Réponses de la République bolivarienne du Venezuela aux questions posées par MM. les juges Koroma et Cançado Trindade au terme de la procédure orale (traduction)

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Observations de la République bolivarienne du Venezuela sur les questions posées par

MM. les juges Koroma et Cançado Trindade le 11 décembre 2009 à propos de la
demande d’avis consultatif sur la Conformité au droit international de la
déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo

[Traduction]

Au terme de l’audience publique tenue le 11 décembre2009 dans le cadre de la procédure

consultative relative à la question de la Conformité au droit international de la déclaration
unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ,
MM.les juges Koroma, Bennouna et Cançado Trindade ont adressé trois questions aux
participants qui souhaiteraient y répondre.

Par les présentes, la République bolivarienne du Venezuela expose comme suit sa position à
l’égard de deux des trois questions :

1. La première question a été posée par M. le juge Koroma en les termes suivants :

«Il a été affirmé que le droit internatio nal n’interdit pas qu’un territoire fasse
sécession d’un Etat souverain. Les participan ts à la présente procédure pourraient-ils

indiquer à la Cour quels sont, selon eux, les éventuels principes et règles de droit
international qui autoriseraient, en dehors d’un contexte colonial, un territoire à faire
sécession d’un Etat souverain sans le consentement de ce dernier ?»

En ce qui concerne cette première questi on, la République bolivarienne du Venezuela
considère que la sécession constitue l’une des manifestations possibles ⎯ mais non la seule ⎯ de
l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination. Dans ce sens, aux yeux du Gouvernement de

la République bolivarienne du Venezuela, le dr oit international ne reconnaît pas de causes
susceptibles de motiver la sécession d’un territoire d’avec un Etat souverain autres que celles
touchant à «l’autodétermination externe», que la Cour suprême du Canada a suffisamment
exposées dans son arrêt rendu en 1999 sur la question de la Sécession du Québec.

Cette décision, outre qu’elle reconnaît les dro its des peuples soumis au colonialisme, étend
cette possibilité, conformément à la résolutio n 2625(XXV) de l’Assemblée générale des
Nations Unies datée du 24 octobre 1970, aux seuls peuples soumis à la subjugation, à la domination

ou à l’exploitation étrangères en dehors d’un contex te colonial, un tel comportement impérialiste
constituant une violation flagrante des principes de l’égalité des droits et de l’autodétermination des
peuples.

De plus, la Cour suprême du Canada, sur la base de la résolution 2625 (XXV), a reconnu
qu’existait en dehors de la situation du contexte colonial une deuxième situation susceptible de
conduire un peuple à préférer comme solution juri dique la sécession de son territoire d’avec l’Etat
souverain.

La résolution 2625 (XXV) susmentionnée indique que :

«Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou
encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait,

totalement ou partiellement, l’intégrité terr itoriale ou l’unité politique de tout Etat - 2 -

souverain et indépendant se conduisant conf ormément au principe de l’égalité de
droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi

d’un gouvernement représentant l’ensembl e du peuple appartenant au territoire sans
distinction de race, de croyance ou de couleur.»

Ainsi, lorsqu’un peuple est clairement incap able d’exercer son droit à l’autodétermination

interne, c’est-à-dire lors qu’il n’a pas la possibilité de participer, à l’intérieur de l’Etat auquel il
appartient, à l’exercice de la chose publique sur un pied d’égalité et sans discrimination, il peut être
considéré comme ayant acquis le droit d’engager un processus d’autodétermination externe.

C’est uniquement dans ces conditions que la République bolivarienne du Venezuela estime
que la possibilité de faire sécession d’un Etat souvera in est conforme au droit international. Au
contraire, si nous partons du principe que le droit international n’interdit pas la sécession mais qu’il
l’autorise implicitement, alors la sécession ne peut intervenir que dans le cadre du principe

d’autodétermination des peuples et dans le plein re spect du principe de souveraineté et d’intégrité
territoriale des Etats, conformément à ce qui est af firmé dans la Charte des NationsUnies et la
résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies.

