O BSERVATIONS ÉCRITES SUR LA DEMANDE DU C OSTA RICA TENDANT À LA MODIFICATION
DE L’ORDONNANCE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES RENDUE PAR LA C OUR
LE 8 MARS 2011 EN L’AFFAIRE RELATIVE À C ERTAINES ACTIVITÉS MENÉES PAR LE
N ICARAGUA DANS LA RÉGION FRONTALIÈRE (COSTA R ICA C. NICARAGUA )
[Traduction]
I. NTRODUCTION
1. Le 21 mai 2013, sur le fondement de l’article 41 du Statut de la Cour et du paragraphe 1
de l’article 76 de son Règlement, le Costa Rica a déposé une demande tendant à la modification de
l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011 en
l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après, l’«affaire relative à Certaines activités»).
2. Le Costa Rica avance que sa «demande tendant à la modification de l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires du 8 mars 2011 fait suite à l’envoi et au maintien, par le
Nicaragua, d’un grand nombre de personnes dans la zone définie par la Cour dans son ordonnance
(ci-après, la «Zone») et aux activités entreprises par celles-ci au détriment de ce territoire et de ses
1 2
écosystèmes» , ce qui, à son avis, constituerait un changement dans la situation .
3. Les allégations du Costa Rica sont dénuées de fondement. Il n’y a eu dans la situation
aucun changement justifiant que l’ordonnance de la Cour soit modifiée de la manière demandée par
le Costa Rica ou pour les raisons invoquées par celui-ci, et rien ne permet de soutenir que le
Nicaragua a 3nfreint l’une ou l’autre des mesures conservatoires indiquées par la Cour le
8 mars 2011 . Les seuls changements survenus depuis le prononcé de cette ordonnance qui soient
pertinents sont les suivants : 1) la construction, par le Costa Rica, d’une route de 160 km le long de
la rive droite du fleuve San Juan, ce 4ui a causé et continue de causer un dommage irréparable au
fleuve et à l’écosystème environnant , y compris à la zone litigieuse, telle que définie dans
l’ordonnance du 8 mars 2011, et 2) la jonction d’instances . 5 Ces changements justifient que
6
l’ordonnance soit modifiée de la manière demandée par le Nicaragua ci-dessous , mais non de celle
demandée par le Costa Rica.
1 Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 1, par. 2.
2Ibid., p. 1, par. 4.
3
Voir le contre-mémoire du Nicaragua en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après, «CMN»), chap. 7.
4
Voir la lettre en date du 23 juillet 2012 adressée à la Cour par le Nicaragua (réf. : 23072012-01) ; voir aussi la
lettre en date du 28 février 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua (réf. : 28022013-01) ; voir CMN, chap. 9 ; voir le
mémoire du Nicaragua en l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica) (ci-après, «MN»), chap. 3 ; voir également ci-dessous, IV a) 1.
5 Voir les deux ordonnances distinctes de la Cour en date du 17 avril 2013 : http://www.icj-
cij.org/docket/files/150/17351.pdf et http://www.icj-cij.org/docket/files/152/17355.pdf ; voir également ci-dessous,
IV a) 2.
6Voir la section IV ci-dessous. - 2 -
II. COMPÉTENCE DE LA C OUR
4. Dans sa demande, le Costa Rica rappelle que le Nicaragua n’a pas contesté la compétence
de la Cour en la présente espèce, compétence qui est fondée sur l’article XXXI du traité américain
de règlement pacifique des différends signé à Bogotá le 30 avril 1948 (ci-après, le «pacte de
Bogotá») et sur les déclarations d’acceptation de sa juridiction obligatoire faites en vertu du
paragraphe 2 de l’a7ticle 36 du Statut par le Costa Rica le 20 février 1973 et par le Nicaragua le
24 septembre 1929 .
5. Le Nicaragua demande que l’ordonnance en date du 8 mars 2011 soit modifiée ou adaptée
à la lumière de la situation créée par la jonction d’instances, sur la même base de compétence.
III. LA DEMANDE DU C OSTA R ICA TENDANT À LA MODIFICATION
DES MESURES CONSERVATOIRES
6. Le 8 mars 2011, la Cour a indiqué les quatre mesures conservatoires suivantes :
«1) A l’unanimité,
Chaque Partie s’abstiendra d’envoyer ou de maintenir sur le territoire litigieux, y
compris le caño, des agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité ;
2) Par treize voix contre quatre,
Nonobstant le point 1) ci-dessus, le Costa Rica pourra envoyer sur le territoire
litigieux, y compris le caño, des agents civils chargés de la protection de
l’environnement dans la stricte mesure où un tel envoi serait nécessaire pour éviter
qu’un préjudice irréparable soit causé à la partie de la zone humide où ce territoire est
situé ; le Costa Rica devra consulter le Secrétariat de la convention de Ramsar au sujet
de ces activités, informer préalablement le Nicaragua de celles-ci et faire de son mieux
pour rechercher avec ce dernier des solutions communes à cet égard ;
3) A l’unanimité,
Chaque Partie s’abstiendra de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le
différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre la solution plus difficile ;
4) A l’unanimité,
Chaque Partie informera la Cour de la manière dont elle assure l’exécution des
8
mesures conservatoires ci-dessus indiquées.»
7 Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 1, par. 3.
8
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011, par. 86. - 3 -
7. Dan9 sa demande tendant à la modification de ces mesures conservatoires, le Costa Rica
affirme que :
«Les ressortissants nicaraguayens présents dans la Zone y ont notamment :
a) entravé de manière délibérée une visite sur les lieux dont les modalités étaient
conformes à l’ordonnance de la Cour du 8 mars 2011, en harcelant et en insultant
du personnel technique costa-ricien chargé de la protection de l’environnement ;
b) réalisé des travaux pour tenter de maintenir le caño artificiel ouvert ;
c) planté des arbres de façon anarchique ;
d) fait paître du bétail ; et
e) dressé des clôtures de barbelés au nord du caño et le long de celui-ci.»
