Exceptions préliminaires de la Colombie

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18778
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Incidental Proceedings
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13817 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE QUESTION DE LA DÉLIMATION DUPLATEAU CONTINENTAL ENTRE LE NICARAGUA ET LA COLOMBIE AU-DELÀ DE 200 MILLESMARINS DE LA CÔTE NICARAGUAYENNE (NICARAGUA c. COLOMBIE) EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DE LA RÉPUBLIQUE DE COLOMBIE VOLUME I 14 AOÛT 2014 [Traduction du Greffe] T ABLE DES MATIÈRES CHAPITRE 1 INTRODUCTION................................................................................................ 1 CHAPITRE 2 L’HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE EN L’AFFAIRE DU DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (NICARAGUA C. COLOMBIE), L’ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012 ET SES SUITES................................................................................................... 3 A. Les phases du règlement judiciaire et les arrêts antérieurs............................................... 3 B. La dénonciation, par la Colombie, du pacte de Bogotá.................................................. 12 CHAPITRE 3 PREMIÈRE EXCEPTION : LA COUR N’A PAS COMPÉTENCE, RATIONE TEMPORIS, AU TITRE DU PACTE DE BOGOTÁ................... 14 A. Introduction.................................................................................................................... 14 B. Le pacte de Bogotá autorise les parties à se retirer du traité par une dénonciation unilatérale....................................................................................................................... 15 1. Les caractéristiques pertinentes du pacte de Bogotá................................................. 15 2. Le droit et la procédure de dénonciation en vertu du pacte de Bogotá..................... 17 C. La Colombie a dénoncé le pacte de Bogotá dans le respect des prescriptions de celui-ci........................................................................................... 29 D. Conclusion...................................................................................................................... 30 Appendice au chapitre 3 Le pacte de Bogotá........................................................................ 31 CHAPITRE 4 DEUXIÈME EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : L’ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012 NE CONFÈRE PAS À LA COUR DE COMPÉTENCE CONTINUE .......................................................................... 34 A. Introduction.................................................................................................................... 34 B. Il n’existe aucune base de compétence permettant de connaître de la demande du Nicaragua au regard du Statut........................................................... 34 C. La compétence de la Cour n’est réservée que lorsque les Parties ou la Cour elle-même l’ont expressément prévu.............................................................................. 35 D. La Cour a, par son arrêt du 19 novembre 2012, pleinement tranché la question qui faisait l’objet du différend introduit par le Nicaragua dans sa requête du 6 décembre 2001............................................................................................................ 38 1. L’arrêt du 19 novembre 2012.................................................................................... 38 2. La Cour ne possède pas de compétence continue pour connaître de l’objet de la requête du Nicaragua............................................................................................. 41 E. Conclusion...................................................................................................................... 41 - ii - CHAPITRE 5 TROISIÈME EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : LA COUR N’A PAS COMPÉTENCE EN L’ESPÈCE, CAR LA DEMANDE DU NICARAGUA TOMBE SOUS LE COUP DE LA CHOSE JUGÉE ........... 42 A. Introduction.................................................................................................................... 42 B. Les Parties à l’affaire du Différend territorial et maritime ont développé dans leurs exposés leurs arguments relatifs à la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions ......................................................... 43 1. Les points soulevés dans la requête du 16 septembre 2013 ont été développés in extenso par le Nicaragua et la Colombie lors de la phase de procédure écrite qui a précédé le prononcé de l’arrêt relatif au Différend territorial et maritime ...... 43 2. Les points soulevés dans la requête du 16 septembre 2013 ont été développés in extenso par le Nicaragua et la Colombie lors de la phase de procédure orale qui a précédé le prononcé de l’arrêt relatif au Différend maritime et territorial ...... 48 C. La Cour, dans l’arrêt du 19 novembre 2012, n’a pas accueilli la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales........... 51 1. Dans son arrêt du 19 novembre 2012, la Cour a jugé la demande recevable............ 51 2. Sur le fond, la Cour n’a pas accueilli la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales.................................................................... 52 D. L’arrêt de la Cour a force de chose jugée en ce qui concerne le point I. 3) des conclusions du Nicaragua............................................................................................... 57 1. Le droit...................................................................................................................... 57 2. Les points soulevés par le Nicaragua dans sa requête du 16 septembre 2013 ayant déjà été tranchés dans l’arrêt de la Cour, ils relèvent de la chose jugée.......... 59 E Conclusion : la demande du Nicaragua tombe sous le coup de la chose jugée............. 71 CHAPITRE 6 QUATRIÈME EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : LA COUR N’A PAS COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE D’UNE DEMANDE PAR LAQUELLE LE NICARAGUA ENTEND FAIRE APPEL ET OBTENIR LA REVISION DE L’ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012........ 72 A. Introduction.................................................................................................................... 72 B. Le Nicaragua cherche à introduire un recours, une tentative que rien dans le Statut ne saurait justifier................................................................................................. 73 1. Les arrêts de la Cour sont définitifs et sans recours.................................................. 73 2. La requête du Nicaragua équivaut à un recours........................................................ 74 C. Le Nicaragua cherche également à obtenir une revision de l’arrêt de la Cour sans remplir les conditions prévues par le Statut ................................................................... 75 1. Les conditions auxquelles le Statut ménage la possibilité de reviser un arrêt en raison de la découverte d’un fait nouveau sont cumulatives................................ 75 - iii - 2. La requête du Nicaragua est fondée sur de prétendus «faits nouveaux»................... 76 3. La seule procédure qui permettrait au Nicaragua de soumettre une requête de cette nature est celle prévue à l’article 61 ............................................................ 79 4. La demande du Nicaragua ne satisfait pas aux conditions prévues à l’article 61................................................................................................................. 79 D. Conclusions.................................................................................................................... 81 CHAPITRE 7 EXCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA RECEVABILITÉ DES DEUX DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LE NICARAGUA DANS SA REQUÊTE.......................................................................................................... 82 A. Introduction.................................................................................................................... 82 B. L’irrecevabilité de la première demande du Nicaragua ................................................. 82 1. L’établissement du plateau continental suppose l’existence préalable d’un droit........................................................................................................................... 82 2. Pour fixer son plateau continental au-delà de 200 milles marins, un Etat a besoin d’une recommandation de la Commission des limites du plateau continental ............................................................................................... 83 3. La Commission des limites du plateau continental n’a pas formulé de recommandation................................................................................................... 84 4. Dans ces circonstances, la Cour ne peut délimiter le plateau continental au-delà de 200 milles marins..................................................................................... 84 5. Conclusion ................................................................................................................ 87 C. L’irrecevabilité de la seconde demande du Nicaragua................................................... 87 1. L’irrecevabilité de la seconde demande découle de l’irrecevabilité de la première (ou de l’absence de compétence de la Cour à l’égard de celle-ci)............. 87 2. La demande est irrecevable car, s’il y était fait droit, la décision de la Cour serait sans objet......................................................................................................... 87 3. La demande est une demande en indication de mesures conservatoires qui ne dit pas son nom, et n’a pas lieu d’être....................................................................... 88 4. La demande est irrecevable car elle concerne un différend inexistant...................... 88 5. Conclusion ................................................................................................................ 88 CHAPITRE 8 RÉSUMÉ DES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES....................................... 89 CONCLUSIONS ............................................................................................................................ 90 LISTE DES ANNEXES ET FIGURES.........................................................................................91 - 1 - CHAPITRE 1 INTRODUCTION 1 1.1. La Colombie soutient respectueusement que la Cour internationale de Justice (ci-après dénommée «la Cour») ne saurait se prononcer sur les questions dont le Nicaragua l’a saisie par sa requête en date du 16 septembre 2013. Dans la présente, elle exposera, conformément à l’article 79 du Règlement, ses exceptions préliminaires à la compétence de la Cour et à la recevabilité des demandes formulées par le Nicaragua dans cette requête. 1.2. Dans sa requête, le Nicaragua prie la Cour de déterminer : «Premièrement : Le tracé précis de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant du Nicaragua et de la Colombie au-delà des limites établies par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012. Deuxièmement : Les principes et les règles de droit international régissant les droits et obligations des deux Etats concernant la zone de plateau continental où leurs revendications se chevauchent et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent, et ce, dans l’attente de la délimitation de leur frontière maritime au-delà de 1 200 milles marins de la côte nicaraguayenne.» 2 1.3. Le Nicaragua entend fonder la compétence de la Cour sur deux bases. En premier lieu, il affirme que «[l]a compétence de la Cour en l’espèce est fondée sur l’article XXXI du traité 2 américain de règlement pacifique (le «pacte de Bogotá») du 30 avril 1948.» A titre complémentaire, il soutient que, «dans la mesure où la Cour n’a pas, dans son arrêt du 19 novembre 2012, tranché de manière définitive la question de la délimitation du plateau continental entre lui-même et la Colombie dans la zone située à plus de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne, question dont elle était et reste saisie dans l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), l’objet de la présente requête demeure dans le champ de la compétence de la Cour telle que celle-ci l’a établie 3ans ladite instance, introduite par la requête nicaraguayenne du 6 décembre 2001» . 1.4. La Colombie fait valoir qu’aucune des bases invoquées par le Nicaragua ne confère à la Cour compétence en l’espèce. En outre, la Cour, par l’effet de l’autorité de la chose jugée dont est revêtu son arrêt du 19 novembre 2012, est empêchée de connaître de la requête. Celle-ci est du reste irrecevable et la Cour incompétente pour en connaître pour d’autres raisons, que nous exposerons en détail dans la suite de cette pièce. 1 Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), requête introductive d’instance déposée le 16 septembre 2013 par la République du Nicaragua contre la République de Colombie (ci-après la «requête»), p. 8, par. 12. 2 Requête, par. 8. 3 Ibid., par. 10. - 2 - 1.5. Au chapitre 2, la Colombie reviendra sur l’historique du présent différend depuis 2001, sur l’arrêt rendu par la Cour le 19 novembre 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime 3 et sur sa dénonciation du pacte de Bogotá le 27 novembre 2012. 1.6. Le chapitre 3 présente sa première exception préliminaire. Il y sera établi que la Cour n’est pas compétente au titre du pacte de Bogotá, la Colombie ayant déposé le 27 novembre 2012 la lettre dans laquelle elle dénonçait celui-ci, et cette dénonciation prenant, conformément à l’article LVI du pacte, effet immédiatement à l’égard de toute nouvelle requête la mettant en cause. 1.7. Le chapitre 4 expose la deuxième exception préliminaire de la Colombie. Il y sera démontré que le Nicaragua ne peut espérer voir aboutir sa tentative de fonder la compétence de la Cour pour connaître de la présente affaire sur l’hypothèse que la Cour continuerait à être compétente après le prononcé de l’arrêt du 19 novembre 2012 : la Cour ne s’y étant pas expressément réservé de compétence, ne fût-ce que partielle, l’arrêt ne saurait lui en conférer une qui soit continue ou perpétuelle. 1.8. Le chapitre 5 présente la troisième exception préliminaire de la Colombie. Il y sera démontré que, la demande du Nicaragua en l’espèce étant identique à celle qu’il a soumise en l’affaire précédente, l’arrêt du 19 novembre 2012 est chose jugée à son égard, et empêche dès lors de rouvrir et de remettre en cause la question. 1.9. Le chapitre 6 expose la quatrième exception préliminaire de la Colombie. Il y sera établi que la Cour n’a pas compétence pour connaître d’une demande qui constitue, en réalité, une 4 tentative de faire appel et d’obtenir la revision de son arrêt du 19 novembre 2012 en passant outre aux conditions imposées à cet égard par le Statut. 1.10. Le chapitre 7 présente la cinquième exception préliminaire de la Colombie. Il y sera démontré que les première et seconde demandes formulées dans la requête du Nicaragua sont irrecevables en l’absence de la recommandation requise de la Commission des limites du plateau continental. 1.11. Le chapitre 8 résume les exceptions de la Colombie à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la demande ; il est suivi par ses conclusions. - 3 - CHAPITRE 2 L’HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE EN L’AFFAIRE DU DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME(NICARAGUA C. COLOMBIE), L’ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012 ET SES SUITES A. L ES PHASES DU RÈGLEMENT JUDICIAIRE ET LES ARRÊTS ANTÉRIEURS 5 2.1. Le 6 décembre 2001, le Nicaragua a introduit une instance contre la Colombie au sujet d’un différend mettant en cause des questions de titre territorial et de délimitation maritime dans la mer des Caraïbes. 2.2. Le 21 juillet 2003, dans le délai prévu à cet effet par le Règlement de la Cour, la Colombie a soulevé des exceptions préliminaires sur lesquelles la Cour s’est prononcée dans un arrêt en date du 13 décembre 2007. La Cour a retenu l’exception à sa compétence soulevée par la Colombie en ce qu’elle avait trait à la souveraineté sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina. Elle a dit, plus précisément : «Compte tenu de ce qui précède, la Cour juge qu’elle peut, à ce stade de la procédure, considérer comme tranchée la question des trois îles de l’archipel de San Andrés expressément nommées au premier paragraphe de l’article premier du traité de 1928. Cette question a été réglée par le traité. Par conséquent, l’article VI du pacte est applicable sur ce point et la Cour n’est pas compétente en vertu de l’article XXXI du pacte de Bogotá pour connaître de la question de la souveraineté sur les trois îles concernées. La Cour retient donc la première exception préliminaire soulevée par la Colombie en ce qu’elle a trait à sa compétence pour connaître de la 4 6 question de la souveraineté sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina.» 2.3. La Cour a également conclu qu’elle avait compétence, sur la base de l’article XXXI du pacte de Bogotá  fondement juridictionnel également invoqué par le Nicaragua en l’espèce , pour statuer sur le différend relatif à un  autre  groupe d’îles colombiennes dans les Caraïbes et sur la délimitation maritime entre les Parties . 2.4. Les 25 février et 10 juin 2010, respectivement, la République du Costa Rica et la République du Honduras ont chacune déposé une requête à fin d’intervention conformément à l’article 62 du Statut. Dans deux arrêts distincts en date du 4 mai 2011, la Cour a rejeté leurs demandes d’intervention, estimant que ni le Costa Rica ni le Honduras n’était parvenu à démontrer l’existence d’un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décision dans la procédure principale . 2.5. La phase de la procédure écrite sur le fond a consisté en deux séries complètes de pièces, après quoi des audiences publiques se sont tenues du 23 avril au 4 mai 2012. 4 Différend territorialet maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires,arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 861, par. 90. 5Ibid., p. 876, par. 142 3) a) et b). 6 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), requête du Costa Rica à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 373, par. 90-91 ; ibid., requête à fin d’intervention du Honduras, p. 444, par. 75-76. - 4 - 7 2.6. Dans la requête qu’il avait alors déposée, le Nicaragua priait la Cour «de déterminer le tracé d’une frontière maritime unique entre les portions de plateau continental et les zones économiques exclusives relevant respectivement du Nicaragua et de la Colombie, conformément aux principes équitables et aux circonstances pertinentes que le droit international général reconnaît comme s’appliquant à une 7 délimitation de cet ordre» . Tout au long de la procédure écrite comme orale, le Nicaragua n’a cessé de solliciter de la Cour la délimitation complète de tous les espaces maritimes auxquels lui-même et la Colombie pouvaient prétendre. 2.7. Dans son mémoire, il a prié la Cour de procéder à une délimitation entre «[s]es côtes continentales … et [celles] de la Colombie» au moyen d’«une frontière maritime unique suivant une ligne médiane entre lesdites côtes» . 8 2.8. Dans sa réplique, il a défini expressément les coordonnées de la limite du plateau continental qu’il posséderait au-delà de 200 milles marins de sa côte, invitant la Cour à lui reconnaître les droits qu’il prétendait détenir dans cette zone . 9 2.9. A l’ouverture de l’audience du 23 avril 2012, le Nicaragua, par la voix de son agent  dont la déclaration est citée par la Cour dans son arrêt —, a, au sujet de la méthode et de 8 l’étendue de la délimitation à opérer, soutenu ceci : «Sur le fond, ce que le Nicaragua demandait initialement à la Cour, et qu’il lui demande toujours, c’est que l’ensemble des zones maritimes du Nicaragua et de la Colombie soient délimitées conformément au droit international ; c’est-à-dire d’une manière qui garantisse aux Parties un résultat équitable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mais quelle que soit la méthode ou la procédure que suivra la Cour pour effectuer la délimitation, le Nicaragua souhaite qu’aucune zone maritime ne reste à délimiter entre lui-même et la Colombie. C’est là le10rincipal objectif du Nicaragua depuis qu’il a introduit sa requête en l’espèce.» 2.10. A l’audience du 1 mai 2012, le Nicaragua a instamment demandé que soient délimités tous les espaces maritimes sur lesquels la Colombie et lui-même avaient des prétentions concurrentes, en soulignant que la méthode de délimitation à retenir consistait à tracer «une limite opérant une division par parts égales de la zone du plateau continental où les droits des deux Parties 11 sur celui-ci se chevauch[aient]» . La Cour s’est prononcée sur la recevabilité mais également sur le fond de la demande ainsi formulée (point I. 3)) dans les conclusions du Nicaragua. 7 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), requête du Nicaragua, p. 8, par. 8. 8 Ibid., mémoire du Nicaragua, vol. I, p. 266-267, point 9) des conclusions. 9 Ibid., réplique du Nicaragua, vol. I, p. 239-240, point 3) des conclusions. 10 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 671, par. 134 ; ibid., CR 2012/8, p. 24-25, par. 43-44 (agent du Nicaragua). (Les italiques sont de nous.) 11 Ibid., CR 2012/15 corr., p. 50, point I. 3) des conclusions finales (agent du Nicaragua). - 5 - 2.11. A toutes les étapes de la procédure au fond, la Colombie, quant à elle, a rejeté la 9 position du Nicaragua sur le type de délimitation qu’il s’agissait d’effectuer. Pour elle, la délimitation devait être opérée entre la côte continentale du Nicaragua et les espaces générés par ses propres îles dans la mer des Caraïbes . 12 2.12. La Colombie a également prié la Cour de tracer une frontière maritime unique 13 délimitant la zone économique exclusive et le plateau continental entre les deux Etats . 2.13. La procédure orale a pris fin et la Cour a rendu son arrêt au fond le 14 19 novembre 2012 . 2.14. L’arrêt du 19 novembre 2012 rendu sur le fond en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) se compose de six sections et du dispositif. L’ordre dans lequel la Cour a examiné les questions en cause revêt une importance par rapport à l’objet et au fond des présentes exceptions préliminaires. 2.15. La section I est consacrée à la géographie . Il s’agit d’une partie descriptive sur 10 laquelle la Cour s’est appuyée pour déterminer la souveraineté sur les cayes en litige et tracer la frontière maritime entre le Nicaragua et la Colombie. 2.16. La distance séparant San Andrés, Providencia et Santa Catalina des côtes continentales du Nicaragua et de la Colombie est ainsi décrite : «Les îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina font face à la côte continentale du Nicaragua. San Andrés se trouve à environ 105 milles marins du Nicaragua. Providencia et Santa Catalina sont situées à quelque 47 milles marins au nord-est de San Andrés et 125 milles marins du Nicaragua. Les trois î16s sont distantes de 380 milles marins environ de la côte continentale de la Colombie .» 17 2.17. La section II concerne la souveraineté sur les sept îles en litige . A cet égard, la Cour note que, «aux termes du traité de 1928, la Colombie a la souveraineté sur «les îles de San Andrés, de Providencia, de Santa Catalina, et sur les autres îles, îlots et récifs qui font partie de l’archipel de 18 San Andrés»» . 2.18. En ce qui concerne la souveraineté sur les autres îles de l’archipel de San Andrés revendiquées par le Nicaragua, la Cour confirme que cette souveraineté appartient à la Colombie : 12 Voir, notamment, l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), contre-mémoire de la Colombie, vol. I, p. 425, point b) des conclusions ; duplique de la Colombie, vol. I, p. 337, point b) des conclusions ; CR 2012/17, p. 39, point c) des conclusions finales (agent de la Colombie). 13 Ibid., CR 2012/17, p. 39, point c) des conclusions finales (agent de la Colombie). 14 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 624-720. 15 Ibid., p. 637-641, par. 18-24. 16 Ibid., p. 638, par. 22. 17 Ibid., p. 641-662, par. 25-103. 18 Ibid., p. 646, par. 42. - 6 - «Ayant examiné l’ensemble des arguments et des éléments de preuve présentés 11 par les Parties, la Cour conclut que c’est la Colombie, et non le Nicaragua, qui a la souveraineté sur les îles faisant partie d’Alburquerque, de Bajo Nuevo, des cayes de l’Est-Sud-Est, de Quitasueño, de Roncador, de Serrana et de Serranilla.» 19 2.19. La section III concerne la recevabilité de la demande du Nicaragua tendant à la délimitation d’un plateau continental qui s’étendrait au-delà de 200 milles marins de ses côtes . 20 2.20. La Cour a jugé que le fait qu’il s’agissait d’une nouvelle demande  formulée pour la première fois seulement dans la réplique  «ne … rend[ait] pas per se irrecevable» cette demande 21 de plateau continental étendu . Elle a conclu que cette demande relevait du différend qui opposait les Parties en matière de délimitation maritime et qu’elle ne modifiait pas l’objet de celui-ci, mais en découlait directement. La nouvelle demande formulée au point I. 3) des conclusions finales du Nicaragua se rapportait toujours à la délimitation du plateau continental  même si el22 reposait sur des fondements juridiques différents  et la Cour l’a donc jugée recevable . 2.21. Dans la section IV  «Examen de la demande du Nicaragua tendant à la délimitation d’un plateau continental s’étendant au-delà de 200 milles marins» , la Cour a cherché à déterminer si elle était en mesure de tracer «une limite opérant une division par parts égales de la 12 zone du plateau continental où les droits des deux Parties sur celui-ci se chevauchent», comme le Nicaragua le lui demandait au point I. 3) de ses conclusions finales . 24 2.22. La Cour a analysé la jurisprudence invoquée par le Nicaragua à l’appui de sa demande tendant à une délimitation de plateau continental, notamment l’arrêt du 14 mars 2012 rendu par le Tribunal international du droit de la mer (ci-après dénommé le «TIDM») dans l’affaire de la Délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar) et son propre arrêt du 8 octobre 2007 en l’affaire du Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras). 2.23. En ce qui concerne l’arrêt du TIDM, la Cour a présenté succinctement les conditions géographiques et les conclusions tirées en conséquence par le Tribunal, et ainsi mis en lumière s’agissant du cadre géographique, des différences fondamentales entre les deux affaires. Elle a rappelé que, dans son arrêt, le TIDM n’avait pas fixé les limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins ; il avait décidé que le tracé de la frontière maritime unique se poursuivrait au-delà de la limite des 200 milles marins jusqu’à atteindre la zone où les droits d’Etats tiers étaient susceptibles d’entrer en jeu. Ce faisant, le Tribunal avait souligné que, les fonds marins du golfe du Bengale étant presque entièrement recouverts d’une épaisse couche de roches sédimentaires, le golfe présentait une «situation tout à fait particulière» qui avait été 19Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 662, par. 103. 20 Ibid., p. 662-665, par. 104-112. 21 Ibid., p. 664-665, par. 109. 22Ibid., p. 665, par. 112. 23 Ibid., p. 665-670, par. 113-131. 24 Ibid., p. 665, par. 113. - 7 - 13 reconnue au cours des négociations de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer .5 2.24. La Cour a estimé que, «[e]u égard à l’objet et au but de la [Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après la «CNUDM»)], tels qu’exposés dans son préambule, le fait que la Colombie n’y [était] pas partie 26exon[érait] pas le Nicaragua des obligations qu’il t[enait] de l’article 76 de cet instrument» . Elle a fait observer que le Nicaragua n’avait communiqué à la Commission que des «informations préliminaires» qui, comme il l’admettait lui-même, étaient loin de satisfaire à l’obligation faite aux Etats côtiers de soumettre à la Commission des informations sur les limites de leur plateau continental lorsque celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins, conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM. La Cour a noté que le Nicaragua lui avait communiqué les annexes de ces «informations préliminaires», qu’il avait précisé que celles-ci figuraient dans leur intégralité sur le site de la 27 Commission et indiqué le lien permettant d’y avoir accès . 2.25. La Cour a ensuite rappelé ceci: «[A]u second tour de plaidoiries, le Nicaragua a déclaré qu’il «ne [lui] demand[ait] pas de décision définitive sur l’emplacement précis de la limite extérieure d[e son] plateau continental», mais la «pri[ait] de dire que les portions du plateau continental auxquelles pouvaient prétendre le Nicaragua et la Colombie étaient 14 délimitées par une ligne au tracé défini». Le Nicaragua a indiqué que «la Cour pou[v]ait opérer cette délimitation en définissant la frontière comme étant «la ligne médiane entre la limite extérieure du plateau continental du Nicaragua établie conformément à l’article 76 de la CNUDM et la limite extérieure de la zone des 200 milles marins relevant de la Colombie»». Grâce à cette formulation, a-t-il ajouté, «la Cour n’aurait pas à déterminer précisément l’emplacement de la limite extérieure du plateau du Nicaragua». Le Nicaragua pourrait ensuite fixer cette limite sur la base 28 des recommandations de la Commission.» 2.26. A propos de la «formulation générale» avancée par le Nicaragua, elle a jugé que, celui-ci n’ayant pas «apporté la preuve que sa marge continentale s’étend[ait] suffisamment loin pour chevaucher le plateau continental dont la Colombie p[ouvait] se prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale, [elle] n’[était] pas en mesure de délimiter les portions du plateau continental relevant de chacune des Parties, comme le lui demand[ait] le Nicaragua, même en utilisant la formulation générale proposée par ce dernier» .9 25Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 668, par. 125. 26 Ibid., p. 668-669, par. 126. 27Ibid., p. 669, par. 127. 28Ibid., par. 128. 29 Ibid., par. 129. - 8 - 2.27. Ayant examiné les éléments de preuve présentés par le Nicaragua, la Cour a donc conclu «qu’elle ne p[o30ait] accueillir la demande formulée par [celui-ci] au point I. 3) de ses conclusions finales» . 15 2.28. Dans la section V de l’arrêt intitulée «La frontière maritime», la Cour s’est penchée sur la délimitation maritime à effectuer entre le Nicaragua et la Colombie. Elle a suivi la procédure en trois étapes qu’elle a coutume d’appliquer et procédé à la délimitation finale de tous les espaces maritimes sur lesquels les Parties avaient des prétentions concurrentes, en traçant une «frontière 31 maritime unique» . 2.29. Afin de déterminer la «frontière maritime unique», la Cour a d’abord d32ini les côtes pertinentes des Parties, à savoir celles dont les projections se chevauchaient . Elle a considéré que la côte pertinente du Nicaragua couvrait l’intégralité de la côte «qui se projet[ait] dans la zone de chevauchement potentielle et non les seules portions de cette côte à partir desquelles [était] calculée la limite de 200 milles marins», à l’exception du court segment côtier situé à proximité de Punta de Perlas, qui était orienté plein sud et ne se projetait donc pas dans la zone de chevauchement . 33 2.30. La Cour a relevé que, «[e]n fonction de la configuration des côtes devant être retenues dans le contexte géographique général, la zone pertinente p[ouvait] comprendre certains espaces 34 maritimes et en exclure d’autres qui ne présent[aient] pas d’intérêt pour le cas d’espèce» . 16 2.31. Elle concluait son analyse en décrivant comme suit la zone pertinente : «La zone pertinente correspond à la partie de l’espace maritime dans laquelle les droits potentiels des parties se chevauchent. Elle ne saurait dès lors, en la présente affaire, s’arrêter, comme le prétend la Colombie, aux côtes occidentales des îles colombiennes. La côte du Nicaragua ainsi que les îles nicaraguayennes adjacentes à celle-ci génèrent des droits potentiels sur les fonds marins et la colonne d’eau surjacente, sur une distance de 200 milles marins, y compris à l’est des îles colombiennes où, évidemment, ils empiètent sur les droits potentiels concurrents générés par ces dernières. En conséquence, la zone pertinente s’étend vers l’est de la côte nicaraguayenne jusqu’à une ligne située à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua.» 35 2.32. La Cour a rappelé que «la zone pertinente ne p[ouvait] s’étendre au-delà de celle dans laquelle les droits des Parties se chevauch[aient]. Il s’ensuit que les espaces sur lesquels l’une d’elles n’a aucun droit, soit parce qu’elle a conclu un accord avec un Etat tiers, soit parce que l’espace en question est situé au-delà d’une frontière fixée par voie judiciaire entre elle 30 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 670, par. 131 et p. 719, par. 251 3). 31 Ibid., p. 670-717, par. 132-247 et p. 719-720, par. 251 4) et 5). 32 Ibid., p. 674-681, par. 140-154. 33Ibid., p. 678, par. 145. 34 Ibid., p. 682, par. 157. 35 Ibid., p. 683, par. 159. - 9 - et un Etat tiers, sont exclus de la zone pertinente pour les besoins du présent 36 examen.» 2.33. Outre l’examen de la zone pertinente, la Cour a fait plusieurs mentions des droits 17 générés par les îles colombiennes dans la mer des Caraïbes. Elle a ainsi rappelé que «[l]es Parties [étaient] conv[enues] que San Andrés, Providencia et Santa Catalina engendr[aient] des droits à une mer territoriale, à une zone économique exclusive et à un plateau continental» . 37 2.34. Dans son analyse du contexte géographique général en tant que circonstance pertinente, la Cour a en outre fait sienne la thèse de la Colombie selon laquelle «un ajustement ou un déplacement de la ligne médiane provisoire, quel qu’il [fût], ne dev[ait] pas avoir pour effet de priver celle-ci des espaces maritimes auxquels ses îles ouvr[aient] droit vers l’est» . Par ailleurs, lorsqu’elle a examiné les ajustements de la ligne médiane provisoire qui s’imposaient  afin de produire un résultat équitable et éviter pareil effet d’amputation , la Cour a répété que ces îles «donn[aient] droit à un plateau continental et à une zone économique exclusive» . 39 2.35. S’agissant de Serranilla et de Bajo Nuevo, la Cour a indiqué qu’elle n’avait pas à se prononcer sur la portée des droits à des espaces maritimes que ces formations pourraient engendrer. En tout état de cause, s’agissant de la zone pertinente définie dans l’affaire qui l’occupait alors, à savoir la zone qui s’étendait sur 200 milles marins à partir de la côte nicaraguayenne, elle a 18 également noté que les droits générés par San Andrés, Providencia et Santa Catalina sur 200 milles marins recouvriraient entièrement ceux que pourraient engendrer Serranilla ou Bajo Nuevo . 40 2.36. La Cour a conclu que, compte tenu de l’ensemble des circonstances propres à l’affaire, y compris la nécessité de veiller à ce qu’aucun des Etats ne subisse d’effet d’amputation  et partant, que San Andrés, Providencia et Santa Catalina ne se trouvent pas privées des droits à une zone économique exclusive et à un plateau continental qu’elles pouvaient générer vers l’est, et en particulier dans la zone se trouvant à moins de 200 milles ma41ns de leurs côtes, mais à plus de 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes , l’application de la ligne adoptée à titre provisoire à la section précédente de l’arrêt n’avait pas produit de disproportion donnant lieu à un 42 résultat inéquitable . 