsont extrêmementclairs. Le Cameroun prétendque le Nigériay viole les
dispositions de la déclaration. Ce n'est de toute évidencepas le cas. En outre, le
Cameroun a systématiquementessayéd'induire la Cour en erreur, et a formulédes
revendications contradictoires quant à ce qu'il estime êtrele tracéde la frontièredans
cette région. Le Cameroun reconnaît néanmoinsdésormaisque le poste de contrôle
frontalier «est indiscutablementsituéen territoire nigérian»• ·
ii)+ iii)Avant l'indépendance, la frontière dans cette région était administrée par des
responsables de district. Les puissances coloniales étaient convenues que la
France- et par suite aujourd'hui le Cameroun -, serait autorisée à conserver la
souveraineté sur la piste Bare-Fort Lamy; aussi la frontière fut-elle établie à 2
kilomètres à l'ouest de cette route. C'est ce que montre la déclarationde 1931. Le
·····-·- ·- ----partage duferritoiie- iCdivisi:n'Emirâe-Konl:cha~--ApfèsTmdepe nrdntè rce,Ia
dans cette régiona continuéà êtregéréeau niveau local. Tipsan n'est devenu un
problèmequ'après que le Cameroun s'est élevécontre la construction par le Nigéria
d'un poste de contrôle frontalier de son côtéde la frontière sur la route menant de
Toungo à Kontcha.
iv) La frontièredans cette régiona toujours été considéréepar le Nigériaet les Nigérians
comme suivant un tracéconforme aux termes de la déclarationde 1931, qui sont clairs
et peuvent aisémentêtreappliquéssur le terrain. Il est décrit à la figure 7.34 de la
duplique du Nigéria.
Le Cameroun, pour sa part, n'a pas expliquépourquoi il refuse de reconnaître
que la frontière dans cette régionsuit les dispositions très clairesla déclarationde
1931.
20) La rivière Mburi jusqu'à l'ancienne frontière franco-britannique
i) A titre préliminaire,précisonsque ce secteur a ététraitéau paragraphe 12 ci-dessus. Il
convient ici d'apporter quelques précisions. Dans cette région la frontière a été
considéréecomme suivant la limite fixée parJeffreys, ce dont ont étéÏl;tformésles
résidentslocaux en 1941. Ce tracéa étéconfirmélors d'une réunionorganiséesur le plan
34CR 2002/11, p. 34, par. 79-82 (Macdonald).
35 CR 98/1, p. 24-25(Watts); CR 98/5, p. 42 (Watts); contre-mémoire, par. 19.72-19.76; duplique,
par.7.169-7.181;CR2002/10, p. 59-65, par.80-104 (Watts).
36
Répliquedu Cameroun, p. 193,par. 4.99. -21-
local en août 1953et a depuis lors été respectésur le terrain. Il a été reportésur la figure
7.37 de la duplique du Nigéria, où il fait l'objet d'une description détailléeaux
paragraphes 7.99 à 7.111. Il a en outre étédécritpendant les audiences 37•
La revendication du Cameroun dans cette régionest sans aucun rapport avec le tracé
de la frontière décrit(avec des erreurs) dans l'ordonnance en conseil de 1946 et défmi
plus précisémentpar le fonctionnaire de district local, M. Jeffreys, en 1941.
21) Bissaula-Tosso
i) Il convient de noter avant tout que le tracéde la frontièredans cette régionest clairement
décritdans la deuxièmeannexe de l'ordonnance adoptéeen conseil de 1946. Le Nigéria
a expliquéen détailletracéde la frontièreaux paragraphes 7.188 à 7.196 de sa duplique,
où il est également illustré sur la figu38 7.38. Le Nigéria a fourni des explications
complémentairespendant les audiences •
La région est reculéeet très faiblement peuplée,mais le secteur sur lequel porte le
différendentre les Parties est trèsvaste, et couvre environ 7500 hectares.
ii) Avant l'indépendance,la frontièredans cette régionétaitune limite administrative interne
entre le Cameroun septentrional et le Cameroun méridional sous administration
britannique. Dans la mesure où aucune frontière internationale ne traversait cette région
par ailleurs peu habitée,la régionfrontalièreétait,dans une certaine mesure, négligéepar
les fonctionnaires locaux. Le Nigéria n'a pu trouver aucune mention d'une visite
quelconque effectuéepar des responsables de district.
Toutefois, la documentation disponible révèleque des géomètresdu Directorate of
Overseas Surveys se sont rendus dans la régionau début des annéescinquante. Les
experts sont partis du Cameroun méridional et ont voyagé jusqu'au mont Garamayu
(indiquéà proximitéde la source de l'affluent méridionalsur la figure 7.38 de la duplique
du Nigéria). Il s'agissait de la limite nord de la régionrelevant de leur compétence,ce
qui confirme la position du Nigériaquant à l'emplacement de la frontière.
iii) Après l'indépendance, ce segment de la frontière fut administré, dans une certaine
mesure, par les fonctionnaires locaux. Toutefois, la situation isoléedes lieux compliquait
la gestion de la frontièreet sa supervision.
iv) Le Nigériaconsidèreque la frontièredans cette régioncourt en ligne droite du sommet du
mont Tosso jusqu'à l'intersection- iln'y en a qu'une- entre la route Kentu-Bamenda
et un affluent de la rivière Akbang, conformémentà ce qu'exigent les dispositions de
l'ordonnance adoptéeen conseil de 1946. Ce segment de frontière est indiqué sur la
figure 7.38 de la duplique du Nigéria. Le Cameroun, de son côté,fait partir la frontière
du mont Tosso jusqu'à un point de la route Kentu-Bamenda par où aucun affluent ne
passe.
22) Mberogo
i) A titre préliminaire,signalons que ce secteur a étédécritau paragraphe 13) ci-dessus. Il
est couvert par les dispositions de la deuxièmeannexe de l'ordonnance adoptéeen conseil
de 1946. Il s'agit d'une zone inhabitée,mais l'interprétationerronéede la frontière dont
37CR 2002/ll, p. 28-32, par.53-74 (Macdonald).
38CR 2002/ll, p. 34-36, par.83-91 (Macdonald). -22-
ont fait preuve les fonctionnaires camerounais locaux a donnénaissance à un différend
entre les deux Etats_. Des questions de r39ponsabilité internationale ont ainsi été
soulevéesentre leNigériaet le Cameroun •
ii) Avant l'indépendance,la frontière dans cette régionétait une division administrative
entre le Cameroun septentrional et le Cameroun méridional sous administration
britannique. La frontièreà cet endroit n'étaitpas une frontièreinternationale et le Nigéria
n'a pu trouver aucune mention d'une quelconque visite effectuéepar des responsables de
district dans cette région.
iii) Après l'indépendance,les fonctionnaires locaux ont continué à gérerla frontière dans
cette région. Celle-ci est isoléeet relativement éloignéedu siège de l'administration
locale. Du fait de l'absence de route carrossable, il n'est possible de se rendre dans la
régionqu'àpied ou à moto.
iv) La frontièredans cette régiona toujours étéconsidérée comme suivant un tracéconforme
à la description fournie aux paragraphes 7.112-7.116 et illustrésur la figure7.39 de la
duplique du Nigéria. Le Cameroun donne une interprétationdifférentede l'emplacement
de la frontière. En tout étatde cause, les fonctionnaires camerounais locaux ne respectent
mêmepas le tracécorrespondant à cette interprétationde la frontièrepar le Cameroun et
attaquent les villages nigériansde Tossa et Mberogo, rançonnant et emprisonnant leurs
habitants. Cela soulèved'importantes questionsde responsabilitéinternationalede la part
du Cameroun. Ce dernier cherche à faire valoir qu'il existe d'autres villages camerounais
dans la régiondénommésTossa et Mberogo, mais n'apporte aucun élémentde preuve
pour étayercette affirmation; l'emplacement présuméde «son» Tossa, au point le plus
élevé du mont Tasso, est en véritéridicule. Les arguments avancéspar le Cameroun au
sujet de cette régionsont réfutésde manièredétaillée aux paragraphes 7.197 à 7.204 de la
duplique du Nigéria et aux paragraphes 67 à 79, pages 57 à 59, du compte rendu
-------------a•auâience20021lO-(Wattsf·-- -- -----~--~-- ·-----~~------~-
39 Voir le contre-mémoiredu Nigéria,par. 25.58-25.63 et la duplique, demande reconventionnelle n°23,
p.744-756. -23-
Questions de M. Kooijmans
«J'aitrois questions connexeà poser à 1'Etat défendeur:
1. Le défendeurpeut-il indiquer combien de fois et dans quels types de situations les
rois et les chefs du Vieux-Calabar, en tant qu'entitédistincte, ont eu des contacts
formels avec la puissance protectrice aprèsla signature du traitéprotectorat de
1884?
2. Les rois et les chefs du Vieux-Calabar ont-ils étéconsultéslorsque, en 18~5 l,
puissance protectrice a incorporéleur territoire dans le protectorat britannique des
districts du Niger (voir CMN, par. 6.66), qui avait lui-mêmeétéintégréau
protectorat du Nigériaméridionallors de la signature du traitéanglo-allemand
de 1913? Si tel n'a pas étéle cas, pourquoi n'ont-ils pas étéconsultés? S'ilsont
étéconsultés,quelle a étéleurréactionet celle-ci apparaît-elle dans un document
officiel?
3. L'incorporation au protectorat a-t-elle mis fm à la prétendue personnalité
internationale des rois et des chefs du Vieux-Calabar en tant qu'entité distincte?
Si tel n'a pas éle cas, quand celle-ci a-t-elle cesséd'exister?»
Réponse
1. Lors du second tour de plaidoiries, le 14 mars, le Nigéria a apporté une réponse
préliminaireauxquestions qui lui avaient étéposéespar M. Kooijmans.
Considérations générales
2. Par ses deux premièresquestions, M. Kooijmans cherche à savoir dans quelle mesure les
rois et les chefsu Vieux-Calabar furent consultéspendant les annéesqui ont suivi la signaturedu
traitéde protectorat de 1884. Pour tenter de répondreà ces questions, deux points doiventêtrepris
en considération.Il s'agit:
i) des dispositions prises pour l'établissementdes documents et leur entreposage, et
ii) du statutjuridique des rois et leschefs du Vieux-Calabar.
i) L'établissement des documents et leur entreposage
3. En premier lieu, les contacts avec les rois et les chefs du Vieux-Calabar ont eu lieu
presque exclusivement au niveau local dans ce que, par commodité,nous appellerons le Nigéria
(mêmesi cette dénominationn'est pas strictement correcte pour le débutde la période). Pour
reprendre la première question de M. Kooijmans, tout document ayant trait, par exemple, aux
rencontres officiellesentre les rois et les chefs du Vieux-Calabar en tant qu'entitédistincte et l'Etat
protecteur aprèsla signature du traitéde protection aura à l'origine étéétabli,produit et conservé
localement.
4. Autrement dit, ces documents se seront trouvéstout d'abord au Vieux-Calabar (devenu
par la suite la ville moderne de Calabar), ou ensuiteLagos- en effet, si Lagos et ses alentours
étaient quant à eux une colonie, ayant donc toujours étéconstitutionnellement distincte du
protectorat,à partir de 1906 environ, Lagos est devenue le centre administratif britannique pour -24-
l'ensemble du Nigéria. La Grande-Bretagne avait généralementpour pratique, en ce qui concerne
l'administration de ses territoires d'outre-mer, de ne pas transférer en bloc à Londres la
documentation officielle locale -ni à 1'époque,ni par la suite, et notamment pas au moment de
l'indépendance. Si un événementétait suffisamment important, le gouverneur local faisait un
rapport officiel à Londres; il est possible qu'en pareil cas, le rapport se trouve encore dans les
archives du Foreign Office ou du Colonial Office, aujourd'hui conservées par le Public Record
Office à Kew. Mais mêmeles archives des ministères, à Londres, n'étaient pas toutes fmalement
transmises à Kew : toutes étaient soumises à une procédure de nettoyage visant à éliminer les
documents inutiles ce qui explique qu'un grand nombre d'entre elles aient ainsi été
perdues - notamment si 1'on tient compte du fait que les personnes chargées de ce «nettoyage»
n'étaientpas des juristes dont les actes auraient étéguidéspar la nécessitéde conserver ce qui, par
la suite, risquait de se révélerpertinent dans le cadre d'une procédure quelconque, mais des
archivistes et des administrateurs, soucieux avant tout de la valeur des documents conservés ou
détruits- selon le cas-, qu'elle soit historique ou d'une autre nature.