8. A titre liminaire, le Nicaragua appelle l’attention de la Cour sur le fait que les allégations
formulées par le Costa Rica dans sa demande ont initialement été exprimées dans le mémoire
10
présenté par celui-ci en l’affaire relative à Certain11 activités , et ont ensuite été pleinement
réfutées dans le contre-mémoire du Nicaragua . Ces allégations ne sont donc pas nouvelles et ne
découlent ainsi d’aucun changement par rapport à ce que le Costa Rica a commencé à soutenir peu
après le prononcé de l’ordonnance de la Cour il y a deux ans. En conséquence, ces allégations
devraient être examinées au stade du fond et ne revêtent pas le caractère d’urgence qui justifierait
une demande tendant à la modification de l’ordonnance existante. Le Costa Rica ne peut obtenir au
12
moyen de mesures conservatoires (modifiées) ce qu’il demande précisément dans son mémoire .
9. Il n’en est pas moins utile de rappeler les arguments que le Nicaragua a opposés dès le
départ aux allégations que le Costa Rica présente maintenant à la Cour comme revêtant un «réel
caractère d’urgence».
9 Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 3, par. 8 (note de bas de page omise).
10
Voir le mémoire du Costa Rica en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après, «MCR»), chap. VI.
11Voir CMN, chap. 7.
12 Voir MCR, p. 267-288, par. 6.7-6.44, p. 297-298, par. 7.3, et p. 299, par. 7.6. Voir, par exemple, Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), mesures
conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J., Recueil 1993, p. 347, par. 48 - 4 -
13
10. Le Nicaragua, comme il l’a déclaré en d’autres occasions , a retiré l’ensemble de ses
forces militaires du territoire litigieux dès décembre 2010 14 et a, depuis lors, fait preuve de
diligence et pris toutes les dispositions voulues pour faire en sorte que le territoire litigieux
demeure exempt de tout personnel nicaraguayen. En bref, le Nicaragua s’est pleinement et
pacifiquement conformé aux mesures indiquées par la Cour.
11. S’agissant de la présence de membres du mouvement de défense de l’environnement
Guardabarranco, le Nicaragua a souligné à plusieurs reprises que la position du Costa Rica était
15
non seulement surprenante , mais aussi contradictoire au regard de sa prétendue préoccupation
pour l’environnement. Il y a lieu de noter que, dans sa demande en indication de mesures
conservatoires, le Costa Rica avait prié la Cour d’ordonner le «retrait immédiat et inconditionnel
de toutes les forces nicaraguayennes des parties du territoire costa-ricien envahies et occupées de
manière illicite» , mais non le retrait de personnes privées. De même, lors du second tour de
procédure orale sur les mesures conservatoires, il avait demandé à la Cour d’indiquer que le
Nicaragua devait s’abstenir de «stationner ses troupes armées ou autres agents» dans la zone
litigieuse , choisissant, encore une fois, de ne pas demander l’exclusion des personnes privées. Or
le Costa Rica cherche maintenant à remettre en question le sens pourtant clair attribué au terme
«agents» dans l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011, pour laisser entendre que la Cour a
interdit l’accès de la zone litigieuse non seulement aux fonctionnaires ou employés de l’Etat, mais
aussi aux personnes privées telles que les membres du mouvement de défense de l’environnement
18
Guardabarranco .
12. Dans le même ordre d’idées, la demande du Costa Rica tendant à ce que l’ordonnance
rendue le 8 mars 2011 soit modifiée pour ordonner à «tous les ressortissants nicaraguayens d[e] se
retirer de manière immédiate et inconditionnelle» confirme que la Cour, dans cette ordonnance, n’a
pas interdit aux personnes privées de pénétrer dans la zone litigieuse. Par conséquent, on ne saurait
inférer de cette ordonnance que les Parties étaient tenues de «patrouiller dans la zone litigieuse et
d’en interdire l’accès aux personnes privées» , a fortiori s’agissant de personnes à qui aucune
visée criminelle ne peut être attribuée et qui, loin d’avoir manifesté la moindre intention de causer
des dommages, s’intéressent à la protection et à la préservation de l’environnement dans
l’ensemble de la région du fleuve.
13
Voir CMN, p. 385-406, par. 7.1-7.52.
14 Voir la lettre en date du 18 janvier 2011 adressée au greffier par S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez
(réf. : 18012011-01) :
«Aucun soldat nicaraguayen ne stationne actuellement dans la zone en question et le Nicaragua
n’a pas l’intention d’y établir de poste militaire à l’avenir. Il y a eu une présence militaire dans cette zone
durant la période de six semaines au cours de laquelle le caño a été nettoyé, mais ceci à la seule fin
d’assurer la protection des ouvriers procédant à cette opération. Le Nicaragua n’a pas l’intention de faire
stationner des agents dans cette zone. La seule opération qui y soit menée actuellement est la replantation
d’arbres. Le ministère de l’environnement du Nicaragua (MARENA) enverra périodiquement des
inspecteurs sur place afin de surveiller le processus de reboisement, ainsi que les changements qui
pourraient se produire dans la région, y compris la lagune de Harbor Head» ;
voir également CMN, chap. 7, sect. B, p. 402.
15Voir CMN, p. 392, par. 7.20.
16 Demande en indication de mesures conservatoires présentée par la République du Costa Rica, 18 novembre
2011 : http://www.icj-cij.org/docket/files/150/16280.pdf.
17
Plaidoiries du Costa Rica, 12 janvier 2011 : http://www.icj-cij.org/docket/files/150/16286.pdf.
18
Voir CMN, p. 390-392, par. 7.15-7.20.
19Ibid., p. 391, par. 7.17-7.18. - 5 -
13. De fait, le paragraphe 78 de l’ordonnance du 8 mars 2011 démontre que la Cour s’est
effectivement penchée sur la question de l’entrée de personnes privées dans la zone litigieuse afin
d’y exercer des activités, pour conclure qu’il incombait aux Parties de surveiller la zone et de
coopérer afin d’y prévenir seulement les activités criminelles. C’est donc dire que la présence de
personnes privées n’est pas une question nouvelle et que la Cour a déjà fixé par ordonnance la
portée limitée des obligations incombant aux Parties à l’égard de telles personnes.
