1.
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Questions relatives à l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal)
Réponse du Royaume de Belgique à la question posée par M. le juge Greenwood
Introduction
1. La question du juge Greenwood était formulée comme suit :
«S’agissant de l’argument selon lequel le Sénégal aurait violé l’obligation de
poursuivre ou d’extrader prévue par le dro it international coutumier, je vous saurais
gré :
1) de désigner les Etats ayant conféré compétence à leurs juridictions pour connaître
i) de crimes de guerre commis dans le cadre d’un conflit armé ne revêtant pas
un caractère international, et
ii) de crimes contre l’humanité,
lorsque le crime allégué a eu lieu hors de le urs frontières et que ni son auteur présumé
ni les victimes ne sont des ressortissants de ces Etats ;
2) de citer des exemples d’Etats ayant exercé leur compétence ou accordé l’extradition
en pareils cas ; et
3) de produire des éléments de preuve atte stant que des Etats s’estiment tenus par le
droit international de poursuivre ou d’extrader dans de telles circonstances.
Ma question porte exclusivem ent sur le droit internati onal coutumier et non sur les
mesures prises en application d’obliga tions conventionnelles telles que celles
découlant de la convention contre la torture.»
2. La Belgique a déjà fourni quelques élém ents de réponse à ces questions, dans son
er 2 3
mémoire du 1 juillet 2010 , et lors de ses deux tours de plaidoiries orales . Elle souhaite les
réitérer formellement. La Belgique voudrait cep endant apporter quelques compléments à ces
considérations.
3. Toutefois, avant de répondre plus en détail aux différents volets de la question de M. le
juge Greenwood, la Belgique estime nécessaire de formuler deux remarques introductives.
1 CR 2012/5, 16 mars 2012, p. 43.
2 Mémoire de la Belgique (MB), pars. 4.60-4.89.
3 CR 2012/3, 13 mars 2012, pp. 22-34 (David) et CR 2012/6, 19 mars 2012, pp. 32-35, pars. 18-25 (David). 2.
4. Premièrement, elle souhaite souligner, comm e elle l’a fait lors des plaidoiries orales,
qu’elle n’a pas l’intention, dans le cadre du différend qui l’oppos e au Sénégal, d’établir une
obligation générale et abstraite de poursuivre ou d’extrader pr évue par le droit international
4
général . Les observations qui suivent se limitent au présent différend et montrent que, dans
ses relations avec la Belgique, le Sénéga l a violé son obligation découlant du droit
international général de poursuivre Hissène Habré pour les crimes de guerre, les crimes contre
l’humanité et les crimes de génocide dont il est accusé. Cette obligation de poursuivre est, de
l’avis de la Belgique, solidement ancrée dans le droit international général.
5. Deuxièmement, dans l’affaire des Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c.
Italie ; Grèce (intervenant)), la Cour a dit :
«La Cour doit donc, conformément à l’alinéa b) du paragraphe1 de l’article38 de son
Statut, déterminer l’existence d’une ‘cou tume internationale comme preuve d’une
pratique générale acceptée comme étant le droi t’ conférant l’immunité à l’Etat et, le cas
échéant, quelle en est la portée et l’étendue . Elle appliquera pour ce faire les critères,
qu’elle a maintes fois énoncés, permettant d’ identifier une règle de droit international
coutumier. Ainsi qu’elle l’a claire ment indiqué dans les affaires du Plateau continental
de la mer du Nord , une ‘pratique effective’ assortie d’une opinio juris est en particulier
requise pour qu’existe une telle règle (Plateau continental de la mer du Nord (République
fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt,
C.I.J. Recueil 1969, p. 44, par. 77). » 5
6. Bien qu’il soit donc «bien évident que la substance du droit in ternational coutumier
doit être recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’ opinio juris des Etats » 6, il
n’est pas toujours ni possible, ni nécessaire d’établir une distinction aussi nette entre l’élément
matériel et l’élément psychologique de la coutume. La Cour a, dans le passé, établi l’existence
d’une opinio juris à travers l’existence d’une certaine pratique étatique en la matière . 7
7. Il en va en particulier ainsi en ce qui conc erne l’obligation de poursuivre dans le cadre
du droit international humanitaire. En effet, comme il a été noté dans l’étude du Comité
international de la Croix-Rouge sur le droit international humanitaire coutumier :
4 CR 2012/3, 13 mars 2012, p. 22, par. 1 (David).
5 Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt du 3 février 2012, par. 55.
6 Ibid. V. aussi Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne c. Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29, par. 27.
7 Délimitation de la frontière maritim e dans la région du golfe du Maine (Canada c. Etats-Unis d’Am, arrêt,
C.I.J. Recueil 1984, p.299, par.111; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique) , fond, arrêt, C.I.J. Recueil1986 , p.98, parImmunités juridicti onnelles de l’Etat
(Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt du 3 février 2012, par. 55. 3.
«Pendant la réalisation de cette étude, il a été extrêmement délicat – et dans une large
mesure théorique – de distinguer strictement les éléments releva nt de la pratique de ceux
découlant de la conviction juridique. La plupart du temps, un seul et même acte reflète à la
fois la pratique et la conviction juridiqu e. Comme l’a relevé l’Association du droit
international, la Cour internationale de justice ‘n’a pas en réalité déclaré explicitement que
le fait qu’il existe (ou existerait) des éléments distincts en droit coutumier entraînerait
qu’un même comportement ne puisse manifester les deux à la fois. Il est en réalité souvent
difficile, voire impossible, de démêler les deux éléments’ . Il en est tout particulièrement
ainsi parce que les actes verbaux sont considérés comme constitutifs de la pratique des
États, et reflètent souvent dans le même temps la conviction juridique de l’État
considéré. » 9
8. Ceci ne veut pas et ne pe ut pas signifier qu’il peut y avoir une règle internationale
coutumière sans qu’il soit nécessa ire d’établir l’existence de l’ opinio juris. Cela implique
seulement que la pratique et l’ opinio juris ne sont pas aussi nette ment et logiquement
distinctes qu’on pourrait le croire. L’une peut effectivement informer l’autre :
«Lorsqu’il existe une prati que suffisamment dense, elle reflète généralement une opinio
juris; il n’est donc, dans la plupart des cas, pas nécessaire de démontrer séparément
l’existence de cette dernière. En revanche, da ns certaines situations où la pratique est
ambiguë, l’opinio juris joue un rôle important pour établir si la pratique joue un rôle pour
la formation de la coutume. » 10
9. Sur la base de ces remarques, la Belgique va répondre aux trois parties de la question de
M. le juge Greenwood dans l’ordre où elles ont été posées :
- liste des Etats ayant compétence pour connaîtr e de crimes contre l’humanité et de
crimes de guerre commis dans un conflit armé n’ayant pas un caractère
international lorsque le crime a été co mmis à l’étranger et que la personne
soupçonnée d’en être l’auteur et sa victime sont étrangères à l’Etat du for (I.) ;
- exemples d’Etats ayant exercé leur compétence en pareils cas (II.) ;
- éléments prouvant que des Etats s’estime nt tenus par le droit international
coutumier de poursuivre ou d’extrader dans de telles circonstances (III.).
8
International Law Association, Final Report of the Comm ittee on the Formation of Customary (General) International
Law, Statement of Principles Applicable to the Formation of General Customary International Law, Report of the Sixty-
Haggenmacher, « La doctrine des deux élémen ts du droit coutumier dans la pratique de la Cour internationale », Revue
générale de droit international public, vol. 90, 1986, p. 5.
9 J.-M. Henckaerts et L. Doswald-Beck, Droit international humanitaire coutumier, vol.I: Règles, Bruylant, Bruxelles,
2008, p. LVIII.
10 Ibid. V. aussi J.-M. Henckaerts, «Customary InternationaHumanitarian Law: a res ponse to US Comments»,
International Review of the Red Cross , vol.89, n°866, juin2007, p.48Hence, the Study did not simply infer
opinion juris from practice. The conclusions that practice establishe d a rule of law and not merely a policy was never
based on any single instance or type of practice but was the result of all the relevant practice »). 4.