5. Néanmoins, même s'ils ont étédétruits, il sera toujours possible de savoir si ces
documents existaient à l'origine, grâce aux entrées des catalogues d'archives. Mais si les
catalogues sont en mesure de révéler,grâce à son titre; l'objet de tel ou tel document détruit,ils ne
sauraient indiquer de manière plus détailléequel en étaitle contenu. En particulier, un document
répertoriécomme traitant d'un sujet unique peut trèsbien avoir contenu des informations utiles aux
fins de recherches dans une autre direction; or, l'existence de ces renseignements n'apparaîtra plus
à la seule lecture du titreu document tel qu'il figure dans le catalogue.
6. En tout étatde cause, la plupart des documents britanniques relatifs à des rencontres entre
des fonctionnaires britanniques et des représentants des populations locales n'exigeaient pas d'être
entreposésailleurs qu'à Calabar ou à Lagos. Ildevraient normalement avoir étéconservéspendant
un temps limite : quelques annees peiit=êtrem , ais certairiemeiif pas plusieUrs déceiiiiies. Quant aux
documents éventuellement établis par les rois et les chefs eux-mêmes, ilest douteux que ces
derniers aient eu la fibre administrative aussi développéeque les fonctionnaires britanniques, et il
est encore moins vraisemblable qu'ils aient conservé très longtemps d'éventuels comptes rendus
écritsde leurs contacts avec les Britanniques, à supposer qu'ils l'aient fait.
ii) Les rois et les chefs du Vieux-Calabar
7. La deuxième remarque généraleest que les rois et les chefs du Vieux-Calabar ne
formaient pas, comme le Nigéria l'a déjàsouligné dans son contre-mémoire, une entité unitaire
simple. Ainsi que nous l'avons expliqué dans nos écritures,ils constituaient ce que l'on pourrait
appeler aujourd'hui une fédérationpeu structurée. Il s'agissait d'un groupe de chefs et de rois, dont
le point commun étaitd'avoir un territoire dans la régiondu Vieux-Calabar ou alentour, et qui,
selon un processus évolutif assez courant, reconnurent progressivement la prééminencede 1 'un
d'entre eux.
8. Le Nigéria a entrepris des recherches plus approfondies sur la question, en particulier
auprèsde l'actuel obong ·deCalabar, Sa MajestéEdidem Nta Elijah Henshaw VI. A la lumièredes
nouvelles informations dont nous disposons maintenant, en particulier celles fournies récemment
par Sa Majesté, nous pouvons donner des précisions à la Cour et répondre exhaustivement aux
questions de M. Kooijmans. -25-
9. Historiquement, il existait dans la régiondu Vieux-Calabar un certain nombre de localités
dotéeschacune de son propre territoire et de son propre roi ou chef. Les rois étaientappelés obong
ou edidem; en langue efik, obong désignela dignitéroyale de celui qui est le représentantde Dieu
sur terre, tandisqu'edidem est égalementun rang royal, mais dont le titulaire n'a pas droit au titre
de «Majesté»et ne peut donc êtreappelé«Sa Majesté»ou «VotreMajesté».
10. Les origines des différentsrois et chefs du Vieux-Calabar remontent à plusieurs siècles.
Il est prouvé que dix de ces rois entretenaient en 1698 des relations commerciales avec les
négociantsbritanniques John Barbot, James Barbot et Snelgrave 40•
11. Au milieu du XIXe siècle, il existait déjà un certain nombre de rois et chefs, tous
originaires de la régiondu Vieux-Calabar, dont chacun avait compétenceet autoritésur son propre
territoire qui, pour les plus importants d'entre eux, pouvait êtreune villede taille nonnégligeable.
12. A un moment donné, les rois et les chefs décidèrentde désigner parmi eux un roi
suprême :choisi en raison de son anciennetéet investi du rang le plus élevé,ce souverain serait
appelé«roi du Vieux-Calabar», puis, par la suite, «roi de Calabar». Lorsqu'ils avaient intérêà t agir
en tant qu'entitéunique, que ce soit pour réglerdes questions intérieuresou pour traiter avec des
puissances extérieuresen jouant de leur force et de leur unité,les rois et les chefs se groupaient
sous la direction de celui qui étaitalors leur roi suprême.
13. Mais il leur arrivait également,si cela étaitplus opportun, d'agir individuellement dans
leurs relations avec d'autres interlocuteurs-que ce fût d'autres rois ou chefs ou d'autres Etats.
Ainsi, un certain nombre des traitéscitésdans le contre-mémoiredu Nigériaont été conclus avec
un seul des rois et des chefs, celui qui étaitle plus concernépar l'objet de l'accord en question.
Signalons toutefois qu'un traitéconclu avec le roi du Vieux-Calabar s'appliquait habituellement à
l'ensemble du royaume.
14. C'est ainsi qu'en 1884, lorsqu'ils ont dû constituer une entitéunique pour conclure un
traité de protection avec la Grande-Bretagne, les rois et les chefs ont parlé d'une seule voix.
Comme l'a montréle Nigériadans soncontre-mémoireet au cours du premier tour de plaidoiries 4,
lors de la signature du traité, des mesures spécifiques ont étéprises pour étendrele champ
d'application de cet instrument à un certain nombre de royaumes et de chefferies locales qui
relevaient de la compétenceet de l'autoritédes rois et des chefs du Vieux-Calabar.
15. Le roi du Vieux-Calabar étaitchoisi selon une procédureinformelle: l'âgeétaitle critère
essentiel, le doyen du groupe étantconsidéré comme le plus noble. En conséquence,la succession
ne se faisait pas toujours sans heurts. C'est ainsi, notamment, qu'aprèsla mort du roi Archibong rn,
en 1879, une certaine confusion régnapendant quelque temps, jusqu'à ce qu'un successeur fût
choisi, le roi Duke Ephraim Eyamba IX. La succession de ce dernier, en 1890, suscita une
confusion plus grande encore et plusieurs années s'écoulèrent avant qu'elle ne fût réglée
(quoiqu'en l'absence de souverain suprême,les rois et les chefs de Calabar aient évidemment
continuéde remplir leurs différentesfonctions de dirigeants traditionnels locaux). En 1902, les rois
et les chefs décidèrentd'adopter une nouvelle procédurepour élire leur souverain suprême.Depuis
40
John Barbot, A Description of the Coasts of North and South Guinea,p. 465, publié par PEH Hair,
Hakluyt Society, 1992, vol. II,5.
41CR 2002/8, p. 45, par. 30 (Watts); voir aussi contre-mémoiredu Nigéria,p. 93-94, par. 6.33. -26-
cette date, le souverain suprêmeporte le titre d' obong de Calabar, tandis que les autres rois et
chefs, tout en conservant leur autoritétraditionnelle, forment sa cour et sont appelés etubom. Cette
procédure est toujours appliquée de nos jours. Elle ne fut pas sans poser des problèmes, et à
certaines époques,en raison d'intrigues complexes et prolongées,la fonction d' obong resta vacante
plusieurs annéesdurant. Toutefois, commenous l'avons vu plus haut, cela n'empêchaitpas les rois
et les chefs-les etubom- d'exercer leur autoritétraditionnelle sur leurs territoires respectifs, et
d'agir collectivement le cas échéant,mêmesi cela les obligeait alors à prendre des dispositions
ad hoc.
16. Ainsi, les obong de Calabar font remonter leur fonction de dirigeant, telle qu'elle est
organiséeà l'heure actuelle, à l'introduction de la nouvelle procédureau débutdu :xxe siècle,mais
1'autoritédes rois ou chefs sur les différentesunitésterritoriales locales date de plusieurs siècles.
17. Les autoritésbritanniques connaissaient, et approuvaient, l'existence de ce système. Des
documents conservés aux archives publiques de Kew, à Londres, montrent que les organes
traditionnels d'administrat42n et de maintien de l'ordre continuèrent de fonctionner sous le régime
du protectorat britannique •
18. A l'époquede ce protectorat, jusqu'en 1960, l'obong de Calabar était habituellement
appelé edidem -titre qui équivaut égalementà celui de roi, comme nous l'avons vu plus haut,
mais sans la dignitéde <<Majesté»-, afm d'éviterla co-existence d'une «Majesté»britannique en
Grande-Bretagne et d'une «Majesté» obong au Nigéria. Après l'indépendance, en 1960, la
confusion ne risquant plus de se produire, 1obong reprit le titre qui est le sien, «Sa Majes1'obong
de Calabar», et qu'il utilise toujours aujourd'hui.
19. En résumé,les rois et les chefs du Vieux-Calabar agissaient de manière groupée ou
distincte, selon les circonstances. On voit que leurs relations étaient,à de multiples égards,très
semblables à celles des membres d'une fédérationmoderne. Il s'agissait d'une fédérationpeu
structuréeet informelle, mais qui n'en étaitpas moins réelle: on peut mêmedire que les rois et les
chefs formaient une communautépermanente, plus intégréeet plus unie que les populations qui,
pour reprend3e les termes de la Cour dans son avis consultatif relatif à l'affaire du Sahara
occidentat ,sont «socialement et politiquement organiséesen tribus et placéessous l'autoritéde
chefs compétentspour les représenter>>I.l a étéreconnu que la signature, par des dirigeants locaux,
de traités de protection tel que celui de 1884 constituait «une reconnaissance aussi bien de la
44
personnalitédu souverain que de celle dupeuple concerné» •
Question 1
20. La première question poséeétaitla suivante : «combien de fois et dans quels types de
situations les rois et les chefsdu Vieux-Calabar, en tant qu'entitédistincte, ont-ils eu des contacts
formels avec la puissance protectrice aprèsla signature du traitéde protection de 1884» ?
42
Voir les documents FO 8811526p.190, et FO 881/6471p.245-247.
43
C.I.J. Recuei/1975,39,par. 81.
44Shaw, Title to Territory in Africa: International Legal(1986), p. 37, citédans le contre-mémoire du
Nigéria,p. 88, par.20. -27-
21. D'après les recherches effectuéespar le Nigéria,les documents qui permettraient de
répondrede manière exhaustive à cette question n'existent plus, pas davantage à Londres qu'à
Calabar, à Lagos ou dans les archives nationales nigérianesd'Enugu ou d'Ibadan. On a cependant
retrouvéquelques documents qui montrent que, dans les annéesqui suivirent 1884, les rois et les
chefs eurent à plusieurs occasionsdes contacts officiels avec les autoritésbritanniques.
22. C'est ainsi par exempleque, enjanvier 1885,le consul britannique, M. Hewitt, rendit une
décisiondans u:nlitige local qui opposait certains chefs du Vieux-Calabar au sujet de la propriété
d'un bien, et qui, semble-t-il, avait déclenchédes hostilités5• Le consul décidad'infliger des
sanctions et d'imposer des procéduresprécises. Sa décisionprécisece qui suit: «Conformément
au dernier traitéconclu avec l'Angleterre, c'est aux rois et aux chefs qu'il incombe de faire
exécuterma décision,maisj'espèrequ'il ne sera pas nécessairede le leur rappeler.». Cet exemple
montre à la fois que les dispositionsdu traitéde protection de 1884étaientbel et bien appliquées,et
que les rois etleschefs continuèrentd'exercer leursfonctions aprèsla signature de cet accord.
23. On trouve égalementdans les archives publiques de Kew une lettre datéede 1887, dans
laquelle un certain M. G. Turner, agissant apparemment au nom de plusieurs personnes (dont le
prince Eyamba et Thomas Yellow Duke), dénoncele comportement répréhensibleet les querelles
intestines d'un certain nombre de chefs locaux. A cette lettre est jointe la copie d'un document
adressé par le consul britannique, M. Hewitt, aux rois et aux chefs du Vieux-Calabar pour
«améliorer l'administration de leur pays», et qui contient une série de «suggestions et
recommandations» formuléespar le consul «à l'intention des rois et des chefs du Vieux-Calabar,
lors d'une réuniontenue au consulat britannique, Vieux-Calabar, le 14février1887» 46• Mêmesi
M. Turner signale que les rois et les chefs rejetèrent le document en question, celui-ci montre
clairement qu'en 1887, les rois et les chefs du Vieux-Calabar étaientconsidéréspar les autorités
britanniques comme l'interlocuteur le plus qualifiépour ce genre de communications. Il prouve
également que la réunion du 14 février ne fut pas unique, puisqu'il dit qu'elle fut ajournée
au 15mars.
