Observations de l’Allemagne sur la réponse de l’Italie à la question qui lui a été
posée par M. le juge Simma
Concernant la réponse de l’Italie à la ques tion qui lui a été posée par M.lejugeSimma,
l’Allemagne fait les observations suivantes :
La réponse de l’Italie confirme que ce n’ est qu’en2000, après la mise en place par
l’Allemagne d’un mécanisme d’indemnisation ex gratia pour les anciens travailleurs forcés civils,
que l’Italie a demandé que les internés milita ires italiens soient admis au bénéfice de ce
mécanisme. Les démarches entreprises par l’Ita lie à partir de2000 se sont limitées à ce groupe
d’anciens internés militaires italiens. Elles sont sans incidence sur la question des réparations. Les
victimes de massacres n’ont pas été évoquées à cette occasion.
Pour la période de1947 à 1961, l’Italie se réfère en termes généraux aux deux accords
de1961 ainsi qu’à un mémorandum présenté au Parlement allemand par le Gouvernement
allemand. Les deux accords réglaient définitivement des questions économiques et financières
spécifiques relatives à des biens, d’une part, et prévoyaient l’indemnisation des nationaux italiens
qui avaient été victimes de mesures de persécution de la part des autorités nazies, d’autre part ; ils
prévoyaient le versement à l’Ita lie de sommes forfaitaires accordées ex gratia. Les deux accords
étaient sans préjudice de la clause de renonciation géné rale figurant à l’article 77 du traité de paix.
A l’époque, l’Italie considéra que le chapitre d es réparations était clos, comme en atteste sa
ratification, postérieurement à ce traité, de l’accord de Londres sur les dettes extérieures de
l’Allemagne. Le paragraphe 4 de l’article 5 de cet accord dispose que les revendications d’anciens
alliés du Reich allemand formulées à l’encontre de l’Allemagne doivent être traitées conformément
aux dispositions figurant dans les traités pertinents. Cette ratification vala nt reconnaissance de la
clause de renonciation de l’article77 du traité de paix par l’Italie, celle-ci n’a fait aucune
déclaration à propos d’indemnisations qui pourraient encore être dues.
Le mémorandum explicatif du Gouvernement a llemand mentionné par l’Italie et cité au
paragraphe5.56 de son contre-mémoire (à la page109) établit simplement que la clause de
renonciation du traité de paix ne constitue pas pour l’Allemagne une interdiction d’effectuer des
versements ex gratia sur la base de la législation allemande interne pertinente, c’est-à-dire la loi
fédérale d’indemnisation (Bundesentschädigungsgesetz) et la loi fédérale de restitution
(Bundesrückerstattungsgesetz). Il ne saurait être interprété comme créant, à la charge de
l’Allemagne, une nouvelle obligation internationale envers l’Italie qui réduirait à néant la clause de
renonciation figurant dans le traité de paix.
Dans ses observations finales, l’Italie préte nd que l’inertie diplomatique et le temps écoulé
sont dépourvus de pertinence puisque «[l]es crimes de guerre ne sont soumis à aucune prescription,
que ce soit dans l’ordre juridique interne ou au niveau international» (par. 21). Il est intéressant de
relever que les décisions des tribunaux italiens ne corroborent pas cette allégation. Au contraire,
les tribunaux italiens ont, dans plus ieurs jugements méconnaissant l’ immunité de l’Etat allemand,
déclaré irrecevables des requêtes introduites par d’ anciens internés militaires italiens précisément
au motif que le délai de prescription prévu par le droit italien était déjà expiré. - 2 -
Observations de l’Allemagne sur la réponse de la Grèce à la question qui lui a été
posée par M. le juge Cançado Trindade
A propos de la réponse de la Grèce à la question qui lui a été posée par
M. le juge Cançado Trindade, l’Allemagne fait les observations suivantes :
Le paragraphe 1 de l’article 100 de la Constitution grecque est ainsi libellé :
«Il est constitué un Tribunal supérieur spécial compétent dans les domaines
suivants :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
f) Le règlement des différends relatifs à la question de savoi r si des règles de droit
international sont généralement reconnues…» [Traduction du Greffe.]
Le paragraphe1 de l’artic le54 de la loi grecque n o 345/1976 relative au Tribunal supérieur
spécial, promulguée le 9juin1976, se lit comme suit: «Les arrêts du Tribunal supérieur spécial
sont opposables à tous.»
A propos de cette disposition, le Tribunal supérieur spécial a, dans son arrêt du
8 octobre 2003 (affaire 13/2003), déclaré ce qui suit :
«De surcroît, aux termes du paragraphe1 de l’article54 de la loi relative au
Tribunal supérieur spécial, les arrêts du Trib unal réglant les différends relatifs à la
question de savoir si des règles de droit international sont généralement reconnues
«sont opposables à tous». Il découle de cette disposition que les arrêts du Tribunal
supérieur spécial qui règlent des différends relatifs à la question de savoir si des règles
concrètes de droit interna tional sont généralement reconnues et les conclusions
pertinentes sont contraignants non seulement pour le tribunal qui a renvoyé l’affaire
devant le Tribunal supérieur spécial ou pour les parties qui sont à l’origine de la
procédure, mais également pour tout tribuna l ou organe ayant à traiter de la même
question juridique, c’est-à-dire la question de savoir si, au même stade d’évolution du
droit international, les mêmes règles pe uvent être qualifiées de généralement
reconnues (voir Tribunal supérieur spécial 46/1991)…»
Depuis l’arrêt que le Tribunal supérieur spécial a rendu le 17 septembre 2002 dans l’affaire 6/2002
(«Margellos»), aucun tribunal gr ec n’a rendu de jugement méconnaissant l’immunité de l’Etat
allemand à raison d’actes jure imperii commis pendant la seconde guerre mondiale et aucune
merure d’exécution n’a été prise dans l’affaire Distomo. Dans ses arrêts1857/2007 du
1 octobre2007 et 853/2009 du 6avril2009, l’ Areios Pagos a suivi la jurisprudence du Tribunal
supérieur spécial selon laquelle la règle de l’immunité de juridiction demeure inaltérée même dans
des affaires ayant pour objet des allégations de violations graves du droit international humanitaire.
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Observations de l'Allemagne sur la réponse écrite de l'Italie à la question qui lui a été posée par M. le juge Simma et sur la réponse écrite de la Grèce à la question qui lui a été posée par M. le juge Cançado Trindade à l'audience publique tenue le 16 septembre 2011 (traduction)