14. Les membres du mouvement Guardabarranco sont des personnes privées, ce qu’admet
le Costa Rica. Ce mouvement ne relève pas des autorités nicaraguayennes et n’agit pas sous la
20
direction ou le contrôle du Gouvernement nicaraguayen . Si le Costa Rica soutient le contraire,
c’est sur la seule foi de déclarations de représentants nicaraguayens et de notes diplomatiques
exprimant ce qui coule de source : les écologistes nicaraguayens sont les mieux placés pour veiller
21
sur le patrimoine naturel du Nicaragua . Ce patrimoine, dont fait partie l’ensemble du bassin du
fleuve San Juan de Nicaragua, y compris la zone litigieuse, est menacé par la construction d’une
route longue de 160 km, projet que le Costa Rica a entrepris sans avoir au préalable procédé à une
évaluation de l’impact sur l’environnement ni à l’établissement d’un plan de gestion
environnementale préventif , et sans avoir fourni aucun des autres documents techniques
qu’exigent le droit international ou les accords régionaux et bilatéraux . 23
15. S’agissant des activités censément nuisibles que le Costa Rica impute aux membres du
mouvement Guardabarranco, le Nicaragua souhaite formuler les remarques ci-après.
a) Entrave délibérée à une visite sur les lieux dont les modalités étaient conformes à
l’ordonnance de la Cour du 8 mars 2011, en harcelant et en insultant du personnel
technique.
16. Contrairement à l’affirmation du Costa Rica, les 5 et 7 avril 201124une mission conjointe
Costa Rica/RAMSAR s’est rendue sur le territoire litigieux , et le vice-ministre de
l’environnement du Costa Rica a annoncé publiquement que cette mission avait été un succès :
«les objectifs de la visite ont été atteints ; nous avons pu corroborer une grande partie
des informations secondaires dont nous disposions, et nous sommes procurés d’autres
25
informations de première main» .
Cette déclaration officielle faite à l’époque, dans laquelle il n’est nullement fait état d’une entrave
de la part de ressortissants nicaraguayens, est en contradiction avec la demande du Costa Rica
tendant à la modification de l’ordonnance en indication des mesures conservatoires rendue par la
Cour, demande dans laquelle le Costa Rica allègue aujourd’hui que des ressortissants
nicaraguayens ont «entravé de manière délibérée une visite sur les lieux» . 26
20
Voir CMN, p. 392-398, par. 7.21-7.23.
21Voir la déclaration du président Ortega citée dans le CMN, p. 396-397, par. 7.32.
22Note en date du 5 mars 2013 adressée au ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica par le
ministre des affaires étrangères du Nicaragua (réf. : RE/DM-AJ/127-03-13) (note diplomatique, annexe 2 de la lettre en
date du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica (réf. : ECRPB-016-13)).
23Voir MN, conclusions, p. 251-253.
24
Voir CMN, par. 7.38.
25Ibid.
26Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 3, par. 8, point a) (note de bas de page omise). - 6 -
17. Le 30 janvier 2012, le Costa Rica a effectué une autre visite sur le territoire litigieux. Il
27
en a informé la Cour dans le rapport qu’il lui a présenté le 3 juillet 2012 . Comme celle-ci peut le
constater, rien dans ce document n’indique qu’il aurait été fait obstacle à la visite en question ou
que le personnel du Costa Rica aurait été harcelé ou insulté, ni d’ailleurs que ladite visite était en
fait «nécessaire pour éviter qu’un préjudice irréparable soit causé à la zone humide où ce territoire
est situé», condition pourtant énoncée par la Cour dans son ordonnance.
18. De même, le 7 mars 2013, le Costa Rica a effectué une troisième visite dans le territoire
litigieux. Il en a informé la Cour dans le rapport qu’il lui a présenté le 15 mars 2013, précisant
qu’«une équipe de neuf professionnels du ministère de l’environnement du Costa Rica a[vait]
conduit … une visite d’inspection» 28 dans la zone en litige. Là encore, rien dans ce document
émanant du Costa Rica ne donne à penser qu’il aurait été fait obstacle à cette visite ou que celle-ci
aurait été entravée ; bien au contraire, le Costa Rica précise que la mission a été «conduit[e]» avec
succès .9
b) Réalisation de travaux pour tenter de maintenir le caño artificiel ouvert et plantation
d’arbres de façon anarchique dans la zone
19. Dans la lettre qu’il a présentée à la Cour le 15 mars 2013 sollicitant la modification des
mesures conservatoires indiquées, le Costa Rica cite à maintes reprises et invoque abondamment un
article de M. Tim Rogers publié dans le Nicaragua Dispatch le 26 septembre 2012. Outre que les
éléments contenus dans cet article sont loin de constituer des preuves concluantes de ses
allégations, il convient de relever que le Costa Rica a omis le point suivant, mentionné par
M. Rogers :
«Les valeurs que le camp tente d’inculquer ne sont pas non plus très différentes.
Les jeunes apprennent à prendre soin de l’environnement, à développer des relations
avec les autres campeurs et à respecter leur pays.» 30
Et M. Rogers de poursuivre comme suit :
«Malgré les préoccupations exprimées par les autorités costa-riciennes, rien
n’indique selon moi que les jeunes séjournant sur l’île n’étaient pas des adolescents
comme les autres, tout excités d’être loin de chez eux et heureux de camper avec des
jeunes de même sensibilité en apprenant des choses sur l’environnement et en visitant
une autre partie de leur pays.» 31
20. Le fait qu’aucun préjudice n’a été causé à la zone en litige a été confirmé par les plus
hautes autorités chargées de la protection de l’environnement du Costa Rica. Ainsi, le 6 avril 2011,
au cours de la première mission conjointe Costa Rica/RAMSAR, la vice-ministre costa-ricienne de
l’environnement a annoncé que la mission avait constaté que la végétation croissait dans la zone du
27
Voir la lettre en date du 3 juillet 2012 adressée au greffier par S. Exc. M. Jorge Urbina-Ortega, coagent du
Costa Rica (réf. : ECRPB-025-12, p. 267) (CMN, vol. III, annexe 66).
28Voir la lettre en date du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica (réf. : ECRPB-016-13).
29Voir la lettre en date du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica (réf. : ECRPB-016-13).
30
Voir l’article intitulé «Greytown Journal ; Camp Harbour Head» de Tim Rogers, 26 septembre 2012, joint
(sans figurer parmi les annexes certifiées) à la lettre en date du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica
(réf. : ECRPB-016-13).