24. Un autre document utile est conservéaux archives publiques de Kew: il s'agit d'un long
rapport adressé le 1erseptembre 1891 à lord Salisbury, secrétaired'Etat aux affaires étrangères,par
le commandant MacDonald,consul général britannique47• Ce rapport décritune tournéeentreprise
par le consul généraldans plusieurs régions relevant de sa compétence pour expliquer aux
dirigeants locaux les nouvelles propositions de la Grande-Bretagne en matière de droits de douane
et obtenir leur consentement à cet égard. Il est intéressant de noter que le consul généralavait
convoquéà l'avance «une réuniondes chefs du Vieux-Calabar» et qu'il reçut «le roi Duke, ainsi
que les autres dirigeants locauxappelésrois et chefs du Vieux-Calabar, à Durban>. En marge de ce
qu'ils étaient appelésà traiter immédiatement,à savoir les propositions relatives aux droits de
douane, les rois et les chefs souhaitaient également«parler [au consul général]d'une ou deux
questions, dans l'espoir qu'[il] [voudrait] bien les porter à l'attention du gouvernement de
Sa Majesté». Le consul générajlugea leur requêterecevable mais préféraen remettre l'examen à
une date ultérieure. A la fm de la réunion,il obtint que le roi Duke IX et vingt-six autres dirigeants
locaux signent une déclarationpar laquelle ils acceptaient l'imposition des droits de douane en
question (voir la dernièrepage de l'annexe 1). Cette déclarationest faite par «Nous, soussignés,
rois, chefs et chefs de village du Vieux-Calabar et du district du mêmenom»;et est accompagnée
de divers autres documents dont une attestation de l'interprète,qui font référenceaux «chefs du
45ArchivespubliquedeKew,documentFO 84/1740,feuillets 123et 124.
46DocumentFO 88115588,p. 200-202delaversion imprimée.
47DocumentFO 88116351,p.39-43de laversion imprimée(annexe 1). -28-
Vieux-Calabar» et «au roi et aux chefs du district du Vieux-Calabar». Le rapport du consul général
montre que, pour les consultations ou affaires officielles de ce genre, les autoritésbritanniques
jûgeaient normal de passer par les rois et les chefs du Vieux-Calabar.state égalementque
ces derniers non seulement continuaient d'exister en tant qu'entitéspécifique,mais acceptaient, en
outre,cerôle d'intermédiaireque leur réservaientles autoritésbritanniques.
25. Un autre exemple encore est le voyage qu'ont effectué à Londres, en 1913, certains
48 49
rois et chefs du Vieux-Calaba• Cette année-là,les rois et les chefs protestèrentvigoureusement
contre ce qu'ils considéraientcomme un projet britannique de modifier le régimeautochtone de
propriétéfoncière applicable dans la région du sud-est du Nigéria (qui comprend bien entendu
Bakassi). Eyo Honesty VIII, obong de Calabar, et son conseil des etubom envoyèrent une
délégationà Londres pour soulever cette question, qui n'était pas de moindre importance à
l'époque. Ils soumirent un certain nombre d'élémentsà la commission parlementaire chargée
d'examiner les régimesfonciers dans différentsEtats africains. Une question fut poséeen leur nom
au parlement. Composée d'une vingtaine de personnes, la délégationétait conduite par le
prince Bassey Duke Ephraim IX (membre du conseil autochtone de Calabar et fils de feu le
roi Duke) et par le prince James Eyo Ita VII, chef de Creek Town et petit-fils du roi Eyo.
26. Ainsi que le Nigéria l'a indiquédans son contre-mémoire, on n'a retrouvé à ce jour
aucun document démontrantque les rois et les chefs Vieux-Calabar aient discutéà Londres du
traité anglo-allemand du11 mars 1913, ou mêmequ'ils aient eu connaissance de son existence.
Cependant, les dernières informations que Sa Majesté l'ng nous a fournies donnent à penser
qu'au moment où la délégationest partie pour l'Angleterre, les rois et les chefs avaient
probablement eu vent des rumeurs selon lesquelles un traitérécemment conclu à Londres avec
1'Allemagne visait à leur prendre leurs terres (c'est-à-dire Bakassi); ils ont quitté le Nigéria
séparémentmais se sont réunisà Londres le30 mai 191350,soit guère plus de deux mois après la
----signa.tüieai i1m aïs-f éelaploe- rrau:--exp dlerunièprtrtide là questio posea eu
parlement en leur nom, qui demandait si «le gouvernement [entendait] transférerà la Couronne la
propriétédes terres du Nigéri1du sud [appartenant] aux communautésautochtones ouéposséder
les autochtones de leursrres»5 (les italiques sont de nous). Selon toute apparence, la réponsedu
ministre, selon lequel «le gouvernement n'[avait] jamais formulé, ni envisagé, ni ne saurait
envisager une telle proposition», a paru suffisante à la délégation-nonobl'hypocrisie dont
on pourrait la taxer aujourd'hui. Rassurés,les rois et les chefs auraient décidéd'en rester là; puis,
avec le débutde la première guerre mondiale, qui éclatale 3 août 1914, soit environ un an après
leur retourau Nigéria,ijuillet 1913, la question cessa apparemment de les préoccuper.
27.Que la délégationait discutéou non, à Londres, du traitéde 1913 en sus de la question de
la propriétéfoncière, son interventionn montre pas moins clairement que les rois et les chefs
continuaient d'exister en tant qu'entitédistincte et que c'étaità eux qu'il incombait de traiter les
affaires importantes avec les autoritésbritanniques.
48CR 2002/19, p. 47, par. 64 (Watts) et contre-mémoiredu Nigéria, p. 179-180, par. 9.3 5) et 9.3 6).
49
C'est ce qu'il ressort du compte rendu The African Map. 433 («au ... Nigériaméridional, le
projetde la Couronne de s'emparer de toutes les terres suscite une vive agitation et des troubles généralisés»).Voir
également. E. OkuThe Kings and Chiefs ofOld C(1785-1925), Glad Tidings Press, 1989, p. 234-237, dont un
exemplaire a étéàla Cour en mêmetemps que le contre-mémoiredu Nigéria.
50The Weekly New19juillet 1913, p. 7.
51
Contre-mémoiredu Nigéria,p. 179, par. 9.3 5), et annexe CMN 110. -29-
Question 2
28. La deuxième question posée par M. Kooijmans était la suivante : «les rois et les
chefsdu Vieux-Calabar ont-ils été consultéslorsque, en 1885, la puissance protectrice a incorporé
leur territoire dans le protectorat britannique des districts du Niger ... qui avait lui-mêmeété
intégréau protectorat du Nigéria méridional lors de la signature du traité anglo-allemand de
1913»? Si les rois et les chefs n'avaient pas été consultés,M. Kooijmans voulait savoir pourquoi,
et dans le cas contraire, il voulait savoir quelle avait étéleur réactionet si celle-ci apparaissait dans
un document officiel.
29. Le texte de la notification du 5juin 1885portant proclamation du protectorat est joint à
l'annexe2. Il convient de noter que l'établissementde ce protectorat non seulement eut lieu un an
aprèsla signature du traitéde protection de 1884,mais qu'il suivait égalementd'un mois à peine
l'échangede notes angle-allemand du 29 avril-7mai 1885, qui fixait au Rio del Rey la limite entre
leszones d'intérêtrsespectives des deux Etats 5•
30. Là encore, les informations dont dispose actuellement le Nigéria ne permettent ni
d'affirmer ni de démentircatégoriquementque la proclamation du protectorat ait étéprécédée
d'une consultation entre les rois et les chefsdu Vieux-Calabar et la Grande-Bretagne. Pour autant
qu'on le sache aujourd'hui, les archives qui permettraientde répondreà la question n'existent tout
simplement plus, que ce soit à Londres, à Calabar, à Lagos ou à Abuja. Il sera probablement
impossible .de répondreavec certitude, preuves à l'appui, que les rois et les chefs n'ont pas été
consultés,et pour quelle raison, ou qu'ils l'ontétéet qu'ils ont donnételle ou telle réponse.
31. Sa Majestél'obongde Calabar nous atoutefois assuréque les rois et les chefs avaientété
dûment informésde la proclamation du protectorat et que celle-ci n'avait soulevéaucune objection
de leur part. L'étenduede leurs terres ne s'en trouvait nullement réduite. Ils se félicitaientde ce
que la protection du gouvernement de Sa Majestésoit maintenue et s'étendeau Rio del Rey,
couvrant ainsi l'ensemble du territoire relevant de leur souveraineté. Ils n'avaient donc aucune
raison de s'opposerà cette mesure. De fait, il semble mêmequ'ils aient considéréqu'elle pouvait
leur conférer l'autoritésur certains des territoires adjacents qui faisaient l'objet de traitésde
protection concl53 avec d'autres dirigeants locaux. En outre, dans une lettre en date
du 13mai 1885 , M. Lister, du Foreign Office, demande à M. White, consul par intérim,de:
«prendre sans délailes dispositions nécessairesen vue de notifier à tous les chefs à
l'est de la ligne [frontalière, récemment fixée dans le Rio de Rey par le traité
anglo-allemand] que les traités de protection qu'ils ont conclus avec la
Grande-Bretagne n'ont pas été acceptéspar le gouvernement de Sa Majesté... [et de]
prendre de mêmedes dispositions pour faire savoir, d'une manièregénéralea ,ux chefs
à l'ouest de la ligne que l'empereur d'Allemagne n'acceptera de leur part aucune
demande visant à les placer sous la protectiondu drapeau allemand».
52Contre-mémoiredu Nigéria,p. 130-132, par. 7-5-7.7, et annexe CMN 24.
53
DocumentFO 881/5161, p. 67 de la version imprimée. -30-
32. On constate que les rois et les chefs étaientégalementinformésde l'accord
anglo-allemand de 1885, par lequel le protectorat britannique fut étendujusqu'au Rio
del Rey.
33. Il convient d'ajouter qu'en vertu de la loi britannique, il n'étaitpas nécessaire,pour
réunirdifférentsprotectorats britanniques existant alors au Nigéria,de consulter préalablementles
souverains de ces territoires. Par conséquent,le droit anglais n'imposait pas d'indiquer dans la
proclamation établissantle nouveau protectorat qu'une consultation avait eu lieu et, de même,si la
consultation avait effectivement eu lieu, ce n'étaitpas un point dont il devait nécessairementêtre
rendu compte officiellement à Londres.
Question 3
34. La troisième question que pose M. Kooijmans, est celle de savoir si l'incorporation du
territoire des rois et des chefs du Vieux-Calabar dans le protectorat britannique sur les districts du
Niger a «mis fm à la prétenduepersonnalitéinternationale des rois et des chefs du Vieux-Calabar
en tant qu'entitédistincte» et, «si tel n'apale cas, quand celle-ci a cesséd'exister».
35. De prime abord la réponsedu Nigériaà la partie essentielle de la question est <<non».
Aprèsune recherche plus approfondie, leNigériaconfrrmeladite réponse.
36. L'unification de certains territoires sous protectorat n'a pas eu pour résultatla disparition
simultanéedes rois et des chefs du Vieux-Calabar. Si à des fins administratives britarmiques, il
pouvait être- et que probablement il était - utile de traiter l'ensemble des territoires sous
- ~--~protector ~ata~net~qu'e uniquet,cela ne permet pas·de ~dir eue les communautés sous
protectorat avaient étéprivéesde leur personnalitéjuridique distincte. Elles l'ont conservée,dans
les limites des droits et obligations prévuspar les traitésde protection respectifs. En témoignepar
ailleurs le fait que, jusqu'en 1983, les représentantsbritanniques ont continuéà conclure des traités
54
de protection avec différentschefs du protectorat de la côte du Niger
37. La continuitésur le plan juridique desdits traitésde protection, et par là des parties
d'origine ainsi quee leurssuccesseurs en titre, a constituéun des traits marquants de la législation
britannique jusqu'au moment de l'indépendance. Comme le Nigéria l'a montré dans son
contre-mémoire 5, les mesures législatives britanniques se rapportant au Nigéria ont toujours,
jusqu'à l'indépendancede 1960, soigneusement et constamment établiune distinction entre la
colonie de Lagos et le protectorat du Nigéria. Le protectorat du Nigéria était administré
conformémentaux Foreign Jurisdiction Acts56,qui permettaient d'adopter des ordonnances en
conseil, lorsque la couronne britannique avait acquis pouvoirs et juridiction dans un territoire
étranger «en vertu de traités,capitulations, concessions, coutumes, toléranceset autres moyens
licites».
54
Voir Hertstel «The MapAfrica by Traeaty», 3eéd.1967, p. 124-154.
55Contre-mémoire du Nigéria,p. 107, par. 6.58; p. 117-118, par. 6.72; p. 121-122, par. 6.-9-6.80.
56Contre-mémoire du Nigéria,p. 118-122, par. 6.73-6.80. - 31 -
38. Pour le protectorat du Nigéria,cette législationa été appliquéepar diverses ordonnances
adoptéesen conseil: voir à titre d'exemple l'article rn de l'ordonnance de 1911adoptéeen conseil
7
relative au protectorat du Nigériaméridional 5 • Cette ordonnance contient une défmitiondu mot
«traité» aux fins des ordonnances prises en conseil. Autant que cela puisse êtrepertinent
aujourd'hui, le mot <<traité»s,elon la défmition,«comprend tout traité, convention, accord ou
arrangement 58nclu par ou au nom de [la Couronne] avec ... unetribu, un peuple, un chef ou un roi
indigène». Cette définitions'applique manifestement au traitéde protection conclu avec les rois
et les chefs du Vieux-Calabar. En outre, dans les ordonnances adoptéesen conseil figurait, de
59
manière caractéristique , une mention indiquant que les droits garantis à toute communauté
protégéepar un traitéou un accord ne pouvaient lui êtreretiréspar décretset stipulant que « tous
ces traitéset accords soient et restent en vigueur et exécutoires,et que toutes les promesses et tous
les engagements qui y sont contenus restent mutuellement obligatoires entre toutes les parties à ces
traitéset accords».