I. Etats ayant compétence pour connaître de crimes contre l’humanité et de crimes
de guerre commis dans un conflit armé n’ayant pas un caractère international
lorsque le crime a été commis à l’étranger et que la personne soupçonnée d’en
être l’auteur et sa victime sont étrangères à l’Etat du for
10. La Belgique constate qu’au moins 51 Etats ont incriminé dans leur loi nationale les
crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis dans un conflit armé n’ayant pas un
caractère international même si ces crimes ont été commis à l’étranger par des personnes qui
ne sont pas des ressortissants de ces Etats et même si les vic times ne sont pas non plus des
11
ressortissants de ces Etats . On peut regrouper ces Etats en deux catégories :
- les Etats conférant explicitement à leurs juridictions la compétence de poursuivre
les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis dans un conflit armé
n’ayant pas un caractère international (A.) ;
- les Etats conférant à leurs juridictions la compétence de poursuivre par référence
aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre visés par le Statut de Rome
(ce qui implique l’incrimination des crimes de guerre commis dans un conflit armé
n’ayant pas un caractère international) (B.).
Il faut noter que certaines législations prévoient si mplement la compétence des
tribunaux internes pour connaître de crimes pré vus par le droit international sans autre
précision (p. ex., El Salvador, code pénal 2010, art. 10). La Belgique n’a pas repris ces Etats
dans les deux listes ci-dessous étant donné l’ absence d’incrimination spécifique, soit des
«crimes contre l’humanité», soit des «crimes de guerre» commis dans un conflit armé
n’ayant pas un caractère international.
A. Etats conférant explicitement à le urs juridictions la compétence de
poursuivre les crimes contre l’humanit é et les crimes de guerre commis
dans un conflit armé n’ayant pas un caractère international
11.
1. Allemagne (Code de droit pénal international)
(http://www.iuscomp.org/gla/statutes/VoeStGB.pdf)
(Voir également Code pénal 1998) (http://www.iuscomp.org/gla/statutes/StGB.htm )
2. Arménie (Criminal Code 2003, articles 387 et suivants ; article 15)
(http://www.parliament.am/legislation.php?sel=show&ID=1349&lang=eng )
11
Voir notamment les recensements établis par le CICR (http://www.icrc.org/customary-ihl/eng/docs/home), par Amnesty
International (Universal Jurisdiction - A Preliminary survey of Legislation ar, London, Amnesty Int.
pratiques dans les 27 Etats membres de l’UE, Redress et FUDH, 2010, 284 p.)ns l’UE – Etude des lois et des 5.
3. Australie (Criminal Code Act, Chapitre 8, articles 268.1 et suivants)
(http://www.comlaw.gov.au/Details/C2011C00261)
4. Azerbaïdjan (Code pénal)
(http://www.legislationline.org/download/action/download/id/1658/file/4b…
058077132.htm/preview)
5. Belarus (Code pénal, art. 6, 128 et suivants) (http://www.icrc.org/ihl-
nat.nsf/WebLAW!OpenView&Start=1&Count=300&Expand=16.3.1#16.3.1)
6. Belgique (titre préliminaire du code de procédure pénale, art. 12 bis et code pénal, art. 136 ter
et 136quater)
7. Bosnie-Herzégovine (pour les définitions : Code pénal 2003, art. 172 et suivants)
8. Bulgarie (code pénal, art. 6 ; (http://www.icrc.org/ihl-
nat.nsf/6fa4d35e5e3025394125673e00508143/0254e69910d7aae8c12573b5004cecf8/$FILE/
Bulgaria-Penal-Code.pdf)
9. Burundi (Code Pénal 2009, art. 10, 196 et suivants ; http://www.oag.bi/spip.php?article733 )
10. Canada (Crimes against Humanity and War crimes Act 2000) (http://laws-
lois.justice.gc.ca/eng/acts/C-45.9/page-1.html#docCont)
11. Croatie (Code pénal 2003 ; art. 14, 157a et suivants)
(https://www.unodc.org/tldb/pdf/Croatia_Criminal_Code_Full_text.pdf )
12. Estonie (Code pénal 2007, sections 7 – 8)
(http://www.legislationline.org/download/action/download/id/1280/file/4d…
23e52cb8df.htm/preview)
13. Finlande (code pénal, Ch. 11, Crimes de guerre et crimes contre l’humanité)
(http://www.legislationline.org/documents/section/criminal-codes )
14. France (code pénal art. 212-1, art. 461-1 et suivants, code de procédure pénale, art. 689 et
suivants, lois n° 95-1 et n° 96-432 sur le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
12 13
(TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) – , ) ;
(http://perlpot.net/cod/penal.pdf)
(http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000742868 )
15. Kenya (International Crimes Act 2008)
(http://www.kenyalaw.org/kenyalaw/klr_app/frames.php )
16. Luxembourg (1999 International Tribunal Law, art. 2 ; comp. univ. limitée aux crimes contre
l’humanité commis en Ex-Yougoslavie et au Rwanda) (http://www.icrc.org/ihl-
nat.nsf/a24d1cf3344e99934125673e00508142/9eb9e843b646bdf5c1256a8000315dac!OpenD
ocument)
17. Malte (Code pénal 2005, Crimes contre l’humanité et crimes de guerre, art. 5, 54C et
suivants) (http://www.icrc.org/ihl-
nat.nsf/6fa4d35e5e3025394125673e00508143/6051b666d2bfffccc12570fb00518d43!OpenDo
cument)
18. Moldavie (Code pénal 2009, art. 11 (3), 137 et suivants),
(http://www.legislationline.org/documents/section/criminal-codes/country… )
12 Code de Procédure pénale, art. 689 : «Les auteurs ou cmplices d'infractions commise s hors du territoire de la
République peuvent être poursuivis et jugés par les juridic tions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions
du livre Ier du code pénal ou d'un autre texte législatloi française est applicable, soit lorsqu'une convention
internationale donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction. »
13 Code Pénal, art. 461-1 : «Constituent des crimes ou des déde guerre les infractions définies par le présent livre
commises, lors d'un conflit armé international ou non international et en relation avec ce conflit, en violation des lois et
coutumes de la guerre ou des conventions internationales applicables aux c onflits armés, à l'encontre des personnes ou
des biens visés aux articles 461-2 à 461-31 » 6.
19. Monténégro (Code pénal 2003, art. 137, 427 et suivants)
(https://www.unodc.org/tldb/pdf/Montenegro_Criminal_Code.pdf)
20. Norvège (War Crimes Law 1946, art. 1; General civil penal Code 2005, Ch. 16; General civil
Penal Code, sections 5 et 6) (http://www.ub.uio.no/ujur/ulovdata/lov-19020522-010-eng.pdf)
21. Pays-Bas (International Crimes Act 2003)
(http://www.google.be/url?sa=t&rct=j&q=the+netherlands+international+cri…
=web&cd=1&ved=0CDIQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.nottingham.ac.uk%2Fshared%
2Fshared_hrlcicju%2FNetherlands%2FInternational_Crimes_Act__English_.doc&ei=poVrT-
6lCKWm0QW6otTQBg&usg=AFQjCNG9EhokEmei5vN2Eql06LFuhY9IwQ)
22. Philippines (Crimes against International Law Act 2009; sections 3-6, 15, 17)
(http://www.icrc.org/ihl-
nat.nsf/6fa4d35e5e3025394125673e00508143/7857188a2b2bca66c12576b900297ccb!OpenD
ocument)
23. Pologne (Criminal Code, art. 110 (2), 113, 119-126) (http://www.icrc.org/customary-
ihl/eng/docs/v2_cou_pl_rule157)
24. République Tchèque (Code pénal 2009, sect. 401 et suivantes ; sect. 6 – 8)
B. Etats conférant à leurs juridictions la compétence de poursuivre par
référence aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre visés par
le Statut de Rome
12. Le Statut de Rome ne contie nt pas d’article équivalent à l’articl e 7 de la Convention
contre la torture. Il rappelle dans son préambul e le « devoir de chaque Etat de soumettre à sa
juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». A cet égard, les
modifications des législations na tionales indiquées ci-après ne peuvent pas être considérées
comme étant des « mesures prises en appli cation d’obligations c onventionnelles telles que
celles découlant de la convention contre la torture », mesures que M. le juge Greenwood
exclut de la portée de sa question. Par ailleurs, il convient de souligner que la liste reprise ci-
dessous est évolutive au regard du nombre croissant d’Etats de venant parties au Statut de
Rome.