2.37. Pour déterminer le tracé de la frontière maritime, la Cour a estimé «qu’il conv[enait] de tenir dûment compte de la disparité entre les longueurs des côtes et de veiller à ne pas amputer l’un ou l’autre Etat des espaces maritimes correspondant à ses projections côtières. De l’avis de la Cour, un résultat équitable prenant dûment en considération ces circonstances pertinentes est obtenu en prolongeant la ligne 36 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 685-686, par. 163. 37 Ibid., p. 686-688, par. 168. (Les italiques sont de nous.) 38 Ibid., p. 704, par. 216. (Les italiques sont de nous.) 39 Ibid., p. 708, par. 229-230. 40 Ibid., p. 689, par. 175. 41 Ibid., p. 716-717, par. 244. 42 Ibid., p. 717, par. 247. - 10 - frontière le long de parallèles ju43u’à la limite des 200 milles marins mesurés à partir des lignes de base du Nicaragua.» 2.38. La ligne qui en est résultée est représentée sur le croquis n 11 («Tracé de la frontière 19 44 maritime») qui figure dans l’arrêt . 2.39. Les points du dispositif de l’arrêt relatifs à la délimitation maritime et pertinents aux fins de la présente instance sont les suivants : «251. Par ces motifs, L A C OUR , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2) Par quatorze voix contre une, Déclare recevable la demande formulée par la République du Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, par laquelle celle-ci la prie de dire et juger que, «dans le cadre géographique et juridique constitué par les côtes continentales du Nicaragua et de la Colombie, la méthode de délimitation à retenir consiste à tracer une limite opérant une division par parts égales de la zone du plateau continental où les droits des deux Parties sur celui-ci se chevauchent» ; POUR : M. Tomka, président ; M. Sepúlveda-Amor, vice-président ; MM. Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, Sebutinde, juges ; MM. Mensah, Cot, juges ad hoc ; CONTRE : M. Owada, juge ; 3) A l’unanimité, Dit qu’elle ne peut accueillir la demande formulée par la République du Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales ; 4) A l’unanimité, Décide que le tracé de la frontière maritime unique délimitant le plateau 20 continental et les zones économiques exclusives de la République du Nicaragua et de la République de Colombie suit les lignes géodésiques reliant les points dont les coordonnées sont les suivantes : 43 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 710, par. 236. 44Ibid., p. 714. - 11 - Latitude nord Longitude ouest 1. 13° 46' 35,07" 81° 29' 34,7" 2. 13° 31' 08,0" 81° 45' 59,4" 3. 13° 03' 15,8" 81° 46' 22,7" 4. 12° 50' 12,8" 81° 59' 22,6" 5. 12° 07' 28,8" 82° 07' 27,7" 6. 12° 00' 04,5" 81° 57' 57,8" A partir du point 1, la frontière maritime se poursuit plein est le long du parallèle situé par 13° 46' 35,7" de latitude nord, jusqu’à la limite située à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua. A partir du point 6, situé par 12° 00' 04,5" de latitude nord et 81° 57' 57,8" de longitude ouest sur l’enveloppe d’arcs tracée à 12 milles marins d’Alburquerque, elle suit cette enveloppe d’arcs jusqu’au point, de coordonnées 12° 11' 53,5" de latitude nord et 81° 38' 16,6" de longitude ouest, situé sur le parallèle passant par le point le plus méridional de l’enveloppe d’arcs tracée à 12 milles marins des cayes de l’Est-Sud-Est. Elle longe ensuite ce parallèle jusqu’au point le plus méridional de l’enveloppe d’arcs tracée à 12 milles marins des cayes de l’Est-Sud-Est, soit le point 8, situé par 12° 11' 53,5" de latitude nord et 81° 28' 29,5" de longitude ouest, puis se poursuit le long de cette enveloppe d’arcs jusqu’à son point le plus oriental, soit le point 9, situé par 12° 24' 09,3" de latitude nord et 81° 14' 43,9" de longitude ouest. A partir de ce point, elle longe le parallèle situé par 12° 24' 09,3" de latitude nord, jusqu’à la limite située à 200 milles marins des lignes de base à partir 45 21 desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua.» 2.40. L’ensemble des conclusions ci-dessus peuvent se résumer comme suit : la Cour i) a déclaré recevable la conclusion du Nicaragua concernant le plateau continental qu’il prétend posséder au-delà de 200 milles marins de sa côte ; ii) en a examiné le bien-fondé ; et iii) dans le dispositif de l’arrêt, a délimité de manière définitive tous les espaces sur lesquels les Parties pouvaient prétendre à des droits concurrents, en s’étant dûment prononcée sur tous les moyens qui lui avaient été présentés de part et d’autre. Elle a ainsi décidé : a) de déclarer «recevable la demande formulée par la République du Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales» ; b) «qu’elle ne p[ouvait] accueillir la demande formulée par la République du Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales» ; et c) que «le tracé de la frontière maritime unique délimitant le plateau continental et les zones économiques exclusives de la République du Nicaragua et de la République de Colombie sui[vait] les lignes géodésiques reliant les points» dont elle indiquait dans le dispositif les coordonnées. 45Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 718-720, par. 251. - 12 - B. LA DÉNONCIATION ,PAR LA COLOMBIE ,DU PACTE DE BOGOTÁ 2.41. La Colombie a dénoncé le pacte de Bogotá le 27 novembre 2012. A cette date, la ministre colombienne des affaires étrangères a transmis au dépositaire, le secrétariat général de 22 l’Organisation des Etats américains (l’OEA), l’avis de dénonciation visé à l’article LVI du pacte .46 2.42. L’article pertinent du pacte de Bogotá  l’article LVI  est ainsi libellé : «Article LVI. La durée du présent Traité sera indéfinie, mais il pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an ; passé ce délai il cessera de produire ses effets par rapport à la partie qui l’a dénoncé, et demeurera en vigueur en ce qui concerne les autres signataires. L’avis de dénonciation sera adressé à l’Union Panaméricaine qui le transmettra aux autres Parties Contractantes. La dénonciation n’aura aucun effet sur les procédures en cours entamées avant la transmission de l’avis en question.» 47 2.43. La note en date du 27 novembre 2012, dans laquelle la ministre indiquait que la dénonciation du pacte par la Colombie prenait effet «à compter d[u] jour» même à l’égard des procédures entamées après la transmission de son avis  conformément à l’article LVI , se lit comme suit : «Conformément à l’article LVI du traité américain de règlement pacifique, j’ai l’honneur de m’adresser à Votre Excellence aux fins d’informer le Secrétariat général de l’Organisation des Etats américains, en sa qualité de successeur de l’Union 23 panaméricaine, que la République de Colombie dénonce à compter de ce jour le «traité américain de règlement pacifique» signé le 30 avril 1948, dont l’instrument de ratification avait été déposé par la Colombie le 6 novembre 1968. La dénonciation dudit traité prend effet à compter de ce jour à l’égard des procédures introduites postérieurement au présent avis, conformément au second alinéa de l’article LVI, qui prévoit que «[l]a dénonciation n’aura aucun effet sur les 48 procédures en cours entamées avant la transmission de l’avis en question»» . (Les italiques sont de nous.) 2.44. Selon la note et conformément au libellé du second alinéa de l’article LVI du pacte, si le retrait de la Colombie n’a eu aucun effet sur les procédures en cours, c’est-à-dire celles entamées 46 Annexe 1 : note diplomatique GACIJ 79357 du 27 novembre 2012 adressée au secrétaire général de l’Organisation des Etats américains par la ministre colombienne des affaires étrangères. 47 Annexe 18 : texte du pacte de Bogotá dans les quatre langues faisant foi, version française, article LVI (les italiques sont de nous). 48Annexe 1. L’original espagnol se lit comme suit : «Tengo el honor de dirigirme a Su Excelencia, de conformidad con el artículo LVI del Tratado Americano de Soluciones Pacíficas, con ocasión de dar aviso a la Secretaría General de la Organización de Estados Americanos, a su digno cargo, como sucesora de la Unión Panamericana, que la República de Colombia denuncia a partir de la fecha el «Tratado Americano de Soluciones Pacíficas», suscrito el 30 de abril de 1948 y cuyo instrumento de ratificación fue depositado por Colombia el 6 de noviembre de 1968. La denuncia del Tratado Americano de Soluciones Pacíficas rige a partir del día de hoy respecto de los procedimientos que se inicien después del presente aviso, de conformidad con el párrafo segundo del artículo LVI el cual señala que «La denuncia no tendrá efecto alguno sobre los procedimientos pendientes iniciados antes de transmitido el aviso respectivo».» (Les italiques sont de nous.) - 13 - avant la transmission de l’avis de dénonciation, il a en revanche pris immédiatement et pleinement 24 effet à l’égard de toute procédure qu’une partie pourrait souhaiter engager après cette transmission, c’est-à-dire après le 27 novembre 2012. 2.45. Le 28 novembre 2012, le département du droit international du secrétariat aux questions juridiques de l’OEA a indiqué aux Etats parties au pacte ainsi qu’aux missions o permanentes des Etats membres avoir reçu, le 27 novembre 2012, la note GACIJ n 79357, par laquelle la République de Colombie «dénonçait» le traité américain de règlement pacifique (le «pacte de Bogotá») signé à Bogotá le 30 avril 1948. La note de l’OEA était rédigée en ces termes : «Le département de droit international du secrétariat aux questions juridiques de l’Organisation des Etats américains (OEA) présente ses compliments aux hautes parties contractantes au traité américain de règlement pacifique (le pacte de Bogotá) ainsi qu’aux autres missions permanentes auprès de l’OEA, et a l’honneur do porter à leur connaissance qu’il a reçu, le 27 novembre 2012, la note GACIJ n 79357, jointe à la présente, par laquelle la République de Colombie dénonce ledit traité adopté le 30 avril 1948 lors de la IX conférence internationale des Etats américains.» 49 25 2.46. Il convient de souligner que, alors que le secrétaire général de l’OEA leur avait communiqué dès le 28 novembre 2012 la notification dépositaire correspondante, à laquelle était jointe la note de la Colombie, aucun des Etats parties au pacte de Bogotá  Nicaragua compris  n’a, à l’époque ou dans le cadre de l’OEA, élevé d’objection à l’égard des clauses ou modalités de cette dénonciation. 2.47. Le contexte général dans lequel s’inscrit l’affaire étant posé, la Colombie, dans les chapitres suivants, exposera en détail, conformément à l’article 79 du Règlement de la Cour, ses exceptions préliminaires. 49 Annexe 2 : note OEA/2.2/109/12 adressée aux hautes parties contractantes au traité américain de règlement pacifique (le pacte de Bogotá), ainsi qu’aux autres missions permanentes auprès de l’Organisation des Etats américains (OEA), par le département de droit international du secrétariat aux affaires juridiques de l’OEA, 28 novembre 2012. L’original espagnol se lit comme suit : «El Departamento de Derecho Internacional de la Secretaría de Asuntos Jurídicos de la Organización de los Estados Americanos (OEA) tiene el honor de saludar a las Altas Partes Contratantes del Tratado Americano de Soluciones Pacíficas (Pacto de Bogotá) y a las demás Misiones Permanentes ante la OEA con el objeto de poner en su conocimiento que con fecha 27 de noviembre de 2012 recibió por parte de la República de Colombia la Nota GACIJ No. 79357, adjunta a la presente, mediante la cual denuncia dicho Tratado adoptado el 30 de abril de 1948 durante la Novena Conferencia Internacional Americana.» - 14 - CHAPITRE 3 PREMIÈRE EXCEPTION : LA COUR N’APAS COMPÉTENCE, RATIONE TEMPORIS, AU TITRE DU PACTE DE BOGOTÁ A. NTRODUCTION 27 3.1. Lorsqu’il a introduit la présente instance, le Nicaragua a invoqué l’article XXXI du pacte de Bogotá comme principal titre de compétence. De prime abord, il apparaît, d’après sa requête, que plusieurs points ne prêtent pas à controverse. Ainsi des faits suivants : premièrement, le Nicaragua est partie au pacte ; deuxièmement, le 27 novembre 2012, la Colombie, qui y était partie, l’a dûment et effectivement dénoncé, conformément aux prévisions du pacte lui-même ; troisièmement, l’avis de dénonciation de la Colombie indiquait que, conformément à l’article LVI du pacte, cette «dénonciation … pren[ait] effet à compter d[u 27 novembre 2012] à l’égard des procédures introduites postérieurement» audit avis ; quatrièmement, enfin, la requête du Nicaragua a été déposée après la date de transmission de cet avis. Reste, essentiellement, un point de divergence entre les Parties : le Nicaragua soutient, dans sa requête, que, «en application de l’article LVI [du pacte], [la dénonciation] ne prendra effet qu’au terme d’un an, [l]e pacte de Bogotá continu[ant] ainsi de produire ses effets par rapport à la Colombie jusqu’au 27 novembre 2013» ; or, il fait là une interprétation erronée de l’article LVI. 28 3.2. Pour les Etats américains, la conclusion d’un traité américain de règlement pacifique prévoyant, sous certaines conditions, l’acceptation de la juridiction obligatoire d’une institution judiciaire internationale et permanente, la Cour internationale de Justice était une étape majeure et ils ne devaient pas la franchir à la légère : conclu en 1948, le pacte contenait d’importantes sauvegardes, dont le droit de mettre fin à cette acceptation avec effet immédiat. 3.3. La Colombie montrera que la Cour n’est pas compétente au titre de l’article XXXI du pacte de Bogotá, la Colombie ayant transmis son avis de dénonciation du pacte au secrétariat général de l’Organisation des Etats américains le 27 novembre 2012. A compter de cette date, la Colombie n’acceptait donc plus de se soumettre à la juridiction de la Cour visée à l’article XXXI du pacte. La présente instance ayant été introduite par le Nicaragua le 16 septembre 2013, soit bien après cette date du 27 novembre 2012 (à laquelle, conformément aux dispositions de l’article LVI du pacte, le consentement de la Colombie au titre de l’article XXXI avait cessé de produire ses effets), la Cour n’a pas compétence pour connaître de la présente affaire. 3.4. Après une brève présentation des caractéristiques et de l’économie générale du pacte de Bogotá (section B 1) et appendice), l’article LVI sera analysé d’abord, aux points 2) a) et b) de cette même section, à la lumière de la règle générale d’interprétation des traités énoncée à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, puis, au point 2) c), au regard des 29 moyens complémentaires visés à l’article 32 de ladite convention, afin de confirmer le sens résultant de l’application de la règle générale. La section C sera consacrée à la dénonciation, par la Colombie, du pacte de Bogotá, et à la pratique qui a été celle des parties contractantes lorsque celui-ci a été dénoncé au titre de son article LVI. Dans la section D, il sera établi que la Cour n’a pas compétence pour connaître de la présente instance, celle-ci ayant été introduite après la transmission, par la Colombie, de son avis de dénonciation. 50Requête, par. 9. - 15 - B. L E PACTE DE B OGOTÁ AUTORISE LES PARTIES À SE RETIRER DU TRAITÉ PAR UNE DÉNONCIATION UNILATÉRALE 1. Les caractéristiques pertinentes du pacte de Bogotá a) L’économie générale du pacte de Bogotá 3.5. Le pacte de Bogotá fut conclu le 30 avril 1948 au cours de la neuvième conférence internationale des Etats américains (qui vit également l’adoption de la Charte de l’Organisation des 30 Etats américains) . Quatorze des trente-cinq Etats membres de l’Organisation des Etats américains y sont actuellement parties. Deux Etats  El Salvador en 1973 et la Colombie en 2012  ont dénoncé le pacte. 3.6. Le pacte de Bogotá se compose de huit chapitres et de soixante articles :  Chapitre premier. Obligation générale de régler les différends par des moyens pacifiques  Chapitre deux. Procédure des bons offices et de médiation  Chapitre trois. Procédure d’enquête et de conciliation  Chapitre quatre. Procédure judiciaire  Chapitre cinq. Procédure d’arbitrage  Chapitre six. Mise à exécution des décisions  Chapitre sept. Avis consultatifs  Chapitre huit. Dispositions finales 3.7. Ainsi qu’il ressort des intitulés des chapitres et comme il sera décrit plus en détail dans l’appendice du présent chapitre, le pacte de Bogotá recouvre plusieurs obligations distinctes, tant de nature substantielle que procédurale. Quatre des huit chapitres du pacte  les chapitres deux, trois, quatre et cinq  traitent de procédures spécifiques de règlement des différends. Les quatre autres se rapportent à d’autres obligations et engagemen52 contractés par les parties au traité 31 comme, par exemple, le non-recours à la force , l’obligation de résoudre les différends 51 La Cour a déjà eu l’occasion de se pencher sur le pacte de Bogotá dans le cadre de certaines affaires précédentes au stade de la compétence : Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 69 ; Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 832. Le pacte a en outre servi à fonder sa compétence dans les affaires suivantes : Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 659 ; Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 213 ; Différend maritime (Pérou c. Chili), arrêt du 27 janvier 2014. Le Nicaragua a par ailleurs invoqué le pacte comme principal titre de compétence dans d’autres affaires que la présente : Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) et Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie). Le 25 février 2014, le pacte a été invoqué dans des affaires introduites à l’encontre du Nicaragua par le Costa Rica (Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (qui, le 17 avril 2013, a été jointe à l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan) et Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique). 52 Art. I. - 16 - internationaux à l’aide des procédures régionales avant de les soumettre au Conseil de sécurité , 53 l’obligation de s’abstenir de toute réclamat54n diplomatique s’agissant de questions relevant de la compétence nationale d’un Etat partie , l’exercice du droit de légitime défense individuelle ou collective prévu dans la Charte des Nations Unies , les moyens de garantir la mise à exécution des arrêts et sentences arbitrales , et la possibilité de recourir à des avis consultatifs . Le chapitre huit contient les dispositions finales. b) La clause juridictionnelle du pacte 3.8. L’article XXXI du pacte, sur lequel s’appuie le Nicaragua, est libellé comme suit : «Conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, les Hautes Parties Contractantes en ce qui concerne tout autre Etat américain déclarent reconnaître comme obligatoire de plein droit, et sans convention spéciale tant que le présent Traité restera en vigueur, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique surgissant entre elles et ayant pour objet : a) l’interprétation d’un Traité ; b) toute question de droit international ; 32 c) l’existence de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international ; d) la nature ou l’étendue de la réparation qui découle de la rupture d’un engagement international.» 3.9. L’article XXXI se réfère au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice (la «clause facultative», qui prévoit la «juridiction obligatoire» de la Cour par un système de déclarations aux effets réciproques), dont il adopte les termes. L’effet de l’article XXXI, bien que limité aux parties au pacte, est analogue à celui d’un ensemble de déclarations ainsi faites en vertu de la clause facultative. En même temps, comme l’a dit la Cour, l’engagement pris au titre de l’article XXXI constitue «un engagement autonome indépendant de tout autre engagement que les parties peuvent par ailleurs avoir pris ou prendre en remettant au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies une déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire conformément aux paragraphes 2 et 4 de l’article 36 du Statut» . 58 3.10. L’application de l’article XXXI, en tant que disposition d’un traité, est soumise aux conditions énoncées dans d’autres dispositions de ce traité. Ainsi, aux termes du pacte, l’engagement pris de se soumettre aux procédures visées vaut uniquement «au cas où surgirait, 53 Art. II. 54 Art. VII. 55 Art. VIII. 56 Art. L. 57 Art. LI. 58 Affaire relative à des Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 85, par. 36. - 17 - entre deux ou plusieurs Etats signataires, un différend qui, de l’avis de l’une des parties, ne pourrait être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires» . Cette 59 33 restriction e60 énoncée à l’article II, d’autres étant exposées à l’article IV (engagement d’autres procédures) , à l’article V (questions qui, par leur nature, relèvent de la compétence nationale des Etats) et à l’article VI (questions déjà réglées entre les parties au moyen d’une décision arbitrale 62 ou d’une décision d’un Tribunal international, ou régies par des traités antérieurs) . L’article XXXIV stipule expressément que si la Cour se déclare incompétente pour connaître d’un différend pour les motifs indiqués aux articles V, VI et VII du pacte, ce différend sera déclaré terminé .63 3.11. Cela dit, il existe à cet égard une autre restriction, cruciale en la présente instance : la limitation ratione temporis, prévue dans la dernière phrase (second alinéa) de l’article LVI du pacte (la clause de dénonciation). 2. Le droit et la procédure de dénonciation en vertu du pacte de Bogotá 34 a) La disposition applicable : article LVI, alinéas premier et second 3.12. L’article 54 de la convention de Vienne sur le droit des traités stipule, dans sa partie pertinente, que «[l]’extinction d’un traité ou le retrait d’une partie peuvent avoir lieu : a) conformément aux dispositions du traité…». Or, l’article LVI ménage la possibilité de dénoncer le pacte de Bogotá, en ces termes : «La durée du présent Traité sera indéfinie, mais [celui-ci] pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an ; passé ce délai il cessera de produire ses effets par rapport à la partie qui l’a dénoncé, et demeurera en vigueur en ce qui concerne les autres signataires. L’avis de dénonciation sera adressé à l’Union Panaméricaine qui le transmettra aux autres Parties Contractantes. La dénonciation n’aura aucun effet sur les procédures en cours entamées avant 35 la transmission de l’avis en question.» (Les italiques sont de nous.) 3.13. L’article LVI comporte deux alinéas. Le premier confère aux Etats parties le droit de dénoncer le pacte, énonce les modalités selon lesquelles ils peuvent exercer ce droit, et apporte des précisions quant à l’effet de la dénonciation. Le second concerne plus spécifiquement l’effet que l’avis de dénonciation produit sur les «procédures» prévues aux chapitres deux à cinq du pacte. Il se lit comme suit : «La dénonciation n’aura aucun effet sur les procédures en cours entamées avant la transmission de l’avis en question.» (Les italiques sont de nous.) 59 Cette restriction a été analysée par la Cour dans l’affaire relative à des Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 85, par. 36. 60L’article IV est libellé comme suit : «Lorsque l’une des procédures pacifiques aura été entamée, soit en vertu d’un accord entre les parties, soit en exécution du présent Traité, ou d’un pacte antérieur, il ne pourra être recouru à aucune autre avant l’épuisement de celle déjà entamée.» 61 L’article V est libellé comme suit : «Lesdites procédures ne pourront s’appliquer aux questions qui, par leur nature, relèvent de la compétence nationale des Etats. Si les parties ne tombent pas d’accord sur le fait que le différend est une question relevant de la compétence nationale, sur la demande de l’une quelconque d’entre elles, cette question préjudicielle sera soumise au jugement de la Cour internationale de Justice.» 62 L’article VI est libellé comme suit : «Ces procédures ne pourront non plus s’appliquer ni aux questions déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties, ou d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un Tribunal international, ni à celles régies par des accords ou Traités en vigueur à la date de la signature du présent pacte.» 63 Voir l’affaire relative à des Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 84-85, par. 35. - 18 - Les textes anglais, portugais et espagnol, qui font également foi, vont dans le même sens : «The denunciation shall have no effect with respect to pending procedures initiated prior to the transmission of the particular notification.» «A denúncia não terá efeito algum sôbre os processos pendentes e iniciados antes de ser transmitido o aviso respectivo.» «La denuncia no tendrá efecto alguno sobre los procedimientos pendientes 64 iniciados antes de transmitido el aviso respectivo.» b) Le sens ordinaire de l’article LVI, dans son contexte et à la lumière de son objet et de son but, interdit d’engager une procédure judiciaire après la transmission de l’avis de dénonciation 3.14. Les règles énoncées aux articles 31 à 33 de la convention de Vienne sur le droit des traités reflètent le droit international coutumier et doivent donc être appliquées pour interpréter le pacte de Bogotá. Le paragraphe 1 de l’article 31 stipule ainsi qu’«[u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but». 3.15. Il y a lieu d’appliquer à l’article LVI du pacte les règles prévues aux articles 31 à 33 de 36 la convention de Vienne en interprétant cette disposition, et notamment son second alinéa, suivant son sens ordinaire, afin d’en garantir l’effet utile et d’éviter tout résultat «manifestement absurde ou déraisonnable». 3.16. Or, il découle clairement du texte du second alinéa de l’article LVI qu’aucune nouvelle procédure, notamment judiciaire, ne pourra être engagée dans l’année suivant la transmission de l’avis de dénonciation. Toute autre interprétation priverait le second alinéa d’effet utile. Si les Parties avaient souhaité ménager la possibilité d’entamer de nouvelles procédures après la transmission de l’avis de dénonciation, il leur aurait suffi de mentionner les procédures «en cours», sans les limiter à celles «entamées avant la transmission». Ainsi l’avis de dénonciation a pour effet  même si le pacte proprement dit ne cesse d’être en vigueur, à l’égard de l’Etat auteur de cette dénonciation, qu’au bout d’un an  d’interdire l’introduction, contre cet Etat, de toute nouvelle procédure (y compris devant la Cour internationale de Justice) passé la date de sa transmission au secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains. 3.17. Ainsi que cela sera démontré ci-dessous, cette conclusion découle d’une interprétation de bonne foi des termes du pacte, dans leur contexte, et à la lumière de l’objet et du but de cet 37 instrument. Elle est également confirmée par les travaux préparatoires, qui seront examinés au point c) ci-après. 3.18. Comme il a été mentionné, le pacte est divisé en huit chapitres. Les «procédures» en cours dont il est question au second alinéa de l’article LVI sont celles visées dans quatre d’entre eux, les chapitres deux (Procédure des bons offices et de médiation), trois (Procédure d’enquête et de conciliation), quatre (Procédure judiciaire) et cinq (Procédure d’arbitrage) — autant de 64Texte du pacte de Bogotá dans les quatre langues faisant foi (anglais, français, portugais et espagnol) (annexe 18). (Les italiques sont de nous.) - 19 - procédures particulières, donc susceptibles d’être engagées contre un Etat partie tant que celui-ci consent à s’y soumettre. 3.19. La question de la prise d’effet de la dénonciation visée à l’article LVI doit être appréhendée eu égard aux deux alinéas de cette disposition, dont chacun concerne des aspects 65 particuliers, sur lesquels la dénonciation agit différemment . Le premier alinéa stipule que la dénonciation prend effet à l’issue d’un délai d’un an pour ce qui est du pacte dans son ensemble, qui, comme on l’a vu , prévoit un certain nombre de droits et d’obligations importants, indépendamment de telle ou telle des procédures susceptibles d’être engagées en application de ses dispositions particulières. Le second alinéa de l’article LVI, ainsi que cela a été exposé, porte spécifiquement sur les procédures susceptibles d’être introduites, et qui sont décrites aux chapitres deux, trois, quatre et cinq. Cette seconde disposition garantit la poursuite des procédures engagées avant la transmission de l’avis et qui sont donc déjà en cours au moment de la dénonciation. En 38 revanche, toute tentative d’entamer l’une quelconque des procédures visées aux chapitres deux, trois, quatre et cinq après la date de l’avis de dénonciation échappe à la garantie prévue au second alinéa et se trouve donc privée d’effet juridique. 3.20. Le second alinéa de l’article LVI opère ainsi une distinction entre les procédures en cours entamées avant la transmission de l’avis de dénonciation et celles qui seraient engagées après. Il indique clairement que la dénonciation est sans effet à l’égard des procédures qui, engagées avant la transmission de l’avis, sont en cours au moment de cette transmission. A contrario, elle produit bel et bien ses effets à l’égard des procédures qui n’étaient pas en cours à la date en question, parce qu’il a été entrepris de les introduire postérieurement. 3.21. Ainsi, le second alinéa de l’article LVI régit le cas des procédures spécifiques prévues par le pacte :  Pour ce qui est des procédures déjà en cours au moment de la transmission de l’avis, la dénonciation est sans effet. Cette prévision est conforme à la règle qui prévaut en matière de contentieux international, à savoir que la compétence est déterminée au moment de l’introduction de la procédure, le retrait ultérieur du consentement étant sans incidence à cet 39 égard, et ce, que ce consentement ait été exprimé dans le cadre d’une clause compromissoire conventionnelle ou d’une déclaration au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour .67  Toute procédure que pourrait tenter d’engager, après la transmission de l’avis de dénonciation, un Etat partie au pacte (qu’il s’agisse de l’Etat auteur de la dénonciation ou de tout autre) se trouve exclue du consentement à la compétence exprimé par l’Etat qui est à l’origine de cette dénonciation, consentement qui est abrogé avec effet immédiat dès la transmission de l’avis. 65Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 31, par. 1. 66 Voir par. 3.7 ci-dessus. 67Ainsi que l’a écrit Rosenne, «dès lors qu’un Etat a donné son consentement à la saisine de la Cour, et qu’un autre Etat, sur la base de ce consentement, a engagé une instance devant la Cour, le premier ne peut retirer ledit consentement alors que la procédure engagée compte tenu de celui-ci est en cours.» In S. Rosenne, The Law and Practice of the International Court, 1920-2005 (4 éd., 2006), p. 569 ; voir également p. 785-789, 939-94Voir, dans la jurisprudence de la Cour : Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1953, p. 123 ; Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 142 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 416, par. 54 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 28, par. 36 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 438, par. 80. - 20 - 3.22. Ainsi l’article LVI prévoit deux échéances différentes pour ce qui est de la prise d’effet de la dénonciation. Celle-ci est immédiate à l’égard des procédures visées aux chapitres deux, trois, quatre et cinq, mais n’intervient qu’à l’issue d’une année en ce qui concerne l’ensemble des autres obligations et devoirs prévus par le pacte. 3.23. Cette lecture s’impose clairement si l’on applique la règle générale d’interprétation des 40 traités énoncés à l’article 31 de la convention de Vienne, et il n’est donc pas nécessaire de se référer aux travaux préparatoires. Du reste, pareille interprétation du second alinéa de l’article LVI n’est nullement surprenante. Il n’est en effet pas rare que les Etats se ménagent la possibilité de retirer, avec effet immédiat, leur consentement à la compétence d’une juridiction internationale. Tel est, par exemple, le cas d’un certain nombre de déclarations d’acceptation de la compétence de la Cour en vertu de la clause facultative, dans lesquelles les Etats se réservent expressément le droit d’abroger cette acceptation avec effet immédiat . Ainsi, le Royaume-Uni a rédigé sa déclaration du 5 juillet 2004 en ces termes : «1. Le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour et jusqu’à ce qu’il soit donné notification de l’abrogation de cette acceptation… 2. Le Gouvernement du Royaume-Uni se réserve également de compléter, modifier ou retirer à tout moment, par voie de notification adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, les réserves formulées ci-dessus ou toutes autres réserves qu’il pourrait formuler par la suite, lesdites réserves 41 complémentaires, lesdites modifications ou lesdits retraits prenant effet à compter de la date de ladite notification.» 3.24. Une comparaison entre le libellé du second alinéa de l’article LVI et les dispositions relatives à la dénonciation figurant dans d’autres traités multilatéraux prévoyant des procédures de règlement des différends révèle également qu’il n’est pas rare, dans un traité, de distinguer l’effet général de la dénonciation de son effet sur les procédures en question. La manière dont les parties au pacte ont rédigé le second alinéa de l’article LVI, en vue d’établir une nette différence entre les procédures en cours entamées avant la dénonciation et celles entamées après, n’a donc rien d’inhabituel. 3.25. La conven69on du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (dénommée ci-après la «convention de New York») traite de l’effet de la dénonciation en son article XIII, composé de trois paragraphes. Le premier paragraphe se rapporte à l’effet de la dénonciation sur la convention de New York elle-même, tandis que le troisième a trait spécifiquement aux procédures en cours, avec une référence précise à la date d’engagement de ces dernières : 68Parmi les Etats s’étant réservé ce droit de retirer leur acceptation avec effet immédiat figurent notamment l’Allemagne (2008), le Botswana (1970), le Canada (1994), Chypre (1988), le Kenya (1965), Madagascar (1992), le Malawi (1966), Malte (1966, 1983), le Nigéria (1998), le Pérou (2003), le Portugal (2005), la République de Maurice (1968), la République slovaque (2004), le Royaume-Uni (2005), le Sénégal (1985), la Somalie (1963), le Swaziland (1969) et le Togo (1979). Voir Tomuschat in Zimmermann et al (sous la dir. de) The Statute of the International Court of Justice, A Commentary (2 éd., 2012), p. 678-680, art. 36, MN p. 74 (selon Tomuschat, la dénonciation avec effet immédiat est le «prix à payer pour que les Etats adoptent la clause facultative», et «correspond à la logique d’un système juridictionnel toujours largement fondé sur une souveraineté illimitée», p. 678). 69Nations Unies, Recueil des traités (RTNU), vol. 330, p. 38. - 21 - «1. La dénonciation prendra effet un an après la date où le Secrétaire général … aura reçu la notification. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 3. La présente convention demeurera applicable aux sentences arbitrales au sujet desquelles une procédure de reconnaissance ou d’exécution aura été entamée avant l’entrée en vigueur de la dénonciation.» (Les italiques sont de nous.) S’agissant de la convention de New York, la date pertinente est la date à laquelle la dénonciation prend effet, date qui est définie très précisément au premier paragraphe de l’article XIII. 3.26. De la même manière, le protocole additionnel à la convention européenne sur l’immunité des Etats en date du 16 mai 1972 dispose, au deuxième paragraphe de son article 13 : «La dénonciation prendra effet six mois après la date de la réception de la notification par le Secrétaire général. Toutefois, le protocole continuera à s’appliquer aux affaires introduites, conformément à ses dispositions, avant l’expiration de ce délai.» (Les italiques sont de nous.) 3.27. Le deuxième paragraphe de l’article 31 de la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens traite de l’effet de la dénonciation sur la convention elle-même, puis de son effet sur les procédures en cours. Là aussi, la convention précise clairement dans quel cas — par rapport à sa date d’introduction — une procédure échappe à l’effet de la dénonciation : 43 «La dénonciation prend effet un an après la date de réception de la notification par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Toutefois, la présente convention continuera à s’appliquer à toute question relative aux immunités juridictionnelles des Etats ou de leurs biens soulevée dans une procédure intentée contre un Etat devant un tribunal d’un autre Etat avant la date à laquelle la dénonciation prend effet à l’égard de l’un quelconque des Etats concernés.» (Les italiques sont de nous.) 3.28. De même, la convention européenne relative au blanc72ment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990 et le protocole facultatif se rapportant 70 Protocole additionnel à la convention européenne sur l’immunité des Etats (Bâle, 16 mai 1972), Conseil de l’Europe, RTNU, vol. 1495, p. 182. 71Nations Unies, document A/RES/59/38, annexe. 72 Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à laoconfiscation des produits du crime (Strasbourg, 8 novembre 1990), Conseil de l’Europe, «Série des traités européens» n 141, art. 43  Dénonciation : 1. «Toute Partie peut, à tout moment, dénoncer la présente convention en adressant une notification au Secrétaire général du Conseil de l’Europe. 2. La dénonciation prendra effet le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire général. 3. Toutefois, la présente convention continue de s’appliquer à l’exécution, en vertu de l’article 14, d’une confiscation demandée conformément à ses dispositions avant que la dénonciation ne prenne effet.» (Les italiques sont de nous.) - 22 - 73 au pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 traitent de l’effet général d’une dénonciation sur les traités en question eux-mêmes, puis de son effet particulier sur 44 les procédures en cours, en indiquant précisément les dates pertinentes. 3.29. Comme les instruments susmentionnés, le pacte de Bogotá traite séparément, à l’article LVI, de l’effet général de la dénonciation — premier alinéa —, et de son effet sur les procédures en cours — second alinéa. Et, comme dans lesdits instruments, l’article LVI, portant sur la dénonciation, est très précis en ce qui concerne la date pertinente, celle de l’introduction des procédures en cours : selon le pacte, seules les procédures entamées avant la transmission de l’avis de dénonciation échappent aux effets de cette dernière. 3.30. En 1948, les Etats américains, pour lesquels l’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice constituait une étape majeure, décidèrent de se réserver la liberté de retirer ladite acceptation avec effet immédiat si les circonstances l’exigeaient, mais sans que cela n’ait d’incidence sur les procédures en cours. Tel est précisément l’effet du second alinéa de l’article LVI. 3.31. Cela correspond également à la pra74que des Etats parties au pacte. Sur les seize Etats ayant ratifié le pacte ou y ayant adhéré , deux l’ont dénoncé : El Salvador, en 1973, et la 45 Colombie, en 2012. La dénonciation de la Colombie est, pour l’essentiel, similaire à celle d’El Salvador s’agissant des procédures judiciaires introduites après la transmission de l’avis de dénonciation. Le dernier paragraphe de l’avis de dénonciation d’El Salvador, en date du 24 novembre 1973, est ainsi libellé : «Enfin, mon gouvernement prie le Secrétaire général de prendre acte du fait que, bien que dénonçant, pour les raisons indiquées, le pacte de Bogotá  dénonciation qui prend effet à compter de ce jour , il réaffirme dans le même temps sa ferme intention de continuer à prendre part aux efforts collectifs actuellement déployés pour réorganiser certains aspects du système, en vue de tenir compte des changemen75 fondamentaux intervenus dans les relations entre certains Etats américains.» 73 RTNU, vol. 999, p. 171. L’article 12 est ainsi libellé : «1.Tout Etat partie peut, à tout moment, dénoncer le présent Protocole par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. La dénonciation portera effet trois mois après la date à laquelle le Secrétaire général en aura reçu notification. 2. La dénonciation n’entravera pas l’application des dispositions du présent protocole à toute communication présentée en vertu de l’article 2 avant la date à laquelle la dénonciation prend effet.» (Les italiques sont de nous.) 74Bolivie, Brésil, Chili, Colombie (dénonciation en 2012), Costa Rica, El Salvador (dénonciation en 1973), Equateur, Haïti, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay. 75Annexe 3 : note diplomatique du 24 novembre 1973 adressée au secrétaire général de l’Organisation des Etats américains par le ministre salvadorien des affaires étrangères (les italiques sont de nous). L’original espagnol se lit comme suit : «Finalmente, mi Gobierno deja constancia de que, si El Salvador, por las razones expuestas, denuncia ahora el Pacto de Bogotá, denuncia que ha de principiar a surtir efectos a partir del día de hoy, reitera al mismo tiempo su firme propósito de continuar participando en los esfuerzos colectivos que actualmente se realizan para reestructurar algunos aspectos del sistema, a fin de acomodarlo a los cambios fundamentales que han ocurrido en las relaciones entre los Estados americanos.» (Les italiques sont de nous.) - 23 - 3.32. Comme pour la dénonciation de la Colombie, aucun autre Etat partie au pacte  le Nicaragua compris  n’a soumis d’objection à l’OEA ni exprimé la moindre réaction au sein de cette organisation, à l’égard des modalités ou des clauses de la dénonciation d’El Salvador. 46 c) Le sens ordinaire est confirmé par les travaux préparatoires 3.33. L’interprétation exposée plus haut résulte clairement de l’application de la règle générale d’interprétation des traités énoncée à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit de traités et il est donc inutile d’avoir recours aux travaux préparatoires. Il est toutefois permis de s’y reporter, en vertu de l’article 32 de la Convention de Vienne, afin de valider le sens ordinaire résultant de l’application de la règle générale. Or, les travaux confirment ce sens ordinaire. 3.34. Le long processus qui a débuté à Montevideo en 1933 pour aboutir à l’adoption du pacte de Bogotá en 1948 visait à actualiser les divers mécanismes de règlement pacifique prévus 76 dans les traités en vigueur entre les Etats américains , en les réunissant dans un seul instrument. 3.35. Les traités antérieurs à 1936 intéressant le règlement des conflits et les procédures à cet effet présentaient bien des dissemblances. Tel traité — le traité d’arbitrage obligatoire —, datant de 1902, n’avait obtenu que six ratifications, tel autre, conclu en 1929, ayant également trait à l’arbitrage, en avait obtenu davantage, mais accompagnées de réserves quant à la portée de la clause prévoyant le recours à cette procéd77e. A l’exception des deux instruments précités — le 78 47 traité d’arbitrage obligatoire de 1902 et le traité général d’arbitrage interaméricain de 1929 —, les traités régionaux antérieurs à 1936 ne contenaient pas de dispositions précises et exhaustives concernant le règlement obligatoire des différends de la nature de celles figurant dans le pacte de Bogotá. 3.36. En ce qui concerne l’extinction, l’article 22 du traité d’arbitrage obligatoire signé le 29 janvier 1902 dispose notamment ce qui suit : «Si l’une des puissances signataires décide de recouvrer sa liberté, elle dénoncera le traité, dénonciation qui ne produira d’effet qu’à son égard, et seulement un an après sa formulation. Cette dénonciation n’aura par ailleurs aucun effet sur toute procédure d’arbitrage impliquant la puissance en question qui demeurerait en cours à 79 l’expiration de ce délai d’un an.» [Traduction du Greffe.] 76 Pacte de Bogotá, articles LVIII et LVIX. 77 Traité relatif à l’arbitrage obligatoire (Mexico, 29 janvier 1902), Revue générale de droit international public, tome X, 1903. Voir annexe 17 : traités interaméricains conclus entre 1902 et 1936, clauses de dénonciation. 78 Traité général d’arbitrage interaméricain (Washington, 5 janvier 1929), annexe 17. 79 Ibid. L’original espagnol se lit comme suit : «Si alguna de las signatarias quisiere recobrar su libertad, denunciará el Tratado; más la denuncia no producirá efecto sino únicamente respecto de la Nación que la efectuare, y sólo después de un año de formalizada la denuncia. Cuando la Nación denunciante tuviere pendientes algunas negociaciones de arbitraje a la expiración del año, la denuncia no surtirá sus efectos con relación al caso aun no resuelto.» Le traité de 1902 ne faisait pas partie des accords dont le comité juridique devait tenir compte pour rédiger l’avant-projet de traité de coordination des accords de paix interaméricains qui serait soumis lors de la VII conférence internationale américaine par la résolution XV, approuvée le 21 décembre 1938. Annexe 13, Text of Document C : Report to Accompany the Draft Treaty for the Coordination of Inter-American Peace Agreements and Draft of an Alternative Treaty [Texte du document C : Rapport accompagnant le projet de traité de coordination des accords de paix interaméricains et projet de traité instituant de nouvelles dispositions], p. 81-83. - 24 - Il ressort clairement de cette disposition que l’extinction des obligations conventionnelles, 48 y compris en ce qui concerne les procédures d’arbitrage déjà entamées, ne devait prendre effet qu’au terme d’une année. En revanche, les dispositions pertinentes de l’article 9 du traité général d’arbitrage interaméricain, signé à Washington le 5 janvier 1929, prévoyaient ce qui suit : «Le présent traité restera en vigueur indéfiniment, mais il peut être dénoncé par un avis préalable d’un an ; à l’expiration de ce terme, il cessera d’être en vigueur en ce qui concerne l80partie qui l’a dénoncé, mais restera en vigueur pour les autres signataires.» Cette disposition, qui ne concerne pas 81s procédures en cours, est similaire à celles figurant dans les autres traités antérieurs à 1936 . 3.37. Dans le cadre des efforts législatifs déployés en vue d’obtenir l’adhésion de l’ensemble de la région à un mécanisme global de règlement des différends, le défi, pour les organisateurs de 49 la conférence de Montevideo, consistait à élaborer un avant-projet qui serait largement approuvé, tout en apaisant les diverses craintes des Etats de la région. 3.38. Le 27 décembre 1937, le directeur général de l’Union panaméricaine adressa une communication au sous-secrétaire d’Etat américain dans laquelle il faisait état des principales lacunes du traité pour éviter ou prévenir les conflits entre les Etats américains de 1923 (le traité de Gondra), et demandait au gouvernement américain d’«envisager de prendre l’initiative, lors de la prochaine conférence de Lima, de recommander, dans un souci d’efficacité, que les traités de paix existants soient complétés.» 82 3.39. Le 15 novembre 1938, les Etats-Unis soumirent aux Etats américains, pour discussion lors de la VIII conférence internationale américaine qui devait se tenir à Lima du 9 au 27 déce83re 1938, un avant-«projet de consolidation des instruments américains relatifs à la paix» qui ne contenait aucune disposition similaire à celle qui serait intégrée au second alinéa de l’article LVI du pacte de Bogotá. 80L’original espagnol se lit comme suit : «Este tratado regirá indefinidamente, pero podrá ser denunciado mediante aviso anticipado de un año, transcurrido el cual cesará en sus efectos para el denunciante, quedando subsistente para los demás signatarios.» 81 Voir, dans l’annexe 17, les passages concernant la dénonciation figurant dans les textes suivants : traité d’arbitrage obligatoire (29 janvier 1902), article 22 ; traité pour éviter ou prévenir les conflits entre les Etats américains (le traité de Gondra) (3 mai 1923), article IX ; convention générale de conciliation interaméricaine (5 janvier 1929), article 16 ; traité général d’arbitrage interaméricain (5 janvier 1929), article 9 ; protocole d’arbitrage progressif (5 janvier 1929) ; traité pacifique de non-agression et de conciliation (le pacte Saavedra-Lamas) (10 octobre 1933), article 17 ; protocole additionnel à la convention générale de conciliation interaméricaine (26 décembre 1933) ; convention pour le maintien, la préservation et le rétablissement de la paix (23 décembre 1936), article 5 ; protocole additionnel relatif à la non-intervention (23 décembre 1936), article 4 ; traité relatif à la prévention des différends (23 décembre 1936), article 7 ; traité interaméricain sur les bons offices et la médiation (23 décembre 1936), article 9 ; convention pour coordonner, développer et assurer l’application des traités conclus entre les Etats américains (23 décembre 1936), article 8. 82Annexe 9 : mémorandum du 28 décembre 1937 adressé au sous-secrétaire d’Etat américain par le directeur général de l’Union panaméricaine, p. 6 (les italiques sont de nous). 83Annexe 5 : délégation des Etats-Unis d’Amérique, première commission, huitième Conférence internationale américaine, Lima, Pérou, Draft on Consolidation of American Peace Agreements, Topic 1. Perfecting and Coordination of Inter-American Peace Instruments [Projet de consolidation des accords de paix américains, point n 1. Amélioration et consolidation des instruments de paix interaméricains], 15 novembre 1938, p. 1. - 25 - 50 3.40. Toutefois, un mois plus tard, le 16 décembre 1938, à la conférence de Lima, les 84 Etats-Unis d’Amérique soumirent une deuxième version amendée de leur projet . Cette nouvelle version (ci-après la «proposition des Etats-Unis d’Amérique»), intégrait la disposition qui allait constituer le libellé du second alinéa de l’article LVI du pacte de Bogotá, et ce, dans un autre style 85 de police, afin de faire apparaître son statut d’amendement . L’article XXII de la proposition des Etats-Unis d’Amérique se lisait comme suit : «Article XXII : Le présent traité restera en vigueur indéfiniment, mais peut être dénoncé moyennant un préavis d’un an adressé à l’Union panaméricaine qui le transmettra aux autres gouvernements signataires. Passé l’expiration de ce délai, le traité cessera de produire ses effets à l’égard de la partie qui l’a dénoncé, mais demeurera en vigueur pour les autres hautes parties contractantes. La dénonciation 86 sera sans incidence sur toute procédure en cours introduite avant sa notification.» (Les italiques sont dans l’original.) 3.41. Ainsi, le texte du second alinéa de l’article LVI du pacte de Bogotá tire son origine de la proposition faite, le 16 décembre 1938, par les Etats-Unis d’Amérique dans l’intention manifeste de garantir aux Etats parties la possibilité de retirer leur consentement à être liés par la moindre 51 procédure à compter de la date de notification de la dénonciation, quand bien même cette dernière ne prendrait effet pour les obligations générales de fond du pacte lui-même que passé un délai d’un an. 3.42. Cette formulation ne figurait pas dans les traités de règlement pacifique des différends conclus avant 1936. La proposition des Etats-Unis visait donc clairement et délibérément à garantir aux Etats le droit de cesser, avec effet immédiat, d’être liés par des procédures obligatoires .7 3.43. Le 19 décembre 1938, lors de la réunion de la première sous-commission de la première commission de la conférence de Lima, M. Green H. Hackworth, futur membre et président de la Cour, mais qui était alors conseiller juridique au département d’Etat des Etats-Unis 84 Annexe 6 : délégation des Etats-Unisod’Amérique à la huitième conférence internationale des Etats américains, Projets présentés par les Etats-Unis, point n 1. Traité de consolidation des accords de paix américains, 16 décembre 1938, p. 193-194. 85 Dans la version anglaise de la proposition présentée par les Etats-Unis d’Amérique, tous les amendements étaient en italique tandis que, dans la version espagnole, ils apparaissaient en gras. 86Annexe 6, p. 203. 87A la conférence de Montevideo de 1933, l’idée prévalente était de consolider les traités américains existants en matière de règlement pacifique des différends. Plus précisément, dans la résolution XXXV du 23 décembre 1933, la conférence relevait «les avantages qu’offriraient la compilation et l’articulation dans un seul instrument de toutes les dispositions disséminées dans différents traités et autres principes pertinents pour la prévention et le règlement pacifique des conflits internationaux», et décidait qu’un projet mexicain de «Code de la paix» serait soumis pour examen aux Etats membres par l’intermédiaire de l’Union panaméricaine. Ce projet, qui constituait la première proposition de coordination des traités de paix interaméricains, ne contenait aucune disposition concernant l’extinction, la dénonciation ou le retrait. Voir annexe 7 : septième conférence internationale des Etats américains, Montevideo, 3-26 décembre 1933, résolution XXXV relative au Code de la paix, approuvée le 23 décembre 1933, p. 51. Le projet de «Code de la paix» fut soumis aux Etats lors de la conférence interaméricaine de consolidation de la paix, qui se tint à Buenos Aires en 1936, mais aucun progrès notable ne fut enregistré à cette occasion. Voir annexe 8 : conférence interaméricaine pour le maintien de la paix, Buenos Aires, 1-23 décembre 1936, résolution XXVIII relative au Code de la paix, approuvée le 21 décembre 1936. - 26 - 52 d’Amérique et membre de 88 délégation américaine, expliqua que «tous les amendements [avaie]nt été mis en évidence» . 3.44. La délégation des Etats-Unis d’Amérique appelait ainsi délibérément l’attention des autres Etats sur cette nouvelle formulation qui n’apparaissait pas dans les précédents instruments interaméricains. L’ensemble des Etats qui participaient aux négociations ne pouvaient donc ignorer la teneur de l’amendement, qui modifiait l’effet de la dénonciation par rapport à ce que prévoyaient à cet égard les précédents instruments multilatéraux. 3.45. Parmi les différents projets de coordination et de consolidation des accords de paix américains qui furent présentés à la conférence de Lima, seul celui des Etats-Unis d’Amérique 89 portait sur la question de la dénonciation . 3.46. Le 21 décembre 1938, la conférence de Lima adopta la résolution XV, dont le préambule mentionnait spécifiquement le projet «de consolidation des accords de paix américains» présenté par les Etats-Unis d’Amérique, dont il était précisé qu’il structurait «le processus de 53 règlement pacifique des différends entre les Etats américains en consolidant, dans 90 instrument unique, les dispositions contenues dans les huit traités [alors] en vigueur» . Par cette résolution, la conférence de Lima soumit à la conférence internationale des juristes américains plusieurs projets sur les 91océdures de règlement des différends interaméricains pour intégration dans un instrument unique . 3.47. En mars 1944, le comité juridique interaméricain publia deux projets destinés à être soumis pour examen aux Etats américains ; tous deux intégraient la proposition des Etats-Unis d’Amérique . 92 88 Annexe 10 : délégation des Etats-Unis d’Amérique à la huitième conférence internationale des Etats américains, Lima, 9-27 décembre 1938, procès-verbaux des réunions de la première sous-commission de la première commission, consolidation des instruments et accords de paix américains, 19 décembre 1938, p. 5. Il convient de noter que la délégation des Etats-Unis d’Amérique fit apparaître en italique les ajouts, dont celui qui allait inspirer le second alinéa de l’article LVI (voir annexe 6, art. XXII, p. 203)]. 89 Annexe 4 : «Comparative Chart of Drafts presented by American States to the First Commission at the Eighth International Conference of American States», Lima, Peru, Dec. 1938 [tableau comparatif des projets présentés par les Etats américains à la première commission de la huitième conférence internationale des Etats américains (Lima, Pérou, décembre 1938)]. 90 Annexe 11 : Eighth International Conference of American States, Lima, 9-27 Dec. 1938, Resolution XV, Perfection and Coordination of Inter-American Peace Instruments, Approved 21 Dec. 1938, p. 1, Consideration 4. [huitième conférence internationale des Etats américains (Lima, 9-27 décembre 1928), résolution XV, amélioration et coordination des instruments de paix interaméricains, approuvée le 21 décembre 1938, p. 1, quatrième considérant]. 91 Ibid., p. 2, par. 2. 92 Voir annexe 12, Inter-American Juridical Committee, Text of Document A : Draft Treaty for the Coordination of Inter-American Peace Agreements, Minutes of the Inter-American Juridical Committee, 1944, p. 53-68 [comité juridique interaméricain, texte du document A : projet de traité de coordination des accords de paix interaméricains, 1944, p 53-68 (qui rassemblait les accords interaméricains existants en matière de règlement pacifique des différends sans modifier en rien leur teneur)] ; et annexe 13, Text of Document B : Draft of an Alternative Treaty Relating to Peaceful Procedures, p. 69-79 [texte du document B : projet de traité instituant de nouvelles dispositions en matière de règlement pacifique, p. 69-79 (qui proposait un nouveau contenu textuel fondé sur les divers projets présentés à Lima en 1938)]. La proposition des Etats-Unis d’Amérique avait été intégrée à l’article XXXII du projet de traité de coordination des accords de paix interaméricains (document A) qui était libellé comme suit : - 27 - 54 3.48. En septembre 1945, le comité juridique interaméricain présenta son «avant-projet de système interaméricain de paix». Le rapport qui y était joint indiquait que «la septième partie … intitulée «Dispositions finales» [était] conforme aux lignes générales déjà approuvées par 93 les Etats américains» . Dans cette septième partie, l’article XXIX intégrait la proposition faite par les Etats-Unis d’Amérique, en des termes similaires à ceux qui seraient employés dans la version finale du pacte de Bogotá. Cet article se lit comme suit : «Article XXIX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . [Paragraphe 3.] Le présent traité restera en vigueur indéfiniment, mais il pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an adressé à l’Union panaméricaine ; à l’expiration de ce délai, il cessera de produire ses effets par rapport à la partie qui l’a dénoncé, mais demeurera en vigueur à l’égard des autres signataires. L’avis de dénonciation sera transmis par l’Union panaméricaine aux autres gouvernements signataires. La dénonciation sera94ans incidence sur les procédures en cours introduites avant sa notification.» 55 3.49. Le 18 novembre 1947, un quatrième (et dernier) projet tendant à la consolidation des instruments de paix interaméricains fut publié par le comité juridique interaméricain et distribué pour examen aux Etats américains. Son article XXVI intégrait la proposition des Etats-Unis d’Amérique : «Article XXVI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . [Paragraphe 3.] Le présent traité restera en vigueur indéfiniment, mais il pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an adressé à l’Union panaméricaine ; à l’expiration de ce délai, il cessera de produire ses effets par rapport à la partie qui l’a dénoncé, mais demeurera en vigueur à l’égard des autres signataires. L’avis de dénonciation sera transmis par l’Union panaméricaine aux autres gouvernements «Le présent traité restera en vigueur indéfiniment, mais il pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an adressé à l’Union panaméricaine ; passé ce délai il cessera de produire ses effets à l’égard de la partie qui l’a dénoncé, mais demeurera en vigueur pour les autres signataires.L’avis de dénonciation sera transmis par l’Union panaméricaine aux autres gouvernements signataires.La dénonciation sera sans incidence sur les procédures en cours introduites avant sa notification.» La proposition des Etats-Unis d’Amérique avait été intégrée à l’article XXVIII du projet de traité instituant de nouvelles dispositions en matière de règlement pacifique, (doc. B), qui était libellé comme suit : «Le présent traité sera valide indéfiniment, mais pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an adressé à l’Union panaméricaine, [et] aux autres gouvernements signataires. La dénonciation sera sans incidence sur les procédures en cours introduites avant la transmission de cet avis.» [Traduction du Greffe.] 93 Annexe 14 : Inter-American Juridical Committee, Draft of an Inter-American Peace System and an Accompanying Report, Article XXIX, 4 Sept. 1945, Article XXIX, p. 22 [comité juridique interaméricain, projet de système interaméricain de paix et rapport y relatif, article XXIX (4 septembre 1945), article XXIX, p. 22]. 94 Ibid., p. 11-12. - 28 - signataires. La dénonciation sera sans incidence sur les procédures en cours introduites avant sa notification.»95 3.50. La neuvième conférence internationale des Etats américains se tint du 30 mars au 2 mai 1948 à Bogotá, en Colombie. Elle approuva la première partie du paragraphe 3 de l’article XXVI qui faisait référence à la dénonciation. La seconde partie de ce paragraphe fut renvoyée au comité de rédaction. Le 29 avril, lors de la dernière séance du comité de rédaction de 96 56 la troisième commission , l’article LV (qui deviendrait l’article LVI) fut divisé en deux alinéas : «Le présent traité restera en vigueur indéfiniment, mais il pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an et cessera de produire ses effets pour la partie qui l’a dénoncé tout en demeurant en vigueur en ce qui concerne les autres signataires. L’avis de dénonciation sera adressé à l’Union panaméricaine qui le transmettra aux autres parties contractantes. La dénonciation sera sans incidence sur les procédures en cours entamées avant 97 la transmission de l’avis en question.» 3.51. Comme on peut le constater, la proposition des Etats-Unis d’Amérique de 1938 relative à la question de la dénonciation était presque identique au texte qui serait finalement adopté dans le pacte de Bogotá. A une différence structurelle près  mais une différence importante : le paragraphe unique d’origine fut scindé en deux alinéas dont il apparaissait ainsi plus manifestement qu’ils visaient des objets différents. Il ressort on ne peut plus clairement du second d’entre eux que seules les procédures en cours entamées avant la transmission de l’avis de dénonciation échappent aux effets de celle-ci. Parmi les autres amendements introduits par le comité de rédaction en 1948, le principal consista à remplacer l’expression «avant sa notification» par la formule «avant la transmission de l’avis en question», amendement qui eut pour effet de souligner que la date critique était celle de la transmission. Tant le fait que le second alinéa fut renvoyé devant le comité de 57 rédaction que l’amendement qui y fut apporté confirment que ce second alinéa et son libellé firent l’objet d’une attention particulièrement soutenue. 3.52. Le tableau ci-dessous montre les modifications subies par le texte en question dans le contexte du traité interaméricain. 95 Annexe 15 : Inter-American Juridical Committee, Inter-American Peace System : Definitive Project Submitted to the Consideration of the Ninth International Conference of American States in Bogotá, Article XXVI, 18 Nov. 1947, Article XXVI, p. 9 [comité juridique interaméricain, système interaméricain de paix : projet définitif soumis pour examen à la neuvième conférence internationale des Etats américains à Bogotá, article XXVI (18 novembre 1947), article XXVI, p. 9]. 96Annexe 16 : procès-verbal de la seconde partie de la quatrième séance de la commission de coordination, neuvième conférence internationale des Etats américains, 29 avril 1948, p. 537. 97Ibid., p. 541. - 29 - Evolution de ce qui allait devenir le second alinéa de l’article LVI du pacte de Bogotá Proposition des Etats-Unis d’Amérique pour le Pacte de Bogotá, 1948 traité de consolidation des conventions de paix américaines, 1938 «Article XXII : Le présent traité restera «Article LVI : La durée du présent en vigueur indéfiniment, mais peut être Traité sera indéfinie, mais il pourra être dénoncé moyennant un préavis d’un an dénoncé moyennant un préavis d’un an ; adressé à l’Union panaméricaine qui le passé ce délai, il cessera de produire ses transmettra aux autres gouvernements effets par rapport à la partie qui l’a dénoncé, signataires. Passé l’expiration de ce délai, le et demeurera en vigueur en ce qui concerne traité cessera de produire ses effets à l’égard les autres signataires. L’avis de de la partie qui l’a dénoncé, mais demeurera dénonciation sera adressé à l’Union en vigueur pour les autres hautes parties Panaméricaine qui le transmettra aux autres contractantes. La dénonciation sera sans Parties Contractantes. incidence sur toute procédure en cours introduite avant sa notification.». (Les La dénonciation n’aura aucun effet sur les procédures en cours entamées avant la italiques sont de nous.) transmission de l’avis en question.» (Les italiques sont de nous.) 3.53. Les travaux préparatoires du pacte de Bogotá confirment donc le sens ordinaire de l’article LVI : celui-ci est divisé en deux alinéas qui distinguent l’effet général  différé  de la 58 dénonciation sur les autres obligations régies par le pacte de son effet  immédiat  sur les procédures introduites postérieurement à cette dénonciation. C. LA C OLOMBIE A DÉNONCÉ LE PACTE DE B OGOTÁ DANS LE RESPECT DES PRESCRIPTIONS DE CELUI -CI 3.54. La Colombie a dénoncé le pacte, avec effet immédiat, le 27 novembre 2012, date à laquelle la ministre colombienne des affaires étrangères a transmis un avis de dénonciation au dépositaire de l’instrument, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains, conformément à la procédure prévue par l’article LVI du pacte. Il est utile de rappeler le texte de cet avis : «Conformément à l’article LVI du traité américain de règlement pacifique, j’ai l’honneur de m’adresser à Votre Excellence aux fins d’informer le Secrétariat général de l’Organisation des Etats américains, en sa qualité de successeur de l’Union panaméricaine, que la République de Colombie dénonce à compter de ce jour le «traité américain de règlement pacifique» signé le 30 avril 1948, dont l’instrument de ratification avait été déposé par la Colombie le 6 novembre 1968. La dénonciation dudit traité prend effet à compter de ce jour à l’égard des procédures introduites pos98rieurement au présent avis, conformément au second alinéa de l’article LVI…» . 98Annexe 1. L’original en espagnol se lit comme suit : «Tengo el honor de dirigirme a Su Excelencia, de conformidad con el artículo LVI del Tratado Americano de Soluciones Pacíficas, con ocasión de dar aviso a la Secretaría General de la Organización de Estados Americanos, a su digno cargo, como sucesora de la Unión Panamericana, que la República de Colombia denuncia a partir de la fecha el ‘Tratado Americano de Soluciones Pacíficas’, suscrito el 30 de abril de 1948 y cuyo instrumento de ratificación fue depositado por Colombia el 6 de noviembre de 1968. - 30 - 59 3.55. Dans sa communication, la ministre des affaires étrangères indiquait sans aucune équivoque que la dénonciation du pacte par la Colombie prenait effet «à compter de ce jour», soit le 27 novembre 2012, «à l’égard des procédures entamées postérieurement au présent avis, conformément au second alinéa de l’article LVI, qui prévo[yait] que «[l]a dénonciation n’aura[it] aucun effet sur les procédures en cours entamées avant la transmission de l’avis en question»». 3.56. Selon la note, et conformément au second alinéa de l’article LVI du pacte, si cette dénonciation ne pouvait produire le moindre effet sur les procédures déjà en cours entamées avant la transmission de l’avis, elle s’appliquait avec effet immédiat à l’égard de toutes celles qui pourraient être engagées après le 27 novembre 2012, date de transmission de l’avis. 3.57. Le 28 novembre 2012, le département du droit international du Secrétariat aux 60 questions juridiques de l’Organisation des Etats américains informa les Etats parties au pacte et les missions permanentes des autres Etats membres de l’OEA qu’il avait reçu, le 27 novembre 2012, la note GACIJ 79357 par laquelle la République de Colombie «dénonçait» le traité américain de99 règlement pacifique ou «pacte de Bogotá», signé dans la ville éponyme le 30 avril 1948 . Aucun des Etats parties au pacte ne réagit à cette communication. D. CONCLUSION 3.58. Pour les raisons exposées dans le présent chapitre, et conformément aux termes des premier et second alinéas de l’article LVI du pacte de Bogotá, la Cour internationale de Justice n’a pas compétence pour connaître de l’instance introduite par le Nicaragua contre la Colombie le 16 septembre 2013, cette procédure ayant été engagée après la transmission de l’avis de dénonciation du pacte par la Colombie. La denuncia del Tratado Americano de Soluciones Pacíficas rige a partir del día de hoy respecto de los procedimientos que se inicien después del presente aviso, de conformidad con el párrafo segundo del artículo LVI el cual señala que ‘La denuncia no tendrá efecto alguno sobre los procedimientos pendientes iniciados antes de transmitido el aviso respectivo’.» 99Annexe 2. - 31 - A PPENDICE AU CHAPITRE 3 L E PACTE DE B OGOTÁ 61 3A.1. Le chapitre premier du pacte, intitulé «Obligation générale de régler les différends par des moyens pacifiques», fixe un certain nombre d’engagements de nature générale. A l’article I, les parties, «réaffirment solennellement les obligations qu’elles ont acceptées dans des conventions et des déclarations internationales antérieures ainsi que dans la Charte des Nations Unies ; elles décident de s’abstenir de la menace, de l’emploi de la force ou de n’importe quel autre moyen de coercition pour régler leurs différends et de recourir, en toutes circonstances, à des moyens pacifiques». 3A.2. A l’article II, elles «acceptent l’obligation de résoudre les différends internationaux à l’aide des procédures pacifiques régionales avant de recourir au Conseil de sécurité des Nations Unies». Cette même disposition se poursuit ainsi : «En conséquence, au cas où surgirait, entre deux ou plusieurs Etats signataires, un différend qui, de l’avis de l’une des parties, ne pourrait être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires, les parties s’engagent à employer les procédures établies dans ce traité sous la forme et dans les conditions prévues aux articles suivants, ou les procédures spéciales qui, à leur avis, leur permettront d’arriver à une solution.» 3A.3. Cet engagement à se soumettre aux procédures prévues par le pacte ne s’applique donc qu’aux différends opposant deux ou plusieurs Etats signataires qui, de l’avis de l’un d’entre eux, ne 62 peuvent être résolus au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires .0 3A.4. Les articles III et IV précisent que les parties sont libres de choisir la procédure qu’elles estiment la plus appropriée, étant toutefois entendu qu’aucune nouvelle procédure ne pourra être ouverte avant épuisement de toute procédure déjà entamée. En vertu de l’article V, les procédures établies par le pacte ne s’appliquent pas aux questions relevant de la compétence nationale. 