Contre-mémoire du Burkina Faso

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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

DIFFÉREND FRONTALIER

(BURKINA FASO 1NIGER)

CONTRE - MÉMOIRE DU BURKINA FASO

20JANVIER 2012 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

DIFFÉREND FRONTALIER

(BURKINA FASO 1NIGER)

CONTRE - MÉMOIRE DU BURKINA FASO

20 JANVIER 2012 TABLE DES MATŒRES

INTRODUCTION ........................................................................................................... 1

SECTION 1 LES POINTS D'ACCORD ENTRE LES PARTIES ........ ........ ...............1..................

SECTION 2 LES POINTS DE DESACCORD ENTRE LES PARTI .ES•••••••••••••••••••
••••••6•••••••••••
••••

t. La prééminencede l'Arrêtéde 1927 et de son Erratum .......................6.........

2. L'énumération limitative des documents à prendre en considération en cas

d'insuffisance de l'Erratum ............................................................................... 7

SECTION 3 LES LAC UNES DE L'ARG UMEN TATION NIGERIENNE .........................13........

SECTION 4 PLAN OU CONTRE-MEMOI .RE ••••••••••••••.•••••••••.••
••••••••••••••••••
••••••••••••••••••
••••••••14

CHAPITRE 1 LES CARENCES MÉTHODOLOGIQUES OU MÉMOIRE

NIGÉRIEN ................................................................................... ...... 15

SECTION 1 UNE ANALYSE ERRONEE DU CONTENU ET DE LA PORTEE DE L'ERRATUM DU

5 OCTOBRE 1927 ••................. ................ .........................15.............................

1. L'Erratum fixe les limites territoriales de la Haute-Volta et du Niger ....... 16

2. La confirmation de la délimitation effectuéepar l'Erratum ................29......

SECTION 2 DES APPROXIMATIONS ET DES ERREURS DANS LA MISE EN ŒUVRE DE

L'ARTICLE 2 DE L'AC CORD DU 28 MARS 1987 .................................37..........

1. « •••en cas d'insuffisance de l'Arrêtéet de son erratum ))...................38.......

2. «... Ie tracésera celui figurant sur la carte IIGN] et/ou de..................•....... 42

tout autre document pertinent acceptéd'accord parties )).................................... 42

CHAPITRE Il LES DISCUSSIONS RELATIVES À LA MATÉRIALISATION DE

LA FRONTIÈRE ET L'INCONSTANCE DES

REVENDICATIONS OU NIGER ....................•.......................•....... 48

SECTION 1 LA PRESENTATION PARTIALE ET PARTl.ELLE DES FAITS PAR LE NIGER •••••48

1. Les travaux consensuels ......................................................48................
..........

2. La cristalUsation du différend ........................................................................ 52 SECTION 2 L'INCONSTANCE DESREV ENDICATION S NIGERIENNES •••••••••••••••••••
••••••••••••53

CHAPITRE III LE TRACÉ DE LA FRONTIÈR E DANS LE« SECTEUR DE

TERA » ................................................................ 7.......
.....................5

SECTION 1 LES EVENEMENTS ANTERIEURS A L'ARR ETE MODIFIE DE 1927 ............72...

SECTION 2 LE SEVENEMENTS POSTERIEUR S A L'ERRATUM DE 1927 ...................81.......

1. La borne de Vibourié n'est pas un point fronti ère....................................... 82

2. Les prétendues effectivit ésvillageoises n'en sont pas................................... 85

A. « [à partir de la borne astronomique de Tao] la ligne IGN passe à l'ouest de

Petelkolé (les coordonnées du village sont 14° 00' 35.7" N," 00° 24' 52.6" E)

qu'elle laisse au Niger. (...) La ligne frontière suit le tracéIGN jusqu'aux abords de
Petelkolé. Elle s'en écarteensuite légèrementvers l'ouest afin de rejoindre le point

où se termine le tronçon de la nouvelle route Téra-Doriaménagéepar le Niger

(coordonnées: 14° 00' 04.2" N ; 00° 24' 16.3 " E). Elle rejoint ensuite la ligne

1GN au point de coordonnées 13° 59' 39" N; 00° 25' 12" E » (mémoiredu Niger,

p. 94)........ .................... .............................95

B. {(Lafronlière suit alors la ligne lGN, laissant Fetokarkale (Burkina Faso) à

l'ouest. Puis elle passe par un point frontière dit Baobab (13° 58' 38.9" N ; 00° 26'

03.5" E), et par Tindiki (13° 57' 15.4.9" N; 00° 26'23.6" E),jusqu'au moment où

les croisillo ns deviennent discontinus à la hauteur d'lhouchaftane (Ousalta sur la

carte IGN f960,feui/le Sebba)) (mémOiredu Niger, p. 94).................................. 97

C. {(Lafrontière passe par un point situésur la rivière à l 'ouest du campement, et

dont les coordonnées sont 13° 55' 36.4" N ; 00° 27' 07.2" E. (...La limite passe
par le point de coordonnées 13° 53' 12.8" N ; 00° 28' 13.5" E situésur la route

Kalsatouma-Sidibébé.Elle rejoint ensuite la ligne /GN au point de coordonnées 13°

53' 24" N; 00° 29' 58" E» (mémoireduNiger,p. 95) ............................. 97

D. «De ce point, la limite suit la ligne 1GN 1960jusqu 'au point de coordonn ées13°

52' 04" N; 00° 31' 00" E où commence la zone des campements de Komanli

(Kamanti ou Conanti sur certains documents). (...) Lafrontière marquéesur les

cartes IGN 1960 est dessinée avec beaucoup de discontinuités pour signifier que le

tracéest particulièrement problématique dans ce secteur (...). A partir du point de

coordonnées 1 JO52' 04 " N, 0° 31 '00" E où les croisillons deviennent discontinus

sur la carte IGN 1960, la limite passe par le point de coordonnées 13° 48' 55" N ;

0° 30' 23" E, puis atteint le point de coordonnées 13°46'3l " N,Do 30" 27" E.

ii Elle rejoint ensuite le point de coordonnees 13° 46' 18" N, 0 32' 47" E situe au

nord de Ouro Sabou sur le bras de rivière ajJluent du Tyekol Dyongoltol. La

fruntière :mit ensuite cel ajJluenljusqu 'à sa cunfluence uvec le Tyekul Dyungultul

au point de coordonnees 13°46' 51" N, 00° 35' 53" E; delà, elle suit la ligne

IGNjusqu'au point de coordonnees 13° 46' 22.5" N, 0° 37' 25.9" E situe à

hauteur de Bangaré sur la rivière Folko (...)}) (mémoire du Niger, pp. 95-97) ..... 99

E. « A ce point, la lignefrontière prend une claire orientation sud-ouest . Les

coordonnées du point auquel la ligne frontière change de direc tion sont les

suivantes.- 1]046 '22.5" N,- 00° 37'25.9 " E. Au sud de Bangaré, la/imi te reprend

le cours de la ligne IGN» (mémoire du Niger, p. 98). .................100....

F. {(Elle passe, en suivant les cours d 'eau là où il y a absence de croisillons, entre

Kolangoldagabé, au Burkina Faso (coordonnées.- 13° 43' 52.3 " N,- 00° 36' 14.5 "

E) et Lolnan{g]o, au Niger (coordonnées 13° 43' 50.3" N,- 00° 36' 49.0 " E))

(mémoire du Niger, p. 98) ...... .................... .................102....

G.« Lafront ière passe ensuite par la localitéde Sénobellabé(coordonnées
géographiques.- 13° 36'52.6" N; 00° 50' 00.8" E)>>(mémoire du Niger, p. 98)

................................. ........................... IW

H. « L'arrivée de la ligne IGN à ce qui constituait à l'époque la limite de Say (point

triple entre les cantons de TiJ/abéry,Dari et Say), se trouve au point de

coordonnées 13° 29'08 " N; 01° 01 '00" E » (mémoire du Niger, p. 99) ....04

CHAPITRE IV LE TRAC É DE LA FRONTIÈRE DANS LE « SECTE UR DE

SAy » ................................................................................................ 106

SECTION 1 L A FRONTIERE ATTEINT LA RIVIERE SlRB AA BOSSEBANCOU••••••••••••••••••I09

I. L'Erratum ne contient aucune erreur s'agissant du point où la frontière

atteint la rivière Sirba à Bossébangou......................................... ................ 112

2. Les documents invoqué s par le Niger pour contredire les termes de l'Arrê té

du 31 août 1927 corrigé p ar son Erratum ne soutiennent pas le tracéqu'il

revendique ..................... ................................... .............................................. 115

A. Documents antérieurs à J'Erratum ...... ................ ........................... 119

B. Documents postérieurs à l'Erratum ...... .............. ........................... 121

iii SECTION 2 LE TRACE REVENDIQUE PAR LE NIGER DANS LE SECfEUR DU « SAILLA NT»

N'A AUCUN FONDEMENT •••••••••••••••••••
••••••••••••••••••
••••••••••••••••••
••••••••••••••••••
•••1•22

SECTION 3 LA FRONTIERE ENTRE L'lNTERSECTION DE LA RIVI .ERE SIRBA ET LE

PARALLELE DE SAY ET LE DEBUT DE LA BOUCLE DE BOTOU EST

CONSTITUEE D'UNE SEULE ET UNIQUE LIGNE DROITE ...........................126.

CONCLUSIONS .........................................................................
..............................137

SOMMAIRE DES CROQU iS.......................•..............................................
.................139

LISTE DES ANNEXES ................................................................................................. 141

ANNEXES .........................................................................
..............................143 INTROD UCT ION

0.1 Le présentcontre-mémoire est déposéconformément à l'ordonnance de la

Cour en date du 14 septembre 2010 fixant les délais de procédure dans la présente affaire.

Il répondau mémoire de la Républiquedu Niger en date du 20 avril 2011.

0.2 Le Burkina Faso doit, en premier lieu, faire part de son embarras face au

mémoire nigérienqui repose sur une suite d'affirmations et d'approximation s qui, faute de

fondements juridiques et de cohérence de l'argumentation , n'appe llent que des réponses

sommaires. Telle est la raison de la relative brièvetédu présent contre-mémoire, étant

préciséque, pour sa part, le Burkina s'en tient intégralement à l'argumentation de son

mémoire,mêmes'jllui semble inutile de la répéterdans son entièreté.

0.3 Au bénéficede cette remarque, on peut relever que la lecture du mémoire

nigérien fait apparaître:
- des points d'accord entre les Parties (section 1) ;

- des points de désaccord (section 2) ; et

- dcs lacunes (section 3).

Section t

Les points d'accord entre les Parties

0.4 À vrai dire, il existe, apparemment, peu de désaccords de principe entre le

Burkina et le Niger. Ainsi s'accordent-ils pour considérerque:

- la Cour est appelée exclusivement à conférer l'autorité de la chose jugée à

l'accord des Parties sur les secteurs de la frontière déjàabornés,à savoir:

« a) le secteur allant des hauteurs du N'Gouma à la borne astronomique de Tong­

Tong;

b) le secteur allant du débutde la boucle de Botoujusqu'à la RivièreMékrou »1;

1Article 2, par. 2, du Compromis du 24 février2009. - l'Accord de 1987 auquel renvo ie le Com promis indique limitativement les

d ocu ments à prendre en considération pour procéder à la démarcation de la frontière;

- étant ente ndu que celle -ci est délimitéepar l'Arrêté du 31 août 1927 précisépar
son Erratum du 5 octobre 1927.

0.5 Le tableau ci-dessous établit l'accord de principe des Parties sur chacun de

ces points.

Mémoiredu Niger Mémoire du Burkina

1. La Cour est appelée à «C'est sur [l'article 2 du Les Parties «ne se sonl mises
coriférer1'autoritéde la chose Compromis] que la Cour est d'accord [sur les secteurs
jugée à l'accord des Parties appelée à porter son attention, abornés, par l'échange de

sur les secteurs abornésde la quant au fond, afin de (...) lettres de 2009J que pour
frontière donner actes [sic] aux parties définir l''entente' dont elles
de leur entente sur les résultatsont demandé à la Cour de

des travaux de la Commission prendre acte) (MBF, p. 90,
technique mixte d'abomement par. 3.33).

de la frontière Burkina Faso -
Niger et, ce faisant, d'ajouter Il s'agi« d'une 'entente' que
cet accord bilatéral entre les les Parties souhaitent voir

deux États, la force de revêtir de l'autorité de la
l'autorité de la chosejugée » chose jugée) (MBF, p. 91,
(MN, p. 48, par. 3.22). paL3.36).

2. La frontière est délimitée «La limite entre les deux «[L]a limite entre les parties a
par J'AfTêtédu 31 aolÎt 1927 colonies a été fixée par étécomplètement défin ie par

précisépar son Erratum du 5 l'erratum nO 2602/APA du 5 l'Arrtégénéral nO2336 du 31
octobre 1927 octob re 1927 corrigeant août 1927 auquel s'est

l'arrêtén° 2336 du 31 août substitué l'En-atum du 5
1927. La limite consacrée par octobre 1927 et lle n'ajamais
ces deux textes n'a jamais été été modifiée depuis lors)

modifiée jusqu 'à J'accès à (MBF. p. 57, par. 2.8).
l'indépendance des deux
colonies» (MN, p. 24, par.

1.32).

«II n'est avancé par aucune «[L]es parties ont toujours

des deux parties qu'ily ait eu considéréque leur frontière
des modifications à l'état de corrunune était celle qui

droit existant [entre 1947 et existait au moment de leur
1960]. Il en résulte que l'on esaccession à l'indépendance et
renvoyé à la question de savoir qu'il convenait de se référerà

quel était, au 5 septembre cet égard au tracé décrit par
1932, le texte gouvernant les l'Arrté de 1927 et son

2limites des deux colonies. En Erratum». (MBF, p. 58, par.
l'occurrence, il s'agissait de 2.9).

l'erratum du 5 octobre 1927 à
l'arrêtédu 31 août 1927 fixant (( Les descriptions de la ligne

les limites des colonies de la dans l'Arrêtéd'une part, dans
Haute-Volta et du Niger}) son Erratum d'autre part,

(MN, p. 61, par. 5.3). diffèrent en partie [; ...] dès
lors, il convient de préfrer le

«(Pour détenniner quelles texte du5 octobreJ927, qui est
étaient les limites du territoire à la fois postérieur et plus
des deux. États à la date du 5 précis que celui du 31 août )

août 1960, il convient de (MBF, p. 69, par. 2.41).
rechercher les derniers en date

des actes législatifs ou (([U]o document émanant du
réglementaires de la puissance gouverneur généralde l'AOF

coloniale ayant fixé ces décrit de manière comp lète le
limites. Il ne s'en est pas trocé de la limite entre les

trouvéd'autres que l'erratum colonies de la Haute-Volta et
2602/APA du 5 octobre /927 du Niger. Et il n'ajamais été

corrigeant l'arrêté 2336 du 31 ni modifié,ni remis en cause
août /927, auquel les parties depuis son adoption. Les deux

se sont d'ailleurs référées de parties ont d'ailleurs
façon constante)} (MN, p. 61, fonne llement considéré, dans

par. 5.3). l'Accord du 28 mars 1987
auquel renvoie le Comprom is,

((Ce texte n'a néanmoins fait que la frontière actuelle, dans
l'objet d'aucun complément, son ensemble, était décrite par
amendement ou rectification l'Arrêté de 1927 précisé par

au cours de la période son Erratum» (MBF, p. 58,
coloniale. Il demeurait, au par.2.10).

moment où les deux États sont
devenus indépendants, le seul

texte de référence pour la
détermÎnation de leur frontière

commune » (MN, p. 104, par.
7.12).

S'agissant du «secte ur de (([L]es parties ont, d'un

Téra)}: {( [LJe seul texte de la commun accord, détenniné
période coloniale déterminant que l'Arrêtéde 1927 est leseul

les limites entre les deux titre dont elles puissent se
colonies dans cette région est prévaloir et, d'autre part, c'est
l'erratum nO 2602/APA du 5 ce mêm e instrnment qui décrit

octobre 1927, qui a corrigé l'ensemble de leur frontière
l'arrêténO2336 du gouverneur commune}) (MBF, p. 69, par.

généra l de l'AOF du 31 août 2.40).
de la mêmeannée» (MN, p.

83, pae.6.9).

3 Pour le «secteur de Say», « le

seul texte de la période
coloniale déterminant les

limites entre les deux colonies
dans le secteur de Say est
l'erratum (...) corrigeant

l'arrêté)}(MN, p. 103, par.
7.9).
3. L'Accord de /987 auquel « [Les articles 1 et 2 de « C'est dire l'extrême

renvoie le Compromis indique l'Accord de 1987] exposent importance de l'Accord du 28
limitativement les documents à avec beaucoup de précisionla mars 1987 et des instruments

prendre en cOnsidérationpour manière dont est conçue en auxquels il renvoie, aux fins du
procéder à la démarcationde l'occurrence l'application du règlement du différendque les
lafrontière principe de l''intangibilitédes parties ont soumis à la Cour})

frontières» (MN, p, 60, par. (MBF. p, 9, par. 0,19)
5.2).

«Pour l'application concrète « [P]ar leur Accord du 28 mars
de ce principe, le texte de 1987 sur la matérialisationde

l'accord de 1987, auquel la frontière, elles ont
renvoie le compromis, se expressément é numéré les
réfèreà trois critères[les textesources du droit applicables à

réglementaires de 1927 eette fin)} (MBF, pp. 61-62,
(section 1); la carte IGN de paL 2.20).

1960 (section 2); les
documents pertinents acce ptés
d'accord parties (section3)] »

(MN, p. 61, par. 5.2).

« [L]'accord conclu à
Ouagadougou le 28 mars 1987
(".) prescrit que les textes de

1927 demeurent les textes de
référnece fixant la frontière
entre les territoires de la

Haute-Volta et du Niger»
(MN, p. 24, paL 1.32).

«Confonnément à l'approche « [Par l'accord de 1987, les
généralede la Républiquedu parties) ont consacré la

Niger quant aux principes prééminence du titrefrontalier
applicabls pour la que constitue J'AfTêtédu 3/

détennination de la frontière août /927 tel que précisépar
dans le cadre du présent litige son Erratum sur toute autre
- et conformément au prescrit preuve du tracé de la

mêmedu compromis de 2009 frontière)} (MBF, pp. 61-62,
etde l'accord de 1987 entre les par. 2.20).
deux États - c'est doncle texle

de l'erratum de /927 qui

4 constituera la base première L'Accord du 28 mars 1987

de détermination du tracéde la (...) ne place pas surlemême
frontière entre les deux États pied l'Arrêté de 1927 et son
dans ce second secteur » (MN, Erratum d'unepart, et la carte

pp. 104-105, par. 7.12). ION France de 1960 et
d'éventuelsa utres documents
acceptés d'accord parties,

d'autre part» (MBF, p. 66,
par.2.35).

«[L]es deux États, conscients ((Seule la carte de l'ION
des limites des textes
France de 1960 peut (...) être
coloniaux, [ont] prévu par utiliséepour préciser le tracé
l'accord du 28 mars 1987 le
recours à deux critères de la frontièreentre les parties.
Mais ilrésulte du texte même
subsidiaires [carte IGN de de l'Accord de 1987que cette
1960 d'unepart, toutdocument
utilisationne peut avoir qu'un
accepté d'accord parties caractère subsidiaire» (MBF,
d'autre part]»(MN, p. 75,par. p. 71,par.2.47).
5.13).

« Le Burkina Faso et le Niger,
conscients des limites des
textes coloniaux, ont prévupar

l'accord du 28 mars 1987 le
recours à des critères
subsidiaires, parmi lesquels la

carte au 1/200.000 de l'Jnstitut
géogra phique national de

France, édition 1960, joue un
rôle essentiel» (MN, p. 91,
par. 6.16).

0.6 A priori, les Parties sont donc d'accord:

- sur l'objet du différend: il s'agit de déterminer le tracédes parties de la frontière

n'ayant pas fait l'objet d'un abornement et de donner acte aux Parties de leur entente sur

les deux secteurs abornés; et

- sur le droit applicable par la Cour en la présente affaire, tel qu'il est défini par

l'article 6 du Compromis et l'Accord du 28 mars 1987 auquel renvoie cette disposition:

elles s'accordent pour considérer, confonnément à la lettre età l'esprit de l'article 2 de

l'Accord de 1987, que la frontière entre les deux pays est fixéepar l'Arrê tédu gouverneur

général de l'AOF précisépar son Erratum du 5 octobre 1927 qui représentel'état dudroit

existant au moment de l'accession des Parties àl'indépendance, applicable en l'espèce au

5nom du principe de l'intangibilité des frontières héritéesde la colonisation, également

expresséme nt mentionné à l'article 6 du Compromis.

Section 2

Les points de désaccord entre les Parti es

0.7 Toutefois, au stade de la mise en Œuvre, le Niger s'emploie à neutraliser les

principes dont il concède l'applicabilité, qu'il s'agisse de la prééminencede l'Erratum du

5 octobre J927 sur tout autre document ou du caractère limitatif de l'énumérationdes

autres documents auxquels J'article 2 de l'Accord du 28 mars 1987 se rétêreen cas

d'insuffisance de l'Arrêté et de son Erratum.

1. Laprééminencede l'Arrêté de 1927 et de son Erratum

er
0.8 Bien qu'il se dise d'accord avec le principe posé par l'article 1 de
2
l'Accord de 1987 , le Niger refuse d'admettre que, la frontière étantainsi délimité e par

l'Erratum, la tâche de la Cour dans la présente affaire est - et est seulement - de préciser

cc tracédans la mesure - ct dans la mesure seulement - où cclui-ci serait « insuffisant »3 ;

dans le cas contraire, il lui appartient de confirmer ce tracé.À cet égard le mémoire

nigérien apparaît comme une entreprise de remise en cause de l'Arrêté et de son Erratum

- pourtant reconnus par les Parties comme constituant le titre sur lequel la Cour doit se

fonder pour déterminer le tracéde la frontièrelitigieuse.

0.9 Il s'emploie à présenterl'Erratum comme:

. 5
«particulièrement rudimentaire »4, {{particulièrement SUCCinct » ,

({particulièrement lapidaire »6 ou {{sommaire et imprécis)/ ;
8
- erroné , ({dépourvu de base dans la situation préexistante »9 et «nullement

consacrédans la pratique ulté rieure» 10 ;

2 V. le tableau figurasupra sous le par. 0.5.
3Sur la notion d'« insuffisanc»,v. infra, pars. 1.42-1.45.
4 MN, p. 65, par. 5.6; v. aussi p. 84, par. 6.10.
5 MN, p. 83, par. 6.9 ; v. aussi p. 104, par. 7.11.
6MN, p. 116,par. 7.34.

7 MN, p. 66,par.5.6 ;v. aussi p86, par.6.11.
8 Cf. sous-section A. « La continuation de la limite territoriale jusqu'au village de Bossébangou est
dépourvuede fondement » (MN, pp. 105-111, pars. 7.14-7.24) ; v. aussi, p. 65, par. 5.5 ; p. 83, par. 6.9.

6 - contestéet «critiqué dèsson origine par les administrateurs et les autoritésdes

deux colonies »11.

0.10 Le Niger n'hésited'ailleurs pas à afftrmer que ({le texte de l'erratum ne

doit pas faire l'objet d'une lecture trop littérale... »12, et, plus ouvertement encore, «q u'il

existe des raisons bien établiesde s'en ecarler à certains égards» 13.Ceci est contraire à

l'entente des Parties enregistréedans leur Accord de 1987 et réitérée dans le Compromis.

11en serait du reste ainsi en l'absence mêmede tout accord exprèsdes Parties en ce sens:

comme le Niger le reconnaît dans le mêmeparagraphe de son mémoire, l'Erratum

« demeurait, au moment où les deux États sont devenus indépendants, le seul texte de

référencepour la détennination de leur frontière commune »14 ; il constitue donc le lilre

juridique - une notion que le Niger se garde bien d'évoquer l5- sur lequel les deux Parties

et la Cour dOÎventse fonder pour détenniner la frontière. Et, comme l'a fennement rappelé

la Cour dans l'affaire Camerounc. Nigéria,«dans l'éventualitéoù il existe un conflit

entre effectivitéset titrejuridique, il y a lieu de préférerle titre» 16.

2. L'énumération limitative des documents à prendre en considération en cas

d'insuffisance de l'Erratum

0.11 Comme le reconnaît le Niger dans le chapitre V de son mémoireconsacré

aux «bases juridiques de la détennination de la frontière », l'Accord du 28 mars 1987,

auquel renvoie le Compromis, expose «avec beaucoup de précision la manière dont est

conçue en l'occurrence l'application du principe de 'l'intangibilitédes frontières', c'est-à­

dire de l'uli possidetis à la date de l'indépendancedes deux États, en 1960» ; et, comme il

l'explique, « [p]our l'application concrète de ce principe, le texte de l'accord de 1987,

auquel renvoie le compromis, se réfèreà trois critères » ; bien que le mot «critères» ne

soit peut-êtrepas le mieux choisi, il s'agit des documents ou des sériesde documents

suivants:

9MN, p.116, par.7.35 ;v. aussip. 120,par. 7.39.
Hl Ibid.v. aussi p. 108, par. 7.18.
I lMN, p. 66, par. 5.6v.aussi pp. 26-28, par. 2.3.
12 MN, p. IlS, par. 7.32.
Il MN, p. 105,par. 7.12 (italiques ajoutées).
14 Ibid.
15 Le mot {(titre» n'apparaît nulle part dans le mémoiredu Niger dans celle acception.

16 CU, arrê,t10 octobre 2002, Fron/iifre terresfre ef maritime entre le Cameroun ef le Nigéria(Camerounc.
Nigéria .. Guinée équatoriale (intervenant)), Rec. 2002,p. 415, par. 223; v. aussi CU, arrêt,22 décembre
1986, DifférendfronJa/ier Burkina/Ma/i , Rec. 1986pp. 586-587, par. 63.

7 - les textes réglementaires de 1927 - à savoir l'Arrêé t du 31 août et son Erratum

du 5 octobre;
-la carle IGN au 11200 OOO èmede 1960 ; el

- «tout autre document acceptéd'Accord Parties )).

0.12 Le Niger convient à propos de ce dernier point qu'« (a]u cours des travaux

de la Commission mixte, aucun document ne fut accepté à ce titre)) 17Sauf à qualifier

ainsi l'échang e de lettr es des 29 octobre et 2 novembre 2009, il n'existe en effet aucun

document acceptéd 'accord Parties: en conséquence,seule la carte IGN de 1960 peut être

prise en compte, et uniquement pour pallier une éventuelle insuffisance de l'Arrêté

modifié.Or, aprèsl'avoir concédé,la partie nigériennen'hésitepas à faire prévaloir:

- la carte IGN de 1960 sur l'Erratum - y compris lorsque celui-ci est parfaitement

clairl8 ;

- des cartes de 1915 et 1927 sur l'Erratum et sur la carte de 1960 19;

- des documents divers prouvant, selon elle, 1'{(effectivité)) d'une présence

nigérienne dans certains territoires contestés à la fois sur la carte et sur l'Erratum2o•

0.13 L'argumentation déployéedans le mémoirenigérien à propos du secteur

«fin du saillant/débutdc la bouclc dc Botou )21 illustrc ccttc propension à réinventerun

tracéfrontalier sur la base de documents divers dont la pertinence est écartéepar l'Accord

de 1987. Invoquant le caractère prétendumentlapidaire de l'énoncé , pourtant parfaitement

clair, de l'Erralum 22,le Niger écartel'Arrêté au profit de la carte lGN 23,pour finalement

la récu ser à son tour et s'en tenir {(au tracéde limite en deux segments de droite, tel qu'il

apparaît sur ces cartes et croquis de la périodecoloniale )?4. Il ne recourt donc à la carte

que dans la mesure où elle sert ses prétentions. La partie nigérienneest d'ailleurs claire sur

le statut de la carte de 1960: à ses yeux, H sauf à découvrirdes déviations anormales par

rapport aux textes, des failles évidentes dans l'information sur les limites des cantons, et

sous ré serve de l'attention qu'il convient d'apporter aux hésitationsdes auteurs de la carte

Il MN, p. 76, par. 5.15 ; dans le mêmesens, v. MBF, p. 71, par. 2.46.
18MN, p. 93, par. 6.21 ou p. 97, pars. 6.24- 6.25.
19MN, p. 114, par. 7.30.
2(MN, p. 93, par. 6.20 ; p. 94, par. 6.22 ; pp. 95-96, par. 6.23 ; p. 110, par. 7.21 ; p. 114, pars. 7.30-7.31 ; ou
~. 120, par. 7.40.
MN, pp. 116-120 , pars. 7.34-7 .40.

22MN, p. 116, par. 7.34.
23MN, p. 116, par. 7.35.
24MN, p. 120, par. 7.40; v. aussià propos du secteur Tong-To ng/Tao , pp. 91-92 , par. 6.18, et pp. 92-93 ,
par. 6.20, ou, pour Petelkolé, p. 94, par. 6.22.

8 lorsqu'ils ont eu recours à des croisillons discontinus , ces résultats devraient en principe

servir de guide pour déterminer le cours de la limite intercoloniale en 1960 ))25.

0.14 Il résulte de ces désaccords sur la mise en Œuvre des règles applicable s des

divergences, qui sont au cŒur du présentdifférend, en ce qui concerne la délimitation de

la frontière: sur l'ensemble du tracécontesté,les prétentions des Parties ne coïncident que

sur trois points: Tong-Tong , Tao - dont les coordonnées sont toutefois erronéesdans leur
26
version nigérienne - et le point marquant le début de la boucle de Botou (point dit

Tyenkilibi) 27.

0.15 On peut synthétiser de la manière suivante les points de désaccord entre les

Parties:

- dans le secteur de Tera 28 :

~ Selon le Burkina, deux lignes droites relient les trois points-frontière de ce secteur (borne

de Tong-Tong , borne de Tao, Bossébangou)29.

~ Selon le Niger, le tracé suit, depuis Tong-Tong j usqu'à Tao, non pas un mais deux

segments de droite puisqu'il passe par la borne de Vibouriéavant de rejoindre la borne de

30
Tao ; de là, la ligne frontière suit« pour l'essentiel » la ligne figurant sur la carte IGN _

dans la mesure des libertésque «justifient) ) les prétendues effectivités dont le Niger se

prévaut - jusqu 'à la hauteur de Bangaré avant de suivre le tracéde la carte pour s'arrêter

au « point triple des anciennes limites des cercles de Say, Tillabéri et Dori ))31 et non

descendre, comme "E rratum l'impose pourtant , jusqu 'à la rivière Sirba à Bossébangou.

- dans le secteur de Sai 2 :

2SMN, p. 91, par. 6.16 ; v. aussi MN, p. 93, par. 6.20, ou p. 120, par. 7.40.
26 Coordonnées: 14 03' 02,2" N; 0 22' 52,1" E (MN, p. 94, par. 6.22); les coordonnées, relevéesau
GPS par le Burkina, proviennent de la fiche signalétique Nevière de 1927, Annexe MBF 41, et sont les
suivantes: 14 03' 04,7" N ; 0 22' 51,8" E(v. MBF, p. 104, par. 4.16).

27 Le premier et le dernier de ces points sont fixéspar l'accord entre les Parties.(procès-verbal du 3 juillet
2009) consacrépar l'échange de lettres des 29 octobre 2009 - 2 novembre 2009. En réalitédonc, un seul
rs>intdu tracélitigieux, la borne de Tao, fait l'objet d'un accord entre les Parties.
8 Le Burkina utilise l'expression« secteur de Tem)) par commodité, mais considère qu'il s'agit là d'une

simplification, qui appelle d'importantes mises en garde (v. infra, pars. 3.14-3.17); une expression plus
correcte serait:«le secteur Dorirrera )).
29MBF, p. 132, par. 4.82.
JOMN, « De la borne astronomique de Tao à Bangare )),pp. 93-97, pars. 6.21-6.23.

3lMN, p. 100,par. 6.26.
32Comme celle de « Secteur de Tem) (v. supra, note 28), cette expression appelle des rescrves ; le Burkina
ne l'utili également que par commoditéde langage.

9~ Selon le Burkina, du point où la frontière atteint la rivièreSirba à Bossé bangou (un point

dit«P »33 ), le tracédécrit un saillant suivant trois segments, le premier remontant le cours

de la rivière Sirba jusqu'à un point dit « Pl » à partir duquel le deuxième prend une

orientation nord-ouest jusqu'à un point « P2» que relie le troisième, descendant en ligne

droite au sud, au point d'intersection de la rivière Sirba et du parallèle de Say, point qui
4
marque la fin du saillanr • Celui-ci est décrit de manière radicalement différe nte par le
35
Niger - qui n'envisage d'ailleurs pas un véritable saillant puisqu'il relie par un seul

segme nt de droite, orientésud-ouest, deux points par ailleurs différents de ceux retenus

par l'Erratum: le tracéinvoqué par le Niger part ainsi du « point triple des anciennes

hmites des cercles de Say, Tillabéri et Dari » (et non de Bossé bangou) pour atteindre la

Sirba à hauteur approximative (et non à l'intersection) du parallèle de Sal 6.

~ Pour sa part, le dernier tronçon de la frontièreentre la sortie du saillant et le dé but de la

boucle de Botou (Tyenkilibi)37 est décrit par le Burkina, confonnément à l'Erratum,

comme éta nt fonné par une seule ligne droite, tandis que le Niger le dessine en deux

segments de droite, la brisure de la ligne intervenant à un poteau frontièresituésur la route
38
Niamey-Ouagadougou •

31M BF, p.1 33, par.4. 83.

34Pour une illustration, v. MBF, p. 153, croquis nO14.
JS Le Niger n'utilise le mot saillant qu'entre guillemets: c'est que, pour lui, qui fait reposer son
raisonnement sur la terminaison du tronçon prêcéden«point triple entre les anciennes limites des cercles
de Dori, Tillabéri et Say», le terme de saillant est problématique, n«aucun [sens) au regard de la
limite intercoloniale» : « la frontière ne peut créer un saillant dans celte zone. Elle oblique simplement en
direction du sud-ouestpartir de «epoint triple » »(MN, p. 112, par. 7.26).
36MN, pp. 115-116, pars. 7.32-7.33.

37Les coordonnéesdonnéespar le Niger pour ce dernier point diffèrent trèslégèrement de celles retenues
rsr le Burkina : une seconde de différence sur la latitude - v.supra, note 27.
8MN, p. 118, par. 7.38.

10 Positions des parties

Echelle: 1/1.000.000

..... ..............'....-
...... " Mont N'Gouma{PoMlt

s

République du Niger

Burkina Faso

Parallèle de Say et Sirba

DébutBoucle
deBotou

~ Position défendue par le Burkina Faso

~ Position défendlRépublique du Niger
...('-Portions bornées

200 20 Km
E---J Section 3

Les lacunes de l'argumentation nigérienne

0.16 Un dernier aspect du mémoiredu Niger doit êtresouligné: ses lacunes. En

effet, il n'aborde pas, ou guère, un certain nombre d'é lémens t de la présente affaire, dont

certains sont importants.

0.17 On notera en particulier:

-les développements assez limité s que le Niger consacre à la genèsede l'Accord

de 1987 39,dont l'analyse mêmeest réduiteà presque rien 40;

l'évocationextrêmementrapide des négociations auxquelles le litige a donné

42
- le sort expé ditif réservéaux parties abornées de la frontière (du reste, les

conclusions du mémoirenigérienne contiennent que la description du tracécontesté,et

non l'ensemble du tracé , parties abornéesincluses auxquelles le Niger ne fait pas référence
alors que le Compromis les inclut dans l'objet de l'affaire soumise à la Cour 43) ;ou

44
- le silence à peu près total observépar le Niger en ce qui concerne le tracé
45
consensuel de 1988 , qui montre pourtant que ses représentants avaient considéré à

l'époque que l'on pouvait parfaitement détenniner la frontièreentre les deux pays en se

fondant sur les instruments auxquels renvoie l'Accord de 1987.

0.18 faute de développements sur ces différents points dans le mémoire du

Niger, le Burkina ne juge pas utile d'y revenir dans le présentcontre-mémoire. Il tient

cependant à indiquer de la manière la plus fonnelle qu'il n'entend renoncer à aucun des

arguments qu'il a avancésdans son propre mémoire.

39MN, p. 40, par. 3.3 - comp. MBF, pp. 43-44, pars. 1.61-1.65.
4(MN, p. 75, par. 5.13 - comp. MBF, pp. 71-73, pars. 2.45-2.50; ou MN, pp. 60-61, par. 5.2 - comp. MBF,

fI" 56-61, pars. 2.4 à2.19.
MN, pp. 39-44, pars. 3.1-3.11 - comp. MBF, pp. 32-54, pars. 1.34-1.88.
42MN, p. 46, par. 3.17 et p. 48, par. 3.22- comp. MBF, pp. 78-89, pars. 3.11-3.30.
43MN, pp. 122-123 - comp. MBF, pp. 160-162.
44V. cependant, MN, p. 40, par 3.4 où la rcunion des techniciens est mentionnce en passant.
45MBF, pp. 45-46, pars. 1.67 à 1.69.

13 Sedi un 4
Plan du contre-mémoire

0.19 L'absence totale de méthodequi caractérise le mémoire du Niger est si

flagrante et conduit si systématiquement à des conclusions entachées de graves erreurs

qu'il a paru nécessaire d'y consacrer l'entièretédu premier chapitre du présent contre­
mémoire. En outre, il ne paraît pas inutile de souligner, tant elles sont patentes, les

contradictions entre les positions prises par le Niger en négociationset dans son mémoire

(chapitre Il). Une fois ces clarifications apportées, le Burkina reviendra, en deux chapitres

distincts, sur la détennination des deux segments non abornes de la frontière,

respectivement dans le secteur de Tera (chapitre UI) et dans celui de Say (chapitre IV),

confonnémentaux dispositions de l'Accord de 1987 auquel renvoie le Compromis.

14 CHAP ITRE 1

LES CARENCES MÉT HODOLOG IQUES DU MÉMOIRE NIGÉRIEN

1.1 On aurait pu s'attendre à ce que le mémoire de la République du Niger, qui

comporte cinq chapitres générauxavant d'en venir à la question de la détermination de la

frontière dans les secteurs respectivement «de Tera» (chapitre VI) et « de Say» (chapitre

VU), repose sur une méthodeclairement exposéeet rigoureusement mise en Œuvre. Il n'en

est rien: le chapitrey4 6 se targue de présenter« [I]es bases juridiques de la détennination

de la frontière », mais la « méthodologie adoptée » - qui fait l'objet d'une description
47
expresse à propos du tracé de la frontière dans le secteur de Tera , reprise de facto

s'agissant du secteur de S ay 48 - fait fi de ces « bases juridiques» en faveur d'une

approche désordonnée et sélective, dont la seule orientation « méthodologique» semble

êtrela recherche d'un tracé favorable au Niger, aussi arbitraire et dénuéde justification

jur idique fût-il.

1.2 Les carences méthodologiques de l'argumentation du Niger se traduisent

notamment par:

- une analyse erronéedu contenu et de la portéede l'Erratum de 1927 (section 1);

et
- des approximations et des erreurs dans la mise en Œuvre de l'article 2 de

l'Accord entre les Parties du 28 mars 1987 (section 2).

Section 1

Une analyse erro née du contenu et de la portée de l'Erratum du 5 octobre 1927

1.3 Comme ceci a été souligné dans l'introduction au présent contre-

mémoire 49, le Niger dit accepter que l'Erratum du 5 octobre 1927 à l'Arrêtédu

gouverneur généralde l'AOF du 31 août de la mêmeannéefixant les limites des colonies

du Niger et de la Haute-Volta constitue le document fondamenta l délimitant la frontière

46MN, pp. 60-78.

47A. Méthodologie adoptée(MN, pp. 82-91).
48MN, pp. 104-105, pars. 7.9-7.13.
49V. pars. 0.4 à 0.6.