1. Afrique du Sud (International Criminal Court Act 2002, sections 4 et 5)
(http://www.info.gov.za/gazette/acts/2002/a27-02.pdf)
2. Argentine (http://www.infoleg.gov.ar/infolegInternet/anexos/120000-
124999/123921/norma.htm)
3. Bolivie (Note : Bolivie est en train de préparer une loi mettant en Œuvre le Statut de Rome :
http://www.un.org/en/ga/sixth/65/ScopeAppUniJuri_StatesComments/Bolivia… )
4. Burkina Faso (http://www.iccnow.org/documents/Decret_n2009-894-
PRES_promulguant_la_loi_n052-2009-AN.pdf)
5. Cameroun (Manuel Militaire, p. 296, § 662) (Amnesty International p. 38 ;
http://www.icrc.org/customary-ihl/eng/docs/v2_cou_cm_rule157 ) 7.
6. Chypre (Rome Statute Ratification Law 2002 – http://www.adh-
geneva.ch/RULAC/pdf_state/Cyprus.pdf)
7. Costa Rica (Code Pénal 2003, art. 7, 378 et 379)
(http://www.pgr.go.cr/scij/busqueda/normativa/normas/nrm_repartidor.asp?…
Valor1=1&nValor2=5027&nValor3=68813&strTipM=TC)
8. Cuba (Code pénal 1987, art. 5; Amnesty International, p. 45 ; http://www.icrc.org/customary-
ihl/eng/docs/v2_cou_cu_rule157)
9. Danemark (Code pénal 2005, sect. 7 suivantes)
(https://www.unodc.org/tldb/pdf/Denmark_Criminal_Code_2005.pdf )
10. Espagne (Judiciary Law 2009, art. 23 (4))
(http://noticias.juridicas.com/base_datos/Admin/lo6-1985.l1t1.html#a23 )
11. Ethiopie (Code penal 2005, art. 17)
(http://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/70993/75092/F1429731028/E…
df)
12. Géorgie (Code pénal, art. 5, 408 et suivants)
(http://www.legislationline.org/documents/action/popup/id/16049/preview)
13. Lettonie (Criminal Law 2009, sections 4, 71, 74)
(http://www.legislationline.org/documents/section/criminal-codes )
14. Lituanie (Code pénal 2010, art. 5, 7, 100 et suivants)
(http://www3.lrs.lt/pls/inter3/dokpaieska.showdoc_l?p_id=366707 )
15. Mexique (Code pénal fédéral 2010, art. 6)
(http://www.pgr.gob.mx/Que%20es%20PGR/Documentos/CodigoPenalFederal.pdf )
16. Nicaragua (Penal Code 2008, art. 486-522)
(http://legislacion.asamblea.gob.ni/Normaweb.nsf/%28$All%29/1F5B59264A8F…
40005EF77E?OpenDocument)
17. Nouvelle Zélande (International Crimes and International Criminal Court Act 2000)
(http://www.legislation.govt.nz/act/public/2000/0026/latest/DLM63091.html )
18. Ouganda (International Criminal Court Act 2010, art. 18) (http://www.icrc.org/ihl-
nat.nsf/6fa4d35e5e3025394125673e00508143/764ecda109407b7bc12577bd0038b623!OpenD
ocument)
19. Panama (Code Pénal 2007, art. 19, 21, 432 et suivants)
(http://www.iccnow.org/documents/Panama_nuevo_codigo_penal2.pdf)
20. Portugal (Law no. 31/2004, art. 5, 9 et suivants) (http://www.icrc.org/ihl-
nat.nsf/a24d1cf3344e99934125673e00508142/6af0950f91cbc493c1256ef500419718!OpenDo
cument)
21. Samoa (International Criminal Court Act 2007, sections 6, 7, 13 (d))
(http://www.paclii.org/ws/legis/consol_act_2010/icca2007303/ )
22. Sénégal (Loi n°06/2007 modifiant le Code Pénal, Art. 431-2 et suivants)
(http://www.icrc.org/ihlnat.nsf/6fa4d35e5e3025394125673e00508143/2312e92…
57292005578af!OpenDocument)
23. Slovénie (Code pénal 2008, art. 11, 13, 100 et suivants)
(http://www.wipo.int/wipolex/en/text.jsp?file_id=180880 )
24. Suisse (Code pénal 2011, art. 6) (http://www.admin.ch/ch/e/rs/c311_0.html )
25. Timor-Leste (Code pénal art. 8, e)
(http://www.laohamutuk.org/econ/corruption/CodigoPenalEn.pdf )
26. Trinité-et-Tobago (International Criminal Court Act 2006, section 8)
nat.nsf/6fa4d35e5e3025394125673e00508143/2bbdd7c1affd8d7bc1257563005c8833/$FILE/I
nternational%20Criminal%20Court%20Act.pdf)
27. Uruguay (Law No. 18.026 on Cooperation with the International Criminal Court in respect of
the struggle against genocide, war crimes and crimes against humanity, art. 4.2)
(http://pdba.georgetown.edu/Security/citizensecurity/uruguay/leyes/lesah…
II. Exemples de cas de poursuites pour crimes contre l’humanité et/ou crimes de
guerre commis dans un conflit armé n’ayan t pas un caractère international
lorsque le crime a été commis à l’étranger et que la personne soupçonnée d’en
être l’auteur et sa victime sont étrangères à l’Etat du for
13. A la connaissance de la Belgique, il ex iste une demi-douzaine d’affaires où les
tribunaux de certains pa ys ont jugé des étrangers pour « crimes contre l’humanité» ou pour
«crimes de guerre» commis dans un conflit ar mé n’ayant pas un cara ctère international.
Dans chacun de ces cas, ces crimes avaient été co mmis à l’extérieur de l’Etat du for et, ni les
victimes, ni les personnes soupçonnées de ces cr imes n’étaient des ressortissants de cet Etat.
Ces affaires sont présentées ci-dessous dans l’ordre chronologique.
14. Hongrie
- Cour constitutionnelle, 13 octobre 1993
La Cour constitutionnelle de Hongrie devait se prononcer sur la constitutionnalité
d’une loi proclamant l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
La Cour assimile les violations de l’article 3 commun à des infractions pénales, les qualifie de
crimes contre l’humanité et conclut qu’elles sont imprescriptibles :
“The activities enumerated in common articl e 3 of the Geneva Conventions constitute
crimes against humanity and they contain those minimal requirements which every
State Party in an armed conflict is obligated to comply with and which are "at any time
and in any place" are (sic) prohibited […]
[…]
the statute of limitation for the punishment of the activities enumerated in common
article 3 of the Geneva Conventions does not expire either; in case these offences do
not fall within the category of war crimes defined by article I (a) of the New York
Convention [the 1968 UN Convention on th e Non-Applicability of Statutory
Limitations to War Crimes and Crimes agains t Humanity] - either with respect to the
scope of protected persons or because of the manner of the commission of the act - 9.
they would be unavoidably covered by the non-applicability of statutory limitations
14
requirement imposed by article I (b) of the Convention on crimes against humanity.”
Bien qu’il ne s’agisse pas stricto sensu d’un exemple jurisprudentiel de poursuites pour
crimes de guerre commis dans un conflit armé n’ayant pas un caractère international, cet
exemple est repris parce qu’il constitue une forme de reconnaissance que ces faits sont des
crimes tombant sous le coup de l’article 3 commun aux Conventions de Genève.
15. Suisse
- Tribunal militaire de division 1, G., 14-18 avril 1997
G., un Bosniaque serbe est poursuivi deva nt un tribunal militair e suisse pour des
violations des 3 e et 4 Conventions de Genève (e.a., l’art 3 commun), du 1 erProtocole
additionnel et du 2 e Protocole additionnel (art. 4, 5 et 13) (jugement, p. 1). Ces faits
auraient été commis dans les camps de Kera term et d’Omarska en Bosnie-Herzégovine.