39. Cette formule continua à êtreemployéejusqu'à l'indépendance de 1960 dans les
ordonnances adoptéesen conseil relatives au protectorat. Cela confirme que le traitéde protection
de 1884 est resté«en vigueur et exécutoire»jusqu'à l'accession à l'indépendanceen 1960 et n'a
pris fin qu'à cette date et que, de ce fait, les parties contractantes (y compris les rois et les chefs du
Vieux-Calabar) ont perduréjusqu'à cette mêmedate.
40. Il n'est pas possible de préciser,ni d'indiquer avec certitude, ce qui est advenu de la
personnalitéjuridique des rois et des chefs du Vieux-Calabar après1885. Sansdoute, les rois et les
chefs du Vieux-Calabar, conformémentau mode d'organisation qui étaitle leur et qui a étédécrit
plus haut aux paragraphes 7-18, ont continuéà agir en tant que chefs traditionnels de leurs
territoires situésautour de Calabar, comme c'est le cas aujourd'hui encore.
41. Dans l'affaire relative aux Droits des ressortissants des Etats-Unis d'Amériqueau
Maroc 60, la Cour a dit que le Maroc avait conservésa personnalitéd'Etat en droit international,
mêmesous le protectorat français établisur le Maroc en vertu du traitéde Fez de 1912. La
situation sur laquelle la Cour étaitappeléeà se prononcer 61aittelle que la constatation faite par la
Cour a étéappliquéeau Maroc de 1948. Le traitéde Fez a conféré à la France plus de pouvoirs et
une autoritéplus grande sur et concernant le Maroc que le traitéde protection de 1884 n'en a 62
conférés à la Grande-Bretagne sur et concernant les rois et les chefs du Vieux-Calabar.
42. Dans l'affaire du Sahara occidentaf' la con,tatation faite par la Cour à propos de la
personnalitéinternationale des tribus nomades dont le statut juridique étaiten cause se rapportait à
l'année1884. Les tribus en question avaient auparavant conclu différentstraitésde protection avec
l'Espagne. Des exemples de tels traitésont étécités dans les pièces de procédurepubliéesde
l'affaire. Là encore, la constatation de la Cour, selon laquelle les tribus jouissaient tout au moins
57
Annexe CMN 44.
58
Le texte intégralest reproduit dans le contre-mémoiredu Nigéria,p. 165, par. 8.46 et annexes 43 , 53.
59Contre-mémoire du Nigéria,p. 165-166, par. 8.47 et annexes 43 , 53.
6°C.LJ. Recuei/1952, p.176.
61
C.LJ. Mémoires,Droits des ressortissants des Etats-Unis d'Amériqueau Maroc (France c. Etats-Univol.l,
p.650
62Le texte en est reproduit dans le contre-mémoiredu Nigéria, annexe 23.
63C.LJ. Recuei/1975, p. 39. -32-
d'une personnalitéinternationale suffisante en 1884 pour avoir des titres sur leurs terres, signifie
que ces tribus avaient conservéune telle personnalitébien aprèsla conclusion de divers traitésde
protection.
43. Il n'y a, semble-t-il, aucune raison qui permette de douter qu'une conclusion similaire
doive êtretiréea fortiori au sujet des roiset des chefs du Vieux-Calabar. Comme cela a étéle cas
généralementde l'évolutionconstitutionnelle et internationale qu'a connue l'empire britannique
vers la fm du XIXesiècle,la situation desrois et des chefs du Vieux-Calabar a suivi une évolution
par étapes. Par exemple, l'accession à une indépendanceinternationale totale de l'Australie, du
Canada,de l'Inde et de laNouvelle-Zélandeest survenue, dans chaque cas, aprèsun processus lent,
et il estdifficile d'isoler un événemenetnparticulier, à propos duquel l'on pourrait dire que celui-ci
a marquéle terme du processus: à l'époque,cela avait donnématièreà un long débat.
44. Il en a étéde mêmepour le Vieux-Calabar. Deux processus étaientsimultanémentà
l'Œuvre. D'abord, il y eut l'émergenceprogressive d'une identiténigérianeunique. La première
fois que le terme «Nigéria»a étéutilisédans des instruments juridiques britanniques officiels
semble avoir étéà l'occasion de l'adoption de deux ordonnances en conseil en 1899 64,le terme
étantemployéprobablement en tant qu'appellation généraleforgéeà des fms administratives. A
partir de ce moment là, le mot «Nigéria»s'est imposéprogressivement comme concept dominant,
et, pour diverses raisons -mais pas nécessairementpour ces seules raisons-, il est devenu le
conceptdésignantla personnejuridique objetdu protectorat.
45. Le deuxième processus - qui se déroulaitparallèlement au premier - fut celui de
l'émergencedu rôle de l'Obong de Calabaren tant qu'élémenc tentral du pouvoir traditionnel dans
la région,dépositaire de l'autoritécollective de l'ensemble des rois et des chefs du royaume.
Corrüriecela a étéexposé cï:-dessü ls,statUtactuel de l'Obong a été- et reste ....:.ésUltatde
l'officialisation d'un arrangement qui avait pour objet de désignerle premier parmi les rois et les
chefs, la personne ainsi désignéedevenant l'Obong. Chacun des rois et des chefs conservait
néanmoinsune existence propre, et en véritéce mode d'organisation des chefs locaux n'a jamais
cesséd'exister.
46. Que ce soit sous la forme de l'entité des «rois et des chefs du Vieux-Calabar»
(collectivement représentéepar le plus ancien d'entre eux), en la personne de chaque roi ou chef,
ou sous celle de l'Obong de Calabar (élu,et représentantl'ensemble des rois et des chefs du
royaume), 1'autoritéde ces dirigeants traditionnels a existé sans interruption. Elle continue à
existeraujourd'hui encore en tant que composanteimportante de l'administration locale 65•
47. Quant à déterminerle stade de ce processus d'évolutionà partir duquel il peut êtredit
que ces rois et chefs, ainsi que leurs successeurs en titre, ont cesséde jouir de la personnalité
internationale, celahe saurait êtrefait de manièreprécise. Il semblerait qu'ils aient manifestement
cesséde jouir de cette personnalitéinternationale en 1960, lorsque le Nigériaest devenu l'Etat
indépendantreconnu éntant que tel autitre de leurs territoires. Toutefois, à certaines fms à tout le
moins, leur personnalitéinternationale a subsistéjusqu'à cette date. Indubitablement, comme cela
a étéexpliqué, jusqu'à la date en question, la puissance protectrice - le Royaume-Uni - a
considéré le traitéde protection signéaveceux en 1884comme étant«en vigueur et exécutoire».
6Contre-mémoire du Nigéria,p. 113-114, par. 6.68 5).
6Contre-mémoire du Nigéria,p. 123-125, par. 6.85-6.87. -33-
48. La Cour et sa devancière, dans les affaires relatives aux Décrets de nationalité
promulguésen Tunisie et au Maroc 6, aux Droits des ressortissants des Etats-Unis au Maroc 61,et
8
au Sahara occidentaf' ont définidiversescertaines nonnes et sont arrivéesà certaines conclusions
relatives à la personnalité internationale de diverses entitésémergentes. On se rend compte,
lorsque l'on établitune comparaison avec les situations particulières que la Cour avait à examiner
dans ces affaires - la sociététribale nomade dans l'affaire du Sahara occidental, et des
protectorats dans les deux autres affaires-, qu'il ne fait aucun doute que i) les rois et les chefs du
Vieux-Calabar jouissaient de la personnalitéinternationale au moment où a étéconclu le traitéde
protection de 1884 - de fait, la conclusionpar leurs soinsdudit traitéconstituait une manifestation
de ladite personnalitéinternationale -, ii) qu'ils n'avaient pas étéprivés de cette personnalité
internationale par ce traité,et iii) qu'ils ont conservéleur personnalitéinternationale à travers les
divers changements survenuspar lasuite,cela jusqu'à l'indépendancede 1960.
66C.P.LJ. sérieB no4.
67C.LJ.Recuei/1952, p. 176.
68
C.I.J.Recuei/1975, p. 12. -34-
Question de M. Elaraby
«J'ai une question à poser au défendeur:
Au cours de la procédureorale, il a étéfait référenceau régimejuridique établi
par le mandat de la SociétédesNations et l'accord detutelle des Nations Unies.
Serait-il possible de donner davantage de détailset de commenter plus avant
pour la Cour la pertinence des frontièresqui existaient pendant la périodeoù le régime
a étéappliqué?»
Réponse
1. Cette question a trait, semble-t-il, à deux matières: d'abord les limites territoriales
adoptéespar la Société des Nations et les Nations Unies pour le mandat et la tutelle sur le territoire
du Cameroun britannique, et ensuite, la validitéen 1'espècedes limites en question, au regard du
régimejuridique défmipar les systèmesde mandat et de tutelle.
Les limites territoriales
A. Rappel historique
2. Après l'ouverture des hostilités de la première guerre mondiale en 1914, les troupes
britanniques, françaises et belges pénétrèrens tur le territoire du Kamerun allemand, la totalitéde
celui-ci étantoccupée à partir de 1916; aprèscette date, le Kamerun occupéfut administrépar le
Royaume-Uni etla France.
3. Des négociations franco-britanniques se déroulèrententre Picot (pour la France)69t
Strachey (pour le Royaume-Uni) au sujet de l'administration provisoire du Kamerun • Au cours
de ces négociations, il semble que les négociateurs britanniques et français aient eu à leur
disposition une carte produite par Picot et sur laquelle étaittracéeune ligne indiquant une division
du territoire situéau sud de Yola (localitése trouvant à peu près à mi-parcours sur la frontière
Nigéria-Kamerun, entre la mer et le lac Tchad). Au cours de la discussion, Strachey traça
grossièrement sur cette carte une ligne au crayon bleu pour apporter des modifications à laligne
initialede Picot. Les deux gouvernements, par un échangede notes datéesdes 3 et 4 mars 1916,
avalisèrent les lignes tracéessur la carte signéepar les deux négociateurs. Toutefois, l'original de
la carte sur laquelle cette ligne a étracéen'a pas étéretrouvé,et sa nature ne peut êtredéduiteque
de divers documents encore disponibles. Puisque, quoi qu'ilen soit, le tracéprécisde la ligne n'est
pas connu, et que, quel que puisse êtreledit tracé,celui-ci a étéremplacéen 1919 par un autre
accord anglo-français, la ligne Picot-Strachey ne présentepratiquement que peu d'intérêp tour le
tracéde lafrontièreaprès1919.
4. A la fm des hostilitésen 1918, l'Allemagne renonça à son titre sur l'ancien territoire du
Kamerun allemand aux termes des articles 118 et 119 du traitéde Versailles 70• Les deux articles
sont libelléscomme suit :
69Voir contre-mémoire du Nigéria,p. 488, par. 18.30.
70
Voir contre-mémoire du Nigéria,vol. V et annexe 49, p. 476. -35-
Quatrième partie
Droits et intérêtsallemands hors de l'Allemagne
Article 118
«Hors de ses limites en Europe, telles qu'elles sont fixéespar le présenttraité,
l'Allemagne renonce à tous droits, titres ou privilègesquelconques sur ou concernant
tous territoires lui appartenant, à elle ou à ses alliés,ainsi qu'à tous droits, titres ou
privilègesayant pu, à quelque titre que ce soit, lui appartenir vis-à-vis des puissances
alliéeset associées.
L'Allemagne s'engage dèsà présentà reconnaître et à agréerles mesures qui
sont ou seront prises par les principales puissances alliéeset associées,d'accord, s'il y
a lieu, avec les tierces puissances, en vue de réglerles conséquencesde la disposition
qui précède.
Spécialement,l'Allemagne déclareagréerles stipulations des articles ci-après,
relatifs à certaines matièresparticulières.
Section 1. Colonies allemandes
Article 119
L'Allemagne renonce, en faveur des principales puissances alliéeset associées,à tous ses
droits et titres sur ses possessions d'outre-mer.»
5. Ces articles ne mentionnent pas la possession allemande du Kamerun comme l'une des
possessions allemandes d'outre-mer auxquelles ils s'appliquent, mais il étaitbien entendu entre les
parties que tel étaitle cas. Le Kamerun n'étantpas nommémentcitédans le libelléde ces articles
dutraitéde Versailles, ce dernier ne pouvait rien préciserquant aux frontièresdu territoire.