15entre les deux pays. Toutefois, il s'efforce par tous les moyens possibles d'en écarter

l'application. En particulier:

-il refuse d'y voir la fixation des nouvelles limites entre les deux colonies (1); et

-il tenteà tort de voir dans les protestations de certains administrateurs locaux la

preuve « qu'il n'aurait pas fait droit durant la période coloniale )) alors que, comme

nombre des incidents postérieurs à l'adoption de l'Arrêtéet de l'Erratum, elles témoignent

au contraire de l'existence de cette délimitati(2).

I. L'Erratum fixe les limites territoriales de la Haute-Volta et du Niger

1.4 L'un des postulats sur lesquels repose la thèse du Niger est que l'objet de

l'Arrêtéet de son Erratum était non pas d'effectuer une délimitationentre la Haute-Volta

et le Niger, mais d'opérerun transfert decantons d'une colonie à l'autre : certains cantons

du cercle voltaïque de Dori et ceux de Say (sauf le canton gourmantchéde Botou) seraient

passésau Niger sans que leurs limites soient elles-mêmesmodifiées 5o•Le raisonnement

est curieux: selon la partie nigérienne, l'Arrêtéde 1927 serait exclusivement un texte

d'application du décret du 28 décembre 1926, qui opéraitun transfert de cantons:

«On se souviendra que l'arrêtédu 31 août 1927 trouve sa justification dans le
décret du président de la République française du 28 décembre 1926, 'portant

transfèrement du chef-lieu de la colonie du Niger et modifications territoriales en
Afrique occidentale française'. [Citation de l'article 2 de ce décret].C'est sur la
base de ce décretque furent adoptés, quelques mois plus tard, l'arrêté du 31 août
1927 et son erratum du 5 octobre 1927. Ces textes ne pouvaient donc avoir d'autre

objet que le transfert des cantons susdi))5].

1.5 C'est cette articulation entre les deux textes, appuyée par l'utilisation des

travaux préparatoires, qui conduit le Niger à affinner que l'Arrêé t réalise lui aussi une

pure et simple mutation de territoires, ajoutant qu'« on ne peut concevoir [que l'Arrêtéde

1927) étaiten contradiction avec ce décretpuisqu' il en tire sa légitimi))52 :

((Il ne faut pas, en effet, négligerl'essentiel: l'arret l'erratum de 1927 avaient
pour objet le transfert d'une colonie à l'autre de cerclcomposés de canIons. Les

50C'est probablement cette 'logique' de transfert de cantons qui pousse le Niger il utiliser le tenne ((point
triple)) pour désigneroint d'intersection entre les cercles de Dori, Say et Tillabéri,par lequel passerait la
frontière(MN, p. 108, par. 7.17 ; p. 110, par. 7.20 ; ou p. II I, pars. 7.22 et 7.24).
~lMN, p. 84, par. 6.11.
~2MN p,.lll, p.a2r.

16 textes en font foi. L'arrêtéet l'erratum sont pris en exécution du décret du 28
décembre 1926 » 53.

1.6 En conséquence,toujours selon le Niger,

« [l]a nouvelle limite (... ) s'est trouvée définie comme une somme de /imites
cantonales juxtaposées, elles-mêmescomposées de limites de terroirs et/ou de

hameaux villageois et de lieux-dits. Partout où la population étaitrare, les limites
cantonales se sont avéréesimprécises: par exemple dans les zones de glacis, les
plateaux désertiques,les aires de pâturage » 54.

Et d'ajouter:

« Il ne s'agit donc pas de tracer des lignes géométriquesmais bien de rattacher des
cantons au territoire de l'une ou l'autre des colonies. Lorsque les limites de ces
cantons reflétaient les occupations de territoire par les populations (en villages),

elles ne se développaient pas en suivant des lignes droites. Tel étaiten particulier
le cas pour le cercle de Tillabéry, à la différence du cercle de Say, largement
inhabité àl'époque »5 5.

1.7 Cette façon - erronée - de vOIr est le prétexte d'un faux-semblant

méthodologique:

« on connaît les noms des cantons qui ont ététransférés.Ceci peut donner deux

indications précieuses. La première concerne le contenu de ces cantons, lorsque
l'on peut les retrouver dans les documents administratifs de l'époquecoloniale.
Comme on le verra par la suite, des indications de cette nature, quoique réduites,

peuvent compléterles énoncéssommaires de l'arrêté et de l'erratum de 1927. La
seconde indication, c'est une présomptionque les espaces composant ces cantons
(... ) ne se développaient pas en principe en suivant des lignes abstraites (incurvées

ou droites), mais reposaient sur des occupations de sol et épousaient la
confiIguratlOnou a nature u terram». " .

1.8 Cette analyse se heurte à de nombreuses objections.

1.9 Comme le Niger le reconnaît, les limites de cantons étaient elles-mêmes

souvent imprécises 57et n'ont fait l'objet, dans cette partie de l'empire colonial français en

tout cas, d'aucun texte de délimitation, si bien que la partie nigérienne elle-mêmedoit

concéder que ~(l possibilités [...] qu'offre cette approche» sont « modestes »58. La

réponse du service géographique de l'AOF à une demande de croquis de la région

SlMN, p. 70, par\05(italiques dans le texte).
54MN, p. 80, par. 6.6 (italiques s).utêe
ss MN, p. 72, par. 5.10.

SIMN, p. 86, par. 6.11 ; v. aussi MN, pp.90-91, par. 6.15.
S7MN, p. 80, par. 6.6.
S8MN, p. 91, par. 6.15.

17 59
fonnulée en 1938 par le directeur des affaires politiques et administratives marque

l'impasse à laquelle conduit une telle approche:

«J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'il n'est pas actuellement possible
d 'établir avec précision le croquis demandé (division en cantons des cercles de

Koutiaia, Gao, Fada N'Gouma, Say, Tillabéry, Zinder, Gouréet des subdivisions
de Dosso, Gaya et Filingue), par suite du manque de renseignements. La révision
de l'atlas des cercles est actuellement en cours d'exécution,mais il s'agit là d'un

travail de très longue haleine qui demandera la participation des autorités
administratives locales, qui seules actuellement sont en mesure de définir, tout au
moins d'une façon approximative les limites des cantons. Ces limites n 'ont en effet

dans la plupart des cas jamais étédéfinies par des textes et résultent d'un étatde
fait ))60.

Au surplus, malgré l'insistance avec laquelle le Niger martèle cette thèse de la simple

mutation des cantons d'une colonie à l'autre, force lui est d'admettre qu'« en dépit du

souhait souvent exprimépar les administrateurs des deux colonies, le cours de la limite ne

fut jamais précisé par un nouveau texte pour se rapprocher des limites véc ues des

cantons ))61.

1.10 Ce refus d'appré hender l'Arrêtéet son Erratum comme fixant la limite

entre les deux colonies a une conséquencesingulière: la partie nigériennes'interdit tout

rccou rs au tcnnc «titre)) pour dé signer ces instrumcnts fondamcntaux, dont clic admct

pourtant qu'ils ont fixéla limite entre les deux colonies sans avoir jamais étémodifiés
62
jusqu'à l'indépendance • Ils sont désigné s comme «les derniers en date des actes

législatifs ou rége lmentaires de la puissance coloniale ayant fixé ces limites ))63 ;

J'Erratum est le « texte gouvernant les limites des deux colonies ))64,le« seul texte de

référencepour la détenninationde leur frontièrecommune ))65le « seul texte de la période

coloniale détenninantles limites entre les deux colonies ))66.

~ Lettre nO418 AP/2 du directeur de affaires politiques et administratives du gouvernement généralau chef
du cabinet militaire ais croquis de cantons de cercles dont Fada N'Gourma, Say et Tillabéry, 7 juin 1938 -
annexe CMBF 5.
6(Note nO521 CM2 du service géographique de l'AOF au directeur des affaires politiques et administratives
du gouvernement généralais croquis de cantons de cercles dont Fada N'Gourma, Say ct Tillabéry, 25 juin
1938- annexe CMBF 6.
61MN, p.91, par. 6.16.
62MN, p.24, par. 1.32.
63MN, p. 61, par. 5.3.

64MN, p.62, par. 5.3.
6SMN , p.I04 ,par. 7.12.
66MN, p. 83, par.6.9 et p. 103, par. 7.9.

18 1.11 Un tel instrument constitue très précisément un titre territorial, « c'est-à-

dire un document auquel le droit international confère une valeur juridique intrinsèque aux

fins de l'établissement des droits territoriaux ))67Comme les Parties el la Chambre de la

Cour l'ont admis dans l'affaire Burkina/Mali, « le titre qui a prééminencedans le système

colonial [français] est le titre législatif et réglementaire»68, ce qui est précisément le cas

de l'Erratum de 1927. Du reste, dans la mêmeaffaire, la Chambre de la Cour a souligné

« que l'arrêét de 1927 ne concerne pas directement la limite soudano-voltaïque , mais bien

la limite entre la Haute-Volta et le Niger, et qu'aux fins de [cette] espèce elle ne s'y

réfèr[ait]que comme à un élémentde preuve susceptible d'apporter quelque lumière sur

les intentions de la puissance coloniale quant au tracéde la limite entre le Soudan français

et la Haute-Volta »69. Par contraste, dans la présente espèce, l'Arrêtéet son Erratum

apparaissent comme la source mêmede l'assise territoriale respective des Parties et,

comme l'a également rappelé la Chambre en 1986: «L'o bjet de l'arrêté de 1927 étaitde

fixer les limites entre les colonies de la Haute-Volta et du Niger »70.

1.12 Ceci résulted'ailleurs d'une manière parfaitement claire de l'intitulémêm e

de l'Arrêté et de son Erratum qui visent l'un et l'autre àfixer les limites des colonies de la

Haute-Volta et du Niger - ce qui fait justice de l'allégationinconséquente du Niger selon

laquelle « [c]cs textes ne pouvaient [...] avoir d'autre objet que le transfert des cantons

susdits )/1. Ils avaient un objet différent et complémentairede celui du décretdu président

de la République française du 28 décembre 1926, 'portant transfèrement du chef-lieu de la

colonie du Niger et modifications territoriales en Afrique occidentale française'. En effet,

une fois ce« transfèrement ))- objet du décretdu 28 décembre 1926 - décidé, il convenait

de détennÎner le tracéde la nouvelle limite inter-coloniale; tel est très précisément l'objet

de l'Arrêté et de son Erratum.

1.13 Ceci était en effet explicitement prévu par le second paragraphe de

l'article 2 du décret du président de la République:

67c u, arret, 22 décembre 1986, Différelldfrollialier (Burkilla Faso/Mali), Rec. 1986, p. 582, par. 54; v.
aussi: CU, Chambre, arrêt,Il septembre 1992, Différend frontalier terreslre, insulaire el marilime (El
Salvador/Honduras; Nicaragua (illtervenant)), Rec. 1992, pp. 388-389, par.45.
68Ibid , p. 582, par. 53.

6'Ibid, p.590,par.69.
:rIbid , p.642, par. 167.
11MN, p. 84, par.6.1~ v.supra, par. lA.

19 « Un arrê tédu Gouverneur gé néral en Commission pennanente du Conseil du

Gouvernement dé tenninera le tracé de la limite des deux colonies dans cette
région » 72.

C'est ce que fait l'Arrê tédu gouverneur général de l'AOF du 31 août 1927 dont le
troisième visa concerne expressément le décret du 28 décembre 1926.

1.14 C'est d'ailleurs bien ainsi que l'a entendu la Chambre de la Cour dans son

arrêt du 12juillet 2005, relatif à l'affaire du Différend/ron/alier (Bénin/Niger) :

« [l'arrêtéde 19271 a é té pris par le gouverneur général à la suite, et en
consé quence, du décret du 28 décembre 1926 rattachant à la colonie du Niger
(créée quelques a nnéesplus tôt) le cercle de Say. IIappartenait alors au gouverneur
général de pré ciser les limites entre les colonies de la Haute-Volta et du Niger,

dans l'exercice de sa compé tence pour fixer l'étendue des cercles : tel était l'objet
de l'arrêtédu 31août 1927 ))73.

1.15 Il est donc exact que «[cJ'est sur la base de ce dé cret que furent adoptés,

quelques mois plus tard, l'arrêé t du 31août 1927 et son erratum du 5 octobre 1927 )) 74.

1.16 Les travaux préparatoires de J'Arrêé t ne laissent du reste aucun doute à cet

égard. Ainsi :

- par une lettre du 2 avril 1927 au gouverneur du Niger au sujet du rattachement de

certains territoires de la colonie de la Haute-Volta au Niger, le gouverneur général de

l'AOF accuse réception de la lettre du 19 fév rier 1927 du gouverneur du Niger et des

procès-verbaux joints et précise:

« Vous voudrez bien, dèsque la mission Nevières aura pu établir sur place le tracé
de la nouvelle /imite dans la région de Botou, me faire tenir un projet d'arrê té
établi dans la/ormeprévuepar le dit décret du 28 novembre [Sie)1926 ))75 ;

- les deux procès-verbaux qui étaient annexés à la lettre du gouverneur du Niger

portent d'a illeurs un seul visa: « Vu le Décr et en date du vingt-huit Décembre mil neuf

cent vingt six )) ; et

72Annexe MBF 26 (italiques ajoutCes).
73CU, arrêt,12ju illet 2005, DifJérendfronlalier (BéninINiger),Rec.p.146, par. 135 v.aussip.113,
par. 36 : « Un arrgénéraldu 31 août 1927et son erratum du 5octobre de la mêmeannéefixèrent la limite
entre les colonies de la Haute-Volta et du Niger» me formule p. 116, par. 39, ou p. 145, par. 131 de
l'arrêt); ou encorp.147, par. 136 : «arrêtéayant pourobjet, comme cela résultait de son intitulémême,de
fixer la limite entre le Niger et la Haute-Volta ».
74MN, p. 84, par6.11.
75Annexe CMBF 1(italiques ajoutées).

20 - une lettre de la direction des affaires politiques et administratives de la

commission permanente du conseil de gouvernement au sujet des limites entre Haute­

Volta et Niger dejuillet 1927 précise:

« Le rapport nO 40 présenté à la Commission permanente du Conseil de
Gouvernement , dans sa séance du 22 janvier 1927, faisait savoir qu'un projet

d'arrêtéserait ultérieurement soumis à cette assemblée pour déterminer, sur la
proposition de M.M. Les Lieutenants-Gouverneurs intéresséset conformément aux
prescriptions du décret du 28 décembre 1926, la limite exacte des Colonies du

Niger et de /a Haute-Vo/ta, dans la région ainsi remaniée.

En conséquence, j'ai l'honneur de vous adresser ce projet d'arrêté qui a étéétabli

d'après les procès-verbaux en date du 2 février 1927, déterminant les limites du
nouveau cercle de Tillabéry avec la Haute-Volta, du 10 février 1927, fixant les
limites du cercle de Say et de la Haute-Volta et du 9 mai 1927, indiquant les

limites du canton de Botou maintenu à cette dernière colonie.

Si ces dispositions reçoivent votre agrément, je vous serais très reconnaissant,

Monsieur le Gouverneur Général, de bien vo uloir revêitr de votre signature en
Commission permanente du Conse il de Gouvernement, le projet d'arrêtéci­
Jomt » .6

1.17 JIn'est en revanche pas exact que « [c]es textes ne pouvaient donc avoir

d'autre objet que le transfert des cantons susdits )/7 :le transfert ayant étéeffectué en

vertu du décret, l'Arrêé t et son Erratum en tirent les conséquences en déterminant les

nouvelles limites inter-coloniale s en résultant, conformément aux tennes exprès du décret.
78
Au demeurant , comme le Burkina l'avait relevédans son mémoire , il résulte des termes

mêmesde l'Arrêtéque: « (I]es limites des colonies du Niger et de la Haute-Volta sont

déterminées comme suit... »79; ce ne sont donc pas des limites entre cercles ou entre

cantons qu' il entend décrire, mais bien celles qui séparent les deux colonies. Au surplus,

aux dires du Niger, l'Erratum a été adopté précisément pour éliminer la confusion

qu'entretenait l'Arrêtédu 31 août entre limites inter-coloniales et limites entre les
8o
cercles •

71,Annexe CMBF 2 (italiques ajoutées) ; le Burkina n'a retrouvé ni le rappon ne 40, ni le projet d'arrêté
annoncécomme jo int (dont le texte étaitvraisemblablement identique à celui finalement adoptéle 31 août
suivant).
11MN, p. 84, par. 6.11.
78MBF, p. 137, par. 4.95.

79Article 1orde l'Arrdu 31 août 1927.
8{V. MN, p. 20, par. 1.26 et p. 64, par. 5.5 ; v. aussi MBF, p. 137, par. 4.95. Pour une explication ditTcrente
- mais complémentaire de celle avancéepar le Niger, voir CU, t, 12 juillet 2005, Différendfron/al ier
(Bénin/Niger), Rec. 2005, p. 147, par. 136.

21 1.18 Du reste, les administrateurs locaux constaten t expressément que,

contrairement à ce que prétend aujourd'hui le Niger, l'Arrêtéet son Erratum ne parlent

pas en termesde cantons, mais de limites.

1.19 Ainsi, dans une lettre du 9 août 1929 adressée à son homologue de

Tillabéry, le commandant du cercle de Dari, Taillebourg , qui se plaignait des

inconvénients résultant de« la délimitation de 1927 ))8et proposait des aménagements à

celle-ci, précisait trèslucidement:

« Certes, l'arrêtéet l'erratum signés du Gouverneur général ne parlent plus de
cantons, maisseulementdelimites: et cela est capital,je le reconnais ))82,

1.20 De même,dans une lettre du 14août 1929, le mêmecommandant du cercle

de Dori adresse une copie de sa lettre du 9 août au gouverneur de la Haute-Volta dans

laquelle il constate (pour le regretter) « que l'énumérationdes cantons (effectuée dans le

procès-verbal Brévié-Lefilliatre 83] n'a pas été enregistrée dans l'arrêtéet l'erratum de

délimitation » alors qu'il considère qu'« il est rationnel de penser que la Volta a passéau

Niger des cantons, et que ce furent les limites de ces cantons que l'on adopta comme

limites des deux colonies »84 ; mais tel n'est pas le cas, comme il le déplore également

dans unc Icttrc du mêm c jour adressécà nouvcau au commandant dc ccrclc dc Tillabéry,

dans laquelle il note que la décision en matière de délimitation a été prise ; dès lors,

ajoute-t-il: «je me rends compte que ma demande a de faibles bases »85.Tel est aussi le

cas de l'argumentation du Niger, qui reprend à son compte la thèse du commanda nt

Taillebourg - sans signaler qu'elle constituait non pas la description de la situation
86
résultant de l'Arrêté mais sa critique •

1.21 Du reste, et c'est également l'une des nombreuses incohérences de la thèse

nigérienne, le Niger admet que« [cre st (...) sur la seule base des trois procès-verbaux des

81Montrant clairement ainsi qu'il estimait les administrateurs de terrain liéspar elte _ v. infra, par. 1.32.
D'ailleurs, le commandant du cercle de Dori précise: ( Le Résidenl de Téra, liépar les textes, je le
reconnais..» (Annexe MN, sérieC, nO24). Le texte de l'annexe est tronquédans la version fournie par le

Niger.
82Ibid. (italiques ajoutées).
83Le commandant Taillebourg fait ici référence à J'énumérationdes cantons effectuéedans le procès-verbal
Brévié-Lefilliatredu 2 févri1927(Annexe MBF 30), qu'il visait plus haut dans sa lettre.
84Annexe MN, série C, nO25.
8SAnnexe MN, série C, nO27.

U Sur ce point, voir sous-section 2 infra.

222 février, 10 févrieret 9 mai 1927[87] que les nouvelles limites des deux colonies résultant

de cette modification territorialefiw ent décritesultérieurement par l'arrêté nO2336 du 31

août 1927 ~~ 8e8faisant, il reconnaît :

- que le commandant Taillebourg n'a pas été entendu ;

- que l'Arrêté de )927 est la conséquence de la modification territoriale résultant

du transfert de certains cantons au Niger ; et

- qu'il décritlesnouvel/es limites des deux colonies en résultant.

1.22 Ni le Burkina ni le Niger n'ont annexé à leurs mémoires respectifs de

documents réagissant directement à l'Arrêté originaire et le Burkina n'en possède aucun.

Toutefois, le Niger s'appuie abondamment sur ce qu'il appelle « l'accord DelboslPrudon

de 1927 »89, laissant entendre ainsi que celui-ci aurait constitué une alternative à
90
l'Erratum •Toutefois:

1° il se déclareincapable de produire le texte de cet «accord »91 ;

2° les documents qui en auraient constituécertaines bribes et qu'il produit sont
92
eux-mêmesincomplets ;

3° ceux-ci ne critiquent en rien l'Arrêté originaire du 31 août;

4° le Niger affinne que ces documents n'ont pas étépris en compte en vue de
93
l'élaboration de l'Erratum , ce qui ne fait aucun doute mêmes'il est, en réalité , peu

vraisemblable qu'ils ne soient pas parvenus à Dakar - s'ils y ont étéenvoyés - avant

J'adoption de ce dernier qui date du 5 octobre 1927 alors que les élémentssur lesquels

87Respectivement annexes MBF 30, 31et 33.
88MN, p. 19, par. 1.26(italiques ajoutées).
8<V. nol. MN, p. 28, par. 2.4; p. 72, par. 5.11.
90V. nol. MN, pp. 28-30, par. 2.4 et p. 72, par. 5.11.
91MN, p. 19, par. 1.25: «On ne possède pas le mpport de l'administrateur Delbos sur l'iie suivi à
cette occasion avec l'administmteur Prudon )}; et p. 88, par. 6.12: jjLe mpport de DeU)()s sur la
reconnaissance conjointe effectuéeen juin, adresséle 3 août 1927 au gouverneur de la Haute-Volta par une

note portant le438 n'a pas étéretrouvé».
92V. nol. l'(j[e]xtrait nO25 du mpport de tournéede l'administmteur Prudon, datédu 4 août 1927» (annexe
MN, série C, nO15). Le Burkina proteste fonnellement contre la rétenlionde l'information par le Niger : ce
pays a reproduit isolémentcet jjextrait nO»5sans annexer à son mémoireni déposerauprès du greffe
l'intégralité document dont il est déta.hL'Agentdu Burkina a demandéla transmission de l'intégralité
de ce document par l'intennédiairedu Greffier de la Cour (lettre en date du 25 novembre 2011) ; au jour de
l'impression du présentcontre-mémoire, aucune suite n'avait étédonnéeà celle demande.
93MN, p. 19, par. 1,25« Ces documents ne paIVinrenttoutefois pas en temps utile à Dakar pour pouvoir
être pris en compte dans l'élaborationde l'arrdu 31 août 1927»; p. 72, par. 5.11, jjon n'la] pas en

réalitésuivi leur avis, car ce dernier est arrivéaprèsla publicatiot » ; p. 88, par. 6.12, « Quoiqu'il
en soit, les propositions des deux administrateurs arrivèrent trop tard à Dakar, aprèsla publication de l'arrêté
du 31 août 1927, et ne purent en rien influencer le texte de celui-ci, ni le tex». de l'erratum

23 94 95 96
s'appuie le Niger datent selon les cas du 3 ,du 4 et du 27 août 1927 - mais ceci n'en

est que plus significatif : ces documents, dont la partie nigérienne fait si grand cas, n'ont

délibérémen pas étépris en considération lors de l'élaboration de l'Erratum;

5° à vrai dire, il s'agit de documents internes à chaque colonie, qui ont étéétablis

par les commandants de cercle de Dori d'une part et de Tillabéry d'autre part, suite à des

demandes du gouverneur de leur colonie respective 91 - la Haute-Volta et le Niger - et

adresséesà ceux_ci 98 ; et il est fort possible que les gouverneurs n'aient pas jugéutile de

les transmettre au gouvernement central de l 'AOF ;

6° par conséquent, quelle qu'ait étéla situation, ces documents n'ont eu aucune

influence sur la délimitation arrêtéepar l'Erratum, comme ceci ressort du reste très

claireme nt de la superposition schématique des deux croquis sur lesquels se fonde le

Niger 99 avec le tracéde l'Erratum; et

7° ce mêmeschéma montre que les deux croquis de mission de Delbos et Prudon

ne coïncident pas entièrement, et que, en tout état de cause, il y avait en réalitéun

désaccord sur les limites prétendument «vécues» - ce que montrent en particulier les

divergences des documents « Oe1bos-Prudon » entre eux d'une part, et, d'autre part, avec

Je tracédécritdans Ic procès-verbal de réunion entre le gouverneur du Niger ct le délégué

du gouverneur de la Haute-Volta, dit « Brévié -Lefilliâtre )),constatant le rattachement à la

9-Le rapport Delbos, dont le Niger n'ajoint que les croquis qui lui étaiemoriginellemem annexés(v. annexe
MN, série C, nO20) a ététransmis le 3 août 1927 au gouverneur de la Haute-Volta (v. ibid.).
95 Extrait du rapport de tournée nO 25 de l'administrateur Pmdon, commandant du cercle de Tillabéry
~iger) 4,août 1927(annexe MN, sérieC, nO15), auquel estjoint un croquis (annexe MN, sérieD, nO3).
Lenre de l'administrateur Delbos, commandant du cercle de Dori (Haute-Volta), au gouverneur de la

Haute-Volta, portant projet de délimitationentre les cercles de Dori et de Tillabéry,27 août 1927 (annexe
MN, sérieC, n° 16)
97Seule la requêtedu gouverneur de la Haute-Volta a étéverséeau dossier (Télégramme-lettrenO1166/AG
du lieutenant-gouverneur dea Haute-Volta Hesling aux commandants de cercle de Dori et de Fada, 27 avril
1927 - annexe MN, série C, n° II): « Prière m'adresser aussitôt que possible élémentspr&:isdestinésme

pennettre préparation ArrêtéGénéralportant fixations nouvelles limites entre Colonies Niger ct Haute­
Volta ». Il y a tout lieu de penser que le gouverneur du Niger a adressé une demande similaire au
commandant du cercle de Tillabéry.
98Cf. extrait du rapport de tournéenO25 de l'administrateur Pmdon, commandant du cercle de Tillabéry
(Niger), 4 août 1927(annexeMN, sérieC, nO15), p. 3 :~de me permets de vous demander de vouloir bien
appuyer les desiderata de ces chefs auprèsde. le Gouverneur de la Haute-Volta car tous les villages ou

groupements qui désirent passer au Niger sont depuis de longues années installés dans les territoires
nouvellement rattachésà la Colonie ». ; la lettre de Delbos n'apas étéverséeau dossier.
99Croquis (réduction au 111000000de la carte au 1/500000 envoyéepar lettre 438 du 3 août 19~suivant
itinéraireslevéspr le commandant de cercle de Dori », Delbos, et croquis du tracérelevéen juin 1927 par
l'administrateur en chef Pmdon, annexes MN, sérieC, nO20 et sérieD, nO3.

24colonie du Niger des territoires de la rive droite du fleuve en confonnité du décret du 28

décembre 1926)00 , qui suit pour l'essentiell e tracéCoqu ibuS IOI.

1.23 En d'autres tenne s, les rapports de Delbos (pour virtuel qu'il demeure aux

fins de la présente affaire) et Prudon

- ne constituent pas un « accord) ) intercolonial au sens où l'entend le Niger ;

- n'ont nullement étépris en considération aux fins de l 'élaboration de l'Arrê téde

1927 et de son Erratum;

- contra.irement à la délimitation agrééele 2 février 1927 par les deux gouverneurs,

qui est, elle,à l'origine du tracédéfinitivement adopt éle 5 octobre.

100Annexe MBF 30.
101L'administrateur Dclbos souligne que les limites arrêtéespar le procès-verbal Brévié-Leltre du 2
février1927 « avaient étédéterminéesau moyen de la carte du capitaine Coquibus ))(Lettre 731 du 17

décembre 1927, annexe MN, série C, n° 20, p. 1). Pour sa pari, le tracé levé en commun par les
administrateurs Delbos etrudon le suit seulement en partie (cf. le rapport de mission de Prudon, annexe
M N, série C, nO15, p. 1« A part cette légèremodification (au niveau de la chaîne de montagnes situéeau
nord de Nababori], forméepar des frontièresnaturelles, la délimitation du Cercle qu'avait faite le Lieutenant
COQUIBUS est bien celle que nous avons suivie et qui est reconnue par les divers Chefs des cantons
limitrophes des deux colonies intéressées

2526 Croquis nO 2 Comparaison des croquis proposés par

Oelbos (MN, C16)et Prudon (MN, 003) avec

les tracés défendus par les deux parties

N'Gouma
Echelle : 1/500.000
Gui de I(abia

Yatakala

s
-.("--..Report du tracé schématisépar Prudoo (MN, D03)

-.('-.. Report du tracé dèctil par Delbos (MN, C16)

...('-..Position du Burllina Faso
~ Positidela République du Niger

• Local(~souce: Carte 11200.000.IGN 1960)
Doumafe dé

Falagountou

DOUloogou

Boundouré

25 o 25 50 Kilometers Alfassl

27 2. La confirmation de la délimitation effectuéepar l'Erratum

1.24 La partie nigériemlefaiLgrand cas des inconvénients ré sultant des limites

de 1927 et des critiques que celles-ci ont suscitées. Elle y consacre un chapitre entier0,

qu'elle synthétise en ces termes:

«Ainsi que cela a étéexposé, ce texte fut critiqué dès son origine par les

administrateurs et les autoritésdes deux colonies. Ce fut, de part et d'autre, un
concert de plaintes sur l'imprécision des limites et sur les incessantes contestations
auxquelles ces lacunes donnaient naissance sur le terrain. Ce texte cumulait le type

d'erreurs à éviter dans la description de frontière que signalait, de manière
générale,le chef du service géographiquede l'A.O.F. dans une lettre du 8 mai
\942 (... ).

Il résulte du caractère sommaire et imprécis de la description de la limite sur
plusieurs segments que la portéepratique de l'arrêté et de son erratum demeure des
P us Imitee» J03.

1.25 Bien que le Niger en dé duise prudemment qu'« [i]l convient donc de

s'interroger sur les possibilités d'interpréter ces textes en recourant à des critères
cartographiques ou textuel s, aux travaux préparatoires ou à la pratique ~~I ces4,

observations constituent à l'évidence une remise en cause de la frontière décrite par

l'Erratum: selon Ic Niger, il ne s'agit pas « de s'interroger sur les possibilité s

d'interpréterces textes~ ~ ais bel et bien d'en corriger ce qu'il considère comme étantses

« erreurs~~ Et c'est en effet cà quoi il s'emploie dans son mémoirelorsqu'il réinvente un

tracé de la frontière qui s'écarte considérablement de celui que décrit l'Erratum de

1927 105.

1.26 Au demeurant, s'il est exact que certains administrateurs coloniaux de

terrain ont critiqué, parfois assez virulemment, la délimitationeffectuéepar l'Arrêtet son

Erratum, loin de renforcer la thèse nigérienne,ces attaques confirment la positivitéde la

délimitation contestée.

1.27 Selon la partie nigérienne, «[t]out au Jong de cette période[de 1927 aux

indépendances], les conclusions de J'accord DelboslPrudon de 1927 ont continué à

102Chapitre Il _ Les difficultésrencontréeset les incidents survenus dans la zone en litige (MN, pp. 25-38).
I()MN, p. 66, par. 5.6.
1()Ibid.
10$V. la section 2 du présentchapitre et, infra, les chapitres III et IV du présentcontre-mémoire.

29constituer un point de référen ce. Elles sont souvent citéesou préconisées»106 . Toutefois

tous les «exemples» (sans doute fruits de recherches pousséespar la partie nigérienne)
l07
donnésà l'appui de celte affinna tion conduisent essentiellement à une conclusion - que

le Niger s'abstient de tirer: les auteurs de ces documents semblaient, dans certains cas,

avoir une préférencepour cet accord supposé,mais

1° ils l'opposaientà l'Arrêté et à son Erratum; et,

2° souvent, ils reconnaissaient, directement ou a contrario, que, mêmes'ils le
regrettaient, c'est l'Erratum et non ce prétendu « accord» qui avait délimitéla frontière

entre les deux colonies; et,

3° dans d'autres cas, ils ne se référaientpas à la délimitation prêtée à Oelbos et

Prudon mais aux modalités de sa mise en Œuvre.

1.28 Ainsi:

- le tél gramme - lettre nO 815 du commandant du cercle de Tillabéryau cercle de

Dori du 10 octobre 1929 préconise le « [m]aintien du statu quo, c'est-à-dire zone de

tolérance admise en 1927 sans empiètements ni spoliation »10 8 ;il ne s'agit pas ici de

délimitation;

- Ic rapport du commandant du ccrele dc Dari, datédu 7 juillct 1930, relèvc quc

l'Arrêtégénéral du 31 août 1927 « ne tenait pas compte de la délimitation faite sur le

terrain par les deux Commandants de Cercle de Dari et Tillabéry»109; comme un accord

entre administrateurs de terrain ne saurait prévaloir sur un arrêé t général(au demeurant

postérieur), c'est reconnaître que l'Arrêtéet son Erratum avaient établi la frontière

(donnât-elle lieu à des incidents);

- la lettre adressée le la avril 1932 au gouverneur de la Haute-Volta par le

commandant de cercle de Dori (dans laquelle il fait étatd'un accord, dit « Roser/Boyer »,

avec son homologue de Tillabéryll\ énumèredeux hypothèses à envisager pour identifier

le «tracéexact de la limite », dont une consiste à considérerque l'Arrêté et l'Erratum
« ont voulu sanctionner les travaux de MM. les administrateurs Oelbos et Prud'hon [sic],

et consacrer officiellement la limite proposée par eux après leur tournée», et est

106MN, p, 28, par. 2.4.
107Ibid.pp. 28-29.
108Annexe MN, série C. n31.
109Annexe MN, série C, nO38 (italiq ues ajoutées).
110MN, p,74, par5.12 et p90,par.6.14;et annexe MN, sérieC, n45.

30considéréepar le commandant Roser comme «seule logique »111 ; l'auteur fait pourtant

remarquer que les protestations de Delbos telles qu'elles se lisaient dans sa leUre du 17
décembre 192i l2n'ont reçu « aucune réponse» et qu'« aucun erratum nouveau n'est

venu redresser les erreurs incriminées»113.C'est bien que seul un nouveau texte pouvait

venir « réparer» les erreurs prêtées à l'Arrêté modifié,et que l'application pure et simple

de «l'accord Delbos/Prudon» ne pouvait y pourvoir ;

- le procès-verbal Gamier-Lichte nberger du 15 [ ?]114avril 1935 portant règlement

d'un litige territorial à Sinibellabé, ne renvoie pas directement au prétendu {(accord

Delbos/Prudon» mais énonce qu'« en principe [la limite Téra/Dori] est détenninée

suivant les indjcations mentionnées dans la lettre nO 438 du Commandant de cercle de

Dori au Gouverneur de la Haute-Yolta en date du 3 avril [llS]1927 »11 6; les signataires se

montrent très soucieux de respecter la tradition orographique, et de régler le litige

confonnément à celle-ci, pas nécessairementen faisant appel aux textes; il n'est pas sans

intérêtde noter que, quelques jours auparavant, le 13 avril 1935, les même s

administrateurs Garnier et Lichtenberger avaient régléun litige à Ouiboriels ou Yibourié,

en croyant faire application de l'Erratum:

« Avons [décidé ], nous reportant à la délimitation fixéeentre Dori et Téra par
l'arrêtédu 31 août 1927 (Erratum) de nous rendre sur les lieux-mêmeaux fins de

nous rendre compte de l'emrlacement du dit terrain [Ouiboriels, en litige] par
rapport à la limite précitée»11.

Pour régler définitivement le problème, ils implantent (en commettant une erreur

géodésique)une borne sur «une droite idéalepartant de la borne astronomique de Tong­

Tong et allant à la borne astronomique de Tao »118 , ce qui - l'erreur miseà part - constitue
119
en effet, une application pure et simple des textes de 1927 ;

-la lettre du9 mai 1935 du commandant de cercle de Dari au gouverneur du Niger

fait référenceau procès-verbal Gamier-Lichtenberger, aprèsavoir pris soin de préciser, ce

que le Niger oublie de signaler, que les « [l]imites Cercle Dori avec Subdivision Téraont

I IAnnexe MN, sérieC, nO45, p. 5.
112Annexe MN, sérieC, nO20.
lB Annexe MN, sérieC. nO45, p. 5.
114Ils'agit probablement d'une faute de frappe: l'annexe visée (MN,C,énO57) est en réalitédatéedu
25 avril 1935.
IlS~elon le Niger, il faut«août » (MN,p. 29, par. 2.4).

116Annexe MN, sérieC, nO57, p. 5.
117Annexe MN, sérieC, nO56, p.2.
118 /bidpp. 2-3.
119V.infra,chap. 1, section 2, 1.

31étédéterminéespar Arrêé t du 31 Août 1927fixant les limites des Colonies de Haute-Volta

et du Niger suivi d 'Erratum en date du 5 octobre 1927 »120 ;

- dans sa lettre du 10 mai 1935 au commandant de cercle de Tillabéry, le chef de

subdivision de Térase borne à indiquer : «[a]tin d'avoir avec Dari des données aussi

concordantes que possible au sujet de notre frontière,j'ai pris copie de la lettre du 27 août

1927 de M. l'AdministrateurOelbos; je veux bien accepter ceUelimite mais il me semble

nécessaire pour les indigènesqu'elle soitjalonnée)) 121•

- le 19 mai 1943, le commandant de Dari écritavoir trouvédans ses archives un

« croquis non daté et non signé(...) très vraisemblablement de la main de M. Roser et

[qui] daterait de 1932 )). La limite portéesur le croquis, conformément semble-t-il au

rapport Roser de 1932, est une « limite de fait, tacitement entérinéepar procès-verbal

GARNIER-LICHTEMBERGER de 1935, mais non soumise à agrément autorité

supérieure, qu'il nous conviendra d'étudier
à nouveau et, le cas échéant,de proposer cette
fois à l'approbation de M. le Gouverneur ))122ainsi qu'un autre sché ma qui «semble être

de la main de l'Administrateur DELBOS et daterait donc de 1927 (règlement DELBOS

PRUDHON [sic] à la suite duquel des propositions furent faites aux Gouverneurs du Niger

et de la Haute-Volta en vue de modifications à apporter à l'arrêté de 1927 et à l'erratum

subsé quent,prop ositions qui n'eurent pas de suite) )) [23 tout est dit. ..

- la lettre du II juillet 1951 montre que pour le chef de la subdivision de Téra, si

mauvaise fût-elle, la limite est donnéepar les textes de 1927 :

« Le commandant de cercle de Dari (...) a de nouveau affirmé l'intérêtque

présentait à son sens la matérialisationdes limites sur la base de {'erratum de
{'AGGde 1927, enjoignant directement la borne de Tao à Bossébangou.

Il semble que certaines conséquencesde cette manièrede voir lui aient échappé.La
reproduction ci-annexéed'un croquis établi par M. Delbos indique en effet qu'elle
aurait pour résultatd 'amputer le Yagha d'un saillant délimitépar Iga, Tingou et

Nabambori.

L'inexactitude et l'imprécision de l'erratum en cause ont étépar ailleurs maintes

fois soulignées.A titre indicatif je mentionne la solution suggéréeen 1932 par M.
Roser .(. » ))24;

120Annexe MN, sérieC, n° 58, p. J.
121Annexe MN, série C, nO59.À nouveau , le document est difficilement lisible.

m Annexe MN, série C, n067 - soulig ne dans le texte.
lB Ibid(italiques ajoutees).
124Annexe MN, sérieC, n° 73, p.J(italiques ajoutées).