Le Tribunal acquitte le prévenu pour preuves insuffisantes ma is il ne conteste pas la
qualification des préventions. On lit dans le jugement :
- «Dans le cadre de ce conflit global [en ex-Yougoslavie], divers conflits armés
internes ont éclaté, dont le conflit entre Bosniaques » (jugement, p. 2)
- «le champ d'application des art. 109 ss CP M [code pénal militaire] s'étend à tous
les conflits armés. […] Ainsi, dès lors que les faits reprochés à l'accusé, s'ils étaient
réalisés, constituent des violations des lois de la guerre au sens de l'art. 109 CPM,
le tribunal de céans est par conséquent compétent. » (jugement, p. 6)
- Cour militaire de cassation, Niyonteze, 27 avril 2001
F. Niyonteze, «ressortissant rwandais résidant en Suisse comme ré fugié» (arrêt, p. 1),
avait été condamné le 30 avril 1999 par le Trib unal militaire de division 2 à une peine de
réclusion à vie, notamment, pour «infractions graves aux prescriptions des conventions
internationales sur la conduite de la guerre ainsi que pour la protection de personnes et de
biens (art. 109 CPM) » (ibid.); le Tribunal militaire d’appel avait confirmé la culpabilité
de l’accusé pour « infractions graves aux prescriptions des conventions internationales sur
la conduite de la guerre ainsi que pour la protection de personnes et de biens (art. 109
CPM)» et réduit la peine à 14 ans de réclusion ( ibid.). L’arrêt de cassation confirme
l’essentiel de l’arrêt d’appel. Il observe notamment
14
Texnat.nsf/39a82e2ca42b52974125673e00508144/e781668ba0b17804c1256b220039e303!OpenDocument 10.
« que les "prescriptions de conventions internationales sur la conduite de la guerre
ainsi que pour la protection de personnes et de biens" qui s'appliquent aux conflits
de caractère non internati onal - lesquelles ont donc un champ d'application plus
étendu que celles des conventions applicab les aux seuls conflits internationaux -
sont aussi visées par l'art. 109 al. 1 CPM. » (ibid., p. 3)
L’arrêt de cassation constate également que
- «Le jugement attaqué se réfère à l' art. 3 commun aux quatre Conventions de
Genève conclues le 12 août 1949 » (ibid.) ;
- «l'auteur étranger de violations des lois de la guerre, qui a agi à l'encontre de
personnes étrangères, dans le cadre d'un conflit de caractère non international sur
le territoire d'un Etat étranger, peut être poursuivi et condamné par des juridictions
suisses en application de l'art. 109 CPM […] » (ibid., p. 5) ;
- «Les tribunaux militaires sont compéten ts, l'art. 218 CPMprévoyant que toute
personne à laquelle le droit militaire esta pplicable est justiciable des tribunaux
militaires (al.1), aussi lorsque l'infraction a été commise à l'étranger (al.2)»
(ibid.) ;
- «Il n’est pas davantage contesté […] que s'est déroulé au Rwanda, au cours des
mois d’avril à juillet 1994, un conflit armé de caractère non inte rnational au sens
de l'art. 3 commun, lequel est survenu sur le territoire de ce pays entre les forces
armées gouvernementales (les Forces armées rwandaises - FAR) et les forces
dissidentes (le Front patriotique rwandais - FPR); ce conflit répond également à la
définition de l'art. 1 du Protocole II. » (ibid.) ;
- « l'accusé remplissait les conditions requises pour tomber, comme auteur des
infractions, sous le coup de l'art. 3 commun et des normes du Protocole II. » (ibid.,
p. 23).
15
16. Pays-Bas
- Cour d’appel, La Haye, 29 janv. 2007
Un Afghan, chef du service afghan des renseignements militaires – le Khad-e-Nezami
– entre 1979 et 1989 avait été condamné par un tribunal néerlandais en 1 einstance, le 14
octobre 2005, notamment sur la base de l’ar ticle 3 commun aux Conv entions de Genève, à
une peine de 9 ans de prison pou r des faits de violence et de torture commis contre sept
personnes. Dans son appel, le prévenu invoqua it notamment le fait que les Conventions de
Genève ne prévoyaient pas de compétence de poursuivre ou d’extrader pour des violations de
l’article 3 commun. Son raisonnement était le suivant :
15
Textejeusgements in http://zoeken.rechtspraak.nl/Default.aspx 11.
“in the present case, the Dutch criminal legi slations lacks (unive rsal) jurisdiction if,
during the period charged, this would con cern a non-international armed conflict to
which ‘only’ the common article 3 of th e Geneva Conventions applies. These
conventions (or other provisions pertaining to international law) do not offer universal
criminal jurisdiction with regard to violations of those articles; establishment of such a
jurisdiction needs an authorization pertaining to international law which can neither be
found in the unwritten legislation pertaining to international law, as was also stated by
the Yugoslavia Tribunal (IC TY) in its Tadic decision of October 2, 1995. In the
opinion of the defence the issue in Afghanistan was at the time, in any case in as far as
important to the practices suspect is ch arged with, not a non- international armed
conflict. Therefore the public prosecutions department, who ar e exercising their
authority to prosecute contrary to international law, should be declared non-admissible
in that prosecution” (arrêt, § 5.1, a)
La Cour d’appel commence par constater que, dans les années 80, un conflit armé
n’ayant pas un caractère international se dér oulait en Afghanistan, malgré l’intervention
armée de l’URSS :
“With relation to the nature of the conflict, the court of appeal, as was the court, is
together with the defence and (more implicitly) the public prosecutions department, of
the opinion that the combat in Afghanistan during the eighties of the last century
primarily concerned a non-international armed conflict taking place between the
regime in Kabul and the ´Mujahedin´ who – al so armed - rebelled against that. It is
true that this regime was al so supported by Russian advi sors and parts of the army
(who also participated in the battles), but in the judgment of the court of appeal does
not negatively affect the primarily non-international character of the combat.” (arrêt, §
5.3)
La Cour d’appel constate ensuite que le droi t néerlandais confère à ses juridictions la
compétence de poursuivre d’autres crimes de guerre que les «infractions graves» aux
Conventions de Genève, mais que ceci est conf orme à un développement du droit basé sur le
droit conventionnel adopté après la 2 guerre mondiale. La Cour dit, notamment :
“[…] our country has an exceptional posi tion not only because it penalizes ‘grave
breaches’, but also less serious violations, with universal jurisdiction. Support for the
establishment of secondary universal jurisdiction (not trial by default) may however be
found in the development of the conventional law after the Second World War, as this
is represented in separate points of view of judges in the d ecision of the ICJ on
February 14, 2002 in the case Yerodia (Congo vs Belgium). […]
The court moreover establishes, with regard to the history of the formation of the
Criminal War Act, that – as analyzed by th e Supreme court in its Knesevic II ruling –
the legislator at the time had the absolute intention to fully comply with the
conventional obligation of th e Geneva conventions. The main thought then was – as
has to be admitted to the defence – especially the obligation to penalize “grave
breaches, which against the background of th e then very recent worldwide conflict 12.
should not be surprising. From the verbal treatment of the legi slative proposal (pp.
2247 and 2251) it however also becomes clear th at (also at that time) the possibility
was kept open that crimes committed in a non-international armed conflict (this was
about the coup d’état in Bolivia) would be dealt with in this country. Whatever it may
be: the court of appeal concludes from th e following legal grounds in the latter ruling
of the Supreme court that it should be accepted that also in case of violations of the
common article 3 there is jurisdiction.
6.1 In the disputed ruling, the Court of A ppeal has obviously based itself on the fact
that the offences described and further deta iled in the […..] demand referred to, if
proven, are acting contrary to the comm on art. 3 of the Red Cross Geneva
Conventions of 1949 and on the ba sis thereof result in the crime described in art. 8
WOS [Wet Oorlogsstrafrecht, the Dutch Wartime Offences Act].” (Arrêt, §§ 5.4.3-6.1)
- Cass. néerl., 8 juillet 2008
Les faits sont similaires à la précédente a ffaire: il s’agissait aussi d’un membre du
service afghan des renseignements militaires poursuivi aux Pays-Bas pour des faits de torture.
Il avait été condamné en degré d’appel, le 29 juillet 2007, à 12 ans de prison pour torture et
avoir autorisé un subordonné à violer les lois et coutumes de la guerre.