6. Dans la pratique, c'étaitaux principales puissances alliéeset associéesqu'il appartenait de
se mettre d'accord sur ce qu'il convenait de faire des possessions allemandes d'outre-mer. Elles se
chargèrent entre-temps de l'administration provisoire desdites possessions. Dans le cadre des
arrangements provisoires, 1'ancien Kamerun allemand resta placé sous administration des
Gouvernements britannique et français.
7. Le 10juillet 1919,le Royaume-Uni et la France signaient une
7
«déclarationfranco-britannique» \ dans laquelle ils indiquaient «êtretombésd'accord
pour déterminer la frontière séparant les territoires du Cameroun respectivement
placés sous l'autoritéde leurs gouvernements, ainsi qu'elle est tracée sur la carte
Moise}au 1/300 000, annexéeà la présentedéclarationet à défmiepar la description
en trois articles égalementci-joint».
71 Contre-mémoire du Nigéria,p. 488-490, par. 18.31-18.33 et annexe 50. -36-
8. L'annexe à la déclarationétaitintitulée«description de la frontièrefranco-britannique,
tracéesur la carte Moise! du Cameroun, à l'échelle1/300 000». Elle contenait une description de
la frontière à l'article premier, traitait de la démarcationà l'article 2, et étaitaccompagnéed'une
carte du Cameroun, à l'échelledu 11200 OOOe«,à titre d'indication ... [de] la présentedescription
de la frontière». Ce document est généralementcitéen tant que« déclarationMilner-Simom>,les
deux noms étantceux des ministres britannique et français qui l'ont signé.
9. La déclarationMilner-Simon décritla frontièredu lac Tchad (à partir de l'embouchure de
l'Ebedji) à l'océanAtlantique (vers le point de rencontre des criques Matumal et Victoria, de fait à
l'embouchure de la rivière Cameroun). Cette frontièrea ainsi constituéla frontière orientale du
territoire britannique du Cameroun, et la frontière occidentale du territoire français du Cameroun.
Elle se trouve illustréesur lecroquis figurant à 1'annexe 3.
B. Lemandat
10. Aux termes du traitéde Versailles, les principales puissances alliéeset associéesavaient
acquis tous les droits de l'Allemagne sur, entre autres, le Cameroun. Comme l'indique le
72
préambuledu mandat qui fut conférépar la suite à la Grande-Bretagne ,lesdites puissances étaient
convenues que les Gouvernements de Grande-Bretagne et de France feraient une recommandation
concertée à la Sociétédes Nations sur l'avenir du Cameroun. Les deux gouvernements
recommandèrent ainsi au Conseil de la Sociétédes Nations qu'un mandat leur soit conférépour
administrer (en ce qui concerne la Grande-Bretagne) «lapartie du Cameroun s'étendantà 1'ouestde
la lign73tracéed'un commun accord par la déclaration[Milner-Sirnon]», et (en ce qui concerne la
France ) «la partie du Cameroun s'étendantà l'est de la ligne tracéed'un commun accord par la
déclaration[Milner-Simon ]».
11. En conséquence, le champ d'application territorial du mandat britannique sur le
Cameroun étaitdéfini à l'articlepremier dans les termes suivants:
«Les territoires dont Sa Majesté britannique assume l'administration sous le
régimedu mandat comprennent la partie du Cameroun qui est situéeà l'ouest de la
ligne fixée dans la déclaration signée le 10 juillet 1919, dont une copie est
ci-annexée.»
La déclaration en question était la déclaration Milner-Simon. L'article précisait que la ligne
pourrait être«légèrementmodifiée»dans certaines circonstances, et que : «[l]a délimitationsur le
terrain de ces frontières sera[it] effectuéeconformémentaux dispositions de ladite déclaration>>
une référenceaux dispositions de l'article 3 de la déclarationMilner-Simon.
12. L'article premier du mandat français définissaiten des termes équivalents le champ
d'application territorial de celui-ci- qui portait bien évidemmentsur la partie du Cameroun située
à 1est de la ligne Milner-Simon.
13. Il convient de noter que l'article premier du mandat britannique renvoyant à la
déclarationMilner-Simon ne définissaitque la frontière orientale du Cameroun britannique. Les
frontièresseptentrionale, méridionaleet occidentale n'étaientque sous-entendues, par le membre
72AnnexeCMN51.
73
Voir le mandatfrançaissurle Cameroun,préambule,annexeCMN52. -37-
de phrase «la partie du Cameroun» : autrement dit, si un territoire faisait partie du Cameroun, et se
trouvait situéà l'ouest de la ligne défmiedans la déclarationMilner-Simon, il relevait du mandat et
faisait partie du Cameroun britannique.
14.Sur le plan international, cela signifiait que
la frontière orientale du Cameroun britannique était celle décrite dans la déclaration
Milner-Sirnon,
la frontièreseptentrionale étaitcelle de l'ancien Cameroun allemand qui longeait le lac Tchad,
la frontière méridionaleétaitla côte (avec sa mer territoriale) de l'ancien Cameroun allemand
face au golfe de Guinée,et
la frontière occidentale étaitcelle qui séparaitle protectorat du Nigériade l'ancien Cameroun
allemand, telle que définie,dans sa quasi-totalité,par plusieurs traitésanglo-allemands.
Ces frontièressont reproduites sur la carte figurant à 1'annexe 3.
15. Il convient de noter que cette description n'a pas permis une délimitationterritoriale
parfaitement fiable du Cameroun britannique. En effet, pour peu, par exemple, que la délimitation
établiepar l'un des instruments pertinents s'avérâtfautive, ambiguë ou autrement problématique,la
frontièreelle-mêmeen devenait défectueuseou incertaine. De même,si l'un de ces instruments
était d'une quelconque façon dépourvu d'effet juridique, alors, dans cette mesure, il ne
détermineraitpas lafrontière.
16. En résumé,l'énoncéde l'article premier du mandat britannique sur le Cameroun
défmissantle territoire (et son équivalentexact dans le mandat français sur le Cameroun) ne
permettait pas de savoir si telle ou telle étenduedu territoire faisait ou non «partie du Cameroun».
Cette question est particulièrementpertinente en ce qui concerne la position de la presqu'île de
Bakassi, pour des raisons amplement exposées dans les écritures et plaidoiries du Nigéria, et
comptetenu du caractèrerestreint des attributions de l'autoritéadministrante (voir ci-dessous).
17. Tout le temps que dura le régimedu mandat, il ne fut apportéaucune modification
formelle aux dispositions de l'articlepremier du mandat britannique et du mandat français.
18. Les années 1920 virent toutefois apparaître divers problèmes pratiques d'ordre
relativement mineur ayant trait à l'application de la déclarationMilner-Simon. Plusieurs équipes
mixtes angJo.:.françaisesinspectèrentles zones frontalièreset rendirent compte de leurs travaux. Le
gouverneur du Nigéria, sir Graeme Thomson, et le gouverneur du Cameroun français,
M. Paul Marchand, prirent des mesures pour préciser davantage la frontière entre le Cameroun
britannique et le Cameroun français, qui furent à l'origine d'une «déclaration... définissant... la
frontièreentre le Cameroun britannique et le Cameroun français» 74• Cette déclarationn'est pas
datée,bien qu'elle semble avoir été signéeen 1929.
74
Annexe CMN 54, p.5. -38-
19. Cette déclaration,désignéesous le nom de «déclarationThomson-Marchand», défmissait
la frontière angle-française dans sa totalité,depuis le lac Tchadjusqu'à la mer- en réalitéjusqu'à
l'embouchure de la rivière Cameroun-, en la découpant en cent quatre-vingt-huit segments
successifs décrits dans autant de brefs paragraphes. La déclaration fut approuvée par les deux
gouvernements dans un échangede notes datédu 9janvier 1931 75•
20. A cette occasion, les gouvernements précisèrent (voir le paragraphe 2 de la note
britannique) que
«cette déclaration n'[était] pas le produit des travaux d'une commtsston de
délimitation constituée aux fms de l'application des dispositions de l'article premier
du mandat et ne résult[ait] que d'une enquête préliminaire menée en vue de
déterminer, de façon plus précise que cela n'a[vait] étéfait dans la déclaration
Milner-Simon de 1919, la ligne que la commission de délimitation devra[it] suivre en
fm de compte.»
Bien qu'ils fissent étatde son caractère «préliminaire», les deux gouvernements s'accordaient à
dire que «[cette] déclaration défini[ssait] la frontière pour l'essentiel», et que la «délimitation
proprement dite» pouvait maintenant êtreconfiéeà la commission de délimitation qu'envisageait à
cet effet l'article premier du mandat. En réalité,entre décembre1937 et mai 1939, il ne fut procédé
à une démarcation que sur un segment restreint de la frontière, lequel se trouve aujourd'hui dans sa
totalité au Cameroun, et n'est dès lors pas pertinent en ce qui a trait à 1'actuelle frontière entre le
Nigériaet le Cameroun.
21. En raison peut-être du caractère «préliminaire»de la déclaration Thomson-Marchand, si
son existence fut notifiéeà la Sociétédes Nations (annexe 4), ses dispositions ne semblent pas lui
a:voir été communiquées par les deti.Xgouvernements. Ainsi, sous-le régime--du mandat, la -
déclarationThomson-Marchand ne paraît pas avoir officiellement fait partie des accords frontaliers
intéressantla SociétédesNations.
22. La Sociétédes Nations prêtaitnéanmoins une vive attention aux évolutions du champ
d'application territorial des mandats britannique et français sur le Cameroun, comme de l'ensemble
des territoires sous mandat. Les gouvernements mandataires n'avaient pas souveraineté sur les
territoires qui relevaiente leur administration, et n'étaientdonc pas fondésà céderunilatéralement
un quelconque territoire relevant du mandat, ni à étendrecelui-ci à de nouveaux territoires. Tout
remaniement territorial requéraitl'approbation de la Société des Nations. Aussi les gouvernements
mandataires devaient-ils aviser cette dernière de tout changement, effectif ou envisagé, non pas
nécessairement dans le détailmais, à tout le moins, suffisamment clairement pour lui permettre de
suivre de près la situation et, le cas échéant,de solliciter de plus amples informations. Le rapport
du Royaume-Uni sur l'administration du Càmeroun sous mandat britannique pour l'année 1934,
qui faisait étatd'un ajustement de la frontière- très probablement dans la régionde Sapeo -, en
fournit un exemple 7•
23. En 1946, à l'issue de la seconde guerre mondiale et en préludeau régimede tutelle qui
allait être instauré sous l'égide de l'ONU, le Royaume-Uni procéda à une réforme de
1'administration et du mode de gouvernement du Cameroun britannique. Il divisa notamment le
territoire sous mandat en une partie septentrionale et une partie méridionale. Le tracéde cette ligne
de séparation est définià l'annexe 2 de l'ordonnance adoptéeen conseil de 1946 relative au Nigéria
75
Annexe CMN 54.
76Annexe CMN 265; voir également CR 2002/10, p. 55, par. 57 (Watts). -39-
(protectorat et Camerounf 7• Cette réforme concernait uniquement le découpage des
circonscriptions administratives internes,et n'eut àcette époqueaucune incidence sur les frontières
externes du territoire sous mandat, en particulier la frontière avec le Cameroun français, qui
demeura inchangée.
C. Accord de tutelle
24. Le régimedu mandat prit fin à l'issue de la seconde guerre mondiale, et fut remplacépar
le régimede tutelle conformémentaux termes de la Charte des Nations Unies. L'accord de tutelle
pour le territoire du Cameroun sous administration britannique fut approuvé par 1'Assemblée
78
généralele 13 décembre 1946, et entra en vigueur le mêmejour • Il défmissait son champ
d'application territorial dans les mêmestermes que l'article premier du mandat. L'article premier
de l'accord de tutelle étaitlibellécomme suit:
«Le territoire auquel cet accord s'applique comprend la partie du Cameroun qui
se trouve à l'ouest de la frontière établie par la déclaration franco-britannique
du 10juillet 1919et déterminée d'une façon plus précisedans la déclarationfaite par
le gouverneur de la Colonie et du Protectorat du Nigéria et le gouverneur du
Cameroun sous mandat français et confirméepar 1'échangede notes qui a eu lieu
le 9janvier 1931 entre le gouvernement de Sa Majestépour le Royaume-Uni et le
Gouvernement français. Cette ligne frontièrepeut cependant êtrelégèrementmodifiée
d'un commun accord par le gouvernement de Sa Majestépour le Royaume-Uni et le
Gouvernement de la Républiquefrançaise si l'examen des lieux montre qu'une telle
modification est souhaitable dans l'intérêd tes habitants.»