31
Ibid. - 7 -
32
caño. Elle en a conclu que «la zone humide s33reconstitu[ait] rapidement» dès l’instant
qu’«aucune intervention n’a[vait] lieu» , confirmant ainsi ce qui avait été indiqué par le
Nicaragua, à savoir que le nettoyage du caño avait cessé et qu’aucun dommage environnemental
n’avait été causé par les activités antérieures du Nicaragua.
21. De surcroît, le professeur Thorne, expert désigné par le Costa Rica, a, durant la visite
qu’il a effectuée sur les lieux au mois de juillet 2011, observé que «la repousse de la végétation»
avait commencé aussitôt après que le Nicaragua avait achevé ses travaux de nettoyage du caño. Il
a également constaté «la reconstitution de la végétation sur les rives, barres et bermes» de celui-ci,
et indiqué que «les arbustes et le sous-étage semblaient se reconstituer après la perturbation
subie » .4
22. De même, l’UNITAR/UNOSAT, missionnée par le Costa Rica, a, dans un rapport en
date du 8 novembre 2011, indiqué que
«[l’]étude des changements de la couverture végétale dans les environs immédiats du
chenal [caño] entre le San Juan et la lagune de Los Portillos n’a[vait] révélé aucune
déforestation notable ni aucune autre zone mesurable dans laquelle la co35erture
végétale aurait été enlevée entre le 7 juin et le 25 octobre 2011» .
23. Dans ce même rapport, l’UNITAR/UNOSAT a également indiqué que «le débit de ce
chenal a[vait] continué de diminuer depuis le 7 juin 2011, mais [qu’]il a[vait] en réalité pu cesser
complètement, des portions importantes du chenal étant apparemment asséchées ou recouvertes de
36
végétation ou de débris épars». L’UNITAR/UNOSAT a également conclu que la «largeur du
chenal s’[était] clairement réduite, passant d’un maximum de 14 mètres le 22 février à
37
seulement 3 mètres… le 7 juin 2011». Cela contredit l’assertion du Costa Rica selon laquelle des
ressortissants nicaraguayens se livraient au nettoyage du chenal.
24. Particulièrement important, en revanche, est le constat figurant dans le rapport de
l’UNITAR/UNOSAT de novembre 2011 d’une «tendance très probable à la diminution du débit de
ce chenal au cours des 6 à 8 derniers mois, sans doute due à l’accumulation continue de sédiments
38
fluviaux, notamment du fait de l’érosion des rives et de l’absence de dragage d’entretien» . Le
Costa Rica ignore ce constat essentiel, qui démontre pourtant que :
le caño s’est fermé, et, partant, ne peut avoir été l’objet de nouveaux travaux de nettoyage ; et
32
Extrait de la déclaration faite le 6 avril 2011 par la vice-ministre costa-ricienne de l’environnement,
Ana Lorena Guevara, à l’émission radiophonique Nuestra Voz (Notre voix) animée par Amelia Rueda (CMN, vol. II,
annexe 25).
33
Ibid.
34Voir CMN, p. 249, par. 5.220 (note de bas de page omise).
35UPDATE 4 : Morphological & Environmental Change Assessment for the San Juan River, Costa Rica (rapport
qui couvre la période allant du 7 juin au 25 octobre 2011), MCR, annexe 150.
36
Ibid.
37
Ibid.
38Ibid. - 8 -
la raison de la fermeture du caño est «l’accumulation continue de sédiments fluviaux, 39
notamment du fait de l’érosion des rives et de l’absence de dragage d’entretien» .
25. Autrement dit, la fermeture du caño est due à l’accumulation de sédiments causée par
l’érosion des rives du fleuve et des zones adjacentes. Chose notable, le Costa Rica, après plusieurs
visites sur les lieux, n’a pas dit un mot à ce sujet. Le constat fait par l’UNITAR/UNOSAT souligne
que les changements qui se produisent dans la zone en litige sont dus au processus d’envasement,
qui s’est trouvé nettement accru par les sédiments et débris déposés dans le fleuve par suite des
travaux de construction routière effectués par le Costa Rica le long de la rive droite.
26. Les éléments de preuve attestent donc que, depuis le 8 mars 2011, date à laquelle la Cour
a rendu son ordonnance, aucune activité de nettoyage ou autre n’a été effectuée par du personnel
nicaraguayen dans le caño, lequel s’est fermé en raison de l’accumulation de sédiments dans toute
la zone environnante, d’importants dépôts étant attribuables aux activités de construction routière
du Costa Rica.
27. Comme le Nicaragua l’a déjà précisé et comme cela ressort des documents que le
Costa Rica a joints à sa demande 40 , le mouvement de défense de l’environnement
Guardabarranco est une entité privée qui met en œuvre des programmes de développement
durable et mène des campagnes de sensibilisation à l’environnement dans tout le territoire
nicaraguayen. Le fleuve San Juan de Nicaragua ne fait pas exception aux actions menées par ce
mouvement, qui a vu le jour en 2009 , soit bien avant que la présente espèce n’ait été portée
devant la Cour et que l’ordonnance en indication de mesures conservatoires n’ait été rendue.
42
28. Le Costa Rica affirme que plus de 6000 jeunes se sont rendus dans la zone. L’élément
qu’il présente pour étayer cette assertion est un article de presse qui se contente d’indiquer que plus
de 6000 jeunes ont mené des activités sur le fleuve de San Juan. 43 Les travaux effectués par les
membres du mouvement en question le sont donc tout au long du fleuve, lequel fait, dans son
intégralité, partie d’une zone humide internationalement protégée qui est actuellement sérieusement
menacée par la construction de la route le long de la rive costa-ricienne. 44 Dans l’article de presse
que le Costa Rica a annexé à sa demande tendant à la modification de l’ordonnance du
39
UPDATE 4 : Morphological & Environmental Change Assessment for the San Juan River, Costa Rica (rapport
qui couvre la période allant du 7 juin au 25 octobre 2011), MCR, annexe 150.
40 Article intitulé «Movimiento Guardabarranco : un combat pour la nature au Nicaragua», publié
le 17 mars 2013 sur le site d’El 19 Digital (annexe 3 de la demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la
modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011) ; voir aussi la
note en date du 5 mars 2013 adressée au ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica par le ministre des
affaires étrangères du Nicaragua (annexe 2 de la correspondance diplomatique de la lettre du 15 mars 2013 adressée à la
Cour par le Costa Rica (réf. : ECRPB-016-13)).