32 -le procès-verbal du 17 mai 1953 12, égalementinvoquépar le Niger à l'appui de

la « réérence» qu'aurait constitué « J'accord DelboslPrudon de 1927» règle un litige

entre deux villages sans faire la moindre référencà cet «accord») ni, d'ailleurs, à aucun

texte ;

- enfin, le rapport Lacroix d24 dé cembre 1955 préciseque« [lJe texte de base en

la matière [délimitation DorirréraJ est l'arrêtgénéraldu 31 août 1927 modifié par un

erratum du 5 octobre de la mêmeannée»126,et ce n'est que dans une perspective

historique qu'il ajoute:

« Auparavant MM. Delbos et Prud'hon [sic] (...) avaient parcouru cette limite et
[il] est possible que leurs conclusions avaient étéprises en considérationdans les
dispositions du texte précitébien que le rapport DELBOS n'ait étéenvoyéque le

27 août à OUAGADOUGOU. Il est dans ce cas regrettable que le projet d'arrêté
présenté par cet administrateur n'ait pas été retenu par les Services du
Gouvernement Généralcar bien qu'à peu près identique aux dispositions de
l'arrêtéet de son erratum il avait le mérite d'apporter quelques précisions
supplémentaires »)12.

Aucun des documents invoqués par le Niger à cette fin ne donne à penser que les

administrateurs des cercles concernésaient fait une confusion entre les propositions (qui
l28
ne semblent pas eoïneider ) de Dclbos ct de Prudon de 1927 (souvent jugées préférables

à l'Arrêté) et la délimitation en vigueur telle qu'elle résultait de l'Arrêtéet de son
Erratum.

1.29 Au demeurant, il ne fait pas de doute que, dèssa publication, l'Erratum du

5 octobre 1927 a fait l'objet de critiques, parfois vives, de la part de certains

administrateurs. Mais il s'agissait de protestations contre une délimitation critiquée par

leurs auteurs mais dont ils reconnaissaient, implicitement ou explicitement, pour le

regretter, qu'elle étaitacquise.

1.30 Le coup d'envoi de la controverse sur les limites fixéespar l'Arrê téest

donnépar la lettre du commandant du cercle de Dari, Delbos, en date du 17 décembre

m Annexe MN sériC nO76
126AnnexeMN: sériC:nO 79:p.1.
127Ibid..2..
128 Vsupra, croquis nO2, p. 27.

331927, qui pointe ce qu'il estime êtredes erreurs dans sa rédactionet demande que «les

1imitesindiquéesdans (sa1lettre 438e 21 soient maintenues ))130.

1.31 Son successeur, Taillebourg, conteste également le principe mê me sur

lequel étaitfondéela nouvelle frontièreentre les deux colonies (définiede novo au lieu de

se fonder sur les limites préexistantes des cantons - si tant est qu'eUeseussent étédéfinies,

ce qui n'est, en réalité, pas le cas) et souligne les inconvénientsen résultanten ce qui

concerne l'attribution et l'occupation nouvelles de terres - provoquant divers conflits de

propriété- et le recensement de la population qui entraînait surtout des difficultés dans la

levéede l'impôt l31•

1.32 Par la suite, il est vrai que la périodecoloniale est émailléede plaintes de la

part de certains administrateurs territoriaux. Mais ces plaintes sont dirigées contre la

délimitation existante et « vécue)) comme telle. Ainsi, par exemple, l'administrateur de

Dori se plaint au gouverneur de la Haute-Yolta de ce que:

«la délimitation de /92 7 paraît avoir étéfaite pour créer des difficultés à la

yalta)); «je pourrais, avec votre autorisation, établir un rapport sur les difficultés
que la délimitationde 1927 a suscitées,rapport demandant, pour /0 fin de /930,
une nouvelle délimitation )) 132.

Dans le mêmeesprit, pour leur part, l'ensemble des lettres de Taillebourg de juillet-août

1929soulignent les rigueurs excessives de la délimitation1l3 .

1.33 Il faut en outre faire la part de facteurs extrinsèques. Ainsi, la dénonciation

des frontières dites artificielles est une pratique courante chez les administrateurs

coloniaux. Au surplus, le caractère arbitraire de la délimitation répondait à des enjeux
fiscaux ou d'efficacité administrative, qui faisaient peu de cas de la nature, physique

comme ethnique, des territoires que le colonisateur connaissait mal: il s'agissait

prioritairement de déployerune administration directe, centraliséeet capable d'assimiler

les populations l34; parfois ce détachement des réalités,spécialement ethnographiques,

129Probablement sa lettre au gouverneur de la Haute-Yalta du 27 août 1927(annexe MN, série C, nO16).
DOAnnexe MN sérieC nO20

IIIV. SI/prpa 1.1.-i.20et'annexes MN, sérieC, nO24, 25 et 27.
III Lettredu commandant de Dori du 26 février1930 au Gouverneur de la Haute-Yolta,annexe MN, sérieC,
nO32 (italiques ajoutées).
lB Y.supra, pars. 1.19-1.20.
Il .Y. 1.Brownlie, African Boundaries, Londres, Hurst, 1979, pp. 6-7, ouJ. de Pinho Campinas,
« L'actualitéde l'I//ipossi»,in SFDI, Lafrontière, Paris, Pedone, 1980,pp. 96-97.

34était mêmerecherchépour empêche r les regroupements de populations apparentées ou

assembler des ethnies très différentes, brisant ainsi les tentatives de résistance à
135
1'occupation •

1.34 Le Niger cite également un certain nombre d'accords entre administrateurs
136 l31
tendant à préciser la limite de leur circonscription territoriale .Aucun d'entre eux n'a

fait l'objet d'une approbation par une autorité supérieure, et n'a donc de valeur

obligatoire. En tout état de cause, ces « accords) ne sont pas retenus conune des

documents pennettant de déterminer la frontière par l'Accord du 28 mars 1987 et les

Parties ne se sont pas déclarés ed'accord pour les prendre en considération à cette fin.

1.35 Dans le mêmeesprit, on peut relever que le Niger consacre toute la section

2 du chapitre II de son mémoire aux « difficultés rencontrées durant la périodepostérieure

à l'indépendance ))138Ces développements qui portent sur des incidents ne pouvant avoir

d'influence sur la délimitation des frontières héritéesde la colonisation sont également

dépourvus de portéejuridique: postérieurs à l'«instantanéterritorial à la date critique »139

ces faits ne peuvent en aucune manière déplacer ni affaiblir le titre colonial constituépar

l'Arrêté et son Er ralum 140- au surplus, le pourraient-ils au regard du droit international

générla- quod non, que l'Accord de 1987 entre les Parties empêcheraitqu'ils puissent

êtrepris en considération.

1.36 Du reste, l'insistance du Niger à mettre en évidence les critiques dont les

textes de 1927 ont étél'objet se retourne contre lui : le fait que la limite soit considéré e

IH V. y. Person,( ~'Afrique noire et ses frontiè»,sRevue française d'étudespolitiques africaines n° 80,
août 1972, pp. 31-32. On a mêmepu voir des limites coloniaLes tre modifiéesen fonction des besoins de
main d'Œuvre de l'un ou de l'autre côtédca frontière: vL 1005,« Des frontières trop souvent établies au

grédes colonisateurs»,Le Monde diplomatique, février 1965, pII.
136MN, pp. 33-34, par. 2.8.
m Selon le Niger, il faut faire une exception pour l'accord de 1935 sur la pose d'une borftVibourié
«( C'est, en réalité,le seul accord entre cercles, postérieur à 1927, qui ait fait l'objet d'une approbation par
l'autorité supérieure» - MN, p. 93, par. 6.20). Certey,a bien eu approbation d'une autoritésupérieure,
mais il s'agit non pas du gouverneur géneral de l'AOF (auteur de l'téde 1927), mais du gouverneur du
Niger, ce qui est normal puisque, la Haute-Volta ayant étédisloquée,il s'agissait d'une limite intracoloniale

(délimitation entre cercles relevanta seule colooie du Niger). Au demeurant, comme la partie nigérienne
le relève ele-même: « cet accord est [...] postérieurà la date de disparition de la Haute-Vo lta et, à ce titre,
son maintienaprès la renaissance de celle-ci pourrait êtrediscuté» (ibid.).
lJ8MN, pp. 35-38, pars. 2.9-2.11.
139CU, arrê,t 22 décembre 1986, Différendfrontalier (Burkina Faso/Mali), Rec1986, p. 568, par. 30. V.
aussÎ MBF, p. 26, parUl et p. 57, pars. 2.6-2.7.
140 CU, Chambre, arrê,t 11 septembre 1992, Differend frontalie r terrestre, insulaire et maritime (El

Salvador/Honduras; Nicaraglla (intervenant)), Rec. 1992, p. 398, par. 61 ; ou CU, arrê,t 10 octobre 2002,
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria(Cameroc.lNigéria; Guinéeéquatoriale
(intervenant), Rec. 2002, pp. 351-355, pars. 64-70.

35comme arbitraire par certains administrateurs coloniaux montre qu'ils en connaissaient et

l'existence et le tracé.Et leurs demandes répété sede modification de cette délimitation

indique a furtiuri qu'ils la considéraient comme établie. Or celle limite n'a jamais été

modifiée.

1.37 Du reste, lorsque ces critiques auraient pu êtrel'occasion d'adopter un

nouvel arrêtéde délimitation, cette occasion n'a jamais été saisie par l'autorité

compétente.Ainsi par exemple, par une lettre du 19mars 1930, le gouverneur de la Haute­

Volta demandait au commandant de Dori de faire un rapport sur les difficultés que la

délimitation de 1927 avait suscitée s et d'y joindre « toutes propositions [jugées]
142
utiles »141; le rapport qu'il a établipour faire suite à cette demande n'a manifestement

débouché sur aucune nouvelle délimitationalors mêmequ'il concluait: « À la suite de

cette tournéeje soumettrai le cas échéantdes propositions pour rectification de la limite

entre le cercle de Dori et le cercle de Tillabéry }}143.Les plaintes des administrateurs sont

écoutées,mais aucune suite n'y est donnée. Comme l'a noté la Cour dans l'affaire

Burkina/Mali, elle ne saurait tenir compte d'une modification proposée par un

administrateur de cercle allant à l'encontre du titre frontalier faisant droit entre les Parties
l44
si elle n'a pas étéapprouvéepar les autoritéssupérieures compétentes •

1.38 Au demeurant, s'il insiste sur les insuffisances prêtése à l'Arrêté et à son

Erratum, leNiger n'en reconnaît pas moins que la limite n'a jamais étémodifiéesuite aux

récriminations des administrateurs. Se posant la question de savo ir quelle portée

reconnaître aux accords locaux passésentre commandants de cercles, il rappelle qu'ils

n'avaient «a ucune compétencepour se substituer à l'autoritécoloniale compétentepour

modifier ou préciser les limites entre colonies })14et s'applique à énumérerdes cas précis

dans lesquels les administrateurs ont rappeléque seules les autoritéscoloniales supérieures

(gouverneurs et gouverneur générla) avaient compétenceen matièrede délimitationinter­

coloniale 146.

141Annexe MN, sérieC. nO33.
142Rapport du 7 juillet 1930 sur les difficult éscrééespar la délimitation établie en 1927 entre les colonies du
Niger et de la Haute-Volta (arrdu 31août 1927) en ce qui concerne les limites entre le eercle de Dori et
cercle de Tillabéry, annexe MN, sérieC, nO38.
143Ibid.p. 12 (italiques ajoutées).
144CU, arrêt,22 décembre 1986,Différendfrontalier (Burkina Faso/Mali), Ne1986, p. 627, par. l37.
14$MN, p. 73, par. 5.12.

146MN, pp. 73-74, par. 5.12; sont ciàéces pages: un télégrammedu JOoctobre 1929 du commandant de
Tillabéry (annexe MN, sérieC,nO31) ; l'accord d'Ossolo du L2 mars 1931 qui devait êtreapprouvé par les
gouverneurs des deux colonies (annexe MN, sérieC,O 41) mais qui, s'il l'a étépar le gouverneur du Niger,

361.39 Le Niger souligne qu'« [e]n dépit du souhait souvent exprimé par les

administrateurs des deux colonies de préciser le cours de la limite par un nuuveau {exle

pour se rapprocher des limites vécues des cantons, ceci ne fut pas réalisé »141.C'est

reconnaître que pour modifier le tracéde la limite détenninée par l'Erratum, un nouvel

Erratum était indispensable. Aucun ne fut jamais adopté.

Section 2

Des approximations etdes erreur s dan s la mise en Œuvre de l'article 2 de l'Accord

du 28 mars 1987

1.40 Après s'êtreemployé à déconsidérer l'Arrêtéde 1927 et son Erratum, le

Niger s'efforce de vider de toute portéeconcrète J'article 2 de l'Accord conclu entre les

Parties le 28 mars 1987, aux tennes duquel :

« La frontière sera matérialîséepar des bornes frontières confonnément au tracé
décrit par l'arrêté 2336 du 31/08/1927, précisépar son Errat um 2602/APA du
5/10/1927. En cas d'insuffisance de l'Arrê té et de son erratum, le tracésera celui

figurant sur la carte à 11200.000e de l'Institut Géographique National de France,
édition 1960, et/ou de tout autre document pertinent acceptéd'Accord Parties n.

Le deuxième alinéadu préambule du Compromis du 24 février 2009, par lequel les Parties

ont saisi la Cour de céans,cite expressément cette disposition.

1.41 Le mémoire du Niger témoigne d'une conception singulière,

particulièrement laxiste, subjective et incertaine de l'expression «en cas d'insuffisance de

par une lettre nO1361 AGI du 13avril 1931(mentionnéedans l'annexe CMBF 3), n'a pu obtenir la sanction
du gouverneur de la Haute-Volta (v. le rapport annuel du cercle de Tillabérypour l'année 1931, annexe
CMBF 3, p. 3), malgréles appels à la ratification des administrateurs nigériens0(40 AGi du chcf
de cabinet Tellier au Gouverneur de Haute-Volta, 6 février1932, annexe MN, sérieC, nO44, p.ilne
l'a pas plus reçue du gouverneur généralde l'AOF ; l'accord Roser-Boyer d'avril 1932 (annexe MN, série
C. nO 45); une circulaire de 1933 adressée par le gouverneur général de l'AOF à ses lieutenants­

gouverneurs, rappelant que «[t]oute limite de cercle ou de su\x:livisionqui ne résulteraque d'un étatde fait,
non encore sanctionnépar un texte officiel, devra faire d'urgence, l'objet d'un arrêtélocal pour les limites
des subdivisions, d'un projetrrétégénéralpour les limites des cer»l(annexe MN, sérieC. nO48 ; les
italiques sont du Niger) - ce qui montre bien que seul un nouveau projegénérlaétaitsusceptible de
venir modifier légalement l'Erratum de 192~ ;finalement, le Niger admet que ( [IJe seul accord de la
périodecoloniale qui semble avoir étéperçu comme constatant la IimÎte du cercle de Tillabéryfut celui
adoptépar procès-verbal du 13 avril 1935 (concernant la borne de Ouiboriels [VibouriéD», et encore cet

accord ne fut-il approuvéque par le gouverneur du Niger, précise le mémoirenigérien(p. 74, par. 5.12) ; sur
cet accord et son approbation,supra, la note 137.V. aussi MBF, pp. 66-73, pars. 2.35-2.50.
147MN, p. 75, par. 5.13 (italiques ajoutées).

37l'Arrêtéet de son erratum ~~qui figure dans l'articl2 tant de l'Accord du 28 mars 1987

que de son Protocole (1.) et ne fait aucun cas de la limitation des documents auxquels les

Parties sont convenues d'avoir recours en une telle occurrence (2.).

1. « •••en cas d'insuffisance de l'Arrêtéet de son erratum ~>

1.42 Lorsqu 'il présente l'Erratum, le Niger insiste sur son caractère

« particulièrement rudimentaire ~~81,ain de tenter de justifier une argumentation qui a

pour objectif principal'en éluder l'applicatio149,sans jamai s prendre la peine de définir

en quoi pourrait consister une insuffisan aues~ns de l'artic2ede l'Accord de 1987.

1.43 Le texte del'Erratum est qualifiéde« particulièrement» ou « extrêmement

succinct» mais ce caractère est affirmé sans jamai s être démontré. D'une manière

générale,le Niger se borneà se fonder sur la longueur du segment de frontière décrit:

- pour le secteur de Téral'Erratum serai« particu lièrement succinct» parce qu'il

n'évoquerait que deux points-frontière sur 150 kilomètres: la borne astronomique de
150
Tong Tong et la borne astronomi que de Tao - ce qui est d'ailleurs inexactl'Erratum

précise que la frontière atteint « la rivière Sirba à Bossebangou»; mais la partie

nigérienne déclarepéremptoirement que ceci « reste problématique }151 ;

- dans le secteur de Say, c'est cette fois le nombre de lignesl'Erratum rapporté

à la distance décrite qui est l'argument: cinq lignes pour décrire près de 160

kilomètres152; ~[c]ette description des limites s'avère donc extrêmement succincte »153.

1.44 À deux reprises, le Niger n'hésite pasàécarter purement et simplement les

termes mêmes de l'Erratum. Tel est le cas en premier lieu de l'expressi«nà haute ur du

parallèle deSay > ~tiliséedansl'Erratum pour désigner l'endroit o« revenant au Sud, [la

frontière] coupe de nouveau la Sirba ~~:à cet égard, affirme le Niger, « le texte de

148MN, p. 65, par. 5.6.
149Selon le Nige«,des indications [relatives aux cantons] peuvent compléter les énoncéssommaires de
l'arrêet l'erratum de 1927» (MN, p. 86, par. 6.11).
ISOMN, p.83,par6.9.
ISIIbid.

IS2MN, p.104, pa7.11.
lB Ibid.

38l'erratum ne doit pas faire l'objet d'une lecture trop littéralesur ce point »154. De même , la

partie nigériennen'hésitepas à écarterle terme «sa illant» qui n'aurait «aucun sens au

regard de la limite intercoloniale »155,mêmesi elle prétendensuite iiinterpréter» cette

partie de l'Erratum en sa faveur.

1.45 Pour le reste, le Niger se montre en apparence plus prudent mais il écarte

en fait les dispositions de l'Erratum sans le dire expressément:

- soit il invente des points que l'Erratum ne mentionne pas (par exemple la borne
I56
de Vibourié, présentéecomme une interprétationde l'Arrêté ; ou le« poteau frontière»

sur la route Niamey-Ouagadougou I5);

- soit, au contraire, il escamote des points que l'Erratum mentionne expressément
158
- ainsi de Bossébangou -, en prétextantl'erreur , cette disparition ayant elle-mêmeun

impact sur la suite de la ligne puisqu'elle entraîne celle du saillant, qui n'a plus de sens
l59
dans le tracéque retient le Niger ;

- soit il invoque à tort un prétendusilence de l'Erratum - par exemple lorsqu'il

affimle qu' : « [à] partir de la borne astronomique de Tao (...), le texte officiel ne donne

plus aucunc indication jusqu'au point où la limitc intcrcolonialc rejoint les limitcs du

cercle de Say »160;or il s'agit là d'une pure pétitionde principe: le texte n'est ici ni plus

ni moins disert que s'agissant du segment précédent(de la borne de Tong-Tong à celle de
l61
Tao) dont le Niger s'accommode ;

- soit encore, il reconnaît que le texte de l'Erratum est parfaitement clair pour,

ensuite, l'ignorer superbement; ainsi en ce qui concerne le secteur ~ fin du saillant - début

1s.MN, p. 115, par. 7.32. Il est asscz paradoxal de constater que le Niger met ici en garde contre une lecture
(~trop littéra»ede l'Arrêtémodifié, dont il dénonce continuellement par ailleurs le caractère excessivement

succinct.
m MN, p. 112, par. 7.26.
156MN, p. 93, par. 6.20.
lS1MN, p. 120, par. 7.40.
158MN, p. 105, par. 7.14.
159MN, p. 112, par. 7.26.

160MN, p. 93, par. 6.21.
161Dans le secteur de Téra ici en cause, l'Erratum se lit ainsi: ~... à la borne astronomique de Tong­
Tong ; cene ligne s'infléchit ensuite vers le Sud-Est pour couper la piste automobile de Têraà Dori à la
borne astronomique de Tao situéeà l'Ouest de la mare d'Ossolo, et atteindre la rivièreSirba il Bossebangou.
Elle remonte presque aussitôt vers le Nord-Ouest laissant au Niger, sur la rive gauche de cette rivière, un
saillant comprenant les villages de Alfassi, Kouro, Tokalan,nkouro ; puis, revenant au Sud, elle coupe de

nou veau la Sirba à hauteur du parallèle de Say».

39de la boucle de Botou ~ ,le Niger admet que «[c]et énoncé [162] apparaît d'une grande

simplicité ~,~avant d'ajouter - sans lien logique avec l'assertion précédente - que,

(([p]ourtant, le tracéde limite rectiligne qu'il institue ne paraît pas avoir de base dans la

situation préexistante à l'adoption de l'erratum et ne s'est nullement retrouvé consacré
. 1 . . 163
d ans a pratIque u teneure ~~ .

1.46 À cet égard, le Niger commet une double erreur: en premier lieu, il part de

l'idée(erronée) que l'Arrêtéet son Erratum entendaient consacrer le statuqllo ante et y

renvoyaient implicitement , alors qu'ils avaient pour objectif de {<fixer les limites des

Colonies de la Haute-Volta et du Niger ~)1 en sec;ond lieu, il entend faire prévaloir une

soi-disant pratique ultérieure sur le texte clair del'Erratum, ce qui n'est confonne ni au

texte de l'article 2 de l'Accord entre les Parties de 1987, ni aux principes généraux
l65
applicables en matière de délimitation des frontières terrestres .

1.47 En réalit, la « stratégiejudiciaire» du Niger ne repose sur aucun principe

juridique. Il s'en tient à la technique dpick and choose et ne retient del'Erratlim que les
l66
quelques points qui lui paraissent susceptibles de servir au mieux ses intérêts . Pour le

reste, tout est prétextà critiquer l'Arrtéet son Erratum afin d'en écarter l'application au

profit d'une panoplie d'instruments (<accords» prétendument passés entre

administrateurs locaux, échanges de lettres entre autorités coloniales, rapports de mission)

ou de comportements divers (prétendues effectivités coloniales ou post-coloniales)

auxquels ni l'article 2 de l'Accord burkinabè-nigérien de 1987, ni les principes généraux

du droit international applicables en la matière ne conferent la moindre autoritéjuridique.

1.48 Il suffit de rappeleà cet égard, que, conformément à la célèbrefonnule de

la Chambre de la Cour dans l'affaire Burkina/Mali, maintes fois reprise:

« Dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une administration

effective s'ajouteà l'uti possidetis juris,l"effect ivité'n'intervient en réalitéque
pour confirmer l'exercice du droit néd'un titre juridique. Dans le cas où le fait ne
correspond pas au droit, où le territoire objet du différend est administré

effectivement par un État autre que celui qui possède le titre juridique, il y a lieu de

'62« De ce point la frontière, suivant une direction Est-Sud-Est, se prolonge en ligne droite jusqu'à un point
situéâ 1200 mètres Ouest du village de Tchenguiliba» .
'63MN, p. 116, par. 7.35.

'MY. supra , pars.1.10-1.12 .
'65Y. infra, pars. 1.49-1.53 ct 4.3-4.8.
'66Essentiellement en ce qui conceme le secteur des quatre villages ; v. MN, pp. 112-116, pars. 7.25-7.33.

4{) préférerle titulaire du titre. Dans l'éventualitéoù l'effectivité ne coexiste avec
aucun titre juridique, e lle doit inévitablement êtreprise en considération. Il est
enfin des cas où le titre juridique n'est pas de nature à faire apparaître de façon

précise l'étendue territoriale sur laquelle il porte. Les effectivités peuvent alors
jouer un rôle essentiel pour indiquer comment le titre est interprétédans la
pratique» 167.

Conformément à ces règles,

« La détenninationdu tracéde la limite intercoloniale à la date critique commande

de se tourner d'abord vers les titres juridiques invoqués par les Parties, les
effectivités ne devant intervenir, le cas éc héant, qu'à titre confirmatif ou
subsidiaire }}168.

1.49 En outre, lorsqu'elle est en présenced'un titre juridique solide - comme

c'est à l'évidencele cas de l'Erratum de 1927'69- la Cour se refuse à en écarter le texte

pour quelque raison que ce soit et mê me à seulement examiner les arguments

supplémentaires que les Parties ont discutéslors de la procédure 170.Ainsi, dans l'affaire

Cameroun c. Nigéria, la Cour a relevé« que le texte du paragraphe 25 de la déclaration

Thomson-Marchand prévoittrès expressément que la frontière doit passer par la 'ligne

erronéede partage des eaux indiquéepar la carte Moise!' ))et considéréqu'(([u]o tracé

clair ayant étédonné àla frontière par les auteurs de la déclaration, la Cour ne saurait

s'écarter de ce tracé}) 171.Dans ce mê me arrê,tle respect inconditionnel du texte apparaît

également à l'occasion de l'interprétation des paragraphes 26 et 27 de la déclaration
172
Thomson-Marchand : bien qu'elle reconnaisse que le village nigériande Kotcha s'est

développé de part et d 'autre de la ligne en territoire camerounais, la Cour rappelle

qu'«elle n'a pas compétence pour modifier une Ilgne frontière délimité,e mê me dans

J'hypothèseoù un village auparavant situéd'un côtéde la frontièrese serait étendu au-delà

de celle-ci. Il appartiendra en revanche aux Parties de trouver une solution aux problèmes

167cu, arrê,t22 décembre 1986, Différendfmntalier Burkina/Mali, pp. 586-587, par. 63; confirmépar CU,
arrêt, Il septembre 1992, Différendfrontalier terrestre, insulaire et maritime, El Salvador/Honduras ;
Nicaragua (intervenant)), Rec. 1992, p. 398, par. 61 ; CU, art, 10 octobre 2002, Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun e/ le Nigéria(Cameroun c. Nigéria " Guinéeéqu%riale (intervenant)), Rec.

2002, p. 353, par. 68 ou p. 415, par. 223 ; ClJ, arrêt,17 décembre 2002, Souverainelésur Pu/au Ligilan el
Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), Rec. 2002, p. 678, par. 126 ; ou CU, arrêt,12 juillet 2005, Différend
fronlalier (Bénin/Niger),Rec. 2005p.120, par. 47V. aussi MBF, pp. 59-61, pars. 2.13-2.19.
168CU, arrêt,12juillet 2005, Différendfron/alier (Bénin/Niger), Rec. 2005, p. 143, par. 128 ; v. aussi p. 149,
par. 141.
169V. supra, pars. 1.3 1.I1.
110Cf. CU, Differend terri/orial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), R1994, pp. 39-40, pars. 75-76.
111CIJ, arrêt,Frontiere terrestre et maritime enlre le CamerOUflelle Nigeria (Cameroun c. Nigéria;Guinée
équatoriale (in/avenant)), Recueil 1002, p. 372, par. 118.

172((26) Puis la frontière passe par le mont Mulikia (.27))Du sommet du mont Mulikia elle atteint la
source du Tsikakiri, laissant Kotchal'Angleterre et Dumo àla France; puis elle longe une ligne jalonnée
provisoirement par quatre bornesar MM. Vereker et Pition en septembre 1920)~.

41qui en ré sulteraient, aux fins d'assurer le respect des droits et intérêtsde la population
locale » 173,

1.50 Ces principes, dont le mémoire nigérien fait totalement fi,doivent trouver

pleine application en la présenteespèce,

2. «... le tracésera celui figurant sur la carte IIGN) et/ou de
tout autre document pertinent acceptéd'accord parti es »

1.51 L'article 2 de l'Accord du 28 mars 1987 ne se borne pas à reconnaître la

prééminencedu tracédécoulantdu titre frontalier que constituent l'Arrêté de 1927 et son

Erratum; en cas d'insuffisance de ces actes, il limite en outre la possibilitéde recourir à

d'autres documents pour établir le tracé de la frontière à, d'une part, « la carte à

1/200,000eme de l'Institut Géographique National de France, édition 1960 n, et/ou, le cas

échéan,t à « tout autre document pertinent accepté d'accord parties », Nonobstant cette

disposition dépourvue de toute ambiguïté, et bien qu'il reconnaisse que ces deux critères

sont subsidiaires l14et qu'aucun autre document n'a étéaccepté d'accord Partiesm, le

Niger, lorsqu'il croit y trouver son intérê ,tn'hésitepas à:

- faire prévaloirle tracéde la carte IGN sur le texte de l'Erratum ; et à

- écarter tant ce texte que la carte au profit d'un tracé alé atoire qui résulterait

d'instruments divers et d'effectivités tant coloniales que post-coloniales dont il se prévaut.

1.52 Comme cecI est indiqué ci-dessus, le Niger, confondant concision et

imprécision, part de l'idée erronée que, même prééminent, l'Erratum est imprécis,

« particulièrement rudimentaire »176, et abusivement succinct 177, Et cela serait avéré

s'agissant des deux secteurs du tracélitigieux: celui de Téracomme celui de S ay 178,Il

serait donc impraticable: « Il résultedu caractère sommaire et imprécisde la description

173Ibid.p.374, par. 123.
174MN, p. 75, par. 5.13.
I7SLe Burkina en est égalementd'accord, sauf à voir dans rac cord relatif aux:problèmes frontaliers que
constitue l'échangede lettres des 29 octobre et 2 novembre 2009 un tel document (MN, p. 77, par. 5.16).

176MN, p. 65, par. 5.6; v. aussi: p. 84, par. 6.10.
177MN, p. 83, par. 6.9, ou p. 104, par. 7.11.
118V. supra,pars. 1.42-1.43.

42de la limite sur plusieurs segments que la portée pratique de l'arrêtéet de son erratum

demeure des plus limitée))179.

1.53 Ce caractère rudimentaire justifierait que l'on écarte tant l'Arrêtéque la

carte de 1960 pour « rechercher une autre piste pour identifier)) la frontière180. À cette fin,

il serait loisible d'avoir recours à des « documents administratifs de l'époque coloniale )),

de façon à « compléter les énoncéssomma ires de l'arrêé t et de l'erratum de 1927 ))181et de

s'app uyer sur des effectivités, sans trop de souci de leurs contradiction s avec le texte de

1'Erratum '82. Ceci va très au-delà de ce qu'envisage l'Accord de 1987 et de ce que

pennettent les principes généralement reconnus en matière d'interprétation: interpréter

n'est pas compléter - surtout lorsque les Parties sont expressément conven ues d'énoncer

limitativement les instruments auxque ls il est loisible d'avoir recours en cas d'insuffisance

du titre.

1.54 Ce processu s de neutralisation de l'Arrêté et de son Erratllm est à l'Œuvre

sur l'ensemble du tracéobjet du différend soumis à la Cour. Dans le « secteur de Téra »), le

texte est qualifiéde «particulièrement succinct »1e 8t le Niger voit de l'obscuritédans sa

simplicité. 11 s'agit de rechercher des « piste[s] pour identifier ce tronçon de la limite entre
l84
les deux territoire s »,ct c'est vers « l'historique de sa genèse» que le Niger se tourne .

Les travaux préparatoires p enne ttraient de trouver des indication s (relatives aux cantons)

propres à compléter j'é noncédu texte officiel 185. En outre, la partie nigérienne n'hésitepas

à se fonder sur des documents , comme les rapports Delbos l 86 et Prudon , qui n'ont pas été

pris en compte durant l'élaboration de l'Arrêté mais qui n'en auraient pas moins « le

méritede montrer l'un et l'autre que la ligne étaitsinue use »)188.

119MN, p. 66,par 5.6.

180MN, p. 84, par. 6.11.
181MN, p. 86, par6.11.
182Celles-ci se fondent sur les plaintes des administrateurs (v.ral MN, pp. 25-34, et spécialement les
lettres du commandant de Dori, p. 26, par. 2.3). Il est notamment fait un recours appuyéau tracéDclbos­
Prudon, qui servait selon le Niger aux autoritéscoloniales à composer avec l'imprécision qu'il prêteil
l'Erratum (v. spécialement MN pp. 2R-30, par. 2.4), et le Niger insiste sur les procès-verbaux conclus par les

administrateurs pour préciserleurs limites, spécialement l'accord Roser-Boyer de 1932 et la convention
d'Qssolo de 1931, dont la partie nigérienneremarque cependant elle-mêmequ'ils n'ont pas fait l'objet de
l'approbation requise (MN, pp. 33-34, par. 2.8).
183MN, p. 83, par. 6.9 ; v. supra, par. 1.43.
184MN, p. 84, par. 6.11
18$MN, p. 86, par6.11 et p. 90, pa6.15.
186Qui 11n'a pas étéretrouv»••(MN, p. 88, par. 6.12) ; v. ausI/prapars. 1.22-1.23.

187MN, p. 88, par6.12 etsupra,par. 1.22.
188MN, p. 87, par. 6.12.

43 1.55 Dans le second secteur, celui de Say, le Niger se montre ouvertement

offensif à l'égarddu texte: il prétend«démontrer qu'il existe des raisons bien établiesde

s'en éc:urler à cerlains égards » 189.Et ces raisons seraient à rechercher dans la pratique

coloniale: celle-ci serait contraire à l'énoncéde l'Erratum s'agissant en particuli er de
l90
Bossébangou.En effet, aussi bien le matériaucartographique de l'époque que J'attitude
191
des autoritéscoloniales tant avant qu'après l'adoption de !'Arrêté démontreraient gue,

contrairement au texte de celui-ci, la limite intercoloniale n'atteindrait pas la rivière Sirba

à Bossébangou mais s'arrêterait en «un point proche du hameau de Nabambori, non loin

d'Alfassi »192. Dès lors, l'Arrêtémodifié serait dans l'erreur et « la continuation de la

hmite intercoloniale jusqu'au village de Bossébangou est dépourvue de fondement »1 93 -

au plus grand avantage de la partie nigérienne.

1.56 Dans le «secteur des quatre villages», le Niger affecte de revenir à une

démarche d'interprétation du texte l94, mais en en méconnaissant les tennes (le mot

« saillant » notamment l9) et en recourant pour pallier les insuffisances qu'il prêteà

l'Erratum, non pas, comme le voudrait l'Accord de 1987, à la carte IGN de 1960 mais au
l96
matériaucartograp hique de l'époque et à un télégramme-lettre du chef de la subdivision
197
de Say au cercle de Dori •Le mêmetype de sources - matériaucartographique colonial,

un documcnt préparatoire ct un rapport de tournée isolé- conduit le Niger à écarter une

« lecture trop littérale» de l'Erratum l98et, en réalité, à 1'« interpréter» d'une manière

parfaitement incompatible avec son texte pour ce qui est du point marquant la fin du

saillantl99. riva de soi qu'à nouveau , cette « interprétation », si l'on peut l'appeler ainsi,

est trèsfavorable au Niger.

1.57 La primauté donnée à certains éléme nts de la pratique coloniale alléguée

sur l'Erratum interprétéde cette manière très laxiste se répètedans le tronçon « fin du

saillant/début de la boucle de Botou ». Estimant que « [I]e dernier segment de limite dans

le secteur de Say est décrit dans l'erratum de 1927 de manière particulièrement

189MN, p. 105, par. 7.12 (italique s ajoutées).
190MN, pp. 107-10R, pars. 7.17-7.1R .

l'JIMN, pp. 108-1 ]0 , pars. 7.19-7.20.
192MN, p. 110, par. 7.20 .
193MN, p. 105, section A., Sciol'Erratum, la limite attej1!arivièreSirbaà Bossébangou }).
1'JMN, p. 112, par. 7.27.
19~v. supra, par0.15.

1% MN, p. 114, par. 7.30
197MN, p. 114, par. 7.31 (v. l'annexe MN, sérieC, nO61).
198MN, p. 115, par. 7.32 .
1'1MN, pp. 115-1 ]6 , par. 7.33.

44lapidaire »200,le Niger affinn e que« le tracéde limite rectiligne qu'il [l'Erratum] institue

ne parait pas avoir de base dans la situation préexistante à l'adoption de l'erratum et ne

s'est nullement trouvéconsacrédans la pralique ullérieure )/01.

1.58 Ce mode de raisonnement ne trouve aucun fondement dans l'Accord de

1987 aux tenne s duquel, en l'absence d'accord des Parties sur quelque autre document
202
que ce soit , seule la carte lGN de 1960 est susceptible de venir pallier une éventuelle

insuffisance de l'Arrêé t modifié.

1.59 Or, lorsqu'une telle insuffisance est alléguée,ce n'est pas nécessairement à

la carte que le Niger fait appel. Outre les exemples donnés ci-dessus, l'argumenta tion

déployé e à propos du secteur «fin du saillant/début de la boucle de Botou » illustre

l'usage fantasque que le Niger fait de la carte IGN 203.

1.60 L'argumentation du Niger au sujet du tronçon Tao-Bangar é établit

également qu'il n'y a recours que dans la mesure de sa confonnité à la pratique coloniale

soigneusement sélectionnée par le Niger. L'Arrêtéétant écartéau prétexte qu'il ne

donnerait « plus aucune indication jusqu'au point où la limite intercoloniale rejoint tes

limites du cercle de Say», le Niger estime « raisonnable de s'appuyer pour cc segment,

sauf exception justifiée, sur la ligne IGN de 1960 »204. Mais, à nouveau , la carte n'est

utilisée que dans la mesure où elle respecte les prétendus enseignements de la pratique

coloniale telle que la partie nigérienne l'analyse. Ceci est particulièrement flagrant

s'agissant de Petelkolé: « la ligne IGN passe à l'ouest de Petelkolé (... ) qu'elle laisse au

Niger. Ceci est confonne aux infonnations administratives de l'é poque coloniale )/05 - ce
206
qui est en réalitétrès discutable •

1.61 Il en va de mêmedans le secteur du saillant: l'Erratllm étant déclaré

problématique, la carte IGN, dont le Niger vante pourtant ailleurs les immenses

200MN, p. 116, par. 7.34.
2{)MN , p. 116, par. 7.35 ; v. également pp. 118-120, par. 7.39, passage dans lequel le Niger dit trouver la
confirmation de son « interprétationcon/ ra /extldans la pratique coloniale et post-coloniale.
:!()2VSI/prapar. 1.51.

2{)V. les remarques faites à cet égard dans l'introduction au présentcontre-mémoire,par. 0.13.
2()MN, p. 93, par. 6.21 (italiques ajoutées).
2{)MN, p. 94, par. 6.22. Le Niger precise également que (( [Petelkolé]est restésous autorité nigérienne
~u i s l'indépendance» (ibid.).
V. infra, chapitre III, section A. 2

45 201
qualités , est écartéeau profit d'un matériaucartographique plus ancien et limité: un

croquis du cercle de Say de 1915 dressépar l'administrateur Truchard, et la carte dite

((Nouvelle frontière de la Hte·VolLaet du Niger» prétendument ((dressée à la suite de

l'adoption de l'arrêté de 1927 et de son erratum ».Confirmant l'interprétationnigérienne

de l'Erratum, cette carte - dont il n'est pas inutile de rappeler que H proposéepar le Niger

[elle] ne fut pas admise par le Burkina et ne fut donc pas retenue comme 'document

pertinent acceptéd'Accord Parties' »208 - est préférée à la carte lGN qui ((fait en effet

courir la frontièredans cette zone sensiblement plus à l'est que ce que l'on retrouve sur les

cartes antérieures. Iciencore, ce tracéne correspond pas à la forme traditionnelle du cercle

de Say, telle qu'elle étaitreprésentéeavec constance durant la périodecoloniale »209.

1.62 Au surplus, ce matériaucartographique ancien supplante, selon le Niger, la

carte IGN quand bien mê me celle-ci viendrait conforter l'Erratum. Ainsi, puisque, selon

lui, l'Erratum fait erreur en faisant descendre la frontièrejusqu'à atteindre la rivière Sirba

à Bossébangou, la carte IGN, qui elle aussi fait descendre la lignejusqu'à ce point, devrait

êtredisqualifiéedans la mesure où elle reproduit cette erreur supposée 21O•

1.63 Ainsi, dans l'argumentation nigérienne, le tracéretenu par la carte de 1960

s'inclinc dcvant dcs cartcs ou dcs cffcctivités (alléguécs)tant colonialcs 211 quc post­

coloniales 212 ne le confirmant pas, contrairement aux dispositions de l'article 2 de

l'Accord du 28 mars 1987.