La Cour de cassation commence par constater que les violations de l’article 3 commun
sont incriminées par le WOS :
“It should be noted at the outset that since the entry into force of the Convention, acts
in breach of article 3 of the Convention [the 4 thGC] have constituted the crime
described in section 8 of the Wartime Offen ces Act and that in such a case - pursuant
to the decision of the Supreme Court of 11 November 1997, LJN ZD0857, NJ 1998,
463 - the Dutch courts are entitled under sec tion 3 (old) of the Wartime Offences Act
to exercise what is termed universal jurisdiction.” (arrêt, § 6.2)
En ce qui concerne plus spécifiquement l’argument de l’accusé disant que la torture
“was not a criminal offence in the case of an internal armed conflict” (arrêt, § 10.1), la Cour
répond :
“the offence of violating the laws and cust oms of war as created in section 8 of the
Wartime Offences Act should be understood as including the offence of acting in
breach of Article 3 of the Convention [4 thGC], including the commission of acts of
physical violence, cruel treatment and tortur e against the persons listed there in an
internal armed conflict, which criminal liability came into effect when the Convention
entered into force.” (arrêt, § 10.2) 13.
17. Canada
- Cour supérieure, chambre criminelle, 22 mai 2009, Munyaneza
L’accusé, Désiré Munyaneza, est un citoyen rwandais poursuivi au Canada pour
«génocide, crimes contre l’humanité et crim es de guerre» (jugement, §§ 68 ss., 108 ss. 129
ss.), commis au Rwanda d’avril à juillet 1994. Sans entrer dans le détail de ce jugement de
200 pages, on retiendra que l’accusé est reconnu coupable, entre autres, de «crimes contre
l’humanité » et de « crimes de guerre » (ibid., §§ 2083-2089).
En ce qui concerne les crimes de guerre , la chambre affirme sa compétence pour
connaître de tels crimes commis dans un confli t armé n’ayant pas un ca ractère international.
Elle déclare :
«Pour qu'il y ait crime de guerre dans un conflit armé non international, la victime
doit être une personne protégée qui ne pre nd pas part directement aux hostilités, une
personne civile, une personne qui a déposé les armes ou a été mise hors de combat.
Cette personne est protégée en vertu de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève de 1949 et aux Protocoles de 1978. » (ibid., §§ 153 s.)
L’accusé est condamné à la prison à perpét uité (Cour supérieure, chambre criminelle,
29 octobre 2009).
*
18. Cette pratique jurisprudentielle qui ne reprend pas la pratique de la Belgique déjà citée
en plaidoirie 16reflète la pratique des Etats en ce qui concerne l’obligat ion de poursuivre.
Même si la Belgique ne peut pas prétendre à l’exhaustivité, il n’en reste pas moins qu’elle ne
peut mentionner aucun exemple d’affaire où un tribunal interne aurait refusé, soit de connaître
de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre commis dans un conflit n’ayant pas un
caractère international, soit d’extrader la personne soupç onnée pour une ra ison en rapport
avec le caractère interne du conflit ou avec l’extranéité du fait, de l’auteur ou de sa victime.
Les Etats n’ont quasiment jamais objecté à l’exercice de cette compétence . 17
16 CR 2012/6, 19 mars 2012 (David), § 24, note 75.
17 Cf. Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt du 3 février 2012, par. 72. 14.
III. Eléments de preuve que les Etats po ursuivent les personnes soupçonnées des
crimes précités parce qu’ils s’estiment tenus de le faire en vertu du droit
international coutumier
19. M. le juge Greenwood demande à la Belgi que de lui apporter de s éléments attestant
que les Etats «s’estiment tenus» de poursuivre les auteurs présumés des crimes précités en
vertu du droit international coutumier. La Be lgique commencera par préciser comment elle
comprend le mode de formation de la coutume ( A.). Elle examinera en suite les preuves de
l’obligation coutumière de poursuivre ou d’ex trader la personne s oupçonnée d’un crime de
guerre ou d’un crime contre l’humanité (B.).
A. Le mode de formation de la coutume
20. Outre ce qui a déjà été dit dans l’introduction (supra §§ 2-8), on notera que, parmi les
règles de droit international que la Cour applique, l’article 38, § 1, b, du Statut de la Cour cite
la coutume «comme preuve d’une pratique gé nérale, acceptée comme étant de droit». En
réalité, «la coutume internationale est prouvée par la pratique et non l’inverse» 18, ainsi que
la Cour l’a elle-même reconnu lorsqu’elle dit qu e la présence de règles coutumières «dans
l’opinio juris des Etats se prouve par voie d’induction en partant de l’analyse d’une pratique
19
suffisamment étoffée et convaincante» . Dès lors que la législa tion d’au moins 51 Etats a
conféré aux juridictions inte rnationales la compétence de poursuivre les crimes contre
l’humanité et les crimes de guerre tels que ceux visés par M. le juge Greenwood (crimes
commis à l’extérieur de l’Etat du for par des étrangers contre des étra ngers dans un conflit
armé n’ayant pas un caractère international), il est démontré l’existence d’une pratique
importante et croissante relative à la compétence précitée.
21. La Belgique tient également à préciser que la coutume peut être générale, régionale ou
locale. La Cour a admis qu’une coutume pouvait « se constituer entre deux Etats seulement »
20
. Ce point doit être rappelé dans la mesure où la Belgique estime que l’obligation de
18 Dictionnaire de droit international public, dir. par J. Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 283.
19 Golfe du Maine, CIJ, Rec. 1984, p. 299, § 111.
20 Droit de passage en territoire indien, CIJ, Rec. 1960, p. 39. 15.
poursuivre ou, à défaut, d’extrader s’applique à l’ensemble des Et ats et, en particulier, dans
les relations mutuelles du Sénégal et de la Belgique (infra § 37).
B. Les preuves de l’obligation coutumiè redepoursuivreoud’extraderla
personne soupçonnée d’un crime de guerre ou d’un crime contre
l’humanité
22. Les preuves démontrant que les Etats se considèrent liés par une obligation coutumière
de poursuivre ou d’extrader la personne soupçonnée d’un crime de guerre ou d’un crime
contre l’humanité sont diverses. Ce «sentiment» dans le chef des États «de se conformer à
21
ce qui équivaut à une obligation juridique» trouve une traduction dans des résolutions de
l’Assemblée générale des Nations Unies ( 1.) et dans des textes conventionnels qui
apparaissent comme l’expressi on d’une règle coutumière ( 2.); l’obligation de poursuivre
découle aussi de l’obligation de lutter contre l’impunité (3.) et de l’obligation de contribuer au
maintien de la paix et de la sécurité internationales ( 4.). Ce ‘sentiment’ découle ensuite des
interventions d’Etats à l’occa sion des travaux de la sixièm e Commission de l’Assemblée
générale des Nations Unies sur «La Portée et l’applicati on du principe de compétente
universelle » (5.). Enfin, la doctrine estime aussi que poursuivre ou extr ader une personne
soupçonnée d’un crime de guerre ou d’un crim e contre l’humanité est une obligation
coutumière (6.).
1. L’obligation de poursuivre ou d’extrader dans les résolutions pertinentes de
l’Assemblée générale des Nations Unies
23. Dans son avis sur la licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires (1996),
la Cour reconnaît
"que les résolutions de l'Assemblée générale, même si elles n'ont pas force obligatoire,
peuvent parfois avoir une valeur norma tive. Elles peuvent, dans certaines
circonstances, fournir des éléments de preuve importants pour établir l'existence d'une
règle ou l'émergence d'une opinio juris. Pour savoir si cela est vrai d'une résolution
donnée de l'Assemblée générale, il faut en examiner le contenu ainsi que les
conditions d'adoption, il faut en outre vérifier s'il existe une opinio juris quant à son
caractère normatif. Par ailleurs, des résolutions successives peuvent illustrer
21
Plateau continental de la mer du Nord (Républiquefédérale d’Allemagne/Danema rk; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 44, par. 77. 16.
l'évolution 22ogressive de l'opinio juris nécessaire à l'établissement d'une règle
nouvelle."