3A.5. Selon l’article VI, «[c]es procédures ne pourront … s’appliquer ni aux questions déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties, ou d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un tribunal international, ni à celles régies par des accords ou traités en vigueur à la date de la signature du présent pacte». 3A.6. L’article VII limite le recours aux protections diplomatiques en stipulant ce qui suit : «Les Hautes Parties Contractantes s’engagent à ne pas produire de réclamations diplomatiques pour protéger leurs nationaux et à n’introduire, dans le même but, aucune action devant les juridictions internationales tant que les dits nationaux 100La Cour s’est penchée sur cette restriction de l’article II dans l’affaire des Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 69. - 32 - n’auront pas épuisé les voies de recours par devant les tribunaux locaux compétents de l’Etat en question.» 3A.7. La dernière disposition du chapitre premier, relative au droit de légitime défense individuelle ou collective, se lit comme suit : «Ni le recours aux moyens pacifiques de solution des différends, ni la recommandation de leur emploi ne pourront, en cas d’attaque armée, constituer un motif pour retarder l’exercice du droit de légitime défense individuelle ou collective prévu dans la 63 Charte des Nations Unies». 3A.8. Les chapitres deux et trois traitent respectivement des «[p]rocédures des bons offices et de médiation» et de la «[p]rocédure d’enquête et de conciliation», et le chapitre cinq, de la «[p]rocédure d’arbitrage». 3A.9. Le chapitre quatre, intitulé «Procédure judiciaire», compte sept articles, dont le premier, l’article XXXI, est celui qu’invoque le Nicaragua pour fonder la compétence de la Cour dans la présente instance. Cette disposition est reproduite et examinée au chapitre 3 de la présente pièce .1 3A.10. Le chapitre six du pacte, composé d’un seul article (l’article L), a pour objet de garantir l’exécution des décisions judiciaires et sentences arbitrales. Cette disposition spéciale se lit comme suit : «Si l’une des Hautes Parties Contractantes ne remplit pas les obligations découlant d’un jugement de la Cour internationale de Justice ou d’un jugement arbitral, l’autre ou les autres parties intéressées, avant de recourir au Conseil de sécurité des Nations Unies, demanderont une réunion de consultation des ministres des relations extérieures afin que celle-ci convienne des mesures à prendre en vue d’assurer l’exécution de la décision juridique ou arbitrale.» 64 3A.11. Le chapitre sept, qui est également une disposition spéciale constituée d’un seul article, prévoit la possibilité de demander à la Cour un avis consultatif : «Les parties intéressées à la solution d’un différend pourront, d’un commun accord, demander à l’Assemblée générale ou au Conseil de sécurité des Nations Unies de solliciter l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur une question juridique quelconque. La pétition se fera par l’intermédiaire du Conseil de l’Organisation des Etats américains.» 3A.12. Le chapitre huit (Dispositions finales) est composé des articles suivants :  Art. LII : ratification  Art. LIII : entrée en vigueur  Art. LIV : adhésion ; retrait des réserves  Art. LV : réserves 101Chap. 3, par. 3.8-3.10. - 33 -  Art. LVI : dénonciation  Art. LVII: enregistrement 102  Art. LVIII : traités cessant de produire leurs effets entre les parties  Art. LVIX : disposition excluant l’application de l’article précédent aux procédures déjà entamées ou réglées sur le fondement de pareils traités. 3A.13. Pour finir, l’article LX précise que le traité sera dénommé «pacte de Bogotá». 102 Traité pour éviter ou prévenir les conflits entre les Etats américains du 3 mai 1923 ; convention générale de conciliation interaméricaine du 5 janvier 1929 ; traité général d’arbitrage interaméricain et protocole additionnel d’arbitrage progressif du 5 janvier 1929 ; protocole additionnel à la convention générale de conciliation interaméricaine du 26 décembre 1933 ; traité pacifique de non-agression et de conciliation du 10 octobre 1933 ; convention pour coordonner, développer et assurer l’application des traités conclus entre les Etats américains du 23 décembre 1936 ; traité interaméricain sur les bons offices et la médiation du 23 décembre 1936 ; traité relatif à la prévention des différends du 23 décembre 1936. - 34 - CHAPITRE 4 DEUXIÈME EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : L’ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012 NE CONFÈREPAS À LACOUR DE COMPÉTENCE CONTINUE A. NTRODUCTION 65 4.1. Outre l’article XXXI du pacte de Bogotá, le Nicaragua invoque, dans sa requête, un second titre de compétence, en soutenant que, «dans la mesure où la Cour n’a pas, dans son arrêt du 19 novembre 2012, tranché de manière définitive la question de la délimitation du plateau continental entre lui-même et la Colombie dans la zone située à plus de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne, question dont elle était et reste saisie dans l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), l’objet de la présente requête demeure dans le champ de la compétence de la Cour telle que celle-ci l’a établie dans 103 ladite instance, introduite par la requête nicaraguayenne du 6 décembre 2001» . 4.2. Cette allégation repose sur l’idée que la compétence de la Cour à l’égard de la présente requête s’inscrirait simplement dans la continuité de celle dont elle s’est prévalue pour connaître de la requête de 2001. Ainsi, selon le Nicaragua, la Cour demeure saisie de la requête présentée en 2001 en l’affaire du Différend territorial et maritime, alors même que l’arrêt définitif qu’elle a 66 rendu le 19 novembre 2012 a pleinement réglé la question qui en faisait l’objet, et que ce différend n’apparaît plus sur la liste des affaires pendantes. 4.3. L’idée selon laquelle l’objet de la requête du Nicaragua demeurerait dans le champ de la compétence de la Cour telle que celle-ci l’a établie en l’affaire du Différend territorial et maritime est dépourvue de tout fondement, et le Nicaragua ne cite, pour l’étayer, aucune disposition du Statut ou du Règlement, ni aucune source faisant autorité. Outre qu’elle revient à négliger le fait que la Cour a intégralement délimité les espaces maritimes respectifs des Parties dans son arrêt du 19 novembre 2012  décision ayant l’autorité de la chose jugée et qui exclut donc qu’elle puisse 104 aujourd’hui connaître de la demande , la position du Nicaragua méconnaît le caractère consensuel de la compétence en droit international. Abstraction faite de la pratique consistant à découper la procédure en plusieurs phases  notamment aux fins d’examiner à un stade ultérieur les questions d’indemnisation , la Cour ne peut demeurer compétente à l’égard d’une demande qu’elle a déjà tranchée que dans le cas exceptionnel où elle a expressément réservé sa compétence à l’égard de faits qui seraient, par la suite, susceptibles d’avoir des incidences sur le fondement même de sa décision. Or, dans l’arrêt du 19 novembre 2012, où elle n’a rien fait de tel, la Cour a entièrement épuisé sa compétence. B.I L N’EXISTE AUCUNE BASE DE COMPÉTENCE PERMETTANT DE CONNAÎTRE DE LA DEMANDE DU N ICARAGUA AU REGARD DU S TATUT 67 4.4. L’article 36 du Statut de la Cour énonce les bases de compétence de la Cour. Or, les demandes avancées par le Nicaragua dans sa requête ne rentrent dans aucune des catégories envisagées (compromis, traité, convention, déclarations au titre de la clause facultative ou forum prorogatum). 103 Requête, par. 10. 10Chap. 5, infra. - 35 - 4.5. Le Statut prévoit que la Cour ne peut conserver sa compétence sans devoir se fonder sur une base indépendante que dans deux types de procédure : la demande en interprétation d’un arrêt prévue à l’article 60 du Statut, et la demande en revision prévue en son article 61. Concernant la première, la Cour a clairement rappelé que «la compétence que l’article 60 [lui] confère … n’est subordonnée à l’existence d’aucune autre base ayant fondé, dans l’affaire initiale, sa compétence à l’égard des Parties» . A propos de la seconde, la Cour l’a décrite comme une procédure en deux temps ne requérant pas de base de compétence distincte, constituée d’une première phase limitée à la recevabilité d106a demande, puis, si celle-ci est établie, d’une seconde phase, consacrée à l’examen au fond . 4.6. Le Nicaragua ne prétend pas solliciter l’interprétation ni la revision de l’arrêt rendu par 68 la Cour le 19 novembre 2012, même si, ainsi qu’il sera montré au chapitre 6, sa requête est à assimiler à une demande en revision de l’arrêt relatif au Différend territorial et maritime qui ne respecterait pas les conditions énoncées à l’article 61 du Statut de la Cour. Il s’ensuit que le Nicaragua n’a présenté aucun fondement juridique à l’appui de sa seconde base de compétence. C. L A COMPÉTENCE DE LA C OUR N ’EST RÉSERVÉE QUE LORSQUE LES P ARTIES OU LA COUR ELLE MÊME L ’ONT EXPRESSÉMENT PRÉVU 4.7. Hormis ceux de l’interprétation et de la revision, il n’existe que trois cas dans lesquels la Cour peut exercer une compétence continue à l’égard d’une affaire. Le premier est celui où les Parties à l’affaire initiale conviennent expressément de la possibilité de revenir devant la Cour après que celle-ci a rendu son arrêt. Le deuxième est celui où la Cour, dans son arrêt, réserve expressément pour une phase ultérieure de la procédure sa compétence à l’égard de certaines questions spécifiques en lien avec l’affaire initiale. Le troisième est un cas exceptionnel, celui où, par exemple, le non-respect d’un engagement unilatéral pris par le défendeur — engagement qui, selon la Cour, a fait disparaître l’objet du différend — remettrait en cause le «fondement» même de son arrêt, selon le cas de figure qui s’est présenté dans les affaires des Essais nucléaires. 4.8. On trouvera des exemples de précédents relevant des deux premières catégories dans la liste des affaires pendantes telle que publiée à ce jour sur le site Internet de la Cour — rappelons 69 que l’affaire du Différend territorial et maritime n’est pas classée comme telle. Deux affaires y sont listées comme étant encore pendantes, qui ne font l’objet d’aucun acte de procédure et ne sont pas en délibéré. La première est l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros et la seconde, celle des Activités armées sur le territoire du Congo. 4.9. Dans l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros, la compétence de la Cour reste établie par l’effet d’une disposition spécifique que les parties ont insérée dans leur compromis, lequel constituait le fondement de sa compétence initiale. L’article 5 du compromis prévoyait que, aussitôt que l’arrêt de la Cour leur aurait été remis, les parties engageraient des négociations pour fixer les modalités de son exécution. Il stipulait encore que, si les parties ne pouvaient parvenir à un accord dans un délai de six mois, «l’une ou l’autre d’entre elles pourra[it] prier 107Cour de rendre un arrêt supplémentaire pour déterminer les modalités d’exécution de son arrêt» . Ainsi, à 105 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), arrêt, C.I.J. Recueil 2013, p. 15, par. 32. 10Demande en revision de l’arrêt du 11 septembre 1992 en l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)) (El Salvador c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 398, par. 18. 10Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), compromis, 2 juillet 1993, p. 8, art. 5 3). - 36 - la différence du cas d’espèce, la possibilité de revenir devant la Cour après le prononcé de son arrêt était expressément prévue par les parties. 4.10. Dans le dispositif de l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo, la Cour a dit que l’Ouganda et la République démocratique du Congo avaient tous deux l’obligation de réparer le préjudice causé à l’autre partie et que, au cas où ils ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet, la question de la réparation «sera[it] réglée par [elle]» ; 70 aussi a-t-elle «réserv[é] à cet effet la suite de la procédure» . La Cour n’a rien fait de tel dans l’affaire du Différend territorial et maritime. 4.11. La Cour avait adopté une démarche analogue s’agissant de la question de l’indemnisation dans l’affaire du Détroit de Corfou. Après avoir conclu qu’elle avait compétence pour fixer le montant des réparations et indiqué qu’il «y a[vait] lieu d’instituer à cet égard une procédure» , elle a, dans le dispositif de son arrêt, indiqué qu’elle retenait la question de la fixation du montant des réparations et fixait, par ordonnance du même jour, la procédure à suivre à 110 cet effet . De la même façon, dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la Cour a jugé approprié de déterminer «dans une phase ultérieure de la procédure» la nature et le montant de la réparation due et a, dans son dispositif, réservé «la suite de la procédure», pour le cas où les parties ne pourraient se mettre d’accord sur la question des 111 réparations . 4.12. A la différence des affaires précitées, la Cour n’a, dans celle du Différend territorial et 71 maritime, réservé aucune question pour un examen ultérieur. Ainsi qu’il sera démontré dans la section suivante, elle s’est prononcée sur l’intégralité des demandes du Nicaragua. C’est ce qui ressort clairement des motifs, de même que du dispositif, de l’arrêt, dans lequel la Cour i) n’a pas accueilli la demande du Nicaragua tendant à une la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, ii) a entièrement délimité les espaces maritimes des deux Parties et iii) n’a réservé aucune question pour une phase ultérieure de la procédure. 4.13. Les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires des Essais nucléaires confirment également que, par principe, la Cour ne retiendra sa compétence après avoir statué sur l’objet du différend que si elle se l’est expressément réservée. Comme il a été relevé ci-dessus, ces arrêts attestent que la Cour ne manifeste expressément une telle volonté de suivi que dans une situation exceptionnelle où, par exemple  comme c’était le cas dans les affaires des Essais nucléaires , le non-respect de l’engagement unilatéral d’une partie  engagement qui, selon la Cour, avait fait disparaître l’objet du différend  remettrait en cause le fondement même de ses décisions. Dans de telles 108 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 281-282, par. 345 6) et 14). 109Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 26. 110 Ibid., p. 36. 111Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 142-143, par. 284 et p. 149, par. 292 15). Voir également plusieurs autres affaires où la Cour a, de la même façon, expressément réservé sa compétence : Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 693, par. 165 8) ; Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unio d’Amérique c. Iran), aroêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 45, par. 90 6) ; Usine de Chorzów (demande en indemnité), fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n 17, p. 64 8) et 9). - 37 - circonstances exceptionnelles, la Cour peut autoriser le requérant à «demander un examen de la 112 situation conformément aux dispositions du Statut» . 72 4.14. Au paragraphe 63 de son arrêt en l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), la Cour a donné l’explication suivante : «Dès lors que la Cour a constaté qu’un Etat a pris un engagement quant à son comportement futur, il n’entre pas dans sa fonction d’envisager que cet Etat ne le respecte pas. La Cour fait observer que, si le fondement du présent arrêt était remis en cause, le requérant pourrait demander un examen de la situation conformément aux dispositions du Statut; la dénonciation par la France, dans une lettre du 2 janvier 1974, de l’Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux, qui est invoqué comme l’un des fondements de la compétence de la Cour en l’espèce, ne saurait en soi faire obstacle à la présentation d’une telle demande.» 113 4.15. Lorsqu’elle a statué sur la Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), la Cour s’est rangée à l’avis de la Nouvelle-Zélande qui estimait que le paragraphe 63 de l’arrêt de la Cour du 20 décembre 1974 ne pouvait avoir été destiné à limiter l’accès du requérant aux voies procédurales prévues aux articles 40, paragraphe 1, 60 et 61 de son Statut (comme la France l’avait soutenu) , qui lui auraient en tout état de cause été ouvertes. Elle a ainsi considéré 73 «qu’en insérant le membre de phrase sus-indiqué [«le requérant pourrait demander un examen de la situation conformément aux dispositions du Statut»] au paragraphe 63 de son arrêt la Cour n’a[vait] pas exclu l’organisation d’une procédure spéciale pour le cas où les circonstances définies audit paragraphe, c’est-à-dire une «remise en cause» du «fondement» de l’arrêt, se présenteraient» . 115 Cela dit, la Cour a rejeté la demande de la Nouvelle-Zélande, estimant qu’une procédure ouverte au titre du paragraphe 63 de l’arrêt du 20 décembre 1974 «appara[aissait] comme indissociablement liée … à l’existence desdites circonstances ; et que, si les circonstances en question ne se 116 produis[aient] pas, cette procédure spéciale ne p[ouvait] être ouverte» . Elle a jugé que la «[d]emande d’examen de la situation» présentée par la Nouvelle-Zélande n’entrait pas dans les prévisions du paragraphe 63 dudit arrêt . 117 4.16. La présente instance n’offre aucune similitude avec les affaires des Essais nucléaires. Dans son arrêt du 19 novembre 2012, la Cour non seulement ne réserve pas expressément sa compétence en ce qui concerne la demande du Nicaragua mais encore ne dit rien dont pourrait se déduire une telle intention. En concluant que le Nicaragua n’avait pas démontré le bien-fondé de sa demande de plateau continental au-delà de 200 milles marins et en statuant à cet effet dans le 112 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 272, par. 60 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 477, par. 63. 113 Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 477, par. 63. 114 Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France) (Nouvelle-Zélande c. France), ordonnance du 22 septembre 1995, C.I.J. Recueil 1995, p. 300-301, par. 40. 115Ibid., p. 303-304, par. 53. 116 Ibid., p. 304, par. 54. 117 Ibid., p. 306, par. 65. - 38 - dispositif, la Cour a pleinement épuisé sa compétence. En décidant qu’elle «ne p[ouvait] 74 accueillir» la demande du Nicaragua , et en délimitant intégralement la frontière maritime entre les Parties, la Cour a clairement indiqué qu’il ne restait plus aucune question à trancher à cet égard. Par ailleurs, lorsqu’elle a abouti à la conclusion que le Nicaragua n’avait «pas appor119la preuve» du bien-fondé de sa prétention quant aux limites extérieures de son plateau continental , la Cour n’en a pas restreint la portée en ménageant au Nicaragua la possibilité de retenter sa chance «lors d’une phase ultérieure». Du reste, aucun réexamen ultérieur de la demande du Nicaragua n’est même envisagé dans l’arrêt. Le chapitre suivant étant intégralement consacré à l’exception d’incompétence que la Colombie fait valoir au titre de la chose jugée, il suffit, pour notre présent propos, d’exposer brièvement dans la section ci-après certaines des considérations de fait et de droit sur la base desquelles la Cour a, dans son arrêt du 19 novembre 2012, pleinement tranché la question qui faisait l’objet du différend dont l’avait saisie le Nicaragua par sa requête du 6 décembre 2001, de sorte qu’il ne saurait être question d’une compétence continue l’autorisant à connaître de l’objet de la requête introduite par le Nicaragua le 16 septembre 2013. D. L A COUR A ,PAR SON ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012, PLEINEMENT TRANCHÉ LA QUESTION QUI FAISAIT L ’OBJET DU DIFFÉREND INTRODUIT PAR LE N ICARAGUA DANS SA REQUÊTE DU 6DÉCEMBRE 2001 1. L’arrêt du 19 novembre 2012 4.17. Il ressort tant des motifs que du dispositif de son arrêt en l’affaire du Différend 75 territorial et maritime que la Cour a pleinement examiné et tranché la question qui faisait l’objet de l’instance introduite par la requête du Nicaragua en date du 6 décembre 2001. Aucun point ne restait donc pendant, et la Cour n’a pas conservé compétence pour connaître de la demande concernant le plateau continental avancée par le Nicaragua dans la présente affaire. 4.18. Ainsi que cela a été souligné au chapitre 2, le Nicaragua a modifié sa demande au cours de la procédure, ne sollicitant plus de la Cour le tracé d’une frontière maritime unique entre les Parties, comme il l’avait fait initialement, mais la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base. Malgré l’exception soulevée par la Colombie, la Cour a jugé cette demande recevable, précisant ce qui suit au paragraphe 111 de son arrêt : «La Cour estime donc que la demande de plateau continental étendu relève du différend qui oppose les Parties en matière de délimitation maritime et ne peut être considérée comme modifiant l’objet de celui-ci, et ce, d’autant plus qu’elle en découle directement.» 120 4.19. Concernant le fond de la demande de plateau continental étendu présentée par le Nicaragua, la Cour a observé que celui-ci n’avait pas «apporté la preuve que sa marge continentale s’étend[ait] suffisamment loin pour chevaucher le plateau continental dont la Colombie p[ouvait] se 76 prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale» et que, par conséquent, «elle n’était «pas en mesure de délimiter les portions du plateau continental relevant de chacune des Parties, comme le lui demand[ait] le Nicaragua, même en utilisant la formulation générale proposée par ce dernier» .1 La Cour a conclu qu’elle ne «p[ouvait] accueillir» la demande formulée par le 118Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 719, par. 251 3). 119 Ibid., p. 669, par. 129. 120Ibid., p. 665, par. 111. 121Ibid., p. 669, par. 129. - 39 - Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, décision formellement reprise dans le dispositif 122 et adoptée à l’unanimité . 4.20. A la lumière de cette «décision», la Cour a indiqué devoir «s’interroger sur la nature de la délimitation maritime à effectuer», étant entendu qu’«il ne saurait être question de déterminer une frontière maritime entre les côtes continentales des Parties, ces côtes se trouvant à bien plus de 123 400 milles marins l’une de l’autre» . Afin de déterminer ce sur quoi elle était appelée à statuer, elle a estimé nécessaire de se référer à la requête et aux conclusions du Nicaragua. Il convient de rappeler que, dans sa requête, le Nicaragua l’avait priée «de déterminer le tracé d’une frontière maritime unique entre les portions de plateau 77 continental et les zones économiques exclusives relevant respectivement du Nicaragua et de la Colombie, conformément aux principes équitables et aux circonstances pertinentes que le droit international général reconnaît comme s’appliquant à une délimitation de cet ordre» . 124 La Cour a estimé que cette demande était «à l’évidence suffisamment large pour englober la détermination d’une frontière entre le plateau continental et la zone économique exclusive générés par la masse continentale du Nicaragua et les îles adjacentes, d’une part, et les divers espaces maritimes auxquels ouvrent droit les îles colombiennes, d’autre part» . 125 4.21. S’agissant des conclusions finales, la Cour a considéré que le Nicaragua l’y «invit[ait] à effectuer une délimitation entre les espaces maritimes générés par les îles colombiennes, d’une part, et le plateau continental et la zone économique exclusive revenant au Nicaragua, d’autre part» 126  ce que, de son avis, l’agent du Nicaragua avait confirmé en déclarant, à l’ouverture de la procédure orale, que le Nicaragua souhaitait obtenir, grâce à la décision de la Cour, «qu’aucune 127 zone maritime ne reste à délimiter entre lui-même et la Colombie» . 4.22. La Cour a ensuite procédé à une délimitation complète et définitive des zones maritimes dans lesquelles les Parties possédaient des droits concurrents. Ce faisant, elle considérait 78 avoir pleinement tranché la question en cause dans le différend introduit par le Nicaragua, ainsi qu’elle l’a confirmé en rappelant que, si «[l]a Cour ne d[evait] pas excéder la compétence 128 lui [avaient] reconnue les Parties, ... elle d[evait] exercer toute cette compétence…» . 122 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 670, par. 131 et p. 719, par. 251 3). L’utilisation des termes «ne peut accueillir» est aussi significative, puisqu’elle exprime le rejet par la Cour d’une demande ou d’une conclusion particulière sur le fond. On en trouve un autre exemple récent dans l’arrêt rendu en l’affaire du Différend frontalier, où la Cour, employant la même expression, a décidé de ne pas accueillir (c’est-à-dire de rejeter) certaines prétentions territoriales et conclusions formulées par le Burkina Faso et le Niger. Voir Différend frontalier (Burkina Faso/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2013, p. 42, par. 98 et p. 50, par. 114 1). 123 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 670, par. 132. 124Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), requête, p. 8, par. 8. 125Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 670, par. 133. 126 Ibid., p. 670-671, par. 134. 127 Ibid., p. 670-671, par. 134. 128Ibid., p. 671, par. 136 ; citant l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 23, par. 19. - 40 - 4.23. Ainsi, lorsqu’elle a défini le tracé de la frontière maritime entre les Parties au paragraphe 237 de son arrêt, après avoir estimé qu’elle ne pouvait accueillir la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, la Cour a qualifié de «points terminaux» les points A et B situés aux extrémités des lignes tracées le long des parallèles sur 200 milles marins. Autrement dit, elle attachait clairement à sa décision un caractère définitif et complet, ce que confirme le dispositif de l’arrêt, qui précise que toutes les lignes parallèles se poursuivent «jusqu’à la limite située à 200 milles marins des l129es de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua» . De fait, si la Cour n’avait pas eu l’intention d’examiner  et donc de trancher  intégralement les demandes, elle se serait abstenue de doter les lignes de délimitation de points terminaux et aurait renvoyé cette question à la Commission des limites du plateau continental, ainsi qu’elle l’avait fait en l’affaire du Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) . Par ailleurs, si la Cour devait conserver une compétence aux fins de connaître de 79 la nouvelle demande du Nicaragua tendant à la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, cela mettrait à mal l’analyse qu’elle a faite des côtes pertinentes et des zones à délimiter, ainsi que les vérifications auxquelles elle a procédé pour s’assurer de l’absence de disproportion  autant d’éléments qui font partie intégrante de son arrêt. Force est donc de conclure que la frontière fixée par la Cour a entièrement réglé la question en cause dans l’affaire du Différend territorial et maritime. 4.24. L’arrêt du 19 novembre 2012 a mis fin à l’instance introduite par le Nicaragua en 2001. En jugeant, dans le dispositif, qu’«elle ne p[ouvait] accueillir la demande formulée par la République du Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales» , la Cour a épuisé sa compétence à l’égard de la demande du Nicaragua sans restriction, condition ni réserve. La décision de ne pas accueillir la demande du Nicaragua vient clore la partie IV de l’arrêt du 19 novembre 2012 portant sur l’«[e]xamen de la demande du Nicaragua tendant à la délimitation d’un plateau continental s’étendant au-delà de 200 milles marins» . 132 4.25. De fait, le Nicaragua a lui-même formellement reconnu que toutes les questions concernant les frontières maritimes pertinentes avaient été réglées. Dans sa demande déposée auprès de la Commission des limites du plateau continental en juin 2013  soit après le prononcé de l’arrêt de la Cour , il a indiqué «souhait[er] informer la Commission qu’il n’exist[ait] aucun 80 différend terrestre ou maritime non résolu lié à cette demande» . 133 4.26. Dès lors que la Cour statue sur une demande en prononçant un arrêt définitif, la tâche qui lui a été confiée en termes de règlement du différend est révolue. Elle ne possède pas de pouvoir résiduel ou inhérent qui permettrait à un Etat de lui soumettre derechef la même demande en affirmant qu’elle relève non pas d’une nouvelle instance, mais d’une simple étape ultérieure de la même procédure. Une fois que la Cour a statué, que ce soit sur le terrain de la compétence ou du fond, la procédure et le consentement sur lequel celle-ci repose prennent fin et ils ne sauraient être 129 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 719-720, par. 251 4). 130 Ibid., p. 759, par. 319. 131Ibid., p. 719, par. 251 3). 132Ibid., p. 665-670, par. 113-131. 133 Demande de la République du Nicaragua déposée auprès de la Commission des limites du plateau continental conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982), première partie : résumé, 24 juin 2013, p. 2, par. 8, disponible dans la version anglaise à l’adresse suivante : http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/nic66_13/Executive%20Summary.pdf (dernière consultation le 4 août 2014). - 41 - réactivés par une nouvelle requête. Par conséquent, une fois la compétence épuisée, comme elle l’a été par l’arrêt du 19 novembre 2012, le différend est retiré de la liste des affaires pendantes  et c’est bien ce qui s’est produit concernant l’affaire du Différend territorial et maritime. 2. La Cour ne possède pas de compétence continue pour connaître de l’objet de la requête du Nicaragua 4.27. L’idée, avancée par le Nicaragua, d’une compétence qui, en quelque sorte, se perpétuerait d’elle-même, est incompatible avec le principe fondamental de la chose jugée, ainsi que cela est exposé dans la troisième exception d’incompétence développée au chapitre suivant. Or le paragraphe 10 de la requête du Nicaragua repose sur le postulat que le rejet d’une demande 81 conserverait à la Cour une compétence de ce type en vertu de laquelle, bien que l’ayant déjà tranchée, la Cour pourrait être à nouveau saisie d’une même demande, modifiée jusqu’à ce qu’elle ait une chance d’être accueillie. Cette thèse est dépourvue de fondement. 4.28. Il n’est jamais arrivé que la Cour réserve sa compétence à l’égard d’une demande qu’elle n’avait «pas accueillie»  ou sur laquelle elle avait, plus généralement, déjà statué , aux fins de permettre à l’Etat demandeur de modifier les fondements juridiques ou factuels de sa demande dans le cadre d’une nouvelle requête. Ainsi qu’il a été démontré ci-dessus, la Cour ne réserve sa décision pour un stade ultérieur de la procédure qu’à l’égard d’éléments non encore 134 examinés , et jamais dans le dessein de réexaminer une demande dont elle a jugé, comme elle l’a fait dans l’135êt du 19 novembre 2012, qu’il n’avait pas été «apporté la preuve de son bien-fondé» . 4.29. Outre qu’elle va à l’encontre du principe de la chose jugée, l’idée d’une compétence qui se perpétuerait d’elle-même à l’égard d’une demande qui a été tranchée priverait l’autre partie du droit de retirer son consentement à la juridiction. Si une décision déboutant un Etat pouvait laisser subsister la compétence de la Cour, celui-ci aurait la faculté de renouveler sa requête  avec cet avantage qu’il pourrait tenir compte du raisonnement suivi par la Cour dans l’affaire initiale  et de présenter derechef la même demande, quand bien même le consentement à la juridiction serait entre-temps devenu caduc. Ce type de compétence continue ou perpétuelle permettrait même à un Etat de présenter une demande précocement, ou sans les justifications 82 nécessaires, aux seules fins de s’assurer l’existence de cette compétence ad futurum. Or, nul ne devrait être accablé de saisines en série n’ayant d’autre but que de voir aboutir une seule et même demande. E. CONCLUSION 4.30. Si la Cour a le pouvoir de réserver sa compétence à l’égard de tout ou partie de la question sur laquelle elle est amenée à statuer, elle ne l’a pas fait dans l’instance introduite par la requête du Nicaragua en date du 6 décembre 2001, examinant et tranchant au contraire l’intégralité du différend. En rendant son arrêt le 19 novembre 2012, la Cour a épuisé la compétence dont elle s’était prévalue dans l’affaire en question. En conséquence, le Nicaragua ne saurait présenter une demande portant sur la question tranchée par cet arrêt en arguant que l’objet de la requête qu’il soumet aujourd’hui continue de relever de la compétence de la Cour telle que celle-ci l’a établie dans cette autre affaire. 134 Voir par. 4.7-4.16 ci-dessus. 13Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 669, par. 129. - 42 - CHAPITRE 5 TROISIÈME EXCEPTIONPRÉLIMINAIRE : LA COUR N’APAS COMPÉTENCE EN L’ESPÈCE, CAR LA DEMANDE DU NICARAGUA TOMBE SOUS LE COUP DE LACHOSE JUGÉE A. INTRODUCTION 83 5.1. Au point I. 3) de ses conclusions finales dans l’affaire du Différend territorial et maritime, le Nicaragua priait la Cour de dire et juger «3)que, dans le cadre géographique et juridique constitué par les côtes continentales du Nicaragua et de la Colombie, la méthode de délimitation à retenir consiste à tracer une limite opérant une division par parts égales de la zone du plateau continental où les droits des deux Parties sur celui-ci se chevauchent» .36 5.2. Dans son arrêt du 19 novembre 2012, la Cour a conclu que la demande formulée au point I. 3) des conclusions finales du Nicaragua était recevable 137mais a considéré, à l’unanimité, 138 «qu’elle ne p[ouvait l’]accueillir» . 5.3. Dans sa requête introductive de la présente instance du 16 septembre 2013 (ci-après, la «requête»), le Nicaragua décrit comme suit l’«objet du différend» : 84 «Le différend porte sur la délimitation entre, d’une part, le plateau continental du Nicaragua s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua et, d’autre part, le plateau continental de la Colombie. Le Nicaragua prie la Cour : 1) de délimiter le tracé exact de la limite entre le plateau continental du Nicaragua et celui de la Colombie conformément aux principes et aux règles du droit international ; et 2) d’énoncer, dans l’attente d’une délimitation précise de la frontière, les droits et obligations des deux Etats concernant la zone où leurs revendications se chevauchent et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent.»39 A la section V de la requête, sous l’intitulé «Décision demandée», le Nicaragua prie notamment la Cour de déterminer «Premièrement : Le tracé précis de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant du Nicaragua et de la Colombie au-delà des limites établies par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012. Deuxièmement : Les principes et les règles de droit international régissant les droits et obligations des deux Etats concernant la zone de plateau continental où leurs revendications se chevauchent et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent, et ce, dans l’attente de la délimitation de leur frontière maritime au-delà de 140 200 milles marins de la côte nicaraguayenne.» 136Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), CR 2012/15, p. 50 (agent du Nicaragua). 137 Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 665, par. 112 et p. 719, par. 251 2). 138Ibid., p. 719, par. 251 3). 139Requête, par. 2. 