1.64 li faut toutefois noter que la pratique coloniale ne prime que dans la mesure

où cela convient au Niger. Le cas de Bangaréest éloquent en ce sens: en effet, sur le

tronçon Bangaré-limitedu cercle de Sa/ l3, le Niger entend suivre sans ré serve la ligne

lGN qui lui attribue le village de Bangaré, alors mêmequ'il évoque, dans le mêmetemps,

une pratique coloniale qui, pour une part non négligeable ne place pas Bangaréau Niger;

il en va ainsi notamment du prétendu « accord Oelbos-Prudon ~) sur lequel le Niger
214 215
s'appuie pourtant si lourdement par ailleurs ,qui place Bangaréen Haute-Volta •

207MN, p. 75, par. 5.14.
2()MN, p. 76, par. 5.15.
209MN, p. 114, par. 7.30.
210MN, p. 1JO, par. 7.21.
211MN, pp. 98-99, par. 6.25.

212MN, pp. 93-97, pars. 6.22 ct6.23.
213MN, pp. 97-99, pars. 6.24-6.25.
214V. supra, pars. 1.22-1.26.

461.65 Si le mé moire du Niger fait preuve de constance, c'est dans l'inconstance:

il ne suit aucune méthode claire; sa thèse ne repose sur aucun principe particulier : il

« pioche » panni des arguments virtuellement possibles en fonction de la solution la plus

avantageuse pour lui, sans égard pour l'entente préalable entre les Parties quant aux
sources du droit applicable (qui constitue cependant l'une des particularitésmarquantes de

la présente affaire - l'autre étant l'existence d'un titre clair et indiscutable, que privilégie

d'ailleurs ('Accord des Parties de 1987), comme cela sera développédans le chapitre Il du

présent contre-mémoire. Les chapitres HI et IV mettront quant à eux plus précisément en

lumière les incohérences de l'argumentation nigérienneen ce qui concerne le « secteur de

Tera» d'une part, celui « de Say» d'autre part.

2l$MN, p. 97, par. 6.24.

47 CHAPITRE Il

LES DISCUSSIONS RELATIVES À LA MATÉRIALISATION DE LA

FRONTIÈRE ET L'INCONSTANCE DES REVENDICATIONS DU NIGER

2.1 Le mémoire du Niger offre des discussions relatives à la matérialisation de

la frontière une version à la fois inexacte et lacunaire , qui n'éclaire ni les conditions dans

lesquelles le différend entre les Parties à propos de leur frontière commune s'est

cristallisé,nÎ ce qui les oppose s'agissant de son tracé.Il conviendra donc de corriger les

erreurs les plus évidentesdu récitreproduit dans les dix pages du Chapitre [IIdu mémoire

consacrées aux « tentatives de règlement du différend frontalier )216 et de le compléter

(section 1). Isera alors loisible de mettre en lumière ce que le Niger passe sous silence, à

savoir la totale Înconstance de ses revendications successives (section 2).

Section 1

La présentation partiale et partielle des faits par le Niger

2.2 Le récit établipar le Niger prétendprésenter « [l]es tentative s de règlement

pacifique du différend frontalier». Cet intituléest cependant totalement biaisépuisque les

discussions relatives à la matérialisation de la frontière entre les Parties ont été

parfaitement consensuelles jusqu'à la fin des années 1980 ; aucun différend n'existait

alors entre les Parties (1). Le différend n'est néqu'à partir du moment où le Niger a décidé

d'inventer de nouvelles façons d'interpréterl'Erratum (2).

1. Les travaux consensuels

2.3 Aucun différend n'a opposé le Burkina et le Niger entre 1964 et 1990.
217
Durant cette période, dont le Burkina rend dûment compte dans son mémoire ,les

Parties ont au contraire travailléen bonne intelligence en vue simplement de matérialiser

leur frontière commune, dont elles s'accordaient sans difficultéà reconnaître qu'elle était

fixée par l'Erratum. L'exposé du Niger portant sur cette période laissant entendre le

contraire, il doit donctre corrigé,en particulier sur les quatre points suivants.

216MN, p. 39.
211MBF, pp.3448, pars. 1.38-1.75.

482.4 Premièrement, le Protocole d'accord du 23 juin 1964 ne traduit pas un
218
différend, contrairement à ce que le Niger suggère , mais cristallise tout au contraire une

parfaite communauté de vues entre les ParLies quanL aux ~(do ucment s e base pour la

détermination de la frontière~) Les termes de ce Protocole sont clairs à cet égard :

« D'accord parties il a étéconvenu de considérer comme documents de base pour

la détermination de la frontière, l'arrêgénéral2336 du 31 août 1927, précisépar
son erratum 2602 APA du 5 octobre 1927 et la carte au 1/200.000ème de l'Institut
géographique national de Paris.

Une commission paritaire de dix membres maximum, qui comprendra

nécessairement les chefs de circonscriptions administratives intéressées,
entreprendra les travaux de matérialisation dès la mi-novembre 1964 en
commençant par les points litigieux, notamment la frontière Téra-Dorî » 219.

2.5 Les travaux de la commission paritaire prévue par cet accord n'ont certes

pas immédiatement abouti, comme J'indique le Niger, mais il n'est pas exact de dire que

les initiatives pour faire avancer ses travaux n'ont repris «qu'une vingtaine d'années plus

tard ))220C'est en effet oublier que:

- le service topographique et du cadastre du Niger saisissait l'annexe de l'IGN à

Dakar dès le 20 juillet 1964 afin d'obtenir une carte au 1/1 000OOO ème pour y localiser les
221
points astronomiques existant le long de la frontière ;

- le service homologue de Haute-Volta demandait, le 25 juillet 1964, à la même

annexe de l'JGN à Dakar le coût que représenterait l'abomement de la frontière au moyen

d une orne posee tous es1 d'IX'I1 ometres environ 222;

-le présidentdu Niger demandait le 6 mars 1967 à son homologue voltaïque qu'un
223
effort soit fait afin de mettre en Œuvre le Protocole d'accord ;

- le ministre de l'intérieur et de la sécuritéde Haute-Volta demandait le ]6 mars

1967 aux commandants des cercles limitrophes avec le Niger de lui adresser tous

218MN, p. 39, par. 3.1.
219Annexe MBF 45 ; MN, sérieA, n° 1.
220MN, p. 39, par. 3.1.
221Annexe MBF 4 ; voir MBF, p. 37, par. 1,47.

222Annexe MBF 47 ; voir MBF , p. 37, par. 1.47.
223Annexe MBF 49 ; v. MBF, pp. 37-38 , par. 1,48.

49documents et informations pertinent s afin que la commission paritaire de démarcation de

la frontière puisse se réunirdès le mois suivant224;

- une réunion se tint au niveau ministériel les 9 et 10 janvier 1968 à Niamey , qui

décidait de : « confier à [l'Institut géographique national de Paris] la matérialisation de la

frontière»225, démontrant clairement que la question frontalière était d'ordre purement

technique et ne résultait d'aucun «différend));

-le principe de l'établissement d'une commission mixte paritaire pour matérialiser

la frontière était réaffirmé le 16 septembre 1982 par une réunion tenue au niveau

ministériel .26

2.6 Deuxièmement, s'il est exact, comme l'indique le Niger 22, que les

ministres recommandèrent en février 1985 de matérialiser la frontière sur la base du

Protoco le d'accord du 23 juin 1964 et de mettre en place la « commiss ion mixte paritaire

chargée de la matérialisation de la frontière entre les territoires des deux États )?28, en

revanche , l'Accord et le Protocole d'accord du 28 mars 1987 ne visent pas à «donner un

cadre actualisé» aux travaux d'abomement sur la base du Protocole d'accord du 23 juin

229
1964 . L'Accord marque l'accord définitif entre les Parties à la fois sur les textes

déterminant la frontière et la méthode- exclusive , et plus préciseque celle suggéréepar le

Protoco le d'accord de 1964 - à suivre pour en assurer la matérialisation, tandis que le

Protoco le institue la commission technique mixte d'abomement et lui fixe pour mandat de
23o
procéder à cette matérialisation .

2.7 Troisièmement. les discussions au sein de la commission technique mixte

d'abomement n'ont pas étédes « négociations entre les deux États quant au tracé de leur

frontière ))231.La commission ne pouvait pas êtrele lieu de telles négociations puisque ,

selon l'article 5 du Protocole d'accord de 1987 la constituant , elle n'avait pleins pouvoirs

que pour « l'exécution des travaux d'abornement »232. Les membres de la commission

224Annexe MBF 50 ; v. MBF, p. 38, par.1.48.

225Annexe MBF 54 ;v. MBF, pp.38-39, par.1.51.
226Annexe MBF 69 ;v. MBF, p.40, par.1.55.
221MN, p. 40,par. 3.3 ; voir aussi MBF,40,par.1.56.
228Annexe MBF 63 ;annexe MN, série A, nO2.
229MN. p. 40,par. 3.3.
230MBF, pp. 43-44,pars.1.61-\-\.65et pp.62-65,pars.2.21-2.28.
231MN, p. 40,par. 3.3.

232Annexes MBF 72 et 73 et annexe MN, sérieA, n°4.

50s'en sont donc tenus jusqu 'à 1990 à en rechercher la matérialisation, é tant entendu que la

délimitationétaitdéjàréalisée.

2.8 Quatrièmement, il n'est pas correct de suggérer, comme le fait le Niger, que

les travaux effectuéspar la commission entre 1988 et 1990 se résumeraient au fait d'avoir

posé « 23 bornes sur les 45 prévues ))233 La commission a fait bien plus que cela

puisqu 'elle est parvenue à reconnaître de manière complète le tracéde la frontière sur le

terrain234•

2.9 Elle est parvenue à ce résultat lors de la réuniondes 26, 27 et 28 septembre

1988 à Niamey, qui avait pour objet de reporter sur la carte de 1960 « le tracétel qu'il

résulte des travaux de reconnaissance terrain effectués par la Sous-Commission Technique

et de soumettre aux deux gouvernements les résultats desdits trava ux en vue d'un choix

définitifdu tracéde la ligne frontière))235.Ce fut un plein succès. Selon le procès-verbal

de la réunion:

« les technicien s sont unanimes quant à l'interprétation sur carte et à la
reconnaissance sur terrain du tracédéfinidans les document s de base cités dans

l'Accord et Protocole d 'Accord, signés à Ouagadougou le 28 mars 1987. Seul le
point Tokébangou, dont les repères n'ont pu êtreidentifiés en dépitde multiples

investigation s, a fait l'objet d'une interprétation de la Sous-Commission
Technique »236.

2.10 Le « tracéconsensuel » qui en ré sulte illustre la parfaite communauté de

237
vues des membres de la commission à la date de septembre 1988 • Sur cette base, la

commission n'avait d'ailleurs plus qu'à procéder à l'abornement effectif de la frontière.

Dans cette perspective, elle put d'ailleurs établir le 18 mai 1989 une liste de coordonnées
238
de trente-deux points caractéristiques destinée à pennettre l'abomement , puis par la
.. 1 23b 239
sUItetmp anter ornes .

233MN, p. 41, par. 3.4.
234MBF, pp. 4446,pars. 1.66-1.69.
2HAnnexe MBF 81.
236Ibid.
231MBF, p. 46, par. 1.69; le tmcéconsensuel se trouve en annexe cartographique MBF 15; il est en outre
TCproduitàla page 164du mémoiredu Burkina, croquis nO16.

23 Annexe MBF 83; voir MBF, p. 47, par. 1.70.
239Annexe MBF 87 ; voir MBF, pp. 4748 , pars. 1.71-1.73.

51 2. La cristallisation du différend

2.11 Les Parties ont commencé à ne plus êtred'accord sur le tracéfrontalier à

compter du moment où, en février1990, le Niger a décid éde répudierunilatérae l ment le
tracé consensuel de 1988 24°. À partir de cette date, le Niger prétendit faire valoir de

nouvelles lectures de l'Arrêté modifiéde 1927, tandis que le Burkina en resta à la fenne

conviction que le tracéconsensuel étaitle seul confonne à la détennination de la frontière

en app lication de l'Accord de 1987. Ledifférendest néà ce moment là.

2.12 Dans ce contexte, la décision prise au niveau ministériellors de la réunion

de mai 1991 à üuagadougou 241apparaît comme la premièredes « tentatives de règlement

du différendsur le plan diplomatique » que prétenddécrirela section 2 du Chapitre III du

mémoiredu Niger 242, sans pour autant l'y mentionner à ce titre. Au demeurant, pendant

cette réunion de mai 1991, les ministres n'ont pas {{constaté des lacunes quant à

l'application de l'arrêté et de son erratum» , contrairement à ce que prétendle Niger 243, ils

ont seulement pris acte du blocage des discussions au se in de la commission technique

mixte d'ahornement qui s'était tournéevers eux confonnément à l'article 5 du Protocole

d'accord dc 1987, ct ont dé cidédc tranehcr la question en appliquant à la lcttrel'Erratum

pour ce qui concerne le tronçon de frontièreatteignant la rivièreSirba à Bossébangou,et

en décidant à titre de concession de renvoyer au tracéde la carte IGN de 1960 pour le

reste244•

2. 13 En outre, s'il est vrai que, comme elle le reconnaît, c'est la Partie

nigériennequi a rejetéle Compromis de mai 1991 245,la cause de cette position ne saurait

êtreque {{la solution envisagéene correspondait pas aux conditions posées par les articles

1et 2 de l'accord du 28 mars 1987 »246.Ce motif n'est à l'évidence qu'un prétextepour la

simple raison que la dé cision de 1991 n'avait pas d'autre objet que de consacrer une

solution de compromis prenant acte du fait que, précisémen,t il s'avé rait impossible en

raison des positions nigériennes de procéder à l'application pure et simple de "E rratum,

240Annexe MBF 88; voir MBF, p. 48, par. 1.74.
241Annexe MBF 49 et annexe MN, sérieA, n° 6.
241MN, p.44.

243MN, p. 41, par. 3.5.
244MBF, pp. 50-51 , par. 1.80.
245MN, p. 42, par. 3.6.
246Ibid.

52confonnément à l'Accord de 1987. Au demeurant, le Niger et le Burkina pouvaient, dans

l'exercice de leurs droits souverains, adopter en 1991 un tracédifférentde celui découlant

des articles 1et 2 de l'Accord de 1987, mais en s'entendant du mêmecoup pour mudifier

leur frontière commune par voie d'accord - un accord qui a, à son tour, étérejetépar la

partie nigérienne.

Section 2

L'inconstance des revendicati ons nigériennes

2. 14 Les variations de positions du Niger quant au tracé frontalier qu'il a

revendiqué au cours des années sont patentes et illustrent l'incohérence de la nouvelle

thèse présentéedans son mémoire, q ui entend désonnais s'appuyer sur de prétendues
247
limites établies de longue date ou correspondant à ce qu'il soutient êtreun «vécu »
248
ancien , arguments nouveaux qu'il a manifestement «découverts)) à l'occasion de la

préparation de son mémoire.

2.15 Concernant la portion du tracéallant de la borne de Tong-Tong jusqu'à la

rivière Sirba à Bossébangou en passant par la borne de Tao, le Niger a changépas moins

de cinq fois d'avis, en soutenant:

- en septembre 1988, que la frontièreest forméede deux segments de droite reliant

ces trois points (c'est ce qui ressort du tracéconsensuel adoptépar les experts nigériens et

burkinabéen 1988)24 9;

- en juillet 1990, que le segment qui relie la borne astronomique de Tong-Tong à la

rivièreSirba à Bossébangou suit une courbe 250;

-en mai 1991, que la frontière à ce niveau est constituée par deux segments de

droite 251;

- en juillet 200 l, qu'elle est constituéepar une ligne courbe 2s.

241V, infra, chap,lV.
2.4V. infra, chap. III.
249MBF, pp. 46-48, pars. 1.69-1.73.

250AnnexeMBF87; voir MBF, p. 49, par. 1.77et MN, pp. 68-69, par. 5.8.
25 AnnexeMBF89 ; voir MBF, pp. 50-51, pars. 1.79-1.81.
252AnnexeMBF94 ; voir MBF, p. 52, par. 1.84.

532.16 En avril 2011, dans son mémoire, le Niger a modifié totalement sa position

et soutient désonnais que sa revendication d'une ligne courbe, « (t)out bien considéré}) ,

((est discutable })253,el que le tracécorrespond à un assemblage hétéroclitede segments

supposés correspondre ici aux indications de l'Erratum, là à la carte IGN de 1960, et

ailleurs aux anciennes limites de cantons et autres subdivisions administrat ives dont la

réalitéest d'ailleurs loin d'êtreétablie.

2. 17 Il en va de mêmepour ce qui concerne le tronçon rejoignant la rivière Sirba

à Bossébangou. Le Niger a soutenu :

- en septembre 1988, que la frontière atteint la rivière Sirba à Bossébangou (c'est

ce qui ressort du tracé consensue l adopté par les experts nigériens et burkinabé en

1988)" ';

- en mai 1990, que la frontière n'atteint pas la Sirba à Bossébangou car la carte

«Afriq ue Occidentale Française , nouvelle frontière de la Haute-Volta et du Niger suivant

erratum du 5 octobre 1927 à l'arrêtéen date du 31 aoÎlt 1927}) suggère qu'elle s'arrête

plus au nord 255;

- enj uiUet 1990, que la frontièreatteint la rivière Sirba à Bossébangou 256;

- en mai 1991, que la frontièreatteint la rivière Sirba à Bossébangou 257;

-en 1994, que le tracé de 1991 n'est pas tout à fait confonne aux termes des
258
articles 1 et 2 du Protocole d'accord de 1987 - ce qui suggère que la frontière atteint

toujours la rivière Sirba à Bossébangou puisque ledit Protocole renvoie à l'Erratum qui le

stipule expressément.

2.18 Dans son mémoire d'avriI2ûll , le Niger revient à sa position de mai 1990

et, s'appuyant sur des argumen ts aussi inédits qu'incompatibles avec les prescriptions de

l'Accord de 1987, prétend maintenant que ~~la continuation de la limite intercoloniale

jusqu'au village de Bossébangou est dépourvuede fondement »2 59.

2n MN, p. 70,par.5.9.

254MBF, pp. 4648 , pars.1.69-1.73.
2SSAnnexe MBF 85 ;voir MBF, pp.48-49, pars.1.75-1.76, et p. 1pars.4.93-4.94.
256Annexe MBF 87; voir MBF, pp. 138- 139pars.4.97-4.98.
257Annexe MBF 89 ;voir MBF, pp.50-51, pars.1.79-1.81.
258Annexe MBF 91 ;voir MBF, p.51, par. !.8!.
259MN, pp. 105-1] l, pars7.14-7.24.

542.\9 Dans la zone du saillant, le Niger a revendiqué:

- en septembre 1988, un tracéen tous points confonne au tracéde la carte IGN de

1960, comme indiquésur le tracéconsensuel 260;

- en mai 1990, un tracéne comportant pas de « vrai » saillant, en invoquant la carte

« Afrique Occidentale Française , nouvelle frontière de la Haute-Volta et du Niger suivant

erratum du 5 octobre 1927 à l'arrêté en date du 31 août 1927 }}261;

- en juillet 1990, un tracé fonnant un saillant, mais s'amorçant immédiatement à

partir de Bossébangou - contrairement à la description qu'en donne l'Erratum, «en

remontant selon un angle quelconque dès lors que le tracéne coupe pas les boucles de la

Sirba » 262; le Niger affirme en outre que le village de Takalan « correspond à

J'emplacement exact de l'actuel village de Takatami ,}263;

- en mai 1991, un tracé en tous points conforme au tracé de la carte lGN de

1960 264;et,

- en juillet 2001, le Niger reconnaît l'impossibilité d'identifier les villages cités
265
dans l'Erratllm .

2.20 Dans son mémoire d'avril 201 l, le Niger revient à sa position de mai 1990,

et prétend, entre autres, d'une part qu'il n'y a pas de saillant 26, d'autre part que Takalan

se situe à l'est de Tatakami et serait trèsproche du site de Tangangari 26.

2.2\ Enfin, pour ce qui concerne la ligne rejoignant l'intersection de la rivière

Sirba avec le parallèle de Say et le début de la boucle de Botou, le Niger s'est

success ivement déclaréconvaincu:

260MBF, pp. 46-48, pars. 1.69-1.73.
261Annexe MBF &5; voir MBF. pp. 48-49, pars. 1.75-1.76, el)l. 137, pars. 4.93-4.94.

262Annexe MBF 87 ; voir MBF, p. 139, pars. 4.97-4.98.
263Annexe MBF 87; voir MBF. p. 144, par. 4.115.
264Annexe MBF 89; voir MBF, pp. 50-51, pars. 1.79-1.81.
26$Le procès-verbal de la quatrième session ordinaire de la commission technique mixte d'abomement
réunie à Ouagadougou du 18 au 20 juillet 2001 constate ( la non identification des villages cités dans
l'erratum» et recommande la conduite d'une nouvelle mission de reconnaissance sur le terrain, laquelle n'a
!amais eu lieu ; annexe MBF 94.

66MN, p. 112, par. 7.26.
267MN , p.115 , par.7.3 1.

55 - en septembre 1988, qu'elle est faite d'une ligne droite, comme indiquésur le
tracéconsensuel 268.
,

- en mai 1990, que la frontièresuit une ligne droite à cet endroit, puisque c'est ce

qu'indique la carte« Afrique Occidentale Française, nouvelle frontièrede la Haute-Volta

et du Niger suivant erratum du 5 octobre 1927 à l'arrêté en date du 31août 1927 » que le
269
Niger invoquait alors pour répudierle tracéconsensuel ;

- en mai 1991,qu'elle suit le tracéde la carte IGN de 1960 27°.

2.22 En avril 201l, dans son mémoire, le Niger argue pour la première fois que

la ligne est constituéed'un assemblage de deux lignes droites formant un angle pointant

vers le sud.

2.23 Cette inconstance du Niger ne saurait êtrejustifiée au prétexteque « les

propositions avancées par les experts n'ont étéque des positions provisoires, dans la

perspective ou l'espoir de parvenir àun règlementnégociédu différend,auquel les parties

se sont atteléesobstinément >,27 1La réalitéest toute autre: les experts n'ont rien négocié

et s'en sont tenus à la« feuille de route >,extrêmementprécisequi leur avait étéfixéepar

le Protocole d'accord de 1987. Le Burkina en a dûment pris acte et s'en est constamment

tenu au tracéconsensuel de 1988. C'est le Niger, et le Niger uniquement, qui s'est obstiné

à partir de 1990, et s'obstine encore dans son mémoire, à revendiquer des tracésfrontaliers

qui ne trouvent aucun fondement dans le droit dont les Parties ont à de multiples reprises

convenu qu'il est seul applicable. Ce comportement conforte encore davantage la position

du Burkina qui, comme le rapporte cette fois-ci avec justesse le mémoirede la partie
272
nigérienne , échaudépar les revirements successifs du Niger, avait insistéen 2006 pour

que les Parties soumettent le différend qui en est résulté à la Cour internationale de

Justice .

268MBF, pp.4648 , pars.1.69-1.73.
269MBF, pp.4849 , pars.1.75-1.76et p.137,pars.4.93-4.94.

210Annexe MBF 89 ; voir MBF, pp. 50-51, pars. 1.79-1.81.
271MN, p.44, par. 3.11.
272MN, p. 44, par. 3.13.
213Annexes MN, sérieA, nO9 -II .

56 CHAPITRE 111

LE TRACÉ DE LA FRONTlÉRE DANS LE« SECTEU R DE TERA,,'"

3.1 La lecture du chapitre du mémoire nigé rien consacré à ce que le Niger

dénomme « le premier segment de limites concerné par le présent différend »275 laisse

apparaître que dans ce secteur, le différend entre les deux Parties s'est résorbépar certains

aspects par rapport à ce qu'il en était durant les négociations 27, mais étendupar d'autres.

3.2 Dans son mémoire, le Burkina a expliquéles raisons pour lesquelles il n'est

pas douteux que l'Arrêté corrigéde 1927 a retenu dans ce secteur une frontière constituée

de deux segments de droite reliant successivement trois points frontière. La lettre de

l'Erratum selon laquelle

« [à partir de] la borne astronomique de Tong-Tong[,] cette ligne s'infléchitensuite

vers le Sud-Est pour couper la piste automobile de Téra à Dori à la borne
astronomique de Tao située à l'Ouest de la mare d'Ossolo. et atteindre la rivière
Sirba àBossebangou »

ne laisse aucun doute en effet quant au fait que cet acte de délimitation

- désigne trois points frontières (la borne astronom ique de Tong-Tong, celle de Tao

et le point où la limite intercoloniale « attein[t] la rivière Sirba à Bossebangou »),

- et qu'il les relie par deux lignes droites successives, conformément à la pratique

coloniale et frontalière généraleme nt suivie et à l'interprétation constante qu'ont donnée
277
de l'Erratum les autoritéscoloniales ;

- c'est ce que confinnent au demeurant les documents annexés par le Niger à son

propre mémoire, lesquels établissent à leur tour qu'aux yeux des autorités coloniales: les

27.L'expression {(secteur de Téra» est utiliséedans l'intitulédu chaVItdu mémoirenigérien. Elle est
inappropriéeselon le Burkina, pour les raisons détailléesplus loin (infra, pars. 3.14-3.17). Celte expression
n'est reprise ici qu'à des fins pratiques, pour marquer que le présemchapitre répondraaux arguments de fait

et de droit avancésdans le chapitremémoirenigérienportant cet intitulé.
275MN, p. 79, par. 6.1.
216V. supra,chapitre Il. C'est évidemment en se fondant sur les positions prises par le Niger en négociations
~ue le Burkina avait rédigéson propre mémoire.
2 JV. MBF, pp. 101-132, pars. 4.6-4.8 1, et p. 132, par. 4.82 pour les coordonnées exactes de ces trois points
frontière. L'annexe nO62 de la sérieC (7epage) du mémoiredu Niger (une lettre du gouverneur du Niger
de 1936) confirme que le villagee Bossébangou se trouvait à l'époquepertinente sur la rive de la rivière

Sirba«( On va prendre l'eau à la Sirba, qui se trouve à moins de 500 mètresdu village (... ) »).

57limites fixéespar l'Erratum dans ce secteur ont été« déterminéesau moyen de la carte du

capitaine COQUIBUS qui ne portaient que des lignes conventionnelles avec indication de

points )p8 ; la limite suit « une ligne droite idéalepartant de la bome Astronomique de

Tong-Tong et allant à la borne Astronomique de Tao ))279 à la différence«des lignes))

(au pluriel - au demeurant elles-mêmes « idéales ))) proposées par l'administrateur

De lbos, l'Erratum a retenu « la ligne [au singulier] TAO-SIRBA ))280;la limite dans ce

secteur constitue «une frontière idéale et artificielle ))281,«en joignant directement la

borne de Tao à Bossébangou )}282.

3.3 Le Niger concède d'ailleurs dans son mémoirequ'à plusieurs égardscette

description du tracéest fondée.

3.4 Il admet tout d'abord que la borne astronomique de Tong-Tong et celle de

Tao constituent des points frontières. Le Niger donne les même s coordonnées de la
283
première borne que le Burkina • En revanche, les Parties ne retiennent pas les mêmes
284
coordonnées pour la seconde borne, mais la différence est minime • L'une et l'autre

Parties se fondent sur les coordonnéesrecueillies par le capitaine Nevière en 1927, mais

les coordonnéescommuniquéesdans l'annexe nO105 de la sérieC du mémoiredu Niger

ne correspondent pas à ce lles qui figurent sur la fiche signalétique des bornes

astronomiques établie par cette mission que le Burkina a jointe en annexe 41 à son

mémoire. Du fait qu'elle est plus précise, la fiche signalétique doit, selon le Burkina,

prévaloir.Le Niger semble en convenir d'ailleurs puisqu'après avoir citésa propre version

des coordonnéesde la mission Nevière,il explique que, {([t]outefois, la borne frontièreest

situéelégèrementplus au Sud et à l'Est aux coordonnéessuivantes: 14° 03' 02" N; 00°

22' 52" E. C'est ce dernier point qui doit êtreretenu comme point frontière ))285.Ces

coordonnées,dont le Niger ne précisepas comment elles ont été recueillies286,diffèrentde

278V. infra, par. 3.31, ct annexe MN, sérieC, nO20 (lettre de l'administrateur DeH)()s, commandant du cercle
de Dori, au gouverneur de la Haute-Volta),écembre1927.
279V. infra, par. 3.47, et annexe MN, sérieC, n° 56 (copie du procès verbal du 13 avril 1935 conclu par
l'administrateur Garnier (cercle de Dori) ct l'adjoint d'appui Litchtenbcrger (subdivision de
280V. infra, par. 3.55, et annexe MN, sérieC, nO79 (rapport d'une tournéeeffectuée du 16 au 23 novembre

1953 par l'administrateur adjoint Lacroix (cercle de Tillabéry)du 24 décembre 1953).
281V. infra, par. 3.60, ct annexe MN, sérieC, nO30 (lettre du lieutenant gouverneur du Niger au lieutenant­
~ouveme uela Haute-Volta du 27 septembre 1929).
•82V. supra, par. 1.2S, Sèmetiret, et annexe MN, série C, n° 73 (télégramme-lettreofficiel du chef de la
subdivision de Téraau cercle de Tillabérydu juillet 1951).
283MN, p. 92, par. 6.19; MBF, pp. 102-103, pars. 4.11-4.13.
28-MN, pp. 93-94, par. 6.22; MBF, pp. 103-104, pars. 4.14-4.16 .
285Ibid.

286Et auxquelles il ajoute dans ses conclusions trois secondes supplémentaires (v. MN, conclusions, p. 122).

58quelques secondes seulement de celles plus précises relevées au GPS par la partie

burkinabè: 14° 03' 04,7" N; 0° 22' 51,8" E. Le Burkina s'en tient à ces dernières,

compte tenu de leur plus gra nde précision et de la fiabilité de la méthodologie employée

pour les recueillir.

3.5 Le Niger admet également dans son mémoire, mais cette fois-ci de manière

plus embarrassée, l'existence d'un troisième point frontière dans le secteur défini dans la

partie pertinente de l'Erratum. La partie nigérienne se réfèreen effet aux « deux ou trois

points désignés par l'arrêtédu 31 août 1927 tel qu'il fut modifié par l'erratum du 5

octobre 1927 »287. L'emploi de la conjonction «OU,} traduit une certaine hésitation, que

lève le texte de l'Erratum: celui-ci vise indiscutab lement trois points successifs de

passage de la frontière dans le présentsecteur.

3.6 Rompant par ai lleurs avec l'interprétation qu'il avait cru pouvoir donner de

l'Erratum en 1990 288 - qui se trouvait elle-même en rupture avec l'interprétation

consensuelle endossée par les deux Parties en 1988 et qui correspond à celle que défend
289
toujours aujourd 'hui le Burkina , le Niger ne considère plus que ces points-frontière

seraient reliés par une ou des lignes courbes, interprétation qui était évidemment

indéfendable. « Tout bien considéré)', écrit-il dans son mémoire avec une certaine

désinvolture, le bien-fondéde la thèse des courbes était {(discutab le >/90. La mention du

caractère incUlvédu tracé affleure certes encore çà et là dans le mémoire nigérien 291• La

thèse défendue dans celui-ci est désonnai s cependant radicalement nouvelle - par rapport

à la fois à la thèse des courhes avancée en 1990 et au tracé consensue l de 1988 qui avait

consacré le tracé en deux segments de droite. Selon le Niger, le tracé suivrait soit celui

figurant sur la carte de 1960, soit, dans les autres cas, des {(segments de droite »292. C'est

reconnaître sur ce dernier point que lorsque la frontière passe par deux points, elle suit, à

défaut d'autres indication s, des lignes droites. C'est la thèse également défendue par le

287MN, p. 86, par. 6.11.
288MUF, p.49, par. 1.77. Voir égalementMUF, p. 52, par. 1.84.
289MBF, pp. 118-123, pars. 4.46-4.57.
290MN, p. 70, par. 5.9.
291V. ainsi MN, pp. 91-92, par. 6.18 infine, affirmant que le tracéde la carte d« adopte une forme

largement incurvée vers l'ouest». Selon le Niger, « ruIne telle incurvation est nouvelle. Il convient
d'examiner pasà pas si cette inCUlvationest just».iV. égalemenl MN, pp. 83-84, par. 6.1à,propos de
la carte au 111.000.000 de 1927(anrlexe MN, série D, nO1(~l]'lalurde la ligne joignant ces trois points
est légèrementincurvée» (l'affirmatiorl est discutable car la carte reproduit bien deux lignes droites, même
si le trait, réaliséà main levée, est quelque peu approximatif).
292MN, chap. VI, B., section 2, a), p.91, et p. 93, par. 6.20 infin e.

59Burkina. Le Niger l'a faite de nouveau sienne au paragraphe 7.40 de son mémoire 293

Cette interprétation est d'autant plus fondé e que, comme le Niger le souligne, « le tronçon

de la ligne frontière concernépar le présentlitige », dont le secteur de Tera n'est qu'une

partie, a la caractéristique d'être« relativement restreint »294.

3.7 Ici s'arrêtentles points d'accord entre les deux Parties et apparaissent de

nouveaux points de dé saccord. Ceux-ci ont un caractère commun : la conception

juridiquement erroné e pour ne pas dire le véritabletravestissement opérépar le Niger à la

fois de la méthodede délimitationque se sont imposéesles Parties et du texte mêmedu

titre juridique applicable en la présenteinstance, l'Erratum de 1927 295• Ce travestissement

ressort de manière frappante d'un simple coup d'Œil jeté au tracé revendiquédans ce

secteur par le Niger dans son mémoire: au lieu des deux segments de droite reliant la

borne astronomique de Tong-Tong à celle de Tao, puis celle-ci à la rivière Sirba à

Bossébangou,au lieu aussi du tracéde la carte de 1960 que le Niger prétendpourtant

suivre «essentiellement», le Niger réclamel'adoption du tracésuivant:

-les deux bornes astronomiques viséesdans l'Arrêté ne sera.ientpas relié es par une

ligne droite, mais par deux lignes droites passant par un point intennédiaire, la borne de

Vibourié,que ne mentionne pourtant pas l'Erratum de 1927 (v. infra, croquis nO3 - Tracé

entre les bornes de Tong Tong et Tao, p. 63);

- la limite ne relierait pas non plus ensuite par une ligne droite la borne

astronomique de Tao à la rivière Sirba à Bossé bangou ; elle ne suivrait pas non plus le

tracéde la carte de 1960: selon le Niger, la limite suivrait ici épisodiquementle tracéde la

carte pour s'en éloignerconsidérablementà plusieurs reprises aux fins de venir largement

enclaver en territoire nigérienun certain nombre de villages (v. infra, croquis nO4 - Tracé

aprèsla borne de Tao, p. 65) ;

- enfin, la limite n'atteindrait pas la rivière Sirba à Bossébangou, mais entamerait
296
le saillant visé dans l'Erratum (lequel saillant, du mêmecoup, disparaîtrait ) à plus

293MN, p. 120, par. 7.40 : « Ici encore, rien dans la pratique des autorités coloniales, ni dans les

représentationsde cette partie de la limite sur les cartes et croquis de la période coloniale ne paraît justifier
cene déviation [celle constatée sure tracéde la carte de 1960]. Le Niger s'en tient donc ici au tracéde
limite en deux segments de droite, tel qu'pparaît sur ces cartes ct croquis de la périodecoloniale ».
29-MN, p. 49, par. 4.1.
295V. SI/prachap. l, section l, pars. 1.3 ct s.
2% V. infra, pars. 4.40-4.53.de trente kilomètres au nord-ouest de ce point (v. infra,croquis nO5 - Tracédans la zone

du saillant,p. 67).

3.8 Ce tracéest totalement infondé.Au titre de la méthodede détennination de

la frontièretout d'abord, et sans reprendre les développements déjàconsacrésà la question
dans le présentcontre_mémoire 291, il importe de relever l'usage incohérent que le Niger

croit pouvoir faire de la carte de 1960.

3.9 D'un côtéen effet et à juste titre, le Niger écartele tracéde la carte de 1960

lorsque celui-ci ne trouve aucun ancrage dans le texte de l'Erratum (pour lui préféreril est

vrai, et sans auc un fondement, un tracéqui n'est pas plus décritdans ce texte). C'est ce

qu'il fait dans le secteur compris entre les deux bornes astronomiques de Tong-Tong et de

Tao en constatant que le tracé de la carte suit dans ce secteur Hune fonne largement

incUlvée vers l'ouest » 29que ne décritpas l'Erratum - cette présentation est d'ailleurs

trèsen -deçà de la réalitépuisque le tracéde la carte n'épousepas dans ce secteur la fonne

d'une seule ligne courbe reliant les deux bornes mais suit un cheminement complexe

reliant toute une série de points intennédiaires qui ne sont aucunement visés dans

l'Erratum.

3.\0 D'un autre côtécependant et sans que le Niger s'en explique, celui-ci agit à

fronts ren verséspour le secteur suivant de la frontière (v. infra, le croquis nO4 - Tracé

après la borne de Tao, p. 65 ) en indiquant préférerle tracéde la carte de 1960 à celui qui

découle des tennes clairs de l'Arrêtémod ifié alors mêmeque, comme dans le cas

précéden,t le tracéde la carte est éminemment tortueux et ne trouve aucun ancrage dans le

texte de l'Erralum 299• Le double standard adoptépar le Niger ne s'explique pas. Il n'est

pas tout à fait exact de dire d'ailleurs que le Niger préfèredans le second cas le tracéde la

carte à cel ui découlant de l'Arrêtémodifié puisque le tracé qu'il revendique dans le

secteur de Térane suit en réalitéque très épisodiquement le tracéfigurant sur la carte de

1960, tout en s'écartantradicalement du tracédéfinidans l'Arrêté modifiéde 1927.

297V.supra, pars. 1.40-1.64.
298MN, pp. 91-93, pars. 6.18-6.20.
m MN, pp.96-101 , pars. 6.21 et s.

61Croquis n° 3 Tracé entre les bornes
de Tong-Tong et de Tao
Echelle : 1/200.000

63 Tracé après la borne de Tao ~

Echelle: 1/400.000 ~.
~Y\"tD!M-W~z=: ~/,='':?:.,A1 ;
W-yE

e:

T~ét~~iéPC!?Aca7
',-~.:'
Posit.RépÛluNiger..
T~~te1.6~'··CroqunO5 Tracé dans la zone du saillant

Echelle : 1/200.000

6 Km

673.11 L'incohérence est redoub léepar le fait que le Niger refuse de suivre le tracé

de la carte de 1960 jusqu 'au troisième point frontière alors mêmequ'en ce qui le concerne

l'Errufum el le tracéde la carte en fixenLl'un eLl'autre la localisation au mêmeendroi t : là

où la frontière atteint la rivière Sirba à Bossébangou. Le tracédu Niger évitequant à lui ce

point de passage, en contravention tant avec le texte de l'Erratum qu'avec le tracé de la

carte de 1960 qui coïncident à cet endroit.

3. 12 Le Niger estime pouvoir encore un peu plus s'éloigner de la méthode

subsidiaire adoptée par les Parties en posant une exception unilatérale au recours au tracé

de la carte de 1960: il indique y faire recours « sauf exception justifiée » 300Rien de tout

cela n'est confonne à la méthode agrééepar les Parties 30I.

3. 13 Quant au texte de l'Arrêtémodifié, le Niger le réaménageunilatéralement,

sans mêmes'essayer à justifier une démarche pourtant jur idiquement inacceptable. Ce

réaménagementprend plusieurs fonnes.

3.14 Comme cela est indiqué ci_dessus)02, l'expressio n « secteur de Téra)),

certes commode , n'est qu'une simplification qui doit s'entendre sous réserve des trois

importantes considérations suivantes.

3.15 Premièrement, le Niger souligne lui- mêmeque ce secteur est celui «où la

frontière sépare l'actuel département de Téra (cantons de Gorouol , Tera, Diagourou,

Dargol) côté nigérien, et les provinces de Oudalan, Sena (Dori) et Yagha (Sebba) , côté

burkinabé ))303Il eût étéde ce fait plus convenable de désigner ce secteur sans se référer

exclus ivement à la subdivision territoria le nigérienne. Il s'agit, au mieux, du secteur de

TéraJOudalan, Seno et Yagha, précisémentparce qu'il s'agit d'un secteur frontalier.