41
Article intitulé «Movimiento Guardabarranco : un combat pour la nature au Nicaragua», publié
le 17 mars 2013 sur le site d’El 19 Digital (annexe 3 de la demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la
modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011).
42 Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 2, par. 7.
43Article intitulé «Des activités de nettoyage et de reboisement vont être menées : nouveaux groupes de jeunes en
route pour le fleuve de San Juan», publié sur le site d’El 19 Digital, annetraduction d’articles de presse, jointe
à la lettre en date du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica (réf. : ECRPB-016-13).
44Voir par. 23-25 ci-dessus. - 9 -
45
8 mars 2011, il est observé qu’un intérêt accru s’est porté sur la zone du fleuve46ans son
ensemble, le mouvement Guardabarranco s’étant «davantage illustré» dans ce contexte,
notamment parce que «[c]es séjours ont principalement pour objet de réparer les dommages que le
Costa Rica cause à plus de 23 000 espèces de faune et de fl47e vivant autour du cours d’eau en
s’obstinant à construire une route … sur la rive sud» .
29. En tout état de cause et contrairement à ce qu’affirme le Costa Rica , aucune
plantation anarchique d’arbres n’a lieu dans la zone, où se trouve simplement un groupe de jeunes
gens participant à des programmes de développement durable qui ne portent nullement préjudice à
l’environnement. Dans les articles annexés à la demande du Costa Rica, il est précisé que ces
jeunes gens sont réunis dans le cadre d’un «programme de formation théorique et pratique sur ce
48
fleuve stratégique si49é à la frontière avec le Costa Rica» , où ils mènent «des actions de nettoyage
et de reboisement» .
c) Elevage de bétail et édification de clôtures de barbelés dans la zone
30. Le Costa Rica soutient que les activités qui seraient menées dans la zone en litige par des
ressortissants nicaraguayens comprennent l’élevage de bétail et l’édification de clôtures de barbelés
au nord du caño et le long de celui-ci. Pour étayer cette assertion, il se contente d’indiquer ce qui
suit :
«Le Gouvernement de la République du Nicaragua continue de maintenir dans
cette zone des ressortissants dont les activités consistent, entre autres, à élever du
bétail dans les zones humides protégées. En plus de la présence constante de
ressortissants nicaraguayens dans la zone, le Costa Rica a récemment été informé
qu’une clôture de fil barbelé avait été dressée au nord et le long d’une partie du
50
caño» .
31. Le Costa Rica semble laisser entendre que cela crée une situation nouvelle dans la zone.
Cela est pour le moins surprenant, étant donné que, dans le mémoire qu’il a lui-même présenté en
l’affaire relative à Certaines activités est citée la Liste annotée des zones humides d’importance
45 Article intitulé «Movimiento Guardabarranco : un combat pour la nature au Nicaragua», publié
le 17 mars 2013 sur le site d’El 19 Digital (annexe 3 de la demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la
modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011).
46 Article intitulé «Movimiento Guardabarranco : un combat pour la nature au Nicaragua», publié
le 17 mars 2013 sur le site d’El 19 Digital (annexe 3 de la demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la
modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011) ; voir aussi la
note en date du 5 mars 2013 adressée au ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica par le ministre des
affaires étrangères du Nicaragua (annexe 2 de la correspondance diplomatique jointe à la lettre en date du 15 mars 2013
adressée à la Cour par le Costa Rica (réf. : ECRPB-016-13)).
47
Article intitulé «Movimiento Guardabarranco : un combat pour la nature au Nicaragua», publié
le 17 mars 2013 sur le site d’El 19 Digital (annexe 3 de la demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la
modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011).
48 Article intitulé «Movimiento Guardabarranco : un combat pour la nature au Nicaragua», publié
le 17 mars 2013 sur le site d’El 19 Digital (annexe 3 de la demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la
modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011).
49Article intitulé «Des activités de nettoyage et de reboisement vont être menées : nouveau groupe de jeunes en
route pour le fleuve San Juan», publié sur le site d’El 19 Digital, annexé à la lettre en date 15 mars 2013 adressée à la
Cour par le Costa Rica.
50Voir la lettre en date du 21 novembre 2012 adressée à la Cour par le Costa Rica. - 10 -
internationale de Ramsar : Costa Rica, où la région est décrite comme suit : «Les activités de la 51
région sont largement dévolues à l’agriculture, ainsi qu’à l’élevage, au tourisme et à la pêche» .
32. Ainsi que le Costa Rica l’a indiqué dans le rapport qu’il a présenté à Ramsar en 2011, la
portion méridionale du caño est située dans «une zone de pâturages destinés au bétail» . Sur ce 52
point, le Nicaragua a, dans le contre-mémoire qu’il a présenté en l’affaire relative à Certaines
activités, souligné que «des terres soumises à pareil usage peuvent difficilement être considérées
comme n’étant pas perturbées». 53
33. Dans le rapport technique établi par le ministère de l’environnement, de l’énergie et des
54
télécommunications du Costa Rica, et annexé au mémoire du Costa Rica dans cette même affaire ,
il est reconnu que la zone forestière située autour du caño avait déjà été déboisée à des fins
agricoles : «Entre 1997 et 2011 … on a assisté à une extension des superficies agricoles par
l’aménagement de pâturages faiblement boisés … Cet aspect n’est pas une conséquence directe
des activités menées en 2010 dans la zone humide.» 55
34. Dans son mémoire, le Costa Rica reconnaît également avoir autorisé que la zone
«Humedal Caribe Noreste» soit «largement utilisée à des fins agricoles», ainsi que pour
56
«l’élevage». Il en va de même de la zone en litige, qui, selon le rapport que le Costa Rica a
présenté à Ramsar au mois d’octobre 2011, a connu «une extension des terres agricoles par
57
l’aménagement de pâturages faiblement boisés».