2. La question posée par M. le juge Cançado Trindade était la suivante :

«La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité fait référence, à l’alinéa a) de

son paragraphe 11, à «l’i nstauration au Kosovo d’une autonomie et d’une
auto-administration substa ntielles», compte pleinement tenu des accords de
Rambouillet. De votre point de vue, que faut-il entendre par ce renvoi aux accords de
Rambouillet? Celui-ci a-t-il une incidence sur les questions d’autodétermination, de

sécession ou les deux? Dans l’affirmative, à quelles conditions un peuple devrait-il
satisfaire pour pouvoir prétendre au statut d’Etat, dans le cadre du régime juridique
établi par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ? Et quelles sont, en droit
international général, les conditions factuell es devant au préalable être remplies, pour

constituer un «peuple», et pouvoir prétendre à la qualité d’Etat ?»

En ce qui concerne cette deuxième question, la République bolivarienne du Venezuela
considère que, si l’alinéa a) du paragraphe11 de la résolution1244(1999) indique que l’une des

principales responsabilités de la présence internationa le civile consiste à faciliter «l’instauration au
Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administrat ion substantielles, compte pleinement tenu de
l’annexe 2 et des accords de Rambouillet», la référence aux accords de Rambouillet contenue dans
la résolution vise quant à elle à établir le cadre juridique de la présence internationale civile lui

permettant de respecter son obligation d’in staurer «au Kosovo…une autonomie et…une
auto-administration substantielles», c’est-à-dire à définir le régime juridique réglementant tant la
mise en Œuvre que les fondeme nts et limites du mandat devant faciliter l’instauration d’une
autonomie et d’une auto-administration.

Dans ce sens, la République bolivarienne du Venezuela tient à souligner que, même si
l’accord intérimaire pour la paix et l’autonomie au Kosovo n’est jamais entré en vigueur, plusieurs
paragraphes et articles du texte de cet accord confirment que le principe du respect de la

souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie doit constituer la
base du système d’auto-administration du Kosovo.

A cet égard, il convient d’appeler l’attenti on sur la déclaration contenue dans l’accord

intérimaire susmentionné, dans laquelle les part ies rappellent «l’attachement de la communauté
internationale à la souveraineté et à l’intégrité te rritoriale de la RFY». De même, le paragraphe 2
de l’article premier du cadre de l’accord indique que : - 3 -

«Les communautés nationales et leurs membres jouissent des droits
complémentaires énoncés au chapitrepremier. Les autorités du Kosovo, de la

Fédération et de la République ne doiven t pas entraver l’exercice de ces droits
complémentaires. Les communautés nationales sont juridiquement égales en vertu de
l’accord et ne doivent pas utiliser leurs droits complémentaires pour porter préjudice
aux droits d’autres communautés nationa les ou aux droits des citoyens, à la

souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédéra le de Yougoslavie ou
au fonctionnement du gouvernement démocratique représentatif au Kosovo.»

Dans le même temps, il y a lieu de rappeler que le respect de la souveraineté et de l’intégrité

territoriale de la Yougoslavie est expressément rappelé dans la partie d es accords de Rambouillet
consacrée au respect et au contrôle des frontières de la République fédéra le de Yougoslavie. En
effet, le paragraphe premier de l’articleVI du chapitre2 dispose que «[l]e Gouvernement de la
RFY maintiendra des points de passage officiels le long de ses frontières internationales (Albanie et

ARYM)», et le paragraphe 4 de l’article premier du chapitre 4 indi que que la République fédérale
de Yougoslavie «sera chargée de percevoir la totalité des droits de douane aux frontières
internationales du Kosovo».

Au vu des arguments qui précèdent, la Républi que bolivarienne du Venezuela conclut que la
référence aux accords de Rambouillet contenue à l’alinéa a) du paragraphe 11 de la résolution 1244
(1999) ne lie pas en elle-même ceux-ci aux ques tions d’autodétermination ou de sécession, mais
constitue seulement une orientation donnée à la pr ésence internationale civile quant au régime

juridique définissant la mise en Œuvre ainsi que les fondements et limites du mandat devant
faciliter l’instauration «d’une autonomie et d’une auto-administration substantielles». Aussi cette
référence ne constitue-t-elle pas une base juri dique justifiant un processus de sécession ou
d’indépendance des institutions provisoires de gouvernement autonome au Kosovo.

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