3. 16 Deuxièmement, en définissant ce secteur par référenceexclusive à une

subdivision territoriale du Niger et en faisant par ailleurs aboutir la délimitation dans ce

secteur à ce qu'il appelle « la jonction de la limite avec le cercle de Say)) 304,le Niger

perpétue l'erreur commise par l'auteur de l'Arrêtédans sa version d'août 1927. Ce texte

300MN, p.93,par.6.21.
JOIV. sI/prapars.1.40-1.64.

JO}V. SI/praintroductionau prsent contre-mémoire, par. 0.15, note 28.
JO}MN. p. 79, par. 6.1.
3()Ibid.

69n'avait pas vocation à délimiter des subdivisions internes à une colonie pas plus qu'il n'a

pour effet aujourd'hui de délimiter une subdivision territoriale du Niger ; il définit une

1imite intercoloniale - devenue une frontière internationale. L'auteur de la première

version de l'Arrêé t avait certes commis une erreur sur ce point en incluant dans la

délimitation intercoloniale des élé ments de délimitation intracoloniale - en l'occurrence

certaines limites de cercles se trouvant de part et d'autre de la limite intercoloniale. Mais
5
c'est préciséme nt la raison pour laquelle l'Erratum a é téadoptë0 .Confonnément à son

objet, ce de rnier ne se réfèreplus aux limites des cercles sauf, par renvoi, en son dernier
306
alinéa, pour le dernier secteur de la frontière entre la Haute-Volta et le Niger • Par

contraste, aucune référencen'est faite dans les autres alinéasde l'Erratum à « la limite
avec le cercle de Say» comme le soutient à tort le Niger 307•

3. 17 Troisièmement, en circonscrivant le premier secteur contestéau « secteur

de Téra», le Niger trahit le texte de l'Arrêté corrigéde 1927. Le Niger prétendque ce

« secteur de Téra »« court de la borne astronomique de Tong-Tongjusqu 'à lajonction de

la limite avec le cercle de Say »308.Or, c'est tout autre chose qu'é nonce, dans les tennes

les plus clairs, l'Erratum de 1927. La limite que celui-ci adopte ne passe pas par ce point

de jonction qu'il ne mentionne à aucun endroit. Il indique au contraire que la limite

«c oup[c] la piste automobile de Té ra à Dori à la borne astronomique de Tao située à

l'Ouest de la mare d'Ossolo, et altein[t) la rivière Sirha à Bossebangou »309.C'est ce

qu'est bien obligéd'admettre le Niger d'ailleurs en reconnaissant implicitement qu'au vu

du texte de l'Erratum, le « secteurde Té ra » se prolonge né cessairement jusqu'au point où
la frontière atteint la rivière Sirba à Bossébangou. Aprèsavoir citéle texte de l'Erratum et

mis en italiques les passages qui concernent le secteur en question, en particulier l'extrait

reproduit CÎ-dessus, le Niger affinne benoitement en effet que « le seul segment encore en

litige pour le secteur de Téraest celui indiquéen italiques dans les deux citations qui

précèdent »310.Le tracéque revendique le Niger n'atteint pourtant jamais ce point ni ne

passe par lui, en contravention avec la lettre de l'Erratum.

305V. MN, pp. 19-21, par. 1.26 et pp. 63-65, par. 5.5 et MBF, p. 137, par. 4.95. V. également supra, par.
1.17.
J06« Elle remonte ensuite le cours de la Tapoa juspointoù elle rencont{'ancienne limile des cercles
de Fada el de Saqu'clic suitjusqu'à son intersection avec le cours de la Mékrou ».
301MN, p. 79, par. 6.1.
308/bid.(italiques ajoutées). V. également MN, pp.97- 100.
309Annexe MBF 35 (italiques ajoutées).
310MN, pp. 82-83, par. 6.9 (italiques ajoutées).

703.18 Cela aboutit à des affinnations tout à fait déroutantes. Ainsi le Niger

allègue-t-il qu'à partir de la borne astronomique de Tao, « le texte officiel ne donne plus

aucune indication jusqu 'au point où la limite intercoloniale rejoint les limites du cercle de

Say »3lI, comme si le texte se référaità ce dernier point. De mêmele Niger défend-il

J'idée que la carte de 1960 «reproduit l'erreur contenue dans l'erratum de 1927» en

faisant «descendre la limite entre la Haute-Volta et le Niger jusqu 'à Bossébangou »312_

autrement ditle Niger en vient à admettre que et l'Erratum, et le tracéde la carte de 1960,

font du point où la limite atteint la rivière Sirba à Bossébangou un point frontière, tout en
313
excluant pourtant ce point du tracéqu'il revendique dans son mémoire •

3.19 Le Niger ne pêche pas uniquement par soustraction. S'il se permet de

supprimer un point frontière expressément visédans l'Erratum, il n'hésite pas non plus à

ajouter de nouveaux points que ne mentionne pas l'Erratum. li en va ainsi de la borne de

Vibourié qui, selon le Niger et alors mêmequ'à la différence des bornes de Tong-Tong et

de Tao, elle n'est pas viséedans le texte de l'Erratum, serait,« depuis l'époquecoloniale,
314
le point suivant de la limite ~~ situéentre les deux bornes désignéesdans l'Erratum •Il

en va de mêmedes nombreux points frontières que le Niger invente entre la borne de Tao
3J5
et le point d'abouti ssement de la frontière dans ce secteur •

3.20 Il résulte de ces inventions que le tracé que le Niger revendique n'a

strictement plus rien à voir avec le texte de l'Erratum. Suivant les termes clairs de celui-ci ,

que l'on peut scinder en deux temps en mettant en italiques les points frontières:

- « [à partir de1 la borne astronomique de Tong-Tong l,] cette ligne s'infléchit

ensuite vers le Sud-Est pour couper la piste automobile de Téra à Dari à la borne

aSfronomiquede Tao située à l'Ouest de la mare d'Ossolo,

- et atteindrela rivière Sirba à Bossebangoll ».

Voici ce que devient le tracédans le mémoire nigérien:

311MN, p. 93, par. 6.21.
312MN , pp.110-11 l,par.7.21.
313Sur l'argument selon lequel une erreur aurait étécommise dans l'Arrêtémodifiéde 1927 lorsqu'il se

réfereexplicitementâla Sirbaâ Bossébangou, v.infra, parsA.20-4.29.
314MN, pp. 92-93, par. 6.20. Sur la borne de Vibov.infra, section 2, II, pars. 3.44-3.52.
31$V. infra, pars. 3.65 et s.

71 « le tracéde la frontièredans le secteur de Térasera examinéen le subdivisant en
trois tronçon s: de Tong-Toofi à Tao (a), de Tao à Bangaré(b), et de Bangaréà la
limite du cercle de Say (c) »36.

3.2 1 Au-delà de ces erreurs, le Niger s'enferme dans une stratégietotalement

anachronique. Visiblement insatisfait de la délimitationretenue par le colonisateur dans

l'Erratum de 1927, à laquelle pourtant, comme le droit international coutumier l'impose,

le Niger a acceptéde donner plein effet en concluant l'Accord et le Protocole d'accord de
317
1987 , la partie nigérienne s'efforce de contourner l'Arrêté modifiéde 1927 de deux

manières complémentaires:

(i) en tentant d'abord d'en réécr rie les termes sur la base de certaines propositions

antérieures de délimitation qui n'ont pourtant pas étéconsacrées, au contraire, par

l'autoritécompétente(section 1); et

(ii) en tentant ensuite de s'appuyer sur des élémentssurvenus postérieurement à

l'Erratum de 1927 pour en redéfinirles termes, alors mê me que les Parties n'ont jamais

cesséde rappeler que cet acte juridique constituait le seul titre applicable, et sans apporter

de toute manièresur le plan des faits aucun élémentprobant à cet égard(section 2).

Section 1

Les évè nements antérieurs à l'Arrêtémodifiéde 1927

3.22 La «méthodologie adoptée» par le Niger dans son mémoirea pour seul
318
objet d'échapperau texte clair de l'Arrêté modifiéde 1927 . Estimant que le texte de cet

Arrêtéserait « particulièrement succinct» et ne contiendrait que des « indications

rudimentaires »319, le Niger affirme qu'

316MN. p. 46, par. 6.17.
311Il n'est pas inutile de rappeler d'aille urs que les protagonistes de l'époque onl semb le-t-il considéréque la
colonie du Niger était sortie gagna nte de l'opération de délimitation opéréeen 1927, au détriment de la
Haute-Volta. En témoignent en particulier les rriminations de l'administrateur DeU, dont le Niger fait
lui-mêmetrès grand cas. V.infrapars. 3.22 et s. V. également annexe MN, série C, nO21 (lettre nO96 du
commandant du cercle de Dori au gouvemeur de la Haute-Vo lta, en date du 23 avril 1929, deuxième page:
«(Car la délimitation établie entre le Niger et la Haute-Volta a eu la générosité, (c'est un euphémisme... ), de

laisser au Niger les points d'eau importants li). )
318V. SI/prachap. 1.
319MN, p. 83, par. 6.infineet 84, 6. 1infi neV. ausssupra, pars. 1.42-1.43.

72 « [i ]faut donc rechercher une autre piste pour identifier ce tronçon de la limite
entre les deux territoires. L'historique de sa genèse en offre une, qu'il convient
C..)d'explorer »320.

3.23 Il est singulier de voir le Niger partir à la recherche d'une autre piste avant

mêmed'avoir explorécelle que lui propose l'Erratum de 1927, lequel se suffit à lui-mme

(la description d'un tracépar amples segments ne l'empêchantnullement d'ê tre précis dès

lors que l'orientation des se gments en question ainsi que l'identification de leurs

extrémitésrespectives sont claires et « opérationnelles »). Le tracédéfinidans l'Erratum

étant parfaitement clair, il suffit en effet d'en suivre le cours, comme l'a expliqué le
321
Burkina dans son mémoire .

3.24 Le raisonnement du Niger est frappé par ailleurs d'une contradiction

intrinsèque. La piste de « l'historique de la genèse» le conduit en effet à constater que les

propositions de délimitationsoumises avant l 'adoption de l'Arrêté par les administrateurs

Delbos et Prudon, lesquelles é taient fondéessur une tentative d'établissement des « limites

des cantons relevant de leur cercle respectif» 322, furent différentes des solutions

finalement retenues par l'autorité compétente. Ce fut la raison pour laquelle

l'administrateur Oelbos adressa ultérieurement « un vibrant plaidoyer» contre l'Arrêté tel

qu'il fut adopté, plaidoyer qui, le Niger en convient, ~<resta cependant sans effet, ct

aucune modification ne fut apportéeau texte législatif jusqu'à l'indépendance »323. Ils'en

déduit que l'Arrêé t modifiéde 1927 n'a pas entendu consacrer« les limites des cantons

relevant de leur cercle respectif » telles que les deux administrateurs avaient tentéde les
324
relever - lesquels administrateurs étaient d'ailleurs en désaccord surce point .

3.25 Le Niger se fonde pourtant en définitive dans le présent secteur sur les

propositions de Oelbos et Prudon aux fins d'interpréter(en réalitéde réviser) l'Erratum de

1927. Le Niger allègueen effet que,

« en dépit du souhait souvent exprimépar les administrateurs des deux colonies, le

cours de la limite ne fut jamais ~réci paréun nouveau texte pour se rapprocher
des limites vécuesdes cantons »3 5.

320MN, pp. 84-85, par. 6.11.
321V. MBF , pp. 98 et S., chapitre IV,1.ection
321MN, p. 87, par. 6.12.
323MN, p. 90, par. 6.14.

m V.supra.le croquis nO2,en page 27MN, p. 87, par. 6.12 : les rapports des deux admin«ssonteurs
similaires, mêmes'ils ne coïncident pas totaIf .nt
325MN, p. 91, par. 6.16 (italiques ajoutées).

733.26 Cette stratégie ne saurait tromper la Cour. En laissant entendre qu'il eût été

possible de préciser le lexte de l'Arrê té pour le rapprocher des prétendues « limites

vécues)) des cantons, le Niger suggère que la possession effecti ve du territoire (en

admettant qu 'elle soit probante et prouvée) pourrait constituer un titre complémentaire à

l'Arrê técorrigé de 1927. C'est effectivement la stratégie qu'il déploie plus loin dans son

mémoireen considérant que le tracé de la carte de 1960 pourrait s'ajouter et mêm e se

substituer à la délimitation définitivement fixée dans l'Erratum de 1927 sur la base
326
d'élémen stde possession postérieur s à la date d'adoption de celui_ci • L'idéeque les

propositions des administrateurs Oelbos et Prudon pourraient ainsi venir « préciser»

l'Erratum est cependant contraire à« l'historique de la genèse)) de l'Arrêtésur lequel le

Niger s'appuie : l'Arrêté de 1927 - le« vibrant plaidoyer ))de l'administrateur Oelbos en

atteste - s'est précisément écarté des limites des cantons telles qu'avaient tenté de les
327
établir les deux administrateurs - sans parvenir à une définition identique de celles_ci •

Elles ne peuvent donc pas, après coup, venir préciserl'Erratum, puisque celui-ci n'a pas

entendu les consacrer. Pour « rapprocher ))la délimitation adoptéeen 1927 des prétendues

« limites vécues des cantons », le Niger l'admet lui-même, il aurait fallu un « nouveau

texte n. Celui-ci ne serait pas venu préciser mais au contraire modifier la délimitation

décidécen 1927. Or, un tcl texte n'est jamais survcnu. La stratégie du Niger consiste ainsi

en définitive à contourner le titre juridique applicable dans cette affaire, l'Erratum de
328
1927 •

3.27 A bien y réfléchird'ailleurs, la thèse du Niger est, dans son énoncémême,
329
frappée d'absurdité. Comme cela a été rappelé précédemment , les propositions

soumises par les administrateurs Oelbos et Prudon furent à la fois: (i) différentes de la

délimitation fixéedans le procès-verbal du 2 fé vrier 1927 entre gouverneurs des colonies

intéressées,qui fut adopté avant les travaux des administrateur s; (ii) différentes du tracé

de l'Erratum de 1927 qui a étéadoptéaprès la remise de ces travaux et qui s'en est écarté,

en reprenant, sous réservede quelques aménagements, le tracédu procès-verbal de février

1927; et (iii) différentes l'une de l'autre. Dans ces circonstances, arguer que de prétendues

limites préexistantes pourraient venir « préciser )) le texte de l'Arrêté,c'est-à-dire aider à

en interpréterles tennes au motif qu'il devrait êrte réputé , comme le plaide le Niger, avoir

326Id.et infrasection 2pars.3.4 [ ct s.

327V. supra,nOIe324.
328V. SI/prachapitre I, section 1.
329Ibid.

74fixé une délimitation en considération de ces limites, ne fait pas sens puisque, à la date

critique de 1927, les proposit ions d es administrateurs n'ont justement pas étéprises en

compte dans l'Erralum. Il n'est pas davantage possible de considérerque l'Erratum aurait

renvoyé aux limites telles q u'elles auraient pu ê tre « vécues» postérieuremen t à son

adoption: d'une part, il ne le prévoit nullement , d'autre part, une telle manièrede procéder

eût étéproprement saugrenue s'agissan t d'un acte portant délimitation 330.

3.28 Sur un autre plan, la thèse du Niger est tout aussi difficilement défendable.

Selon lui, la « nouvelle limite» consacrée par l'Arrêtémodifié de 1927 « s'est trouvée

définie comme une somme de limites cantonales juxtaposées, elles-mêmes composées par

une somme de limites de terroir s et/ou de hameaux villageois et de lieux-d its »331.Il en

résulterait une

« présomption que les espaces composan t ces cantons , occupéspar les populations
autoc htones, les villages, terrains de culture ou pâturages , circuits de nomadisation ,

ne se développaient pas en principe s uivant des lignes abstraites (incurvées ou
droites), mais reposaient sur des occupations de sol et épousaient la configuration
ou la nature du terrain ),332.

3.29 Il est curieux d'opposer une « présomption» à un texte. Une telle

délimitation, fondée sur « des occupation s de sol ». ne résulte par ailleurs nullement du

texte de l 'Arrêtémodifié. Le Niger retient lui-mêmed'ailleurs dans plusieurs secteurs de

la frontière un système de lignes droites , y compris sur une centaine de kilomètres 333• Il

reconnaît aussi que « (p1artout où la population était rare, les limites cantonales se sont

avérées imprécises: par exemp le dans les zones de glacis, les plateaux désertiques, les

330 Les dicta de la Cour internationale de Justice relatifs aux délimitations frontalières conventionnelles
valent pleinement ici dès lors que l'objet de ces délimitations ne diffère pas fondamentalement d'une
délimitation intercoloniale. Dans l'affaire Temple de Préah Vihéar, la Cour a soulignéque « [d]'une
manièregénéral,elorsque deux pays définissent entre ex une frontière,un de leurs principaux objectifs est

d'arrêterune solution stable et définitive» (arrêtdu 15 juin 196CIl Recueil 1962, p. 34). De mêm e la
Cour a rappeléen ees termes, dans l'affaire Libye/I'chad en 1994, son dictum de 1959 dans l'affaire des
Parcellesfrontalières: ,De même , en 1959, dans l'affaire relative à la Souverainetésur certaines parcelles
fronlalières.a Cour a relevéque le préambuled'une convention de délimitation avait consignél'intention
commune des Parties de 'régler et arrêtertout ce qui a rapport à la délimitation' et a considéréque 'Toute
interprétationqui ferait tenir la convention de délimitationcomme laissanl en suspens et abandonàaune

appréciationultérieuredu sta/uquo la détenninationde l'appartenance à l'un ou l'autre Etat des parcelles
litigieuses, sera incompatible avec cette intention commun(CI.J. Recueil 1959, p. 221-222»)) (arrêtdu 3
février 1994,CIl Recueil/994, p. 24, par. 47). En l'espèce, l'intention de l'auteur de l'Erratum de 1927
n'est pas différente:ls'agissait de fixer définitivementau jour de son adoption la limite des colonies de la
Haute-Volta et du Niger, comme l'avait requis expressément le décret du Présidentde la République du 28
décembre1926(v. supra, pars. 1.12-1.15).
331MN, pp. 80-81, par. 6.6 ; v. aussi supra, pars. 1.4ct s.

312MN, pp. 84-86, par. 6.11.
333V. en particulier infra, pars.4.54 et s.

75aires de pâturage »334. La contradiction est patente : les limites cantonales étaient

imprécises dans les aires de pâturage et c'est pourtant sur de tels élémentsque le Niger

prétendfonder la délimitationcoloniale.

3.30 Les indications fournies par les administrateurs Delbos et Prudon quant à la

réalitédes prétendues {(limites vécues» à la veille de l'adoption de l'Arrêtéde 1927

n'appuient en rien, en tout état de cause, le tracé revendiqué par le Niger. Le rapport

Delbos n'ayant pas étéretrouvé, il n'est pas possible de déterminer directement sur quels

335
fondement s factuels a ététracée la limite purement géométriquequ'il proposa • Le

rapport de l'administrateur Prudon du 4 août 1927 est quant à lui annexépar le Niger à son
336
mémoire.Sa lecture est instructive à plusieurs égards :

- dans le secteur pertinent, l'administrateur Prudon a recensé sur le croquis joint à

son rapport une dizaine seulement de villages entre la borne de Tao et la rivière Sirba, que

séparent pourtant une centaine de kilomètres; cela tend à prouver que la régionétait peu

habitée;

- cela est confirmépar le fait que l'administrateur relève que dans ce mêmesecteur

il n'a répertorié« de Doulgou à Tao » puis « de Tao à Diamafoundé » «aucun litige » ;

- dans ce même rapport qui établit, selon le Niger, les prétendues « limites

vécues» au moment de l'adoption de l'Arrêtéde 1927, le village de Bangaré

(orthographié « Bengaré» sur le croquis de l'administrateur Delbos), que le Niger prétend
337
aujourd'hui se trouver de son côtéde la ligne frontalière , n'est pas indiquécomme étant

J'un des {(villages et groupements demandant à êtrerattachés au Niger et situés dans le

33.MN, pp. 80-81, par. 6.6.
335La description du tracéde cette limite est connue à travers une lettre de Delbos, commandant de cercle de
Dori, au gouverneur de la Haute-Volta, en date du 27 août 1927 (annexe MN, sérieC, n 161De ce point

la limite descendant par 156 traverse la route Téra-Dori à 5 km.750 de Tao (mare de Sourn) ; arrivéeà Tao
elle descend par 135 pendant 27 km.500, puis pendant 26 km.5oo par 147à 5km au Nord de la mare d'Iga.
Remontant ensuite au Nord- Est par 79 pendant 31 km.500 elle redescend d'abord par 127 pendant 13
km.5oo puis par 190 pendant 25 km.5oo et enfin rejoint par 170 la limite du cercle de Say à l'Ouest
d'Alfassi sur lCirba». Il est patent que cette proposition ne nomme pas les endroits où la limite change de
direction, ce qui complique la visualisation du tracésuggéré.11faut relever par ailleurs que l'administrateur

confond la mare de Sourn, qui se situe bien plus au Nord (et qui a étépour celte raison en débatdans
l'affaire du Différendfr onlalier (Burkina/Mali) - v. CU, arrêtdu 12 décembre 1986, C/J Recueil /986.
pp. 627-628, pars. 138-139) avec la mare de Solo. Une telle confusion relativise également la valeur
frobante de ce rappon.
36Annexe MN, série C, nO15(extrait nO25 du rappon de tournéede l'administrateur Prudon, datédu 4 août
1927), et annexe MN, série D, nO3 (cercle de Tillabéry, croquis au 11200.000 dressépar l'administrateur
Prudon, juin 1927).

337V. infra, pars. 3.80-3.83.

76cercle de Tillabéry », selon l'expression retenue par la légendede la carte. De fait, il est
placépar l'administrateur Prudon du côtévoltaïque de la frontièrequ'il propose. C'est à la

mêmesolution qu'aboutit le tracé retenu par l'Arrêtémodifié de 1927: la ligne droite

reliant la borne astronomique de Tao au point où elle atteint la rivière Sirba à

Bossébangouplace elle aussi le village de Bangaréen territoire burkinabé;

- aucun élémentne permet en revanche d'appuyer la frontière réclaméeaujourd'hui

par le Niger etil n'en invoque d'ailleurs aucun.

3.3 \ Si le rapport de l'administrateur Delbos n'a pas étéretrouvé, quelques

indications en sont indirectement données par le biais d' une lettre qu'il adressa à son
338
autoritéde tutelle, le gouverneur de la Haute-Volta. le 17 décembre 1927 • Cette lettre

confirme la lecture burkinabè de l'Erratum de 1927: celui-ci n'avait nullement entendu

consacrer de prétendues « limites vécues » ou recourir à des frontières naturelles (au grand

regret du commandant du cercle de Dori qui estimait que la colonie de la Haute-Volta

avait perdu un territoire important par rapport à la délimitation qu'il avait lui-même
339
proposée ).D'après l'administrateur Delbos qui délivre ici une interprétationexperte de

l'Arrêté au regard en particulier de « l'historique de sa genèse» dont il avait étél'un des

protagoniste s:

« Les limites telles qu'elles sont mentionnées sur le J.O. N° 1021 (340sont la copie
exacte du Procès-verbal qui a étésignéen ma présence à Téra par Monsieur le

Gouverneur BREVIE et Monsieur l'Inspecteur LEFFLlATIRE. Elles avaient été
déterminéesau moyen de la carte du capitaine COQUIBUS qui ne portaient que
des lignes conventionne lles avec indication de points (... ) ».

3.32 Cela vient confirmer que l'auteur de l'Arrêtémodifié a fait le choix de

« lignes conventionnelles avec indication de points ) pour délimiter le territoire des deux

colonies, comme le soutient le Burkina.

3.33 La partie nigérienne évoque enfin dans son mémoire « l'accord entre les

commandants Roser (Dori) et Boyer (Tillabéry) du 21 mars 1932 » lesquels, désireux

selon le Niger de « mieux rendre compte de la situation réelle sur le terrain» se seraient

338Annexe MN, sérieC, nO20 (lettre n° 731 de l'administrateur Delbos, commandant de cercle de Dori, au

~ouveme uerla Haute-Volta, en date du 17décembre 1927).
39Ibid. : {(si nous pouvons accepter le tracéde Kabia Iga (...) il me semble difficile d'abandonner le terrain
que je marque au crayon rouge, ce terrain entouré de collines qui forment des limites naturelles ayant
toujours appartenu au canton de Yagha, ceci sans contestation aucune des populations limitrophes )).
340Il s'agit en réalitédu lO . nO1201 (v. annexe MBF 34).

77référséaux travaux des administrateurs Delbos et Prudon 341.Ce document, qui jette une

lumière rétrospective utile sur ces travaux compte tenu de sa date, est à son tour

particulièrement instructiflor squ'on en confronte les tennes au tracé que revendique le

Nige r. D'une part, il montre que les limites des cantons que, selon le Niger, l'Arrêé t de

1927 serait venu consacrer étaienten réalitétrès mal définiesà cette date; d'autre part, il

vient confirmer que le tracéadoptédans l'Erratum s'écarte des limites proposéespar les

administrateurs Delbos et Prudon ; enfin, il contredit la revendication du Niger s'agissant

de ce rtains villages, et de ce fait les conséquences qu'en tire le Niger dans l'établissement

de son tracé.

3.34 S'agissant du premier point, ce document souligne que le canton de

Diagourou (Niger), limitrophe du cercle de Dori (Haute-Volta), n'ajamai s étédélimité . Ce

qu'écrit à son propos le commandant Roser cinq ans après l'adoption de l'Arrêté de 1927

dont l'objet aurait été,selon le Niger, de consacrer les limites prétendument prée x.istantes

des cantons, est éclairant:

« On lui (le chef du Diagourou] a donné [en] 1919 ou 1920, sans définir

exactement les limites, un territoire qui fonne l'actuel canton de Diagourou. Il
reconnaît lui-mêmequ'il ignore les limites de son canton )).

3.35 S'agissant du second point, la lettre du commandant Roser est sans appel:

l'auteur de l'Arrêté de 1927 aurait dû retenir comme limite la frontière naturelle proposée

par les administrateurs Delbos et Prudon dont « la perfection (... ) est évidente)); c'est

parce qu' il ne l'a pas fait que le commandant Roser estime que « le bon sens et la réalité

des choses exigent une modification de cette limite ))342 par le biais d'un « nouvel

erratum )). Le projet pré-ré digé par le commandant Roser prévoit à cet effet l'adoption

d'une frontière en partie naturelle qui s uit plusieurs lignes de partage des eaux. A

contrario, ce n'est pas ce que fait l'Arrêté modifiédans le présentsecteur. Cela confinne

que son auteur a préféré à une limite considérée comme plus conforme à la « réalitédes

choses )),et qui, de ce fait, eûtéplus complexe, une frontièreplus simple faîte de lignes

artificielles.

341MN, p.90,par. 6.14, et anneMN, sérieC, n045 (lettre nO112 du JOavril 1932 et rapport de tournéede
l'adjoint des services civils Roser, commaàdt.p. du cercle de Dori, au gouverneur de la Haute-Volta
(Bureau Politique» .
342Italiques ajoutées.

783.36 Pour ce qui touche au troisième point, le Niger estime dans son mémoire

que le village de Bangaré «a de tout temps étésituéen territoire nigérien »343. Ce n'est

nullement ce qui ressort pourtant de la leure du commandant Roser de 1932. S'exprimant

sur le bien-fondéde la ligneadoptee en 1927, celui-ci écrit:

«Mais alors si on juge bonne et défi.nitivecette limite, la Haute-Volta doit
immédiatementannexer le gros village de Bangaréqui a de tout temps appartenu

au canton de Téra mais qui se trouve à l'Ouest, du côté Volra, de la fameuse
'ligne'. Cet exemple montre clairement ~e le bon sens et la réalitédes choses
exigent une modification de cette limite »3 .

Comme le souligne le Niger dans son mémoire, cette limite ne fut jamais modifiéeet

l'Arrêtémodifié de 1927 a étéconsidérépar les Parties au présent litige comme

constituant le seul et unique titre juridique invocable. Au demeurant, on se rappellera

qu'en 1927, le village de Bangaré avait étéplacé du côté voltaïque de la limite
345
intercoloniale par l'administrateur ?nldon lui_même •Aussi le commandant Roser se
trompe-t-il lorsqu'il oppose les travaux des administrateurs Delbos et Prudon et l'Arrêté

modifiéde 1927 sur ce point-là: tous placent Bangarédu côtévoltaïque de la frontière.

3.37 D'autres documents annexéspar le Niger à son mémoire viennent encore

confirmer, de manière rétrospective, que l'auteur de l'Arrêtéde 1927 avait entendu

adopter dans le présent secteur un tracé suivant une ligne abstraite et non un tracé

entérinant les limites prétendument préexistantes des cantons, qui aurait suivi une

succession éminemmentcomplexe de frontièresnaturelles. C'est là une solution que l'on a

pu regretter du côté de certaines autorités coloniales ; elle n'en constitue pas moins

cependant la délimitation qui a étéfinalement adoptée et qui fait droit en la présente

instance.

3.38 Dans une lettre du 9 août 1929 adressée au commandant du cercle de
Tillabéry, le commandant du cercle de Dori écritpar exemple:

«Ces indigènes, vous me les [sic] faisiez remarquer, vivent et cultivent dans le
territoire de Téra,territoire fixépar l'arrêtéet l'erratum de délimitation. Ils y sont

343MN, pp.97-98, par6.24.
J4.Almexe MN, Série C. n45.
34$V. supra, par. 3.30.

79 depuis longtemps; et, ignorant nos [???]fieations13461 de géographie

administrative, se croient chez eux ))341.

Eslimant que ce décalage entre la « géographie administrati ve ~~et la réalitéressentie par

les populations posait quelques difficultés,le commandant du cercle de Dori proposa à son

homologue d'instaurer une politique de tolérancevis-à-vis de ces populations locales en

« modifiant légè rement nos limites actuelles)) afin d'év iter toute «a nnexion des cantons

voisins laissésà Dori )). Le commandant précisait immédiatement:

«Certes, l'arrê té et l'erratum signés du Gouverneur généralne parlent plus de
cantons, mais seulement de limites; et cela est capital, je le reconnais ))348.

Le commandant évoquait encore les « rigueurs de la délimitation de 1927)) que sa

proposition de modification des limites aurait eu pour objet d'« atténu[er] »349.

3.39 Le 7 juillet 1930, le commandant du cercle de Dori écrivit de nouveau dans

son «rapport sur les difficultés crééespar la délimitationétablie en 1927 )):

« L'arrêtégéné ral du 31 AoÎlt 1927 fixait les limites des Colonies de la Haute­
Volta et du Niger. Cet arrêté reproduisait le procès-verbal signé à Térale 2 février
1927 et ne tenait pas compte de la délimitationfaite sur le terrain par les deux

Commandants de Cercle de Dori el TiJ/abéry.Il y a également lieu de remarquer
que cet arrêté est établi sur la proposition du Lieutcnant Gouverneur du Niger. Un
erratum à cet arrêténe change presque rien aux limites fixées sinon que la ligne
frontière doit atteindre la rivièreSirba à Bossébangou au lieu de Boulkebo ))350.

3.40 En définitive, le Niger ne saurait donc échapper au texte parfaitement clair

de l'Erratum en tentant de le réviser sur le fondement de propositions antérieures qui

n'ont pas étéretenues en 1927.

346 Le débutdu mot est manquant. Il semble s'agir du mot« modifications ».
347Annexe MN, sérieC, nO24 (lettre nO399 du commandant du cercle de Dori au commandant du cercle de

Tillabéry,endate du 9 août 1929) (italiques ajoutêes).
348Id.(italiques ajoutêes).
349Ibid.ainsi qusupra,par 1.32. eme
350Annexe MN, série C, nO 38 (2 page) (rapport nO416 du commandant du cercle de Dori sur les
difficultés crééespar la délimitation établieen 1927 entre les colonies du Niger et de Haute-Volta (Arrêtédu
31 août 1927) en ce qui concerne les limites entre le cercle de Dori et le cercle de Tillabéry, en date du 7
juillet930) (italiques ajoutêes).

80 Section 2

Les évènementspostérieurs à l'Erratum de 1927

3.4 1 Estimant qu'il serait nécessaire de préciser l'Erratum de 1927 pour le

« rapprocher des limites [prétendument]vécuesdes cantons » et ne pouvant se fonder sur

les tracésproposéspar les administrateurs Delbos et Prudon que l'Arrêté modifién'a pas
consacrés, le Niger en vient finalement à fonder son tracé sur la possession effective

postérieure à 1927, en proposant la « méthode» suivante:

« [•••]les auteurs de la carte de 1960 se sont fondéssur un ensemble de données

pertinentes pour représenter les limites probables des cantons tels que celles-ci
étaientvécuesà la date critique. Par conséquent,sauf à découvrirdes déviations
anonnales par rapport aux textes, des failles évidentesdans l'information sur les
limites des cantons, et sous réservede l'attention qu'il convient d'apporter aux

hésitations des auteurs de la carte lorsqu'ils ont eu recours à des croisillons
discontinus, ces résultats devraient en principe servir de guide pour déterminerle
cours de la limite intercoloniale en1960 »351.

3.42 Cette manièrede procédern'est pas conforme au droit applicable, comme

cela a déjàété rappelé 35• Au surplus, elle appelle les commentaires suivants:

(i)la subjectivitéqui l'entache et qui la discrédites'exprime dans le tracénigérien

lui-même,qui tantôt préfèredes lignes droites au tracéde la carte de 1960, tantôt préfère

ce dernier tracéà des lignes droites, tantôt encore substitue son propre tracéà celui défini

dans l'Arrêté modifiéde 1927 ou à celui figurant sur la carte de 1960, sans qu'il soit
'l d dr ·353
pOSSI e e compren e pourquOi ;

(ii)le Niger prétendretenir - ce qu'il ne fait d'ailleurs que trèspartiellement - le

tracéde la carte entre la borne astronomique de Tao et le dernier point du secteur objet du

présentchapitre alors pourtant que ce tracése singularise par des «déviationsanormales »
par rapport au texte de l'Erratum: rien dans le texte de celui-ci ne permet en effet

d'aboutir au tracé de la carte entre ces deux points. Si le Niger avait suivi sa propre

méthodologie, il n'aurait donc pas dû retenir le tracé de la carte dans ce secteur­

confonnémentce qu'il fait du reste entre la borne de Tong-Tong et celle de Tao;

(iii) le Niger le concèded'ailleurs implicitement dans son mémoire:

3S1MN, p.91, par. 6.16.
lS2V. suprapars.1.40-1.64.
lB V. supra, pars. 3.8 et s.

81 «li est évident qu'à défaut de renseignements fiables émanant des autorités

locales, les auteurs de la carte ont suivi les rivières, marigots et lignes de cs,te
qui ensemble représentent près de 50% des limites pour le secteur de TéTa.Tout
ceci implique que, loin de se fonder sur les croquis anciens qui faisaient apparaître

des lignes droites ou incurvées entre des points éloignés les uns des autres, les
auteurs de la carte de 1960 se sont fondés sur un ensemble de données pertinente s
pour représenter les limites probables des cantons tels qu'elles étaient vécuesà la
date critique~~354.

Les auteurs de la carte ne sont cependant pas l'auteur de l'Arrêtéet l'objet de celui-ci

(définir une nouvelle limite intercoloniale) n'est pas l'objet de celle-là, tel que décritpar le

Niger «( représenter les limites probables des cantons tels qu'elles étaient vécuesà la date

critique ~»)D sesf)it,l'Erratum de 1927 ne se réfè re dans le présent secteur à aucune

frontière naturelle, àa différence de ce qu'il fait pour d'autres secteurs. La volontéde ne

pas se référerà une telle frontière naturelle proscrit par conséquent touajout au texte de
l'Erratum dans le sens préconisépar le Niger par le biais de la carte de 1960: il n'est tout

simplement pas possible d'ajouter au texte de l'Erratum « près de 50%» de limites

naturelles dont ce texte ne dit absolument rien, sauf à lui substituer une nouvelle définition

du tracé.

3.43 Cette stratégie du Niger tendant à réécrire l'Erratum de 1927 en lui

substituant un tracédifférentsur la base d'léments postérieurs à son adoption se déploie à

deux niveaux: primo, le Niger invente un nouveau point frontière. la borne de Vibourié,

implantée en 1935 ; secundo, il invoque de prétendues effectivités villageoises pour

s'écarterdu tracédéfinidans l'Erratum.

1. La born e de Vibour ién'est pas un point fron tière

3.44 Entre les deux bornes astronomiques de Tong-Tong et de Tao, que vise

l'Erratum de 1927, le Niger estime qu'un nouveau point frontière doit êtreintercalé, que

ne prévoit pas l'Erratum. Selon le Niger, la borne de Vibourié, implantéeen 1935, devrait

se voir accorder « le statut d'un point frontièr» 356Ce point frontière conduit le Niger à

JS. MN, pp. 75-76, par. 5.14.
JSSLa «date critique» évoquéepar le Niger (1960) n'est d'ailleurs pas la date critique corrccte. En
admettant que les prétendues((limites vécuesdes cantons» eussent pu constituer un élémentpermettant
d'interpréterArrêtmodifiéde 1927, elles auraientreexaminéesaujour de son adoption, en 1927.Or,
comme on le sait, à cette date-là, l'auteur de l'Arrêtes'est precisement ecartéde ces pretendues limites (v.
supra,section 1). La thèse du Niger ne parvienà sortir de ce cercle vicieux dans lequel elle s'est
enferrée.
JS6MN, pp.92-93 par. 6.20.

82substituer à la ligne droite reliant les bornes de Tong-Tong et de Tao «deux segments de

droite )),dont l'effet est de décaler vers l'est la ligne frontalière (vsupra, croquis nO3,

Tracéentre les bornes de Tong Tong et Tao, p. 63).

3.45 La thèse du Niger est totalement injustifiée. Le Niger s'appuie sur un

procès-verbal du 13 avril 1935 conclu par l'administrateur Garnier (cercle de Dari) et

l'adjoint d'appui Lichtenberger (cercle de Téra)lesquels ont procédéà l'implantation de

cette borne «afin de prévenir tout retour de contestation territoriale [... ] dans ces

parages ))357Or, contrairement à ce qu'atlirme le Niger, l'implantation de cette borne n'a

pas pu avoir pour effet de déplacer la ligne prévuepar l'Erratum de 1927.

3.46 D'une part, comme l'admet le Niger, cet accord de 1935, et l'approbation

que lui donna le gouverneur du Niger la mêmeannée, sont « postérieur[s] à la date de

disparition de la Haute-Volta et, à ce titre, [leur] maintien après la renaissance de celle-ci

pourrait êtrediscuté ))358De fait, les limites de la Haute-Volta ont étéfixéesen 1947, date

de son rétablissement, par renvoi à celles qui étaient en vigueur en 1932, date de sa

dislocation. Ce qui est survenu entre ces deux dates est par conséquent sans effet sur la

délimitation.

3.47 D'autre part et en tout étatde cause, en admettant mêmeque la borne de

Vibou riéfût implantée à l'endroit où le Niger la localise dans son mémoire à travers les

coordonnées qu'il en donne, il serait manifeste qu'une erreur aurait alors étécommise en

1935. L' intention des auteurs du procès-verbal de 1935 n'est pas en cause. Le Burkina

souscrit sans réserve sur ce point à la remarque du Niger selon laquelle ce document

constitue une « interprétation de l'erratum de 1927 )?59. Les auteurs de l'accord y ont

décidéen effet,

« [... ] nous reportantà la délimitation fixéeentre Dori et Térapar l'arrêté du 31
août 1927 (Erratum) de nous rendre sur les lieux-mêmeaux fins de nous rendre
compte de l'emplacement du dit terrain par rapport à la limite précitée.