140 Ibid., par. 12. - 43 - 5.4. De prime abord, la première demande figurant dans la requête n’est qu’une nouvelle 85 version de celle formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales en l’affaire du Différend territorial et maritime. Dans l’affaire en question, le Nicaragua avait présenté à l’appui de cette demande des arguments détaillés, que la Colombie avait contestés du point de vue de la recevabilité et du fond. Or si la Cour a ensuite, dans son arrêt du 19 novembre 2012, conclu à la recevabilité de la demande, elle n’y a pas fait droit au fond, et se trouve donc aujourd’hui empêchée de connaître de la requête du Nicaragua du 16 septembre 2013 par l’effet de la chose jugée. 5.5. Le sort de la seconde demande du Nicaragua est entièrement lié à celui de la première. Dans la mesure où, en l’affaire du Différend territorial et maritime, la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions a été jugée recevable mais n’a pas été accueillie, et où cet arrêt revêt l’autorité de la chose jugée, aucune question n’est en «attente». Par sa seconde demande, le Nicaragua invite donc la Cour à se livrer à un exercice théorique, dépourvu d’objet. B. L ES PARTIES À L ’AFFAIRE DU DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ONT DÉVELOPPÉ DANS LEURS EXPOSÉS LEURS ARGUMENTS RELATIFS À LA DEMANDE FORMULÉE PAR LE N ICARAGUA AU POINT I. 3DE SES CONCLUSIONS 1. Les points soulevés dans la requête du 16 septembre 2013 ont été développés in extenso par le Nicaragua et la Colombie lors de la phase de procédure écrite qui a précédé le prononcé de l’arrêt relatif au Différend territorial et maritime 5.6. Les arguments développés par le Nicaragua tout au long de la procédure en l’affaire du Différend territorial et maritime présentent deux constantes importantes aux fins de l’examen par la Cour de sa compétence en la présente instance. Premièrement, le Nicaragua a soutenu que la zone pertinente dans laquelle la délimitation devait être effectuée était constituée par l’intégralité 86 de l’espace maritime situé entre les côtes continentales des Parties. Cette zone, représentée sur la figure I du mémoire du Nicaragua et sur la figure 3-1 de sa réplique, comprenait manifestement les espaces dans lesquels le Nicaragua, par sa présente requête, prie désormais la Cour de délimiter le plateau continental. (Par souci de commodité, les figures pertinentes sont reproduites à la suite de cette page.) Deuxièmement, le Nicaragua a revendiqué une limite de plateau continental située à plus de 200 milles marins de ses lignes de base. Or, la Cour se souviendra que, après le dépôt de sa requête de 2001 et au cours des différentes phases de cette affaire, la position du Nicaragua sur la délimitation de la zone de plateau continental entre les deux Parties n’a cessé d’évoluer. Il est utile d’en suivre les avatars pour apprécier les implications de la revendication formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions. Dans la seconde demande qui figurait dans sa requête du 6 décembre 2001, le Nicaragua avait ainsi prié la Cour «de déterminer le tracé d’une frontière maritime unique entre les portions de plateau continental et les zones économiques exclusives relevant respectivement du Nicaragua et de la Colombie, conformément aux principes équitables et aux circonstances pertinentes que le droit international général reconnaît comme s’appliquant à une délimitation de cet ordre» . Il a maintenu cette demande dans son mémoire, soutenant que, «dans le cadre géographique et juridique constitué par les côtes continentales du Nicaragua et de la Colombie, la forme appropriée de délimitation consist[ait] à tracer une frontière maritime unique suivant une ligne médiane entre lesdites côtes» . 141 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), requête, 6 décembre 2001, p. 8, par. 8. 142Ibid., arrêt, C.I.J., Recueil 2012, p. 634, par. 15. - 44 - Figure 1 tirée du mémoire du Nicaragua Figure I from the Nicaraguan Memorial Median Line Colombia Nicaragua LAW OF THE SEA DIVISION075 Law of the Sea © Crown Copyright 2003 DMIRALTYMail [email protected] CONSULTANCY SERVICES The Delimitation Area UK HYDROGRAPHIC OFFICE37900 Figure 1 87 - 45 - 4 . 116° 30' 115° 30' 114° 30' 113° 30' 112° 30' 111° 30' 110° 30' 9° 30' 200 M 772° 772° Punta Gallinas FIGURE 3-1 30' Venezuela 30' Zone de délimitation Cabo de la Vera Riohacha 773° 773° 30' Punta de la Cruz 100 30' 774° 774° 30' 30' Continental Shelf Cabo de la Aguja The Delimitation Area according to Nicaragua continental du Nicaragua Limite extérieure du plateau La zone de délimitation selon le Nicaragua 775° Barranquilla 775° Outer limit of Nicaragua's Colombia 0 Punta Faro Cartagena 30' 30' 776° Golfo de 776° Punta de la Garitas Morrosquillo 30' 30' 777° 777° Uraba Golfo de 30' 30' 778° 778° 30' 30' 779° P. San Blas 779° BaNjouCeavoy 30' Panama 30' Colon Serranilla Cay 880° 880° Roncador Cay Serrana Cay 30' 30' 881° 881° ProIsvldnedcia EaCstaSysoutheast GolMfoodsequloitsos 30' 30' Saanslannddrés S Catalina AlbCuarqysuerque 882° 882° ta u h 30' C Punta Mona 30' a MiC skaiytos n u Almirante P CoIrsnlands 883° 883° erlas C GàrDaicoiass P de t un 30' P 30' Punta Castilla Punta del Mono Puerto Limon Costa Rica 884° 884° Honduras Nicaragua 116° 30' 115° 30' 114° 30' 113° 30' 112° 30' 111° 30' 110° 30' 9° 30' Based on NM Figure 1 Carte établie sur la base de la figure 1 du mémoire du Nicaragua - 46 - 89 5.7 Dans le mémoire, le Nicaragua a par ailleurs dénié toute pertinence aux facteurs géologiques et géomorphologiques. Il écrivait ainsi : «Du point de vue du Gouvernement du Nicaragua, les facteurs géologiques et géomorphologiques ne présentent pas d’intérêt pour la délimitation d’une frontière maritime unique à l’intérieur de l’aire de délimitation. Comme les graphiques pertinents le démontrent, les intérêts juridiques des Parties se chevauchent dans l’aire de délimitation et il est opportun du point de vue juridique qu’ils soient divisés par une 143 ligne d’équidistance.» De fait, la figure I du mémoire du Nicaragua, intitulée «La zone à délimiter», montrait une zone ombrée s’étendant entre les côtes continentales respectives du Nicaragua et de la Colombie et une ligne médiane située juste au-delà de la limite des 200 milles marins calculée à partir des lignes de bases de la Colombie. 5.8. Dans son contre-mémoire, la Colombie s’est opposée à cette prétention. Ayant souligné que «les deux côtes continentales se trouv[aient] à plus de 400 milles marins l’une de l’autre dans l’aire visée» 144par celle-ci, elle a montré, sur le fondement des arrêts rendus par la Cour dans les 145 affaires Nicaragua c. Honduras et Golfe du Maine , que le Nicaragua ne pourrait revendiquer des espaces situés à plus de 200 milles marins de ses lignes de base. 5.9. Dans la réplique qu’il a déposée le 18 septembre 2009, le Nicaragua a modifié sa 90 prétention. Il ne demandait plus la détermination d’une frontière maritime unique mais le tracé d’une ligne délimitant le plateau continental entre les côtes continentales des Parties, suivant une série de points aux coordonnées bien précises situés à plus de 200 milles marins de ses lignes de 146 base et définis par rapport aux limites extérieures de son plateau continental étendu . A l’appui de cette nouvelle demande, il avait joint des renseignements d’ordre technique, y compris les informations préliminaires qu’il avait fournies à la Commission des limites du plateau continental, et des donn147 sur la limite de la zone de plateau continental qu’il revendiquait par rapport à la Colombie . 5.10. Dans sa réplique, le Nicaragua contestait également la thèse de la Colombie selon laquelle il n’avait aucun droit au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, en affirmant que «l’article 76 de la convention institu[ait] le fondement du droit à la marge continentale, et [que] le 148 droit préc[édait] logiquement le processus de délimitation» . Prenant le contrepied de la position qu’il avait adoptée dans son mémoire, il y développait une démonstration fondée sur des «éléments de preuve géologiques et autres déterminant la limite extérieure des marges continentales respectives du Nicaragua et de la Colombie» , écrivant en particulier : «Pour le Nicaragua, il existe une continuité topographique et géologique clairement exprimée entre la masse terrestre du Nicaragua et le seuil nicaraguayen, qui 143 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), mémoire du Nicaragua, vol. I, p. 215-216, par. 3.58. 144Ibid., contre-mémoire de la Colombie, vol. I, p. 313, par. 7.12. 145 Ibid., p. 319-321, par. 7.18-7.20. 146 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), réplique du Nicaragua, vol. I, chap. III. 147Ibid., vol. I, p. 90, par. 3.38. 148 Ibid., p. 79-80, par. 3.14 (les italiques sont dans l’original). 149 Ibid., p. 81, par. 3.20. - 47 - constitue une zone peu profonde de croûte terrestre s’étendant du Nicaragua à la Jamaïque. Sa limite méridionale est définie de façon marquée par l’escarpement de 91 Hess, séparant le seuil inférieur du Nicaragua du profond bassin colombien. Le seuil représente donc le prolongement naturel de la masse terrestre nicaraguayenne.» 150 5.11. Sur la base des données géologiques et géomorphologiques qu’il avait fournies, le Nicaragua soutenait qu’il «poss[édait] un droit s’étendant aux limites extérieures de la marge continentale» et que «[d]ans le cas d’un chevauchement avec la marge continentale de la Colombie, le principe de la division par parts égales des zones de chevauchement dev[ait] servir de base à la 151 délimitation maritime.» 5.12. Le Nicaragua mettait désormais l’accent sur les éléments de preuve géologiques : «Le principe de la division par parts égales doit fonctionner dans le cadre des éléments de preuve géologiques et autres déterminant la limite extérieure des marges continentales respectives du Nicaragua et de la Colombie.» 152 Il évoquait les informations techniques dont il précisait qu’elles seraient soum153s à la Commission des limites du plateau continental «dans les mois [qui suivraient]» , et sur la base desquelles, au paragraphe 3.46 de sa réplique, il indiquait les coordonnées précises de la frontière maritime qu’il revendiquait. Entre le dépôt de sa requête en 2001 et celui de sa réplique en 2009, soit huit ans, le Nicaragua avait donc amplement eu le 92 loisir d’étayer la demande de plateau continental étendu qu’il opposerait à la Colombie et ses arguments en faveur d’une délimitation au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base et, du reste, il ne s’est pas fait faute d’essayer. 5.13. Dans sa duplique, la Colombie a appelé l’attention de la Cour sur le fait que le Nicaragua avait modifié son argumentation, abandonnant une demande fondée sur le tracé d’une ligne médiane séparant les masses continentales sur la base de la géographie, pour revendiquer «un plateau continental étendu en se fondant exclusivement sur la géologie et la géomorphologie ; il a également formulé une demande entièrement nouvelle tendant à une division par parts égales d’une zone de chevauchement alléguée des plateaux 154 continentaux physiques des côtes continentales des Parties» . La Colombie faisait remarquer que «[l]e Nicaragua demand[ait désormais] à la Cour … ii) de reconnaître une revendication concern155 des droits à un plateau continental étendu156 vertu de l’article 76 de la convention…» , et contestait cette nouvelle demande du point de vue non seulement de la recevabilité mais également du fond . Elle concluait ainsi : «La demande nouvelle [du Nicaragua] concernant le plateau continental est également infondée. Le Nicaragua n’a ni démontré ni établi qu’il pourrait prétendre à un plateau continental étendu, et de tels droits n’existent pas dans cette partie des 150Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), réplique du Nicaragua, vol. I, p. 84-85, par. 3.28. 151Ibid., p. 88, par. 3.34. 152 Ibid., p. 89, par. 3.36. 153Ibid., p. 90, par. 3.38. 154 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), duplique de la Colombie, vol. I, p. 113-114, par. 4.2 (les italiques sont de nous). 155Ibid., vol. I, p. 117, par. 4.7. 156 Ibid., p. 122-136, par. 4.15-4.35. 157Ibid., p. 136-156, par. 4.36-4.69. - 48 - Caraïbes. De surcroît, il n’y a pas lieu d’effectuer une délimitation de plateau continental basée sur les caractéristiques physiques de celui-ci, dès lors que la zone 93 revendiquée par le Nicaragua se trouve à moins de 200 milles marins du territoire 158 continental et insulaire de la Colombie.» 5.14. Il est donc manifeste que, dans leurs écritures, les deux Parties ont développé des positions contraires et qu’elles ont eu tout le loisir de s’exprimer sur les questions soulevées par le Nicaragua dans sa requête du 16 septembre 2013. 2. Les points soulevés dans la requête du 16 septembre 2013 ont été développés in extenso par le Nicaragua et la Colombie lors de la phase de procédure orale qui a précédé le prononcé de l’arrêt relatif au Différend maritime et territorial 5.15. La principale demande formulée par le Nicaragua dans sa nouvelle requête a en outre fait l’objet de longs développements lors des audiences qui se sont tenues en l’affaire du Différend maritime et territorial. Le Nicaragua avait en effet alors exprimé le vœu que l’ensemble des zones maritimes revenant respectivement à lui-même et à la Colombie fussent délimitées conformément au droit international, souhait clairement exprimé par son agent à l’ouverture des audiences, dans une déclaration dont  rappelons-le  la Cour a cité un long passage dans son arrêt : «Sur le fond, ce que le Nicaragua demandait initialement à la Cour, et qu’il lui demande toujours, c’est que l’ensemble des zones maritimes du Nicaragua et de la Colombie soient délimitées conformément au droit international ; c’est-à-dire d’une manière qui garantisse aux Parties un résultat équitable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Mais quelle que soit la méthode ou la procédure que suivra la Cour pour effectuer la délimitation, le Nicaragua souhaite qu’aucune zone maritime ne reste à délimiter entre lui-même et la Colombie. C’est là le principal objectif du Nicaragua o 159 depuis qu’il a introduit sa requête en l’espèce. (Voir croquis n 2, p. 663.)» 5.16. A l’audience du 24 avril 2012, M. Cleverly avait entrepris de «décri[re] plus en détail 160 les aspects géologiques et géomorphologiques, du plateau continental en particulier» , présentant des données géomorphologiques et bathymétriques censées établir la prétention du Nicaragua à un plateau continental étendu qui empiéterait très largement sur le plateau continental de 200 milles marins et la zone économique et exclusive du territoire continental colombien. 5.17. Emboîtant le pas à M. Cleverly, M. Lowe s’était employé à étayer d’un point de vue juridique la prétention du Nicaragua selon laquelle «[s]a masse terrestre … se prolonge[ait] sous la mer en direction nord-est sur quelque 500 milles marins, empiétant ainsi sur la zone de 161 200 milles marins de la Colombie» , plaidant que l’espace où se chevaucheraient la prétention du Nicaragua à un plateau étendu et le droit de la Colombie à un plateau continental de 15Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), duplique de la Colombie, vol. I, p. 157, par. 4.71. 159 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 670, par. 134. 16Ibid., CR 2012/9, p. 10, par. 2 (Cleverly). 161 CR 2012/9, p. 26, par. 28 (Lowe). - 49 - 200 milles marins devait être réparti selon les principes équitables — en l’occurrence, une ligne médiane. 95 5.18. Ainsi, lors de son premier tour de plaidoiries, le Nicaragua avait présenté des moyens de fait et de droit à l’appui d’une demande qui est précisément la même que celle qu’il avance aujourd’hui dans sa requête. 5.19. Si la Colombie n’a pas élevé d’exception à la compétence de la Cour pour connaître de ce qui, de fait, constituait de la part du Nicaragua une nouvelle demande, elle en a bel et bien contesté la recevabilité. Elle l’a estimée irrecevable en raison de son caractère nouveau et parce qu’elle transformait l’objet fondamental du différend initialement introduit par le Nicaragua dans sa requête .2 5.20. Pour autant, elle n’en a pas moins analysé cette demande de manière exhaustive, non seulement dans sa duplique, mais également à l’audience. Le 26 avril 2012, après avoir relevé qu’il s’agissait d’une demande nouvelle, non contenue dans la requête initiale, M. Crawford a fait remarquer que les données soumises par le Nicaragua, ses «ébauches de données» comme il les avait appelées, «ne [pouvaient] servir de base à une demande de plateau continental devant la Commission visée à l’annexe II. A moins qu[e le Nicaragua] n’ait l’intention de faire valoir que la Cour, en tant qu’organe judiciaire principal, est beaucoup moins exigeante que les membres de la Commission lorsqu’elle examine les éléments de preuve à l’appui d’une demande, des ébauches de données ne sauraient étayer sa thèse. Rien ne prouvant l’existence d’une zone de chevauchement des droits potentiels, la délimitation n’a pas lieu d’être.»163 96 5.21. Le 27 avril 2012, M. Bundy est revenu, au nom de la Colombie, sur la question de savoir si, en présentant sa demande de plateau continental étendu, le Nicaragua s’était acquitté des obligations qu’il tenait de l’article 76 de la CNUDM et, plus particulièrement, de l’obligation 164 fondamentale que renfermait son paragraphe 8 . M. Bundy a évoqué en ces termes la demande présentée par le Nicaragua à la Commission des limites du plateau continental (qu’étrangement, celui-ci avait omis de soumettre à la Cour dans sa réplique) : «[D]ans les informations préliminaires qu[e le Nicaragua] a finalement présentées  en avril 2010 je crois , il était indiqué très clairement que «certains des données et des profils décrits ci-dessous ne rempliss[aient] pas les critères rigoureux concernant la demande complète édictés par la Commission des limites du plateau continental, tels qu’ils [étaient] précisés dans les directives de la Commission.» Les éléments que le Nicaragua a soumis à titre d’informations préliminaires, et dans le cadre des annexes 16 à 18 de sa réplique, sont bien loin de suffire pour établir la moindre limite d’un plateau continental étendu conformément aux directives de la 162 Ibid., CR 2012/17, p. 38, par. 28 3) et p. 39, par. 1 a) (agent de la Colombie). 163Ibid., CR 2012/11, p. 25, par. 22 (Crawford). 164Ibid., CR 2012/12, p. 54, p. 52 et suiv., appelant en particulier l’attention sur le paragraphe 407 de l’arrêt rendu par le TIDM en l’affaire Bangladesh c. Myanmar (voir par. 54, p. 55), dont la conclusion reprenait l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Nicaragua c. Honduras, ainsi que relevé par M. Bundy, p. 55, par. 55. - 50 - Commission, i165rument directeur pour la mise en œuvre de l’article 76 sur le plan technique.» M. Bundy s’est ensuite livré à un examen et à une critique des données elles-mêmes. er 5.22. Le 1 mai 2012, lors du second tour de plaidoiries, M. Cleverly s’est employé à défendre la validité des informations soumises par le Nicaragua à la Commission des limites du plateau continental, sur lesquelles le Nicaragua fondait la demande énoncée au point I. 3) de ses 97 conclusions devant la Cour. Il 166s’agissait en rien d’«ébauches de données», a-t-il assuré, mais de «faits scientifiques établis» , «[l]es données soumises [ayant] été recueillies dans des conditions rigoureuses, par des navires affrétés à des fins de recherche scientifique» . Et de préciser que 168 leurs insuffisances n’étaient pas dues aux données elles-mêmes, mais aux «métadonnées» . 5.23. M. Cleverly fut suivi par M. Lowe, qui exposa l’interprétation restrictive que faisait le Nicaragua de l’article 76 de la CNUDM et du rôle de la Commission des limites du plateau continental : «[C]ette Commission ne joue aucun rôle dans l’établissement d’un droit sur le plateau continental. E169 ne fait que déterminer l’emplacement précis des limites extérieures d’un droit préexistant.» D’après lui, «les Etats parties à la CNUDM sont [certes] convenus de considérer que l’approbation de la Commission donnerait un caractère «définiti[f] et … obligatoire à la limite». Mais cela ne signifie pas que les autres pays doivent prétendre que les marges continentales du monde entier, qui ont fait l’objet d’un levé et ont été indiquées sur des cartes marines, des atlas, et même sur Google Earth, n’existent pas.» 170 M. Lowe a ensuite réitéré la demande du Nicaragua tendant à ce que la Cour fixe la limite d’un plateau continental étendu qui empiéterait largement sur la zone des 200 milles marins de la Colombie. 5.24. Le 4 mai 2012, M. Bundy, au nom de la Colombie, a consacré l’essentiel de son exposé 98 à réfuter cette demande de plateau continental étendu et, plus particuliè171ent, les éléments censés venir l’étayer sur la base de la géologie et de la géomorphologie . Il a en particulier analysé très en détail les aspects géologiques et géomorphologiques de la nouvelle prétention du Nicaragua . 172 5.25. A l’audience, le Nicaragua avait insisté sur le fait qu’il ne demandait pas à la Cour de décision définitive sur l’emplacement précis de la limite extérieure de son plateau continental, mais la priait de dire que les portions du plateau continental auxquelles pouvait prétendre le Nicaragua et la Colombie étaient délimitées par une ligne au tracé défini . Cependant, à la clôture de la procédure orale, le Nicaragua a demandé, au point I. 3) de ses conclusions finales, que soit tracée 165CR 2012/12, p. 56, par. 59-60 (Bundy). 166Ibid., CR2012/15, p. 11, par. 4 (Cleverly). 167 Ibid., p. 16, par. 54. 168Ibid. 169Ibid., p. 19, par. 15 (Lowe). 170Ibid., p. 22, par. 26. 171 Ibid., CR 2012/16, p. 42, par. 33 et suiv. (Bundy). 172Ibid., p. 45, par. 51 et suiv. 173Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 669, par. 128. - 51 - une limite opérant une division par parts égales de la zone du plateau continental où les droits des 174 deux Parties sur celui-ci se chevauchent . Ainsi, la demande du Nicaragua, sous ses divers avatars, i) faisait obligation à celui-ci d’établir son droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base et ii) impliquait que soit tracée une limite entre ce plateau et le plateau continental auquel pouvait prétendre la Colombie. 5.26. Il ressort donc des exposés écrits et oraux que, outre les Parties en présence, les fondements juridiques invoqués et la solution recherchée dans sa requête du 16 septembre 2013 99 sont à tous ces égards précisément identiques à ceux visés au point I. 3) de ses conclusions en l’affaire du Différend territorial maritime, et qui ont déjà fait l’objet de développements circonstanciés de la part tant du Nicaragua que de la Colombie. C. L A C OUR ,DANS L ’ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012, N ’A PAS ACCUEILLI LA DEMANDE FORMULÉE PAR LE N ICARAGUA AU POINT I. 3)DE SES CONCLUSIONS FINALES 1. Dans son arrêt du 19 novembre 2012, la Cour a jugé la demande recevable 5.27. Il convient de rappeler que la Colombie avait prié la Cour de rejeter la demande de plateau continental étendu formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, au motif qu’il s’agissait d’une demande nouvelle, modifiant l’objet du différend . Dans l’arrêt du 19 novembr176012, la Cour a rejeté l’exception d’irrecevabilité de la Colombie, et jugé la demande recevable . 5.28. La Cour a estimé que si, «d’un point de 177 formel, la demande présentée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales» était nouvelle, elle ne modifiait pas «l’objet du différend porté devant elle» 178; dès lors qu’elle était «implicitement contenue dans la requête 179 100 ou … découl[ait] directement de la question qui fai[sait] l’objet de la requête» , «180demande de plateau continental étendu rel[evait] du différend qui oppos[ait] les Parties» . La Cour a longuement expliqué sa décision de déclarer recevable la demande formulée au point I. 3) des conclusions finales du Nicaragua : «109. … Le fait que la demande de plateau continental étendu soit une demande nouvelle, formulée pour la première fois par le Nicaragua dans sa réplique, ne la rend pas per se irrecevable. La Cour a en effet jugé que «la nouveauté d’une demande n’est pas décisive en soi pour la question de la recevabilité.» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 695, par. 110.) En revanche, «ce qui est décisif, c’est la nature du lien entre cette demande et celle qui est formulée dans la requête introductive» (Ahmadou Sadio Diallo (République de 17Ibid., p. 636, par. 17. 175Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), CR 2012/17, p. 38, par. 28 3) (Crawford), et p. 39, par. 1 a) (Londoño Paredes). 176 Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 665, par. 112. 177 Ibid., p. 664, par. 108. 17Ibid., par. 109. 179 Ibid., par. 110. 180 Ibid., par 111. - 52 - Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 657, par. 41). 110. A cet effet, il ne suffit pas qu’existe entre ces deux demandes un lien de nature générale. Afin d’être recevable, la nouvelle demande doit satisfaire à l’un des deux critères suivants : elle doit être implicitement contenue dans la requête ou découler directement de la question qui fait l’objet de la requête (ibid.). 111. La Cour note que la demande originelle se rapporte à la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental des deux Parties. Selon les termes de la requête, le différend porte en particulier sur «un ensemble de questions juridiques connexes en matière de titre territorial et de délimitation maritime qui demeurent en suspens entre la République du Nicaragua et la République de 101 Colombie». La Cour estime donc que la demande de plateau continental étendu relève du différend qui oppose les Parties en matière de délimitation maritime et ne peut être considérée comme modifiant l’objet de celui-ci, et ce, d’autant plus qu’elle en découle directement. Ce qui a changé, ce n’est pas l’objet du différend ; ce sont, d’une part, le fondement juridique invoqué au soutien de la demande (à savoir le prolongement naturel et non plus la distance pour fonder la prétention relative au plateau continental) et, d’autre part, la solution recherchée (la délimitation du plateau continental et non plus une frontière maritime unique). Par conséquent, bien qu’elle repose sur des fondements juridiques différents, la nouvelle demande se rapporte toujours à la délimitation du plateau continental. 112. La Cour conclut que la demande formulée au point I. 3) des conclusions finales du Nicaragua est recevable.»181 La Cour ayant décidé qu’elle avait compétence pour connaître de la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, et que cette demande était recevable, plus rien ne s’opposait à ce qu’elle se prononce sur le fond — et elle était, du reste, tenue de le faire. 2. Sur le fond, la Cour n’a pas accueilli la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales 5.29. Ayant déclaré recevable la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, la Cour l’a ensuite soumise à un examen détaillé dans la partie IV de son arrêt (paragraphes 113 à 131), prenant à cet effet en considération les arguments des Parties, les 102 dispositions pertinentes de la CNUDM (et notamment son article 76), sa propre jurisprudence et l’arrêt rendu le 14 mars 2012 par le TIDM en l’affaire du Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar). 5.30. La Cour a conclu que le Nicaragua n’avait pas établi que sa marge continentale empiétait sur le plateau continental dont la Colombie pouvait se prévaloir sur 200 milles marins, et n’a, par conséquent, pas fait droit à cette demande. Elle s’en est expliquée comme suit : «128. La Cour rappelle que, au second tour de plaidoiries, le Nicaragua a déclaré qu’il «ne [lui] demand[ait] pas de décision définitive sur l’emplacement précis de la limite extérieure d[e son] plateau continental», mais la «pri[ait] de dire que les portions du plateau continental auxquelles pouvaient prétendre le Nicaragua et la Colombie étaient délimitées par une ligne au tracé défini». Le Nicaragua a indiqué 18Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 664-665. - 53 - que «la Cour pou[v]ait opérer cette délimitation en définissant la frontière comme étant «la ligne médiane entre la limite extérieure du plateau continental du Nicaragua établie conformément à l’article 76 de la CNUDM et la limite extérieure de la zone des 200 milles marins relevant de la Colombie»». Grâce à cette formulation, a-t-il ajouté, «la Cour n’aurait pas à déterminer précisément l’emplacement de la limite extérieure du plateau du Nicaragua». Le Nicaragua pourrait ensuite fixer cette limite sur la base des recommandations de la Commission.» 129. Toutefois, le Nicaragua n’ayant pas, dans la présente instance, apporté la preuve que sa marge continentale s’étend suffisamment loin pour chevaucher le 103 plateau continental dont la Colombie peut se prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale, la Cour n’est pas en mesure de délimiter les portions du plateau continental relevant de chacune des Parties, comme le lui demande le Nicaragua, même en utilisant la formulation générale proposée par ce dernier. 130. Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu pour la Cour d’examiner l’un quelconque des autres arguments avancés par les Parties, comme celui de savoir si la délimitation d’une zone de chevauchement de droits dans laquelle l’une des parties revendique un plateau continental étendu est susceptible de porter atteinte au droit à un plateau continental dont l’autre partie peut se prévaloir sur une distance de 200 milles marins. 131. La Cour conclut qu’elle ne peut accueillir la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales.» 182 La Cour a donc, dans le dispositif de son arrêt, décidé à l’unanimité qu’elle «ne p[ouvait] accueillir la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales» . 183 5.31. Le Nicaragua n’avait, de toute évidence, pas démontré  comme il lui revenait de le faire  que sa marge continentale s’étendait suffisamment loin pour chevaucher le plateau continental dont la Colombie pouvait se prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale, en conséquence de quoi la Cour n’a pas retenu son argument selon lequel la zone à prendre en compte aux fins de la délimitation devait se prolonger jusqu’à la côte continentale de la Colombie. Ainsi que la Cour l’a dit, «[l]a zone pertinente correspond à la 184tie de l’espace 104 maritime dans laquelle les droits potentiels des parties se chevauchent» . Le Nicaragua n’ayant nullement établi un quelconque droit à une portion du plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, et un Etat côtier ne pouvant prétendre à une zone économique exclusive au-delà de cette limite des 200 milles, la Cour a conclu à l’absence de zones de chevauchement des droits de chacune des Parties au-delà de 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua pouvant faire l’objet d’une délimitation. Elle a explicité sa position en ces termes : «La Cour n’ayant pas fait droit à la demande du Nicaragua relative à un plateau continental au-delà de 200 milles marins, il ne saurait être question de déterminer une frontière maritime entre les côtes continentales des Parties, ces côtes se trouvant à bien plus de 400 milles marins l’une de l’autre. Il y a cependant chevauchement entre les droits du Nicaragua à un plateau continental et à une zone économique exclusive, à l’intérieur de la limite de 200 milles marins depuis sa côte continentale et les îles 182 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 669-670, par. 128-131 (les italiques sont de nous). 183 Ibid., p. 718, par. 251. 184Ibid., p. 683, par. 159. - 54 - adjacentes à celle-ci, d’une part, et les droits de même nature que la Colombie tient des îles sur lesquelles la Cour a jugé qu’elle avait souveraineté, d’autre part…» 185 Et de préciser, plus loin : «En conséquence, la zone pertinente s’étend vers l’est de la côte nicaraguayenne jusqu’à une ligne située à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua.» 186 Telle est la zone représentée sur le croquis n 7 figurant dans l’arrêt de la Cour (voir ci-après). 185Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 670, par. 132. 186 Ibid., p. 683, par. 159. - 54 - WGS 84 COLOMBIE Croquis n°7: Ce croquis a été établi à seule fin d'illustration. Projection de Mercator (12° 30' N) La zotelle qu'identifiée par la Cour E E U B ÏQM A O A L J C Figure 3 - Croquis no 7 de l'arrêt de la CIJ en 2012 Bajo Nuevo PANAMA COLOMBIE RÉGIME ZONE COMColombie / Jamaïque PANAMA Roncador MER DES CARAÏBES Serrana Serranilla Cayes de l'Est-Sud-Est S AU Quitasueño A G A U A Providencia/ AC M D A Santa Catalina IR AN N I T AP O N San Andrés Cayes COLOMBIE SO H COSTA RICAC d'Alburquerque Miskitos Cayes des Mangleo MaGrande RICA COSTA HONDURAS NICARAGUA - 56 - 106 5.32. Ces décisions figurent dans le dispositif de l’arrêt et sont, à ce titre, définitives, obligatoires et revêtues de l’autorité de la chose jugée. Ainsi, s’étant refusée à accueillir la demande du Nicaragua tendant à se voir reconnaître un plateau continental étendu au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, la Cour a, dans le dispositif de l’arrêt, décidé, à l’unanimité, du tracé de la frontière maritime entre les Parties, sans procéder à une délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua . La Cour a ainsi : «4) A l’unanimité, Décid[é] que le tracé de la frontière maritime unique délimitant le plateau continental et les zones économiques exclusives de la République du Nicaragua et de la République de Colombie sui[vait] les lignes géodésiques reliant les points dont les coordonnées [étaient] les suivantes : Latitude nord Longitude ouest 1. 13° 46' 35,7" 81° 29' 34,7" 2. 13° 31' 08,0" 81° 45' 59,4" 3. 13° 03' 15,8" 81° 46' 22,7" 4. 12° 50' 12,8" 81° 59' 22,6" 5. 12° 07' 28,8" 82° 07' 27,7" 6. 12° 00' 04,5" 81° 57' 57,8" A partir du point 1, la frontière maritime se poursuit plein est le long du parallèle situé par 13° 46' 35,7" de latitude nord, jusqu’à la limite située à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua. A partir du point 6, situé par 12° 00' 04,5" de latitude nord et 81° 57' 57,8" de longitude ouest sur l’enveloppe d’arcs tracée à 107 12 milles marins d’Alburquerque, elle suit cette enveloppe d’arcs jusqu’au point 7, de coordonnées 12° 11' 53,5" de latitude nord et 81° 38' 16,6" de longitude ouest, situé sur le parallèle passant par le point le plus méridional de l’enveloppe d’arcs tracée à 12 milles marins des cayes de l’Est-Sud-Est. Elle longe ensuite ce parallèle jusqu’au point le plus méridional de l’enveloppe d’arcs tracée à 12 milles marins des cayes de l’Est-Sud-Est, soit le point 8, situé par 12° 11' 53,5" de latitude nord et 81° 28' 29,5" de longitude ouest, puis se poursuit le long de cette enveloppe d’arcs jusqu’à son point le plus oriental, soit le point 9, situé par 12° 24' 09,3" de latitude nord et 81° 14' 43,9" de longitude ouest. A partir de ce point, elle longe le parallèle situé par 12° 24' 09,3" de latitude nord, jusqu’à la limite située à 200 milles marins des lignes de base à 188 partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua ;…» 5.33. En résumé, la Cour a estimé que la demande de plateau continental étendu du Nicaragua était recevable, et s’est donc trouvée compétente pour en connaître. Ayant elle-même souligné qu’elle «ne d[evait] pas excéder la compétence que lui [avaient] reconnue les Parties, mais 187 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 719, par. 251 4). 188Ibid., p. 719-720, par. 251 4) (les italiques sont de nous). - 57 - [qu’]elle d[evait] exercer toute cette compétence» , elle a, en l’espèce, dans l’exercice de cette compétence, décidé de ne pas accueillir la demande du Nicaragua. 