24. La Cour a, à plusieurs reprises, cons idéré que les résolutions de l’Assemblée
exprimaient l’opinio juris des États et s’est ainsi appuyée sur des résolutions de l’Assemblée
pour reconnaître l’existe nce d’une règle coutumière dans le sens de l’article38(1)(b) du
Statut de la Cour :
- A propos du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé par la résolution
1514 (XV), la Cour dit que cette résolution de l’Assemblée générale
« a été à la base du processus de décolonisation qui s'est traduit, depuis 1960, par
23
la création de nombreux Etats, aujourd'hui Membres des Nations Unies. »
- A propos de la Déclaration sur les relati ons amicales et la coopération entre les
Etats (Résolution 2625 (XXV), 24 octobre 1970), la Cour dit :
"le fait que les Etats ont adopté ce te xte fournit une indication de leur opinio juris
sur le droit international coutumier en question." 24
- A propos de la résolution 3314 (XXIX) définissant l'agression et assimilant à celle-
ci l'envoi de bandes armées par un Etat contre un autre Etat, la Cour dit que :
"cette description qui figure à l'art. 3, al. g, de la définition de l'agression annexée à
la résolution 3314 (XXIX) [...] peut être considérée comme l'expression du droit
25
international coutumier."
25. En ce qui concerne plus précisément l’obligation de poursuivre une personne
soupçonnée d’un crime de guerre ou d’un crim e contre l’humanité, les résolutions de
l’Assemblée générale expriment très claireme nt la conviction des Etats qu’il s’agit d’un
obligation juridique imposée par le droit international. La Belgique a invoqué plusieurs
résolutions de l’Assemblée généra le qui énoncent sous une forme normative l’obligation à
22 Avis cons. du 8 juillet 1996, CIJ, Rec. 1996, p. 255, § 70.
23 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 31, § 57. V. aussi Conséquences juridiques pour les Etats de
la présence continue de l'Afrique du Sud en Namib(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52.
24 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1986, p. 101, § 191; voy. aussi ibid., p. 100, § 188; voy. aussi THIERRY, H., "Cours général de droit
international public", RCAD1, 1990, III, T. 222, p. 37.
25 Activités militaires..., loc. cit., p. 103, § 195. 17.
charge des Etats de poursuivre les auteurs de cr imes de guerre et de crimes contre l’humanité
26
. Ainsi, la résolution 2840 (XXVI) («Question du châtiment des criminels de guerre et des
individus coupables de crimes contre l’humanité ») dispose que
« L’Assemblée générale […]
« 1. Demande instamment à tous les Etats d’appliquer les résolutions pertinentes de
l’Assemblée générale et de prendre les me sures nécessaires, conformément au droit
international, en vue de la prévention, aussi bien pour le présent que pour l’avenir, des
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et en vue du châtiment de tous les
individus coupables de tels crimes, notamment par leur extradition dans les pays où ils
ont commis leurs crimes ;
[…]
4. Affirme que le refus de la part d’un Etat de coopérer en vue de l’arrestation, de
l’extradition, du jugement et du châtiment d’individus coupables de crimes de guerre
et de crimes contre l’humanité est contraire aux buts et a ux principes de la Charte des
Nations Unies et aux normes généralement reconnues du droit international »
(soulignements ajoutés)
Cette résolution a été adoptée sans vote contraire, le 18 décembre 1971, par 71 voix
27
contre zéro, avec 42 abstentions . Les Etats qui se sont abste nus ont évoqué des problèmes
28 29 30
de définition des crimes en cause , de droit interne , et de prescription . Aucun n’a
contesté l’obligation de coopérer pour l’extradition ou le jugement des auteurs de crimes de
guerre et de crimes contre l’humanité. Il y a donc bien consentement des Etats à l’obligation
de répression énoncée par la résolution.
26. La résolution 3074 (XXVIII) dispose :
« 1. Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, où qu'ils aient été commis et
quel que soit le moment où ils ont été commis, doivent faire l'objet d'une enquête et les
individus contre lesquels il existe des pre uves établissant qu'ils ont commis de tels
crimes doivent être recherchés, arrêtés, tr aduits en justice et, s'ils sont reconnus
coupables, châtiés.
[…]
5. Les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu'ils ont commis des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité doivent être traduits en justice et, s'ils
sont reconnus coupables, châtié s, en règle générale, dans les pays où il s ont commis
26
27 CR 2012/3, 13 mars 2012, p. 24, par. 7 (David).
A/PV.2025, p. 10.
28 Ibid., France ; A/C.3/SR. 1902, Philippines, § 79.
29 A/C.3/SR. 1902, Chili, § 78.
30 Ibid., Norvège, § 80. 18.
ces crimes. A cet égard, les Etats coopèrent pour tout ce qui touche à l'extradition de
ces individus.
[…]
7. Conformément à l'article premier de la Décl aration sur l'asile territorial, en date du
14 décembre 1967, les Etats n'accordent pas l'asile à des individus dont on a de
sérieuses raisons de pe nser qu'ils ont commis un crime contre la paix, un crime de
guerre ou un crime contre l'humanité.
[…] » (soulignements ajoutés)
Cette résolution a, aussi, été adoptée sans vote contraire, le 3 décembre 1973, par 94
31
voix contre zéro, avec 29 abstentions . Comme lors de l’adoption de la rés. 2840 (XXVI),
aucun Etat n’a contesté l’obligation de poursuit e ou de coopération aux fins d’extradition.
Les abstentions s’expliquent par le rejet d’un amende ment favorable à l’asile 3, et selon
certains Etats, le manque de définition des crimes visés . 33
Un auteur écrit à propos de ces résolutions :
"Their weight in the formati on of a customary obligation to extradite or prosecute is
remarkably strong, especially given that no state voted ag ainst the resolutions and the
reasons for abstention were34ot concerned with the recognition of an obligation to
extradite or prosecute.”
2. L’obligation de poursuivre ou d’extrade r dans les textes conventionnels qui
apparaissent comme l’expression d’une règle coutumière
27. Les Conventions de Genève de 1949 (qui lie nt le Sénégal et la Belgique, depuis,
respectivement, le 18 mai 1963 et le 3 septembr e 1952) et le Statut de la Cour pénale
internationale (CPI) (qui lie le Sénégal et la Belgique, depuis, respect ivement, le 2 février
1999 et le 28 juin 2000) incriminent les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité et
exigent leur répression par les Etats parties à ces instruments. L’incrimination des crimes de
guerre figure à l’article comm un 50/51/130/147 des quatre Conventions de Genève et à
l’article 8 du Statut de la CPI. L’obligation de s Etats de réprimer ces crimes est énoncée dans
les Conventions de Genève à l’article commun 49/50/129/146 et dans le préambule du Statut
de la CPI (considérants 4-6).
31 A/PV.2187, p. 8.
32 Ibid., pp. 1-8, passim.
33 Koweït, A/C.3/SR.2021, 9 nov. 1973, § 33; Qatar, Oman, Cameroun, Bahreïn, Botswana, Espagne, Nigeriaid.,
SR.2022, 9 nov. 1973, § 12 ; Argentine, A/PV.2187, 3 déc. 1973, § 33.
34 VAN STEENBERGHE, R., "The Obligation to Extradite or Prosecute : Clarifying its Nature", Journal of International
Criminal Law, 2011, p. 1100. 19.
Comme la Belgique l’a écrit dans son mémoire 35 et l’a dit en plaidoirie 36, les
Conventions de Genève et le Statut de la CPI sont l’expression de règles coutumières :
- La Cour a rappelé que les Conventions de Genève énonçaient des «règles
fondamentales» qui «s’imposent […] à t ous les Etats, qu'ils aient ou non ratifié
les instruments conventionnels qui les expriment, parce qu'elles constituent des
37
principes intransgressibles du droit international coutumier » ;
- En ce qui concerne le Statut de la CPI, le TPIY a dit que « le Statut de Rome peut,
d’une manière générale, être considér é comme une expressi on des conceptions
38
juridiques d’un grand nombre d’États qui fait autorité » .
3. L’obligation de poursuivre ou d’extrader comme conséquence de l’obligation de lutter
contre l’impunité
28. Das nosnémoire 39 et dans ses plaidoiries orales 4, la Belgique a montré que la
centaine de résolutions du Conse il de sécurité appelant les Etats à lutter contre l’impunité
confirmait très largement l’obligation des Etat s de poursuivre l’auteur d’un crime de guerre
ou d’un crime contre l’humanité. Pour ne c iter qu’un exemple, à l'occasion du Sommet du
Millénaire, le Conseil de sécurité
« Souligne que les auteurs de crimes contre l'humanité, de crimes de génocide, de
crimes de guerre et d'autres violations graves du droit international humanitaire
doivent être traduits en justice » 4.