35. En conclusion, et ainsi que cela a été précisé ci-dessus, il apparaît clairement que la
pratique de l’élevage et l’édification de clôtures dans la zone sont bien antérieures au moment où le
différend avec le Costa Rica concernant ladite zone s’est fait jour ; ces activités ne sont donc pas
attribuables au Nicaragua.
d) Les demandes du Costa Rica sont dépourvues de tout caractère d’urgence
36. A ce jour, le Costa Rica a envoyé trois missions (du 5 au 7 avril 2011, le 30 janvier 2012
et le 7 mars 2013) dans la zone litigieuse telle que définie par la Cour dans son ordonnance du
58
8 mars 2011. Contrairement aux prescriptions de cette ordonnance qui prévoit non seulement
qu’il lui faut informer préalablement le Nicaragua et faire de son mieux pour rechercher avec ce
dernier des solutions communes, mais aussi que les visites ne peuvent être effectuées que s’il existe
un risque qu’un préjudice irréparable soit causé au territoire litigieux , le Costa Rica n’a jamais
justifié ses visites ; il n’a été satisfait aux conditions susmentionnées dans aucun des trois cas.
51MCR, p. 38-39, par. 2.13.
52
Rapport de 2011 présenté par le Costa Rica à Ramsar, p. 56 (MCR, vol. IV, annexe 155), p. 235.
53Voir CMN, p. 249, par. 5.219 (note de bas de page omise).
54MCR, vol. IV, annexe 155.
55MCR, vol. IV, annexe 155, p. 278.
56
MCR, p. 38-39, par. 2.13, citant la liste de Ramsar annotée (MCR, vol. IV, annexe 119).
57Rapport de 2011 présenté par le Costa Rica à Ramsar, p. 56 (MCR, vol. IV, annexe 155).
58Voir CMN, p. 439, par. 9.46-9.63. - 11 -
37. Le Costa Rica soutient que sa demande tendant à la modification de l’ordonnance de la
Cour du 8 mars 2011 «revêt un réel caractère d’urgence» . Pourtant, après trois visites techniques
60
sur les lieux, il n’a pas démontré l’existence d’une quelconque «grave menace» sur le territoire
litigieux, ni «d’incidents susceptibles d’entraîner une atteinte irrémédiable à l’intégrité physique
des personnes ou à leur vie» . 61
38. S’agissant de la visite effectuée au mois d’avril 2011, le Costa Rica a précisé, le
30 mars 2011, que «la mission a[vait] pour objet de procéder à une évaluation préliminaire de la
situation dans la zone humide» . Il n’était fait état d’aucune «grave menace» et, de fait, pareille
menace ne pouvait raisonnablement être invoquée, étant donné que la Cour avait, quelques
semaines auparavant, constaté ce qui suit dans son ordonnance du 8 mars 2011 :
«Les éléments de preuve produits par les Parties ne permettent pas de conclure à
ce stade que les opérations de dragage du fleuve San Juan font peser sur
l’environnement du Costa Rica ou sur le débit du fleuve Colorado un risque de
préjudice irréparable ; … il n’a pas été davantage démontré que, quand bien même il
existerait un tel risque de préjudice aux droits allégués par le Costa Rica en l’espèce,
63
celui-ci serait imminent» .
39. La deuxième v64ite du Costa Rica a eu lieu le 30 janvier 2012 et «avait pour but 65
d’inspecter la zone» , «d’évaluer l’évolution du processus de reconstitution» «et de déterminer
les nouvelles mesures à prendre» . Dans le contre-mémoire qu’il a présenté en l’affaire relative à
Certaines activités, le Nicaragua a précisé ce qui suit :
«Cette visite … n’entre pas dans les prévisions de la deuxième mesure conservatoire
indiquée par la Cour. Elle apparaît d’autant moins justifiée que, en avril 2011, au
cours de la première mission, le vice-ministre costa-ricien de l’environnement a admis
que la situation environnementale de la zone s’améliorait et que, en novembre 2011,
l’UNITAR a indiqué dans son rapport n’avoir constaté dans la zone «aucune
déforestation notable ni aucune autre zone mesurable dans laquelle la couverture
67
végétale aurait été enlevée»» .
59 Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication des
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 6, par. 18.
60 Ibid.
61
Ibid.
62
Note diplomatique en date du 30 mars 2011 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le
ministre des affaires étrangères du Costa Rica (réf. : DM-DVM-217-2011) (CMN, vol. III, annexe 68).
63
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, par. 82.
64
Lettre en date du 3 juillet 2012 adressée au greffier par S. Exc. Jorge Urbina-Ortega, coagent de Costa Rica,
(réf. : ECRPB-025-12) (CMN, vol. III, annexe 66).
65 Ibid.
66 Ibid.
67 CMN, p. 443, par. 9.55-9.56 (note de bas de page omise). - 12 -
40. La troisième visite du Costa Rica a été «conduit[e]» le 7 mars 2013, et le seul document
69
que celui-ci a présenté à ce sujet semble avoir eu pour objet d’informer la Cour de la présence de
membres du mouvement de défense de l’environnement Guardabarranco. De fait, le Costa Rica a
consacré trois pages pleines à la description des actions menées par des «adolescents qui
70
s’intéressent à la protection de l’environnement» , lesquels «passent une semaine entière à
travailler sur des projets de protection de l’environnement tels que des travaux de reforestation.» 71
Ce n’est qu’à la toute fin de ce compte rendu de quatre pages que le Costa Rica livre certaines
informations concernant la visite du 7 mars 2013, informations qui confirment que ladite visite a
été un succès et que rien n’indiquait l’existence d’une «grave menace» 72 à la zone litigieuse ou
d’«incidents sus73ptibles d’entraîner une atteinte irrémédiable à l’intégrité physique des personnes
ou à leur vie» .
41. En conclusion, le Costa Rica, après avoir effectué plusieurs visites sur les lieux en
violation des dispositions de l’ordonnance, n’a pas été en mesure de présenter le moindre élément
74
attestant un «caractère d’urgence» ou un quelconque «préjudice irréparable» à la zone ; il est
encore moins parvenu à démontrer un quelconque changement dans «la situation qui commande la
75
modification de l’ordonnance rendue par la Cour.» De plus, le fait que, à ce jour, ni Ramsar ni le
Costa Rica n’ont publié le moindre rapport concernant le risque qu’un préjudice irréparable soit
causé à la zone confirme que cette menace n’existe que dans l’imagination du Costa Rica.
e) La demande du Costa Rica ne saurait être accueillie
42. Pour l’ensemble des motifs exposés ci-dessus, le Nicaragua prie la Cour de dire que la
demande du Costa Rica tendant à la modification de l’ordonnance du 8 mars 2011 ne satisfait pas
aux exigences requises pour procéder à pareille modification.