5.34. Ainsi, en jugeant que la demande était recevable sans y faire droit sur le fond, puis en 108 décidant à l’unanimité du «tracé de la frontière maritime unique délimitant le plateau continental et les zones économiques exclusives de la République du Nicaragua et de la République de 190 Colombie» , la Cour a rendu une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. D. L’ARRÊT DE LA C OUR A FORCE DE CHOSE JUGÉE EN CE QUI CONCERNE LE POINT I. 3) DES CONCLUSIONS DU NICARAGUA 1. Le droit 5.35. L’autorité de la chose jugée interdit de revenir sur un arrêt dès lors qu’il y a identité entre «les trois éléments traditionnels [:] persona, petitum, causa petendi» . Ce principe emporte des conséquences de nature positive et restrictive résidant, dans le premier cas, dans le caractère définitif et contraignant de la décision au fond et consistant, dans le second, à empêcher un défendeur d’être harcelé encore et encore par un demandeur qui a eu l’occasion de plaider sa cause — non sans moult frais pour la partie adverse —, mais n’a pas su convaincre la Cour. Cette interdiction, qui vise à garantir la protection du défendeur, obéit aux préceptes ne bis in idem et nemo bis vexari pro una et eadem causa. 5.36. La Cour a confirmé l’applicabilité à ses décisions du principe de la chose jugée en 109 renvoyant tant à l’article 60 qu’à l’article 38 1 c) du Statut visant les «principes généraux de droit 192 reconnus par les nations civilisées» . Dans son arrêt du 16 décembre 1927 en l’affaire de l’Usine de Chorzów, la Cour permanente de Justice internationale avait déclaré : o «L’arrêt n 7 de la Cour est de la nature d’un jugement déclaratoire qui, selon son idée, est destiné à faire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes et avec effet obligatoire entre les Parties, en sorte que la situation juridique ainsi fixée ne puisse plus être mise en discussion, pour ce qui est des conséquences juridiques qui en 193 découlent.» 5.37. Dans son arrêt du 26 février 2007 en l’affaire du Génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour a explicité en ces termes sa conception de la chose jugée : «115. … Le caractère fondamental de ce principe ressort des termes du Statut de la Cour et de la Charte des Nations Unies. La pratique judiciaire de la Cour en reflète les caractéristiques et objectifs sous-jacents. Selon ce principe, les décisions de la Cour sont non seulement obligatoires pour les parties, mais elles sont définitives, 189Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 671, par. 136, citant l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 23, par. 19. 19Ibid., p. 719-720, par. 251 4). 191 os o o Interprétation des arrêts n 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 20 ; opinion dissidente de M. le juge Anzilotti, p. 23. 192Ibid., p. 20, opinion dissidente de M. le juge Anzilotti, p. 27. D’ailleurs, le procès-verbal des négociations ayant conduit à l’établissement de la Cour permanente indique que la chose jugée était expressément mentionnée en tant que principe général de droit visé par l’article 38 du Statut (procès-verbaux des séances du comité consultatif de juristes, p. 335). 19Ibid., arrêt n 11 du 16 décembre 1927, p. 20. - 58 - en ce sens qu’elles ne peuvent être remises en cause par les parties pour ce qui est des 110 questions que ces décisions ont tranchées, en dehors des procédures spécialement prévues à cet effet, qui présentent un caractère exceptionnel. L’article 59 du Statut, en dépit de sa formulation négative, a pour élément central la proposition positive selon laquelle la décision de la Cour est obligatoire pour les parties dans l’affaire qui a été tranchée. L’article 60 du Statut dispose que l’arrêt est définitif et sans recours ; l’article 61 assortit la faculté des194rties de demander la revision de l’arrêt de strictes conditions de fond et de délais…» 5.38. Dès lors, l’autorité de la chose jugée est telle, en droit, qu’elle peut même pallier un manquement de la qualité pour ester qui se serait fait jour à une étape ultérieure : «123. Le dispositif des arrêts de la Cour est revêtu de l’autorité de la chose jugée. Dans le dispositif de son arrêt rendu en 1996, la Cour a dit, au paragraphe 47, point 2), alinéa a), «qu’elle a[vait] compétence, sur la base de l’article IX de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, pour statuer sur le différend». Cette compétence est donc établie avec toute l’autorité juridictionnelle de la Cour. Qu’une partie affirme aujourd’hui que, à l’époque où l’arrêt a été rendu, la Cour n’avait pas compétence pour statuer au motif qu’il apparaîtrait à présent que l’une des parties n’avait pas qualité pour se présenter devant elle revient, pour la raison exposée au paragraphe [précédent], à remettre en cause la force de chose jugée du dispositif de l’arrêt. A première vue, la Cour n’a donc pas besoin d’examiner l’exception d’incompétence que le défendeur 195e de ce que, en 1993, il n’aurait pas eu qualité pour se présenter devant la Cour.» 111 5.39. Dans la première phrase du paragraphe précité de l’arrêt sur le Génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour affirmait ainsi que «[l]e dispositif d[e ses] arrêts … est revêtu de l’autorité de la chose jugée». Elle a encore précisé : «138. … Selon ce principe [celui de l’autorité de la chose jugée], dès lors que la Cour s’est prononcée, que ce soit sur une question de fond dans un différend qui lui est soumis ou sur une question concernant sa propre compétence, sa décision à cet égard est définitive, tant pour les parties en litige dans l’affaire (Statut, art. 59) que pour la Cour elle-même dans le contexte de cette affaire.» 5.40. Dans son arrêt du 19 janvier 2009 sur la demande en interprétation présentée par le Mexique en l’affaire Avena, la Cour a, de nouveau, pris soin de souligner que tous les éléments du dispositif d’un arrêt avaient force de chose jugée. Dans la déclaration qu’il a jointe à cet arrêt, le juge Abraham écrivait ainsi : «Une chose est de faire figurer dans les motifs d’un arrêt des remarques, constatations ou propositions juridiquement superfétatoires et pouvant apparaître comme dépassant les strictes limites de la compétence qu’exerce la Cour… Autre chose[, en tout cas,] est de faire figurer dans le dispositif d’un arrêt des constatations outrepassant les limites de la compétence que la Cour met en œuvre. Car, alors que ceux des motifs qui présentent un caractère surabondant sont dépourvus de l’autorité de la chose jugée, tout ce qui figure dans le dispositif d’un arrêt est en 194 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 43, p. 90, par. 115 (les italiques sont de nous). 195Ibid., p. 43, p. 94, par. 123. - 59 - 112 principe res judicata. Il peut y avoir des motifs surabondants, il ne devrait pas y avoir de mention surabondante dans un dispositif. Par suite, tout ce qui figure au dispositif 196 doit se tenir strictement dans les limites de la compétence de la Cour.» 2. Les points soulevés par le Nicaragua dans sa requête du 16 septembre 2013 ayant déjà été tranchés dans l’arrêt de la Cour, ils relèvent de la chose jugée 5.41. Les «principaux fondements de la demande du Nicaragua» , s’agissant de la7 délimitation demandée par celui-ci, sont exposés aux alinéas a) à e) du paragraphe 11 de la requête soumise en la présente espèce. Pour être plus précis, par cette notion de «fondements», le Nicaragua entend à la fois le petitum (objet) et la causa petendi (la base juridique) de sa présente demande. Comme nous le montrerons maintenant, chacun des fondements ici invoqués a déjà été mis en avant par le Nicaragua en l’affaire du Différend territorial et maritime, et tranché dans ce cadre par l’arrêt du 19 novembre 2012. a) Le premier fondement invoqué dans la requête du Nicaragua 5.42. Le premier argument avancé par le Nicaragua (alinéa a)) consiste à affirmer qu’il détiendrait un droit, «en vertu de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et du droit 198 international coutumier, à un plateau continental sur toute l’étendue de sa marge continentale» . Or, le Nicaragua avait fait valoir précisément le même argument dans le cadre de la précédente 113 affaire, écrivant, par exemple, dans sa réplique, que, «[e]n conformité avec les dispositions de l’article 76 de la convention de 1982 sur le droit de la mer, [il] poss[édait] un droit s’étendant 199 jusqu’aux limites extérieures de la marge continentale» . Dans son arrêt, la Cour a renvoyé expressément à cet argument, rappelant que, «[d]ans sa réplique, le Nicaragua sout[enait] que le droit que lui conf[érait] l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer 200 (ci-après la «CNUDM») s’étend[ait] jusqu’au rebord externe de sa marge continentale» . 5.43. Ainsi, la Cour, dans son arrêt du 19 novembre 2012, s’est dûment penchée et prononcée sur le premier «fondement» avancé par le Nicaragua, qui, dès lors qu’il y a identité des personae, du petitum et de la causa petendi, tombe sous le coup de la chose jugée. b) Le deuxième fondement invoqué dans la requête du Nicaragua 5.44. Le deuxième fondement de la demande que le Nicaragua avance dans sa requête (alinéa b)) se lit comme suit : «Ce droit [du Nicaragua] à un plateau continental sur toute l’étendue 201 de sa marge continentale existe ipso facto et ab initio.» Cet argument avait lui aussi déjà été mis en avant par le Nicaragua, et examiné par la Cour, dans le cadre de la précédente affaire. A l’audience, son conseil avait en effet plusieurs fois prétendu que le droit du Nicaragua à un 114 plateau continental s’étendant jusqu’à la limite externe de sa marge existait ipso facto et 196Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, (déclaration de M. le juge Abraham), p. 28. 19Requête, par. 11 198 Ibid., par. 11 a). 199Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), réplique du Nicaragua, vol. I, p. 79, par. 3.12 ; p. 88, par. 3.34. 20Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 662, par. 105. 201 Requête, par. 11 b). - 60 - ab initio , et la Cour n’a nullement négligé de prendre en considération cet argument. Dans son arrêt, elle relevait ainsi que les deux Parties «s’accord[aient] sur le fait que les Etats côtiers [avaient], ipso facto et ab initio, droit au plateau continental», mais qu«[e]lles [étaient] en désaccord sur la nature et le contenu des règles régissant les droits des Etats côtiers sur le plateau continental au-delà de 200 milles 203ins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale» . Il s’agit là d’un autre aspect de la demande du Nicaragua sur lequel la Cour s’est prononcée dans son arrêt, comme nous l’expliquerons ci-dessous. 5.45. Il apparaît ainsi que la Cour, dans son arrêt du 19 novembre 2012, s’est dûment penchée et prononcée sur le deuxième «fondement» avancé par le Nicaragua, qui, dès lors qu’il y a identité des personae, du petitum et de la causa petendi, tombe sous le coup de la chose jugée. c) Le troisième fondement invoqué dans la requête du Nicaragua 5.46. Le troisième fondement avancé par le Nicaragua (alinéa c)) consiste à affirmer que «[s]a marge continentale … inclut un espace maritime situé au-delà de sa zone maritime de 115 200 milles et ch204uche en partie la zone s’étendant sur 200 milles marins depuis la côte colombienne» , argument qui était l’une des pierres angulaires de la demande formulée dans sa réplique et à l’audience en l’affaire du Différend territorial et maritime. 5.47. La réplique contenait en effet deux parties consacrées à ce que le Nicaragua a appelé «Le chevauchement des marges continentales» et au rapport entre les espaces qu’il revendiquait et 205 les portions de plateau continental et la zone économique relevant de la Colombie . Les figures 3-10 et 3-11 de la réplique, reproduites ci-dessous, représentent ce qui constituait, aux yeux du Nicaragua, la «zone de chevauchement des marges continentales». Comme on peut le voir, le Nicaragua soutenait que sa marge continentale s’étendait au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, de sorte qu’il se confondait avec le plateau continental s’étendant sur 200 milles marins depuis la côte colombienne. A l’audience, son conseil a prétendu que le plateau continental du Nicaragua se prolongeait sur quelque 500 milles marins, empiétant ainsi sur la zone de 200 milles 206 marins revenant à la Colombie, raison pour laquelle une délimitation se révélait nécessaire . 202 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), CR 2012/9, p. 22, par. 4, p. 24 ; par. 18, par. 26 ; par. 27 et p. 32, par. 59 (Lowe). 203Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 666, par. 115. 204Requête, par. 11 c). 205 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), réplique du Nicaragua, vol. I, chapitre III (section VI D.), p. 92, par. 3.45-3.46 et section VII, p. 92-96, par. 3.47-3.56. 206Ibid., CR 2012/9, p. 26, par. 28 (Lowe). - 60 - . 13 117° 30' 116° 30' 115° 30' 114° 30' 113° 30' 112° 30' 111° 30' 110° 30' 9° 30' 30' 30' 200 M 772° 772° FIGURE 3-10 30' Venezuela 30' s 773° 773° NicaraC guoalomA biraea oCfoolvoerlbaipap'sin2g0ar(gEnsZ) limit Colom ZboieeadLimedieteladeso2lo00bmieilles de ZEE 100 30' 30' Co(natcicnoerndtinlgShtoelafrLtiicleit7s6) 774° Lim (ciotensfodrumpéateeatuàcol'natritnice7l6)a 774° 30' 30' Area of Overlapping Continental Margins Zon co endte inceh netvaa leuschement des marges 775° 0 775° Colombia 30' 30' 776° 776° ti i l 30' Z 30' E E M 00 2 777° 'a 777° ib m l Co 30' 30' 778° 778° 30' 30' la Colombie Limite des 200 779° milles de ZEE de 779° 30' Panama 30' Area of overlappinggins Zon cheedveaargchesemcoennttindeenstales 880° 880° 30' 30' 881° 881° 30' 30' 882° 882° 30' 30' 883° 883° 30' 30' Costa Rica 884° 884° Honduras Nicaragua 117° 30' 116° 30' 115° 30' 114° 30' 113° 30' 112° 30' 111° 30' 110° 30' 9° 30' - 61 - 14 . 117° 30' 116° 30' 115° 30' 114° 30' 113° 30' 112° 30' 111° 30' 110° 30' 9° 30' 30' 30' 200 M 772° 772° FIGURE 3-11 30' Venezuela 30' 773° 773° 100 30' 30' 774° 774° Delimitation of the Continental Shelf Délimitation du plateau continental 30' 30' 775° 0 775° Colombia 30' 30' 776° 776° ti i l 30' Z 30' EE of overlapping margins M0 Ligdneemf elaaezrdgievesisdenchapeavrap ua crhtesm égenaltedses 02 ' 777° ai 777° bm ol Co 30' 30' 778° 778° 30' 30' Colombie 779° de ZEE de la 779° Panama 30' 30' Limite des 200 milles 880° 880° Area of overlappingrgins Zon coendte incehnetvaa leuschement des marges 30' 30' 881° 881° 30' 30' Providencia 882° 882° SSaanAnnddrés 30' 30' Miskito Cay CoIrsnlands 883° 883° Area oLfionovefeoorlfrpluainanivgagioiannrsgins 30' ZonmeadLrgeecésnhleaevdevuszhonmetpesdandertespdaerstsmarges 30' Costa Rica Figure 3-11 884°a réplique du Nicaragua 884° Honduras Nicaragua Co(natcic noerndtinlgShtoelafrLtiicleit7s6) Lim (citensfodrumpélmateenatuàco l'natritniceln7l6) 30' 30' 30' 30' 30' 30' 30' 30' 9° 30' 117° 116° 115° 114° 113° 112° 111° 110° - 63 - 118 5.48. Le Nicaragua, dans sa réplique, affirmait également que «[l]’étendue du prolongement naturel du plateau continental nicaraguayen dans la zone de la délimitation [était] un fait physique, qui p[ouvait] être vérifié sur le plan scientifique à l’aide de données relevant du domaine public» . 207 Précisant que les droits à des zones de plateau continental visés à l’article 76 de la CNUDM étaient 208 «fonction des éléments de preuve géologiques et géomorphologiques» , il a soumis et analysé, dans ce même document et à l’audience, les éléments de cette nature dont il affirmait qu’ils étayaient sa prétention à une marge continentale au-delà de 200 milles marins . 209 5.49. La Cour, cependant, n’a pas admis que le Nicaragua avait apporté la preuve que sa marge continentale s’étendait au-delà de la limite de 200 milles marins et empiétait ainsi sur le plateau continental de 200 milles marins dont la Colombie pouvait se prévaloir sur 200 milles marins à partir sa côte continentale , et n’a en conséquence, pas fait droit au point I. 3) des conclusions du Nicaragua. 5.50. Il apparaît ainsi que, dans son arrêt du 19 novembre 2012, la Cour s’est dûment penchée et prononcée sur le troisième «fondement» invoqué par le Nicaragua, qui, dès lors qu’il y a identité des personae, du petitum et de la causa petendi, tombe sous le coup de la chose jugée. 119 d) Le quatrième fondement invoqué dans la requête du Nicaragua 5.51. Le quatrième moyen avancé par le Nicaragua dans sa requête se lit comme suit : «Cette zone de chevauchement doit être délimitée de manière à parvenir à un résultat équitable, et à préserver les droits d’Etats tiers.» 211 Outre la pétition de principe que constitue le fait de postuler l’existence d’une zone de chevauchement des plateaux continentaux au-delà des 200 milles marins mesurés à partir de ses lignes de base, proposition dont il aurait bien voulu, mais n’a pu, établir le bien-fondé dans la précédente affaire, le Nicaragua ne fait ici que répéter un argument que la Cour n’a pas retenu dans le cadre de cette autre affaire. 5.52. Dans sa réplique, le Nicaragua avait clairement indiqué que la délimitation à laquelle il aspirait dans les zones situées au-delà de 200 milles marins correspondait à «une ligne divisant les zones dans lesquelles les projections côtières du Nicaragua et de la Colombie convergent et se chevauchent afin de parvenir à un résultat équitable» . Le conseil du Nicaragua est allé dans le même sens à l’audience. Ainsi, M. Lowe a affirmé que «[l]a délimitation des frontières maritimes 213 d[evait] permettre de parvenir à une solution équitable» , et que «l’essentiel [était] qu’il [fût] procédé à la délimitation de manière équitable» . Une fois de plus, le Nicaragua, dans sa requête, ne fait que répéter des arguments qui ont été pleinement développés, traités et tranchés dans le cadre de la première affaire. 20Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), réplique du Nicaragua, vol. I, p. 12, par. 27. 20Ibid., p. 99, par. 3.65. 209 Ibid., p. 89-90, par. 3.37-3.40, et annexes 16-18 à la réplique (vol. II) ; voir aussi ibid., CR 2012/9, p. 10-21, par. 1-38 (Cleverly). 21Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 669, par. 129. 21Requête, par. 11 d). 212 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), réplique du Nicaragua, vol. I, p. 78, par. 3.11 ; voir aussi p. 88, par. 3.35 et p. 100, par. 3.66 de la réplique, où le Nicaragua répète le même argument. 213 Ibid., CR 2012/9, p. 22, par. 4 (Lowe). 21Ibid., p. 36, par. 76. - 64 - 120 5.53. A cet égard, la situation, en ce qui concerne la requête du Nicaragua, se distingue de celle dans laquelle la Cour s’était trouvée en l’affaire Haya de la Torre. Dans cette dernière, la Colombie avait prié la Cour de dire et juger qu’elle n’était pas tenue, en exécution de l’arrêt précédemment rendu en l’affaire du Droit d’asile, de remettre M. Haya de la Torre aux autorités péruviennes. La Cour a toutefois fait observer que, dans ladite affaire, le Pérou n’avait pas demandé la remise du réfugié ;215c]ette question n’avait pas été soumise à la Cour, qui ne l’a[vait] par conséquent pas tranchée» . Elle expliquait encore : «Ainsi qu’il a été relevé plus haut, l’arrêt du 20 novembre n’a pas statué sur la question de la remise du réfugié. Cette question est nouvelle ; elle a été soulevée par le Pérou dans sa note à la Colombie en date du 28 novembre 1950 et soumise à la Cour par la requête de la Colombie en date du 13 décembre 1950. Par conséquent, il n’y a pas chose jugée en ce qui concerne la question de la remise.» 216 5.54. En revanche, la question, ou le «différend», concernant la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua qui figure dans la présente requête avait déjà, dans le cadre de la précédente affaire, été soumise à la Cour, qui l’a expressément tranchée dans son arrêt du 19 novembre 2012. Dès lors, et puisqu’il y a identité des personae, du petitum et de la causa petendi entre les deux affaires, la question de la délimitation au-delà de la limite des 200 milles marins relève de la chose jugée. 121 e) Le cinquième fondement et la seconde demande avancés dans la requête du Nicaragua i) Identité entre la seconde demande formulée dans la requête et le point I. 3) des conclusions exposées en l’affaire du Différend territorial et maritime 5.55. Le cinquième «fondement juridique» avancé par le Nicaragua dans sa requête est le suivant : «Dans l’attente du tracé d’une frontière définitive au-delà de 200 milles marins de la côte du Nicaragua, chacune des Parties devra, en ce qui concerne la zone où se chevauchent les revendications de celles-ci sur le plateau continental et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent, se comporter de manière à éviter de porter atteinte aux intérêts de l’autre partie. Ce devoir découle i) de l’obligation de bonne foi existant en droit international général ; et ii) plus spécifiquement, de l’obligation de faire montre de bonne foi et de celle de tenir dûment compte des intérêts d’Etats tiers qui incombent aux Etats dans l’exercice qu’ils font de leurs droits dans les espaces maritimes situés au-delà de leur mer territoriale ; ainsi que iii) des obligations de coopération et de bonne foi auxquelles les Etats sont tenus devant la Cour.» 217 5.56. Cette affirmation est censée fonder en droit la seconde demande du Nicaragua, aux termes de laquelle celui-ci prie la Cour de déterminer «[l]es principes et les règles de droit international régissant les droits et obligations des deux Etats concernant la zone de plateau continental où leurs revendications se chevauchent et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent, et ce, dans l’attente de la 215Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 71, p. 79. 216 Ibid., p. 80. 217Requête, par. 11 e). (Les italiques sont de nous.) - 65 - 122 délimitation de leur frontière maritime au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne» . 218 5.57. Une fois de plus, la Cour se trouve en présence d’un phénomène de réincarnation juridique, puisque la seconde demande avancée par le Nicaragua dans sa requête du 16 septembre 2013 a pour base, et reproduit en substance, les arguments déjà développés à l’appui du point I. 3) de ses conclusions finales en l’affaire du Différend territorial et maritime. Dans son arrêt en cette dernière affaire, la Cour a ainsi rappelé que, «au second tour de plaidoiries, le Nicaragua a[vait] déclaré qu’il «ne [lui] demand[ait] pas de décision définitive sur l’emplacement précis de la limite extérieure d[e son] plateau continental», mais la «pri[ait] de dire que les portions du plateau continental auxquelles pouvaient prétendre le Nicaragua et la Colombie étaient délimitées par une ligne au tracé défini». Le Nicaragua a indiqué que «la Cour pou[v]ait opérer cette délimitation en définissant la frontière comme étant «la ligne médiane entre la limite extérieure du plateau continental du Nicaragua établie conformément à l’article 76 de la CNUDM et la limite extérieure de la zone des 200 milles marins relevant de la Colombie»». Grâce à cette formulation, a-t-il ajouté, «la Cour n’aurait pas à déterminer précisément l’emplacement de la limite extérieure du plateau du Nicaragua». Le Nicaragua pourrait ensuite fixer cette limite sur la base des 219 recommandations de la Commission.» 5.58. Avant cette conclusion finale, qu’elle évoquait dans le passage précité, la Cour avait pu 123 entendre, de la voix de M. Lowe, l’analyse du Nicaragua sur l’interprétation à donner aux mots «définitives et de caractère obligatoire» dans le contexte des limites extérieures établies par les Etats côtiers sur recommandation de la Commission des limites du plateau continental. M. Lowe avait ainsi expliqué que, pour le Nicaragua, le fait que ces limites fussent «définitives et de caractère obligatoire» lorsqu’elles étaient fixées à la suite d’une recommandation de la Commission ne revenait pas à dire «que les recommandations de [cette] Commission [étaient] une condition préalable à l’existence des droits de tout Etat côtier sur son plateau continental au-delà des 200 milles marins, autrement dit qu’aucun droit de ce type ne p[ourrait] exister avant que la Commission n’ait achevé ses travaux — c’est-à-dire avant, peut-être, des dizaines d’années» . 220 5.59. Partant du principe que la recommandation de la Commission n’avait aucune incidence sur le droit qui serait celui de l’Etat côtier à un plateau continental au-delà de 200 milles marins, le Nicaragua avait prié la Cour de définir la frontière comme étant «la ligne médiane entre la limite extérieure du plateau continental du Nicaragua établie conformément à l’article 76 de la CNUDM 221 et la limite extérieure de la zone des 200 milles marins relevant de la Colombie» . 5.60. La thèse du Nicaragua revenait à affirmer que, en l’absence de recommandations de la Commission des limites du plateau continental, voire en l’absence d’éléments permettant à la Cour de déterminer l’emplacement précis de la limite extérieure de son plateau continental au-delà de 200 milles marins, mais sur la seule foi de la conviction dont il lui aurait fait part, la Cour pourrait 218Requête, par. 12. (Les italiques sont de nous.) 219 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 669, par. 128. (Les italiques sont de nous.) 220Ibid., CR 2012/15, p. 21, par. 22. 221Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 669, par. 128. (Les italiques sont de nous.) - 66 - 124 décider d’opérer une délimitation en se contentant d’indiquer quel serait le principe applicable, et le Nicaragua fixer «ensuite» et sur ce fondement ladite limite extérieure .222 5.61. La demande du Nicaragua, insistait M. Lowe, était on ne peut plus altruiste : une fois que la Cour aurait validé les principes de base mis en avant par le requérant et sa conception de la manière dont ils devaient être appliqués, les Parties seraient en mesure d’exercer leurs droits et de s’acquitter de leurs obligations dans les zones qui leur reviendraient respectivement : «Il est facile de railler nos changements de position ou de se dire exaspéré à cet égard. Mais nous ne sommes pas en présence d’une affaire classique où les deux Parties s’affrontent. Ici, il est de leur intérêt commun d’œuvrer à l’élaboration d’une frontière équitable et définitive, de manière à pouvoir continuer de gérer et d’exploiter leurs ressources marines, de jouir de leurs droits et de s’acquitter de leurs obligations dans leurs zones maritimes respectives. Nous avons tenté de contribuer au travail de la Cour en lui faisant part de ce que nous estimons être les principes fondamentaux, acceptés par les deux Parties, et en indiquant comment, selon nous, ces principes peuvent être mis en œuvre afin de parvenir à un résultat équitable.» 223 5.62. La question étant de savoir si la Cour est empêchée, par l’effet de la chose jugée, de connaître de la seconde demande du Nicaragua, il ne s’agit pas ici de démontrer l’absurdité de cette demande, mais simplement d’établir qu’elle n’a rien de nouveau. La seconde demande avancée par 125 le Nicaragua dans sa requête du 16 septembre 2013 à l’instar de la première, tombe sous le coup de la chose jugée, notamment parce qu’elle est identique à celle formulée au point I. 3) de ses conclusions finales en l’affaire du Différend territorial et maritime, et repose sur les mêmes arguments. ii) La seconde demande tombe sous le coup de la chose jugée 5.63. Les raisons qui conduisent à conclure que la Cour est empêchée de connaître de la seconde demande du Nicaragua par l’effet de la chose jugée peuvent être exposées succinctement. a) La seconde demande du Nicaragua est identique à celle formulée au point I. 3) des conclusions exposées dans l’affaire précédente 5.64. Tout comme il l’avait fait au point I. 3) de ses conclusions finales en l’affaire du Différend territorial et maritime, le Nicaragua, dans sa requête du 16 septembre 2013, prie la Cour de déterminer «[l]es principes et les règles de droit international régissant les droits et obligations des deux Etats concernant la zone de plateau continental où leurs revendications se chevauchent» . 224 b) La seconde demande du Nicaragua fait appel à des arguments juridiques déjà développés dans le cadre de l’affaire précédente 5.65. L’argument juridique invoqué par le Nicaragua à l’appui de la seconde demande qu’il formule dans sa requête du 16 septembre 2013 avait déjà été avancé au soutien du point I. 3) de ses conclusions finales dans l’affaire du Différend territorial et maritime. Sa thèse revient à affirmer 222 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 669, par. 128. 223Ibid., CR 2012/15, p. 26, par. 53 (Lowe). (Les italiques sont de nous.) 224Requête, par. 12 (seconde demande). - 67 - que, malgré l’absence d’éléments d’information sur la limite extérieure du plateau continental du Nicaragua, il reste possible de postuler l’existence de droits maritimes qui se chevauchent. 126 c) La seconde demande du Nicaragua repose sur une justification déjà avancée dans l’affaire précédente 5.66. La justification développée par le Nicaragua à l’appui de sa seconde demande rejoint celle qu’il avait mise en avant en l’affaire du Différend territorial et maritime lorsqu’il a prié la Cour d’indiquer les principes généraux et leurs modalités d’application. Il s’agissait alors, à l’en croire, de permettre aux deux Etats de «pouvoir continuer de gérer et d’exploiter leurs ressources marines, de jouir de leurs droits et de leurs obligations dans leurs zones maritimes respectives» , 225 et il s’agirait aujourd’hui pour les Parties — toujours d’après lui —, «en ce qui concerne la zone où se chevauchent le[urs] revendications … sur le plateau continental et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent[, de] se comporter de manière à éviter de porter atteinte aux intérêts de l’autre Partie» . Reste qu’un Etat ne saurait, par la magie de quelques mots, échapper aux conséquences de la chose jugée. d) La Colombie a contesté l’intégralité des arguments que recouvre la seconde demande du Nicaragua, dans le cadre de l’affaire précédente 5.67. En outre, la Colombie n’a nullement traité cet aspect comme une question marginale. Elle s’est élevée et vigoureusement inscrite en faux contre la thèse du Nicaragua. A cet égard, ayant commencé par relever que celle-ci «sembl[ait], en substance, consister à affirmer que [le Nicaragua] a[vait] droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins, même s’il n’a[vait] 227 pas défini le rebord externe de la marge de ce plateau» , le conseil de la Colombie, M. Bundy, a 127 clarifié que, si un plateau continental pouvait s’étendre jusqu’au rebord externe de la marge, «un Etat partie à la convention d[evait] définir ce rebord externe en application des dispositions substantielles et procédurales de l’article 76. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . [L]e Tribunal international du droit de la mer l’a très clairement affirmé dans son arrêt en l’affaire Bangladesh/Myanmar, indiquant au paragraphe 437 : «Le titre sur le plateau continental au-delà de 200 milles marins doit … être déterminé par référence au rebord externe de la marge continentale, laquelle doit être établie conformément à l’article 76, paragraphe 4. Une autre interprétation n’est 228 justifiée ni par le texte de l’article 76, ni par son but et son objet».» 5.68. M. Bundy a poursuivi en précisant, pour les raisons déjà établies, que les paragraphes de l’arrêt Bangladesh/Myanmar sur lesquels le Nicaragua entendait fonder sa conclusion finale n’étaient tout simplement pas applicables au cas à l’examen : «79. Dans Bangladesh/Myanmar, les deux Etats en présence étaient parties à la convention de 1982  ce qui, en l’espèce, n’est évidemment pas le cas de la 22Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), CR 2012/15, p. 26, par. 53 (Lowe). 226 Requête, par. 11 e). 22Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), CR 2012/16, p. 50, par. 75 (Bundy). 22Ibid., p. 51, par. 76-77 (Bundy). - 68 - Colombie. En outre, le Bangladesh et le Myanmar avaient tous deux présenté à la Commission, documents à l’appui, une demande en bonne et due forme de plateau continental étendu. Chaque Partie soutenait qu’il existait un plateau continental étendu, dont elle affirmait qu’il lui revenait, mais aucune ne contestait l’existence 128 même d’un plateau continental physique dans le golfe du Bengale au-delà de 200 milles marins de sa masse continentale. 80. Ce facteur fut déterminant lorsque le Tribunal s’interrogea sur l’opportunité d’exercer sa compétence pour définir la frontière au-delà de 200 milles marins. Le Tribunal a ainsi souligné en différents passages de son arrêt que «les Parties ne s’oppos[aient] pas sur les aspects scientifiques des fonds marins et du sous-sol du golfe du Bengale» … ; que les demandes présentées à la Commission par l’une comme par l’autre contenaient des données indiquant qu’elles détenaient un titre sur la marge continentale au-delà de 200 milles marins … ; que les preuves scientifiques étaient  pour reprendre l’expression employée  «non contestées ; et que le golfe du Bengale présentait une situation tout à fait particulière en ce qui concerne l’existence d’un plateau continental étendu, situation qui avait été reconnue dans le cadre des négociations tenues lors de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer…» 229 e) Les questions soulevées par la seconde demande du Nicaragua ont été exhaustivement analysées par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012 5.69. Loin d’être restés des questions marginales aux yeux de la Cour, la demande formulée au point I. 3) des conclusions finales du Nicaragua, et les justifications et arguments juridiques avancés pour l’étayer, ont été analysés in extenso par la Cour dans le cadre du Différend territorial et maritime, ainsi qu’il ressort des termes «même en utilisant la formulation générale proposée par [le Nicaragua]» qu’elle emploie au paragraphe 129 de son arrêt de 2012 : «Toutefois, le Nicaragua n’ayant pas, dans la présente instance, apporté la preuve que sa marge continentale s’étend suffisamment loin pour chevaucher le 129 plateau continental dont la Colombie peut se prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale, la Cour n’est pas en mesure de délimiter les portions du plateau continental relevant de chacune des Parties, comme le lui demande le 230 Nicaragua, même en utilisant la formulation générale proposée par ce dernier.» 5.70. Les mots sur lesquels l’accent a été mis indiquent bien que force a été pour la Cour, après avoir exploré toutes les méthodes possibles, y compris celle qui était la plus favorable au Nicaragua, d’affirmer qu’elle n’était pas en mesure de fixer la frontière revendiquée par le demandeur au-delà des 200 milles marins sans une recommandation de la Commission des limites du plateau continental fournissant des éléments d’information quant à l’emplacement précis de la limite extérieure du plateau continental auquel il prétendait avoir droit au-delà de cette distance. f) La seconde demande a, en substance, été tranchée par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012 5.71. Enfin, et fait décisif aux fins de la présente espèce, la Cour a rejeté la thèse du Nicaragua en affirmant n’être pas en mesure de fixer la limite entre les portions de plateau 229 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), CR 2012/16, p. 51, par. 79-80 (Bundy). (Les italiques sont de nous.) (Les notes de bas de page ont été omises.) 23Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 669, par. 129. (Les italiques sont de nous.) - 69 - continental revenant respectivement à la Colombie et au Nicaragua, en l’absence de preuves que la «[marge continentale de ce dernier] s’étend[rait] suffisamment loin pour chevaucher le plateau continental dont la Colombie peut se prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale.» 231 130 5.72. La question des droits et des obligations qu’ont l’un envers l’autre la Colombie et le Nicaragua dans la zone de plateau continental située au-delà de 200 milles marins a été analysée et tranchée de manière définitive en 2012 par la Cour, qui a jugé qu’à cet égard, la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 76 s’imposait, et ce, aux fins d’établir l’existence d’une éventuelle zone de chevauchement des droits pouvant donner lieu à un différend en matière de délimitation. 