35
36 MB, § 4.74.
CR 2012/3, 13 mars 2012, pp. 29-30, par. 20 (David).
37 Légalité d’emploi des armes nucléaires, avis, CIJ, Rec. 1996, p. 257, § 79.
38 TPIY, affaire IT-95-17/1-T, Furundzija, 10 décembre 1998, par. 227 ; dans le même sens, id., affaire IT-94-1- A, Tadic,
15 juillet 1999, par. 223.
39 MB, § 4.69.
40
41 CR 2012/3, 13 mars 2012, p. 24, par. 8 (David).
S/RES/1318, 7 sept. 2000, VI. 20.
4. L’obligation de poursuivre ou d’extrader comme conséquence de l’obligation de
contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales
29. Les graves violations des droits humains commises en ex-Yougoslavie à partir de
1991 et au Rwanda en 1994 ont conduit à la créa tion par le Conseil de sécurité du TPIY 42et
du TPIR . Le préambule des résolutions du Conseil contenant les statuts des deux tribunaux
dispose en termes similaires que ces situations de violations des droits humains caractérisées
par des « tueries massives », des « viols massifs », du « nettoyage ethnique » 4, « des actes de
génocide et d’autres violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international
humanitaire » 45menacent « la paix et la sécurité internationales » . 46
On lit dans le préambule de la résolution 827 :
« Le Conseil de sécurité,
[…]
Se déclarant une nouvelle fois gravement alarmé par les informations qui continuent
de faire état de violations flagrantes et généralisées du droit humanitaire international
sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et spéci alement dans la République de Bosnie-
Herzégovine, particulièrement celles qui font état de tuerie s massives, de la détention
et du viols massifs et organisés et systéma tiques des femmes et de la poursuite de la
pratique du ‘nettoyage ethnique’, notamment pour acquérir et conserver du territoire,
Constatant que cette situation continue de cons tituer une menace à la paix et à la
sécurité internationales,
Résolu à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les
personnes qui en portent la responsabilité soient poursuivies en justice,
[…] »
Le préambule de la résolution 955 énonce de manière analogue :
« Le Conseil de sécurité,
[…]
Se déclarant de nouveau gravement alarmé par les informations selon lesquelles des
actes de génocide et d’autres violations fl agrantes, généralisées et systématiques du
droit international humanitaire ont été commises au Rwanda ;
Constatant que cette situation continue de fair e peser une menace sur la paix et la
sécurité internationales,
Résolu à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les
personnes qui en sont responsables soient traduites en justice,
42
43 S/RES/827, 25 mai 1993.
S/RES/955, 8 novembre 1994.
44 S/RES/827, 25 mai 1993, préambule, considérants 3.
45 S/RES/955, 8 novembre 1994, préambule, considérant 4.
46 S/RES/827, 25 mai 1993, préambule, considérant 4 ; S/RES/955, 8 novembre 1994, préambule, considérant 5. 21.
[…] »
Lors des débats au sein du Conseil de sécurité à l’occasion de l’adoption de la résolution 955,
certains Etats ont fait le lien entre les crimes commis au Rwanda et l’existence d’une menace
à la paix et la sécurité internationales. A titre d’exemple, la France a affirmé que :
«Du fait en particulier de leur gravité, les exactions entrant dans la compétence du
tribunal constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales, qui justifie
le recours au Chapitre VII de la Charte. […] Il appartiendra au tribunal lui-même de
déterminer les cas auxquels il sera approp rié qu’il s’attache. Les autres suspects
resteront du ressort des juridictions nationales du Rwanda ou d’autres Etats. » 47
De même, la Chine, en condamnant «les crim es portant atteinte au droit humanitaire
international, y compris les actes de génocide », a affirmé ce qui suit :
«La Chine soutient qu’il faut traduire en justice les responsables de tels crimes. La
création d’un Tribunal intern ational pour poursuivre les personnes présumées
responsables de crimes qui violent gravem ent le droit international humanitaire […]
n’est qu’un complément de la juridiction criminelle nationale et de la pratique actuelle
48
de juridiction universelle sur certains crimes internationaux. »
Dans la mesure où les buts des Nations Unie s consistent à «mainte nir la paix et la
sécurité internationales » (Charte, art. 1, § 1) ainsi qu’à dé velopper et encourager « le respect
des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Charte, art. 1, § 3), la Belgique estime,
donc, qu’il existe un lien juridique en tre, d’une part, le maintien de la paix et de la sécurité
internationale, d’autre part, la répression des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
47 S.PV. 3453, 8 novembre 1994, p. 3. Vo y. aussi la position du Pakistan qui a souligné que la résolution ««établit
clairement que les violations flagrantes et systématiques du droit international humanitaire constituent une menace à la
paix et à la sécurité internationales» ( ibid., p. 10). De même, selon l’«La communauté internationale ne
saurait rester indifférente face à de tels actes. Ct pas seulement le peuple rwadais qui est touché par des
violations aussi graves des droits de l’homme et des valeurs f ondamentales de l’humanité, c’est aussi la communauté
internationale tout entière. C’est pourquoi, pour la deuxième fois dans son histoire, le Consei l de sécurité, agissant en
vertu du Chapitre VII de la Charte, a créé un organe juridictionnel […] pour prononcer des jugements dans des cas aussi
graves. » (p. 12).
48 Ibid., p. 11. 22.
5. L’obligation de poursuivre ou d’extrader dans le cadre des travaux de la sixième
Commission de l’Assemblée générale sur « la portée et l’application du principe de
compétence universelle »
30. Lors des travaux de la sixième Commission de l’Assemblée générale sur « la portée et
l’application du principe de compétence unive rselle», un certains nombre d’Etats (qui
n’apparaissent pas déjà dans les listes reproduites supra §§ 11 et 12) ont affirmé explicitement
que la compétence universelle s’appliquait aux crimes de guerre et aux crimes contre
49 50
l’humanité. Il s’agit de l’Egypte , du Chili, de la Suède, du Lesotho , de la Colombie, de la
Malaisie, de l’Algérie 51et du Salvador . Par exemple, le représentant de l’Algérie déclare :
« C’est la nature des crimes qui doit détermin er s’ils relèvent ou non du principe de la
compétence universelle. Il est largement admi s que la piraterie en relève, tout comme
les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le génocide, l’esclavage et la
torture. » 53
Il faut toutefois préciser en ce qui concerne les crimes de guerre qu’aucun Etat ne s’est
explicitement prononcé sur l’application de la compétence universelle aux auteurs de ces
crimes considérés dans le seul cas d’un conflit armé n’ayant pas un caractère international,
mais que quasiment tous ces Etats (sauf la Malaisie) citent les crimes de guerre pour
l’exercice de cette compétence sans préciser si le conflit armé à l’occasion duquel ils ont été
commis doit être international ou non . 54
31. Il est également intéressant de noter que , dans le cadre de ces débats, l’Union
africaine, dont le Sénégal est membre, a affi rmé qu’une telle compétence s’appliquait aux
crimes de guerre (sans distinguer entre conflits armés internationaux et conflits armés n’ayant
pas un caractère international) et aux crimes contre l’human ité. Selon l’Union, les infractions
relevant de la compétence universelle
«devraient être limitées à : la piraterie, l’esclavage, les crimes contre l’humanité, les
crimes de guerre, le génocide et la tortur e; en outre, l’exercice de la compétence
49
50 Doc. ONU A/C.6/65/SR.10, § 68.
51 Id., A/C.6/65/SR.12, §§ 6, 15, 38.
52 Id., A/C.6/66/SR.12, §§ 27, 63, 66.
Id., A/66/93, Rapport du Secrétaire Général, Portée et application du principe de compétence universelle, § 143.