68Voir la lettre du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica (réf. : ECRPB-016-13), p. 4.
69
Ibid.
70
Ibid., p. 2.
71Ibid.
72Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication des
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 6, par. 18.
73Ibid.
74Affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, point 2 du dispositif.
75
Demande du Costa Rica en date du 21 mai 2013 tendant à la modification de l’ordonnance en indication des
mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011, p. 5, par. 17. - 13 -
IV. Demande du Nicaragua tendant à ce que l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) soit modifiée
ou adaptée à la lumière de la situation créée par la jonction de cette instance à celle
relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua
c. Costa Rica)
a) Faits et droit pertinents aux fins de la demande du Nicaragua
1. Nouvelle situation factuelle : la construction d’une route de 160 km le long du fleuve
San Juan de Nicaragua et ses conséquences
43. Manifestement mécontent des mesures conservatoires indiquées par la Cour, le
Costa Rica a choisi de se faire «justice» lui-même et a unilatéralement décidé de construire une
route le long de la rive droite du fleuve San Juan de Nicaragua, sans en informer le Nicaragua ni le
consulter, et sans évaluer au préalable l’impact de ce chantier de construction sur l’environnement
transfrontière. Cette activité irre76onsable du Costa Rica constitue le principal changement factuel
intervenu dans la zone pertinente depuis l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011.
44. En effet,
«l’envasement du fleuve San Juan de Nicaragua causé par le projet de route constitue
une intrusion intentionnelle sur le territoire souverain nicaraguayen. Le caractère
intentionnel de cette intrusion n’a jamais fait aucun doute puisqu’il s’agit soit d’une
réponse délibérée au projet de dragage et de nettoyage du caño mené par le Nicaragua,
soit d’une c77séquence quasiment certaine de la manière dont la route a été
construite.»
45. Le Costa Rica a par ailleurs annoncé la reprise de la construction de la route 1856. Ainsi,
comme le Nicaragua en a informé la Cour dans sa lettre du 28 février 2013,
«[e]n dépit de la demande de la République du Nicaragua tendant à ce qu’aucun projet
ne soit poursuivi ou mis en chantier dans la région sans qu’ait été établie une
évaluation en bonne et due forme de l’impact sur l’environnement transfrontalier et
que cette évaluation ait été soumise au Nicaragua en temps voulu pour permettre à
celui-ci de l’analyser et d’y réagir, et au mépris de l’injonction que la Cour de justice
centraméricaine lui a faite de «suspendre immédiatement la construction de la
route … afin de faire en sorte que la situation ne s’aggrave pas et, ainsi, de protéger
les droits de chacune des parties et d’éviter que soient causés des dommages
irréversibles irréparables», le Gouvernement du Costa Rica a annoncé que les travaux
de construction de la route 1856 étaient sur le point de reprendre, ce qu’a confirmé le
ministre des travaux publics, M. Pedro Castro.» 78
76
La Cour a défini la zone en question comme «la zone où la frontière commune entre [les Parties] suit la rive
droite du fleuve San Juan», voir jonction d’instances, http://www.icj-cij.org/docket/files/150/17351.pdf.
77MN, p. 187, par. 5.59.
78
Lettre en date du 28 février 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua (réf. : 28022013-01) (note de bas de page
omise). - 14 -
46. La construction de la route a entraîné une aggravation de la sédimentation et de la
pollution du fleuve, avec les effets néfastes qui en découlent pour la qualité de l’eau, la vie
aquatique, la navigation sur le fleuve et les autres usages et profits qu’il offre à la population, ainsi
qu’il a été exposé en détail par le Nicaragua dans son contre-mémoire déposé en l’affaire relative à
Certaines activités , dans son mémoire déposé en l’affaire relative à la Construction d’une route 80
81
et dans différents rapports communiqués à la Cour en exécution de son ordonnance .
2. Nouvelle situation juridique : la jonction d’instances
47. Un changement majeur s’est également produit sur le plan juridique depuis l’ordonnance
du 8 mars 2011 : par deux ordonnances distinctes datées du 17 avril 2013, la Cour a prononcé la
jonction des instances relatives à Certaines activités et à la Construction d’une route . 82
48. Dans les deux ordonnances, la Cour a estimé que :
«19. Les deux affaires dont il s’agit ici opposent les mêmes Parties et portent
sur la zone où la frontière commune entre celles-ci suit la rive droite du fleuve
San Juan.
20. Elles sont l’une et l’autre fondées sur des faits en rapport avec des travaux
exécutés sur le San Juan, le long de ce fleuve ou à proximité immédiate de celui-ci, le
Nicaragua se livrant à des activités de dragage du fleuve et le Costa Rica ayant
entrepris de construire une route le long de sa rive droite. Les deux instances ont pour
objet les conséquences de ces travaux pour la liberté de navigation sur le San Juan et
leur incidence sur l’environnement local et l’accès au fleuve. A cet égard, les Parties
font l’une et l’autre état d’un risque de sédimentation du San Juan.
21. Dans la présente affaire comme dans l’affaire Nicaragua c. Costa Rica, les
Parties mettent par ailleurs en avant les conséquences néfastes qu’auraient les travaux
menés sur le San Juan ou le long de sa rive pour l’écosystème fragile du fleuve (qui
comprend des réserves naturelles protégées).»
49. Le Nicaragua fait observer à cet égard que «les conséquences néfastes qu’auraient les
travaux menés sur le San Juan ou le long de sa rive pour le fragile écosystème fluvial (qui
comprend des réserves naturelles protégées)» s’étendent à la zone litigieuse située à l’embouchure
du fleuve. Dans le rapport de l’UNITAR/UNOSAT cité au paragraphe 24 ci-dessus, qui a été établi
à l’initiative du Costa Rica et versé au dossier de l’affaire par celui-ci, il est souligné que la zone en
litige est affectée par l’«accumulation…de sédiments fluviaux, notamment du fait de l’érosion des
rives» et que ce phénomène est en partie imputable aux sédiments rejetés dans le fleuve à cause des
travaux de construction routière du Costa-Rica. L’ordonnance du 8 mars 2011 devrait donc, en
toute logique, être adaptée pour tenir compte de ces faits et étendre aux deux Parties les mesures y
énoncées, afin de protéger l’environnement de la zone en litige et d’éviter les activités susceptibles
de lui porter atteinte.