5.73. La Cour, en rejetant la demande du Nicaragua, a réaffirmé la règle bien établie selon laquelle «la délimitation consist[e] à résoudre la question du chevauchement des revendications en traçant une ligne de séparation entre les espaces maritimes concernés» , règle dont elle a souligné le caractère applicable aux paragraphes 140 et 141 de l’arrêt de 2012. 5.74. Dès lors, l’arrêt du 19 novembre 2012 a force de chose jugée en ce qui concerne la seconde demande formulée par le Nicaragua dans sa requête du 16 septembre 2013. g) La pétition de principe formulée par le Nicaragua en matière de chevauchement de droits vise à contourner la force de chose jugée de l’arrêt du 19 novembre 2012 5.75. Avant de conclure cette analyse de l’impossibilité dans laquelle la chose jugée met la Cour de connaître de la seconde demande du Nicaragua, la Colombie souhaiterait appeler l’attention sur un stratagème employé par la Partie adverse dans sa requête. En posant l’existence 131 d’un chevauchement de droits sans avoir mené à bien la procédure requise à l’article 76 de la CNUDM, le Nicaragua cherche à contourner la propre décision prise par la Cour en 2012, désireux qu’il est de s’arroger un droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins sans avoir au préalable établi les limites extérieures de son plateau continental. 5.76. La question, ou le «différend», concernant la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua qui figure dans la présente requête avait déjà été, dans le cadre de la précédente affaire, soumise à la Cour, qui l’a expressément tranchée dans son arrêt du 19 novembre 2012. La question de la délimitation au-delà de 200 milles marins relève par conséquent de la chose jugée ; dès lors la seconde demande du Nicaragua, outre qu’elle tombe sous le coup de la chose jugée, est ainsi dépourvue d’objet. h) La jurisprudence de la Cour interdit au Nicaragua de tenter, comme il le fait dans sa requête, de se soustraire à la force de la chose jugée de l’arrêt rendu en l’affaire du Différend territorial et maritime 5.77. Bien que le paragraphe 2 de l’article 38 du Règlement de la Cour prévoie qu’une requête doit «indique[r] la nature précise de la demande» et l’instruction de procédure II, que la partie qui dépose une pièce de procédure doit «présenter de manière claire les conclusions et moyens [qui lui sont] propres», le Nicaragua, dans sa requête en la présente espèce, ne produit qu’un minimum d’informations quant aux faits et fondements juridictionnels censés appuyer sa 231 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 669, par. 129. 232Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, par. 77. - 70 - demande — et ce, alors qu’il affirme notamment que si la Cour n’a été pas en mesure de délimiter le plateau continental étendu dans son précédent arrêt, c’est parce qu’il n’avait pas, à l’époque, 132 apporté la preuve de son droit à un tel plateau. Bien sûr, il ressort clairement de ses exposés écrits et oraux en la précédente affaire que le Nicaragua était alors convaincu d’avoir établi, tant d’un point de vue juridique qu’au vu des données communiquées, son droit à un plateau continental étendu . Dans sa nouvelle requête, il soutient qu’il a établi (derechef, faut-il sans doute présumer) l’existence d’un tel droit, ayant désormais communiqué une demande contenant des informations définitives à la Commission des limites du plateau continental en juin 2013 — quoique, une fois de plus, sans s’être soumis à la procédure ni aux obligations qu’impose l’article 76 de la CNUDM, lequel prévoit, en particulier, qu’une telle demande fasse l’objet d’un examen et d’une recommandation de la Commission. Ce nonobstant, la Cour serait désormais, aux dires du Nicaragua, en mesure de réaliser ce qu’elle n’était pas à même de faire dans sa précédente décision. Et le Nicaragua d’invoquer, à l’appui de cette affirmation, de prétendues nouvelles données géologiques et géomorphologiques qu’il avait en réalité lui-même omis de lui présenter dans le cadre de la précédente instance. 5.78. La Cour a déjà indiqué clairement qu’une telle tentative de contourner le principe de la chose jugée était vouée à l’échec. Dans l’affaire du Génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), elle a évoqué le caractère extrêmement strict de la procédure prévue à l’article 61 de son Statut, tout particulièrement s’agissant de faits nouveaux, dans son rapport à la chose jugée : «Cela [le principe de la chose jugée] ne signifie cependant pas que, si une partie à une affaire estime que se sont fait jour, postérieurement à la décision de la Cour, des éléments de nature à faire apparaître que les conclusions auxquelles celle-ci était parvenue pourraient avoir reposé sur des faits erronés ou insuffisants, cette décision 133 doive garder son caractère définitif, alors même qu’elle serait en contradiction manifeste avec la réalité. Le Statut prévoit, à cette fin, une seule procédure : celle de l’article 61, qui ouvre la possibilité de la revision d’un arrêt aux conditions énumérées dans cet article, lesquelles do234nt, dans l’intérêt de la stabilité des relations juridiques, être appliquées strictement.» 5.79. Le Nicaragua a introduit une nouvelle instance devant la Cour et a cherché à fonder la compétence de celle-ci sur l’article XXXI du pacte de Bogotá. Mais il soutient aussi que «l’objet de la présente requête demeure dans le champ de la compétence de la Cour telle que celle-ci l’a établie dans l[’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie)], introduite par la requête nicaraguayenne du 6 décembre 2001» . Le Nicaragua n’explique pas pourquoi la compétence reconnue à la Cour en la précédente affa236 demeurerait établie au cas d’espèce et lui permettrait de connaître de la nouvelle requête , alors même qu’il ne présente ni demande en interprétation (article 60 du Statut) ni demande en revision (article 61 du Statut) de l’arrêt de 2012. Par sa nouvelle requête, il ne cherche en effet à obtenir ni l’une ni l’autre, mais introduit une nouvelle instance. En avançant des bases de compétence pour le moins confuses, le Nicaragua espère contourner l’obstacle que représente pour lui la chose jugée non seulement au regard du 233Requête, par. 4. 234 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 43, p. 92, par. 120 (les italiques sont de nous). 235Requête, par. 10. 236Ibid., section IV. - 71 - 134 Statut et de la pratique de la Cour, mais également au regard du Pacte de Bogotá, en vertu duquel le il prétend avoir introduit la présente instance . E. C ONCLUSION : LA DEMANDE DU N ICARAGUA TOMBE SOUS LE COUP DE LA CHOSE JUGÉE 5.80. Dans sa requête, le Nicaragua reconnaît avoir déjà «sollicité de la Cour une déclaration décrivant le tracé de la limite de son plateau continental dans l’ensemble de la zone où les droits du Nicaragua et de la Colombie sur celui-ci se chevauchent» . Or c’est précisément ce qu’il fait dans ce même document. Pendant les onze années qu’aura duré la procédure en la précédente affaire, le Nicaragua aura eu l’occasion de s’exprimer devant la Cour, et tout loisir de développer ses arguments ou de présenter des éléments de fait et de droit à l’appui de sa demande. Et néanmoins, il n’a pas su convaincre. Le Nicaragua reconnaît, en ce qui concerne sa requête de 2001, que les informations qu’il avait, «le 7 avril 2010, soumis[es]239la Commission des limites du plateau continental [étaient] des informations préliminaires»  alors qu’il avait affirmé dans le cadre de la procédure qu’il avait établi le bien-fondé juridique et factuel de sa demande  et que la Cour a «estimé qu’il n’avait pas … apporté la preuve que sa marge continentale s’étendait au-delà de 240 200 milles marins de [ses] lignes de base» . Autrement dit, le Nicaragua ne s’était pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait et la Cour n’a pas fait droit à sa demande. Il ne peut 135 aujourd’hui se représenter devant la Cour pour tenter une nouvelle fois de faire valoir une demande qu’elle a estimé ne pouvoir accueillir. Le Nicaragua voudrait que la Cour se considère elle-même non comme un organe judiciaire dont les décisions ont force de chose jugée et qui, partant, ne peut être saisi derechef d’une même demande, mais comme une agence administrative non contentieuse, qu’un demandeur débouté faute d’éléments de preuve ou d’informations ne serait pas empêché de ressaisir encore et encore une fois ces lacunes palliées. Ces efforts réitérés du Nicaragua, qui vont à l’encontre du principe de la chose jugée, sont, pour la Colombie, injustes et vexatoires et ils déprécient la valeur des jugements définitifs rendus par la Cour. 5.81. Pour toutes ces raisons, la Cour est empêchée de connaître de la requête du Nicaragua, celle-ci tombant sous le coup de la chose jugée. 237 La tentative que fait le Nicaragua se soustraire aux exigences de l’article 61 du Statut est évoquée au chapitre 6. 238Requête, par. 4. 239Ibid. 240 Ibid. - 72 - CHAPITRE 6 QUATRIÈME EXCEPTIONPRÉLIMINAIRE : LA COUR N’APAS COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE D’UNE DEMANDE PAR LAQUELLE LE NICARAGUA ENTEND FAIRE APPELET OBTENIR LA REVISION DE L’ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2012 A. NTRODUCTION 137 6.1. Ainsi que rappelé au chapitre 5, dans l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), le Nicaragua avait prié la Cour de délimiter le plateau continental entre les Parties au-delà de 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua, demande que la Cour n’a pas accueillie. Elle a en revanche entièrement et définitivement fixé leur frontière maritime, y compris les limites du plateau continental et de la zone économique exclusive revenant respectivement à chacune des Parties. Cette décision, en vertu de l’article 60 de son Statut, est «définiti[ve] et sans recours». 6.2. Le Statut ne prévoit que deux procédures permettant de soumettre un arrêt de la Cour à un nouvel examen. La première, en application de l’article 60, est celle de la demande en interprétation, qui intervient en cas de «contestation sur le sens et la portée de l’arrêt». La seconde, prévue par l’article 61, est celle de la demande en revision, qui repose sur la découverte d’un fait nouveau. 6.3. Dans la présente requête, le Nicaragua invite la Cour à réexaminer un arrêt opérant une délimitation complète et définitive, plateau continental et zones économiques exclusives compris, 138 de la frontière maritime entre les Parties, et à procéder à la délimitation du plateau continental qu’il avait revendiquée dans l’affaire précédente sans que la Cour y fasse droit. Or, le Statut ne concède à la Cour aucune base de compétence pour connaître de ce qui constitue, de fait, un recours contre son arrêt antérieur interdit par son article 60 (section B). 6.4. La requête du Nicaragua relève également d’une tentative d’obtenir la revision de l’arrêt de la Cour sans satisfaire aux conditions énoncées à cet effet à l’article 61 du Statut. Bien que la Cour ait jugé, dans son arrêt de 2012, qu’il n’avait nullement établi qu’il fût en droit de prétendre à une portion de plateau continental au-delà de 200 milles marins susceptible de chevaucher celle dont pouvait se prévaloir la Colombie, le Nicaragua affirme dans la requête déposée en la présente affaire qu’il est aujourd’hui en mesure de démontrer l’existence d’un tel droit grâce aux nouvelles informations qu’il a soumises à la Commission des limites du plateau continental en juin 2013, après le prononcé de cet arrêt. Il allègue, sur cette base, que la Cour devrait procéder à la délimitation des zones de chevauchement qu’elle n’a pas effectuée dans son arrêt de 2012 : «Le Nicaragua a soumis ses informations finales à la Commission le 24 juin 2013. Dans sa demande, il démontre que sa marge continentale, d’une part, s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale et, d’autre part, i) traverse une zone située à plus de 200 milles marins de la Colombie ; et ii) empiète sur une zone située à moins 139 de 200 milles marins de la côte colombienne.»41 6.5. Le Nicaragua entend donc non seulement faire appel du précédent arrêt de la Cour, mais également présenter, à la lumière de faits prétendument nouveaux, une demande en revision qui ne 24Requête, p. 4, par. 5. - 73 - dit pas son nom, et n’a pas, dès lors, à satisfaire aux exigences de l’article 61 du Statut. Or, indépendamment de la question du caractère adéquat, d’un point de vue technique, des informations soumises à la Commission en juin 2013, le Statut ne prévoit aucune base de compétence permettant à la Cour de connaître d’une demande visant à obtenir de manière détournée la revision de l’un de ses arrêts sans respecter les prescriptions juridiques de recevabilité applicables en la matière (section C). B. L E N ICARAGUA CHERCHE À INTRODUIRE UN RECOURS ,UNE TENTATIVE QUE RIEN DANS LE STATUT NE SAURAIT JUSTIFIER 1. Les arrêts de la Cour sont définitifs et sans recours 6.6. L’article 60 du Statut de la Cour dispose ce qui suit : «L’arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter, à la demande de toute partie.» 6.7. La première phrase de cet article reflète le principe de la chose jugée dont il a été question au chapitre 5 ci-dessus. Ainsi que cela a été mentionné, ce principe, adopté par le comité consultatif de juristes, fut intégré par l’Assemblée de la Société des Nations dans le Statut de la 140 Cour permanente de Justice internationale sans débat ou presque, et il est demeuré inchangé dans le 242 243 Statut de la Cour . Ainsi que cela est souligné au chapitre 5 , son importance fondamentale ressort des termes du Statut de la Cour et de la Charte des Nations Unies. La Cour l’a dit en ces termes dans l’affaire du Génocide : «Le caractère fondamental de ce principe [de la chose jugée] ressort des termes du Statut de la Cour et de la Charte des Nations Unies. La pratique judiciaire de la Cour en reflète les caractéristiques et objectifs sous-jacents. Selon ce principe, les décisions de la Cour sont non seulement obligatoires pour les parties, mais elles sont définitives, en ce sens qu’elles ne peuvent être remises en cause par les parties pour ce qui est des questions que ces décisions ont tranchées, en dehors des procédur244 spécialement prévues à cet effet, qui présentent un caractère exceptionnel.» 6.8. Poursuivant sa réflexion sur le principe de la chose jugée et le caractère définitif de ses arrêts, la Cour, dans un passage à la lumière duquel les graves problèmes que pose, en matière de compétence, la nouvelle requête du Nicaragua deviennent patents, s’est référée à deux objectifs  l’un général, et l’autre particulier  qui sous-tendent ce principe : «Premièrement, la stabilité des relations juridiques exige qu’il soit mis un terme 141 au différend considéré. La fonction de la Cour est, selon l’article 38 du Statut, de «régler» les «différends» qui lui sont soumis», c’est-à-dire d’y mettre un terme. Deuxièmement, il est dans l’intérêt de chacune des parties qu’une affaire qui a d’ores et déjà été tranchée en sa faveur ne soit pas rouverte. L’article 60 du Statut explicite ce caractère définitif des arrêts. Priver une partie du bénéfice d’un arrêt rendu en sa 242 Ainsi qu’il est indiqué dans la note de bas de page 192 au chapitre 5 supra, le procès-verbal des négociations ayant conduit à l’établissement de la Cour permanente rapporte que la notion de chose jugée fut expressément mentionnée comme un principe général de droit visé par l’article 38 du Statut (procès-verbaux des séances du comité consultatif de juristes, p. 335). 243Chap. 5, section D 1) supra. 244Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 90, par. 115. - 74 - faveur doit, de manière générale, être considéré comme contraire aux principes auxquels obéit le règlement judiciaire des différends.» 245 2. La requête du Nicaragua équivaut à un recours 6.9. La première des deux procédures permettant de soumettre un arrêt de la Cour à un nouvel examen est la demande en interprétation prévue par la seconde phrase de l’article 60. Or le Nicaragua n’a pas argué de l’existence d’une contestation sur le sens ou la portée de l’arrêt de 2012, ni recherché l’interprétation de celui-ci. Et l’eût-il fait qu’il eût perdu sa peine : l’interprétation d’un arrêt antérieur de la Cour n’a pas pour conséquence d’invalider la force de chose jugée dont sont revêtues des décisions ayant un caractère définitif et obligatoire. Ainsi que la Cour l’a expliqué dans son récent arrêt sur la demande en interprétation en l’affaire Cambodge c. Thaïlande, «son rôle en vertu de l’article 60 du Statut consiste à éclaircir le sens et la portée de ce qui a été décidé dans l’arrêt qu’il lui est demandé d’interpréter… En conséquence, elle doit respecter strictement les limites de l’arrêt initial et ne saurait remettre en 142 cause ce qui a été réglé avec force obligatoire, ni trancher des questions sur lesquelles 246 elle ne s’est pas prononcée dans l’arrêt initial.» 6.10. Ce nonobstant, la question que le Nicaragua soumet à la Cour dans sa requête du 16 septembre 2013 est identique à celle qu’elle a déjà tranchée dans son arrêt de 2012 : les questions soulevées dans les deux affaires ont déjà été réglées par la Cour dans un arrêt définitif et sans recours. 6.11. Dans sa requête, le Nicaragua indique que le différend concerne la délimitation entre, d’une part, son propre plateau continental au-delà de la limite 247 200 milles marins de ses lignes de base et, d’autre part, le plateau continental de la Colombie . Le Nicaragua demande donc à la Cour de définir le tracé précis de la frontière maritime entre les Parties dans les zones de plateau continental se trouvant au-delà de la frontière qu’elle a fixée dans son arrêt du 19 novembre 2012. 6.12. Or, dans l’affaire précédente, le Nicaragua avait aussi indiqué que le différend concernait la délimitation, par rapport à la Colombie, de portions de plateau continental situées au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, et formellement demandé à la Cour, au point I. 3) de ses conclusions finales, de tracer la frontière maritime dans cette zone. La Cour a examiné les arguments des Parties sur cette question, et s’est prononcée dans le dispositif de son 143 arrêt sur la demande formulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales. Ainsi la demande présentée dans la requête du Nicaragua a déjà été soumise à la Cour, débattue in extenso entre les Parties dans leurs écritures et à l’audience, et tranchée par la Cour dans son arrêt. 6.13. Autrement dit, l’objet du «différend» que le Nicaragua cherche à introduire par sa requête  sa demande de délimitation du plateau continental entre les Parties dans des zones se trouvant au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base  et les fondements sur lesquels repose sa demande sont les mêmes que dans l’affaire précédente. Les questions soulevées en 245 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 90-91, par. 116. 246 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), arrêt du 11 novembre 2013, p. 25, par. 66. 247Requête, p. 1, par. 2. - 75 - l’espèce ont été examinées par la Cour et tranchées dans son arrêt du 19 novembre 2012, lequel, conformément à l’article 60 du Statut, est définitif et sans recours. En tentant de remettre en cause des points déjà tranchés, et qui, donc, sont chose jugée, le Nicaragua cherche en réalité à introduire une forme de recours. Sa requête contrevient donc à l’article 60 du Statut, ainsi qu’au principe selon lequel, dans l’intérêt de la stabilité des relations juridiques, les questions déjà tranchées ne doivent pas être remises en question. Le Nicaragua a, de fait, reconnu lui-même le caractère définitif de l’arrêt du 19 novembre 2012. Dans sa requête du 26 novembre 2013, il a admis au paragraphe 19 que, «[c]onformément aux articles 59 et 60 du Statut de la Cour, cet arrêt [était] 144 définitif, sans recours et obligatoire…» . La Cour n’a pas compétence pour connaître d’une demande qui équivaut en réalité à un recours. C. L EN ICARAGUA CHERCHE ÉGALEMENT À OBTENIR UNE REVISION DE L ARRÊT DE LA C OUR SANS REMPLIR LES CONDITIONS PRÉVUES PAR LE STATUT 6.14. Ainsi que cela a été relevé plus haut, la seconde procédure permettant à la Cour de réexaminer un arrêt implique de présenter, en application de l’article 61 du Statut, une demande de revision fondée sur la découverte d’un fait nouveau. Or, la nouvelle requête déposée par le Nicaragua recouvre non seulement un recours contre l’arrêt que la Cour a rendu en 2012, mais aussi une tentative déguisée d’en obtenir la revision en raison de la prétendue découverte de faits nouveaux — mais ce, sans se conformer aux strictes conditions de recevabilité d’une demande en revision fixées à l’article 61. 1. Les conditions auxquelles le Statut ménage la possibilité de reviser un arrêt en raison de la découverte d’un fait nouveau sont cumulatives 6.15. Si une partie à une affaire pense que se sont fait jour, après que la Cour a rendu sa décision, de nouveaux éléments de nature à démontrer que les conclusions de celle-ci pourraient avoir reposé sur des faits erronés ou incomplets, la seule voie qui s’offre à elle est de déposer une demande en revision au titre de l’article 61 du Statut. De fait, comme la Cour l’a souligné dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire du Génocide, «[l]e Statut prévoit, à cette fin, une seule 145 procédure : celle de l’article 61, qui ouvre la possibilité de la revision d’un arrêt aux conditions énumérées dans cet article» .9 6.16. Les conditions applicables aux demandes en revision sont énoncées au paragraphe 1 de ce même article du Statut, qui dispose ce qui suit : «La revision de l’arrêt ne peut être éventuellement demandée à la Cour qu’en raison de la découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la revision, sans qu’il y ait, de sa part, faute à l’ignorer.» 6.17. Dans l’arrêt sur la Demande en revision de l’arrêt du 11 septembre 1992 en l’affaire El Salvador c. Honduras, la Chambre de la Cour a précisé les cinq conditions devant être remplies pour qu’une demande en revision soit recevable, à savoir : «a) la demande doit être fondée sur la «découverte» d’un «fait» ; 248 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), requête du 26 novembre 2013, p. 14, par. 19. 249Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 92, par. 120. - 76 - b) le fait dont la découverte est invoquée doit être «de nature à exercer une influence décisive» ; c) ce fait doit, avant le prononcé de l’arrêt, avoir été inconnu de la Cour et de la partie qui demande la revision ; d) il ne doit pas y avoir eu «faute» à ignorer le fait en question ; et 146 e) la demande en revision doit avoir été «formée au plus tard dans le délai de six mois après la découverte du fait nouveau» et avant l’expiration d’un délai de dix ans à dater de l’arrêt.» 250 6.18. Une demande en revision n’est recevable que si l’ensemble de ces conditions sont remplies. Autrement dit, pour reprendre les termes de la Cour, «[s]i l’une d’elles fait défaut, la 251 requête doit être écartée» . La revision étant une procédure exceptionnelle, la Cour a également souligné que ces «conditions ... [devaient], dans l’intérêt de la stabilité des relations juridiques, être appliquées strictement» . 252 2. La requête du Nicaragua est fondée sur de prétendus «faits nouveaux» 6.19. Comme cela a été relevé plus haut, le Nicaragua prétend, dans sa requête, présenter un ou plusieurs faits nouveaux de nature à justifier que la Cour revise un arrêt dans lequel elle a effectué une délimitation complète et définitive, plateau continental et zones économiques exclusives compris, de la frontière maritime entre les Parties, sans néanmoins reconnaître que c’est 147 bien une revision de son arrêt de 2012 qu’il demande. Tel est pourtant ce qui ressort d’une comparaison entre les deux affaires. i) Dans l’affaire précédente, le Nicaragua affirmait avoir droit à un plateau continental s’étendant au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base et empiétant sur les espaces maritimes dont la Colombie pouvait se prévaloir sur 200 milles. Il fondait cette prétention sur des données techniques dont il affirmait qu’elles relevaient du domaine public et qui faisaient partie des informations préliminaires qu’il avait soumises, le 7 avril 2010, à la Commission des limites du plateau continental . S’il se déclarait assez près de déposer une demande complète auprès de la Commission, le Nicaragua soutenait que les informations figurant dans sa réplique 254 suffisaient, en tant que telles, à établir ses droits à un plateau continental étendu . Par ailleurs, l’annexe 18 et la figure 3.7 de sa réplique contenaient des coordonnées censées définir les limites extérieures de son plateau continental . 255 250 Demande en revision de l’arrêt du 11 septembre 1992 en l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)) (El Salvador c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 398-399, par. 19. 251 Ibid, p. 399, par. 20, citant la Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 12, par. 17. 252Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007(I), p. 92, par. 120. 253 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), réplique du Nicaragua, vol. I, p. 70, par. 2.20, et p. 89-90, par. 3.37-3.40. 254 Ibid., vol. I, par. 2.20, et p. 89-90, par. 3.37-3.40. 255Ibid., vol. II, première partie, p. 53, annexe 18, et vol. II, deuxième partie, p. 10, figures 3-7. - 77 - ii) La Cour ayant rejeté cet argument et conclu que le Nicaragua n’avait pas établi son droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins, elle n’a pas accueilli le point I. 3) des conclusions finales du Nicaragua. iii) Dans la requête qu’il a déposée en la présente espèce, le Nicaragua affirme avoir présenté ses 149 informations finales à la Commission des limites du plateau continental le 24 juin 2013, c’est-à-dire après le prononcé de l’arrêt de la Cour. Contrairement à ce qu’il avait indiqué dans l’affaire précédente, il considère à présent démontré par ces «informations finales» «que sa256 marge continentale ... s’étend au-delà de 200 milles marins» de ses lignes de base . Pour étayer son argumentation, le Nicaragua fait référence, dans la note de bas de page n 4 de sa o requête, au résumé de la demande qu’il a déposée auprès de la Commission. Dans ce résumé, il se réfère à l’arrêt du 19 novembre 2012 de la Cour et reconnaît que celle-ci «n’a pas délimité le plateau continental du Nicaragua et de la Colombie au-delà de cette limite de 200 milles marins, contrairement à ce qu’il lui avait demandé de faire, et a observé qu’il n’avait fourni que des informations préliminaires à la Commission» . Le Nicaragua précise ensuite que, «[à] la suite de l’arrêt de la Cour internationale de Justice et après avoir procédé à une évaluation et à un examen approfondis des données scientifiques se rapportant aux zones concernées, [il] a parachevé sa demande» . Le résumé contient les coordonnées d’une série de 164 points qui 148 définiraient les limites extérieures de son plateau continental étendu (tableau 1), ainsi qu’une carte à petite échelle montrant l’emplacement de ces points. iv) Les points en question divergent, mais guère, de ceux que le Nicaragua avait soumis à la Cour dans sa réplique en l’affaire précédente, ainsi qu’on peut le constater sur la figure 6, qui met en évidence les différences entre les deux lignes. Dans la mesure où ils ne correspondent pas à ceux identifiés dans l’affaire précédente, les points censés définir les limites extérieures de la marge continentale du Nicaragua répertoriés dans le résumé sur lequel il se fonde à présent, doivent reposer sur des éléments différents — c’est-à-dire des faits nouveaux — de ceux qu’il avait alors présentés à la Cour. 6.20. Il appert donc que le Nicaragua a soumis à la Commission de prétendus «faits nouveaux», qui ne figuraient pas dans ses informations préliminaires ni dans le dossier de l’affaire précédente, et qu’il juge à présent décisifs pour étayer sa prétention à un plateau continental au-delà de 200 milles. 25Requête, p. 2, par. 5. 25Demande de la République du Nicaragua déposée auprès de la Commission des limites du plateau continental conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982), première partie : résumé, 24 juin 2013, p. 2, par. 5, disponible, dans sa version anglaise, à l’adresse Internet http://www.un.org/ Depts/los/clcs_new/submissions_files/nic66_13/Executive%20Summary.pdf (dernière consultation le 4 août 2014). (Les italiques sont de nous.) 258 Ibid., par. 6. - 77 - 1 15°N 14°N 13°N 12°N 11°N 10°N 9°N 7 811 12 13 21 Sea COLOMBIA Caribbean 76°W 75°W 74°W 22 47 48 65 77°W 668 69 89 ) 91 120 18 September 2009 18 seTerritorial and Maritime Dispute ga c. Colombie fromReply of the Government of Nicaragua 121 PANAMA Nicaar le NNicaraua en l'affaire duelf Claim PlapteaDu c(ontinental étendu revendijué 2013 24 June 2013 24 The Republic of Nicaragua’s 80°W 79°W 78°W 164 Limits of the Continental Shelf Nicaragua’s Extended Continental Shelfe Plarteaendoqocoeniralltaiésplagétuspaèsdlaleatleaau 300 Providencia I. 150 San Andrés I. 100 Miskitos Cays Kilometers Nautical Miles Mercator Projection at 14°N) 50 Little Corn I. SHELF CLAIMS Great Corn I. continental étendu Prepared by: International Mapping COSTA0 0 RICA 100 200 84°W 83°W 82°W 81°W 80°W 79°W 78°W 77°W 76°W 75°W 74°W Prétentions du Nicaragua à un plateau NICARAGUA’S EXTENDED CONTINENTAL HO15°NAS 14°N NIC13°NUA 12°N 11°N Figure 6 150 - 79 - 151 3. La seule procédure qui permettrait au Nicaragua de soumettre une requête de cette nature est celle prévue à l’article 61 6.21. Le seul moyen pour le Nicaragua de remettre en cause l’arrêt rendu par la Cour au titre de la découverte de prétendus faits nouveaux serait de présenter une demande en revision dans le respect des conditions énoncées à l’article 61. Or le Nicaragua n’a pas fait usage de la procédure que celui-ci prévoit. 6.22. Et s’il ne l’a pas fait, ce n’est pas pour un motif raisonnable, mais parce qu’il n’aurait pas été en mesure de satisfaire aux conditions de recevabilité énoncées à l’article 61. Pour établir la recevabilité d’une demande en revision, le Nicaragua aurait en effet dû démontrer plusieurs points : que les faits en question étaient de nature à exercer une influence décisive (ce qui est discutable, les différences entre les deux «limites extérieures» étant minimes  voir figure n 6) ; qu’ils étaient, avant le prononcé de l’arrêt, inconnus de la Cour et du Nicaragua ; et que la demande en revision avait été formée au plus tard six mois après leur découverte. Quand bien même ces conditions auraient pu être remplies  ce qui est plus que douteux , le Nicaragua aurait également dû démontrer qu’il n’y avait pas de sa part faute à ignorer les prétendus faits nouveaux au stade de l’instance initiale, ce qui lui aurait clairement été impossible. Or, il s’agit là d’une autre condition que doit remplir une partie qui cherche à obtenir la revision d’un arrêt. 152 4. La demande du Nicaragua ne satisfait pas aux conditions prévues à l’article 61 6.23. Rappelons que le Nicaragua est devenu partie à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 en mai 2000. A compter de cette date, il savait donc, ou aurait dû savoir, que, s’il souhaitait revendiquer un plateau continental au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base, il devrait satisfaire aux critères et obligations prévus à l’article 76 de la convention. 6.24. Le 6 décembre 2001, le Nicaragua a déposé au Greffe une requête introductive d’instance à l’encontre de la Colombie. Au cours de la procédure qui s’en est suivie, il aurait amplement eu le loisir d’étayer sa prétention à un plateau continental s’étendant au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base. Or, pendant les huit premières années, il a soutenu que les facteurs géologiques et géomorphologiques n’avaient absolument aucune importance pour la délimitation qu’il demandait (à savoir une ligne médiane entre deux masses continentales), même si la zone à délimiter se situait à plus de 200 milles marins de sa côte. Il écrivait ainsi dans son mémoire : «Du point de vue du Gouvernement du Nicaragua, les facteurs géologiques et géomorphologiques ne présentent pas d’i259rêt pour la délimitation d’une frontière maritime unique à l’intérieur de l’aire de délimitation.» 153 6.25. Lorsque le Nicaragua a modifié sa position dans sa réplique, il a tenté d’établir son droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins en s’appuyant sur des documents techniques et scientifiques fournis à la Commission des limites du plateau continental dans le cadre de ses informations préliminaires, qui reprenaient des données censées relever du domaine public. Néanmoins, comme la Cour l’a fait observer dans son arrêt, force a été pour le Nicaragua lui-même d’admettre que ces informations étaient «loin de satisfaire aux exigences requises pour pouvoir être considérées comme des informations … sur les limites d[u] plateau continental, lorsque celui-ci 260 s’étend au-delà de 200 milles marins» . Pendant les onze années qu’a duré la procédure, rien 259 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), mémoire du Nicaragua, vol. I, p. 215, par. 3.58. 260Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 669, par. 127. - 80 - n’aurait pourtant empêché le Nicaragua de produire davantage d’éléments de preuve sur ce point s’il l’avait voulu. 6.26. Il s’ensuit que le Nicaragua avait tout loisir de démontrer le bien-fondé de sa demande tendant à obtenir reconnaissance d’un droit à un plateau continental étendu et d’honorer les obligations qui lui incombaient en vertu de la CNUDM, mais qu’il ne l’a pas fait. Aussi la Cour n’a-t-elle pas accueilli sa demande visant la délimitation d’un plateau continental dans des zones situées au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base. Dans la mesure où le Nicaragua a manqué d’apporter en temps voulu la preuve du bien-fondé de sa demande de plateau continental étendu, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Autrement dit, pour autant que les prétendus faits nouveaux qu’il cherche aujourd’hui à introduire dans la présente instance en se fondant sur la demande soumise à la Commission en juin 2013 lui aient été inconnus avant le prononcé de l’arrêt, il y avait de sa part faute à les ignorer. 154 6.27. A cet égard, il est pertinent de rappeler ce que la Cour a dit au sujet de la possibilité qu’avait ou non le requérant d’avoir, au moment de la procédure initiale, connaissance des faits sur lesquels sa demande en revision était fondée, aux fins de pouvoir déterminer s’il y avait eu de sa part faute à les ignorer. L’affaire en question concernait la revision de l’arrêt rendu par la Cour en 1982 dans l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) demandée par la Tunisie au motif qu’elle avait découvert les coordonnées de certaines concessions pétrolières en mer après le prononcé de l’arrêt. La Cour a estimé devoir «cependant rechercher si, en l’occurrence, la Tunisie avait les moyens d’obtenir d’autres sources les coordonnées exactes de la concession ; et si au demeurant il était de son intérêt de le faire. Dans l’affirmative, la Cour ne pense pas que la Tunisie puisse faire état de ces coordonnées comme d’un fait qui lui aurait été «inconnu» au 261 sens de l’article 61, paragraphe 1, du Statut.» 