[... ] afin de prévenir tout retour de contestation territoriale analogue dans ces
parages nous avons implanté une borne devant fixer [la] limite entre Dori [et] Téra.

351Annexe MN, sérieC, nO56 (copie confonne du 14 avril du procès-verbal du \3 avril 1935 conclu par
l'administrateur Garnier (cercle de Dori) ct l'adjointd'appui Lichtcnbergcr (subdivision de Téra».
358MN, pp. 92-93, par. 6.20.
359Ibid.

83 Limite en principe passant sur une droite idéalepartant de la borne Astronomique
de Tong-Tong et allant à la borne Astronomique de Tao.

La borne de Quiboriels (Vibouriéselon le Niger] se trouvant situéesur ce parcours
de pnnclpe ... » .

3.48 Il résultede ce procès-verbal que les deux administrateurs é taient d'accord

quant àl'interprétation àdonner à l'Erratum de 1927: la limite que celui-ci définitest une

« droite idéale partant de la borne Astronomique de Tong-Tong et allant à la borne

Astronomique de Tao ». C'est l'interprétationque n'a jamais cesséde défendrele Burkina

Faso, dont la thèse se trouve ainsi pleinement validée. Le Niger confirme d'ailleurs le

bien-fondéde cette interprétationen constatant que

« [l)es croquis dressés en 1927 par Delbos et Prudon, ainsi que la carte 'Nouvelle
frontière de la Haute-Volta et du Niger' publiéela mêmeannée, Joignent ces deux
points [les bornes de Tao et de Tong-Tong] par une ligne droite » 61.

3.49 Conformé ment à cette interprétation, il fut décidéd'implanter une nouvelle

borne - la borne de Vibourié- «s ur ce parcours de principe ». Il en ressort que cette

borne n'avait pas vocation à devenir un authentique point frontière. Cette borne a été

impla ntéesur la limite délinie dans l'Arrêté modifiéde 1927 non pas parce que la limite

devait passer par ce point , mais, tout à l'opposé,parcc quc cc point se trouvait sur cette

limite.

3.50 Selon le Niger, il apparaîtrait cependant rétrospectivement que la borne de

Vibourién 'aurait pas étéimplantéesur cette limite, ce qui explique que le tracédu Niger,

au lieu de suivre une seule ligne droite entre les bornes de Tong-Tong et de Tao, déviede

manière conséquente vers l'est pour relier par deux segments de droite les bornes de

Tong-Tong, Vibourié et Tao.

3.5 1 Dès lors cependant que la borne de Vibourié n'est pas mentionnée dans

l'Erratum de 1927 (et pour cause, elle a étéimplantéepostérieurement à son adoption) et

que, par ailleurs, l'objet de son implantation n'é tait pas de modifier le tracédéfini dans

l'Erratum 'elle devait êtreau contraire implantéesur ce tracé),il est bien évident que le

point où cette borne aurait étéimplantéene peut pas ê tre transforméen un nouveau point

360Annexe MN, série C, nO56 (italiques ajoutêes).

361MN, pp. 91-92, par. 6.18 (italiques ajoutées). Ceci vient co ntredire cc qu'écrit le Niger au paragraphe
6. 10 de son mémoire (pp. 43-44) où il estime qu'entre les bornes de Tao et Tong-Tong« Nouvelle
frontièr» fait apparaître une l(clégèrementincurvée».

84frontière modifiant le tracéarrêté en 1927. Encore une fois, telle n'était pas l'intention (au

contraire) des auteurs du procès-verbal de 1935 ; et ceux-ci n'en auraient d'ailleurs pas eu

Jepouvoir.

3.52 Loin de justifier l e tracérevendiquépar le Niger, le procès-verbal de 1935

vient ainsi confirmer en définitivequ'entre la borne de Tong-Tong et la borne de Tao, le

tracédéfinidans l'Erratum de 1927suit un segment de droite, et un seul.

2. Les prétendues effectivitésvillageoises n'en sont pas

3.53 Dans le tronçon qui se poursuit à partir de la borne de Tao, le Niger adopte

un tracé qui, selon ses propres termes, « suit pOlir ressentiel la ligne IGNl 362j »363.

Autrement dit, le Niger revendique un tracéqui n'est ni celui de l'Erratum, ni celui de la

carte de 1960, mais un tracétiers. Au demeurant, il est faux de prétendreque le tracédu

Niger suivrait «pour l'essentiel ~~ le tracé de la carte de 1960. Il s'en écarteen effet

substantiellement (v. supra, croquis nO4 - Tracéaprèsla borne de Tao, p. 65).

3.54 Le Niger fonde sa revendication sur un raisonnement tortueux qui emboîte

1csuns dans les autres plusieurs postulats successifs:

- l'Arrêtéde 1927 et son Erratum seraient imprécisdans ce secteur;

- il conviendrait donc de les rapprocher des prétendues limites « vécues ~es

cantons ;

-la carte de 1960serait (à cette date-là, et pas en 1927) le reflet de ces limites ;

-il conviendrait donc d'en suivre le tracé;

- à tout le moinssi celui-ci est conforme à ces limites (c'est-à-dire, selon le Niger,

si le tracé de la carte est confonne à la possession des villages situés dans la zone

frontalière) ;

- si ce n'est pas le cas, c'est alors la possession effective qui deviendrait

déterminante et l'emporterait sur le tracéde la carte de 1960.

J62L'expression {(ligne ION» est abusive. Conformément aux termes retenus dans le protocole d'accord de
1987, il convient de parler du tracéfigurant sur la carte de l'ION de 1960.
36JMN, pp. 93-97, pars. 6.21 et s.

853.55 Chacun de ces postulats est erroné:

- )'Arrêtémodifiéde 1927, tout d'abord, n'est pas imprécis : le gouverneur général

de l'AOF a fait le choix de lignes conventionnelles reliant des points, lesquelles sont
364
nécessairement des lignes droites ;en cela, la délimitation artificie lle qu'il définit se

suffit à elle-mêmeet a été parfaitement comprise comme telle par les administrateurs
365
coloniaux - àcommencer par ceux qui s'en sont plaint ;

- que la mise en Œuvre sur le terrain de cette délimitation conventionnelle ait pu

poser problème concerne un tout autre débat. Les quelques documents faisant état d'une

« imprécision » des limites visent sous couvert de ce tenne non pas l'imprécision de la

délimitation opéréepar !'Erratum , mais les difficultés de son application effective, ce qui

est tout autre chose: ainsi lorsque, par exemple, il fut rappeléen 1929 que

« [J]es incidents survenus au cours de ces derniers mois avaient pour cause (... ) le
manque de précision dans l'indication aux chefs indigènes voisins de la
· . d · 366
demarcatlon e certames zones » ;

ou lorsqu'en 1953, l'administrateur adjoint Lacroix (cercle de Tillabéry), comparant la

délimitation de l'Erratum de 1927 à celle proposéepar l'administrateur Delbos, constatait

à propos de cette dernière:

« [c]omme on le voit la partie la plus mal préciséede la limite, de TAO à IGA était
déterminée par des segments orientés,et mesuré s: il s'agit certeslà encore des

lignes idéales, toujours très peu 'parlantes'pour les populations intéressées mais
qui étaient quand mêmeplus faciles à matérials ier sur le terrain que la 'ligne
TAO-SIRBA' de l'arrêté » 367.

Cela confirme l'absence de doute des autoritéscolonia les quant au fait que la délimitation

fixée par l'Arrêtémodifié de 1927 suivait une seule ligne (<<la ligne TAO-SIRBA », par

opposition aux «lignes» ou aux «seg ments» proposéespar Delbos) de nature artificielle

«( idéale») ;

364V. MBF, pp. 94 et S., chapitre IV, section 1.
36SV. supra, en pani eulier pars. 3.2, 3.31, 3.35, 3.38, et 3.39.
366Annexe MN, série C, nO22 (lettre nOE/251 A.P. de Fousset, administrateur en chef des colonies, au
lieutenant-gouverneur du Niger, en date du 31juillet 1929).
367Annexe MN, série C, nO 79 (rapport d'une tournée effectuée du 16 au 23 novembre 1953 par
l'administrateur adjoint Laeroix (cercle de Tillabéri), en date du 24 décembre 1953) (italiques ajoutées).

86 - l'Arrêtémodifié de 1927 n'a jamais entendu par ailleurs - au contraire

consacrer les limites des cantons telles qu'elles auraient existéen 1927 368 ;rien ne pennet

dOlI Cde s'appuyer sur celles-ci ;

- si l'auteur de l'Arrêté modifiéavait entendu, comme le prétendle Niger, définir

dans ce secteur la limite intercoloniale de manière à laisser tel village à telle colonie, il

l'aurait expressément indiqué; il en irait de mêmes'il avait entendu consacrer une

frontièrenaturelle;

- il n'est pas plus permis de s'appuyer sur les effectivitéspostérieuresà l'adoption

de l'Erratum,car le titre l'emportesur la possessioneffective postérieureau titre;

- l'utilisation de la carte de 1960comme reflet de la possession effective existant à

la date des indépendancesne constitue pas non plus un argument pouvant valablement

écarterou mêmeseulement adapter la délimitationarrêtéd eans l'Erratum de 1927.

3.56 En admettant d'ailleurs qu'elle eût pu êrte juridiquement appliquée , ce qui

n'est pas le cas, la démarche consistant à s'appuyer sur les effectivités coloniales
postérieuresau titre frontalier est disqualifiéesur le plan factuel en la présenteaffaire,

pour Ics raisons suivantes.

3.57 En premier lieu, il est difficile de conceVOITqu'une possession

authentiquement effective ait pu s'ancrer durablement postérieurementà l'adoption de

l'Erratum de 1927. Eneffet, cinq annéesseulement aprèsl'adoption de cet acte, la colonie

de Haute-Volta fut disloquée. Dans les quinze années qui ont suivi, les territoires

limitrophes de la frontièreactuelle entre le Burkina et le Niger ont relevéd'une seule et

mêmecolonie, le Niger. Toute possession, nécessairementnigérienne,intervenueentre ces
deux dates est incapable de ce fait d'avoir le moindre effet dans la présenteaffaire puisque

de 1932 à 1947, la limite intercoloniale avait disparu. Cela disqualifie ab ini/io les

effectivitésdont se prévautleNiger lorsque celles-ci datent de cette époque 369•

3.58 Au demeurant, la Haute-Volta sera rétablieen 1947 dans ses frontièresde

1932, donc de 1927 puisqu'elles n'avaient pas étémodifiées entre temps. Le Niger

J68Y.supra,section l, pars. 3.24-3.29.
J69V. les documents citéspar le Niger dans tes notes de bas de page 268, 287, 288, 289 et 290 de son
mémoire.

87rappelle lui-mê me dans son mé moire qu'« il n'est avancé par aucune des deux Parties

qu'il y ait eu des modifications à l'tat de droit existant entre le 4 septembre 1947 et le 5

août 1960 [... ]. Il en résulteque l'on est renvoyé à la question de savoir quel était, au 5

septembre 1932, le texte gouvernant les limites des deux colonies »370.

3.59 Les éléments de possession alléguéepar la Partie nigérienne sont d'autant

plus privésde toute pertinence qu'il est patent, à la lecture des annexes jointes par les

Parties à leur mémoire respectif, que la délimitation retenue en 1927 dans ce secteur,

précisémentparce qu'elle a pris la forme d'une limite artificielle, a rencontréplusieurs

difficultésou des contestations lors de sa mise en Œuvre sur le terrain, cela jusqu'au
moment de la dislocation de la Haute-Volta en 1932. Cela conduisit en particulier le

commandant du cercle de Dari à rédiger le 7 juillet 1930 un long rapport relatif aux

« difficultés créése par la délimitationétablie en 1927 entre les colonies du Niger et de

Haute-Volta (Arrêté du 31 Août 1927) en ce qui concerne les limites entre le Cercle de

Dori et le Cercle de Tillabéry»371.Ce qui s'est passésur le terrain ne saurait dans ces

conditions êtredotéde la moindre portée aux fins du règlementde la présente affaire.

3.60 En réalité,les autorités coloniales avaient pleinement conscience que la

limite coloniale «artificielle» qui avait été adoptée ne pouvait rcflétcr lcs ré alités

complexes du terrain qui étaientétrangères à toute idéede partage frontalier. Dans une

lettre du 27 se ptembre 1929, voici ce qu'éc rivait par exemple le gouverneur du Niger à

son homologue de la Haute-Volta;

« En ce qui concerne les individus ou familles qui sont en litige, leur situation
devra êtreexaminée individuellement d'un commun accord entre les chefs des
circonscriptions voisines. Il semble difficile d'adopter un criterium invariable pour
leur rattachement à l'une ou l'autre colonie. Toutefois, à défaut du domicile on

pourrait peut-êtreconsidérer utilement comme un élémentde détermination la
situation des terrains de culture des intéressés. Cependant étant donné
l'enchevêtremn et des cultures de part et d'autre de la frontière, on ne peut s'en
tenir à cet élémen,t et tout devra êtreréglésuivant les cas d'espèce qui se

présenteront. Il ne saurait, en tout cas, êtrequestion de refouler systématiquement

370MN, p, 62, par, 5.3.
371Annexe MN, sérieC, nO38 (rapport nO416 du commandant du cercle de Dari sur les difficultéscréées
par la délimitationétablieen 1927entre les colonies du Niger ct de Haute-Voldu 31août 1927)en
ce qui concerne les limites entre le cercle de Dori et le cercle de TilIabéry, en date du 7 juillet 1930) -
italiques ajoutées.Ce rappon indique de manière intéressanteque le travail réalisépar les administrateurs
Delbos et Prudon ne reflète lui-mêmeque très imparfaitement la réalitésur le terrain: {(Mais lors de ce
travail sur le terrain, les deux Administrateurs avaient dû aller très vite et les chefs de canton limitrophes ne
les avaient pas accompagnéspartout. D'autre part il semble qu'on ne les avait pas interrogéssuffisamment
sur les questions de litige qui pourraient [naître] à la suite de cette délimitation).

88 les indigènes d'un côtéou de l'autre de la frontièreet de les priver de leurs terrains

de cultures annuelles, pas plus que de les empêcherde faire paître leurs troupeaux
sur les terres de parcours coutumières ou de les abreuver aux mares qu'ils
fréquentent habituellement. La plus grande libertédoit ê tre laisséeaux nomades à
ce sujet, il importe seulement qu'ils ne puissent éc happer à leurs obligations

admi nistratives en passant en temps opportun une frontière idéale et
artificiell»372.

3.6\ Plus largement, la nature particulière de la géographie humaine dans la

zone disputé e prive les arguments fondé s sur la possession de toute valeur probatoire.

C'est un fait incontesté en effet que la géographiehumaine de la zone frontièrea toujours

étécaractériséepar la mobilitédes populations. Celle-ci est à la fois quotidienne et joue

aussi sur un plan plus général.Les populations se déplaçaient en fonction des aléas

climatiques ou de la conjoncture économ ique. La conséquence en est l'existence de

villages « fossiles» ou « fantômes » mais aussi l'impréc ision de la toponymie de la zone

frontière, pour ne citer que ces deux aspects. Par ailleurs, mêmedes populations plus
sédentaires pouvaient vivre dans des villages distincts selon les saisons, situé s le cas

échéant de part et d'autre de la frontière coloniale. Moyennant quoi « [uJne limite

territoriale a[vai]t un caractèreabsolument nul aux yeux des nomades »313;« il n'est pas

besoin d'ê tre très vieux colonial pour savoir que les territoires revendiqué s par les

groupements indigènes, surtout en pays de savane semi-dé sertique, ont des limites

traditionnelles plutôt vagues. Il y a des enchevêtrement,sdes chevauchements: elles ne

sont pas tracéesavec l'exactitude des concessions urbaines »374. De manièreplus radicale,

le chef de subdivision de Téradéclare,le 10août 1954,

« pense[r] comme la plupart de [ses] prédécesseurs qu'une délimitationexacte de
ce Canton de Diagourou est absolument impossible malgré les inépuisables

revendications et différendsque cette situation provoque. D'ailleurs ces différends
n'ontjamais ététrès graves (saufavec le Canton de Téraen raison des rapports des
chefs actuels); entreprendre un quelconque travail de bornage, mêmelocalisé ,
serait raviver inutilement d'anciennes querelles à peu près oubliées »375.

372Annexe MN, série C, nO 30 (Jenre nO 2259 AG.!. du lieutenant-gouverne ur du Niger au lieutenant­
gouverneur de la Haute-Volta , en date du 27 septembre 1929) (italiques ajoutées). La perception de l'impôt
est toujours un problème pendant entre les deux colonies l'annéesuivante (v. par exemple annexe MN, série
C, nO37 - lettre n° 362 du commandant du cercle de Dori au gouverneur de la Haute-Volta, en date du II
juin 1930).
373Annexe MN, sérieC, nO45 (Ienre nO112 du 10 avril 1932 et rapport de tournéede l'adjoint des services
civilsRoser, commandantà t.p. du cercle de Dori, au gouverneur de la Haute-Volta (Bureau Politique) , p.
3).
314Annexe MN, sérieC, nO25 (lettre nO411 du commandant du cercle de Dori au gouverneur de la Haute­
Volta, en date du 14 août 1929).
m Annexe MN, série C, nO84 (rapport du chef de la subdivision de Térasur le: re<:ensement du canton de
Diagorou , en date du août 1954, pp. 5-6).

893.62 Le Niger ne remet pas en cause cette caractéristique particulière de la

géographie humaine de la région. Il y souscrit entièrement au contraire, ce qui rend plus

surprenante encore la valeur qu'il croit pouvoir donner à la possession territoriale qui, de

son propre aveu, échappait à toute emprise frontalière, quelle qu'elle soit, et cela en
particulier au moment de l'adoption de 1'Arrêté de 1927 :

« Les problèmes de la zone frontalière sont conditionnés par divers facteurs de
production dominant s, savoir : le nomadisme itinérant, les transhumances
pastorales saisonnières transfrontalières en mouvement pendulaire, le semi­

nomadisme, l'agriculture sédentaire de plein champ, l'agriculture itinérante et
l'orpaillage . L'essaimage des villages rend le tracé de la frontière plus difficile.
L'appauvri ssement des sols des plateaux constitue un autre facteur de

déplacement. Ceci conduit fréquemment les populati ons d'un village à se déplacer
vers un nouvel emplacemen t, situéà quelques kilomètres du précé dent. Il n'est pas
rare, en pareil cas, que les hameaux qui sont rattachésau villageprinc~ d'origine

portent des dénomination s similaires, voire identiquesà ce dernier))37 •

Selon le Niger encore,

« La partition territorial e ne créa pas de problèmes pour les vîllages dont
l'organisation étaitconcentréedans un espace trèsrestreint (quelques hectares). En

revanche, pour les populations dont les terroirs d'attache étaient organisésdans des
espaces plus étendus (couvrant des dizaines, voire des centaines de kilomètres
carrés), la partition de ces terroirs constitua un facteur de désordre social et

provoqua des mou vements de populations motivéspar la conservation des identités
communautaires ou culture lles, ou par la sauvegarde des intérê ts. Chacun des
cercles, voulant désormais connaître le nombre exact de ses administrés, a été

amenéà procéder à des recensements. L'instabilité des population s voisinant les
limites ou les terroirs partagés a donné lieu à des enregistre ments multiples et à
l'invocation de critères de rattachement contradictoire s (lieu de nomadisation ou

village d'origine) .utre les mouvements relevant du nomadisme traditionnel ou de
la recherche de nouve lles terres, divers facteurs ont amené les population s à
changer de secteur : les différences de réglementat ion entre colonies en matière de

servitudes coloniales ou de fiscalité sur les personnes ou le bétail, l'existence
d'infrastructures de base sur le territoire voisin (accès à'eau, parc de vaccination
pour le bétail, écoles, centres de santé, etc.), les relations de pouvoir au sein des

tribus, et. Ainsi, tout au long de la frontière, s'est développéun jeu du chat et de
la souris entre administrateurs coloniaux et populations frontaières»377.

3.63 Dans de telles circonstances, le choix d'une limite artificielle étaitcelui qui,

malgré ses inconvénients allégués, se révéla sans doute ê tre le plus sage. A défaut de

pouvoir tracer une limite épousant une pratique étrangère à toute idée de délimitation

territoriale , l'option d'une ligne droite reliant des points identifiés paraissait la seule à

]76MN, pp.81-82,par.6.7.
]71MN, pp.80-81,par.6.6.

90mêmede remplir l'objectif fixépar l'auteur de l'Arrêté de 1927: délimiter, à des fins de

gestion administrative , les deux circonscriptions du Niger et de la Haute-Volta.

3.64 Au surplus, le Niger n'apporte aucun élémentfactuel probant qui justifierait

son tracéet s'opposerait à l'interprétation la plus évidente (précisémentretenue pour cette

raison par les autorités colonia les) de l'Arrêtémodifié de 1927, celle selon laquelle une

ligne droite était la limite intercoloniale à partir de la borne de Tao. D'une part, le Niger

ne prend pas la peine d'é tayer systématiquement ses affinnat ions; d'autre part, lorsqu'il le

fait, c'est exclusivement en se référant- par le biais de documents extraordinairement peu

nombreux - à une pratique postérieure à l'adoption de l'Arrêtéde 1927; il arrive

d'ailleurs que le Niger reconnaisse lui-mêmeque la possession a pu changer de titulaire

entre 1927 et la période postérieure, ce qui montre combien la pratique postérieure à

l'adoption de l'Arrêté est dénuéede toute pertinence. Enfin, ces quelques document s ne

sont en eux-mêmesde toute manière aucunement probants.

3.65 Le Burkina démontrera concrètement dans les pages qui suivent en quoi les

prétendus élémentsde possession alléguéspar le Niger ne justifient en rien, sur le plan

factuel, le tracéque celui-ci revendique. Ille fera en suivant à cet effet pasà pas ledit tracé

tel que le Niger le décritaux paragraphes 6.21 à 6.25 de son mémoire- en remarquant dès

maintenant la complexité de ce tracé dont le mémoire nigérien ne facilite guère la
378
compréhension •Plus précisémen,t il montrera que le tracédu Niger s'écarte largement

du tracédéfinidans l'Erratum de 1927 ainsi d'ailleurs que du tracéfigurant sur la carte de

1960, lequel n'est lui-mêmepas confonne au texte de l'Erratum puisqu'il y ajoute un

nombre considérable de points frontières que celui-ci ne désigne pas (v. croquis nO4 -

Tracéaprèsla borne de Tao, p. 6S et reproduit page suivante).

]7 La récapitulationdu paragraphe 6.26 du memoire du Niger ne reprend pas en etTctle description
du tracéque celle suivie aux paragraphes qui précèdentcelui-ci.

91 Tracé après la borne de Tao ~

Echelle: 1/400.000 ~.
;p,Ç\):,4W'R~~;:/),2.,,1 À :::
WyE

:5

Téin~é:Ac~è987
.
~ .~ti~~~~du~i~'er.
Trrtl:ÙO.oOO.+==="'1 A.
«[à partir de la borne astronomique de Tao] la ligne IGN passe à

l'ouestde Petelkolé(lescoordonnées du villagesont /4° 00'35.7"
N; 00° 24' 52.6" E) qu 'elle laisse au Niger. (...) La lignefrontière

suit le tracéIGNju squ 'auxabords de Pete/kalé. Elle s 'en écarte
ensuite légèrement vers l'ouest afin de rejoindre le point où se

termine le tronçon de la nouvelle route Téra-Doriaménagéepar le
Niger (coordonnées .-14' 00'04.2" N ,"00' 24' 16.3" E).Elle

rejoint ensuite la ligne IGN au point de coordon nées 13° 59' 39"
N,. 00° 25' 12" E » (mémoire du Niger, p. 94)

3.66 Dès ce premier secteur, le Niger adopte un tracé qui s'écarte, à son

avantage, du tracéen ligne droite de l'Erratum - ainsi d'ailleurs que du tracéde la carte de

1960. Le Niger n'explique pas la raison de cette déviation. Il ne justifie pas plus la raison

d 'être des points de passage de la frontièrequ'il revendique, par exemple « le point où se

termine le tronçon de la nouvelle route Té ra-Doti amé nagé e par le Niger )) que l'Erratum
379
de 1927 ne mentionne pas .

3.67 Cette déviation s'explique de toute évidence par la volonté du Niger

d'enclaver à son profit le village de Petelkoléqui se trouve pourtant à l'ouest, donc côté
Burkina, de la ligne droite définie dans J'Erratum de 1927.

3.68 Selon le Niger, le fait que le tracéqu'il revendique laisse ce village à l'est,

côtéNiger, serait « confonne aux infonnations administratives de l'époq ue coloniale ))380.

Ledit village n'est pourtant pas répertoriédans le répertoire des localités de l'AOF

contemporain de l'Arrêté de 1927dans le fascicule Niger. S'il ne l'est pas non plus dans le

fascicule Haute-Volta, il est indiquéen revanche sur le croquis de 1954 du canton de

Diagourou (Niger) qu'il s'agit d'un village «étranger au canton ))381.De mêm e ne figure­

t-il pas dans l'Arrêté du 1 janvier 1956fixant le siègeet le ressort des bureaux de vote en

vue de l'é lection à l'Assemblée nationale du Niger 382. Par ailleurs, ce village, qui est

représentédeux fois sur la carte de 1960, est localisédans les deux cas à l'ouest du tracé

319Cette nouvelle route a étéaménagéetout récemment. Elle ne correspond pas à «apiste automobil»
viséedans l'Erratum.
380MN, p. 94, par. 6.22.
38 Annexe MN, série D, nO21 (canton de Diagourou: échelle 1/250000 , 1954).
382Annexe MN, sérieB, nO31 (arrêtenO2794/APA fixant le siège ell e ressort des bureaux de vote en vue
des élections à l'Assembléenationale (JdlNiger, n° 304,eljanvier 1956».

95de la carte, donc côtévoltaïque, si bien que le Niger commet une erreur lorsqu'il écritque

« la ligne rGN passe à l'ouest de Petelkolé(...) qu'elle laisse au Niger »383 .

3.69 Le Niger n'avance que deux élémentsqui iraient en sens contraire 384 :

(i) il s'appuie tout d'abord sur « l'accord Roser/Boyer» de 1932, lequel, comme
385
on le sait eependant ,entendait modifier la limite fixéepar l'Erratum de 1927, et non

l'interpréter; ainsi ce document n'indique-t-il pas que la limite passe à l'ouest de

Petelkolé,comme le prétendle Niger, mais qu'il s'agit là de la« limite [qui] devrait alors

êtredéfinieainsi )) dans le «nouvel erratum ) proposé, qui ne sera jamais adopté 386 ; le

croquis de l'administrateur Delbos plaçait au demeurant pour ce qui le concernait

Pételkoléà l'ouest de la limite qu'il proposait, donc côtévoltaïque 381;

388
(ii) le rapport de tournéede 1953 n'étayepas davantage la thèse du Niger. D'une

part et une fois de plus, les élémentsmentionnés dans ce rapport le furent sur la base de la

délimitation proposéepar l'administrateur Delbos, et non de celle finalement retenue dans

l'Erratum de 1927. D'autre part, les infonnation s contenues dans ce rapport sont

imprécises puisqu 'à cette époque « les bornes astronomiques mentionnées dans l'arrê té

n'ont pu êtreretrouvées». Il faut rappeler à cet égardque la limite évoquéepar ce que le

Niger appelle « l'accord RoscrlBoycr » de 1932 aboutit non pas à la bornc astronomique

de Tao, comme l'indique l'Arrêté , mais à un « poteau frontière situé à 5km 750 de la

borne astronomique de Tao »389.Enfin, il est difficile de donner un sens quelconque à la

mention figurant dans le rapport selon laquelle la limite passerait entre « les hameaux

pennanent s » de Petelkarkalé et Pételkolédès lors que Petelkarkalé ne figure pas sur la

carte de 1960. Rien ne vient ainsi justifier en définitive l'enclavement de Pétélkolé que ni

l'Erratum, ni le tracéde la carte de 1960 d'ailleurs, n'attribuent au Niger.

383MN, pp,93-94, par,6.22.
38-MN, p,94,par. 6,22.
385V. SI/prapar. 3.33.
386Annexe MN, sérieC, nO45 (Ienre nO112du 10 avril 1932 et rapport de tournéede l'adjoint des services
civils Roser, commandant à t.p. du cercle de Dori, au gouverneur de la Haute-Volta (Bureau Politique), p. 6

(italiques ajoutées).
387Annexe MN, série C, nO 14 (croquis ctabli par l'administrateur De1bos de l'itinérairesuivi par les
administrateurs de Dori et Tillabéry lors d'une mission, en juin7, en vue de la délimitationentre les
cerclesde Dori et TilIabéry).
388 Annexe MN, série C, nO 79 (rapport d'une tournée effectuée du 16 au 23 novembre 1953 par
l'administrateur adjoint Lacroix (cercle de Tillabéri), en date du 24 décembre 1953).
389V. annexe MN, sérieC, nO73 (télégramme-lettreofficiel nO70 du chef de la subdivision de Téraau

cercle de Tillabéri,en date du 11juillet 1951).

% B.

« Lalron/ièresuit a/orsla ligneIGN. laissantFetokarkafe
(Burkina Faso) à ,'ouest. Puis elle passe par un point fron tièredit
0 0
Baobab (/3 58' 38.9" N.- 00 26' 03.5 " E), et par Tindiki (JO
57' 15.4.9" N ; 00° 26' 23.6" E), jusqu'ail moment où les

croisillons deviennent discontinus à la hauteur d'lhouchaltane
(01l501tosur la carte fGN /960, feuille Sebba) » (mémoiredu

Niger, p. 94)

3.70 Le Niger dit reprendre à partir d'ici le tracéde la carte de 1960. JIlaisse

tout d'abord expressément le village de Fetokarkale au Burkina Faso (<<[Ilafrontière (... )

laiss[e) Fetokarkale (Burkina Faso) à l'ouest ))). ce que fait également la ligne droite

reliant la borne de Tao à la rivièreSirba à Bossébangou. Le Niger mentionne par ailleurs
1
deux points de passage (les points «Baobab ))et « Tindiki )p90 ),qui, n'étant pas visés

dans l'Erratum, ne peuvent êtreconsidéréscomme des « points frontière)). Par ailleurs,
ces deux noms ne figurent pas sur la carte de 1960.

3.7 1 Au niveau du campement d'Oulsalta, le Niger indique lui-mêmeque le

tracéde la carte s'interrompt pour reprendre un peu plus loin. Si l'on traçait une ligne

droite entre les deux tronçons interrompus du tracéde la carte, en suivant la méthodologie

que le Niger retient lui-mêmedans d 'autres secteurs391, Oulsalta se retrouverait très

clairement du côtévoltaïque du tracé.C'est également son emplacement si l'on retient le

tracéen ligne droite adoptépar l'Erratum.

C.
« Lafrontière passe par un point situésur la rivière à l'ouest du
campement, et dont les coordonnéessont 13° 55' 36.4" N ; 00° 27'

07.2" E. (...)La limite passe par le point de coordonnées 13° 53'
12.8" N ; 00° 28' J3.5" E situésur la route Kalsatouma-Sidibébé.
Elle rejoint ensuite la ligne [GN au pointde coordonnées 13°53'
24" N; 00° 29' 58" E» (mémoiredu Niger, p. 95)

3.72 En dépitde ce qui précède,le Niger fait opérer à son tracéune nouvelle
déviationpar rapport au tracéde la carte de 1960 de manière à venir totalement enclaver à

son profit Oulsalta (et ses deux quartiers de Banguel Ndao et Dongobe). Au lieu de

rejoindre par un segment de droite l'interruption entre segments continus qui affecte le

390Il est à noter que les coordonnées données par le Niger de ce dernier point le placent non pas sur la
frontière, mais au Burkina si on suit le trace de la carte de 1960 comme le suggère le Niger.
39 V. MN, p. 100 in fine , par. 6.26De«là, la ligne ION en comblant par des segments de droite les
interruptions entre segments continus,jusqu'au... »(italiques ajoutées).

97tracéde la carte, le tracédu Niger se dirige vers le sud-ouest, puis le sud, puis le sud-est,

enfin le nord-est, dessinant ainsi une courbe dont la longueur est quasiment trois fois plus

longue que le segment de droite qui aurail reliédirectememl'imerr uplion entre segments

continus. Absolument rien ne justifie ce tracé, si ce n'est la volonté de placer le

campement d'Qulsalta du côténigérien.

3.73 Le Niger relève pourtant lui-mêmeque « l'appartenance de ce lieu [a] pu

être contestée»; «[i)l apparaîtsur lafronti ère d'après le croquis établipar Delbos en juin

1927 », soit à la veille de l'adoption de l'Arrêté- en réalitéle campement est dessinésous

la fonne d'un ovale à cheval sur la limite proposée 392.Cela peut s'expliquer par la

présence de la mare d'Ossolo au nord-est de ce secteur. S'agissant de tribus nomades, leur

localisation dépend moins en effet de leurs lieux de campement que de l'endroit où se

393
trouvent les points d'eau auxquels ceux-ci viennent faire boire leurs troupeaux •Cela

peut justifier qu'en l'espèce, Ousalta ait pu êtrelocalisé à cheval sur la délimitation. De

même , il est difficile de tirer la moindre conclusion sur le pL an de la délimitation

intercoloniale du fait que des tribus exploiteraient dans la zone frontalièrecertains champs

- à plus forte raison lorsqu'il s'agit de champs ayant fait l'objet de razzias comme c'était
394
le cas des lougans (champs) des Logomatens . Il semble bien d'ailleurs que la gestion

des Touaregs de l'Oudalan ct des Logomatcn rclcvait, avant sa dislocation, de l'autoritéde

la Haute-Volta et non du Niger, comme en témoigneune lettre du gouverneur généralde

l'AOF du 3janvier 1934 395•

3.74 Que le campement ait étéplacé à l'est de la limiteproposée par « l'accord

Roser/Boyer d 'avril 1932, auquel les autoritésde la colonie du Niger se sont référs éle 24

mai 1935 et le II juillet 1951 >?9 est égalementsans pertinence, pour les même s raisons

que ce lles rappelées à l'égarddu village de Pétélko lé.La localisation d'un lieu par rapport

392MN, pp. 95-97, par. 6.23 et p. 95, note 266 (italiques ajoutées).V. annexe MN, série C, nO14 (croquis
établi par ldministrateur DeU>osde l'itinérairesuivi par les administrateurs de Oori et Tillabéry lors d'une
mission, en juin 1927, en vue de la délimitation entre les cercles de Dori et Tillabéry).
3'13Les récriminations du commandant de cercle de Dori contre la limile adoptée par l'Arrêtéde 1927 ont

tenu en particulier au fait que celle-ci laisse les points d'eau asupra,rpar. 1.31, et annexe MN,
sérieC, nO21, p. 2. C'est le cas tout particulièrement de la mare d'Ossolo que vise expressément l'Arrêté
mod ifiéde 1927.
394Au demeurant , le seul document citépar le Nàgce propos (MN, pp. 95-96, par. 6.23 et annexe MN,
sérieC, nO64) date de 1941, sàiune époqueoù la colonie de la Haute-Voila avait étédisloÀuce titre
là aussi, ce document est privé detoute portêcdans la présenteaffaire.
m Annexe CMBF 4 (lettre nO2 AP!2 du gouverneur général de l'AOF au gouverneur du Niger ais état

d'esprit des touaregs d e Dori et de Tillabéry, 3janvier 1934).
3%MN, p. 95, par. 6.23.

98à une délimitation qui n'a pas étéconsacrée ne peut venir remettre en cause celle qui l'a

été.

3.75 Le Niger affinne enfin que « ce lieu est mentionné sur le croquis du canton

de Diagourou en 1954 ». C'est vrai, à une nuance décisive près: ledit lieu n'est pas

souligné sur ce croquis, ce qui signifie selon la lgende de ce dernier qu'il s'agit d'un

« village étranger au canton»391.

3.76 Le Niger n'invoque aucun autre élément susceptible de justifier

J'enclavement d'Oulsalta.

D.
« De ce point, la limite suit la ligne fGN 1960jusqu 'au point de

coordonnées 13° 52' 04" N; 00° 31 '00" E où commence la zone
des campements de Komanti (Kamanti 011 Conanti sur certains

documents). (...) Lafronti ère marquéesur les cartes fGN 1960 est
dessinéeavec beaucoup de discontinuités pour signifier que le

tracées!parriculièremenr problématique dans ce secteur (...). A
partir du point de coordonnées13° 52' 04 " N, 0° 31' 00" E où les

croisillons deviennent discontinus sur la carteN 1960, la limite
passe par le point de coordonnées13° 48' 55" N; 0° 30' 23" E,

puis atteint le point de coordonnées 13° 46' 31 N,Do 30" 27" E.
Elle rejoint ensuite le point de coordonnées 13° 46' 18N,Do 32'

47" E situéau nord de Ouro Sabou sur le bras de rivière affluent
du Tyekol Dyongoltol. Lafrontière suit ensuite cet affluent jusqu 'à

sa confluence avec le Tyekol Dyongoltol au point de coordonnées
13° 46'51" N, 00° 35'53" E; delà , elle suit la ligne 1GN

jusqu'au point de coordonnées 13° 46' 22.5" N,Do 37' 25.9" E
situé à hauteur de Bangarésur la rivière Folko ( ..» (mémoire du

Niger. pp. 95-97)

3.77 La mêm e technique de l'enclavement est reprise ici par le Niger, de

manière encore plus grossière d'ailleurs. Le tracéqu'il revendique ne suit en effet que sur

une très courte distance celui de la carte de 1960. Au lieu, de nouveau, de relier par des

segments de droite l'interruption des croisillons - ou même, à défaut, de suivre les cours

d'eau présents dans ce secteur - le Niger dessine un tracéqui s'enfuit dans une direction

opposée: celui-ci se dirige vers le sud-ouest, puis vers le sud, puis vers l'est et enfin le

nord-est. Le triangle ainsi dessinéconstitue un large saillant dont, à nouveau, l'Erratum de

3'1Annexe MN, série D, nO21 (canton de Diagourou: échelle 1/250000 , 1954).

991927 ne dit mot. Et le tracé de ce saillant et ces différents points de passage ne sont

aucunement justifiés, ni mê me expliqués par le Niger. Le Niger n'explique pas plus

pourquoÎ il ne tient aucun compte des croÎsillons qui apparaissent sur la carle de 1960

entre les deux tronçons du tracéde la carte que le Niger relie par le biais d'une enclave.

3.78 Le seul argument invoquépour le Niger pour justifier qu'en conséquence

de ce saillant, « les localités de Komanti, Kamanti désigné aussi Ouro Toupé
Zongouweitan désigné aussi Kamanti Fé téTao, et Dingui-Dingui désignéégalement Ouro

Tanbella » reviennent au Niger est le suivant : ces campements seraient « administréspar

le Niger depuis la périodecoloniale »398.Autrement dit, la possession vaudrait titre - en

admettant d'ailleurs qu'elle soit prouvée, ce que le Niger ne fait nullement. Le Niger ne

peut s'affranchir plus nettement du droit applicable à la délimitation tel qu'il a été

expressémentprécisépar les Parties dans leur accord de 1987.

3.79 Le Niger ajoute il est vrai que «Zongowatean est mentionné sur le croquis

du canton de Diagourou en 1954 »399. Mais ce campement figure, en 1954, au nord-est de

Bangaré, donc au nord-est du tracéde la carte de 1960. En aucun cas ce campement n'est
localisédans le large saillant que le Niger s'auto-attribue au sud-ouest de ce tracé.

E.

{{A cepoint, la lignefi'ontière prend une claire orientation sud­
ouest. Les coordonnéesdu point auque/la Iignefrontière change
de direction sont les suivantes: /3 ° 46' 22.5" N ; 00° 37' 25.9" E.