79
CMN, p. 417-428.
80Voir MN, chap. 3.
81Voir la lettre en date du 23 juillet 2012 adressée à la Cour par le Nicaragua (réf. 23072012-01) ; voir également
la lettre en date du 28 février 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua (réf. : 28022013-01).
82
http://www.icj-cij.org/docket/files/150/17351.pdf. - 15 -
50. Il convient par conséquent d’interdire aux deux Parties d’entreprendre unilatéralement
des activités qui aggravent l’«accumulation…de sédiments fluviaux» dans la zone en litige et, à
cette fin, de les autoriser à
«envoyer sur le territoire litigieux, y compris le caño, des agents civils chargés de la
protection de l’environnement dans la stricte mesure où un tel envoi serait nécessaire
pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la partie de la zone humide où
ce territoire est situé» .
51. L’autre mesure qui, au vu des changements intervenus en fait et en droit, devrait être
modifiée est celle prescrivant aux Parties de «s’abst[enir] de tout acte qui risquerait d’aggraver ou
d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre la solution plus difficile», qui devrait
être rendue expressément applicable à chacune des deux instances désormais jointes. Cette
disposition doit s’appliquer à toutes les activités entreprises par l’une ou l’autre des Parties qui sont
susceptibles de nuire à l’environnement dans la zone litigieuse notamment à la reprise, par le
Costa Rica, des travaux de construction de la route qui entraînent l’accumulation de sédiments et
d’autres débris tout le long de l’embouchure du fleuve , de telles activités nuisibles aggravant
immanquablement le différend. Le fait que le Costa Rica n’ait pas pris toutes les mesures
nécessaires pour empêcher que d’autres dommages soient causés au fleuve et à ses écosystèmes
aggrave également le différend.
52. Il y a lieu de rappeler à cet égard la liste des mesures urgentes de prévention que le
Nicaragua a dressée dans son mémoire déposé en l’affaire relative à la Construction d’une route . 84
Ainsi qu’exposé dans le mémoire, nombre de ces mesures ont été demandées par des institutions
costa-riciennes. Celles qui sont reproduites ci-dessous ne sont que quelques-unes des «mesures
d’urgence à vocation temporaire» qui doivent être «mises en œuvre … pour lutter contre l’érosion,
les mouvements de terrain et la sédimentation dans le San Juan et ses affluents» . Il ne s’agit,
autrement dit, que de quelques mesures de première nécessité visant à stabiliser momentanément la
situation et à arrêter «l’hémorragie».
«R ECOMMANDATIONS CONCERNANT LES MESURES DE STABILISATION ET DE
MAÎTRISE DE L ’ÉROSION À ADOPTER D ’URGENCE EN VUE DE LIMITER
L’IMPACT ACTUEL ET FUTUR SUR LE FLEUVE SAN JUAN
Tâche n° 1 : réduire l’ampleur et la fréquence des effondrements et glissements
de terrain dus à l’affaissement du remblai dans les secteurs où la route rencontre les
pentes les plus escarpées, et plus particulièrement dans les zones où se sont
accumulés, ou sont susceptibles de s’accumuler, dans le San Juan les débris de
l’érosion ou de l’effondrement des sols.
Tâche n° 2 : éliminer ou réduire sensiblement les risques futurs d’érosion et de
dépôt de sédiments à tous les points de passage de cours d’eau le long de la
route 1856.
Tâche n° 3 : réduire immédiatement l’érosion du revêtement routier et le dépôt
de sédiments en améliorant la dispersion du ruissellement des eaux provenant de la
route, et en augmentant le nombre et la fréquence des structures de drainage de voirie.
83
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, par. 86, point 2).
84Voir MN, pp. 114-121, par. 3.94-3.98.
85Rapport Kondolf, section 5.6 (MN, vol. II, annexe 1). - 16 -
Tâche n° 4 : maîtriser l’érosion superficielle et les dépôts consécutifs de sédiments
provenant de sols nus dans les zones exposées aux activités de défrichement,
d’arrachage et de construction menées depuis plusieurs années.»
b) Les mesures sollicitées
53. Bien qu’il ait démontré que la demande du Costa Rica tendant à la modification de
l’ordonnance en indication de mesures conservatoires ne tenait pas, le Nicaragua reconnaît que la
situation a effectivement changé sur les plans factuel et juridique, du fait de la construction de la
route 1856 et de la jonction des deux instances ; il prie donc respectueusement la Cour, sur le
fondement de l’article 76 du Règlement, d’apporter à son ordonnance les modifications suivantes :
la deuxième mesure indiquée par la Cour devrait être modifiée comme suit :
Nonobstant le point 1) ci-dessus, les deux Parties pourront envoyer sur le
territoire litigieux, y compris le caño, des agents civils chargés de la protection de
l’environnement dans la stricte mesure où un tel envoi serait nécessaire pour éviter
qu’un préjudice irréparable soit causé à la partie de la zone humide où ce territoire est
situé ; les deux Parties devront se consulter au sujet de ces activités, et faire de leur
mieux pour rechercher ensemble des solutions communes à cet égard ;
la troisième mesure indiquée par la Cour devrait, afin d’indiquer clairement que l’ordonnance
est applicable aux deux instances désormais jointes, être modifiée comme suit :
Chaque Partie s’abstiendra de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend
dont la Cour est saisie dans l’une ou l’autre des instances jointes ou d’en rendre la solution plus
difficile, et prendra les mesures nécessaires pour éviter pareille aggravation ou extension.
Le 14 juin 2013.
L’agent de la République du Nicaragua,
(Signé)Carlos ARGÜELLO G ÓMEZ .
___________
Observations écrites du Nicaragua et demande de celui-ci tendant à la modification de l'ordonnance à la lumière de la jonction des deux instances