6.28. Dans l’affaire en question, la Cour a jugé que la Tunisie aurait pu dans le cadre de l’instance précédente, se procurer les éléments «nouveaux» sur lesquels elle appuyait sa demande, et qu’il aurait été dans son intérêt de le faire. Elle a donc rejeté la demande en revision, en expliquant que l’une des «conditions essentielles» de recevabilité d262e telle demande  «celle de l’ignorance non fautive d’un fait nouveau»  n’était pas remplie . 155 6.29. En l’espèce, le Nicaragua n’est guère en meilleure posture. Dans le cadre de l’instance précédente, et même à faire abstraction de la période qui a précédé son introduction, le Nicaragua a eu plus de dix ans pour se procurer et soumettre les informations sur lesquelles il s’appuie à présent dans sa requête ainsi que pour satisfaire aux obligations qui lui incombaient au titre de l’article 76 ; et, s’il les tenait pour importantes, il aurait été de son intérêt d’obtenir ces informations et de se conformer aux dispositions de la CNUDM. Or le Nicaragua ne l’a pas fait, ce qui constitue de sa part une faute. Ce manquement aurait voué à l’irrecevabilité toute demande en revision formée au titre de l’article 61 du Statut. 261 Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 204-205, par. 23. 262Ibid., p. 206-207, par. 28. - 81 - 6.30. Plutôt que d’introduire une demande en revision, le Nicaragua a donc soumis une nouvelle requête, alléguant qu’il est désormais en mesure d’établir son droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins de sa côte sur la base des informations qu’il a présentées à la Commission des limites du plateau continental après le prononcé de l’arrêt de 2012. Si le Nicaragua a choisi de procéder ainsi c’est parce qu’il savait que les conditions de recevabilité d’une demande en revision fondée sur sa prétendue découverte d’un ou de plusieurs «faits nouveaux» ne pourraient être remplies. Il s’agit d’une tentative manifeste de se soustraire aux exigences de l’article 61 du Statut. 6.31. En revanche, si la demande que le Nicaragua a soumise à la Commission des limites du plateau continental en juin 2013 ne contient pas de faits nouveaux, force sera de conclure que la présente requête du Nicaragua est fondée sur une nouvelle analyse des données qu’il avait déjà 156 soumises dans ses informations préliminaires et produites devant la Cour dans le cadre de l’instance précédente. Dans ce cas encore, la Cour serait incompétente pour examiner les demandes du Nicaragua, car il s’agirait simplement, de la part de celui-ci, d’une tentative de remettre en discussion des moyens qui ont déjà été examinés in extenso par les Parties dans l’affaire initiale et tranchés par la Cour dans son arrêt . Cela équivaudrait à un recours, ce qui, ainsi qu’il a été expliqué à la section B du présent chapitre, est interdit par l’article 60 du Statut. 6.32. Ainsi, le Nicaragua, par sa présente requête, invite en réalité la Cour soit à reviser son arrêt sur la base de prétendus faits nouveaux n’ayant pas été présentés dans le cadre de la précédente affaire soit à le remettre en cause sur la base de faits anciens qu’elle a déjà examinés. Qu’elle se fonde sur des faits «nouveaux» ou sur un réexamen de faits anciens, la présente requête du Nicaragua constitue, de sa part, une tentative de se soustraire aux exigences du Statut. D. C ONCLUSIONS 6.33. Il n’existe aucune base de compétence permettant à la Cour de connaître de ce qui constitue, en réalité, une tentative du Nicaragua de faire appel de son arrêt du 19 novembre 2012, ou d’en obtenir la revision sous le couvert d’une nouvelle affaire. Pareille tentative d’introduire une nouvelle instance pour remettre en cause des questions qui ont été examinées dans la 157 précédente et tranchées avec force de chose jugée par l’arrêt de 2012 va à l’encontre des dispositions de l’article 60 du Statut. De même, tenter d’obtenir la revision dudit arrêt en faisant valoir de nouvelles demandes fondées sur de prétendus faits qui n’auraient été découverts qu’après son prononcé, mais sans satisfaire aux conditions imposées par l’article 61 en matière de revision, est contraire aux dispositions du Statut. Il convient dès lors de déclarer également à ces titres la Cour incompétente pour connaître de la demande du Nicaragua. 263Voir plus haut chap. 5, section B. - 82 - CHAPITRE 7 EXCEPTIONPRÉLIMINAIRE À LA RECEVABILITÉ DES DEUX DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LENICARAGUA DANS SA REQUÊTE A. INTRODUCTION 159 7.1. Pour le cas où les exceptions d’incompétence qu’elle a soulevées aux chapitres précédents seraient rejetées, la Colombie conteste également, à titre subsidiaire, la recevabilité de la requête que le Nicaragua a déposée devant la Cour. A cet égard, elle affirme plus précisément qu’aucune des deux demandes formulées dans la pièce en question 264n’est recevable .5 7.2. La première demande est irrecevable parce que le Nicaragua n’a pas obtenu la recommandation requise de la Commission des limites du plateau continental. 7.3. La seconde demande formulée par le Nicaragua l’est en conséquence de l’irrecevabilité de la première. Elle est du reste irrecevable même si on la considère indépendamment de celle-ci, car s’il y était fait droit, la décision de la Cour serait inapplicable et porterait sur un différend 160 inexistant. B. L’ IRRECEVABILITÉ DE LA PREMIÈRE DEMANDE DU NICARAGUA 1. L’établissement du plateau continental suppose l’existence préalable d’un droit a) La nécessité qu’existe au préalable un droit 7.4. Afin d’exercer les droits visés à l’article 77 de la CNUDM, l’Etat côtier doit au préalable pouvoir se prévaloir d’un droit à un plateau continental au titre de la «souveraineté sur le territoire terrestre» .6 7.5. La définition de ce «droit» est différente selon que le plateau continental se situe en deçà ou au-delà de la limite de 200 milles marins. b) Droit à un plateau continental en deçà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale 7.6. En deçà de 200 milles marins, le droit à un plateau continental est automatique ipso jure, le paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM précisant que «le plateau continental d’un Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale ... jusqu’à 200 milles marins des lignes de base…» 26Requête, par. 12. 26Dans la mesure où elle a trait à la recevabilité, la présente exception n’est soumise que pour le cas où la Cour rejetterait la prétention principale de la Colombie et s’estimerait compétente, et la Cour ne devra l’examiner que dans cette hypothèse. Cette exception d’irrecevabilité et les arguments présentés à son appui ne sauraient donc être interprétés comme indiquant que la Colombie accepte, de quelque manière que ce soit, les principaux fondements de la requête du Nicaragua. 266 Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), TIDM, arrêt du 14 mars 2012, par. 409. - 83 - 161 c) Droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins 7.7. Au-delà de 200 milles marins, le paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM reconnaît la possibilité de se prévaloir d’un droit jusqu’au rebord externe de la marge continentale, dès lors que celui-ci est défini conformément aux conditions énoncées aux paragraphes 4, 5 et 6 de cette disposition. 2. Pour fixer son plateau continental au-delà de 200 milles marins, un Etat a besoin d’une recommandation de la Commission des limites du plateau continental 7.8. Dans l’arrêt qu’il a rendu en l’affaire Bangladesh/Myanmar, le TIDM a déclaré que «les limites extérieures du plateau continental [pouvaient] être fixées uniquement par l’Etat côtier» .7 L’exercice de ce droit exclusif de l’Etat côtier, qui emporte des conséquences définitives et de caractère obligatoire, est toutefois subordonné au respect de l’article 76 de la 268 CNUDM . La Cour a ainsi relevé, en 2007, puis de nouveau en 2012, que «toute prétention [d’un Etat partie à la CNUDM] relative à des droits sur le plateau continental au-delà de 200 milles d[evait] être conforme à l’article 76 de la CNUDM et examinée par la Commission des limites du plateau continental constituée en vertu de ce traité» .69 162 7.9. Lorsque l’Etat côtier fixe les limites extérieures de son plateau continental «sur la base des recommandations» de ladite Commission (c’est-à-dire qu’il adopte un tracé conforme à ces recommandations), ces limites sont «définitives et de caractère obligatoire» en vertu du paragraphe 8 de l’article 76. Pour reprendre la formulation utilisée dans l’arrêt Bangladesh/Myanmar, elles sont donc opposables «à des Etats tiers» . 270 7.10. La deuxième phrase du paragraphe 8 de l’article 76 précise que les recommandations de la Commission doivent permettre de résoudre les «questions concernant la fixation des limites extérieures» du plateau continental. Ces questions incluent le respect des conditions préalables au tracé desdites limites. 7.11. La recommandation de la Commission des limites du plateau continental constitue donc la condition préalable à la transformation d’un droit inhérent 271— mais encore latent — en un droit à un plateau continental dont les limites extérieures sont «définitives et de caractère obligatoire», conformément au paragraphe 8 de l’article 76, et opposables erga omnes. Les termes employés dans cette disposition, ainsi qu’aux articles 4, 7 et 8 de l’annexe II, étant contraignants, les Etats parties à la CNUDM qui souhaitent fixer les limites de leur plateau continental au-delà de 200 milles marins doivent suivre la procédure prévue devant la Commission. 26Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), TIDM, arrêt du 14 mars 2012, par. 407. 26Ibid. 269 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 759, par. 319, repris par la Cour en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 668-669, par. 126. 27Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), TIDM, arrêt du 14 mars 2012, par. 407. 271 Paragraphe 3 de l’article 77 de la CNUDM. - 84 - 163 3. La Commission des limites du plateau continental n’a pas formulé de recommandation 7.12. En l’espèce, la Commission des limites du plateau continental n’a pas formulé la recommandation nécessaire au sujet de la demande du Nicaragua. Elle n’a pas non plus «examin[é]» cette demande, pas plus qu’elle ne s’est «prononc[ée]» sur elle en application de l’article 5 a) de l’annexe I de son règlement intérieur. 7.13. A sa trente-quatrième session, tenue de janvier à mars 2014, la Commission aurait eu la possibilité d’examiner cette demande, mais elle a choisi de ne pas le faire et, partant, de ne pas passer au stade suivant de la procédure, celui de la formulation d’une recommandation. Compte tenu de l’exposé du représentant du Nicaragua et de tous les documents pertinents, la Commission a décidé «d’attendr[e] que le moment vienne d’examiner la demande et les communications,272 sachant que les demandes sont examinées dans l’ordre dans lequel elles sont reçues» . 7.14. La Commission des limites du plateau continental n’est donc pas près d’examiner au fond la demande du Nicaragua. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer sa décision à cet égard à celle qu’elle a prise trois jours plus tard en ce qui concerne la demande déposée par les Etats fédérés de Micronésie au sujet de la zone de la ride d’Eauripik, qu’elle est convenue de faire évaluer, le moment venu, par une sous-commission lors d’une session ultérieure, «sachant que les 273 164 demandes sont examinées dans l’ordre dans lequel elles sont reçues» . Dans le cas du Nicaragua, en revanche, aucune mention n’était faite de la création d’une sous-commission, mesure qui, dans la pratique de la Commission, constitue le premier pas vers l’examen au fond d’une demande. 4. Dans ces circonstances, la Cour ne peut délimiter le plateau continental au-delà de 200 milles marins a) En l’absence d’une recommandation de la Commission des limites du plateau continental, la Cour ne peut se pencher sur la requête du Nicaragua 7.15. La Cour ne peut examiner la requête du Nicaragua, étant donné que la Commission des limites du plateau continental ne s’est pas assurée qu’étaient remplies les conditions auxquelles il peut être établi que le rebord externe du plateau continental du Nicaragua s’étend au-delà de la ligne de 200 milles marins et, partant, n’a pas formulé de recommandation. 7.16. Il convient de distinguer la présente espèce de l’affaire Bangladesh/Myanmar, ainsi que de la récente affaire Bangladesh/Inde . Dans l’affaire Bangladesh/Myanmar, le TIDM était en effet en mesure de statuer sur la délimitation, bien que la limite extérieure du plateau continental du Myanmar n’eût put être établie, le Bangladesh s’étant opposé à ce que la Commission examine sa demande. Comme la délimitation recherchée dans cette affaire devait être effectuée entre des Etats 165 dont les côtes étaient adjacentes, le TIDM n’a pas eu à déterminer les «limites extérieures» du plateau continental ni à attendre que la Commission formule des recommandations à ce sujet. La ligne de délimitation retenue pour les zones situées en deçà de 200 milles marins a simplement été 272 Doc. CLCS/83 du 31 mars 2014, état d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental, déclaration du président, par. 83, accessible à l’adresse Internet http://daccess-dds- ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N14/284/32/PDF/N1428432.pdf?OpenElement (dernière consultation le 4 août 2014). 273Ibid., par. 86 (voir le lien à la note de bas de page 272). 274 Sentence rendue dans l’Arbitrage entre la République populaire du Bangladesh et la République de l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime du golfe du Bengale, 7 juillet 2014, accessible en version anglaise à l’adresse Internet www.pca-cpa.org/showfile.asp?fil_id=2705 (dernière consultation le 4 août 2014). - 85 - prolongée indéfiniment suivant la même or275tation. La situation, pour le tribunal arbitral, était similaire en l’affaire Bangladesh/Inde . Au cas d’espèce, en revanche, le Nicaragua, dans sa requête, demande la délimitation d’un plateau continental situé entre des côtes qui se font face. Or, il est impossible d’opérer une telle délimitation sans avoir identifié au préalable l’étendue, ou la limite, du plateau continental auquel chacun des Etats peut prétendre. 7.17. Il s’ensuit que la requête du Nicaragua est irrecevable, la Commission des limites du plateau continental n’ayant pas déterminé si le plateau continental extérieur revendiqué par le Nicaragua s’étendait au-delà de 200 milles marins et, le cas échéant, sur quelle distance. b) Le fait que la Colombie ne soit pas partie à la CNUDM n’exonère pas le Nicaragua, qui, lui, l’est, de l’obligation de satisfaire à toutes les exigences de l’article 76 7.18. Bien que, sur le plan du droit conventionnel, le paragraphe 8 de l’article 76 n’ait pas force obligatoire entre le Nicaragua et la Colombie, dans la mesure où celle-ci n’est pas partie à la CNUDM, le Nicaragua n’est en pas moins tenu d’obtenir une recommandation de la Commission des limites du plateau continental. Il s’agit là d’une condition préalable s’il veut faire valoir un 166 droit à un plateau continental au-delà de 200 milles marins. Au paragraphe 126 de l’arrêt qu’elle a rendu en 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime — dans lequel elle a commencé par citer son arrêt de 2007 en l’affaire Nicaragua c. Honduras —, la Cour a en effet déclaré que «toute prétention [d’un Etat partie à la CNUDM] relative à des droits sur le plateau continental au-delà de 200 milles [devait] être conforme à l’article 76 de la CNUDM et examinée par la Commission des limites du plateau continental constituée en vertu de ce traité… Eu égard à l’objet et au but de la CNUDM, tels qu’exposés dans son préambule, le fait que la Colombie n’y soit pas partie n’ex276re pas le Nicaragua des obligations qu’il tient de l’article 76 de cet instrument.» 7.19. Dès lors, les obligations énoncées à l’article 76 (en particulier celles de déposer une demande auprès de la Commission des limites du plateau continental et de fixer les limites du plateau continental au-delà de 200 milles marins sur la base des recommandations de ladite Commission) s’appliquent à tous les Etats parties à la CNUDM, même lorsqu’ils revendiquent une zone à laquelle un Etat qui n’a pas adhéré à cet instrument est en droit de prétendre. 7.20. Tous les Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies, y compris les Etats non parties à la CNUDM, ce qui inclut donc la Colombie, doivent être avisés du dépôt de demandes auprès de la Commission des limites du plateau continental. Ce devoir de notification incombe, en vertu de l’article 50 du règlement intérieur de la Commission, au Secrétaire général de 167 l’Organisation. 7.21. En outre, conformément à l’annexe III du règlement intérieur de la Commission des limites du plateau continental, tous les Etats avisés sont fondés à présenter des observations sur 275 Sentence rendue dans l’Arbitrage entre la République populaire du Bangladesh et la République de l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime du golfe du Bengale, 7 juillet 2014, par. 76. Il convient également de rappeler que, comme le souligne cette sentence, les deux parties étaient convenues qu’il existait un plateau continental au-delà de 200 milles marins dans le golfe du Bengale et qu’elles pouvaient toutes deux prétendre à un tel plateau continental étendu. (Ibid., par. 78 et 438). 276Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 759, par. 319 ; Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 668-669, par. 126 (le soulignement est de nous). - 86 - 277 lesquelles il est ensuite loisible à l’Etat auteur de la demande de prendre position . Ainsi que le Nicaragua l’a lui-même fait remarquer en répondant à la question posée aux parties par M. le juge Bennouna dans l’affaire tranchée par l’arrêt du 19 novembre 2012, les Etats non parties 278 à la CNUDM «jouent également un rôle dans les travaux de la [C]ommission» et se sont prévalus relativement souvent de la possibilité de soumettre des observations. Les Etats-Unis 279 d’Amérique , en particulier, en ont fait usage à différentes reprises, de même que d’autres Etats non parties . La Colombie en a, elle aussi, tiré parti en soumettant, à l’instar d’autres Etats des 281 Caraïbes, des communications en réaction au dépôt de la demande du Nicaragua . 168 7.22. Le rôle reconnu aux Etats non parties à la CNUDM dans les travaux de la Commission des limites du plateau continental confirme également la possibilité pour ces Etats d’invoquer l’irrecevabilité d’une demande tendant à ce que la Cour délimite une zone de plateau continental au-delà de 200 milles marins lorsque la procédure menée devant la Commission n’a pas abouti à l’adoption d’une recommandation quant au droit de l’Etat côtier. 7.23. Il s’ensuit que la Colombie est fondée à invoquer le fait que la Commission des limites du plateau continental n’a pas formulé de recommandation pour démontrer l’irrecevabilité de la demande de délimitation que le Nicaragua a présentée à la Cour. 277Règlement intérieur de la Commission des limites du plateau continental, section II 2. a) v). 278 Réponse écrite de la République du Nicaragua à la question posée par M. le juge Bennouna à l’audience publique tenue l’après-midi du 4 mai 2012, 11 mai 2012, par. 18, accessible à l’adresse Internet http://www.icj-cij.org/docket/files/124/17753.pdf (dernière consultation le 4 août 2014). 279 Voir les documents CLCS.01.2001.LOS/USA du 18 mars 2002 et CLCS.02.2004.LOS/USA du 9 septembre 2004 contenant les réactions des Etats-Unis d’Amérique aux demandes déposées par la Fédération de Russie et le Brésil, accessibles en version anglaise à l’adresse Internet http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/ commission_submissions.htm (dernière consultation le 4 août 2014). 280 Voir les documents CLCS.01.2001.LOS/CAN et CLCS.01.2001.LOS/DNK, datés tous deux du 26 février 2002, qui contiennent respectivement les réactions du Canada et du Danemark — à une époque où ceux-ci n’étaient pas encore liés par la convention — à la demande déposée par la Fédération de Russie, accessibles en version anglaise à l’adresse Internet http://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/submission_rus.htm (dernière consultation le 4 août 2014). 281Annexe 21 : communication en date du 23 septembre 2013 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par les Gouvernements de la Colombie, du Costa Rica et du Panama, New York ; annexe 22 : note S-DM-13-035351 du 24 septembre 2013adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par la ministre par intérim des affaires étrangères de la Colombie ; annexe 27 : Nations Unies, doc. A/68/743 de l’Assemblée générale, note verbale avec annexe datée du 6 février 2014 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par la mission permanente de la Colombie (11 février 2014) ; annexe 26 : note datée du 5 février 2014 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par les Gouvernements de la Colombie, du Costa Rica et du Panama. Voir également l’annexe 19 : note MCRONU-438-2013 du 15 juillet 2013 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par la Mission permanente du Costa Rica ; annexe 20 : note LOS/15 de la Mission permanente de la Jamaïque auprès de l’Organisation des Nations Unies en date du 12 septembre 2013 ; annexe 23 : note DGPE/DG/665/22013 du 30 septembre 2013 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par le ministre des affaires étrangères du Panama ; annexe 24 : Nations Unies, Assemblée générale, document A/68/741, lettre datée du 20 janvier 2014 adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent du Costa Rica auprès de l’Organisation des Nations Unies, 7 février 2014 ; annexe 25 : note n° DGPE/FRONT/082/14 datée du 3 février 2014 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par le ministre des affaires étrangères du Panama. - 87 - 5. Conclusion 7.24. Pour tous les motifs qui précèdent, la première demande du Nicaragua est irrecevable. 169 C. L’IRRECEVABILITÉ DE LA SECONDE DEMANDE DU N ICARAGUA 1. L’irrecevabilité de la seconde demande découle de l’irrecevabilité de la première (ou de l’absence de compétence de la Cour à l’égard de celle-ci) 7.25. Au titre de la seconde demande formulée dans sa requête, le Nicaragua prie la Cour de «déterminer … [l]es principes et les règles de droit international régissant les droits et obligations des deux Etats concernant la zone de plateau continental où leurs revendications se chevauchent et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent, et ce, dans l’attente de la délimitation de leur frontière maritime au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne» .282 7.26. Cette seconde demande vise manifestement à entraîner la Colombie dans un débat reposant sur le postulat que, au-delà de 200 milles marins de la côte continentale du Nicaragua, les revendications des Parties concernant le plateau continental se chevauchent. La Colombie refuse de s’engager dans cette discussion, et entend affirmer dès à présent que, de son point de vue, pareil chevauchement n’existe pas. En tout état de cause, le Nicaragua a eu la possibilité de faire valoir sa position, et n’a pas obtenu gain de cause. La question a été tranchée de manière définitive par l’arrêt du 19 novembre 2012, et est désormais chose jugée. 7.27. L’irrecevabilité de la seconde demande du Nicaragua découle automatiquement de celle de la première ou de l’incompétence de la Cour à l’égard de celle-ci. Dès lors que, ainsi que 170 l’a fait valoir la Colombie, la Cour n’est pas compétente pour rendre une décision sur la demande de délimitation des zones de fonds marins situées au-delà de 200 milles marins des côtes du Nicaragua, ou que cette demande est irrecevable, il est exclu, faute de compétence ou de recevabilité, qu’elle statue sur quelque question que ce soit dans l’attente d’une telle décision. 2. La demande est irrecevable car, s’il y était fait droit, la décision de la Cour serait sans objet 7.28. Même si l’on considère la seconde demande indépendamment de la question de la compétence de la Cour de connaître de la première, force est de conclure à son irrecevabilité. 7.29. Au titre de cette seconde demande, le Nicaragua prie en effet la Cour d’énoncer les principes et les règles de droit international régissant les droits et obligations des deux Etats concernant la zone de plateau continental où leurs revendications se chevauchent, et l’utilisation des ressources qui s’y trouvent «dans l’attente de la délimitation de leur frontière maritime au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne» , c’est-à-dire, dans l’attente de la décision sur la première demande du Nicaragua. 282 Requête, par. 12. 28Ibid. - 88 - 7.30. Or, la Cour devant examiner simultanément les deux demandes, elle n’aurait pas à appliquer sa décision concernant la seconde «dans l’attente» de sa décision sur la première. La 171 seconde demande est par conséquent irrecevable, car si la Cour devait l’accueillir, sa décision serait sans objet. 3. La demande est une demande en indication de mesures conservatoires qui ne dit pas son nom, et n’a pas lieu d’être 7.31. Etant donné qu’elle concerne la détermination de principes et de règles à appliquer dans l’attente de la décision sur la première demande, la seconde a tout d’une demande en indication de mesures conservatoires. Chacun sait que les mesures conservatoires peuvent être indiquées par la Cour  avec effet obligatoire, depuis l’arrêt LaGrand 284 afin de préserver les droits de chacune des parties en attendant — et donc avant —la décision définitive. Mais le Nicaragua ne cherche nullement à démontrer que les conditions nécessaires à l’indication de pareilles mesures seraient ici réunies. Ainsi, il ne précise pas quels droits il s’agit de préserver, ni s’il y a urgence à prendre cette décision et, le cas échéant, pour quelle raison. Par ailleurs, la détermination de principes et de règles applicables peut difficilement être considérée comme une «mesure», voire comme l’un des «arrangements provisoires» que les Parties pourraient convenir d’adopter conformément au paragraphe 3 de l’article 74 et au paragraphe 3 de l’article 83 de la CNUDM, dans l’attente d’un accord sur la délimitation. Ainsi, même si la seconde demande devait s’interpréter comme une demande en indication de mesures conservatoires, elle devrait être écartée. 172 4. La demande est irrecevable car elle concerne un différend inexistant 7.32. La seconde demande ne saurait davantage prospérer en tant que demande tendant à voir la Cour régler un différend entre les Parties. 7.33. Rien ne prouve l’existence d’une divergence de vues entre le Nicaragua et la Colombie concernant un hypothétique régime juridique à appliquer dans l’attente de la décision sur la frontière maritime au-delà de 200 milles marins de la côte du Nicaragua. Par conséquent, la seconde demande concernerait un différend inexistant, et, à ce titre également, elle est irrecevable. 5. Conclusion 7.34. Pour l’ensemble des raisons exposées ci-dessus, la seconde demande du Nicaragua est irrecevable. 28LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 466, p. 501-506, par. 98-110. - 89 - CHAPITRE 8 RÉSUMÉ DES EXCEPTIONSPRÉLIMINAIRES 173 8.1. Ainsi qu’il vient d’être expliqué, et pour les raisons rappelées ci-dessous, la Cour n’a pas compétence pour connaître de la requête introduite le 16 septembre 2013 par le Nicaragua et, à titre subsidiaire, la requête du Nicaragua est irrecevable. Premièrement, la Cour n’a pas compétence en vertu du pacte de Bogotá, que le Nicaragua invoque à titre de fondement principal en l’espèce, étant donné que la Colombie a transmis son avis de dénonciation de ce traité le 27 novembre 2012, et que, conformément à l’article LVI du pacte, la dénonciation a pris effet immédiatement à l’égard de toute requête introduite à son encontre après cette date. Deuxièmement, il est vain de tenter, comme le fait le Nicaragua, de se fonder, en la présente affaire, sur la base de compétence retenue par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012 ; celle-ci, en effet, n’a pas, dans cet arrêt, expressément  et ne fût-ce qu’en partie  réservé sa compétence, et ne tient par conséquent de celui-ci aucune compétence continue ou perpétuelle à l’égard du différend qu’elle y a tranché. Troisièmement, la Cour est également incompétente en la présente espèce du fait de l’autorité de la chose jugée dont est revêtu son précédent arrêt. La demande soumise par le Nicaragua dans sa requête du 16 septembre 2013 est identique à celle qu’il avait formulée dans l’affaire précédente au point I. 3) des conclusions finales, puis amplement développée dans ses 174 écritures et à l’audience. Dans son arrêt du 19 novembre 2012, la Cour a conclu à la recevabilité de cette demande mais ne l’a pas accueillie. Il y a dès lors chose jugée, ce qui exclut toute remise en cause de la question par la voie d’une nouvelle requête. Quatrièmement, la Cour n’est pas compétente pour connaître d’une requête par laquelle le Nicaragua vise en réalité à faire appel de l’arrêt du 19 novembre 2012 et à en obtenir la revision sans satisfaire, ni, du reste, être en mesure de satisfaire, aux conditions imposées par le Statut. Cinquièmement, même à supposer que la Cour ait compétence au titre du pacte de Bogotá ou qu’elle ait conservé une compétence en vertu de son précédent arrêt  quod non , la présente requête serait irrecevable car la Commission des limites du plateau continental n’a pas formulé la recommandation requise. La seconde demande du Nicaragua est également irrecevable compte tenu, notamment, de son lien avec la première. - 90 - 175 CONCLUSIONS La République de Colombie prie la Cour de dire et juger, pour les raisons exposées ci-dessus, 1. Qu’elle n’a pas compétence pour connaître de l’instance introduite par la requête du 16 septembre 2013 du Nicaragua ou, à titre subsidiaire, 2. Que les demandes formulées à l’encontre de la Colombie dans la requête du 16 septembre 2013 sont irrecevables. La Colombie se réserve le droit de compléter ou de modifier les présentes conclusions. Le 14 août 2014. L’agent de la Colombie, M. CarlosGustavo A RRIETA PADILLA . ___________ - 91 - LISTE DES ANNEXES ET FIGURES A NNEXES DU VOLUME II Annexe Document o 1 Note diplomatique GACIJ n 79357 du 27 novembre 2012 adressée au secrétaire général de l’Organisation des Etats américains par la ministre colombienne des affaires étrangères 2 Note OEA/2.2/109/12 du 28 novembre 2012 adressée aux hautes parties contractantes au traité américain de règlement pacifique (le pacte de Bogotá), ainsi qu’aux autres missions permanentes auprès de l’Organisation des Etats américains (OEA), par le département de droit international du secrétariat aux affaires juridiques de l’OEA 3 Note diplomatique du 24 novembre 1973 adressée au secrétaire général de l’Organisation des Etats américains par le ministre salvadorien des affaires étrangères 4 Tableau comparatif des projets présentés par les Etats américains à la e première commission de la VIII conférence internationale des Etats américains, Lima (Pérou), décembre 1938 5 Délégation des Etats-Unis d’Amérique, première commission, huitième Conférence internationale américaine, Lima, Pérou, Draft on Consolidation of American Peace Agreements, Topic 1. Perfecting and Coordination of Inter-American Peace o Instruments [Projet de consolidation des accords de paix américains, point n 1. Amélioration et consolidation des instruments de paix interaméricains], 15 novembre 1938 6 Délégation des Etats-Unis d’Amérique à la huitième conférence internationale des Etats américains, Projets présentés par les Etats-Unis, point n 1. Traité de consolidation des accords de paix américains, 16 décembre 1938 7 Septième conférence internationale des Etats américains, Montevideo, 3-26 décembre 1933, résolution XXXV relative au Code de la paix, approuvée le 23 décembre 1933 8 Conférence interaméricaine pour le maintien de la paix, Buenos Aires, 1-23 décembre 1936, résolution XXVIII relative au Code de la paix, approuvée le 21 décembre 1936 9 Mémorandum du 28 décembre 1937 adressé au sous-secrétaire d’Etat américain par le directeur général de l’Union panaméricaine 10 Délégation des Etats-Unis d’Amérique à la huitième conférence internationale des Etats américains, Lima, 9-27 décembre 1938, procès-verbaux des réunions de la première sous-commission de la première commission, consolidation des instruments et accords de paix américains, 19 décembre 1938 11 Huitième conférence internationale des Etats américains, Lima, 9-27 décembre 1938, résolution XV, amélioration et coordination des instruments de paix interaméricains, approuvée le 21 décembre 1938 - 92 - Annexe Document 12 Comité juridique interaméricain, procès-verbal 1944, texte du document A : projet de traité de coordination des accords de paix interaméricains 13 Comité juridique interaméricain, procès-verbal 1944, texte du document B : projet de traité instituant de nouvelles dispositions en matière de règlement pacifique 14 Comité juridique interaméricain, projet de système interaméricain de paix et rapport y relatif, article XXIX, 4 septembre 1945 15 Comité juridique interaméricain, système interaméricain de paix : projet définitif soumis pour examen à la neuvième conférence internationale des Etats américains à Bogotá, article XXVI, 18 novembre 1947 16 Procès-verbal de la seconde partie de la quatrième séance de la commission de coordination, neuvième conférence internationale des Etats américains, 29 avril 1948 17 Traités interaméricains conclus entre 1902 et 1936, clauses de dénonciation 18 Texte du pacte de Bogotá dans les quatre langues faisant foi (anglais, français, portugais et espagnol) 19 Note MCRONU-438-2013 du 15 juillet 2013 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par la mission permanente du Costa Rica 20 Note LOS/15 de la mission permanente de la Jamaïque auprès de l’Organisation des Nations Unies en date du 12 septembre 2013 21 Communication en date du 23 septembre 2013 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par les Gouvernements de la Colombie, du Costa Rica et du Panama, New York 22 Note S-DM-13-035351 du 24 septembre 2013adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par la ministre par intérim des affaires étrangères de la Colombie 23 Note DGPE/DG/665/22013 du 30 septembre 2013 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par le ministre des affaires étrangères du Panama 24 Nations Unies, Assemblée générale, document A/68/741, lettre datée du 20 janvier 2014 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Costa Rica auprès de l’Organisation des Nations Unies, 7 février 2014 25 Note DGPE/FRONT/082/14 du 3 février 2014 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par le ministre des affaires étrangères du Panama 26 Note du 5 février 2014 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par les Gouvernements de la Colombie, du Costa Rica et du Panama 27 Nations Unies, Assemblée générale, document A/68/743 du 11 février 2014 reproduisant la note verbale datée du 6 février 2014 adressée au Secrétaire général par la Mission permanente de la Colombie auprès de l’Organisation des Nations Unies - 93 - FIGURES Figure Document 1 Figure 1 tirée du mémoire du Nicaragua 2 Figure 3-1 tirée de la réplique du Nicaragua o 3 Croquis n 7 de l’arrêt de la CIJ en 2012 4 Figure 3-10 tirée de la réplique du Nicaragua 5 Figure 3-11 tirée de la réplique du Nicaragua 6 Prétentions du Nicaragua à un plateau continental étendu ___________

Document file FR
Document Long Title

Exceptions préliminaires de la Colombie

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