Au sud de Bangaré,la limite reprend le cours de la ligne fGN»
(mémoiredu Niger, p. 98)

3.80 Le Niger adopte s ur ce court segment le tracéde la carte de 1960, qui paraît

laisser au Niger le village de Bangaré.Ce dernier village est présentépar le Niger comme

un « gros village cosmopolite de plus de 1000 âmes )400.Si Bangaré é tait connu dès 1927
des autoritéscoloniales, il importe de souligner que ce n'é tait alors qu'un petit marchéqui

n'est devenu un village qu'en 1945. Dans son rapport en date du 10 août 1954 sur le

recenseme nt du canton de Diagourou, le chef de la subdivision de Téranotait:

«Villages de fonnation récente

3'JMN, pp. 96-97, par. 6.2).
399MN, p.96, par6.23 et annexe MN, serie D, 21(canton de Diagourou : éche1/250000 , 1954).
400MN, p. 98, pa6.24.

100 Ils sont au nombre de quatre. (... ) Le quatrième, Bangaré, a étécréépar M. Garat
en 1945. Il comprend plusieurs éléments; des chefs de famille provenant de la

tribu de Diagourou ou du Yagha, des chefs de famille Mossis et Gounnantchés
installés là autour du peLiLmarché de Bangarépour le développement duquel le
village a étécréé»401.

3.8 1 Selon le Niger, le tracé de la carte de 1960 serait justifié dès lors que

« Bangaréa de tout temps étésituéen territoire nigérien ».Cependant, le Niger se fonde à
402
cet égard exclusivement sur des documents postérieurs à 1950 , auxquels il fait dire

d 'ailleurs des choses qu'ils ne disent pas 403.Ceux-ci sont d'autant moins probants qu'ils

sont contredits par des document s contemporains de l'Arrêté modifiéde 1927. Le Niger le

reconnaît :

«S ur le croquis dressé par Prudon en 1927, Bangaré était cependant figuré en
territoire voltaïque(404).Sur les croquis dressés par Delbos en juin (40) et en août
1
1927[406 ,e nom apparaissait sur la limite »407.

3.82 On peut y ajouter le fait que la «lis te des cantons et villages du Niger

trans mise au ministre de la France d'outre-mer en 1948 » ne recense pas Bangaré- pas

plus qu 'Oulsaltan ou Petelkolé- panni les villages du canton de Diagourou 4o. Il en va de

mêmede \a liste des villages de la subdivision de Téraen date du 6 juillet 1933 409.

Dans ces conditions 4lO, il est clair qu'à la date de l'adoption de l'Arrêé t
3.83

modifiéde 1927, Bangaré é tait conçu comme devant relever de la colonie de Haute-Volta.

C'est cette solution que retient l'Erratum de 1927 en ne retenant pas de point

intenné diaire entre la borne de Tao et la Sirba à Bossébangou. Il n'y a pas lieu de lui

40 Annexe MN, sérieC, n° 84 (rapport du chef de la subdivision de Térasur le recensement du canton de
Diagourou, en date du 10août 1954), p. 9.
402MN, pp. 97-98, par. 6.24.
40)Ainsi le rapport de tournéede 1953 n'indique-t-il pas, contrairement à ce que prétendle Niger« lae
frontièrey passe [par ce villa»e(MN, p. 97, par. 6.24). 11indique de manièreplus vague : {(De Bangaréà
Tao aucun accident géographique remarquable ne se rencontre: 'la zonefrol1tière' passe d'abord de Bangaré
au Nord-Ouest d'Ousaltan par une plaine souvent latéralisée... » (MN, C.79, Rapport d'une tournée

effectuéedu 16 au 23 novembre 1953 par l'administrateur adjoinllacro ix (cercle de Tillabéri), en date du
24 décembre1953, p. 2 (italiques ajoutées».
404Annexe MN, sérieD, nO3 (cercle de Tillabéry,croquis au 1/200.000 dressépar l'administrateur Prudon,
juin 1927).
405Annexe MN, sérieC, nO3 (croquis au 1/500.000 représentant le cercle de Say, sans mention d'intitulé, ni
d'auteur ni de date).

4()Annexe MN, sérieC, nO16(lettre de Dclbos, Commandant de cercle de Dori, au gouverneur de la Haute­
Volta, en date du 27 août 1927).
407MN, p. 97, par. 6.24.
408Annexe MN, série C, nO71 (liste des cantons et villages du Niger transmise au ministre de la France
d'Outre-Mer (cantons de Diagourou. Tamou et Torodi), s.d. 1948).
4()Annexe MN, série C. nO50 (liste des villages de la subdivision de Téra,6 juillet 1933).

4 1V. également supra, par. 3.36.

101substituer un autre tracé, que ce soit celui de la carte de 1960, qui s'en écarte, ou celui

revendiquépar le Niger, qui ne repose sur aucun élément.

F.
« Elle passe, en suivant les cours d'eau là où ily a absence de

croisillons, entre Kolangoldagabé,au Burkina Faso
(coordonnées.' 13° 43' 52.3" N ,"00° 36' 14.5" E) et LolnGn{gJo,

GU Niger (coordonnées13° 43 '50.3" N," 00° 36' 49.0" E)>>
(mémOire du Niger, p. 98)

3.84 Le tracédéfendupar le Niger suit dans ce secteur le tracé, très discontinu,

de la carte de 1960, en comblant les intenuptions, non pas par des segments de droite,

mais «en suivant les cours d'eau là où il y a absence de croisillons ))411ce qui paraît

d'autant plus curieux que dans ce secteur de tels cours d'eau n'existent pas toujours entre

deux segments interrompus. Par ailleurs et de toute manière, cela ne correspond pas au

tracéque revendique le Niger, qui procèdepar lignes artificielles. Le Niger revendique ici
412
les villages de Lolnando, Kolmangol Nore Ole et Pate Bolga ,sans, de nouveau, appuyer

cene revendication sur le moindre document.

G.
« Lafrontière passe ensuite par la localitéde
Sénobellabé(coordonnées géographiques.' 13° 36 '52.6" N.- 00°

50' 00.8 " E)) (mémoiredu Niger, p. 98)

3.85 La localitéde Sénobellabéconstitue une nouvelle difficultépour le Niger.

Le tracéde la carte de 1960 place en effet cette localitédu côténigérien, alors pourtant

qu'elle était incontestablement reconnue comme étant du côté voltaïque de la limite

intercoloniale lorsque celle-ci fut adoptéeen 1927. Le Niger l'admet expressément: ce

« terrain de culture ))

« était considéré comme voltaïque par l'accord Roser/Boyer d'avril 1932,
s'appuyant sur la ligne Delbos de 1927. Ce point de vue a étécontinné par le
rapport de tournéedu chef de subdivision de Téraen date du 8 novembre 1933,

transmis au gouverneur du Niger par le commandant du cercle de Tillabéry.Il en
est alléde mêmedans le procès-verbal conclu entre les administrateurs de Dori et
de Tera en date du 25 avril 1933. Ceci a eu pour conséquence un transfert de

populations d'origine nigérienne vers les localitésde Taka et Yolo, situées en

411MN, p. 98, par. 6.24.
412MN, p. 98, par. 6.24 infine.

102 territoire nigérien. Il en est alléde même dansle procès-verbal du 8 décembre
1943 »4 !3.

3.86 Dans de telles circonstances, il est incompréhensible que le Niger

revendique un tracépassant à "ouest de cette localité.C'est pourtant ce que fait le Niger

en... déplaçant tout simplement le village, et dans l'espace, et dans le temps! Selon le

Niger,

« ils'agit de hameaux de cultures qui ne sont pas fixés à demeure au même
endroit. Les sites changent suivant les saisons en conservant les mêmes
toponymes. Avant 1960 Sénobellabéétaitplus au nord. Aujourd'hui, l'ancien site

a étéabandonné et les hameaux qui continuent à porter ce nom se trouvent du côté
burkinabéde la ligne IGN »4!4.

3.87 Ce 'raisonnement ' appelle trois commentaires:

(i) le Niger reconnaît ici que la 'mé thode' consistant à essayer de retrouver les

« limites vécues » n'a aucun sens dans une régionoù des localités «c hangent suivant les

saisons en conservant les même s toponymes » ;le Burkina en prend acte;

(ii) cette 'méthode' est appliquéepar le Niger de manièretrès curieuse: il se fonde

sur l'emplacement de la localité aujourd'hui, pas sur son emplacement en 1927 ;

(iii) or, si cette localitéétaitconsidéréecomme voltaïque en 1927, ce n'é tait pas à

son emplacement d'aujourd'hui , mais à celui de 1927. Dès lors, le tracéque le Niger

revendique qui passe à l'ouest de l'emplacement occupé par Sénobellabéen 1927 est

infondé puisqu'il passe à l'ouest d'une localité qui à l'époque pertinente se trouvait

incontestablement du côtévoltaïque et donc de l'autre côtéde la limite intercoloniale. La

hmite en ligne droite arrivant de la borne de Tao laisse quant à elle le village de

Sénobe llabéau Burkina.

3.88 Le Niger se fonde sur le fait que cette localitéserait restéecitéeparmi les

villages du canton de Diagourou (Niger) en 1933 et 1948 4!5. Cette localiténe se trouve

cependant pas sur le croquis du canton de Diagourou de 1954 416•Son appartenance a par

41)MN, p. 98, par. 6.25. V. également le procès-verbaldu 25 avril \935, annexe MN, sérieC, nO57, qui
rattache aussi cette localitéau cercle de Dori.

41.MN, p. 99,par. 6.25.
415MN, p. 100, par. 6.25.
416Annexe MN, sérieD, nO2\ (canton de Diagourou: échelle 1/250000 , 1954).

103ailleurs fait l'objet de litiges entre les deux colonies jusqu'en 1932 au moins17.Et comme

le Niger le rappelle, dans tous les cas, ces litiges ont conduià réaffirmerque Sénobellabé

relevait du territoire de la Haute·Volta.

3.89 Une fois encore, l'examen des élémentsfactuels produits par le Niger

aboutit ainsi à écarter comme privéde tout fondement le tracéqu'il revendique, ainsi

d'ailleurs que le tracéde la carte de 1960 dans ce secteur. Ces élémentsviennent en

revanche pleinement corroborer l'interprétation,que le Burkina fait sienne, de l'Erratum

délivréepar les autoritéscoloniales selon laquelle l'Erratum a adoptéun tracéen deux

segments de droite entre la borne de Tong-Tong, celle de Tao et la rivière Sirba à
Bossébangou 41 •

H.

« L'arrivéede la ligne IGN à ce qui constituait à l'époquela limite
de Say (point triple entre les cantons de Ti//abéry,Dari et Say), se
0 0
trouve au point de coordonnées 13 29' 08" N; 01 01'00" E»
(mémoire du Niger, p. 99)

3.90 Ce« point » d'arrivéeest purement arbitraire, à un triple titre. Comme cela
a étérappelé, l'Arrê témodifiéde 1927 n'y fait pas référence. Par ailleurs, la carte de 1960

n'indique pas « ce qui constituait à l'époquela limite de Say». Enfin, le Niger n'explique

pas selon quelle méthodeil a choisi de localiser aux coordonnéesqu'il indique le point en

question. Comme cela sera établi dans le chapitre suivant, le dernier segment de la limite

dans le présent secteur ne s'arrêtepas au prétendu « point triple» invoquépar le Niger,

mais au point où la limite atteint la rivière Sirba à Bossébangouselon les tennes sans

équivoquede l'Erratum de 1927.

*

3.9\ En conclusion, il est manifeste que le tracérevendiquépar le Niger s'écarte

du texte de " Erratum de 1927 alors mêmeque celui-ci ne pré sente aucune insuffisance. Il
s'écarteaussi d'ailleurs du tracéfigurant sur la carte de 1960 - lequel n'est pas confonne

dans ce secteur à j'Erratum. Que le Niger ait décidéde s'écarteret du tracéen lignes

417Annexe MN, sérieC, nO46 (bufletin de renseignements politiques du cercle de Tillabéry, en date du Il
octobre1932).
418V.en particulier supra, 3.2.

104droites de l'Arrêté, et du tracé de la carte de 1960 (qu'il prétend pourtant suivre contre

toute raison) est en contravention grossière avec le droit applicable aux Parties. Une telle

stratégie visepeuH~t àrobtenir de la Cour un tracéqui, à titre de compromis, retiendrait

le tracéde la carte qui court entre celui revendiqué par le Niger et la ligne droite reliant la

borne de Tao à la Sirba à Bossébangou. Le Burkina est confiant quant au fait que la Cour

déterminera le tracéconfonnément à l'accord des Parties consignédans l'Accord de 1987

et réaffinnédans le Compromis de saisine: comme les administrateurs coloniaux ont été

nombreux à le constater, certains pour le regretter, la limite intercoloniale décidéeen 1927

a pris la forme de lignes artificielles reliant par des segments de droite les points frontières

expressément désignésdans l'Arrêté.Ceci constitue la frontière entre le Burkina et le

Niger dans ce secteur, comme du reste le Niger en avait convenu à plusieurs reprises avant

son revirement soudain de 1990.

3.92 Le Burkina conclut par conséquent, sur la base des élémentsqui précèdent,

- d'une part, que le tracé de la frontière décrit par le Niger dans son mémoire

relativement au « secteur de Téra)) est dépourvude tout fondement, en droit et en fait;

- d'autre part, que le tracédc la frontière dans cc scctcur est celui décritaux pages

158 et 160 du mémoire du Burkina: à partir de la borne astronomique de Tong-Tong , la

frontière suit une ligne droite jusqu 'à la borne astronomique de Tao (Lat.: 14° 03'

04.7" N.; Long.: 0° 22' 51.8" E)419puis, de ce point, une ligne droite jusqu'au point où

la frontière atteint la rivière SiràaBossébangou (Lat.: 13° 21' 06,5" N; Long.: ]0 17'
11'' E)420.

419Les coordonnéesde ce point été r0levéesaaps par le B0rkina. Les coordonnéesde celte borne sur
l'ellipsoïde Clarke 1880sont : Lat.: 14 03' 13" N; Long.: 00 22' 53" E.
420Les coordonnéesde ce point sont donnéessur l'ellipsoïde de Clarke 1880.

105 CHAPITRE IV

LE TRACÉ DE LA FRONTIÉRE DANS LE « SECTEUR DE SAy»

4. 1 Dans le secteur présentépar le Niger comme étant « le secteur de Say ~~,

qui correspond au tronçon de la frontière séparant les deux Etats au niveau, côté

burkinabé, des départements de Yagha, Komodjari et Tapoa, et, côté Niger, des

départements de Tera (pour ce qui concerne la portion de frontière atteignant la rivière
2
Sirba à Bossébangou), et de 8a/ 1,le Niger reconnaît de manière seulement apparente

que la frontière est définie par l'ArrêténO 2336 du gouverneur généralde l'AOF du 31

août 1927 modifiépar l'Erratum du 5 octobre 1927, qui pose que la frontière « attein[t] la

rivière Sirba à Bossebangou. Elle remonte presque aussitôt vers le Nord-Ouest laissant au

Niger, sur la rive gauche de cette rivière, un saillant comprenant les villages d'Alfassi,

Kouro, Tokalan, Tankouro; puis, revenant au Sud, elle coupe de nouveau la Sirba à

hauteur du parallèle de Say». Certes, le Niger affirme que l'Arrêtémodifié de 1927

« demeurait, au moment où les deux États sont devenus indépendants, le seul texte de

référencepour la détermination de leur frontière commune »422, et que le recours à ce texte

pour déterminer la frontière découle du « prescrit mêmedu compromis de 2009 et de

J'accord de 1987 entre les deux États »43. Mais la partie nigérienne contredit

immédiatement ce constat - avec lequel le Burkina est en parfait accord - en indiquant

que si le texte del'Erratum «const ituera la base première de détennination du tracéde la

frontière entre les deux États dans ce second secteur »424, l'existence d'« énoncés

problématiques», et le constat que la carte de 1960 « s'écarte pour une partie notable de

celui prescrit par l'erratu», le conduisent à« s'en écarterà certains égards »425.

4.2 En réalité,le tracérevendiqué par le Niger n'a rien de commun avec celui

prescrit par le texte pourtant reconnu comme « texte de référence}):

- alors quele texte indique qu'après avoir coupéla piste automobile de Tera à Dori

à la borne astronomique de Tao, la frontière « attein(t) la rivière Sirbaà Bossebangou n,

421Voir MBF, p. 13, croqui4 - Circonscriptio ns adminislral ives à la frOnlière.
422MN, p. \04par.7.12.

423Ibid.
42.MN, p. 105par.7.12.
425Ibid.

106c'est un tout autre tracéque le Niger revendique , s'arrêtantà une trentaine de kilomètres
426
au nord de la rivière Sirba ;

- alors qu 'à lire le texte, après avoir atteint la rivière Sirba à Bossébangou, la

frontière «remonte presque aussitôt vers le Nord-Ouest laissant au Niger, sur la rive

gauche de cette rivière, un saillant comprenant les villages de Alfassi, Koura, Tokalan ,

Tankouro », il faudrait tout au contraire considérer que ((la frontière ne peut créer un

saillant dans cette zone »427,et qu'au lieu de remonter vers le nord-ouest , ((elle oblique

simplement en direction du sud-ouest »428;

- alors que j'Erratum, pose que la frontière, ((revenant au Sud, (... ) coupe de

nouveau la Sirba à hauteur du parallèle de Say», il faudrait réécrirele texte de manière

que la frontière prenne une direction sud-ouest pour aboutir (( approximativement (à) la

Sirba à hauteur du parallèle de Say»429 - sans d'ailleurs la couper ((de nouveau» , à

défautde l'avoir atteint une première fois à Bossébangou comme l 'exige l'Erratum;

- alors que le texte indique que la frontière {(suivant une direction Est-Sud-Est, se

prolonge en ligne droite jusqu 'à un point situé à 1,200 mètres Ouest du village de

Tchenguiliba n, le Niger « s'en tient (...) ici au tracéde limite en deux segments de droite,

tcl qu'il apparaît sur ccs cartes ct croquis de la périodccoloniale »430.

4.3 Les conclusions ainsi présentéespar la partie nigérienne sont incompatibles

avec le principe, accepté sans réserve par les deux Parties et consigné à l'article 6 du

Compromis de saisine de la Cour, selon lequel la frontière entre les deux États est définie

par le droÎt international ,y compris «le principe d'intangibilité des frontières héritéesde

la décolonisation et l'accord du 28 mars 1987 n. Ce « droit applicable » conduit en effet à

écarter les documents sur lesquels le Niger appuie ses arguments en vue d'établir que le

tracé de la frontière n'est pas celui décrit par l'Erratum, pour au moins quatre raisons

cumulatives.

4.4 Premièrement, l'application de l'uti possidetisimpose, pour la définitionde

la frontière, de se référerau titre que constitue l'Arrêtédu 31 août 1927 modifié par

426MN, p. III , par. 7.23.

421MN, p. 112, par. 7.26.
428MN, p. 112, par. 7.26.
429MN, p. 115, par. 7.32 (italiques ajoutées).
430MN, p. 120, par. 7.40 (italiques ajoutées).

107l'Erratum du 5 octobre 1927 - d'ailleurs reconnu par le Niger comme étant « le seul texte
431
de référence»au moment des indépendances . Il est donc parfaitement indifférent que le

tracé décrit par ce texte soit contredît par celui suggérépar certains documents non

réglementaires ou que des cartes et croquis montrent une ligne différente. Et peu importe

que la ligne réglementaire ait déçu les attentes de certains fonctionnaires. Au mieux, les

documents et faits que ceci illustre pourraient êtrequalifiésd'effectivités - ce que la Partie

nigérienne se garde prudemment de faire - contraires au titre. Or il est bien établi qu'en

application de l'uti possidetis de telles effectivités doivent êtreécartéesau profit du

titre32•

4.5 Deuxièmement, l'article 1 de l'Accord de 1987 renvoie exclusivement à

l'Arrêté et à son Erratum pour ce qui concerne la description de la frontière, excluant par

là mêmede s'en écarter,notamment s'agissant du tracédans le secteur de Say, sur la base

d'un quelconque autre document. A soixante ans d'intervalle, l'Accord de 1987 vient ainsi

confinner le titre de 1927 par le biais d'un accord exprès des deux Parties au présentlitige,

27 ans après leur accession à l'indépendance.

4.6 Troisièmement, l'article 2 de l'Accord de 1987, relatif non pas à la

définition dc la frontièrc mais à sa matérialisation, indiquc quc ccttc dernière doit sc faire

« confonnément au tracédécrit» par l'Arrêté et son Erratum , et n'évoque la carte de 1960

« et/ou [de] tout autre document pertinent, acceptéd'Accord Parties », que pour pallier les

éventuelles « insuffisances » de cette description , pas pour en contredire le sens. C'est dire

que dès lors que le texte s'avère « suffisant» pour décrire de manière claire le tracéde la

frontière, ilne saurait êtrequestion d'en appeler à une quelconque autre description

résultantd'une carte ou contenue dans un autre document pour modifier ledit tracé 433•

4.7 Enfin, les documents invoqués par la partie nigérienne doivent également

être écartéspuisque l'article 2 de l'Accord de 1987 établit que les seuls documents

invocables aux fins d'établir le tracésont ceux qui ont été « acceptés d'Accord Parties »,
434
ce qui n'est le cas d'aucun de ceux sur lesquels le Niger fonde sa thèse dans cette zone •

4)1Y. supra, pars1.48-1.50.
431Y. supra. pars1.51-1.64.
433Ibid.

434Ibid.

1084.8 Le Niger fail donc fausse route en croyant pouvoir adosser J'ensemble de

sa thèse sur un matériau documentaire que les Parties ont rejeté comme inapplicable et
salIs pertinence lorsqu'elles onl définile droit applicable. En droit, il est incontestable que

la ligne constitutive de la frontièreentre les deux États est celle que décrit1'Arrêté modifié

par son Erratum, subsidiairement complétée,en cas d'insuffisance seulement, par celle
figurant sur la carte de 1960. Or le tracé revendiqué par le Niger ne repose ni sur la

description de l'Erratum qui est systématiquement écarté , ni sur la carte de 1960. La thèse

du Niger est par conséquent d'emblée viciéepar une erreur de droit qui affecte l'ensemb le

de son argumentation 435.

4.9 Ces observations suffisent à elles seulesà répondreaux arguments du Niger

et à réfuter en totalité la ligne frontière qu'il revendique dans le secteur de Say. Le

Burkina demeure donc fermement convaincu que le tracéde la frontière entre les Parties

est celui résultant de l'Arrêté modifiéde 1927, comme il l'a établi dans son mémoire 436•

4.\0 Au surplus, l'analyse détaillée de l'argumentation du Niger révèleque,

mêmesi l'on admettait que le tracéde la frontière puisse ê tre déterminéen tenant compte

de la documentation produite par le Niger - quod non, contrairement à ce qu'il affirme:

la frontière atteint la rivière Sirba à Bossébangou (section 1) ;

le tracé revendiqué par le Niger dans le secteur du saillant n'a aucun fondement

(section 2);

la frontière entre l'intersection de la rivière Sirba et le parallèle de Say et le début

de la boucle de Botou est constituéed'une seule et unique ligne droite (section 3).

Section 1
La frontière atteint larivière Sirba à Bossébangou

4.11 Dans la zone de Bossébangou, la thèse du Niger consiste trèsouvertement à

faire primer une supposée« limite traditionnelle» de cercles sur la frontière intercoloniale

établie par l'Erratum. JI en découlerait que la frontière ne saurait atteindre la rivière Sirba

à Bossébangou, cessant plutôt sa course à une trentaine de kilomètres au nord de cette

435v. supra.chap.1.
436MBF, conclusions, pp. 160-162.

109localité, la portion de ligne continuant jusqu'à la rivière Sirba à Bossébangou étant une

1imite interne au Niger, séparant les anciens cercles de Say et Tillabéry.

4.12 Quatre observations préliminairess'imposent.

4.13 En premier lieu, il est important de souligner que si cette thèse a déjàété

défendue par le Niger lors de la réunionextraordinaire de la commission technique mixte

d'abornement du 14 mai 1990 437,elle a étérapidement abandonnée comme insoutenable.

À la fin du mois de juillet 1990, le Niger admettait «q ue la frontière attei[nt] la rivière

Sirba à Bossébangou [... ] >,438.

4.14 En deuxième lieu, la thèse du Niger manque de consistance et varie selon

les pages du mémoire. Il est d'abord indiqué, à la page 65, que « dans la région de

Bossébangou ... (la ligne inclut) une partie des limites internes du cercle de Say n;

ensuite, à la page 107, on lit que Bossébangou se situerait non pas dans le cercle de Say,

mais à la /imite des cercles de Tillabéry (comprenant les cantons du cercle de Dori

rattachés au Niger en 1926) et de Say, ce qui suggérerait que la limite contestée ne

constituerait pas une incursion dans le cercle de Say, mais séparerait les cercles de Say et

dc Tillabéry.

4.15 Cette hésitationdu Niger rend son argument assez insaisissable. Toutefois,

il ne suggèrequ'une seule fois qu'en descendant jusqu'à la rivière Sirba à Bossébangou, la

frontière issue de l'Erratum pénètrerait dans le cercle de Say ou dans celui de Tillabéry.

Par contraste, il reproche plus régulièrement à la frontière de descendre trop au sud et ainsi

de suivre de manière erronée la limite (interne au Niger) entre les cercles de Say et de

Tillabéry (donc sans pénétrer ni dans l'un, ni dans l'autre), jusqu'à une trentaine de

kilomètresà l'intérieurdu Niger. C'est cette seconde allégation qui doit p robablement être

considéréecomme reflétantla position du Niger.

4.16 En troisième lieu, ce n'est pas l'Erratum, mais le Niger qui confond

frontière intercoloniale et limites intenes au Niger, lorsqu'il fait totalement abstraction du

fait que la Haute-Volta avait disparu de 1932 à 1947. Par exemple, pour démontrerque la

431Annexe MBF 85.
438Annexe MBF 87 (procès-verbal de la deuxième session ordinaire de la commission technique mixte
d'abomement de la frontièredes 23 au 28 juillet 1990, 28 juillet 1990), p. 3 infine. Voir aussi, supra, par.
2.17.

110conception qu'il défend selon laquelle « la limite intercoloniale dans ce secteur est
439
fennement maintenue après 1927 », et qu'elle s'éloigne du texte de l'Erratum , il

invoque un procès·verbal du 8 décembre 1943 44°,alors mêmeque ce document ne saurait

avoir de rapport avec la limite intercoloniale entre le Niger et la Haute-Yolta puisque cette

dernière avait étésuppriméeet démembréeen 1932 et le demeurait en 1943 441•

4.17 En quatrième lieu, le Niger invoque des cartes et croquis sans pertinence

aux fins de la dét ennination de la frontière coloniale. Trois des cartes avancées par le
442
Niger au soutien de sa thèse datent de la période 1932_1947 - alors que la Haute-Volta

n'existait plu s. D'ailleurs, l'une d'entre elles, dont le titre, selon le Niger, serait « carte

routière de la Colonie de Haute Yolta au 1/1 000 000 » datant de 1936 44, n'existe pas,

puisqu' il s'agit en réalitéde la carte routière de la colonie du Niger dans son édition de

1936.

Sur la base notamment de ces approximation s, et de bien d'autres que l'on
4.18

é voquera infra, la thèse du Niger selon laquelle l'Erratum contiendrait une « erreur»

repose sur le raisonnement suivant: en dépit des tennes clairs de l'Erratum, d'où il

découle que, provenant du nord-ouest, la frontière « attein[t] la rivière Sirba à

Bossébangou », cc tracé n'aurait aucun fondcmcnt car il remcttrait cn causc la « limite

traditionnelle » du cercle de Say444.Pour le Niger, l'Arrêté d'août 1927 aurait é tépréparé

sur la base du procès-verbal de délimitation Lefilliatre-Choteau, lequel expose l'ensemble

des limites du cercle de Say sans se borner à celles qui séparent ce cercle de la Haute­

Volta 445; l'Erratum n'aurait corrigé cette erreur que partiellement, puisqu'il ne tiendrait

pas compte du fait que certains cantons de Dari limitrophes du cercle de Say avaient
446
égalementétérattachésau Niger en 1926 •Par suite, en posant que la frontièreatteint la
447
rivière Sirba à Bossébangou, il la ferait pénétrerpar erreur en territoire nigérien • Or,

selon le Niger, l'Erratum n'aurait pu définir la limite intercoloniale sans respecter les

439MN, p.109, par. 7.20.
440MN, p. 110, par. 7.20.
441Voir supra,par. 3.57-3.58.
442MN, p. 107, par. 7.17; il s'agit des cartes routières de la colonie du Niger au 1/2500000, édition 1934
(annexe MN, sérieD, nO16) et 1936 (annexes MN, série D, nO16 ct 17), et de la carte intituléepar le Niger
«(carte routière de la Colonie de Haute Volta a1/1 000000 , édition1936, Service géographique A.O.F.

Dakar », àla page 08, par.7.17,de son mémoire(annexe MN, série D, n° 17).
44)MN, p. 108, par. 7.17.
444MN, p. 110, par. 7.21.
445MN, pp. 106-107, pars. 7.15-7.16.
446Ibid.
447MN, p. 107, par. 7.16.

111contours préexistant des cercles , puisqu'il est un texte d'application du décretde 1926 44,

lequel, en rattachant des cantons du cercle de Dori et le cercle de Say au Niger, aurait

mécaniquement eu pour résultal que la nouvelle frontière inlercolonÎale épousait leurs

limites « traditionnelles». Pour le Niger, cette méprise rendrait l'Arrêtéde 1927 et son

Erratum sans aucune portéedans la région de Bossébangou. D'ailleurs, des documents

datant de l'époque coloniale en attesteraient , notamment en ne reproduisant pas cette

« erreur )). Quant à la carte de 1960, elle devrait êtreécartéepuisqu 'elle est également
erronée. Le Niger s'emploie en conséquence à redécouvrir les « limites traditionnelles )}et

prétendque la frontière intercoloniale devrait êtrefixéeen en respectant les contours.

4.19 Cette thèse tombe d'elle-mêmedès lors que l'Erratum ne contient aucune

erreur (1) et, en outre, que les documents sur lesquels le Niger adosse sa thèse ne

soutiennent pas le tracéqu'il propose (2).

1. L'Erratum ne contient aucune erreur s'agissant du point où la frontière
atteint la rivière Sirba à Bossébangou

4.20 Il est de fail que, dans sa version initiale, l'Arrêtéd'août 1927 contenait

trop de détailsquant aux limites du cercle de Say, puisqu 'alors mêmequ'il annonçait avoir

pour objet de détenniner la frontière entre le Niger et la Haute-Volta , certains passages

établissaient des limites purement internes au Niger, en particulier celles du cercle de Say

dans sa partie non limitrophe de la Haute-Volta. L'Erratum a eu notamment pour objet de

le corriger sur ce point (il a aussi précisécertains aspects du tracé). Mais, selon le Niger,

en dépitde cette correction, la portion de la frontière décriteparl'Erratum aboutissant à la

rivière Sirba à Bossébangou demeurait purement interne au Niger. Une erreur aurait donc

subsisté, due au fait que l'Erratum n'aurait pas correctement tenu compte du fait que des

cantons du cercle de Dari avaient ététransférésau Niger en mêmetemps que le cercle de
S ay449.

4.21 La thèse de l'erreur est cependant intenable : l'Arrêtéet l'Erratum ont

pleinement et explicitement tenu compte du transfert au Niger non seulement du cercle de

Say mais égalementde certains cantons du cercle de Dori.

448MN, p. III, par. 7.22.
449MN, p. 107, par. 7.16.

"'4.22 Pour tenter de convaincre la Cour du contraire, le Niger indique d'abord

que le procès-verbal Lefilliatre-Choteau est la source de l'erreur de rédaction que recèle
45
l'Arrêté d'août 1927 °, Ceci paraît établi puisque les tenDes du procès-verbal du 10

février 1927 sont identiques à ceux de J'article l, alinéa 2°, de l'Arrêtéd'août 1927 (à

J'exclusion de ce qui relève du canton de 80toU)4 51, C'est donc probab lement parce qu'il

reproduisait le texte signé par Lefilliatre et Chatea u, qui n'avait pas pour objet exclusif

d'établir la limite entre le cercle de Say et la Haute-Volta mais indiquait toutes les limites

des territoires constituant le cercle de Say, que l'Arrêté allait au-delà de son propre objet

qui étaitde détenniner la limite intercoloniale entre le Niger et la Haute-Volta.

4.23 Or, pour le Niger, cette erreur n'aurait étécorrigée que partiellement par

l'Erratum, ce dernier ayant étérédigé , selon lui, sans tenir compte du fait que des cantons

de Dori avaient également ététransférésau Niger, ce qui aurait eu pour conséquence que
452
Bossébangou n'é tait plus limitrophe de la Haute_Volta •

4.24 Mais c'est oublier que l'Arrêté du 31 août 1927 a étéinspirénon seulement

par le procès-verbal Lefilliatre-Choteau du lû février 1927 453, mais également par le

procès-verbal Letilliatre-Brévié du 2 février 1927 454• La lettre de transmission du projet

d'arrêté , adressée en juillet 1927 au gouverneur généra l par le directeur par intérim des

affaires politiques et administratives de la commiss ion permanente du conseil de

gouvernement, ne laisse aucun doute à cet égard,puisqu 'elle indique que le projet d'arrêté

« a étéétablid'après les procès-verbaux en date du 2 février 1927, déterminant la limite

du nouveau cercle de Tillabéry avec la Haute-Volta, du 10 février 1927, fixant les limites

du cercle de Say et de la haute Volta et du 9 mai 1927, indiquant les limites du canton de

Botou maintenu à cette dernière colonie »455.Or, le procès-verbal Lefilliatre-Bréviétient

expressémentcompte du transfert de cantons de Dori au Niger, puisqu 'il ajustement pour

objet de définir les nouvelles limites entre le Niger et la Haute-Volta qui en résultent. Il

établit, au visa explicite du décretdu 28 décembre 1926, que « les cantons dépendant le 22

450MN, p. 106,par. 7.15.
451Ceci est en outre confinné par la lettre de transmission du projet d'ardéterminant les limites des
colonies de la Haute-Vota et du Niger, du directeur des affaires politiques el administratives de la
commission permanente du conseil de gouvernement de juillet1927,qui indique que le projet d'arra été

établi notamment d'aprèsce procès-verbal(annexe CMBF 2).
452MN, p. 107, par. 7.16.
4SJAnnexe MN, sérieC, nO8
454Annexe MN, série C, nO7.
4SSAnnexe CMBF 2. Cette lettre de transmission est d'ailleurs probablement la source de l'erreur commise
par l'Arrêt,épuisqu'clle indique que procès-verbal du 10 févri1927 fixe la limite entre le cercle de Say

et la Haute-Volta, alors qu'il fixe toutes les limites du cercle de Say.

113juin 1919 de J'ancien canton de Tillabéry sont rattachés à la Colonie du Niger. Ces

cantons [... 1sont limités[à l'ouest, par la ligne qui, arrivant du nord va1 rejoindre ensuite

la rivièreSirba (limite du Cercle de Say) aux environs et au sud de Boulkalo ~~.

456
4.25 Il suffit du reste de lire l'article l, alinéa l, de l'Ardu 31 août 1927

pour constater qu'il reprend exactement les termes de ce procès-verbal et tient donc

dûment compte des nouvelles limites entre le cercle de Tillabéry et la Haute-Volta

résultantdu transfert au Niger de certains cantons de Dari, en précisantque:

« [c1ette limite [... 1 descen[d] dans une direction Nord-Sud en coupant la piste
automobile de Téra à Dari, à l'ouest de la mare d'Ossolo pour rejoindre ensuite la

rivièreSirba (la limite du cercle de Say) aux environs et au Sud de Boulkalo ».

4.26 lien résultequ 'au moment de la rédactionde l'Arrê tédu 31 août 1927, les

autoritéscoloniales n'ont aucunement pu faire erreur en oubliant que, en dehors du cercle

de Say, des cantons du cercle de Dari avaient étérattachés au Niger par le décretdu 28

décembre 1926, puisque cet Arrêtédéfinit la nouvelle limite entre la Haute-Volta et le

cercle de Tillabéryqui les contient désorrnais 4s7•Il en va afortiori de mêmes'agissant de

J'Erratum.

4.27 L'Erratum n'a d'ailleurs fait que rationaliser le tracé de la limite

intercoloniale, en faisant coïncider de manière explicite le point situé sur la rivière Sirba

aux environs et au sud de Boulkalo et Bossébangou, point qui est ainsi consacré comme

« point triple~~selon la tenninologie retenue par le Niger. Il a ainsi clarifié les limites des

cercles de Tillabéryet de Say là où elles se confondent avec la limite intercoloniale avec la

Haute-Volta, en précisantla forme prise par le saillant à partir de Bossébangou- ce que ne

faisait pas l'arrêtdans sa version initiale.

4.28 Ce faisant, c'est d'ailleurs pour marquer sans équivoque que la limite en

provenance de la borne de Tao est intercoloniale lorsqu'elle atteint la rivière Sirba à

Bossébangou que l'Erratum précise qu'après avoir atteint ce point, la frontière ne remonte

pas immédiatement afin de fonner le saillant, mais remonte «presq ue aussitôb). Ainsi,

après êtredescendue de la borne de Tao jusqu'à la rivière Sirba à Bossébangou, la

456Annexe MBF 35.

457Les cantons de Dori qui ont ététransférésau Niger par décretdu 28 décembre 1926 sont ceux qui
relevaient du Niger avant le 22 juin 1910,date de lles ayant attribuésà la Haute-Volta. Ces cantons
ont étérattachésau cercle Tillabérypar arrdu 22janvier 1927.

114frontière prend brièvement une direction ouest avant de remonter vers le nord-ouest, ce qui

éviteaussi claireme nt que possible à la ligne« remontant » vers le nord-ouest pour fonner

Je saillant de chevaucher la ligne ((descendant» du nord-ouest en provenance de la borne

de Tao. Ceci garantit qu'arrivant du nord pour atteindre la rivièreSirba à Bossébangou, la

frontière intercoloniale sépare la Haute-Volta (à l'ouest) du territoire nigérien

correspondant au cercle de Tillabéry (à l'est), tandis qu'en remontant presque aussitôt au

nord-ouest pour fonner le saillant, la frontière sépare la Haute-Volta (au nord) du territoire

nigérien constitué du cercle de Say (au sud). Le croquis suivant illustre le tracé à cet

endroit (v.infra,croquis nO6 - Tracédans la zone du saillant, p. 117).

4.29 Il n'y a donc aucune erreur dans l'Erratum, rédigétout au contraire en

parfaite connaissance du fait que la limite qu' il établit sépare la Haute-Volta du Niger

s'agissant tant du cercle de Say que du cercle de Tillabéry. En outre, le «tracé

traditionnel» revendiquépar le Niger n'a aucun fondement.

2. Les documents invoqués par le Niger pour contredire les termes de l'Arrêté
du 31 août 1927 corrigé par son Erratum ne soutiennent pas le trac équ'il revendique

4.30 Comme le Burkina l'a déjàrelevé 45, le Niger soutient, en s'appuyant sur

divers documents, que l'Erratum serait erronéen ce qu'il ne se confonnerait pas au « tracé

traditionnel des limites du cercle de Say» 459. Pour établir ledit« tracé traditionnel », le

Niger fait appel à des documents divers. Comme le Burkina l'a également déjàrelevé, le

Niger ne peut pas, en droit, faire appel à ces documents pour contredire le tître60•Mais

même à supposer qu'il puisse le faire, ces documents, dont le Burkina ne reconnaît

auc unement qu'ils seraient « acceptésd'Accord Parties » au sens de l'Accord de 1987, et

qu'il n'évoquera qu'aux fins de la discussion, ne soutiendraient aucunement le tracé

revendiquépar le Niger, qu'ils soient antérieursou postérieursà l'Erratlim.

458Voir SI/pra , par. 4.18.
4S9MN, p. 110, par. 7.21.
460Voir SI/pra , pars.1.51-1.64 et 4.3-4.18.