25. La frontièreorientale du territoire sous mandat britannique et la frontièreoccidentale du
territoire sous mandat français étantcensées être identiques, il convient de relever l'existence d'une
disparitéentre l'articlepremier des deux accords de tutelle en ce que, pl79ôt curieusement, l'accord
français ne faisait aucunemention de la déclarationThomson-Marchand • Ainsi la frontièredont a
héritéle Cameroun lors de son accession à l'indépendanceétait, stricto sensu,celle établiepar la
déclaration Milner-Simon seulement, et non celle déterminéed'une façon plus précisedans la
déclarationThomson-Marchand. Le Nigérian'entend pas, toutefois, s'arrêtersur cette discordance
d'ordre technique; leNigéria, lui, a sans conteste héritde lafrontièredéterminée par la déclaration
Thomson-Marchand, et il reconnaît volontiers la délimitationfixéepar les dispositions de celle-ci
(exception faite, bien sûr, des secteursprécisqu'il a portés à l'attention de la Cour).
26. Il ne fut jamais officiellement conclu d'accord en vue de «légèrementmodifi[er]» la
frontière,au sens de la dernièrephrasede l'article premier de l'accord de tutelle: formellement, les
limites du territoire sous tutelle demeurèrentdonc celles décritesà l'article premier tout au long du
régimede tutelle.
27. Ces limites territoriales correspondaient, de fait, à celles fixéesdans l'article premier du
mandat, à ceèi près qu'elles étaient<«::léterminéd e'une façon plus précise», dans le cas du
Cameroun britannique, par la déclarationThomson-Marchand. Par conséquent,les observations
formulées ci-dessus au sujet du mandat s'appliquent ici aussi: l'article premier renvoyant à la
déclarationMilner-Simon et à la déclarationThomson-Marchand, il ne défmissaitque la frontière
77Annexe CMN55.
78
Annexe CMN56.
79Voir CMN, p.542-543,par. 19.68-19.70. -40-
orientale du Cameroun britannique. Les frontières septentrionale, méridionale et occidentale
n'étaient défmies que de manière sous-entendue, dans le membre de phrase «la partie du
Cameroun»: un territoire ne relevait de l'accord de tutelle que s'il faisait partie du Cameroun et
étaitsituéà l'ouest de la ligne défmiedans la déclarationMilner-Simon et dans la déclaration
Thomson-Marchand. Ainsi, sur le plan international, la frontièreseptentrionale continuait d'être
celle de l'ancien Cameroun allemand qui longeait le lac Tchad, la frontière méridionalerestait la
côte (avec sa mer territoriale) de l'ancien Cameroun allemand, face au golfe de Guinée,et la
frontière occidentale celle qui séparaitle protectorat du Nigériade l'ancien Cameroun allemand,
telle que défmieen quasi-totalitédansplusieurs traitésanglo-allemands.
28. En résumé,l'énoncé de l'article premier de l'accordde tutelle défmissantle territoire ne
résolvaittoujours pas la question de savoir si telle ou telle étenduede territoire faisait ou non
«partie du Cameroun».
29. Comme nous l'avons expliquéau sujet de l'article premier du mandat, cette question
étaitparticulièrementpertinente en ce qui concerne le statut de la presqu'île de Bakassi, compte
tenu non seulement des attributions restreintes de l'autoritéadministrante (voir ci-dessous), mais
également, en particulier, des obligations lui incombant aux termes de l'article 8 de l'accord de
tutelle.
La pertinence des frontières établiespar le mandat et l'accord de tutelle
30. Il est communémentadmis que les Etats mandataires et les autoritésadministrantes au
titre d'accords de tutelle (regroupésici sous l'appellation d'«Etats administrants») n'avaient pas
souverainetésur les territoires sous mandat ou sous tutelle relevant de leur administration. La Cour
··· a estimé,dans·l'affaire du-Statut international-du·Sud;;()uestafricain,quel'attribution·d'un·mandat
n'impliquait ni cession ni transfert de territoire à l'Etat mandataire, et qu'au contraire, le territoire
en question possédaitson propre statut international80•Dans l'affaire relative aux Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de 1'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
8
africain) \ elle a clairement rejetél'idéeque le territoire sous mandat puisse d'une quelconque
façon êtreconsidéré comme annexépar l'Etat mandataire.
31. Les Etats administrants possédaientdes attributions et des droits précisaux termes du
mandat ou de l'accord de tutelle concerné,et dès qu'une question se pose, il convient en tout
premier lieu de se reporter aux dispositions de ces instruments. Malgré des différencesd'un
instrument à l'autre, ces textes avaient en commun d'imposer aux Etats administrants l'obligation
juridique de rendre compte de la manièredont ils observaient le mandat et l'accord de tutelle. Ces
Etats exerçaient leurs droits et leurs attributions sous 1'autoritédes organes de surveillance de la
communautéinternationale - le Conseil de la Sociétédes Nations, sur recommandations de la
commission permanente des mandats, puis le Conseil de tutelle de l'Organisation des Nations
Unies. Ces àrganes exerçaient leurs fonctions de surveillanceessentiellement en se fondant sur des
rapports annuelssoumis par les Etats administrants.
32. Le Nigéria a en particulier, au cours de la procédureorale, défendu l'idée- déjà
énoncéeci-dessus et à laquelle se référaitsans doute M. Elaraby - que les Etats administrants
n'avaient pas souverainetésur les territoires qui relevaient de leur administration. En conséquence
de quoi ils n'avaient, notamment, pas le pouvoir d'en modifier unilatéralementles frontières,que
80C.LJ. Recuei/1950, p. 132.
81
C.LJ. Recuei/1971, p. 28,30 et43. -41-
ce soit pour les étendre, ou pour les réduire 82• Toute modification de ce type des limites
territoriales des territoires sous mandat ou sous tutelle devait êtreapprouvéepar les organes de
83
surveillance compétentsde la Sociétédes Nations et de l'Organisation des Nations Unies - à
savoir, dans le premier cas, le Conseil de la Société desNations, agissant sur recommandations de
la Commissionpermanente des mandats, et, dans le second, le Conseil de tutelle de l'Organisation
des NationsUnies.
33. Aucun document- à tout le moins produit par le Cameroun- n'atteste qu'une telle
approbation ait jamais étédonnéedans le cas de la presqu'île de Bakassi. Il s'ensuit que les
frontières des territoires soumis au régimede mandat puis au régimede tutelle étaient,sous ces
régimeset lorsqu'ils prirent fm, précisémentles mêmesque les frontières initiales, c'est-à-dire
celles de 1922,puisque, par la suite, le Gouvernementbritannique ne fut à aucun moment fondéà
modifier unilatéralementces frontières ni en mesure de ce faire. En conséquence,la presqu'île de
Bakassi avait en 1960 le mêmestatut territorialqu'en 1922.
34. En outre, en tant qu'elle conservait à l'égarddu Nigéria sa qualité de puissance
protectrice, la Grande-Bretagne demeurait liéepar le traitéde protection de 1884, et continuait de
ce fait de n'avoir ni le droit ni le pouvoir d'aliénerla presqu'île de Bakassi, notamment en la
rattachant auterritoire du Cameroun britanniqueplacésousmandat ou sous tutelle.
35. Pour les mêmes raisons, la Grande-Bretagne n'avait pas, en tant qu'autorité
administrante transitoire entre 1918 et 1922,ni en tant qu'autoritéoccupante pendant la première
guerre mondiale, le pouvoir de modifier unilatéralement la frontière de l'ancien Cameroun
allemand, pas plus qu'elle ne pouvait en droit, en tant qu'elle demeurait la puissance protectrice,
intégrerBakassià l'ancien Cameroun allemand pendant cette périodede transition. Rien n'atteste
que la Grande-Bretagne ait jamais eu l'intention de procéderà une telle modification ou à un tel
transfertau cours de cette période. En conséquence,Bakassi avait, en 1922 - au débutdu régime
du mandat-, le mêmele statutterritorial qu'en 1914.
36. Avantcette date, le statut territorial de la presqu'île n'aurait pu êtremodifiéqu'en vertu
du traitéangle-allemand du 11 mars 1913, si celui-ci avait eu pour effet de modifier la frontière
entre le Nigériaet le Cameroun jusqu'à l'Akwayafé(aujourd'hui, l'Akpa Yafé). Toutefois, pour
les raisons que le Nigériaa exposéesdans le détail,lesdispositions pertinentes (les articles XVII à
XXll) ne pouvaient en droit produire cet effet, en tant qu'elles violaient la règlefondamentale et
universellementadmise qui veut que nemo dat quod non habet.
82
M. Ntamark, conseil du Cameroun a affirmé: «Il allait de soi dans le cadre de cette structure que la puissance
administrante n'avait pas le pouvoir d'aliénerunilatéralementle territoire (CR 2002/4, p. 19, par. 4.)
83Le Cameroun est d'accord sur ce point: voir le CR 2002/4, p. 19, par. 6-7 (Ntamark). -42-
ANNEXE!
RAPPORT ET ANNEXES ADRESSÉS AU MARQUIS DE SALISBURY
PAR LE COMMANDANT MACDONALD
1ERSEPTEMBRE 1891
Le commandant MacDonald au marquis de Salisbury (reçu le 5 octobre)
Bonny, l1erseptembre1891
J'ai l'honneur de vous informer de mon retour, le 27 août, d'une tournéedes diverses rivières
du régimedu protectorat.
La tournéea commencé le 30 juillet, et avait pour objectif d'installer convenablement les
différents vice-consuls dans chacun de leur district, et de convoquer les chefs locaux, dont
connais la plupart, pour leur expliquer les tarifs des droits de douane et obtenir leur consentement à
cet égard.
Ma première réunion s'est tenue à Bonny, le 30 juillet. Tous les chefs les plus importants
de Bonny, tels que le roi Amachrees chefs du Nouveau-Calabar, ont assistéàla réunion,.
Je leurai expliquétoutes les raisons du nouvel ordre administratif que j'étais sur le point
d'inaugurer, tout en leur rappelantcédentevisite 1889à l'occasion de laquelle ils avaient
émisle souhait que leur district soit administrécomme une colonie de la Couronne,r ai
indiqué les très grandes difficultésqui parsèment le chemin vers la réalisation immédiate d'une
telle forme de gouvernementJe les ai ensuite informés de la décision du gouvernement de
Sa Majesté de nommer un représentantconsulaire dans chaque district de rivières, lequel résidera
~~·~-dans-le-district-et Sa-Meaestésea~teeiana;uq~uet-~piourr oujours faire·appel et
demander conseil, quel que soit le sujet. Il sera responsable devant le gouvernement de Sa Majesté,
par l'intermédiaire du consul généraldu Vieux-Calabar, du respect des lois et du maintien de
1'ordre et de ce que toute personne soit àuexercer en paix son commerce ou son métieret
que, pour couvrir les dépensessupplémentairesette forme de gouvernement va entraîner, il a
étéproposéd'imposer des droits de douane sur certains produits d'importation. passéen
revue chaque position du tarif douanier, et les leur ai expliquées.
A la fin de la réunion, je leur ai présenté.le généralHammill comme étant leur futur
vice-consulet leur ai· demandé de me remettre une déclaration écrite disant qu'ils avaient
parfaitement compris les droitsouane, que ceux-ci étaientimposésavec leur consentement et
qu'ils devraient les supporter.
S'en est suivie une discussion assez longue; et ils ont fmalement déclaréqu'ils seraient gré
de pouvoir disposer de quelquesurs pour étudier la question; j'ai dit que je leur donnais
trois jours, que j'aimerais avoir la réponse par écrit à mon Je leur ai signalé qu'ils
devaient me faire savoir s'ilsomprenaient pas quelque chose ou s'ils n'acceptaient pas les
droits de douane.
La réunions'est ensuite achevée. Une délégationdes chefs du Nouveau-Calabarndu
après et a déclaréavoir presque'comprisystème des droits de douane et que ceux-ci devaient
êtreimposéspour le bien du pays; mais ils espéraient,que, puisqu'ils avaient payéles mêmesdroits
que les hommes de Bonny, ils devraient avoir un représentantconsulaire pour eux. -43-
Je leur ai réponduque j'allais examiner leur demande, mais qu'ils devaient présentementse
contenter des visites périodiquesdu vice-consul dè Bonny. Je leur ai égalementindiquéque je
devrais venir leur rendre visite à mon retour du Vieux-Calabar et que nous discuterions de cette
question à ce moment là.
Le jour suivant, je me suis rendu au Vieux-Calabar sur le navire de Sa Majesté,le Swallow
accompagnédu navire de Sa MajestéleRacer;j'avais à 1'avance envoyédes messages, convoquant
une réuniondes chefs du Vieux-Calabar pour l'après-mididu samedi 1eaoût. Ayant étéretardé
par le mauvais temps, j'ai étédans l'impossibilité de me présenter à la réunion avant le
lundi 3 août.