53 Id., A/C.6/65/SR.12, § 66.
54 Id., A/C.6/65/SR.10, § 68 ; id., SR.12, §§ 6, 15, 38 ; A/C.6/66/SR.12, §§ 27, 66. 23.
universelle ne devrait être invoqué que da ns des circonstances exceptionnelles et
lorsqu’il est établi qu’il n’ existe aucun autre moyen d’ exercer des poursuites pénales
contre les auteurs présumés des crimes. » 55
33. Enfin, on peut également souligner l’interven tion du CICR, toujours dans le cadre de ces
travaux, qui précise que :
«La compétence universelle à l’égard des infractions graves au droit international
humanitaire se fonde à la fois sur le droi t conventionnel et sur le droit international
56
humanitaire coutumier. »
6 L’obligation de poursuivre ou d’extrader en doctrine
35. La Commission du droit international (CDI) dont la mission est «de promouvoir le
er
développement progressif du droit international et sa codification » (statut de la CDI, art. 1 )
confirme le caractère coutumier de l’obliga tion de poursuivre une personne soupçonnée d’un
crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité dans son projet de code des crimes contre la
paix et la sécurité de l’humanité. L’article 9, intitulé «Obligation d'extrader ou de
poursuivre », dispose :
« Sans préjudice de la compétence d'une cour criminelle internationale, l'Etat partie sur
le territoire duquel l'auteur présumé d’un crime visé à l'article 17 [génocide], 18
[crimes contre l’humanité], 19 [crimes cont re le personnel des NU] ou 20 [crimes de
guerre] est découvert extrade ou poursuit ce dernier. »
Dans son commentaire, la CDI écrit que l’obligation de poursuivre n’est pas
subordonnée à une demande préalable d’extrad ition. Cette obligation s’impose à l’Etat du
simple fait de la présence de la personne soupçonnée du crime sur le territoire de cet Etat :
«En l’absence de demande d’extradition, l’ Etat de détention n’ aurait pas d’autre
possibilité que de soumettre l’affaire à se s autorités nationales pour l’exercice de
l’action pénale. Cette obligati on supplétive vise à garantir que les auteurs présumés
seront poursuivis devant une juridiction co mpétente qui sera celle d57l’Etat de
détention à défaut d’autres tribunaux nationaux ou internationaux. »
55 Ibid., § 158.
56 Id., A/66/93, Rapport du Secrétaire Général, Portée et application du principe de compétence universelle, § 121.
57 Ann. CDI, 1996, II, 2 partie, p. 33. 24.
34. Plusieurs auteurs ont souli gné le caractère coutumier de l’obligation de poursuivre.
Ainsi, L. A. Steven écrit :
"As a matter of custom, unive rsal jurisdiction adheres only to themost egregious
offenses under international law; that is, to thoseoffenses that by their very nature
undermine the foundations ofthe internat ional community. (p. 441) (...)Most
importantly, the duty to extradite or pr osecute under customary international law
applies as a mandatory, affirmative obligati on for serious crimes such as war crimes,
crimes against humanity, and genocide. (p. 442)" 58
R. van Steenberghe écrit de manière claire que
"[…] a customary obligation to extradite or prosecute may be derived from the state
practice but only with respect to a limited number of crimes, namely core international
crimes such as genocide, crimes against humanity or war crimes, and only to the
extent that such a customary nature is ascr ibed to the obligation as it is correctly
59
understood."
Il précise sa pensée en reconnaissant, co mme la Belgique, certaines limites à cette
obligation :
"According to the classical conception of the customary law formation and given the
numerous state declarations made on the subject, it would be difficult to deny
ascribing a customary status to the obligation to extradite or prosecute. This customary
obligation is nonetheless limited in some respects. First, as evidenced by state practice,
it is only concerned with core international crimes such as genocide, crimes against
humanity or war crimes. A second fundamental limit comes from the declarations in
which prominent states have strongly opposed affording a customary nature to the
obligation to extradite or prosecute due to concern over incompatibility with domestic
provisions regarding extradition and stat e jurisdiction. This opposition is overcome,
however, by limiting the ascription of a customar y status to the obligation as ‘a rule’,
that is, to the obligation as conceived inde pendently of the implementation system to
which it is generally associated and wh ich provides obligations concerning both
extradition and state jurisdiction. In othe r words, the existence of a customary
obligation to extradite or prosecute can be asserted only if it leav es the discretionary
nature of extradition and state jurisd iction unaffected. Thirdly, the customary
obligation does not imply any automatic obligation to extradite or prosecute. As the
obligation to extradite or prosecute does in most of the treaties embodying it, it only
requires the custodial state to submit the case to the competent authorities for the
purpose of extradition or prosecution." 60
58
"Genocide and the Duty to Extradite or Prosecute: Why the United States is in Breach of Its International Obligations",
59 Virginia Journal of International Law, 1999, pp. 441-442.
"1095.bligation to Extradite or Prosecute : Clarifying its Journal of International Criminal Law , 2011, p.
60 Ibid., pp. 1115-1116. 25.
*
36. En conclusion, il ressort tant de la pratique citée dans les parties I et II de cette réponse
que des prises de position étatiques reprises ci-avant que les Etats s’estiment tenus par le droit
international de poursuivre ou d’extrader les personnes soupçonnées de crimes contre
l’humanité ou de crimes de guerre commis dans le cadre d’un conflit armé n’ayant pas un
caractère international, quand ces crimes sont commis hors de leur territoire et quand, ni
l’auteur, ni les victimes ne s ont des ressortissants de ces Etat s. Ceci ne signifie évidemment
pas que cette obligation ne puisse être soumise à d’autres liens de rattachement avec l’Etat du
for. Ainsi, de l’avis de la Belgique, l’obligation de poursuivre ou, à défaut, d’extrader ne peut
exister – par nature, comme le volet « extr ader » l’indique – que lorsque la personne
soupçonnée de ces crimes se trouv e sur le territoire de l’Etat du for. Bien en tendu, ceci est
sans préjudice du droit d’autres Etats d’établir leur comp étence à l’égard de ces crimes en
vertu de l’exercice d’une compétence universelle en l’absence d’un te l lien de rattachement
avec l’Etat du for. Toutefois, ces aspects de l'exercice de la compétence universelle sortent du
champ de la question posée à la Belgique par M. le juge Greenwood ; dès lors, la Belgique n'y
consacrera pas davantage de développements.
37. Enfin, à supposer qu’il y ait un doute sur le caractère universel de la règle – quod non
selon la Belgique – il n’est cependant pas douteux que le Sé négal est d’accord avec la
Belgique sur le caractère obligatoire de la règle et l’a confirmé
- lorsqu’il déclare lors des travaux de la 6 e Commission de l’Assemblée générale sur
l’obligation de poursuivre ou d’extrader :
«Il est donc vital de parvenir à une co mpréhension commune de cette notion [le
principe de la compétence universelle] en définissant clairement son essence, sa
portée, son application et ses limites et en élaborant des directives pour guider son
application afin que les auteurs de cr imes graves ne demeurent pas dans
l’impunité́. »61
61
Nations Unies, doc. A/C.6/66/SR.12, par. 27. 26.
- lorsque l’exposé des motifs de la loi sé négalaise du 12 février 2007 incrimine les
crimes de guerre, les crimes contre l’hum anité et les crimes de génocide en se
62
fondant sur la coutume internationale .
- lorsqu’il affirme, de manière répétée, lors de la phase orale de la présente instance
l’engagement du Sénégal à lutter contre l’impunité 6.
38. Tels sont les éléments qui, selon la Belgique , montrent que les Etat s en général, et le
Sénégal - comme la Belgique - en particulier, sont tenus et s’estiment tenus par le droit
international coutumier de pour suivre ou d’extrad er la personne soupçonnée d’un crime
contre l’humanité ou d’un crime de guerre co mmis dans un conflit armé n’ayant pas un
caractère international lorsque ces crimes ont ét é commis à l’extérieur de l’Etat du for et que,
ni la personne soupçonné de ces crimes, ni les vi ctimes ne sont des ressortissants de l’Etat du
for.
*
62 Loi n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le code pénJournal officiel de la République du Sénégal , p. 2377, in
MB, annexe D.6.
63Réf. in CR 2012/6, 19 mars 2012, p. 33, par. 20 (David).
Compléments de réponse de la Belgique à la question qui lui a été posée par M. le juge Greenwood au terme de l'audience tenue le 16 mars 2012