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117 A. Documents antérieurs à ,'Erratum

4.31 Le Niger essaie d'abord de faire valoir que tous les documents antérieursà

J'adoption de l'Erratum vont dans le mêmesens et consacrent déjàune « conception du

tracéde la limite intercoloniale), qui sera fermement maintenue après 1927 461. Mais il

n'invoque à cet égardque les travaux réaliséspar Delbos 462 et Prudon 463, faisant ainsi

opportunément abstraction d'autres textes de la même période qui montrent que,

contrairement à ce qu'il prétend, Bossébangou était considéré comme une localité

limitrophe des cercles de Say et de Dori. C'est tout particulièrement le cas du procès­

verbal Choteau-Lefilliatre du 10 février1927 464,qui établit les limites du cercle de Say, et

atteste que Bossébangou était considérécomme limitrophe des cercles de Say et Dori

avant l'adoption de l'Erratum.

4.32 Le Niger s'appuie aussi sur quatre croquis et cartes dont il suggère qu'ils

feraient ressortir qu'avant 1927 la limite entre la Haute-Volta et le Niger, ou plus

exactement entre le cercle de Say et le cercle de Dori, ne descendait jamais jusqu'à

Bossébangou 465.

4.33 Mais c'est exactement le contraire que montrent trois des quatre documents
466
mentionnés, à savoir le croquis du commandant Truchard de 1915 , la carte nO60 de
467 468
1'Atlas des Cercles de 1926 ,et la carte Blondel-La Rougery de 1926 .Outre qu'aucun

de ces croquis et cartes n'illustre la limite entre la Haute-Volta et le Niger côtérive droite

du fleuve Niger, puisque ni en 1915, ni en 1926, le Niger ne disposait de territoires sur la

rive droite du fleuve, on peut voir sur ces documents que la limite entre les cercles de Dori

et de Say « descend») bien jusqu'à Bossébangou. Au demeurant, ils ne sauraient faire

apparaître un «point triple» entre les cercles de Dori, Say et Tillabéry, puisque les

cantons du cercle de Tillabérysituéssur la rive droite du fleuve étaientalors inclus dans le

territoire du cercle de Dori.

461MN, p. 109, par. 7.20.
462MN ,p.10 8, pars. 7.19-7.10.
46JMN, p. 109, par. 7.19.
4&'Annexe MN, sêrieC, n° 8

46SMN, p. 110, par. 7.21.
466Annexe MN, sêrie D, nO4.
467Annexe MN, sérieD, nO6.
468Annexe MN, série D, n° 9.

"' 469
4.34 S'agissant du croquis du capitaine Boutiq de 1909 , il ne saurait, lui non

plus, êtrevu comme illustrant la frontièreintercoloniale puisque les trois cercles (Say,

Dari, Tillabéry) relevaient à l'époque de la seule colonie du Haut Sénégalet Niger. Il est

par ailleurs le seul de tous les documents avancéspar le Niger à faire apparaître un « point

triple » entre les cercles de Dari, Tillabéry et Say se situant au nord-oue st de

Bossébangou. li est d'autant moins fiable que:

- les limites de cercles illustrées sur ce croquis, qui accompagne un « rapport du

Capitaine Boutiq, Commandant le Cercle du Djenna , sur le passage éventuel du régime

militaire au régime civil pour la rive droite du Niger », et illustre «la traversée du Niger

dans le Cercle du Djenna », ne sont guère plus que celles proposées par le commandant du

cercle de Djerma, et ne représentent que sa vision de la zone en 1909; d'ailleurs,

- d'autres propositions quant aux contours des cercles de la région seront faites

avant la fin de l'année 1927, comme le montre par exemple le croquis de l'administrateur
Delbos de 1927 47°. Sur ce croquis, on voit nettement que les contours de Say sont

présenté s différemment selon qu'ils reflètent la vision de la colonie du Niger (en rouge) ou

celle de la colonie de Haute-Volta (en noir); en outre, le second croquis produit par le

capitaine Delbos en annexe à son rapport du 17 décembre 1927 fait clairement descendre

la limite au sud de Nabambori et jusqu'à la rivièreSirba 471;enfin

- bien qu' il prétende que la carte du capitaine Boutiq illustre la « limite

traditionnelle » du cercle de Say, le Niger s'en écartetotalement s'agissant de la limite sud

de ce cercle: alors que la carte de 1909 la représente comme étant une ligne briséedont

l'angle pointe vers le nord, le Niger revendique exactement l'inverse, à savoir une ligne
412
briséedont l'angle pointe vers le sud •

4.35 La thèse d'une « limite traditionnelle» qui aurait été « fermement établie»

avant l'adoption de l'Erratum ne tient donc pas. Les documents postérieurs ne plaident

pas davantage dans ce sens.

469Annexe MN, série D, nO1.

470Annexe MN, sérieD, nO 2.
471Annexe MN, série C, nO20.
472Voir infra, section 3.

120 B. Documents postérieurs à l'Erratum

4.36 Le Niger croit pouvoir affirmer que la « conception du tracéde la limite

intercoloniale}) dans le secteur de Say telle qu'elle apparaissait, selon lui, avant l'adoption

de l'Arrêté et de son Erratum, a é té«fermement maintenue }}après 1927 473•Outre que,

comme le Burkina vient de le montrer, il n'y avait certainement pas de limite « fermement

établie}}avant 1927, les documents sur lesquels le Niger s'appuie pour la période

postérieur e ne sauraient renverser cette conclusion.

4.37 La partie nigérienne invoque d'abord un rapport du commandant à titre

provisoire du cercle de Dori établià la suite d'une tournéedu 10avril 1932, en citant trois
474 475
1ignes d'un rapport comportant neuf pages . Mais il n'est qu'à lire ce rapport plus

attentivement pour voir que:

- premièrement, il confirme, et non infirme comme le suggère le Niger, la

délimitation opéréepar l'Erratum, puisque le signataire propose un nouvel erratum afin de

faire davantage coïncider la limite avec ses vues; c'est dire qu'i! n'avait aucun doute sur

le fait que le tracé opéréen 1927 faisait droit et que toute modification nécessiterait

l'adoption d'un nouveau texte - ce qui n'ajamais étéfait;

- deuxièmement, ce texte propose de revoir la limite rége l mentaire à partir d'un

postulat erroné. Son auteur indique en effet que:

«[i]l ya ici deux hypothèses à envisager: ou bien l'arrêté généraldu 31 août 1927
et l'Erratum subséquent ont voulu sanctionner les travaux de M.M les

Administrateurs Delbos et Prud'hon, et consacrer officiellement cette limite
proposée par eux après leur tournée; ou bien ces textes se réfèrentà d 'autres
documents.

La deuxième hypothèse semble bien hasardeuse et peu plausible. La première au
contraire, est seule logique »476.

En réalité, c'est bien la seconde hypothèse qu'il fallait retenir, puisque c'est sur la base des

procès-verbaux Brévié-Lefilliatre et Choteau-Lefilliatre que l'Arrêtéet son Erratum ont

étérédigés;

473MN, p.109,par.7.20.
47.MN, p. 109,par.7.20.
475Annexe MN, sérieC, nO 45.
476P. 5 du document.

121 - enfin, cette nouveJle limite est totalement inéditeet n'a rien à vOIr avec les
« limites traditionnelles» revendiquées par le Niger en s'appuyant sur le croquis de 1909,

puisque le Niger propose un tracéentre les cercles de Tillabéryet Dari qui aurait son point

de départnon pas à Nababori, mais à Alfassi.

4.38 Le procès-verbal du 8 décembre 1943 relatant les opérations de

délimitation entre Dari et Tillabéryréalisée s par les administrateurs Delmond, Texier et
477
Garat ne soutient pas davantage la thèse du Niger . Non seulement il propose que le

point de contact entre les cercles de Dari, Tillabéryet Say se situe à un endroit là encore

inédit, qui ne correspond ni à Nababori, ni à Alfassi, mais se trouverait à 6 km et demi de

Nababori, mais, en outre, il a é tésignéplus de dix ans après la disparition de la Haute­

Volta, ce qui disqualifie ce tout nouveau «tracé traditionnel », qui ne saurait avoir de
478
pertinence puisque la Haute-Volta a é térétablieen 1947 dans ses limites de1932 .

4.39 L'argumentaire du Niger s'agissant de la zone de Bossé bangou apparaît

donc sans fondement, comme l'est celuiqu'il propose s'agissant de la zone du saillant.

Section 2

Le tracé revendiqu épar le Niger dans le secteur du « saillant» n'a aucun fondement

4.40 Mêm e si le Niger fait mine de chercher à «déterminerle tracéexact du

'saillant' définipar l'erratum d'octobre 1927 »479,sa position est clairement qu'il n'ya pas

de saillant dans cette zone. Se référn at au tracé proposé dans les développements

précédent s, la partie nigériennesoutient que «( d)ès lors que cette limite ne provenait pas

de Bossé bangou mais descendait directement depuis la borne de Tao jusqu'au 'point

triple' entre les cercles de Dori, Tillabéry et Say, identifiéci-dessus, la frontière ne peut
créerun saillant dans cette zone »480. Mais c'est une conclusion contraire qui s'impose:

puisqu'iI y a un saillant dans cette zone, comme l'indique expressément le texte

réglementairede 1927, alors la limite descendant de la borne de Tao ne peut pas s'arrêter

au « point triple » inventépar le Niger, mais doit nécessairementatteindre la rivière Sirba

471MN. p.110, par. 7.20; annexe MN, sérinO,69.
478 Vsupra.pars.3.57-3.58.
479MN. p.114,p. 7.30.
480 M Np. 112, par. 7.26.

122à Bossébangou, ce qui est de toute manière le cas, comme l'ont montré les

développements précédents.

4.41 Le Niger n'en est toutefois pas à une invention près: alors que le titre

constitué par l'Erratum indique qu'à partir de la rivière Sirba à Bossébangou, la frontière

« remonte» vers le nord·ouest , son mémoire soutient qu'il n'y a aucune remontée, la

frontière « obliqu(ant) simplement en direction du sud·ouest »481 à partir d'un point situé

au nord de Bossébangou. Enfin, après avoir atteint la pointe du saillant, la frontière ne

reviendrait pas au sud mais prendrait une direction « vaguement N.N.ElS.S.W [0] »482.La

thèse du Niger consiste donc ici encore à écarter purement et simplement le tracé de la

frontière tel qu'il est définipar le texte del'Erratum, pour lui préférerun tracérésultantde

quelques documents non réglementaires.

4.42 Il accorde à cet égard une portée particulière aux cartes de 1915 et 1927.

C'est sur elles, selon le Niger, qu'« il convient de s'appuyer pour déterminer le tracéexact

du 'saillant' »483.Elles seraient plus pertinentes que la carte de 1960, laquelle devrait être

écartéecar elle ferait «cou rir la frontière dans cette zone sensib lement plus à l'est que ce

que l'on retrouve sur les cartes antérieures »484. Dit autrement, il convient de l'écarter

parcc qu'clic nc convicnt pas au Nigcr. On convicndra quc ccci nc saurait êtreun motif

suffisant.

4.43 Cet argument est là encore en totale contradiction avec ce que prescrit

J'Accord de 1987. Pas plus la carte de 1915 que celle 1927 ne sont des document s

acceptésd'accord Parties.

4.44 Le Niger prétend encore, pour justifier le tracéqu'il revendique, identifier

J'emplacement exact des villages mentionnés dans l'Arrêtécorrigé par l'Erralum 485• A

vrai dire, les emplacements de deux des quatre villages, Alfassi et Koura, ne font pas
86
débatpuisque leur localisation par le Nigel les place incontestablement du côtéest des

481Ibid.
482MN,cr oquis p. 114,e tp . 114, par. 7.31.
483MN, p. 114, par. 7.30.
48-Ibid.
485MN, p. 112, par. 7.27.

486MN, carte reproduite en vis-à-vis de la p. 114.

123lignes respectivement revendiquées par les Parties. Mais il n'en va pas de mê me des

villages de Tokalan et de Tankouro.

4.45 S'agissant du village de Tokalan, le Burkina estime qu'il est totalement

impossible de le localiser, tandis que le Niger pré tend le contraire, tout en étant incapable
de le faire de manière convaincante. Il a ainsi soutenu, avec beaucoup d'autorité,en 1990,

que ce village «correspond à l'emplacement exact de l'actuel village de Takatami ))487,

pour prétendre désonnais, dans son mé moire, qu'il serait très proche du site de

Tanganga ri88, sans pour autant expliquer son revirement.

4.46 Le village de Tankouro tel qu'il existait au moment de l'adoption de

l'Arrê té et de son Erratum n'est pas plus identifiable, et pas davantage identifiépar le

Niger. Selon ce dernier, le croquis du cercle de Say dresséen 1915 par l'administrateur

Truchard en présenterait une illustration 48, mais il serait vraisemblable que, tout comme

le village de Tokalan d'ailleurs, il aurait « purement et simplement disparu dans la période

contemporaine à l 'adoption de l'erratum de 1927, sans doute en raison des conditions

sanitaires très déf avorables qui prévalaient à l'époque dans ce secteur ))4!XlC'est

probablement exact, mais le Niger omet d'en tirer la conséquence, à savoir que ces

villages, qui n 'existaient plus en 1927, ne sauraient donner la moindre indication utile

pour la dé tennination du tracédécrit par l'Erratum.

4.47 Le Niger s'appuie encore, pour dé terminer la {{profondeur du 'saillant' àsa

pointe )4 91sur un télégramme-lettre adresséen 1935 par la subdivision de Say au cercle

de Dori 49• Selon ce texte, « [a]près Bosseibangou, la subdivision de Say empiète sur la

rive gauche [de la rivière Sirba] jusqu'à une profondeur de 15 kms environ - Le village

d'Alfassi (canton de Torodi) est le seul village de Say situé sur cette rive». Mais ce

document est insusceptible de donner la moindre indication s'agissant de la frontière

intereoloniale car ilest postérieur à 1932 et antérieur à 1947.

481Annexe MBF 87.
488MN, p.1J5,par. 7.3J.

489MN. p. 1J3,par. 7.28.
490Ibid.
491MN,p. IJ4 , par. 7.31.
492Annexe MN, sérieC, n° 61.

1244.48 La partie nigérienne pré tend ensuite qu' il conviendrait de s'écarter de la

description de l'Erratum selon laquelle « revenant au Sud [à la sortie du saillant1, [la

1igue] coupe à nouveau la Sirba à hauteur du parallèle de Say», au double motif que celle

description ne pennettrait pas d'englober les quatre villages et que « le procès-verbal du

10 février 1927, qui a servi de document préparatoire à l'arrêté générald'août 1927 et à

l'erratum qui l'a corrigé, s'avérait nettement moins précis à ce sujet »493, Mais non

seulement deux des quatre villages sont insusceptibles d'ê tre localisés- et ne le pouvaient

certainement pas en 1927 puisque, de l'aveu mêmedu Niger, ils n'existaient plus à cette
494
date -en outre, il serait parfaitement absurde de fa.ireprimer, pour la détermination de la

frontière, un texte non réglementaire antérieur sur un texte réglementaire postérieur, le

premier étantau demeurant moins précis que le second.

4.49 Le Niger prétend encore que le tracéqu'il revendique est confirmé par un

croquis établi par l'adjudant Labitte en 1930495.Mais non seulement ce croquis n'est-il pas

accepté « d'Accord Parties » au sens de l'Accord de 1987, il est en outre erroné.En effet,

il inclut, dans le saillant, le village de Boborgou Saba, alors que ce dernier n'a été

mentionnéni dans l'Arrê té,ni dans l'Erratum, comme devant se trouver dans le saillant.

Dès lors, la fonne du saillant donnée par l'auteur du croquis est sans pertinence.

4.50 Enfin, le Niger affirme qu'il serait « indispensable de se reporter aux

représentations du parallèlede Say tel qu'il figurait sur les cartes de poque - et non sur

les cartes modernes - pour déterminer le point où la frontière change de direction dans ce
496
secteur », en invoquant à cet égard la carte Blondel-La Rougerie de 1926 • Outre qu'il

n'avance aucunejustification au soutien de cette affinnation, elle est totalement inexacte.

4.51 D'abord, l'Accord conclu en 1987 entre les Parties n'identifie aucunement

cette carte comme pertinente, et il ne s'agit pas davantage d'un «(autre document pertinent

acceptéd'Accord Parties ».

4.52 Ensuite, il est apparent qu'elle n'a pas pu inspirer la rédaction ni de

l'Arrêtéd 'août 1927, ni de son Erratum, et ne saurait justifier une interprétation qui irait à

l'encontre de leurs termes clairs car :

4~ 3 N. p. 115, par. 7.32.
49-Voirsupra,par.4.46.

495MN, p. 115, par. 7.33, note 329.
496MN, p.115, par. 7.33 ; annexe MN, sérieD, n° 9.

125 - cette carte ne représente qu'une faible portion de la zone délimitée par
l'Erratum;

- on y voit représentéle village de Kalba situéà la fois sur la rive gauche de la

Sirba et dans le saillant. Or Kalba n'est pas mentionnécomme figurant dans le saillant, ni

dans l'Arrêt,éni dans son Erratum;

-le village de Tankouro n'y est pas mentionné; et

- le parallèlede Say ne rencontre pas la rivièreSirba, dont la source est représentée

bien plus au nord.

4.53 Aucun des arguments du Niger ne saurait donc fonder sa thèse de l'absence

d'un saillant dans cette zone, directement contredite par les tennes de l'Erratum. Ils ne

pennettent pas davantage de démontrerque la ligne droite que fonne la frontièredans la
dernièreportion de la zone de Say serait en réalité constituéede deux lignes droites.

Section 3

La frontière entre l'intersection de la rivière Sirba et le parallèle de Say et le début
de la boucle de Botou est constituée d'une seule et unique ligne droite

4.54 Le texte de l'Erratum est d'une grande clartéquant au tracéde la frontière
entre la fin du saillant et la boucle de Botou. Il indique que du point constitué par

l'intersection de la rivièreSirha et du parallèlede Say: « la frontière,suivant une direction

Est-Sud-Est se prolonge en ligne droite jusqu'à un point situéà 1200 mètres Ouest du

village de Tchenguiliba ». La partie nigérienne reconnaît d'ailleurs que ce texte est

« d'une grande simplicité »497 et qu'il définit«la limite dans cette zone selon une ligne

droite d'un seul tenant »498 affinnations auxquelles le Burkina adhèresans réserve.

4.55 Mais la ligne décritepar l'Erratum est sans doute trop simple pour le Niger

puisqu'il la répudie, en arguant qu'elle «ne paraît pas avoir de base dans la situation

préexistante à l'adoption de l'arrêté et ne s'est nullement trouvéconsacréedans la pratique

ultérieure »499.

497MN, p.116, par. 7.35.
498MN, p. 116, par. 7.36.
499Ibid.

1264.56 Une fois encore, le Niger fait erreur en prétendant faire primer sur le titre

réglementaire des document s, essentiellement cartographiques , qui n'ont pas étéacceptés

« d'Accord Parties» au sens de )'Accord de 1987. L'argumentaire du Niger n'a donc

strictement aucun fondement juridique , et ne peut qu'êtreécarté.

4.57 Au-delà de l 'erreur de droit commise par le Niger, aucune des « preuves»

qu'il avance pOUf justifier une ligne briséen'est convaincante.

4.58 La partie nigérienne invoque d'abord une série de cartes et croquis qui

feraient apparaître que la ligne dans cette zone ne serait pas droite mais composée de deux

segments.

4.59 Ce qui frappe en tout premier lieu en prenant connaissance de la liste qui se

trouve en page 117 du mémoire nigérien est que n'y figure ni Lecroquis de 1915 du

capitaine Boutiq - que le Niger juge pourtant « d'une importance fondamentale ))500,ni la

carte dite « Nouvelle frontière de la Hte-Volta et du Niger ))de 1927 dont il se prévaut

pour adosser à la fois sa thèse selon laquelle la frontière n'aboutirait pas à Bossébangou 501

ct sa revendication s'agissant du tracédu «saillant ))502Cc silence s'explique aisément

puisque ces documents plaident radicalement contre sa thèse: le premier montre une ligne

brisée fonnant un angle qui pointe vers le nord-est, donnant ainsi plus de tenitoir e au

Burkina que ne le fait la ligne droite, tandis que le second montre une ligne droite. Le

silence embarrassédu Niger confinne la profonde incohérencede sa thèse.

4.60 D'ailleurs, la partie nigérienne omet égalementde sa liste les cartes

suivantes:

503
- la carte routière de la colonie de Haute Volta de 1927 et la carte d'ensemble,
tme 504
politique et administrative à l'échellede 1 2500000 , 2 éd.,1928 ,qui ne confinnent

aucunement une ligne en deux segments de droite, mais montrent une ligne droite jusqu'à

la boucle de Botou ; et

500MN, p.1JI par.7. 23.
SOIMN,p. 107, par.7.17.
S02MN, p. 114,par.7.30.
SOJAnnexe MN, sérieD, nOIl.

S()AnnexeMN, sérieD, nO 14.

127 -l a carte {(Afrique Occidentale Française» de 1930, qui montre une ligne

parfaitement rectiligne505.

4.61 Quant aux cartes invoquéespar le Niger:

- « la feuille Niamey des 'Croquis du Sahara et des régions limitrophes au

1/1.000.000' (N.D.- 31, service géographique de l'armée, 1926-1927) »506et la carte
507
Blondel-La Rougerie sont l'une et l'autrantérieuresà l'adoption de l'Arrêtéet de son

Erratum;

- la carte «Gouvernement générlade l'AO .F., Colonie du Niger, carte routière au

1/2.500.000, édition 1934 »508 illustre pour sa part des limites de cercles qui ne

correspondent en rien au tracéde la limite intercoloniale décritpa.r l'Erratum ; en outre,

datée de 1934, elle ne saurait ni prévaloir sur le titre, ni avoir le moindre effet sur la

détermination de la frontière de la Haute-Volta, laquelle a étérétablie en 1947 dans ses

limites de 1932 ;

-la carte « Afrique occidentale française, Carte d'ensemble politique et

administrative, au 1/2.500.000, 4 ème édition 1939, Service géographique A.O.F.

Dakar »509appelle le même commentaire ; en outre, elle infinne la thèse du Niger

puisqu'elle montre une ligne briséenon pas en deux mais en trois segments.

4.62 S'agissant des croquis, ils sont pratiquement tous sans mention d'auteur ou

de date, ce qui les disqualifie d'emblée.Il faut toutefois relever que:

- le croquis au 1/500.000 intitulé« Cercle de Say», sans mention d'auteur ni de

date5lO,ne représenteaucune limite ; ce que le Niger a apparemment pris pour une limite

de cercle représentedes pistes ou des chemins reliant des villages;

-le croquis au 1/400.000 intitulé « Tournée du 17 au 27 mai 1943» 511,sans

mention d'auteur ni de date, atteste que les limites de cercles n'étaient pas considérées

S05Annexe MN, sérieD,nO15.
~ Annexe MN, série D, nO10.
5()Annexe MN, série D, nO9.
sosAnnexe MN, série D, nO16.
SOlI nnexe MN, série D, nO18.
~1 Annexe MN, série C, nO1.

~l Annexe MN, série C, nO68.

128comme trèsstables pendant la pé riode 1932-1947 (périodedurant laquelle la Haute-Volta

n'existait plus) puisque l'on y voit trèsdistinctementne limite de forme inéditeau nord­

est de Bossébangou.

4.63 Le Niger termine la partie de son argumentaire fondéesur des cartes et

croquis en soutenant que:

« le point d'inflexion qui apparaît - entre autres - sur la carte IGN de 1960

constitue le point frontière incontestéentre les deux États [... ). Ce point est
d'ailleurs trèsclairement identifiésur les relevésde complètement réaliséspar
l'.G.N. durant sa campagne de 1958-1959. Lerelevéintitulé'Renseignements

Diapaga' correspondant à ce secteur de la limite porte en effet la mention
'poteau-frontière' au lieu exact où la ligne se brise pour rejoindre ensuite le
débutde la boucle de Botou )}SI2.

Sl3
4.64 Mais un regard sur le document en question révèleque la ligne orange

supposée représenter la frontière intercoloniale et qui passe par le point dit «(poteau

frontière}}comporte la mention «L imite incertaine à conserver - Limite de Territoire

suivant le Protocole (non reconnu sur le terrain». Cette mention montre nettement que la

1igneorange n'a rien d'une frontière intercoloniale qui aurait étéfermement établieselon

une ligne brisée,puisqu'elle est à la fois« incertaine })et fondéesur u« Protocole» dont
on ne sait rien sinon qu'il n'apas été«reconnu sur le terrain }).

4.65 La Partie nigérienne avance pour terminer une série de prétendues

effectivités coloniales et postcoloniales qui démontreraient que la ligne de démarcation

pratiquée sur le terrain aurait toujours étéla ligne brisée en deux parties qu'elle

revendique, et non celle en un seul tenant que l'Erratum a poséede manièrelimpide. Des

villages se situant dans la zone triangulaire comprise entre la ligne droite et la ligne brisée

auraient, selon le Niger, toujours étéconsidéréscomme nigériens. Il s'agit de Dissi,

Fombon, Latti, Tabaréet Tiaboungou Sl4.L'analyse des documents montre toutefois que le

Niger en tire des conclusions erronées.

m MN, p.118, par. 7.38.
~l Jnnexe MN, sériD, nO30.
~1 MN, pp.119-120, par. 7.39.

129 Vil/age de Dissi

4.66 La première des références avancées par le Niger pour justifier que Dissi

serait sous administration nigérienne est intitulée « Dictionnaire des villages de la

subdivision de Say, Canton de Tamou , 1947 ))515.L'indication supp lémentaire donnée par

le Niger à propos de ce document est simplement qu'il est reproduit en annexe, série C, nO

63, laquelle est présentéecomme étantun « (extrait), s.d. 1941 )).Ce document dont on ne

connaît pas l'origine et qui est donc inutilisable, démontrerait, selon le Niger, que le

village de Dissi relevait du canton de Tamou en 1941. Mais en réalitéle village mentionné

dans ce document est Dissirire et non Dissi, et on peut sérieusement douter que Dissi soit

le mê me village que Dissiriré,du canton de Tamou : non seulement Tamou se trouve très

à l'est de Dissi, en outre, une grande quantité des villages beaucoup plus proche s de

Tamau que Dissi n'apparai ssent pas dans la liste des villages du canton de Tamou, comme

par exemple Ouro 8ambal é, Kankani , ou encore Latti ou Tabaré.

4.67 Le Niger produit encore la « Tournée de recensement de la subdvi sion de

Say, canton de Tamou, en date du 23 mars 1947 )) 5]6afin, là encore , de tenter de prouver

que le village de Dissirirc corrcspo ndrait à Dissi ct serait admini strépar le Niger de longue

date. Mais, tout au contraire ,ce document confirme que Dissirire ne saurait êtreDissi. On

y lit en effet que la tournée effectuée par l'administrateur l'a conduit à recenser, dans la

seule journée du 13 février 1947, les villages de Ouro Hesso, Sadima et Dissiriré, après

avoir terminé sa tournéedu jour précé dent à Kotaki. Ceci aide à localiser le secteur où, en

toute logique, d evrait se trouver Dissirire (non loin de Kotaki) et il apparaît justem ent, à

regarder attentivement la carte de la région, que le village de Dissi.riréest situé à l'est de

Kotaki et au nord de la boucle de Botou. Le croquis nO7 figurant en page 131 du présent

contre-mémoire montre les zones parcourue s par l'administrateur les 10, I l, 12 et 13

février 1947, et il en ressort indubitablement que si le village de Dissiriré(ou Dissiridé)

est bien en territoire nigérien, dans le canton de Tam ou, il ne se situe en revanche pas du

tout dans le triangle situé entre la ligne droite posée par l'Erratum et la ligne brisée

revendiquée par le Niger. Il ne s'agit pas de Dissi.

m MN, p. 119,note 343.
$16Annexe MN, sérieC, nO70.

130 Tournée de recensement de la subdvision de Say, canton de Tamou, du 10 au 13 février 1947 j
suivant MN, annexe, sérC,n° 70 " .
ildCYmo'n 0 ~" i.,\ 11t._=<~
---..,. . ~

Trajet approximativement suivi par le fonctionnaire
(F&R=Foulbéet Rimaibé
.',.-'.O..10 février 1947
;:;II I Tié/a(F&R) · Baia Foulbéet Rimaibé(F&R)· Louboual (F&R) - Diapenga ~
./' ../ f}11 février 1947
OuéréSoould0l.zamassirou,VindiMarna(F&R)• Yan·irdé
Vindou Loug(~&R• PouaN F&R) - Bimiol
.,"..-'e 12 février 1947

compte ntende DiangetSabaré. non localisés N . '•
.""-'./0 13 févrie1947 I+\; Frontière abornée ." -
Houro Hesso, Sadiama, Dissiriré

'1"~~'
14.68 Les trois autres documents que le Niger croit pouvoir avancer pour

prouver que Dissi aurait toujours étéadministré par le Niger, à savoir la « Tournée de

recensement effectuéedans le canton de Tamau par le Chef de la subdivision de Say le25

mars 1954 »517, le« Relevédes recouvrement s d'impôts, arrondissement de Say, canton

de Tamau, du 3 septembre 1971 »518,et les listes des « Localités du Canton de Tamau , de

1987, 1991 et 200 1 »519,ne sauraient davantage convaincre puisqu 'ils évoquent eux aussi

la situation de Dissiriré qui ne saurait, contrairement à ce qu'affirme le Niger, être

confondu avec Dissi.

Villages de Fombon, Latti, Tabaré

4.69 Le premier des documents que le Niger mentionne comme preuve que

Fombon (qui n'est pas localisable sur les cartes à la disposition du Burkina), Latti et

Tabarésont sous administration nigérienne est antérieurau titre, puisqu'il date de 1921. Il
cr
s'agit de 1« État des villages du cercle par canton établi le Ioctobre 1921 - canton de

Torodi »520.Non seulement il ne saurait êtreutile à l'interprétation del'Erratum à raison

de sa date, mais, en outre, le Niger lui fait dire ce qu'il ne dit pas : dans la version qu'il

produit, ce document mentionne certes Fonbougou (qui n'est pas localisable sur les cartes

à la disposition du Burkina), mais pas Fombon. Il ne mentionne par ailleurs ni Latti, ni

Tabaré. Est mentionné « Taboura », mais rien ne laisse supposer qu'il s'agirait de Tabaré.

On remarquera aussi que ne sont mentionnésni Dissi, ni Tiaboungou , que, pourtant , le

Niger revendique également.

4.70 Le deuxième document est la « Liste des localités du canton de Torodi,

extrait du Répertoire généraldes localités de l'A.o.F. , 1927 »521. Ce document ne

mentionne toutefois aucun des villages dont le Niger prétendqu'il les mentionne. On y lit

« Fombougou n, qui n'est pas localisable sur les cartes àdisposition du Burkina, « Lati n,

qui n'est pas « Latti » et n'est pas localisable sur ces mês cartes, ainsi que «Taboura »,

qui n'est pas « Tabaré» et n'est pas davantage localisable sur ces cartes. En outre, il
apparaît que les villages les plus importants du « triangle », à savoir Golongana, Dissi,

Deguema , Faltyangou ou Dyaya, et Kankani, ne sont pas cités dans ce répertoire, alors

517Annexe MN, sérieC, nO81.
m Annexe MN, sérieC, nO101.
m AnnexcsMN , sérieC, no 104, 107e1 108.
~02Annexe MN, sérieC, nO4, évoquin MN, p. 119, note 344.
S21Annexe MN, sérieC, nO6.

133qu'ils le devraient à en croire le Niger puisqu'ils se situent dans les environs immédiats

des villages de Latti et Tabaré. Il est donc plus que douteux que les villag«sLati »et

de iiTaboura » du canton de Torodi correspondent à Latti et Tabaré.

4.7\ Le Niger s'appuie ensuite sur un« Rapport de tournée, subdivision de Say,

13-27 septembre 1933 »522.Quant au nom « Fombonou )}(que le Burkina n'a pas localisé

sur une carte), il y apparaît seulement de manière fugace et incohérente. En effet, ce

document présente d'abord une liste des villages de différents cantons, avec la mention de

la population de chacun. Fombonou n'y figure pas. Ensuite sont présentés les cheptels

relevant de chaque village.1ciFombonou apparaît dans la liste des villages du canton de

Tamou (alors que, si l'on suit les indications du document précéden,t il devrait plutôt se

situer dans le canton de Torod.i), mais les cheptels sont les suivants :

moutons: néant;

chèvres: néant;

bovins: néant;

ânes: néant;

chevaux: néant.

Enfin, le document présente un tableau des cultures par village. Fombonou n'y apparaît

pas. Finalement, cc document montre seulement que le village de Fombonou, qui n'a ni

population , ni cheptels , ni cultures, n'existait pas à la date du recensement en cause.

4.72 C'est sans doute sur la base de cette liste mentionnant le village fantôme de

Fombonou qu'ont par la suite été é tablis la« Liste des cantons et villages du Niger

transmise en 1948 au ministre de la France d'Outre-Mer })523 et le « Répertoire

alphabétique des villages par canton, Canton de Torodi, mis à jour au 1er janvier

1954 »524.Ils ne prouvent donc rien. Par ailleurs, pour les mêmes raisons qu'exposées

dans le paragraphe 4.70 supra,les villages de « Lati » et «Taboura })mentionnéscomme

figurant dans le canton de Torodi ne sauraient être assimilés à Latti et Tabaré. Au

demeurant, le dernier de ces deux documents ne retient plus l'orthographe «Lari » mais

celle de« Pati ».

~2 Annexe MN, série C, nO51.
~2 Almexe MN, sérieC. nO71 ; « Fombou»y est mentionnédans le canton de Tamou.
~42Annexe MN, sérieC, n° 8«Fombongou » yest mentionnédans le canton de Torodi.

1344.73 Le Niger invoque encore \'« Arrêtén° 2794/APA fixant le siège et le

ressort des bureaux de vote en vue des élections à l'Assembléenationale , 1955»525,Mais

ce document est surtout intéressant en ce qu'il prouve définitivernenl qu« Taboura» ne

saurait êtreassimilé à « Tabaré », puisqu'il indique que TabouTa relève, sur le plan

électoral, de Saisi , ressort du bureau de vote des villages de Alfassi, Saisi et

Bosseybangou. Or, le village de Balsi se trouve à une telle distance du village de Tabaré

qu'il est impossible qu'il en soit le bureau de vote, ce qui atteste que Taboura et Tabaré

sont bien deux villages différents.

4.74 Le Niger mentionne enfin un « Relevédes recouvrements d'impôts, Canton

de Torodi, 1971 »526,une « Liste des villagesdu canton de Torodi, 19 août 1973 »527,et

une « Liste des bureaux de vote de l'arrondissement de Say, ICI"ovembre 1989 »528.Mais

dès lors qu'ils ont étéétablis après les indépendances,ces documents ne sauraient être

considéré s comme pertinents. Il en va de mêmedes documents avancéspar le Niger pour
529
justifier d'effectivitésrelatives au village de Tiabogo.

4.75 En tout état de cause, l'argument fondésur les effectivités tombe de lui-

mêmedèslors que le Niger prétendles faire primer sur l'Erratum qui n'ajamais étéremis

en cause durant la période coloniale ct dont la pertinence pour la description du tracéa été

conventionnellement réaffinnéepar l'Accord entre les Parties de 1987. Et le texte de

l'Erratum est parfaitement clair: la ligne « se prolonge en ligne droite ».

4.76 Pour toutes ces raisons, le Burkina conclut, s'agissant du « secteur de Say»

que:

le tracéde la frontièredécritpar le Niger n'a aucun fondement;

le tracéde la frontière dans le secteur de Say est celui décrità la page 158 du

mémoiredu Burkina et suit:

m Annexe MN, sérieB, n31.
526Annexe MN, sérieC, n102.
sn Annexe MN, sérieC, n103.
~82Annexe MN, série C. 106.
~92Listes des localitésdu canton de Torodi, Arrondissement de Say, Département1991et2001éri,
(annexes MN, sérieC, n0107 et 108).

135 - une ligne droite de la borne astronomique de Tao (Lat. : 14° 03'04.7" N ; Long.:

0° 22' 51.8" E)530 jusqu'au point où la frontière atteint la rivière Sirba à

Bossébango u (Lat. : 13 21' 06,5" N ; Long. : 1 17' 11,0" E)'" ;

- de ce point, la frontière suit d'est en ouest la rive droite de la rivière Sirba

jusqu'au point, situésur sa rive droite, de coordonnées: Lat. : 13° 19' 53,S" N ;

Long. : 1 07' 20,4" E ;

- de ce point, la frontièresuit le tracéfigurant sur la carte à 1/200000 de l'Institut

géographique national de France, é dition 1960, jusqu'au point de coordonnées

Lat. : 13 22' 30,0" N ; Long. : 0 59'40,0" E;

- de ce point, la frontière suit une ligne droite de direction sud aboutissant à

l'intersection de la rive droite de la rivièreSirba et du parallèle de Say (Lat. : 13°

06' 10,7" N ; Long. : 0 59'40,0" E);

- de ce point, la frontièresuit une ligne droite jusqu'au débu t de la boucle de Botou

(Tyenkilibi) (Lat. : 12 36' 19,2" N; Long.: 1 52'06,9" E)"'.

530Les coordonnéesde ce point ont étérelevéesau OPS par le Burkina. Les coordonnéesde cette borne sur

l'ellipsoïde Clarke 1880sont: Lat. : 1403' 13"N ; Long. : 00" 22'53" E.
531Les coordonnéesde ce point, ainsi que des suivants, sont donnéessur l'ellipsoïde Clarke 1880.
m Les coordonnéesde ce point sont celles retenues par le procès-verbal des travaux de la mission conjointe
de relevédu 3 juillet 2009 (annexe MBF 101). Il s'agit de coordonnéesrelevéesau OPS (ellipsoïde WOS
84).

136 CONC LUSIONS

5.1. Compte tenu de l'ensemble des considérations de son mémoire et du présent

contre-mémoire, le Burkina Faso persiste intégralement dans les conclusions énoncéesaux
paragraphes 5.1 et 5.2 demoire et prie la Cour de les lui adjuger et rejeter toute

conclus ion contraire de la République du Niger.

Le 20 janvier 20 12,

Signature

JérômeTRAORE

Ministre de la Justice, de la Promotion de
Gardees Sceaux
Agent du Burkina Faso

Signatu-re''+-r---- - -
~ -l
-- ---~

Ambassadeur duurkina Fapres
de la Décentralisation et de la Sécurile Royaume des Pays-Bas, Co-Agent

Co-Agent SOMMAIRE DES CROQUIS

Croquis 0° ) Position des Parties....................................•...... 11

Comparaison des croquis proposés par Delbos et Prudon

avec les tracésdéfendus par l es deux Parties ... ...... ...... ..27

Tracéentre les bornes de Tong-Tong et de Tao....... ...... ...63

Tracéaprès la borne de Tao................... .. ... ... .......65 et 93

Tracédans la zone du saillant ..................... .... .......... .67

Croquis 0°6 Tracédans la zone du sailiant. ...............................117..

Croquis n07 Tournéede recensement de la subdivision de Say, canton

de Tamou, du 10au 13 février 1947 ............................. 131

139 LISTE DESANNEXES

Annexe CMBF 1. Lettre du gouverneur généralde l'AOF au gouverneur du Niger, 2

avril 1927

Annexe CMBF 2. Lettredu directeurp.i.des affaires politiques et administratives au
gouverneur générlade l'AOF,juillet1927

Annexe CMBF 3. Rapport politique annuel du cercle de Tillabéry, 1931

Annexe CMBF 4. Lettre nO2 AP!2 du gouverneur généralde l'AOF au gouverneur
du Niger, 3janvier 1934

Annexe CMBF 5. Lettre nO 418 AP/2 du directeur des affaires politiques et

administratives du gouvernement généralau chef du cabinet

militaire, 7juin 1938

Annexe CMBF 6. Note nO521 CM2 du service géographiquede l'AOF au directeur

des affaires politiques et administratives du gouvernement généra,l

25juin 1938

141

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Contre-mémoire du Burkina Faso

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