J'ai débarquéà 10heures sous la salve de onze fusils du navire de Sa Majestéle Swallow et,
accompagnépar plusieurs des officiers des navires de Sa Majesté,j'ai reçu le roi Duke, ainsi que
les autres dirigeants locauxappelésrois et chefs du Vieux-Calabar, à Durbar.
Aucun chef ni chef de village de quelque importance n'étaitabsent en cette occasion. J'ai
étéécoutéavec la plus grande attention, et à la fin de mon exposéadresséaux chefs, ces derniers
ont demandéla permission de se retirer pour se consulter. J'y ai consenti et, une demi-heure après,
ils sont revenus et ont déclaréqu'ils seraient heureux de signer un document tel que celui que je
leur ai soumis. Ils ont cependant souhaitéme parler d'un ou deux sujets dans l'espoir queje veuille
bien les porter au gouvernement de Sa Majesté, notammentle comportement du dernier consul et
de sa police. J'ai dit que ceci n'avait aucun rapport avec la question présente,mais qu'il étaitde
mon devoir d'enquêter,et le cas échéant,de prendre une action concernant une plainte qu'ils
avaient portéedevant moi, et que je le ferais trèscertainement à une dateultérieure. Ils ont ensuite
signéle document joint à la présenteet la réunion s'est terminée.
La nature de leur plainte constitue le sujet d'une autre dépêche.
Lejour suivant, le 4 août, je me suis rendu à Bonny sur le navire de Sa Majestéle Racer,le
navire de SaMajestéle Swallow étantparti à Fernando Po pour se ravitailleren charbon.
Le 4 août, nous avons jetél'ancre à Bonny, et le 6, je me suis rendu à Okrika, un grand et
important village commerçant situéà 22 milles de l'embouchure de la rivière. Le peuple d'Okrika
a une très mauvaise réputationdans le district de Bonny; ce sont des cannibales et, la maison
«Ju-jm>,un large temple au centre du village, renferme les crânes et les os des victimes de leur
dernièreorgie cannibale de novembre 1888, pour laquelle ils ont étécondamnésà une amende par
le consul Hewett. Vingt-cinq mesures purcheons(soit environ 200 litres) de cette amende n'ont
toujours pas étépayées,et il fallait demander des explications à ce sujet, ainsi que pour l'absence
des chefs à ma réunionde Bonny, alors qu'ils avaient étédûment informésde ma venue. En nous
rendant à la mission, noussommes passésdevant la maison «Ju-ju» dontj'ai déjàparlée,où crânes,
os, etc. sontexposésà lavue de tout passant.
Je n'ai pas pu voir le roi, et dans la mesure où un gros orage approchait,je suis retournéau
canot à vapeur avec les deux officiers de la marine qui m'avaient accompagné. Alors que nous
étionssur le point d'embarquer, quelques quatre cents villageois sont venus et nous ont menacés,
mais n'ont pas fait preuve de violence; les expressions utiliséespar les indigènesont étédes plus
insultantes.
Il y a une mission à cet endroit. A mon retour à Bonny, le 27 août,j'ai reçu les cieuxlettres,
les copies sontjointes à laprésente. -44-
Je mentionne cet incident pour montrer combien reste encore à faire pour mener le territoire
du régime du protectorat à la civilisation. J'ai convoquéune réuniondes chefs d'Okrika pour
samedi prochain, le 5 septembre, pendant laquelleje propose de leur signaler quelle honte et quel
constant déshonneurreprésentela présence de leur maison cannibale «Ju-jm>pour eux et pour leur
peuple, et que s'ils ne détruisentpas cette maison et n'abandonnent pas le cannibalisme de leur
propre chef,je prendrais souspeu, des mesures sévèrespour les contraindre à le faire.
Le jour suivant, le 7 août,ai tenu ma seconderéunionavec les chefs de Bonny, à l'occasion
de laquelle ils se sont présentésà moi avec une lettre, dont je joins à la présenteune copie à
l'attentionde Votre Excellence. J'ai traitéla question du marché,qui constitue le sujet du dernier
paragraphe de leur lettre, dans une dépêcheséparée.Selon mon désir,ils ont égalementsignéun
document déclarantqu'ils avaient compris le systèmedes droits de douanes, qu'ils consentaient à
ce qu'ils soient imposéset qu'ils les supporteraient. J'ai l'honneur de joindre l'original de ce
document.
Le navire de Sa Majestéle Swallow étantrevenu de Fernando Po, c'est sur ce navire que je
me suis rendu à Bugama, la principale ville du district du Nouveau-Calabar, et le 9 août, j'ai tenu
une réunionavec le roi et les chefs, à laquelle, après une longue discussion, ils ont signéle
document quej'ai l'honneur de joindre à la présente. Ils ont encore réitéleur demande visant à
bénéficierd'unreprésentantconsulaire spécialementnommépour eux.
Le matin suivant, je suis parti sur le navire de Sa MajestéSwallow, et j'ai jetél'ancre le
12août dans la rivièred'Opobo, ayant préalablementaverti les chefs de mon arrivée. Une réunion
s'est tenue l'après-midimême.Les chefs ont écouté en silence mon exposéexpliquant la nouvelle
administration, et ont signéle document, que j'ai l'honneur de joindre à la présente,sans faire
aucune remarque. Par l'intermédiairede leur chef supérieurOjolo, ils m'ont ensuite demandési
j'avais reçu une réponsede Votre Excellence concernant leur demande visant le rapatriement du
corps de leurdernier chefJa-ja. Puis,j'ai lu letélégrammede Votre Excellence en date du 11août,
~-è~ftiéclaq reuela loi espagnole iriterdifl'eXhumâ.tioiiavantl'expiration-d'une-période-dedeux ans.
Cette information a étéreçue avec une certaine consternation,et après s'êtreconsultés,ils rn'ont
imploréd'aborder encore une fois cette question avecVotre Excellence, invoquant que,jusqu'à ce
que leur roi soit brûlésur leurs terres, ils seraient toujours considérésavec méprispar les tribus
voisines, ce qui mènerait à des querelles continuelles voire mêmeà des petites guerres, à une
augmentation des cours sur les marchés,et seraittrèsdéfavorableau commerce. Les commerçants
européens rnont informéde la totale paralysie du commerce dans le district. Etant donnéesces
circonstances,je les ai informésqueje télégraphieraincore une fois à Votre Excellence, mais que
je ne pouvais leur offrir que de faibles espérancesquant aux possibilitésqu'il soit accédéà leur
requête,car bien que je sois certain que le gouvernement de Sa Majestéait la volontéde les aider
en la matière, la législationespagnole rend les négociationssur le sujet extrêmementdifficiles;
mais que si, par chance, leur requêteaboutissait, ils devraient considérercela comme la marque
d'une faveur particulièrede la part du gouvernement de Sa Majesté,pour laquelle ils devraient
montrer leur reconnaissance en m'aidant à ouvrir l'intérieur du pays au commerce et à la
civilisation.
A ce qui précède,je dois ajouter que le jour suivant mon retour à Bonny, j'ai reçu le
télégramme de Votre Excellence en date du 28 août, m'informant de ce que le Gouvernement
espagnol avait autorisé,sous certaines conditions, l'exhumation du corps de Ja-ja. Le jour même,
je me suis renduà Opobo, etj'ai lu letélégramme mentionnéci-dessus aux chefs rassemblés. Cette
lecture a étéaccueillie avec la plus grande joie et les chefs m'ont prié de remercier le
gouvernement de Sa Majesté pour cette marque de faveur; ils m'ont aussi assuré qu'ils
n'oublieraientjamais ce quej'ai fait pour eux et qu'ils m'aideraient au mieux de leurs possibilités
danstoute entreprise queje souhaiterais mettre en Œuvre. -45-
J'ai quittéOpobo sur le navire de Sa Majestéle Swallow le 13 août, etjetél'ancre le 15 dans
la Brass River. J'avais pris contact par télégrammeavec Brass, depuis Bonny, et organiséune
réunionpour 1'après-mididu 15.
A mon arrivéeà Brass, j'ai étéinforméde ce que les chefs avaient envoyéun message disant
qu'ils avaient eux-mêmesune réunionet ne pouvaient venir me voir avant lejour suivant, du fait de
la distance qu'ils devaient parcourir. Le jour suivant, les chefs sont arrivéset, à ma demande, le
capitaine Finnis, du navire de Sa Majesté le Swallow, a fait débarquer un groupe de
soixante fusiliers marins et hommes d'équipage commehaie d'honneur pour moi.
Cette garde a eu un effet marqué sur le comportement des chefs qui étaientdans un premier
temps enclins à l'indiscipline et quelque peu agressifs dans leurs attitudes. Avant de commencer la
réunion,j'ai informéles chefs que, lorsque je leur envoyais un message, j'attendais une obéissance
absolue, que je- en tant que représentant de Sa Majesté- comptais obtenir.
Puis, j'ai continuéà m'adresser à eux sur le thèmede la nouvelle administration. A la fm de
mon exposé, ils ont déclaréavoir compris tout ce que je leur avais dit, et souhaiter désormaisme
parler de leurs marchés. J'ai dit que je ne voulais rien écouteravant qu'ils ne m'aient donnéleur
opinion sur le sujet dont je les avais entretenus. Ils ont ensuite demandéla permission de se retirer
et de se réunir entre eux afin d'examiner la question, en promettant de me faire connaître leur
réponsedès le lendemain matin. J'y ai consenti. Ils se sont ensuite retirésdans le village voisin,
Twon, et ont tenu une réunionqui a duréjusque tard dans la nuit -à cette réunion, il a étédécidé
unanimement qu'ils refuseraient de signer tout document concernant les droits de douane, etc.,
jusqu'à ce que je leur aie remis une promesse écritede reprendre, pour eux, leurs marchésà la
Niger Company.
Ayant étéinformé àtitre privéde cette décision,j'ai ouvert la réuniondu lendemain matin en
informant les chefs que j'avais étéenvoyépar le gouvernement de Sa Majestépour surveiller leurs
intérêtsainsi que ceux de l'homme blanc, et que, par conséquent, j'étais ici en tant que leur
représentantet ami.
Concernant le document que je leur avais demandéde signer, j'ai souhaité qu'ils exercent
leur volontépersonnelle, entièreet libre en la matière, et que, par conséquent,il n'étaitpas question
qu'ils signent comme une faveur à mon égard,pour laquelle une autre faveur serait accordéeen
retour. Si, cependant, ils refusaient de signer, je devrais leur demander de signer un autre
document indiquant qu'ils ne consentaient pas à ce que les droits de douane soient imposéset
donnant leurs raisons de ce refus, lequel document serait transmis par mes soins au gouvernement
de Sa Majesté. Après s'êtrelonguement consultés, ils m'ont informéque j'étais leur père et leur
mère et qu'à l'avenir, ils feraient tout ce que je leur demanderai, qu'ils regrettaient profondément
de n'êtrepas venus à la réunion de samedi mais que ce n'étaitpas entièrement de leur faute. Ils ont
dit qu'ils signeraient avec plaisir un document consentant à ce que les droits de douanes soient
imposéspuisqu'ils ont vu que le gouvernement du pays ne pouvait par diriger sans revenu.
Plusieurs questions locales ont ensuite étéabordées pour lesquelles j'ai passé le relais au
capitaine MacDonald, vice-consul du district, que j'avais dûment installé à la réunion du jour
précédent.
La question des marchésdes produits de l'huile a ensuite étéexaminée. A partir de ce que
j'ai pu rassembler à la réunion,et de mes connaissances précédentessur le sujet, je suis d'avis que
sauf à parvenir à un arrangement avec la Niger Company, le commerce de Brass cessera bientôt
d'exister, dans la mesure où la Niger Company a conclu des traités avec tous les villages
producteurs d'huile non riverains de la Brass River, et qu'il est même impossible pour les
commerçants locaux de gagner leur pain, du fait des lourdes taxes d'exportation imposéespar la
Company sur les amandes et l'huile de palme. -46-
J'aurai l'honneur de présenter à Votre Excellence un rapport sur ce sujet à une date
ultérieure. Je transmets, avec la présente,la déclarationfaite par les chefs de la Brass River sur les
droits de douane.
Le mêmejour, je me suis rendu à Warri par la Forcados River, sur le navire de Sa Majestéle
Swallow. A l'embouchure de cette rivière,nous avons étérejoints par le navire de Sa Majestéle
Racer et, pilotéspar le canot à vapeur lWhydah, un bateau que j'ai affrétéauprès de l'African
Steam-ship Company, nous nous sommes rendus à Warri et avons jetél'ancre là-bas, le 19 août
à midi.
Les chefs de Warri appartiennent à la tribu Jekri et sont sous les ordres de Nana, le grand
chef intermédiairede Benin. Ils sont cependant trèsdésireuxde devenir indépendantset puisque le
commerce ici promet d'êtreun des plus florissants du régimedu protectorat, et puisque Nana est
déjàsuffisamment puissant et menace de devenir un second Ja-ja, j'ai penséqu'il étaitjudicieux
d'établirun vice-consulat séparé,à cet endroit, et de conclure un traitéde protection particulier
avec les chefs de Warri.Ma réunionavec les chefs de Warri s'est tenue le 19 août et s'est déroulée
de manièresatisfaisante à tous leségards.
Je transmets ci-joint une copie du traitéconclu avec ces chefs.
Une déclarationdisant qu'ils comprennent et acceptent que des droits de douane soient
imposés,a étéremise en ma présence,au capitaine Synge, commissaire adjoint de Sa Majesté
britannique et vice-consul.
Le 20 août, je me suis rendu sur le bateau à vapeur Whydah, accompagnépar les navires
de Sa Majestéle Swallow et leRacer, à travers les petits cours d'eaujusqu'à Benin où nous avons
jetél'ancre le soiru 21. Cette réuniona étéla plus grande et la plus importante de toutes celles
que j'ai tenues. Nana est venu dans un canoë de guerre, avec plus de cent esclaves pagayant, avec
laprésencede quatreou cinq canoës semblables, etune escorte personnelle de vifigthomm:esarmés
de fusils à répétitionWinchester. Tous les autres chefs de quelque importance étaientégalement
présents,accompagnéspar une largeescorte.
A cette occasion, avec deux des navires de Sa Majestéavec moi, j'ai demandéau capitaine
Finnis de débarquerune haie d'honneur aussi longue que possible, et cent vingt fusiliers marins et
hommes d'équipage ont paradé à terre. Ce spectacle a eu, comme m'en ont informé les
commerçants européens,un excellent effet, dans la mesure où tant d'hommes blancs n'avaient
jamais étévus auparavant dans larivière.
Les chefs ont écoutémon exposéavec une attention soutenue, et une trèslongue discussion a
suivi, pendant laquelle ils ont montréqu'ils avaient parfaitement compris les sujets en question.
Nana avait en sa possession une copie de la proclamation contenant la liste des droits de douane
dont, m'a-t-il informé,il a étudiéavec attention le contenu, de manièreà ce que ses amis européens
ne demandent pas plus pour leurs marchandises que ce qui est établidans le barème. Tous les
chefs, avec à leur têteNana suivi de son rival (Numa), ont signéla déclarationquej'ai l'honneur de
joindre àla présente. Nana s'est ensuite levéet a dit qu'il souhaitait que jeàpla connaissance
du gouvernem de~natMajestéletraitement qu'il a reçu de la part du consul Annesley. Il (Nana)
a parlé demanièreexaltéependant plusieurs minutes. Je lui ai dit que sa plainte avait étéreçue au
Foreign Office, et qu'elle avait étéenvoyéeau consul Annesley pour qu'il puisse faire des
remarques le cas échéant,et que dèsque j'aurai une réponse,je lui en ferai part par l'intermédiaire
du vice-consul que le gouvernement de Sa Majestéa nommépour leur district. La réunions'est
ensuite achevée,Nana et les chefs me priant de transmettre leurs remerciements au gouvernement
de Sa Majestépour avoir nomméun représentantconsulaire résidantdans leur district, auquel ils
peuvent avoir recours en cas de difficulté. -47-
J'ai ensuite tenu une réunionséparée avec les commerçants européens,et il étaitclair pour
moi que dans cette rivière,j'aurai à combattre un autre Ja-ja. Certains des commerçants ont
représenté Nana comme tout ce qu'il y a de plus honnêteet droit; d'autres l'ont dépeintavec des
couleurs exactement opposées. Une chose est certaine, c'est un homme qui possède un grand
pouvoir et des richesses, et qui est rusé,énergiqueet intelligent.
J'ai informé les commerçants européensque j'étais décidéà maintenir l'ordre sur les
marchésdèsque j'aurais des ressources me permettant de couvrir les dépensesnécessairespour le
faire (ils s'étaientplaints de ne pouvoir faire du commerce sur les marchéspuisque le jeu était
faussépar la grande influence et le pouvoir deNana), mais j'ai fait remarquer queje ne serai pas en
mesure d'obtenir la somme dont j'ai besoin, ni eux la protection, avant quelques mois, puisque
leurs magasins étaientapprovisionnésavec des articles soumis à des droits de douane, importés
expressémentpour échapperà ceux-ci.
Je dois ajouter icique l'African Association a étparticulièrementdévouée sur ce point.
J'ai dit aux commerçants, que concernant la question d'aller sur les marchéspour obtenir les
produits directement ou de recourir à l'intermédiairepour le faire, la décisionleur appartenait; tout
ce que je pouvais leur promettre étaientque ceux qui allaient sur les marchésdevraient bénéficier
d'une protection là-basdèsquej'aurai eu lesressources nécessairespour l'assurer.
A partir de tout ce que j'ai entendu,je suis d'avis que le commerce de Benin a un trèsgros
potentiel.
J'ai quitté Benin sur le navire de Sa Majestéle Swallow le 23 août, et je suis retourné
à Bonny le 27, ayant visitétoutes les rivièresde mon district où sont présentsdes établissements
européens,à l'exception de Kwo-Ibo, un petit ruisseau où l'ont trouve cependant d'importantes
plantations. Je devrailesvisiter à partir du Vieux-Calabar.
Dans chaque district,j'ai présenté , la fin de la réunion,le représentantconsulaire qui a été
nommépar Sa Majestépour agir en qualitéde commissaire adjoint et vice-consul du district, aux
commerçants européens et aux chefs indigènes, et j'ai souligné aux chefs locaux que le
représentant en question résiderait dans ce district, qu'il avait étéspécialement nommé par
Sa Majestépour la représenteren ces lieux, et qu'il étaitde son devoir de prendre parfaitement
connaissance du district en question, des besoins et des souhaits des sujets de Sa Majesté,aussi
bien blancsque de couleur,et d'appliquer les dispositionsdes traitésde protection que les chefs ont
conclus avec Sa Majesté;il a étéspécialementchargéd'encourager et de favoriser le commerce
légal,bien qu'il en soit lui-mêmeindépendantet ne soit en aucune façon un commerçant; et de
manière générale, de faire respecter la justice, la paix et la civilisation dans le régime du
protectorat.
Suivent les noms des vice-consuls du régimedu protectorat, avec mention des districts dont
ils sont chargés:
le généradl e divisionD. Hammil, district de Bonny,
le capitaineH. L. Gallwey, district de Benin,
le capitaine F.M. Synge, district de Forcados (Warri), -48-
le capitaine D.C. MacDonald, district de Brass,
M. W. Cairns Armstrong, district d'Opobo,
M. T. H. Wall, district du Vieux-Calabar.
Veuillez agréer,etc.
(Signé)Claude M. MACDONALD.
Pièce jointe 1àl'annexe 61
[Traduction]
Déclaration signéeau Vieux-Calabar River, le 3 août 1891
Nous, soussignés,les rois, les chefs et les chefs de villages du Vieux-Calabar et du district de
Old Calabar, déclaronspar la présenteque nous avons pleinement compris le système des droits
de douanes que nous a expliqué le commandant Claude MacDonald, le consul général et
commissaire de Sa Majesté.
Nous déclarons également que nous consentons à l'imposition des droits mentionnés
ci-dessus et que nous acceptons de nous y conformer.
(Signé)Le Roi DUKE IX.
(et vingt-six autres)
Je certifie que j'étais présenà la réunion des chefs du Vieux-Calabar organisée par le
commandant C. M. MacDonald le 3 août 1891; que j'ai écoutél'exposésur le systèmedes droits de
douanes qu'il a présentéaux dits chefs et que j'ai assistéà leurs signatures.
Commissaire adjoint et vice-consul,
(Signé)James F. ROBERTS.
Je déclarepar la présenteavoir traduit le document susdit au roi et aux chefs du district du
Vieux-Calabar et qu'ils ont pleinement compris sa signification.
Interprète àla cour consulaire,
(Signé)Udô AKPAN BASSY. -49-
ANNEXEZ
NOTIFICATION PORTANT PROCLAMATION DU PROTECTORAT BRITANNIQUE
DES DISTRICTS DUNIGER, LONDON GAZETTE EN DATE DU 5JUIN 1885
[Traduction]
Foreign Office, le 5 juin 1885
Il est par la présentenotifiéau public que, en vertu de certains traitésconclus entre le mois
de juillet dernier et présentedate, ainsi que par d'autres procédéslicites, les territoires de la côte
occidentale de l'Afrique, ci-après dénommésles «régions du Niger», ont étéplacés sous le
protectorat deSa Majestéla reine à compter de la date de chaque traité.
Le protectorat britannique des districts du Niger comprend les territoires situésle long de la
côte entre le protectorat britannique de Lagos et la rive droite ou est de l'embouchure du
Rio del Rey. Il comprend égalementles territoires situéssur les deux rives du Niger, depuis sa
confluence avec la rivière Benuéà Lokoja, jusqu'à la mer, ainsi que les territoires situéssur les
deux rives de la rivière Benué,de la confluence jusqu'à lbi compris.
Les mesures -en cours d'élaboration- concernant l'administration de la justice et le
maintien de la paix et de l'ordre public dans les districts du Niger seront notifiéeset publiéesen
temps utile.
Foreign Office, le 9mai 1885
Il a plu à la Reinede nommer David Boyle Blair, Esq., vice-consul de Sa Majestépour les
territoires sous protectorat allemand, dans les régions du Cameroun, délimitésà l'ouest par le
Rio del Rey. ..
'
-50- ./1.
ANNEXE3
CARTE À INCLURE DANS LE DOSSIER DES JUGES
Second tour des plaidoiries (CR 2002/l9, p. 52, par. 86)
L'évolution de la frontière terrestre
LacTchad
(Contre-mémoire du Nigéria,
1 carte d'atlas n°55)
Frontièreinternationale
reconnuedans lesdéclarations
angle-françaisesde 1919-1931
CAMEROUN
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1~·· -51 -
ANNEXE4
RAPPORT DU ROYAUME-UNI SURL'ADMINISTRATION DU CAMEROUN
SOUS MANDAT BRITANNIQUE POUR L'ANNÉE 1930
Rapport adresséau Conseil de la Société des Nations par le gouvernement de Sa Majestéau
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant l'administration
du Cameroun sous mandat britannique pour l'année1930
ii) Frontières internationales
15. La déclaration de la frontière entre les sphères d'influence britannique et française du
territoire du Cameroun placésous mandat, signéepar le gouverneur de la colonie et du protectorat
du Nigériaet par le haut-commissaire de la Républiquefrançaise dans la zone sous mandat français
a été confirméepar les gouvernements centraux des deux pays au débutde 1931.
16. Le gouvernement de Sa Majestéconvient que cette déclarationn'est pas le produit d'une
commission de délimitationconstituéeaux fms de mettre en Œuvreles dispositions de l'article 1du
mandat, mais seulement le résultatd'une étudepréliminairedestinéeà donner à la description de la
ligne que devra suivre la commission de délimitation plus de précision que ne l'a fait la
déclarationMilner-Simon de 1919; que néanmoins,la déclarationdéfmiten substance la frontière.
Ladite déclarationayant été confirmée par les deux gouvernements, la délimitation concrète de la
frontière sera maintenant confiée à une commission de délimitation, désignée à cet effet
conformémentaux dispositions de 1'article 1du mandat.
IV. ADMINISTRATION GÉNÉRALE
17. La province du Cameroun, comme dans les années précédentes, est divisée en
quatre départementsadministratifs :
1) Victoria,
2) Kumba,
3) Mamfe,
4) Bamenda.
Chacun de ces quatre départements est placésous l'autoritéd'un district officqui relève
directement du résidentresponsable de laprovirice.
18. La modification de la frontière des départementsde Victoria et de Kumba, annoncéeau
paragraphe 34 du rapport de 1929, a étépartiellement miseen Œuvreconformémentà la déclaration
faite par le représentant accréditédans son allocution devant la commission permanente des
mandats lors de l'examen de ce rapport. C'est-à-dire que les villages de Bakole sur la côte et les
villages de pêchede l'estuaire du Rio del Rey ont ététransférés du département de Kumba au
département de Victoria. Ce transfert a pour objet de favoriser la lutte contre le commerce de
contrebande maritime en plaçant toute la côte de la province sous l'autorité administrative du
divisional officerde Victoria, au lieu d'avoir une partie de cette côte dans le département
de Victoria et l'autre dans celui de Kumba.)'
Réponses du Nigéria aux questions posées par MM. Fleischhauer, Kooijmans et Elaraby et observations du Nigéria sur les réponses du Cameroun aux questions posées par M. Fleischhauer